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Nos 4146 et 4147

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ET LE PROJET DE LOI,

APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

pour la confiance dans l’institution judiciaire (nos 4091 et 4092)

 

PAR M. Stéphane MAZARS

Député

——

Voir les numéros : 4091 et 4092 


– 1 –

 

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos................................................ 9

Synthèse

I. Présentation synthétique des projets de loi initiaux

A. Le projet de loi ordinaire

1. L’enregistrement et la diffusion des audiences (titre Ier)

2. Les dispositions améliorant le déroulement des procédures pénales (titre II)

a. Le renforcement des garanties dans l’enquête et l’instruction

b. Les modifications dans le jugement des crimes

c. Les modifications relatives à l’exécution des peines

d. Les dispositions diverses

3. De nouvelles dispositions relatives au service public pénitentiaire et au travail des personnes détenues (titre III)

4. Les simplifications procédurales en matière administrative (titre IV)

5. Le renforcement de la confiance du public dans l’action des professionnels du droit (titre V)

a. La déontologie et la discipline des professions du droit (chapitre Ier)

b. Les conditions d’intervention des professions du droit (chapitre II)

6. Dispositions diverses et transitoires (titre VI)

B. Le projet de loi organique

II. Les principaux apports de la commission

1. Des garanties supplémentaires dans le régime d’enregistrement des audiences

2. La protection des libertés dans la procédure pénale

3. Les dispositions relatives aux magistrats à titre temporaire

4. L’amélioration du jugement des crimes

5. Les précisions apportées au nouveau régime de réduction de peine

a. Une clarification de la procédure et des critères à prendre en compte dans l’octroi de la réduction de peine

b. La réintroduction de la limitation de la réduction de peine pour les personnes condamnées pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique

c. L’extension de la nouvelle réduction de peine exceptionnelle

6. La création d’un droit de visite des bâtonniers dans les lieux de privation de liberté

7. Le renforcement des possibilités de travail pour les personnes détenues

8. La clarification des règles et procédures applicables au travail des personnes détenues

9. La poursuite de l’effort de simplification procédurale

10. Les précisions apportées à la réforme de la discipline et de la déontologie des professions du droit

11. La promotion des modes alternatifs de règlement des différends

Examen des articles du projet de loi ordinaire

Titre Ier Dispositions relatives À l’enregistrement et la diffusion des audiences

Article 1er (art. 35, 38 quater [nouveau] et 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; art. L. 2122 du code du patrimoine) Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences

Titre II Dispositions amÉliorant le dÉroulement des procÉdures pÉnales

Chapitre Ier Dispositions renforçant les garanties judiciaires au cours de l’enquête et de l’instruction

Section 1 Dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense

Article 2 (art. 753 [nouveau] et 772 du code de procédure pénale) Ouverture au contradictoire et limitation de la durée des enquêtes préliminaires

Article 3 (art. préliminaire, 561, 6011 [nouveau], 7711, 993, 100, 1005 et 70696 du code de procédure pénale) Préservation du secret professionnel de l’avocat dans la procédure pénale

Section 2 Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence

Article 4 (art. 43472 du code pénal ; art. 11 et 1141 du code de procédure pénale) Protection du secret de l’enquête et de l’instruction

Chapitre II Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire

Article 5 (art. 1373 et 1426 du code de procédure pénale) Encadrement des décisions de prolongation de détention provisoire

Chapitre III Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes

Article 6 (art. 249, 276-1 [nouveau], 304-1 [nouveau], 327, 359, 367, 888 et 923 du code de procédure pénale) Dispositions diverses relatives à la cour d’assises

Article 6 bis (nouveau) (art. 52-1, 80, 118, 397-2 et 397-7 du code de procédure pénale) Possibilité de procéder à l’instruction de certaines affaires criminelles dans un tribunal judiciaire sans pôle de l’instruction

Article 7 (art. 181, 181-1 [nouveau], 181-2 [nouveau], 186, 186-3, 214, 231, 380-16 à 380-22 [nouveaux] du code de procédure pénale, art. 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice) Généralisation des cours criminelles  pour les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle

Article 8 Possibilité, à titre expérimental, de désigner un avocat honoraire pour exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Chapitre IV Dispositions relatives à l’exécution des peines

Article 9 (art. 706-56, 712-4-1, 712-19, 713-43, 717-1, 720, 721, 721-1, 721-1-1, 721-1-2 [nouveau], 721-1-3 [nouveau], 721-2, 721-4 [nouveau], 723-29, 729 et 7291 du code de procédure pénale) Élargissement des possibilités d’incarcération provisoire prononcées par le juge de l’application des peines, développement d’une systématisation des libérations sous contrainte et refonte des régimes de réduction de peine

Chapitre V Dispositions diverses

Article 10 (art. préliminaire, 102, 104, 41, 1801, 199, 196, 49515, 523, 6561, 70674, 7061123 [nouveau], 706113, 8002 et 8031 du code de procédure pénale ; art. L. 42311 du code de la justice pénale des mineurs) Diverses dispositions relatives à la procédure pénale

Titre III Du service public pénitentiaire

Article 11 A (nouveau) (art. 719 du code de procédure pénale) Autorisation des bâtonniers de visiter les lieux de privation de liberté

Article 11 (art. 717-3 du code de procédure pénale) Modification des dispositions générales relatives au travail des personnes détenues au travers de la suppression de l’absence de contrat de travail

Article 12 (art. 719-10 à 719-25 [nouveaux] du code de procédure pénale) Création d’une section relative au travail des personnes détenues

Article 13 (art. 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) Abrogation de l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 relatif à l’acte d’engagement encadrant le travail des personnes détenues

Article 14 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour prendre différentes mesures législatives relatives aux règles applicables en détention en lien avec le travail des personnes détenues

Article 14 bis (nouveau) Prolongation de l’expérimentation relative à la mise en œuvre des actions de formation par apprentissage dans des établissements pénitentiaires

Article 15 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour l’adoption de la partie législative du code pénitentiaire

Article 16 (art. 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. L. 6431-4 du code de la santé publique, art. 844-2 du code de procédure pénale, art. L. 387 du code électoral) Modification des règles applicables dans les îles Wallis et Futuna en matière pénitentiaire

Titre IV Simplifications procédurales

Article 17 (art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Prolongation de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux administratifs

Article 18 (art. L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation) Suppression des audiences « DALO-injonction »  en l’absence de difficulté sérieuse

Article 18 bis (nouveau) (art. L. 12614 du code de la construction et de l’habitation) Accès des huissiers aux boîtes aux lettres des particuliers

Titre V Renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit

Chapitre Ier Déontologie et discipline des professions du droit

Section 1 Discipline des officiers ministériels

Article 19 Principes applicables aux officiers ministériels

Article 19 bis (nouveau) Création des collèges de déontologie des officiers publics et ministériels

Article 20 Autorités chargées de la surveillance des officiers ministériels

Article 21 Mesures infra-disciplinaires

Article 22 Recueil et traitement des réclamations

Article 23 Création de services d’enquête indépendants

Article 24 Création d’une juridiction disciplinaire unique par profession

Article 25 Échelle des peines disciplinaires

Article 26 Suspension provisoire d’un officier ministériel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales

Article 27 Habilitation à légiférer par ordonnance pour rassembler l’ensemble des règles relatives à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels

Section 2 Discipline des avocats

Article 28 (art. 21, 22-1, 22-3 [nouveau], 23, 25, 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) Modification du régime disciplinaire applicable aux avocats

Chapitre II Conditions d’intervention des professions du droit

Article 29 (art. L.111-3 du code des procédures civiles d’exécution) Ajout à la liste des titres exécutoires des actes contresignés par avocats dans le cadre des modes amiables de règlement des différends auxquels le greffe appose la formule exécutoire

Article 29 bis (nouveau) (art. 212, 215, 216 [nouveau] et 217 [nouveau] de la loi n° 95 125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile) Création d’un Conseil de la médiation et précision de l’obligation d’indépendance du médiateur

Article 29 ter (nouveau) (art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Extension du recours préalable obligatoire à l’un des modes alternatifs de règlement des différends aux troubles anormaux de voisinage

Article 30 (art. 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) Délivrance de titre exécutoire par le CNB en cas de non-règlement des cotisations par les avocats

Article 31 (art. 216, 375, 475-1 et 618-1 du code de procédure pénale ; art. 761-1 du code de justice administrative ; art. L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales et art. 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) Production des justificatifs de frais de justice

TITRE VI Dispositions diverses et transitoires

Article 32 Habilitation à légiférer par ordonnance en matière d’entraide pénale internationale

Article 33 (art. L. 124-2 du code de l’organisation judiciaire) Délocalisation des audiences hors normes dans le ressort de la même cour d’appel

Article 34 (art. L. 211-21 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire) Désignation de tribunaux judiciaires pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance

Article 35 (art. 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 20182022 et de réforme pour la justice) Report de la réforme de la procédure d’injonction de payer

Article 36 Modalités d’entrée en vigueur

Article 37 (art. L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs, L. 531-1, L. 551-1 et L. 561-1 du code de l’organisation judiciaire, 711-1 du code pénal, 804 du code de procédure pénale, 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, L. 641-1 du code des procédures civiles d’exécution, 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 69-2 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) Application outre-mer

Examen des articles du projet de loi organique

Titre Ier Dispositions relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

Article 1er (art. 4110 A, 4110, 4114, 4125 et 4126 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires

Article 2 (art. 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019  relative au renforcement de l’organisation des juridictions) Abrogation des dispositions organiques autorisant les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire à exercer les fonctions d’assesseurs des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation

Titre II Dispositions relatives au statut de l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Article 3 Expérimentation du statut de l’avocat honoraire pouvant exercer des fonctions juridictionnelles en qualité d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Titre III Dispositions relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences devant la cour de justice de la république

Article 4 (art. 26 de la loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République) Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République

Article 5 Entrée en vigueur

Comptes rendus des débats

Deuxième réunion du mercredi 5 mai 2021 (14 heures 30)

Troisième réunion du mercredi 5 mai 2021 (21 heures)

Première réunion du jeudi 6 mai 2021 (10 heures 30)

Seconde réunion du jeudi 6 mai 2021 (14 heures 30)

Personnes entendues par le rapporteur


– 1 –

 

Mesdames, Messieurs,

Le Président de la République, désigné par les Français dans des circonstances connues de tous, et l’Assemblée nationale composée peu après, n’ont eu de cesse de travailler à la restauration de la confiance des citoyens dans les institutions. Les lois pour la confiance dans la vie politique, qui furent les premiers textes adoptés de la législature, en ont été la manifestation immédiate ([1]).

L’amélioration du fonctionnement de notre justice, indissociable de la confiance des citoyens dans nos institutions et dans notre société, a été au cœur de nos préoccupations. En particulier, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et les importants efforts budgétaires qui l’ont accompagnée ont permis d’accroître la lisibilité, la rapidité, la cohérence et l’efficacité de notre système judiciaire. Qu’il s’agisse de la simplification des procédures civile et pénale, du renforcement de l’efficacité et du sens de la peine ou de l’amélioration de l’efficacité de l’organisation judiciaire, le Parlement a été à la source d’importants progrès que viennent aujourd’hui compléter les projets de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Ces textes ambitieux sont l’occasion de poursuivre, de manière cohérente et pragmatique, l’amélioration de la justice. Ils marqueront des pas décisifs, en matière civile comme en matière pénale, pour aplanir des difficultés persistantes comme pour répondre aux exigences des professionnels et des justiciables envers une institution fondamentale de la vie de la nation.

Une justice qui inspire confiance, une justice à laquelle les Français se confient, n’a pas à se dissimuler à leur regard. Il faut garder à l’esprit l’objurgation de Beaumarchais : « N’enfermez pas sous le boisseau le fanal de la justice, et l’on ne sera pas obligé d’en éclairer la voie par d’autres moyens ; donnez la publicité nécessaire à vos terribles procédures, et elles n’auront pas besoin de publication dans des factums. » En ouvrant les prétoires aux caméras, sans pour autant leur laisser une liberté absolue qui mettrait en péril les droits des justiciables, on permettra aux citoyens de mieux connaître la justice, de mieux comprendre ses procédures, de mieux apprécier le dévouement de ses magistrats et personnels.

L’objectif de renforcer la confiance dans la justice se décline ensuite dans différents domaines : en améliorant le déroulement des procédures pénales, en solidifiant l’exécution des peines, en modernisant le service public pénitentiaire, en simplifiant certaines procédures administratives ou encore en encadrant davantage la déontologie, la discipline et les conditions d’intervention des professions du droit.

Les plus grandes évolutions, en matière de procédure pénale, poursuivent l’objectif commun d’une justice qu’on ne puisse soupçonner de céder à la partialité, à l’acharnement, à l’indignité. Comment une autorité judiciaire qui enquêterait officieusement et sans contradiction sur une même personne pendant des années pourrait-elle susciter la confiance ? Comment une autorité judiciaire qui se dispenserait d’un respect absolu pour les droits de la défense pourrait-elle exiger, dans un même mouvement, qu’on ajoute foi aux arrêts fondés sur de tels manquements ? Comment affirmer l’indépendance de la justice quand le secret de l’instruction et de l’enquête est violé à répétition jusqu’à ce que le sentiment de sa désuétude s’impose pratiquement à tous ? Les mauvaises pratiques n’ont pas vocation à essaimer. En traçant un cadre strict, bordé par les droits fondamentaux, dans lequel pourra agir la justice, avec sérénité mais avec efficacité, ces projets de loi précipiteront le nécessaire rassemblement du peuple français autour de l’autorité judiciaire, gardienne de leur liberté et garante de leur égalité devant la loi républicaine.

Le projet de loi améliore également le jugement des crimes dans notre pays en modifiant les conditions de saisine des pôles de l’instruction, en perfectionnant le fonctionnement des cours d’assises et en généralisant les cours criminelles départementales. Ces mesures permettront de réduire les délais d’audiencement pour les crimes ainsi que la durée des placements en détention provisoire tout en préservant l’oralité des débats qui fait l’identité de la justice criminelle française. Les cours criminelles limiteront la correctionnalisation de certains crimes, notamment de nature sexuelle, contre lesquels le Parlement n’a cessé de lutter au cours des dernières années.

L’amélioration de ces procédures d’enquête et de jugement ne peut qu’aller de pair avec un renforcement des règles applicables en matière d’exécution des peines. Dans ce domaine, le système des réductions de peine est refondu afin de proposer un régime unique fondé sur une évaluation individualisée des efforts accomplis par les personnes détenues. Cette évolution garantira une plus grande lisibilité de ce dispositif et une corrélation plus adéquate entre le comportement des condamnés et l’exécution de leur peine.

Le quatrième grand objectif poursuivi par ces projets de loi fait écho aux propos tenus par le Président de la République lors de son discours à l’école nationale d’administration pénitentiaire qui promettait le lancement d’« initiatives pour que d’une façon générale l’activité soit au cœur de la peine, qu’il s’agisse de travail ou de formation, mais également de la capacité à offrir aux condamnés la possibilité de réintégrer pleinement la communauté nationale par ce truchement » ([2]).

Le titre III du projet de loi ordinaire prévoit ainsi l’intégration dans notre droit de nouvelles dispositions relatives au travail en détention. En particulier, la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire marque une avancée considérable dans ce domaine en ce qu’il permettra de mieux encadrer ce travail et d’accorder aux détenus les droits qui en découlent tout en prenant en compte les contraintes inhérentes à la détention.

En matière civile, les article 19 à 28 du projet de loi proposent une transformation en profondeur de la discipline et de la déontologie de certaines professions du droit (notaires, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce et avocats). Ils précisent la mission de surveillance des officiers publics et ministériels par le procureur général et dotent les présidents des instances professionnelles locales et nationales de nouveaux pouvoirs pour mettre fin plus rapidement aux manquements disciplinaires des professionnels. Les réclamations feront systématiquement l’objet d’un traitement soit par le recours à un mode alternatif de règlement des litiges, soit par une procédure disciplinaire. Les usagers pourront désormais saisir directement les juridictions disciplinaires. Ces dernières, composées de professionnels et de magistrats, seront seules compétentes pour connaître de ces poursuites.

Ces mesures vont clarifier, simplifier et rendre plus transparent et efficace le contrôle de la discipline des officiers ministériels et des avocats. Les professions ont pleinement participé à l’élaboration de cette réforme.

Le projet de loi envisage également plusieurs améliorations des conditions d’intervention de ces professions, au bénéfice tant des professionnels que du justiciable. Ainsi, les accords issus d’un mode alternatif de règlement des différends, contresignés par les avocats de chacune des parties, pourront se voir attribuer la force exécutoire après apposition de la formule exécutoire par le greffe. De même, afin de faciliter le payement des frais irrépétibles avancés, il est prévu d’inscrire dans la loi la possibilité qu’ont les parties de produire les justificatifs de leurs frais de justice, y compris les honoraires d’avocats. Par ailleurs, la qualité de la pratique de la médiation sera favorisée grâce à la création d’un Conseil national de la médiation qui pourra proposer des pistes d’amélioration sur ce thème.

Motivés par des ambitions auxquelles on ne peut que souscrire, incorporant les recommandations formulées par de nombreuses missions d’information ainsi que les conclusions de plusieurs travaux récents de votre commission des Lois, ces projets de lois recueilleront l’adhésion de la représentation nationale et, à travers elle, des Français dans leur ensemble.


– 1 –

 

   Synthèse

I.   Présentation synthétique des projets de loi initiaux

A.   Le projet de loi ordinaire

1.   L’enregistrement et la diffusion des audiences (titre Ier)

Le titre Ier comprend uniquement l’article 1er du projet de loi. Il rompt avec l’interdiction de filmer les audiences juridictionnelles, qui prévaut depuis 1954, pour créer au sein de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un régime d’enregistrement sonore ou audiovisuel en vue d’une diffusion au grand public. Ces nouvelles règles s’appliquent aux juridictions judiciaires, mais aussi à la justice administrative et aux juridictions financières.

L’accord des personnes filmées est requis pour l’enregistrement des audiences à huis clos ou en chambre du conseil, non pour celui des audiences publiques. La diffusion ne peut intervenir qu’une fois l’affaire définitivement jugée, sauf devant les cours faîtières – Conseil d’État et Cour de cassation – qui sont au sommet de leur ordre de juridiction et traitent de questions juridiques sans apprécier au fond les faits en litige. Les mineurs, les majeurs protégés et certains personnels des forces de sécurité intérieure sont systématiquement occultés ; les autres personnes enregistrées le sont également sauf décision contraire de leur part.

En ouvrant les salles d’audience aux caméras, et à travers elles au regard du plus grand nombre, une meilleure compréhension des mécanismes juridiques est recherchée. La présentation aux citoyens, dans une démarche pédagogique, des intervenants de l’audience et des différentes branches du droit devrait contribuer, en dissipant les rumeurs et les idées préconçues, à établir une confiance plus solide avec les institutions.

2.   Les dispositions améliorant le déroulement des procédures pénales (titre II)

a.   Le renforcement des garanties dans l’enquête et l’instruction

Le chapitre Ier se compose des articles 2 à 4, qui réaffirment les garanties offertes aux justiciables au cours des investigations régies par le code de procédure pénale.

L’article 2 limite la durée de l’enquête préliminaire à deux ans, avec possible prolongation d’un an, après quoi le procureur de la République met en mouvement l’action publique, prononce une mesure alternative aux poursuites ou classe sans suite. En matière de délinquance et de criminalité organisées ainsi que de terrorisme, le délai assigné est de trois ans et peut être prolongé de deux ans.

Le même article impose le principe du contradictoire dans l’enquête préliminaire. Le procureur de la République peut le décider à tout moment. Le suspect peut le solliciter un an après une audition ou une perquisition, mais aussi à la suite d’une révélation dans les médias – sauf manœuvre, faits de terrorisme ou criminalité et délinquance organisées. Cet accès au dossier est alors de droit, mais peut être retardé de six mois si le parquet juge la communication attentatoire aux investigations. Deux ans après une audition ou une perquisition, l’enquête est forcément contradictoire. L’ouverture au contradictoire suite à une médiatisation est exclue en matière de délinquance ou de criminalité organisées et de terrorisme.

L’article 3 accorde une meilleure protection aux droits de la défense et au secret qui leur est attaché, dont la valeur est inscrite à l’article préliminaire du code de procédure pénale. Il conditionne la perquisition au cabinet ou au domicile d’un avocat à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’une infraction et à leur mention dans une décision motivée portée à la connaissance du bâtonnier. La décision du juge des libertés et de la détention sur la validité des saisies contestées par le bâtonnier peut faire l’objet d’un recours suspensif devant le premier président de la cour d’appel. Les interceptions de communication et les réquisitions sur les données de connexion de la ligne téléphonique d’un avocat sont soumises à l’autorisation motivée du juge des libertés et de la détention.

L’article 4 protège le secret de l’enquête et de l’instruction en réprimant sa violation de peines plus sévères. Les enquêtes en cours pourront, si nécessaire, faire l’objet d’une communication par un officier de police judiciaire sous le contrôle du procureur de la République.

b.   Les modifications dans le jugement des crimes

Le chapitre III, qui traite des modalités de jugement des affaires criminelles, se compose de trois articles.

L’article 6 modifie diverses dispositions relatives aux cours d’assises :

– le 1° crée une « audience préparatoire criminelle » dont l’objet est de rechercher un accord entre les parties sur la liste des témoins et des experts cités et sur la durée de l’audience ;

– le 2° change la majorité nécessaire pour former une décision défavorable à l’accusé. Elle passe de six voix sur neuf à sept voix sur neuf ;

– le 3° concerne les règles d’incarcération applicables aux accusés condamnés ayant comparu libres devant la cour d’assises. Il prévoit l’obligation de délivrer un mandat de dépôt en cas de prononcé d’une peine d’emprisonnement.

L’article 7 procède à la généralisation des cours criminelles départementales, dispositif expérimental introduit par l’article 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Les 1° et 2° fixent les règles d’orientation des affaires devant la cour criminelle départementale en modifiant l’article 181 du code de procédure pénale et en créant deux articles 181-1 et 181-2 dans le même code.

Les 3° à 8° procèdent aux coordinations résultant de l’intégration des cours criminelles dans le code de procédure pénale.

Le 9° insère une nouvelle division dans le code de procédure pénale (« De la cour criminelle départementale ») qui contient sept nouveaux articles fixant la compétence (article 380-16), la composition (article 380-17) et l’organisation (article 380-18) des cours criminelles, ses spécificités par rapport à la cour d’assises (article 380-19) et les conditions dans lesquelles elle peut renvoyer une affaire devant celle-ci (article 380-20), les modalités de recours contre ses décisions (article 380-21) et l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle aux affaires dont elle est saisie (article 380-22).

L’article 8 prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la possibilité de désigner un avocat honoraire en tant qu’assesseur de la cour d’assises et de la cour criminelle.

c.   Les modifications relatives à l’exécution des peines

L’article 9, unique disposition du chapitre IV, modifie plusieurs articles du code de procédure pénale :

– il complète le premier alinéa de l’article 712‑19 en étendant les possibilités pour le juge de l’application des peines d’ordonner une incarcération provisoire ;

– il complète l’article 720 qui fixe les règles applicables en matière de libération sous contrainte aux deux tiers des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans ;

– il introduit plusieurs modifications des règles relatives aux réductions de peine. Il modifie les articles 721 et 721‑1 afin de procéder à la suppression de l’automaticité des crédits de réduction de peine (CRP) et à leur fusion avec les réductions supplémentaires de peine (RSP). Est ainsi créé un dispositif unique de réductions de peine pouvant être octroyées par le juge de l’application des peines. Cette mesure est complétée par un mécanisme de réduction de peine exceptionnelle pouvant être accordée aux condamnés ayant permis d’éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire ou à porter atteinte à l’intégrité des personnels pénitentiaires.

En complément, les autres points de l’article 9 procèdent à plusieurs coordinations, notamment à l’article 721‑1‑1 pour les condamnés en matière de terrorisme, ainsi qu’à deux corrections.

d.   Les dispositions diverses

Le projet de loi apporte enfin au code de procédure pénale diverses modifications d’importance variable.

L’article 5, unique disposition du chapitre II, vise à limiter le recours à la détention provisoire. Il facilite le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ainsi qu’au bracelet anti‑rapprochement dans les affaires de violence conjugale. Il exige également que la prolongation d’une détention provisoire au-delà de huit mois fasse l’objet d’une motivation spéciale.

Quant à l’article 10, unique disposition du chapitre V, il comporte un grand nombre de mesures ponctuelles facilitant la procédure de comparution préalable de culpabilité, imposant la notification à une personne mise en cause de son droit de ne pas s’incriminer, permettant l’anonymisation des enquêteurs étrangers chargés de la lutte contre le terrorisme dans les procédures judiciaires françaises et autorisant la création de juridictions spécialisées dans les crimes sériels. Il aménage enfin le code de la justice pénale des mineurs en donnant compétence au juge des enfants pour délivrer mandat en cas de violation du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence.

3.   De nouvelles dispositions relatives au service public pénitentiaire et au travail des personnes détenues (titre III)

Le titre III comprend six articles portant principalement sur le cadre juridique du travail des personnes détenues.

L’article 11 modifie l’article 717‑3 du code de procédure pénale pour y supprimer le principe d’absence de contrat pour les relations de travail des personnes incarcérées ainsi que d’autres règles afférentes.

L’article 12 insère dans le code de procédure pénale une nouvelle section relative au travail des personnes détenues qui crée un contrat d’emploi pénitentiaire et en précise le régime. Par coordination, l’article 718 du code de procédure pénale est quant à lui abrogé.

L’article 13 tire les conséquences de ces évolutions en abrogeant l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

L’article 14 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à ouvrir des droits sociaux aux travailleurs détenus, à favoriser l’accès des femmes détenues aux activités, à lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail en détention, à favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortir de détention, à adapter les règles en matière de santé au travail, à adapter les modalités d’intervention en détention de l’inspection du travail, à permettre l’implantation en détention d’établissements et services d’aide par le travail, à réserver certains marchés relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques implantés en détention.

L’article 15 habilite le Gouvernement à adopter par voie d’ordonnance la partie législative d’un futur code pénitentiaire.

L’article 16 adapte l’organisation et le fonctionnement du service public pénitentiaire existant dans les îles Wallis et Futuna ; il modifie pour cela l’article 99 de la loi n° 2009 1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, ainsi que l’article L. 6431‑4 du code de la santé publique. Les articles 844‑2 du code de procédure pénale et L. 387 du code électoral sont quant à eux abrogés.

4.   Les simplifications procédurales en matière administrative (titre IV)

Le titre IV comprend deux articles concernant la procédure administrative.

L’article 17 prolonge l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges de la fonction publique et litiges sociaux jusqu’au 31 décembre 2022.

L’article 18 modifie l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation afin de permettre d’ordonner sans audience le logement ou le relogement d’une personne lorsque sa situation ne présente pas une difficulté sérieuse.

5.   Le renforcement de la confiance du public dans l’action des professionnels du droit (titre V)

a.   La déontologie et la discipline des professions du droit (chapitre Ier)

Le titre V compte treize articles répartis en deux chapitres.

Le chapitre Ier concerne la déontologie et la discipline des professions du droit.

Sa section 1 concerne spécifiquement la discipline des officiers ministériels (notaires, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce et avocats aux Conseil d’État et à la Cour de cassation).

L’article 19 définit la finalité des obligations déontologiques auxquelles sont soumis les officiers ministériels. Il prévoit la création d’un code de déontologie pour chacune de ces professions et rappelle que les infractions aux principes déontologiques constituent des manquements disciplinaires.

L’article 20 confie aux parquets généraux la surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels. Les procureurs généraux pourront saisir les services d’enquête, demander des explications aux professionnels comme aux instances représentatives et exercer l’action disciplinaire. Pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, cette compétence sera exercée par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près la Cour de cassation.

L’article 21 habilite l’autorité compétente de chaque profession à demander des explications à un officier ministériel en cas de manquement à ses obligations. Elle pourra, même d’office et avant l’engagement de poursuites disciplinaires, demander des explications, prononcer un rappel à l’ordre ou adresser une injonction pouvant être accompagnée d’une astreinte.

L’article 22 prévoit la remise d’un accusé de réception par l’autorité de la profession à l’auteur d’une réclamation à l’encontre d’un officier ministériel. Il fixe les conditions d’information du professionnel concerné et rend obligatoire l’organisation d’une procédure de conciliation. L’auteur de la réclamation doit être informé sur les suites qui sont données à sa requête et sur les autres recours dont il dispose.

L’article 23 crée un service d’enquête indépendant auprès des chambres de discipline de première instance des différentes professions d’officier ministériel. Ce service pourra être saisi soit par le procureur général, soit par l’autorité de la profession compétente pour engager les poursuites disciplinaires, soit par la juridiction disciplinaire. Il disposera de pouvoirs d’instruction étendus, notamment la possibilité de demander la transmission de documents soumis au secret professionnel.

L’article 24 met fin à la dualité des juridictions disciplinaires (tribunal judiciaire et chambre de discipline) en instituant des chambres disciplinaires auprès des instances représentatives des professions d’officier ministériel. Il fixe la composition, échevinée, de ces chambres qui seront présidées par un magistrat et connaîtront de l’ensemble des poursuites disciplinaires en première instance au niveau local et en appel au niveau national. Ces arrêts pourront faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’article 25 modifie la nature et l’échelle des peines disciplinaires pouvant être prononcées à l’encontre d’un officier ministériel : avertissement, blâme, interdiction d’exercer à titre temporaire, destitution et retrait de l’honorariat. Il crée également différentes peines d’amende et renvoie à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités de publicité de ces décisions.

L’article 26 confie au président de la chambre de discipline ou à son suppléant la faculté de suspendre provisoirement un officier ministériel pendant la durée de l’enquête ou de la procédure – disciplinaire ou pénale. Il fixe la durée maximale de cette mesure et les recours pouvant être exercés par le professionnel suspendu.

L’article 27 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de réunir les dispositions relatives à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels telles qu’elles sont prévues par les articles 19 à 26 du présent projet de loi. Cette habilitation doit également lui permettre de procéder aux adaptations nécessaires dans le statut des différentes professions afin de créer les chambres disciplinaires et de préciser la portée des nouvelles peines disciplinaires.

La section 2 du chapitre Ier concerne la discipline des avocats.

L’article 28 étend à la profession d’avocat certaines dispositions de la réforme de la discipline des officiers ministériels. Il fait ainsi évoluer les modalités de recueil des réclamations, attribue la présidence du conseil de discipline à un magistrat et prévoit la création d’un code de déontologie pour la profession.

b.   Les conditions d’intervention des professions du droit (chapitre II)

L’article 29 ajoute à la liste des titres exécutoires prévue à l’article L. 111‑3 du code des procédures civiles d’exécution les transactions et actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une consultation ou d’une procédure participative contresignés par les avocats des parties, après apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

L’article 30 attribue les effets d’un titre exécutoire à la décision rendue par le Conseil national des barreaux en cas de non-paiement par un avocat de sa cotisation annuelle, en l’absence d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente.

L’article 31 permet aux parties de produire devant le juge administratif, le juge pénal ou devant la commission du contentieux du stationnement payant, les justificatifs des sommes qu’elles demandent au titre des frais irrépétibles.

6.   Dispositions diverses et transitoires (titre VI)

L’article 32 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an, les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour l’application de textes européens en matière d’entraide internationale.

L’article 33 étend la possibilité de délocaliser un procès hors normes aux fins de garantir la bonne administration de la justice aux tribunaux situés dans une commune se trouvant dans le ressort de la même cour d’appel.

L’article 34 prévoit la désignation d’un ou plusieurs tribunaux judiciaires spécialement compétents pour traiter des actions relatives au devoir de vigilance des sociétés.

L’article 35 reporte de deux ans l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure d’injonction de payer devant le juge civil, qui prévoit sa dématérialisation et l’institution d’une juridiction nationale unique des injonctions de payer.

L’article 36 régit l’entrée en vigueur des dispositions de la loi tandis que l’article 37 est consacré aux dispositions d’application outre-mer.

B.   Le projet de loi organique

L’article 1er organise la participation des magistrats non professionnels au sein des juridictions criminelles, qu’ils ne peuvent composer majoritairement. Les magistrats à titre temporaire et les magistrats honoraires pourront exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales.

L’article 2 abroge les dispositions qui permettaient aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires d’exercer les fonctions d’assesseur de la cour criminelle dans le cadre de l’expérimentation à laquelle il est mis fin par l’article 7 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

L’article 3 crée, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un statut d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, compétent pour siéger en qualité d’assesseur de la cour d’assises et de la cour criminelle en application de l’article 8 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

L’article 4 rend applicable le régime d’enregistrement des audiences défini à l’article 1er du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire aux procès tenus devant la Cour de justice de la République.

L’article 5 régit l’entrée en vigueur des dispositions précédentes.

II.   Les principaux apports de la commission

1.   Des garanties supplémentaires dans le régime d’enregistrement des audiences

Si la Commission a largement soutenu le projet du Gouvernement de procéder à l’enregistrement et à la diffusion des audiences juridictionnelles, elle l’a assorti de conditions strictes afin de préserver au mieux les droits fondamentaux des personnes (article 1er).

Un amendement de Mme Alexandra Louis a subordonné l’enregistrement d’une audience non publique à laquelle est partie une personne vulnérable – mineur ou majeur protégé – à l’accord de la personne en charge de ses intérêts.

Un amendement de M. Pascal Brindeau a confié au président de l’audience le pouvoir d’interrompre l’enregistrement ad notum.

Des amendements de Mme Laetitia Avia et M. Pascal Brindeau ont donné à toutes les personnes enregistrées la possibilité de rétracter, dans les quinze jours suivant l’audience, leur consentement à la diffusion de leur image et d’éléments permettant leur identification.

Enfin, un amendement du rapporteur a fait de la violation des conditions de diffusion ainsi prescrites un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

2.   La protection des libertés dans la procédure pénale

Tout au long du titre II du projet de loi, la commission des Lois a veillé à préserver au mieux les droits et libertés des justiciables, sans pour autant porter atteinte à l’efficacité de l’action pénale.

À l’article 2, plusieurs amendements ont été votés pour assurer la pleine effectivité des dispositions encadrant la durée de l’enquête et l’accès des personnes qu’elle concerne au dossier de la procédure. À l’initiative de M. Antoine Savignat, elle a imposé la motivation de la décision du procureur de la République de prolonger l’enquête préliminaire d’un an ou deux ans suivant les faits qui en font l’objet. Sur proposition de Mme Laetitia Avia, elle a également précisé que l’ouverture immédiate au contradictoire suivait les révélations portant atteinte à la présomption d’innocence, le moyen de communication utilisé pour propager l’information auprès du grand public étant indifférent. Des amendements du rapporteur ont précisé les conséquences d’un dépassement du délai imparti pour l’enquête, à savoir, et sauf exception, la nullité des actes accomplis, ainsi que l’application pratique du dispositif en cas de regroupement de plusieurs affaires et pour la computation des délais.

À la demande de la totalité des groupes politiques, vingt amendements ont été adoptés à l’article 3 pour calquer la définition du secret de la défense et du conseil sur celle prévue à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Des sous-amendements du rapporteur et de Mme Laetitia Avia ont assuré la cohérence rédactionnelle de ces initiatives, justifiées par le fait que l’avocat veille déjà aux intérêts de son client dans la perspective d’éventuelles procédures pénales avant même l’engagement de celles-ci. Au même article, un amendement du Gouvernement a étendu le contrôle du juge des libertés et de la détention sur la décision de perquisition du cabinet ou du domicile d’un avocat. Les investigations intrusives (perquisitions, saisies, interceptions) devront satisfaire à un contrôle de proportionnalité aux faits reprochés, comme l’ont prévu trois amendements de Mme Naïma Moutchou. Enfin, à l’initiative de Mme Laurence Vichnievsky, les faits justifiant les investigations pourront également constituer à une infraction connexe à celle recherchée par les enquêteurs.

Les peines prévues par diverses infractions pénales correspondant, en réalité, à une violation du secret de l’enquête et de l’instruction, ont été harmonisées à l’article 4 sur la proposition de M. Didier Paris.

À l’article 10, le droit de se taire a été inscrit à l’article préliminaire du code de procédure pénale à l’initiative du rapporteur. Un amendement de Mme Naïma Moutchou a autorisé le recours à la signification électronique, déjà possible dans les affaires civiles, en matière pénale. La possibilité pour les victimes de solliciter l’accompagnement d’un avocat dans un dépôt de plainte a été réaffirmée sur la suggestion de Mme Alexandra Louis. Enfin, un amendement du Gouvernement a ouvert de nouvelles facultés de procéder à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, y compris au plus près de la décision de la juridiction de jugement.

3.   Les dispositions relatives aux magistrats à titre temporaire

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois s’est attachée à renforcer le rôle des magistrats à titre temporaire. Elle les a autorisés à participer à la composition de la cour d’assises dans les mêmes conditions que les magistrats honoraires (article 6 du projet de loi et article 1er du projet de loi organique), ainsi qu’à siéger au tribunal de police pour les contraventions de la cinquième classe (article 10 du projet de loi).

En cohérence avec ces nouvelles missions et au vu des difficultés de recrutement énoncées dans l’étude d’impact, la Commission a également admis que soient confiées des fonctions de magistrat à titre temporaire à des agents publics, sous des conditions strictes écartant tout risque de conflit d’intérêts, de manquement à l’indépendance et d’atteinte à la dignité des fonctions (article 1er du projet de loi organique).

4.   L’amélioration du jugement des crimes

Outre l’extension aux magistrats temporaires des fonctions d’assesseurs de la cour d’assises, la commission des Lois a souhaité poursuivre l’amélioration des jugements des crimes engagée par les articles 6 à 8 du projet de loi.

Concernant la phase d’instruction, la commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteur visant à modifier les critères de renvoi des affaires criminelles vers les pôles de l’instruction. Ainsi, les affaires ne présentant pas un degré de complexité ou de gravité particulier pourront être instruites par le tribunal judiciaire dans le ressort duquel les faits ont été commis, y compris en l’absence de pôle. Cela limitera les situations dans lesquelles les justiciables, en raison de l’éloignement du traitement de leur dossier, rencontrent des difficultés à suivre la procédure et sont contraints à multiplier les déplacements (article 6 bis).

Concernant la préparation des audiences, la commission des Lois a renforcé la portée de la nouvelle audience préparatoire criminelle prévue à l’article 6 en la rendant obligatoire, à l’initiative de M. Dimitri Houbron. Cette mesure permettra de mieux anticiper la durée et le déroulement des audiences.

Concernant le déroulement des audiences, des amendements de votre rapporteur et du Gouvernement ont été adoptés pour modifier les discours d’ouverture prononcés par le président de la cour d’assises : le premier pour l’adapter à la cour d’assises d’appel lorsque celle-ci ne statue que sur la peine ; le second pour permettre au président de mentionner dans son rapport introductif des éléments à décharge ne figurant pas dans l’ordonnance de mise en accusation afin de renforcer l’objectivité de cette présentation initiale (article 6).

La commission des Lois a veillé à l’articulation de la cour d’assises avec les nouvelles cours criminelles, dont l’expérimentation est généralisée par l’article 7, par l’adoption de deux amendements de votre rapporteur. Elle a précisé les modalités de calcul des délais maximaux d’audiencement en cas de réorientation d’une affaire vers la cour d’assises ou la cour criminelle. Elle a également prévu que le président de la cour criminelle soit choisi parmi les magistrats de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises afin de mieux préserver l’oralité des débats qui fait la spécificité des juridictions criminelles.

Enfin, la commission des Lois a souhaité renforcer les obligations d’indépendance et d’impartialité pesant sur les avocats honoraires appelés à exercer des fonctions juridictionnelles dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 8. Elle a donc modifié l’article 3 du projet de loi organique encadrant ce nouveau statut pour préciser qu’un avocat honoraire siégeant comme assesseur ne pourra connaître d’un dossier s’il a eu des relations professionnelles avec les conseils d’une des parties, y compris si cela n’a pas de lien avec l’affaire.

5.   Les précisions apportées au nouveau régime de réduction de peine

a.   Une clarification de la procédure et des critères à prendre en compte dans l’octroi de la réduction de peine

La commission des Lois a souhaité clarifier la procédure applicable au nouveau régime de réduction de peine introduit par l’article 9 du présent projet de loi. Elle a pour cela adopté :

– deux amendements de votre rapporteur et un amendement de Mme Cécile Untermaier précisant que les décisions du juge de l’application des peines sont prises après avis de la commission de l’application des peines et complétant la composition de celle-ci d’un représentant des surveillants pénitentiaires ;

– deux amendements de votre rapporteur prévoyant, d’une part, la mention explicite de l’application de la réduction de peine aux personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine sous écrou et, d’autre part, l’information du condamné, lors de sa mise sous écrou, des règles afférentes à la réduction de peine ;

– un amendement de votre rapporteur et trois amendements identiques de Mme Laetitia Avia et de MM. Didier Paris et Raphaël Schellenberger précisant que la réduction de peine peut être octroyée aux condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion – et non pas uniquement pour l’un ou l’autre.

La commission des Lois a également précisé les éléments pouvant être pris en compte pour apprécier ces deux critères d’octroi de la réduction de peine en adoptant :

– deux amendements de votre rapporteur et de Mme Laetitia Avia introduisant une liste non exhaustive des éléments pouvant être pris en compte pour apprécier la bonne conduite des personnes détenues ;

– cinq amendements complétant, corrigeant et précisant la liste, toujours non exhaustive, des éléments pouvant être pris en compte pour apprécier les efforts sérieux de réinsertion des personnes détenues.

Enfin, à l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a également souhaité limiter, comme dans le système actuel, les possibilités d’octroi de réduction de peine pour les personnes condamnées refusant le traitement ou les soins qui leur sont proposés à trois mois par an.

b.   La réintroduction de la limitation de la réduction de peine pour les personnes condamnées pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique

En cohérence avec la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, adoptée définitivement par le Parlement au mois d’avril dernier ([3]), la commission des Lois a adopté un amendement de M. Jean-Michel Fauvergue afin de réinsérer dans le présent texte la limitation de la réduction de peine à laquelle seront éligibles les condamnés pour agression sur des dépositaires de l’autorité publique à quatre mois par an, durée équivalente au régime voté le mois dernier par le Parlement (article 9).

c.   L’extension de la nouvelle réduction de peine exceptionnelle

La Commission a souhaité compléter le nouveau dispositif de réduction de peine exceptionnelle également créé par l’article 9 et a pour cela adopté un amendement de Mme Laetitia Avia ajoutant aux actes susceptibles d’entraîner l’octroi d’une telle réduction de peine exceptionnelle ceux ayant évité que soit porté atteinte à la vie ou l’intégrité physique ou psychique des détenus (article 9).

6.   La création d’un droit de visite des bâtonniers dans les lieux de privation de liberté

Au sein du titre III relatif au service public pénitentiaire, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel avant l’article 11 de Mme Naïma Moutchou qui étend le droit de visite de certains lieux de privation de liberté, actuellement réservé aux parlementaires ([4]), aux bâtonniers ou à leur représentant spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre, en le limitant toutefois à leur ressort. Ce droit de visite concerne les locaux de garde à vue, les lieux de rétention administrative, les zones d’attente, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés (nouvel article 11 A).

7.   Le renforcement des possibilités de travail pour les personnes détenues

En cohérence avec les objectifs poursuivis par le présent projet de loi, la commission des Lois a souhaité étendre le champ des activités professionnelles accessibles aux personnes en détention. Elle a pour cela adopté :

– un amendement de Mme Christine Cloarec-Le Nabour prévoyant qu’au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer, aux personnes incarcérées qui en font la demande, non seulement une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale, mais également une validation d’acquis de l’expérience (article 11) ;

– un amendement de M. Didier Paris intégrant dans la liste des structures externes à l’administration pénitentiaire pouvant être donneur d’ordre dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire les structures liées à l’économie sociale et solidaire (article 12) ;

– quatre amendements de M. Pacôme Rupin introduisant plusieurs possibilités pour les personnes détenues de continuer leur travail commencé en détention malgré la fin de leur incarcération ou malgré un transfert dans un autre établissement pénitentiaire (article 12) ;

– un amendement de Mme Fadila Khattabi visant à prolonger de deux ans, jusqu’au 1er janvier 2025, l’expérimentation en cours relative à l’apprentissage en détention, mise en place par l’article 12 de la loi pour choisir son avenir professionnel ([5]) (nouvel article 14 bis).

8.   La clarification des règles et procédures applicables au travail des personnes détenues

La commission des Lois a clarifié plusieurs des règles et procédures applicables au travail des personnes détenues. Elle a pour cela adopté, à l’article 12, plusieurs amendements de votre rapporteur qui ont notamment permis de :

– mieux détailler et organiser les procédures de classement au travail et d’affectation sur un poste de travail ;

– préciser la possibilité pour le chef d’établissement de décider d’une désaffectation d’un détenu de son poste de travail pour raison disciplinaire ;

– réintroduire de manière explicite le principe de la rémunération horaire du travail des personnes détenues, ainsi que celui de son indexation sur le SMIC et de la possibilité de sa modulation en fonction du régime de travail.

9.   La poursuite de l’effort de simplification procédurale

La commission des Lois a adopté sans modification l’article 17, relatif au prolongement de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire, et l’article 18, relatif aux injonctions de relogement sans audience.

À l’initiative de votre rapporteur et de M. Nicolas Demoulin, elle a également souhaité améliorer la prévention des expulsions et le recours au règlement amiable des litiges en facilitant l’accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres des particuliers afin qu’ils puissent signifier plus rapidement leurs actes sans procéder, pour chaque intervention, à une demande d’autorisation auprès des syndics des immeubles dans lesquels ils souhaitent intervenir (article 18 bis).

10.   Les précisions apportées à la réforme de la discipline et de la déontologie des professions du droit

La commission des Lois a souhaité renforcer la place accordée par le projet de loi à la déontologie. Elle a adopté des amendements de Mme Cécile Untermaier et de M. Fabien Matras portant création d’un collège de déontologie auprès de chacune des professions d’officier public et ministériel. Ce collège, dont la composition intègre des professionnels et des personnalités qualifiées, sera chargé d’accompagner l’instance nationale dans l’élaboration du code de déontologie et de participer à sa diffusion au moyen d’avis et de recommandations (article 19 bis).

La commission des Lois a également adopté, afin de préciser la nouvelle procédure décrite aux articles 20 à 28, :

– un amendement de votre rapporteur visant à encadrer le montant de l’astreinte pouvant être prononcée par l’autorité de la profession dans le but de faire cesser un manquement sans engager de poursuites disciplinaires (article 21) ;

– des amendements de votre rapporteur et de Mme Laetitia Avia, au nom du groupe La République en Marche, pour prévoir un mécanisme de filtre des saisines directes des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats permettant au président de cette juridiction d’écarter les réclamations abusives, infondées ou irrecevables (articles 22 et 28) ;

– deux amendements de votre rapporteur pour permettre à des magistrats honoraires d’exercer les fonctions de président ou de membre des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats et ainsi de limiter les difficultés qui auraient pu apparaître en termes de ressources humaines et de proximité entre magistrats et professionnels (articles 24 et 28) ;

– un amendement de votre rapporteur précisant les conditions du prononcé et de la levée de la mesure de suspension provisoire applicable à un professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales, notamment dans le but de garantir le caractère équitable et proportionné de cette sanction (article 26).

11.   La promotion des modes alternatifs de règlement des différends

La commission des lois a poursuivi la démarche de promotion des modes amiables de règlement des différends.

Elle a d’abord adopté trois amendements (nouvel article 29 bis) modifiant la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile de nature à favoriser l’amélioration de la pratique de la médiation :

– un amendement du Gouvernement créant un Conseil national de la médiation qui pourra proposer aux pouvoirs publics toutes pistes d’amélioration et assurer la promotion de la médiation ;

– un amendement de Mme Laurianne Rossi inscrivant dans la loi le principe déontologique d’indépendance du médiateur ;

– un amendement précisant la possibilité offerte aux parties de rendre leur accord exécutoire plus facilement que via l’homologation par le juge, en se fondant sur l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution tel que modifié par l’article 29 du projet de loi.

Elle a ensuite étendu l’obligation de recours préalable à un mode alternatif de règlement des différends aux troubles anormaux de voisinage (nouvel article 29 ter).

*

*     *

 


– 1 –

 

Examen des articles du projet de loi ordinaire

Titre Ier
Dispositions relatives À l’enregistrement et la diffusion des audiences

Article 1er
(art. 35, 38 quater [nouveau] et 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; art. L. 2122 du code du patrimoine)
Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour admettre l’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences judiciaires et administratives en vue de leur diffusion. L’accord des personnes enregistrées est requis pour l’enregistrement des audiences non publiques, non pour celui des audiences publiques. La diffusion ne peut intervenir qu’une fois l’affaire définitivement jugée, sauf devant les cours faîtières – Conseil d’État et Cour de cassation – qui sont au sommet de leur ordre de juridiction. Les mineurs, les majeurs protégés et certains personnels des forces de sécurité intérieure sont systématiquement occultés ; les autres personnes enregistrées le sont également sauf si elles acceptent d’apparaître à l’écran.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu que l’enregistrement du procès est de droit dans les affaires de terrorisme à la demande du ministère public, et que la diffusion peut avoir lieu sans autorisation préalable dès la décision devenue définitive.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté dix-huit amendements au présent article, précisant notamment les garanties attachées au dispositif – caractère écrit du consentement des parties, modalités de rétractation dans la perspective de la diffusion d’éléments d’identification ou encore dispositions spéciales applicables aux personnes vulnérables.

1.   L’état du droit

a.   Une interdiction de principe des enregistrements judiciaires

La publicité des débats est un acquis de la Révolution française, déjà réclamé par les cahiers de doléances. Dès 1790, l’Assemblée nationale décrète que, « en toute matière civile ou criminelle, les plaidoyers, rapports et jugements seront publics » ([6]). Cette règle est même inscrite, quelques années plus tard, dans la Constitution ([7]).

Le principe de publicité des débats menés devant les juridictions administratives et judiciaires « a pour corollaire le droit d’en rendre compte dans la presse, sauf disposition légale en sens contraire » ([8]). À ce titre, les journalistes peuvent relater le contenu des débats sous la protection de la loi ([9]).

Le principe de liberté totale a longtemps prédominé. La presse écrite et les reporters de la radiotélévision naissante avaient toujours accès aux prétoires, hormis dans les rares exceptions posées par la loi du 29 juillet 1881 – essentiellement les procès en diffamation, dans lesquels la preuve des faits diffamatoires est interdite, et la préservation du secret du délibéré. Seul le pouvoir de police de l’audience dont est investi le président de la formation de jugement venait borner, au nom du bon déroulement de l’audience et du libre exercice de leurs droits par les parties, la publicité de la grande majorité des audiences ([10]).

Toutefois, malgré ce grand libéralisme de la loi, le Gouvernement était intervenu à deux reprises après-guerre pour encadrer la présence des journalistes dans les palais de justice :

– une circulaire du 6 juillet 1949 recommandait aux présidents des cours d’assises, des tribunaux de grande instance et aux juges de paix de ne pas se prononcer en faveur de la radiodiffusion des débats judiciaires, c’est-à-dire de faire de leur pouvoir de police de l’audience un obstacle à la présence de la presse, ce à quoi les magistrats répugnaient de crainte d’être accusés de dissimuler la procédure aux yeux de l’opinion publique ([11]) ;

– une circulaire du 20 janvier 1953 réagissait à l’agitation que ne manquait pas de générer la présence médiatique au cours des procès. Elle soulignait notamment que « la seule présence dans la salle d’audience ou ses dépendances des installations nécessaires à la radiodiffusion, à la cinématographie ou la télévision cause un trouble qui ne peut être toléré… ».

Le législateur se trouve contraint d’agir lorsque les dérives du sensationnalisme atteignent leur paroxysme, au moment du procès en cours d’assises de Gaston Dominici, qui voit notamment la retransmission radiophonique en direct du réquisitoire de l’avocat général ([12]). Alors que l’arrêt est rendu le 28 novembre 1954, c’est dès le 1er décembre 1954 que l’Assemblée nationale vote définitivement, dans une proposition de loi comportant un article unique, la révocation de la liberté d’accès des journalistes aux prétoires ([13]).

L’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse se trouve complété d’une règle d’une grande rigueur : « Pendant le cours des débats et à l’intérieur des salles d’audience des tribunaux administratifs ou judiciaires, l’emploi de tout appareil d’enregistrement sonore, caméra de télévision ou de cinéma, est interdit. Sauf autorisation donnée à titre exceptionnel par le garde des Sceaux, ministre de la justice, la même interdiction est applicable à l’emploi des appareils photographiques. » L’enregistrement sonore et audiovisuel fait l’objet d’une interdiction absolue ; une autorisation ministérielle est nécessaire pour prendre des photographies. En 1958, la violation de cette interdiction devant les juridictions pénales devient un délit puni d’une amende pouvant atteindre 90 000 francs ([14]).

Ce principe d’interdiction perdure aujourd’hui : nul ne peut enregistrer ou diffuser des audiences devant les juridictions administratives ou judiciaires. Il figure désormais à l’article 38 ter de la loi précitée du 29 juillet 1881, qui dispose que, « dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette interdiction. »

b.   Des exceptions au principe d’interdiction

Le cadre légal ne saurait décrire à lui seul la réalité puisque, dans la pratique, les autorités judiciaires continuent de délivrer des autorisations d’enregistrer des débats, pour des longs-métrages ou pour des documentaires à destination du grand public. Cette habitude contra legem est répandue puisque, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, plusieurs dizaines de demandes de captation d’audience ont été adressées en 2019 à la direction des services judiciaires et transmises aux cours d’appel, pour donner lieu à des autorisations exceptionnelles – sans préjudice des demandes qui n’ont pas transité par la Chancellerie. Il existe même un cadre conventionnel garantissant le visionnage technique précédant la diffusion pour veiller au respect de l’anonymat des parties.

Avant même son examen, le cadre législatif actuel semble donc ignoré par les autorités judiciaires, ce qui plaide en faveur de sa rénovation. L’interdiction générale et absolue de l’enregistrement et de la diffusion des audiences juridictionnelles est d’ailleurs rapidement apparue excessive, de sorte que le législateur l’a d’ores et déjà tempérée à deux reprises pour introduire trois exceptions :

– depuis 1981 ([15]), l’article 308 du code de procédure pénale permet de procéder à des enregistrements sonores à des fins strictement judiciaires des procès d’assises ([16]). En première instance, la captation des débats est décidée par le président, d’office ou à la demande du ministère public ou des parties. En appel, l’enregistrement sonore est obligatoire sauf renonciation expresse des accusés. Dans les deux cas, les victimes peuvent solliciter l’enregistrement audiovisuel de leur audition. Cette exception est donc très limitée puisque destinée aux seules juridictions, à l’origine principalement à la cour de révision pour déterminer la teneur des débats longtemps après le procès ;

– depuis 1981 également ([17]), les prises de vue avant le début du procès sont possibles sur autorisation du président d’audience et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent ([18]). Très encadrée, cette dérogation ne permet cependant pas de suivre les débats proprement dits ;

– depuis 1985 enfin ([19]), un enregistrement intégral, audiovisuel ou sonore, est possible devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire lorsqu’il présente un intérêt, au nom du devoir de mémoire, pour la constitution d’archives historiques de la justice ([20]). L’autorité juridictionnelle compétente autorise la présence de caméras après avoir recueilli les observations des parties, du président de l’audience et du ministère public ([21]). L’enregistrement est communicable à des fins historiques ou scientifiques « dès que l’instance a pris fin par une décision devenue définitive » ([22]). La diffusion est soumise à une autorisation du président du tribunal judiciaire de Paris, après que toute personne justifiant d’un intérêt pour agir a été mise en mesure de faire valoir ses droits ; elle ne devient libre qu’après cinquante ans et aucune occultation des personnes filmées n’est prévue ([23]). Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, quatorze instances ont été filmées depuis 1985, dont les procès de Klaus Barbie, de Maurice Papon et de la catastrophe d’AZF.

2.   Cadres constitutionnel et conventionnel

a.   Les principes constitutionnels applicables

Le Conseil constitutionnel a érigé en principe la publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives ([24]). Il a considéré que cette exigence découlait des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([25]).

La question précise de la constitutionnalité de l’interdiction de filmer les audiences juridictionnelles, qui résulte de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, a été portée devant le Conseil constitutionnel, qui y a répondu dans sa décision n° 2019-817 QPC du 6 décembre 2019, Mme Claire L..

Au visa de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 ([26]), le Conseil constitutionnel a jugé que la loi portait une atteinte à la liberté d’expression et de communication nécessaire, adaptée et proportionnée pour les motifs suivants :

– cette interdiction garantit la sérénité des débats que commande l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice (par. n° 7) ([27]) ;

– elle prévient les atteintes que la diffusion des images ou des enregistrements issus des audiences pourrait porter au droit au respect de la vie privée ([28]) des parties et des personnes participant aux débats, à la sécurité des acteurs judiciaires et, en matière pénale, à la présomption d’innocence de la personne poursuivie ([29]) (par. n° 7) ;

– l’interdiction des dispositifs de captation et d’enregistrement au cours des audiences est d’autant plus susceptibles de perturber les débats que l’évolution des moyens de communication peut lui conférer un retentissement important portant atteinte aux intérêts précités (par. n° 8) ;

– l’interdiction d’enregistrement ne prive pas le public qui assiste aux audiences de la possibilité de rendre compte des débats, y compris pendant leur déroulement, sous réserve du pouvoir de police du président.

Le Conseil constitutionnel juge donc l’actuelle interdiction de captation et d’enregistrement des audiences conforme à la Constitution. Néanmoins, il n’affirme aucunement l’inconstitutionnalité d’une solution différente, pourvu qu’elle concilie les différents principes énoncés.

b.   Le cadre conventionnel applicable

L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Mais un certain nombre de restrictions sont possibles si elles sont « prévues par la loi » et nécessaires « dans une société démocratique ».

La Cour européenne des droits de l’homme considère que l’identité, le nom et l’image de la personne font partie intégrante de sa vie privée, laquelle couvre aussi bien l’intégrité physique que morale. Elle juge que « la garantie offerte par l’article 8 de la Convention est principalement destinée à assurer le développement, sans ingérences extérieures, de la personnalité de chaque individu dans les relations avec ses semblables (…). Il existe donc une zone d’interaction entre l’individu et des tiers qui, même dans un contexte public, peut relever de la vie privée » ([30]).

Par ailleurs, « l’enregistrement d’images vidéo constitue une ingérence dans la vie privée d’un individu » ([31]). Cependant, une ingérence de l’autorité publique est possible à condition qu’elle soit prévue par la loi, qu’elle poursuive un ou des buts légitimes et qu’elle soit nécessaire dans une société démocratique ([32]). Comme l’indique l’étude d’impact jointe au projet de loi, pour apprécier la légitimité du but poursuivi et la nécessité de la mesure, la Cour prend en considération la contribution des publications à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies. C’est ainsi qu’elle considère qu’une publication portant atteinte à la vie privée d’une personne est acceptable lorsque le texte et le contexte dans lequel il s’inscrit concourent à l’intérêt général, qui a trait « aux questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité » ([33]).

Enfin, sans qu’il soit exactement question de diffusion télévisée des audiences, la Cour soutient le principe d’une publicité au plus grand nombre, qu’elle juge porteuse d’avantages significatifs. Ainsi, « la publicité de la procédure protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public ; elle constitue aussi l’un des moyens qui contribue à préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l’article 6 § 1 : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention » ([34]).

Il revient donc au législateur, sous le contrôle du juge, d’opérer une juste conciliation entre la protection de la vie privée et les exigences de l’intérêt général. En France la Cour de cassation considère que le fait de mettre en lumière une partie de la vie d’une personne est inévitable dans la relation d’une affaire judiciaire et qu’il ne saurait constituer une atteinte à la vie privée ([35]).

3.   Éléments de droit comparé

L’étude d’impact jointe au projet de loi est particulièrement riche en éléments permettant la comparaison des différentes pratiques internationales et étrangères.

i.   Les juridictions internationales

Pour la plupart d’entre elles, les juridictions internationales enregistrent et diffusent leurs audiences depuis le procès des dirigeants du Reich allemand par le tribunal militaire international de Nuremberg entre le 20 novembre 1945 et le 1er octobre 1946. Les exigences liées à l’interprétariat n’ont pas empêché les enregistrements, auxquels s’attachait une immense valeur historique.

Il en est allé de même du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui, à partir de 1996, a jugé les auteurs de crimes de guerre commis pendant les conflits des années 1990 dans les Balkans. Les diffusions ont eu lieu avec un différé de 30 minutes, notamment sur internet, pour permettre à la régie de couper, à la demande des juges, un passage attentatoire à la sérénité des débats.

La Cour internationale de justice (CIJ), organe de l’Organisation des Nations Unies qui statue sur les litiges de droit international, diffuse elle-même ses audiences. Une salle de presse dédiée aux journalistes accrédités retransmet en direct les audiences publiques en langues française et anglaise.

La Cour pénale internationale (CPI) diffuse l’intégralité de ses audiences avec un différé de trente minutes sur son site internet.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) met à la disposition du public l’intégralité de ses audiences publiques. Les enregistrements sont consultables le jour même. Toutes les audiences publiques depuis 2007 peuvent être visionnées dans leur intégralité, avec interprétation en français et en anglais.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ne diffuse pas ses audiences. Elle ne permet aux médias ni de les enregistrer, ni de les diffuser. Une salle de presse est réservée aux journalistes accrédités qui peuvent prendre des photographies ou faire des enregistrements audio uniquement des prononcés des décisions et de la lecture des conclusions. L’utilisation de flashes, de téléphones, d’ordinateurs et d’autres appareils électroniques n’est pas autorisée à l’audience.

ii.   Les pays européens

Régimes de douze pays européens sur l’enregistrement de l’audience

 

Principe de l’enregistrement

Exceptions pour les médias

Exceptions pour le tribunal lui-même

France

Interdiction

 

Pratiques d’enregistrement tolérées contra legem

Archives historiques

Procès d’assises pour l’usage des juridictions

Allemagne

Autorisation préalable pour l’enregistrement audio de l’audience si intérêt national historique ou scientifique et impact politique

Audiences pénales uniquement à l’usage des juridictions et à fin de conservation

Grèce

Autorisation du tribunal si accord des parties et intérêt public substantiel

Non renseigné

Malte

Autorisation du tribunal si accord des parties

Lettonie

Autorisation préalable au pénal si accord des parties, au civil après avis des parties

Pologne

Autorisation préalable de la juridiction

Irlande

Autorisation préalable du tribunal

Projet de diffusion des audiences de la Cour suprême

Slovaquie

Interdiction pour les médias

Obligation audio par le tribunal

Autorisation du tribunal au pénal pour un enregistrement audio, au civil pour un enregistrement audiovisuel

Sans objet

Royaume-Uni

Interdiction

Autorisation préalable du tribunal

Enregistrement audio des assises

Slovénie

Interdiction de filmer l’audience en intégralité

Autorisation exceptionnelle pour filmer l’intégralité de l’audience si nécessaire à des informations correctes

Possibilité de filmer dans le but d’informer le public

Finlande

Interdiction pour les médias

Liberté pour la juridiction

Autorisation préalable du tribunal pour filmer les audiences publiques

 

Non renseigné

Espagne

Liberté d’accès des médias

 

Interdiction de filmer les débats si décision motivée de la juridiction

Interdiction de filmer les victimes majeures protégées et mineures

Enregistrement des audiences par le greffe du Tribunal

Source : étude d’impact jointe au projet de loi.

La grande majorité des États européens interdit l’enregistrement et la diffusion des audiences. L’Espagne est une exception notable puisque la médiatisation de la justice y est un principe : les médias peuvent filmer les audiences mais ni les personnes vulnérables ni les mineurs. Les greffes conservent les enregistrements de toutes les audiences.

Dans tous les pays qui ont choisi la prohibition, il existe des dérogations permettant de filmer à titre exceptionnel. C’est le cas en Grèce, à Malte, en Lettonie, en Pologne, en Slovaquie, au Royaume-Uni, en Irlande et en Finlande. L’accord des parties peut constituer un préalable, notamment dans les audiences pénales.

Certains pays prévoient des exceptions au profit de la juridiction elle-même. C’est le cas en Allemagne à des fins probatoires. Au Royaume-Uni également, les juridictions enregistrent leurs travaux. En Finlande, l’enregistrement et la diffusion des audiences sont libres, mais de la responsabilité des juridictions et non des médias.

iii.   Le cas particulier des États-Unis

Les États-Unis connaissent une séparation nette entre l’échelon fédéral, hostile à l’enregistrement des audiences, et les États fédérés, qui ont généralisé la diffusion de l’activité de leurs tribunaux.

Tous les États fédérés acceptent la retransmission audiovisuelle des audiences à la seule exception du district fédéral de Columbia. Certains tribunaux étatiques interdisent ou restreignent toutefois la couverture en direct des procès criminels ou de première instance. D’autres exigent de masquer l’identité des témoins, ou de les informer de leur droit de dissimuler leur identité ou de refuser l’enregistrement. D’autres enfin autorisent le juge à interrompre la diffusion.

La justice fédérale, en revanche, pose pour principe que, « sauf disposition contraire d’une loi, (…) le tribunal ne doit pas autoriser (…) la diffusion de la procédure judiciaire depuis la salle d’audience ». Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, cette interdiction remonte à 1946. Plusieurs expérimentations de diffusion ont cependant été menées. Un rapport remis en 2016 a souligné la forte divergence d’appréciation des acteurs judiciaires quant à la nécessité d’installer des caméras dans les salles d’audience. Un autre rapport de 2019 du service de recherche du Congrès attribue les réticences à la crainte d’une atteinte à la vie privée des acteurs du procès (notamment des jurés) ainsi qu’au risque de pression sur les témoins, d’une intrusion de l’opinion publique, d’une perte de confidentialité et de la disparition du relatif anonymat des magistrats et des avocats.

4.   Les dispositions du projet de loi

Le Gouvernement considère qu’il existe une contradiction entre une loi qui interdit en principe les enregistrements et les diffusions d’audience, et une situation de fait qui se caractérise par la délivrance de nombreuses autorisations de filmer les procès. Dès 2005, cette situation était identifiée, de même que les risques résultant du caractère aléatoire et illégal des autorisations accordées ([36]).

Une évolution des règles applicables procurerait de nombreux avantages, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi :

– la garantie de l’effectivité du principe de publicité des audiences, aujourd’hui mis à mal dans le cadre de procès suscitant l’intérêt de l’opinion, par exemple les affaires liées au terrorisme ou à des accidents collectifs ;

– la possibilité pour tous les citoyens d’assister aux débats, quel que soit le lieu où ils se déroulent ;

– l’information du public en donnant à voir le fonctionnement de la justice afin de dissiper les rumeurs et les calomnies ([37]), tout autant que la pédagogie en éclairant les citoyens sur les enjeux encourus en cas de violation de la loi et du contrat ;

– la mise à disposition d’un matériau utile à la formation des personnels de justice, mais aussi aux chercheurs et sociologues de l’institution judiciaire.

Les citoyens ont une mauvaise connaissance de l’institution judiciaire. Cette situation est paradoxale dans la mesure où les programmes de télévision et de radio comptent un grand nombre d’émissions consacrées aux grands procès, aux faits divers, mais aussi au droit de la consommation ou au droit de la famille. La méconnaissance n’a pas nourri le désintérêt ; il faut maintenant l’empêcher d’alimenter la défiance.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([38]), le Conseil d’État a considéré que « le projet répond dans son ensemble [aux] exigences [de la Constitution] ainsi qu’à celle[s] de nature conventionnelle auxquelles la France est liée ».

a.   Le principe d’une autorisation préalable pour l’enregistrement des audiences

L’article 1er du projet de loi modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dont l’article 38 ter édicte le principe général d’interdiction de l’enregistrement et de la diffusion des audiences juridictionnelles. Il crée à cette fin un nouvel article 38 quater détaillant le régime légal permettant de déroger à ladite interdiction.

En effet, il n’est pas envisagé de revenir au système de liberté absolue qui prévalait jusqu’à la loi du 6 décembre 1954. Il y a tout lieu de craindre que le même cadre juridique ne produise les mêmes travers en termes de respect de la présomption d’innocence, de la vie privée et de la sérénité des débats, d’autant que les moyens de communication du XXIe siècle sont incomparablement plus puissants que ceux du siècle précédent. L’exigence constitutionnelle de conciliation de principes antagonistes conduit à privilégier un régime d’autorisation au cas par cas, assorti de conditions strictes évitant les dérives qui avaient amené, par le passé, à une interdiction totale. Dans son avis sur le présent projet de loi ([39]), le Conseil d’État a recommandé de désigner l’autorité compétente « au sein des juridictions pour décider l’enregistrement de l’audience et sa diffusion, excluant par-là que l’autorisation puisse relever d’une autorité administrative ou gouvernementale », recommandation que le Gouvernement a suivie.

Le I impose qu’un projet d’enregistrement d’audience présente un motif d’intérêt public, qui devra être apprécié au moment de délivrer ou de rejeter l’autorisation. La demande devra donc s’inscrire dans un projet pédagogique, culturel ou scientifique. Ce critère participe au respect des cadres constitutionnel et conventionnel, qui tolère l’ingérence de l’autorité publique dans la vie privée lorsqu’elle répond à un but légitime – ici, donner à voir au citoyen le fonctionnement des juridictions.

S’inscrivant dans la suite de l’article 38 ter, l’article 38 quater est donc applicable aux mêmes « audiences des juridictions administratives et judiciaires ». L’audience est le moment de la procédure au cours duquel une formation de jugement entend les parties et leurs conseils en leurs observations orales. Se trouveraient ainsi notamment dans le périmètre de la nouvelle disposition :

– au premier chef, l’ensemble des juridictions relevant de la Cour de cassation ou du Conseil d’État, y compris les juridictions spécialisées ([40]) et ces juridictions faîtières elles-mêmes. L’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant pour l’heure qu’il soit rendu compte d’un certain nombre de procédures ([41]), le II permet de lever cet obstacle avec l’accord des parties. Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, les affaires relatives au droit de la famille présentent un intérêt certain pour les citoyens. Par ailleurs, le III pose une exception au secret de l’enquête et de l’instruction pour permettre l’enregistrement des audiences intervenant préalablement au jugement, notamment devant la chambre de l’instruction ;

– la Cour de révision et de réexamen, qui connaît des décisions pénales définitives lorsque, après une condamnation, vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, ou lorsqu’il résulte d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme que la condamnation a été prononcée en violation des droits du justiciable. La cour de révision est composée de magistrats de la Cour de cassation, et participe donc des juridictions judiciaires ([42]) ;

– le Tribunal des conflits, juridiction unique chargée de trancher les conflits de compétence entre les deux ordres de juridiction, judiciaire et administratif, et de prévenir les dénis de justice nés de la contrariété dans des décisions rendues par des juridictions de ces deux ordres ([43]). Certes, le tribunal des conflits n’appartient à aucun des deux ordres, mais le législateur l’a toujours inclus dans ses dispositions en matière d’enregistrement des audiences, selon des modalités plus ou moins explicites ([44]).

Quant aux juridictions spéciales régies par une loi organique, il conviendra que le législateur organique procède explicitement à un renvoi au présent dispositif pour qu’il trouve à s’appliquer. Tel sera le cas pour la Cour de justice de la République, compétente pour connaître des infractions pénales commises par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions, puisque le Gouvernement en a fait mention à l’article 4 du projet de loi organique n° 4092 déposé en même temps que le présent projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale ([45]). En revanche, le dispositif ne vaudra pas pour la Haute Cour, faute de disposition en ce sens dans le projet de loi organique ([46]).

Quant au Conseil constitutionnel, il n’est pas besoin de s’interroger sur son caractère juridictionnel ou non, puisqu’il a déjà pris l’initiative d’organiser la retransmission des audiences qu’il tient dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité ([47]).

Enfin, le dispositif a également vocation à s’appliquer aux procédures exceptionnelles dès lors qu’elles donnent lieu à une audience devant l’une des juridictions concernées ([48]).

b.   La protection de la vie privée des parties et des personnes assistant à l’audience

Dès lors qu’une audience juridictionnelle est par principe publique, l’article premier ne soumet pas l’enregistrement à l’accord des parties. L’objectif d’intérêt général et le principe de publicité des débats prévalent sur les préventions individuelles par la seule présence du public dans la salle d’audience. L’enregistrement ne modifie pas cet état de fait pour ce qui concerne l’audience dans son ensemble, dans la mesure où les personnes présentes pourront toujours s’opposer à la diffusion de leurs éléments d’identification.

Néanmoins, le législateur a parfois prévu des exceptions au principe de la publicité des débats. Afin d’assurer la protection des personnes et de leur vie privée, le public n’a parfois pas la possibilité d’assister au jugement : on parle en matière pénale de « huis clos » et en matière civile « d’audiences en chambre du conseil ». Dans ces circonstances, l’accord des parties au litige sera systématiquement sollicité au préalable, et le refus de l’une d’elles empêchera l’enregistrement. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas interdire purement et simplement que ce type d’affaires soit filmé, considérant à raison qu’elles présentaient un intérêt pédagogique certain pour le citoyen ([49]).

Que les parties aient été sollicitées ou non, elles ne seront pas lésées par la présence des caméras. En effet, les modalités de l’enregistrement ne devront porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées. L’étude d’impact jointe au projet de loi indique que des règles seront édictées sur le plan réglementaire pour que l’enregistrement se fasse de la manière la plus discrète possible, et ne vienne pas perturber le bon déroulement des débats.

Le président de l’audience est le garant de cette règle essentielle. Titulaire de la police de l’audience, il pourra toujours suspendre ou arrêter l’enregistrement, d’office ou – dans le silence du texte – si l’une des parties le lui suggère. En effet, le droit à l’information du public ne peut contrevenir à la bonne administration de la justice ou au respect du droit de chacun.

Par ailleurs, l’alinéa 8 du I interdit par principe la diffusion de l’image des personnes filmées et de tout autre élément d’identification, sauf accord express et écrit de leur part. Ce consentement sera recueilli avant l’audience.

Trois exceptions sont néanmoins prévues :

– les personnes jugées et plaignantes ainsi que les témoins entendus lors de l’audience bénéficient d’un régime particulier, de manière à prévenir une identification qui pourrait mener à des représailles et les conduire à refuser de paraître devant les juridictions. Non seulement le régime commun d’occultation automatique s’appliquera à eux, mais leur consentement à être identifié pourra également être rétracté entre l’audience et la diffusion ;

– les plus vulnérables, à savoir les mineurs et les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection ([50]), ne pourront faire l’objet d’aucune diffusion de leur image ni d’un élément d’identification ;

– conformément à l’article 39 sexies de la loi précitée du 29 juillet 1881, l’identité des membres des forces de sécurité intérieure désignées par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, ne sera jamais divulguée.

c.   Les règles applicables à la diffusion des enregistrements

La diffusion en direct de l’instance, quoique pratiquée dans les juridictions internationales, est exclue dans les dispositions initiales du projet de loi. Elle mettrait en péril la bonne administration de la justice en la soumettant aux réactions de l’opinion publique en direct, notamment à travers les réseaux sociaux et si l’audience devait durer plusieurs jours. Une telle disposition ne pourrait que renforcer le sensationnalisme et précipiter les dérives qu’il convient absolument d’éviter, tout en dissipant l’intérêt pédagogique et citoyen des diffusions.

La diffusion d’une audience ne sera donc autorisée qu’une fois l’affaire définitivement jugée, c’est-à-dire lorsque la décision rendue ne pourra plus être contestée en appel et en cassation. La présomption d’innocence se trouvera ainsi pleinement respectée.

Le II prévoit une exception pour permettre la diffusion, le jour même, des audiences des cours faîtières – Cour de cassation et du Conseil d’État. Les conditions de cette diffusion, après recueil préalable de l’avis des parties, seront fixées par le décret en Conseil d’État qui décidera également l’autorité compétente au sein des juridictions pour autoriser l’enregistrement de l’audience. Le Gouvernement envisageait initialement une diffusion en direct, mais il a privilégié la suggestion du Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi ([51]) : inscrire dans la loi une diffusion le jour même, « sans empêcher le direct, donne plus de souplesse dans l’organisation de la diffusion ».

L’article premier prévoit d’interdire toute diffusion d’image et d’éléments d’identification après cinq ans à compter de la première diffusion, et au plus tard dix ans après l’autorisation d’enregistrement. Les visages de toutes les personnes présentes à l’audience, y compris des professionnels de justice, seront alors floutés et les éléments d’identification occultés, de sorte que le droit à l’oubli prévale malgré d’éventuelles rediffusions ou en cas de diffusion initiale tardive.

Tous les médias autorisés pourront diffuser les audiences. Un média autorisé à filmer prendra à sa charge les installations techniques, de sorte que l’impact budgétaire soit nul pour les services judiciaires.

5.   Des dispositions complétées par la commission des Lois

L’examen du présent article en commission des Lois a donné lieu à un soutien quasi-unanime des députés au principe d’une diffusion des audiences juridictionnelles. Le régime d’interdiction en vigueur depuis la loi précitée du 6 décembre 1954, largement battu en brèches par la pratique, n’apparaît plus adapté aux enjeux contemporains et à la volonté des citoyens de voir fonctionner l’institution judiciaire.

Les discussions ont notamment porté sur les modalités à mettre en œuvre pour assurer ces diffusions, tant au regard du cahier des charges à imposer aux opérateurs que dans les garanties apportées aux justiciables. Outre six amendements rédactionnels du rapporteur, la Commission a ainsi adopté :

– un amendement de M. Benjamin Dirx précisant que l’accord préalable des parties au litige pour l’enregistrement d’une audience non publique est formulé par écrit, de façon à lever toute ambiguïté ;

– un amendement de Mme Alexandra Louis et du groupe La République en Marche conditionnant, lorsqu’une partie est un mineur ou un majeur protégé, l’enregistrement de l’audience non publique à l’accord de la personne en charge de ses intérêts;

– un amendement de M. Pascal Brindeau laissant toute latitude au président de l’audience pour interrompre l’enregistrement sans avoir à justifier sa décision par un quelconque motif, au nom de la police de l’audience ;

– un amendement de Mme Laetitia Avia et du groupe La République en Marche exigeant que la diffusion de l’enregistrement soit assortie d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques accessibles sur le fonctionnement de l’institution judiciaire, qu’il reviendra au Gouvernement d’inclure parmi les contraintes figurant dans le cahier des charges ;

– deux amendements de Mme Laetitia Avia et un amendement de M. Pascal Brindeau étendant à toutes les personnes enregistrées la possibilité de rétracter, dans les quinze jours suivant l’audience, leur consentement à la diffusion de leur image et d’éléments permettant leur identification ;

– un amendement du rapporteur punissant d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la diffusion d’un enregistrement d’audience en violation des conditions prescrites au présent article ;

Votre rapporteur estime que ces amendements permettent une meilleure protection des droits des personnes, de sorte que le régime juridique d’enregistrement et de diffusion apparaît satisfaisant. Il est notamment essentiel que la diffusion ne puisse intervenir qu’une fois l’affaire définitivement jugée, c’est-à-dire une fois le litige principal effectivement tranché ([52]). Seule l’exception prévue au bénéfice de la Cour de cassation et du Conseil d’État, qui jugent en droit et non en fait, est admissible au regard de l’intention du législateur.

Par ailleurs, l’examen de l’article premier a été l’occasion de procéder à deux coordinations. Deux amendements du rapporteur ont tiré les conséquences de décisions du Conseil constitutionnel ([53]), qui avaient censuré plusieurs dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et rendaient difficilement intelligible la lecture de ses articles 35 et 39. Deux amendements identiques du rapporteur et de M. Benjamin Dirx ont enfin modifié l’article L. 221‑2 du code du patrimoine en prévoyant que la décision d’enregistrer, à fin de constitution des archives audiovisuelles de la justice, une audience du tribunal des conflits relevait de son président et non de son vice-président, l’organisation de la juridiction ayant été réformée en 2015 ([54]).

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Titre II
Dispositions amÉliorant le dÉroulement des procÉdures pÉnales

Chapitre Ier
Dispositions renforçant les garanties judiciaires au cours de l’enquête et de l’instruction

Section 1
Dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense

Article 2
(art. 753 [nouveau] et 772 du code de procédure pénale)
Ouverture au contradictoire et limitation de la durée des enquêtes préliminaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article encadre la durée des enquêtes préliminaires en les limitant à deux ans, avec la possibilité d’une prolongation d’un an. À l’issue de ce délai, le procureur de la République met en mouvement l’action publique, engage une procédure alternative aux poursuites ou classe la procédure sans suite. Les délais sont accrus en matière de délinquance et de criminalité organisées ainsi qu’en matière de terrorisme.

Le présent article ouvre par ailleurs l’enquête préliminaire au contradictoire. Outre la possibilité pour le procureur de la République de décider à tout moment de mener une enquête contradictoire, il étend la possibilité pour le suspect de demander l’exercice de ce droit un an après une audition ou une perquisition, mais aussi à la suite d’une mise en cause par des médias. Le procureur de la République peut retarder l’ouverture au contradictoire de six mois si l’enquête est en cours et si la communication porte atteinte aux investigations. En tout état de cause, deux ans après une audition ou une perquisition, l’enquête se poursuit de façon contradictoire. L’ouverture au contradictoire suite à une médiatisation est exclue en matière de délinquance ou de criminalité organisées et de terrorisme.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a créé sans grand succès une première procédure d’ouverture de l’enquête préliminaire au contradictoire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté au présent article vingt amendements. Si la majorité d’entre eux est de nature rédactionnelle, cinq modifications ont été apportées en faveur d’une motivation de la décision de prolonger l’enquête préliminaire, d’une nullité des actes accomplis postérieurement à l’expiration des délais impartis, d’une précision sur les règles applicables en cas de regroupement de plusieurs affaires, et d’une reformulation des conditions dans lesquelles des informations publiées au mépris de la présomption d’innocence peuvent immédiatement autoriser l’accès d’un mis en cause au dossier.

1.   L’état du droit

a.   Les règles de droit applicables

Dirigée par le procureur de la République ([55]), l’enquête consiste en la recherche d’éléments visant à la constatation et à la caractérisation d’une infraction, à la recherche de l’auteur des faits et au recueil de preuves permettant d’établir la vérité. Le code de procédure pénale en distingue principalement deux :

– l’enquête de flagrance, prévue aux articles 53 à 73, qui n’est possible qu’en cas de constatation d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement. Sa durée est limitée à huit jours, éventuellement seize jours pour les infractions punies d’une peine privative de liberté d’au moins cinq ans, au cours desquels les enquêteurs disposent de pouvoirs étendus ([56]) ;

– l’enquête préliminaire, qui regroupe tout ce qui n’entre pas dans le cadre de la flagrance et qui est longtemps demeurée informelle. Régie par les articles 75 à 78 qui ne lui assignent aucune durée maximale, elle est diligentée par les officiers de police judiciaire, soit d’office, soit sur les instructions du procureur de la République. Les investigations relatives à des faits de criminalité et de délinquance organisées sont régies par une procédure spéciale qui permet aux enquêteurs de recourir à des techniques spéciales d’enquête ([57]).

La procédure pénale prévoit néanmoins une régulation de la durée des enquêtes préliminaires à travers les dispositions organisant leur suivi par le procureur de la République. Ces obligations d’information instaurées en 2000 ([58]), de nature à améliorer le contrôle de l’autorité judiciaire sur le déroulement des investigations dans le cadre des enquêtes préliminaires dont la durée peut être de nature à porter atteinte aux libertés individuelles, prévoient que :

– le procureur de la République qui donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire fixe le délai dans lequel elle doit être effectuée ([59]). La Chancellerie a préconisé un horizon de six mois par circulaire ([60]). À l’issue de ce point d’étape, le procureur de la République peut proroger cette durée s’il l’estime opportun ;

– les officiers de police judiciaire qui mènent une enquête d’office rendent compte au procureur de la République de son état d’avancement quand elle est commencée depuis plus de six mois ([61]).

b.   La typologie des enquêtes

L’étude d’impact jointe au projet de loi comporte des données statistiques utiles sur l’évolution du nombre et de la durée des enquêtes entre 2015 et 2020, même si les chiffres pour l’année 2020 doivent être appréciés avec prudence en raison de l’impact de la crise sanitaire sur la délinquance générale et sur l’activité des services d’investigation.

Pour la police nationale, les enquêtes préliminaires représentent en moyenne 70 % des dossiers traités. Le volume restant relève principalement du régime de la flagrance, les commissions rogatoires d’un juge d’instruction comptant toujours pour moins de 1 % du total des affaires. Environ 60 % des enquêtes préliminaires diligentées par la police nationale portent sur des atteintes aux biens, 20 % sur des atteintes volontaires à l’intégrité des personnes, 18 % concernent des infractions économiques et financières, 2 % touchent aux stupéfiants et 0,57 % à la criminalité organisée ([62]). Quant à la question de la durée à compter de leur enregistrement, les procédures sont clôturées :

– à 70,3 % dans les six mois en 2020 (77,5 % en 2019) ;

– à 84,7 % dans l’année en 2020 (89,2 % en 2019) ;

– à 8,7 % après un à deux ans en 2020 (6,8 % en 2019) ;

– à 3,4 % après deux à trois ans (2,5 % en 2019) ;

– à 3,2 % après trois ans et plus en 2020 (1,5 % en 2019).

Pour la gendarmerie nationale, la part des procédures longues s’établit, pour l’année 2020, à 3,3 % pour les procédures de plus de deux ans, dont 1,8 % pour les procédures de plus de trois ans et 1,4 % pour les procédures de plus de quatre ans. 82,5 % de l’ensemble des enquêtes sont traitées dans l’année de leur ouverture.

Pour l’ensemble des forces, ce sont trois millions d’enquêtes préliminaires qui sont en cours actuellement dans l’ensemble du pays. Entre 82 % (gendarmerie nationale) et 87 % (police nationale) de ces dossiers sont traités dans l’année. Le nombre d’enquêtes d’une durée supérieure à trois ans reste très marginal, mais il représente un nombre important de procédures dont la part est d’ailleurs en progression du fait des événements sanitaires et de leur impact sur l’activité des services.

Il existe en réalité deux types d’enquêtes préliminaires : d’une part, la masse de celles qui concernent les infractions courantes traitées dans les deux ans de leur enregistrement et, d’autre part, un petit nombre d’enquêtes plus longues dont le nombre et la durée tendent à augmenter.

c.   Un contradictoire embryonnaire

Outre sa direction par le parquet, l’enquête s’oppose à l’instruction – confiée à un magistrat spécialisé – du fait de son caractère non contradictoire ([63]). Les personnes faisant l’objet d’une enquête ne sont pas autorisées à accéder à l’ensemble du dossier de la procédure, à formuler des demandes d’actes ou de nullité, à contester les décisions prises au cours de l’enquête. Du reste, rien n’oblige à seulement informer une personne qu’elle fait l’objet d’une enquête.

Cette absence traditionnelle de contradictoire s’est cependant progressivement estompée :

– l’article 60 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de communiquer aux suspects ou aux victimes le résultat des examens techniques, c’est-à-dire des expertises réalisées au cours de l’enquête ([64]) ;

– la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes avait posé une limite stricte. Le procureur de la République, saisi par une personne ayant été gardée à vue plus d’un an auparavant, ne pouvait poursuivre les investigations contre cette personne que sur autorisation du juge des libertés et de la détention après débat entre le procureur et l’avocat de la personne concernée. À défaut, le parquet devait arrêter l’enquête et ouvrir une information judiciaire. Cette disposition a cependant été rapidement abrogée ([65]) ;

– l’article 706-105 du code de procédure pénale ([66]) prévoit que, dans les enquêtes en matière de délinquance ou de criminalité organisées qui se prolongent plus de six mois après une garde à vue, la personne gardée à vue puisse demander que son avocat ait accès au dossier avant de nouvelles auditions ;

– en cas de garde à vue ou d’audition libre, il est possible depuis 2014 d’être assisté par un avocat qui dispose de certaines des pièces de la procédure ([67]) ;

– une phase contradictoire est également prévue par l’article 393 du code de procédure pénale au moment du défèrement ([68]) ainsi que par l’article 388-5 qui autorise le prévenu, entre la convocation à l’audience et le début de celle-ci, à demander au président du tribunal correctionnel qu’il soit procédé à tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité ([69]).

L’ouverture de l’enquête préliminaire au contradictoire figure à l’article 77‑2 du code de procédure pénale, qui avait brièvement existé entre 2000 et 2002, et qui a été réintroduit par la loi du 3 juin 2016 ([70]). Elle est facultative à l’initiative du procureur de la République s’il juge opportune la mise à disposition du dossier de la procédure, et obligatoire à la demande de la personne suspecte ayant fait l’objet d’une audition depuis au moins un an et à l’encontre de laquelle des poursuites sont envisagées. Dans ce cas, lorsqu’il estime l’enquête achevée, le procureur de la République doit, s’il envisage de poursuivre par citation directe ou par procès-verbal (à l’exclusion donc d’une comparution immédiate ou d’une information judiciaire), mettre à disposition une copie de la procédure et recueillir les observations ainsi que les demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité qui seront formulées dans le délai d’un mois. La victime qui a porté plainte dans le cadre de cette enquête est avisée ; elle dispose des mêmes droits.

L’article 802‑2 du code de procédure pénale autorise enfin, depuis 2019, la personne dont le logement a été perquisitionné, et qui n’a pas fait l’objet de poursuites six mois après cette perquisition, à former un recours en annulation de la perquisition dans un délai d’un an ([71]).

2.   Les cadres constitutionnel et conventionnel

a.   Le cadre constitutionnel

Le Conseil constitutionnel impose au législateur de rechercher la conciliation des droits et libertés des personnes, d’une part, et la préservation de l’ordre public, d’autre part. L’enquête préliminaire, comme les autres cadres d’investigation, est ainsi soumise aux principes directeurs du procès pénal ([72]). Au nombre des libertés protégées « figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l’article 66 de la Constitution place sous la protection de l’autorité judiciaire » ([73]).

Cette protection de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire implique une direction des investigations par un magistrat – le juge d’instruction dans l’information judiciaire, le procureur de la République dans l’enquête préliminaire et l’enquête de flagrance – auquel le code de procédure pénale confie la charge de superviser la police judiciaire ([74]). Le contrôle de la légalité, de la nécessité et de la proportionnalité des actes d’enquête sont des protections de la liberté individuelle des citoyens garanties par la Constitution.

La Cour de cassation a donné toute sa portée à cette prescription constitutionnelle en ajoutant que cette direction de l’autorité judiciaire devait être effective. Même si le code de procédure pénale autorise les officiers de police judiciaire à prendre des réquisitions sous l’autorité du procureur de la République, elle a considéré que « l’autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques doit être donnée dans le cadre de la procédure d’enquête préliminaire en cours et non par voie d’autorisation générale et permanente préalable ». La juridiction ajoute « que cette interprétation est commandée par la nécessité de garantir la direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République » ([75]).

En revanche, la Cour de cassation n’a pas condamné le caractère peu contradictoire de l’enquête préliminaire. Elle considère que l’absence d’accès au dossier au cours de l’enquête est sans incidence sur le caractère équitable du procès puisque cet accès est pleinement garanti devant les juridictions d’instruction ou de jugement ([76]).

b.   Le cadre conventionnel

L’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ([77]) protège le droit du justiciable à voir sa cause être entendue dans un délai raisonnable. En matière pénale, il a pour conséquence que les personnes qui font l’objet d’investigations de l’autorité publique ne doivent pas subir cette situation pour un temps excessif avant qu’une formation de jugement vienne statuer sur l’accusation.

Comme le souligne avec précision la Cour européenne des droits de l’homme, « si l’article 6 a pour finalité principale, en matière pénale, d’assurer un procès équitable devant un tribunal compétent pour décider du bien-fondé de l’accusation, il n’en résulte pas que la Cour se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement » ([78]).

La Cour a en effet jugé que la période à laquelle s’applique l’article 6 couvre l’ensemble de la procédure en cause ([79]). Le délai raisonnable peut avoir pour point de départ une date antérieure à la saisine de la juridiction de jugement ([80]) : ce peut être la date de l’arrestation ([81]), de l’inculpation ([82]), de l’ouverture de l’enquête préliminaire ([83]) ou de l’interrogatoire en qualité de témoin assisté ([84]).

Selon le dernier état de la jurisprudence européenne, le moment à retenir est celui à partir duquel le requérant prend connaissance de l’accusation ou lorsque sa situation est substantiellement affectée par les mesures prises dans le cadre d’une procédure pénale ([85]).

La Cour européenne des droits de l’homme, en revanche, ne s’attache pas à la question du contradictoire au cours de l’enquête préliminaire : dissipant les interrogations qui avaient pu résulter de certains arrêts, elle n’impose pas la mise à disposition du dossier lors de l’interrogatoire de police ([86]).

3.   Éléments de droit comparé

L’étude d’impact jointe au projet de loi indique que l’examen des cadres d’enquêtes pénales en Allemagne, Belgique, Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et au Portugal révèle qu’il n’y existe qu’un seul type d’enquête dénommé le plus souvent « enquête préliminaire ». Elle est généralement dirigée par le ministère public – hormis au Royaume-Uni où la police conduit les investigations.

Dans ces États, l’enquête préliminaire est rarement limitée dans le temps (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas). En Espagne, le délai de six mois imposé aux investigations dirigées par le ministère public est indicatif. Toutefois, en Allemagne, une durée excessive d’enquête peut être sanctionnée comme atteinte au droit à un procès équitable.

Parmi les droits conférés à la personne mise en cause, on compte la faculté d’accès au dossier – souvent au cours de la garde à vue – et de demander des actes d’enquête.

4.    Les dispositions du projet de loi

À l’été 2020, le ministre de la justice a chargé Me Dominique Mattei, ancien bâtonnier de Marseille, de présider une commission chargée d’approfondir plus spécifiquement les questions relatives aux droits de la défense dans l’enquête pénale et au secret professionnel de l’avocat. Achevés le 5 février dernier, ses travaux ont donné lieu à des propositions de réforme des règles relatives au déroulement de l’enquête préliminaire, que traduit l’article 2 du projet de loi.

Le II de l’article 36 du projet de loi prévoit cependant que ces dispositions s’appliquent uniquement aux enquêtes commencées après sa publication.

a.   L’encadrement de la durée de l’enquête préliminaire

Le 1° de l’article 2 du projet de loi vise à mettre un terme au caractère potentiellement illimité de l’enquête préliminaire. Caractérisée par le secret des investigations pour préserver son efficacité, elle est aussi attentatoire aux droits des personnes mises en cause qui ne peuvent suivre la procédure et veiller à son caractère équitable. Là où l’information judiciaire préserve mieux l’égalité des armes entre les parties, l’enquête judiciaire donne à l’accusation des moyens étendus qui ne peuvent se justifier sur une longue période d’investigation.

La commission Mattei a cherché à établir un délai équilibré au vu des éléments statistiques fournis par les services enquêteurs. Ce délai devait permettre un traitement inchangé de la masse des procédures, qui sont globalement réalisées en quelques mois, et une poursuite plus longue des investigations pour les dossiers complexes réclamant une attention plus poussée.

Cette ambition est transcrite dans un nouvel article 75-3 du code de procédure pénale.

Le premier alinéa limite la durée d’une enquête à deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance convertie par la suite en enquête préliminaire.

Le deuxième alinéa permet de prolonger le délai de deux ans d’une année supplémentaire, sur autorisation écrite du procureur de la République versée au dossier de la procédure. Cette décision pourra donc être appréciée par la juridiction de jugement.

Le troisième alinéa contraint le procureur de la République à décider de l’étape suivante des investigations avant l’expiration du délai de deux ans ou, en cas de prolongation, de trois ans. Il peut choisir de mettre en mouvement l’action publique en renvoyant devant la juridiction de jugement ou en requérant l’ouverture d’une information judiciaire, choisir une procédure alternative aux poursuites ([87]) ou classer sans suite la procédure.

Le quatrième alinéa porte les délais de deux ans et un an prévus aux deux premiers alinéas à trois ans et deux ans dans les affaires relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées et du terrorisme ([88]). Ces matières exigent des investigations plus lourdes, peuvent comporter un volet international et comportent plus souvent une pluralité d’auteurs. Dans son avis sur le présent projet de loi ([89]), le Conseil d’État a suggéré, pour les mêmes raisons de difficulté et de complexité, « d’ajouter à ces cas dérogatoires les infractions commises en bande organisée, dans les domaines économiques et financiers, de trafics de biens culturels, d’atteinte à l’environnement, d’infractions à la législation sur les jeux, ou d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ».

Enfin, le cinquième alinéa réserve la situation dans laquelle l’enquête serait classée sans suite avant d’être ultérieurement rouverte. Dans ce cas, il est précisé que le temps séparant l’arrêt des investigations de leur reprise n’est pas retenu dans la computation des délais prévus aux alinéas précédents. Cette précision découle d’une recommandation du Conseil d’État ([90]).

b.   L’introduction du contradictoire dans l’enquête préliminaire

Les dispositions encadrant les délais d’enquête apparaissent insuffisantes pour rétablir l’égalité des armes. Quant à l’actuel article 77‑2 du code de procédure pénale instauré par la loi précitée du 3 juin 2016, la commission Mattei a souligné qu’il est « le plus souvent mis en œuvre dans le cadre des enquêtes complexes, à l’initiative du parquet, lequel sait en appréhender les avantages notamment pour présenter à l’audience de jugement une procédure solide » ([91]). Le dispositif conçu par le législateur pour restaurer l’égalité des armes en faveur de la défense est ainsi essentiellement mis à profit par l’accusation.

Le 2° de l’article 2 du projet de loi, qui prévoit le renforcement du contradictoire dans l’enquête préliminaire, procède donc à la réécriture globale de l’article 772 du code de procédure pénale.

i.   À l’initiative du parquet

Le premier alinéa du I reprend le II de la rédaction actuelle, conformément aux préconisations de la commission Mattei qui avait estimé que « la faculté du parquet d’ouvrir le contradictoire constitue l’accroche initiale » du mécanisme. Le procureur de la République détient la possibilité, à tout moment de l’enquête préliminaire et dès lors qu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, d’indiquer à la personne mise en cause et à la victime qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à leur disposition. Elles ont la possibilité de consulter les pièces versées au dossier ([92]) et de formuler toute observation qui leur paraît utile.

Le deuxième alinéa du I apporte une nouveauté au regard de la rédaction actuelle, en définissant les observations que peuvent formuler les personnes invitées à consulter le dossier. Elles peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits, sur les éventuelles insuffisances de l’enquête, sur la nécessité de nouveaux actes nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les suites à donner à l’affaire.

ii.   À l’initiative de la personne mise en cause

En l’état actuel, l’obligation faite au procureur de la République d’aviser la personne préalablement entendue à l’encontre de laquelle il envisage des poursuites de la mise à disposition d’une copie de la procédure et du droit de formuler des observations s’impose seulement lorsqu’il estime l’enquête terminée : elle peut ainsi se poursuivre sans limitation de délai alors que l’intéressé a présenté sa demande d’accès dans les formes requises par la loi. La commission Mattei a considéré que l’ouverture au contradictoire ne devait plus être subordonnée à la seule appréciation du parquet. Elle s’est accordée sur le principe d’un accès sur demande à la procédure.

Le II prévoit l’ouverture au contradictoire à l’initiative d’une personne mise en cause dans l’enquête préliminaire. Toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté ([93]) peut demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations. Cette mise en cause peut prendre trois formes :

– soit la personne a été interrogée en audition libre ou en garde à vue au moins un an auparavant ;

– soit une perquisition a eu lieu chez cette personne au moins un an auparavant ;

– soit des médias ont présenté publiquement cette personne coupable des faits objet de la procédure en portant atteinte à sa présomption d’innocence. Toutefois, cette voie est exclue lorsque les révélations émanent de la personne elle-même, car nul ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes, ou si l’enquête porte sur des faits de terrorisme ou de délinquance ou de criminalité organisées, domaines dans lesquels le droit à l’information de la population revêt une importance supérieure.

Une fois la demande présentée, le procureur de la République qui estime qu’il existe à l’encontre du demandeur des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction punie d’une peine privative de liberté l’avise de la mise à sa disposition d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations, selon les modalités déjà définies au I. Certaines pièces peuvent être retirées du dossier au regard des risques de pression sur les parties ou sur des tiers, précision découlant d’une recommandation du Conseil d’État ([94]).

Le procureur de la République dispose de la possibilité de reporter l’accès au dossier pour six mois – un an dans les affaires de terrorisme ou de délinquance ou de criminalité organisées – s’il estime la communication du dossier risquée pour l’efficacité des investigations à venir. Il en informe la personne par une décision motivée versée au dossier, dans le mois suivant la réception de la demande. Une contestation est possible devant le procureur général, qui statue également dans le mois par décision motivée versée au dossier, et qui peut également être saisi si le procureur de la République a gardé le silence dans le temps imparti pour répondre à la demande.

Pendant un mois à compter de la demande, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision de poursuite, sinon l’ouverture d’une information judiciaire, le défèrement ([95]) ou le recours à une comparution sur reconnaissance de culpabilité ([96]).

Le III prévoit que la victime qui a porté plainte dans le cadre de l’enquête dispose des mêmes droits, dans les mêmes conditions, que le mis en cause ayant obtenu l’accès au dossier de la procédure.

Le IV impose l’ouverture de plein droit de l’enquête préliminaire au contradictoire lorsque deux ans se sont écoulés après une audition libre, une garde à vue ou une perquisition. Le procureur est tenu, s’il souhaite poursuivre les investigations à l’égard des personnes ayant fait l’objet de l’un de ses actes et à l’encontre desquelles existent des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, de mettre la procédure à leur disposition et de leur indiquer qu’elles peuvent formuler des observations.

c.   L’impact estimé sur les services d’enquête et les services judiciaires

L’étude d’impact jointe au projet de loi présente un chiffrage des conséquences des évolutions prévues à l’article 2 en termes de charge de travail pour les personnels et les services d’enquête.

Au regard de l’ouverture du contradictoire, l’accroissement de l’activité qui en découlerait « devrait néanmoins rester limitée, même si elle est impossible à évaluer ». Le temps consacré à l’exposition des arguments pendant l’enquête devrait, selon le Gouvernement, générer une diminution du volume des débats au cours de l’audience puisque les différents points de vue auront été préalablement pris en compte.

Au contraire, l’étude d’impact anticipe une charge plus conséquente pour les services d’enquête et les parquets du fait de l’encadrement des délais de l’enquête. Les décisions de prolongation et les ouvertures supplémentaires d’information judiciaire mobiliseront un surcroît de force de travail.

À l’aune des chiffres de 2020, le nombre d’enquêtes prolongeables peut paraître conséquent : plus de 70 000 procédures, soit, sur la base d’une enquête préliminaire d’un maximum de trente mois, 28 000 enquêtes concernées chaque année. Les référentiels de la Chancellerie considèrent que le traitement d’un dossier par un magistrat nécessite quinze minutes, soit un volume horaire global correspondant à 4,2 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour l’ensemble du territoire national, et que l’activité supplémentaire des greffes s’établirait à 10,4 ETPT – soit trente-cinq minutes par procès-verbal.

Toutefois, l’étude d’impact prévoit que ces projections s’avèrent excessives. La pratique du traitement des procédures anciennes par les parquets démontre qu’elles donnent majoritairement lieu à des alternatives aux poursuites ou à un classement sans suite car elles portent sur des faits de faible gravité, dont le traitement n’est pas prioritaire, ou sur des auteurs qui ne pourront être raisonnablement identifiés. Par ailleurs, la réforme ne s’appliquera pas aux stocks existants et ses effets ne se feront pas sentir avant l’année 2024.

Quant aux informations judiciaires ouvertes à la suite d’enquêtes parvenues à leur limite, l’étude d’impact les évalue en rythme annuel au nombre de 420 à compter de l’année 2024, ce qui apparaît faible au regard des 17 000 instructions commencées chaque année.

5.   Des dispositions précisées par la commission des Lois

L’examen du présent article en commission des Lois a donné lieu à l’adoption de seize amendements du rapporteur améliorant la rédaction proposée par le Gouvernement. Ces reformulations ont notamment permis d’expliciter les conditions de refus du procureur de la République d’ouvrir l’accès au dossier de l’enquête, son silence faisant naître une décision implicite de rejet dont peut être saisi le procureur général.

La commission des Lois a également apporté des modifications au dispositif proposé :

– un amendement de M. Antoine Savignat a imposé la motivation de la décision du procureur de la République de prolonger l’enquête préliminaire d’un an ou deux ans suivant les faits qui en font l’objet. Ces mentions seront versées au dossier, de façon à être ensuite portées à la connaissance des parties et discutées devant la juridiction de jugement ;

– un amendement du rapporteur a précisé que les délais assignés par le législateur portent sur l’accomplissement des actes d’enquête, non sur la décision sur l’action publique qu’est amené à prendre le procureur de la République une fois les investigations achevées. Le temps qui sépare ces deux événements ne fait aucunement grief aux personnes mises en cause, de sorte que l’encadrer ne se justifie pas au regard des droits fondamentaux. Par ailleurs et en toute logique, l’amendement prévoit la nullité des actes accomplis hors délais, sauf lorsqu’ils concernent un individu jamais mis en cause auparavant et qui ne saurait donc se prévaloir d’une enquête excessivement longue à son endroit ;

– un amendement du rapporteur a édicté les règles de computation des délais applicables au cas où plusieurs affaires devraient être regroupées en une enquête unique. Afin que des jonctions d’opportunité ne viennent pas neutraliser les prescriptions du présent article, c’est la date de commencement de l’enquête la plus ancienne qui prévaut alors ;

– un amendement de Mme Laetitia Avia et du groupe La République en marche a modifié en trois points le dispositif imposant l’ouverture de l’enquête préliminaire au contradictoire à la suite de révélations médiatiques. Cette disposition est écartée, non seulement lorsque les révélations émanent de la personne ainsi mise en cause, mais également si elles proviennent de son avocat. Par ailleurs, le moyen de communication utilisé pour propager l’information est indifférent dès lors qu’il est accessible au public. Enfin, le dispositif est limité aux cas d’atteinte à la présomption d’innocence. Ce dernier élément a fait l’objet d’un sous-amendement de M. Antoine Savignat retirant l’exigence d’un élément de gravité de l’atteinte, afin de couper court aux débats qui pourraient surgir sur ce point ;

– enfin, un amendement du rapporteur a imposé le versement au dossier de la procédure des observations formulées par la personne suspectée, la victime ou leur avocat, afin que le procureur de la République apprécie les suites devant leur être apportées et en informe les personnes concernées. Si une demande d’acte est présentée et qu’elle fait l’objet d’un refus, il est possible de contester cette décision devant le procureur général.

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Article 3
(art. préliminaire, 561, 6011 [nouveau], 7711, 993, 100, 1005 et 70696 du code de procédure pénale)
Préservation du secret professionnel de l’avocat dans la procédure pénale

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce la protection du secret professionnel de la défense, qui se trouve proclamé à l’article préliminaire du code de procédure pénale. Il améliore les garanties en matière de perquisition au cabinet ou au domicile d’un avocat en exigeant que les raisons plausibles de le soupçonner de la commission d’une infraction soient mentionnées dans une décision motivée portée à la connaissance du bâtonnier, et en ouvrant contre la décision du juge des libertés et de la détention sur des contestations de validité des saisies soulevées par le bâtonnier une voie de recours suspensif devant le premier président de la cour d’appel. Il encadre également les interceptions de communication et les réquisitions portant sur les données de connexion de la ligne téléphonique d’un avocat en les conditionnant à l’autorisation motivée du juge des libertés et de la détention.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a rendu applicables les protections qu’offre la procédure pénale au cabinet et au domicile d’un avocat aux perquisitions et visites domiciliaires des mêmes lieux diligentées dans un cadre non pénal.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trente-cinq amendements au présent article. Pour vingt-trois d’entre eux, ils ont défini le secret professionnel de l’avocat en référence à la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Les autres ont attaché aux investigations visant un avocat une exigence de proportionnalité et un contrôle du juge des libertés et de la détention sur les actes intrusifs décidés.

1.   L’état du droit

a.   Le principe de la protection des droits de la défense

Le secret professionnel de l’avocat est défini au premier alinéa de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ([97]). Il prévoit que, « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».

Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, le secret professionnel de l’avocat revêt trois dimensions :

– comme tout secret professionnel, il astreint l’avocat à préserver la confidentialité des informations confiées par son client. Tout manquement est susceptible d’entraîner des poursuites civiles, disciplinaires et pénales ([98]) ;

– il protège le secret des correspondances officieuses entre avocats afin de faciliter les échanges sans compromettre les intérêts du client en cas d’échec des négociations. Cette confidentialité est opposable au client comme aux tiers et sa violation est sanctionnée dans les mêmes conditions que la première ;

– conséquence des droits de la défense, il préserve le client d’une immixtion de l’autorité publique dans ses relations avec son avocat. C’est sur ce fondement qu’ont été inscrites dans le code de procédure pénale des dispositions dérogatoires encadrant les investigations qui peuvent être menées dans un cabinet d’avocat ou à son domicile.

b.   Des dispositions de procédure spéciales au bénéfice des avocats

L’existence de secrets protégés a conduit le législateur à concevoir, à côté des règles procédurales de droit commun, des dispositions dérogatoires applicables en fonction des intérêts spéciaux en cause. Le régime des perquisitions fournit un bon exemple de cette architecture. Si la procédure normale figure à l’article 56 du code de procédure pénale, il conviendra de se référer :

– à l’article 56-1 pour la perquisition dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, en raison de la protection des droits de la défense ;

– à l’article 56-2 pour la visite des locaux d’une entreprise de presse, du fait du secret des sources des journalistes ;

– à l’article 56‑3 pour des investigations dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, au nom du secret médical et des éléments de confidentialité attachés à leur pratique ordinale ;

– à l’article 56‑4 pour inspecter des lieux identifiés par voie réglementaire comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale ;

– à l’article 56‑5 pour des perquisitions dans les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles, en raison des secrets de l’enquête, de l’instruction et du délibéré.

Le code de procédure pénale prévoit ainsi des dispositions particulières afin de protéger effectivement la confidentialité des échanges entre un avocat et son client. Le secret des informations, pièces et correspondances n’est cependant garanti qu’autant que ces informations sont relatives à l’exercice par ce dernier des droits de la défense de son client.

i.   En matière de perquisitions

La règle selon laquelle des documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être saisis au cours de la perquisition d’un cabinet d’avocat lorsqu’ils concernent les droits de la défense est d’abord jurisprudentielle ([99]). Elle a ensuite été inscrite dans le code de procédure pénale ([100]) et elle figure désormais à l’article 56‑1, qui s’applique également aux perquisitions effectuées au cabinet ou au domicile du bâtonnier. La même procédure s’impose pour les perquisitions et les visites domiciliaires effectuées dans les mêmes lieux « sur le fondement d’autres codes ou de lois spéciales » par des agents de certaines administrations ou autorités administratives indépendantes ([101]). Enfin, lorsqu’elles visent les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, les attributions du juge des libertés et de la détention sont exercées par le président du tribunal judiciaire.

Le régime comporte plusieurs différences avec le droit commun puisque les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile :

– ne peuvent être effectuées que par un magistrat, et non par un officier de police judiciaire ;

– font suite à une décision écrite, précise et motivée de ce magistrat, alors que l’officier de police judiciaire se transporte en droit commun « sans désemparer », c’est-à-dire sans devoir s’interrompre ;

– exigent la présence du bâtonnier ou de l’un de ses délégués, qui prend connaissance du contenu de la décision au début de la perquisition et qui peut formuler des observations pour s’opposer à la saisie d’une pièce ([102]). L’objet est alors placé sous scellé tandis que le procès-verbal des opérations est transmis au juge des libertés et de la détention, qui dispose de cinq jours pour statuer sur la contestation, par ordonnance motivée insusceptible de recours, en décidant soit de verser le scellé et le procès-verbal au dossier de la procédure, soit de restituer la pièce et de canceller toute référence apparaissant au dossier à son propos.

En revanche, les pièces relatives à l’activité professionnelle de l’avocat qui ne se rattachent pas à la défense d’une personne mise en cause dans une procédure pénale, bien que couvertes par le secret professionnel, peuvent faire l’objet d’une saisie car les activités de conseil ne bénéficient d’aucune protection particulière ([103]).

Finalement, la saisie des correspondances entre l’avocat et son client apparaît exclue, à moins qu’elle vienne prouver la participation de l’avocat à une infraction ([104]).

ii.   En matière d’interceptions téléphoniques

Les interceptions téléphoniques sont régies par les articles 100 à 100‑8 du code de procédure pénale ([105]). Ces dispositions prévoient une double limitation pour la protection des droits de la défense :

– d’une part, le troisième alinéa de l’article 100‑5 interdit, à peine de nullité, que soient transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense. Une protection similaire est conférée aux journalistes à l’alinéa suivant puisque la transcription des correspondances permettant d’identifier une source est également proscrite à peine de nullité ;

– d’autre part, l’article 100‑7 empêche, à peine de nullité, l’interception des lignes téléphoniques des avocats sans information préalable du bâtonnier par le juge d’instruction. Là encore, la responsabilité d’évaluer l’atteinte portée au secret est laissée à l’appréciation de l’organisation ordinale. Les mêmes exceptions existent au bénéfice des parlementaires et des magistrats, l’information devant alors être respectivement adressée au président de l’assemblée concernée et au chef de cour.

iii.   Au regard d’autres techniques spéciales d’enquête

L’article 706-96 du code de procédure pénale autorise, sous certaines conditions, la captation et l’enregistrement de paroles prononcées par une personne à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé sans le consentement des intéressés.

L’article 706-102-1 du code de procédure pénale autorise la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, de capter et d’enregistrer des données informatiques telles qu’elles sont stockées dans un système informatique, qu’elles s’affichent sur l’écran de l’utilisateur ou qu’elles transitent par des périphériques.

Toutefois, l’emploi de telles méthodes d’enquête est exclu dans les locaux soumis à une procédure de perquisition dérogatoire et à l’encontre des personnes dont l’interception des conversations téléphoniques exige l’information de l’autorité hiérarchique ou ordinale, comme le prévoient respectivement les articles 706‑96‑1 et 706‑102‑5 ([106]). Les avocats ne peuvent donc y être soumis.

2.   Cadre constitutionnel

La réflexion sur la protection de l’activité des avocats revient à concilier :

– la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle ;

– l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis parmi lesquels le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d’expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable ([107]).

En 2015, le Conseil constitutionnel a refusé de conférer une valeur constitutionnelle au secret des échanges et des correspondances des avocats ([108]). La Cour de cassation a tiré les conséquences de cette décision l’année suivante en distinguant l’activité judiciaire et l’activité de conseil de l’avocat pour limiter à la première la protection assurée par le secret professionnel ([109]).

Il revient donc pleinement au législateur de déterminer l’étendue de la protection accordée, dans le respect des principes susmentionnés, en édictant des règles procédurales adaptées.

3.   Éléments de droit comparé

L’étude d’impact jointe au projet de loi présente un grand nombre de dispositions de droit étranger permettant de constater qu’il existe, dans les pays européens, des règles relatives à la protection du secret professionnel au cours de l’enquête. Elles admettent néanmoins des exceptions lorsque l’avocat est mis en cause dans une procédure pénale.

La loi et la jurisprudence ont imposé dans la majorité des pays la présence du bâtonnier, la sélection des documents et informations pouvant être saisis ou interceptés et l’intervention du juge pour autoriser une perquisition, une saisie ou une écoute téléphonique.

La loi assigne généralement à l’autorité judiciaire, le cas échéant dans le cadre d’un échange avec un représentant ordinal, la charge de déterminer les éléments qui peuvent valablement être versés au dossier de la procédure et ceux qui doivent demeurer préservés par le secret.

La protection du secret professionnel de l’avocat
dans quelques pays européens

 

Principe

Perquisition et saisies

Écoutes

Royaume-Uni

Protection par le secret professionnel dans la relation avec le client et l’échange d’informations des dossiers en cours.

Un avocat mis en cause au pénal dispose des mêmes droits que les autres justiciables.

Ce sont les documents qui sont protégés par le secret professionnel, et non l’avocat.

Il n’existe pas de texte spécifique précisant les circonstances de levée du secret professionnel.

Des dispositions spécifiques régulent les écoutes téléphoniques diligentées à l’encontre d’un avocat.

Belgique

L’article 458 du code pénal interdit aux personnes dépositaires de secrets professionnels, parmi lesquelles les avocats, de les divulguer.

Le juge d’instruction est accompagné d’un représentant de la profession qui peut émettre des réserves sur la saisie de pièces au regard du secret professionnel.

Une distinction est faite suivant que l’avocat est en cause dans l’enquête. Si oui, le juge peut saisir tout élément en relation directe avec l’infraction ; si non, la conciliation entre droits de la défense et intérêt de l’enquête se pose.

Le secret professionnel s’oppose aux mesures de surveillance, sauf si l’avocat est lui-même soupçonné d’une infraction ou si des suspects utilisent ses locaux ou ses moyens de communication.

Le bâtonnier est préalablement averti. Le juge d’instruction évalue avec lui les données captées. Seules celles qui ne sont pas couvertes par le secret sont transcrites.

Espagne

Bien que le secret professionnel de l’avocat soit réglementé, le code de procédure pénale ne prévoit aucun mécanisme de sauvegarde.

C’est la jurisprudence qui a posé la nécessité d’autorisation motivée de la perquisition à l’encontre d’un avocat par un juge d’instruction.

Le bâtonnier assiste à la perquisition et veille à la préservation du secret professionnel.

 

 

Pays-Bas

L’article 98 du code de procédure pénale interdit la saisie des documents couverts par le secret professionnel, même lorsque l’avocat lui-même est suspecté. Dans ce cas, c’est lui-même qui décide si les documents ou informations concernés relèvent ou non de son droit de non-divulgation.

À titre d’exception, des « circonstances très exceptionnelles » peuvent faire prévaloir la recherche de la vérité sur le secret, notamment lorsque l’avocat est soupçonné d’une infraction pénale grave avec son client. Dans ce cas, le juge, avec le bâtonnier, peut prendre connaissance d’informations confidentielles relatives à l’infraction.

Source : étude d’impact jointe au projet de loi.

4.   Les dispositions du projet de loi

À la suite de la remise du rapport final de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat conduite par l’ancien garde des Sceaux Dominique Perben, en juillet 2020, le ministre de la justice a chargé Me Dominique Mattei, ancien bâtonnier de Marseille, de présider une commission chargée d’approfondir plus spécifiquement les questions relatives aux droits de la défense dans l’enquête pénale et au secret professionnel de l’avocat. Achevés le 5 février dernier, ses travaux ont donné lieu à des propositions de réforme des règles relatives au secret professionnel de l’avocat, que traduit l’article 3 du projet de loi.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([110]), le Conseil d’État a relevé que les dispositions du projet de loi ne concernent que les avocats alors que certaines des garanties paraissent utiles pour d’autres secrets protégés par la loi, comme le secret des sources des journalistes. Il n’a cependant pas proposé de modifier le texte sur ce point, suggérant au Gouvernement « d’envisager, à l’occasion de modifications ultérieures du code de procédure pénale, un élargissement des bénéficiaires de ces garanties ».

Le III de l’article 36 du projet de loi reporte l’entrée en vigueur de ces dispositions au premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la présente loi.

a.   L’inscription du secret professionnel de la défense dans le code de procédure pénale

La commission Mattei a souligné que le principe du respect du secret professionnel de l’avocat figure à l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Elle a considéré que le respect du secret professionnel de l’avocat, en ce qu’il concourt à l’exercice effectif des droits de la défense, avait « toute sa place parmi les principes édictés dans l’article préliminaire du code de procédure pénale » ([111]).

Le complète donc ledit article préliminaire d’un alinéa affirmant la garantie du respect du secret professionnel de la défense au cours de la procédure dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([112]), le Conseil d’État a jugé cette évolution « adaptée » malgré sa « faible normativité ».

b.   La procédure dérogatoire de perquisition

La commission Mattei a estimé malvenu que le juge des libertés et de la détention statue, dans les cas de désaccord entre le magistrat qui diligente la perquisition et le bâtonnier qui veille au respect des droits de la défense, par une ordonnance insusceptible de recours : « les enjeux et la complexité que peut présenter la saisie d’éléments dans le cadre de la perquisition de locaux d’un avocat justifient, aux yeux de la commission, que l’exercice effectif de la voie de l’appel contre la décision du juge des libertés et de la détention soit institué au profit de l’ensemble des parties devant le premier président de la cour d’appel » ([113]).

Les b et c du 2° transcrivent cette préconisation à l’article 56‑1 du code de procédure pénale. Ils suppriment la mention selon laquelle l’ordonnance du juge des libertés et de la détention est insusceptible de recours. Un recours suspensif est créé contre cette décision, formé dans un délai de 24 heures devant le premier président de la cour d’appel par le procureur de la République, l’avocat dont les locaux ont été perquisitionnés ou le bâtonnier qui a assisté à la perquisition. Le premier président de la cour d’appel sera ainsi la troisième autorité judiciaire à se prononcer sur la régularité de la saisie après le magistrat présent sur les lieux et le juge des libertés et de la détention.

Par ailleurs et bien que la commission Mattei se soit déclarée « partagée » sur ce point ([114]), le a du conditionne l’autorisation d’une perquisition dans les locaux d’un avocat à « l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure » ([115]). Les éléments en ce sens, recueillis préalablement à la perquisition, devront donc apparaître dans la décision écrite et motivée du magistrat en charge des investigations qu’exige déjà l’article 56‑1 du code de procédure pénale. Ils pourront donner lieu à contestation dans la suite de la procédure.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([116]), le Conseil d’État a considéré que ces modifications « améliorent les garanties de protection du secret professionnel de la défense ».

c.   Un régime plus protecteur en matière de téléphonie

La commission Mattei a préconisé l’unification des régimes d’autorisation des interceptions téléphoniques de la ligne d’un avocat et de réquisitions de ses fadettes ([117]). Les 6° et 7° s’attachent à compléter en ce sens la procédure d’autorisation des écoutes dans les différents cadres d’enquête, tandis que les 3° à 5° imposent de nouvelles précautions dans le régime des réquisitions.

Le  encadre, dans un nouvel article 60‑1‑1 du code de procédure pénale, les réquisitions de fadettes pendant l’enquête préliminaire lorsqu’elles portent sur des données émises par un avocat. Il soumet leur validité à la saisine, par le procureur de la République, du juge des libertés et de la détention qui statue par ordonnance motivée. Comme pour une perquisition, le juge doit désormais faire état des raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre une infraction qui fait l’objet de la procédure. Le bâtonnier de l’ordre des avocats est informé de la mesure, comme en matière d’écoutes téléphoniques. Cette disposition vient combler un défaut de l’architecture normative permettant l’identification des clients qui sollicitent ses services et en révélant la date ainsi que la durée des conversations ([118]). Il s’agit là de données confidentielles, propres au secret professionnel des personnes concernées, dont le régime a, dès lors, vocation à être aligné sur celui des écoutes téléphoniques, qui prévoit la nullité des opérations menées en violation des garanties octroyées.

Le  effectue une coordination à l’article 77‑1‑1 du code de procédure pénale, qui régit les réquisitions du parquet et des officiers de police judiciaire qu’il autorise à requérir en son nom.

Le  rend applicable les dispositions qui précèdent aux réquisitions prises dans le cadre d’une information judiciaire par le juge d’instruction ou par un officier de police judiciaire sur commission rogatoire.

Le  renforce la protection du secret professionnel de l’avocat dans le cas d’écoutes téléphoniques. Il conditionne l’autorisation de l’interception téléphonique d’une ligne de l’avocat – cabinet ou domicile – à une ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionnant l’existence de raisons plausibles de soupçonner l’avocat d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction. Le juge des libertés et de la détention se prononce sur la saisine du juge d’instruction et après avis du procureur de la République.

Le  opère une coordination pour appliquer les dispositions précédentes aux enquêtes préliminaires et de flagrance en matière de délinquance et de criminalité organisées.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([119]), le Conseil d’État juge que « la compétence donnée au juge de la liberté et de la détention dans une procédure d’information judiciaire constitue une garantie, adaptée à cette mesure d’instruction » et de surcroît cohérente avec l’évolution de la procédure pénale depuis une vingtaine d’années.

5.   Des dispositions harmonisées par la commission des Lois

Les débats sur le présent article ont montré une volonté quasi-unanime pour que la protection attachée aux activités d’un avocat ne soit pas limitée aux tâches de défense pénale, mais au contraire étendue aux prestations de conseil. En apparence, l’avocat tient alors un rôle qui pourrait échoir à d’autres professionnels du droit, et on pourrait en déduire que l’activité en elle-même ne vaut pas d’être entourée de garanties. En réalité, les membres de la commission des Lois ont souligné que le client d’un avocat peut rapidement passer d’une catégorie à l’autre, raison pour laquelle ils ont précisément choisi de se confier à un avocat plutôt qu’à un autre prestataire. Celui qui prend conseil parce qu’il s’attend à être prochainement poursuivi, ou parce qu’il sait avoir commis une infraction pénale, en réalité, prépare déjà sa défense. Saisir ces documents, officiellement de conseil, dans une perquisition ou par des interceptions téléphoniques revient très directement à violer les droits de la défense.

En conséquence, il est apparu plus judicieux de protéger le secret de la défense et du conseil, tel que prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et précédemment mentionné. Cette référence permet d’employer des notions juridiques connues et déjà interprétées, de façon à ne laisser aucun doute quant à la lecture de l’article 3 par les juridictions.

Afin de retenir cette définition pour l’ensemble des procédures touchées à l’article 3 (perquisitions, saisies et interceptions téléphoniques), la commission des Lois a adopté vingt amendements présentés par des membres des groupes La République en marche, Les Républicains, Socialistes et apparentés, UDI et Indépendants, Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise, Libertés et Territoires, Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, ainsi que par des députés non-inscrits et par le Gouvernement. Ils ont été sous-amendés par le rapporteur pour deux d’entre eux, par Mme Laetitia Avia et les membres du groupe La République en marche pour le troisième, pour en harmoniser les rédactions. Le garde des Sceaux a exprimé un avis de « sagesse bienveillante ».

Par ailleurs, la Commission a adopté :

– un amendement du Gouvernement prévoyant l’autorisation d’une perquisition dans un cabinet d’avocat par le juge des libertés et de la détention, afin que soit appréciée la légalité des décisions du procureur de la République ou du juge d’instruction à cet égard ;

– trois amendements de Mme Naïma Moutchou exigeant que soient assorties d’une condition de proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits les décisions de procéder à la perquisition, à la réquisition de fadettes ou à l’interception de la ligne téléphonique d’un avocat ;

– un amendement de Mme Laurence Vichnievsky élargit la possibilité de mener des investigations à l’encontre d’un avocat aux circonstances dans lesquelles il est suspecté de la commission d’infractions connexes à celles qui font l’objet de l’enquête ou de l’instruction en cours.

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Section 2
Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence

Article 4
(art. 43472 du code pénal ; art. 11 et 1141 du code de procédure pénale)
Protection du secret de l’enquête et de l’instruction

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réprime de peines plus sévères la violation du secret de l’enquête et de l’instruction. Aujourd’hui fixées à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, elles atteindront jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende selon les circonstances de l’espèce. Les enquêtes en cours pourront toutefois, si nécessaire, faire l’objet d’une communication par un officier de police judiciaire sur autorisation et sous le contrôle du procureur de la République.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a autorisé le procureur de la République, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, à rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure à condition que ceux-ci ne comportent aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements de M. Didier Paris sanctionnant plus sévèrement la diffusion par une partie auprès d’un tiers d’actes d’une procédure en cours et octroyant au procureur de la République une plus grande faculté pour communiquer sur une enquête en cours.

1.   L’état du droit

Le 5 juin 2019, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a chargé nos collègues Xavier Breton et Didier Paris d’une mission d’information sur le secret de l’enquête et de l’instruction. Le rapport remis six mois plus tard permet une vision d’ensemble de l’histoire, des mécanismes et des imperfections de cette institution ([120]).

a.   Éléments historiques et fondements théoriques

Le secret de l’enquête et de l’instruction remonte au XVe siècle. Historiquement accusatoire, la procédure pénale a revêtu, sous l’influence du droit canon et des pratiques des inquisiteurs catholiques, des caractéristiques qui fondent le modèle inquisitoire : secret des confessions et des témoignages, maîtrise du juge sur la conduite du procès. En 1498, l’ordonnance de Blois consacre ce trait du système juridique français. Son article 110 dispose que « le procès se fera le plus diligemment et secrètement que faire se pourra […] en manière qu’aucun n’en soit averti, pour éviter les subornations et forgements qui se pourraient faire en telles matières, en la présence du seul greffier ou de son commis ».

Brièvement abandonné dans les premiers temps de la Révolution ([121]), le principe du secret est réaffirmé dès 1791 : « le secret est nécessaire pour ne point avertir les complices de prendre la fuite, et pour ne point avertir les parents et amis de l’accusé du nom des témoins qu’ils auraient intérêt à écarter ou à séduire, avant qu’ils ne déposent par devant le jury de jugement » ([122]).

Il demeure depuis dans le corpus juridique national : sa rédaction est pratiquement inchangée depuis le code de procédure pénale de 1958 ([123]) dont elle ouvrait le livre Ier relatif à l’exercice de l’action publique et à l’instruction ([124]).

La persistance du secret de l’enquête et de l’instruction s’explique par les objectifs d’intérêt général dont il concourt à la satisfaction :

– la protection de la présomption d’innocence des mis en cause, droit fondamental garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([125]) et par l’article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ([126]) ;

– la préservation de l’efficacité de l’enquête et des intérêts de la justice, car le caractère confidentiel des investigations évite le trouble à l’ordre public qu’entraînent immanquablement la rumeur et la prise à témoin de l’opinion publique ;

– la sécurité des parties et des tiers en évitant les pressions, représailles et chantages destinés à altérer la vérité.

b.   Le droit en vigueur

C’est toujours l’article 11 du code de procédure pénale qui prévoit aujourd’hui que, « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète », et qui astreint toute personne qui concourt à cette procédure au secret professionnel dans les conditions et sous les peines fixées aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

La violation du secret de l’enquête ou de l’instruction est ainsi réprimée, comme la violation de tout secret professionnel, d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Quant aux personnes qui ne sont pas astreintes au secret mais qui divulguent des informations protégées, diverses incriminations permettent de prononcer des sanctions à leur encontre :

– l’article 3211 du code pénal réprimant le recel ([127]) peut être sollicité à l’encontre d’une personne révélant une pièce du dossier soumise au secret. La Cour de cassation admet la possibilité de poursuite sur ce fondement à condition que l’information soit matérialisée sur un support physique ([128]) ;

– l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit de 3 750 euros d’amende la publication d’actes de procédure avant l’audience publique ;

– l’article 1141 du code de procédure pénale sanctionne de 10 000 euros d’amende le fait, pour les parties, de transmettre à des tiers les pièces du dossier de la procédure auxquelles elles ont accès ([129]) ;

– enfin, les personnes qui divulguent des informations soumises au secret peuvent être poursuivies sur le fondement de l’entrave à l’exercice de la justice prévu à l’article 434-7-2 du code pénal ([130]). Les peines prévues vont de deux à cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 à 75 000 euros d’amende en fonction des peines encourues du fait de l’infraction pour laquelle l’enquête ou l’instruction entravée est ouverte.

L’article 11 du code de procédure pénale a été modifié, en 2000 ([131]), afin de permettre au procureur de la République de communiquer au grand public certains éléments tirés de la procédure. Cette révélation peut avoir lieu d’initiative, à la demande du juge d’instruction ou à la demande des parties. Elle a pour but de mettre fin à un trouble à l’ordre public ou de dissiper de fausses nouvelles ([132]). Les affaires fortement médiatisées, les alertes lancées à la suite de l’enlèvement d’un mineur, voire les attaques terroristes sur le sol national, donnent ainsi fréquemment lieu à une prise de parole du parquet pour informer la population et faire le point sur les éléments de l’enquête.

c.   Une protection abandonnée en pratique ?

Le rapport d’information de nos collègues Xavier Breton et Didier Paris souligne la très faible répression des violations du secret de l’instruction. La publication d’une information ne constitue un délit qu’à la condition qu’elle consiste en une divulgation de pièces du dossier. Dans le cas contraire, l’autorité de poursuite doit apporter la preuve d’un manquement à l’obligation de garder le secret de la part d’une personne qui y est assujettie.

Or, tant le droit interne ([133]) que les sources conventionnelles ([134]) protègent le droit des journalistes d’opposer le secret des sources aux investigations judiciaires. Il est donc difficile de démontrer que l’information publiée a été remise à la presse par une personne soumise au secret.

En conséquence, si la protection du secret de l’enquête et de l’instruction continue de figurer dans les textes, elle n’est plus guère assurée en pratique.

Nombre de condamnations pour les délits impliquant une violation du secret de l’enquête et de l’instruction

Délit

2015

2016

2017

2018*

Entrave à l’exercice de la justice : révélation volontaire d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours à des personnes qu’elle sait susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs (art. 434-7-2 du code pénal)

6

3

2

6

Publication d’actes d’accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique (art. 38 de la loi du 29 juillet 1881)

-

2

-

-

Violation et recel de violation du secret de l’instruction (art. 11 du code de procédure pénale)

3

2

5

3

Diffusion par une partie des pièces ou actes d’une procédure d’instruction (art 114-1 code de procédure pénale)

-

1

-

2

Source : SG-SDSE tables statistiques du Casier judiciaire national, traitement DACG-PEPP *données provisoires

d.   Les cadres constitutionnel et conventionnel

Le Conseil constitutionnel a défini le secret de l’enquête et de l’instruction à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité dans laquelle l’association de la presse judiciaire contestait l’interdiction faite à tout journaliste d’assister à une perquisition, pour en capter le son ou l’image, même lorsque sa présence avait été autorisée par l’autorité publique et par la personne dont le logement était perquisitionné ([135]). Confrontant cette disposition à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([136]), il a considéré l’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui résulte des dispositions contestées nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi.

Décision n° 2017693 QPC du 2 mars 2018 (extraits)

8. En premier lieu, en instaurant le secret de l’enquête et de l’instruction, le législateur a entendu, d’une part, garantir le bon déroulement de l’enquête et de l’instruction, poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Il a entendu, d’autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789.

9. En second lieu, d’une part, la portée du secret instauré par les dispositions contestées est limitée aux actes d’enquête et d’instruction et à la durée des investigations correspondantes. Ces dispositions ne privent pas les tiers, en particulier les journalistes, de la possibilité de rendre compte d’une procédure pénale et de relater les différentes étapes d’une enquête et d’une instruction. Dès lors, l’atteinte portée à l’exercice de la liberté d’expression et de communication est limitée.

10. D’autre part, le législateur a prévu plusieurs dérogations au secret de l’enquête et de l’instruction. En particulier, le troisième alinéa de l’article 11 du code de procédure pénale permet au procureur de la République, soit d’office, soit à la demande de la juridiction ou des parties, de rendre publics des « éléments objectifs tirés de la procédure », à la condition qu’ils ne comportent aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

11. Enfin, il ressort des dispositions contestées que le secret de l’enquête et de l’instruction s’entend « sans préjudice des droits de la défense ». Les parties et leurs avocats peuvent en conséquence communiquer des informations sur le déroulement de l’enquête ou de l’instruction.

Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle reconnaît également que « le caractère secret de la procédure d’instruction peut se justifier par des raisons relatives à la protection de la vie privée des parties au procès et aux intérêts de la justice » ([137]).

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   L’aggravation du régime répressif

L’étude d’impact jointe au projet de loi affirme les sanctions prévues par le droit actuel insuffisamment dissuasives.

Par ailleurs, la coexistence de différentes infractions nuit à l’intelligibilité de la loi pénale : la violation du secret professionnel est réprimée à l’article 226-13 du code pénal d’un an d’emprisonnement tandis que l’article 434‑7‑2 du même code punit de deux ans d’emprisonnement l’entrave à la justice dont les éléments constitutifs apparaissent très voisins.

En conséquence, l’article 4 du projet de loi effectue un regroupement de ces dispositions répressives au sein du seul article 434‑7‑2 du code pénal, dont les sanctions sont par ailleurs aggravées.

Le  du II modifie l’article 11 du code de procédure pénale de sorte qu’il renvoie désormais aux modalités et aux peines prévues à l’article 434‑7‑2 du code pénal. La sanction de la violation du secret de l’enquête et de l’instruction se trouve ainsi déconnectée de celle des autres secrets professionnels, qui demeurent régis par l’article 226-13 du code pénal.

Le I procède à une rédaction globale de l’article 434-7-2 du code de procédure pénale. Son premier alinéa précise que, sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler sciemment ces informations à des tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La divulgation est donc sanctionnée quel qu’en soit le destinataire et quel qu’en soit l’objectif.

L’alinéa 2 du nouvel article 434-7-2 reprend les éléments constitutifs de l’infraction dans sa rédaction actuelle, en exigeant que la révélation soit faite dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité et à des personnes susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs. Les peines sont aggravées : elles passent de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Enfin, l’alinéa 3 du nouvel article 434-7-2 porte les peines à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les investigations concernent soit un crime, soit un délit puni de dix ans d’emprisonnement relevant de la délinquance organisée ([138]).

Dans son avis sur le présent projet de loi ([139]), le Conseil d’État a estimé que ces dispositions renforçaient le secret de l’enquête et de l’instruction, « défini et protégé de façon désormais plus précise et spécifique, ainsi que plus sévèrement réprimé ». Il considère également que « la gradation des cas d’aggravation de la répression est proportionnée en regard des faits visés ». Toutefois, le caractère exceptionnel des condamnations pour violation du secret de l’enquête ou de l’instruction limite l’effet pratique de ces dispositions, sauf à consentir « un plus grand effort d’élucidation de ce délit ».

b.   L’assouplissement des modalités de communication par l’autorité publique

Le rapport précité de nos collègues Xavier Breton et Didier Paris a formulé diverses recommandations pour moderniser le droit et la pratique en matière de secret de l’enquête et de l’instruction. Le projet de loi transcrit la sixième d’entre elles : « Autoriser les services de police et de gendarmerie à communiquer sur les enquêtes de flagrance ou préliminaires en cours, sur autorisation et sous le contrôle du procureur de la République ».

Le 2° du II de l’article 4 du projet de loi consiste à inscrire au troisième alinéa de l’article 11 du code de procédure pénale la possibilité pour le procureur de la République d’autoriser une communication par un officier de police judiciaire des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. Cet ajout permet aux services de police et de gendarmerie nationales de s’exprimer sur les affaires en cours, sous le contrôle du parquet, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes.

Selon nos collègues Xavier Breton et Didier Paris, cette pratique est « couramment admise » quoique dénuée d’encadrement légal. Toutefois, alors qu’ils précisent qu’une extension aurait vocation à ne s’appliquer qu’aux enquêtes de flagrance ou préliminaires en cours, à l’exclusion de celles ayant fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire, le projet de loi n’inclut pas cette restriction : il autorise l’expression d’un officier de police judiciaire, sous l’autorité du parquet, sans considération du cadre procédural des investigations.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([140]), le Conseil d’État a considéré « que cette nouvelle modalité d’information du public n’est pas de nature à porter atteinte, d’une part, au principe de direction exclusive par l’autorité judiciaire des enquêtes judiciaires sous toutes leurs composantes ni, d’autre part, à la présomption d’innocence, dès lors que la délégation aux fins de communication est effectuée au cas par cas, et que la forme et le contenu de cette communication sont soumis à l’encadrement et au contrôle du procureur de la République ».

3.   Des dispositions peu modifiées par la commission des Lois

La commission des Lois a approuvé les dispositions présentées par le Gouvernement au sein du présent article. Elle s’est bornée à adopter un amendement de M. Didier Paris portant à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, contre 10 000 euros d’amende aujourd’hui, la peine encourue par une des parties en cas de diffusion auprès d’un tiers d’une pièce d’instruction qui lui avait été remise au cours de la procédure ([141]). Cette sanction se trouve ainsi harmonisée avec celle que le projet de loi prévoit dans l’infraction générale de violation du secret de l’enquête et de l’instruction.

Par ailleurs, si le code de procédure pénale indique que le procureur de la République ne peut communiquer sur une affaire en cours qu’afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, cette condition apparaît peu opérationnelle et peu respectée dans la pratique. Un amendement de M. Didier Paris l’a donc supprimée pour permettre une communication lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie.

*

*     *

Chapitre II
Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire

Article 5
(art. 1373 et 1426 du code de procédure pénale)
Encadrement des décisions de prolongation de détention provisoire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à limiter le recours à la détention provisoire. Il favorise à cette fin le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ainsi qu’au bracelet anti‑rapprochement (BAR) en exigeant une motivation spéciale et une consultation du service pénitentiaire d’insertion et de probation préalablement à une décision de prolongation.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille permet au juge pénal, à tous les stades de la procédure, de faire interdiction à l’auteur de violences conjugales d’approcher de sa victime. Le respect de cette consigne est apprécié au moyen d’un dispositif électronique, le « bracelet anti-rapprochement ».

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a apporté à cet article deux modifications de nature rédactionnelles à l’initiative du rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   L’assignation à résidence sous surveillance électronique

L’article 137 du code de procédure pénale pose pour principe, en son premier alinéa, que toute personne mise en examen est présumée innocente et demeure libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté ([142]), le juge peut l’astreindre à une coercition : une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ([143]) ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, une assignation à résidence avec surveillance électronique. À titre « exceptionnel », si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire.

L’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) est régie par les articles 142‑5 à 142‑13 du code de procédure pénale. Elle peut être prononcée seulement si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel d’au moins deux ans ou une peine plus grave ([144]). Elle est fréquemment complétée par des mesures de contrôle judiciaire.

L’ARSE contraint la personne mise en cause à demeurer en un lieu établi par le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire, par le juge des libertés et de la détention dans une enquête diligentée par le procureur de la République. Les motifs et les modalités de sortie sont également définis par le magistrat. Le respect des obligations prescrites est contrôlé grâce à un dispositif électronique qui signale toute sortie non autorisée.

Lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d’emprisonnement et qu’un suivi socio-judiciaire est encouru ([145]), l’assignation à résidence peut être exécutée sous un régime permettant non seulement le contrôle de la présence sur les lieux indiqués de la personne mise en cause, mais aussi sa géolocalisation où qu’elle se trouve. C’est le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM).

L’assignation à résidence sous surveillance électronique apparaît comme une mesure favorable au droit des personnes en ce qu’elle limite le recours à la détention provisoire. Elle est également encouragée par l’État qui la perçoit comme un moyen de prévenir la surpopulation carcérale.

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a donc modifié l’article 142‑6 du code de procédure pénale pour faciliter le prononcé d’une ARSE. Comme le relevaient alors les rapporteurs de la commission des Lois ([146]), l’assignation à résidence sous surveillance électronique demeurait numériquement anecdotique : 292 personnes seulement y étaient soumises au 1er juillet 2017.

La nouvelle rédaction de l’article 142‑6 du code de procédure pénale prévoit deux règles alternatives pour le prononcé d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, sous réserve de la faisabilité technique de la mesure que vérifie le service pénitentiaire d’insertion et de probation :

– après un débat contradictoire ou au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat, comme pour le placement en détention provisoire ([147]) ;

– sans débat contradictoire lorsque le juge statue sur une demande de mise en liberté, c’est-à-dire lorsque la personne mise en examen a préalablement été placée en détention provisoire, l’assignation à résidence apparaissant alors comme un assouplissement de la restriction de liberté qu’elle subit.

Enfin, l’assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois ([148]). Son renouvellement semestriel nécessite un débat contradictoire, sans que la durée totale du placement puisse dépasser deux ans ([149]).

b.   Le bracelet anti-rapprochement (BAR)

L’engagement du Parlement dans la lutte contre les violences dans le couple s’est traduit, au cours des dix-huit derniers mois, par l’adoption de deux propositions de loi déposées par les députés. Ces deux textes sont la loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et la loi n° 2020‑936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Les dispositions qui en résultent ont notamment inscrit dans le code de procédure pénale un dispositif qui avait prouvé son efficacité dans différents pays européens, notamment en Espagne : le bracelet anti-rapprochement ([150]). Ce dispositif se compose de deux boîtiers électroniques, l’un remis à la victime des violences conjugales et l’autre à l’auteur des faits, qui garantissent le respect de l’interdiction d’entrer en contact. En effet, quand les deux appareils s’approchent, une alarme retentit dans un centre de supervision. L’opérateur intime alors l’ordre à l’auteur des violences de s’éloigner et, si ce dernier refuse d’obtempérer, il sollicite les forces de police les plus proches pour procéder à son interpellation pour violation des obligations assignées par le juge au moment de la pose du dispositif.

Le fonctionnement du bracelet anti-rapprochement

L’équipement que porte la personne protégée est au centre de deux zones : la zone d’alerte (entre un et dix kilomètres) et la zone de pré-alerte (entre deux et vingt kilomètres). La zone de pré-alerte correspond au double de la zone d’alerte. Ces deux zones constituent un cercle autour du dispositif de la personne protégée.

Dès que le porteur du bracelet pénètre dans la zone de pré-alerte, le centre de surveillance le contacte et lui ordonne de faire demi-tour. S’il obtempère, le porteur du bracelet n’est pas considéré comme ayant violé l’interdiction de rapprochement et aucun signalement d’incident n’est effectué.

À l’inverse, si le porteur du bracelet refuse d’obtempérer ou ne répond pas à l’appel du centre de surveillance et pénètre dans la zone d’alerte, ce dernier contacte le commissariat de police ou la gendarmerie la plus proche aux fins de mise à l’abri de la personne protégée et d’interpellation du porteur du bracelet. Il est alors considéré comme ayant violé l’interdiction de rapprochement et cet incident donne lieu à un signalement au parquet par le centre de surveillance.

La loi précitée du 28 décembre 2019 a donné la possibilité de prononcer un placement sous bracelet anti-rapprochement au juge civil, sous réserve de l’accord des parties et dans le cadre d’une ordonnance de protection ([151]), mais aussi au juge pénal à tous les stades de la procédure sous réserve du consentement de la victime ([152]) dès lors qu’il apparaît que les interdictions de contact avec la victime ([153]) et de paraître en des lieux déterminés ([154]) sont insuffisantes pour prévenir le renouvellement de l’infraction :

– au stade pré-sentenciel dans le cadre du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique ([155]) ;

– au stade sentenciel ou post-sentenciel comme obligation du sursis probatoire ou dans le cadre d’un aménagement de peine ([156]).

Le bracelet anti-rapprochement peut être prononcé en répression d’une violence, d’une menace ou d’une agression sexuelle punie d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement commise par une personne à l’encontre de son conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, passé ou présent, y compris en l’absence de cohabitation ([157]).

La pose du dispositif incombe au personnel de l’administration pénitentiaire ([158]).

La commission des Lois a procédé, en fin d’année 2020, à un contrôle de l’application de la loi précitée du 28 décembre 2019 ([159]). Soulignant un bon déploiement des équipements, les rapporteurs notaient un besoin estimé à mille bracelets pour un budget annuel de 7,4 millions d’euros. Le décret d’application venait d’être publié ([160]) et la mise à la disposition des juridictions avait bien eu lieu ([161]).

c.   Les modalités de prolongation de la détention provisoire

La loi réserve déjà le placement en détention provisoire aux seuls cas pour lesquels une mesure plus douce apparaît insuffisante pour garantir la poursuite des investigations et la préservation de l’ordre public. Elle prévoit également un régime plus souple de prononcé d’une surveillance électronique dans le cas où la personne concernée se trouve en détention provisoire, de sorte que les exigences de la procédure ne puissent constituer un frein à l’adoucissement des restrictions de liberté imposées. La privation de liberté doit conserver son caractère exceptionnel, plus encore en amont de toute condamnation.

Toutefois, l’étude d’impact jointe au projet de loi montre que les détentions provisoires de longue durée atteignent un niveau toujours élevé. De 2019 à 2021, le nombre de personnes en détention provisoire depuis plus de huit mois, appels et délais d’appel exclus, demeure constant aux alentours de 7000. Pourtant, le code de procédure pénale indique que « la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité » ([162]).

Les durées maximales de détention provisoire sont les suivantes :

– en matière correctionnelle ([163]), la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n’a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine privative de liberté d’au moins un an et lorsqu’elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans. Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge peut prolonger la détention provisoire pour quatre mois. Cette décision peut être renouvelée, la durée totale de la détention ne pouvant excéder un an, voire deux ans dans les affaires les plus sérieuses ([164]) ;

– en matière criminelle ([165]), la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà d’un an. Le juge peut toutefois prolonger la mesure pour six mois renouvelables, sans qu’elle puisse excéder deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de privation de liberté et trois ans dans le cas contraire ([166]).

Par ailleurs, l’article 145‑3 du code de procédure pénale impose, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle, que les décisions de prolongation ou de rejet d’une demande de mise en liberté comportent les indications particulières qui justifient en l’espèce la poursuite de l’information et le délai prévisible d’achèvement de la procédure.

Enfin, les échéances de prolongation revêtent une importance particulière dans la perspective d’une conversion de la détention provisoire en assignation à résidence sous surveillance électronique, hypothèse dans laquelle la décision du juge est soumise à l’examen de la faisabilité technique de la mesure vérifiée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation préalablement saisi à cette fin. En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire si elle est demandée par la personne détenue un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée ; elle est également obligatoire avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Dans les deux cas, le juge ne peut opposer un refus qu’en motivant spécialement sa décision ([167]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 5 du projet de loi complète l’article 137-3 du code de procédure pénale afin d’exiger, en matière correctionnelle, une motivation spéciale énonçant les considérations de fait sur le caractère insuffisant ou inadapté de l’ARSE et du BAR après huit mois de détention provisoire ([168]). Les renouvellements s’opérant tous les quatre mois dans ce domaine, cette exigence procédurale s’applique donc à compter du deuxième renouvellement du placement.

Le II de l’article 5 du projet de loi ajoute à l’article 142-6 du code de procédure pénale une troisième hypothèse de saisine obligatoire du service pénitentiaire d’insertion et de probation : avant la date de la deuxième prolongation de la détention provisoire lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement de cinq ans ou moins. Le juge ne peut alors refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne, sauf à choisir le régime du contrôle judiciaire.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([169]), le Conseil d’État a estimé que cette disposition n’appelait pas d’observations particulières.

3.   Des dispositions approuvées par la commission des Lois

La commission des Lois a jugé bienvenues les modifications apportées au code de procédure pénale par l’article 5, dont la rédaction a été améliorée par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

*

*     *

Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes

Article 6
(art. 249, 276-1 [nouveau], 304-1 [nouveau], 327, 359, 367, 888 et 923 du code de procédure pénale)
Dispositions diverses relatives à la cour d’assises

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie diverses dispositions relatives aux cours d’assises.

Le 1° crée une audience préparatoire criminelle dont l’objet est de rechercher un accord entre les parties et le ministère public sur la liste des témoins et des experts cités, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l’audience devant la cour d’assises ou la cour criminelle.

Le 2° modifie la majorité qualifiée requise pour former une décision de culpabilité lors du délibéré de la cour d’assises. Elle passe de six voix sur neuf à sept voix sur neuf, rétablissant ainsi la règle de la « minorité de faveur ».

Le 3° concerne les règles d’incarcération applicables aux accusés condamnés ayant comparu libres devant la cour d’assises ou la cour criminelle. Il prévoit l’obligation de délivrer un mandat de dépôt en cas de prononcé d’une peine d’emprisonnement (dix ans au plus).

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a rallongé le délai entre la date limite de signification des témoins et experts cités et le début de l’audience (de vingt-quatre heures à un mois) et le délai entre la date limite de transmission de la liste des témoins pris en charge par le ministère public et le début de l’audience (de cinq jours à un mois et dix jours).

L’article 13 de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a réduit de neuf à six le nombre de jurés devant la cour d’assises en première instance, et de douze à neuf en appel. La majorité requise pour déclarer la culpabilité a été adaptée en conséquence (six voix sur neuf au lieu de huit voix sur douze).

L’article 156 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a retiré l’obligation de décerner un mandat de dépôt contre un accusé condamné ayant comparu libre, considérant que « l’arrêt de la cour vaut titre de détention » ([170]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté :

– un amendement CL572 de votre rapporteur pour permettre aux magistrats exerçant à titre temporaire d’être désignés assesseurs dans les cours d’assises ;

– un amendement CL323 de M. Dimitri Houbron visant à rendre systématique l’organisation de l’audience préparatoire criminelle ;

– un amendement CL398 de Mme Yaël Braun-Pivet prévoyant la communication au président de la cour d’assises du dossier de détention de l’accusé en prévision de l’audience préparatoire criminelle ;

– un amendement CL570 de votre rapporteur visant à adapter le discours d’ouverture des procès devant la cour d’assises d’appel ;

– un amendement CL651 du Gouvernement modifiant le contenu du rapport introductif du président de la cour d’assises ;

– sept amendements rédactionnels et de coordination de votre rapporteur.

1.   La création d’une audience préparatoire criminelle

a.   L’état du droit

La préparation de l’audience devant la cour d’assises est une étape essentielle du procès, qui conditionne son bon déroulement. C’est la mission du président de la cour d’assises : « Dès l’instant que l’affaire est appelée à l’audience, il est nécessaire de prévoir une durée prévisionnelle des débats. Pour cela, il convient de tenir compte de l’évaluation préalable par le parquet, du nombre de témoins cités, du nombre d’accusés, d’une éventuelle reconnaissance des faits par l’accusé. Dans cette perspective, il faut donc lire l’acte d’accusation, prendre connaissance de la liste des témoins et des experts établie par le parquet. Mais il faut être prudent et compter plutôt plus large car, si on veut respecter la sérénité des débats, il ne faut pas limiter le temps de parole de chacun. De plus, des témoins peuvent être ajoutés à la demande de l’avocat ou même par le président au cours de son étude du dossier » ([171]).

Les règles de citation des témoins et experts sont fixées à l’article 281 du code de procédure pénale. Un mois au moins avant l’ouverture des débats, le parquet, la partie civile et l’accusé s’informent réciproquement de la liste des personnes qu’ils souhaitent faire entendre en qualité de témoins. Les noms des experts appelés à rendre compte des travaux dont ils ont été chargés au cours de l’information doivent être signifiés dans les mêmes conditions.

Le ministère public est tenu de citer lui-même, c’est-à-dire à sa charge, plusieurs des témoins dont la citation a été demandée par les parties, dans la limite de cinq et à condition que la liste ait été transmise au moins un mois et dix jours avant l’ouverture des débats. Les frais et les indemnités des témoins supplémentaires sont à la charge des parties.

L’article R. 123 du code de procédure pénale précise que les témoins, s’ils le requièrent, peuvent bénéficier d’une indemnité de comparution, de frais de voyage et d’une indemnité journalière de séjour. Les mêmes règles s’appliquent aux experts en application de l’article R. 112 du même code.

Afin de faciliter la préparation des audiences, le délai entre la date limite de transmission des noms et le début de l’audience a été rallongé par l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Le délai minimal pour transmettre la liste des témoins et experts cités est passé de vingt-quatre heures à un mois avant l’ouverture des débats, et le délai minimal pour transmettre la liste des témoins mis à la charge du ministère public est passé de cinq jours à un mois et dix jours.

Un témoin peut être cité ultérieurement mais le ministère public et les parties peuvent s’opposer à son audition si son nom ne leur a pas été signifié ou leur a été irrégulièrement signifié. Ce refus n’entraîne pas nécessairement l’absence d’audition du témoin puisque la cour doit statuer sur le caractère fondé de cette opposition ([172]).

Si cette anticipation du déroulement de l’audience vise à améliorer l’organisation du procès criminel, la durée des audiences continue d’augmenter ce qui engendre une baisse du nombre d’arrêts rendus chaque année (2 990 en 2005 contre 2 098 en 2018) ([173]).

b.   Le dispositif proposé

La mission flash de la commission des Lois sur les cours criminelles proposait « d’inscrire dans la loi ce que certaines cours d’appel ont mis en place de manière informelle : parvenir à un accord, avec le barreau ou au cas par cas entre les parties et le parquet, sur le nombre d’auditions de témoins et d’experts pris en charge en mettant en place une concertation en amont avec l’ensemble des acteurs du procès » ([174]). Cette procédure avait été mise en œuvre pour améliorer le déroulement de l’expérimentation et s’assurer que l’oralité des débats est préservée sans prolonger inutilement la durée de l’audience.

L’option retenue par le 1° du présent article est la création d’une « audience criminelle préparatoire » à l’article 276-1 du code de procédure pénale. Organisée par le président de la cour d’assises ou de la cour criminelle, elle consiste à réunir le parquet et les avocats des parties, si besoin par visioconférence, afin de rechercher un accord sur le déroulement de l’audience. Cet accord peut porter sur la liste des témoins et experts cités, sur leur ordre de déposition, et sur la durée globale de l’audience.

L’audience aurait lieu après avoir procédé à l’interrogatoire de l’accusé, c’est-à-dire après la mise en accusation et au moins cinq jours avant le début des débats ([175]). Un accord ne ferait pas obstacle à la citation d’autres témoins ou experts ultérieurement.

Outre une amélioration de l’organisation des débats, cette réunion pourrait également permettre de limiter les éléments abordés en détail au cours de l’audience. Selon l’étude d’impact : « Ce mécanisme permettrait de restreindre les débats autour des points qui sont encore véritablement contestés à l’issue de l’information judiciaire et de raccourcir les audiences pour les dossiers dans lesquels l’accusé a reconnu tout ou partie des faits » ([176]). Sans évoquer une procédure de « plaider-coupable », inexistante en matière criminelle, le dispositif fait référence à la possibilité, offerte par l’article 380-2-1-A du code de procédure pénale, de faire appel uniquement de la peine prononcée par la cour d’assises et non de la décision de culpabilité.

2.   Le rétablissement de la « minorité de faveur »

a.   L’état du droit

L’article 13 de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a réduit le nombre de jurés composant la cour d’assises de neuf à six (et de douze à neuf pour la cour d’assises d’appel) ([177]). Complétées par le président et les deux assesseurs, les formations de jugements sont ainsi composées de neuf personnes en cour d’assises et de douze personnes en cour d’assises d’appel.

Le même article a adapté les règles de majorité applicables aux décisions sur la culpabilité et sur la peine. Pour prendre une décision de culpabilité, il faut désormais une majorité qualifiée d’au moins six voix favorables sur neuf en première instance et huit voix sur douze en appel (contre huit voix sur douze et dix voix sur quinze auparavant) ([178]). Un ratio de deux tiers a ainsi été maintenu.

Cette modification de la règle de majorité pour la cour d’assises, si elle maintient une majorité qualifiée exigeante, a mis fin à la règle de la « minorité de faveur » selon laquelle un accusé ne peut être déclaré coupable qu’avec les voix d’au moins la moitié des jurés. En effet, en l’état du droit, trois jurés et trois magistrats peuvent déclarer l’accusé coupable même si la moitié du jury (trois également) estime qu’il est innocent.

La décision sur la peine se prend à la majorité absolue des votants, soit cinq voix sur neuf, sauf pour prononcer la peine maximale encourue, auquel cas la majorité exigée est portée à six voix devant la cour d’assises et à huit voix devant la cour d’assises d’appel ([179]).

b.   Le dispositif proposé

Le 2° du présent article modifie la règle applicable pour prononcer la culpabilité d’un accusé devant la cour d’assises. Il augmente de six voix sur neuf à sept voix sur neuf la majorité qualifiée requise pour prononcer la culpabilité.

Cette disposition rétablit la règle de la « minorité de faveur » : il sera impossible de condamner un accusé si la moitié du jury estime qu’il est innocent. Au moins quatre membres du jury sur six, en plus des trois magistrats, devront être convaincus de la culpabilité pour atteindre les sept voix exigées. Les règles de majorité ne changent pas devant la cour d’assises d’appel, ni en ce qui concerne la décision sur la peine, y compris pour prononcer la peine maximale encourue.

Cette évolution renforce la souveraineté du jury populaire mais rendra également plus difficile le prononcé de la culpabilité. Elle offre également un pouvoir de veto aux magistrats puisqu’à eux trois ils pourront s’opposer à l’ensemble d’un jury convaincu par la culpabilité de l’accusé.

3.   L’obligation de décerner un mandat de dépôt pour les accusés condamnés à une peine d’emprisonnement ayant comparu libres

a.   L’état du droit

L’article 367 du code de procédure pénale fixe les conditions d’incarcération ou de libération des personnes jugées par la cour d’assises.

Un accusé ayant comparu détenu est libéré immédiatement s’il est exempté de peine, acquitté, si sa peine n’est pas privative de liberté ou s’il a passé en détention provisoire une durée supérieure à la peine prononcée.

Dans les autres cas, l’accusé qui comparait détenu ou libre doit être incarcéré. Jusqu’en 2011, l’article 367 prévoyait que si l’accusé comparaissait détenu, le mandat de dépôt à son encontre continuait de produire son effet. En revanche lorsqu’il avait comparu libre, la cour d’assises devait décerner un mandat de dépôt comme doit le faire le tribunal correctionnel ([180]).

L’article 156 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a retiré l’obligation de décerner un mandat de dépôt contre un accusé condamné par la cour d’assises même s’il a comparu libre, estimant que « l’arrêt de la cour vaut titre de détention ».

En revanche, la cour doit décerner un mandat de dépôt si elle souhaite incarcérer une personne renvoyée pour délit connexe ayant comparu libre, à condition que la peine prononcée soit supérieure ou égale à un an d’emprisonnement et que les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

b.   Le dispositif proposé

Le 3° du présent article modifie l’article 367 du code de procédure pénale. Il revient sur la modification apportée par la loi du 17 mai 2011 en rétablissant l’exigence de décerner un mandat de dépôt à l’encontre d’un accusé ayant comparu libre lorsque celui-ci est condamné à une peine d’emprisonnement (pouvant aller jusqu’à dix ans au plus) ([181]).

Cette décision doit être motivée et son effet peut être immédiat ou différé, auquel cas la personne condamnée est convoquée ultérieurement pour son incarcération, conformément aux dispositions applicables aux peines prononcées par le tribunal correctionnel ([182]).

En revanche, si l’accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle (dont la durée est de dix ans au moins) ([183]), l’arrêt de la cour d’assises continue de valoir titre de détention.

4.   La position de votre Commission

La Commission des lois a adopté douze amendements au présent article.

a.   Les modifications apportées à l’audience préparatoire criminelle

À l’initiative de M. Dimitri Houbron et avec le soutien de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à rendre systématique l’audience préparatoire criminelle, en retirant la possibilité pour le ministère public ou les parties de s’opposer à son organisation.

En effet, le texte impose, en tout état de cause, au président de prendre contact avec les parties pour leur proposer la tenue de cette réunion. L’obligation de procéder à l’organisation de l’audience permettra l’économie de cette démarche. En outre, celle-ci peut se tenir en visioconférence ce qui la rend peu contraignante. Il semblait donc utile de rendre le texte plus impératif afin de généraliser cette bonne pratique et de favoriser le dialogue entre les parties et, ainsi, la recherche d’un accord.

À l’initiative de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, la Commission a également prévu que le dossier individuel de détention de l’accusé prévenu soit transmis au président en amont de l’audience.

b.   Les autres modifications apportées au fonctionnement des cours d’assises

La Commission a modifié deux dispositions qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial.

i.   La possibilité de désigner des magistrats exerçant à titre temporaire pour siéger à la cour d’assises

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a permis aux magistrats à titre temporaire d’être désignés en tant qu’assesseurs de la cour d’assises. En l’état du droit, l’article 249 du code de procédure pénale prévoit que les assesseurs de la cour d’assises sont choisis « soit parmi les conseillers de la cour d’appel, soit parmi les présidents, vice-présidents ou juges du tribunal judiciaire du lieu de la tenue des assises ». Depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l’un des deux assesseurs peut également être un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Face à l’accroissement du nombre d’audiences devant la cour d’assises, il apparaît nécessaire d’augmenter le nombre des magistrats pouvant y siéger. En 2020, sur 218 magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles affectés au siège, seuls 36 ont exercé les fonctions d’assesseurs de la cour d’assises, notamment en raison des nombreuses autres missions qui leur sont confiées. Ouvrir cette faculté aux magistrats exerçant à titre temporaire facilitera l’organisation des sessions d’assises. Cela est cohérent avec la possibilité qui leur est offerte d’exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles.

La Commission a également adopté un amendement à l’article 1er du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire pour adapter le statut des magistrats exerçant à titre temporaire à cette nouvelle compétence.

Dans le même but, et par cohérence avec le ressort des cours d’assises – qui est départemental –, l’amendement adopté précise également que les juges professionnels et non professionnels peuvent être désignés assesseurs de la cour d’assises dans l’ensemble du département de leur tribunal d’affectation, y compris lorsque ce tribunal n’est pas le siège de la cour d’assises.

ii.   La modification des discours d’ouverture des audiences

Par un amendement de votre rapporteur, la Commission a créé un nouvel article 304-1 dans le code de procédure pénale qui précise les modifications à apporter au discours d’ouverture adressé par le président de la cour d’assises d’appel aux jurés lorsque l’accusé n’a fait appel que de la peine prononcée en première instance.

La Commission a également adopté un amendement du Gouvernement modifiant le contenu du rapport introductif au cours duquel le président, en application de l’article 327 du code de procédure pénale, « présente, de façon concise, les faits reprochés à l’accusé tels qu’ils résultent de la décision de renvoi » et « expose les éléments à charge et à décharge concernant l’accusé ». Afin d’éviter que le déséquilibre entre les éléments à charge et à décharge ne porte atteinte à l’objectivité de cette présentation, l’amendement adopté prévoit que le président peut mentionner, outre les éléments à décharge résultant de l’information, ceux également à décharge adressés par la défense au juge d’instruction en application de l’article 175 du code de procédure pénale qui ne figureraient pas dans l’ordonnance de mise en accusation.

La Commission a également adopté sept amendements rédactionnels et de coordination de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié.

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* *

Article 6 bis (nouveau)
(art. 52-1, 80, 118, 397-2 et 397-7 du code de procédure pénale)
Possibilité de procéder à l’instruction de certaines affaires criminelles dans un tribunal judiciaire sans pôle de l’instruction

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par l’amendement CL635 de votre rapporteur, vise à permettre au juge d’instruction d’un tribunal judiciaire dans lequel il n’y a pas de pôle de l’instruction de procéder à l’information judiciaire d’un crime lorsque celui-ci relève de la compétence de la cour criminelle et qu’il ne présente pas un degré de gravité ou de complexité particulier.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles 6 à 8 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale ont créé les pôles de l’instruction, seuls compétents en matière de crime.

L’article 95 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié l’article 52-1 du code de procédure pénale pour autoriser l’absence de juge d’instruction dans certains tribunaux judiciaires lorsqu’il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un département.

1.   L’état du droit

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a confié l’instruction des crimes ([184]) et des affaires correctionnelles les plus complexes, justifiant une « cosaisine » ([185]), à des pôles de l’instruction placés dans les tribunaux judiciaires dotés d’au moins trois juges d’instruction.

Lorsque des faits ont lieu dans le ressort d’un tribunal judiciaire sans pôle de l’instruction, le procureur de la République peut ouvrir l’information devant le tribunal judiciaire où se trouve le pôle ou se dessaisir au profit du procureur de la République compétent dans le ressort du tribunal judiciaire du pôle ([186]).

Cette innovation, inspirée des travaux de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau ([187]), répondait à la nécessité de rompre avec l’isolement du juge d’instruction et de favoriser le travail en équipe au stade de l’information. Toutefois, la collégialité de l’instruction qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010 a été progressivement reportée au 1er janvier 2017. Elle a finalement été abandonnée au cours des débats sur le projet de loi sur la justice du XXIe siècle.

S’il apparaît pertinent de recourir à ces pôles spécialisés pour traiter des affaires les plus complexes, ce « dépaysement » de l’instruction présente également des défauts.

Cette situation peut être préjudiciable pour les justiciables puisque, du fait de l’automaticité de la saisine du pôle de l’instruction, un grand nombre d’affaires qui pourraient tout à fait être instruites sur place sont envoyées pour des années à des centaines de kilomètres de distance, empêchant le bon suivi des dossiers et conduisant soit à une multiplication des déplacements, soit à un désintérêt pour les dossiers traités, qui sont ensuite jugés par la cour d’assises dans le ressort de laquelle les faits ont été commis.

Le caractère systématique de la saisine des pôles de l’instruction pour les affaires criminelles, notamment lorsque les faits sont simples, présente plus d’inconvénients que d’avantages. C’est pourquoi votre rapporteur a souhaité assouplir les critères de saisine des pôles de l’instruction.

2.   Le dispositif adopté par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement visant à permettre que certains crimes soient instruits dans des tribunaux judiciaires n’ayant pas de pôle de l’instruction. Les affaires criminelles ne seraient confiées au pôle de l’instruction que si la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie, comme c’est le cas en matière de cosaisine.

Le présent article modifie l’article 52-1 du code de procédure pénale pour permettre au procureur de requérir l’ouverture d’une information auprès du tribunal judiciaire dans le ressort duquel les faits ont été commis « s’il s’agit d’un crime relevant de la compétence de la cour criminelle départementale » et qu’il « considère qu’il résulte des circonstances de l’espèce et de son absence de complexité que le recours à la cosaisine, même en cours d’instruction, paraît peu probable ».

Il modifie également l’article 118 du code de procédure pénale pour permettre au juge d’instruction du tribunal judiciaire de ne pas se dessaisir au profit du pôle lorsqu’il apparaît au cours de l’information judiciaire que les faits reprochés à la personne mise en examen sous une qualification correctionnelle constituent un crime mais ne présentent pas une gravité ou une complexité le justifiant.

Il adapte enfin les articles 80, sur l’ouverture de l’instruction, 397-2, sur la demande de supplément d’information, et 397-7, sur le placement de l’accusé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire dans l’attente de sa comparution devant le juge d’instruction, en soumettant, par cohérence, la saisine du pôle de l’instruction aux mêmes exigences de gravité et de complexité des faits.

Ainsi, les affaires criminelles ne posant pas de difficulté majeure pourront être instruites au plus près des parties et des avocats en charge du dossier. Cela évitera toute déperdition d’information au cours de l’instruction et renforcera la proximité de la justice criminelle.

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Article 7
(art. 181, 181-1 [nouveau], 181-2 [nouveau], 186, 186-3, 214, 231, 380-16 à 380-22 [nouveaux] du code de procédure pénale, art. 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice)
Généralisation des cours criminelles
pour les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à la généralisation des cours criminelles, dispositif expérimental introduit par l’article 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette nouvelle juridiction, composée d’un jury de cinq magistrats, est compétente pour juger les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle selon une procédure similaire à celle devant la cour d’assises.

Ce dispositif doit permettre de juger plus efficacement certains crimes, notamment sexuels, de réduire le recours à la correctionnalisation et de raccourcir les délais de jugement. Le jury populaire est maintenu en première instance pour les crimes les plus graves, et en appel pour tous les crimes.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les II et III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoyaient l’expérimentation des cours criminelles pour une durée de trois ans dans deux à dix départements.

L’article 32 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a autorisé l’extension de l’expérimentation jusqu’à dix-huit départements.

L’article 26 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a donné la possibilité au président de la chambre de l’instruction de rectifier une erreur d’orientation d’un accusé vers la cour d’assises au lieu de la cour criminelle ou inversement lorsque une ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction manifestement erronée n’est plus susceptible d’appel.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté :

– un amendement CL569 de votre rapporteur précisant le calcul des délais maximaux d’audiencement en cas de réorientation d’une affaire de la cour d’assises vers la cour criminelle ou inversement ;

– un amendement CL575 de votre rapporteur visant à préciser que le président de la cour criminelle départementale doit exercer ou avoir exercé les fonctions de président de la cour d’assises ;

– quatre amendements rédactionnels de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   Une alternative aux cours d’assises pour réduire les délais de jugement et limiter la correctionnalisation de certains crimes

i.   L’expérimentation d’une nouvelle juridiction criminelle

Les cours criminelles sont un dispositif expérimental introduit par les II et III de l’article 63 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ces juridictions sont compétentes pour juger les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle ([188]), lorsqu’il n’a pas été commis en état de récidive légale. La cour criminelle est également compétente pour connaître des délits connexes. En revanche, elle n’est pas compétente si au moins un des co-accusés ne répond pas à ces critères.

Le renvoi des affaires concernées est systématique sauf lorsque la mise en accusation a eu lieu avant le début de l’expérimentation, auquel cas l’accusé peut demander à comparaître devant la cour d’assises. Si la cour criminelle estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle doit renvoyer l’affaire devant la cour d’assises.

En cas d’erreur concernant l’orientation d’un accusé vers la cour d’assises au lieu de la cour criminelle ou inversement, le président de la chambre de l’instruction peut, à la demande du procureur de la République ou d’une des parties, rectifier la juridiction saisie, y compris lorsque cette décision n’est plus susceptible d’appel ([189]).

La procédure est identique à celle devant la cour d’assises à trois exceptions.

Premièrement, le jury populaire est remplacé par un jury composé cinq juges : le président de la cour criminelle et quatre assesseurs. Parmi les assesseurs, deux au moins sont des magistrats professionnels, à la fois titulaires et en activité ; les deux autres peuvent être des magistrats non professionnels, honoraires ou exerçant à titre temporaire dans le ressort de la cour d’appel. Cette possibilité a été largement utilisée puisque seulement 6 % des affaires ont été jugées par cinq magistrats professionnels et 20 % par quatre magistrats professionnels. Dans 74 % des affaires, deux juges professionnels ont été désignés. Sur 135 affaires, 14 % des 675 magistrats mobilisés étaient des magistrats honoraires et 20 % des magistrats exerçant à titre temporaire ([190]).

Cette composition a des effets sur les modalités de décision de la cour. Tandis que devant la cour d’assises, les décisions pour prononcer la culpabilité et la peine maximale encourue sont prises à la majorité de six voix sur neuf ([191]) ; devant la cour criminelle elles sont prises à la majorité absolue, soit trois voix sur cinq.

Deuxièmement, le délai maximal d’audiencement est réduit de moitié et ne peut être prolongé qu’une seule fois. Ainsi, la durée qui peut s’écouler entre la mise en accusation et la comparution devant la cour criminelle ne peut excéder six mois lorsque l’accusé est détenu – contre douze lorsque l’affaire est renvoyée devant la cour d’assises ([192]). Au-delà, l’accusé doit être libéré.

L’article 181 du code de procédure pénale prévoit une dérogation à ce principe : « Si l’audience sur le fond ne peut débuter avant l’expiration de ce délai, la chambre de l’instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l’article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois ». Cette prolongation peut s’effectuer à une seule reprise lorsque l’accusé est renvoyé devant la cour criminelle (soit un total d’un an) contre deux fois lorsqu’il est renvoyé devant la cour d’assises (soit un total de deux ans).

Troisièmement, les assesseurs ont accès au dossier avant l’audience afin d’améliorer leur connaissance des faits et de leur permettre de concentrer les témoignages et expertises sur les points les plus sensibles. Devant la cour d’assises, seuls le président et les assesseurs ont connaissance du dossier avant l’audience ; le jury n’y a accès qu’au moment du délibéré.

ii.   Les objectifs poursuivis

L’expérimentation poursuit deux objectifs conjoints : réduire les délais de jugement des affaires criminelles et limiter le recours à la correctionnalisation de certains crimes, en particulier ceux de nature sexuelle qui représentent 93 % des affaires renvoyées devant la cour criminelle ([193]). En effet, compte tenu de l’augmentation du stock des affaires criminelles en attente de jugement et de la durée des audiences ([194]), les délais moyens d’audiencement – et corrélativement la durée de la détention provisoire – s’allongent ([195]). L’accroissement important du taux d’appel (32 % en 2018 contre 21 % en 2003) renforce cette difficulté.

Or, l’allongement du délai d’audiencement pose difficulté au regard du droit à être jugé dans un délai raisonnable, garanti par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans divers arrêts ([196]), la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’ « il appartient aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire […] ne dépasse pas la limite du raisonnable. […] La Cour recherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure. […] S’agissant enfin de la période s’étant écoulée entre l’arrêt de mise en accusation et celui de la cour d’assises, la chambre de l’instruction indique que la longueur de la détention provisoire du requérant a tenu notamment à l’encombrement des sessions d’assises. La Cour rappelle qu’il incombe aux États d’agencer leur système judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux exigences de l’article 5 ».

Par ailleurs, ces délais incitent certaines victimes à accepter la correctionnalisation du crime pour lequel elles se sont constituées parties civiles, c’est-à-dire l’abandon d’une circonstance aggravante ou d’un élément constitutif (par exemple en considérant qu’il n’y a pas eu pénétration afin de requalifier un viol en agression sexuelle) afin que l’infraction soit jugée devant le tribunal correctionnel. Cette requalification pose plusieurs difficultés : elle dénie une part des agissements subis par la victime, elle allège la peine encourue par son auteur, elle n’inscrit pas l’infraction réellement commise à son casier judiciaire et ne permet pas une bonne appréhension du risque de récidive.

La requalification est parfois utilisée à bon escient, lorsque la peine encourue est disproportionnée (par exemple pour certains vols à main armée) mais bien souvent elle ne répond qu’aux objectifs de réduire le délai de jugement, d’accélérer la condamnation et, dans certains cas, d’éviter d’exposer une victime fragile à un jugement par la cour d’assises qui peut être éprouvant.

iii.   Les inquiétudes suscitées

Lors de son introduction, ce dispositif a suscité d’importantes réticences. De nombreux avocats ont craint un recul de l’oralité des débats qui représente la spécificité de la justice criminelle et la garantie d’une décision de meilleure qualité, prenant le temps nécessaire pour juger les crimes les plus graves.

L’atteinte au principe du jury populaire en matière criminelle a également été vivement critiquée. Pour de nombreux acteurs de la justice, il s’agit d’un lien précieux entre la justice et les citoyens qui participe de la confiance dans cette institution. Le jury populaire incarne la justice rendue au nom du peuple français et légitime les peines les plus lourdes.

À ce titre, votre rapporteur, également très attaché à ces principes d’oralité et de justice populaire, rappelle que le principe du jury populaire sera maintenu pour de nombreux crimes en première instance et pour l’ensemble des crimes en appel.

b.   Une extension progressive dans le cadre de l’expérimentation

L’expérimentation a été mise en œuvre par trois vagues successives.

Un arrêté du 25 avril 2019 ([197]) a autorisé sept départements (Ardennes, Calvados, Cher, Moselle, Réunion, Seine-Maritime et Yvelines) à procéder à l’expérimentation à partir du 1er septembre 2019 ;

Un deuxième arrêté, en date du 2 mars 2020 ([198]), a permis à deux départements supplémentaires (Hérault et Pyrénées-Atlantiques) de rejoindre l’expérimentation à partir 1er septembre 2020, portant ainsi à neuf – sur les dix autorisés par la loi – le nombre de départements concernés.

L’adoption de l’article 32 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire ([199]) a élevé à dix-huit le nombre maximum de départements pouvant participer à l’expérimentation, notamment pour faire face à l’impossibilité de réunir des jurés et au retard pris dans leur désignation. En conséquence, un troisième arrêté en date du 2 juillet 2020 ([200]) a étendu l’expérimentation à six autres départements (Isère, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Val-d’Oise, Guadeloupe et Guyane) à compter du 1er août 2020.

c.   Un premier bilan globalement positif

Bien qu’effectué avec un recul limité, les évaluations effectuées par le Parlement ([201]) et par le Gouvernement ([202]) sont positives. Au 17 mars 2021, 143 affaires ont été traitées concernant 167 accusés.

 

Statistiques de l’expérimentation des cours criminelles au 23 avril 2021

 

Nombre d’affaires / nombre d’accusés

Taux d’appel

Moyenne des peines infligées

Ardennes

2/3

0 %

6,6 ans

Calvados

21/21

33 %

8,4 ans

Cher

12/23

14 %

9,1 ans

Moselle

18/22

26 %

9,5 ans

La Réunion

30/34

14 %

10,97 ans

Seine-Maritime

11 novembre

18 %

9,8 ans

Yvelines

19/23

17 %

8,5 ans

Pyrénées-Atlantiques

7/7

28 %

9 ans

Hérault

11 novembre

54 %

13,4 ans

Loire-Atlantique

12/12

16 %

9,6 ans

Total

143/167

21 %

9,7 ans

Source : ministère de la justice.

i.   La permanence de l’oralité des débats

La crainte d’un raccourcissement excessif de la durée des audiences, au profit d’un recours accru au dossier écrit, ne s’est pas matérialisée. Dans les départements expérimentateurs, la présidence des cours criminelles a été confiée à un président de cour d’assises, rompu à l’oralité des débats. Le nombre de témoins et d’experts consultés reste conséquent et les rapporteurs de la mission flash de la commission des Lois de l’Assemblée nationale ont pu constater que « dans certains ressorts, il y a eu un accord préalable avec le barreau pour fixer le nombre de citations de témoins […] permettant un apaisement et le bon déroulement de l’expérimentation ».

La cour criminelle se rapproche donc davantage de la cour d’assises que du tribunal correctionnel, répondant ainsi à certaines des critiques qui lui étaient adressées.

ii.   Un gain de temps obtenu principalement par l’absence des jurés

L’économie de temps réalisée sur la durée des audiences est substantielle (environ une journée de moins par affaire) car certains experts ne sont plus nécessaires à un jury composé de magistrats et le temps consacré par le président pour assurer le caractère pédagogique des débats est allégé.

L’absence des démarches nécessaires à la constitution du jury (tirage au sort, récusation, etc.) et à sa formation, très chronophages pour les greffes, a permis de réduire les délais d’audiencement, tout particulièrement durant la crise sanitaire. Au 17 mars 2021, le délai d’audiencement moyen des affaires jugées par les cours criminelles était faible : 6,5 mois pour les accusés détenus et 8,7 mois pour les accusés libres ([203]). À titre de comparaison, ce délai s’établissait à 40,6 mois devant la cour d’assises en 2015.

Cette efficacité pourrait être pénalisée par un recours plus fréquent à l’appel. Cela ne semble pas être le cas puisque le taux d’appel des décisions rendues par les cours criminels s’élevait à 21 % contre 32 % pour les cours d’assises ([204]).

iii.   Des effets ambivalents sur les moyens

Si elle allège les démarches relatives à la constitution du jury, il n’en demeure pas moins que la procédure devant la cour criminelle est exigeante, en particulier si l’oralité est préservée, ce que votre rapporteur souhaite.

En effet, le travail d’enquête et d’instruction reste le même pour l’ensemble des affaires criminelles.

Ensuite, la durée des audiences reste longue et elles mobilisent au moins trois magistrats titulaires (contre deux généralement devant la cour d’assises) qui ne peuvent exercer leurs autres missions durant cette période. La généralisation pose donc la question de l’affectation des magistrats siégeant au sein des cours criminelles lorsque celles-ci seront appelées à siéger plus souvent et sur l’ensemble du territoire.

Enfin, les cours criminelles utilisent les mêmes salles d’audience que les cours d’assises, ce qui empêche, dans la plupart des cours d’appel, de mener de front une session de cour d’assises et une session de cour criminelle.

iv.   Les précautions nécessaires à la généralisation

Les différents travaux d’évaluation de l’expérimentation signalent des ajustements nécessaires pour que les bonnes pratiques issues de l’expérimentation perdurent.

Le rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, remis au garde des Sceaux le 11 janvier 2021, indique que « l’oralité des débats, telle qu’elle est mise en œuvre à l’heure actuelle, apparaît devoir être maintenue en l’état » ([205]). Pour y parvenir, la mission d’information flash de la commission des Lois a recommandé que la présidence des cours criminelles soit toujours assurée par un président de cour d’assises ([206]).

Plusieurs propositions ont également porté sur la composition des cours criminelles départementales afin de diversifier les profils des assesseurs tout en maintenant une exigence de compétence juridique. La mission d’information flash de la commission des Lois proposait ainsi que des avocats honoraires peuvent y siéger ([207]).

2.   Le dispositif proposé

a.   Une généralisation nécessaire au maintien du dispositif

L’arrêté du 25 avril 2019 relatif à l’expérimentation de la cour criminelle fixait au 1er septembre 2019 les premières audiences des cours criminelles. Toutefois, ce même arrêté fixait la date du début de l’expérimentation, entendue comme celle à partir de laquelle une personne pouvait être mise en accusation devant la cour criminelle, au 13 mai 2019. L’expérience étant prévue pour trois ans, cela signifie qu’à partir 13 mai 2022, il ne sera plus possible de mettre en accusation une personne devant les cours criminelles. Le dispositif risque donc d’être suspendu si aucun texte n’intervient sur ce sujet au début de la prochaine législature. Il apparaît donc nécessaire, soit de prolonger l’expérimentation, soit de procéder à sa généralisation.

La reconduction de l’expérimentation poserait également difficulté en pérennisant la coexistence de deux modalités de jugement pour les mêmes crimes selon le département dans lequel ils ont été commis. Ainsi que le rappelaient les rapporteurs de la mission flash de la commission des Lois sur les cours criminelles, il est nécessaire de « veiller à ce que l’expérimentation ne s’étende pas indéfiniment dans le temps dans un souci d’unité de la justice criminelle sur le territoire national ». Le projet de loi prévoit donc la généralisation du dispositif.

b.   L’inscription du dispositif expérimental dans le code de procédure pénale

Le présent article procède à la généralisation des cours criminelles. Il inscrit dans un nouveau sous-titre du code de procédure pénale les dispositions expérimentales inscrites à l’article 63 de la loi du 23 mars 2019 et réalise diverses coordinations.

Les 1° et le 2° fixent les règles d’orientation des affaires devant la cour criminelle départementale en modifiant l’article 181 du code de procédure pénale et en créant deux articles 181-1 et 181-2 dans le même code.

L’article 181-1 reprend le critère d’orientation fixé dans l’expérimentation : les personnes accusées d’un crime puni de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle seront mises en accusation devant la cour criminelle départementale sauf s’il existe un co-accusé mis en accusation pour des faits ne relevant pas de la cour criminelle. Il rappelle également que le délai maximal d’audiencement est réduit d’un an à six mois pour les accusés renvoyés devant la cour criminelle et placés en détention provisoire.

L’article 181-2 prévoit la possibilité de corriger une erreur d’orientation de l’accusé vers la cour d’assises au lieu de la cour criminelle départementale, ou inversement, y compris dans le cas où l’ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction n’est plus susceptible d’appel. Cette réorientation est réalisée par ordonnance motivée du président de la chambre de l’instruction, saisi par le procureur de la République ou par une partie.

Les 3° à 8° procèdent aux coordinations résultant de l’intégration des cours criminelles départementales dans le code de procédure pénale. Le 3° prévoit la possibilité de faire appel des ordonnances du juge d’instruction concernant les mises en accusation devant la cour criminelle. Le 4° prévoit la possibilité pour les parties d’interjeter appel contre le renvoi devant le tribunal correctionnel si elles estiment que les faits constituent un crime relevant de la cour criminelle. Le 5° précise à l’article 214 du code de procédure pénale que la mise en accusation des personnes poursuivies pour avoir commis un crime peut s’effectuer devant la cour criminelle départementale. Le 6° complète le titre Ier du livre II jusqu’alors exclusivement consacré à la cour d’assises. Le 7° crée un sous-titre Ier qui rassemblera l’ensemble des dispositions relatives à la cour d’assises. Le 8° exclut de la compétence de la cour d’assises les faits qui relèvent de la cour criminelle tels qu’ils sont définis au nouvel article 380-16.

Le 9° insère un sous-titre II, « De la cour criminelle départementale », qui contient sept nouveaux articles fixant :

– à l’article 380-16, la compétence des cours criminelles : les crimes punis de quinze ou de vingt ans et les délits connexes, sauf en cas de récidive légale ou en présence de co-accusés poursuivis pour des faits excédant la compétence de la cour criminelle ;

– aux articles 380-17 et 380-18, leur composition et leur organisation : elles siègent dans le même lieu que la cour d’assises par session. Elles sont composées d’un président et de quatre assesseurs. Le président est désigné parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel et les assesseurs sont nommés parmi les conseillers et juges du ressort de la cour d’appel. Deux d’entre eux, au plus, peuvent être des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires du ressort de la cour d’appel ([208]) ([209]) ;

– à l’article 380-19, l’identité de la procédure avec la cour d’assises à deux exceptions : l’absence de jury et de jurés et la prise des décisions relatives à la culpabilité et à la peine à la majorité (trois voix sur cinq) ;

– à l’article 380-20, les conditions dans lesquelles les cours criminelles peuvent renvoyer une affaire devant la cour d’assises si elles estiment au cours ou à l’issue des débats que les faits dont elles sont saisies ne relèvent pas de leur compétence ;

– à l’article 380-21, la faculté de faire appel des décisions des cours criminelles départementales devant la cour d’assises d’appel ;

– à l’article 380-22, l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle pour les affaires jugées par les cours criminelles, qui sont les mêmes que pour la cour d’assises.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté six amendements de votre rapporteur au présent article.

Elle a ainsi précisé le calcul des délais maximaux entre la mise en accusation et l’audience en cas de réorientation d’une affaire vers la cour d’assises ou la cour criminelle, en application du nouvel article 181-2 du code de procédure pénale. Ainsi modifié, l’article 181-1 prévoit que lorsqu’une affaire initialement orientée vers la cour criminelle est renvoyée devant la cour d’assises, les délais d’audiencement prévus pour la cour d’assises par l’article 181 sont alors applicables et se calculent à compter de la date de la mise en accusation initiale.

Si, à l’inverse, une affaire initialement prévue devant la cour d’assises est renvoyée devant la cour criminelle départementale, les délais applicables sont ceux, plus courts, prévus par l’article 181-1, calculés à compter de la décision de réorientation. La durée cumulée avant et après la réorientation ne pourra toutefois pas conduire à excéder, au total, les délais prévus par l’article 181.

La Commission a également adopté un amendement de votre rapporteur visant à inscrire dans la composition de la cour criminelle que son président doit exercer ou avoir exercé les fonctions de président de la cour d’assises. Il s’agissait de l’une des recommandations formulées par votre rapporteur à l’occasion de la mission d’information flash de la commission des Lois ([210]) afin de préserver l’oralité des débats devant la cour criminelle.

La Commission a également adopté quatre amendements rédactionnels de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié.

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Article 8
Possibilité, à titre expérimental, de désigner un avocat honoraire pour exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit, à titre expérimental dans deux à vingt départements et pour une durée de trois ans, la possibilité de désigner un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en tant qu’assesseur de la cour d’assises ou de la cour criminelle.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et l’article 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions ont autorisé les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire du ressort de la cour d’appel à exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation. Ils ont également permis aux magistrats honoraires d’exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises.

L’article 3 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions, a modifié l’article 41-10 A de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de préciser que les magistrats non professionnels ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels à l’initiative de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   Un besoin élevé de juges non professionnels né de la généralisation des cours criminelles

La généralisation des cours criminelles et l’augmentation du nombre d’affaires criminelles renvoyées devant la cour d’assises exigent de trouver de nouvelles solutions pour faire vivre la justice criminelle et réduire les délais d’audiencement.

Face à l’inquiétude de nombreux professionnels quant au recul de la participation des citoyens à l’œuvre de justice, la mission flash sur les cours criminelles a proposé dans ses conclusions de « permettre à des avocats honoraires de siéger comme assesseurs dans les cours criminelles » ([211]). Ses rapporteurs estimaient qu’il s’agissait d’un moyen de « renforcer le caractère citoyen » en « conciliant la présence d’un regard extérieur et le maintien des compétences juridiques de la formation de jugement » ([212]).

En outre, la généralisation des cours criminelles départementales va avoir un impact fort en termes de ressources humaines. Composées de cinq magistrats dont au moins trois professionnels, les cours criminelles rendent indispensable le recours à des magistrats non professionnels pour compléter le jury. Au cours de l’expérimentation, 74 % des affaires jugées devant la cour criminelle l’ont été en présence de deux magistrats non professionnels ([213]), or ces derniers ne sont pas en nombre suffisant. Devant la cour d’assises, seuls des magistrats honoraires peuvent être désignés mais sur les 218 magistrats honoraires affectés au siège, seuls 36 ont déjà exercé des fonctions d’assesseurs en cour d’assises, notamment en raison des nombreuses autres missions qui leur sont attribuées. Le recrutement rapide de juristes compétents est en mesure de pallier cette difficulté.

b.   Un vivier important de juristes compétents

Pour rappel, l’article 109 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoit que « le titre d’avocat honoraire peut être conféré par le conseil de l’ordre aux avocats qui ont exercé la profession pendant vingt ans au moins et qui ont donné leur démission ».

L’avocat honoraire ne peut exercer aucun acte de la profession hormis la consultation ou la rédaction d’actes, sur autorisation du bâtonnier ([214]). L’avocat honoraire peut également accepter une mission de justice, d’arbitrage, d’expertise ou de médiation et participer à une commission administrative ou à un jury d’examen ou de concours. Il demeure soumis aux obligations résultant du serment d’avocat.

Les avocats peuvent devenir magistrats à titre temporaire mais très peu en font la demande. Les avocats représentent ainsi 107 des 461 magistrats à titre temporaire. Parmi eux, seulement onze ont le statut d’avocats honoraires. Cela représente 0,17 % de l’ensemble des avocats honoraires puisqu’au 1er janvier 2021, 6 318 avocats honoraires ont été recensés, un chiffre en augmentation de 54 % par rapport à 2010.

2.   Le dispositif proposé

a.   Un renforcement de la spécificité des cours criminelles par rapport aux juridictions correctionnelles

Outre la nécessité de disposer de suffisamment de magistrats pour assurer la généralisation des cours criminelles, la désignation d’avocats honoraires comme assesseurs des cours d’assises et des cours criminelles renforcera la spécificité de la justice criminelle en affirmant sa dimension non professionnelle.

Elle renforcera les échanges interprofessionnels et leur présence ne pèsera pas sur la durée des débats dès lors que les avocats, du fait de leurs connaissances juridiques, n’ont pas besoin de bénéficier des mêmes efforts pédagogiques de la part du président au cours de l’audience. Ils apporteront également un regard extérieur et expérimenté utile au jugement des crimes et qui justifiait l’existence des jurés populaires en matière criminelle.

La création d’un statut spécifique invitera des avocats honoraires qui n’ont pas l’idée de se tourner vers le statut de magistrat à titre temporaire, méconnu, à participer à la justice au côté des magistrats professionnels.

b.   L’encadrement de l’expérimentation

L’expérimentation prévue au présent article pour une durée de trois ans pourra se dérouler dans deux à vingt départements. Elle permettra de désigner des avocats honoraires parmi les assesseurs des cours d’assises et des cours criminelles. Selon l’étude d’impact, l’expérimentation « pourrait se faire dans les mêmes ressorts que ceux ayant déjà fait l’expérience de la cour criminelle, afin de ne pas rajouter un processus expérimental dans des ressorts qui n’ont pas encore connu la cour criminelle et qui vont devoir mettre en œuvre la mesure prévoyant la généralisation » ([215]).

Dans son avis le Conseil d’État a estimé que « la compétence de la loi organique pour définir le statut de l’avocat honoraire appelé à siéger en qualité d’assesseur des juridictions criminelles peut être justifiée, comme elle l’est pour les magistrats exerçant à titre temporaire ou pour les magistrats honoraires, tous appelés à siéger aux lieux et place de magistrats professionnels ». En effet, le Conseil constitutionnel a estimé, dans le cas des juges de proximité, qu’il « appartenait au législateur organique de soumettre les juges de proximité aux mêmes droits et obligations que ceux des magistrats de carrière, sous réserve des dérogations et aménagements justifiés par le caractère temporaire de leurs fonctions et leur exercice à temps partiel » ([216]). Cette exigence s’applique a fortiori à des magistrats non professionnels désignés pour juger des crimes.

L’article 3 du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire y procède en fixant les conditions de désignation des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. Il fixe les règles d’incompatibilité et de discipline nécessaires pour garantir l’impartialité, l’indépendance et la probité de ces nouveaux juges non professionnels ([217]).

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui exige que, « s’agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire » ([218]), le III de l’article 3 du projet de loi organique indique que « les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent […] composer majoritairement la cour d’assises ou la cour criminelle départementale ».

La désignation d’un avocat honoraire ne doit pas non plus aboutir à ce que des magistrats non professionnels (avocat honoraire, magistrat honoraire ou magistrat à titre temporaire) exercent ensemble la majorité des fonctions d’assesseurs composant la cour d’assises ou la cour criminelle.

Cette règle devait être précisée au présent article, le Conseil d’État estimant, dans son avis sur le projet de loi organique, que « c’est à la loi ordinaire qu’il appartient de veiller à l’observation du principe de participation minoritaire des magistrats non professionnels dans les règles fixant les compositions des juridictions ».

En conséquence, le I du présent article indique que, devant la cour d’assises, la désignation d’un avocat honoraire entraîne l’impossibilité de désigner un magistrat honoraire. Le II prévoit que, devant la cour criminelle, elle empêche de désigner plus d’un magistrat à titre temporaire ou honoraire afin que les magistrats non professionnels ne soient pas plus de deux et restent minoritaires.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels, notamment pour procéder à une coordination avec la possibilité, introduite à l’article 6, de désigner des magistrats à titre temporaire en tant qu’assesseur dans les cours d’assises.

Elle a adopté l’article ainsi modifié.

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Chapitre IV
Dispositions relatives à l’exécution des peines

Article 9
(art. 706-56, 712-4-1, 712-19, 713-43, 717-1, 720, 721, 721-1, 721-1-1, 721-1-2 [nouveau], 721-1-3 [nouveau], 721-2, 721-4 [nouveau], 723-29, 729 et 7291 du code de procédure pénale)
Élargissement des possibilités d’incarcération provisoire prononcées par le juge de l’application des peines, développement d’une systématisation des libérations sous contrainte et refonte des régimes de réduction de peine

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à plusieurs modifications relatives à l’exécution des peines.

D’une part, il étend le champ d’application de l’article 712-9 du code de procédure pénale et élargit ainsi les possibilités pour le juge de l’application des peines d’ordonner une incarcération provisoire.

D’autre part, il systématise les libérations sous contrainte pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois. La libération sous contrainte est alors de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement ; un système de révocation et de réinsertion est prévu, ainsi que plusieurs exclusions de ce dispositif pour certains condamnés.

Enfin, le présent article fusionne les deux régimes de réduction de peine – d’une part, les crédits de réduction de peine prévus par l’actuel article 721 du code de procédure pénale et, d’autre part, les réductions supplémentaires de peine prévues par l’actuel article 721-1 du même code. Il crée ainsi un régime unique de réductions de peine ne pouvant excéder six mois par année (ou quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an) avec une évaluation individualisée se fondant sur la bonne conduite en détention et les efforts sérieux de réinsertion de la personne condamnée.

       Dernières modifications législatives intervenues

● L’ordonnance d’incarcération provisoire a été créée en 2004 ([219]), puis élargie en 2009 et en 2019 pour pouvoir être appliquée aux surveillances judiciaires ([220]) et aux peines de détention à domicile sous surveillance électronique ([221]).

● La libération sous contrainte a été instituée par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([222]). Elle a été modifiée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([223]) afin de systématiser le prononcé d’une libération sous contrainte au bénéfice de toute personne ayant purgé les deux tiers d’une peine de prison de moins de cinq ans, sauf décision spécialement motivée du juge de l’application des peines, afin de réduire au maximum les « sorties sèches » de détention.

● Les réductions de peines ont été créées dans les années 1970, puis ont fait l’objet d’une séparation nette entre deux régimes juridiques en 2004 ([224]) : d’une part, les réductions ordinaires de peine accordées par crédit dès le moment de la condamnation (les crédits de réduction de peine : CRP) et, d’autre part, le régime des réductions supplémentaires de peine (RSP) faisant l’objet de décisions du juge.

En 2014, plusieurs évolutions sont intervenues pour modifier le régime des réductions de peine et notamment mettre fin à l’existence d’un régime spécifique pour les récidivistes ([225]). À cette occasion a également été insérée une possibilité de retrait des CRP pour les personnes condamnées dans les circonstances mentionnées au second alinéa de l’article 122-1 du code pénal ([226]) et qui refusent les soins qui leur sont proposés. Aucune RSP ne peut en outre leur être accordée.

En 2016 ([227]) est créé l’article 721-1-1 du code de procédure pénale qui exclut les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour actes de terrorisme ([228]) (autre que les délits en lien avec la provocation au terrorisme ou son apologie) du bénéfice des CRP, mais leur ouvre la possibilité de bénéficier d’éventuelles RSP.

En 2019, les cas dans lesquels les crédits de réduction de peine peuvent être retirés ont également été élargis aux cas de refus de traitement de la part d’une personne condamnée pour violences à l’encontre de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ([229]).

En 2021, la loi pour une sécurité globale préservant les libertés ([230]) a prévu d’insérer dans le code de procédure pénale deux nouveaux articles 721‑1‑2 et 721‑1‑3 visant principalement à restreindre l’accès aux réductions de peine pour les condamnés à la suite de violences commises à l’encontre d’un détenteur de l’autorité publique. L’article 50 de cette loi (article 23 de la proposition initiale) prévoit ainsi que les personnes détenues pour des infractions graves à l’encontre d’un élu, policier, gendarme magistrat ou tout autre dépositaire de l’autorité publique ne pourront plus bénéficier de CRP, mais pourront bénéficier d’une RSP et, éventuellement, sur décision du JAP après avis de la commission de l’application des peines et dans des proportions restreintes ([231]), d’une réduction de peine pour bonne conduite.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté six amendements rédactionnels de votre rapporteur, ainsi que dix-neuf amendements, dont neuf de votre rapporteur, précisant et complétant le nouveau régime de réduction de peine prévu par le présent article.

Cinq amendements ont précisé la procédure applicable. Trois d’entre eux prévoient explicitement que le juge de l’application des peines prend sa décision après avis de la commission de l’application des peines, dont la composition a en outre été complétée pour intégrer un représentant du personnel pénitentiaire de surveillance. Les deux autres précisent que la réduction de peine s’applique aux condamnés en aménagement de peine sous écrou et prévoient l’information du condamné sur le fonctionnement de la réduction de peine au moment de sa mise sous écrou.

La Commission a également apporté de nombreuses précisions sur les critères pouvant servir à évaluer le comportement de la personne détenue et ainsi à octroyer la réduction de peine en adoptant onze amendements. Elle a notamment précisé que l’octroi de la réduction est décidé en fonction de la bonne conduite du détenu et de ses efforts de réinsertion. Elle a en outre introduit une liste d’éléments participant de l’évaluation de la bonne conduite et précisé les éléments entrant en compte dans l’appréhension des efforts sérieux de réinsertion.

Deux limitations ont par ailleurs été apportées à ce régime de réduction de peine : d’une part, pour les personnes condamnées refusant le traitement ou les soins qui leur sont proposés et, d’autre part, pour les condamnés pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique. Enfin, la Commission a choisi d’étendre la réduction de peine exceptionnelle valorisant des comportements exceptionnels à l’égard de l’institution pénitentiaire en y ajoutant les actes ayant évité que soit porté atteinte à la vie ou l’intégrité physique ou psychique des détenus.

1.   L’élargissement des possibilités pour le juge de l’application des peines d’ordonner une incarcération provisoire

a.   L’état du droit

Prévue par l’article 712‑19 du code de procédure pénale, l’ordonnance d’incarcération provisoire permet au juge de l’application des peines (JAP), en l’attente de la tenue du débat contradictoire, de prononcer l’incarcération provisoire du condamné ne respectant pas ses obligations et faisant l’objet d’une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, d’un sursis probatoire, d’un sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, d’un suivi socio‑judiciaire, d’une surveillance judiciaire, d’une suspension de peine, d’un fractionnement de peine ou d’une libération conditionnelle.

Cette incarcération provisoire est ordonnée par le JAP du lieu où se trouve le condamné, après avis du procureur de la République. Un débat contradictoire, tel que prévu par l’article 712‑6 ([232]) du code de procédure pénale, doit ensuite avoir lieu dans les quinze jours, faute de quoi la personne est remise en liberté. Ce délai est porté à un mois lorsque le débat contradictoire doit se faire devant le tribunal de l’application des peines en application des dispositions de l’article 712-7 du même code.

b.   Le dispositif proposé

● Le 2° du présent article complète le premier alinéa de l’article 712-19 du code de procédure pénale.

De nouveaux cas dans lesquels une telle incarcération provisoire peut être ordonnée sont insérés pour les situations dans lesquelles une personne condamnée ne respecte pas les obligations ou interdictions résultant d’une peine assortie d’une durée maximum d’emprisonnement dont le JAP peut ordonner la mise à exécution en tout ou partie en cas de non-respect desdites obligations ou interdictions ([233]).

Il peut s’agir :

– d’une part, de certaines peines prononcées à la place d’un emprisonnement, comme prévu par le deuxième alinéa de l’article 131‑9 du code pénal : une peine restrictive de liberté ([234]), un travail d’intérêt général (TIG) ([235]), un stage de sensibilisation ([236]) ;

– d’autre part, d’une ou plusieurs peines complémentaires prononcées à titre de peine principale, comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 131‑11 du code pénal.

Une telle évolution participerait d’une meilleure garantie de l’effectivité des peines, en ce qu’il s’agit de mieux s’assurer qu’une personne condamnée à des mesures alternatives à l’emprisonnement respecte les contraintes encadrant ces mesures et qui sont à même d’assurer sa réinsertion.

● De plus, le b du 9° élargit également le champ d’application des ordonnances d’incarcération provisoire. Il modifie pour cela l’article 721-2 du code de procédure pénale relatif au suivi post-peine qui peut être ordonné par le JAP pour un condamné ayant bénéficié d’une réduction de peines. Ce suivi est mis en œuvre après sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié. Il est précisé aux I et II de cet article que la procédure d’incarcération provisoire prévue par l’article 712-19 est applicable si la personne concernée ne respecte pas ses obligations ou interdictions imposées dans le cadre d’un tel suivi.

2.   La libération sous contrainte de droit pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois

a.   L’état du droit

La libération sous contrainte (LSC) est un aménagement qui permet à un détenu, sous certaines conditions, de purger la partie finale de sa peine hors de prison.

Prévue par l’article 720 du code de procédure pénale, la LSC est une mesure de suivi post-sentenciel destinée à organiser le retour progressif et encadré à la liberté des personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de cinq ans au plus. Une procédure d’examen obligatoire par le JAP de la situation de ces personnes aux deux tiers de leur peine est prévue afin d’apprécier s’il y a lieu de leur faire bénéficier d’une telle mesure.

Les aménagements de peine sous le régime desquels peut être prévue
la libération sous contrainte

Libération conditionnelle : la libération conditionnelle permet la mise en liberté d’un condamné avant la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion, sous condition de respect, pendant un délai d’épreuve, d’un certain nombre d’obligations. Au terme de ce délai d’épreuve et en l’absence d’incident, la personne condamnée est considérée comme ayant exécuté l’intégralité de sa peine. Le suivi est assuré par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui veille au respect des obligations et accompagne la personne dans sa réinsertion, sous le contrôle du JAP.

Détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) : le placement sous surveillance électronique ou « bracelet électronique » est une mesure permettant d’exécuter une peine d’emprisonnement sans être incarcéré. Il peut également être décidé dans le cadre d’une assignation à résidence (ARSE), alternative à la détention provisoire, en attendant l’audience de jugement. Cette mesure repose sur le principe que la personne s’engage à rester à son domicile (ou chez quelqu’un qui l’héberge) à certaines heures fixées par le juge (par exemple de 19 heures à 8 heures du matin). La personne porte le bracelet à la cheville. Si elle sort de chez elle en dehors des heures fixées, un surveillant pénitentiaire est aussitôt averti par une alarme à distance.

Placement à l’extérieur : le placement à l’extérieur permet à une personne condamnée de bénéficier d’un régime particulier de détention l’autorisant à quitter l’établissement pénitentiaire afin d’exercer une activité professionnelle, de suivre un enseignement, une formation professionnelle, de rechercher un emploi, de participer de manière essentielle à sa vie de famille, de subir un traitement médical ou de s’investir dans tout autre projet d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive. L’activité terminée, la personne placée doit se rendre soit dans les locaux d’une association qui l’encadre et l’héberge, soit à l’établissement pénitentiaire, soit dans tout autre lieu désigné par le magistrat. Elle doit obligatoirement respecter toutes les conditions fixées en fonction de sa situation : horaires et suivi des activités, indemnisation des victimes, interdiction de fréquenter des personnes.

Semi-liberté : tout comme le placement à l’extérieur, ce régime permet à une personne condamnée de quitter l’établissement pénitentiaire aux mêmes fins (activité professionnelle, enseignement, formation, recherche d’emploi, vie de famille, traitement médical, projet d’insertion…). La différence majeure réside dans l’incarcération de la personne condamnée dans un centre de semi-liberté ou dans un quartier spécifique de l’établissement pénitentiaire où elle est écrouée et où elle doit retourner chaque jour une fois l’activité terminée. De même, elle doit obligatoirement suivre les conditions fixées en fonction de sa situation : horaires des activités, indemnisation des victimes, interdiction de fréquenter des personnes, etc.

Source : ministère de la justice.

Le JAP prend sa décision après avis de la commission de l’application des peines ([237]) en déterminant la mesure d’exécution du reliquat de peine « la mieux adaptée à la situation du condamné ». Aux termes du deuxième alinéa de l’article 720, cette libération peut se faire sous différents régimes : libération conditionnelle, détention à domicile sous surveillance électronique, placement à l’extérieur ou semi-liberté.

La LSC se distingue toutefois des aménagements de peine en ce qu’elle ne requiert pas de la personne condamnée la conception d’un projet d’insertion, mais constitue une étape de l’exécution d’une peine permettant d’encadrer et d’accompagner une personne condamnée à une courte ou moyenne peine lors de sa sortie de détention.

Quelle que soit la forme d’aménagement choisie, la personne condamnée libérée sous contrainte est suivie par le JAP et un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) durant la durée de la peine qui lui reste à effectuer. S’il ne respecte pas ses obligations, le condamné peut être de nouveau incarcéré pour effectuer le reste de sa peine en établissement pénitentiaire.

Pour refuser la LSC aux deux tiers de la peine, le JAP doit constater « par ordonnance spécialement motivée » qu’il est impossible de mettre en œuvre une LSC au regard des exigences de l’article 707 qui prévoit notamment que le régime d’exécution des peines est « adapté au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l’objet d’évaluations régulières » et que « toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire ».

L’article 720 précise qu’en l’absence de l’examen de la situation de la personne condamnée, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel peut, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, prononcer une mesure de LSC.

La LSC ne peut toutefois pas être appliquée si la personne détenue concernée a préalablement fait connaître son refus d’une LSC. En outre, si la personne concernée a une requête en aménagement de peine pendante devant la juridiction de l’application des peines et si les conditions d’exécution de la peine prévues au premier alinéa sont remplies, l’aménagement doit être ordonné sauf s’il est impossible à mettre en œuvre au regard des exigences de l’article 707.

Dans une logique de meilleur accompagnement des personnes détenues en fin de peine, afin de favoriser la réinsertion et d’éviter les « sorties sèches », le mécanisme des LSC s’est développé ces dernières années. De 664 au 1er janvier 2016, le nombre de LSC octroyées est passé à 1 408 au 1er janvier 2021 ([238]) dont un peu moins des deux-tiers sont exécutées sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) ([239]).

b.   Le dispositif proposé

Le 5° du présent article crée de nouvelles règles applicables en matière de libération sous contrainte. Il complète pour cela l’article 720 du code de procédure pénale par des II et III.

● Le nouveau II est composé de deux alinéas. Le premier alinéa prévoit une systématisation des LSC pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois. La LSC est alors de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement.

Comme pour les LSC « classiques », le JAP détermine, après avis de la commission de l’application des peines, la mesure applicable entre les différents régimes d’exécution des peines hors détention.

Cette nouvelle procédure vise ainsi à systématiser la LSC pour les auteurs d’infractions de plus faible gravité ayant été condamnés à une peine privative de liberté de deux ans au plus. Ce faisant, elle vise à augmenter le recours aux LSC qui, selon l’étude d’impact, ne sont pas suffisamment ordonnées alors qu’elles permettent une sortie de détention progressive et une meilleure continuité entre le milieu fermé et le milieu ouvert grâce à un accompagnement assorti de mesures de suivi et de contrôle.

Selon l’étude d’impact, au 1er janvier 2021, 1 408 LSC étaient prises en charge par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Cette nouvelle procédure de LSC de droit pourrait concerner environ 6 000 détenus ([240]) et permettrait ainsi, non seulement d’accroître considérablement le nombre de « sorties non sèches » de détention, mais également de faire diminuer la population carcérale. Cette évolution devrait toutefois avoir un impact relativement important sur la charge de travail des SPIP.

Le second alinéa dispose qu’en cas de non-respect de la mesure et des obligations et interdictions qui ont pu être fixées, le JAP peut ordonner le retrait ou la révocation de la mesure et la réincarcération de la personne ([241]). Cette réincarcération est limitée à une durée égale au cumul de la peine restant à exécuter au moment de la décision et des réductions de peine octroyées et n’ayant pas fait l’objet d’un retrait.

● Par ailleurs, un nouveau III vient préciser plusieurs exceptions à cette procédure prévue par le II.

Ainsi le 1° du III prévoit que cette LSC de plein droit ne s’applique pas aux condamnés incarcérés pour :

– une infraction qualifiée de crime ;

– acte de terrorisme ([242]) ;

– une infraction qualifiée d’atteinte à la personne humaine lorsqu’elle a été commise sur un mineur de moins de quinze ans ;

– une infraction commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ([243]).

En sus, le 2° du III prévoit que cette LSC de droit ne s’applique pas non plus aux personnes détenues ayant fait l’objet, pendant la durée de leur détention, d’une sanction disciplinaire en raison :

– de violences physiques contre un personnel, une autre personne détenue, une personne en mission ou en visite ;

– d’une résistance violente aux injonctions du personnel pénitentiaire ;

– d’une participation ou tentative de participation à une action collective de nature à compromettre la sécurité des établissements ou à en perturber l’ordre.

3.   La refonte des régimes de réduction de peine en un système unifié

a.   L’état du droit

Les réductions de peine permettent de réduire la durée de la peine d’une personne condamnée ([244]). Elles sont principalement de deux sortes : d’une part, le crédit de réduction de peine (CRP), régi par l’article 721 du code de procédure pénal, qui est accordé de manière automatique au titre de la bonne conduite du condamné en prison (mais peut-être retiré en cas de mauvaise conduite) et, d’autre part, la réduction supplémentaire de peine (RSP), régie par l’article 721‑1 du même code, qui est accordée sur décision du JAP en fonction des efforts du condamné en vue de sa bonne réinsertion sociale ou professionnelle.

i.   Les crédits de réduction de peine

Dès le moment de sa condamnation, chaque personne condamnée bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée. Ces réductions automatiques sont accordées dès le début de l’exécution de la peine sans demande de la part de la personne condamnée. Leur durée est clairement fixée par l’article 721 : trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois. Pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut excéder deux mois.

Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe de sa date prévisible de libération compte tenu du crédit de réduction de peine.

Ces CRP automatiquement accordés peuvent toutefois être retirés. Ainsi, les deuxième et troisième alinéas de l’article 721 autorisent le JAP, saisi par le chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République, à retirer cette réduction de peine ([245]). Ces retraits sont prononcés dans le cadre prévu par l’article 712-5 du code de procédure pénale qui dispose que, sauf en cas d’urgence, les ordonnances concernant les réductions de peine sont prises après avis de la commission de l’application des peines ([246]).

Plusieurs possibilités de retrait de CRP sont prévues par l’article 721 :

– en cas de mauvaise conduite du condamné en détention ([247]) ;

– en cas de refus de suivi de son traitement proposé par le JAP ([248]) par une personne condamnée pour des crimes ou délits de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle qui ont été commis sur un mineur ou commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ;

– si le condamné à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins ne suit pas de façon régulière le traitement qui lui a été proposé ([249]) ;

 

– après avis médical, si une personne condamnée dans les circonstances mentionnées au second alinéa de l’article 122-1 du code pénal ([250]) refuse les soins qui lui sont proposés ;

– après la libération, les CRP octroyés peuvent également être retirés en cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit pendant une période consécutive à la sortie de détention mais correspondant à la durée de la réduction alors octroyée ([251]).

D’autres possibilités de retrait sont également prévues par le code de procédure pénale :

 le III de l’article 70656 du code de procédure pénale ([252]) prévoit que le refus par une personne condamnée de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à permettre l’analyse d’identification de l’empreinte génétique entraîne de plein droit le retrait des seuls CRP liés aux faits qui lui sont reprochés, à savoir ceux dont elle bénéficie au titre de la condamnation pour cette infraction et de celle fondant le prélèvement, à l’exclusion des autres réductions de peine ;

– l’article 723-5 du code de procédure pénale dispose quant à lui qu’en cas de condamnation pour un crime ou un délit volontaire commis à l’occasion d’une permission de sortir, la juridiction peut décider que le condamné perdra le bénéfice des réductions de peine (CRP et RSP) qui lui ont été accordées antérieurement.

Le condamné est informé de ces différentes possibilités de retrait lors de sa mise sous écrou. Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération.

Par ailleurs, certains condamnés sont totalement exclus de ce système des CRP. En effet, en vertu de l’article 721-1-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour acte de terrorisme ([253]) (autre que les délits en lien avec la provocation au terrorisme ou son apologie) ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du même code.

ii.   Les réductions supplémentaires de peine

En vertu de l’article 721-1 du code de procédure pénale, la personne condamnée peut bénéficier, en sus des CRP accordés automatiquement, d’une réduction supplémentaire de peine (RSP) si elle manifeste des efforts sérieux de réadaptation sociale. Ces efforts sérieux sont appréciés au regard notamment :

– du succès à un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles ;

– de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ;

– de l’investissement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul ;

– de la participation à des activités culturelles, notamment de lecture ;

– du suivi d’une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ;

– d’efforts en vue d’indemniser les victimes.

Le second alinéa de l’article 721‑1 fixe les durées maximales que doivent respecter ces RSP : trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année.

Les RSP sont accordées par le JAP après avis de la commission de l’application des peines ([254]). La décision du JAP est prononcée en une seule fois si l’incarcération est inférieure à une année et par fraction annuelle dans le cas contraire. Le dernier alinéa précise également les modalités d’application des RSP en cas d’exécution sur le territoire de la République d’une peine prononcée à l’étranger ([255]).

L’article 721-1 prévoit également certains cas d’exclusion des RSP. Il est notamment précisé que, sauf décision contraire du JAP, aucune RSP ne peut être accordée à une personne condamnée qui ne suit pas le traitement ou les soins qui lui ont été proposés.

Aucune RSP ne peut par ailleurs être accordée à une personne condamnée pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du même code (soit essentiellement des infractions sexuelles ou atteintes graves à la vie ou à la personne humaine, en particulier à l’encontre des mineurs) « lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d’une telle condamnation ». Toutefois, il peut être dérogé à cette interdiction sur décision du JAP prise après avis de la commission de l’application des peines.

Est également prévu un cas particulier dans lequel les durées maximales de RSP sont réduites : elles ne peuvent excéder deux mois par an ou quatre jours par mois lorsqu’une personne condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle refuse les soins qui lui ont été proposés.

Enfin, il convient de noter qu’à la différence des CRP, les personnes condamnées pour acte de terrorisme peuvent bénéficier des RSP, comme le précise l’article 721-1-1 du code de procédure pénale.

Les RSP peuvent être retirées en de cas condamnation pour un crime ou un délit volontaire commis à l’occasion d’une permission de sortir, la juridiction peut décider que le condamné perdra le bénéfice des réductions de peine (CRP et RSP) qui lui ont été accordées antérieurement ([256]).

iii.   Le suivi des personnes bénéficiant de réductions de peine

Afin de permettre un suivi des personnes auxquelles des réductions de peine sont accordées, l’article 721-2 du code de procédure pénale prévoit que le JAP peut ordonner que le condamné ayant bénéficié de CRP et/ou de RSP soit soumis, après sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié, à une ou plusieurs interdictions ou obligations.

Ce suivi peut soumettre la personne libérée à des mesures de contrôle ([257]) ou la contraindre d’établir sa résidence en un lieu déterminé, de s’abstenir de conduire certains véhicules ou encore de s’abstenir de détenir ou porter une arme ([258]). La personne condamnée concernée peut également être soumise à l’obligation d’indemniser la partie civile, ainsi qu’à l’interdiction de recevoir la partie civile ou la victime, de la rencontrer ou d’entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit.

 

 

La personne condamnée peut également bénéficier, pendant cette durée, des mesures d’aide à caractère social ou d’aide matérielle ([259]).

Cette décision de suivi est prise, selon les modalités prévues à l’article 712-6 du code de procédure pénale ([260]), préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.

En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et interdictions qui lui ont été imposées, le JAP peut retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont elle a bénéficié et ordonner sa réincarcération.

En pratique, il semble que ces mesures de suivi soient rarement prononcées.

iv.   Les réductions de peine exceptionnelles

L’article 721-3 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs qu’une réduction de peine exceptionnelle, dont le quantum peut aller jusqu’au tiers de la peine prononcée, peut être accordée aux condamnés dont les déclarations faites à l’autorité administrative ou judiciaire antérieurement ou postérieurement à leur condamnation ont permis de faire cesser ou d’éviter la commission d’infractions liées à la criminalité et à la délinquance organisées, telles qu’énumérées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du même code.

L’article 721-3 précise que pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité « une réduction exceptionnelle du temps d’épreuve prévu au neuvième alinéa de l’article 729, pouvant aller jusqu’à cinq années, peut leur être accordée ».

Ces réductions exceptionnelles sont accordées par le tribunal de l’application des peines ([261]).

v.   L’application actuelle des réductions de peine

En 2019, sur un total de 15 648 864 jours de réductions de peines (CRP et RSP) pouvant au maximum être octroyés, 11 295 001 jours ont effectivement été accordés, soit 72 % des réductions accordables :

– Concernant les CRP, ce sont un peu plus de 9 millions de jours qui ont été octroyés et 741 684 d’entre eux ont fait l’objet d’un retrait ([262]), soit environ un retrait de 8 % des CRP accordés ([263]).

– Concernant les RSP, sur un total maximum d’environ 6,6 millions de jours accordables, 45 % ont effectivement été octroyées, soit environ 3 millions de jours de RSP.

b.   Le dispositif proposé

i.   La création d’un régime unique de réduction de peine

Les 6° et 7° du présent article remplacent les dispositions relatives aux crédits de réduction de peine par un système unique donnant au JAP la possibilité d’accorder des réductions de peine aux condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou ayant manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Ils suppriment ainsi l’automaticité des crédits de réduction de peine et les fusionnent avec les réductions supplémentaires de peine.

● Ces réductions sont encadrées par de nouveaux délais maximaux :

– dans le cas d’une durée d’incarcération de plus d’un an, la réduction de peine ne peut excéder un total de six mois par année d’incarcération ; elle est alors prononcée par fractions annuelles ;

– dans le cas d’une durée d’incarcération inférieure à une année, la réduction de peine ne peut excéder un total de quatorze jours par mois ; elle est alors prononcée en une seule fois.

Le total des réductions de peine pouvant ainsi être accordées pourra donc dans certains cas être plus élevé que dans le système précédent puisqu’auparavant les CRP étaient limités à trois mois la première année, puis deux mois les années suivantes. Cumulé avec les RSP, le total précédent atteignait donc bien six mois la première année, mais seulement cinq mois pour les années suivantes.

● Ces réductions de peine sont décidées en fonction de deux critères : d’une part la « bonne conduite » de la personne condamnée, d’autre part ses « efforts sérieux de réinsertion ». Le nombre de mois pouvant respectivement être accordés à chacun de ces deux critères n’est toutefois pas précisé dans la rédaction proposée par le présent article. Cela accorde au JAP une large marge d’appréciation et vise à lui permettre d’avoir une vision globale, fondée in concreto, du comportement de la personne détenue. Toutefois, un JAP pourrait dès lors accorder la totalité des réductions de peine (six mois) sur le fondement d’un seul des deux critères.

Le troisième alinéa de la rédaction proposée de l’article 721 précise comment sont appréciés les « efforts sérieux de réinsertion ». Plusieurs éléments sont pris en compte :

– la réussite à un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles ;

– des progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ;

– l’engagement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul ;

– l’exercice d’une activité de travail ;

– la participation à des activités culturelles, notamment de lecture ;

– le suivi d’une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ;

– l’engagement dans un programme de prise en charge proposé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ;

– les efforts pour indemniser les victimes.

Ces éléments reprennent donc les six critères d’appréciation qui étaient déjà prévus par l’ancien article 721‑1 sur les RSP et deux nouveaux sont ajoutés : l’exercice d’une activité de travail et l’engagement dans un programme de prise en charge proposé par le SPIP. Aucun critère n’est par contre proposé pour apprécier la bonne conduite des personnes condamnées qui jusque-là ne faisait pas l’objet d’une évaluation par le JAP (auquel n’était soumis que la mauvaise conduite pour prononcer un éventuel retrait des CRP).

● Il est également précisé que la situation de chaque condamné est examinée au moins une fois par an pour permettre l’éventuel octroi des réductions de peine ([264]).

● Enfin, l’avant dernier alinéa du nouvel article 721 prévoit les modalités de retrait de réductions de peine en précisant que « dans l’année suivant son octroi, la réduction de peine peut être rapportée en tout ou en partie, après avis de la commission de l’application des peines, en cas de mauvaise conduite du condamné ». Sur saisine du chef d’établissement, sur réquisitions du procureur de la République ou agissant d’office ([265]), le JAP décide de ce retrait par une ordonnance motivée et le condamné est mis en mesure de faire valoir ses observations, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat.

À la différence du système actuel, la sanction de la mauvaise conduite pourra porter sur l’entièreté des réductions de peine (qu’elles soient à l’origine accordées pour bonne conduite ou pour efforts sérieux de réinsertion). Le Conseil d’État note à ce sujet que ce non‑plafonnement des retraits assorti du fait que la mauvaise conduite pourra justifier à la fois le retrait des réductions de peine accordées au cours de l’année précédente et le refus d’accorder une réduction de peine à l’occasion de l’examen annuel suivant contribue à durcir le régime des retraits de réduction de peine ([266]).

● Le dernier alinéa de la nouvelle rédaction de l’article 721 dispose que les modalités d’application seront précisées par voie réglementaire.

● En cohérence avec la fusion des CRP et des RSP, le 7° du présent article prévoit la suppression des quatre premiers alinéas et de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale qui fixe le régime actuel des RSP. À l’avenir, cet article disposera donc seulement qu’« en cas d’exécution sur le territoire de la République d’une peine prononcée à l’étranger, les réductions de peines accordées antérieurement à la mise à exécution de la peine en France restent acquises à la personne condamnée en tant qu’elles ont été accordées à raison de la durée de détention subie à l’étranger ».

 Certaines précisions apportées par les articles 721 et 721-1 ne sont pas reprises dans la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi.

En particulier, la nouvelle rédaction ne reprend pas les autres cas dans lesquels le JAP est en mesure de prononcer le retrait des réductions de peine pour bonne conduite, notamment les cas de refus de suivi d’un traitement ou de soins, ainsi que les cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit pendant une période consécutive à la libération mais correspondant à la durée de la réduction alors octroyée.

De même, les dispositions de l’article 721-1 sur les exclusions du bénéfice des RSP ne sont pas reprises dans la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi. Ainsi, il n’est plus précisé que, sauf décision contraire du JAP, aucune RSP ne peut être accordée à une personne condamnée ne suivant pas le traitement ou les soins qui lui ont été proposés, ni à une personne condamnée pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du même code (soit essentiellement des infractions sexuelles ou atteintes graves à la vie ou à la personne humaine, en particulier à l’encontre des mineurs) « lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d’une telle condamnation ». Est également supprimé le cas particulier dans lequel la durée maximale de RSP est réduite pour les condamnés pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle refusant les soins qui leur ont été proposés ([267]).

Par ailleurs, la nouvelle rédaction ne prévoit plus l’information du condamné au moment de sa mise sous écrou, précisions apportées par le dernier alinéa de l’actuel article 721. Si cette évolution semble logique dans la mesure où la date prévisible ne peut plus lui être communiquée compte tenu de la suppression de l’automaticité du calcul des CRP, il semble par contre dommageable de perdre l’information relative aux règles afférentes aux réductions de peine, notamment du point de vue de la bonne ou mauvaise conduite en détention. De même il n’est plus précisé que ces informations lui sont communiquées à nouveau au moment de sa libération.

ii.   La mesure prévisionnelle de l’application de cette réforme, un sujet d’inquiétudes quant à l’impact sur la population carcérale et l’accompagnement des personnes condamnées à de courtes peines

En fusionnant les CRP et les RSP, le système proposé par le présent article conserve le même ordre de grandeur de réductions de peine pouvant être accordées et serait au global plus généreux. En effet, d’après l’étude d’impact, 15 648 864 jours de réductions de peine (CRP et RSP) étaient accordables au maximum en 2019, tandis qu’avec le système proposé, au titre de la même année, ce sont 16 598 904 jours maximum qui auraient pu être accordés.

comparaison des réductions de peine susceptibles d’être accordées SeLON LE Régime actuel et le régime proposé en fonction du quantum de peine

Quantum de peine

Régime actuel

Régime proposé par le projet de loi

Différence (en jours)

CRP

RPS

Total CRP+RPS

2 mois

14 jours

7 jours

21 jours

28 jours

7

3 mois

21 jours

14 jours

35 jours

42 jours

7

6 mois

42 jours

28 jours

70 jours

84 jours

14

1 an

3 mois

63 jours

5 mois et 3 jours

6 mois

27

1 an et 6 mois

3 mois et 42 jours

3 mois

6 mois et 42 jours

6 mois

-42

2 ans

5 mois

3 mois et 28 jours

8 mois et 28 jours

8 mois et 24 jours

-4

2 ans et 6 mois

5 mois et 42 jours

3 mois et 56 jours

10 mois et 38 jours

12 mois

22

3 ans

7 mois

6 mois

13 mois

12 mois

-30

4 ans

9 mois

6 mois et 63 jours

17 mois et 3 jours

18 mois

27

5 ans

11 mois

9 mois et 28 jours

20 mois et 28 jours

20 mois et 24 jours

-4

6 ans

13 mois

12 mois

25 mois

24 mois

-30

7 ans

15 mois

12 mois et 63 jours

29 mois et 3 jours

30 mois

27

8 ans

17 mois

15 mois et 28 jours

32 mois et 28 jours

32 mois et 24 jours

-4

9 ans

19 mois

18 mois

37 mois

36 mois

-30

10 ans

21 mois

18 mois et 63 jours

41 mois et 3 jours

42 mois

27

20 ans

41 mois

39 mois et 28 jours

80 mois et 28 jours

80 mois et 24 jours

-4

Source : étude d’impact jointe au projet de loi, p. 170.

Aucune partie de ces réductions de peine n’étant, dans le régime envisagé par le projet de loi, accordée automatiquement, l’ensemble des réductions serait donc décidé par le JAP. Selon le taux d’octroi, l’impact sur la population carcérale pourrait varier considérablement.

Selon l’étude d’impact, pour l’année 2019, en appliquant le nouveau système, il aurait fallu que le JAP accorde 68 % des réductions de peine accordables pour avoir une situation équivalente aux réductions accordées effectivement dans le système actuel (soit environ 11,3 millions de jours en 2019).

Impact sur la population carcérale selon le pourcentage de réductions de peine accordé par le JAP dans le régime proposé par le projet de loi

Rapport réductions accordées / réductions maximum accordables

Nombre de jours de réduction de peine accordés

Impact sur la population carcérale écrouée (en stock)

30 %

4 979 671

+ 17 302

40 %

6 639 562

+ 12 755

50 %

8 299 452

+ 8 207

60 %

9 959 342

+ 3 659

70 %

11 619 233

- 888

80 %

13 279 123

- 5 436

90 %

14 939 014

- 9 984

Source : étude d’impact jointe au projet de loi, p. 172.

En fonction de la proportion des réductions accordées par le JAP par rapport au maximum possible, l’impact sur la population incarcérée pourra donc être positif ou négatif. Cette situation, couplée aux possibilités de divergences entre les jurisprudences des JAP ([268]), est source d’incertitudes et d’inquiétudes relayées par la plupart des personnes auditionnées par votre rapporteur.

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État observe également que « l’absence d’une telle distinction [entre la part des réductions de peine dédiée à la bonne conduite et celle dédiée aux efforts de réinsertion], jointe à la suppression de l’octroi automatique de réductions de peine en l’absence de mauvaise conduite […], au profit d’un système où la bonne conduite peut entraîner une réduction de peine dont l’ampleur n’est pas déterminée à l’avance, est de nature à générer des disparités de traitement importantes entre les détenus en fonction des critères d’appréciation adoptés par les magistrats appelés à statuer sur leurs cas » ([269]).

Un point de vigilance concernant la préparation de la sortie de détention des personnes effectuant une courte peine a également été mis en avant. En effet, selon plusieurs des personnes auditionnées, la non-automaticité du calcul des réductions de peine accordées au titre de la bonne conduite ne permettrait pas d’anticiper la date, ou tout au moins la période, de sortie de détention aussi en amont qu’actuellement. Cela pourrait nuire à l’organisation de la libération et d’éventuels aménagements de peine. Ce point de vigilance est d’autant plus important que les courtes peines continuent de concerner une part importante des personnes en détention.

Répartition selon la durée de peine prononcée pour les personnes condamnées, détenues uniquement

(hors condamnées-prévenues, toutes affaires confondues)

Durée de la peine prononcée

Nombre de personnes détenues condamnées concernées

Part parmi les personnes détenues condamnées

Inférieure ou égale à 6 mois

3 903

9,2 %

De plus de 6 mois à 1 an

6 886

16,2 %

De plus d’1 an à 2 ans

8 474

20,0 %

De plus de 2 ans à 5 ans

9 422

22,2 %

De 5 à 10 ans

5 357

12,6 %

De plus de 10 ans à 20 ans

5 946

14,0 %

Plus de 20 ans

1 644

3,9 %

Perpétuité

477

1,1 %

Total

42 394

100 %

Source : ministère de la justice, statistiques trimestrielles des personnes écrouées en France au 1er janvier 2021.

iii.   L’adaptation des dispositions prévues pour les personnes condamnées pour acte de terrorisme

L’article 721-1-1 qui prévoit que les personnes condamnées pour acte de terrorisme peuvent bénéficier des RSP mais pas des CRP est modifié afin de tenir compte de la fusion des deux régimes de réduction de peine opérée par le présent projet de loi.

La distinction entre ces deux régimes est logiquement supprimée et remplacée par une limitation de la durée des réductions de peine dont peuvent bénéficier les personnes condamnées pour acte de terrorisme (autre que les délits en lien avec la provocation au terrorisme ou son apologie). De manière équivalente au système actuel, ils ne pourront bénéficier de réduction de peine « qu’à hauteur de trois mois par année d’incarcération et sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an ».

iv.   Coordinations induites par la réécriture des articles 721 et 721-1 mettant en place un régime unique de réduction de peine

Le présent article procède également aux coordinations nécessaires.

Le 1° abroge le III de l’article 706‑56 du code de procédure pénale en vertu duquel lorsque les infractions prévues par ce même article, notamment le refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à permettre l’analyse d’identification de leur empreinte génétique, sont commises par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait des CRP liés aux faits qui lui sont reprochés, à savoir ceux dont elle bénéficie au titre de la condamnation pour cette infraction et de celle fondant le prélèvement, à l’exclusion des autres réductions de peine. Ce cas n’est pas repris dans la nouvelle rédaction de l’article 721.

Le 4°, le a du 9°, le 11° et le 13° tiennent compte de la fusion des deux régimes de réduction de peine en modifiant les références aux articles 721 et 721-1 aux articles 717-1, 721-2, 723-29 et 729-1 du code de procédure pénale.

Le 3° procède à une correction légistique et le 12° procède à une correction sémantique.

v.   L’ajout d’une nouvelle réduction de peine exceptionnelle

Le 10° insère un nouvel article 721‑4 dans le code de procédure pénale afin de créer une nouvelle réduction de peine exceptionnelle pour valoriser et récompenser les comportements exceptionnels à l’égard de l’institution pénitentiaire.

Comme pour la réduction de peine exceptionnelle pour les condamnés dénonçant des actes relevant de la délinquance ou criminalité organisées ([270]), le quantum de cette nouvelle réduction de peine exceptionnelle est fixé à un maximum d’un tiers de la peine prononcée.

Cette réduction peut ainsi être accordée aux condamnés ayant permis, au cours de leur détention, y compris provisoire, d’éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à :

– perturber gravement le maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement ;

– porter atteinte à la vie ou l’intégrité physique ou psychique des personnels de l’établissement.

Plusieurs précisions sont apportées selon la durée de la peine des condamnés concernés :

– pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, la réduction porte sur le temps d’épreuve ([271]) et peut aller jusqu’à cinq années ;

– pour les condamnés à une ou plusieurs peines de plus de sept ans, la réduction est accordée par le tribunal de l’application des peines sur demande du condamné, sur saisine du chef d’établissement, sur réquisitions du procureur de la République ou à l’initiative du JAP ;

– pour les condamnés à une ou plusieurs peines de sept ans au plus, cette réduction est accordée, après avis de la commission de l’application des peines ([272]), par ordonnance motivée du JAP, agissant d’office ou sur demande du condamné, saisine du chef d’établissement ou réquisitions du procureur de la République.

4.   La position de votre Commission

Outre six amendements rédactionnels de votre rapporteur, la Commission a précisé les dispositifs de l’article 9 en adoptant dix-neuf amendements qui concernent les réductions de peine.

Elle a adopté un amendement de votre rapporteur bénéficiant de l’avis favorable du Gouvernement qui précise, à l’article 712-4-1 du code de procédure pénale, que la commission de l’application des peines comporte également un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance. Cet amendement vise à mieux intégrer les surveillants pénitentiaires dans l’évaluation du comportement et de la bonne conduite des personnes détenues.

Deux amendements, bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement, viennent quant à eux préciser que la décision du juge de l’application de peines intervient après avis de la commission de l’application des peines : un amendement de votre rapporteur apporte cette précision pour l’octroi de la réduction de peine prévue par la nouvelle rédaction de l’article 721 et un amendement de Mme Cécile Untermaier, auquel votre rapporteur a également émis un avis favorable, introduit cette même précision pour l’octroi des réductions de peines exceptionnelles prévues par le nouvel article 721-4 s’agissant des condamnés à une peine inférieure ou égale à sept ans.

La Commission a également souhaité clarifier le nouveau régime de réduction de peine en précisant que celle-ci peut être octroyée aux condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Bénéficiant de l’avis favorable du Gouvernement, cette modification est issue d’un amendement de votre rapporteur et de trois amendements identiques de Mme Laetitia Avia et de MM. Didier Paris et Raphaël Schellenberger.

Ont également été adoptés, avec avis favorable du Gouvernement, des amendements identiques de votre rapporteur et de Mme Laetitia Avia précisant, de manière non exhaustive, les éléments pouvant être pris en compte pour définir la bonne conduite des personnes détenues : l’absence d’incidents en détention, le respect des règles de la détention, l’implication dans la vie quotidienne et le comportement avec les autres personnes – personnel pénitentiaire, intervenants extérieurs ou détenus.

Dans la même logique, la Commission a affiné la liste, elle aussi non exhaustive, des éléments pouvant être pris en compte pour définir les efforts sérieux de réinsertion :

– deux amendements de Mme Laetitia Avia, soutenus par votre rapporteur et le Gouvernement, remplacent le critère de réussite d’un examen par celui de suivi assidu d’une formation (scolaire, universitaire ou professionnelle) et suppriment le mot « réels » qualifiant jusqu’alors le critère de progrès accomplis dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ;

– un amendement de M. Benjamin Dirx, également soutenu par votre rapporteur et le Gouvernement, ajoute le critère de participation à des activités sportives encadrées ;

– deux amendements de votre rapporteur, bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement, modifient deux autres points : d’une part, ils substituent à l’engagement dans un programme de prise en charge proposé par le SPIP le critère d’investissement soutenu dans un tel programme et, d’autre part, substituent au critère d’efforts pour indemniser les victimes celui de versements volontaires des sommes dues aux victimes et au trésor public.

À l’initiative de votre rapporteur et avec le soutien du Gouvernement, la Commission a également entendu compléter la nouvelle rédaction de l’article 721 relatif à la réduction de peine par :

– la limitation des possibilités d’octroi de réduction de peine pour les personnes condamnées refusant le traitement ou les soins qui leur sont proposés ;

– la mention explicite de l’application de la réduction de peine aux personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine sous écrou ;

– l’information du condamné, lors de sa mise sous écrou, au sujet des règles afférentes à la réduction de peine prévue au présent article, des critères d’appréciation et d’attribution de cette réduction, ainsi que des possibilités de retrait de tout ou partie de cette réduction.

Enfin, en cohérence avec la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, adoptée définitivement par le Parlement au mois d’avril dernier, un amendement de M. Jean-Michel Fauvergue, adopté avec avis favorables de votre rapporteur et du Gouvernement, réinsère dans le présent texte la limitation de la réduction de peine à laquelle seront éligibles les condamnés pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique à quatre mois par an, durée équivalente au régime voté le mois dernier par le Parlement.

Concernant par ailleurs les réductions de peine exceptionnelles créées par le présent article afin de valoriser les comportements exceptionnels à l’égard de l’institution pénitentiaire, la Commission a adopté, avec un double avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, un amendement de Mme Laetitia Avia complétant cette disposition en ajoutant aux actes susceptibles d’entraîner une réduction de peine exceptionnelle ceux ayant évité que soit porté atteinte à la vie ou l’intégrité physique ou psychique des détenus.

*

*     *

Chapitre V
Dispositions diverses

Article 10
(art. préliminaire, 102, 104, 41, 1801, 199, 196, 49515, 523, 6561, 70674, 7061123 [nouveau], 706113, 8002 et 8031 du code de procédure pénale ; art. L. 42311 du code de la justice pénale des mineurs)
Diverses dispositions relatives à la procédure pénale

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article comprend diverses dispositions rectifiant des erreurs ou des imprécisions issues de lois récentes, des mesures de simplifications procédurales et des dispositions visant à mettre le droit en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il autorise également la création d’une juridiction spécialisée dans la répression des crimes en série.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a institué des pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté huit amendements inscrivant le droit du mis en cause de se taire à l’article préliminaire du code de procédure pénale, facilitant le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, élargissant les compétences juridictionnelles des magistrats à titre temporaire, garantissant la possibilité pour une victime d’être accompagnée d’un avocat dès les premiers stades de la procédure, et autorisant la signification électronique en matière pénale.

1.   Le recours aux enquêtes sociales rapides

a.   L’état du droit

L’enquête sociale rapide est un dispositif prévu à l’article 41 du code de procédure pénale. Il permet au procureur de la République de faire vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne ainsi que la faisabilité matérielle de certaines peines ou aménagements de peine pouvant être prononcés, afin d’être mis au fait des mesures propres à favoriser l’insertion sociale de l’intéressé ([273]). Ces investigations, qui peuvent viser toute personne faisant l’objet d’une enquête, sont réalisées par un officier de police judiciaire, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, par le service de la protection judiciaire de la jeunesse ou par toute personne habilitée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ([274]).

Ces diligences étaient par ailleurs obligatoires avant toute réquisition de placement en détention provisoire en cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l’infraction, lorsque la peine encourue n’excédait pas cinq ans d’emprisonnement, en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate ([275]) ou selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ([276]).

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié cette rédaction afin de faciliter le recours aux enquêtes sociales rapides. L’objectif poursuivi consistait à donner au tribunal correctionnel une meilleure connaissance de la situation du prévenu pour faciliter l’individualisation de la peine. Les réquisitions aux fins d’enquête sociale rapide sont désormais obligatoires avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement, quel que soit l’âge du prévenu et non plus uniquement s’il s’agit d’un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l’infraction ([277]).

b.   Les dispositions du projet de loi

La rédaction issue de la loi du 23 mars 2019 souffre d’une malfaçon. L’intention du législateur se limitait à étendre le caractère obligatoire de l’enquête sociale rapide à tous les prévenus susceptibles d’être placés en détention provisoire pour des délits punis jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, sans considération de leur âge. La formulation retenue peut cependant laisser entendre que les investigations sont désormais impératives à la fois avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement, et pour toutes les procédures de comparution immédiate ou sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Or, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité n’aboutit parfois qu’à une sanction pécuniaire qui n’est pas susceptible de mettre en péril l’insertion sociale du justiciable. L’enquête sociale rapide, conçue pour évaluer les conséquences d’une privation de liberté, est alors dépourvue d’intérêt.

En conséquence, le 1° du I de l’article 10 du projet de loi dissipe l’ambiguïté du texte en précisant que l’enquête sociale rapide demeure obligatoire dans trois hypothèses :

– avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement ;

– en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate ;

– en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité si et seulement si la personne est déférée devant le procureur de la République ([278]), étape procédurale qui implique en pratique une proposition de prononcé immédiat d’une peine d’emprisonnement ou, si la personne sollicite un délai, des réquisitions de placement en détention provisoire.

c.   Des dispositions complétées par la commission des Lois

Ces modifications ont obtenu le soutien de la Commission, qui a adopté un amendement rédactionnel de Mme Séverine Gipson.

2.   La notification du droit au silence

a.   L’état du droit

i.   La procédure devant la chambre de l’instruction

L’article 199 du code de procédure pénale régit les modalités de fonctionnement de la chambre de l’instruction ([279]). Il précise que « les débats se déroulent et l’arrêt est rendu en chambre du conseil » ([280]).

Toutefois, il admet également que « la chambre de l’instruction [puisse] ordonner la comparution personnelle des parties » ([281]), d’office ou à la demande de celles-ci. Par ailleurs, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande dès l’ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l’arrêt est rendu en séance publique ([282]). Enfin, lorsque les débats portent sur le placement ou le maintien en détention provisoire de l’intéressé, sa comparution est de droit s’il en fait la demande ([283]).

ii.   La procédure devant le juge des libertés et de la détention

L’article 395 du code de procédure pénale autorise le procureur de la République, lorsqu’il estime que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, à « traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal ». Aux termes du dernier alinéa dudit article, « le prévenu est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ».

L’article 396 du même code édicte la procédure à suivre dans le cas où, en dépit de la décision du parquet, les circonstances empêchent la tenue immédiate de l’audience. Il revient au procureur de la République de présenter le prévenu au juge des libertés et de la détention afin que celui-ci statue contradictoirement, par ordonnance insusceptible d’appel, sur un placement en détention provisoire, sur un placement sous contrôle judiciaire ou sur une assignation à résidence avec surveillance électronique jusqu’à la comparution devant la formation de jugement.

La forme de l’ordonnance est celle prévue à l’article 137‑3 du code de procédure pénale : « Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée. Lorsqu’il ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu’il rejette une demande de mise en liberté, l’ordonnance doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et le motif de la détention. »

b.   Des dispositions jugées contraires à la Constitution

L’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 pose le principe selon lequel « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte que nul ne peut être contraint à s’auto-incriminer, et que chacun dispose du droit de se taire dans le cadre d’investigations judiciaires.

C’est sur ce fondement que le Conseil constitutionnel a jugé insuffisamment protecteur des libertés et des droits fondamentaux des personnes, et par conséquent contraires à la Constitution, les procédures des articles 199 et 396 du code de procédure pénale.

i.   La décision du Conseil constitutionnel n° 2020‑886 QPC du 4 mars 2021, M. Oussama C.

Saisi de la conformité à la Constitution de l’article 396 du code de procédure pénale par la Cour de cassation ([284]), le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions en cause conduisent le juge des libertés et de la détention à statuer sur les réquisitions du ministère public aux fins de détention provisoire après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Or, « le juge ne peut décider une telle mesure privative de liberté, qui doit rester d’application exceptionnelle, que par une ordonnance motivée, énonçant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement par référence à l’une des causes limitativement énumérées » à l’article 144 du code de procédure pénale ([285]). Le juge est donc amené à porter une appréciation sur les faits retenus par le procureur de la République.

Par ailleurs, lorsqu’il est invité à présenter ses observations, le prévenu peut décider de reconnaître les faits qui lui sont reprochés devant le juge des libertés et de la détention. Le « fait même que ce magistrat invite le prévenu à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire » ([286]). Certes, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention est sans effet sur le jugement du tribunal correctionnel. Mais les observations du prévenu, consignées dans la procédure, peuvent ultérieurement être consultées par la formation de jugement et porter préjudice à la défense.

Dès lors, en ne prévoyant pas que le prévenu traduit devant le juge des libertés et de la détention est informé de sa possibilité de se taire, les dispositions contestées portent atteinte à son droit de ne pas s’auto-incriminer. Elles sont donc contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a reporté les effets de sa décision au 31 décembre 2021. Les mesures prises avant sa publication ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel ordonne, en revanche, aux juges de la liberté et de la détention d’informer les prévenus qui comparaissent devant eux en application de l’article 396 du code de procédure pénale de leur droit de se taire, dans l’attente de l’intervention du législateur ([287]).

ii.   La décision du Conseil constitutionnel n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, M. Francis S. et autres

Selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, la comparution devant la chambre de l’instruction des parties « n’a pas pour objet de mettre celles-ci en mesure de formuler des observations mais de permettre à la juridiction de leur poser les questions qui lui paraissent utiles à l’instruction du dossier » ([288]). Dans cette perspective, elle a considéré que la personne entendue par la chambre de l’instruction pouvait être amenée à faire des déclarations sur les faits, objet de la poursuite, sans avoir reçu préalablement la notification de son droit de se taire, alors même que ses déclarations seront versées au dossier de la procédure.

Saisi de la conformité à la Constitution de l’article 199 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a souligné que, lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’une requête en nullité contre une décision de mise en examen ou d’un appel à l’encontre d’une ordonnance de placement en détention provisoire, il lui revient de s’assurer qu’il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable que les personnes mises en examen aient pu participer à la commission des infractions en cause. En outre, lorsqu’elle est saisie du règlement d’un dossier d’information, la chambre de l’instruction apprécie le caractère suffisant des charges pesant sur le mis en examen pour justifier le renvoi devant une juridiction de jugement. « Ainsi, l’office confié à la chambre de l’instruction par les dispositions contestées la conduit à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charges contre la personne mise en examen » ([289]).

En outre, comme pour la comparution devant le juge des libertés et de la détention préalablement à une comparution immédiate, le Conseil constitutionnel a relevé que la personne peut être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître les faits reprochés. Or, les déclarations de la personne mise en examen sont susceptibles d’arriver à la connaissance de la juridiction de jugement et de porter préjudice aux droits de la défense.

Le Conseil constitutionnel a reporté les effets de sa décision au 31 décembre 2021. Les mesures prises avant sa publication ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel ordonne, en revanche, aux chambres de l’instruction d’informer les personnes qui comparaissent devant elles en application de l’article 199 du code de procédure pénale de leur droit de se taire, dans l’attente de l’intervention du législateur.

c.   Les dispositions du projet de loi

Le 2° du I de l’article 10 du projet de loi complète le quatrième alinéa de l’article 199 du code de procédure pénale pour préciser que la personne mise en examen comparaissant devant la chambre de l’instruction ne peut être entendue qu’après avoir été informée de son droit de se taire.

Le 3° du I de l’article 10 du projet de loi modifie le deuxième alinéa de l’article 396 du code de procédure pénale pour préciser que le juge des libertés et de la détention recueille les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat après lui avoir notifié son droit de garder le silence.

d.   Des dispositions complétées par la commission des Lois

Si la rédaction proposée par le Gouvernement a convaincu la Commission, la succession des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la notification du droit de se taire a convaincu le rapporteur de la nécessité d’aller plus loin pour tarir le flux des censures prononcées sur ce fondement par le Conseil constitutionnel. Comme il apparaît illusoire d’appliquer expressément ce principe à chaque occurrence du code de procédure pénale décrivant la rencontre d’un mis en cause avec un magistrat ou un service enquêteur, la Commission a adopté un amendement visant à l’inscrire à l’article préliminaire pour réaffirmer sa prévalence systématique.

Cette disposition figure désormais dans un nouveau 1° A du I.

3.   La simplification de la demande de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

a.   L’état du droit et les dispositions initiales du projet de loi

L’article 495-15 du code de procédure pénale permet au prévenu pour des faits délictuels ([290]) d’indiquer par lettre recommandée avec avis de réception adressée au procureur de la République qu’il reconnaît sa responsabilité et qu’il demande à bénéficier d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Si le procureur de la République l’accepte, après avoir convoqué le prévenu et son avocat ainsi que, le cas échéant, la victime, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité se substitue à la voie procédurale préalablement envisagée selon les règles de droit commun.

Le 4° du I de l’article 10 du projet de loi supprime l’exigence d’un accusé de réception. Elle entraîne, selon l’étude d’impact, « un frein à la mise en œuvre de cette procédure alors qu’il convient au contraire d’encourager le recours à celle-ci, compte-tenu de l’état des stocks de procédures à juger dans les juridictions en raison notamment de la crise sanitaire ». Il est vrai qu’il n’y a rien à redouter d’une erreur de distribution du courrier : elle ne saurait faire grief au prévenu puisque la reconnaissance de sa responsabilité demeure inconnue de l’autorité de poursuite ; elle ne lui interdit aucunement de réitérer sa proposition, elle ne conditionne pas la possibilité pour le parquet d’engager une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

b.   Des dispositions approfondies par la commission des Lois

La Commission a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur, un amendement du Gouvernement facilitant encore davantage le recours aux comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et réécrivant à cette fin, dans de nouveaux  bis et 4° du I, les dispositions initiales du projet de loi.

Le nouveau 4° du I autorise le procureur de la République à recourir à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sous réserve de l’accord de la partie civile si celle-ci est à l’origine des poursuites :

– d’initiative ou à la demande du prévenu lorsque le tribunal est déjà saisi par convocation sur procès-verbal ou par ordonnance de renvoi du juge d’instruction ;

– même si l’affaire a été appelée par le tribunal, si elle a fait l’objet d’un renvoi sans avoir été examinée au fond ;

– en cas d’appel du prévenu sur la peine prononcée uniquement.

Le nouveau  bis du I modifie, quant à lui, l’article 180‑1 du code de procédure pénale, qui régit le recours aux comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité à l’issue de l’information judiciaire. Le droit en vigueur permet au juge d’instruction, à l’issue de son information, de renvoyer la procédure au profit d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile – que cette dernière soit, ou non, à l’origine des poursuites. La nouvelle disposition prévoit que la partie civile conserve la possibilité de bloquer le recours à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité uniquement si elle est à l’origine des poursuites ; dans le cas contraire, elle est seulement appelée à faire valoir ses observations.

4.   L’anonymat des enquêteurs étrangers entendus dans la lutte contre le terrorisme

a.   L’état du droit

Le principe du contradictoire constitue une condition essentielle de la procédure pénale. Il garantit notamment aux parties en général, et à la défense en particulier, de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve à partir desquels le jugement sera prononcé ([291]).

Le Conseil constitutionnel reconnaît toutefois au législateur la possibilité de limiter dans une certaine mesure les garanties relatives aux droits de la défense, au nom de la nécessaire conciliation avec d’autres exigences constitutionnelles, en particulier la prévention des atteintes à l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Il en va ainsi, notamment, de la possibilité de préserver l’anonymat des agents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale dans le cadre des procédures dans lesquelles ils interviennent, lorsque la révélation de leur identité serait susceptible de mettre en danger leur vie ou celle de leurs proches ([292]).

Parmi les diverses dispositions permettant d’entendre un témoin dans un cadre judiciaire de façon anonyme ([293]), l’article 656-1 du code de procédure pénale autorise un agent des services de renseignement français à témoigner sans révéler son identité de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice d’une mission intéressant la défense et la sécurité nationale. Ce cadre juridique vaut tout au long de la procédure judiciaire, au stade de l’enquête comme du jugement. L’appartenance aux services mentionnés et la réalité de la mission sont attestées par l’autorité hiérarchique. Les questions posées ne doivent pas permettre la révélation de l’identité de l’agent. Les auditions sont reçues dans des conditions permettant la garantie de son anonymat, le cas échéant dans un lieu assurant l’anonymat et la confidentialité choisi par le chef du service auquel appartient l’agent.

Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations ainsi recueillies, de sorte que le principe du contradictoire demeure préservé.

La Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ces dispositions et sur leur conformité aux droits de la défense et à l’équilibre des droits des parties ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi, a considéré la question dépourvue des caractères sérieux et nouveaux nécessaires à sa transmission au Conseil constitutionnel ([294]).

b.   Les dispositions du projet de loi

L’article 656‑1 du code de procédure pénale est exclusivement applicable, aux termes de son premier alinéa, à l’agent d’un service national ([295]). Or, dans un contexte marqué par les pertes infligées à la France par le terrorisme international, il est nécessaire de permettre aux agents de police judiciaire étrangers de témoigner devant les juridictions françaises dans un cadre garantissant leur anonymat pour le jugement de faits de terrorisme. Ce dispositif d’anonymisation serait notamment utile dans le cadre du procès relatif aux attentats du 13 novembre 2015.

Le 5° du I de l’article 10 du projet de loi complète l’article 656-1 du code de procédure pénale afin de rendre ses dispositions applicables aux agents étrangers affectés dans des services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme sur des faits dont ils auraient eu connaissance à l’occasion de leurs fonctions.

c.   Des dispositions adoptées sans modification par la commission des Lois

La Commission a adopté sans changement cette disposition du projet de loi.

5.   La création d’une juridiction spécialisée sur les crimes sériels

a.   L’état du droit

Afin de garantir une meilleure répression des infractions considérées particulièrement attentatoires à l’ordre social, l’organisation judiciaire évolue, depuis une vingtaine d’années, dans le sens d’une spécialisation croissante des juridictions pour une meilleure maîtrise technique des enjeux et une plus grande concentration des moyens – financiers et humains. La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État a initié un mouvement de spécialisation des juridictions qui s’est poursuivi jusqu’à la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée créant dans le ressort de chaque cour d’appel des pôles régionaux spécialisés en matière d’atteinte à l’environnement.

Il en résulte une répartition du contentieux pénal d’une grande subtilité. La loi du 24 décembre 2020 a cependant clarifié les choses en instaurant, au sein d’un nouvel article 43‑1 du code de procédure pénale, un droit de priorité tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. En cas de conflit de compétence entre deux ministères publics spécialisés, la priorité revient à celui dont le ressort est le plus étendu.

Ces juridictions sont dotées d’une compétence dite spécialisée qui s’exerce de manière concurrente à celles, territoriales, qui résultent, pour les parquets, de l’application de l’article 43 du code de procédure pénale ([296]).

Les principales juridictions spécialisées ([297])

Domaine

Code de procédure pénale

Nature de la spécialisation

Loi

Infractions terroristes

Article 70617

 

Compétence nationale du procureur, du pôle de l’instruction, du tribunal correctionnel et de la cour d’assises de Paris.

 

Loi n° 861020 du 9 septembre 1986

 

Création d’un parquet national anti-terroriste (PNAT), distinct du parquet de Paris, dirigé par le procureur de la République antiterroriste.

 

Loi n° 2019222 du 23 mars 2019

Infractions en matière économique et financière

Article 705

 

Compétence nationale du parquet national financier (PNF), du juge d’instruction et du tribunal correctionnel de Paris dans les affaires d’une grande complexité ou en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent.

 

Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013

Article 704

 

Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) : compétence interrégionale des tribunaux de grande instance de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et FortdeFrance dans les affaires d’une grande complexité.

Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004

Criminalité et délinquance organisées

Article 70675

 

Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) : compétence nationale du tribunal judiciaire et de la cour d’assises de Paris dans les affaires d’une très grande complexité.

 

Loi n° 2019222 du 23 mars 2019

Créées par la loi  2004204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et désignées par décret, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) exercent une compétence en matière économique et financière, mais aussi dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. Dans ce dernier domaine, le code de procédure pénale confie au JIRS le soin de connaître :

 d’infractions criminelles et délictuelles limitativement énumérées ([298]) ;

 de l’ensemble des crimes et délits commis en bande organisée ainsi que des associations de malfaiteurs constituées à des fins infractionnelles ([299]).

b.   Les dispositions du projet de loi

L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne que « le code de procédure pénale ne prévoit aucune compétence territoriale dérogatoire en ce qui concerne les crimes "sériels" commis par un même auteur, dans des temps et des lieux différents, sur différentes victimes, qui présentent pourtant une complexité évidente ». Elle relève que ces dossiers criminels d’un genre particulier, qui s’inscrivent sur le temps long, se prêtent pourtant mal à la vie des juridictions classiques, marquée par les changements d’affectation et la charge des cabinets d’instruction, et dont les compétences territoriales restreintes compliquent l’identification d’un auteur unique de faits multiples. Le traitement de ces affaires pourrait ainsi bénéficier d’une centralisation des procédures, d’une spécialisation des magistrats et des greffiers ainsi que d’un rythme d’investigation adapté offrant l’opportunité de déceler des correspondances entre des crimes que rien ne relie de prime abord, grâce à un profilage fin des suspects et de leurs motivations.

Le 6° du I de l’article 10 du projet de loi inscrit à l’article 706 du code de procédure pénale le principe d’un regroupement des procédures criminelles pour meurtre ([300]), pour torture et acte de barbarie ([301]), pour viol ([302]) et pour enlèvement et séquestration ([303]). Une juridiction spécialisée pourra se saisir de l’affaire si les faits « sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes » ([304]).

Le Gouvernement entend ainsi transcrire dans la loi une préconisation formulée par un groupe de travail constitué à l’initiative de la direction des affaires criminelles et des grâces ([305]). Le regroupement des procédures les plus complexes d’affaires non classées et de crimes sériels en constituait la sixième recommandation.

Dès lors que l’article 706‑75 du code de procédure pénale confie au pouvoir réglementaire le soin d’étendre la compétence territoriale d’un tribunal judiciaire et d’une cour d’assises au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement d’infractions déterminées, le Gouvernement disposera de la possibilité de déterminer si le regroupement des procédures sérielles doit échoir aux juridictions interrégionales spécialisées, à des pôles distincts ou à une juridiction nationale.

Ce dernier point a fait débat au sein du groupe de travail susmentionné ([306]) :

– l’opinion majoritaire a incliné en faveur d’une attribution aux JIRS dont le ressort territorial « apparaît d’autant plus pertinent que la plupart des crimes sériels restent liés à une zone géographique plus restreinte que le périmètre national et qu’il pourrait permettre d’éviter un éloignement trop important par rapport à la domiciliation des victimes » ;

– une position dissidente en faveur de la création d’un pôle national organisé sous la même forme que le parquet national antiterroriste, assise sur la conviction qu’une « vision nationale du parcours des tueurs en série est indispensable, les faits commis ces dernières années démontrant le parcours national voire international de ces auteurs, et la coopération internationale étant structurée plus facilement depuis Paris ».

L’étude d’impact jointe au projet de loi évalue les charges résultant de cette spécialisation à 12,9 emplois temps-plein (ETP) de magistrat du siège, 3,9 ETP de magistrat du parquet et 14,2 ETP de greffier. Toutefois, les angles morts que reconnaît elle-même l’étude d’impact – pas d’estimation de la charge de travail du parquet pendant l’enquête, chiffrage aléatoire du nombre d’affaires concernées, incertitude sur l’avenir des procédures – incitent à conférer à cette évaluation une valeur indicative.

Dans son avis sur le présent projet de loi ([307]), le Conseil d’État a estimé cette spécialisation « de nature à renforcer l’efficacité et la cohérence (…) de la réponse pénale aux crimes sériels ».

c.   Des dispositions adoptées sans modification par la commission des Lois

La Commission s’est interrogée sur la pertinence de cette disposition et sur l’opportunité de lui préférer la constitution d’un pôle unique à compétence nationale. Au bénéfice de l’engagement du rapporteur et du Gouvernement à travailler sur une rédaction dans la perspective de l’examen en séance publique, elle a adopté sans changement cette disposition du projet de loi.

6.   Le régime de perquisition au domicile d’un majeur protégé

a.   L’état du droit

Le livre IV du code de procédure pénale prévoit diverses procédures spéciales dictées par la particularité des infractions commises, des témoins appelés à déposer ou encore des personnes suspectées. Le titre XXVII édicte ainsi des règles applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises par des majeurs protégés ([308]).

Parmi ces règles spécifiques, l’article 706-113 du code de procédure pénale prescrit, selon le cadre procédural, au procureur de la République ou au juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur de l’intéressé, ainsi que le juge des curatelles, en cas de poursuites engagées à l’encontre d’un majeur protégé ([309]). Le curateur ou le tuteur peut ainsi prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie.

À l’initiative de votre rapporteur, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu cette obligation, avant même l’engagement de poursuites, lorsque le majeur protégé :

– fait l’objet d’une mesure de garde à vue ([310]) ;

– est entendu dans le cadre d’une audition libre ([311]).

Comme l’indiquaient alors les rapporteurs, la commission des Lois de l’Assemblée nationale avait « profité de la discussion du projet de loi pour tirer les conséquences de la décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, M. Mehdi K., par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 706-113 code de procédure pénale au motif qu’il ne prévoyait pas l’information du curateur ou du tuteur d’une personne sous protection de justice et placée garde à vue » ([312])

b.   Des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel

Les garanties prévues au titre XXVII du livre IV du code de procédure pénale ne s’appliquent pas aux perquisitions réalisées dans le cadre d’une enquête préliminaire puisque ce cadre procédural ne correspond pas à une « poursuite ». Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation de ce silence de la loi au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans une décision du 15 janvier 2021 ([313]), le Conseil constitutionnel s’est référé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([314]) dont découle le droit au respect de l’inviolabilité du domicile. Il a ensuite souligné qu’une perquisition ne peut en principe être effectuée au domicile d’une personne sans que son assentiment exprès ait été recueilli par les enquêteurs. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé ou, si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment ([315]).

Or, aucune disposition législative n’impose aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, au préalable, si la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu fait l’objet d’une mesure de protection juridique et d’informer alors son représentant de cette opération. Selon le degré d’altération de ses facultés, le majeur protégé peut cependant ne pas être capable d’exercer seul, avec discernement, son droit de s’opposer à la réalisation d’une perquisition à son domicile.

Le Conseil constitutionnel en déduit que, « en ne prévoyant pas que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle est réalisée la perquisition soit, en principe, tenu d’avertir le représentant d’un majeur protégé lorsque les éléments recueillis au cours de l’enquête préliminaire font apparaître que la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, le législateur a méconnu le principe d’inviolabilité du domicile » ([316]). Il déclare en conséquence contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 706-113 du code de procédure pénale, tout en reportant au 1er octobre 2021 la date de l’abrogation de ces dispositions.

c.   Les dispositions du projet de loi

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le 7° du I de l’article 10 du projet de loi crée dans le code de procédure pénale un nouvel article 706-112-3 entourant de garanties la perquisition réalisée chez un majeur protégé. Lorsque les éléments recueillis au cours de l’enquête préliminaire révèlent qu’une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l’objet d’une « mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération », son curateur ou son tuteur est avisé par tout moyen pour que le majeur protégé puisse s’entretenir avec lui avant de donner son assentiment. À défaut, la perquisition est soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention.

Par coordination, le 8° du I de l’article 10 du projet de loi modifie l’article 706-113 du code de procédure pénale pour tenir compte de cette nouvelle garantie.

d.   Des dispositions adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté cette disposition du projet de loi, un amendement du rapporteur rectifiant une erreur de coordination.

7.   L’indemnisation des personnes mises hors de cause à l’issue d’une procédure judiciaire

a.   L’état du droit

Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, l’article 8002 du code de procédure pénale prévoyait que toute juridiction prononçant un non‑lieu, une relaxe ou un acquittement pouvait accorder à la personne poursuivie, à sa demande, une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense. Par principe à la charge de l’État, le paiement de cette indemnité pouvait être imputé à la charge de la partie civile lorsque celle-ci avait mis en mouvement l’action publique.

Cette disposition a été déclarée contraire à la Constitution en 2011 ([317]). Le Conseil constitutionnel a rappelé, au visa des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([318]), que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties » ([319]). Or, en réservant à la personne poursuivie qui a fait l’objet d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement la possibilité de demander une indemnité, cette rédaction privait de la même opportunité les parties appelées au procès pénal qui, pour un autre motif, n’avaient fait l’objet d’aucune condamnation ([320]).

Le législateur a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel ([321]). L’article 800-2 du code de procédure pénale a été modifié de façon à permettre l’indemnisation, non seulement de la personne pénalement poursuivie, mais aussi de la personne citée comme civilement responsable ([322]). La mise à la charge de la partie civile de l’indemnité accordée par la juridiction est possible « sur réquisitions du procureur de la République » et « si la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire » ([323]).

b.   Des dispositions à nouveau censurées par le Conseil constitutionnel

Dans sa rédaction rectifiée, l’article 800-2 du code de procédure pénale limite ses effets à « toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe, un acquittement ou toute décision autre qu’une condamnation ou une déclaration d’irresponsabilité pénale ». Il fait donc obstacle à l’octroi d’une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense à une personne citée comme civilement responsable devant la juridiction pénale, dès lors que la personne poursuivie fait l’objet d’une condamnation.

La Cour de cassation a jugé cette situation de nature à porter atteinte à l’équilibre des droits des parties dans le procès pénal ([324]). Elle a saisi d’une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité le Conseil constitutionnel, qui a déclaré une nouvelle fois contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 800-2 du code de procédure pénale : « lorsque la personne poursuivie a été condamnée, ni ces dispositions ni aucune autre ne permettent à la personne citée comme civilement responsable d’obtenir devant la juridiction pénale le remboursement de tels frais, alors même qu’elle a été mise hors de cause » ([325]).

Le Conseil constitutionnel a fixé au 31 mars 2020 la date de l’abrogation des dispositions en cause, laissant près d’un an au législateur pour apporter à la loi les modifications nécessaires. En raison de la crise sanitaire survenue entretemps, le Parlement n’a pu intervenir dans le délai imparti. Toutefois, cette situation n’a pas porté préjudice aux justiciables puisqu’une réserve d’application transitoire édictée par le Conseil constitutionnel a ouvert le droit à indemnisation aux personnes citées comme civilement responsables et mises hors de cause ([326]).

c.   Les dispositions du projet de loi

Le 9° du I de l’article 10 du projet de loi rétablit le premier alinéa de l’article 800-2 du code de procédure pénale dans une rédaction conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

Il prévoit que la personne civilement responsable peut obtenir une indemnité correspondant aux frais irrépétibles exposés lorsqu’elle a été mise hors de cause, quelle que soit la décision de la juridiction au regard de la culpabilité de la personne poursuivie pénalement.

d.   Des dispositions adoptées sans modification par la commission des Lois

La Commission a adopté sans changement cette disposition du projet de loi.

8.   La possibilité pour le juge des enfants de délivrer des mandats entre le défèrement et l’audience

a.   L’état du droit

L’ordonnance n° 45‑174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante autorisait le juge des enfants à mettre un mineur en examen. Cette procédure a été supprimée par l’ordonnance du 11 septembre 2019 ([327]) ratifiée par la loi du 26 février 2021 ([328]).

Le deuxième alinéa de l’article L. 423-11 du code de la justice pénale des mineurs autorise le juge des enfants, lorsqu’il constate que le mineur n’a pas respecté les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, à communiquer le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions et à saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire.

Cependant, en l’absence de procédure d’instruction et du fait des rédactions du code de la justice pénale des mineurs, certaines dispositions du code de procédure pénale ne trouvent plus à s’appliquer aux mineurs. Il n’est ainsi plus possible de délivrer mandat en cas d’incident ou de violation d’une mesure de sûreté entre le défèrement et l’audience de jugement ([329]).

b.   Les dispositions du projet de loi

Le II de l’article 10 du projet de loi prévoit des dispositions spéciales permettant au juge des enfants de se faire présenter le mineur pour révocation de la mesure de contrôle judiciaire ou de la mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique.

Il complète à cette fin l’article L. 423-11 du code de justice pénale des mineurs en permettant au juge des enfants de délivrer mandat de comparution ([330]), mandat d’amener ([331]) ou mandat d’arrêt ([332]). Les règles correspondantes du code de procédure pénale s’appliquent ([333]).

Enfin, le VIII de l’article 36 du présent projet de loi reporte l’entrée en vigueur de cette disposition au 30 septembre 2021, date d’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs.

c.   Des dispositions adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté cette disposition du projet de loi ainsi qu’un amendement du rapporteur de nature légistique.

9.   Trois nouvelles dispositions ajoutées par la commission des Lois

La commission des Lois a complété l’article 10 du projet de loi en adoptant trois nouvelles dispositions relatives à la procédure pénale :

– un amendement de Mme Alexandra Louis a créé un nouveau 1° B du I pour affirmer le droit des victimes d’être accompagnées d’un avocat dès l’origine d’une procédure pénale, soit dès le dépôt de plainte. Quoique cette possibilité découle de la rédaction actuelle des articles 10‑2 et 10‑4 du code de procédure pénale ([334]), des difficultés d’application en pratique imposent une mention explicite dans la loi ;

– à l’initiative du rapporteur, un nouveau  bis du I supprime le second alinéa de l’article 523 du code de procédure pénale, aux termes duquel le juge du tribunal judiciaire constituant le tribunal de police peut être un magistrat à titre temporaire lorsqu’il connaît des contraventions des quatre premières classes, à l’exception de celles déterminées par un décret en Conseil d’État, ainsi que des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire. En cohérence avec l’article 6 du présent projet de loi et l’article 1er du projet de loi organique, qui donnent aux magistrats non professionnels un plus grand rôle au sein des juridictions, cette modification permettra aux magistrats à titre temporaire de présider le tribunal de police pour l’ensemble du contentieux contraventionnel. Cette évolution est conforme aux prescriptions constitutionnelles puisque cette juridiction n’inflige aucune peine privative de liberté ([335]) ;

– un amendement de Mme Naïma Moutchou a inséré au I un nouveau 10° modifiant l’article 803‑1 du code de procédure pénale pour permettre la signification d’actes par voie électronique en matière pénale, comme la loi l’autorise en matière civile depuis près de dix ans. Un décret d’application définira les modalités concrètes de mise en œuvre de cette nouvelle possibilité.

*

*     *

 

Titre III
Du service public pénitentiaire

Article 11 A (nouveau)
(art. 719 du code de procédure pénale)
Autorisation des bâtonniers de visiter les lieux de privation de liberté

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confère aux bâtonniers ou à leur délégué un droit de visite, limité à leur ressort, des locaux de garde à vue, des lieux de rétention administrative, des zones d’attente, des établissements pénitentiaires et des centres éducatifs fermés.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 719 du code de procédure pénale, qui autorise la visite des députés et sénateurs ainsi que des représentants au Parlement européen élus en France dans certains lieux de privation de liberté, a été modifié en 2021 par deux ordonnances successives. D’une part, l’ordonnance portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a supprimé de cet article la mention des lieux de rétention administrative et les zones d’attente ([336]). Cette suppression s’explique par l’insertion de deux articles visant spécifiquement le droit de visite des parlementaires dans ces lieux au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ([337]). D’autre part, l’ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs a rectifié la référence aux centres éducatifs fermés, désormais mentionnés à l’article L. 113-7 du code de la justice pénale des mineurs ([338]).

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L’article 719 du code de procédure pénale permet aux députés, aux sénateurs et aux représentants au Parlement européen élus en France de visiter, à tout moment, les locaux de garde à vue, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés.

Issu d’un amendement présenté par Mme Naïma Moutchou et plusieurs membres du groupe La République en Marche, cet article prévoit d’étendre ce droit de visite aux bâtonniers ou à leur représentant spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre, en le limitant toutefois à leur ressort, c’est-à-dire au ressort du tribunal judiciaire dont ils dépendent. Par ailleurs, cet article réinsère à l’article 719 les lieux de rétention administrative et les zones d’attente pour lesquels le droit de visite a été déplacé au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont la nouvelle rédaction est entrée en vigueur le 1er mai 2021.

*

*     *

Article 11
(art. 717-3 du code de procédure pénale)
Modification des dispositions générales relatives au travail des personnes détenues au travers de la suppression de l’absence de contrat de travail

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime de l’article 717-3 du code de procédure pénale les dispositions relatives aux relations de travail et aux règles de rémunération et de répartition des produits du travail des personnes détenues qui seront traitées dans le cadre des nouveaux articles devant être insérés dans le code de procédure pénale par l’article 12 du présent projet de loi. Il tient également compte de la suppression de l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire par l’article 13 du présent projet de loi et insère à l’article 717-3 du code de procédure pénale une disposition, qui figurait jusque-là dans cet article 33, relative aux mesures prises en faveur des personnes handicapées détenues en matière d’accès à l’activité pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

En 2009 ([339]), l’article 717-3 a été complété par un alinéa portant sur la rémunération du travail des personnes détenues et prévoyant un taux horaire minimum fixé par décret et pouvant varier selon le régime sous lequel les détenus sont employés, ainsi qu’une indexation de cette rémunération sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement prévoyant qu’au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer, aux personnes incarcérées qui en font la demande, non seulement une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale, mais également une validation d’acquis de l’expérience.

1.   L’état du droit : l’évolution du cadre juridique général du travail en détention

a.   De la fin du travail pénal à la fin de l’obligation de travail pour les personnes détenues (1945-1987)

En 1945, la réforme dite « Amor » institue une politique d’humanisation des conditions de détention organisée autour du principe selon lequel la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné. Parmi les quatorze points de la réforme, le travail figure à la fois comme obligation et comme droit : tout condamné de droit commun est astreint au travail et bénéficie d’une protection légale pour les accidents survenus pendant celui-ci. Séparé de la peine en elle-même, le travail en détention est dès lors valorisé pour son rôle disciplinaire, économique et rééducatif.

En 1960, le travail forcé est aboli par voie d’ordonnance et en 1975, l’obligation de travail est inscrite dans le code pénal : « les condamnés à des peines privatives de liberté pour des faits qualifiés crimes ou délits de droit commun sont astreints au travail » ([340]).

Avec la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ([341]), le législateur est revenu sur cette obligation : le détenu n’est alors plus contraint de travailler.

Cette évolution traduisait à l’époque une volonté d’accentuer le rôle de réinsertion sociale que doit jouer l’incarcération et s’inscrivait également dans un mouvement plus large de d’humanisation et de libéralisation des conditions de détention enclenché au cours des années 1970 pour répondre à de multiples révoltes en milieu carcéral ([342]). Toutefois, une autre raison expliquerait également cette évolution : face au retournement de la conjoncture à la fin des Trente Glorieuses et devant l’impossibilité de procurer du travail à tous les détenus, il aurait paru préférable de réformer la législation pour la mettre davantage en conformité avec la réalité économique du pays ([343]).

En vue de favoriser la réinsertion des détenus, les deux premiers alinéas de l’ancien article 720, aujourd’hui numéroté 717-3, du code de procédure pénale disposent alors que « les activités de travail et de formation professionnelle sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés et qu’au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui le souhaitent » ([344]). À partir de 1987, cet article précise que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail », excluant ainsi les travailleurs détenus du cadre général du droit du travail.

b.   Quelques évolutions complémentaires (1987-2009)

En 1990, il est précisé qu’il peut être dérogé à cette interdiction du contrat de travail « pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires » ([345]).

En 2002 ([346]), de nouvelles précisions sont apportées au cadre juridique du travail en détention et permettent aux personnes détenues de « travailler pour leur propre compte avec l’autorisation du chef d’établissement » ([347]).

En 2005, les deux premiers alinéas de l’article 717-3 sont modifiés pour mieux y intégrer la question de la formation des personnes détenues. D’une part, le premier alinéa est complété afin de prévoir que l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés prend en compte non seulement leur activité de formation professionnelle comme tel était déjà le cas mais également leur formation « générale ». D’autre part, le second alinéa est complété afin de prévoir que les dispositions nécessaires sont prises par les établissements pénitentiaires pour assurer non seulement une activité professionnelle, mais également « une formation professionnelle ou générale » aux personnes incarcérées qui en font la demande ([348]).

Se dégage de ces évolutions successives une volonté d’élargissement des situations prises en compte dans le cadre des activités exercées par les personnes détenues.

c.   La création d’une nouvelle forme d’obligation d’activité pour les personnes détenues et l’encadrement du travail en détention par un acte d’engagement (2009 à nos jours)

● Sans pour autant bouleverser l’ergonomie générale des règles fixées par l’article 717-3 du code de procédure pénale, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ([349]) a introduit dans notre droit une « obligation d’activité » des personnes détenues.

Son article 27 dispose ainsi que toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du SPIP dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité.

Comme l’a souligné M. Jean-René Lecerf, rapporteur du Sénat à l’initiative de cette disposition créée en 2009, « la réinsertion des détenus qui constitue, comme le rappelle d’ailleurs l’article premier du projet de loi pénitentiaire, l’un des objectifs fondamentaux de l’exécution d’une peine privative de liberté passe par l’exercice, pendant la détention, d’une activité destinée à favoriser la socialisation de la personne […] » ([350]).

L’article R. 57-9-1 du code de procédure pénale précise quelles sont les activités concernées par cette obligation d’activité : travail, formation professionnelle, insertion par l’activité économique, enseignement, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques ([351]).

● Par ailleurs, si l’absence de contrat de travail demeure inscrite dans le code de procédure pénale, l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 prévoit l’établissement d’un acte d’engagement.

Établi par l’administration pénitentiaire lorsque des personnes détenues participent aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires, cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. Par ailleurs, l’article 33 prévoit que l’acte d’engagement pourra également concerner l’insertion par l’activité économique.

Jusqu’en 2009, le seul acte juridique régissant la situation de travail d’une personne détenue était la décision de classement ([352]) prise unilatéralement par l’administration pénitentiaire. La mise en place d’un acte d’engagement est donc une avancée importante, qui marque une volonté de mieux définir et encadrer les conditions d’exercice par les personnes détenues des activités professionnelles. En effet, s’il demeure un acte établi de manière unilatérale par l’administration pénitentiaire, il est toutefois signé par celle-ci et par la personne détenue concernée.

d.   Le cadre en vigueur aujourd’hui

i.   Le cadre juridique du travail en prison est demeuré relativement stable depuis la loi pénitentiaire de 2009.

● L’article 717-3 du code de procédure pénale n’a pas été modifié depuis ; il prévoit donc que :

– les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ;

– toutes dispositions sont prises, au sein des établissements pénitentiaires, pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande ;

– les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, mais il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires ;

– et des règles relatives à la rémunération du travail pénitentiaire sont précisées.

● Par ailleurs, l’article 718 du code de procédure pénale dispose que les personnes détenues peuvent travailler pour leur propre compte avec l’autorisation du chef d’établissement.

● En outre, l’article 27 de la loi pénitentiaire de 2009 prévoit que :

– toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du SPIP dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ;

– lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l’activité consiste par priorité en l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul et lorsqu’elle ne maîtrise pas la langue française, l’activité consiste par priorité en son apprentissage. Il est également précisé que l’organisation des apprentissages est aménagée lorsque la personne concernée exerce une activité de travail.

● Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les articles 28 et 29 de la loi pénitentiaire de 2009 prévoient respectivement que les activités peuvent être organisées de façon mixte et que les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées.

● Enfin, l’article 33 de la loi pénitentiaire, complété en 2018 ([353]) pour y intégrer les dispositions relatives aux entreprises adaptées, précise que :

– la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire ;

– l’acte d’engagement est signé par le chef d’établissement et le détenu ;

– cet acte énonce les droits et obligations professionnels de la personne détenue ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération ;

– cet acte peut également préciser les modalités selon lesquelles la personne détenue bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique ([354]), ainsi que des dispositions relatives aux entreprises adaptées ([355]) ;

– le chef d’établissement s’assure que les mesures appropriées sont prises afin de garantir l’égalité de traitement en matière d’accès et de maintien à l’activité professionnelle en faveur des personnes handicapées détenues.

● Plusieurs règles générales relatives au travail pénitentiaire sont également précisées dans la partie réglementaire du code de procédure pénale ([356]) :

– les dispositions nécessaires doivent être prises pour qu’un travail productif et suffisant pour occuper la durée normale d’une journée de travail soit fourni aux personnes détenues ([357]) ;

– le travail est procuré aux personnes détenues compte tenu du régime pénitentiaire auquel celles-ci sont soumises, des nécessités de bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d’emploi ([358]) ;

– dans la mesure du possible, le travail de chaque personne détenue est choisi en fonction de ses capacités physiques et intellectuelles, de sa situation familiale et de l’existence de parties civiles à indemniser, ainsi que de l’influence que ce travail peut exercer sur sa réinsertion ([359]) ;

– les personnes détenues peuvent être autorisées à travailler pour le compte d’associations constituées en vue de préparer leur réinsertion sociale et professionnelle ou de structures d’insertion par l’activité économique, et bénéficier d’un accompagnement en vue de préparer leur réinsertion sociale et professionnelle ([360]).

ii.   Le cadre européen, non contraignant en matière pénitentiaire, contribue à définir de grands principes applicables au travail en détention

Comme le rappelle l’étude d’impact, la gestion des établissements pénitentiaires relève de la compétence des États membres. Il est toutefois pertinent de rappeler que « la jurisprudence européenne considère que le travail pénitentiaire est conforme à la [Convention de sauvegarde européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales] dès lors qu’il tend à assurer la réinsertion et la resocialisation des personnes détenues » ([361]). En outre, les règles pénitentiaires européennes, révisées en 2006, fixent plusieurs normes et grands principes en matière de travail en détention.

Règles pénitentiaires européennes en matière de travail

26.1. Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et en aucun cas être imposé comme une punition.

26.2. Les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de procurer un travail suffisant et utile.

26.3. Ce travail doit permettre, dans la mesure du possible, d’entretenir d’augmenter la capacité du détenu à gagner sa vie après sa sortie de prison.

26.4. Aucune discrimination fondée sur le sexe ne doit s’exercer dans l’attribution d’un type de travail.

26.5. Un travail incluant une formation professionnelle doit être proposé aux détenus en mesure d’en profiter et plus particulièrement aux jeunes.

26.6. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir le type de travail qu’ils désirent accomplir, sous réserve des limites inhérentes à unes élection professionnelle appropriée et des exigences du maintien du bon ordre et de la discipline.

26.7. L’organisation et les méthodes de travail dans les prisons doivent se rapprocher autant que possible de celles régissant un travail analogue hors de la prison, afin de préparer les détenus aux conditions de la vie professionnelle normale.

26.8. Bien que le fait de tirer un profit financier du travail pénitentiaire puisse avoir pour effet d’élever le niveau et d’améliorer la qualité et la pertinence de la formation, les intérêts des détenus ne doivent cependant pas être subordonnés à cette fin.

26.9. Le travail des détenus doit être procuré par les autorités pénitentiaires, avec ou sans le concours d’entrepreneurs privés, à l’intérieur ou à l’extérieur de-là prison.

26.10. En tout état de cause, le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable.

26.11. Les détenus doivent pouvoir consacrer au moins une partie de leur rémunération à l’achat d’objets autorisés destinés à leur usage personnel et à en envoyer une autre partie à leur famille.

26.12. Les détenus peuvent être incités à économiser une partie de leur rémunération et doivent pouvoir récupérer cette somme à leur sortie de prison ou l’affecter à d’autres usages autorisés.

26.13. Les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison.

26.14. Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors de prison.

26.15. Le nombre quotidien et hebdomadaire maximal d’heures de travail des détenus doit être fixé conformément à la réglementation ou aux usages locaux concernant l’emploi des travailleurs libres.

26.16. Les détenus doivent bénéficier d’au moins une journée de repos hebdomadaire et de suffisamment de temps pour s’instruire et s’adonner à d’autres activités.

26.17. Les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au régime national de sécurité sociale.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article modifie l’article 717-3 du code de procédure pénale pour tenir compte des évolutions envisagées par le présent projet de loi concernant le travail en détention. Il met fin au principe d’absence de contrat de travail.

Il supprime pour cela le troisième alinéa de l’article 717-3 qui précisait que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail » mais qu’il pouvait « être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires ».

Il supprime également les deux derniers alinéas de cet article relatifs à la rémunération des personnes détenues et à la répartition des produits du travail de celles-ci. En effet, les dispositions relatives à ces sujets devraient être à l’avenir fixées par la sous-section 4 créée par l’article 12 du présent projet de loi ([362]).

Les deux premiers alinéas de l’article 717-3 sont conservés par la nouvelle rédaction proposée par le présent article, sous réserve d’une correction visant à mettre en cohérence les termes employés avec ceux de l’article 9 relatif aux réductions de peine. Ainsi, le premier alinéa fait dorénavant référence aux « efforts sérieux de réinsertion » au lieu des termes de « gages de réinsertion » jusque-là utilisés. Le second alinéa n’est quant à lui pas modifié.

Enfin, la nouvelle rédaction tient compte de l’abrogation de l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 par l’article 13 du présent projet de loi en complétant l’article 717-3 par un nouvel alinéa reprenant les dispositions de cet article prévoyant que « le chef d’établissement s’assure que les mesures appropriées sont prises, en faveur des personnes handicapées détenues, en matière d’accès à l’activité professionnelle ».

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Christine Cloarec-Le Nabour, bénéficiant d’un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, qui complète la nouvelle rédaction de l’article 717-3 du code de procédure pénale telle que proposée par le présent article. Il prévoit qu’au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer, aux personnes incarcérées qui en font la demande, non seulement une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale, mais également une validation d’acquis de l’expérience.

*

*     *

Article 12
(art. 719-10 à 719-25 [nouveaux] du code de procédure pénale)
Création d’une section relative au travail des personnes détenues

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise les règles relatives au travail des personnes incarcérées qui, compte tenu des contraintes inhérentes au contexte de la détention, dérogent au droit du travail. Il insère pour cela dans le code de procédure pénale une nouvelle section fixant les principes et les objectifs du travail en détention, ainsi que certaines de ses modalités d’organisation. Il prévoit notamment que le travail pénitentiaire est accompli pour un donneur d’ordre, qui peut être l’administration pénitentiaire ou une structure distincte, dans un cadre fixé par un contrat d’emploi pénitentiaire signé par la personne détenue et le donneur d’ordre. Il organise les procédures de classement au travail et d’affectation à un poste de travail, ainsi que les règles relatives au contrat d’emploi pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions législatives relatives au travail en détention ont été modifiées en 2009 à l’occasion de la loi pénitentiaire ([363]) :

– l’article 33 de cette loi a créé l’acte d’engagement ;

– l’article 27 a instauré une obligation d’activité des personnes détenues ;

– l’article 32 a complété l’article 717-3 du code de procédure pénale, qui pose les grands principes en matière de travail pénitentiaire et notamment d’absence de contrat de travail, par un alinéa portant sur la rémunération du travail des personnes détenues et qui prévoit un taux horaire minimum fixé par décret et pouvant varier selon le régime sous lequel elles sont employées, ainsi qu’une indexation de cette rémunération sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail.

En 2018, l’article 33 a été complété pour y intégrer les dispositions relatives aux entreprises adaptées ([364]).

       Modifications apportées par la Commission

Outre seize amendements rédactionnels, la Commission a adopté dix amendements précisant plusieurs des dispositions relatives au travail des personnes détenues. Elle a ajouté les structures relevant de l’économie sociale et solidaire à la liste des donneurs d’ordre pouvant conclure un contrat d’emploi pénitentiaire. Elle a apporté plusieurs précisions au déroulement des procédures de classement au travail et d’affectation sur un poste de travail. Elle a en outre inséré la possibilité pour le chef d’établissement de décider d’une désaffectation pour raison disciplinaire et réintégré les dispositions actuelles prévoyant le principe de la rémunération horaire du travail des personnes détenues, ainsi que celui de son indexation sur le smic et la possibilité de sa modulation en fonction du régime de travail. Enfin, elle a prévu quatre possibilités de continuité du travail de la personne détenue en cas de libération ou de transfert.

1.   L’état du droit

a.   La question de l’absence de contrat pour le travail en détention

Le faible encadrement juridique et exorbitant du droit commun qui caractérise aujourd’hui le travail en détention est l’objet de débats, et de dénonciations, depuis plusieurs années. En particulier, l’absence de contrat de travail, sanctuarisé par l’article 717-3 du code de procédure pénale, est vue comme la source d’une négation d’une partie des droits des personnes détenues.

En 2006, le Conseil économique et social estimait dans un avis portant sur la réinsertion des personnes détenues que « le fait de considérer la relation de travail en prison comme étrangère au droit commun prive le détenu de tous les droits et de toutes les protections individuelles ou collectives normalement attachés à l’existence d’un contrat de travail […] » ([365]). Son analyse distingue trois types d’arguments invoqués pour justifier l’absence de contrat de travail. D’une part, des arguments d’ordre économique : la rigidité d’un contrat de travail risquerait de faire fuir les entreprises concessionnaires et donc de réduire l’offre de travail en détention. D’autre part, des arguments en lien avec la sécurité et le bon ordre : le développement de relations contractuelles du travail remettrait en cause l’ordre pénitentiaire. Enfin, des arguments d’ordre juridique : les règles de droit commun sont difficilement applicables en prison et plusieurs principes, notamment celui de libre consentement, seraient faussés par le contexte carcéral.

Malgré les progrès réalisés par la loi pénitentiaire de 2009, notamment la mise en œuvre d’un acte d’engagement signé par la personne détenue et le chef d’établissement, ainsi que l’indexation de la rémunération sur le SMIC, la critique de ce cadre juridique est demeurée très forte conduisant à des saisines du juge constitutionnel sur la conformité de l’interdiction du contrat de travail en détention posée par l’article 717-3. Le Conseil constitutionnel a confirmé, à deux reprises, la constitutionnalité du régime dérogatoire du travail en prison :

– en 2013 ([366]), il a estimé que l’absence de contrat de travail ne portait, en elle-même, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946, ni au principe d’égalité ou à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;

– en 2015 ([367]), le Conseil a confirmé sa jurisprudence et précisé que l’acte d’engagement, prévu à l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009, est conforme à la Constitution et notamment au Préambule de 1946 en ce qu’il énonce « les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif » : l’absence de contrat de travail au profit de l’acte d’engagement n’est donc pas non plus contraire à la Constitution.

Cette conformité constitutionnelle n’a toutefois pas réduit les critiques sur la faiblesse de l’encadrement juridique du travail en détention et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) réaffirmait en 2016 que « si l’encadrement d’une relation de travail par un contrat n’est pas une exigence constitutionnelle, les droits sociaux fondamentaux proclamés par la Constitution ne sauraient être garantis sans l’existence d’un contrat individuel encadrant tout travail pénitentiaire » ([368]). En 2018, un rapport de l’Institut Montaigne et de la Fondation M6 sur le travail en prison a renouvelé le constat selon lequel « l’absence de contrat prive les détenus des bénéfices individuels et collectifs de la législation sociale de droit commun » ([369]).

Les auditions conduites par votre rapporteur ont en effet souligné plusieurs difficultés résultant de la faiblesse de cet encadrement juridique et du caractère souvent incomplet de l’acte d’engagement établi par l’administration. Selon Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, cette situation se traduit par plusieurs dysfonctionnements au regard des conditions de travail et du respect des droits des travailleurs détenus. L’acte d’engagement en lui-même ne permet en outre pas de garantir complètement les droits du détenu, en ce qu’il peut être modifié unilatéralement par l’administration, ni d’intégrer dans la relation de travail les entreprises concessionnaires lorsqu’elles sont concernées. L’absence de contrat de travail conduit également à une très faible ouverture des droits sociaux aux personnes détenues ([370]).

b.   L’organisation du travail des personnes détenues

Au-delà des dispositions générales évoquées ci-avant, la partie réglementaire du code de procédure pénale apporte aussi des précisions quant à l’organisation du travail des personnes détenues. L’article D. 433 précise notamment que « l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre ».

i.   Les différents types de travail en détention

Concrètement, les personnes détenues exerçant un travail en prison peuvent le faire selon plusieurs modalités :

– en travaillant pour leur propre compte avec l’autorisation du chef d’établissement comme l’autorise l’article 718 du code de procédure pénale ;

– en exerçant une activité dans le cadre de la semi-liberté, travaillant alors le plus souvent selon les règles du droit commun ;

– en exerçant sous l’autorité de l’administration pénitentiaire des activités de service général ([371]) ; en tant qu’auxiliaires, les détenus travaillant dans ce cadre concourent à l’entretien et à la maintenance des locaux de l’établissement pénitentiaire et participent à la gestion de la vie quotidienne de la détention ([372]) ;

– en exerçant une activité de production pour le compte d’un concessionnaire, d’une entreprise délégataire, d’une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE), d’une entreprise adaptée ou de l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP) ([373]).

Les activités de production pour le compte d’une entreprise concessionnaire sont encadrées par voie réglementaire. Ainsi, l’article D. 433-2 du code de procédure pénale précise que les concessions de travail à l’intérieur des établissements pénitentiaires font l’objet de clauses et conditions générales arrêtées par le ministre de la justice, puis les conditions particulières de ces concessions font l’objet d’un contrat entre l’entreprise concessionnaire et le directeur interrégional des services pénitentiaires. Ce contrat précise l’effectif des personnes détenues, le montant des rémunérations et la durée de la concession.

L’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP)

L’ATIGIP est un service du ministère de la Justice créé par décret en décembre 2018 (1) et investi de trois missions principales : la dynamisation de la formation professionnelle en détention, le développement et la diversification des postes de travail d’intérêt général (TIG) et l’amélioration de l’insertion professionnelle des personnes condamnées.

L’agence développe son action en s’appuyant sur un réseau de référents territoriaux chargés de développer de nouveaux partenariats pour le TIG, d’animer le réseau des organismes d’accueil et des tuteurs de TIG et d’accompagner les organismes d’accueil dans les démarches administratives et alimenter la plateforme numérique « TIG 360° ».

Pour développer ses actions, l’agence est composée de quatre services : le service du travail d’intérêt général, le service des politiques et de l’accompagnement vers l’emploi, le service des fonctions supports et le service de l’emploi pénitentiaire. Depuis sa création, l’agence a en effet repris en son sein le service de l’emploi pénitentiaire (SEP) qui existe depuis 1987 et qui gère aujourd’hui 48 ateliers d’activités de production dans 27 établissements pénitentiaires.

Le SEP est chargé d’organiser la production de biens et de services par des personnes détenues et d’en assurer la commercialisation, d’assurer la gestion ou l’aide au développement d’activité de travail et de formation dans les établissements pour peines et de gérer la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP).

(1)    Décret n° 2018-1098 du 7 décembre 2018 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice ».

Source : ATIGIP

Selon le directeur de l’ATIGIP, 90 % des activités proposées dans ce cadre sont le plus souvent peu qualifiantes et répétitives, essentiellement cantonnées à des opérations de façonnage ou de conditionnement.

L’implantation de SIAE et d’entreprises adaptées à l’intérieur des établissements pénitentiaires fait également l’objet d’un contrat signé par le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef d’établissement pénitentiaire et la SIAE ou l’entreprise adaptée ([374]). Ce contrat d’implantation fixe les conditions relatives à la nature des activités proposées, à l’accompagnement socioprofessionnel individualisé, au montant de la rémunération, à la durée de l’activité et à la nature de la SIAE ou de l’entreprise adaptée.

Les entreprises concessionnaires

Des entreprises privées proposent alors aux détenus des travaux de manufacture et de production industrielle, réalisées dans des ateliers de production au sein de l’établissement, voire parfois en cellule. Les tâches, si elles ne nécessitent qu’un niveau faible de qualification initiale, sont cependant diversifiées : opérations d’emballage, de découpe, de mise sous pli, de conditionnement ou bien des travaux d’assemblage de pièces détachées. En 2014, le travail en atelier a employé 30,4 % des détenus au travail.

Deux modalités sont à distinguer, selon que l’établissement est en gestion publique ou en gestion déléguée. D’une part, dans les établissements en gestion publique – mode traditionnel de fonctionnement des établissements où l’administration exerce l’intégralité des missions et des fonctions nécessaires à la prise en charge des détenus – les relations sont directes entre concessionnaires et établissement pénitentiaire. Grâce à la signature d’un contrat de concession, l’administration pénitentiaire autorise ainsi une entreprise à employer des détenus. Elle reste l’interlocuteur principal de l’entreprise concessionnaire et fournit les locaux adaptés à l’activité professionnelle, entretient et met en conformité les espaces de travail ou encore répartit l’ensemble des rémunérations. De son côté, l’entreprise concessionnaire installe ses propres outils de production, équipe les locaux ou bien rémunère le travail en versant à l’établissement pénitentiaire les salaires.

Dans le cadre de la gestion déléguée, par laquelle l’administration pénitentiaire externalise à des prestataires privés le fonctionnement courant d’un établissement, c’est le groupement privé qui est responsable des activités de production en atelier. Agissant dans le cadre d’un marché public sur performance, le gestionnaire doit contractuellement un volume d’heures de travail sur chaque atelier. Le gestionnaire délégué doit donc prospecter des entreprises afin de les inciter à utiliser la main-d’œuvre pénitentiaire. Avec ses entreprises clientes, le gestionnaire délégué se comporte comme un prestataire de services et conclut des commandes ponctuelles qui s’apparentent à des contrats de sous-traitance.

Source : Institut Montaigne, Fondation M6, Travail en prison : préparer (vraiment) l’après, février 2018.

Les SIAE sont aujourd’hui implantées en centres pénitentiaires ou en maisons d’arrêt. Elles ont pour objectifs d’accompagner les personnes détenues vers l’emploi dans le cadre d’un parcours débutant en détention et se finalisant après la libération : à ce titre, seules les personnes détenues disposant d’un reliquat de peine inférieur à 36 mois peuvent intégrer ces structures.

Une attention particulière est actuellement portée à la mise en place d’entreprises adaptées ouvertes à un public handicapé. L’implantation de ces entreprises n’a été permise que récemment grâce à deux décrets publiés le 31 mars 2021. Par conséquent, aucune entreprise adaptée n’est encore implantée en détention. Une phase pilote devrait prochainement débuter avec un appel à projet initié conjointement par l’ATIGIP et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et permettre l’implantation en détention de dix premières entreprises adaptées d’ici la fin de l’année 2021 ([375]).

L’organisation du travail en détention s’appuie sur un réseau de 160 référents locaux du travail, qui sont présents dans plus de 90 % des établissements pénitentiaires. Dans 80 % d’entre eux, ils cumulent les fonctions de référent local du travail avec celles de référent local de la formation professionnelle. Ce sont en général des personnels de surveillance ou des officiers. 57 % d’entre eux cumulent d’ailleurs leurs fonctions avec d’autres comme celles de surveillant d’étage, tandis que 43 % sont référents à temps plein. Leur rôle varie actuellement selon les établissements, mais ils assurent le plus souvent l’organisation des commissions pluridisciplinaires uniques, les relations avec les concessionnaires ou encore l’organisation matérielle du travail au sein de la détention.

ii.   La procédure de classement, condition de l’accès à un travail en détention

 La décision de classement est une étape nécessaire pour accéder au travail en détention.

Les personnes détenues peuvent formuler une demande de travail auprès de l’administration pénitentiaire. L’accès à l’activité professionnelle relève ensuite d’une procédure spécifique appelée « classement ». La décision de classement, c’est-à-dire l’acceptation de principe de la demande de travail formulée par le détenu, est prise par le chef d’établissement après avis de la commission pluridisciplinaire unique.

La commission pluridisciplinaire unique (CPU)

Progressivement développée depuis les années 1990, la commission pluridisciplinaire unique (CPU) est aujourd’hui consacrée par l’article D. 90 du code de procédure pénale qui en fixe également la composition. Présidée par le chef d’établissement ou son représentant, elle comprend : le directeur du SPIP, un responsable du secteur de détention du détenu dont la situation est examinée, un représentant du service du travail et, le cas échéant, un représentant de l’ATIGIP, un représentant du service de la formation professionnelle et un représentant du service d’enseignement. Sur convocation du chef d’établissement, peuvent également assister aux réunions de la commission, avec voix consultative, certains personnels soignants, notamment les psychologues, un représentant de la protection judiciaire de la jeunesse ou encore un représentant de la SIAE ou de l’entreprise adaptée dans l’établissement.

Cette décision de classement se fonde sur certains éléments clairement identifiés par le code de procédure pénale ([376]) :

– le régime pénitentiaire auquel est soumise la personne détenue ;

– ses capacités physiques et intellectuelles ;

– l’influence de ce travail sur sa réinsertion ;

– sa situation familiale ;

– l’existence de parties civiles à indemniser ;

– les nécessités liées au bon fonctionnement des établissements pénitentiaires ;

– les possibilités locales d’emploi.

Toutefois, selon le CGLPL, « les visites des établissements pénitentiaires sont l’occasion de constater la diversité des critères retenus et priorisés dans le cadre de l’examen de leurs demandes en CPU : ancienneté de la demande, comportement en détention, état des ressources financières, profil pénal, niveau scolaire, compétences, perspectives de réinsertion, […] motivation, absence de contre-indications médicales, inactivité, etc. » ([377]). Chaque établissement développe ainsi ses propres pratiques. Ainsi, les auditions conduites par votre rapporteur ont montré que certains établissements préfèrent refuser le classement lorsqu’il n’existe pas de postes de travail disponibles, tandis que d’autres acceptent le classement et constituent une liste d’attente. Au regard de ces disparités, le CGLPL considère que « les critères d’accès au travail manquent de transparence et peuvent, dans certains cas, laisser place à des pratiques discriminatoires » ([378]), constat partagé par l’étude d’impact du présent projet de loi.

La décision de refus de classement n’est pas susceptible de recours et n’a, en droit, pas à être motivée. Toutefois les syndicats des directeurs d’établissements pénitentiaires ont indiqué à votre rapporteur que la plupart du temps les décisions de refus de classement, qui peuvent se fonder sur des éléments d’appréciation de terrain, parfois très pragmatiques, sont présentées et expliquées aux personnes détenues.

● La décision de déclassement ou la décision de suspension du classement peuvent aujourd’hui être prises par l’administration pénitentiaire pour des raisons disciplinaires ou pour des raisons d’incompétence ou d’inadaptation au travail.

– La suspension du classement ou le déclassement peuvent être prononcés comme sanction disciplinaire ([379]). Depuis 2019, cette sanction, auparavant limitée aux fautes commise au cours de l’activité, peut désormais être prononcée pour toute faute commise en détention, même si celle-ci est sans lien avec l’activité ([380]).

Les sanctions disciplinaires sont prononcées par la commission de discipline qui comprend le chef d’établissement et deux membres assesseurs ([381]). Toutefois, s’agissant d’une faute commise au cours ou à l’occasion d’un poste d’emploi, le chef d’établissement peut suspendre le classement à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline. Cette suspension ne peut être prise que si elle est l’unique moyen de mettre fin à la faute, de faire cesser le trouble occasionné au bon déroulement des activités de travail ou d’assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement. Cette suspension court jusqu’à la comparution de la personne détenue concernée devant la commission de discipline ([382]). Il est précisé que « la durée de la suspension à titre préventif est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder huit jours ouvrables pour les personnes majeures et trois jours ouvrables pour les personnes mineures de plus de seize ans » ([383]).

– Le déclassement peut être prononcé si la personne détenue s’avère incompétente pour l’exécution d’une tâche.

– Une suspension du classement d’une durée maximum de cinq jours peut être décidée si la personne détenue ne s’adapte pas à un emploi ; sa situation est ensuite évaluée et la personne concernée fait alors l’objet soit d’une réintégration dans cet emploi, soit d’un déclassement ([384]).

– Par ailleurs, dans le cadre de l’insertion par l’activité économique, la personne détenue pourra être déclassée ou suspendue dans les mêmes conditions pour le non-respect de l’accompagnement socioprofessionnel proposé ([385]).

Les décisions de déclassement, à la différence de celles de classement, sont susceptibles de recours devant le juge administratif. En effet, elles ont été reconnues comme faisant grief « par nature » et pouvant toujours être soumises au contrôle du juge : le Conseil d’État a ainsi considéré que « eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de déclassement d’emploi constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » ([386]).

iii.   La réduction du travail en détention depuis vingt ans

En 2020, le travail pénitentiaire concerne près de 29 % des personnes détenues. Cette situation a connu une nette dégradation dans les vingt dernières années puisque cette proportion était de près de 50 % au début des années 2000. Selon le directeur de l’ATIGIP, ce déclin s’explique par trois facteurs principaux :

– d’une part, l’aggravation de la surpopulation carcérale rend plus difficile la mise en place d’activités, en particulier dans les maisons d’arrêt ;

– d’autre part, la crise économique a fait chuter le nombre de concessionnaires privés impliqués en détention passant de plus de 400 entreprises avant 2008 à moins de 300 après la crise : leur nombre est aujourd’hui d’environ 350 ;

– enfin, il estime que le public incarcéré est de plus en plus éloigné de l’emploi : 76 % des personnes détenues disposent au plus d’un brevet des collèges ou d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et 46 % d’entre elles n’ont même aucun diplôme. On estime par ailleurs que près de la moitié des personnes détenues n’ont auparavant jamais été en situation d’emploi ([387]).

LE NOMBRE DE PERSONNES DÉTENUES TRAVAILLANT EN DÉTENTION

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Moyenne mensuelle de travailleurs détenus

17 745

17 387

16 808

16 506

16 365

16 684

16 033

16 148

19 232

18 267

Total pourcentage de travailleurs détenus

28 %

26 %

25 %

24 %

24 %

28 %

28 %

28 %

29 %

29 %

% de détenus travaillant au service général

13 %

13 %

13 %

12 %

12 %

13 %

14 %

15 %

16 %

18 %

de détenus travaillant au SEP-RIEP

2 %

2 %

2 %

1 %

2 %

2 %

2 %

2 %

2 %

1 %

de détenus travaillant en concession

13 %

11 %

10 %

11 %

10 %

13 %

12 %

11 %

11 %

10 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire.

Le travail pénitentiaire intéresse donc aujourd’hui environ 20 000 détenus qui se répartissent entre des formes de travail qui varient selon le cadre dans lequel il est exercé :

– 52 % d’entre elles travaillent au sein du service général ;

– 42 % d’entre elles travaillent pour le compte d’opérateurs privés offrant du travail en détention. Parmi les personnes détenues travaillant en concession, 190 ont travaillé en 2020 au sein de 8 SIAE ([388]) ;

 6 % d’entre elles travaillent dans le cadre du service de l’emploi pénitentiaire ([389]) : les métiers proposés dans ce cadre sont souvent plus qualifiants et un effort important est mené pour proposer du travail dans des secteurs en tension afin de faciliter ensuite la réinsertion professionnelle des personnes. L’ATIGIP et la direction de l’administration pénitentiaire sont engagées dans une démarche d’accroissement de l’offre d’emploi et de diversification des secteurs d’activité, par exemple dans les secteurs du numérique ou de l’économie sociale et solidaire (ESS).

c.   La question de la rémunération du travail pénitentiaire

i.   L’évolution du droit applicable en matière de rémunération des personnes détenues exerçant une activité professionnelle

● Dès 1975, alors que les personnes détenues étaient astreintes au travail, le code de procédure pénale prévoyait que « les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret » ([390]).

La réforme de 1987 ne modifie pas cet aspect du travail en détention.

En 2002 ([391]), il est inscrit explicitement dans la loi que le produit du travail du détenu ne peut faire l’objet d’aucun « prélèvement pour frais d’entretien en établissement pénitentiaire » ([392]).

Jusqu’en 2009, la fixation des rémunérations des détenus n’était pas soumise aux mêmes règles selon le type d’emploi : au service général elle était fixée par un tarif établi par la direction de l’administration pénitentiaire ; au service de l’emploi pénitentiaire elle était fixée par instruction de l’administration pénitentiaire et révisée annuellement en fonction de l’évolution du SMIC ; en concession elle était définie par une convention signée entre l’entreprise et l’établissement pénitentiaire et ne pouvait pas être inférieure au seuil minimum de rémunération (SMR) qui variait également en fonction de l’évolution du SMIC. Ces différentes règles entraînaient d’importantes disparités de rémunérations entre les personnes détenues travaillant.

● En 2009, l’article 32 de la loi pénitentiaire modifie ces règles en insérant un nouvel alinéa à l’article 717-3 du code de procédure pénale qui prévoit la fixation par décret d’un taux horaire minimal pour la rémunération du travail des personnes détenues et l’indexation de ce taux horaire sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Il est également prévu que ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.

Dans la continuité de cette évolution majeure, des précisions sont également apportées au niveau réglementaire. En particulier, l’article D. 432-1 du code de procédure pénale définit les niveaux de rémunération minimaux :

– la rémunération du travail effectué en production pour le compte notamment d’entreprises privées au sein des établissements pénitentiaires par les personnes détenues ne peut être inférieure au taux horaire de 45 % du SMIC (soit 4,56 € en 2020) ; le même taux est appliqué pour les activités proposées dans le cadre de l’insertion par l’activité économique ;

– concernant le travail réalisé pour le service général ([393]), trois taux sont appliqués en fonction de la qualification technique du poste : 33 % du SMIC pour les postes de classe I (3,35 €), 25 % du SMIC pour ceux de classe II (2,53 €) et 20 % du SMIC pour ceux de classe III (2,03 €). La répartition des postes entre ces différentes classes est définie par un arrêté du ministre de la justice.

Le dernier alinéa de l’article D. 433-1 du même code précise en outre que sous le régime de la concession ([394]), les conditions de rémunération et d’emploi sont fixées par une convention conclue entre l’administration pénitentiaire et l’entreprise concessionnaire. Ces conditions doivent être fixées « en référence aux conditions d’emploi à l’extérieur, en tenant compte des spécificités de la production en milieu carcéral et dans le respect du taux horaire minimal fixé à l’article D. 432-1 ».

Enfin, l’article D. 433-4 prévoit que les rémunérations sont versées à l’administration qui opère le reversement des cotisations sociales aux organismes de recouvrement et procède ensuite à l’inscription et à la répartition de la rémunération nette sur le compte nominatif des personnes détenues. Il indique également que les taux de rémunération sont portés à la connaissance des personnes détenues par voie d’affichage.

ii.   Des critiques et difficultés en lien avec la rémunération

L’introduction en 2009 du principe de la rémunération horaire et de l’indexation de la rémunération des détenus sur le SMIC visait à harmoniser les rémunérations des personnes détenues, quelle que soit l’activité exercée. Il s’agissait d’une avancée, permettant de fixer clairement une rémunération « plancher » à laquelle il ne devrait pas pouvoir être dérogée.

Malgré cette volonté d’encadrement et d’harmonisation, le CGLPL constate plusieurs irrégularités entachant la rémunération du travail des personnes détenues. Les règles ne sont tout d’abord pas appliquées de la même manière d’un établissement pénitentiaire à l’autre. L’impératif de rémunération horaire n’est toujours pas appliqué au sein de nombreux ateliers de production qui continuent de pratiquer la rémunération à la pièce. « Les salaires pour les ateliers de production sont encore partout presque exclusivement calculés en fonction de la production réalisée. Le salaire alloué à un volume de production donné est fixé au préalable en fonction d’une cadence type. Pour l’élaboration de la fiche de paie, la production réalisée par chaque opérateur est transformée en heures de travail, alors fictives, car elles ne correspondent pas au nombre réel d’heures effectuées par le travailleur. De manière générale, les contrôleurs observent lors des visites que les rémunérations pratiquées sont largement inférieures au SMR en raison notamment du mode de calcul de la rémunération à la pièce » ([395]).

Ce constat est partagé par le rapport réalisé par la commission des Lois sur le travail en détention : certains « concessionnaires ne souhaitent pas mettre en place une rémunération horaire compte tenu de la faible productivité du travail en détention » ([396]).

Les concessionnaires rencontrés par votre rapporteur ont quant à eux souligné que pour de nombreuses activités de travail proposées en détention, la cadence était le moyen le plus simple de définir la rémunération horaire et demeurait une logique nécessaire pour organiser leur production. Le fait d’imposer la rémunération horaire leur semblait dès lors être source de forte pression pour les personnes détenues travaillant dans ces activités.

Des irrégularités ont également été constatées au sein du service général où « les personnes détenues concernées bénéficient en réalité d’une rémunération sous la forme d’un forfait journalier, non d’une rémunération à l’heure » ([397]).

Ces irrégularités pouvant être soumises au juge administratif, l’administration pénitentiaire a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises à ce sujet ([398]). Cette concentration du contentieux actuel du travail pénitentiaire sur les questions de rémunération est confirmée par l’étude d’impact du présent projet de loi. Ainsi, en 2020, sur 562 dossiers jugés devant les tribunaux administratifs, 530 concernaient la rémunération. L’étude d’impact précise par ailleurs que sur les 340 nouvelles requêtes enregistrées en 2020 concernant la rémunération, 32 % concernent le service général et 68 % les activités de production ([399]).

Coexistent donc aujourd’hui, de manière injustifiée et en contradiction avec les normes législatives, trois types de rémunération du travail pénitentiaire : à la pièce, à l’heure ou à la journée. Pour ces raisons, les rémunérations des travailleurs détenus restent en réalité largement inférieures au seuil minimum de rémunération prévu.

Rémunération horaire moyenne des détenus travailleurs

(euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Service général

1,95

2,03

2,23

3,32

2,44

2,47

SEP-RIEP

4,68

5,12

5,16

5,20

6,02

5,44

Concession

4,30

3,74

3,95

4,04

4,12

4,23

Source : direction de l’administration pénitentiaire.

En 2020, la rémunération mensuelle moyenne était d’environ 530 euros pour les détenus travaillant au SEP-RIEP, 295 euros pour ceux travaillant en concession et 250 euros pour ceux travaillant au sein du service général ([400]).

La mise en œuvre, à partir d’avril 2022, d’un système d’information pour la paye des personnes détenues, nécessaire en raison du passage à la déclaration sociale nominative et du prélèvement à la source, permettra de rendre techniquement impossible le paiement à la pièce et, sous des abords techniques, cette évolution garantira un meilleur respect des droits des détenus dans ce domaine. De même, la normalisation des relations du travail en détention prévue par le présent projet de loi devrait participer d’une revalorisation du travail pénitentiaire.

2.   Le dispositif proposé

Le I du présent article insère dans le code de procédure pénale une nouvelle section, intitulée « Du travail des personnes détenues », composée de 16 articles organisés en cinq sous-sections.

a.   Sous-section 1 : dispositions générales

● L’article 719-10 consacre plusieurs principes et objectifs du travail en détention.

D’une part, du point de vue de la personne condamnée, cet article rappelle que le travail participe au parcours des peines privatives et restrictives de liberté et poursuit dans ce cadre plusieurs objectifs :

– préparer l’insertion ou la réinsertion professionnelle en créant les conditions d’employabilité de la personne détenue ;

– préparer, par ses conditions d’exercice, la personne détenue aux relations de travail auxquelles elle pourra participer après sa sortie ;

– concourir à la mission de prévention de la récidive.

D’autre part, du point de vue des spécificités inhérentes à la situation de détention, ce travail se définit aussi par certaines règles spécifiques :

– il est accompli sous le contrôle permanent de l’administration qui assure la surveillance des personnes détenues, la discipline et la sécurité sur les lieux du travail ;

– les conditions de son exercice sont adaptées à la personnalité de la personne détenue et aux contraintes inhérentes à la détention ;

– il peut à tout moment être suspendu ou arrêté pour des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements ([401]).

● L’article 719-11 prévoit que le travail en détention peut être accompli dans deux cadres pour deux types de donneurs d’ordre différents :

– au sein du service général, le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire ;

– dans le cadre d’une activité de production, le donneur d’ordre est une structure distincte de l’administration : un concessionnaire, une entreprise délégataire, une SIAE ([402]), une entreprise adaptée ([403]) ou un service de l’État ayant pour mission de développer le travail et l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice ([404]).

Cet article dispose en outre que le travail pour un donneur d’ordre s’effectue dans un cadre fixé par un contrat d’emploi pénitentiaire.

Les relations entre la personne détenue et le donneur d’ordre sont régies par le code de procédure pénale, ainsi que par les dispositions du code du travail auxquelles il est expressément fait référence.

● L’article 719-12 reprend les dispositions de l’article 718 du code de procédure pénale prévoyant qu’un détenu peut travailler pour son propre compte sur autorisation du chef de l’établissement pénitentiaire.

En conséquence, le II de cet article 12 du présent projet de loi abroge l’article 718.

● L’article 719-13 précise que les dispositions prévues par la section relative au travail des personnes détenues sont applicables lorsque le lieu de travail se situe, en tout ou partie, sur le domaine affecté à l’établissement pénitentiaire et à ses abords immédiats.

Sont donc exclus de ces dispositions les cas où la personne détenue travaille à l’extérieur, par exemple dans le cadre d’une semi-liberté.

b.   Sous-section 2 : classement au travail et affectation sur un poste de travail

● L’article 719-14 organise les procédures de classement et d’affectation au travail.

Le premier alinéa précise le classement au travail. En premier lieu, la personne détenue souhaitant travailler en détention adresse une demande à l’administration pénitentiaire. Cette demande déclenche la procédure de classement qui décide de l’autorisation de travailler : la décision de classement ou de refus de classement est prise par le chef d’établissement après avis de la commission pluridisciplinaire unique (CPU).

Cet article inscrit donc en droit les pratiques d’ores et déjà existantes, mais marque également une évolution notable en ce qu’il est précisé que la décision de refus de classement doit être motivée et est susceptible de recours.

L’étude d’impact détaille en outre que la « décision de classement devra préciser l’orientation vers un régime de travail : atelier de production, service général, insertion par l’activité économique, entreprise adaptée ou agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle » ([405]). Elle indique également que l’administration devra accuser réception de toutes les demandes de classement.

L’étude d’impact ajoute qu’une liste d’attente d’affectation sera créée. Cette liste devrait être créée à l’issue de la décision de classement et être mise à jour en fonction des décisions de classement et d’affectation. Cette procédure devrait être précisée par décret.

Le second alinéa précise la procédure d’affectation à un poste de travail. Des entretiens professionnels sont tout d’abord organisés, au vu de l’avis de la CPU sur le classement, par l’administration pénitentiaire entre la personne détenue et le donneur d’ordre potentiel (le service, l’entreprise ou la structure chargé de l’activité de travail). À la suite de ces entretiens, au vu de leurs résultats et en fonction des possibilités locales d’emploi, la décision d’affecter, ou non, la personne détenue sur un poste de travail est prise par le chef d’établissement.

Contrairement à ce qu’indique l’étude d’impact ([406]), la décision d’affectation demeure donc une prérogative du chef d’établissement. Toutefois, d’après les éléments transmis par l’administration pénitentiaire, il semble que la prise de décision par le chef d’établissement devra en réalité se faire au vu du choix de recrutement réalisé par le donneur d’ordre à la suite des entretiens organisés. Le choix du donneur d’ordre ne pourra être refusé que pour des raisons liées au bon ordre ou à la sécurité de l’établissement.

À la différence des décisions de refus de classement, les décisions d’affectation ou de non-affectation ne sont pas susceptibles de recours devant le juge administratif.

● L’article 719-15 précise dans quels cas et dans quelles conditions il peut être mis fin ou décidé d’une suspension du classement au travail ou de l’affectation à un poste de travail.

Ces dispositions, qui organisent les décisions relevant de l’administration pénitentiaire qui suspendent ou mettent fin au travail pénitentiaire, s’articulent avec les dispositions des articles 719-19 et 719-20 qui prévoient les cas de suspension ou de fin du contrat d’emploi pénitentiaire, c’est-à-dire les cas de suspension ou de fin du travail pénitentiaire ne relevant pas de l’administration pénitentiaire mais des parties audit contrat.

Le I précise les cas de déclassement. Il permet au chef d’établissement, en cas de faute disciplinaire, de mettre fin au classement au travail ou de le suspendre pendant une durée qu’il détermine ([407]).

Cette mesure de déclassement, provisoire ou non, est prise au titre de sanction disciplinaire dans les conditions prévues à l’article 726 du code de procédure pénale qui précise que « le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d’État » qui doit notamment prévoir la procédure de sanction applicable au cours de laquelle la personne peut être assistée d’un avocat.

Comme actuellement, les décisions de déclassement sont susceptibles de recours.

Le II et le III portent quant à eux sur les cas de désaffectation. La décision d’affectation peut être suspendue :

– par le chef d’établissement pour des motifs liés au maintien du bon ordre, à la sécurité de l’établissement ou à la prévention des infractions ;

– pendant la durée d’une procédure disciplinaire ;

– pour des motifs liés à la translation de la personne détenue ;

– pour des motifs liés aux nécessités de l’information lorsqu’il s’agit d’une personne en détention provisoire ;

– à la demande de la personne détenue ;

– lorsque le contrat d’emploi pénitentiaire est lui-même suspendu en application du II de l’article 719-20.

La possibilité de mettre fin à l’affectation sur un poste de travail n’est par contre prévue que dans la situation où il est mis fin au contrat de travail en application du II de l’article 719-19.

Concrètement, cela implique que la désaffectation, qui échappe au donneur d’ordre, ne peut qu’être une décision de suspension de l’affectation. La désaffectation non provisoire relève par contre du donneur d’ordre en ce qu’elle découlerait des cas où celui-ci met fin au contrat d’emploi pénitentiaire tels que prévus par le II de l’article 719-19.

Dans ce nouveau cadre juridique, les décisions conduisant à la désaffectation sont donc susceptibles de recours puisqu’elles pourront être portées devant le juge administratif en cas de litige comme le prévoit l’article 719-21.

c.   Sous-section 3 : contrat d’emploi pénitentiaire

● L’article 719-16 interdit à la personne détenue de conclure un contrat d’emploi pénitentiaire sans avoir été préalablement classée au travail et affectée au poste de travail dans les conditions prévues à l’article 719-14 et décrites ci-avant.

● L’article 719-17 précise la signature et le contenu du contrat d’emploi pénitentiaire.

Les deux premiers alinéas prévoient quels seront les signataires du contrat d’emploi pénitentiaire selon les circonstances :

– si le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire (c’est-à-dire lorsque le détenu est affecté au service général), le contrat est conclu par le chef d’établissement et la personne détenue ;

– si le donneur d’ordre est une des structures mentionnées au 2° de l’article 719-11 (c’est-à-dire un concessionnaire, une entreprise délégataire, une SIAE, une entreprise adaptée ou un service de l’État ayant pour mission de développer le travail et l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice), le contrat est conclu par le représentant légal du donneur d’ordre par la personne détenue. Le contrat demeure donc bipartite également dans ces circonstances, mais il est alors prévu d’y annexer une convention tripartite, signée par le représentant du donneur d’ordre, la personne détenue et le directeur de l’établissement pénitentiaire.

Les deux derniers alinéas apportent des précisions quant au contenu du contrat : celui-ci sera fixé par décret en Conseil d’État en tenant compte des finalités du travail en détention (telles que prévues à l’article 719-10) et il est précisé qu’il mentionnera la durée du contrat, qui pourra être indéterminée et qui devra être fixée en tenant compte de la durée de la mission ou du service confié à la personne détenue.

L’étude d’impact précise en outre que la personne détenue pourra travailler à temps plein ou à temps partiel et que la détermination de la durée du travail devrait être « effectuée selon les modalités prévues en droit commun. Ainsi, la durée hebdomadaire du travail sera de 35 heures […] » ([408]).

● L’article 719-18 introduit la possibilité d’une période d’essai ([409]) et en fixe la durée :

– deux semaines lorsque la durée du contrat est au plus égale à six mois ;

– un mois lorsque la durée du contrat est supérieure à six mois ou indéterminée, avec en outre une possibilité de prolongation pour une durée maximale de deux mois lorsque la technicité du poste le justifie.

● L’article 719-19 définit les cas dans lesquels le contrat d’emploi pénitentiaire prend fin. Il distingue les cas où cela relève d’une décision du donneur d’ordre (II) et les autres cas (I).

La fin du contrat peut être décidée d’un commun accord entre la personne détenue et le donneur d’ordre.

Elle peut également être décidée à la simple initiative de la personne détenue.

Le donneur d’ordre (qu’il s’agisse de l’administration pénitentiaire ou d’une autre structure telle que définie à l’article 719-11) peut lui aussi mettre fin au contrat d’emploi pénitentiaire dans les cas suivants :

– en cas d’inaptitude ou d’insuffisance professionnelle : le donneur d’ordre doit alors permettre à la personne détenue de présenter ses observations ;

– lorsque le donneur d’ordre est une SIAE ou une entreprise adaptée, lorsque la personne détenue ne respecte pas l’accompagnement socioprofessionnel proposé ; là encore elle doit être en mesure de présenter ses observations ;

– en cas de force majeure ;

– pour un motif d’ordre économique ;

– lorsque le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire, pour un motif tenant aux besoins du service.

Par ailleurs, d’autres dispositions organisent la fin du contrat d’emploi pénitentiaire pour des raisons relevant du cadre de la détention. La fin au contrat est automatique :

– lorsque la détention se termine ;

– lorsque la personne détenue est transférée de manière définitive dans un autre établissement ;

– lorsqu’il est mis fin au classement au travail par le chef d’établissement en raison d’une faute disciplinaire (tel que prévu par le I de l’article 719-15).

Sauf à ce qu’elle soit elle-même donneur d’ordre, l’administration pénitentiaire n’a donc la possibilité de décider d’un déclassement (entraînant de fait la désaffectation et la fin du contrat d’emploi pénitentiaire) que pour des motifs disciplinaires comme cela est prévu au I de l’article 719-15.

Les motifs de fin de contrat, et donc de désaffectation, de nature économique, liés à une inaptitude ou à une insuffisance, ou encore à un cas de force majeure sont quant à eux à la main du donneur d’ordre.

L’étude d’impact rappelle clairement que « les décisions de désaffectation ou de déclassement devront être motivées et seront susceptibles de recours » ([410]).

● L’article 719-20 précise quant à lui les cas où le contrat d’emploi pénitentiaire peut être suspendu.

Cette suspension du contrat est automatique :

– lorsque le classement de la personne détenue est suspendu pour motif disciplinaire par le chef d’établissement (suspensions prévues par le I de l’article 719-15) ;

– lorsque l’affectation sur le poste de travail est suspendue soit à la demande de la personne, soit pour des motifs liés au maintien du bon ordre, à la sécurité de l’établissement ou à la prévention d’infractions, soit pendant la durée d’une procédure disciplinaire ou en raison d’une translation ou des nécessités de l’information (suspensions prévues par le II de l’article 719-15).

Le donneur d’ordre (qu’il s’agisse de l’administration pénitentiaire ou d’une autre structure telle que définie à l’article 719-11) peut par ailleurs décider de suspendre le contrat dans deux types de situation :

– en cas d’incapacité temporaire de travail pour raison médicale,

– en cas de baisse temporaire de l’activité.

● L’article 719-21 prévoit que tout litige lié au contrat d’emploi pénitentiaire ou à la convention qui lui est annexée lorsque le donneur d’ordre est une structure extérieure à l’administration pénitentiaire relève de la compétence de la juridiction administrative. Il s’agit donc d’un contrat de droit public.

d.   Sous-section 4 : durée du travail, repos, jours fériés et rémunération

● L’article 719-22 reprend, avec quelques modifications, les dispositions jusque-là prévues par les derniers alinéas de l’article 717-3 du code de procédure pénale concernant la rémunération du travail en détention.

Il reprend ainsi les dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article 717-3 en vertu duquel les règles relatives à la répartition des produits du travail des personnes détenues sont fixées par décret et le produit du travail des personnes détenues ne peut faire l’objet d’aucun prélèvement pour frais d’entretien en établissement pénitentiaire.

Il précise également que le montant minimal de la rémunération est fixé lui aussi par décret, mais il ne reprend toutefois pas la règle, introduite par la loi pénitentiaire de 2009 au dernier alinéa du même article 717-3, selon laquelle cette rémunération « ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance » et ce taux « peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ».

● L’article 719-23 ajoute que seront définis par décret en Conseil d’État la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail effectif de la personne détenue ainsi que les conditions dans lesquelles peut être mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine ; la durée du travail effectif à temps complet ; le régime des heures supplémentaires ; le régime des temps de pause, du repos quotidien et du repos hebdomadaire et des jours fériés dont bénéficient les personnes détenues.

Sur ces sujets, l’étude d’impact apporte des précisions. D’une part, « la durée hebdomadaire de travail sera de 35 heures (151,67 heures mensuellement et 1607 heures annuellement) ». D’autre part, « les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire donneront lieu à une majoration de salaire ». Concernant les jours fériés, ils devraient être non ouvrés pour les personnes en production, mais pourront être travaillés sur décision du chef d’établissement pour les personnes au service général. Il est précisé que « le travail de ces jours fériés ne donnera pas lieu à une majoration de la rémunération à l’exception du travail le 1er mai ». Concernant les temps de repos, les règles devraient être identiques au droit commun avec « un repos quotidien de 11 heures consécutives et un repos hebdomadaire de 24 heures » ([411]).

e.   Sous-section 6 : dispositions diverses et disposition d’application

● L’article 719-24 insère la possibilité d’une période de mise en situation professionnelle pouvant être effectuée au sein d’une structure d’accueil en milieu libre dans le cadre d’un placement à l’extérieur, d’une permission de sortir ou selon les modalités prévues pour le travail à l’extérieur. Il renvoie pour cela aux modalités prévues aux articles L. 5135-1 à L. 5135-8 du code du travail.

La mise en situation professionnelle

Les périodes de mise en situation en milieu professionnel ont pour objet de permettre à un travailleur, privé ou non d’emploi, ou à un demandeur d’emploi : soit de découvrir un métier ou un secteur d’activité, soit de confirmer un projet professionnel, soit d’initier une démarche de recrutement.

Aucune convention de mise en situation en milieu professionnel ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de la structure d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

Elles sont ouvertes à toute personne faisant l’objet d’un accompagnement social ou professionnel personnalisé, sous réserve d’être prescrites par certaines structures, notamment Pôle emploi ou encore des organismes spécialisés dans l’insertion professionnelle.

Le bénéficiaire d’une période de mise en situation en milieu professionnel conserve le régime d’indemnisation et le statut dont il bénéficiait avant cette période. Il n’est pas rémunéré par la structure dans laquelle il effectue une période de mise en situation en milieu professionnel. Il a accès dans la structure d’accueil aux moyens de transport et aux installations collectifs dont bénéficient les salariés. Lorsqu’il est salarié, le bénéficiaire retrouve son poste de travail à l’issue de cette période.

Ces mises en situation font l’objet d’une convention entre le bénéficiaire, la structure dans laquelle il effectue la mise en situation en milieu professionnel, l’organisme prescripteur et la structure d’accompagnement lorsqu’elle est distincte de l’organisme prescripteur.

Pendant la durée de la mise en situation, les modalités de tarification ou de financement de l’organisme employant ou accueillant le bénéficiaire de la période de mise en situation en milieu professionnel restent inchangées. Par ailleurs, le bénéficiaire de la mise en situation doit suivre les règles applicables aux salariés de la structure dans laquelle s’effectue la mise en situation pour ce qui a trait aux durées quotidienne et hebdomadaire de présence, à la présence de nuit, au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés, ainsi qu’à la santé et à la sécurité au travail. En outre, il bénéficie des droits des salariés et des protections contre les situations de harcèlement.

Source : articles L. 5135-1 à L. 5135-8 du code du travail

● L’article 719-25 dispose que les modalités d’application de la présente section seront fixées par décret en Conseil d’État, sous réserve de celles relatives à la rémunération et aux règles de répartition des produits du travail des personnes détenues qui seront fixées par décret.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision de votre rapporteur, ainsi que dix amendements, dont la moitié de votre rapporteur, modifiant les dispositions applicables au travail des personnes détenues.

Un amendement de M. Didier Paris, soutenu par votre rapporteur et par le Gouvernement, ajoute à la liste des structures externes à l’administration pénitentiaire pouvant être donneur d’ordre dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire les sociétés à mission définies par l’article L. 201-10 du code de commerce et les structures de l’économie sociale et solidaire définies par le II de l’article 1er de la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, à l’exception des associations.

Trois amendements de votre rapporteur, bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement, précisent les procédures de classement au travail et d’affectation sur un poste de travail. Ces amendements complètent ainsi le nouvel article 719‑14 en ajoutant que :

– la décision de classement précise les régimes selon lesquels la personne détenue peut être employée : service général, concession, service de l’emploi pénitentiaire, insertion par l’activité économique, entreprise adaptée, établissement et service d’aide par le travail ;

– une liste d’attente d’affectation est constituée dans chaque établissement pénitentiaire ;

– une fois classée au travail et en fonction des régimes vers lesquels elle a été orientée par la décision de classement, une personne détenue peut adresser à l’administration pénitentiaire une demande d’affectation sur un poste de travail ;

– les entretiens organisés par l’administration pénitentiaire entre la personne détenue et le service, l’entreprise ou la structure chargé de l’activité de travail le sont au vu de l’avis de la commission pluridisciplinaire unique et, le cas échéant, de la demande d’affectation qui a été formulée par la personne détenue ;

– à la suite de ces entretiens, la structure chargée de l’activité de travail opère un choix.

À l’initiative de votre rapporteur et avec avis favorable du Gouvernement, la Commission a en outre intégré explicitement la possibilité pour le chef d’établissement de décider d’une désaffectation d’un détenu de son poste de travail pour raison disciplinaire.

La Commission a également adopté quatre amendements de M. Pacôme Rupin visant à prévoir les modalités dans lesquelles pourrait se poursuivre le travail des personnes détenues en cas de fin de la détention ou en cas de transfert de la personne détenue :

– le premier amendement prévoit qu’à l’issue de la détention, le chef d’établissement, après avoir recueilli l’accord de la personne détenue, peut solliciter le donneur d’ordre ([412]) afin qu’il examine la possibilité de conclure avec la personne détenue un contrat de travail de droit commun lui permettant de continuer à exercer le même travail ou une autre activité pour ce même donneur d’ordre. Cet amendement a été adopté avec avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement ;

– le deuxième amendement prévoit qu’en cas de libération sous contrainte, si cela est matériellement possible, le contrat d’emploi pénitentiaire peut être maintenu d’un commun accord entre la personne détenue et le donneur d’ordre ([413]) avec avis favorable du chef de l’établissement pénitentiaire. Cet amendement a été adopté avec avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement ;

– le troisième amendement permet au chef d’établissement, en cas de transfert d’une personne détenue travaillant au service général, de solliciter, s’il l’estime approprié et après avoir recueilli l’accord de la personne détenue, le chef du nouvel établissement afin qu’il examine la possibilité de conclure un nouveau contrat d’emploi pénitentiaire permettant à la personne détenue de continuer à exercer un travail du même ordre au sein du service général du nouvel établissement où elle sera incarcérée. Cet amendement a été adopté avec avis favorable de votre rapporteur et avis défavorable du Gouvernement ;

– le quatrième amendement ouvre la possibilité, en cas de transfert d’une personne détenue travaillant pour un donneur d’ordre autre que l’administration pénitentiaire, de maintenir, si le travail reste matériellement possible, le contrat d’emploi pénitentiaire d’un commun accord de la personne détenue et du donneur d’ordre avec avis favorable du chef de l’établissement depuis lequel la personne détenue est transférée. Il est précisé que l’administration pénitentiaire doit alors organiser les conditions d’exercice du travail et qu’une nouvelle convention tripartite est signée avec le chef du nouvel établissement et annexée au contrat. Cet amendement, soutenu par votre rapporteur, a fait l’objet d’une demande de retrait de la part du Gouvernement.

Enfin, un amendement de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, réintègre dans le nouvel article 719-22 du code de procédure pénale des dispositions jusque-là prévues par l’article 717-3 relatives au principe de la rémunération horaire du travail des personnes détenues, à celui de son indexation sur le smic et à la possibilité de sa modulation en fonction du régime de travail.

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Article 13
(art. 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire)
Abrogation de l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 relatif à l’acte d’engagement encadrant le travail des personnes détenues

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article abroge l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 a été complété en 2018 ([414]) pour y intégrer les dispositions relatives aux entreprises adaptées.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

L’article 33 de la loi pénitentiaire précise que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire.

Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue concernée, a vocation à fixer les droits et obligations professionnels de la personne détenue ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. Il peut également préciser les modalités selon lesquelles la personne détenue bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique ([415]), ainsi que des dispositions relatives aux entreprises adaptées ([416]).

Le dernier alinéa ajoute qu’il incombe au chef d’établissement de s’assurer que les mesures appropriées sont prises afin de garantir l’égalité de traitement en matière d’accès et de maintien à l’activité professionnelle en faveur des personnes handicapées détenues.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article abroge l’article 33 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

Il supprime ainsi les dispositions relatives à l’acte d’engagement qui n’auront plus à s’appliquer compte tenu de la création du contrat d’emploi pénitentiaire.

Toutefois, le dernier alinéa relatif au travail des personnes handicapées détenues est quant à lui inséré par l’article 11 du présent projet de loi à l’article 717-3 du code de procédure pénale.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 14
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour prendre différentes mesures législatives relatives aux règles applicables en détention en lien avec le travail des personnes détenues

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures législatives relatives aux règles applicables en détention dans huit domaines différents :

– l’ouverture de droits sociaux pour les personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion (1°) ;

– l’accès des femmes détenues aux activités en détention : il devrait être favorisé en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité (2°) ;

– la lutte contre la discrimination et le harcèlement au travail en milieu carcéral (3°) ;

– l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et la valorisation des activités bénévoles en détention (4°) ;

– le suivi de la santé au travail des personnes détenues (5°) ;

– l’inspection du travail en détention (6°) ;

– l’implantation d’établissements et services d’aide par le travail en détention (7°) ;

– les règles des marchés réservés afin de prévoir des modalités de réservation de marchés ou de concessions relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes sous le régime d’un contrat d’emploi pénitentiaire (8°).

       Dernières modifications législatives intervenues

Concernant les droits sociaux des personnes détenues, les règles édictées par le législateur dans les années 1990 n’ont pas été modifiées depuis en matière d’assurance vieillesse et d’accident du travail et de maladie professionnelle.

En matière d’assurance maladie et maternité, l’article L. 381‑30‑4 du code de la sécurité sociale a été modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui a supprimé les cotisations maladie acquittées par les salariés ([417]). Les articles L. 381‑30 et L. 381‑30‑1 ont été modifiés par la loi de finances pour 2018 afin de transférer de l’État vers l’assurance maladie la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées ([418]).

Concernant la formation professionnelle en prison, cette compétence a été confiée aux régions en 2014 ([419]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté six amendements rédactionnels de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   Les droits sociaux des personnes détenues

L’accès des personnes détenues aux droits sociaux est actuellement très limité dans le cadre du travail pénitentiaire.

En préambule, il semble nécessaire de préciser que sont prélevées, sur les rémunérations brutes des personnes détenues, la contribution sociale généralisée (CSG) et de la cotisation de remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que des cotisations pour l’assurance vieillesse. Les rémunérations et les cotisations sociales afférentes sont fixées par l’acte d’engagement signé par le détenu et chef d’établissement ([420]). Parallèlement à ces cotisations salariales, les employeurs versent des cotisations patronales pour les assurances maladie (avec un montant moindre de 4,2 % ([421])), vieillesse et accidents du travail.

Ces différentes dispositions applicables en matière d’accès aux droits sociaux des personnes détenues sont précisées dans le code de procédure pénale et dans le code de la sécurité sociale.

● En matière d’assurance chômage, la personne détenue ne bénéficie d’aucun droit. Si elle était demandeuse d’emploi avant son incarcération, son entrée en détention met fin à ce statut et entraîne donc la perte de toute allocation-chômage. La privation de cette prestation s’explique par l’incompatibilité de la détention avec les critères de versement de l’allocation-chômage, en particulier la condition selon laquelle le bénéficiaire doit être à la recherche effective et permanente d’un emploi.

En outre, lorsque la personne incarcérée travaille en détention, son activité ne lui donne pas droit à l’allocation-chômage. L’étude d’impact précise que « l’employeur ne verse pas la cotisation patronale nécessaire au bénéfice de l’assurance chômage » ([422]).

● En matière d’assurance vieillesse, la personne détenue est affiliée obligatoirement à l’assurance prévue dans le cadre du régime général de la sécurité sociale ([423]). Les obligations de l’employeur sont assumées par l’administration pénitentiaire qui prend également en charge les cotisations forfaitaires dues par les détenus employés au service général.

L’article D. 433-4 du code de procédure pénale prévoit que les rémunérations des personnes détenues sont ainsi soumises à cotisations patronales selon les modalités fixées, pour l’assurance vieillesse, par les articles R. 381-103 à R. 381-120 du code de la sécurité sociale.

Toutefois, deux systèmes coexistent : d’une part, les détenus affectés en production sont soumis aux mêmes cotisations que celles prévues pour les salariés en droit commun ([424]) ; d’autre part, les détenus affectés au service général sont soumis à un taux de cotisation forfaitaire ([425]). Une autre disparité est à souligner : pour les détenus affectés au service général, « les cotisations, salariale et patronale, sont intégralement prises en charge par l’administration » ([426]) .

Selon l’étude d’impact, aucun des deux systèmes n’est aujourd’hui satisfaisant. En production, la faiblesse du niveau des rémunérations et du nombre d’heures travaillées permet rarement aux personnes détenues d’atteindre le plancher de revenu trimestriel nécessaire pour valider un trimestre pour la retraite. Au service général, si les détenus bénéficient d’un droit à la retraite plus effectif, le taux forfaitaire est basé sur un volume horaire de 200 heures (contre 150 heures depuis 2014 pour le droit commun ([427])) ce qui génère actuellement « une surcotisation de l’administration pénitentiaire qui, au fil des exercices, avoisine un cumul de 25 millions d’euros » ([428]).

Cette situation peu satisfaisante fragilise les personnes détenues et augmente les risques de précarité à l’âge de la retraite.

Par ailleurs, aucune disposition ne prévoit l’affiliation aux régimes de retraites complémentaires des personnes détenues travaillant.

● En matière d’assurance maladie et maternité, les personnes détenues sont affiliées dès leur incarcération au régime général de la sécurité sociale. Cette règle est établie par l’article D. 366 du code de procédure pénale ([429]) et par l’article L. 381-30 du code de la sécurité sociale, lequel dispose en effet que « les personnes écrouées bénéficient de la prise en charge de leurs frais de santé, assurée par le régime général à compter de la date de leur mise sous écrou » et que lorsqu’elles disposent de ressources suffisantes, une participation peut leur être demandée. Elles bénéficient toutefois de l’avance de frais ([430]).

L’article L. 381-30-4 du même code dispose que « la rémunération versée aux détenus qui exécutent un travail pénal est soumise à cotisation patronale d’assurance maladie et maternité dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État ». Comme pour l’assurance vieillesse, les obligations de l’employeur sont assumées par l’administration pénitentiaire.

De la même manière, l’article D. 433-4 du code de procédure pénale prévoit que les rémunérations des personnes détenues sont soumises à cotisations patronales et ouvrières selon les modalités fixées, pour les assurances maladie et maternité, par les articles R. 381-97 à R. 381-100 du code de la sécurité sociale. Il est précisé que les cotisations sont « assises sur le montant total des rémunérations brutes des détenus » ([431]), que « le taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité sur les rémunérations versées aux détenus est fixé à 4,20 % du montant brut de ces rémunérations » et que « cette cotisation est à la charge de l’employeur » ([432]).

● En matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, les soins des personnes détenues sont pris en charge, mais celles-ci ne bénéficient pas des indemnités journalières versées en milieu libre. Elles bénéficient donc des prestations en nature, mais pas des prestations en espèces qui ont vocation à compenser la perte de revenu provoquée par l’arrêt du travail.

En effet, en vertu du 5° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, les personnes détenues bénéficient des dispositions du livre IV relatif au accidents du travail et maladies professionnelles dans les conditions déterminées par décret. L’article D. 433-9 du code de procédure pénale précise également que le droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est reconnu aux personnes détenues exécutant un travail, selon les modalités du régime spécial établi par les dispositions du code de la sécurité sociale. Mais l’article L. 433-4 du code de la sécurité sociale établit clairement que « l’indemnité journalière n’est pas due pendant la détention » (sauf si le détenu est en placement extérieur ou en semi-liberté) ([433]). Il est toutefois précisé que si la personne concernée « est libérée avant sa guérison ou la consolidation de sa blessure, elle a droit à l’indemnité journalière à compter du jour de sa libération conditionnelle ou définitive » ([434]).

D’autres règles sont fixées par une sous-section du code de la sécurité sociale portant spécifiquement sur l’application des dispositions propres aux détenus en matière d’accidents du travail et maladies professionnelles (articles D. 412-3- à D. 412-71). Il est par exemple précisé que les « accidents survenus au cours de déplacements accomplis par le détenu conformément aux règlements pénitentiaires, pour se rendre au lieu du travail » ([435]) sont également couverts ou encore que les personnes détenues n’ont pas la possibilité d’être admises dans un établissement public ou privé de rééducation professionnelle avant leur libération ([436]).

Enfin, il est prévu que les cotisations sont assises sur le montant total des « salaires bruts des détenus occupés par l’établissement pénitentiaire » ([437]) ou sur le montant total « des rémunérations versées par le concessionnaire à l’administration pénitentiaire » ([438]).

● Par ailleurs, les détenus ont accès aux prestations sociales (prestations familiales, allocation de solidarité aux personnes âgées…), mais certaines sont soumises à des règles spécifiques ([439]).

En particulier, le revenu de solidarité active (RSA) cesse d’être alloué 60 jours après l’incarcération pour une personne vivant seule. Le versement reprend au cours du mois de sortie. Le RSA est toutefois maintenu s’agissant d’un couple avec enfant ou autre personne à charge.

b.   La lutte contre le harcèlement et la discrimination dans le cadre du travail en détention

Selon l’étude d’impact, aucune disposition légale ne permet de protéger les personnes détenues qui travaillent contre des mesures discriminatoires à l’embauche ou contre des comportements de harcèlement dans le cadre du travail en détention ([440]).

c.   Le travail des femmes en détention

Au 1er janvier 2021, 2 699 femmes sont incarcérées, représentant 3,6 % de la population en détention ([441]).

Elles sont détenues dans des quartiers distincts des hommes ou dans des établissements dédiés (seuls deux établissements n’accueillent que des femmes : la maison d’arrêt de Versailles et le centre pénitentiaire de Rennes).

Elles sont soumises aux mêmes règles que l’ensemble des détenus, en fonction de la catégorie pénale à laquelle elles appartiennent (prévenues, condamnées). Elles peuvent donc également travailler en détention.

La non mixité est la règle en établissement pénitentiaire, mais il est possible à titre dérogatoire et sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements, que des activités soient organisées de façon mixte ([442]).

établissements pénitentiaires disposant de quartiers femmes en 2021

Source : direction de l’administration pénitentiaire.

d.   L’accès à la formation professionnelle en détention

Les personnes détenues ont accès à la formation professionnelle qui participe pleinement des missions d’insertion et de réinsertion attribuées au service public pénitentiaire en vertu de la loi pénitentiaire de 2009 ([443]). Il s’agit donc, au même titre que le travail, d’un droit des personnes détenues dont on estime au 1er janvier 2018 qu’environ 15 % d’entre elles suivaient une formation professionnelle.

Dans cette perspective, « au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer la formation professionnelle des personnes incarcérées qui le souhaitent » ([444]). Toutefois, l’offre de formation peut varier considérablement d’un établissement pénitentiaire à un autre.

Depuis 2014, l’organisation et le financement de la formation professionnelle en prison ont été confiés aux régions ([445]). Malgré cette réorganisation et d’importants efforts conduits pour progresser dans ce domaine, « le constat, partagé par l’ensemble des acteurs, de l’administration ou des opérateurs en gestion déléguée, est que l’offre de formation professionnelle est faible au regard des besoins des publics concernés » ([446]). Par ailleurs, « des difficultés ont été constatées dans la mise en œuvre des actions de formation, notamment leur pérennité et les moyens matériels qui leur sont dévolus » ([447]).

La formation professionnelle des personnes détenues

En 2020, 1 096 304 heures stagiaires ont été délivrées, dont 89 % dans le cadre de formations rémunérées (la rémunération des personnes détenues stagiaires de la formation professionnelle s’élève à 2,26 euros de l’heure. Cette rémunération reste fixée par des textes de 1984 et 1985, dont la référence est toujours en francs).

9 119 personnes détenues ont été inscrites dans différents types de formation. Elles se répartissent ainsi :

- 6 227 ont bénéficié d’une action de qualification ou de certification ;

- 1 995 ont bénéficié d’une action de préqualification (chantier école, adaptation à l’emploi…) ;

- 486 ont bénéficié d’une action de remise à niveau ou d’une formation de base ;

- 411 ont participé à une action de préparation à la sortie.

68 % des personnes en formation ont bénéficié d’une formation qualifiante et le taux de validation des formations s’élève à 88 %.

Près de 75 % des formations suivies par les personnes détenues se concentrent dans les cinq domaines suivants : « bâtiment et travaux publics » (26,3 %), « hôtellerie, restauration, alimentation » (17 %), « Autres » (adaptation à l’emploi, remise à niveau etc.), « métiers de services aux particuliers et aux collectivités » et « transports, logistique et tourisme ».

14 % des formations sont accessibles aux femmes. En 2020 elles représentaient 6 % des stagiaires alors qu’elles représentaient 3,6 % des personnes détenues.

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Au-delà de ces difficultés, comme le note l’étude d’impact, « il est impossible pour les personnes détenues de recourir à l’ouverture d’un compte personnel d’activité et des éléments qui le composent, dont le compte personnel de formation. Les activités bénévoles menées en détention ne font pas non plus l’objet d’une reconnaissance formelle et ne permettent pas l’ouverture d’un compte d’engagement citoyen » ([448]).

e.   Le suivi de la santé des détenus et le contrôle des conditions de travail en détention

Depuis 1994, le système de soins en milieu pénitentiaire est assuré quasi exclusivement par le service public hospitalier ([449]). Chaque établissement pénitentiaire dispose d’une unité sanitaire, qui dépend de l’hôpital de proximité ([450]) : 178 unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) sont ainsi installées au sein des établissements. Certains soins sont par ailleurs réalisés en milieu hospitalier ([451]).

Le comité interministériel de coordination de la santé en milieu pénitentiaire, présidé conjointement par le ministre de la justice et le ministre de la santé, est « chargé d’examiner toute question d’ordre général se rapportant à la protection, à l’amélioration de la santé des détenus et à l’hygiène dans les établissements pénitentiaires » ([452]).

Par ailleurs, l’inspection générale des affaires sociales et les services des agences régionales de santé veillent à l’observation des mesures nécessaires au maintien de la santé des détenus et de l’hygiène dans les établissements pénitentiaires. Ces services contrôlent à l’intérieur des établissements pénitentiaires l’exécution des lois et règlements se rapportant à la santé publique et effectuent toutes les vérifications utiles à leurs missions ([453]).

En outre, le médecin responsable de l’USMP doit également veiller à l’observation des règles d’hygiène collective et individuelle dans l’établissement pénitentiaire. « À ce titre, il est habilité à visiter l’ensemble des locaux de l’établissement et à signaler aux services compétents les insuffisances en matière d’hygiène et, de manière générale, toute situation susceptible d’affecter la santé des détenus ; il donne son avis sur les moyens d’y remédier » ([454]).

Dans le cadre du travail en détention, le code de la sécurité sociale prévoit en outre que des enquêtes concernant les conditions d’hygiène et de sécurité peuvent être réalisées par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, ainsi que les ingénieurs conseils et les contrôleurs de sécurité régulièrement accrédités. Ils sont alors obligatoirement assistés du chef de l’établissement pénitentiaire ou de son représentant ([455]). De telles enquêtes « doivent faire l’objet d’une entente préalable avec le chef de l’établissement pénitentiaire intéressé et les résultats lui en être communiqués » ([456]). Il est également prévu que la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail peut présenter au chef de l’établissement pénitentiaire toutes suggestions qu’elle juge utiles concernant l’hygiène et la sécurité. Elle ne peut toutefois pas imposer à l’établissement pénitentiaire d’intervention de l’inspection du travail ni de cotisation supplémentaire et doit consulter le chef de l’établissement pénitentiaire pour savoir si les mesures de prévention nécessaires sont compatibles avec l’exécution de la peine avant de formuler toute recommandation utile sur les mesures à prendre.

Le code de procédure pénale apporte également des précisions quant aux dispositions applicables en termes de contrôle des conditions de travail des personnes détenues. Sont notamment applicables aux travaux effectués par les personnes détenues les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par les livres I à V et VII de la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail ([457]) .

Pour l’application de ces règles d’hygiène et de sécurité, le chef d’établissement peut solliciter l’intervention des services de l’inspection du travail : cette intervention donne lieu à un rapport, adressé au chef d’établissement pénitentiaire, qui indique, s’il y a lieu, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité. Ce rapport peut également recommander les mesures de nature à remédier à la situation. Le chef d’établissement dispose ensuite d’un délai de deux mois pour adresser au service de l’inspection du travail une réponse motivée précisant les mesures qui ont été ou vont être prises. Lorsque la situation du travail présente un risque grave et imminent pour la santé ou la sécurité des personnes détenues au travail, ce délai est ramené à quinze jours. En cas de désaccord sur la nature ou le calendrier de ces mesures, l’inspection du travail en réfère à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) qui saisit le directeur interrégional des services pénitentiaires compétent. Ce dernier fait connaître sa réponse dans un délai d’un mois ([458]).

Par ailleurs, il convient de préciser que les surveillants assurent le respect des règles de discipline et de sécurité sur les lieux du travail. En outre, l’encadrement technique est assuré soit par un personnel spécialisé relevant de l’administration pénitentiaire, soit par un encadrant technique de la SIAE ou de l’entreprise adaptée, soit par des préposés des entreprises ou des associations. Ces personnes extérieures doivent être agréées par le directeur interrégional des services pénitentiaires ([459]).

f.   Les établissements et services d’aide par le travail en détention

Il existe aujourd’hui au sein de l’administration pénitentiaire deux expérimentations d’établissements et services d’aide par le travail (ESAT). L’un, installé au centre de détention de Val-de-Reuil, a été créé en 2014 et permet à dix personnes présentant un handicap physique d’exercer une activité professionnelle (conditionnement et reprographie-imprimerie). L’autre, installé au sein de la maison centrale d’Ensisheim, a été créé en septembre 2019.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures de nature législative relatives aux règles applicables en détention dans huit domaines différents liés au travail des personnes détenues.

Les ordonnances seraient prises dans un délai de dix mois suivant la publication de la loi (I) et le projet de ratification serait déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance (III). Les mesures prises pourraient également, le cas échéant, être étendues et adaptées aux collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution (I).

a.   Ouvrir ou faciliter l’ouverture de droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion

Différents droits sociaux sont visés par l’habilitation (1°).

● En premier lieu, en matière d’assurance vieillesse, l’habilitation a pour objet de prévoir l’application d’une assiette minimale de cotisations pour l’acquisition de droits à l’assurance vieillesse pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire (a).

Cela pourrait se traduire par une modification des cotisations patronales afin de permettre aux personnes détenues de valider des trimestres de retraite. Dans l’attente de la définition de l’assiette minimale de cotisations, l’étude d’impact présente une évaluation fondée sur l’hypothèse d’une harmonisation des cotisations selon le modèle forfaitaire appliqué au sein du service général et conclut à un surcoût total d’environ 3,8 millions d’euros ([460]).

En plus de permettre une effectivité de l’assurance vieillesse pour les détenus, cette évolution permettrait d’unifier le régime appliqué dans le cadre du travail en détention, qu’il soit effectué en production ou au sein du service général. Comme le souligne l’étude d’impact, « les droits ainsi révisés valoriseront les efforts d’insertion professionnelle engagés par les personnes détenues et participeront à préparer au mieux la sortie de détention » ([461]).

 Concernant le régime de retraite complémentaire, est prévue l’affiliation des personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire au régime de retraite complémentaire existant pour les agents contractuels de droit public et dénommé « Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques » ([462]) (b).

● Il est prévu de permettre aux personnes détenues travaillant de bénéficier des droits à l’assurance chômage au titre de ce travail, à l’issue de leur détention seulement (c).

Les mesures devront préciser l’adaptation de ce régime aux spécificités de la détention et prévoir les modalités de financement de l’allocation d’assurance chômage. Cette ouverture des droits à l’assurance chômage permettra aux personnes détenues de mobiliser, le cas échéant, des droits nouveaux nés du travail réalisé en détention.

Plus précisément, l’étude d’impact fait mention de l’hypothèse de « la mise en place d’une cotisation employeur au taux de droit commun de 4,05 % ». Elle précise que cette hypothèse se traduirait par un coût immédiat d’environ 1,6 million d’euros pour l’administration pénitentiaire au titre du service général et des ateliers en régie gérés par l’ATIGIP ([463]). Concernant le travail en concession, elle ajoute qu’il « pourrait donner lieu au versement de cotisations nouvelles à hauteur de 1,26 million d’euros » : elle précise que choix pourrait être fait de laisser ce coût à la charge des entreprises concessionnaires ou de le faire supporter par l’État afin de maintenir une attractivité suffisante du travail pénitentiaire ([464]).

Par ailleurs, l’habilitation porte également sur l’adaptation de la période de déchéance des droits à l’assurance chômage afin de prolonger les droits constitués au titre d’un travail effectué avant la détention. L’objectif poursuivi est d’éviter que les personnes détenues ne perdent leurs droits acquis avant l’incarcération. Pour cela, l’étude d’impact précise qu’« une adaptation de la période de déchéance et de forclusion des droits à l’assurance chômage serait prévue afin de prolonger les droits acquis au titre d’un travail effectué avant la détention » ([465]).

Selon l’étude d’impact, ces évolutions « constituent des facteurs évidents de consolidation du parcours de réinsertion alors même que la libération est un moment de fragilité certain et que le public détenu est assez fortement stigmatisé dans le cadre de la recherche d’emploi ». De tels changements devraient en effet permettre de favoriser la réinsertion ou l’insertion professionnelle des personnes condamnées à la fin de leur détention. Cela serait sans doute également un élément précieux pour mieux lutter contre la récidive.

● S’agissant des droits aux prestations en espèces (d) : les périodes travaillées en détention et les périodes travaillées antérieurement seront prises en compte pour l’ouverture de droits, le maintien de droits et l’application des règles relatives à la coordination entre régimes, pour permettre aux personnes détenues de bénéficier de :

– l’assurance maternité ([466]), en déterminant les modalités de versement des indemnités journalières en cas de difficulté médicale liée à la grossesse ; d’après le directeur de l’ATIGIP, on compte en moyenne 60 femmes enceintes en détention dont une dizaine travaille et n’avait jusqu’alors pas de prise en charge de leur grossesse à ce titre ;

– de l’assurance invalidité et de l’assurance décès, en adaptant la procédure d’attribution de l’assurance invalidité ;

– de l’assurance maladie à l’issue de la détention.

Selon l’étude d’impact, ces évolutions s’imposent « comme une évidence dans le cadre d’une démarche de "normalisation" du travail en détention » ([467]).

● L’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles serait quant à elle élargie aux indemnités journalières. Ainsi, contrairement à la situation actuelle, les personnes détenues pourraient bénéficier d’indemnités journalières pendant la détention au titre de l’indemnisation d’accidents du travail ou de maladie professionnelle survenus soit dans le cadre du travail en détention, soit précédemment (e).

b.   Lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail en milieu carcéral

Le 3° prévoit de mettre en œuvre des mesures relatives à la prévention, à la poursuite et à la condamnation de la survenue, dans le cadre du travail en détention, de :

– différences de traitement qui ne seraient pas justifiées par des objectifs légitimes et ne répondraient pas à des exigences proportionnées ;

– mesures et comportements de harcèlement moral ou sexuel.

L’étude d’impact précise que ces dispositions seraient insérées à la suite des articles relatifs au travail en détention créés par le projet de loi ([468]).

c.   Favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et valoriser les activités bénévoles réalisées en détention

L’habilitation formulée au 4° vise à permettre dans le cadre de la détention :

– l’ouverture d’un compte personnel d’activité (CPA) ([469]) pour les personnes détenues susceptibles de bénéficier de l’un des comptes qu’il renferme à l’exception du compte professionnel de prévention ([470]) ;

– l’ouverture et l’alimentation d’un compte personnel de formation (CPF) pour les personnes travaillant en détention ; les droits acquis ne pourraient toutefois être mobilisés qu’à la sortie de la détention ;

– l’ouverture et l’abondement d’un compte d’engagement citoyen (CEC) ([471]) ;

– la création d’une réserve civique thématique ([472]).

Comme l’a souligné le directeur de l’ATIGIP, ces évolutions permettraient notamment aux détenus d’ouvrir un compte personnel de formation et de l’alimenter grâce au travail réalisé en détention. Le CPF pourrait ainsi être mobilisé à la sortie de détention, par exemple pour compléter un parcours professionnel nécessitant une formation complémentaire. Deux plafonds annuels pourraient être retenus pour l’alimentation du CPF : soit 375 €, plafond de droit commun, soit 750 euros, plafond augmenté au bénéfice des publics fragiles et éloignés de l’emploi. L’étude d’impact estime que cette mesure « pourrait représenter une dépense inférieure à 800 000 euros par an pour l’administration pénitentiaire » ([473]).

L’étude d’impact indique par ailleurs que la possibilité d’ouverture et d’abondement d’un compte d’engagement citoyen permettrait de valoriser les activités bénévoles conduites en détention, comme le système de codétenu de soutien, qui vise en particulier à prévenir le risque suicidaire, l’aide à la traduction ou encore l’aide aux personnes en perte d’autonomie ([474]). Il est également précisé que « 1 050 personnes sont aujourd’hui concernées par ces activités bénévoles et pourraient être éligibles au compte d’engagement citoyen chaque année » ([475]).

d.   Les autres champs des ordonnances :

En sus de ces trois champs d’habilitation, cinq autres domaines sont identifiés par le présent article.

● Le travail des femmes détenues (2°) : des mesures pourront être prises en vue de favoriser l’accès des femmes aux activités en détention (travail, formation, activités culturelles, etc.) en généralisant la mixité de ces activités. La mixité est aujourd’hui une exception, fixée par l’article 28 de la loi pénitentiaire de 2009 ; elle deviendrait la règle, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements et des activités elles-mêmes.

Cette disposition vise elle aussi à créer des conditions de travail en détention plus proches de celles connues en milieu libre. Elle ambitionne plus largement de développer l’égal accès aux activités des femmes et des hommes.

 Le suivi de la santé des personnes détenues du fait de leur travail en détention (5°) : des mesures pourront être prises pour déterminer les personnes et services compétents pour intervenir en détention afin de prévenir toute altération de la santé des personnes détenues du fait de leur travail et pour préciser les modalités de leur intervention dans ce cadre. Des précisions seront également prévues concernant l’évaluation de l’aptitude des personnes détenues et le suivi de leur état de santé.

L’étude d’impact précise qu’il s’agit ici de développer la médecine du travail actuellement incompétente en milieu pénitentiaire, ce qui pose difficulté pour l’exercice de certains métiers et pour l’inscription à certaines formations. Il s’agirait de prévoir une compétence de la médecine du travail dans ces champs afin de favoriser l’ouverture aux personnes détenues d’un plus grand nombre d’emplois et l’accès à un plus grand nombre de formations, en particulier pour des métiers en tension ([476]).

Il est également précisé qu’un rapprochement du droit commun serait pour cela opéré s’agissant des dispositions relatives à la médecine du travail, mais également de celles relatives à l’inspection du travail et aux accidents du travail et maladies professionnelles ([477]).

 Le rôle de l’inspection du travail en détention (6°) : l’habilitation prévoit de confier aux agents de l’inspection du travail des prérogatives et des moyens pour intervenir en détention.

L’objectif est d’accroître les prérogatives des agents de contrôle de l’inspection du travail dont l’intervention en détention est aujourd’hui conditionnée à une « invitation du chef d’établissement » et le pouvoir d’injonction limité par l’absence de possibilité de sanction. L’étude d’impact présente une telle évolution comme nécessaire pour accompagner les « efforts d’ores et déjà engagés pour développer le travail en production et la place des opérateurs économiques du milieu libre », ainsi que pour renforcer l’application de règles de santé et de sécurité au travail dans le cadre de la détention ([478]). Elle explique toutefois que le droit commun en la matière ne peut s’appliquer par exemple en raison de l’impossibilité d’une expression collective pour les travailleurs détenus. Des ajustements seront donc nécessaires pour tenir compte des spécificités du cadre pénitentiaire.

● Le présent article prévoit également de permettre d’implanter dans les locaux de l’administration pénitentiaire d’éventuels établissements et services d’aide par le travail (ESAT) (7°). Cela permettrait de pérenniser les deux ESAT existants et de rendre possible l’ouverture de nouveaux ESAT si cela s’avérait nécessaire ou utile.

● Enfin, des mesures pourront être prises pour prévoir des modalités de réservation de marchés ou de concessions relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes en détention (8°). Cela serait un nouveau facteur d’attractivité pour inciter les entreprises à proposer des emplois dans le cadre pénitentiaire nouvellement organisé par le présent projet de loi.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté six amendements rédactionnels de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement.

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Article 14 bis (nouveau)
Prolongation de l’expérimentation relative à la mise en œuvre des actions de formation par apprentissage dans des établissements pénitentiaires

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de Mme Fadila Khattabi, le présent article vise à prolonger de deux ans l’expérimentation en cours relative à l’apprentissage en détention mise en place par la loi pour choisir son avenir professionnel ([479]).

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

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L’article 12 de la loi pour choisir son avenir professionnel dispose que, à partir du 1er janvier 2020 et pour une durée de trois ans, les actions de formation par apprentissage mentionnées à l’article L. 6313-6 du code du travail peuvent être mises en œuvre à titre expérimental dans des établissements pénitentiaires. Cette expérimentation vise à permettre à des détenus âgés au plus de vingt-neuf ans révolus d’obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle.

Cette mesure devrait concerner les détenus exécutant des peines de moyenne et de longue durée en vue de favoriser leur réinsertion sur le marché du travail et compléter les différentes possibilités qui s’offrent aujourd’hui aux personnes détenues (orientation et formation professionnelle, insertion par l’activité économique, travail d’intérêt général, ateliers de production) en leur permettant notamment l’acquisition d’une qualification.

L’application du titre II du livre II de la sixième partie relative au contrat d’apprentissage du code du travail est écartée par la rédaction retenue pour permettre une adaptation du cadre juridique à la spécificité de la situation des détenus. Les conditions pratiques de ces actions relèvent des dispositions prévues au premier alinéa de l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 prévoyant l’établissement d’un acte d’engagement et devront donc être adaptées pour tenir compte des évolutions prévues par le présent projet de loi. Il est également prévu que le Gouvernement transmettra un rapport d’évaluation au Parlement trois mois avant le terme de cette expérimentation, dont les conditions précises de mise en œuvre sont renvoyées à un décret en Conseil d’État qui a été pris le 26 décembre 2018 ([480]).

Le présent article vise à prolonger jusqu’au 1er janvier 2025 cette expérimentation dont la mise en œuvre aurait été retardée et limitée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Il reprend pour cela le dispositif prévu par l’article 12 de la loi pour choisir son avenir professionnel en précisant que cette expérimentation peut avoir lieu dans trois régions.

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Article 15
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance
pour l’adoption de la partie législative du code pénitentiaire

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite, sur fondement de l’article 38 de la constitution, le Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d’ordonnance afin de rassembler et organiser dans un code pénitentiaire les dispositions relatives à la prise en charge des personnes détenues, à leurs droits et obligations, ainsi qu’au service public pénitentiaire et au contrôle des établissements pénitentiaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

Les règles relatives au droit pénitentiaire, soit aux personnes détenues soit au service public pénitentiaire, sont aujourd’hui principalement contenues dans la loi pénitentiaire de 2009 ([481]) et dans le code de procédure pénale.

Selon l’étude d’impact, la codification de ces différentes mesures poursuit plusieurs objectifs :

– appréhender le droit pénitentiaire dans sa globalité ;

– rendre plus lisible et plus accessible le droit pénitentiaire ;

– contribuer à la cohérence d’ensemble du droit des peines et ajuster le périmètre du code de procédure pénal en tenant compte de ce que le respect des textes réglementant l’organisation et le fonctionnement des établissements relève de la juridiction administrative ;

– souligner l’importance et la spécificité des missions du service public pénitentiaire ;

– affirmer les droits des personnes détenues.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit une habilitation du Gouvernement pour adopter la partie législative du code pénitentiaire. Cette habilitation a pour objet, sur le fond, de rassembler et d’organiser les dispositions relatives au droit pénitentiaire :

– la prise en charge des personnes détenues ;

– les droits et obligations des personnes détenues ;

– le service public pénitentiaire ;

– le contrôle des établissements pénitentiaires.

L’habilitation porte également sur les mesures éventuellement nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence des textes, la correction d’erreurs et l’abrogation de dispositions obsolètes ou devenues sans objet.

Au-delà de ces corrections, cette codification se ferait à droit constant.

L’ordonnance serait prise dans un délai de dix mois suivant la publication de la loi (I) et le projet de ratification serait déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance (III).

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 16
(art. 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. L. 6431-4 du code de la santé publique, art. 844-2 du code de procédure pénale, art. L. 387 du code électoral)
Modification des règles applicables dans les îles Wallis et Futuna en matière pénitentiaire

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les règles applicables dans les îles Wallis et Futuna en matière pénitentiaire, afin d’y mettre en œuvre un service public pénitentiaire identique à celui des autres territoires de la République, assuré et placé sous l’autorité de l’administration pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 a été modifié en 2017 ([482]) pour préciser que l’article 49 de la même loi, relatif aux permis de visite autorisant à s’entretenir avec les personnes détenues, est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016. Cet article a également été modifié en 2019([483]) pour prévoir que la loi pénitentiaire de 2009, sous réserve des adaptations prévues, est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’article 387 du code électoral a été modifié en 2019 ([484]) pour y insérer des dispositions confiant au commandant de la gendarmerie de Wallis et Futuna les attributions ordinairement dévolues par ce code aux chefs des établissements pénitentiaires.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

L’article 99 de la loi pénitentiaire prévoit plusieurs adaptations pour son application dans les îles Wallis et Futuna. En particulier, les articles 2-1 et 3 de cette loi n’y sont pas applicables, impliquant ainsi que le service public pénitentiaire n’y est pas pleinement pris en charge par l’administration pénitentiaire sous l’autorité du ministre de la justice sur ce territoire.

Comme le précise l’étude d’impact, « cette situation dérogatoire correspond à une configuration historique de l’organisation de ce service : la mission est assurée [dans les îles Wallis et Futuna] sous la responsabilité de l’administrateur supérieur de ce territoire au titre de sa double qualité de représentant de l’État et de titulaire du pouvoir exécutif de cette collectivité d’outre-mer » ([485]).

Actuellement, la détention est réalisée dans les locaux de la gendarmerie à Mata-Utu. Cinq agents y sont affectés aux missions de surveillance et de greffe. Il n’existe toutefois pas de SPIP, certaines de leurs fonctions étant exercées par le président du tribunal de première instance comme le prévoit l’article 844‑2 du code de procédure pénale.

Depuis plusieurs années est engagé un mouvement visant à rapprocher du droit commun l’organisation et le fonctionnement du service public pénitentiaire sur ce territoire. En 1997, une convention signée entre l’administration pénitentiaire et le territoire a attribué la prise en charge des dépenses de fonctionnement au ministère de la justice. Depuis 1998, un avenant prévoit en outre le remboursement des rémunérations des cinq gardes territoriaux affectés à la surveillance de la population pénale. Ceux-ci ont finalement été intégrés en mars 2019 dans le corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire dans le cadre du « dispositif Sauvadet » ([486]). Un centre de détention doit par ailleurs être construit à Wallis.

2.   Le dispositif proposé

● Le I du présent article modifie l’article 99 de la loi pénitentiaire de 2009 ([487]).

Le 1° modifie le I de l’article 99 en supprimant les exceptions d’application dans les îles Wallis et Futuna relatives à différents articles de la loi pénitentiaire :

– l’article 2-1 qui dispose notamment que le service public pénitentiaire est assuré par l’administration pénitentiaire sous l’autorité du garde des Sceaux avec le concours des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou privées ;

– l’article 3 qui confie à l’administration pénitentiaire les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires ;

– le deuxième alinéa de l’article 33 relatif à l’acte d’engagement établi pour les détenus travailleurs et à d’autres modalités du travail en détention et qui devrait être abrogé par l’article 13 du présent projet de loi ;

– l’article 56 selon lequel les objectifs et les moyens dédiés à l’offre de soins en milieu pénitentiaire étaient fixés par le schéma régional d’organisation ([488]) ;

– l’article 98 qui prévoyait une condition d’éligibilité de certaines actions au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance reposant sur la réalisation de travaux d’intérêt général destinés aux personnes condamnées ([489]).

Le 2° reprend toutefois certaines exceptions d’application pour les territoires non seulement des îles Wallis et Futuna, mais également de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Demeurent inapplicables sur ces territoires les deuxième à quatrième alinéas de l’article 21 qui précisent certaines dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire, ainsi que l’article 55 qui précise que les agences régionales de santé (ARS) sont également chargées d’évaluer et d’identifier les besoins sanitaires des personnes en détention et qu’elles définissent et régulent l’offre de soins en milieu pénitentiaire ([490]).

Au total, ces modifications conduisent donc à rendre applicables à Wallis-et-Futuna les articles 2-1 et 3 de la loi pénitentiaire de 2009 et placent ainsi le service public pénitentiaire sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Elles suppriment également les exceptions d’application à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française de l’article 33, tenant ainsi compte de son abrogation prévue par l’article 13 du présent projet de loi. Elles suppriment également pour ces territoires les exceptions d’application prévues par les articles 56 et 98 dont les dispositions ont depuis été abrogées.

Le 3° insère un nouveau II ter qui, comme le II bis pour la Nouvelle‑Calédonie et la Polynésie française, vient préciser certaines modalités d’application de l’article 2-1 de la loi pénitentiaire de 2009 dans les îles Wallis et Futuna. Pour ce territoire, est ainsi adaptée la liste des partenaires avec lesquels l’administration pénitentiaire peut conclure des conventions définissant les conditions et modalités d’accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs de droit commun de nature à faciliter leur insertion ou leur réinsertion. Conservant les « autres services de l’État », les « associations et d’autres personnes publiques ou privées », la liste vient ainsi remplacer les termes « collectivités territoriales » par « territoire et circonscriptions territoriales » qui sont propres à l’organisation de cette collectivité d’outre-mer.

Le 4° retire les îles Wallis et Futuna du champ couvert par les spécificités d’application prévus par le VI de l’article 99 de la loi pénitentiaire. Cela conduit à y rendre applicable tel quel l’article 27 relatif à l’obligation d’activité des personnes détenues, y compris le rôle du directeur du SPIP dans la mise en œuvre desdites activités.

Le 5° retire les îles Wallis et Futuna du champ couvert par les spécificités d’application prévus au XI de l’article 99 de la loi pénitentiaire. Cela conduit à y rendre applicable tel quel l’article 46 de la loi pénitentiaire relatif à la prise en charge de la santé des personnes détenues. Celle-ci s’y fera dorénavant dans les conditions prévues par le code de la santé publique et non plus « par la réglementation applicable localement ».

Le 6° vient compléter le 5° pour cadrer l’application de cet article 46 de la loi pénitentiaire en insérant un XI bis qui précise que les attributions du directeur général de l’ARS seront exercées par le « directeur de l’agence de santé » (et non plus, comme c’était le cas jusqu’à présent, dévolues aux « institutions compétentes de la collectivité »).

● Le II modifie l’article L. 6431-4 du code de la santé publique pour insérer parmi les missions de l’agence de santé du territoire de Wallis-et-Futuna l’évaluation et l’identification des besoins sanitaire des personnes en détention, ainsi que la définition et la régulation de l’offre de soins en milieu pénitentiaire ([491]).

● Le III abroge l’article 844-2 du code de procédure pénale, qui depuis 2009, prévoyait que dans les îles Wallis et Futuna le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d’insertion et de probation pour l’aménagement de certaines peines prévues à l’article 474 du même code.

Comme le précise l’étude d’impact, cette modification législative participe de la traduction « de la mise en œuvre des missions d’insertion et de probation sur le territoire des îles Wallis et Futuna conformément au droit commun » ([492]).

● Enfin, le IV abroge le 12° de l’article L. 387 du code électoral qui confiait au « commandant de la gendarmerie pour Wallis-et-Futuna » les missions dévolues par le code électoral au « chef d’établissement pénitentiaire ».

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Titre IV
Simplifications procédurales

Article 17
(art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Prolongation de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux administratifs

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prolonge jusqu’au 31 décembre 2022 l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux de la fonction publique et certains litiges sociaux.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle visait à renforcer le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges et autorisait, à titre expérimental, la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux administratifs jusqu’au 18 novembre 2020.

Cette expérimentation a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021 par l’article 34 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

a.   L’introduction de la médiation préalable dans le droit administratif français

Une mission de conciliation avait été confiée aux juges administratifs par la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l’indépendance des membres des tribunaux administratifs. Jusqu’à la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, cette mission de conciliation était régie par l’article L. 211-4 du code de justice administrative qui prévoyait que, « dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, les chefs de juridiction peuvent, si les parties en sont d’accord, organiser une mission de conciliation et désigner à cet effet la ou les personnes qui en seront chargées ». Depuis 2011, il existait également une procédure de médiation pour les seuls litiges transfrontaliers ([493]), fruit de la transposition de la directive européenne du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

L’article 5 de la loi du 18 novembre 2016 a réorganisé les dispositions du code de justice administrative concernant les modes alternatifs de règlement des litiges. Son III a mis fin à la procédure de conciliation, peu opérationnelle, et a instauré une nouvelle procédure de médiation applicable à l’ensemble du contentieux porté devant le juge administratif. Elle est facultative et vise à faciliter la résolution d’un litige à l’aide d’un tiers, lorsque la compétence du juge n’est pas requise. Cette médiation peut s’opérer à l’initiative du juge avec l’accord des parties ([494]) ou à l’initiative des parties avec l’accord du juge ([495]).

b.   La portée de l’expérimentation et ses premiers résultats

Le IV de l’article 5 de la loi du 18 novembre 2016 rend obligatoire, à titre expérimental, la médiation préalable pour « les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi ».

L’expérimentation a pour objectif de renforcer le recours à la médiation et ainsi de raccourcir considérablement le délai de règlement du litige (autour d’un à deux mois si la médiation aboutit au lieu d’un an ou plus, notamment en cas d’appel). Elle concerne des contentieux de masse puisque les litiges concernant la fonction publique et les litiges sociaux représentent respectivement 13 % et 9 % du contentieux présenté devant les tribunaux administratifs ([496]).

Les contentieux de la fonction publique concernés par l’expérimentation sont ceux portant sur les décisions défavorables relatives à la mobilité et au parcours professionnel (classement, détachement, affectation, etc.) au sein de la fonction publique territoriale et des ministères de l’éducation nationale et des affaires étrangères. La médiation est assurée respectivement par le centre de gestion de la fonction publique locale compétent, le médiateur académique ou le médiateur des affaires étrangères ([497]).

Les litiges sociaux concernés par l’expérimentation sont ceux portant sur les décisions relatives au revenu de solidarité active (RSA), aux aides personnalisées au logement (APL), aux aides exceptionnelles de fin d’année, à l’allocation spécifique de solidarité (ASS) et à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Ces médiations sont confiées au Défenseur des droits, sauf celles concernant l’ASS et la radiation de la liste des demandeurs d’emploi qui sont assurées par le médiateur régional de Pôle emploi ([498]).

L’expérimentation se déroule sur le territoire de la manière suivante :

– un arrêté du 1er mars 2018 a désigné, pour les agents du ministère de l’éducation nationale, les académies concernées : Aix-Marseille, Clermont-Ferrand et Montpellier ;

– un arrêté du 2 mars 2018 a désigné les circonscriptions départementales au sein desquelles les collectivités territoriales peuvent recourir à la médiation préalable obligatoire pour les contentieux impliquant leurs agents territoriaux ([499]) ;

– un arrêté du 6 mars 2018 a désigné les régions et départements au sein desquels certains litiges sociaux sont soumis à la médiation préalable obligatoire ([500]).

Malgré trois années d’expérimentation, il existe très peu d’éléments permettant d’évaluer les premiers résultats de cette expérimentation, notamment en raison des biais statistiques résultant de la crise sanitaire, qui a considérablement réduit le contentieux dans la fonction publique.

Selon l’étude d’impact, sur 1 817 médiations menées au niveau local entre avril 2019 et mars 2020, 211 ont été mises en œuvre par les collectivités territoriales, 646 sur le contentieux relatif à l’APL et au RSA, 1 076 sur le contentieux confié à Pôle emploi ([501]).

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prolonge l’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2022. Selon l’étude d’impact, « une année supplémentaire serait nécessaire pour pleinement tirer toutes les leçons, positives comme négatives, de cette expérimentation » ([502]).

Le périmètre des contentieux concernés devrait rester inchangé mais l’expérimentation pourrait prochainement s’étendre à des collectivités d’outre-mer car aucun d’entre eux n’y participe pour le moment.

En tout état de cause, le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux devra être modifié pour indiquer la nouvelle date d’expiration de l’expérimentation.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté le présent article sans y apporter de modification.

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Article 18
(art. L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation)
Suppression des audiences « DALO-injonction »
en l’absence de difficulté sérieuse

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation afin de permettre au président du tribunal administratif, sans audience, d’ordonner sous astreinte le logement, le relogement ou l’accueil dans une structure d’hébergement d’une personne dont la demande a été considérée prioritaire par la commission de médiation et ne présente pas de difficulté particulière.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 142 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 prévoit les conditions de versements et de liquidation de l’astreinte pouvant être prononcée par le juge administratif en cas d’absence de relogement.

L’article 70 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté supprime l’encadrement du montant de l’astreinte en fonction du montant du loyer moyen d’un logement adapté au demandeur.

L’article 10-1 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 et l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ont introduit la possibilité, durant l’état d’urgence sanitaire, de permettre au juge administratif de statuer par ordonnance lorsque le prononcé d’une injonction, en application de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, s’impose avec évidence au vu de la situation du requérant.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

Dans le cadre de la procédure dite « DALO » (droit au logement opposable) ou « DALO-injonction », toute personne sans logement, menacée d’expulsion ou n’ayant reçu aucune proposition de logement social adaptée à sa situation peut saisir une commission de médiation. Celle-ci doit indiquer dans un délai de trois mois si la demande est prioritaire, auquel cas le demandeur doit être logé d’urgence. Cette décision est notifiée au représentant de l’État, accompagnée d’indication sur le logement requis. Le préfet dispose alors d’un délai de trois mois pour procéder au relogement ([503]).

En l’absence de proposition adaptée, le demandeur peut saisir le tribunal administratif, qui doit statuer dans un délai de deux mois. Le juge administratif peut alors ordonner le logement ou le relogement par l’État et assortir son injonction d’une astreinte ([504]). Il en va de même lorsque la commission de médiation a estimé que le demandeur doit être accueilli dans une structure d’hébergement ([505]). Le montant de ces astreintes est versé au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

Cette procédure est longue et les tribunaux administratifs rencontrent des difficultés à respecter le délai de deux mois imposé par le législateur.

Depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire ([506]), une procédure dérogatoire a été mise en œuvre : lorsque le prononcé d’une injonction dans la procédure prévue au L. 441-2-3-1 « s’impose avec évidence au vu de la situation du requérant », le président du tribunal administratif peut y procéder par ordonnance, après avoir mis le représentant de l’État en mesure de présenter ses observations en défense.

La mise en œuvre de ce dispositif a fourni des résultats encourageants. Selon l’étude d’impact : « Au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, entre le 15 décembre 2020 et le 15 février 2021, 980 affaires ont pu être traitées grâce à la dispense d’audience permise par les ordonnances n°2020-305 et 2020-1402, lorsqu’en temps normal il ne pouvait en traiter que 276 » ([507]).

2.   Le dispositif proposé

Cet article pérennise le dispositif mis en place au cours de l’état d’urgence sanitaire en modifiant l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation pour permettre au président du tribunal administratif d’ordonner sans audience le logement, le relogement ou l’accueil dans une structure d’hébergement lorsqu’il est « manifeste au vu de la situation du demandeur » qu’il y a droit. Il pourra assortir son injonction d’une astreinte.

Selon l’étude d’impact, dans 90 % des cas, les seules pièces du dossier permettent de faire droit à la demande. Les audiences n’apportent ainsi que très rarement de nouveaux éléments et ne sont donc pas indispensables. Elles risquent avant tout de pénaliser le demandeur en retardant la décision et la mise sous astreinte.

Ainsi, selon cette nouvelle procédure, si les éléments du dossier démontrent que la commission de médiation a déclaré la situation du demandeur comme prioritaire et que les délais fixés au préfet n’ont pas été respectés, le tribunal administratif pourra procéder par ordonnance après avoir sollicité les observations du représentant de l’État.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté le présent article sans y apporter de modification.

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Article 18 bis (nouveau)
(art. L. 12614 du code de la construction et de l’habitation)
Accès des huissiers aux boîtes aux lettres des particuliers

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par deux amendements identiques CL543 de votre rapporteur et CL427 de M. Nicolas Demoulin, prévoit de faciliter les conditions d’intervention des huissiers de justice en leur permettant d’accéder aux boîtes aux lettres et aux interphones des immeubles.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

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En l’état du droit, l’article L. 126-14 du code de la construction et de l’habitation permet aux « huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation ».

Ils ne peuvent néanmoins accéder aux boîtes aux lettres pour signifier des actes ou entrer en contact avec des particuliers qu’après accord préalable du syndic de l’immeuble ([508]) qui fournit alors un moyen d’accès et le récupère ensuite ([509]).

Cette procédure est lourde et complexe et peut parfois porter préjudice aux justiciables en retardant la signification des actes, par exemple en matière d’expulsions locatives. Chaque année, les huissiers de justice signifient près de 500 000 commandements de payer et plus de 150 000 assignations en justice. Améliorer la signification de ces actes améliorera la prévention des expulsions et renforcera le recours au règlement amiable de ces litiges.

L’amendement proposé autorise donc l’accès aux boîtes aux lettres et aux interphones des immeubles pour les huissiers de justice afin de faciliter la signification des actes en main propre. Cet accès pourra être octroyé de manière permanente, dans les mêmes conditions qu’aux distributeurs de courrier ([510]).

Pour rappel, cette disposition a été adoptée à deux reprises par le législateur ([511]) mais le Conseil constitutionnel a estimé, à chaque fois, qu’elle constituait un « cavalier législatif » au titre de l’article 45 de la Constitution ([512]). Dans le cadre de l’examen du présent texte, elle vient utilement compléter l’article 18 qui vise à faciliter les procédures de relogement.

La Commission a adopté ces deux amendements, créant ainsi le présent article additionnel.

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Titre V
Renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit

Chapitre Ier
Déontologie et discipline des professions du droit

Section 1
Discipline des officiers ministériels

Article 19
Principes applicables aux officiers ministériels

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article définit la finalité des règles déontologiques et disciplinaires auxquelles sont soumis les officiers ministériels (notaires, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation). Il prévoit l’élaboration d’un code de déontologie et rappelle que les infractions aux principes déontologiques constituent des manquements disciplinaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les chapitres III et IV du titre Ier de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », ont réformé les règles d’accès aux professions juridiques réglementées, la tarification de leurs actes et les modalités d’exercice en société ou en tant que professionnel salarié.

L’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice fixe l’organisation de cette nouvelle profession née de la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels à l’initiative de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

Le présent article intervient en préambule du chapitre consacré à la discipline et à la déontologie des professions du droit et concerne spécifiquement la déontologie des officiers ministériels. Les articles suivants (20 à 28) décrivent la réforme de la procédure disciplinaire des officiers ministériels et des avocats.

a.   Le statut d’officier ministériel

Un officier ministériel est un professionnel du droit qui bénéficie d’un monopole que lui accorde l’État en le nommant dans un office pour effectuer des prestations et produire des actes juridiques authentiques. Il peut exercer ses missions à titre indépendant ou dans le cadre d’une société qui est alors la titulaire de l’office, en tant qu’associé ou salarié.

Parmi les professions concernées par le présent chapitre, seuls les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (« avocats aux Conseils ») sont uniquement des officiers ministériels, les autres étant également des officiers publics. Les officiers publics et ministériels ont la particularité d’être délégataires de la puissance publique et exercent de lourdes responsabilités puisque les usagers sont obligés d’avoir recours à leurs prestations dans certaines situations importantes présentant souvent des enjeux financiers conséquents (succession, mutation immobilière, mariage, etc.).

Ces obligations justifient la tutelle de l’État qui est exercée par le garde des Sceaux et la direction des affaires civiles et du sceau via le contrôle des règles professionnelles, le suivi de l’action disciplinaire, la réglementation des tarifs ou encore le contrôle de l’installation.

Le droit définit comme suit les professions visées par le présent projet de loi.

● La profession de notaire rassemble « les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer expéditions » ([513]).

● La profession de commissaire de justice, créée par l’article 61 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, fusionnera, à compter du 1er juillet 2022, les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Cette fusion s’est déjà partiellement opérée par la création d’une chambre nationale des commissaires de justice qui rassemble en son sein une section pour chacune des deux professions.

Les commissaires de justice rempliront l’ensemble des missions suivantes : « ramener à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ; procéder aux inventaires, prisées et ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels prescrits par la loi ou par décision de justice ; signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé ; accomplir les mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession dans les conditions prévues par le code de procédure civile ; assurer le service des audiences près les cours et tribunaux ; délivrer et mettre à exécution le titre prévu par l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, en cas de non-paiement d’un chèque ; mettre en œuvre la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances prévue à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution ; établir les constats d’état des lieux dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée ; assister le greffier en chef dans sa mission de vérification des comptes de tutelle » ([514]).

● Les greffiers des tribunaux de commerce sont les officiers publics et ministériels qui assurent les services administratifs du tribunal de commerce et l’accueil des justiciables et des entreprises. Ils assistent le juge dans la conservation des actes (enrôlement des affaires, assistance à l’audience, mise en forme des décisions). Ils gèrent depuis 1919 le registre du commerce et des sociétés (RCS), service national qui contribue à la sécurité des affaires et à la transparence économique, et sont rémunérés pour l’enregistrement et la production des actes authentiques qui s’y trouvent (statuts des entreprises, extraits Kbis, etc.).

 Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont des officiers ministériels. Leur tarification n’est pas réglementée et ils ne sont pas délégataires de la puissance publique. En revanche, ils sont titulaires d’un office dans lequel ils sont nommés par le garde des Sceaux et disposent d’un monopole pour défendre les justiciables devant les juridictions de cassation. Ils suivent pour cela une formation spécifique et doivent ensuite s’installer en reprenant un office ou en s’associant dans un cabinet existant.

b.   Des professions soumises à des exigences déontologiques et disciplinaires spécifiques

Dans leurs conclusions, Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, rapporteurs de la mission flash de la commission des Lois sur la déontologie des officiers publics et ministériels, ont rappelé qu’en raison de l’importance des missions qui leur sont confiées, « les usagers sont en droit d’attendre un comportement déontologiquement irréprochable de la part des officiers publics ministériels » ([515]).

L’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels rappelle que « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire ».

Ces professionnels sont donc soumis à des règles exigeantes dont le manquement peut être sanctionné pénalement ou disciplinairement. Eu égard à leurs spécificités, ces professions procèdent en partie à leur régulation en élaborant des règles professionnelles et en exerçant, avec les autorités publiques, le contrôle de leur respect par des inspections et le traitement des réclamations des usagers.

i.   Des professions exposées à de nouveaux enjeux en matière de déontologie.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a réformé en profondeur les professions concernées par la présente section et a soulevé de nouvelles difficultés en lien avec la déontologie. Elle a transformé les professions en permettant la création de nombreux nouveaux offices, attribués par tirage au sort ([516]), en favorisant la révision à la baisse des tarifs réglementés des actes et en facilitant l’exercice de ces professions en tant que salarié.

Les rapporteurs désignés par la commission des Lois pour évaluer la loi du 6 août 2015, Mme Cécile Untermaier et M. Bruno Questel, ont fait le constat que « la mise en œuvre de la libre installation, en particulier chez les notaires, a fait l’objet d’une réticence de la part de certains professionnels en place. Les co-rapporteurs ont été destinataires de nombreux témoignages faisant état de dérives, notamment envers les notaires nouvellement installés, et de l’insuffisance du contrôle disciplinaire exercé par les chambres […] Il apparaît, au terme de l’évaluation, que le contrôle par les pairs, exercé dans les chambres régionales ou départementales, ne garantit pas un respect suffisant des obligations déontologiques » ([517]).

La réforme de l’exercice en société, notamment le déploiement des sociétés pluri-professionnelles d’exercice qui doit permettre à des professions différentes de travailler ensemble, exige également l’élaboration de nouvelles règles. Les rapporteurs de la mission d’évaluation pointaient ainsi que la collaboration entre les professions est « d’autant plus difficile que les règles de déontologie et les modalités du contrôle disciplinaire varient d’une profession à l’autre » ([518]).

La réforme de la déontologie et de la discipline proposée par le présent projet de loi intervient dans le prolongement de ces réformes. Auditionnés par votre rapporteur, les représentants des différentes professions ont indiqué avoir conscience du risque d’entre soi lié à l’autorégulation et de la nécessaire modernisation des procédures disciplinaires. Ils ont été à l’initiative de la réforme proposée qui s’inscrit pleinement dans l’objectif de renforcer la confiance dans la justice.

ii.   Une affirmation variable des principes déontologiques selon les professions

Christian Vigouroux définit la déontologie comme « l’art de se poser des questions avant qu’il ne soit trop tard et de créer de la confiance chez les citoyens usagers » ([519]). Il s’agit donc d’un dispositif préventif, qui peut faire l’objet d’un encadrement juridique spécifique. Pourtant, en l’état du droit, la déontologie, qui occupe une place croissante dans de nombreux domaines, est placée au même rang que les règles disciplinaires élaborées par la profession et approuvées par le ministre de la justice.

Concernant les notaires et les commissaires de justice, l’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels affirme en creux les principes déontologiques de la profession : la probité, l’honneur et la délicatesse. Toutefois, le terme de déontologie n’est pas employé et la portée de ces obligations reste imprécise.

Les principes déontologiques sont développés dans des documents de niveau normatif moindre. Pour les notaires, l’article 4 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat prévoit ainsi que « la chambre des notaires a pour attributions […] d’établir, en ce qui concerne les usages de la profession et les rapports des notaires tant entre eux qu’avec la clientèle, un règlement qui sera soumis à l’approbation du garde des Sceaux, ministre de la justice ».

Ainsi le règlement national intercours des notaires fixe les principes déontologiques qui encadrent les devoirs du notaire envers lui-même, envers l’État, envers sa clientèle, envers ses confrères et envers ses collaborateurs. Les huissiers de justice disposent pour leur part d’un règlement déontologique national pris sur le même fondement législatif. Pour les commissaires-priseurs judiciaires, c’est la chambre de discipline qui est chargée d’élaborer le règlement intérieur qui contient certains principes de nature déontologique ([520]).

La montée en puissance de la question de la déontologie a été prise en compte dans le statut de la nouvelle profession de commissaire de justice puisqu’il est explicitement prévu que la chambre nationale de la profession devra « établir un règlement déontologique national, soumis à l’approbation du garde des Sceaux, ministre de la justice, portant sur les usages de la profession, le contrôle des fonds encaissés pour le compte des tiers et les rapports des commissaires de justice entre eux, avec le personnel de l’office et avec les tiers » ([521]).

Pour les greffiers des tribunaux de commerce, l’élaboration de règles nationales est une faculté donnée au Conseil national qui « peut établir, en ce qui concerne les usages de la profession à l’échelon national, un règlement qui est soumis à l’approbation du garde des Sceaux, ministre de la justice » ([522]).

La déontologie n’est explicitement mentionnée dans le statut de la profession que pour les greffiers des tribunaux de commerce salariés pour lesquels il est précisé qu’ « en aucun cas le contrat de travail […] ne peut porter atteinte aux règles déontologiques de la profession » ([523]).

Concernant les avocats aux Conseils, aucun texte de niveau législatif ou réglementaire ne prévoit la rédaction d’un règlement intérieur ou l’édiction de règles déontologique spécifiques. La profession s’est toutefois dotée récemment, en mars 2019, d’un règlement général de déontologie.

Outre l’élaboration de textes, ces professions se sont dotées de commissions chargées de réfléchir sur les questions disciplinaires et déontologiques.

2.   Le dispositif proposé

a.   La création d’un code de déontologie et le rappel des finalités des règles déontologiques applicables aux officiers ministériels

Le présent article, en préambule de ce chapitre, précise la portée de l’exigence déontologique pour les professions de notaire, de commissaire de justice, de greffier des tribunaux de commerce et d’avocat aux Conseils. Il s’agit des « principes généraux destinés à guider le comportement du professionnel en toute circonstance dans ses relations avec le public, ses clients, les services publics, ses confrères et les membres des autres professions ».

Si le texte établit la finalité des règles déontologiques, il n’est en revanche pas fait mention du contenu de ces principes dont la définition est confiée aux instances nationales des professions. Elles devront élaborer un code de déontologie qui sera élevé par le pouvoir réglementaire au niveau d’un décret en Conseil d’État tandis que les règles professionnelles ne font aujourd’hui l’objet que d’une approbation par arrêté du garde des Sceaux. Cette solution permet de responsabiliser les professions tout en permettant au pouvoir réglementaire d’exercer son contrôle et d’inscrire ces principes à un niveau normatif élevé.

L’étude d’impact indique que la création d’un code de déontologie commun aux professions a été écartée car « même si les professions du droit partagent des règles déontologiques communes, il existe néanmoins des règles particulières applicables à chacune de ces professions » ([524]).

Les instances représentatives devront également s’assurer de l’actualisation de ce code en fonction des évolutions de leur profession et du cadre juridique dans lequel elles exercent. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que « l’initiative de la rédaction ou de la modification du code de déontologie revient à l’instance professionnelle concernée. Le Gouvernement ne peut donc pas, d’office, ajouter ou modifier substantiellement des dispositions du code. Ce n’est qu’après avoir sollicité l’ordre, et en cas de carence de celui-ci, que le Gouvernement pourrait édicter ou modifier une disposition déontologique, si cela était par exemple nécessaire pour rendre le code conforme aux dispositions légales applicables ».

b.   Un préambule à une réforme globale de la discipline

Le dernier alinéa fait le lien entre les obligations déontologiques et les poursuites disciplinaires auxquelles s’exposent les professionnels qui les enfreignent. Il réaffirme que les faits contraires aux principes déontologiques, y compris s’ils sont commis en dehors de l’exercice professionnel, et les infractions aux règles professionnelles sont des manquements disciplinaires.

Votre rapporteur constate la nécessité de procéder à la réforme engagée par le présent projet de loi. Les professions ont pleinement participé à la construction de ce nouveau régime, notamment dans le cadre d’une mission de l’Inspection générale de la justice conduite en 2019. Celle-ci concluait dans son rapport que la discipline était devenue « un ensemble de textes entrelacés, anciens mais souvent modifiés, adoptant toutes les formes juridiques possibles : lois, codes, ordonnances et renvoyant à des décrets d’application. […] Ils sont d’un accès peu aisé qu’aggravent leur imprécision et leur incomplétude. Le paysage d’ensemble actuel est le fruit d’évolutions successives, il présente quelques constantes mais reste marqué par une grande hétérogénéité » ([525]).

Les auditions menées ont mis en évidence le partage de ce constat et l’existence d’un consensus autour des mesures proposées pour y remédier. La diversité des instances compétentes pour élaborer les règlements professionnels, la variabilité de la place accordée aux principes déontologiques, la difficulté d’accéder à ces textes et les différences de niveaux normatifs entre ces règles exigent une harmonisation.

Les autres articles du chapitre Ier du titre V du présent projet de loi détaillent les différentes étapes de la nouvelle procédure disciplinaire :

– l’article 20 détermine les autorités compétentes en matière disciplinaire ;

– l’article 21 détermine les mesures infra-disciplinaires ;

– l’article 22 prévoit le recueil des réclamations et une phase préalable de conciliation, ainsi que la possibilité pour l’usager de saisir directement la juridiction disciplinaire ;

– l’article 23 crée un service d’enquête indépendant auprès des juridictions disciplinaires ;

– l’article 24 précise l’organisation des nouvelles chambres de discipline et cours nationales de discipline ;

– l’article 25 révise l’échelle des sanctions et crée une peine d’amende ;

– l’article 26 définit les conditions de suspension provisoire des professionnels poursuivis disciplinairement ;

– l’article 27 habilite le Gouvernement à effectuer les coordinations nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle procédure ;

– l’article 28 étend certaines de ces évolutions au régime disciplinaire des avocats.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié.

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Article 19 bis (nouveau)
Création des collèges de déontologie des officiers publics et ministériels

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par deux amendements identiques CL238 de Mme Cécile Untermaier et CL239 de M. Fabien Matras, prévoit la création de collèges de déontologie auprès de chacune des professions d’officier public et ministériel.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

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L’article 19 du présent projet de loi rappelle les finalités de la déontologie des officiers ministériels et prévoit la création d’un code de déontologie pour chacune de ces professions. Afin d’en renforcer la portée, Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, rapporteurs de la mission flash sur la déontologie des officiers publics et ministériels, ont souhaité que chaque profession d’officier public et ministériel puisse être dotée par la loi d’un collège de déontologie. En effet, si ces professions ont constitué des commissions internes chargées de ces questions, leur rôle semble insuffisamment reconnu alors même que la déontologie apparaît comme un moyen efficace de prévenir les manquements disciplinaires et de renforcer la confiance des usagers.

En concertation avec les représentants des professions, qui ont accueilli cette proposition avec enthousiasme, les auteurs de ces amendements ont donc proposé à la Commission la création de collèges de déontologie institués auprès des instances nationales des professions de notaires, de commissaires de justice et de greffiers des tribunaux de commerce ([526]).

Ce collège aura vocation à accompagner l’instance nationale dans l’élaboration du code de déontologie que la profession doit préparer et dans la diffusion de celui-ci. Il pourra également, sur saisine des autorités de la profession ou des professionnels, rendre des avis et formuler des recommandations. La portée des règles de déontologie et leur interprétation pourront ainsi être précisées au fur et à mesure.

La composition de ce collège, dans l’esprit du projet de loi, sera échevinée. Il sera présidé de droit par le président de l’instance ou par une personne qu’il désignera. Les autres membres du collège seront quatre professionnels et trois personnalités extérieures qualifiées dont au moins une devra être un membre honoraire du Conseil d’État, un magistrat honoraire de l’ordre administratif ou un magistrat honoraire de l’ordre judiciaire.

La Commission a adopté ce dispositif, créant ainsi le présent article additionnel, et s’est félicitée de voir les travaux qu’elle a engagés au cours de la législature porter leurs fruits.

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Article 20
Autorités chargées de la surveillance des officiers ministériels

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confie aux seuls procureurs généraux la surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels. Ils sont également chargés de l’action disciplinaire, concurremment avec les autorités professionnelles. Pour les avocats aux Conseils, l’action disciplinaire est confiée au vice-président du Conseil d’État, au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près la Cour de cassation.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 19 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice a confié au procureur de la République la surveillance de cette profession qui rassemblera à compter du 1er juillet 2022 les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur et un amendement de précision de M. Pacôme Rupin.

1.   L’état du droit

a.   Le procureur général et le procureur de la République exercent conjointement la surveillance des officiers ministériels

La surveillance des officiers publics et ministériels est une compétence aujourd’hui partagée entre le procureur général et le procureur de la République qui l’exercent au moyen des inspections, du recueil des réclamations et du suivi ou du traitement des manquements disciplinaires.

i.   Le suivi des inspections des offices

L’article 45 de la loi du 20 avril 1810 relative à l’organisation de l’ordre judiciaire et l’administration de la justice prévoit que « les procureurs généraux exerceront l’action de la justice criminelle dans toute l’étendue de leur ressort. Ils veilleront au maintien de l’ordre dans tous les tribunaux ; ils auront la surveillance de tous les officiers de police judiciaire et officiers ministériels du ressort ».

En revanche, l’article 2 du décret du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires indique que « les études de notaires sont placées sous la surveillance du procureur de la République. Le procureur de la République, accompagné par un membre de la chambre dont relève le notaire inspecté ou par un notaire inspecteur peut procéder à tout contrôle. Il peut se faire assister de toute personne qu’il juge utile ». Il en va de même pour les commissaires de justice ([527]) et les greffiers des tribunaux de commerce ([528]).

Dans le cas des notaires, le procureur général doit agréer la liste des notaires inspecteurs proposée par la chambre régionale des notaires. Ensuite, il se voit adresser le compte rendu des inspections et est informé en cas d’irrégularités, tout comme le procureur de la République ([529]).

Il existe deux types d’inspection ([530]) : les inspections annuelles qui sont menées à l’initiative des instances professionnelles ; les inspections occasionnelles qui sont menées à l’initiative de la profession, de l’autorité de tutelle, du procureur général ou du procureur de la République.

ii.   L’exercice de l’action disciplinaire

Le procureur de la République est compétent pour recevoir et instruire les plaintes et réclamations formées par les usagers et peut saisir la chambre de discipline ou le tribunal de grande instance dans les cas les plus graves ([531]) ou lorsque des poursuites pénales sont justifiées.

L’article 10 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels prévoit que « l’action disciplinaire devant le tribunal judiciaire est exercée par le procureur de la République. Elle peut également être exercée par le président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci, ainsi que par toute personne qui se prétend lésée par l’officier public ou ministériel ».

Lorsque les poursuites sont engagées devant la chambre de discipline sans qu’il en ait fait la demande, le procureur de la République est tenu informé puisque « toute décision prise par la chambre de discipline est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au procureur de la République et à l’officier public ou ministériel poursuivi » ([532]).

En cas de carence de la chambre de discipline, il peut la dessaisir et citer l’officier public ou ministériel devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement ([533]). Il peut alors demander au tribunal judiciaire de suspendre provisoirement le professionnel ([534]) ou constater son inaptitude ([535]).

b.   Le cas spécifique des avocats aux Conseils

Pour les avocats aux Conseils, le vice-président du Conseil d’État et le procureur général près la Cour de cassation sont compétents pour saisir le conseil de l’ordre d’un manquement disciplinaire ([536]).

Ils sont également informés des procédures engagées par l’ordre : « Le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation avise de la saisine de la formation disciplinaire, lorsqu’ils n’en sont pas les auteurs, le vice-président du Conseil d’État et le procureur général près la Cour de cassation » ([537]). Il les avise également de la décision prise ([538]).

Le Conseil d’État, si les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits ou les juridictions administratives, ou la Cour de cassation, dans les autres cas, statuent sur l’action disciplinaire lorsque la formation disciplinaire du conseil de l’ordre se dessaisit ([539]) ou en cas de recours contre la décision rendue ([540]). La décision alors rendue est notifiée au conseil de l’ordre et aux autres autorités chargées de l’action disciplinaire ([541]).

2.   Le dispositif proposé

a.   Le procureur général est chargé de la surveillance et de la discipline des officiers publics et ministériels

Le présent article confie exclusivement aux procureurs généraux la mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des notaires, des commissaires de justice et des greffiers des tribunaux de commerce.

Cette évolution vise à assurer une meilleure lisibilité car le partage des compétences entre le procureur général et le procureur de la République ne permettait pas d’identifier efficacement l’autorité judiciaire compétente dans ce domaine, notamment aux yeux des usagers.

Cette mesure devrait également favoriser une plus grande cohérence dans l’exercice de l’action disciplinaire à travers le territoire et garantir la distance nécessaire pour apprécier l’action des chambres. En outre, c’est au niveau de la cour d’appel que ces professionnels sont inscrits et plusieurs professions n’ont qu’un seul échelon local au niveau régional. Elles n’auront ainsi qu’un seul interlocuteur.

Conformément à leurs missions actuelles, ils exerceront l’action disciplinaire avec les autorités des professions, en particulier les présidents de chambre. L’article crée également de nouvelles compétences qui adaptent les missions des procureurs généraux à la nouvelle procédure disciplinaire. Ils pourront :

– demander des explications à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession sur une réclamation dont ils seraient saisis ;

– saisir les services d’enquête indépendants créés par l’article 23 du présent projet de loi et être destinataires de leurs rapports.

b.   Le cas particulier des avocats aux Conseils

Pour les avocats aux Conseils, l’action disciplinaire peut être exercée par le vice-président du Conseil d’État, lorsque les faits concernent les fonctions exercées devant la juridiction administrative ou le Tribunal des conflits, et par le procureur général près la Cour de cassation ou le premier président de la Cour de cassation, dans les autres cas.

En revanche, ils n’ont pas de mission de surveillance. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré que « les fonctions exercées par les avocats aux Conseils, comme par les avocats, impliquent qu’ils disposent à l’égard de la juridiction d’une indépendance qui n’est pas compatible avec une mission générale de surveillance et de contrôle qui serait exercée à leur égard par les chefs des juridictions devant lesquelles ils plaident » ([542]).

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur et un amendement de précision de M. Pacôme Rupin soulignant que le procureur général n’exerce pas la mission de surveillance des avocats aux Conseils.

Elle a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 21
Mesures infra-disciplinaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite l’autorité compétente de chaque profession à demander des explications à un officier ministériel en cas de manquement à ses obligations. Elle pourra, même d’office et avant l’engagement de poursuites disciplinaires, demander des explications, prononcer un rappel à l’ordre ou adresser une injonction pouvant être accompagnée d’une astreinte.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative récente n’est intervenue en la matière.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement CL571 visant à encadrer le montant de l’astreinte pouvant être prononcée par les autorités des différentes professions ainsi qu’un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Il n’existe pas de mesures alternatives aux poursuites disciplinaires, pouvant être prises directement par l’instance professionnelle pour faire cesser rapidement un manquement disciplinaire.

Les présidents de chambre peuvent interroger le professionnel faisant l’objet d’une réclamation ou orienter l’usager vers le médiateur de la profession mais ils ne disposent d’aucun instrument coercitif.

La saisine de la chambre disciplinaire est ainsi préalable à toute sanction d’une faute disciplinaire, ce qui allonge considérablement le traitement de la demande et la résolution de certains litiges.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit que les autorités professionnelles peuvent prendre certaines mesures « infra-disciplinaire », avant de procéder à la saisine du service d’enquête et d’engager des poursuites devant la chambre de discipline. Ces mesures peuvent être prises d’office, c’est-à-dire quelle que soit la manière dont le manquement est détecté par l’autorité de la profession, par exemple au cours d’une inspection ou à la réception d’une réclamation.

Elles sont de deux ordres :

– saisir ou convoquer le professionnel pour lui demander des explications ;

– prononcer un rappel à l’ordre et une injonction de mettre fin aux manquements. Cette injonction peut être assortie d’une astreinte que l’instance professionnelle serait habilitée à liquider.

Le rappel à l’ordre et l’injonction pourront faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de discipline ou son suppléant.

Dans son avis, le Conseil d’État a précisé « d’une part, que le rappel à l’ordre et l’injonction ne pourront être décidés lorsqu’une procédure disciplinaire aura déjà été engagée pour les mêmes faits, d’autre part, que de telles décisions, prises en considération de la personne, devront être précédées d’une procédure contradictoire ».

Ces mesures renforceront considérablement l’autorité des présidents des chambres locales qui sont parfois impuissants face à la détection de faits mineurs.

Complétée par un recours accru à la conciliation, prévu à l’article 22, cette mesure permettra de limiter l’engorgement des instances disciplinaires et d’apporter une réponse plus rapide aux demandes des usagers.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur visant à encadrer le montant de l’astreinte pouvant être prononcée par les autorités des différentes professions en complément de l’injonction de mettre fin au manquement. Dans sa version initiale, l’article prévoit que le montant maximal de l’astreinte est fixé par décret en Conseil d’État. L’amendement adopté précise que « le montant et la durée de l’astreinte sont fixés en considération de la gravité du manquement et des facultés contributives du professionnel mis en cause ».

Elle a également adopté un amendement rédactionnel et l’article ainsi modifié.

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Article 22
Recueil et traitement des réclamations

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit le recueil et le traitement, après filtrage, des réclamations adressées à l’encontre d’un officier ministériel auprès de l’instance représentative de sa profession. Il rend possible l’organisation d’une conciliation lorsque la réclamation est fondée et prévoit l’information de l’usager sur les autres voies de recours dont il dispose, notamment la faculté de saisir directement la juridiction disciplinaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (codifié par l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 à l’article L. 112-3 du code des relations entre le public et l’administration) prévoit que toute demande faite à l’administration donne lieu à un accusé de réception.

L’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, impose à toutes les professions, y compris celles d’officier ministériel, de disposer d’un médiateur de la consommation.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur et de Mme Laetitia Avia au nom du groupe La République en Marche, deux amendements identiques CL534 et CL487 visant à prévoir un mécanisme de filtre des saisines directes des juridictions disciplinaires par les usagers lorsque ces saisines sont infondées ou abusives.

1.   L’état du droit

a.   Différentes voies de saisine

L’article 4 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat prévoit que « la chambre des notaires a pour attributions […] d’examiner toutes réclamations de la part des tiers contre les notaires à l’occasion de l’exercice de leur profession ». Il en va de même pour les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires et les greffiers des tribunaux de commerce.

Les autorités des professions sont compétentes pour dénoncer des manquements à la chambre disciplinaire, soit d’office, soit sur invitation du procureur de la République, soit sur demande des parties intéressées. Ainsi, l’usager souhaitant effectuer une réclamation dispose de deux voies de saisine : les autorités de la profession ou le procureur de la République ([543]).

b.   Certaines professions ont mis en œuvre l’obligation de désigner un médiateur

Afin d’éviter l’engagement de procédures disciplinaires, souvent longues, les usagers sont invités à se tourner vers des modes alternatifs de règlement des litiges.

Préalablement à la saisine de la chambre ou du procureur, l’usager peut procéder à une réclamation écrite auprès de l’officier ministériel concerné s’il souhaite trouver un moyen de résoudre son litige à l’amiable. Il peut également signaler la difficulté rencontrée au président de la chambre qui a la faculté de s’adresser au professionnel concerné pour obtenir des explications, sans pouvoir coercitif ([544]).

Depuis 2015, la médiation de la consommation s’est développée, y compris au sein des professions réglementées. Une directive européenne de 2013 ([545]), transposée en droit français par une ordonnance du 20 août 2015, impose à chaque profession de disposer d’un médiateur de la consommation. L’article L. 612-1 du code de la consommation prévoit que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel. À cet effet, le professionnel garantit au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation ».

Les notaires et les avocats aux Conseils se sont dotés rapidement d’un médiateur et les commissaires de justice viennent de désigner le leur. Il s’agit d’un moyen utile pour désamorcer de nombreux litiges. Les rapporteurs de la mission flash sur la déontologie des officiers publics et ministériels, Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, ont ainsi constaté que « dans le notariat, les premiers résultats sont encourageants (1 400 saisines en 2019 ayant permis la résolution à l’amiable de 247 conflits) même si 56 % des médiations n’aboutissent pas car le notaire refuse d’engager la médiation » ([546]).

2.   Le dispositif proposé

Les réclamations ne font pas l’objet d’un accusé de réception et sont rarement suivies d’une phase « précontentieuse » (ou « infra-disciplinaire ») permettant un règlement amiable du litige, pourtant souvent possible. En l’absence de réponse, les usagers sont souvent démunis. Le présent article vise donc à améliorer le traitement des réclamations adressées aux instances professionnelles et à encourager la procédure de conciliation. Il prévoit également les modalités de recours en cas d’inaction.

a.   Le recueil des réclamations

Le premier alinéa dispose que toute réclamation donne lieu à un accusé de réception et à l’information du professionnel concerné qui peut alors faire valoir ses observations.

Le dispositif étend ainsi aux officiers ministériels une obligation inscrite à l’article L. 112-3 du code des relations entre le public et l’administration qui prévoit que « toute demande adressée à l’administration fait l’objet d’un accusé de réception ». Si les officiers ministériels ne sont pas des agents publics, ils sont nommés par le garde des Sceaux, exercent des prérogatives de puissance publique et peuvent, à ce titre, être soumis à cette obligation de « bonne administration ».

Le second alinéa prévoit la possibilité pour l’autorité de la profession d’écarter les réclamations mal fondées ou manifestement abusives à leur réception.

b.   La phase de conciliation et les recours en cas d’échec

Si la réclamation est recevable, s’ouvre une phase préalable de conciliation entre le professionnel et l’usager auteur de la réclamation. Lorsque la conciliation échoue, l’autorité de la profession peut engager des poursuites disciplinaires ou saisir les services d’enquête créés par l’article 23.

En cas d’inaction des autorités, d’échec de la conciliation et d’absence de poursuites disciplinaires, l’auteur de la réclamation doit en être informé et se faire communiquer les voies de recours dont il dispose.

La principale nouveauté du dispositif proposé est la possibilité offerte à l’usager de saisir directement la juridiction disciplinaire au terme de cette phase, ce qui était impossible jusqu’alors. Il peut également saisir le procureur général ou, pour les avocats aux Conseils, le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général près la Cour de cassation.

Certains professionnels craignent que cette voie de saisine directe provoque un engorgement des juridictions disciplinaires. L’étude d’impact précise qu’ « il est prévu d’introduire par voie réglementaire une procédure de filtrage des réclamations par le président de ladite juridiction afin d’écarter les recours abusifs, dilatoires ou manifestement infondés. Ce filtrage vient en complément du premier filtre constitué par la conciliation organisée au niveau infra-disciplinaire » ([547]).

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté deux amendements identiques, l’un de votre rapporteur et l’autre de Mme Laetitia Avia au nom du groupe La République en Marche. Alertés au cours des auditions sur le risque d’engorgement des juridictions disciplinaires du fait de la nouvelle modalité de saisine directe par les usagers, les auteurs des deux amendements ont souhaité prévoir un filtre des réclamations n’ayant pas vocation à faire l’objet d’une procédure disciplinaire.

Ces amendements prévoient que « le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut rejeter les plaintes irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ».

Un tel mécanisme préserve la saisine directe, qui est une avancée pour la confiance des usagers dans les professions. Il permettra néanmoins de s’assurer que des réclamations qui ont été – ou qui auraient pu être – déclarées irrecevables en raison de leur caractère mal fondé ou abusif par l’autorité de la profession puissent être écartées par le président de cette juridiction.

La Commission a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 23
Création de services d’enquête indépendants

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée un service d’enquête indépendant auprès de chacune des chambres de discipline de première instance des différentes professions. Ces services, compétents au niveau interrégional, peuvent être saisis par la juridiction disciplinaire ou par les autorités chargées de la surveillance de la profession.

Ils disposent de pouvoirs d’enquête pouvant porter sur des documents soumis au secret professionnel. Leur indépendance doit renforcer le caractère équitable de la procédure disciplinaire et assurer une meilleure efficacité du traitement des réclamations.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative récente n’est intervenue en la matière.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

Lorsqu’elle est saisie de faits constituant un manquement disciplinaire, la chambre disciplinaire procède à l’instruction de l’affaire. Elle peut en charger l’un de ses membres qui lui fait un rapport ([548]).

Lorsque le tribunal judiciaire est saisi de l’affaire, « il entend, s’il y a lieu, sans forme l’auteur de la plainte ainsi que toutes autres personnes ; il peut ordonner toutes mesures d’instruction » ([549]).

En revanche, les textes ne précisent pas les pouvoirs d’enquête dont disposent les instances professionnelles, ni les modalités d’engagement de celles-ci. Le seul instrument existant est l’inspection occasionnelle « portant, soit sur une question particulière, soit sur l’ensemble de l’activité professionnelle du notaire. L’inspection occasionnelle est prescrite soit par le président de la chambre, du conseil régional ou du conseil supérieur du notariat, soit par le procureur de la République, le procureur général ou le garde des Sceaux, ministre de la justice » ([550]). Ces inspections ne peuvent être sollicitées par la chambre de discipline et rien ne rattache formellement ce mécanisme à la procédure disciplinaire et aux garanties d’indépendance et d’impartialité qu’elle exige.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article crée, au niveau interrégional (pour les notaires et commissaires de justice) ou national (pour les greffiers des tribunaux de commerce et les avocats aux Conseils), des services chargés de réaliser les enquêtes « sur des agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire ». Ils procèdent également à l’instruction pour les juridictions disciplinaires.

Ces services pourront être saisis par l’autorité de la profession habilitée à exercer l’action disciplinaire, par les autorités chargées de la surveillance ou par la juridiction disciplinaire. Cette dernière pourra avoir recours aux services d’enquête « dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction », c’est-à-dire après avoir été saisie.

Le présent article définit et encadre les pouvoirs d’enquête de ce service : il doit être indépendant et peut convoquer le professionnel et lui demander de lui fournir tous les renseignements et documents qui lui sembleront utiles, sans qu’il puisse lui opposer le secret professionnel.

L’étude d’impact du projet de loi indique que les modalités de nomination des enquêteurs et de saisine des services d’enquête ainsi que le contenu des enquêtes et des rapports d’enquête seront précisés par un décret en Conseil d’État.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié.

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Article 24
Création d’une juridiction disciplinaire unique par profession

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article met fin à la dualité des instances disciplinaires – tribunal judiciaire et chambre disciplinaire – en instituant des chambres de discipline ou des cours nationales, auprès des instances représentatives des professions, compétentes pour connaître de l’ensemble du contentieux disciplinaire en première instance.

En appel, des cours nationales de discipline sont créées pour les notaires et les commissaires de justice. En raison de leurs faibles effectifs, la Cour de cassation et le Conseil d’État connaîtront directement, en fait et en droit, de l’appel des décisions des cours nationales des greffiers des tribunaux de commerce et des avocats aux Conseils.

Le présent article fixe également la composition, échevinée, de ces chambres et cours nationales qui seront présidées par un magistrat.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 37 de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques a confié au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce le contentieux disciplinaire de la profession.

L’article 43 de la même loi a élevé au niveau régional le traitement du contentieux disciplinaire des notaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement CL527 visant à permettre aux magistrats honoraires de siéger dans les juridictions disciplinaires et sept amendements rédactionnels.

1.   L’état du droit

a.   La dualité des instances disciplinaires

Outre la dualité des autorités chargées de la surveillance des professions – Parquet et instances professionnelles ([551]) – , il existe également une dualité des instances compétentes en matière disciplinaire. En effet, le tribunal judiciaire statuant disciplinairement et les chambres de discipline, dont l’organisation varie d’une profession à l’autre, se répartissent le contentieux disciplinaire des officiers ministériels.

Les avocats aux Conseils, comme les avocats, sont dans une situation particulière et leur indépendance empêche de confier au tribunal judiciaire la compétence de statuer en matière disciplinaire en première instance. Les poursuites disciplinaires s’exercent donc devant la formation disciplinaire du conseil de l’ordre ([552]). La formation disciplinaire est présidée par le président de l’ordre, sauf s’il est l’auteur de la saisine.

Dans le cas des notaires et des commissaires de justice, « l’officier public ou ministériel est poursuivi disciplinairement, soit devant la chambre de discipline, soit devant le tribunal judiciaire » ([553]). Ce partage de compétence s’opère selon la gravité de la faute : « Si la chambre estime que la faute commise justifie une sanction plus grave, elle charge son président de citer directement l’officier public ou ministériel devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement, à moins qu’elle ne décide de laisser au procureur de la République l’initiative des poursuites devant cette juridiction » ([554]). En effet, seul le tribunal judiciaire peut prononcer les sanctions les plus sévères, notamment la suspension temporaire ou la destitution.

Il en va de même pour les greffiers des tribunaux de commerce : « L’action disciplinaire […] est exercée soit devant la formation disciplinaire du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, soit devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel le tribunal de commerce a son siège ou, si le greffier est titulaire de plusieurs greffes, devant le tribunal judiciaire désigné par le premier président de la cour d’appel » ([555]).

Répartition des saisines et des décisions rendues en 2018 et en 2019
entre les chambres de discipline et le tribunal judiciaire

 

Saisines de la chambre de discipline

Décisions de la chambre de discipline

Saisines du tribunal judiciaire

Décisions du tribunal judiciaire

2018

2019

2018

2019

2018

2019

2018

2019

Notaires

34

39

33

39

10

15

7

13

Huissiers de justice

13

8

6

2

6

5

4

5

Commissaires-priseurs judiciaires

0

2

0

2

0

0

0

0

Greffiers des tribunaux de commerce

0

0

0

0

0

0

0

1

Total

47

49

39

43

16

20

11

19

Source : rapport de la mission de l’Inspection générale de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre.

Cette dualité soulève plusieurs difficultés. Les chambres de discipline sont composées uniquement de professionnels, ce qui peut donner l’apparence à l’usager d’un défaut d’impartialité dans le traitement de sa réclamation. À l’inverse, les contentieux portés devant le tribunal judiciaire conduisent à des délais de traitement plus longs et les magistrats ne sont pas toujours à même d’apprécier certains manquements aux règles professionnelles. En outre, cette dualité accroit le risque de divergence de jurisprudence sur le territoire. Cette difficulté n’a été que partiellement résolue par la remontée du contentieux disciplinaire des chambres départementales vers les chambres régionales ([556]).

b.   L’appel des décisions

Les décisions de la chambre de discipline et du tribunal judiciaire sont susceptibles d’appel devant la cour d’appel territorialement compétente ([557]) selon la même procédure que devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement ([558]).

L’officier public ou ministériel intéressé et le procureur de la République peuvent déférer la décision devant la cour d’appel. Le président de la chambre peut également interjeter appel des décisions du tribunal judiciaire statuant disciplinairement s’il a cité l’intéressé directement devant cette juridiction ou s’il est intervenu à l’instance. L’appel est ouvert, dans les mêmes conditions, à la partie qui se prétend lésée mais seulement en ce qui concerne les dommages et intérêts ([559]).

Pour les greffiers des tribunaux de commerce, « les décisions de la formation disciplinaire du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce peuvent être déférées à la cour d’appel de Paris [et] les décisions du tribunal judiciaire statuant en matière disciplinaire peuvent être déférées à la cour d’appel territorialement compétente » ([560]). L’appel peut être exercé par le procureur de la République, par le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce lorsque les poursuites ont été engagées à son initiative, ou par le greffier concerné.

Pour les avocats aux Conseils, la décision disciplinaire peut faire l’objet, dans les deux mois après son prononcé, d’un recours devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation ([561]).

Nombre de recours et de décisions rendues par les cours d’appel en matière de discipline par profession en 2018 et 2019

 

Recours devant la cour d’appel

Décisions de la cour d’appel

2018

2019

2018

2019

Notaires

7

10

6

7

Huissiers de justice

3

2

3

1

Commissaires-priseurs judiciaires

0

0

0

0

Greffiers des tribunaux de commerce

0

1

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0

Total

37

21

24

29

Source : étude d’impact, p. 282.

 

c.   L’application des règles du procès équitable à la procédure disciplinaire

Les règles du procès équitable prévues par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, s’appliquent à la procédure disciplinaire devant les ordres professionnels ([562]). Seuls certains contentieux de la fonction publique sont exclus de son champ d’application ([563]).

Ces règles sont celles du procès équitable en matière civile puisque « sous l’angle de l’article 6 § 1, la Cour considère de longue date que les poursuites disciplinaires ne relèvent pas, comme telles, de la matière pénale » ([564]).

Ainsi, concernant l’articulation entre la chambre de discipline et la cour d’appel, la question s’est posée de savoir si le président de la chambre de discipline pouvait être entendu par la cour d’appel sur une affaire qu’il avait jugée en première instance. La Cour de cassation a estimé que « le fait que les observations formulées, en qualité de sachant, par le président de la chambre de discipline des notaires devant la cour d’appel statuant disciplinairement, ont un caractère technique et visent à informer le juge sur les spécificités de la profession de notaire et de son exercice, de sorte que son audition ne contrevient pas aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ([565]).

De la même manière, le principe du non bis in idem ne peut s’appliquer lorsqu’un professionnel fait cumulativement l’objet de poursuites pénales et de poursuites disciplinaires ([566]). En revanche, le tribunal judiciaire statuant disciplinairement et la chambre de discipline ne peuvent se saisir de la même affaire. En cas de conflit, la chambre de discipline doit se dessaisir au profit du tribunal judiciaire.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article réorganise en profondeur les juridictions disciplinaires. Il met fin à la dualité des instances compétentes en créant pour chaque profession une juridiction unique en première instance et en appel. Ces nouvelles juridictions disciplinaires seront échevinées : elles rassembleront des professionnels connaisseurs de la matière et seront présidées par un magistrat.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette réforme « permettra de renforcer la confiance du public dans le régime disciplinaire des professions du droit, notamment en luttant efficacement contre les effets de l’entre soi » ([567]). La juridiction unique donnera davantage de lisibilité au dispositif et la création d’une cour nationale permettra la création d’une jurisprudence unifiée à l’échelle de chaque profession.

Le choix d’intégrer des magistrats, comme cela existe pour les professions médicales, permettra d’harmoniser les pratiques et les décisions à travers le territoire car ils disposent d’une connaissance générale des contentieux disciplinaires, de la conduite des débats et du contradictoire.

a.   Les notaires et les commissaires de justice

Pour ces deux professions, qui rassemblent le plus grand nombre d’officiers ministériels, des chambres de discipline sont instituées auprès des conseils régionaux des notaires et des commissaires de justice. Elles seront composées de deux professionnels et présidées par un magistrat et connaîtront, à un niveau interrégional, de l’ensemble des poursuites disciplinaires en première instance.

Pour l’appel, des cours nationales de discipline sont créées auprès du Conseil supérieur du notariat et de la Chambre nationale des commissaires de justice. Elles seront composées de deux magistrats du siège, de deux professionnels et elles seront présidées par un magistrat du siège de la Cour de cassation.

Les arrêts de ces cours nationales pourront faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

b.   Les greffiers des tribunaux de commerce

Eu égard à leur faible nombre, le présent article ne crée qu’un seul degré de juridiction disciplinaire pour la profession, au niveau national. Une cour nationale de discipline est instituée auprès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce pour connaître en premier ressort du contentieux disciplinaire. Elle est composée de quatre membres de la profession et présidée par un magistrat du siège de la Cour de cassation.

Ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour de cassation qui « statue en fait et en droit », c’est-à-dire à la fois comme instance d’appel et de cassation.

c.   Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Compte tenu de leur spécificité et de leur effectif, les avocats aux Conseils sont également dotés, en première instance, d’une cour nationale de discipline placée auprès de l’ordre. Elle est composée d’un membre du Conseil d’État, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation et de cinq membres de la profession. Selon la nature des faits, la présidence est assurée par le magistrat du Conseil d’État, s’ils ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou le Conseil d’État, ou par le magistrat de la Cour de cassation dans les autres cas.

Selon la même répartition, les recours contre les décisions de la cour nationale s’exercent devant le Conseil d’État ou devant la Cour de cassation qui statue, comme pour les greffiers des tribunaux de commerce, en fait et en droit.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement visant à permettre à des magistrats honoraires de moins de soixante-douze ans de siéger dans les juridictions disciplinaires de premier ressort et d’appel, en tant qu’assesseur ou en tant que président. Cette modification permettra d’alléger les contraintes en termes de ressources humaines qui résulteront de la création de ces nouvelles juridictions et de renforcer utilement l’éloignement entre les magistrats qui connaîtront des manquements disciplinaires et les professionnels concernés.

La Commission a également adopté sept amendements rédactionnels puis l’article ainsi modifié.

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*     *

Article 25
Échelle des peines disciplinaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modernise la nature, l’échelle et la publicité des peines disciplinaires pouvant être prononcées à l’encontre d’un officier ministériel afin d’accroître leur effet dissuasif. Il crée également des peines d’amende et de sursis.

       Dernières modifications législatives intervenues

La décision du Conseil constitutionnel n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 a abrogé le dernier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels qui prévoyait que les notaires et les officiers ministériels destitués ne sont pas inscrits sur les listes électorales.

L’article 15 de l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme a soumis les officiers ministériels à certaines sanctions financières.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels à l’initiative de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   Une échelle des sanctions considérée comme inadaptée

Le régime des sanctions applicables aux notaires, aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires est prévu par l’article 3 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

La chambre de discipline régionale peut prononcer des sanctions morales :

– le rappel à l’ordre qui consiste à rappeler au notaire quels sont ses devoirs et obligations professionnels ou déontologiques ;

– la censure simple qui est un rappel à l’ordre condamnant explicitement les faits reprochés ;

– la censure devant la chambre assemblée qui s’accompagne d’une réprimande du président de la chambre.

Les sanctions plus graves sont prononcées par le tribunal judiciaire statuant disciplinairement :

– la défense de récidiver qui constitue un avertissement solennel du tribunal ;

– l’interdiction temporaire qui prive le notaire fautif de l’exercice de ses fonctions et des revenus qui s’y rattachent. Le tribunal doit alors nommer un administrateur chargé de la gestion de l’office et qui perçoit à son profit les rémunérations relatives aux actes qu’il a accomplis. L’interdiction temporaire n’est pas limitée dans le temps ([568]) ;

– la destitution qui entraîne la cessation définitive d’exercer.

L’article 4 de l’ordonnance du 28 juin 1945 prévoit que ces peines « peuvent être accompagnées de la peine complémentaire de l’inéligibilité temporaire, pendant dix ans au plus, aux chambres, organismes et conseils professionnels ».

Les greffiers des tribunaux de commerce encourent les sanctions prévues à l’article L. 743-3 du code de commerce : le rappel à l’ordre, l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire, la destitution ou le retrait de l’honorariat.

Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation encourent les mêmes sanctions disciplinaires que les avocats ([569]), à savoir celles prévues par l’article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire (qui ne peut excéder trois années), la radiation du tableau des avocats et le retrait de l’honorariat. La peine de l’interdiction temporaire peut être assortie du sursis. Il existe une sanction spécifique qui est la radiation du tableau des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui emporte destitution.

De l’avis de l’ensemble des professionnels concernés, l’intitulé et la portée des peines dites « morales » (censure, rappel à l’ordre…) ne permettent pas de répondre suffisamment fermement aux fautes commises. Depuis 1945, une seule de ces sanctions a évolué : la suspension à temps est devenue l’interdiction temporaire en 1973 ([570]). Quant aux peines les plus sévères, elles sont particulièrement lourdes de conséquences et ne peuvent s’appliquer qu’aux faits les plus graves.

Nature des sanctions prononcées à l’encontre des officiers ministériels

Source : DACS (2019)

 

b.   L’absence de sanction financière et de publicité des décisions limite la portée des sanctions disciplinaires

Les officiers ministériels n’encourent pas de peine d’amende au niveau disciplinaire. Pourtant, plusieurs des fautes disciplinaires qu’ils sont susceptibles de commettre ont un caractère financier et cette modalité de sanction présente un effet dissuasif élevé et une meilleure proportionnalité.

Les avocats aux Conseils ([571]), les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires ([572]) encourent des sanctions administratives d’amende prévues à l’article L. 561-36-3 du code monétaire et financier pour des faits de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme et d’évasion fiscale.

La publicité des sanctions disciplinaires n’est prévue que pour la profession d’avocat aux Conseils : « l’instance disciplinaire peut en outre, à titre de sanction accessoire, ordonner la publicité de toute peine disciplinaire » ([573]). Il s’agit d’une sanction supplémentaire qui n’est pas automatique. Dans les autres professions, la publicité est inexistante, ce qui limite l’effet des sanctions « morales » que sont le rappel à l’ordre, l’avertissement ou le blâme.

Dans son rapport sur la discipline des professions du droit et du chiffre, l’Inspection générale de la justice constatait que « le champ disciplinaire des professions du droit se caractérise par une opacité certaine faute de communication sur l’activité et les actions conduites en ce domaine tant par les instances professionnelles, que les autorités judiciaires et la direction des affaires civiles et du Sceau » ([574]).

2.   Le dispositif proposé

a.   Une échelle des peines modernisée et unifiée

L’échelle des peines proposées présente cinq niveaux :

– l’avertissement ;

– le blâme ;

– l’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans ;

– la destitution, qui emporte interdiction à titre définitif ([575]) ;

– le retrait de l’honorariat.

La peine d’interdiction temporaire pourrait désormais être assortie d’un sursis de cinq ans, levée en cas de prononcé d’une nouvelle peine disciplinaire.

b.   La mise en place d’une peine d’amende

Le présent article crée également une peine d’amende, à titre principal ou complémentaire. Elle ne peut excéder la plus haute des sommes suivantes : 10 000 euros ou 5 % du chiffre d’affaires annuel. L’idée d’une peine proportionnelle au produit de l’infraction a été écartée en raison de la complexité de son calcul.

Cette peine d’amende n’est pas applicable aux professionnels salariés puisque l’article L. 1331-2 du code du travail interdit les sanctions pécuniaires à l’encontre des salariés.

c.   Le renforcement de la publicité des sanctions

Pour ces professions libérales, la réputation présente une importance considérable, justifiant historiquement le recours à des sanctions morales. La publicité des décisions, systématique ou à titre complémentaire, présenterait un caractère très dissuasif.

L’encadrement de ces règles de publicité est confié au pouvoir réglementaire. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi ne précise pas la portée que le Gouvernement souhaite donner à ce décret. Outre l’encadrement des règles de publicité des décisions, cette publicité devra également permettre de rendre compte de l’activité annuelle des autorités judiciaires et des autorités professionnelles en la matière. L’Inspection générale de la justice recommandait ainsi de « définir les modalités pratiques de cette production d’informations lui permettant ensuite d’établir une synthèse nationale rendue publique sur le site internet ministériel. Cette communication devra être relayée par les instances locales et régionales qui devront également publier leurs données d’activité sur leurs sites internet » ([576]).

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels puis l’article ainsi modifié.

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Article 26
Suspension provisoire d’un officier ministériel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite la chambre de discipline à suspendre provisoirement un professionnel lorsque l’urgence ou la protection du public l’exige. La demande peut émaner de l’autorité disciplinaire ou du procureur général.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative récente n’est intervenue en la matière.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement CL568 visant à préciser les conditions du prononcé et de la levée de la suspension provisoire ainsi qu’un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Il existe, pour chacune des professions concernées par la présente section, la possibilité de suspendre provisoirement un officier ministériel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales. Cette suspension provisoire est prononcée par le tribunal judiciaire à la requête du procureur de la République ou du président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci ([577]).

Pour les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels indique, à son article 32, que « tout officier public ou ministériel qui fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire peut se voir suspendre provisoirement l’exercice de ses fonctions. En cas d’urgence, la suspension provisoire peut être prononcée, même avant l’exercice des poursuites pénales ou disciplinaires, si des inscriptions ou vérifications ont laissé apparaître des risques pour les fonds, effets ou valeurs qui sont confiés à l’officier public ou ministériel à raison de ses fonctions ».

L’article 36 de la même ordonnance rappelle que « les décisions rendues en matière de suspension provisoire sont susceptibles d’appel ».

Pour les greffiers des tribunaux de commerce, l’article L. 743-7 du code de commerce dispose que « le greffier du tribunal de commerce qui fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire peut être suspendu provisoirement de l’exercice de ses fonctions par le tribunal judiciaire, saisi à la requête du procureur de la République ».

Enfin, concernant les avocats aux Conseils, l’article 24 de la
loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que « lorsque l’urgence ou la protection du public l’exigent, le conseil de l’ordre peut, à la demande du procureur général ou du bâtonnier, suspendre provisoirement de ses fonctions l’avocat qui en relève lorsque ce dernier fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire. Cette mesure ne peut excéder une durée de quatre mois, renouvelable ».

2.   Le dispositif proposé

Le présent article confie au président de la chambre de discipline la possibilité de suspendre provisoirement le professionnel pour la durée de l’enquête et des éventuelles poursuites disciplinaires ou pénales. Il peut procéder à cette suspension à la demande d’une autorité compétente pour exercer l’action disciplinaire : le procureur général, l’autorité de la profession ou, pour les avocats aux Conseils, le vice-président du Conseil d’État, le procureur général près la Cour de cassation ou le premier président de la Cour de cassation.

Cette suspension ne peut excéder six mois mais elle peut être renouvelée pour couvrir la durée de l’enquête ou de l’action pénale ou disciplinaire. Elle cesse au terme de celles-ci.

Cette décision pourra faire l’objet d’un recours devant la cour nationale de discipline pour les notaires et les commissaires de justice, devant la Cour de cassation pour les greffiers des tribunaux de commerce et devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation pour les avocats aux Conseils.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement visant à mieux encadrer la suspension provisoire. Il précise que la suspension provisoire ne pourra être prononcée qu’au terme d’un débat contradictoire afin de garantir le caractère équitable de cette procédure qui peut être assimilée à une sanction, eu égard à ses conséquences sur l’activité du professionnel concerné.

L’amendement adopté donne également la possibilité au président de la juridiction disciplinaire de lever la suspension à tout moment si des éléments nouveaux le justifient, notamment au cours ou au terme de l’enquête si les faits s’avèrent moins graves que supposés.

Enfin, il est instauré un délai supplémentaire de deux mois entre la fin de l’enquête et l’extinction de droit de la mesure de suspension afin de laisser aux autorités de poursuites le temps de prendre connaissance des conclusions de l’enquête et de décider si des poursuites disciplinaires sont justifiées. Dans sa version initiale, le texte aurait conduit à mettre fin à la suspension provisoire dès le terme de l’enquête si des poursuites n’étaient pas engagées immédiatement.

La Commission a également adopté un amendement rédactionnel puis l’article ainsi modifié.

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Article 27
Habilitation à légiférer par ordonnance pour rassembler l’ensemble des règles relatives à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels

Adopté par la Commission sans modification

Compte tenu de la diversité des textes, de niveaux normatifs différents, qui régissent la déontologie et la discipline des officiers ministériels, le projet de loi a fait le choix de présenter, aux articles 19 à 26, l’architecture de la nouvelle organisation des autorités, procédures et instances disciplinaires.

Le présent article habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour tirer les conséquences de la réforme et prévoir les adaptations nécessaires en raisons des particularités de chaque profession.

Le Gouvernement est ainsi habilité à :

– réunir l’ensemble des dispositions destinées à régir la discipline des professions, dans le respect des dispositions de la présente section ;

– tirer les conséquences des dispositions de la présente section sur les règles statutaires applicables à chacune de ces professions et prévoir toute adaptation rendue nécessaire par leur organisation particulière ;

– désigner les autorités compétentes mentionnées aux articles 21 à 23 ;

– préciser les effets des peines disciplinaires sur l’activité des professionnels sanctionnés, les structures d’exercice et les offices ;

– prévoir les dispositions transitoires et les dispositions d’adaptation relatives à l’outre‑mer rendues nécessaires par la présente section.

Le recours à la législation par ordonnance semble pertinent tant au regard de la technicité et du nombre des dispositions à modifier que de la diversité de leur niveau normatif qui implique d’intervenir conjointement au niveau législatif et au niveau réglementaire. Les articles 19 à 26 fixent un cadre précis à cette habilitation.

La Commission a adopté le présent article sans y apporter de modification.

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Section 2
Discipline des avocats

Article 28
(art. 21, 22-1, 22-3 [nouveau], 23, 25, 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)
Modification du régime disciplinaire applicable aux avocats

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

La section 2 du présent chapitre contient un seul article qui étend à la profession d’avocat certains des apports de la réforme de la discipline des officiers ministériels. Le présent article crée un code de déontologie pour la profession et fait évoluer le recueil des réclamations et l’organisation des instances disciplinaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques a modernisé la procédure disciplinaire applicable aux avocats en séparant les autorités de poursuite et de jugement et en renforçant les garanties relatives à la suspension provisoire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté :

– un amendement CL634 de votre rapporteur visant à permettre aux magistrats honoraires de siéger dans les juridictions disciplinaires ;

– deux amendements identiques CL573 de votre rapporteur et CL486 de Mme Laetitia Avia, au nom du groupe La République en Marche, visant à prévoir un mécanisme de filtrage des saisines directes des conseils de discipline des avocats par les clients lorsque celles-ci sont infondées ou abusives ;

– deux amendements rédactionnels de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

Le régime disciplinaire des avocats est encadré par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat. Ils obéissent également au règlement intérieur national de la profession d’avocat, élaboré par le conseil national des barreaux, qui contient notamment les principes de la profession et le code de déontologie des avocats européens. Certains barreaux, comme celui de Paris, se sont dotés d’un code de déontologie propre mais il n’existe pas encore de code de déontologie commun à l’ensemble de la profession.

La discipline des avocats présente certaines spécificités par rapport à la discipline des officiers ministériels car les avocats ne sont pas nommés par le garde des Sceaux et ne sont pas délégataires de la puissance publique. Compte tenu de la nécessité de garantir leur indépendance, les tribunaux judiciaires ne peuvent connaître du contentieux disciplinaire de la profession. La surveillance de la profession est donc assurée en premier lieu par le barreau même si le procureur général a la faculté de saisir le conseil de discipline.

Jusqu’en 2004, la discipline était confiée au conseil de l’ordre du barreau siégeant comme conseil de discipline qui agissait soit d’office, soit à la demande du procureur général ou du bâtonnier.

La loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques a confié le contentieux disciplinaire à un conseil de discipline qui connaît, dans le ressort de chaque cour d’appel, des infractions et fautes commises par les avocats relevant des barreaux qui s’y trouvent établis ([578]). Il est composé d’avocats délégués par chaque barreau, au prorata du nombre de ses membres. Le président est élu parmi ses membres ([579]).

Avant de saisir l’instance disciplinaire, le bâtonnier peut procéder à une enquête déontologique, sur demande du procureur général ou sur plainte d’un client. L’avocat et son client peuvent également procéder à une médiation puisque le conseil national des barreaux a désigné son médiateur national à la consommation en application de l’article L. 612-1 du code de la consommation résultant de la transposition de la directive européenne 2013/11/UE du 21 mai 2013.

Le procureur ou le bâtonnier peuvent ensuite saisir l’instance disciplinaire qui en informe l’avocat. Lorsque le bâtonnier est à l’initiative des poursuites, il en informe le procureur général et inversement.

L’instruction de l’affaire est confiée par le conseil de l’ordre à l’un de ses membres qui transmet son rapport au président du conseil de discipline. L’avocat concerné est ensuite convoqué pour une audience fixée par le président du conseil de discipline pour laquelle il peut être assisté d’un confrère.

Au total, les conseils de disciplines ont été saisis à 177 reprises en 2019 et 124 reprises en 2018. Ils ont rendu 116 décisions en 2019 et 100 en 2018.

Dans le cas spécifique des délits d’audience ([580]), la juridiction devant laquelle les faits ont été commis peut demander au procureur général de saisir les instances disciplinaires.

Il existe des sanctions infra-disciplinaires qui ne sont pas prises par le conseil de discipline : l’admonestation prononcée par le bâtonnier et l’omission prononcée par le conseil de l’ordre. Lorsque le conseil de discipline constate le manquement disciplinaire, il peut prononcer un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire d’exercer qui ne peut excéder trois ans (et peut être assortie du sursis), la radiation ou, le cas échéant, le retrait de l’honorariat ([581]).

L’avocat s’expose également à des peines complémentaires : la publicité de la peine prononcée à son encontre et l’interdiction de faire partie des instances représentatives de la profession ou d’accéder aux fonctions de bâtonnier pendant une durée pouvant aller jusqu’à dix ans ([582]).

L’avocat, qui fait l’objet d’une décision en matière disciplinaire, le procureur général et le bâtonnier peuvent former un recours contre la décision devant la cour d’appel.

2.   Le dispositif proposé

a.   Le recueil des réclamations, la phase de conciliation et la possibilité de saisine de la juridiction disciplinaire par le client

Le I du présent article étend aux avocats les dispositions de l’article 22 du projet de loi en confiant au bâtonnier l’instruction des réclamations des clients, mais aussi, des différends d’ordre professionnel entre avocats d’un même barreau.

Il inscrit à l’article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 l’obligation d’accuser réception de la réclamation et d’informer l’avocat concerné pour l’inviter à présenter ses observations.

Après avoir opéré un filtre afin d’écarter les réclamations mal fondées ou manifestement abusives, le bâtonner peut organiser une conciliation entre les parties. En cas d’absence de conciliation ou d’échec de celle-ci, il informe l’avocat et l’auteur de la réclamation des suites qui lui sont données. Si le bâtonnier n’estime pas nécessaire d’engager des poursuites disciplinaires, le client doit être informé qu’il peut saisir le procureur général ou, directement, la juridiction disciplinaire. Pour les avocats, comme pour les officiers ministériels, il s’agit d’une nouveauté qui renforce les droits des usagers.

En cohérence, le 1° du IV du présent article modifie l’article 23 de la loi du 31 décembre 1971 pour reconnaître le droit de l’auteur d’une réclamation de saisir directement la juridiction disciplinaire.

b.   Le statut de juridiction du conseil de discipline

Le II du présent article attribue le statut de juridiction au conseil de discipline établi dans le ressort de chaque cour d’appel. Sa présidence est assurée par un membre de la profession, sauf si la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande. Dans ce cas, la présidence du conseil de discipline est confiée à un magistrat du siège de la cour d’appel. L’échevinage instauré est donc moindre que pour les officiers ministériels, ce qui est justifié par l’incompétence, en l’état du droit, du tribunal judiciaire pour connaître de la discipline des avocats.

Le 2° du IV précise la composition de la juridiction compétente pour connaître de l’appel des décisions disciplinaires. Jusqu’alors, l’article 23 de la loi du 31 décembre 1971 indiquait que la décision du conseil de discipline « peut être déférée à la cour d’appel par l’avocat intéressé, le bâtonnier dont il relève ou le procureur général », impliquant l’absence d’échevinage en appel. La rédaction proposée prévoit que la formation de jugement de la cour d’appel comprend trois magistrats du siège de cette cour et deux membres du conseil de l’ordre des barreaux du ressort de la cour d’appel. Cette formation est présidée par un magistrat du siège.

c.   La création d’un code de déontologie

Comme pour les professions d’officier ministériel, le VI du présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État présentera le code de déontologie de la profession d’avocat préparé par le Conseil national des barreaux. L’article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ne prévoyait jusqu’alors qu’un décret relatif aux règles de déontologie ([583]). Le barreau de Paris avait élaboré son propre code de déontologie mais sa portée juridique était moindre que celle qui sera donnée au nouveau dispositif.

Le V du présent article, enfin, procède à une coordination rédactionnelle en remplaçant l’expression « un département ou un territoire d’outre-mer » par l’expression « une collectivité d’outre-mer ».

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté deux amendements qui étendent à la procédure disciplinaire applicable aux avocats deux modifications apportées au régime disciplinaire des officiers ministériels.

En premier lieu, par l’adoption d’un amendement de votre rapporteur, la Commission a souhaité permettre à des magistrats honoraires de siéger dans les juridictions disciplinaires des avocats.

En second lieu, elle a adopté deux amendements identiques de votre rapporteur et de Mme Laetitia Avia, au nom du groupe La République en Marche, visant à prévoir un mécanisme de filtre des saisines directes des conseils de discipline des avocats par les clients lorsque celles-ci sont irrecevables, infondées ou abusives. La profession d’avocat est en effet particulièrement exposée à un risque d’engorgement de ses juridictions disciplinaires, notamment en raison d’une mauvaise orientation des réclamations qui ne relèvent pas du champ disciplinaire.

La Commission a également adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié

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Chapitre II
Conditions d’intervention des professions du droit

Article 29
(art. L.111-3 du code des procédures civiles d’exécution)
Ajout à la liste des titres exécutoires des actes contresignés par avocats dans le cadre des modes amiables de règlement des différends auxquels le greffe appose la formule exécutoire

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 29 prévoit de reconnaître la qualité de titre exécutoire aux actes contresignés par les avocats de chacune des parties dans le cadre de modes amiables de règlement des différends, après apposition de la formule exécutoire par le greffe.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 111‑3 du code des procédures civiles d’exécution a été modifié à plusieurs reprises ces dernières années dans le sens d’une extension de la liste des actes constituant des titres exécutoires. Ont ainsi été ajoutés :

– les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire : cette catégorie a été ajoutée par l’article 50 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui crée le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée, et complétée pour la « séparation de corps » par l’article 72 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui adapte les modalités de fixation des pensions alimentaires aux nouvelles formes de séparation ;

– le titre délivré par l’huissier de justice « en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ». L’article 208 de la loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui crée une procédure amiable de recouvrement des petites créances par l’intermédiaire des huissiers faisait initialement mention de « l’homologation de l’accord entre le créancier et le débiteur ». L’article 105 de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a supprimé la référence à « l’homologation » pour confier expressément la compétence à l’huissier de justice pour établir un titre exécutoire dans le cadre de cette procédure spécifique, conformément à l’intention initiale du législateur ;

– les décisions rendues par la juridiction unifiée du brevet auront également la qualité de titre exécutoire à compter de l’entrée en vigueur de l’accord européen relatif à une juridiction unifiée du brevet, en application de l’article 20 de l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet.

1.   L’état du droit

Ces dernières années, le législateur a encouragé le développement des modes alternatifs de règlement des différends, qui comprennent des procédures variées répondant à un objectif d’efficacité, de rapidité et de simplicité de la justice.

La procédure de conciliation permet de trancher rapidement, à l’amiable, un différend civil simple entre deux personnes physiques ou morales, en présence d’un tiers : le juge de proximité, le juge d’instance ou un conciliateur de justice.

La médiation et la conciliation conventionnelles sont définies à l’article 1530 du code de procédure civile comme « le processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

La procédure participative repose quant à elle, en application de l’article 2062 du code civil, sur « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ». Nécessairement conclue pour une durée déterminée, tout recours au juge est irrecevable tant qu’elle est en cours.

Enfin, la transaction est définie à l’article 2044 du code civil comme le contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Quelle que soit la procédure choisie par les parties, celles-ci doivent saisir le juge aux fins d’homologation de l’accord si elles souhaitent qu’il ait force exécutoire.

a.   L’homologation d’un accord en cours d’instance judiciaire

Lorsque les parties parviennent à la conclusion d’un accord alors qu’une procédure judiciaire est en cours, la loi leur offre un accès rapide et facilité à la procédure d’homologation par le juge.

Les parties, ou la plus diligente d’entre elles, peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice (article 131 du code de procédure civile), par le médiateur de justice (article 131-12 du même code) ou l’accord mettant fin à l’entier différend dans le cadre d’une procédure participative (article 1557 dudit code).

Il statue alors sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties. L’homologation relève de la matière gracieuse.

Recours à la procédure d’homologation lorsque l’accord est conclu dans le cadre d’une instance judiciaire

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi fait état d’une utilisation importante de la procédure d’homologation lorsque l’accord est conclu dans le cadre d’une instance judiciaire.

Elle recense, en 2019 :

– 29 167 décisions constatant ou homologuant l’accord des parties et y donnant force exécutoire ;

– 10 991 décisions constatant la conciliation des parties et donnant force exécutoire à l’acte ;

– 1 409 décisions donnant force exécutoire à une transaction.

Source : Étude d’impact du projet de loi

b.   La procédure d’homologation d’un accord intervenant en dehors de toute instance judiciaire

Le code de procédure civile prévoit que les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peuvent soumettre l’accord auquel elles sont parvenues à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée aux fins de le rendre exécutoire.

L’accord non homologué n’est pas dépourvu d’effet : il s’agit d’un contrat sous signature privée, qui a force obligatoire et est la loi des parties. L’intérêt de l’homologation par le juge est qu’elle confère à l’accord la qualité de titre exécutoire, qui permet aux parties de recourir aux procédures civiles d’exécution forcée.

Les articles 1565 et 1566 du code de procédure civile déterminent les conditions de déroulement de la procédure d’homologation des accords issus d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative. L’article 1567 du code de procédure civile rend applicable cette même procédure à l’homologation de la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative.

Pour être recevable, la requête doit :

– être présentée par l’ensemble des parties, ou de l’une d’elles avec l’accord exprès des autres, sauf en matière de transaction pour laquelle la partie la plus diligente peut saisir seule le juge ;

– être présentée au juge compétent pour connaître de la matière qui fait l’objet de l’accord, en respectant les règles de répartition des compétences ;

– être accompagnée de la convention de procédure participative. L’accord est constaté dans un acte sous signature privée, contresigné par les avocats de chacune des parties. L’article 1555-1 du code de procédure civile précise que l’acte énonce de manière détaillée les éléments ayant permis la conclusion de cet accord.

Le principe est que le juge statue sans débat, sauf s’il estime nécessaire d’entendre les parties.

Le contrôle réalisé par le juge en la matière est de nature restreinte : le juge ne peut modifier les termes de l’accord, mais il peut refuser de l’homologuer. Dans ce cas, un appel, qui sera jugé selon la procédure gracieuse, pourra être formé contre cette décision au greffe de la cour d’appel.

Aux fins de décider s’il homologue ou non l’accord qui lui est soumis, le juge contrôle le fait que la convention qui lui est soumise résulte bien d’une procédure participative ainsi que le respect de conditions formelles telles que la signature des parties.

La procédure d’homologation est conçue comme une procédure rapide et allégée, qui repose sur un contrôle essentiellement formel du juge. L’homologation pourra néanmoins être refusée si le juge constate que l’accord est contraire à l’ordre public ou remet en cause la réalité de l’accord. Entre ainsi dans l’office du juge le pouvoir de refuser l’homologation d’une transaction dont il constate l’absence de formation, par exemple lorsque celle-ci comporte une condition suspensive qui n’a pas été remplie ([584]), ou lorsqu’elle est affectée d’un délai de mise en œuvre, rendant la transaction caduque et partant son homologation impossible passé ce délai ([585]).

Recours à la procédure d’homologation des accords conclus en dehors de toute procédure judiciaire

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi fait état d’une utilisation assez faible de la procédure d’homologation lorsque l’accord est conclu en dehors de toute procédure judiciaire.

Ainsi, les requêtes aux fins d’homologation d’accords présentées devant les tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance en 2019 étaient au nombre de :

– 137 pour les accords issus d’une médiation ;

– 82 en matière de conciliation ;

– 174 en matière de procédure participative ;

– 687 pour les transactions.

Source : étude d’impact du projet de loi

2.   Le dispositif proposé

Le présent article complète l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution afin d’ajouter à la liste des titres exécutoires les transactions ainsi que les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, contresignés par les avocats de chacune des parties et après apposition par le greffe de la formule exécutoire.

L’objectif de cette disposition est de favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges, en renforçant l’efficacité des accords conclus par les parties. Le rapport ([586])de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat, présidée par M. Dominique Perben, souligne que « l’accord conclu entre les parties ne dispose pas, en lui-même, d’une pleine efficacité puisqu’il ne constitue pas un titre exécutoire ». Constatant que cette situation « impose aux parties une démarche supplémentaire pour pouvoir mettre en œuvre des mesures d’exécution forcée » la mission propose de « conférer la force exécutoire aux actes contresignés par avocats dans le cadre des modes amiables de règlement des différends, lorsqu’ils constatent l’accord réalisé entre les parties ».

Si l’article 29 met en œuvre cette préconisation d’offrir aux parties la possibilité de rendre les accords exécutoires plus facilement, le dispositif retenu s’en distingue en ce que le caractère de titre exécutoire n’est pas conféré directement à l’acte contresigné par les avocats, mais nécessite par ailleurs l’apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

L’acte contresigné par les avocats de chacune des parties apporte un certain nombre de garanties quant à la réalité et au contenu de l’accord auquel sont parvenus les parties.

En application de l’article 1374 du code civil, « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».

Les avocats des parties, en apposant leur contresignature à l’acte, donneront ainsi valeur probante à l’existence de l’accord, à son contenu, ainsi qu’au consentement des parties.

Le présent article renforce encore les garanties offertes en imposant que les parties soient défendues chacune par leur propre avocat. Une telle obligation, qui existe déjà par exemple dans le cadre du divorce par consentement mutuel sous signature privée prévu à l’article 229-1 du code civil, est de nature à éviter tout conflit d’intérêts.

Cette règle exclut donc du dispositif non seulement les accords auxquels seraient parvenues les parties sans l’assistance d’un avocat, mais également les cas où elles seraient, ensemble, représentées par le même avocat, ce qui arrive en matière de conciliation. Dans ces deux hypothèses, les parties conservent la possibilité de recourir à l’homologation par le juge sur le fondement du 1° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution.

La contresignature de l’acte par les avocats permet d’opérer une partie du contrôle formel actuellement exercé par le juge de l’homologation. Les transactions et les actes constatant un accord contresigné par les avocats de chacune des parties ne rejoignent toutefois la liste des titres exécutoires de l’article L. 111‑3 qu’en tant qu’ils sont « revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente ».

Cette intervention du greffe vise à écarter le risque d’inconstitutionnalité pesant sur un dispositif qui aurait placé l’avocat comme seul acteur du contrôle de l’acte.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles le législateur peut autoriser une personne morale de droit privé à délivrer des titres exécutoires. Dans sa décision n° 99-416 DC ([587]), le Conseil constitutionnel juge que : « si le législateur peut conférer un effet exécutoire à certains titres délivrés par des personnes morales de droit public et, le cas échéant, par des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, et permettre ainsi la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, il doit garantir au débiteur le droit à un recours effectif en ce qui concerne tant le bien-fondé desdits titres et l’obligation de payer que le déroulement de la procédure d’exécution forcée ».

Le Conseil d’État, dans sa décision du 22 février 2007 ([588]), a jugé qu’ « une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public ».

Or, l’avocat contresignant un acte sous seing privé ne semble pas pouvoir satisfaire ces critères d’identification de la personne privée chargée d’une mission de service public.

D’une part, l’avocat n’exerce pas une mission de service public en tant que telle mais agit en tant que représentant de son client dont il cherche à préserver les intérêts. La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié l’avocat de « conseil représentant ou assistant l’une des parties en litige » et exclut de ce fait sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice ([589]).

D’autre part, le critère du contrôle de l’administration ne saurait davantage être retenu à l’égard d’une profession libérale qui, contrairement aux notaires ou aux huissiers dont certains actes ont valeur de titre exécutoire en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, sont des officiers publics ministériels.

C’est donc pour écarter le risque d’inconstitutionnalité d’un dispositif centré sur le seul acte contresigné par avocats qu’a été ajoutée la condition d’apposition par le greffe de la formule exécutoire.

L’étude d’impact précise que le greffe procédera à un contrôle des conditions légales de l’apposition de la formule exécutoire, qui consistera à :

– vérifier la compétence territoriale et matérielle du greffe, qui sera alignée sur l’actuelle compétence du juge de l’homologation ;

– vérifier la nature de l’acte (c’est-à-dire vérifier que l’acte qui lui est soumis correspond à l’un des quatre cas prévus par la loi, c’est-à-dire une transaction ou un accord de conciliation, de médiation ou de procédure participative) ;

– contrôler la signature des parties à l’accord et la contresignature de leurs avocats.

Cette procédure simplifiée intervient sans préjudice d’actions contentieuses ultérieures qui pourraient toujours être introduites, par exemple au moment des mesures d’exécution. L’accord, même exécutoire, demeure en effet contestable devant le juge. Ce dispositif est néanmoins de nature à encourager le recours aux modes alternatifs de règlement des différends en ce qu’il permet d’accélérer l’attribution de la force exécutoire à l’accord voulu par les parties.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 29 bis (nouveau)
(art. 212, 215, 216 [nouveau] et 217 [nouveau] de la loi n° 95 125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile)
Création d’un Conseil de la médiation et précision de l’obligation d’indépendance du médiateur

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Résultant de l’adoption de trois amendements, l’un du Gouvernement, les deux autres Mme Laurianne Rossi, cet article modifie la loi n° 95‑125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative afin de favoriser la qualité de la procédure de médiation, dont la Commission soutient le développement, au moyen de plusieurs outils.

1.   La création d’un Conseil national de la médiation

Face au constat d’une insuffisante organisation de la profession de médiateur, l’idée de la création d’une instance dédiée à la médiation a été plusieurs fois avancée dans le cadre de rapports récents([590]). En effet, la médiation n’est pas une profession réglementée, mais une activité libérale. Dépourvue de statut encadrant son exercice et recouvrant une activité diversifiée, il est apparu nécessaire, dans le contexte actuel de développement des modes alternatifs de règlement des différends dont profite la médiation, de confier à une instance nationale la mission de réfléchir aux évolutions susceptibles d’améliorer sa pratique.

Instance de propositions, mais aussi de promotion de la médiation, ce conseil national de la médiation sera placé auprès du ministre de la justice.

Il sera composé de personnalités qualifiées, de représentants des associations intervenant dans le champ de la médiation, mais aussi des administrations, des juridictions de l’ordre judiciaire et des professions du droit. Cette composition diversifiée sera à même d’enrichir les réflexions du Conseil auquel la loi confie quatre missions, toutes destinées à favoriser l’amélioration de la pratique de la médiation.

Le Conseil sera ainsi chargé de :

– rendre des avis dans le domaine de la médiation et proposer des pistes d’amélioration aux pouvoirs publics ;

– proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation ;

– proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs ;

– émettre des propositions sur les conditions d’inscription des médiateurs sur la liste des médiateurs dressée par chaque cour d’appel.

2.   La garantie d’indépendance du médiateur

L’article 21‑2 de la loi n° 95‑125 liste les obligations déontologiques du médiateur, tenu d’accomplir sa mission « avec impartialité, compétence et diligence ». La notion d’indépendance est omise de cette rédaction, alors même qu’il s’agit d’une garantie indispensable à l’exercice de la médiation, qui doit notamment conduire à éviter les conflits d’intérêts.

D’ailleurs, l’article 131‑5 du code de procédure civile, qui énumère les conditions auxquelles doit satisfaire le médiateur, précise en son 5° qu’il est tenu de « présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation ». Il est en conséquence apparu opportun à la Commission de coordonner ces deux textes en adoptant un amendement présenté par Mme Laurianne Rossi proposant d’inclure également, au sein de la loi de 1995, la garantie d’indépendance du médiateur.

3.   L’accord de médiation exécutoire

La Commission a adopté un amendement de coordination de Mme Laurianne Rossi visant à modifier cette même loi n° 95-125, en son article 21‑5, pour y préciser que les parties peuvent rendre leur accord de médiation exécutoire dans les conditions prévues à l’article L. 111‑3 du code des procédures civiles d’exécution.

L’article 21‑5 de la loi précitée dispose que « l’accord auquel parviennent les parties peut être soumis à l’homologation du juge, qui lui donne force exécutoire ». Or, l’article 29 du projet de loi, adopté sans modification par la Commission, prévoit de faciliter l’obtention de la qualité de titre exécutoire pour les accords issus de modes alternatifs de règlement des différends, dont fait partie la médiation. Cet article ouvre un choix pour les parties. Celles-ci pourront toujours demander l’homologation de leur accord par le juge afin de lui voir conférer la force exécutoire. Elles pourront désormais également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, sur l’accord contresigné par les avocats de chacune des parties.

La mesure de coordination adoptée permet de tirer les conséquences de cette nouvelle possibilité en l’inscrivant également au sein de l’article de la loi de n° 95-125 relatif à la façon de rendre exécutoire un accord de médiation. Cette mesure présente en outre l’intérêt de mettre davantage en évidence la réforme proposée à l’article 29 du projet de loi.

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Article 29 ter (nouveau)
(art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Extension du recours préalable obligatoire à l’un des modes alternatifs de règlement des différends aux troubles anormaux de voisinage

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Résultant de l’adoption d’un amendement de Mme Laurianne Rossi, cet article étend l’obligation du recours préalable obligatoire à l’un des modes alternatifs de règlement des différends aux troubles anormaux de voisinage.

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Le nouvel article 29 ter modifie l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui, dans sa dernière version modifiée par l’article 4 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, impose aux parties, lorsque la demande tend au paiement d’une somme d’argent n’excédant pas 5 000 euros ou est relative à un conflit de voisinage, de faire précéder la saisine du juge judiciaire d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

L’article 750‑1 du code de procédure civile précise que le juge peut prononcer d’office l’irrecevabilité de la demande si celle-ci n’est pas précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. Il circonscrit en outre la notion de conflit de voisinage en dressant la liste des actions qu’elle recouvre, qui comprend les actions mentionnées aux articles R. 211‑3‑4 et R. 211‑3‑8 du code de l’organisation judiciaire. Les actions concernées sont les suivantes :

– actions en bornage ;

– actions relatives à la distance prescrite pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;

– actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil, qui mentionne notamment la construction de puits, fosses d’aisances, cheminées ou étables ;

– actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;

– contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152‑14 à L. 152‑23 du code rural et de la pêche maritime et les articles 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;

– contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004‑632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Cette énumération n’inclut pas les troubles anormaux du voisinage, qui résultent d’une construction jurisprudentielle fondée sur les articles 544 et 1382 du code civil, le premier disposant que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » et le second posant de manière générale le principe de responsabilité. La lecture combinée de ces deux articles aboutit à ce que le droit pour un propriétaire de jouir de son bien est limité par l’obligation de ne causer aucun dommage aux tiers dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Le juge appréciera le caractère normal du trouble invoqué, qui peut être de toute nature (sonore, olfactif, visuel…) afin, le cas échéant, d’engager la responsabilité du fauteur de trouble.

Ces troubles anormaux du voisinage n’étaient pas concernés par l’obligation de recours préalable obligatoire à l’un des modes alternatifs de règlement des différends, alors même que les litiges dont il est question se prêtent particulièrement bien, tant en raison de la matière concernée que des montants en jeu, à une tentative de définition d’un accord entre les parties. Le présent article adopté par la Commission permet de remédier à cette difficulté en étendant ce recours préalable obligatoire aux troubles anormaux du voisinage.

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Article 30
(art. 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)
Délivrance de titre exécutoire par le CNB en cas de non-règlement des cotisations par les avocats

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 30 permet au Conseil national des barreaux d’émettre des titres exécutoires pour le recouvrement des cotisations annuelles non payées par les avocats.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 81 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a supprimé, à l’article 21‑1 de la loi n°71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires, l’alinéa posant le principe de l’affectation de certaines ressources au Conseil national des barreaux pour le financement de l’aide juridique, appelé à être intégralement porté par le budget général.

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a complété l’article 21-1 précité à deux reprises. L’article 22 a confié au Conseil national des barreaux la mission d’établissement, de mise à jour et de mise à disposition en ligne d’un annuaire national des avocats inscrits au tableau national d’un barreau, sur la base des informations communiquées par les conseils de l’ordre. L’article 23 lui a conféré le pouvoir de déterminer, en concertation avec le ministère de la Justice, les modalités de mise en œuvre du réseau indépendant à usage privé des avocats aux fins d’interconnexion avec le réseau privé virtuel justice.

1.   L’état du droit

L’article 21-1 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires définit les missions du Conseil national des barreaux mais ne fait plus référence à son financement. Celui-ci est prévu à l’article 37 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, qui précise que les ressources du Conseil national des barreaux sont notamment constituées par une cotisation annuelle à la charge des avocats inscrits à un tableau ou sur la liste du stage.

Le montant de la cotisation annuelle, fixé chaque année par une résolution du conseil national des barreaux, s’élève en 2021 au montant de 390 euros, et, par exception, à 190 euros pour les avocats ayant moins de deux années d’exercice.

Si l’article 105 du décret précité précise que l’avocat qui, sans motif valable, n’acquitte pas dans les délais prescrits sa cotisation « peut-être omis du tableau », aucun dispositif ne permet au Conseil national des barreaux d’émettre un titre exécutoire pour recouvrer les sommes impayées.

L’article 17 de la loi n° 71‑1130 précitée confie aux conseils de l’ordre, qui fixent le montant des cotisations des avocats relevant de leur ressort, d’en poursuivre le recouvrement. Parmi ces cotisations figurent la cotisation ordinale, la cotisation d’assurance responsabilité civile, mais également la cotisation pour le conseil national des barreaux.

La difficulté tient à ce que les bâtonniers refusent souvent de poursuivre leurs confrères ([591]), de sorte que, pour recouvrer les cotisations impayées, le Conseil national doit mener des actions juridictionnelles contre les avocats débiteurs.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet de permettre au Conseil national des barreaux de délivrer un titre exécutoire contre les avocats qui ne paieraient pas leurs cotisations, après une mise en demeure, et sauf opposition devant le juge compétent.

Répondant à une demande du Conseil national des barreaux, ce dispositif vise à faciliter le recouvrement des cotisations impayées qui engendre actuellement un contentieux réel puisque l’étude d’impact fait état de l’engagement de plus de 2000 procédures de recouvrement entre 2015 et 2019.

Une première tentative de réforme a été menée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. L’article 106 du texte définitif disposait qu’en cas de non-paiement de la cotisation annuelle par les avocats, le Conseil national des barreaux « délivre, à l’encontre des avocats redevables, un titre exécutoire constituant une décision à laquelle sont attachés les effets d’un jugement, au sens du  de l’article L. 1113 du code des procédures civiles d’exécution ». Cette disposition introduite par amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale avait fait l’objet d’un avis de sagesse du rapporteur de la Commission des lois qui s’était étonné que l’entité fixant le montant de la cotisation et la recouvrant puisse également disposer du droit de recourir à un titre exécutoire. Finalement censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif, sur le fondement de l’article 45 de la Constitution ([592]), la disposition n’a pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité au fond.

Ce dispositif s’inspirait de celui déjà existant en matière de recouvrement des sommes dues par chaque ordre des avocats au titre du financement des centres régionaux de formation. L’article 14‑1 de la loi du 31 décembre 1971 offre en effet la possibilité au Conseil national des barreaux de procéder au recouvrement de la contribution de la profession d’avocat, due par chaque ordre des avocats, pour le financement des centres régionaux de formation professionnelle. Dans ce cas de figure, l’article précité dispose qu’« à défaut de paiement de cette participation dans un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure de payer, le Conseil national des barreaux délivre, à l’encontre de l’ordre redevable, un titre exécutoire constituant une décision à laquelle sont attachés les effets d’un jugement au sens du 6° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution ».

La réforme aujourd’hui proposée à l’article 30 se distingue néanmoins de ce précédent de 2016 en ce que le dispositif précise cette fois que le Conseil national des barreaux rend une décision qui produit les effets d’un titre exécutoire « à défaut d’opposition du débiteur ». Cette réserve, qui n’existe pas dans le dispositif relatif au recouvrement des sommes dues au titre du financement des centres régionaux de formation, permet de prendre en considération le fait qu’il s’agit ici des cotisations individuelles payées par les avocats. Ces derniers conservent donc la possibilité, face à une décision de recouvrement du Conseil national des barreaux, d’en contester le bien-fondé en saisissant le juge.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 31
(art. 216, 375, 475-1 et 618-1 du code de procédure pénale ; art. 761-1 du code de justice administrative ; art. L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales et art. 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique)
Production des justificatifs de frais de justice

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise les parties à une instance devant le juge pénal, le juge administratif ou la commission du contentieux du stationnement payant, à produire les justificatifs des frais de justice dont elles demandent le paiement au titre des frais irrépétibles.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 243 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a modifié l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique afin de prévoir que la somme que la partie condamnée peut être tenue de payer à l’avocat de la partie adverse, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, au titre des frais irrépétibles, ne peut être inférieure à la part contributive de l’État, majorée de 50 %.

L’article 65 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a précisé à l’article 475 du code de procédure pénale que le tribunal peut condamner au paiement des frais irrépétibles non seulement l’auteur de l’infraction mais aussi la personne condamnée civilement en application de l’article 470-1 du même code.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination de votre rapporteur afin de transposer le dispositif de présentation des justificatifs des frais de justice devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel.

1.   L’état du droit

a.   Définition des frais irrépétibles

Les frais irrépétibles se définissent négativement comme étant ceux exposés par les parties dans le cadre d’une instance, et non compris dans les dépens.

Les dépens correspondent aux frais tarifés imposés à la partie pour poursuivre le déroulement du procès. En matière civile, ils sont énumérés à l’article 695 du code de procédure civile et comprennent par exemple les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l’administration des impôts, les frais de traduction des actes, les indemnités des témoins, la rémunération des techniciens ou encore les émoluments des officiers publics ou ministériels.

Les frais irrépétibles, qui correspondent donc à des frais non imposés, incluent principalement les honoraires d’avocats, les frais de déplacement et de séjour pour les besoins du procès, ou encore la rémunération d’experts qui ne seraient pas désignés par le juge.

À l’origine, ces frais demeuraient à la charge de la partie qui les avait engagés, indépendamment de l’issue du procès, d’où leur appellation de frais « irrépétibles ». Cette terminologie a perduré en dépit de l’article 700 du code de procédure civile, qui a instauré la possibilité pour le juge de les mettre à la charge de la partie perdante.

b.   L’indemnisation des frais irrépétibles en matière civile : l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile permet à la partie gagnante d’une instance de demander au juge la condamnation de la partie tenue au paiement des dépens ou, à défaut, de la partie perdante, le paiement d’une somme « au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Cet article est applicable pour toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale.

La condamnation au paiement des frais irrépétibles doit nécessairement être demandée par la partie à l’instance : contrairement au principe applicable en matière de condamnation aux dépens, le juge ne peut allouer à une partie une indemnité sur le fondement de l’article 700 que sur demande expresse de celle-ci. La partie est tenue de chiffrer le montant demandé, mais la loi ne prévoit pas la production de pièces justificatives.

Pour prendre sa décision, le juge doit tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il le fait sur le fondement de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, ce qui le dispense de motiver sa décision.

Si la partie gagnante est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale, le juge peut décider du versement, à son avocat, d’une somme au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés s’il n’avait pas bénéficié de cette aide et qui ne peut être inférieure au barème de l’aide juridictionnelle.

c.   La transposition de l’article 700 du code de procédure civile en matière pénale et administrative

Si l’article 700 du code de procédure civile n’est pas applicable devant les juridictions pénales et administratives, le même mécanisme a été inscrit dans la loi pour les contentieux ne relevant pas de la matière civile, de sorte que l’appréciation par le juge des frais irrépétibles fait preuve de cohérence quelle que soit la juridiction concernée.

En matière pénale, le dispositif relatif aux frais irrépétibles figure à l’article 375 du code de procédure pénale pour les frais engagés devant les cours d’assises, à l’article 475-1 du même code pour les frais engagés devant le tribunal correctionnel, le tribunal de police et la juridiction de proximité ([593]), et à l’article 618‑1 dudit code pour les frais engagés devant la Cour de cassation statuant en matière pénale.

En matière administrative, c’est l’article L. 761-1 du code de justice administrative qui reprend ce dispositif. Le juge y apprécie également souverainement s’il y a lieu ou non de faire droit aux conclusions présentées, sans obligation de motiver spécifiquement sa demande : le juge peut se borner à évoquer les « circonstances de l’espèce » ([594]).

Enfin, le même principe est inscrit à l’article L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales s’agissant des frais engagés devant la commission du contentieux du stationnement payant.

Tous les articles précités, rédigés de façon analogue, reprennent les deux principes selon lesquels le juge détermine la somme qu’il retient au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

En pratique, quel que soit le contentieux envisagé, la somme déterminée par le juge ne correspond qu’à une fraction des frais réellement engagés par la partie gagnante. En effet, le juge ne dispose pas, pour statuer, des justificatifs des frais que les parties déclarent avoir avancés. En particulier, le juge ne peut se fonder sur les factures des honoraires acquittés à l’avocat. Cette absence de justification peut conduire à une indemnisation forfaitaire, peu en prise avec la réalité des sommes effectivement dépensées pour assurer la défense.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article permet aux parties de produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent au titre des frais exposés non compris dans les dépens, dans le but de renforcer l’adéquation des montants alloués par le juge au titre de l’indemnité liée aux frais irrépétibles. Le faible montant de la somme allouée en la matière peut en effet constituer un important frein à l’accès au juge, que la présente réforme entend lever.

Le dispositif retenu fait écho à la proposition formulée par le rapport de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat présidée par Dominique Perben, déposé en juillet 2020. Soulignant qu’il est rare que les décisions rendues sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile couvrent l’ensemble des frais exposés par la partie gagnante au titre de ses frais d’avocat, le rapport constate que la partie gagnante s’en trouve « pénalisée alors même que le juge a fait droit à ses demandes ». Il préconise d’introduire la possibilité de motiver l’allocation des sommes accordées au titre des frais irrépétibles sur le fondement des pièces introduites par les avocats pour justifier des demandes présentées à ce titre.

Le Gouvernement a décidé de retenir cette proposition et procédera, par voie réglementaire, à la modification de l’article 700 du code de procédure civile. Afin d’appliquer cette réforme de manière uniforme à toutes les juridictions, le présent article procède à la même modification dans toutes les dispositions de nature législative relatives au paiement des frais irrépétibles en matière pénale et administrative.

Le dispositif proposé ouvre une possibilité et n’impose aucune obligation de production des justificatifs.

Cette précision permet de surmonter une difficulté liée à l’obligation de secret professionnel des avocats, tout en prenant en considération la réticence de certains avocats de fournir le montant de leurs honoraires.

La Cour de cassation a jugé que l’obligation au secret professionnel de l’avocat est générale et absolue, et que l’avocat ne peut en être délié par son client, à moins que la loi n’en dispose autrement ([595]). La chambre commerciale a aussi pu préciser que les factures d’honoraires de l’avocat sont couvertes par le secret professionnel lorsqu’elles sont jointes à une correspondance elle-même couverte par le secret ([596]). L’ouverture légale de la possibilité de produire ces justificatifs en justice est donc de nature à lever tout doute sur la possibilité de produire les notes d’honoraires aux fins de paiement des frais irrépétibles, sans toutefois en faire une obligation.

Le pouvoir d’appréciation du juge n’est pas affecté par la réforme. Ce dernier conserve son pouvoir d’appréciation tant pour fixer le montant de la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles que pour décider s’il y a lieu de prononcer ou non une telle condamnation. Le juge pourra ainsi toujours tenir compte de considérations d’équité ou de la situation économique de la partie condamnée, l’idée de la réforme étant de faciliter l’appréciation des frais de justice par le juge sans lier la compétence afin d’éviter, comme le souligne l’étude d’impact, « tout risque de surenchérissement du coût de la justice ».

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination de votre rapporteur qui, aux fins d’harmonisation, vise à inscrire la possibilité pour les parties de présenter les justificatifs de leurs frais de justice devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel.

Le présent article modifie l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour prévoir que dans toutes les instances, les parties peuvent produire les justificatifs des frais de justice dont elles demandent le paiement au titre des frais irrépétibles. Le dispositif est ensuite transposé dans chaque article codifié spécifique au remboursement des frais irrépétibles. Or, l’article 216 du code de procédure pénale, qui prévoit le même dispositif devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel, n’a pas été modifié. Par soucis de clarté et de pédagogie, cet amendement de votre rapporteur a donc procédé à la même modification à l’article 216 du code pénal.

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TITRE VI
Dispositions diverses et transitoires

Article 32
Habilitation à légiférer par ordonnance en matière d’entraide pénale internationale

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi visant à adapter le code de procédure pénale aux évolutions induites par plusieurs règlements et directives européennes en matière d’entraide pénale internationale.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, adopté le 14 novembre 2018, fixe le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation au sein des juridictions de l’Union européenne et harmonise les procédures d’émission des demandes.

Le règlement (UE) 2018/1727 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018, relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), remplace et abroge la décision 2002/187/JAI du Conseil.

L’article 103 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures modifie des articles du code de procédure pénale pour rapprocher, par souci d’harmonisation des procédures, les règles applicables au mandat d’arrêt européen, à la procédure simplifiée d’extradition et à la procédure d’extradition de droit commun.

La directive (UE) 2019/884 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 a modifié la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 et remplacé la décision-cadre 2009/316/JAI du 6 avril 2009 pour faire évoluer le système européen d’échange d’informations sur les casiers judiciaires, dit système ECRIS.

Le règlement (UE) 2019/816 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 prévoit la création d’un système centralisé permettant d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides (ECRIS-TCN), qui vise à compléter le système européen d’information sur les casiers judiciaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur, ainsi qu’un amendement du Gouvernement l’autorisant à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour tirer les conséquences de la décision n° 2021-899 QPC du Conseil constitutionnel du 23 avril 2021 concernant la peine de confiscation.

1.   L’adaptation du dispositif de reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation

a.   L’état du droit

Des procédures d’entraide applicables au sein de l’Union européenne permettent à l’autorité judiciaire de l’État d’émission de solliciter les autorités de l’État d’exécution pour geler ou confisquer en urgence un bien se trouvant sur le territoire de ce dernier.

● La procédure applicable en matière de gel est prévue à la section 5 du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale.

La décision de gel de bien y est définie comme « la décision prise par une autorité judiciaire d’un État membre de l’Union européenne, appelé État d’émission, afin d’empêcher la destruction, la transformation, le déplacement, le transfert ou l’aliénation d’un bien susceptible de faire l’objet d’une confiscation et se trouvant sur le territoire d’un autre État membre, appelé État d’exécution ».

La liste limitative des biens susceptibles d’être gelés comprend « tout bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel, ainsi que tout acte juridique ou document attestant d’un titre ou d’un droit sur ce bien, dont l’autorité judiciaire de l’État d’émission estime qu’il est le produit d’une infraction ou correspond en tout ou partie à la valeur de ce produit, ou constitue l’instrument ou l’objet d’une infraction ».

Elle exclut en revanche tout objet, document ou donnée susceptible de servir de pièce à conviction, même s’il s’agit du produit d’une infraction, qui doit, le cas échéant, faire l’objet d’une décision d’enquête européenne.

● La procédure de confiscation est décrite au chapitre III du titre Ier du livre V du même code.

La décision de confiscation est définie comme étant la peine ou la mesure définitive ordonnée par une juridiction d’un État membre de l’Union européenne, appelé État d’émission, à la suite d’une procédure portant sur une ou plusieurs infractions pénales, aboutissant à la privation permanente d’un ou plusieurs biens.

Les décisions de confiscation qui peuvent donner lieu à la transmission ou à l’exécution dans un autre État sont celles qui confisquent des biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, ainsi que tout acte juridique ou document attestant d’un titre ou d’un droit sur ce bien, au motif qu’ils constituent l’instrument ou l’objet d’une infraction, le produit d’une infraction ou correspondent en tout ou en partie à la valeur de ce produit, ou qu’ils sont passibles de confiscation en application de toute autre disposition de la législation de l’État d’émission bien qu’ils ne soient pas l’instrument, l’objet ou le produit de l’infraction.

Dans le cadre de ces deux procédures, c’est l’autorité judiciaire de l’État d’émission qui transmet directement la demande aux autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne, appelés États d’exécution, ou qui exécute, sur leur demande, une décision de confiscation de biens ou de gel de biens.

Afin d’autoriser le contrôle de l’authenticité de la décision, l’autorité judiciaire ayant ordonné la mesure est tenue de l’accompagner d’un certificat comprenant un certain nombre de mentions (date et objet de la décision de gel ou de confiscation, motifs de la décision, signature de l’autorité judiciaire etc.).

Le règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation est entré en vigueur le 19 décembre 2020. Il remplace deux décisions-cadres dont l’application par les États manquait d’uniformité, au détriment de l’efficacité de la coopération.

Le règlement 2018/1805 vise donc à faciliter l’entraide européenne en matière de mesures judiciaires de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Il fixe le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation au sein des juridictions de l’Union européenne.

Il vise à accélérer la coopération judiciaire, souvent trop lente en matière d’exécution des décisions de gel et de confiscation, en procédant à l’harmonisation des procédures d’émission des demandes, de reconnaissance et d’exécution.

Sauf difficulté particulière, il prévoit notamment que les décisions de gel doivent être reconnues et exécutées dans un délai de 48 heures. Les décisions de confiscation doivent quant à elle être exécutées sans délai, et au plus tard 45 jours après réception du certificat de confiscation.

b.   Le dispositif proposé

Bien que le règlement visé soit d’application directe, l’étude d’impact fait état de la nécessité de clarifier l’articulation des compétences s’agissant des décisions de gel et de confiscation.

Le présent article permettra donc au Gouvernement de modifier par ordonnances le code de procédure pénale afin de désigner expressément les magistrats en charge d’appliquer les décisions de gel et de confiscation et de préciser les voies de recours applicables.

Dans la mesure où le règlement 2018/1805 ne sera pas applicable au Danemark et à l’Irlande, le choix a été fait de reprendre le dispositif jusqu’à présent retenu sous l’empire des deux décisions-cadres antérieures au règlement précité, qui continueront de s’appliquer dans les rapports avec ces deux pays.

2.   Les mesures d’adaptation liées à l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust)

a.   L’état du droit

Le règlement (UE) 2018/1727 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018, relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust) et remplaçant et abrogeant la décision 2002/187/JAI du Conseil est entré en vigueur le 12 décembre 2019.

L’Agence Eurojust soutient la coopération et la coordination judicaires entre les autorités nationales, en procédant à la coordination des enquêtes et des poursuites. Instituée pour faciliter la lutte contre les formes graves de criminalité touchant plusieurs pays de l’Union européenne, elle peut adresser au procureur général ou au juge d’instruction un avis sur la manière de résoudre un conflit de compétences. Par l’intermédiaire du « membre national », elle peut aussi informer le procureur général des infractions dont elle a connaissance ou lui demander de faire procéder à une enquête ou de faire engager des poursuites. Elle peut encore lui demander de dénoncer ou de faire dénoncer des infractions aux autorités compétentes d’un autre État membre de l’Union européenne,

L’article 695‑8 du code de procédure pénale désigne le membre national d’Eurojust. Il s’agit d’un « magistrat hors hiérarchie mis à disposition de l’unité Eurojust pour une durée de quatre ans par arrêté du ministre de la justice ». Le ministre de la justice peut lui adresser des instructions.

b.   Le dispositif proposé

Le présent article permettra au Gouvernement d’actualiser par ordonnances les dispositions du code de procédure pénale relatives à l’entraide judiciaire pénale afin qu’elles soient adaptées aux modifications opérées par le règlement 2018/1727.

Les dispositions des sections 3 et 4 du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale, intitulées « De l’unité Eurojust » et « Du membre national d’Eurojust » sont issues des articles 9 et 10 de la loi n° 2013‑711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France. Cette loi avait permis l’adaptation en droit français des principes contenus dans la décision 2009/426JAI du Conseil du 16 décembre 2008, que le règlement 2018/1727 a fait évoluer. Il apparaît dès lors nécessaire d’actualiser ces dispositions du code de procédure pénale afin :

– d’ajuster les modalités et le formalisme des échanges entre les autorités ;

– d’adapter la qualification pénale de certaines infractions relevant de la compétence d’Eurojust ;

– d’actualiser la terminologie utilisée dans les dispositions relatives à Eurojust : le code de procédure pénale se réfère en effet toujours à « l’unité Eurojust », désormais désignée par les termes « Agence Eurojust » ;

– d’augmenter la durée des mandats de ses représentants nationaux : l’article 7 du règlement prévoit que le mandat des membres nationaux et de leurs adjoints est d’une durée de cinq ans et est renouvelable une seule fois, alors que la version actuelle de l’article 695‑8 du code de procédure pénale fixe cette durée à quatre ans.

3.   L’extension du champ de la procédure simplifiée d’extradition

a.   L’état du droit

La procédure simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne, issue de la convention faite à Bruxelles le 10 mars 1995 ([597]), a été codifiée aux articles 696-25 à 696-33 du code de procédure pénale. Elle se distingue de la procédure d’extradition de droit commun par sa célérité.

La procédure d’extradition de droit commun, prévue aux articles 696‑8 à 696‑24­‑1 du code de procédure pénale, exige que toute demande d’extradition soit adressée au gouvernement français par voie diplomatique. Seul le gouvernement de l’État requérant est habilité à adresser sa demande au gouvernement de l’État requis : dans les faits, la demande passe par le ministre des affaires étrangères qui contactera son homologue étranger, ce qui est de nature à ralentir considérablement la procédure.

C’est la raison pour laquelle les États membres de l’Union européenne ont la possibilité, lorsque le mandat d’arrêt européen ne trouve pas à s’appliquer, de recourir à la procédure simplifiée d’extradition, qui écarte la voie diplomatique et débute par la demande d’arrestation provisoire formée par un État membre de l’Union européenne.

La personne réclamée se voit notifier, dans un délai de trois jours à compter de son incarcération, par le procureur général, les pièces en vertu desquelles l’arrestation a eu lieu. La personne est informée qu’elle peut consentir à son extradition devant la chambre de l’instruction selon la procédure simplifiée, qu’elle peut renoncer à la règle de la spécialité qui implique que la personne ne peut être poursuivie ou condamnée pour une infraction autre que celle ayant fondé l’extradition, et qu’elle peut être assistée d’un avocat.

Si la personne déclare au procureur vouloir consentir à l’extradition, elle comparaîtra, dans un délai de cinq jours, devant la chambre de l’instruction qui constatera si les conditions légales de l’extradition sont remplies. Si tel est le cas, la chambre de l’instruction rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne réclamée de son consentement formel à être extradée, le cas échéant de sa renonciation à la règle de spécialité, et accorde l’extradition. En l’absence de recours, une fois cet arrêt définitif, le procureur général en avise le ministre de la justice qui informe les autorités compétentes de l’État requérant, et prend les mesures nécessaires pour que la personne extradée soit remise aux autorités de l’État requérant dans un délai de vingt jours.

La procédure simplifiée d’extradition est subordonnée au consentement de la personne réclamée. Si cette dernière déclare au procureur ou à la chambre de l’instruction ne pas consentir à son extradition, c’est la procédure de droit commun de l’extradition qui trouvera à s’appliquer.

b.   Le dispositif proposé : l’extension de la procédure simplifiée d’extradition

Le 2° du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures d’adaptation nécessaires à l’extension des cas de recours à l’extradition simplifiée afin de faciliter et d’accélérer la recherche et l’arrestation des personnes devant être extradées.

Actuellement, la procédure simplifiée d’extradition ne s’applique qu’aux États membres de l’Union européenne, et à condition que la personne requise consente à son extradition.

Les ordonnances étendront le recours à la procédure simplifiée d’extradition dans le cas où la personne réclamée consent non pas à son extradition, mais à l’extension de son extradition initiale.

Par ailleurs, les ordonnances permettront l’application de cette procédure aux demandes d’extradition faites par des États non européens parties au troisième protocole additionnel, en date du 10 novembre 2010, à la convention européenne d’extradition du 13 septembre 1957 ([598]).

La loi n° 2020‑1237 du 9 octobre 2020 a autorisé la ratification des deuxième, troisième et quatrième protocoles additionnels à la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Le troisième protocole additionnel pose l’obligation, entre les parties contractantes à la convention et à ce protocole, d’extrader entre elles selon la procédure simplifiée. Celle-ci s’applique aux personnes poursuivies pour une infraction ou recherchées aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la partie requérante, sous réserve du consentement de ces personnes et de l’accord de l’État requis.

4.   La prise en compte de l’évolution du système européen d’échange d’informations sur les casiers judiciaires ECRIS

a.   L’état du droit

Le système européen d’échange d’informations sur les casiers judiciaires ECRIS, mis en service en avril 2012, permet aux États membres de l’Union européenne de partager facilement des informations sur les condamnations pénales.

Il établit les interconnexions électroniques entre États membres et met en place des règles pour que les informations sur les condamnations qui figurent dans les systèmes de casier judiciaire des États membres puissent être aisément et rapidement échangées. Cela est rendu possible par la définition de formats électroniques standardisés, qui permettent d’unifier la présentation des données.

Les informations relatives aux casiers judiciaires sont enregistrées dans les bases de données des États membres et régulièrement mises à jour. Sur demande, ces informations sont adressées à un État membre. Par ailleurs, chaque État condamnant un non ressortissant doit envoyer à l’État membre de nationalité de la personne condamnée, dans de brefs délais, les informations relatives à la condamnation. Le système ECRIS repose donc sur un système décentralisé, puisqu’il repose non pas sur la création d’un fichier commun, mais sur l’échange d’informations entre les États membres à partir de leurs propres bases de données nationales.

La directive (UE) 2019/884 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 fait évoluer ce système ECRIS afin d’améliorer notamment le traitement des données relatives aux ressortissants de pays tiers.

La transposition de cette directive, qui doit être réalisée avant le 28 juin 2022, conditionne l’applicabilité du règlement (UE) 2019/816 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 qui crée le système centralisé ECRIS-TCN. Le règlement définit les règles de création du système centralisé, énumère les données qui y seront enregistrées et définit les droits d’accès.

Ce système permettra d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides et complète le système ECRIS afin de permettre ensuite la communication des informations obtenues. Par ailleurs, il prévoit d’inclure dans les bases de données nationales des données dactyloscopiques des ressortissants de pays tiers et des apatrides. Les informations relatives à la condamnation devront toujours faire l’objet d’une demande par le système ECRIS pour être communiquées.

b.   Le dispositif proposé

L’étude d’impact souligne que le Gouvernement procédera à une « transposition constructive, laissant à la loi le soin de définir les principes et les conditions générales relatives à l’enregistrement et la transmission des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides ».

Le code de procédure pénale sera modifié afin de permettre l’interconnexion entre les bases de données nationales du Casier judiciaire national et le système ECRIS-TCN.

L’ordonnance tirera par ailleurs les conséquences juridiques, en droit interne, de la mise en place de ce traitement de données européen et de l’inclusion des données dactyloscopiques des ressortissants pays tiers et des apatrides, comme de celles des ressortissants nationaux.

Toutes les ordonnances seront prises dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, ce délai étant justifié par la technicité des mesures envisagées.

Le projet de loi de ratification sera quant à lui déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.

5.   La position de la Commission

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement l’habilitant, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour tirer les conséquences de la décision n° 2021‑99 QPC du Conseil constitutionnel du 23 avril 2021.

L’article 225‑25 du code pénal prévoit que la confiscation peut porter sur les biens dont les personnes ont seulement la libre disposition, « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ». Or, le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, a relevé qu’« aucune disposition législative ne prévoit que le propriétaire dont le titre est connu, ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ». Il a en conséquence jugé que les mots prévoyant la réserve des droits de propriétaire de bonne foi étaient contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel ayant décidé de moduler dans le temps les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité ainsi prononcée, les mots censurés de l’article 225‑25 du code pénal seront abrogés à compter du 31 décembre 2021.

Cette habilitation à légiférer par ordonnance permettra au Gouvernement de tirer rapidement les conséquences de cette déclaration d’inconstitutionnalité en inscrivant dans le code pénal la procédure selon laquelle face à une procédure de confiscation les propriétaires seront mis en mesure de présenter leurs observations.

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Article 33
(art. L. 124-2 du code de l’organisation judiciaire)
Délocalisation des audiences hors normes dans le ressort de la même cour d’appel

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 33 élargit la possibilité de délocaliser un procès aux fins de garantir la bonne administration de la justice dans toute commune située dans le ressort de la cour d’appel dont relève la juridiction concernée.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 103 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé l’article 124-2 du code de l’organisation judiciaire qui prévoit la possibilité, lorsqu’une audience ne peut être matériellement tenue dans le respect des droits des parties ou dans des conditions garantissant la bonne administration de la justice, de la délocaliser dans une commune située dans le ressort d’une juridiction limitrophe.

1.   L’état du droit

L’article L. 124-2 du code de l’organisation judiciaire ouvre la possibilité pour une juridiction de tenir une audience dans une commune située dans le ressort d’une juridiction limitrophe.

Introduit par un amendement des rapporteurs de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, ce dispositif vise à « améliorer l’efficacité de l’organisation judiciaire pour la tenue des audiences dont le nombre de parties, la médiatisation, ou la durée confrontent la juridiction à des difficultés matérielles insurmontables. »

La possibilité de délocaliser la tenue d’une audience exceptionnelle est ouverte dans deux cas :

– lorsque l’audience ne peut être matériellement tenue dans le respect des droits des parties ;

– lorsqu’elle ne peut être organisée dans des conditions garantissant la bonne administration de la justice.

La décision de délocalisation est prise par ordonnance du premier président de la cour d’appel, qui fixe le lieu et le jour des audiences, après avis du procureur général.

La délocalisation doit, en l’état actuel du droit, avoir lieu dans une commune située dans le ressort d’une juridiction limitrophe.

Un dispositif analogue a été introduit par la même loi n° 2019-222 pour permettre aux juridictions à compétence nationale de tenir des audiences dans toute commune du territoire national ([599]). Mais, pour les juridictions dépourvues de compétence nationale, la limitation au ressort des juridictions limitrophes est un critère pouvant priver le chef de cour d’une solution qui aurait favorisé le droit des parties.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article modifie l’article L. 124-2 du code de l’organisation judiciaire pour étendre les options possibles en cas de nécessité de délocalisation d’un procès.

Il ajoute à la possibilité de délocalisation dans le ressort d’une juridiction limitrophe celle d’une délocalisation dans une commune située dans le ressort de la même cour d’appel.

L’étude d’impact souligne que le dispositif actuel de l’article L. 124‑2 ne permet pas de faire face à la difficulté d’organisation d’une audience lorsque les conditions matérielles d’organisation s’avèrent impossibles tant dans la juridiction d’origine que dans une commune située dans le ressort d’une juridiction limitrophe. Ce problème se pose avec une acuité particulière en Île-de-France, où les juridictions situées dans la grande couronne de Paris sont privées de la possibilité de délocaliser une audience dans les locaux du tribunal judiciaire de Paris, alors même qu’elles se situent dans le ressort de la même cour d’appel. Or, les locaux de ce tribunal judiciaire présentent le double avantage de proposer une bonne accessibilité pour les justiciables et de disposer d’infrastructures adaptées à l’organisation de grands procès.

La réforme proposée élargit donc le périmètre géographique au sein duquel un chef de cour peut décider, si cela s’avère nécessaire, de délocaliser un procès hors norme. Seule l’audience est délocalisée, ce qui signifie que le greffier et les magistrats du siège comme du parquet qui seront présents à l’audience relèveront de la juridiction dans laquelle aurait dû se tenir l’audience.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 34
(art. L. 211-21 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire)
Désignation de tribunaux judiciaires pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 34 prévoit la désignation d’un ou de plusieurs tribunaux judiciaires spécialement compétents pour traiter des actions relatives au devoir de vigilance des sociétés mères, prévues aux articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a inséré dans le code de commerce les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5, qui instituent un devoir de vigilance pour les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre.

1.   L’état du droit

a.   Contenu du devoir de vigilance

L’article L. 225-102-4 du code de commerce pose l’obligation, pour les entreprises soumises au devoir de vigilance, d’élaborer et de publier un plan de vigilance comportant les « mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » résultant de leur activité et de celle des sociétés qu’elles contrôlent.

Doivent obligatoirement figurer dans ce plan les éléments suivants :

– une cartographie des risques ;

– des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs, au regard de la cartographie des risques ;

– des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

– un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements ;

– un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

Sur le plan de la méthode, la loi précise que « le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société ».

Enfin, les sociétés sont soumises à une obligation de publication, non seulement du plan en lui-même, mais également du compte rendu de sa mise en œuvre effective. Il doit être publié au sein du rapport de gestion.

b.   L’ouverture de deux actions juridictionnelles visant à assurer le respect du devoir de vigilance.

Le respect du devoir de vigilance est garanti par deux mécanismes coercitifs de mise en demeure puis d’engagement de la responsabilité de son auteur.

● L’article L. 225-102-4 du code de commerce prévoit un mécanisme de mise en demeure et d’injonction à agir.

Toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut mettre en demeure la société de respecter les obligations tirées du devoir de vigilance. Si, passé un délai de deux mois, elle estime que la société ne satisfait toujours pas à ses obligations, elle peut saisir le tribunal compétent afin qu’il enjoigne à l’entreprise de respecter ses obligations, éventuellement sous astreinte. Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins.

● L’article L. 225-102-5 du code de commerce prévoit la possibilité d’engager la responsabilité de l’auteur du manquement au devoir de vigilance et de l’obliger à réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter.

L’action en responsabilité peut être introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d’un intérêt à agir. La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.

En outre, la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. En ce cas, les frais sont supportés par la personne condamnée.

c.   Une compétence juridictionnelle non définie pour connaître des actions fondées sur le devoir de vigilance

Aucune règle de compétence juridictionnelle spécifique n’a été prévue dans la loi n° 2017-399 pour déterminer devant quel juge les actions de mise en demeure ou d’engagement de la responsabilité civile doivent être engagées.

À ce jour, aucune action en responsabilité fondée sur l’article L. 225‑102‑5 du code de commerce n’a encore été engagée. En revanche, plusieurs actions préventives fondées sur l’article L. 225‑102‑4 de commerce sont en cours, et confirment l’existence d’une incertitude réelle entre la compétence du tribunal judiciaire et celle du tribunal de commerce.

La Cour d’appel de Versailles, par deux arrêts du 10 décembre 2020 ([600]), a confirmé deux ordonnances du 30 janvier 2020 du président du tribunal judiciaire de Nanterre ([601]) qui s’est déclaré incompétent, au profit du tribunal de commerce statuant en référé, pour connaître de la demande d’injonction sous astreinte relative à la mise en œuvre du plan de vigilance. En l’espèce, la Cour d’appel a retenu la compétence du tribunal de commerce au motif qu’est « caractérisée l’existence d’un lien direct entre le plan de vigilance, son établissement et sa mise en œuvre, et la gestion de la société commerciale dans son fonctionnement, critère nécessaire et suffisant pour que la compétence du juge consulaire puisse être retenue ». Elle a par ailleurs exclu le droit d’option, qui permet à un demandeur non commerçant en présence d’un acte mixte, pour partie civil et commercial, de choisir de saisir le juge consulaire ou le tribunal judiciaire. La Cour d’appel a estimé que « la qualification du plan de vigilance d’acte de gestion d’une société commerciale telle que Total ne permet pas de retenir la qualification d’acte mixe ».

Mais une autre action judiciaire engagée auprès du Tribunal judiciaire de Nanterre contre la même entreprise française afin de lui enjoindre de mettre en conformité son plan de vigilance a abouti à une décision différente sur la question de compétence. Le juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Versailles a en effet rejeté, par une ordonnance du 11 février 2021 ([602]), l’exception d’incompétence matérielle dont il avait été saisi au motif que « la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l’absence de prévision d’une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l’engagement direct de la responsabilité sociale de la [société X] très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d’option, qu’elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu’elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce ». Le juge de la mise en état a donc cette fois retenu le droit d’option de compétence. La question reste ouverte de savoir si en appel, la Cour de Versailles confirmera cette analyse.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit que les actions relatives au devoir de vigilance, fondées sur les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce relèvent de la compétence d’un ou plusieurs tribunaux judiciaires spécialement désignés.

L’objectif de la réforme est de mettre un terme aux hésitations actuelles quant à l’identification du juge compétent pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance. La clarification de la question de la compétence juridictionnelle sera de nature à faciliter et accélérer le jugement des futures affaires, les procédures étant actuellement ralenties par la nécessité de trancher les exceptions d’incompétence soulevées par les parties.

Le choix de confier ce contentieux à une juridiction désignée s’inscrit dans un mouvement de spécialisation de la justice par matière et par juridiction dont l’objectif est, d’après l’étude d’impact, « d’assurer une plus grande efficacité de la réponse judiciaire, une spécialisation des magistrats et une adaptation aux besoins des territoires, tout en conservant l’ensemble des sites judiciaires ».

Le Conseil constitutionnel ([603]) a jugé que le législateur retient des critères objectifs et rationnels au nom de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice lorsqu’il autorise le pouvoir réglementaire à spécialiser, au sein d’un département, une juridiction au regard, d’une part, du faible volume des affaires concernées et, d’autre part, de la technicité des matières en cause. Le contentieux du devoir de vigilance répond à ces deux critères. S’agissant du volume des affaires concernées, à ce jour, l’étude d’impact précise que « moins de cinq procédures sont en cours devant les juridictions judiciaires ».

L’article L. 211-21 du code de l’organisation judiciaire créé par le présent article complète ainsi une sous-section 2 relative à la « compétence particulière à certains tribunaux judiciaires ».

La compétence retenue est celle du tribunal judiciaire au détriment du tribunal de commerce, et ce choix est justifié dans l’étude d’impact par plusieurs motifs.

D’abord, le contenu matériel du devoir de vigilance, qui vise à prévenir les atteintes envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, relève davantage de la compétence du tribunal judiciaire que du juge consulaire.

Ensuite, le tribunal judiciaire apparaît plus indiqué pour connaître des actions en responsabilité civile, qu’il a l’habitude de traiter.

Enfin, il semble préférable de préserver dès la première instance la compétence des tribunaux judiciaires en matière économique dans la mesure où le contentieux sera traité en appel et devant la Cour de cassation par des magistrats professionnels.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 35
(art. 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 20182022 et de réforme pour la justice)
Report de la réforme de la procédure d’injonction de payer

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 35 reporte de deux ans l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure d’injonction de payer devant le juge civil, prévue à l’article 27 de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et dont l’entrée en vigueur différée était inscrite au IX de l’article 109 de cette même loi.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 25 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne a procédé à un premier report de huit mois, du 1er janvier au 1er septembre 2020, de la réforme de la procédure d’injonction de payer.

1.   L’état du droit

La procédure d’injonction de payer est une procédure simplifiée permettant à certains créanciers d’obtenir rapidement et à moindre coût le recouvrement d’une créance impayée.

a.   La procédure d’injonction de payer avant la réforme de 2019 : un contentieux de masse décentralisé

i.   La procédure nationale d’injonction de payer

La procédure nationale d’injonction de payer, prévue par le code de procédure civile ([604]) permet au créancier d’obtenir le recouvrement d’une créance portant sur une somme d’argent, par l’obtention d’un titre exécutoire.

En application de l’article 1405 du code de procédure civile, il peut être recouru à cette procédure dans les cas suivants :

– si la créance a une cause contractuelle, ou lorsqu’elle résulte d’une obligation de caractère statutaire ([605]), à condition qu’elle s’élève à un montant déterminé ;

– lorsque l’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, ou de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ;

– lorsque l’engagement résulte de l’acceptation d’une cession de créances.

La demande est portée, selon le cas et dans la limite de la compétence d’attribution des juridictions, devant le juge des contentieux de la protection, devant le président du tribunal judiciaire ou devant le tribunal de commerce.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le débiteur poursuivi.

La demande est formée par requête remise au greffe par le créancier ou le mandataire. Elle est accompagnée des documents justificatifs et indique le montant de la somme réclamée.

● Le dépôt de la requête ouvre une première phase, non contradictoire, au terme de laquelle le juge rend une ordonnance.

– S’il n’est pas convaincu du bien-fondé de la demande, le juge rend une ordonnance de rejet. Celle-ci est insusceptible de recours, mais le demandeur pourra néanmoins toujours procéder suivant les voies ordinaires, et assigner son débiteur devant le tribunal compétent.

– Au contraire, si, « au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie » ([606]), le juge rend une ordonnance portant injonction de payer le montant qu’il retient. Celle-ci n’a pas à être motivée. Le créancier ne peut former un recours contre elle, même si le juge ne donne droit qu’à une partie de ses prétentions. Il conserve toutefois la possibilité de ne pas signifier l’ordonnance, et de procéder selon les voies de droit commun.

L’ordonnance portant injonction de payer doit être signifiée à l’initiative du créancier par voie d’huissier au débiteur dans un délai de six mois, sous peine d’être non avenue.

● Une deuxième phase, contradictoire, peut alors s’ouvrir en cas d’opposition à l’ordonnance portant injonction de payer par le débiteur. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour former opposition à l’ordonnance devant le tribunal qui l’a rendue.

– En cas d’opposition, le tribunal est saisi de l’ensemble du litige, à savoir la demande initiale du créancier et les moyens de défense du débiteur. Toutes les parties sont convoquées à l’audience, et il revient désormais au créancier d’apporter la preuve de la réalité de sa créance. Le jugement rendu par le tribunal se substitue à l’ordonnance.

– En l’absence d’opposition dans le délai d’un mois, le créancier peut demander au greffe l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance. Elle devient alors un titre exécutoire autorisant le recours à l’exécution forcée.

La procédure nationale d’injonctions de payer en 2019 : éléments statistiques

383 371 nouvelles procédures d’injonctions de payer civiles ont été formées devant les tribunaux, représentant en cela la part prépondérante du contentieux de l’impayé.

Parmi les 400 000 demandes en injonctions de payer sur lesquelles les juges ont statué en 2019, les trois-quarts ont été acceptées, dont 17 % en totalité et 57 % seulement en partie. Seule une demande sur quatre a fait l’objet d’une décision de rejet.

12 700 oppositions à ordonnance d’injonctions de payer ont été déposées auprès des tribunaux d’instance et de grande instance en 2019.

Source : « Z. Belmokhtar et C. Kissoun-Faujas, « Les injonctions de payer en 2019 : de la demande à l’opposition », Infostat Justice n° 178, sept. 2020.

ii.   La procédure européenne d’injonction de payer

Une procédure d’injonction de payer européenne, mise en place par le règlement n° 1986/2006 du 12 décembre 2006 ([607]), vise également, dans le cadre de litiges transfrontaliers, à permettre à un créancier d’obtenir rapidement un titre exécutoire. Codifiée aux articles 1242‑1 à 1424‑16 du code de procédure civile, cette procédure retient le même principe d’inversion du contentieux que pour la procédure nationale : il incombe au débiteur de faire opposition à l’ordonnance rendue à la demande du créancier s’il entend en contester la réalité.

Cette procédure, facultative pour le créancier qui peut toujours choisir d’emprunter les voies de droit nationales, est soumise aux conditions suivantes :

– elle est réservée aux litiges transfrontaliers, c’est-à-dire ceux dans lesquels au moins l’une des parties a son domicile ou sa résidence dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie ;

– elle ne s’applique qu’aux créances pécuniaires, issues d’une relation contractuelle, ou ayant fait l’objet d’une reconnaissance de dette ou d’un accord entre les parties ;

– elle s’applique en matière civile ou commerciale, mais exclut les matières fiscales, douanières et administratives, ainsi que les affaires concernant les régimes matrimoniaux, les testaments et successions, la sécurité sociale ou les faillites.

Chaque État membre désigne la juridiction compétente pour cette procédure. En France, comme pour la procédure nationale, ont été désignés le juge des contentieux de la protection, le président du tribunal judiciaire ou le président du tribunal de commerce. La juridiction territorialement compétente est en principe celle du lieu de domicile du ou de l’un des défendeurs.

Le créancier introduit la demande en renseignant un formulaire. Contrairement à la procédure nationale, il n’est pas tenu de produire les pièces justificatives à l’appui de sa demande. La juridiction saisie examine la demande et, si le formulaire est dûment rempli, délivre l’injonction de payer européenne dans un délai de trente jours à compter de l’introduction de la demande.

L’injonction doit être signifiée au défendeur, qui dispose d’un délai de trente jours pour s’y opposer, devant la juridiction dont émane l’injonction. L’affaire pourra alors être traitée selon le droit national, ou conformément à la procédure européenne de règlement des petits litiges. Dans ce dernier cas, une audience ne sera organisée que si la juridiction l’estime nécessaire, ou à la demande de l’une des parties, à laquelle la juridiction n’est au demeurant pas tenue de donner droit.

En l’absence d’opposition, l’injonction de payer européenne est immédiatement exécutoire : le greffier déclare l’injonction de payer exécutoire au moyen du formulaire prévu à cet effet, et appose la formule exécutoire sur l’injonction de payer.

Cette procédure, caractérisée par sa célérité et sa simplicité en ce qu’elle n’exige que peu de formalités de la part du demandeur, entraîne en France une activité moindre que la procédure nationale puisque les juridictions françaises ont été saisies en 2019 de 532 demandes en injonctions de payer introduites par un créancier étranger afin d’obliger un débiteur français à rembourser ses dettes. Seules 5,2 % des demandes d’injonction de payer européennes acceptées en 2019 ont fait l’objet d’une opposition de la part du débiteur français ([608]).

b.   L’objectif de la réforme de 2019 : une procédure centralisée et dématérialisée

L’article 27 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice a réformé la procédure d’injonction de payer en prévoyant son traitement dématérialisé par une juridiction nationale spécialement désignée à cet effet.

L’objectif de cette réforme est double : unifier la jurisprudence en matière d’injonction de payer et permettre une instruction rapide des procédures.

i.   La désignation d’une juridiction nationale unique spécialisée

Le nouvel article L. 211-17 du code de l’organisation judiciaire confère à un tribunal judiciaire unique pour tout le territoire la compétence en matière de traitement des requêtes en injonctions de payer.

Ce tribunal judiciaire, qui sera désigné par décret, devrait être celui de Strasbourg. Il connaîtra :

– des demandes d’injonction de payer déposées sur le fondement de la procédure nationale, à l’exception de celles relevant de la compétence d’attribution du tribunal de commerce ([609]) ;

– des demandes formulées sur le fondement de la procédure européenne des injonctions de payer.

La désignation d’une juridiction unique spécialisée dans le traitement de ce contentieux de masse devrait permettre des économies d’échelle. L’étude d’impact souligne néanmoins qu’elles seront moindres qu’initialement attendu en raison de la complexification du traitement des injonctions de payer.

Les oppositions pouvant être formées par les débiteurs après notification de l’injonction de payer devront également être déposées devant la juridiction nationale des injonctions de payer. En revanche, celle-ci ne les traitera pas : le greffe les transmettra au tribunal judiciaire territorialement compétent, qui sera en charge de l’instruction, de l’audience et du jugement de l’affaire, afin que la réforme n’aboutisse pas à un éloignement géographique entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de l’affaire.

ii.   La dématérialisation de la procédure

Le second volet de cette réforme consiste en l’institution d’un traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer, conformément à la préconisation du rapport d’amélioration et de simplification de la procédure civile remis le 15 janvier 2018 à la garde des Sceaux, ministre de la justice.

L’article L. 211-18 du code de l’organisation judiciaire dispose ainsi que « les demandes d’injonction de payer sont formées par voie dématérialisée devant le tribunal judiciaire spécialement désigné mentionné à l’article L. 211-17. ».

Sur proposition de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le dispositif initial qui faisait de la dématérialisation une obligation générale a été modifié afin de prévoir deux exceptions. L’article L 211-18 prévoit donc deux cas dans lesquels le justiciable peut déposer sa requête en papier :

– pour les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, afin de préserver l’accès au juge ;

– pour les demandes relevant de la procédure européenne d’injonction de payer, et ce, conformément au règlement (CE) n° 1896/2006 qui impose le maintien d’une procédure papier.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article reporte de deux ans, soit au 1er septembre 2023, l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure d’injonction de payer.

Ce nouveau délai supplémentaire est nécessaire pour assurer dans de bonnes conditions la transition vers un traitement de ce contentieux par la juridiction nationale spécialisée et pour prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire et économique actuelle sur le calendrier de cette réforme.

En raison du contexte économique, une augmentation de ce contentieux est à craindre, ce qui implique de s’assurer d’un haut niveau de performance des outils informatiques qui devront être capables de gérer d’importants flux de requêtes vers une seule juridiction.

Les difficultés liées à la numérisation, qui étaient déjà en partie à l’origine du premier report, doivent être levées avant l’entrée en vigueur de la réforme, qu’il s’agisse des procédures de transmission des dossiers entre juridictions ou de la signature électronique. Or, les études réalisées ont confirmé qu’IPWEB ne supporterait pas la charge de 400 000 injonctions de payer annuelles, ce qui implique de développer un autre outil.

L’étude d’impact précise que le contexte de la crise sanitaire a conduit le ministère à travailler à de nouvelles modalités de traitement dématérialisé des requêtes « qui a permis la poursuite du traitement des injonctions de payer par les juridictions dans le respect des impératifs sanitaires ». Le délai supplémentaire accordé devra permettre d’intégrer ces développements récents à la mise en œuvre de la dématérialisation de la procédure.

Par ailleurs, les auditions menées ont fait émerger une interrogation sur la pertinence actuelle de la centralisation de ce contentieux, qui est majoritairement un petit contentieux de droit de la consommation qui recouvre des enjeux sociaux, alors que le système actuel permet un traitement rapide des requêtes ([610]). Les demandes en injonction de payer concernent en effet principalement des créances liées à un remboursement de prêt, de crédit-bail ou de caution (48 %) et des dettes liées à des prestations de service (28 %) et portent dans 46 % des cas sur des sommes inférieures ou égales à 2000 euros. Si un débat devait être mené dans les deux prochaines années sur une nouvelle répartition de ce contentieux, a été émise l’idée de ne confier à la juridiction nationale spécialisée qu’une partie des requêtes (par exemple celles fondées sur la procédure européenne, ou excédant un certain montant à recouvrer) tout en maintenant le principe de proximité pour les petites créances. Il conviendra, en tout état de cause, que cette réflexion soit menée au sein du Parlement afin de déterminer si le contexte actuel commande de repenser une réforme votée en son sein il y a à peine deux ans.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 36
Modalités d’entrée en vigueur

Adopté par la Commission sans modification

1.   Les dispositions faisant l’objet d’une entrée en vigueur différée

Le présent article prévoit l’entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi, en précisant les conditions et la date à laquelle ces dernieres seront applicables. Il s’agit de prévoir le temps de préparation nécessaire à leur bonne application, dans un souci de prévisibilité et de sécurité juridique.

Par principe, les dispositions du projet de loi qui ne font l’objet d’aucune mention dérogatoire entrent en vigueur le lendemain de sa publication (I).

Les modalités relatives à la limitation de la durée des enquêtes préliminaires et à leur ouverture au contradictoire ne sont applicables qu’aux dossiers ouverts postérieurement à la publication de la présente loi. Les parquets auront ainsi une plus grande facilité pour appliquer les nouveaux délais procéduraux (II).

Les dispositions relatives à la protection du secret professionnel de la défense entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la présente loi. Ce délai permettra à la Chancellerie de rédiger la circulaire nécessaire à leur bonne application (III).

Les dispositions relatives à l’audience préparatoire criminelle, prévues à l’article 276‑1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la présente loi, seront applicables aux procédures dans lesquelles la décision de renvoi de l’accusé a été rendue après la date de publication de la présente loi. Lorsque la décision a été rendue avant cette date, l’organisation de cette audience est facultative (IV).

Les dispositions relatives à l’évolution de la majorité requise pour prononcer une décision de culpabilité lors du délibéré de la cour d’assises, telles qu’elles résultent de la modification de l’article 359 du code de procédure pénale prévue au même article 6, seront applicables à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi (IV).

Les dispositions relatives à la généralisation des cours criminelles, prévues à l’article 7, entreront en vigueur le 1er janvier 2022. L’expérimentation prévue par les dispositions des II et III de l’article 63 de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice prendra fin à la même date.

Comme cela avait été le cas au cours de l’expérimentation, les personnes déjà mises en accusation devant la cour d’assises avant le 1er janvier 2022 pourront être renvoyées devant la cour criminelle départementale, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d’appel.

Dans les départements où l’expérimentation est en cours, l’article 7 entre en vigueur à la publication de la présente loi, sauf pour les personnes ayant fait l’objet d’une ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises intervenue à compter du 13 mai 2021 et qui sont, sur décision du premier président de la cour d’appel, renvoyées devant la cour criminelle départementale (V).

Les dispositions relatives à l’expérimentation du statut d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, prévues à l’article 8, entreront en vigueur le lendemain de la promulgation de la loi organique prévoyant les règles statutaires qui leur seront applicables (VI).

Les dispositions des articles 717‑1, 721, 721‑1, 721‑2 et 729‑1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l’article 9 de la présente loi, seront applicables aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction. Les personnes placées sous écrou avant cette date demeureront soumises au régime actuel (VII).

Les dispositions modifiant de code de la justice pénale des mineurs entreront en vigueur le 30 septembre 2021, de même que ledit code (VIII).

Les dispositions des articles 11 à 13 relatifs au travail des personnes détenues entreront en vigueur le 1er mai 2022 (IX).

Les dispositions de l’article 16 relatif au service pénitentiaire dans les îles Wallis et Futuna entreront en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, au 1er juin 2022 (X).

Les dispositions relatives à la discipline des professions du droit, prévues au chapitre Ier du titre V, entreront en vigueur le 1er juillet 2022, à la même date que l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice (XI).

2.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 37
(art. L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs, L. 531-1, L. 551-1 et L. 561-1 du code de l’organisation judiciaire, 711-1 du code pénal, 804 du code de procédure pénale, 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, L. 641-1 du code des procédures civiles d’exécution, 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 69-2 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique)
Application outre-mer

Adopté par la Commission sans modification

1.   Les mesures de coordination proposées

Le présent article procède à diverses coordinations pour l’application outre-mer des dispositions du projet de loi.

Il modifie les « compteurs Lifou », de façon à permettre l’application de dispositions de la loi dans les collectivités d’outre-mer bénéficiant de l’autonomie, au sein du code de la justice pénale des mineurs (I), du code de l’organisation judiciaire (II), du code pénal (III) et du code de procédure pénale (IV).

Suivant la même logique, il actualise les « compteurs Lifou » qui figurent dans diverses lois spéciales : la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (V), la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (VII) et la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (VIII).

Enfin, il rend applicables dans ces collectivités deux dispositions précises : l’article L. 111‑3 du code de l’organisation judiciaire (VI) et l’article 75 de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 (IX).

2.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

 


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   Examen des articles du projet de loi organique

Titre Ier
Dispositions relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

Article 1er
(art. 4110 A, 4110, 4114, 4125 et 4126 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet l’inscription pérenne, dans le statut organique de la magistrature, de la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire et des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles départementales.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé des cours criminelles compétentes pour juger les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur bénéficiant du soutien du Gouvernement. Ils autorisent les magistrats non professionnels à composer la cour criminelle départementale et la cour d’assises. Ils permettent également aux agents publics d’exercer les fonctions de magistrat à titre temporaire, tout en les assujettissant à des dispositions garantissant leur indépendance.

1.   L’état du droit

a.   L’expérimentation des cours criminelles départementales

La généralisation des cours criminelles prévue à l’article 7 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et l’augmentation du nombre d’affaires criminelles renvoyées devant la cour d’assises exigent de trouver de nouvelles solutions pour faire vivre la justice criminelle et réduire les délais d’audiencement ([611]).

Afin de permettre à des magistrats exerçant à titre temporaire et à des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles de siéger dans les cours criminelles, le I de l’article 12 de la loi organique du 23 mars 2019 a adapté les dispositions de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Il donnait la possibilité à ces magistrats non professionnels d’exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles tout au long de l’expérimentation de celles-ci.

Les magistrats non professionnels

Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont des magistrats de l’ordre judiciaire à la retraite désireux de continuer à servir l’institution judiciaire en exerçant des fonctions juridictionnelles ou non juridictionnelles. Ils peuvent notamment exercer les fonctions d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d’appel (contentieux civil et pénal, hors cour d’assises), ou les fonctions de substitut du procureur de la République près les tribunaux judiciaires ou de substitut général du procureur général près les cours d’appel. Tout magistrat judiciaire de carrière, au moment de l’admission à la retraite, âgé de moins de 75 ans, peut devenir magistrat honoraire, excepté dans trois situations : mise à la retraite d’office, refus de l’honorariat ou poursuites disciplinaires en cours. Il existe des incompatibilités.

Les magistrats à titre temporaire peuvent être chargés des contentieux civils et pénaux en qualité d’assesseur dans les formations collégiales. Il peut valider les compositions pénales dans la limite du tiers du service. Il est également juge du tribunal de police pour connaître, pour une part limitée, des contraventions des quatre premières classes et de celles de cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire ainsi que pour traiter les ordonnances pénales contraventionnelles. Les candidats doivent avoir entre 35 et 75 ans et disposer de compétences juridiques attestées par un diplôme, des fonctions au sein du ministère de la justice ou l’exercice d’une profession réglementée du droit.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi organique, en 2020, dix-neuf magistrats honoraires ont été affectés à une cour criminelle pour un total de 224 jours d’audience. Pour les magistrats à titre temporaire, trente-sept ont siégé au sein des cours criminelles départementales pour un total de 122 jours d’audience.

Avec l’extension de leurs missions, les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et les magistrats à titre temporaire seront davantage sollicités. Or, le nombre de magistrats à titre temporaire accuse une baisse notable ces dernières années : 511 au 1er janvier 2019, 489 au 1er janvier 2020 et 468 au 1er janvier 2021. L’étude d’impact jointe au projet de loi organique envisage donc une vague prochaine de recrutements, selon des procédures qu’elle prévoit d’accélérer ([612]).

b.   Le cadre constitutionnel

La jurisprudence constitutionnelle a admis la participation à des activités judiciaires des magistrats non professionnels ([613]). Elle a cependant encadré les modalités de celle-ci en posant plusieurs conditions :

– l’exercice de ces fonctions à titre temporaire ;

– le contingentement de ces fonctions à une « part limitée » de celles normalement réservées aux magistrats de carrière ;

– la présence de « garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance qui est indissociable de l’exercice de fonctions judiciaires » ;

– la soumission des magistrats non professionnels « aux mêmes droits et obligations applicables à l’ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu’impose l’exercice à titre temporaire de leurs fonctions », ce qui emporte notamment une nomination après avis du Conseil supérieur de la magistrature, une exigence de formation et l’application du régime des incompatibilités.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré impossible, au visa de l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 ([614]), que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels. Il n’interdit pas, en revanche, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges. S’agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion de ces juges non professionnels doit rester minoritaire ([615]).

2.   Les dispositions du projet de loi organique

L’article premier du projet de loi organique tire les conséquences de la généralisation des cours criminelles prévue par le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Il autorise à cette fin, dans le respect des contraintes constitutionnelles, une participation accrue des magistrats non professionnels au jugement des affaires criminelles.

Le  réaffirme le principe constitutionnel d’une participation minoritaire des magistrats non professionnels au sein de la cour criminelle.

Le  prévoit la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire pour exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales.

Enfin, le autorise également des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles à siéger dans les cours criminelles départementales.

3.   Des dispositions complétées par la commission des Lois

Les dispositions de l’article 1er du projet de loi organique vont de pair avec celles de l’article 7 du projet de loi organique. L’institutionnalisation des cours criminelles départementales, composées de cinq magistrats, nécessitera la mobilisation de ressources humaines dans les différents ressorts. Dans cette perspective, les compétences juridiques des magistrats non professionnels pourront être utilement mises à profit pour composer ces nouvelles juridictions sans distraire les magistrats de carrière des fonctions qu’ils sont les seuls à pouvoir occuper dans le respect des règles constitutionnelles. Les dispositions présentées par le Gouvernement au sein de l’article 1er ont donc rencontré le plein soutien de la commission des Lois.

La Commission a également adopté quatre amendements présentés par le rapporteur et bénéficiant du soutien du Gouvernement. Deux d’entre eux portent coordination, notamment la suppression du second alinéa de l’article 41‑26 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 selon lequel « la cour d’assises ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats [non professionnels] ». Cette disposition était rendue redondante par le du présent article.

Par ailleurs, comme dans le projet de loi ordinaire, la commission des Lois s’est attachée à assouplir les règles relatives aux magistrats honoraires afin d’élargir leurs compétences et leur vivier dans les limites tracées par la Constitution. Elle a adopté à cette fin deux amendements du rapporteur.

D’une part, l’article 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions a donné aux magistrats honoraires la possibilité de composer la cour d’assises, sous la condition de n’occuper qu’un seul poste d’assesseur. Cette faculté n’avait cependant pas été ouverte aux magistrats à titre temporaire, bien qu’ils aient été également associés à l’expérimentation des cours criminelles départementales. Cette différence de situation est dépourvue de justification évidente : elle n’est expliquée ni par un différentiel de compétence, ni par une disponibilité plus étendue, ni par un risque de conflit d’intérêts. En conséquence, la commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur autorisant la participation des magistrats à titre temporaire dans les cours d’assises.

D’autre part, des règles spéciales de prévention des conflits d’intérêts, à l’article 41‑14 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, s’appliquent aux magistrats à titre temporaire. Elles prévoient notamment qu’ils peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Des prescriptions particulières s’imposent aux membres des professions réglementées ([616]) tandis qu’une incompatibilité absolue frappe les membres de la fonction publique. Le deuxième alinéa de l’article 41‑14 affirme ainsi que « ces magistrats ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d’agent public, à l’exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités ».

Cette interdiction générale, qui pénalise le recrutement des magistrats à titre temporaire en fermant le vivier de la fonction publique, suscite l’incompréhension :

– si la règle traditionnelle du droit de la fonction publique, issue du décret du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunération et de fonctions, imposait à un agent public de se consacrer presque intégralement à sa tâche, les cumuls d’activités ont été progressivement autorisés au cours des années 2000 ([617]) ;

– si l’exercice de fonctions judiciaires par les détenteurs de l’autorité administrative doit être écartée au nom de la séparation des pouvoirs, cette précaution passe plus sûrement par un contrôle strict des candidatures individuelles que par une règle générale et absolue. Ainsi, si une personne exerce une fonction qui ne met en jeu ni son indépendance ni la dignité de la fonction de magistrat, voire si son affectation administrative est située en dehors du ressort de la juridiction dans laquelle elle pourrait être affectée, les obligations attachées au statut de la magistrature semblent suffire à prévenir un conflit d’intérêts ([618]) ;

– enfin, l’indépendance d’un agent public ne semble pas davantage mise en cause, une fois les contrôles évoqués ci-dessus effectués, que celle d’un travailleur du secteur privé, voire d’un membre en activité d’une profession réglementée, situation admise par la jurisprudence constitutionnelle.

La commission des Lois a donc adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur prévoyant, comme pour les magistrats honoraires ([619]), une possibilité d’exercer une fonction de magistrat à titre temporaire et, par ailleurs, un emploi d’agent public ([620]). Par renvoi au deuxième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 ([621]), il pourra être dérogé à l’interdiction actuelle sur décision du chef de cour ([622]).

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Article 2
(art. 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019
relative au renforcement de l’organisation des juridictions)
Abrogation des dispositions organiques autorisant les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire à exercer les fonctions d’assesseurs des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Tirant les conséquences de la généralisation des cours criminelles départementales et de la pérennisation de la possibilité de désigner des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire pour exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles, le présent article abroge les dispositions organiques relatives au statut de la magistrature qui avaient été prises pour permettre cette expérimentation.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le I de l’article 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions a autorisé les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire à exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

Afin de permettre à des magistrats exerçant à titre temporaire et à des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles de siéger dans les cours criminelles, le I de l’article 12 de la loi organique du 23 mars 2019 a adapté les dispositions de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Il donnait la possibilité à ces magistrats non professionnels d’exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation, entre le 1er juin 2019 et le 31 décembre 2022.

2.   Le dispositif proposé

Compte tenu de la généralisation des cours criminelles, prévue par l’article 7 du projet de loi pour la confiance dans la justice, l’article 1er du présent projet de loi organique pérennise le dispositif inscrit au I de l’article 12 de loi organique du 23 mars 2019 ([623]).

En conséquence, le dispositif mis en œuvre pour l’expérimentation est abrogé par le présent article.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté le présent article sans y apporter de modification.

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Titre II
Dispositions relatives au statut de l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Article 3
Expérimentation du statut de l’avocat honoraire pouvant exercer des fonctions juridictionnelles en qualité d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un statut de l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. Ces magistrats non professionnels pourront être désignés pour siéger en qualité d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 3 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions, a modifié l’article 41-10 A de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de préciser que les magistrats non professionnels ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale.

Le I de l’article 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions a autorisé les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire à exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles pour la durée de l’expérimentation.

Le II du même article a autorisé les magistrats honoraires à exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement CL24 de votre rapporteur visant à préciser qu’un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut connaître d’une affaire s’il a eu des relations professionnelles avec les conseils des parties. Elle a également adopté quatorze amendements rédactionnels de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

Le présent article propose d’expérimenter un nouveau statut de juge non professionnel : l’avocat honoraire pouvant exercer des fonctions juridictionnelles en qualité d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles. Si la justice recourt dans de nombreuses situations à des juges non professionnels, cela demeure toutefois limité en matière pénale et soumis à un encadrement strict.

a.   Une diversité de magistrats non professionnels

Le recours à des magistrats non professionnels concerne principalement les juridictions spécialisées en raison de la technicité de leur matière ou des connaissances spécifiques requises pour apprécier les situations qu’elles ont à traiter. Il s’agit :

– des conseillers prud’hommes : ils ont pour mission de concilier les parties et, à défaut, de trancher les litiges qui opposent ces dernières en matière de droit du travail. Ils sont désignés au sein d’un collège de salariés et d’un collège d’employeurs pour composer les bureaux de conciliation et de jugement. Lorsqu’un départage est nécessaire, un juge du tribunal judiciaire préside la formation ;

– des assesseurs des pôles sociaux : ils jugent les litiges entre les organismes de sécurité sociale et les particuliers, ainsi que ceux relatifs à l’aide sociale. Ils interviennent à deux – représentant, pour l’un, les salariés et, pour l’autre, les employeurs et les travailleurs indépendants – au sein d’une formation présidée par un magistrat professionnel ;

– des juges consulaires : ils statuent en matière commerciale en premier ressort, dans les tribunaux de commerce. Ce sont des commerçants ou chefs d’entreprises élus par leurs pairs pour deux ou quatre ans ;

– des assesseurs auprès des tribunaux paritaires des baux ruraux : ils sont nommés parmi des représentants du monde agricole pour connaître des litiges entre un propriétaire et un exploitant de terres ou de bâtiments agricoles. Deux propriétaires (bailleurs) et deux exploitants (preneurs) composent la formation de jugement présidée par un juge du tribunal judiciaire ;

– des assesseurs du tribunal pour enfants : présents à deux au côté du juge des enfants, ils peuvent consulter les dossiers avant l’audience et faire poser des questions par le président pendant l’audience. Ils délibèrent avec lui avec un pouvoir de décision égal. Ils sont nommés pour quatre ans renouvelables après s’être portés candidats en démontrant l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et leurs compétences pour exercer cette fonction.

– des délégués du procureur de la République : ils mettent en œuvre, à la demande et sous le contrôle du parquet, les mesures alternatives aux poursuites pour les infractions de faible gravité : rappel à la loi, médiation pénale, mesure de réparation et composition pénale. Ils appliquent les décisions prises par les magistrats mais ne décident pas des sanctions ;

Les magistrats à titre temporaire font figure d’exception puisqu’ils ont une compétence plus générale et jugent parfois seuls. Ce statut permet à une personne issue de la société civile d’exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales. Ils pourront également siéger, conformément à l’article 1er du présent projet de loi organique, dans les cours criminelles comme cela est possible depuis le début de l’expérimentation ([624]).

b.   Un encadrement constitutionnel strict des fonctions des magistrats non professionnels en matière pénale

Dans une décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, le Conseil constitutionnel a fixé les conditions dans lesquelles un magistrat non professionnel peut participer au jugement des affaires pénales. En premier lieu, il a estimé que « si les fonctions de magistrat de l’ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n’entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire ».

En second lieu, il a admis qu’un magistrat non professionnel puisse participer à une formation de jugement pouvant prononcer des peines privatives de liberté : « Si les dispositions de l’article 66 de la Constitution s’opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n’interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ».

Le juge constitutionnel a soumis cette possibilité à deux exigences : d’une part, « doivent être apportées en pareils cas des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance, indissociable de l’exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu’aux exigences de capacité qui découlent de l’article 6 de la Déclaration de 1789 » et, d’autre part, « s’agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ».

Seul le tribunal pour enfants fait exception puisque le Conseil constitutionnel a validé la présence majoritaire des assesseurs non professionnels au sein des tribunaux pour enfant en raison de l’exigence constitutionnelle de spécialisation des juridictions de jugement en droit pénal des mineurs ([625]).

c.   La nécessité de recourir à la loi organique

La création d’un nouveau statut de magistrat non professionnel exige l’intervention du législateur organique.

Dans son avis sur le projet de loi organique, le Conseil d’État a estimé que « la compétence de la loi organique pour définir le statut de l’avocat honoraire appelé à siéger en qualité d’assesseur des juridictions criminelles peut être justifiée, comme elle l’est pour les magistrats exerçant à titre temporaire ou pour les magistrats honoraires, tous appelés à siéger aux lieux et place de magistrats professionnels ».

En effet, le Conseil constitutionnel a estimé, dans le cas des juges de proximité, qu’il « appartenait au législateur organique de soumettre les juges de proximité aux mêmes droits et obligations que ceux des magistrats de carrière, sous réserve des dérogations et aménagements justifiés par le caractère temporaire de leurs fonctions et leur exercice à temps partiel » ([626]). Cette jurisprudence s’applique a fortiori à la création d’un statut de l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dès lors qu’il est appelé à siéger dans des formations de jugement des crimes.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit les dispositions organiques nécessaires à l’expérimentation prévue par l’article 8 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([627]). Il fixe, conformément aux exigences constitutionnelles, les conditions d’accès et d’exercice applicables aux avocats honoraires souhaitant devenir assesseurs des cours criminelles ou des cours d’assises.

a.   Condition d’accès

L’article 109 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoit que « le titre d’avocat honoraire peut être conféré par le conseil de l’ordre aux avocats qui ont exercé la profession pendant vingt ans au moins et qui ont donné leur démission ».

Le I et le II du présent article fixent les conditions dans lesquelles un avocat honoraire peut être nommé « avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles » : il doit être de nationalité française, jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité, ne pas avoir de mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire incompatible avec l’exercice de fonctions juridictionnelles et ne pas avoir exercé la profession d’avocat depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d’appel à laquelle il est affecté.

Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles seront désignés pour trois ans, dans la limite de l’expérimentation – prévue pour la même durée. Leur nomination fait l’objet d’une procédure plus souple que celle prévue par l’article 27-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : ils sont désignés comme les magistrats du siège, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, conformément à l’article 28 de la même ordonnance.

Après une formation préalable organisée par l’École nationale de la magistrature, ils seront affectés à une cour d’appel devant laquelle ils devront prêter serment et ne pourront, comme c’est le cas pour les magistrats honoraires ([628]), être mutés sans leur consentement.

Les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation préalable ainsi que les conditions dans lesquelles les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont indemnisés feront l’objet d’un décret en Conseil d’État.

b.   Conditions d’exercice

Le III du présent article évite que les magistrats honoraires, les magistrats à titre temporaire et les avocats honoraires puissent composer ensemble la majorité des assesseurs composant une cour d’assises ou une cour criminelle.

Cette disposition répond aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui avait estimé, en 2011, que « s’agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire » ([629]). Cette règle a été inscrite à l’article 41-10 A de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, pour l’ensemble des formations collégiales qu’elles soient correctionnelles ou criminelles ([630]).

Cette règle est également inscrite à l’article 8 du projet de loi. Le Conseil d’État a en effet rappelé, dans son avis sur le projet de loi organique, que « c’est à la loi ordinaire qu’il appartient de veiller à l’observation du principe de participation minoritaire des magistrats non professionnels dans les règles fixant les compositions des juridictions ». L’expérimentation prévue à l’article 8 prévoit ainsi, pour les cours d’assises, que la désignation d’un avocat honoraire entraîne l’impossibilité de désigner un magistrat honoraire et, pour les cours criminelles départementales, qu’elle empêche de désigner plus d’un magistrat à titre temporaire ou honoraire.

c.   Garanties d’indépendance et d’impartialité et de déontologie

i.   Des garanties statutaires d’indépendance et d’impartialité élevée

Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent exercer concomitamment des fonctions politiques ou de haute administration. Le IV du présent article prévoit un certain nombre d’incompatibilités avec les mandats et fonctions publiques électives nationaux ou locaux dans le ressort de la juridiction d’affectation. Ils ne peuvent pas davantage être membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, magistrat de l’ordre administratif, magistrat financier, secrétaire général du Gouvernement ou d’un ministère, directeur d’administration centrale ou membre du corps préfectoral.

Les avocats honoraires peuvent toutefois poursuivre leur activité professionnelle tant que celle-ci ne porte atteinte ni à la dignité de la fonction, ni à leur indépendance. Ainsi, ils ne peuvent exercer les missions autorisées aux avocats honoraires ([631]) dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.

Ils bénéficient d’une inamovibilité encadrée. Tant qu’ils ne font pas l’objet de sanction et sauf s’ils en font la demande, le VII prévoit qu’il ne peut être mis fin aux fonctions d’un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles avant son renouvellement. Ils ne peuvent néanmoins pas demeurer en fonctions au‑delà de l’âge de soixante‑quinze ans.

ii.   Un contrôle déontologique et disciplinaire strict

Le V précise les règles déontologiques auxquelles sont soumis les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. Ils doivent faire preuve d’indépendance, d’impartialité, de dignité et de probité et « se comporter de façon à exclure tout doute légitime à cet égard ». Par conséquent, ils sont soumis au devoir de réserve et au secret des délibérations. Ils devront effectuer une déclaration d’intérêts et se déporter s’ils ont à connaître d’un dossier en lien avec leur activité d’avocat ou s’ils ont des relations professionnelles passées ou présentes avec l’une des parties. Le dernier alinéa du présent article prévoit également qu’ils doivent s’abstenir de toute position publique en lien avec leurs missions au cours de l’année suivant la fin de leurs fonctions.

Le VI rappelle qu’ils sont soumis aux mêmes règles disciplinaires que les magistrats, dont le contrôle est assuré par le Conseil supérieur de la magistrature ([632]). À l’exception du blâme, l’ensemble des sanctions disciplinaires encourues par les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent entraîner la fin de leurs fonctions.

3.   La position de votre Commission

Dans sa version initiale, le quatrième alinéa du V du présent article prévoyait que les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles « ne peuvent pas connaître d’un dossier présentant un lien avec leur activité professionnelle d’avocat ou lorsqu’ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l’une des parties ».

Votre rapporteur a estimé que l’existence de relations professionnelles passées ou présentes entre l’avocat honoraire et l’avocat d’une des parties, y compris lorsque cette relation n’a pas de lien avec le dossier, pouvait poser difficulté au regard de l’exigence d’indépendance et d’impartialité.

La Commission a donc adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement précisant que l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut connaître d’un dossier s’il a eu des relations professionnelles avec les conseils des parties.

Elle a également adopté quatorze amendements rédactionnels de votre rapporteur puis l’article ainsi modifié.

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Titre III
Dispositions relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences devant la cour de justice de la république

Article 4
(art. 26 de la loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République)
Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article applique les règles relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences prévues à l’article premier du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

La France a pour tradition, depuis l’Ancien Régime, de soumettre la responsabilité pénale des ministres à des juridictions d’exception. Cette pratique a persisté avec la Révolution française. Seule fait exception la IIIe République, qui certes confia au Sénat constitué en Haute Cour de justice le soin de juger les ministres, mais maintint une compétence concurrente des juridictions pénales ordinaires.

Sous la Ve République, la responsabilité pénale des membres du Gouvernement était traitée comme celle du Président de la République, jusqu’en 1993, par l’article 68 de la Constitution, qui prévoyait la compétence de la Haute Cour de justice composée de membres du Parlement.

Après plusieurs tentatives infructueuses de renvoi devant la Haute Cour d’anciens ministres cités dans l’affaire du sang contaminé, la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ([633]) a introduit dans la Constitution de 1958 un titre X, consacré à la responsabilité pénale des membres du Gouvernement, qui prévoit, en ses articles 68-1 et 68-2, le régime de la responsabilité pénale des ministres et la compétence de la Cour de justice de la République. Ce titre X a été complété par un article 68-3, introduit par la loi constitutionnelle du 4 août 1995, reprenant le deuxième alinéa de l’article 93 issu de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, qui vise à soumettre à la Cour de justice de la République les faits antérieurement commis à son entrée en vigueur. Ces dispositions sont précisées par la loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République ([634]).

Les audiences et débats devant la Cour de justice de la République sont de nature judiciaire, même si sa composition, son organisation et ses compétences dérogent au droit commun ([635]). Les règles fixées par le code de procédure pénale concernant les débats et les jugements en matière correctionnelle s’y appliquent, sauf dérogation prescrite par la loi organique ([636]). Les arrêts de la Cour de justice de la République peuvent faire l’objet de pourvois en cassation portés devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation ([637]).

2.   Les dispositions du projet de loi organique

L’article 4 du projet de loi organique opère une coordination au sein de la loi organique précitée du 23 novembre 1993 pour rendre applicables aux audiences devant la Cour de justice de la République le dispositif d’enregistrement et de diffusion des audiences institué à l’article 1er du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

La Cour de justice de la République étant une juridiction judiciaire dont les décisions relèvent de la Cour de cassation, les règles du code de procédure pénale lui sont applicables par principe. Toutefois, eu égard au nouveau dispositif d’enregistrement et de diffusion des audiences figurant dans un nouvel article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, une mention expresse apparaît nécessaire.

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire s’appliquera donc dans son intégralité aux audiences de la Cour de justice de la République.

Le deuxième alinéa de l’article 5 du présent projet de loi organique prévoit l’entrée en vigueur de cette disposition dès le lendemain de sa publication.

3.   Des dispositions adoptées par la commission des Lois

La commission des Lois a adopté cet article sans modification.

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Article 5
Entrée en vigueur

Adopté par la Commission sans modification

L’article 5 du projet de loi organique prévoit l’entrée en vigueur des trois premiers articles du projet de loi organique, relatifs aux magistrats non professionnels appelés à siéger dans les juridictions criminelles, au 1er janvier 2022. Cette date est en cohérence avec le V de l’article 36 du projet de loi, qui prévoit pour les dispositions ordinaires correspondantes la même entrée en vigueur décalée.

La possibilité d’enregistrer et de diffuser les audiences tenues devant la Cour de justice de la République, pour leur part, entrent en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi organique, comme les dispositions figurant à l’article 1er du projet de loi ordinaire.

La commission des Lois a adopté cet article sans modification.

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   Comptes rendus des débats

Lors de ses réunions des mercredi 5 et jeudi 6 mai 2021, la Commission examine, en première lecture, les projets de loi, ordinaire (n° 4091) et organique (n° 4092), pour la confiance dans l’institution judiciaire (M. Stéphane Mazars, rapporteur).

Deuxième réunion du mercredi 5 mai 2021 (14 heures 30)

Lien vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10725671_60928e3a755b4.commission-des-lois--m-eric-dupond-moretti-garde-des-sceaux-ministre-de-la-justice-sur-le-proje-5-mai-2021

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous auditionnons M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les projets de loi organique et ordinaire pour la confiance dans l’institution judiciaire dont le rapporteur est Stéphane Mazars. Adoptés en conseil des ministres le 14 avril dernier, ils seront examinés en séance publique à compter du lundi 17 mai.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice. J’ai l’honneur de vous présenter les projets de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, fruit d’une longue réflexion menée à la lumière de mes trente-six années de barreau mais également à celle de vos nombreux débats et travaux parlementaires, notamment issus de votre commission.

Depuis de trop longtemps, le fossé entre nos concitoyens et la justice se creuse. Les enquêtes d’opinion, mais également l’actualité récente, illustrent cette particulière défiance des Français envers l’autorité judiciaire.

Sans remettre en cause les grands principes de notre système judiciaire, les évolutions que je vous propose le rendent plus équilibré et plus conforme à ce qu’en attendent nos concitoyens.

Pour restaurer la confiance, il faut d’abord rapprocher l’institution judiciaire des citoyens. La justice est publique et elle est rendue au nom du peuple mais, malgré cela, son fonctionnement reste un mystère pour beaucoup de nos compatriotes.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit, dans une optique de transparence et de pédagogie, d’autoriser au cas par cas l’enregistrement et la diffusion d’audiences. Je veux être clair : il ne s’agit en aucun cas de verser dans la justice spectacle. Je souhaite au contraire que les Français puissent mieux comprendre l’action de nos cours et tribunaux en l’expliquant et en la contextualisant.

Cette réforme est d’autant plus importante que la désinformation sévit chaque jour davantage, notamment via les réseaux sociaux, ce que les polémiques et faits divers récents ont largement démontré. Les prétoires seront ainsi plus ouverts aux caméras, à condition bien sûr de respecter des règles précises dans le cadre d’un régime protecteur.

J’ai en effet conscience de la nécessité de préserver les principes fondamentaux que sont la présomption d’innocence, la sécurité des personnes, le droit à l’oubli, le respect de la vie privée, l’intérêt supérieur des mineurs ou encore la sérénité des débats.

Ainsi l’autorisation d’enregistrement sera subordonnée à la démonstration d’un motif d’intérêt public, et la diffusion de l’enregistrement ne pourra intervenir qu’après décision définitive, à l’exception du cas particulier des audiences devant la Cour de cassation et le Conseil d’État.

De surcroît, l’enregistrement des audiences non publiques ne pourra avoir lieu qu’avec l’accord des parties, tandis que le président de l’audience pourra toujours décider d’arrêter l’enregistrement.

Au stade de la diffusion, que l’audience soit publique ou non, les personnes enregistrées feront l’objet d’une anonymisation sauf leur consentement écrit. Je précise que les mineurs, les majeurs protégés et les membres des forces de l’ordre, dont les missions exigent pour des raisons de sécurité le respect de l’anonymat, seront quant à eux obligatoirement anonymisés, sans exception possible.

Vous le voyez, le régime que je vous propose est un régime équilibré qui renforcera le droit à l’information de nos concitoyens tout en préservant les principes fondamentaux de la justice.

Restaurer la confiance en la justice, c’est ensuite renforcer les droits de nos concitoyens au cours de l’enquête pénale. Cela passe d’abord par une amélioration du contrôle des enquêtes préliminaires par l’autorité judiciaire et par le renforcement de la protection de la présomption d’innocence.

La durée des enquêtes préliminaires de droit commun sera limitée à deux ans. Elle pourra être prolongée d’un an après autorisation du procureur de la République pour tenir compte de la complexité des investigations. Pour cette même raison, et au regard de la gravité des faits, les délais seront portés à trois ans, prolongeables de deux ans, en matière de délinquance organisée et de terrorisme.

Autre innovation qui me tient à cœur : l’enquête préliminaire pourra, en cas d’audition ou de perquisition, être ouverte au contradictoire. Cette nouvelle phase permettra ainsi aux parties d’avoir connaissance des investigations qui les concernent, notamment si elles sont accompagnées d’une mise en cause médiatique. Par cohérence, les sanctions encourues en cas de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction seront renforcées afin de mieux protéger la présomption d’innocence.

Ensuite, pour renforcer le droit des justiciables, il faut renforcer ce que j’ai souhaité appeler le secret de la défense, dont la protection sera consacrée dans le code de procédure pénale. Déclinaison de ce principe : les actes d’enquête diligentés à l’encontre d’un avocat, à savoir l’exploitation de ses données de connexion ou l’interception de ses communications téléphoniques, comme la perquisition de son lieu d’activité professionnelle, seront plus strictement encadrés et subordonnés à l’existence de raisons plausibles de son implication dans la commission de l’infraction à l’origine de l’enquête.

Enfin, il est indispensable que le peuple français joue un rôle majeur dans le jugement des crimes les plus graves. Pour cela, les cours d’assises seront revitalisées, et, pour donner tout son sens à l’expression « souveraineté populaire », une décision de culpabilité sera prise à la majorité des jurés.

Les cours criminelles départementales, dont tous les magistrats et avocats ont souligné la qualité, seront généralisées. Elles permettent en effet pour les crimes punis jusqu’à vingt ans de réclusion de restaurer la véritable qualification des faits en n’ayant plus besoin de recourir à la correctionnalisation, très fréquente pour les viols. C’est une avancée majeure qui permet également au débat judiciaire de se tenir dans un délai plus court puisque les délais d’audiencement sont de six à huit mois contre treize mois en moyenne pour un procès en cour d’assises.

Je souhaite également autoriser, à titre expérimental, la participation d’un avocat honoraire dans la composition de la cour d’assises ou de la cour criminelle. Un court projet de loi organique est adossé au présent texte afin de définir les contours statutaires de cette nouvelle catégorie de juges non professionnels.

Restaurer la confiance, c’est, troisièmement, redonner du sens à la peine et mieux lutter contre la récidive. Si je souhaite refonder le dispositif actuel des réductions de peine, c’est parce qu’il est devenu incompréhensible pour nos concitoyens et surtout parce qu’il n’est pas juste.

La réforme que je propose ne vise pas à réduire le quantum des réductions de peine auquel tout détenu peut prétendre ; elle vise à en supprimer le caractère automatique. Et parce qu’il ne s’agit pas de remplacer de l’automatique par de l’automatique, c’est bien au mérite, au fur et à mesure de l’exécution de la peine et en fonction de la bonne conduite des détenus et de leur effort de réinsertion, que seront attribuées ces remises de peine.

En effet, elles seront désormais toutes accordées par un juge de l’application des peines, éclairé par les personnels pénitentiaires dont les missions viennent d’être enrichies dans le cadre d’une charte que nous avons conclue avec les trois plus grandes organisations syndicales.

Oui, la prison est nécessaire pour assurer la sécurité des Français et mettre hors d’état de nuire des individus dangereux. Mais pour la délinquance de basse intensité, elle ne doit pas être pire que le mal.

Vous avez voté il y a quelques semaines la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Il faut poursuivre les efforts qui ont été accomplis en la matière dans le droit fil de la loi de programmation et de réforme de la justice qui favorise les alternatives à l’incarcération.

Le texte que je vous soumets vise à limiter la détention provisoire en matière correctionnelle en favorisant l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Il vise également, au moment de la libération, à éviter les fins de peine sèches car toutes les études le démontrent : l’absence d’encadrement et de suivi en fin de peine multiplie par deux le risque de récidive.

La systématisation de la libération sous contrainte à trois mois de la fin de peine permettra de soumettre les condamnés à des obligations et à un suivi renforcés pour favoriser leur réinsertion.

Dans une même logique de prévention de la récidive, je vous propose de créer un contrat entre le détenu qui travaille, les entreprises et l’administration, et de l’assortir d’un certain nombre de droits sociaux dès la libération tels que l’assurance-chômage ou l’accès à l’assurance-vieillesse. Là encore, c’est une question de dignité, mais aussi d’efficacité.

Dans un souci de lisibilité et d’accessibilité, ce projet de loi autorise l’élaboration d’un code pénitentiaire. Les missions et l’organisation du service public pénitentiaire, les règles régissant la vie des détenus, ou encore le dispositif de contrôle des établissements seront ainsi plus lisibles et accessibles au bénéfice des professionnels de la prison, des magistrats, des personnels pénitentiaires mais également des avocats, des victimes et des détenus eux-mêmes.

Restaurer la confiance, c’est enfin s’assurer de la qualité de la relation que nos concitoyens ont avec ceux qui les accompagnent dans leurs démarches judiciaires : officiers ministériels et avocats. Pour cela, un renforcement de leur déontologie et de leur discipline est nécessaire : c’est le quatrième et dernier objectif que je souhaite atteindre par ce projet.

En effet, la diversité et la complexité des régimes disciplinaires des professions du droit ont conduit à un traitement insatisfaisant des réclamations des usagers et à un contrôle disciplinaire défaillant. Les instances disciplinaires actuelles prononcent assez peu de sanctions. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 1 000 professionnels, deux à trois sanctions sont prononcées par profession et par an.

Le projet de loi intègre les principales recommandations de l’inspection générale de la justice et les réflexions menées par les professions sur cette thématique. Il renforce ainsi la déontologie et la discipline des professions du droit en dotant les professionnels d’un code de déontologie mais également en donnant une meilleure visibilité au traitement des réclamations reçues.

Cette refonte du système disciplinaire passe également par la modernisation de l’échelle des peines et par la création de nouvelles juridictions disciplinaires composées de manière échevinale pour une plus grande équité.

Enfin, ce projet de loi facilite l’exécution des accords trouvés lors des procédures de conciliation et de médiation en permettant à des actes d’avocats ayant trouvé un accord de devenir exécutoires après apposition de la formule exécutoire par les greffes, par exemple en matière de pensions alimentaires et de reconnaissances de dettes.

Parce qu’une démocratie sans justice en laquelle les citoyens ont confiance est une démocratie fragile, il est urgent de prendre les mesures fortes qui s’imposent. La justice est, je l’ai dit, au cœur de notre pacte social, un pacte social qui, en république, ne peut être fondé que sur la confiance de nos concitoyens en leurs institutions, en particulier en leur justice. C’est cette confiance que je veux raviver. C’est tout l’objet du texte ambitieux que je soumets à votre examen et que je sais que vous allez enrichir.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le projet qui nous est soumis est ambitieux par son volume, par la diversité des sujets qu’il aborde et surtout par son intitulé qui sonne comme un programme : la confiance dans l’institution judiciaire.

Les travaux de notre commission nous ont permis, dans un délai pourtant contraint, de rencontrer l’ensemble des acteurs du monde judiciaire : les magistrats bien sûr, mais aussi les greffiers, les surveillants et les directeurs d’établissements pénitentiaires, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, enfin les professions juridiques. Les avocats, notaires, huissiers, commissaires-priseurs judiciaires et greffiers des tribunaux de commerce ont également été entendus. Ces échanges, qui ont été riches, nous ont permis de recueillir leurs points de vue, parfois leurs satisfactions et leurs critiques.

Qu’il n’y ait pas de malentendu : parler de confiance dans la justice ne signifie ni qu’elle n’existerait pas, ni qu’elle pourrait simplement se décréter. La confiance dans la justice est un bien précieux mais fragile qui doit donc s’entretenir, se renouveler et s’adapter, ce qui exige des réformes pour répondre aux inquiétudes des professionnels et de nos concitoyens.

Ce texte vise avant tout à protéger la confiance dans l’institution judiciaire, trop souvent critiquée alors qu’elle œuvre dans des conditions que nous savons très difficiles. Si la question des moyens est lancinante, je la sais très présente dans votre esprit, monsieur le garde des Sceaux. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de vous accompagner lundi au tribunal judiciaire de Bobigny.

M. Stéphane Peu. C’est la première fois qu’une telle entorse est faite aux règles républicaines : ni ma collègue Marie-George Buffet ni moi-même, députés du département et commissaires aux lois, n’avons été invités !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je n’y suis pour rien !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cher collègue, vous avez raison de vous en offusquer. Il faudra effectivement demander des explications au préfet qui est en charge du protocole républicain.

M. Stéphane Peu. Les élus, ce n’est pas seulement la majorité. Nous tenons notre mandat du suffrage universel.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons effectivement bien noté cette absence de courtoisie républicaine.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Monsieur le député, j’ai été surpris de ne pas vous voir parce que je sais votre engagement sur ces questions. Madame la présidente et M. Stéphane Mazars étaient présents, comme d’autres. Je pensais que vous aviez été retenu. Je peux vous garantir que je n’y suis absolument pour rien.

D’ailleurs, monsieur Peu, je venais pour annoncer le plan massif d’embauches qui doit bénéficier à la justice civile de proximité. Plus on est informé de cela, mieux c’est, car il s’agit d’une belle mesure : j’aurais donc été ravi de votre présence.

Mme Cécile Untermaier. Ne nous prenez pas pour des imbéciles ! C’est au ministre de vérifier : c’est le rôle de son cabinet.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’incident est clos : vos remarques ont été prises en compte.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je reviens à cette visite : j’ai eu l’honneur d’assister à l’annonce de la création de 1 000 emplois supplémentaires pour la justice civile de proximité, après les 1 000 emplois déjà créés au bénéfice de la justice pénale afin de faire face au stock important d’affaires à traiter. Pour reprendre votre expression, monsieur le ministre, c’est du sucre rapide pour revitaliser nos juridictions du quotidien. La confiance est une ambition qui demande des moyens qui n’ont jamais été aussi massifs dans notre pays.

Venons-en aux projets soumis à notre examen. La justice est rendue au nom du peuple français. Et pourtant, peu de nos concitoyens savent comment elle fonctionne, car un très faible nombre d’entre eux a l’occasion de se rendre dans les prétoires.

Je n’irai pas jusqu’à faire mienne la fameuse phrase d’Audiard : « La justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s’installe. » Mais il y a un peu de ça. C’est la raison pour laquelle l’article 1er du projet de loi prévoit l’enregistrement et la diffusion d’audiences administratives et judiciaires, dans des conditions qui respectent la vie privée et la sérénité des débats.

Je trouve que c’est une excellente idée du moment que l’occultation des éléments d’identification des personnes, tout particulièrement des mineurs, est correctement réalisée. Les Français ont besoin de voir fonctionner la justice, sinon certains continueront d’appeler le juge « votre honneur » et demanderont un mandat au policier qui perquisitionne. Craindre de montrer la réalité, c’est laisser libre cours à l’imaginaire, voire à la suspicion, et nous savons que cela n’est jamais favorable à nos institutions démocratiques. Je n’entre pas dans les détails procéduraux, car ils sont nombreux, mais nous pourrons bien évidemment y revenir.

La confiance dans l’institution judiciaire, c’est aussi une justice qui vous donne le droit de vous défendre quand elle suspecte, peut-être d’ailleurs à raison, que vous avez commis une infraction. Or nous avons vu des enquêtes se perpétuer pendant des années sans que les justiciables puissent accéder au dossier et apporter des éléments à décharge. C’est une situation à laquelle vous avez souhaité mettre un terme, monsieur le ministre, et c’est une chose heureuse, pour laquelle vous aurez tout le soutien de la commission des Lois.

La confiance dans l’institution judiciaire, c’est encore une justice qui ne truque pas les cartes avant de les distribuer. Il y a eu, au cours des dernières années, des affaires retentissantes dans lesquelles des confidentialités que protège la loi, et même la Constitution, ont été traitées avec la pire des désinvoltures.

C’était le cas avec la presse, et plus récemment avec les avocats. Nous allons réaffirmer que la défense est quelque chose de sacré et que le procureur n’a pas à écouter derrière la porte de la salle où l’avocat et son client s’entretiennent.

La confiance dans l’institution judiciaire, c’est, je l’ai dit, une justice qui se montre, mais pas une justice qui s’exhibe. Vous avez montré votre irritation devant les violations répétées du secret de l’enquête et de l’instruction. On n’a pas à lire des éléments d’enquête non vérifiés, non jugés, non contestés sur les réseaux sociaux ou dans les feuilles de chou. Les sanctions seront durcies. Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais c’est bien évidemment nécessaire.

En ce qui concerne la justice criminelle, nous faisons face à un défi : le stock d’affaires criminelles n’a jamais été aussi élevé – il faudrait plus d’un an pour l’écouler –, les audiences n’ont jamais été aussi longues et, surtout, les délais d’audiencement sont excessifs.

C’est insupportable pour les victimes comme pour les accusés, notamment lorsqu’ils sont en détention provisoire. Si ce n’est pas l’institution qui est en tort, le législateur doit agir avec pragmatisme si nous voulons que nos concitoyens gardent confiance dans notre capacité à juger et punir les actes les plus graves.

Pour améliorer l’organisation des sessions de cour d’assises, je proposerai de rendre obligatoire la tenue de l’audience criminelle préparatoire. Certaines cours d’appel ont pris cette initiative pour améliorer la qualité des débats, notamment dans le cadre de l’expérimentation des cours criminelles, et sa généralisation est une excellente chose. Je suggèrerai également que les magistrats à titre temporaire puissent aussi siéger comme assesseurs dans les cours d’assises, comme nous l’avions fait en 2019 pour les magistrats honoraires.

Concernant la généralisation des cours criminelles, je tiens d’abord à souligner que recourir à l’expérimentation dans un domaine aussi sensible que le jugement des crimes était une nouveauté.

Nous avons fait confiance aux acteurs pour utiliser ce dispositif, et ils s’en sont emparés : c’est un succès unanimement reconnu par tous ceux qui l’ont pratiqué, au point d’ailleurs de faire changer d’avis notre garde des Sceaux, mais pas que lui. J’en profite pour saluer Antoine Savignat avec lequel j’ai mené la mission flash d’évaluation de la cour criminelle départementale.

Il a été reproché au Gouvernement de ne pas aller au bout de l’expérimentation, mais il n’était pas souhaitable de maintenir ainsi deux manières de juger les mêmes crimes sur le territoire national. Les premières évaluations, dont celle que je viens de citer, sont encourageantes : les délais sont plus courts, l’oralité des débats est préservée et ces cours permettent de mieux juger certains crimes si l’on se réfère au taux d’appel.

À terme, et cela a toujours été une ambition affichée, la comparution devant la cour criminelle départementale réduira la correctionnalisation des viols dont personne ne peut se satisfaire. J’insisterai au cours de nos travaux sur l’oralité des débats, qui doit être préservée coûte que coûte en inscrivant notamment que les présidents des cours criminelles doivent avoir l’expérience de la cour d’assises.

J’ai entendu que nous voulions supprimer cette cour. Au contraire ! Elle restera compétente pour les crimes les plus graves et, en appel, pour tous les crimes. Nous renforçons même sa dimension populaire en augmentant le nombre de jurés nécessaires pour déclarer un individu coupable.

Je souhaiterais faire de la cour criminelle un outil pour renforcer la proximité de notre justice. Je serais donc attentif aux propositions visant à l’autoriser à siéger dans un autre tribunal judiciaire du département que celui du siège de la cour d’assises, c’est-à-dire dans une cour criminelle départementale.

Je souhaite que certains des crimes pour lesquels elle est compétente puissent être confiés au juge d’instruction du tribunal judiciaire sans aller systématiquement au pôle d’instruction, parfois éloigné, ce qui rend souvent chaotique le suivi de certaines affaires au détriment des plus fragiles de nos justiciables.

L’article 8 prévoit une expérimentation – je souligne qu’il ne s’agit que d’une expérimentation – consistant à permettre aux avocats honoraires de siéger comme assesseurs dans les cours criminelles et les cours d’assises.

J’entends les réticences que suscite cette idée que nous avions proposée avec Antoine Savignat lors de notre évaluation des cours criminelles. Il ne s’agit pas, comme le dit l’exposé des motifs – peut-être maladroitement –, de s’assurer que les magistrats respecteront les droits de la défense par cette présence à leurs côtés.

Notre idée était la suivante : la cour criminelle et la cour d’assises requièrent des assesseurs en nombre, et les avocats honoraires n’ont pas toujours l’idée de demander le statut de magistrat à titre temporaire qui permet d’intervenir sur de nombreux contentieux. En créant un statut spécifique, pour le jugement des seuls crimes, nous voulions augmenter le vivier d’assesseurs tout en maintenant un certain niveau de spécialisation et favoriser les échanges entre les professions du droit sur cette justice si particulière qu’est le jugement des crimes.

Concernant l’exécution des peines, l’article 9 innove en instituant notamment deux nouveaux dispositifs : d’abord, un mécanisme de libération sous contrainte de droit pour les personnes condamnées à une peine de moins de deux ans et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois ; ensuite, un nouveau régime de réduction de peine qui supprime l’automaticité des crédits de réduction de peine et les fusionne avec les réductions supplémentaires de peine.

Sera ainsi créé un régime unique de réduction de peine avec une évaluation individualisée se fondant sur la bonne conduite en détention et sur les efforts sérieux de réinsertion de la personne condamnée. J’insiste sur ce « et », car c’est, je crois, un élément important pour éviter une trop grande disparité de jurisprudence entre juges d’application des peines.

Je présenterai plusieurs amendements visant à préciser l’application de ce nouveau régime, qui devra prendre en compte le comportement du détenu dans son ensemble.

J’en viens aux dispositions relatives au service public pénitentiaire.

Notre commission ne sait que trop bien quels défis nous devons encore relever afin d’améliorer, rapidement et durablement, la situation dans nos établissements pénitentiaires. Après la récente adoption d’une procédure de recours pour saisir le juge judiciaire de conditions de détention indignes, nous marquons aujourd’hui une nouvelle avancée en matière de droits des personnes détenues avec la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire.

Il s’agit là d’une revendication ancienne et légitime qui permettra d’améliorer le travail des personnes détenues. Nous devons d’une part mieux encadrer ce travail et accorder aux détenus les droits qui en découlent, tout en prenant bien sûr en compte les contraintes inhérentes à la détention, et, d’autre part, développer le travail en détention, car c’est sans doute une des principales clefs pour améliorer la réinsertion des personnes condamnées et incarcérées.

Concernant les professions du droit, la réforme de leur discipline a été plusieurs fois repoussée, nourrissant des critiques, souvent injustes, à l’encontre de ces professionnels.

Encouragée par les travaux de certains de nos collègues, notamment de Cécile Untermaier et Fabien Matras, une grande concertation s’est ouverte pour révolutionner la discipline des professions réglementées. L’enjeu n’est pas des moindres : les notaires rencontrent chaque année 20 millions de fois nos concitoyens et c’est, heureusement, par leur intermédiaire que nous entrons le plus fréquemment en contact avec la justice.

Les professions se sont mobilisées pour proposer la modernisation de leur régime disciplinaire que le garde des Sceaux a déjà présentée. Je suis convaincu que ces nouvelles procédures faciliteront les relations entre ces professionnels et les usagers et je m’en réjouis car la justice du quotidien sera ainsi plus transparente.

Ce texte envisage encore l’amélioration des conditions d’intervention des professions du droit au bénéfice tant des professionnels que du justiciable. C’est ainsi que je soutiens, à l’article 29, le développement des modes alternatifs de règlement des différends en conférant la force exécutoire aux accords contresignés par les avocats après apposition de la formule exécutoire par le greffe.

Cette approche peut aussi faciliter l’accès à la justice. Dans cet esprit, l’article 31, qui inscrit dans la loi la possibilité pour les parties de produire les justificatifs de leurs frais de justice, sera de nature à faciliter le paiement des frais irrépétibles exposés.

Enfin, une justice de qualité implique parfois de réaliser des ajustements dans des réformes récentes pour assurer leur caractère pleinement opérationnel.

C’est en ce sens que l’article 33 envisage de reporter de deux ans l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure des injonctions de payer, des difficultés techniques empêchant pour le moment de garantir un fonctionnement fluide de la nouvelle juridiction nationale des injonctions de payer à laquelle nous sommes attachés.

Par ailleurs, pour mettre un terme aux hésitations jurisprudentielles quant à l’identification du juge compétent pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance, l’article 34 attribue la compétence au tribunal judiciaire, assurant ainsi au justiciable un accès plus aisé à cette procédure.

Voici mes remarques sur ce projet de loi. J’ai été lapidaire car son contenu est riche et chacun compte s’exprimer. Je ne manquerai pas de développer, au cours des débats, ce qui a trait aux interrogations qui pourraient demeurer.

Je suis certain que nos travaux enrichiront ce texte pour lui permettre de remplir pleinement l’objectif qui lui est assigné, celui d’une nécessaire confiance dans une vertu que notre pays, celui des droits de l’homme, a érigé en une grande et belle institution : la justice.

Mme Laetitia Avia. Monsieur le ministre, votre projet vise à renforcer la confiance dans l’institution judiciaire, belle ambition à laquelle notre groupe ne peut que souscrire tant elle s’inscrit dans la continuité de ce que nous soutenons depuis le début de notre mandat avec la loi de programmation et de réforme de la justice votée en 2019 pour une justice plus moderne, plus efficace, plus humaine, plus accessible, prévoyant une programmation budgétaire inédite sur cinq ans à laquelle vous avez donné un coup d’accélérateur historique – à hauteur de 8 %, soit 1,7 milliard d’euros supplémentaires – dès votre nomination ; avec la proposition de loi de notre collègue Dimitri Houbron pour une justice pénale de proximité ; avec la réforme de la justice pénale des mineurs portée par nos collègues Jean Terlier et Alexandra Louis, ainsi qu’avec les nombreux rapports et missions sur la justice qu’ont produits nos collègues.

Je pense en particulier à ceux de Didier Paris sur les travaux d’intérêt général et le secret de l’enquête, de Naïma Moutchou et Philippe Gosselin sur l’aide juridictionnelle, de Raphaël Gauvain sur le secret professionnel ou encore de Cécile Untermaier et Fabien Matras sur les officiers publics ministériels.

Nous n’avons pas chômé. Et pourtant, il reste tant à faire, tant nos concitoyens peuvent exprimer vis-à-vis de la justice de la distance, de la méfiance, voire de la défiance, ce qui n’est pas acceptable dans un pays de droits et de libertés tel que la France.

Ce projet de loi vise à entendre les préoccupations légitimes de nos concitoyens et à y répondre, au travers de dispositions redonnant du bon sens au fonctionnement de la justice, comme celles visant à filmer et à diffuser les audiences. Car si la justice est théoriquement rendue publiquement, rares sont ceux qui osent pousser les portes d’un palais de justice et qui en comprennent le fonctionnement, réservant ainsi la justice, notre bien commun, à quelques sachants.

Nous débattrons des garde-fous, notamment de la protection des mineurs à laquelle notre groupe est particulièrement attaché. Nous en saluons d’ores et déjà le principe.

Ce projet vise également à mieux encadrer des enquêtes qui sont interminables et qui placent une épée de Damoclès au-dessus de justiciables, sans perspective ni calendrier clairs. Je salue en particulier la disposition visant à ouvrir le contradictoire lorsque le secret de l’enquête n’est plus qu’illusoire, tant il aura été porté atteinte à la présomption d’innocence dans les médias ou sur les réseaux sociaux.

Vous proposez également des mesures d’encadrement des perquisitions, écoutes et fadettes chez ceux qui assurent la défense des intérêts de nos concitoyens, les avocats. Si nous soutenons ces mesures, nous devons nous assurer que l’ensemble de la relation entre le client et son avocat, qu’il s’agisse de conseil, d’évaluation des risques, de règlement amiable ou de contentieux, soit couvert par le secret professionnel de la loi de 1971 et ainsi protégé dans le cadre d’une procédure pénale, sauf, évidemment, en cas de soupçon de complicité de l’avocat.

La confiance dans l’institution judiciaire passe aussi par la confiance en son propre avocat.

En ce qui concerne les auxiliaires de justice, vous avez mis le doigt sur une difficulté réelle : le sentiment d’entre-soi qui alimente lui-même un sentiment d’injustice chez ceux qui ont des réclamations à formuler à l’encontre de ceux-ci.

Lors des auditions, vos propositions portant sur la déontologie et la procédure disciplinaire ont largement fait consensus. J’espère que cela sera également le cas en commission des Lois.

Enfin, deux propositions feront, nous le savons, un peu moins consensus. Tout d’abord, la généralisation des cours criminelles départementales : si nous entendons les interrogations de ceux qui auraient voulu que l’expérimentation aille à son terme, nous ne pouvons pour autant nier les réels bénéfices de ces cours, notamment dans la lutte acharnée contre la correctionnalisation des viols. Nous ne pouvons plus tolérer que des victimes l’acceptent pour éviter le jury populaire, le temps et la pression de la cour d’assises.

Je remercie notre collègue rapporteur Stéphane Mazars et notre collègue Antoine Savignat qui ont si promptement pu mener à bien une première évaluation du dispositif : elle nous est particulièrement précieuse au moment de légiférer sur cette généralisation.

Deuxième disposition qui fait moins consensus : redonner du sens à l’exécution des peines de prison. Avec la création du code pénitentiaire et d’un statut de détenu travailleur, nous disons bien évidemment oui à la dignité en prison.

Vous proposez également de supprimer les réductions automatiques de peine. Comment, en effet, avoir confiance en la justice si dès le prononcé de la peine de prison, le détenu sait que, sauf accident de parcours, il ne l’accomplira pas intégralement ? Nous devons donner du sens à la peine en renforçant le rôle des efforts de réinsertion dans l’octroi des réductions de peine.

Si nous ne pouvons sur ce point que saluer le principe de la disposition qui nous est soumise, il nous reste cependant de nombreuses questions opérationnelles à soulever pour faire vivre pleinement cette idée. Comment nous assurer que cela n’entraîne pas de surpopulation carcérale ? Comment éviter les disparités de traitement selon les établissements ? Comment anticiper et préparer les sorties dans ce nouveau système et éviter ainsi les sorties sèches ?

Nous espérons que les débats à venir nous permettront d’obtenir des éclaircissements sur ces quelques points d’un projet de loi qu’à l’issue de notre travail collectif le groupe La République en marche votera avec enthousiasme.

M. Antoine Savignat. L’examen d’un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, voilà donc la tâche à laquelle nous nous attelons. Nous ne devrions pas avoir à nous poser une telle question dans une société démocratique fonctionnant bien, et encore moins à légiférer pour y répondre, tant il ne saurait être contesté que la confiance se gagne et ne s’impose pas.

Mais nous ne pouvons que constater qu’au fil des ans, notre système judiciaire s’est quelque peu déconnecté du reste de la population et qu’il est peut-être trop souvent, dans l’opinion publique, la cause ou le responsable de nombre de maux de notre société.

Incompréhension, manque de clarté, méconnaissance, fonctionnement désuet, manque de transparence sont autant de causes de désamour des Français à l’égard de celle qui pourtant est la seule garante de leurs libertés, de leurs droits ou du bien vivre ensemble. Cependant, le fossé ne cesse de se creuser. Encore récemment, l’affaire Halimi a démontré l’incompréhension et la colère que peuvent susciter des décisions de justice.

Nous devons donc aujourd’hui rétablir cette indispensable confiance entre les Français et leurs juges. Le pouvoir législatif doit ainsi créer les conditions de la confiance en l’autorité judiciaire. Cela passera nécessairement par une meilleure compréhension de son fonctionnement et par plus de transparence.

La diffusion d’audiences, sujet que nous abordons avec prudence et scepticisme, peut y contribuer à condition de respecter strictement les droits et libertés de tous et d’être mise en œuvre de manière objective afin de permettre à tous de comprendre ce qu’est la réalité du fonctionnement judiciaire.

Il faudra s’assurer du consentement de tous à la diffusion, mais également du respect du droit à l’oubli, ainsi que veiller à ce que tout soit contextualisé. Une audience ne se déroule jamais de la même manière selon qu’elle a lieu à treize heures trente ou à vingt-trois heures, à l’issue de l’examen du dixième ou du douzième dossier.

L’enquête et l’instruction sont de longue date sources de fantasmes et de critiques. Encadrer les délais, mieux garantir les droits de la défense, mais également ceux du conseil, pendants directs de ce droit à la défense, respecter le contradictoire, protéger et renforcer la présomption d’innocence sont des passages obligés pour rétablir la confiance.

La question de la limitation de la détention provisoire semble moins opportune dans la recherche du rétablissement de la confiance, la critique provenant toujours de l’incompréhension naissant d’une décision de ne pas la prononcer ou de la lever, bien plus que de son prononcé.

L’évolution proposée en matière de jugement des crimes et la généralisation des cours criminelles permettront d’apporter une réponse plus rapide, facteur indispensable de confiance, mais aussi et surtout une vraie réponse aux victimes pour des faits qui par opportunité étaient trop souvent correctionnalisés.

Nous aurons également l’occasion de débattre de la question de la majorité en délibéré devant les cours d’assises et de la place des jurés dans la prise de décision. Si nous ne pouvons que nous féliciter de voir l’effort en faveur de la réinsertion reprendre toute sa place dans la décision de libération conditionnelle, et les remises automatiques de peine disparaître, l’échelle des remises proposée semble peu réaliste, particulièrement pour les courtes peines pour lesquelles la remise ne serait calculée que sur une petite – voire toute petite – période probatoire. Nous aurons l’occasion d’en discuter.

La question du travail des détenus nous semble mériter un débat bien plus complet, les nombreux enjeux ne pouvant se limiter aux quelques articles du texte et à une habilitation à légiférer par ordonnances. Le risque de faire fuir les commanditaires nous semble trop important pour procéder de la sorte.

La discipline et la déontologie des professions du droit sont évidemment des facteurs qui permettront également de contribuer à plus de sérénité et de confiance. Nous aurons l’occasion de discuter des ajustements en la matière.

Si nous n’avons pas pu, par voie d’amendement, formuler l’une des propositions que nous avions imaginées avec mon collègue Olivier Marleix, à l’issue de la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice, car elle relève du pouvoir réglementaire, vous pouvez, vous, monsieur le ministre, créer une journée annuelle au cours de laquelle les citoyens figurant sur la liste des jurés pourraient échanger avec les chefs de juridiction sur l’activité des tribunaux.

De la transparence, de l’écoute et de la pédagogie, autant de choses de nature à rétablir la confiance.

Dernier point : le projet de loi organique et la question de l’avocat honoraire dans la composition de la cour d’assises et de la cour criminelle, proposition que nous avions formulée avec monsieur le rapporteur à l’issue de la mission flash sur les cours criminelles et des auditions que nous avions menées.

Nous ne la considérions ni comme une rustine ni comme un moyen de pallier un hypothétique manque de magistrats, mais comme une façon de réintroduire un peu de société civile dans la composition de cette cour et de permettre à la cour criminelle de disposer d’un assesseur ayant plus de temps pour prendre connaissance du dossier.

Ce n’est pas une révolution, puisque ce dispositif figure à l’article 212-4 du code de l’organisation judiciaire qui permet aux avocats dans l’ordre du tableau de pallier un manque dans une juridiction.

La mise en œuvre de cette proposition pour la cour d’assises sera, je n’en doute pas, débattue, mais sa raison d’être pour la cour criminelle nous semble fondée et raisonnable.

Dernier point que nous envisagerons dans le cadre de l’examen du projet de loi organique puisque cela figure parmi les propositions que nous sommes amenés à formuler : le choix à opérer pour les magistrats entre la fonction du siège et celle du parquet, élément essentiel pour faire progresser la compréhension du fonctionnement de notre justice par l’ensemble des Français.

Vous l’aurez compris, nous abordons l’examen de ce texte avec vigilance et bienveillance, le rétablissement de la confiance ne pouvant qu’être un objectif partagé par tous.

Mme Laurence Vichnievsky. Une observation liminaire : le projet de loi n’aborde pas les questions relatives aux contentieux civils, commerciaux et prud’homaux, qui représentent les trois quarts de l’activité des juridictions de l’ordre judiciaire, et dont nos concitoyens attendent tant en raison des conséquences qu’ils entraînent sur leur vie quotidienne.

L’article 1er permet l’enregistrement d’audiences et sa diffusion au nom d’un motif d’intérêt public lié à la pédagogie ou à l’importance de l’affaire. Nous soutenons cette mesure, mais voulons réserver au législateur plutôt qu’à l’exécutif le pouvoir de déterminer l’autorité compétente pour décider d’un enregistrement, et nous proposons qu’il s’agisse des chefs de cour dans les deux ordres de juridiction.

L’article 2 limite à trois ans au total la durée des enquêtes préliminaires, la portant à cinq ans pour certains crimes ou délits – criminalité organisée, terrorisme. Il introduit en outre une part de contradictoire au sein des procédures en question. Mais il faut être réaliste : lutter contre la délinquance suppose aussi de limiter, au niveau de l’enquête, les droits de la défense des personnes soupçonnées. Nous avons donc déposé deux amendements à cet article, l’un étendant aux infractions financières le champ des enquêtes dont la durée est susceptible d’être prolongée jusqu’à cinq ans, l’autre visant à éviter que le fait d’avoir été présenté comme coupable dans les médias ne donne de plein droit accès au dossier de la procédure.

L’article 3 s’attache à mieux garantir le secret professionnel de l’avocat dans le cadre de l’enquête pénale. Si nous en soutenons le principe, nous prenons acte du fait que le texte exclut toute immunité de l’avocat lorsqu’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis l’infraction qui fait l’objet de l’enquête. Pour nous, il doit en être de même de l’avocat soupçonné d’avoir commis une infraction connexe – commise, aux termes de l’article 203 du code de procédure pénale, pour faciliter ou consommer l’exécution de l’infraction principale ou pour en assurer l’impunité. Stéphane Mazars me faisait observer que c’était aussi l’objectif de l’avocat que d’assurer l’impunité de son client ; certes, mais pas en commettant une infraction !

L’article 7 généralise les cours criminelles départementales bien que la période de leur expérimentation soit inachevée. Nous soutenons cette proposition du Gouvernement, qui aboutira à désengorger le rôle des cours d’assises et à réduire le délai de jugement des affaires criminelles.

L’article 8 permet de faire siéger des avocats honoraires au sein de la formation de jugement des cours d’assises et des cours criminelles départementales. La motivation de cette mesure, liant le remplacement d’un magistrat par un avocat à la restauration de la confiance en la justice – c’est le sens de l’étude d’impact –, a été logiquement perçue par le corps judiciaire comme un signe de défiance. Je ne suis pas sûre, pour ma part, que les Français préfèrent voir juger les criminels par des avocats plutôt que par des juges. Notre groupe est très majoritairement opposé à cette réforme, qui ne remédie à aucune difficulté de gestion des effectifs, du moins au niveau des cours d’assises.

Nous partageons en revanche la philosophie du projet de loi en matière d’exécution des peines. L’article 10 tend ainsi à remplacer le crédit acquis de plein droit par une réduction de peine accordée par le juge en fonction de critères fondés sur la bonne conduite et les efforts de réinsertion.

Les dispositions relatives à la promotion du travail et de la formation en prison vont elles aussi dans le bon sens. Ce n’est pas notre présidente qui dira le contraire, ni les nombreux collègues ayant participé comme moi à nos missions concernant les prisons – même s’il reste à confronter ces mesures aux difficultés inhérentes à tout travail carcéral.

Enfin, le renforcement du cadre déontologique et disciplinaire applicable aux professions du droit peut accroître la confiance que nos concitoyens leur accordent et favoriser le dialogue entre magistrats et avocats.

Nous avions souhaité compléter le texte par plusieurs mesures destinées à renforcer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, notamment la modification de l’article 122-1 du code pénal s’agissant de la responsabilité pénale ; mais notre amendement en ce sens a été déclaré irrecevable. Bien que le Gouvernement ait annoncé un projet en cette matière, et que notre commission ait décidé de créer une mission flash à ce sujet, ce dont je me réjouis, je ne comprends pas cette irrecevabilité, à moins de considérer que la décision prise par la Cour de cassation le 14 avril dernier n’a pas ébranlé la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire.

À également été déclarée irrecevable notre proposition d’étendre la qualité à agir dans les actions de groupe en matière de consommation, alors qu’elle faciliterait l’accès de nombreuses victimes à la justice – certes civile – et serait de nature à redonner confiance dans l’institution.

Seule a été retenue notre proposition de consacrer aux crimes sériels et aux affaires non élucidées un pôle national spécialisé qui permettra d’en améliorer le traitement à moyens constants.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous savez très bien, ma chère collègue, que l’irrecevabilité d’un amendement ne s’apprécie pas en fonction du titre du projet de loi et que les amendements concernant l’affaire Halimi sont clairement irrecevables. Tout le monde en est parfaitement conscient ; en témoignent certains courriers que j’ai reçus me demandant de faire des exceptions à l’article 45 compte tenu du retentissement de l’affaire – ce qui m’est impossible, vous le savez également. Au bout de quatre ans à la commission des lois, nul n’ignore que l’application de l’article 45 n’a rien à voir avec le titre du texte ; affirmer le contraire est inutile et assez agaçant.

Mme Cécile Untermaier. On ne compte plus le nombre de lois ambitionnant de rétablir la confiance dans nos institutions, comme si nous étions des enfants complètement perdus, privés de tout lien avec ces dernières. En matière judiciaire, il sera pourtant difficile d’atteindre cet objectif essentiel en mettant à ce point l’accent sur la justice pénale.

Car c’est d’abord de la lenteur de la justice civile que les citoyens se plaignent. Sans mettre en cause le travail des magistrats, qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens dont ils disposent, ce sont bien les délais dans les litiges du quotidien – affaires familiales, tutelles et curatelles, consommation – qui sont critiqués par les justiciables et qui les découragent de saisir la justice.

Ce sont aussi, pour en revenir au pénal, les nombreux classements sans suite qui ne sont notifiés ni aux plaignants ni aux victimes, faute de temps. Il faut se donner les moyens de satisfaire cette simple exigence qui nous est rappelée constamment par nos concitoyens : dès lors que la justice est saisie, une réponse judiciaire doit être impérativement donnée. C’est d’abord ainsi que l’on crée la confiance.

Le texte comporte plusieurs mesures bienvenues, dont la limitation de la durée de l’enquête préliminaire, une initiative courageuse issue des travaux de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire présidée par Ugo Bernalicis. Il convient aussi d’étendre le contradictoire et de rééquilibrer ainsi les droits de la défense et ceux de l’accusation. Nous proposerons de réduire encore davantage le délai dévolu à l’enquête, ce qui ne plaira ni au parquet ni aux juges du siège, et d’ouvrir le contradictoire à un stade plus précoce que ne le prévoit le texte.

La consolidation du secret professionnel de l’avocat s’imposait alors que de récentes affaires ont mis en évidence de graves atteintes à ce principe ; je salue l’avancée qu’elle représente. Nous reviendrons sur la définition du secret professionnel, à propos duquel il nous paraît improbable de dissocier l’activité de défense de celle de conseil.

La refonte des règles déontologiques et des procédures disciplinaires applicables aux professionnels du droit emporte également notre adhésion. Les dispositions en la matière reprennent des recommandations élaborées dans le cadre de la mission d’information que j’ai menée avec Fabien Matras. Nous demanderons qu’elles soient complétées par la création du collège de déontologie dont nous avons tant parlé dans le cadre de la loi relative au parquet européen.

La création du statut de détenu travailleur, ainsi que la reconnaissance à venir, par ordonnance, des droits sociaux des détenus concourt à l’effort qui incombe en la matière à la France, condamnée à de nombreuses reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions de détention dans ses prisons. Il s’agit d’un programme vaste et important.

Enfin, l’acte d’avocat, très attendu, est sans doute le seul moyen d’agir plus vite en matière judiciaire.

D’autres mesures appellent quelques réserves.

Ainsi de la généralisation des cours criminelles départementales, amenée à réduire fortement la fréquence de la tenue des cours d’assises, que vous prétendiez pourtant vouloir défendre bec et ongles, monsieur le ministre. Cette disposition ne respecte pas la volonté du législateur d’imposer une phase expérimentale de trois ans afin de permettre une véritable évaluation à laquelle soient associés les professionnels, notamment les avocats. La création de ces nouvelles cours signe par ailleurs la fin de l’oralité des débats et du jury populaire, lequel contribue pourtant au rapprochement visé par le texte entre le peuple et la justice. Au demeurant, ces juridictions mobilisent cinq magistrats, contre trois pour les cours d’assises, alors que les effectifs manquent.

La suppression des remises de peine automatiques n’emporte pas l’adhésion des professionnels, qu’il s’agisse des magistrats, des avocats ou des membres de l’administration pénitentiaire. Je n’en ai pas trouvé un seul pour défendre ce nouveau dispositif, à propos duquel le Conseil d’État a par ailleurs émis des réserves. Actuellement, l’automaticité n’est pas de droit, puisque les crédits de réduction de peine peuvent être retirés en cas de mauvaise conduite, et il me semble dangereux de laisser croire au contraire aux citoyens que ce dispositif permettrait à n’importe quel détenu de bénéficier d’une réduction de peine, quel que soit son comportement.

En ce qui concerne l’enregistrement d’une audience et sa diffusion, pourquoi pas ? La justice doit devenir visible, sortir des murs du tribunal – mais sans que ses professionnels soient mis en danger. Qu’en est-il du motif d’intérêt public justifiant un tel mécanisme ? Est-ce la pédagogie qui est visée ?

S’agissant enfin d’un amendement déposé par plusieurs groupes et concernant une demande émanant de la Cour de cassation, le régime sec de l’article 45 auquel sont soumis les députés n’exclut pas le discernement et, dans ce cas précis, je regrette que nous n’ayons pas ouvert la porte de la loi pour y intégrer une mesure relevant pleinement de son sujet.

M. Dimitri Houbron. Retisser le lien de confiance entre les Français et leur justice est un enjeu majeur pour une société démocratique comme la nôtre. Les deux textes qui nous sont soumis se fondent sur un constat que nous partageons tous : l’érosion de la relation entre la société et l’institution judiciaire. Le Parlement ne cesse de se réunir pour remédier à ce mal et améliorer le fonctionnement de la justice, comme lors de la réforme de 2019 ou, plus modestement, de l’examen, il y a quelques mois, de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Les deux textes prévoient des mesures inédites touchant l’ensemble des acteurs de l’institution judiciaire ainsi que les auxiliaires de justice, mais aussi les Français – étudiants, justiciables et citoyens curieux.

Concernant la peine et la réinsertion, je suis très attaché aux questions de la réponse pénale, du sens de la peine et de la réinsertion des détenus. Je ne peux donc que saluer la reprise par le projet de loi de propositions très ambitieuses formulées par le Conseil économique, social et environnemental dans le rapport relatif à la réinsertion des personnes détenues qu’il a rédigé à la demande du Premier ministre. Le CESE recommandait notamment de faire de la formation et du travail les leviers de la réinsertion grâce à l’établissement d’un contrat de travail spécifique déterminant l’acquisition de droits à l’assurance chômage, à la retraite et à la formation et grâce au développement de l’insertion par l’activité. À cet égard, le projet de loi est conforme aux attentes et aux besoins de l’administration pénitentiaire, très soucieuse de l’existence et de la qualité des perspectives économiques et sociales offertes aux détenus.

Dans le même esprit, j’avais déposé des amendements directement inspirés des recommandations du CESE, hélas jugés pour la plupart irrecevables. Il s’agissait d’améliorer l’accès des détenus au numérique pour leur permettre d’amorcer leurs démarches administratives et de recherche d’emploi, de faciliter leur accès à un logement ou à un hébergement, d’alléger les conditions auxquelles ils peuvent ouvrir un compte bancaire ou encore de fluidifier le processus de renouvellement de leur pièce d’identité.

En effet, s’il est nécessaire de faire preuve de fermeté envers ceux qui violent le pacte social et les lois de la République, ne pas aider un détenu à trouver un emploi, à apprendre à lire, à trouver un logement ou à entamer des démarches administratives, c’est le condamner une nouvelle fois.

De plus, le code pénal le dit, l’une des fonctions de la peine est de favoriser l’amendement, l’insertion ou la réinsertion de l’auteur de l’infraction. Le projet de loi contribuera à cette visée.

Je souhaite également un plan d’action global visant à définir des critères objectifs permettant de valider la suppression de la réduction automatique de peine. En se donnant la possibilité de prévoir les situations où des efforts ont été accomplis, les cas de bonne conduite, on rendrait le texte plus lisible. Cette recherche de sécurité juridique se traduirait par un décret. Ainsi le droit à la sûreté garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen serait-il pleinement respecté.

S’agissant de l’enregistrement et de la diffusion des audiences, le groupe Agir ensemble attend du Gouvernement plus de précisions sur leurs modalités et sur la pédagogie par laquelle le garde des Sceaux entend mieux faire connaître la justice à nos concitoyens. Rappelons que c’est en réponse aux désordres déclenchés par le procès Dominici que ce type de procédé fut interdit par la loi du 6 décembre 1954. Le risque du sensationnel et du voyeurisme est grand si la façon de faire n’est pas clairement définie. Nous vous proposerons donc que l’article 1er soit d’abord appliqué à titre expérimental, de manière à pouvoir constater les écueils et y remédier avant la généralisation de la mesure, tout simplement pour éviter de faire échouer une belle idée par précipitation.

Concernant les enquêtes préliminaires visées à l’article 2, il nous paraît nécessaire de préciser davantage les cas dans lesquels elles pourront être soumises au contradictoire et, surtout, de quelle manière elles le seront. Je défendrai donc un amendement réservant cette possibilité aux procès-verbaux achevés, à l’exclusion des actes en cours. En effet, soumettre l’intégralité des actes au contradictoire pourrait contrer l’enquête, se révéler inefficace et, ainsi, affaiblir notre justice.

Enfin, nous sommes surpris de la possibilité offerte aux avocats honoraires d’être désignés assesseurs de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale. L’avocat et le magistrat exercent deux offices tout à fait différents. En institutionnalisant un tel mélange des genres, on risque de compliquer encore davantage la compréhension par les citoyens de l’architecture judiciaire.

Nous ne comprenons pas non plus la volonté de rétablir la minorité de faveur pour les accusés aux assises : elle rend plus difficile leur condamnation, partant du postulat que les trois magistrats votent nécessairement de la même façon et qu’il faut donc que quatre jurés, et non seulement trois, votent la culpabilité pour que celle-ci soit déclarée. J’entends le souhait de renforcer les jurys populaires, mais j’ai peur que cette évolution n’entraîne une défiance vis-à-vis de nos magistrats, contrairement à l’objectif du texte.

Si, dans l’ensemble, les mesures qui nous sont soumises vont dans le sens des ambitions affichées, certaines méritent d’être encadrées et débattues pour davantage de cohérence. Cela dit, je voterai bien évidemment en faveur du projet de loi et du projet de loi organique.

M. Pascal Brindeau. Vous avez parlé, monsieur le garde des Sceaux, du fossé croissant entre la justice et nos concitoyens ; il est vrai que la confiance d’une nation en ses institutions judiciaires est l’un des éléments d’appréciation de la bonne santé d’une démocratie. Votre texte n’est pas le premier à ambitionner de restaurer la confiance ; l’avenir dira si le projet de loi Dupond-Moretti aura mis fin à une défiance toujours recommencée ou s’il ne restera dans l’histoire que comme une réforme de plus.

Quatre éléments peuvent contribuer à la confiance dans la justice. D’abord, nos concitoyens lui reprochent souvent la longueur de ses procédures et de ses décisions. Ensuite se pose la question de l’égal accès de tous à la justice. Souvent aussi, à tort ou à raison, celle de son indépendance. Il y va enfin de la compréhension de la justice rendue, l’actualité nous le rappelle – je ne reviendrai toutefois pas sur l’affaire Sarah Halimi, puisque nous ne pourrons pas en débattre dans le présent cadre mais qu’un texte à venir nous permettra d’en traiter.

Cela a été dit, vous avez choisi de ne vous préoccuper ici que de justice pénale, alors que c’est souvent la justice du quotidien – la justice civile – que nos concitoyens voudraient plus compréhensible, plus rapide et plus simple. Vous me répondrez sans doute qu’un seul texte ne peut pas embrasser tous les enjeux d’une telle réforme ; mais c’est peut-être un manque du projet de loi.

Quelle est la cohérence entre les nombreuses matières et évolutions qui y sont traitées ? Par exemple, vous dites vouloir faciliter l’insertion des détenus en instaurant un contrat de travail pénitentiaire, mais vous supprimez les crédits de réduction de peine automatiques au profit d’un nouveau dispositif dont on se demande s’il permettra au juge de l’application des peines, vu le nombre de saisines dont il fait l’objet, de bien apprécier le comportement et la volonté d’insertion du détenu.

Vous dites que l’objectif de l’article 1er est la pédagogie et que vous ne souhaitez pas que l’on verse dans la justice spectacle ; d’accord avec vous sur ce dernier point, je suis a priori très circonspect quant à l’enregistrement et à la diffusion des audiences et j’espère que nos débats feront la lumière sur les garde-fous à de possibles dérives.

Quant à la généralisation immédiate des cours criminelles départementales, elle fait débat même si l’on en comprend l’objectif. Vous faites valoir qu’elle évitera la correctionnalisation des viols. Qu’est-ce qui justifie son urgence et l’absence subséquente de concertation à son sujet, relevée par les professionnels du droit que nous avons auditionnés ?

M. Paul Molac. Ce n’est pas une loi qui peut redonner confiance – que ce soit en l’école ou en la justice –, mais des actes. En ce sens, s’il y a certes un lien entre l’écart que ressentent les administrés vis-à-vis des institutions et la confiance qu’ils leur accordent, ce genre d’annonce est plus le révélateur du problème que sa solution.

Parmi les mesures positives que contient le texte figure la limitation à deux ans de la durée des enquêtes préliminaires. Toutefois, 84 % des enquêtes sont clôturées au bout d’une année et 97 % avant deux ans. Dès lors, même s’il faut peut-être davantage de temps pour les enquêtes comportant des enjeux financiers, ne pourrait-on ramener le délai à un an, comme le propose l’un de mes amendements ?

La limitation du recours à la détention provisoire est elle aussi une bonne mesure, même assortie de restrictions. Quelqu’un a dit que, si mauvais que l’on soit en entrant en prison, on en sort plus mauvais encore : la prison n’est pas une bonne école.

Je salue également les dispositions de protection des avocats et de leurs sources ainsi que les contrats de travail pour les détenus.

D’autres mesures posent davantage problème.

En ce qui concerne l’enregistrement des audiences, les spectateurs de certaines émissions de télévision consacrées à des affaires judiciaires se repaissent déjà suffisamment des mauvais aspects de notre société, et je ne voudrais pas d’une justice spectacle qui livre les victimes, voire les agresseurs présumés eux-mêmes, en pâture au public.

J’ai bien compris que les cours criminelles départementales permettent d’éviter la correctionnalisation de crimes tels que le viol et d’alléger la procédure, mais elles ont l’inconvénient de ne pas comporter de jury populaire. Cela pose un problème eu égard au regard que peut porter le peuple sur la justice et, plus généralement, à l’objectif que l’on assigne à celle-ci. C’est sans doute une question de moyens, mais la France n’est pas le pays qui consacre le plus d’argent à sa justice – 69 euros par an et par habitant, contre 84 en moyenne parmi ses homologues européens. Le Gouvernement a fait quelques efforts en la matière, mais un rattrapage supplémentaire est nécessaire.

En ce qui concerne la suppression du caractère automatique de certaines remises de peine, sa stricte application pourrait accroître de 10 000 personnes la population détenue, alors que nos prisons sont surpeuplées. Je rappelle qu’actuellement l’automaticité n’est pas totale puisque le juge de l’application des peines peut s’opposer à la réduction de peine. Le texte apporte-t-il un véritable changement à cet égard ?

Le texte est plutôt bien accueilli par les avocats, un peu moins bien par les magistrats. Reparlons-en.

M. Ugo Bernalicis. Je ne m’attarderai pas sur le caractère présomptueux du titre, relevant seulement qu’il réduit l’institution judiciaire à la justice pénale. Conscient vous-même, monsieur le ministre, de cet écueil signalé par plusieurs de mes collègues, vous avez annoncé la semaine dernière de grandes mesures pour la justice civile, que vous avez qualifiées de « sucres rapides » – mais tout le problème de ces sucres est que leur effet n’est pas durable. De fait, c’est de contractuels embauchés pour huit mois qu’il est question, sans parler de la manière dont on utilise des chiffres de l’année dernière, ce qui ne rend pas compte de la réalité des efforts accomplis.

Le texte comporte des mesures qui retiennent l’attention et que je trouve tout à fait positives, notamment le contrat de travail pour les personnes détenues et le code de déontologie des officiers ministériels.

D’autres vont dans le bon sens, mais méritent d’être retravaillées et amendées pour être améliorées. Je songe à l’article 1er. Dans les conclusions de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, que j’ai présidée, je formulais mes propres propositions au nom de mon groupe, dont la possibilité de filmer les audiences, aux fins moins de transparence que de contrôle démocratique – c’est ce qui justifie aujourd’hui la publicité des audiences : la justice est rendue au nom et à la vue du peuple français. Nous proposons cependant que les mesures de l’article 1er s’appliquent à titre expérimental : s’il est un domaine dans lequel l’expérimentation est pertinente, c’est bien celui-là. On sait que, de toute façon, la Chancellerie commencera par tester le dispositif dans certaines juridictions. Autant inscrire ce caractère expérimental dans la loi de manière à pouvoir revenir ici en discuter, puisque les avis – tous légitimes – sont partagés, certains craignant une justice spectacle. De ce point de vue, mieux vaudrait ne pas limiter les retransmissions aux audiences pénales : la justice civile, la plus méconnue, ne fait jamais, elle, l’objet d’aucun reportage télévisé.

Je suis spontanément favorable à l’encadrement de l’enquête préliminaire, mais le problème, ce sont les moyens, et les perspectives qu’ils impliquent quant à l’issue des affaires. On a cité à ce propos les dossiers économiques et financiers. Dans ce domaine, je l’ai constaté avec Jacques Maire dans le cadre de notre rapport d’information sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière, il n’est pas rare que les enquêtes préliminaires durent plus de deux ou trois ans, du fait non de la lenteur du parquet ou des enquêteurs, mais de la dimension internationale des affaires qui nous rendent tributaires des délais de communication de pièces par d’autres pays.

Dans ce contexte, à quoi bon reporter la charge sur l’information judiciaire ? Au stade de l’instruction, les piles de dossiers sont encore plus élevées qu’au parquet ! On voudrait prolonger le délai de traitement de l’affaire que l’on ne s’y prendrait pas autrement, au détriment tant de la victime que du mis en cause. Rappelons que la dernière décision du Gouvernement en matière d’instruction a été la suppression des chambres de l’instruction dans des circonscriptions où la majorité s’attendait à de mauvais résultats électoraux lors du scrutin municipal – souvenez-vous des échanges de mails à ce sujet entre la Chancellerie et le cabinet du Premier ministre et des pièces auxquelles ont pu avoir accès les membres de la commission d’enquête que j’ai présidée. Le renforcement des cabinets d’instruction ne semble donc pas être à l’ordre du jour. C’est bien dommage, car si c’était là l’objectif, je signerais des deux mains !

Je suis donc plus favorable à l’introduction du contradictoire aux étapes de contrôle et de mise en état du dossier qu’à l’imposition d’échéances fermes et bloquantes, qui aboutira soit à ce que le dossier aille se perdre au stade de l’information judiciaire, soit à un classement sans suite malgré de bonnes raisons de poursuivre.

Mme Marie-George Buffet. Plusieurs remarques sur le titre du projet de loi. La justice n’est pas la seule de nos institutions qui connaisse ce que l’on appelle facilement une crise de confiance. Cela devrait nous faire réfléchir sur la vieille dame qu’est la Ve République et sur son usure, mais aussi sur les moyens confisqués depuis des années au détriment du déploiement de grands services publics permettant aux usagers et citoyens de disposer de l’ensemble de leurs droits. Monsieur le rapporteur a dit que le projet de loi était ambitieux par son intitulé ; j’espère que son ambition ne s’arrête pas à celui-ci. Il faudrait travailler à restaurer un grand service public de la justice, et ce n’est pas l’objet du texte tel qu’il est rédigé.

Vous parliez à un moment de deux réformes-phares, monsieur le ministre, l’une portant sur l’indépendance du parquet, l’autre visant à encadrer plus strictement les transmissions d’informations des juridictions à la Chancellerie. Ces deux aspects sont absents du projet de loi ; nous ne pouvons que le regretter.

Quelques points me paraissent positifs : le rétablissement de la minorité de faveur afin de respecter la souveraineté populaire ; le statut du détenu travailleur et les droits sociaux afférents – un premier pas qui ne résoudra pas tous les problèmes liés à la condition des détenus, mais dont je ne pense pas, contrairement à ce qui a pu être dit, qu’il fera fuir les commanditaires, car les grandes entreprises devraient se réjouir de confier leur production à des hommes et à des femmes jouissant de véritables droits, et même y voir une source de rayonnement pour elles.

En ce qui concerne les audiences filmées, il faut faire preuve d’une grande prudence, s’assurer que toutes les personnes présentes au tribunal – prévenus, témoins, avocats, juges, etc. – sont consultées au préalable et veiller à l’utilisation du matériel enregistré. Plusieurs l’ont dit, nous ne voulons pas d’une justice spectacle. Il va donc falloir interpeller à ce propos les chaînes publiques – le dossier relève de leurs missions –, mais aussi le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Nous sommes plus réticents et inquiets s’agissant de la généralisation des cours criminelles départementales au détriment des cours d’assises. L’absence de jury populaire dans ces juridictions contredit l’objectif de rétablir la confiance entre la population et la justice. Surtout, il ne faudrait pas que les cours criminelles départementales se spécialisent dans le traitement de certains crimes comme les agressions sexuelles et les viols. Il n’y a pas de crimes moins importants que d’autres et qui ne mériteraient pas d’être jugés en cour d’assises. J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le ministre.

En ce qui concerne la suppression des crédits de réduction de peine dits automatiques, leur obtention était jusqu’à présent subordonnée au comportement des détenus : elle n’était pas si automatique qu’on le dit. Le suivi de l’ensemble de ces mesures va représenter un gros travail : il conviendrait de s’intéresser au nombre de juges de l’application des peines qu’il requerra, ainsi qu’aux moyens nécessaires en effectifs et en formation au sein de l’administration pénitentiaire.

J’espère que l’examen du texte nous permettra de progresser vers une justice plus efficace au service de nos compatriotes.

Mme Blandine Brocard. Merci, monsieur le ministre, de nous présenter ce texte, très attendu par nombre de nos concitoyens qui souffrent d’un manque criant de confiance dans notre institution judiciaire. Vous y proposez notamment d’enregistrer les audiences afin de les diffuser dans un but pédagogique. Faire connaître la justice et son travail étant devenu essentiel, je salue cette proposition qui permettra d’apporter un regard neuf et factuel sur la manière dont la justice est rendue au nom du peuple français.

En revanche, comme beaucoup d’entre nous, je m’interroge sur les modalités de diffusion et sur leurs conséquences sur le droit à l’oubli, que nous tenons à garantir. Autrefois, il aurait été aisé de réserver la diffusion des audiences à des chaînes télévisées, mais, du fait des technologies toujours plus avancées auxquelles nous avons désormais accès, les vidéos peuvent se retrouver sur différentes plateformes pour une durée indéterminée et sans l’accord d’aucune des parties. Heureusement, il existe aussi des technologies qui permettent de protéger les enregistrements : des dispositifs anticopie qui empêchent les captures d’écran ou la diffusion sur des plateformes bien connues – mais, souvent, cela suppose l’accord de ces dernières. Dès lors, comment envisagez-vous précisément de protéger les enregistrements afin de garantir pleinement le droit à l’oubli ?

M. Éric Diard. La confiance dans la justice repose sur deux éléments : la décision de justice elle-même et son efficacité, d’une part ; la déontologie de ceux qui la rendent, d’autre part.

Sur le premier point, j’aimerais tout de même revenir sur l’arrêt abondamment commenté de la Cour de cassation dans l’affaire Halimi. Rendu sur le fondement de l’appréciation d’un comité d’experts, il est néanmoins en totale contradiction avec une décision de la même Cour datant de février 2018 et selon laquelle, dans une affaire de meurtre également commis par un individu aux importants antécédents psychiatriques, « la consommation importante de stupéfiants ne doit pas s’analyser comme une cause d’abolition du discernement mais au contraire comme une circonstance aggravante ». Vous avez publié un communiqué, monsieur le ministre, et vous vous êtes exprimé à ce sujet hier, lors des questions au Gouvernement, pour nous présenter un projet dont nous aimerions connaître un peu mieux, dès à présent, le contenu.

Concernant la déontologie, elle fait l’objet d’un chapitre entier dans le titre consacré aux professionnels du droit, mais seuls les avocats et officiers ministériels sont concernés, et non les magistrats. C’est surprenant, car ils sont la pierre angulaire de l’institution judiciaire et, par là même, de la confiance qu’ont les Français en la justice de leur pays. La justice est indépendante, mais elle ne saurait être anarchique. Pourtant, après l’affaire d’Outreau, l’une des erreurs judiciaires les plus dramatiques que nous ayons connues, le juge Burgaud a bénéficié d’une promotion spectaculaire en étant nommé avocat général à la Cour de cassation.

M. Philippe Gosselin. Après la vie politique, l’économie numérique et l’école, c’est dans la justice qu’un texte de loi entend restaurer la confiance : décidément, la confiance ne va pas de soi, et je ne suis pas sûr qu’une loi suffise à la faire renaître. Si l’on a pu parler d’éloignement entre l’armée et la nation, le constat vaut bien davantage encore du lien entre la nation et la justice, qui se distend depuis des décennies – au moins : les gens de robe, magistrats et avocats, ont fait les beaux jours des caricaturistes du XIXe siècle comme Daumier. Ce mélange de fascination et de répulsion fait partie des défis qu’il nous faut relever.

À cela s’ajoute un contexte particulier : l’affaire Halimi nous rappelle que c’est aussi l’incompréhension des décisions de justice qui alimente la défiance ; quant aux moyens, si notre justice n’est plus en voie de clochardisation comme on a pu le dire il y a quelques années – je donne acte au Gouvernement des efforts récents en la matière –, nous sommes encore loin du compte au regard de beaucoup de pays européens et certaines promesses n’ont pas été tenues, concernant notamment la création de nouvelles places de prison.

Ce qui compte dans le projet de loi est autant ce qu’il contient que ce qu’il ne contient pas. Pouvoir filmer, ouvrir les prétoires, c’est très bien, à condition que nous ne versions pas dans le spectacle médiatique, voire dans le lynchage ; cela permettra peut-être de faire mieux connaître notre institution en compensant les représentations issues des séries américaines – le fameux « votre honneur ». Oui, aussi, à des enquêtes préliminaires plus courtes, oui au secret de la défense, au respect des droits des conseils, aux éléments concernant le travail en prison, auxquels a œuvré notre commission par l’intermédiaire de sa présidente et de deux de ses vice-présidents, oui aux frais de l’article 700 du code de procédure civile – voilà du droit quotidien !

Mais il manque aussi beaucoup de choses : la justice civile – celle du quotidien pour nos concitoyens –, commerciale, prud’homale ; la responsabilité ; l’action de groupe.

Pour le reste, ce qui est entré ne craint pas l’eau ; nous verrons ce qu’il en sera.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous examinons le projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Cet intitulé suggère que la confiance est inexistante à l’heure actuelle. Peut-être eût-il mieux valu parler de « renforcement » de la confiance.

Le caractère quasi systématique de l’appel formé contre la décision de la cour d’assises en première instance conduit à un engorgement de cette juridiction. Dans le système précédent, seul un pourvoi en cassation était possible, s’il était relevé une erreur de droit. À l’heure actuelle, l’appel est devenu la règle, ce qui n’est pas très respectueux des victimes, qui se voient contraintes de participer à un nouveau procès et de revivre une situation traumatique.

Le terme de « victime » est absent du projet de loi, alors que la confiance dans la justice implique que leur situation soit mieux prise en compte. Les victimes auront d’autant plus confiance qu’elles auront le sentiment que la justice est aussi rendue pour elles. Le jury populaire confère cette dimension humaine, qui est ici gommée au profit d’une justice plus professionnelle créée pour juger plus rapidement la masse des dossiers. C’est bon pour les statistiques et le budget, car un procès associant des jurés est coûteux mais, pour la confiance, c’est autre chose.

Il est de règle, aux assises, de ne pas avoir accès au dossier en amont pour ne pas se forger une opinion autre que celle qui ressortirait des débats. Il est gênant que la cour criminelle, qui est chargée de traiter des dossiers relevant de la cour d’assises, puisse s’affranchir de cette règle. On a créé un système hybride, qui place le président dans une situation inconfortable et l’expose à une certaine défiance. On perçoit mal ce qui a motivé ce choix. Peut-être s’agit-il de confier aux assesseurs la présidence d’affaires, mais alors, cela mériterait d’être précisé.

Il est fait référence, pour justifier l’enregistrement des audiences, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme. Vous invoquez la poursuite d’un but légitime, à savoir l’information du public, nécessaire dans une société démocratique. Or, la volonté de transparence existe déjà, puisque le public peut assister aux débats, tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d’assises ou la juridiction civile, lorsque cette dernière ne siège pas en chambre du conseil. Il est primordial, à mon sens, d’assurer la sérénité des débats.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Monsieur Gosselin, votre intervention me rappelle les annotations que je lisais parfois sur mes bulletins scolaires : « peut mieux faire au troisième trimestre ». Vous aviez tenu des propos similaires lors de l’examen du budget. Vous soulignez aujourd’hui l’effort que nous avons accompli, mais vous n’aviez pas voté le budget à l’époque, parce que vous le jugiez insuffisant. Par ailleurs, vous venez de proférer quelques inexactitudes. Par exemple, vous avez dit que le texte ne comportait pas de volet civil. Or, il comprend une partie importante sur la médiation. C’est essentiel, car cela permet d’aller plus vite et cela procure une grande satisfaction aux parties qui adhèrent au processus, car elles ont le sentiment de participer à l’exercice de la justice.

Madame Ménard, on m’a suffisamment reproché de vouloir maintenir les cours criminelles. Si je le fais, c’est en partie pour les victimes, notamment pour celles qui se plaignent d’une correctionnalisation forcée. En effet, les cours d’assises classiques étaient trop eencombrées pour juger ces affaires. Ne m’intentez donc pas ce procès, car il n’est pas juste.

Madame Untermaier, vous m’avez fait remarquer que j’avais tenu des propos différents sur les cours criminelles lorsque j’étais avocat. Il n’a échappé à personne que je ne le suis plus. Lorsque j’ai exercé cette profession, j’ai affirmé ma crainte – je ne renie aucun de mes propos – que cette juridiction nouvelle soit la chronique d’une mort annoncée de la cour d’assises traditionnelle. J’en étais convaincu. Lorsque je suis arrivé au Gouvernement, le Président de la République m’a dit son attachement à la souveraineté populaire et au jury populaire. Puis j’ai constaté que les magistrats étaient satisfaits, comme la grande majorité des avocats – même si on en a entendu quelques-uns hurler et m’interpeller dans des conditions que je ne rappellerai pas. J’ai lu le rapport d’Antoine Savignat et de Stéphane Mazars. J’ai constaté que les taux d’appel des justiciables étaient inférieurs de 11 points dans les affaires jugées par la cour criminelle par rapport à celles qui étaient examinées par la cour d’assises. Je ne pouvais pas ne pas prendre cela en considération. J’ai noté aussi que les délais d’audiencement étaient beaucoup plus courts. Par ailleurs, cette procédure règle définitivement la question de la correctionnalisation, notamment des affaires de mœurs. Qu’aurait-on dit si j’avais maintenu ma position d’origine sans tenir compte de cette réalité ? J’assume totalement ce que j’ai dit, comme mes choix actuels.

L’expérimentation a été étendue et a assez duré. Comme l’a dit Stéphane Mazars, on ne va pas avoir en France deux systèmes parallèles – la cour d’assises et la cour criminelle – pour juger les crimes.

Je souhaite renforcer la majorité nécessaire de jurés pour prendre une décision de culpabilité en cour d’assises. Cette juridiction est l’expression, historiquement, de la souveraineté populaire. Or, ce n’était plus le cas : la souveraineté populaire n’était plus au rendez-vous de la justice populaire, ce qui constituait un non-sens.

Madame Untermaier, vous dites que vous n’avez trouvé personne, au sein de l’administration pénitentiaire, pour dire du bien de la réforme des réductions de peines. Nous n’avons pas vu les mêmes personnes, car j’en ai rencontré de nombreuses qui l’approuvaient. Madame Buffet, je veux remettre l’effort au centre de la réflexion. Cette réforme répond, à mes yeux, à un objectif humaniste. Actuellement, on accorde des réductions de peines sans faire contribuer les intéressés à l’effort. Or, ils en ont besoin, ne fût-ce que pour ne pas perdre l’usage des règles de la vie civile, à laquelle ils retourneront un jour. L’effort se mesurera à l’aune des capacités de chacun. On pourra ainsi demander à un gamin de se lever dès potron-minet, d’apprendre à lire, de se désintoxiquer, de se soigner…

Vous avez exprimé une préoccupation légitime, en demandant si les juges d’application des peines pourront suivre les intéressés. La réponse est oui, car ils sont déjà mobilisés sur le volet des réductions de peine supplémentaires (RPS), conditionnées à l’effort. La réforme leur donnera moins de travail.

J’ai signé une charte avec les trois grandes organisations syndicales de la pénitentiaire, pour faire participer davantage les personnels. C’est ce qu’ils ont appelé le statut du « surveillant pénitentiaire acteur ». Je ne veux plus en faire des porte-clés ; ils méritent autre chose que cela et sont d’ailleurs autre chose.

Je vous donne tout à fait raison sur l’attractivité du contrat de travail. Je me suis rendu en Alsace, à la prison de Oermingen, qui a investi massivement dans le travail. En France, le pourcentage de détenus travaillant est passé de 50 % dans les années 2000 à 29 % aujourd’hui. Je veux absolument ramener le travail dans la prison. La semaine dernière, j’ai rencontré de grands patrons, qui m’ont donné leur accord de principe. Les services du ministère sont en train de travailler pour concrétiser ces intentions. Nous avons mis à la disposition des employeurs une cartographie des établissements, en précisant quel type d’entreprise et de formateur on peut y accueillir. Certains secteurs, on le sait, vont embaucher massivement : je veux qu’on oriente le travail pénitentiaire en fonction des perspectives économiques. C’est très avantageux pour l’employeur, qui est parfois accusé de délocaliser dans des pays lointains, dans des conditions sanitaires discutables, en faisant travailler des enfants. En prison, le détenu bénéficie de conditions de travail, de règles d’hygiène et de protection sociale. Son activité lui est bénéfique, comme elle l’est à la société, car cela nous permet d’envisager sa sortie en ayant des raisons d’espérer qu’il se réinsérera et ne récidivera pas.

Monsieur Bernalicis, je suis tout à fait d’accord avec vous, le fait de filmer une audience représente d’abord une grande garantie démocratique. Cela élève le niveau : l’avocat plaidera mieux, le magistrat, le procureur feront un effort, comme l’expert ou le policier qui vient témoigner. En même temps, cela doit rester discret. On avait commencé l’expérience au moment de l’affaire Dominici, puis on a tout arrêté, car cela faisait du bruit. Robert Badinter a exprimé le regret de ne pas avoir été plus loin. Je pense que tout le monde fera attention et que la justice y gagnera en qualité. Je veux que cela soit très pédagogique. J’ai envisagé que la diffusion soit réalisée une fois l’affaire terminée. Je souhaite qu’un magistrat, un policier et un avocat, de préférence n’ayant pas participé à l’affaire, soient présents sur le plateau pour expliquer un certain nombre de choses.

Quand on voit, par exemple, le travail de Raymond Depardon ou de Daniel Karlin, on se dit que la retransmission d’une audience a un véritable sens, une portée pédagogique. C’est un projet éclectique, qui comporte plusieurs facettes, à l’image de la diversité des causes de la défiance envers la justice. Moins d’un Français sur deux a confiance dans la justice de son pays. Pour avoir confiance, il faut connaître et comprendre. À l’origine du projet, on m’a reproché de vouloir faire de la justice spectacle. Récemment, à ma grande satisfaction, un haut magistrat a affirmé que si l’affaire de Viry-Châtillon avait été filmée, certains se seraient sans doute interdits de raconter n’importe quoi et de dénaturer le réquisitoire de l’avocat général que, fort heureusement, il avait écrit en toutes lettres.

J’ai limité drastiquement les remontées d’informations, mais elles n’en demeurent pas moins utiles. Le garde des Sceaux doit savoir, par exemple, que les ex-brigadistes italiens ont été arrêtés et à quel moment ils l’ont été. C’est la moindre des choses. Les remontées d’informations sont aussi utiles dans le cas d’atteintes aux élus. Les informations que j’ai reçues à ce sujet m’ont conduit à adresser aux procureurs une circulaire en septembre 2020. Cela étant, cette question relève beaucoup du fantasme, car le ministre de l’Intérieur reçoit un nombre bien supérieur de remontées d’informations. Par ailleurs, que fait-on de ces informations ? Il est strictement interdit d’appeler le procureur pour lui donner des ordres ; c’est une ligne rouge que je ne franchirai jamais.

S’agissant de la justice civile, j’ai demandé au président du tribunal judiciaire de Bobigny de piloter un groupe de travail composé de magistrats, de greffiers et d’avocats exerçant dans les cinq plus grandes villes de France. Il a rendu quarante-trois propositions, faites par des professionnels pour des professionnels, parmi lesquelles figure la possibilité de faire travailler ensemble avocats et magistrats, comme le prévoit déjà le code de l’organisation judiciaire. Nous allons étendre cette mesure par le truchement des bonnes pratiques ; comme vous le savez, nous avons créé un moteur de recherche à destination des magistrats.

Nous avons embauché 1 000 personnes, qui prendront leurs fonctions dans les juridictions civiles d’ici à trois mois, auxquelles s’ajoutent 1 100 personnes pour la justice pénale. C’est le plus gros plan d’embauche mené depuis vingt-cinq ans. Si je lis certaines critiques syndicales – on me dit que les sucres rapides donnent de l’hypoglycémie –, à l’inverse, dans les juridictions où je vais, on me dit : heureusement qu’il y a ce personnel supplémentaire. Nous ne devons pas avoir honte de ce que nous avons fait. Nous allons, pour la première fois, franchir le cap des 9 000 magistrats. Nous avons voté un certain nombre de dispositions, souvent tous ensemble. Je pense, par exemple, à l’adoption du code de la justice pénale des mineurs, qui n’a pas soulevé beaucoup de difficultés, ou à la proposition de loi de Dimitri Houbron améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

On ne peut pas décréter la confiance, mais on peut l’espérer. J’ai la certitude que les mesures prises nous aideront à atteindre cet objectif.

J’ai répondu à M. Diard, hier, sur l’irresponsabilité pénale. Nous avons consulté l’ensemble des acteurs et sommes parvenus à un certain nombre d’équilibres, que je vous présenterai.

S’agissant de la déontologie, il n’a échappé à personne que le Président de la République a demandé au Conseil supérieur de la magistrature de lui rendre un avis sur la responsabilité des magistrats, dont nous tirerons les conséquences.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi ordinaire.

Titre Ier
Dispositions relatives à l’enregistrement et la diffusion des audiences

Article 1er (art. 38 quater [nouveau] et 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences

Amendements de suppression CL81 de Mme Marine Brenier, CL84 de M. Emmanuel Maquet, CL135 de Mme Emmanuelle Ménard, CL152 de Mme Marie-France Lorho et CL311 de M. Pascal Brindeau.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans une décision du 6 décembre 2019, le Conseil constitutionnel a rappelé le principe d’interdiction générale de procéder à la captation ou à l’enregistrement des audiences des juridictions administratives ou judiciaires. Cette décision est le fruit d’une jurisprudence constante, qui n’a eu de cesse de chercher le juste équilibre entre l’interdiction du recours à tout appareil photographique ou d’enregistrement sonore ou audiovisuel dès l’ouverture de l’audience – lequel est considéré implicitement comme pouvant porter atteinte à la liberté d’expression et de communication – et l’impérieuse nécessité d’assurer une justice indépendante, juste et équitable. La liberté d’expression et de communication peut être limitée dans le respect des exigences de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité. Cela étant, depuis plusieurs années, le tribunal médiatique a montré toute sa puissance au risque, parfois, de remettre en question la présomption d’innocence. Il me semble primordial de préserver le plus possible le secret des audiences en vue d’une meilleure justice. C’est pourquoi je propose la suppression de l’article, qui remet en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit d’une disposition importante. Objectivement, chacun s’accorde sur le principe et reconnaît qu’il s’agit d’une avancée substantielle, même s’il peut y avoir des discussions sur les modalités. La confiance passe par la connaissance. Aujourd’hui, nos concitoyens ignorent ce qu’il se passe dans une enceinte judiciaire, dans une salle d’audience. Ils se font une idée de la procédure pénale mais ignorent totalement la manière dont on juge les procès civils, les divorces, comment on prend en charge les enfants dans l’assistance éducative. Il y aurait une véritable vertu pédagogique à faire entrer les caméras dans nos enceintes judiciaires, dans des conditions encadrées.

Par ailleurs, la situation actuelle se caractérise par une certaine hypocrisie. Tandis que l’enregistrement des procès à dimension historique ne peut être diffusé qu’au terme d’une longue période, dans un cadre précis, on voit régulièrement des reportages télévisés relatifs au déroulement des audiences, qui ne sont soumis à aucune règle. Il est temps d’instituer un encadrement digne de ce nom pour éviter des dérives. Des documentaires de qualité, tels ceux de Raymond Depardon, présentent un intérêt public et, en particulier, des vertus pédagogiques.

Je réitère mon avis défavorable aux amendements de suppression de l’article 1er.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. L’enregistrement peut être vertueux ou catastrophique. De nombreuses captations illégales sont diffusées dans notre pays. Au moins ce texte a-t-il le mérite d’encadrer ces pratiques. Que préfère-t-on ? Une série américaine, une reconstitution fiction ? Lors de certaines émissions, on s’autorise à diffuser des images avant même que la décision soit définitive, s’agissant par exemple d’un procès en première instance. On entend à la fin la petite phrase salvatrice rappelant que l’accusé est présumé innocent alors qu’il s’est fait démolir pendant une heure et demie. Je veux un encadrement propre et respectueux. Nous avons pris toutes les précautions possibles.

En 1985, Robert Badinter a défendu la réforme relative à l’enregistrement des archives historiques. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, Philippe Marchand, avait affirmé : « ma conviction profonde est qu’il ne s’agit que d’un premier pas utile, nécessaire – car nous avons besoin des archives – parce que, tôt ou tard, la diffusion télévisée des procès sera autorisée. » Robert Badinter, pour sa part, disait : « le cœur de la vie judiciaire […] ne se trouve pas dans les dossiers eux-mêmes. C’est à l’audience, dans ses péripéties, au cours des débats et de leurs incidents, dans les interventions des participants que se joue l’essentiel. Or, de ces audiences, il ne reste actuellement rien pour l’histoire. » Voilà ce que nous voulons changer.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit avant tout d’un amendement d’appel car je ne suis pas foncièrement opposée au principe, sous réserve que certains aspects soient précisés. Vous évoquez les grandes affaires au retentissement national mais votre proposition pose nécessairement la question du choix des procès filmés et diffusés. À qui incombera-t-il ? Le texte est, me semble-t-il, muet sur ce point. Y aura-t-il une sorte de commission de censure, sachant que la question se pose aussi dans l’autre sens : quels procès ne se verront pas reconnaître le droit d’être diffusés ?

La publicité met aussi en question le droit à l’image et la protection de ceux qui rendent la justice. Il serait souhaitable de prévoir un garde-fou, en décidant, par exemple, qu’on ne peut filmer plus d’un procès par an avec les mêmes magistrats – je présenterai un amendement en ce sens. Cela aurait une vertu pédagogique et réduirait la défiance envers les juges. Il faut également éviter que certains avocats deviennent des vedettes filmées des prétoires.

M. Pascal Brindeau. Poser le principe de l’enregistrement et de la diffusion d’un procès revient à faire application du principe de publicité des débats. Je ne suis pas opposé à cette mesure. On peut réfléchir à un élargissement des conditions d’enregistrement et de diffusion d’un procès. Cela étant, monsieur le garde des Sceaux, vous dites que tout est prévu, que tous les garde-fous sont en place, mais le texte ne les mentionne pas. Les conditions et modalités d’application du dispositif sont renvoyées à un décret. On ne sait pas qui décidera de ce qui sera filmé, qui appréciera le motif d’intérêt public. Qui arbitrera ? Le garde des Sceaux aura-t-il in fine un droit de regard, voire de veto ?

On peut considérer qu’il est d’intérêt public de faire comprendre à nos concitoyens comment fonctionnent la défense et l’accusation, par exemple dans un procès criminel comme l’affaire Daval ; ce peut être aussi l’occasion d’étudier la psychologie du mis en cause. Toutefois, on peut tout aussi bien estimer que cela relève de la chronique judiciaire et qu’il faut s’abstenir de filmer ces audiences. Cette appréciation subjective appelle un arbitrage homogène d’un ressort de cour d’appel à un autre. À défaut, on pourrait faire face à certaines dérives.

M. Erwan Balanant. Cette mesure me paraît satisfaisante. Je la juge nécessaire de longue date. Le fait d’assister à un procès modifie la perception qu’on peut en avoir. Cela permet de briser certains fantasmes sur le fonctionnement de la justice. Ce rôle pédagogique vis-à-vis des citoyens me paraît essentiel. Cela étant, c’est un outil qu’il faudra encadrer. On pourrait imaginer une commission chargée de travailler sur ce sujet.

Cette réforme appelle l’emploi de matériaux audiovisuels novateurs. Il ne s’agit pas de journalisme ni de reconstitution historique. Il ne faut pas davantage faire du Depardon car ce dernier a une vision subjective et artistique des choses. Il faudra avoir une vision très neutre – c’est l’ancien réalisateur audiovisuel qui parle – en travaillant les axes des plans, en déterminant, par exemple, si on peut recourir au gros plan… Il faut commencer à poser des jalons, qui constitueront une piste de travail pour le Conseil d’État.

Mme Laetitia Avia. Je rappelle que, dans le cadre des nombreuses auditions effectuées, les professionnels étaient unanimes à reconnaître le caractère positif de cette disposition de nature à rapprocher nos concitoyens de la justice. Les Français assistant rarement aux audiences, il est important que la justice aille vers eux.

Madame Ménard, le texte a tout prévu concernant le droit à l’image. Le visage et les éléments d’identification des personnes ne seront diffusés que si elles y consentent. Il n’est pas nécessaire de limiter dans le temps le nombre d’audiences filmées, dès lors que les intéressés – y compris les personnels de justice – expriment un contentement éclairé.

Enfin, je ne pense pas que les avocats aient attendu cette réforme pour faire des effets de manche.

Mme Marie-George Buffet. Je me réjouis de ce que je considère comme une avancée. Nos concitoyens pourront avoir accès en plus grand nombre au déroulement d’un procès et comprendre comment fonctionne la justice. Cela étant, monsieur le ministre, l’article 1er définit des conditions visant à garantir le droit des parties ; l’alinéa 3 dispose que « l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé […] ». Qui l’autorisera et selon quels critères ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je vous remercie de rappeler que le texte prévoit un certain nombre de précautions : la diffusion ne doit pas porter atteinte à la sécurité et respecter la vie privée comme la présomption d’innocence ; le droit à l’image est garanti par le consentement écrit. Par ailleurs, cette disposition concerne aussi les audiences civiles. Toutefois, si elles ne sont pas publiques – dans le cas d’un divorce, d’une affaire de filiation –, il faut le consentement de toutes les parties. Il n’est pas question de s’immiscer dans la vie privée. L’objectif est la pédagogie.

Les grands procès sont déjà l’objet d’une forte couverture médiatique. J’aimerais que l’on aille de région en région – je rappelle qu’il y a une cour d’assises par département. Les autorisations doivent, à mon sens, émaner à la fois de la Chancellerie et des chefs de juridiction. Nous y reviendrons par voie de décret. Les procès médiatiques courent le risque de l’outrance. C’est ce que je veux éviter.

Madame Ménard, on ne peut pas vouloir informer les Français sur le fonctionnement de la justice et leur offrir un film par an. Je souhaite la diffusion la plus étendue possible ; elle pourrait être hebdomadaire. La justice doit s’inviter dans le salon des Français pour qu’ils voient comment cela fonctionne. On n’aura pas un Faites entrer l’accusé – émission d’ailleurs bien faite et soigneusement documentée –, mais la vraie justice, qui donnera à voir ce qu’elle sait faire.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL87 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. L’amendement réécrit l’article en y introduisant plusieurs modifications. Nous proposons d’abord que la réforme soit réalisée à titre expérimental car on ne sait pas exactement à quoi ressemblera son application. Beaucoup de paramètres sont inconnus. Par exemple, on ignore combien de procès pourront être filmés dans la mesure où il faudra recueillir l’accord des parties et avoir les moyens matériels de la captation ; ces derniers ne sont pas nécessairement réunis dans une salle d’audience civile ou prud’homale.

Ensuite, les enregistrements devraient être consultables sur le site du ministère de la justice. L’objectif ne doit pas être de réaliser un montage présenté lors d’une émission, en présence de professionnels. En effet, quels que soient les efforts de neutralité, d’équilibre de traitement, ce type de programmes est toujours partial et orienté. On doit pouvoir disposer de l’information brute, comme si on y était, à l’image d’un débat à l’Assemblée nationale. Que les captations vidéo soient reprises par des chaînes de télévision pour en faire un montage, cela ne soulève pas de difficulté. En tout état de cause, il semble impératif de flouter tous les visages. L’objectif n’est pas d’être voyeuriste mais de montrer comment fonctionne un procès et comment sont rendues les décisions de justice.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je note que, sur le principe, vous êtes d’accord avec cette disposition et je m’en réjouis. Vous proposez de commencer par une expérimentation. Nous n’y sommes pas favorables car il paraît difficile d’avoir un retour à brève échéance sur le dispositif que nous voulons introduire, entre le temps de réalisation des films et le délai nécessaire pour que les affaires soient définitivement jugées.

Vous préconisez, par ailleurs, de renforcer les garanties encadrant le dispositif, mais nous en avons déjà apporté un certain nombre. Pousser les curseurs trop loin, ce serait prendre le risque de tout verrouiller. Il faut trouver le juste équilibre, celui qui, tout en préservant les droits et libertés des individus, permettra un dispositif attractif et efficace, capable de rétablir la confiance dans l’institution judiciaire, par la connaissance de ce qu’elle est.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis totalement défavorable à une phase expérimentale, d’abord pour une raison économique : la chaîne – il y en aura peut-être plusieurs – qui aura la charge de cette diffusion n’investira pas s’il ne s’agit que d’une expérience, car ce projet représente un engagement lourd. Au passage, je signale qu’il ne coûtera pas un centime au ministère de la justice.

Vous demandez comment choisir les morceaux diffusés. Je rappelle qu’il s’agira de faire, non pas de la chronique judiciaire – elle existe et continuera à exister –, mais de la pédagogie : ça change tout. Ce qui m’importe, ce n’est pas que l’on montre successivement le témoin à charge et le témoin à décharge, mais que l’on explique ce qu’est un témoignage et comment il se fait ; que l’on explique ce qu’est une expertise génétique sans forcément montrer un expert et un contre-expert. L’équilibre recherché, c’est d’abord celui qui permet d’expliquer comment fonctionne la justice. Il est certain que le verdict, en matière pénale, intéressera les téléspectateurs. Mais ce qui importe le plus, c’est de montrer comment ça marche, de décrire les mécanismes.

Depuis quelque temps déjà, on procède à une captation sonore, dans l’hypothèse d’une révision. D’aucuns diront que cela peut créer une gêne ou pousser certaines personnes à surjouer, mais le matériel est extrêmement discret et on l’oublie très vite.

M. Erwan Balanant. Comme dans l’hémicycle !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Absolument !

M. Erwan Balanant. Quel processus suivra la définition du cahier des charges ? Tous les programmes audiovisuels en ont un : la qualité du projet en dépendra et il faudrait en faire la base du contrat conclu entre le ministère et la – ou les – chaînes. Comment sera-t-il défini ? Les parlementaires prendront-ils part à son élaboration ? Les questions qui se posent sont nombreuses. Quel axe de caméra privilégier ? S’autorisera-t-on les gros plans ? C’est une vraie question : en tant que professionnel, je peux vous dire qu’un gros plan sur des yeux a du sens. Et puis, il y a toute la question du montage. Il faut trouver le juste milieu entre la narration pédagogique et le respect de la véracité du moment. En tout cas, il faudra trouver de bons réalisateurs !

M. Ugo Bernalicis. Quand quelqu’un vient assister à un procès, personne ne lui explique ce qu’il est en train de voir – qui est le témoin, qui est le procureur, etc. Il découvre, il comprend les choses en les voyant. Par parallélisme des formes, je proposais que l’on diffuse un enregistrement brut afin que le téléspectateur découvre les choses de lui-même. Vous refusez l’expérimentation : je n’y reviens pas. Si je la proposais, c’est parce que j’ai vraiment envie que ce dispositif fonctionne.

Vous avancez un argument économique, monsieur le garde des Sceaux, et vous nous dites que cela ne coûtera rien au ministère de la justice. Mais je me fiche que cela coûte au ministère puisque c’est une mission de service public ! Avec l’augmentation historique de 8 % que va connaître votre budget, vous pourrez en acheter, des caméras ! Permettre à nos concitoyens de regarder des audiences pour comprendre comment fonctionne la justice, c’est une vraie mission de service public : c’est donc une bonne dépense publique. S’en remettre aux chaînes, publiques ou privées, c’est déjà faire un pas de côté qui nous éloigne de notre objectif.

Nous n’avons pas à définir la ligne éditoriale d’une future émission. Du reste, la presse est libre et je ne vois pas comment on pourrait obliger une chaîne de télévision à traiter le sujet sous tel angle, de telle manière et avec des intervenants qui lui seraient imposés. Chacun son métier ! C’est pourquoi nous avons proposé que les audiences filmées soient mises en ligne sur le site du ministère, et qu’ensuite, n’importe quelle chaîne puisse prendre ce matériau pour en faire ce qu’elle voudra.

Mme Marie-George Buffet. Je comprends tout à fait, monsieur le garde des Sceaux, que vous vouliez protéger le budget de votre ministère. Mais les chaînes, même publiques – et je souhaite que ce soient les chaînes publiques qui s’emparent de ce dossier – vont essayer de négocier, car elles ont un contrat d’objectifs et de moyens à respecter. Et vous ne pourrez pas leur imposer une ligne éditoriale. Quels moyens de contrôle aurons-nous sur ces chaînes, une fois qu’elles auront un contrat ? Sur cette question, le Conseil supérieur de l’audiovisuel pourrait avoir un rôle à jouer. Si le ministère de la justice ne met pas d’argent dans ce projet, il se placera dans une situation de dépendance.

M. Pascal Brindeau. Faire comprendre à nos concitoyens ce qu’est une expertise génétique, cela signifie-t-il, pour vous, la possibilité de séquencer la diffusion d’un procès pour en faire une exégèse pédagogique ? Ou bien envisagez-vous que le procès soit filmé, puis diffusé dans son intégralité, sans explication, comme certaines chaînes le font déjà ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il ne s’agit pas de retransmettre les procès dans leur intégralité. Certains d’entre eux durent trois mois : on ne va pas faire une retransmission en continu comme aux États-Unis et parfois en Italie. Ce n’est pas réaliste. Cela dit, je suis favorable à ce que l’on montre en montre le maximum.

Ce qui est essentiel pour moi, je le répète, c’est la dimension pédagogique. Monsieur Bernalicis, je vais vous donner tort : vous disiez que dans les salles d’audience, le public ne se fait pas tout expliquer. En réalité, tous les avocats vous le confirmeront, les gens qui viennent assister à un procès ne cessent de les interpeller pour demander des informations sur la procédure. Nous allons donc, comme vous le demandez, respecter le parallélisme des formes : je souhaite que la diffusion du procès soit suivie d’une explication pédagogique et que celle-ci soit faite, de préférence, par d’autres personnes que celles qui ont participé au procès. Il ne s’agira pas de refaire le match, mais de tout expliquer, le plus simplement et le plus complètement possible. Par ailleurs, nous pourrons évidemment formuler des exigences dans le contrat qui sera conclu avec la chaîne que nous aurons retenue.

Quant au cahier des charges, la Chancellerie est à même de le définir et de fixer des limites contractuelles avec la chaîne. Il ne s’agit pas de brider la liberté des journalistes mais il paraît normal, compte tenu du contexte dans lequel les choses vont se faire, que la Chancellerie ne détourne pas le regard.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de dix-sept heures à dix-sept heures dix.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL567 du rapporteur.

Amendement CL129 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les critères d’autorisation d’un enregistrement sonore ou audiovisuel ne sont pas assez précis. Tout juste est-il indiqué que les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties. Par ailleurs, qui va autoriser cet enregistrement ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion. L’amendement reviendrait à supprimer l’enregistrement des audiences. Or, nous y tenons beaucoup.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL400 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. L’enregistrement sonore ou audiovisuel de certaines audiences peut être une heureuse initiative dès lors qu’il est encadré. Il revient au pouvoir législatif, non au pouvoir réglementaire, de déterminer l’autorité compétente, au sein des juridictions, pour autoriser un tel enregistrement. Les chefs de cour, dans l’ordre administratif comme judiciaire, paraissent un échelon hiérarchique suffisamment élevé pour conférer à ces décisions l’autorité nécessaire, pour assurer une cohérence d’ensemble à la réforme mais aussi pour éviter la banalisation d’une pratique qui doit être limitée aux cas où l’enregistrement est justifié par un motif d’intérêt public.

S’agissant des juridictions suprêmes, et pour les mêmes raisons, le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation doivent être désignés comme les autorités compétentes pour de telles décisions.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Sur le fond, je suis assez favorable à votre amendement et je crois que le Gouvernement entend, dans son décret, désigner les autorités que vous mentionnez. Faut-il choisir la voie réglementaire ou inscrire cela dans la loi ? J’aurais tendance à choisir la deuxième option. Mais votre amendement, en réécrivant l’article 1er, ferait disparaître certaines dispositions que je souhaite amender. Je vous invite à le retirer et à le déposer à nouveau en séance publique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je vous invite également à retirer votre amendement. Nous avons souhaité que le principe de l’autorisation préalable soit fixé dans la loi et que la désignation de l’autorité décisionnaire soit renvoyée au décret d’application. Ce choix a d’ailleurs été validé par le Conseil d’État.

Ce qui crée une difficulté, c’est qu’il existe différents ordres de juridiction – civiles, pénales, administratives, commerciales – et que, dans toutes ces juridictions, il y aura des décisionnaires différents. Le décret a l’avantage d’offrir plus de souplesse. Ce que l’on envisage, je l’ai dit tout à l’heure, c’est une double autorisation de la Chancellerie et du niveau local.

Mme Cécile Untermaier. Je voterai cet amendement et j’avais d’ailleurs l’intention d’en déposer un du même ordre en séance publique. C’est une demande que nous avons beaucoup entendue et je trouve que c’est heureux : ce n’est pas un signe de défiance vis-à-vis de la Chancellerie, mais la preuve que les professionnels veulent s’approprier ce que vous avez mis sur la table, monsieur le garde des Sceaux. Cette opération les intéresse, ils considèrent que c’est un peu la leur et ils veulent participer. J’estime que cette question relève bien du domaine de la loi. C’est d’abord aux professionnels de prendre ces décisions, même si c’est en coconstruction avec la Chancellerie.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous souhaitons étendre cette possibilité de filmer aux juridictions financières, par exemple à la Cour des comptes. C’est pour cette raison que nous préférons la souplesse du décret.

Mme Laurence Vichnievsky. Je suis prête à retirer mon amendement si c’est pour le retravailler dans le sens indiqué, monsieur le rapporteur, c’est-à-dire si vous considérez bien, comme moi, que c’est au législateur qu’il appartient de désigner les autorités compétentes, à savoir les chefs de cour. Monsieur le ministre, il ne serait pas difficile d’ajouter le président de la Cour des comptes à la liste proposée. Vous avez parlé des juridictions spécialisées mais les cours d’appel coiffent les juridictions commerciales, pénales, civiles, prud’homales…

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL55 de Mme Stéphanie Do et CL260 de M. Stéphane Peu.

Amendement CL56 de M. Antoine Savignat.

M. Antoine Savignat. Cet amendement traduit à la fois notre scepticisme et les craintes que nous inspire ce dispositif. Dans leur immense majorité, les justiciables ne vont devant un tribunal qu’une fois dans leur vie. Le jour de l’audience, ils ne savent pas s’ils doivent dire « maître » ou « docteur » à leur avocat, ils ignorent si le magistrat doit être appelé « votre honneur » ou « président ». Et vous voulez, en plus, leur demander de signer un papier pour dire s’ils consentent ou non à ce que l’enregistrement de l’audience soit diffusé, tout en leur expliquant qu’ils auront la possibilité de se rétracter ?

La manière dont cet article est construit est paradoxale. Lorsque les audiences sont publiques, l’enregistrement peut être autorisé. Lorsque les audiences ne sont pas publiques, il faut l’accord préalable des parties, qui ont ensuite le droit de se rétracter ou de refuser la diffusion. Nous proposons que, dans tous les cas, les parties disent clairement si elles acceptent que l’audience soit filmée, plutôt que de faire signer aux gens un papier par lequel ils acceptent d’être filmés, tout en sachant qu’ils pourront se rétracter et que peut-être l’enregistrement ne sera pas diffusé : tout cela est trop confus. Il faut leur poser une question claire, que l’audience soit publique ou à huis clos : acceptez-vous, oui ou non, d’être filmé ? Les choses seront beaucoup plus claires et le dispositif fonctionnera d’autant mieux.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Dans la mesure où plusieurs amendements portent sur ces questions de consentement et de rétractation, j’aimerais m’y arrêter un moment. Il faut faire une distinction entre les audiences publiques et les audiences à huis clos. Pour les audiences à huis clos – par exemple des divorces ou des affaires impliquant des mineurs –, il faudra que les parties donnent leur accord pour être filmées ; si l’une des parties refuse, l’enregistrement n’aura pas lieu. Les audiences publiques sont, par définition, publiques. Lorsqu’on vient au tribunal pour assister à une audience publique, rien ne nous est caché : on peut voir les parties, les témoins, les juges, les avocats à visage découvert. C’est une garantie démocratique à laquelle nous sommes tous attachés. Ce que prévoit le texte, c’est l’anonymat complet de tous les acteurs de la procédure : on ne pourra reconnaître ni leur visage, ni leur voix, sauf si les parties consentent, par écrit, à la diffusion de leur image. Et elles auront la possibilité de se rétracter si elles regrettent leur décision.

L’article consacre, par ailleurs, le droit à l’oubli, puisqu’aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé plus de cinq ans à compter de la première diffusion, ni plus de dix ans à compter de l’autorisation d’enregistrement.

Le dispositif me semble équilibré. J’ajoute qu’un amendement du groupe La République en Marche proposera d’encadrer davantage les choses lorsque comparaîtront, en audience publique, des mineurs et des personnes sous protection judiciaire. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis doublement défavorable à l’amendement. D’abord, comme l’a dit tout à l’heure M. Ugo Bernalicis, la publicité des audiences est une garantie démocratique. À partir du moment où une audience est publique, on ne demande pas une autorisation à toutes les personnes qui y assistent. Cela n’a pas de sens !

Par ailleurs, nous avons pris beaucoup de précautions, rappelées par le rapporteur : les personnes qui le souhaitent pourront demander que leur visage soit flouté et que leur nom ne soit pas divulgué. Il est inutile d’alourdir le système. Il semble suffisamment protecteur des droits des uns et des autres.

M. Antoine Savignat. Votre réponse, monsieur le ministre, n’a fait que redoubler mes craintes. Vous ne voyez pas, dites-vous, pourquoi il faudrait demander leur accord aux personnes qui assistent à l’audience. Pourtant, il est prévu que chacun donne son accord pour la diffusion. À partir du moment où les gens n’ont pas donné leur accord pour la diffusion, je ne vois pas pourquoi on les filmerait… Cela ne rime à rien, ne présente aucun intérêt et ne fait qu’introduire du doute, d’autant plus qu’on ne sait rien de la déontologie des gens qui vont filmer, qui ne sont pas assujettis au secret professionnel. Si certains disent, avant l’audience, qu’ils ne souhaitent pas que l’enregistrement soit diffusé, pourquoi les filmerait-on ?

M. Ugo Bernalicis. Le texte mérite à l’évidence d’être précisé puisqu’il semble y avoir une différence entre l’autorisation de filmer et celle de diffuser, puisqu’il est possible de filmer sans diffuser, ou en floutant les visages... Tout cela est trop subtil et les cas de figure que vous distinguez ne sont pas absolument clairs.

Ne serait-il pas préférable de définir une règle générale ? On pourrait, par exemple, décider de flouter tout le monde et demander l’autorisation de diffuser les images à tout le monde, pas seulement à certaines personnes. Quand on visite un établissement pénitentiaire avec la presse, même si une personne condamnée accepte d’être filmée, l’administration pénitentiaire oblige les médias à flouter son visage car cela pourrait porter préjudice aux victimes, mais aussi à la personne elle-même – la diffusion des images pourrait lui causer des soucis qu’elle n’avait pas anticipés.

Et puis, monsieur le ministre, il y a tout de même une différence notoire entre le fait d’assister à une audience, le temps de sa durée, et celui de la filmer pour la rendre accessible à tout moment. On sait bien que les images peuvent être détournées… Il faut absolument préciser cet article.

Mme Laetitia Avia. L’enregistrement et la diffusion vont ensemble : si on enregistre, c’est pour diffuser, et l’autorisation de filmer est donnée par l’autorité judiciaire.

Se posent, par ailleurs, les questions relatives au droit à l’image et à l’identification des personnes. C’est à ce niveau-là qu’intervient le consentement. Les personnes ayant accepté que leur image soit diffusée auront un délai pour se rétracter.

Mme Cécile Untermaier. Il est vrai que le texte pose un certain nombre de questions. Il est écrit que l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé pour un motif d’intérêt public en vue de sa diffusion. Qui donnera cette autorisation ? Demandera-t-on leur accord aux magistrats ou bien découvriront-ils au dernier moment que leur procès sera filmé ? Le texte n’est vraiment pas clair. On croit comprendre que si l’audience n’est pas publique, les magistrats seront informés de son enregistrement puisqu’il est subordonné à l’accord préalable des parties au litige. En revanche, si l’audience est publique, ils n’apprendront qu’elle est filmée que le jour même.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le texte est extrêmement clair. En réalité, nul ne verra son image ou son nom diffusés s’il n’est pas d’accord. Il me semble que ce sont des garanties suffisantes. Sans doute me suis-je mal exprimé tout à l’heure, puisque j’ai redoublé les craintes de M. Savignat.

Les magistrats ne découvriront pas la chose au dernier moment. Il faudra installer le matériel et les chefs de juridiction seront informés bien à l’avance. Par ailleurs, nous avons déjà discuté de l’autorisation à propos de l’amendement de Mme Vichnievsky. Je pense que le décret offre plus de souplesse, mais il est bien évident que les chefs de juridiction auront leur mot à dire. Et je souhaite que la Chancellerie soit également associée à cela.

Si l’audience est publique, elle pourra être filmée. Mais les personnes qui souhaiteront que leur image ne soit pas diffusée pourront le faire savoir : la loi le garantit. On peut très bien imaginer qu’un expert souhaite être filmé pour expliquer, par la suite, en quoi consiste son expertise. Celui qui ne le veut pas ne verra pas son image diffusée : il me semble que c’est clair. Et il faut garder deux régimes distincts pour les audiences publiques et celles qui ne le sont pas.

Mme Laurence Vichnievsky. Même si je ne suis pas nécessairement d’accord avec l’amendement de mon collègue Antoine Savignat, je ne comprends pas les arguments d’ordre technique ou pratique qui lui sont opposés. Si l’on demande aux gens leur consentement pour la diffusion, pourquoi ne pas recueillir aussi leur autorisation à être filmé au début de l’audience ? L’argument qui consiste à dire qu’on ne va pas demander l’avis de toutes les personnes qui participent à l’audience ne tient pas, puisque c’est bien ce qui sera fait pour la diffusion.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il me semble que vous faites une confusion : c’est donc que je n’ai pas été bon pédagogue. Moi-même, j’ai eu besoin d’un peu de temps pour comprendre le dispositif : il n’est donc pas étonnant qu’il en faille un peu aussi au sein de la commission des Lois. Je vais tâcher de clarifier les choses.

Pour les audiences publiques, on ne demandera aucune autorisation. Les téléspectateurs verront tout ce qui se passe dans la salle d’audience, comme lorsqu’on y entre pour assister à un procès. C’est l’esprit de cette disposition. L’idée est de donner accès à la salle d’audience à tous ceux qui le souhaitent.

Ensuite, il y a deux cliquets. Premièrement et par principe, tout le monde est flouté. Seules les parties peuvent renoncer à cet anonymat et demander à apparaître ; comme M. le garde des Sceaux l’a dit, un expert, par exemple, peut souhaiter s’exprimer à visage découvert. Deuxièmement, une personne ayant donné son consentement – et là, on pense moins à l’expert qu’au prévenu ou à un témoin – peut revenir dessus et se rétracter. Des dispositions particulières concerneront les mineurs, les personnes sous protection judiciaire et les forces de l’ordre qui servent dans des unités spéciales. Vous voyez que les garanties sont importantes.

Si l’audience n’est pas publique, alors il faudra une autorisation car il s’agit de préserver l’intimité des gens et le droit à la vie privée.

Il me semble que cette rédaction protège les droits de nos concitoyens, tout en permettant la diffusion d’enregistrements de qualité, qui ne seront pas trop lourds à réaliser.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. J’ai rappelé tout à l’heure que les audiences sont déjà enregistrées dans la perspective d’une révision. Je voudrais évoquer une autre évolution importante : aujourd’hui, les journalistes utilisent les réseaux sociaux et le procès se retransmet en direct. Et c’est dérangeant pour ceux qui, comme moi, considèrent que l’oralité des débats est une règle essentielle. C’est elle qui permet, par exemple, que le témoin A ne soit pas informé de ce qu’a dit le témoin B avant d’arriver à la barre des témoins. De nos jours, l’oralité n’existe plus : le témoin A sait tout ce qu’a dit le témoin B.

Vous avez dit votre enthousiasme pour cette mesure pédagogique, mais il faut aussi penser à ceux qui vont venir filmer. Si vous ajoutez des tas de conditions, que feront-ils ? Ils installeront le matériel et devront tenir compte de ceux qui ne veulent pas être sur les images ? Non : ils feront leur film et la règle, ensuite, sera le floutage et l’anonymisation sauf pour ceux qui souhaiteront apparaître à l’image – avec la possibilité de se rétracter. Le dispositif est doublement protecteur. On ne peut pas faire travailler les chaînes pour rien. Les difficultés que vous pointez, ces professionnels vont les rencontrer dans les audiences qui ne sont pas publiques : elles nécessiteront un accord préalable dans la mesure où l’on entre dans le périmètre de la vie privée.

Ne compliquons pas trop les choses si nous ne voulons pas décourager ceux qui devront réaliser ces films. Le but, c’est de diffuser les choses et de les expliquer !

M. Antoine Savignat. Il me semble tout de même qu’on ferait gagner du temps au cadreur en lui disant d’emblée qu’on ne veut pas être filmé. En tout cas, dans son immense sagesse, le rapporteur s’est aperçu qu’il y a autant de lectures de cet article que de personnes présentes dans cette salle. Il importe donc de le retravailler.

L’amendement est retiré.

Amendement CL130 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La publicité pose difficulté quant au droit à l’image des personnes parties au procès comme de celles qui rendent la justice. Afin de protéger les magistrats, il serait prudent de prévoir un garde-fou en n’autorisant pas plus d’un procès par an filmé avec les mêmes juges.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat. Si le but de votre amendement est d’éviter la starification, c’est une bonne chose car il faut effectivement éviter de tomber dans la justice spectacle. Certaines juridictions hyperspécialisées ont plusieurs affaires présentant un intérêt public par an et il peut être intéressant de les filmer. Mais je répète que l’idée n’est pas de copier les chaînes d’information en continu et de voir toujours les mêmes visages ou les mêmes acteurs de la justice en France. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CL88 de M. Ugo Bernalicis, CL401 de Mme Laurence Vichnievsky, CL131 de Mme Emmanuelle Ménard, CL325 de M. Benjamin Dirx, CL151 de Mme Stéphanie Do, amendements identiques CL216 de M. Bertrand Bouyx et CL258 de M. Stéphane Peu, CL314 de M. Pascal Brindeau, CL179 de Mme Cécile Untermaier, CL242 de Mme Nicole Dubré-Chirat, CL317 de M. Dimitri Houbron et CL153 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis. Avant de retirer mon amendement, je tenais à vous faire part de deux interrogations, monsieur le ministre. Premièrement, si l’objectif est de montrer comment se déroule un procès, ne serait-il pas plus simple de partir du principe que tout le monde est flouté et que l’on diffuse comme on veut ? Cela éviterait bien des problèmes même si j’entends que, d’un point de vue télévisuel, ce soit laid. Deuxièmement, je suis d’accord pour que les cameramen ne viennent pas avec leur matériel pour le remballer ensuite. Mais je suis favorable à la présence de caméras comme celles qui retransmettent nos réunions à l’Assemblée nationale. Quid du procès qui aura été filmé et jamais diffusé ?

Nous ne poursuivons pas exactement le même objectif, ce qui m’ennuie parce que je préfèrerais un accord. Il y a des choses à améliorer en séance publique. La chaîne de télévision qui voudra diffuser ces procès espère un minimum d’audience. Or, si l’émission ne fonctionne pas et qu’elle décide de la retirer de ses grilles, tout s’effondre : on ne filmerait plus les audiences et on cesserait le travail de pédagogie. C’est pourquoi je vous renvoie à notre proposition : par défaut, que tout ce qui est filmé soit accessible sur le site du ministère de la justice, selon les conditions de diffusion prévues. Si votre objectif se résume à une émission de télé, je ne le partage pas.

Mme Laurence Vichnievsky. Nous proposons de recueillir l’avis des personnes intéressées lorsque l’audience est publique. Cet avis ne lierait pas l’autorité judiciaire chargée d’autoriser l’enregistrement. Alors qu’il est prévu de recueillir avant l’audience l’accord par écrit des intéressés pour la diffusion, il me semble que cela ne compliquerait pas les choses de demander également l’avis des personnes sur l’enregistrement. En cas de réticence ou d’opposition concernant la diffusion, il n’y aura pas beaucoup d’intérêt à enregistrer.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL131 précise que l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable et explicite des parties.

M. Pascal Brindeau. Pour ce qui est des audiences non publiques, l’amendement C314 vise à recueillir l’accord de l’ensemble des personnes susceptibles d’être filmées, pas seulement des parties.

Mme Cécile Untermaier. Nous souhaitons que soit recueilli l’accord préalable des avocats et des témoins.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Les professionnels, dont les magistrats et les fonctionnaires, sont exclus de l’accord préalable des parties au litige. Lors des auditions, plusieurs acteurs ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’impact d’une diffusion médiatique sur la bonne tenue du procès. Tous les acteurs participant au procès doivent pouvoir donner leur accord pour la diffusion. Les magistrats étant des acteurs importants, il semble logique qu’ils expriment leur avis sur la diffusion, au même titre que les autres participants.

M. Dimitri Houbron. L’amendement CL317 vise à mentionner l’avocat général près la Cour de cassation pour qu’il puisse s’opposer à l’enregistrement d’une audience.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Au vu des explications données tout à l’heure, avis défavorable sur les amendements CL401, CL131, CL151, CL216, CL258 et CL314. Le dispositif offre suffisamment de garanties et vos propositions me semblent impossibles du point de vue opérationnel. Quant au personnel, il est engagé dans le service public de la justice et il accepte, par principe, d’être vu par le public dans le cadre de ses fonctions et de son exercice quotidien. Il en est de même pour les auxiliaires de justice.

Avis défavorable également aux amendements CL179, CL242, CL317 et CL153, et favorable à l’amendement de précision CL325 : l’accord préalable sera donné par écrit.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le risque est de faire de quelque chose d’assez simple une usine à gaz qui ne puisse plus fonctionner. Il est, je le redis, formidablement pédagogique de permettre aux Français de découvrir leur justice.

Monsieur Houbron, la Cour de cassation statue en droit. C’est la plus haute juridiction française. Il n’y a aucune difficulté à ce qu’on la voie. Si vous parlez au président la Cour européenne des droits de l’homme Robert Spano, où les audiences sont filmées, il vous dira qu’il ne voudrait pour rien au monde faire marche arrière. Les audiences du Conseil constitutionnel sont déjà filmées. Les magistrats, qui sont la bouche de la loi, seront, pour beaucoup, fiers qu’on les voie faire leur travail, tout comme les greffiers. Ce serait d’ailleurs intéressant de consacrer toute une émission au travail du greffier ! On expliquerait ce qu’il fait et en quoi il est essentiel au fonctionnement judiciaire.

L’autorisation de filmer ne peut pas être confondue avec le droit à l’image. Ce sont deux choses différentes. Imaginons que vous souhaitiez valoriser, dans un procès, la technique expertale de l’odorologie – le flair des chiens. J’ai le souvenir de l’avoir découverte dans une affaire. Un film avait été diffusé pour expliquer comment travaillaient les chiens. Alors que j’étais extrêmement sceptique, j’ai été convaincu. Voilà un autre sujet d’émission : les techniques expertales ! Imaginons que l’on arrive avec l’autorisation de filmer et que trois personnes refusent alors que l’expert aura très envie d’expliquer sa spécialité. Filmons et floutons ceux qui n’ont pas envie d’apparaître à l’écran, sans quoi le système grippe ! Il y aura toujours quelqu’un pour refuser qu’on filme et on ne filmera pas. Mais alors quand retrouve-t-on ces experts ? C’est pourquoi il ne faut pas confondre autorisation de filmer et protection du droit à l’image. C’est l’exception qui permet de ne plus flouter et de diffuser l’image avec le nom.

Ces situations sont si complexes que, si on les soumet à autorisation préalable, il n’y aura pas un film. On va perdre le but vers lequel nous souhaitons aller. Avis favorable à l’amendement CL325 et défavorable à tous les autres.

M. Dimitri Houbron. Il est évident que la justice doit se faire à visage découvert et que les professionnels présents dans la salle d’audience œuvrent pour un service public transparent. Ma seule crainte, c’est l’évolution de notre société. Je ne voudrais pas que nous nous réunissions dans deux ou trois ans pour faire une loi parce qu’un greffier ou un magistrat aurait été pris à partie à son domicile. On légifère sans réfléchir aux répercussions que cela pourrait avoir sur leur quotidien. Je tiens à ce que nous soyons vigilants et que les visages des professionnels puissent être floutés pour les protéger.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Leur nom figure dans le jugement !

Les amendements CL88, CL179, CL242 et CL317 sont retirés.

Successivement, la commission rejette les amendements CL401 et CL131, adopte l’amendement CL325 et rejette les amendements CL151, CL216, CL258, CL314 et CL153.

Amendement CL505 de Mme Alexandra Louis.

Mme Alexandra Louis. Nous sommes une majorité en faveur du principe de la captation et de la diffusion des audiences. Bien que l’article 1er fixe un cadre précis, nous souhaiterions le renforcer pour ce qui est de l’enregistrement des mineurs et des majeurs protégés. Notre commission a démontré son attachement au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, auquel vous êtes également particulièrement attentif, monsieur le ministre. C’est la raison pour laquelle l’amendement garantit qu’un mineur ne puisse être filmé sans son consentement et celui de ses représentants légaux. Il ne s’agit pas d’interdire de filmer toutes les audiences des mineurs, parce qu’il est important de voir ce qui se passe dans ces procédures où règnent beaucoup de préjugés. Mais la captation peut avoir un effet intimidant pour les mineurs qui n’en comprennent pas forcément les enjeux. Nous proposons également une disposition pour les majeurs protégés : il faudra s’assurer de leur consentement ou, à défaut, du consentement de ceux qui sont chargés de leur protection.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis très favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous avions déjà pris un certain nombre de précautions pour les mineurs et les majeurs protégés, mais on n’en prend jamais assez. Avis favorable également.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL494 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Monsieur le ministre, je vais aller dans votre sens. Au lieu de compliquer les procédures, je propose que, dans les audiences non publiques, l’accord du ministère public soit réputé acquis si ce dernier est partie au litige, selon le principe « qui ne dit mot consent ». Une telle mesure est symbolique étant donné que l’engagement d’une procédure d’enregistrement suppose la consultation préalable du ministère public, mais cela permettrait d’illustrer la volonté de transparence afin de consolider la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire et de réduire les démarches préalables d’enregistrement de l’audience.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. En plus de relever du cas d’école, votre amendement me semble complexe. Qu’un procureur de la République puisse bloquer le système en ne formulant pas son accord ou son désaccord me paraît improbable. Je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis. Nous venons de préciser que l’accord devait être écrit. Cette fois, vous souhaiteriez que le silence du ministère public vaille consentement. Cela pose un problème puisque le ministère public a un droit à l’image comme n’importe qui.

M. Buon Tan. Le ministère public pourrait, bien sûr, s’y opposer. Je voulais simplement éviter d’alourdir la procédure.

L’amendement est retiré.

Amendement CL285 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Le décret prévu aura pour but de préciser les modalités de diffusion et le cadre explicatif prévu à l’origine par le garde des Sceaux pour permettre une meilleure compréhension du système judiciaire par nos concitoyens. Il faudrait donc clairement indiquer qu’à la fin de chaque diffusion, des débats thématiques se tiendront afin d’expliquer aux Français la procédure et le rôle des intervenants. Ces débats pourront avoir lieu avec un magistrat ou un avocat qui n’aura pas participé au procès.

Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel pour donner au garde des Sceaux l’occasion de rappeler que le décret mentionnera l’aspect pédagogique indispensable pour remplir l’objectif fixé.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Demande de retrait, une fois que M. le garde des Sceaux se sera exprimé.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis sensible à votre appel. Le volet pédagogique est important. Les sujets sont infinis. Je pensais, ce matin même, à la situation suivante : un procès en première instance puis en appel – la diffusion n’ayant lieu que lorsque l’affaire est définitivement jugée – et deux peines totalement différentes. Thème de l’émission : la peine, le sens de la peine, la difficulté à la définir. Au café du commerce, les peines tombent comme à Gravelotte. Mais celui qui a été juré populaire sait à quel point c’est compliqué de juger et de déterminer une peine. C’est cela aussi qui rendra l’expérience fantastique pour nos compatriotes. Il y aura bien un volet pédagogique dans le décret. Il faut des explications, données de façon d’autant plus dépassionnée que je ne souhaite pas que ce soient les magistrats, les policiers ou les avocats ayant participé au procès qui s’expriment. Il y aurait le risque de refaire le match, ce qui n’est pas le but. Le but est d’être pédagogue.

L’amendement est retiré.

Amendement CL180 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il convient de préciser que le président de l’audience peut à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’une des parties, suspendre ou arrêter l’enregistrement pour l’un des motifs énumérés plus haut.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement est satisfait puisque le président pourra toujours, pour le bon déroulement des débats ou pour le libre exercice du droit des parties, suspendre ou arrêter l’enregistrement dans le cadre de la police de l’audience.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le président a ce pouvoir. Pour le reste, les parties auront toujours la possibilité de refuser la diffusion ou de demander de flouter leur image. Si on laisse à trop de monde la possibilité d’intervenir dans le processus, on va fragiliser l’ensemble.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agissait uniquement de permettre au président d’entendre les parties qui font état d’un mal-être. Il est important qu’elles puissent s’en ouvrir au président.

L’amendement est retiré.

Amendement CL304 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de permettre au président de suspendre l’enregistrement pour un autre motif que ceux qui sont énumérés dans la loi.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. La préservation de la sérénité des débats et le libre exercice du droit des parties me semblent embrasser suffisamment de cas. Qui plus est, le pouvoir de police de l’audience permet au président de prendre toute mesure utile. Sagesse ou avis favorable… Avis favorable !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis presque convaincu mais il faut que je réfléchisse un peu, parce que j’ai le cerveau plus lent que le rapporteur. L’alinéa 5 dispose que les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats. Tout y est. Le président peut y puiser toutes les raisons dont il a besoin pour interrompre l’enregistrement. Je ne sais pas ce qui de votre amendement, si nous l’adoptions, ou de notre rédaction deviendrait superfétatoire. Sagesse.

Mme Laetitia Avia. Pour aider le ministre à aller dans une direction ou dans une autre, je crois qu’il est important de ne pas exclure des situations qui ne seraient pas visées expressément. Si le président arrêtait l’enregistrement pour un motif qui n’est pas inscrit dans la loi…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Bon… Avis favorable !

Mme Laetitia Avia. J’arrivais à l’apogée de mon argumentation mais je m’arrête donc !

Mme Laurence Vichnievsky. Préciser des motifs revient toujours à limiter les possibilités, puisque l’on ne pense pas à tous les cas de figure.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL315 de M. Pascal Brindeau et CL181 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Pascal Brindeau. Il faudrait préciser que la suspension ou l’arrêt de l’enregistrement par le président ne peuvent pas faire l’objet d’un recours.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. C’est une évidence. Demande de retrait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est ce que l’on appelle le pouvoir propre de police du président, lequel est insusceptible de recours.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CL132 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL547 du rapporteur.

Amendement CL90 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de préserver un délai d’au moins un an entre le jugement et la diffusion. Je reviens à la charge pour les audiences filmées mais non diffusées à la télévision : qu’en fait-on ? Nous souhaiterions qu’elles soient accessibles, par défaut, sur le site du ministère de la justice. Nous tenons également à garantir la variété des procès, civils et pénaux. Je ne suis pas sûr, en effet, qu’en matière d’audimat la future émission soit intéressée par une audience de la Cour des comptes. Mais je me trompe peut-être… Je n’aimerais que cela les rende inaccessibles aux citoyens. Ce que fait le Conseil constitutionnel, c’est qu’il diffuse ses audiences et les diffuse sur son site internet à tout citoyen. Qu’une émission reprenne ces vidéos pour faire de la pédagogie, c’est très bien. Mais, au départ, il faut que ce soit une communication interne au ministère de la justice et au service public dû à tout citoyen.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne la variété des audiences. Il est utile qu’il n’y ait pas seulement du pénal diffusé. En revanche, je suis très réservé sur votre proposition concernant le site de la Chancellerie. Autant on peut le comprendre pour le Conseil constitutionnel, autant ce serait, dans ce cas, plus compliqué, puisque l’idée est de disposer d’une pluralité d’enregistrements en provenance de divers tribunaux. Quant au délai d’un an, il ne me semble pas opérant. Les dispositions actuelles suffisent pour garantir le fait qu’on ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je n’envisage pas du tout de faire un site pour diffuser les procès. Il n’y aura pas qu’un seul procès filmé. Ensuite, dans le cadre de leur liberté éditoriale, les émissions décideront de diffuser telle ou telle audience. Comme il faut les autorisations inhérentes au droit à l’image, c’est inutilisable. Ce sera diffusé sur la chaîne choisie – j’ai dit que j’avais une préférence pour le service public. Que voulez-vous qu’on en fasse puisqu’on ne pourra pas diffuser, le principe étant le floutage et l’anonymisation ?

M. Ugo Bernalicis. Dès lors que le floutage est retenu par défaut, exception faite de ceux qui ont donné leur accord, que ce soit dans une émission de télé ou sur le site du ministère de la justice, c’est la même chose.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je ne veux pas faire de site !

M. Ugo Bernalicis. J’ai bien compris ! Mais comprenez aussi que je veuille absolument le contraire. L’audience publique à laquelle n’aura pas pu assister le cinquante et unième s’il y a cinquante places, je souhaite qu’elle puisse être disponible sur le site avec des garanties – floutage et anonymat. Nous proposions le délai d’un an pour décorréler le procès de l’instantanéité médiatique et du tumulte des réseaux sociaux. Je vois, alinéa après alinéa, que nous ne partageons pas le même but sur la communication des audiences. Je le regrette.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL89 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Le traitement des vidéos diffusées sur le site du ministère doit être assuré par ses services.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL476 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. L’aspect pédagogique de ces diffusions, destinées à rapprocher les citoyens de la justice, en leur permettant de la voir et de comprendre son fonctionnement, étant au cœur du dispositif, il doit être inscrit dans la loi. C’est pourquoi nous souhaitons préciser que la diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques sur le fonctionnement de la justice.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL182 de Mme Cécile Untermaier, CL217 de M. Bertrand Bouyx et CL259 de M. Stéphane Peu, amendements CL316 de M. Pascal Brindeau et CL477 de Mme Laetitia Avia (discussion commune).

M. Pascal Brindeau. En cohérence avec l’amendement précédent, qui visait à demander à l’ensemble des parties présentes à l’audience l’autorisation de filmer, il s’agit ici de leur permettre de rétracter leur consentement. Mais vous allez me répondre que dans la mesure où on ne leur demande pas leur avis, on ne leur donnera pas non plus un droit de rétraction...

Mme Laetitia Avia. Il s’agit d’ouvrir le droit de rétraction à l’ensemble des personnes enregistrées.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements, à l’exception de celui de Mme Avia dont la rédaction me semble plus complète. Je demande à M. Brindeau de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de Mme Avia.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Mme Avia a convaincu le rapporteur ainsi que votre serviteur : avis favorable à son amendement.

M. Pascal Brindeau. Au risque de vous décevoir, je maintiens mon amendement, identique à celui de Mme Avia.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pas exactement : le vôtre compte quelques mots supplémentaires. Si vous voulez qu’il soit adopté, vous devez le rectifier en supprimant cet ajout.

M. Pascal Brindeau. Il est identique au moins dans son esprit ; je le rectifie donc pour qu’il soit parfaitement identique.

Successivement, la commission rejette les amendements CL182, CL217 et CL259 et adopte les amendements CL316 rectifié et CL477.

Amendement CL133 Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise à protéger la vie privée des personnes jugées, des plaignants et des témoins. Je souhaite que les personnes puissent rétracter leur consentement non pas seulement après l’audience, mais à tout moment.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Aller si loin crée de l’insécurité. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Si nous suivions tous les amendements de Mme Ménard, il faudrait arriver à l’audience avec une imposante liasse de papiers ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL382 de M. Jean Terlier.

Amendements CL489 de Mme Laetitia Avia et CL54 de Mme Stéphanie Do (discussion commune).

Mme Laetitia Avia. Il est proposé de fixer à quinze jours après l’audience la période de rétraction du consentement, ce qui laisse le temps aux parties de prendre la mesure de cet enregistrement et, une fois le consentement clairement donné, à la chaîne chargée de la diffusion de procéder à la mise en forme en vue de la publication.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable à l’amendement de Mme Avia, dont le bornage est cohérent.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Également.

M. Antoine Savignat. J’émettrai un bémol : le texte est plus adapté à la procédure pénale qu’à la procédure civile. Quinze jours après l’audience suffisent en procédure pénale, le délai d’appel étant de dix jours. En revanche, dans toutes les autres procédures – civiles, commerciales, prudhommales –, les parties ne sont pas fixées à l’issue de ce délai car elles n’ont pas encore connaissance de la décision. Il serait plus logique de faire commencer ce délai à l’expiration du délai d’appel.

Mme Laetitia Avia. Le consentement n’est pas lié à la décision rendue in fine. L’objectif de cet amendement est de permettre à une personne de retirer son consentement si elle décide ne plus apparaître à la suite d’incidents d’audience, par exemple si certaines parties se sont montrées agressives ou si elles se sont senties atteintes dans leur dignité. C’est pourquoi je souhaite laisser ce temps de respiration après l’audience.

M. Ugo Bernalicis. Je partage l’idée qu’il faut laisser une personne revenir sur son consentement si elle trouve que l’audience s’est mal passée. Si l’on avait une règle générale imposant de flouter tous les visages, on ne serait pas dans ces analyses byzantines ! Nous avions proposé un délai d’un an avant de pouvoir diffuser, délai pendant lequel il aurait été possible de rétracter son consentement. Pourquoi quinze jours ? Il arrive que des polémiques surgissent sur les réseaux sociaux deux mois après les événements : une personne en butte à des tentatives de déstabilisation ne pourrait alors plus retirer son consentement. Cela requiert un certain tact. La généralisation du floutage et l’anonymisation sont peut-être la meilleure solution.

M. Antoine Savignat. J’entends ce que dit Mme Avia, sauf qu’on ne respire pas de la même manière selon que l’on est dans l’angoisse de l’attente de la décision ou qu’on la connaît. Quinze jours après une audience correctionnelle, dans la majorité des cas, on connaît la décision et le délai d’appel est expiré. En revanche, quand on est dans l’attente du délibéré, on ne sait pas où on va. De ce fait, on ne place pas les gens sur un pied d’égalité dans la prise de décision. Le risque est simple : dans le doute, tout le monde refusera la diffusion. Il vaut mieux faire preuve de prudence et accompagner les gens avec un maximum de garanties. Vous raisonnez en professionnel du droit et de la défense ; le particulier n’est pas du tout dans cet état d’esprit. Il faudrait revoir cette disposition pour la séance.

La commission adopte l’amendement CL489.

En conséquence, l’amendement CL54 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL327 de M. Benjamin Dirx.

Amendement CL134 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement me tient à cœur. Je ne comprends pas très bien qu’aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne puisse être diffusé plus de cinq ans après la première diffusion, ni plus de dix ans à compter de l’autorisation de l’enregistrement. Le rapporteur a indiqué que le but était de protéger le droit à l’oubli. Or, le droit à l’oubli est impossible : si vous diffusez demain un procès à la télévision, rien ne m’empêchera de le téléverser sur internet. Cet alinéa n’est ni adéquat ni opportun.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le dispositif consacre et rend opposable le droit à l’oubli dans la diffusion. Il est utile car il complète les obligations qui pèseront sur l’opérateur choisi pour diffuser les images. Toutefois, des vidéos pourront continuer à circuler sur internet pendant des années. Tout ne sera pas réglé avec cette disposition, j’en conviens. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est pour cela qu’il faut limiter la casse, madame Ménard ! Des journalistes m’ont demandé comment nous allions traiter le droit à l’oubli. Je leur ai répondu : « Exactement comme vous ! » Quand des journalistes suivent une affaire, ils donnent les noms ; rien n’interdit, trente ans plus tard, avec l’aide des réseaux sociaux, de les rediffuser. Le droit à l’oubli est impossible. Toutefois, interdire à une chaîne, dont l’audience est importante, de rediffuser, ce n’est pas rien. Si vous enregistrez avec votre téléphone et rediffusez ensuite, cela n’a pas le même impact. Vous avez donc raison : on ne peut pas prévoir un droit à l’oubli, mais on peut limiter les dégâts. Nous sommes en plein cœur de la protection de la vie privée. Celui qui diffusera en assumera les risques parce qu’il y a des sanctions à la clef. Interdire la rediffusion, ce n’est pas si mal. Pour le reste, je partage votre avis : il est objectif.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce qui me gêne, c’est qu’il y a en quelque sorte tromperie sur la marchandise. Une personne à qui l’on assurerait que son droit à l’oubli est protégé pourrait, en toute confiance, donner son consentement. Mais si vous lui dites que l’on ne peut rien lui garantir, même quand la rediffusion du procès ne sera plus possible, parce que les moyens ne le permettent pas, vous n’inciterez pas les gens à donner leur consentement.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Les images diffusées dans le cadre d’émissions qui recueillent de l’audience deviendront des images d’archive. Toutefois, après un certain temps, elles seront rediffusées sans que les visages apparaissent à découvert afin d’assurer un véritable droit à l’oubli et d’éviter qu’on puisse reconnaître les personnes enregistrées. Ce dispositif peut être un succès quand les images récurrentes deviennent nuisibles pour celui qui avait consenti à leur diffusion mais qui, après quelque temps, en a assez de se voir tourner en boucle sur les écrans. Nous limitons les dégâts sur cet aspect.

Mme Laetitia Avia. Je viendrai au soutien non pas de l’amendement, mais de l’objectif visé par Mme Ménard. Nous pourrions, d’ici à la séance publique, travailler à sanctionner la violation de ce nouvel article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, alors que des sanctions sont prévues aux articles 38 et 38 ter. Définir une peine permettrait aux personnes voyant circuler ces contenus sur les réseaux sociaux d’en demander le retrait, donnant une plus grande effectivité à la mesure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. On est dans le périmètre de la violation de la vie privée : en soi, cela peut entraîner une sanction. Par ailleurs, madame Ménard, si nous adoptions votre amendement, nous serions plus mal lotis que n’importe quelle émission de mauvaise facture. Ce serait une grande injustice car si, pour notre part, nous voulons faire œuvre de pédagogie en prenant toutes les précautions, ces émissions ne s’embarrassent de rien, ni du droit à l’image ni de la présomption d’innocence, qui est l’une de nos préoccupations majeures.

Vous voudriez, moi aussi d’ailleurs, que le droit à l’oubli soit consacré ; nous savons que ce n’est pas possible. Une photo d’une personne peut circuler dans dix ans : c’est un risque inhérent aux réseaux sociaux. On ne peut malheureusement pas éviter ce que vous dénoncez et je le déplore avec vous, mais votre amendement n’est pas la solution. Quant aux justiciables, qui auront tout de même donné des autorisations, ils seront contents de savoir qu’on cessera de rediffuser un certain nombre d’éléments.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à sanctionner une infraction au droit à l’oubli.

M. Ugo Bernalicis. L’objectif poursuivi est d’empêcher l’identification d’une personne. La diffusion des images serait possible dix ans après le procès, mais en floutant et en retirant tout élément d’identification. Cette disposition est soit trop précise, soit nébuleuse car lorsqu’un procès a été couvert par la presse, on connaît l’affaire et les noms : le seul fait de rediffuser permet l’identification. Assumez-vous cet aspect ou bien décidez-vous qu’à partir d’une certaine date, on ne diffuse plus ? Cela pourrait être la solution : au-delà de cinq ans, on ne diffuse plus du tout !

La commission rejette l’amendement.

Successivement, suivant les avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL155 de Mme Marie-France Lorho, adopte l’amendement rédactionnel CL548 du rapporteur et rejette l’amendement CL154 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements CL549 du rapporteur, CL92 de M. Ugo Bernalicis et CL318 de M. Dimitri Houbron (discussion commune).

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

L’amendement CL318 est retiré.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de prévoir un délai d’un an avant la diffusion, afin de préserver la sérénité judiciaire. Il faut décorréler le traitement médiatique de l’affaire, avec ses images en temps réel, de l’information du citoyen sur le fonctionnement de l’audience.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CL549.

En conséquence, l’amendement CL92 tombe.

Amendement CL91 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. C’est l’audience qui est publique, non les éléments d’instruction ou d’enquête. Si je comprends que l’on fasse en sorte qu’on fasse en sorte qu’il soit possible de suivre le procès, je trouve cela disproportionné concernant l’instruction et les enquêtes : ce n’est pas utile au but poursuivi de compréhension de la justice. Le ministère peut déjà délivrer des autorisations de reportage sur les différentes étapes d’une procédure : je pense que c’est suffisant et qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Les autorisations exceptionnelles existantes sont données hors cadre, contra legem. Il faut envisager toutes les hypothèses comme une audience devant une chambre de l’instruction ou encore un interrogatoire dans le cabinet d’un juge d’instruction. C’est justement cela, la machine judiciaire qui doit être montrée, de façon transparente, dans un but pédagogique.

Nous sommes nombreux ici à avoir fait des études de droit et nous sommes tous convaincus d’une chose : il y a un décalage entre la théorie et la réalité judiciaires. Nous avons tout à gagner à faire découvrir à nos concitoyens les différents aspects du monde judiciaire, que ce soit dans le cabinet d’un juge d’instruction, dans une salle d’assises ou aux prud’hommes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis défavorable. Il faut tout montrer, avec des précautions qui n’existent pas à ce jour.

M. Ugo Bernalicis. Si j’en crois votre dispositif, dès que l’affaire sera jugée définitivement, on pourra diffuser l’intégralité de la procédure, y compris l’enquête et l’instruction, alors que le sujet est encore brûlant. Je m’interroge sur la vertu pédagogique d’une telle diffusion, étant entendu qu’aujourd’hui, le citoyen lambda ne peut pas y avoir accès – même le parlementaire que je suis ne peut pas avoir accès à un cabinet d’instruction ou aux audiences des chambres de l’instruction à huis clos. Nous entrons dans un domaine qui me dérange.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Précision extrêmement importante, la diffusion ne sera possible que lorsque l’affaire aura été définitivement jugée, soit au lendemain du rejet du pourvoi en cassation. Cela veut dire que, au pénal, il se sera écoulé plusieurs mois entre le jugement de l’affaire en cour d’assises d’appel et l’examen du pourvoi en cassation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL550 du rapporteur.

Amendement CL303 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Dans certaines situations comme la confrontation d’une victime avec l’accusé, le fait de savoir que l’on est filmé et que cela pourra être diffusé peut avoir une répercussion sur les comportements.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

M. Ugo Bernalicis. Le dispositif ne me paraît pas clair. Si le consentement des parties est requis pour l’audience, ce terme recouvre des réalités différentes : il peut s’agir de l’enquête et de l’instruction, pour lesquelles nous n’avons pas la garantie absolue que l’accord des parties ait été donné. J’aimerais avoir l’assurance que leur consentement sera recherché avant toute diffusion d’une phase qui se déroule habituellement à huis clos.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je vais vous rassurer : la notion d’audience, telle qu’elle se dégage de la jurisprudence et des textes, recouvre le débat devant le juge des libertés et de la détention ; la prolongation de la garde à vue ; le débat devant le président de la chambre de l’instruction, par exemple sur le contentieux de la restitution d’objets ; le débat sur la détention provisoire ; le débat devant la chambre de l’instruction ; le renvoi devant la cour d’assises ; l’appel d’une ordonnance de non-lieu, etc. Si ce n’est pas public, alors il faudra une autorisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL57 de M. Antoine Savignat.

M. Antoine Savignat. Ce dispositif soulève une inquiétude. M. Untel passe devant la chambre de l’instruction et donne son consentement à la diffusion de l’audience, parce qu’il estime que ce n’est pas plus mal de clamer à tous son innocence. Même si la procédure aboutit à un non-lieu ou à un arrêt des poursuites, il risque de pâtir de l’idée qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Les affaires pénales sont souvent relatées dans la presse locale et dans les médias. Même si l’on floute les visages, on peut identifier les faits et les protagonistes : une personne qui n’aurait pas fait l’objet de poursuites devrait tout de même subir pendant cinq ans la diffusion sur des faits finalement non établis. Cela met en jeu la présomption d’innocence et le droit à l’oubli. À mon sens, il serait plus prudent de retirer ce type de procédure du dispositif, même si je n’ignore pas que cela empêchera de montrer qu’il peut aussi y avoir des non-lieux. Le droit à la vie privée doit prévaloir sur l’intérêt pédagogique voulu par le Gouvernement.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Vous avez vous-même fourni le contre-argument à votre amendement : il n’y a pas plus belle illustration du principe de la présomption d’innocence que la reconnaissance de l’innocence d’une personne par un juge. Non seulement cela ne pose aucune difficulté, mais cela a même une vertu : la justice est là pour établir la vérité et il est bon que des émissions de télévision le montrent.

L’inquiétude dont vous avez fait part concerne des audiences à huis clos, non publiques. La personne n’autorisera sans doute pas la diffusion de son image et elle ne pourra donc pas être identifiée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le député Savignat fait du tort à l’avocat Savignat qui obtiendra un non-lieu pour un de ses clients. Le jour où ce client lui demandera qu’on dise dans les médias qu’il est innocent avec la même force qu’on lui a exprimé sa culpabilité, l’avocat Savignat sera obligé de lui répondre que cela n’est pas possible parce l’autorisation de diffuser les audiences a été refusée : c’est paradoxal !

Si le client en question ne souhaite plus que l’on évoque cette affaire, il y a toujours toutes les précautions évoquées en plus de l’anonymisation, de la modification de la voix, du floutage. Il n’y a donc rien à craindre. Je suis convaincu toutefois que des gens ayant bénéficié d’un non-lieu ont envie de le faire savoir : votre amendement leur ferait manquer une opportunité de dire les choses.

Mme Naïma Moutchou. Je ne suis pas d’accord avec mon collègue Savignat parce que la justice n’est pas seulement celle qui condamne ; heureusement, elle acquitte et elle relaxe aussi. Il faut donner à voir tout cela à nos concitoyens.

M. Antoine Savignat. Pour que les choses soient claires, il faudrait filmer la procédure du début à la fin. Si vous filmez seulement l’audience chez le juge des libertés et de la détention, au cours de laquelle il va placer en détention provisoire, mais que vous n’avez pas l’ensemble des auditions qui suivent ni l’ensemble des éléments du dossier, vous ne rendrez public qu’un élément défavorable. Quand bien même des intervenants diront sur un plateau de télévision que l’affaire a été classée sans suite, on loupe le coche et on alimente la suspicion.

Quant à la dimension pédagogique, la diffusion des audiences correctionnelles permettra de montrer la justice qui relaxe à tour de bras.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je ne suis pas d’accord avec cette vision : nous voulons justement faire de l’explication pédagogique. Les intervenants pourront expliquer aux téléspectateurs qu’ils ont vu quelque chose qui correspond à la réalité judiciaire d’un instant ; ils expliqueront ce qu’est un non-lieu, ce que sont des indices graves et concordants, etc. L’idée maîtresse est de faire comprendre comment fonctionne la justice. Il ne s’agit pas de prendre parti. Je ne veux pas de gens qui refassent le match : revoir le combat de l’avocat général contre l’avocat, ou de l’avocat de la partie civile contre l’avocat du prévenu ne m’intéresse pas. Je veux que l’on rappelle qu’un non-lieu n’est pas le fruit du hasard ou d’un malentendu, mais la conséquence du fait que l’on n’a pas recueilli suffisamment de charges graves et concordantes. C’est l’occasion ou jamais d’apporter ces explications. Dans le texte, il est question de préserver la présomption d’innocence : je sais que, par les temps qui courent, c’est parfois un détail, mais nous avons cela à cœur.

Mme Cécile Untermaier. Il ne faut pas faire de contresens : il s’agit de faire œuvre de pédagogie et non pas de rediscuter du procès et de la décision rendue par le juge, laquelle est souveraine. Le morcellement ne me pose pas de problème.

Ma seule réserve, rejoignant celle de M. Bernalicis, tient au rapport à l’intime que met en jeu une procédure d’instruction. La personne peut refuser l’enregistrement si l’audience n’est pas publique, mais son image va tout de même apparaître dans une diffusion avec son visage flouté.

M. Antoine Savignat. J’entends bien la volonté pédagogique du ministre. Mais pour en revenir à mon exemple, si vous ne filmez que l’audience de placement en détention provisoire et que l’affaire aboutit à un non-lieu, allez-vous communiquer l’intégralité du dossier d’instruction aux gens qui débattront sur le plateau ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Après une audience du juge des libertés et de la détention, un non-lieu est prononcé. Selon le texte, la diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. Diffuser une mise en détention sans expliquer ce qu’est un non-lieu et ne diffuser que cela, c’est attentatoire à la présomption d’innocence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL551 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de préciser que le fait de diffuser un enregistrement sans respecter les conditions de diffusion prescrites est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cette disposition répressive permettra de poursuivre ceux qui ne respectent pas les précautions dont nous discutons.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL552, CL553 et CL554 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL29 de M. Éric Pauget.

Amendement CL284 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Il s’agit de commencer par une phase d’expérimentation. Nous sommes favorables au fait de filmer les audiences et de faire de la pédagogie, car nous avons la conviction que cela sera utile. En revanche, nous craignons que la généralisation du dispositif ne cause son échec. Nous devrions prendre le temps de tester ce dispositif pendant quelques années et dans quelques juridictions, afin d’éviter les écueils ou de les corriger. L’expérimentation avait démontré son efficacité avec la cour criminelle départementale : nous pourrions procéder de la même façon pour assurer le succès de cette belle idée.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Défavorable à l’expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements identiques de coordination CL555 du rapporteur et CL328 de M. Benjamin Dirx.

La commission adopte l’article 1er modifié.

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Troisième réunion du mercredi 5 mai 2021 (21 heures)

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Titre II
Dispositions amÉliorant le dÉroulement des procÉdures pÉnales

Chapitre Ier
Dispositions renforçant les garanties judiciaires au cours de l’enquête et de l’instruction

Section 1
Dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense

Article 2 (art. 75‑3 [nouveau] et 77‑2 du code de procédure pénale) : Ouverture au contradictoire et limitation de la durée des enquêtes préliminaires

Amendement CL369 de Mme Alexandra Louis.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement visant à ce que l’avocat d’une personne en garde à vue ou auditionnée dans le cadre d’une audition libre puisse avoir accès au dossier. Il me semble difficile de satisfaire cette requête – récurrente – dans ce texte, lequel constitue déjà un progrès dans l’accès au contradictoire de l’avocat de la défense et présage de futures avancées. Notre système doit rester cohérent.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL370 de Mme Alexandra Louis, CL156 de Mme Marie-France Lorho et CL136 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendement CL93 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Je suis favorable à un meilleur encadrement de l’enquête préliminaire mais encore faut-il savoir ce que l’on entend par là.

Le Gouvernement propose des durées maximales, respectivement, de deux ans augmentés d’un an ou de trois ans augmentés de deux ans en fonction des infractions poursuivies, ce qui me semble problématique à plus d’un titre.

Notre amendement d’appel propose que le juge des libertés et de la détention fasse un point d’étape annuel pour savoir si l’enquête préliminaire est le bon vecteur ou s’il convient d’ouvrir une information judiciaire, voire, d’opérer un classement sans suite. C’est en effet l’examen de la proportionnalité de l’enquête préliminaire qui s’impose plutôt que l’instauration d’une date butoir. Outre que nous manquons de magistrats instructeurs, seules 3,2 % des enquêtes préliminaires durent plus de trois ans, si j’en crois l’étude d’impact, en l’occurrence dans le domaine de la délinquance économique et financière. Ce n’est pas la lenteur de la justice qui est en cause, même si les services enquêteurs sont insuffisamment pourvus – je vous renvoie au rapport d’information que notre collègue Jacques Maire et moi avons rendu en 2019.

Il ne faut pas laisser accroire que l’instauration d’une date limite accélèrerait les enquêtes préliminaires au plus grand bénéfice des justiciables. Certains d’entre eux, victimes ou auteurs, préfèrent avoir accès au contradictoire et disposer d’un temps suffisant – c’est d’ailleurs pourquoi nous n’avons déposé aucun amendement sur les dispositifs visant à ouvrir l’accès de l’enquête préliminaire au contradictoire, auxquels nous sommes favorables.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Sur le papier, l’idée d’une supervision des actes par le juge des libertés et de la détention est séduisante mais il me semble, là encore, que c’est prématuré. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est faire preuve d’une belle défiance à l’endroit des magistrats du parquet puisque cela revient à douter de leur capacité à assumer leur rôle de gardien des libertés individuelles.

Cet amendement vous a été soufflé par le Syndicat de la magistrature. J’y suis défavorable – à l’amendement, pas au Syndicat de la magistrature (Sourires).

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas tout à fait exact, même si cet amendement va en effet dans la direction souhaitée par le Syndicat de la magistrature : nous sommes capables d’écrire nos amendements nous-mêmes.

C’est vous qui vous méfiez du parquet puisque, après trois ans, il ne serait plus compétent : il ne saurait pas poursuivre une enquête préliminaire, ni introduire le contradictoire, ni garantir l’égalité des armes. Nous proposons simplement, quant à nous, un point annuel. L’enquête préliminaire pourrait durer au-delà de trois ans, précisément parce que nous faisons confiance au parquet et au contrôle effectué par un magistrat du siège. Les enquêtes relatives à la délinquance économique et financière s’étendent bien souvent au-delà de nos frontières et il faut du temps pour que les réponses apportées par d’autres pays, par exemple sur tel ou tel compte en banque, parviennent aux enquêteurs.

La mesure que vous proposez entravera le traitement d’un certain nombre d’affaires par le parquet national financier. Des informations judiciaires s’ouvriront alors et l’instruction durera dix ou quinze ans. Je m’oppose à votre tour de passe-passe.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce qui est excessif est insignifiant. Où avez-vous vu des instructions qui durent quinze ans ?

M. Ugo Bernalicis. Avec l’affaire Balkany !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce que nous proposons devrait faire consensus. L’enquête préliminaire, avant 1958, se nommait « enquête officieuse » et elle demeure encore telle faute d’être circonscrite dans des délais, à la différence de l’instruction. Si celle-là dure trop longtemps, c’est celle-ci qui prend le relais. Où est le problème ? Le contradictoire y est assuré puisque la mise en examen implique la possibilité de se défendre, à la différence de l’enquête préliminaire, en accédant au dossier.

Les affaires qui durent quinze ans sont exceptionnelles. Des magistrats du siège ou du parquet membres de la commission Mattei, composée également d’avocats et de policiers, ont dit combien cette loi va dans le sens de l’histoire. La France est l’un des rares pays où l’enquête préliminaire ne fait l’objet d’aucun contrôle et n’intègre pas la procédure du contradictoire. Le rappel des principes s’impose.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL346 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL402 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Il convient de prévoir la sanction de la nullité des actes qui seraient accomplis au-delà du délai d’enquête préliminaire, conformément à ce que souhaite le Conseil national des barreaux.

Mme Laurence Vichnievsky. Faute de sanction, la disposition gouvernementale aurait beaucoup moins de poids.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CL557 à venir, qui a le même objet.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CL345 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL447 de M. Paul Molac, amendements CL183 de Mme Cécile Untermaier, CL245 de Mme Nicole Dubré-Chirat, amendements identiques CL218 de M. Didier Paris et CL277 de Mme Séverine Gipson (discussion commune).

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’enquête préliminaire doit être limitée à la durée d’un an, prolongée des délais de recours éventuels lorsque le suspect ou le plaignant auront exercé des recours contre un refus de demande d’acte ou le suspect une demande de nullité d’un acte.

À l’issue de ce délai, faute pour le procureur de classer sans suite, de prendre une décision de renvoi devant une juridiction de jugement ou une mesure alternative aux poursuites, une information judiciaire doit être ouverte. L’automaticité de cette ouverture est en effet préférable à un contrôle de la durée par un juge du siège, illusoire faute de moyens.

Mme Cécile Untermaier. Le délai de deux ans, contesté par un certain nombre de magistrats et de parquets, doit être réduit d’un an étant entendu que, selon le rapport Mattei, la grande majorité des enquêtes préliminaires durent moins d’un an. Pour les enquêtes plus complexes, un délai d’un an, renouvelable deux fois, pouvant porter l’enquête jusqu’à trois ans est prévu. Un régime d’exception demeure pour les faits de terrorisme et le crime organisé, avec un délai maximal de deux ans renouvelable une fois, portant jusqu’à quatre la durée maximale de l’enquête préliminaire. Un an, c’est déjà long pour qui ignore tout de l’affaire.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Durant les auditions, un certain nombre d’acteurs se sont émus des dates butoirs des enquêtes préliminaires, jugeant qu’un risque d’entrave à l’action judiciaire existe, l’absence de moyens ou les lenteurs des services d’enquête, voire, la carence pouvant conduire au classement sans suite.

Les risques en termes de responsabilité pour l’État et donc pour les magistrats – auxquels on viendra imputer ces lenteurs et dépassement de délais – sont réels.

Ce délai peut s’avérer court notamment dès que des actes à l’étranger, des actes obligatoires tels qu’une expertise psychiatrique ou technique, se révèlent nécessaires.

Une question est susceptible de se poser pour les procédures qui en regroupent plusieurs : quelle date faudra-t-il prendre en compte ? L’enquête, constituée de plusieurs enquêtes, constitue-t-elle un ensemble ? Ou faut-il la découper, prendre en compte la date de l’acte initial de chaque enquête ? Ou celle de la plus ancienne ?

L’autorisation de prolongation d’un an par le procureur de la République est soumise à un formalisme particulier alors que certains actes procéduraux ne nécessitent qu’une simple mention au dossier par les enquêteurs. Cette obligation illustre une particulière défiance envers ces derniers et les parquetiers.

Cet amendement propose de rallonger les délais de l’enquête préliminaire.

Mme Naïma Moutchou. Je défendrai l’ensemble des amendements de mon collègue Didier Paris durant l’examen de ce texte. Si le principe d’un encadrement de la durée de l’enquête constitue une avancée, il convient de fixer un délai adapté à l’efficience des investigations et à la réalité de la masse d’enquêtes préliminaires en cours, dont l’étude d’impact rappelle qu’elle est de l’ordre de trois millions. La durée de l’enquête préliminaire doit être portée à trois ans au maximum afin d’éviter nombre de classements sans suite faute de moyens.

Mme Séverine Gipson. La durée de l’enquête préliminaire doit être en effet portée à trois ans car le délai de traitement moyen constaté auprès des tribunaux judiciaires s’en rapproche en raison de la complexité des investigations.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Deux amendements visent à ramener la durée de l’enquête préliminaire à un an et trois amendements à la fixer à trois ans : il y a donc des chances pour que la bonne durée se situe au milieu !

Le Gouvernement est parti d’un constat : près de 90 % des enquêtes préliminaires durent peu mais un certain nombre d’entre elles, beaucoup moins nombreuses, durent trop longtemps, ce qui met en péril les libertés individuelles et les droits de la défense. Pour ces dernières, il importait donc de trouver la bonne jauge, celle permettant aux services d’enquête de continuer à travailler efficacement à charge et à décharge, sans aller cependant au-delà d’un délai raisonnable. La distinction retenue me semble la bonne : pour les enquêtes classiques, deux ans plus un an ; pour le crime organisé et le terrorisme, trois ans plus deux ans.

J’ajoute que l’ouverture au contradictoire est prévue dans certaines conditions. Il me semble que nous avons trouvé un juste milieu qu’il importe de maintenir. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. La définition de seuils entraîne toujours de longues discussions, comme nous l’avons vu à propos du code de la justice pénale des mineurs ou de la proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. À un moment ou à un autre, il faut bien trancher.

Ce projet est à la fois ambitieux et réaliste ; la commission Mattei a beaucoup travaillé et l’argument du rapporteur me semble pertinent : nous nous situons au juste milieu.

Je rappelle tout de même que nous partons de rien ! Nous ne proposons certes pas une révolution copernicienne mais nous mettons un pied dans la porte. L’enquête préliminaire n’a aucune durée, ceux qui en font l’objet ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés et ils ne peuvent accéder au contradictoire : c’est invivable, un truc pareil, et absolument contraire aux droits de l’homme !

La définition de délais est une avancée fondamentale, de même que les conditions d’un accès au contradictoire. De plus, peu d’enquêtes préliminaires sont concernées puisque 84 % durent moins d’un an et que beaucoup sont réglées en huit mois.

Je souhaite que nous maintenions les équilibres qui ont été trouvés.

M. Ugo Bernalicis. Si je ne suis pas d’accord sur la question des délais, je suis en revanche mille fois favorable à l’introduction du contradictoire dans l’enquête préliminaire. J’ajoute que l’ouverture d’une information judiciaire n’est pas une garantie d’accès au dossier : il faut, pour cela, être placé sous le statut de témoin assisté ou être mis en examen. De plus, même si c’est rare, celle-ci peut durer deux ou trois ans !

En l’occurrence, j’ai l’impression que l’on se fait plaisir en définissant un délai qui ne servira à rien puisque 97 % des enquêtes préliminaires durent moins de trois ans. Ne se complique-t-on pas un peu la tâche pour les 3 % restant ? L’affaire des fadettes a bien sûr duré beaucoup trop longtemps alors que l’enquête, à proprement parler, a duré trois ou quatre mois et aurait pu être clôturée bien avant, en effet, mais c’est plutôt l’exception de l’exception de l’exception !

Quant au délai de trois ans plus deux, dans les affaires de délinquance économique et financière, on ne peut pas s’en priver !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL556 du rapporteur.

Amendement CL58 de M. Antoine Savignat.

M. Antoine Savignat. La prolongation sur autorisation écrite du procureur doit être motivée. Cocher une croix sur le formulaire type de la prolongation des gardes à vue pour les besoins de l’enquête n’est ni efficace ni pédagogique. Si l’on veut prévoir la sanction de la nullité des actes accomplis au-delà du délai d’enquête préliminaire, comme en disposera l’amendement CL557 du rapporteur, encore faut-il que le procureur ait expliqué les motifs d’une prolongation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis partagé car si je comprends la philosophie de cet amendement, je crains la motivation « de style ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Une autorisation écrite et motivée, cela semble intéressant !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Cela reviendrait à cocher les mêmes cases : enquête pas terminée, investigations à venir, etc. Cet amendement n’apporte rien. Une enquête de flagrance peut être prolongée par le procureur de la République à l’issue d’un délai de huit jours sans que le code pénal exige une décision motivée. Un parallélisme s’impose.

M. Antoine Savignat. Cet amendement apporte la pédagogie qui vous est chère. Si le procureur de la République explique que l’enquête n’est pas terminée parce que le parquet n’a pas eu le temps de traiter le dossier et qu’elle n’est suivie d’aucun acte, sa procédure sera susceptible d’être sanctionnée selon la disposition prévue par l’amendement CL557. Si on ne demande pas au procureur de motiver la prolongation de l’enquête préliminaire, son avis n’a aucun intérêt. Quand bien même il lui suffirait de cocher une case, il y aurait moyen de vérifier que c’était la bonne et que des investigations devaient se poursuivre. Autrement, que le prolongement soit d’office et la messe sera dite !

Mme Laetitia Avia. Cette question mérite d’être étudiée plus précisément, en commission ou en séance publique. Quelles conséquences tirer de l’absence de motivation ?

M. Ugo Bernalicis. Prolongation motivée mais pourquoi et pour qui ? Ce dispositif est interne au parquet et ne concerne pas les parties qui, en fonction des actes pris, ne sont pas forcément au courant de l’enquête. C’est pourquoi il me paraissait plus pertinent d’inclure un magistrat du siège dans l’équation afin d’exercer un contrôle de proportionnalité visant à juger du bien-fondé de la prolongation de l’enquête.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous sommes d’accord, me semble-t-il.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Sagesse, monsieur le garde des Sceaux ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Sagesse, puisqu’on me dit sagesse !

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL577 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Les deux et trois ans constituent la date limite de clôture de l’enquête. La possibilité pour le procureur de la République de classer sans suite, de poursuivre ou de solliciter une information judiciaire demeure, bien entendu, mais tous les actes d’enquête doivent être terminés à ces dates, à peine de nullité. Si une personne ne faisant pas jusqu’alors l’objet de l’enquête venait à être mise en cause, le délai expiré ne lui serait pas opposable et l’enquête pourrait se poursuivre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’adoption de cet amendement ferait tomber les trois suivants.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Cette réécriture se justifie parfaitement : le texte sera plus clair, plus cohérent et plus équilibré.

M. Thomas Rudigoz. Je souscris à cette rédaction, mon amendement CL211 étant moins précis. Au-delà de deux ans, si le procureur n’apporte aucun nouvel élément, l’enquête s’arrête.

M. Antoine Savignat. Nous voterons cet amendement, bien plus strict que le mien puisqu’il assortit de nullité la procédure alors que je ne demandais qu’une motivation.

M. Pascal Brindeau. La nullité est-elle de plein droit ou faisant grief ? Les actes déclarés nuls sont-ils uniquement ceux qui interviennent après la procédure ou la théorie des actes subséquents s’applique-t-elle ? Une précision ne s’imposerait-elle pas ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Pas de nullité sans grief.

Mme Cécile Untermaier. Je suis favorable à une telle réécriture. Mais que se passe-t-il si le procureur de la République ne classe pas l’enquête ni n’ouvre d’information judiciaire ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. La prescription s’appliquera ou le dossier sera repris avec de nouvelles règles de procédure.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le dossier dort jusqu’à l’extinction de l’action publique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL211 de M. Thomas Rudigoz, CL278 de Mme Séverine Gipson et CL184 de Mme Cécile Untermaier tombent.

Amendements CL228 de M. Didier Paris, CL403 de Mme Laurence Vichnievsky et CL305 de M. Pascal Brindeau (discussion commune).

Mme Naïma Moutchou. Mon collègue Didier Paris propose d’étendre l’allongement de la durée d’enquête aux infractions financières relevant du parquet national financier, au motif que ses enquêtes sont complexes et présentent des enjeux internationaux.

Mme Laurence Vichnievsky. J’observe que deux anciens magistrats de l’ordre judiciaire ont déposé le même amendement, qui doit découler de leur expérience professionnelle. L’alinéa 6 de l’article 2 prévoit un régime plus souple pour la criminalité et la délinquance organisées et les affaires de terrorisme. Les durées maximales des enquêtes sont portées respectivement à trois et cinq ans, à raison de la complexité des procédures en cause.

On doit étendre cette dérogation aux infractions pour lesquelles une compétence concurrente a été attribuée au parquet national financier et au tribunal judiciaire de Paris. Je suis bien placée pour exposer la complexité de ces affaires, dans lesquelles la preuve est difficile à apporter. Bien souvent, elle résulte non d’éléments pris isolément mais de la reconstitution d’un puzzle complexe et de montages difficiles.

À effectif judiciaire constant, il est illusoire de croire que l’ouverture d’informations à l’expiration des délais prévus pour les affaires financières permettrait de résoudre une telle difficulté. Par ailleurs, l’ouverture d’une information n’est pas nécessairement l’ouverture au contradictoire. Il existe des fenêtres d’ouverture au contradictoire dans le cadre de ces délais qui enserrent l’enquête préliminaire. C’est pourquoi l’amendement CL403 semble raisonnable.

M. Pascal Brindeau. Les crimes et délits économiques et financiers revêtent une grande complexité. Les délais de réponse de certains organismes sont tels que l’on peut concevoir un allongement des délais, au même titre que pour les crimes et délits déjà couverts par le délai de trois plus deux ans.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Ces trois amendements visent à faire basculer les infractions économiques et financières vers le régime dérogatoire de trois plus deux ans, réservé aux actes de criminalité organisée et de terrorisme. Or, la ligne fixée prévoyait d’arrêter les enquêtes préliminaires beaucoup trop longues. Là, on instaure un régime qui permettra aux enquêtes préliminaires de durer trois ans plus deux, soit cinq ans. Il faut réserver ces exceptions aux cas où les investigations sont très complexes, particulièrement périlleuses, et mettent en cause la sûreté de l’État et la sécurité de nos concitoyens.

Pour les affaires économiques et financières, les enquêtes préliminaires dureront deux ans, trois ans si l’affaire est complexe. Dans 90 % des cas, ces dossiers font l’objet d’une instruction pour continuer les investigations dans un cadre contradictoire.

La ligne de partage me semble cohérente et équilibrée. Elle permet de préserver l’intérêt public comme ceux de nos concitoyens. Aussi, je vous demanderai de retirer vos amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. On est en train de vider le texte de sa substance. Si les exceptions deviennent la règle, il n’est plus besoin d’établir une règle. C’est précisément de cela dont nous voulons sortir.

Les policiers et les parquets font du bon travail. C’est la raison pour laquelle très peu d’affaires sont traitées au-delà du délai d’un an, encore moins au-delà de deux ans. Le délai de deux ans plus un an qu’a évoqué le rapporteur est long, surtout si vous ne savez pas à quelle sauce vous serez mangé et d’autant que ces affaires donnent souvent lieu à des fuites dans la presse. Vous évoquez votre expérience de magistrat, je peux parler de mon expérience d’avocat : cela feuilletonne, très régulièrement, mais jamais favorablement à celui qui est suspecté, d’où l’idée d’ouvrir au contradictoire.

Je suis totalement opposé à une telle extension des délais. Pour la criminalité organisée, oui, bien sûr ; pour les affaires de terrorisme, oui, pour des tas de raisons. Mais pour les affaires financières, non, d’autant qu’il ne s’agit pas de ne pas les traiter : il y a des juges compétents pour prendre le relais. Le rapporteur vient de rappeler à quel point c’était la règle commune. Dans les affaires complexes, on a une enquête préliminaire, puis le dossier est confié à un magistrat instructeur qui, de vous à moi, a plus de pouvoir qu’un procureur – et c’est très bien comme cela. L’orientation naturelle est ensuite l’instruction. Si l’exception devient la règle, il n’est pas nécessaire de dire que l’on fait une loi pour réduire les délais d’enquête.

M. Ugo Bernalicis. Il y a une chose que je ne comprends pas. Depuis plusieurs années, on renforce les pouvoirs du procureur de la République, ses moyens, ses techniques spéciales d’enquête. C’était encore le cas dans la loi de programmation 2018-2022. En mettant en place le parquet national financier, on cherchait à réaliser 100 % de l’enquête en enquête préliminaire, avec une citation directe devant le tribunal à la fin, pour gagner du temps, même si les nullités soulevées à l’audience ralentissent l’affaire. La doctrine visait notamment à mettre en place l’outil voulu par le Gouvernement, auquel je suis opposé, la convention judiciaire d’intérêt public, pour respecter ces délais.

Là, vous nous présentez le contraire. Je ne comprends pas la logique. Finalement, ne voulez-vous pas de convention judiciaire d’intérêt public dans le dossier d’Airbus, dont l’enquête a duré plus de trois ans, pour parvenir à une saisie qui a rapporté 2 milliards dans les caisses du contribuable français ? Soit l’affaire n’est pas complexe et doit être traitée comme une affaire classique, soit elle entre dans la case des enquêtes de trois plus deux ans. Je cherche à trouver la cohérence ! Bien que n’ayant pas déposé ces amendements, je suis prêt à les défendre car ils semblent pragmatiques. Mais comme je ne suis pas très partisan de l’enquête préliminaire, à laquelle je préfère l’information, je pourrais rejoindre votre position. Cependant, devant le nombre de dossiers qui s’accumulent derrière, à la chambre de l’instruction, je ne sais pas quelle est la meilleure idée, en l’état actuel des moyens de la justice. Du point de vue de la durée de l’enquête, vouloir les basculer à l’information judiciaire, avec cette règle, est peut-être une bêtise.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. La convention judiciaire d’intérêt public est possible à l’instruction.

M. Ugo Bernalicis. Oui, mais pas dans les mêmes délais !

M. Pascal Brindeau. On ne peut pas dire que l’on vide le texte de sa substance. On y ajoute une catégorie, en l’occurrence les crimes et délits économiques et financiers, en raison de leurs ramifications et leur complexité. Je ne peux pas entendre l’argument du feuilleton dans les journaux : cela est vrai autant en matière criminelle que financière. Nous avons tous en tête des affaires à retentissement, y compris récentes. Cela feuilletonne dans les deux cas. Ce n’est pas la matière qui est en cause.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Celui qui est mis en examen dans une affaire criminelle a accès à son dossier. Dans une affaire financière, il apprend des nouvelles de son dossier dans la presse car on a donné des procès-verbaux à des journalistes, qui feuilletonnent avec. Sur le plan des droits de l’homme, cette situation est intenable. C’est la philosophie de ce texte. Si vous voulez parler d’enquêtes officieuses, comme cela se pratiquait avant 1959, nous pouvons le faire.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL137 de Mme Emmanuelle Ménard puis elle rejette successivement les amendements en discussion commune CL42 de M. Éric Pauget et CL79 de Mme Marine Brenier.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL558 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement CL219 de M. Didier Paris tombe.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL331 de M. Benjamin Dirx.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL559 du rapporteur.

Amendement CL593 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je propose de poser, en cas de regroupement de plusieurs enquêtes dans le cadre d’une même procédure, une règle de computation des délais. Prenons alors pour base la date de commencement de l’enquête la plus ancienne !

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL185 de Mme Cécile Untermaier, CL261 de M. Stéphane Peu, CL347 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL429 de M. Aurélien Taché et CL504 de M. Paul Molac.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement CL185, issu d’une proposition du Conseil national des barreaux, vise à mettre à disposition du suspect et de son avocat le dossier expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue. Il renforce donc les droits de la défense et le contradictoire, tout en respectant la capacité des enquêteurs à mener leurs investigations.

M. Paul Molac. Ne pas connaître les faits reprochés est très déstabilisant.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je me suis exprimé à ce sujet lors de la discussion sur l’amendement présenté par notre collègue Alexandra Louis. Je suis défavorable à ces amendements, même si j’en rejoins l’esprit. Le moment n’est pas venu d’ouvrir ce chantier mais, dans les mois ou années qui viennent, il devra occuper les législateurs. Aujourd’hui, nous réalisons une avancée importante sur le principe du contradictoire dans le cadre des enquêtes préliminaires. Il faut s’en féliciter. Nous verrons par la suite comment les choses évoluent.

Quant à la remarque de M. Paul Molac, quand on est gardé à vue, on sait en général pourquoi. En revanche, l’avocat ne connaît pas le détail des éléments, qui viennent dans la procédure. C’est effectivement un point qu’il faudra faire évoluer plus tard.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est un chantier important, qui mérite un travail exclusif. D’abord, il est faux de dire qu’en garde à vue, une personne ne sait pas ce qui lui est reproché puisqu’elle est notifiée de ses droits et des faits susceptibles de lui être reprochés.

Ensuite, le dispositif a de nombreuses implications auxquelles on ne songe pas toujours. Par exemple, si on permet au gardé à vue et à son avocat d’accéder à toutes les pièces, des risques énormes de pression s’exerceront sur eux. C’est une réalité. Dans certaines villes où sévit le grand banditisme, un jeune avocat inexpérimenté pourrait se faire serrer dès sa sortie du commissariat. Naturellement, cela peut avoir des conséquences funestes non seulement pour lui, s’il ne sait pas résister, mais également pour l’efficacité de l’enquête. Il y a donc des conséquences inhérentes à la porosité des informations, qui sont livrées.

J’ai toujours pensé qu’il fallait ouvrir au maximum le contradictoire, sans lequel on ne peut rien envisager en termes de droits de la défense. Il faut aussi que la police ait un temps d’avance. Je n’ai pas changé là-dessus.

Je comprends parfaitement le sens de ces amendements. Mais je partage l’avis du rapporteur selon lequel ce travail n’est pas d’actualité, bien que le Conseil national des barreaux soutienne les amendements et que des réflexions soient en cours. De nombreux avocats souhaitent avoir à disposition l’intégralité du dossier pendant la garde à vue. Mais les choses ne sont pas aussi simples.

M. Antoine Savignat. Je partage ce point de vue. La confiance en la justice est la confiance en tous ses acteurs. Qu’il s’agisse de l’instruction ou de la décision de jugement, il y a le temps de l’enquête et celui de la procédure. Le lieu d’intervention de l’avocat est le palais de justice, non la garde à vue qui est le temps de l’enquête. Il faut un temps pour tout.

L’avocat n’est pas là pour interférer dans l’enquête menée par les fonctionnaires de police, mais pour emporter une décision devant le tribunal. En garde à vue, son interlocuteur qu’est le fonctionnaire de police, n’a aucun pouvoir de décision. Il ne sert à rien de chercher à emporter quelque décision que ce soit. Il faut lui laisser faire son travail. Ensuite, l’avocat pourra intervenir, au stade qui est le sien, dans le cadre de la défense de son client.

Mme Cécile Untermaier. Il ne s’agit pas d’ouvrir le dossier dans sa totalité, puisqu’il est expurgé de certains éléments. On laisse la possibilité aux enquêteurs de conserver les pièces importantes, ce qui leur permet d’avancer dans l’enquête.

L’étude d’impact du projet de loi rappelle que, dans la plupart des pays européens, le droit d’accès au dossier, le plus souvent lors de la garde à vue, et le droit de demander des actes d’enquête ou de participer à de tels actes et d’être informé de ses droits, figurent parmi les droits les plus fréquemment conférés à la personne en cours d’enquête.

Comme le disait le rapporteur, nous allons avancer progressivement. Le moment n’est sans doute pas opportun, mais il faudra que nous allions vers davantage de transparence, tout en préservant le « temps d’avance » des services de police et de gendarmerie, qu’a évoqué M. le garde des Sceaux.

M. Paul Molac. Les amendements précisent bien le cadre dont il est question, à savoir une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue. J’entends vos réactions : lorsque la police enquête encore, on peut avoir besoin d’un temps pour rassembler des preuves, des éléments qui sont autre chose que des présomptions. Peut-être que le moment n’est pas encore venu, mais il faudra y penser.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL94 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à introduire à l’alinéa 9 la possibilité pour le procureur de la République de communiquer des pièces du dossier, non seulement, sous l’angle négatif, s’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, mais aussi selon les charges accumulées ou le critère intrusif de l’enquête préliminaire, par exemple, si des perquisitions ont eu lieu. À ce moment, le procureur peut décider de donner accès à tout ou, le plus souvent, partie du dossier. Les nombreux parquetiers avec lesquels j’ai échangé, dans différents domaines, m’ont indiqué que cela peut déjà se pratiquer. Nous ne changeons donc rien par rapport à ce qu’il est possible de faire. L’amendement incite à un dialogue, un échange avec les avocats, quelle que soit la partie. La précision semble donc intéressante, bien qu’elle ne change pas radicalement la pratique actuelle.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Aujourd’hui, le procureur peut ouvrir au contradictoire. Or, il le fait très peu. Je ne suis pas certain qu’il y soit davantage enclin avec votre précision.

Vous proposez un dispositif complexe : à son initiative, le procureur ouvre au contradictoire et augmente le niveau d’exigence du contradictoire qui s’impose à lui et qu’il offre, en fonction d’un niveau de charges élevé et du caractère intrusif des investigations qu’il doit mener. Tout cela est très subjectif. Il n’y a pas de cadre référentiel pour savoir à quel niveau de contradictoire correspond tel niveau d’intrusion. La précision, intéressante sur le plan philosophique ou théorique, ne semble pas opérationnelle. L’enquête n’est pas organisée par nos parquetiers dans le souci d’ouvrir plus largement, plus spontanément et plus normalement au contradictoire. C’est la raison pour laquelle nous voulons resserrer le temps de l’enquête préliminaire et obliger à ouvrir au principe du contradictoire, à travers les dispositions que nous examinerons ultérieurement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Là encore, votre amendement est d’inspiration syndicale – pourquoi pas. Vous évoquez « l’importance des charges accumulées », qui devrait permettre l’ouverture au contradictoire. « Charges » n’est pas le mot juste. Au moment de l’enquête, nous sommes sur des « raisons plausibles » ; lors de la mise en examen, sur des « indices graves et concordants ». Il est question de « charges » lorsque les « indices graves et concordants » permettent de renvoyer devant la juridiction. Quant aux « preuves », elles permettent de condamner. Il est donc curieux de parler de « charges » au moment de l’enquête préliminaire.

Pour le reste, pour les raisons évoquées par le rapporteur, je suis totalement opposé à l’amendement.

M. Ugo Bernalicis. Certes, l’amendement est d’inspiration syndicale, mais ce ne sont pas les dispositions exactes que le syndicat proposait. Par ailleurs, je ne crée pas un dispositif de toutes pièces. Je me suis contenté de modifier votre alinéa 9, qui introduit une possibilité pour le procureur, non une obligation.

L’amendement souligne que le procureur doit non seulement se demander si la communication du dossier nuira à l’efficacité des investigations mais aussi si des « charges » ou « raisons plausibles », si vous voulez – nous pourrons modifier le terme d’ici à la séance –, ou un caractère intrusif des investigations le justifient. Pour le reste, votre projet de loi est respecté.

Si vous critiquez le reste du dispositif dans lequel s’insère l’amendement, vous vous critiquez vous-même. Cela vous regarde. On a le droit de se critiquer soi-même, d’avoir un regard critique, de prendre de la distance, mais je ne suis pas sûr que ce soit votre objet.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Se critiquer est le propre des gens lucides.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL348 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL430 de M. Aurélien Taché et CL506 de M. Paul Molac, et CL188 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Nonobstant ce qui vient d’être dit, je défends l’amendement CL348, qui vise à renforcer les droits de la défense et le contradictoire dans l’enquête préliminaire, en donnant la possibilité de présenter des observations, des demandes d’actes et des requêtes en nullité. Il s’agit pour l’essentiel d’éviter de conduire jusqu’en phase de jugement des infractions prescrites ou non caractérisées, des procédures manifestement mal dirigées ou dans lesquelles des actes à décharge ou des vérifications indispensables n’ont pas été accomplis.

M. Paul Molac. L’amendement CL506 prévoit la possibilité d’avoir accès à certains actes et celle de pouvoir les contester.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Aujourd’hui, un avocat peut solliciter un acte du procureur, dans le cadre d’une enquête préliminaire, pour le compte d’un client. Naturellement, l’exercice est limité puisque l’avocat n’a pas accès à l’enquête préliminaire. En cas de refus, vous offrez la possibilité de faire appel devant la chambre de l’instruction. Je crains que cela ne crée une embolie de la chambre. Il faudra gérer des demandes d’actes fantaisistes, formulées dans une volonté d’obstruction. Si vos demandes d’actes, que vous jugez pertinentes pour la manifestation de la vérité, sont refusées, vous n’hésiterez pas à porter la difficulté devant la formation de jugement ou le magistrat instructeur lorsque des suites seront données à l’enquête préliminaire.

Je vous demande donc de retirer ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Les amendements envisagent aussi de formuler des requêtes en nullité ou de présenter des demandes d’actes avec un recours devant le juge des libertés et de la détention. Or, il n’est pas le juge qui examine la nullité ou de tels recours. Le rapporteur a expliqué le rôle singulier que nous souhaitions voir confié à la chambre de l’instruction, qui n’est pas non plus le juge d’appel de l’enquête.

Ces amendements nous conduiraient à remanier complètement les règles de la procédure pénale et à réécrire le code. Vous êtes allés très loin. Certes, la chance sourit aux audacieux. Pour autant, mon avis sera défavorable.

Les amendements CL348, CL506 et CL188 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CL430.

Amendement CL322 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Il vise à ajouter dans le texte que le contradictoire de l’enquête préliminaire ne devra donner accès qu’aux actes d’enquête qui sont terminés. Accorder l’accès aux actes d’enquête en cours ferait perdre tout intérêt au principe même de l’enquête de police et du rôle de la justice de façon générale, qui vise à poursuivre la manifestation de la vérité. Les écoutes téléphoniques, par exemple, qui pourraient être divulguées à la personne concernée, mineraient l’efficacité de l’enquête.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. La communication ne concernera que les pièces figurant dans le dossier. Des actes d’enquête qui seraient en cours de réalisation et qui n’auraient pas regagné le dossier du procureur ne pourront pas être communiqués. De même, si une commission rogatoire est en cours, il faut attendre son issue pour que les pièces regagnent le dossier du juge d’instruction.

L’amendement est satisfait. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Les actes en cours ne font pas partie du dossier : la question ne se pose donc pas. L’amendement paraît superfétatoire. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de le retirer.

M. Dimitri Houbron. J’en suis surpris car un professionnel, M. François Molins, avait signalé ce point. Je vous fais cependant confiance si vous dites qu’il est impossible de communiquer des pièces sur l’enquête en cours. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CL95 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à supprimer le mot « notamment » au début de l’alinéa 10, pour dire clairement sur quoi portent les observations. La formulation sera alors plus restrictive.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le mot « notamment » est utile : il permet d’avoir toute latitude pour faire des observations. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis très défavorable. Le mot « notamment » protège le justiciable : il lui est favorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL578 et CL579 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements identiques CL272 de M. Stéphane Peu, CL349 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL507 de M. Paul Molac ainsi que les amendements CL186 et CL187 de Mme Cécile Untermaier, qui faisaient tous l’objet d’une discussion commune.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL580 du rapporteur.

Amendements identiques CL96 de M. Ugo Bernalicis, CL157 de Mme Marie-France Lorho, CL220 de M. Didier Paris, CL269 de M. Stéphane Peu, CL306 de M. Pascal Brindeau, CL320 de M. Dimitri Houbron, CL404 de Mme Laurence Vichnievsky, CL421 de M. Sacha Houlié et CL457 de Mme Sylvia Pinel, et CL478 de Mme Laetitia Avia, CL426 de M. Sacha Houlié et CL321 de M. Dimitri Houbron (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis. L’amendement CL96 vise à supprimer l’alinéa 14, qui prévoit que la personne ayant été publiquement présentée dans des médias comme coupable de faits faisant l’objet de l’enquête dans des conditions portant atteinte à sa présomption d’innocence, peut accéder à son dossier. La disposition peut paraître séduisante mais j’ai vu tous les cas de figure dans la presse, toutes les machinations imaginables en la matière – des articles de presse pour faire ouvrir des enquêtes, alors que le dossier n’avait pas de fondement, des ouvertures d’enquête sur un dossier réel, qui méritait d’être poursuivi, notamment.

Une personne qui a une importance certaine pourra organiser de vraies fausses fuites sur son cas par un organe de presse. Elle montrera alors qu’elle a été mise en cause et pourra avoir accès au dossier, quand toutes les autres personnes se trouveront face à un procureur qui aura seulement la possibilité de donner accès au dossier, conformément aux alinéas précédents de l’article 2.

Cela introduit une inégalité entre les justiciables, en fonction d’éléments externes sur lesquels le justiciable pourrait avoir la main. Introduire du contradictoire, donner accès au dossier, faire en sorte que le procureur communique, pour établir une partie de la vérité quand des mensonges sont commis par voie de presse, rappeler la loi relative à la présomption d’innocence, tout cela est très bien. Mais inscrire dans le marbre qu’une personne présentée publiquement comme coupable peut avoir accès aux éléments de l’enquête me semble cavalier, alors que je suis un ardent défenseur de l’accès au dossier.

M. Dimitri Houbron. L’alinéa 14 présente plusieurs difficultés. La première est le risque d’un traitement inégal des citoyens, entre ceux qui sont médiatisés et les autres. La seconde est le risque d’instrumentalisation : un justiciable pourrait faire fuiter des informations pour bénéficier de l’accès au dossier. Même si l’alinéa 14 prévoit que les dispositions ne sont pas applicables lorsque les révélations émanent de la personne elle-même, l’article 2 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit la protection du secret des sources journalistiques. Depuis 2007, une jurisprudence constante, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, avec l’arrêt Dupuis et autres contre France, considère le secret des sources des journalistes comme supérieur au secret de l’instruction. Bien que la disposition parte d’une bonne intention, nous craignons que son application présente des difficultés et entraîne une charge administrative considérable pour les services des greffes et des parquets.

Mme Laurence Vichnievsky. La disposition est très critiquée par les professionnels de la justice, du moins par ceux que la commission a entendus dans le cadre des auditions préalables à l’examen du texte.

Elle est d’abord critiquée pour son imprécision. Indépendamment de la personne présentée comme coupable, la référence aux « médias » est très vague. On ne sait pas si elle inclut les réseaux sociaux, si une dénonciation sur Twitter suffit ou si elle doit avoir lieu dans au moins deux médias, puisque le mot est au pluriel. En matière de procédure, la détermination précise des événements conditionnant l’ouverture d’une voie de droit est essentielle pour la sécurité juridique.

La seconde raison, que mes collègues ont évoquée, est que la disposition pourrait être utilisée par les auteurs d’infractions comme un biais pour mettre un terme prématuré à certaines enquêtes pouvant les gêner. Il est parfois nécessaire que des éléments de preuve soient rassemblés à l’insu de la personne soupçonnée. C’est une des prérogatives dont dispose le parquet et, sous son autorité, les services de police judiciaire. Il faut veiller à ne pas créer un régime de procédure différenciée, selon la notoriété des personnes suspectées, les plus connues bénéficiant de fait de l’impossibilité pour le parquet de diligenter à leur encontre une enquête préliminaire. Je reviendrai dans l’hémicycle sur les similitudes existant avec les affaires de délinquance financière.

Il est essentiel de maintenir l’équilibre entre la protection des droits de la défense et la lutte contre l’impunité. C’est un facteur de sécurité juridique auquel le groupe MoDem est très attaché.

M. Paul Molac. Ces amendements identiques étant défendus par de nombreux groupes, y compris de la majorité, j’attends avec impatience l’avis de notre rapporteur.

Mme Laetitia Avia. Il arrive en effet que le secret de l’enquête ne soit plus que théorique. On peut le regretter, mais c’est un fait. Des personnes sont exposées au tribunal médiatique ou à celui des réseaux sociaux sans même avoir la possibilité de consulter le dossier pour se défendre, alors que des personnes extérieures à la procédure ont accès à ces éléments et s’en servent pour alimenter ledit tribunal.

J’entends néanmoins ce que disent les collègues et les personnes que nous avons auditionnées. D’une part, il existe le risque que la fuite soit organisée par la personne elle-même ou par son avocat pour pouvoir consulter le dossier. D’autre part, on peut se demander ce que signifie « être présenté comme coupable » : souvent, on va utiliser le conditionnel ou d’autres formulations qui pourraient ne pas faire entrer ce type de propos dans cette catégorie.

D’où la rédaction que nous proposons : les dispositions prévues à l’article seront applicables lorsqu’il aura été gravement porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public, étant précisé qu’elles ne le seront pas si les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant de certains articles du code de procédure pénale. Ces garanties supplémentaires permettraient de mieux encadrer le dispositif et de répondre aux interrogations légitimes qui ont été soulevées dans le cadre des auditions.

M. Dimitri Houbron. Dans le même esprit, je propose que les dispositions prévues par l’article ne s’appliquent pas en cas de fuite organisée non seulement par la personne intéressée, mais aussi par son conseil.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CL478 présenté par Laetitia Avia et le groupe La République en Marche, et défavorable à tous les autres amendements en discussion commune, en particulier à ceux tendant à supprimer l’alinéa.

Ce qui est visé ici, c’est la situation suivante : une personne fait l’objet d’une campagne médiatique, dans le cadre de laquelle on la présente comme ayant commis des faits particulièrement infamants. Il ne s’agit pas d’un cas d’école : c’est une réalité vécue par certains de nos concitoyens. Imaginez la déflagration que provoque chez cette personne, si elle est innocente, le fait de voir son nom sali et jeté en pâture ! Or elle n’a pas accès à son dossier et n’a donc pas connaissance des éléments concrets sur la base desquels elle est présentée à l’opinion publique comme ayant commis des faits relevant du pénal.

Des situations de ce type ne sont pas acceptables. Elles doivent cesser. Permettre dans ce cadre à la personne concernée d’accéder à son dossier me semble une très bonne idée.

Il est toutefois vrai que la rédaction actuelle de l’alinéa 14 n’est pas très heureuse, puisque sont visées les personnes « publiquement présentées dans des médias comme coupables ». C’est évidemment bien plus subtil que cela : en général, on ne jette pas en pâture une personne dans la presse sans prendre un minimum de précautions oratoires ; on emploie notamment la fameuse expression selon laquelle la personne est « présumée innocente », mais personne n’est dupe quant à la volonté de porter atteinte à l’honneur de celle-ci.

Le groupe LaREM propose une formulation qui me paraît beaucoup plus rationnelle, parce qu’elle fait référence à une atteinte grave à la présomption d’innocence, ce que la jurisprudence est tout à fait à même d’apprécier. C’est une bonne boussole. D’autre part, elle permettrait de prendre en considération non seulement les campagnes menées dans la presse dite traditionnelle, mais aussi celles alimentées sur les réseaux sociaux : on le sait, il est très facile de se répandre sur un individu dans ces nouveaux médias.

Puisqu’il est question dans ce projet de loi de confiance dans la justice, imaginez la perte de confiance dans l’institution que peut ressentir un individu jeté en pâture dans la presse ! En permettant de regagner cette confiance grâce à un accès au dossier et à la possibilité de présenter des éléments à décharge, il me semble que nous sommes au cœur des préoccupations de ce texte.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Pour ne rien vous cacher, je suis inquiet quand j’entends Mme Vichnievsky dire que les professionnels sont contre. Contre quoi sont-ils ? Contre le renforcement de la présomption d’innocence ? Contre le contradictoire ?

Je vais vous raconter une histoire. Lorsque j’étais avocat, je me suis retrouvé sur un plateau de télévision. C’était une affaire dont on parlait beaucoup. Deux journalistes d’un grand quotidien du soir ont déclaré, sans aucune difficulté, comme si c’était normal – on banalise parfois des choses graves – qu’ils avaient en leur possession l’intégralité du dossier de M. X. On en était au stade de l’enquête préliminaire. M. X n’avait évidemment pas accès à son dossier – ni lui ni son avocat. Et tout cela allait feuilletonner, avec une certaine forme de délectation, de gourmandise.

Je le répète : ce genre de situation est gravement attentatoire aux droits de l’homme. Nos concitoyens qui prendront connaissance de notre travail et de cet article ne pourront pas être contre ces dispositions. Comment fait-on quand on se réveille le matin et qu’on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé, qu’on ignore quels sont les reproches et les griefs qui nous sont adressés, sur la base de quels éléments on est suspecté ? Qu’on voit régulièrement son nom cité dans la presse, qu’on est maltraité et qu’on ne peut même pas se défendre ? Je ne peux pas citer de noms, certaines de ces affaires étant en cours, mais nous avons tous à l’esprit des dossiers de cette nature.

Et il paraît que des professionnels sont contre ce que nous proposons ? Eh bien, moi, je trouve cela très inquiétant, parce que c’est l’une des mesures les plus enthousiasmantes de ce texte ; elle n’accorde nullement l’impunité à certains, mais consiste à dire à nos concitoyens qu’ils ont le droit de savoir ce qu’on leur reproche, donc comment se défendre – ce qui est quand même la moindre des choses.

J’entends dire que les gens connus et les inconnus ne bénéficieront pas du même traitement – mais enfin, à qui s’intéresse la presse, sinon en priorité aux gens connus ? Il existe de ce point de vue une différence et il est vrai qu’il y a de ce fait une inégalité de traitement. Quelqu’un de connu – un politique, un sportif, un chanteur, un acteur – se trouve dans l’impossibilité de se défendre ; nous y remédions, et les professionnels sont contre cela ? Eh bien, moi, je trouve cela très inquiétant.

Je suis attaché à cette disposition comme à la prunelle de mes yeux. C’est une véritable innovation, et c’est un progrès en matière de droits de l’homme.

Évidemment, nous avons songé à l’hypothèse d’une personne qui aurait suffisamment d’entregent pour faire fuiter des choses dans la presse et obtenir le bénéfice du contradictoire – encore que, dans le cas d’une affaire de mœurs, par exemple, ce soit difficilement envisageable. C’est précisément pourquoi nous prévoyons que la disposition ne sera pas applicable si les révélations émanent de la partie mise en cause. Alors, bien sûr, vous allez me demander, monsieur Bernalicis, comment on fera pour en apporter la preuve. Certes, mais quel système préfère-t-on ? L’actuel ou celui vers lequel nous nous dirigeons et qui permettra à tous nos concitoyens d’avoir la certitude que l’enquête préliminaire ne durera plus ad vitam æternam – on devrait d’ailleurs la qualifier non pas de « préliminaire », mais d’« éternelle ». Certaines procédures durent depuis quatre ou cinq ans ; de temps en temps, on reçoit un petit papier, qui nous rappelle qu’untel ou une telle aurait fait telle ou telle chose. C’est insupportable !

Cet écueil existe, mais disons les choses clairement : lorsque la police, par exemple, viole le secret de l’enquête, elle sait très bien qu’elle est à l’origine de la violation ; et lorsqu’elle ne le viole pas, ce qui est fort heureusement très souvent le cas, elle le sait également. Je sais d’expérience que quand on dépose une plainte pour violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, statistiquement, elle a très peu de chances d’aboutir. Ne comptez pas sur les journalistes pour dire d’où ils tirent leurs informations – c’est d’ailleurs normal : le secret des sources est protégé. Mais tous ceux qui connaissent un peu le monde judiciaire savent très bien qu’il existe entre eux et certaines personnes des petits arrangements qui perdurent dans le temps. On ne peut pas le dire, mais cela existe !

Alors, moi, je voudrais mettre un peu d’ordre dans tout ça. Et si les révélations émanent de la personne concernée, que le gredin a bien fait son coup et qu’on n’arrive pas à démontrer qu’il est à l’origine de la fuite, que risquera-t-on, au pire, monsieur Bernalicis ? Que le contradictoire soit ouvert ? À tout prendre, n’est-ce pas mieux que pas de contradictoire du tout ? Ne vouliez-vous pas, il y a un instant, l’étendre au stade de la garde à vue ? On ne peut pas dire tout et son contraire. Et entre deux maux, il faut savoir choisir.

Je pense pour ma part qu’aucun professionnel ne devrait avoir peur du contradictoire, ni du respect de la présomption d’innocence. D’ailleurs, nous sommes cohérents, puisque nous essayons de renforcer cette dernière ; il y a eu trop de dérives, il faut que cela s’arrête. Nous souhaitons d’autre part rappeler qu’une enquête préliminaire ne dure pas quatre ou cinq ans, ou le temps qu’on veut, à la carte, mais qu’elle est enserrée dans des délais ; c’est là un réel progrès. Et nous voulons enfin mettre fin à ces situations invraisemblables où l’on met publiquement en cause quelqu’un qui ne sait rien du dossier qui le concerne alors que certains journalistes disposent des procès-verbaux de ses auditions. On est chez les fous !

C’est pourquoi je suis arc-bouté sur cette disposition, qui me semble une véritable avancée et que je défendrai bec et ongles, et suis en conséquence défavorable à tous les amendements, hormis celui de Mme Avia, qui rédige de manière plus claire, plus cohérente et plus équilibrée l’alinéa 14 – je reconnais que nous aurions dû être plus précis dans la formulation.

Mme Laurence Vichnievsky. Ce que je trouve pour ma part inquiétant, monsieur le ministre, c’est que vous puissiez autant travestir mes propos – je n’ose imaginer que vous fassiez preuve de malhonnêteté intellectuelle. Je crois que l’ensemble de mes collègues ont compris que j’étais opposée à cette disposition telle qu’elle était rédigée, position d’ailleurs exprimée aussi par mes ex-collègues et par vos anciens confrères lors des auditions. Nous pouvons reprendre l’ensemble des comptes rendus : je crois qu’ils ne me démentiront pas. J’en veux pour preuve que neuf amendements de suppression de l’alinéa ont été déposés par des députés issus de groupes politiques différents : cela signifie bien que cette disposition, telle qu’elle est rédigée, suscite une opposition.

Laisser entendre, en creux, que je serais ou que d’autres professionnels de la justice seraient opposés au respect de la présomption d’innocence et à l’ouverture au contradictoire, c’est malhonnête et bien inquiétant. Je dois dire que je suis affectée par la teneur de vos propos.

Cela étant, si j’ai demandé la parole, c’est pour saluer la proposition de nouvelle rédaction de l’alinéa. Je crois néanmoins que si cette proposition a été formulée, c’est parce qu’un certain nombre d’amendements de suppression, aux exposés très argumentés, ont été déposés – vous aviez d’ailleurs eu la faiblesse de me l’indiquer lorsque vous aviez été invité par notre groupe politique.

La rédaction proposée par Mme Avia est bien plus pertinente et répond aux difficultés que nous avions soulignées, à savoir la définition floue des médias et l’expression « présentée comme coupable ». La seule observation que je ferai, mais elle est minime, c’est qu’en raison du secret des sources des journalistes, il sera bien difficile de rapporter la preuve que l’auteur de la fuite est la personne mise en cause ou son avocat.

Mme Naïma Moutchou. Je suis très favorable à la proposition de réécriture de notre collègue Laetitia Avia et tout à fait opposée aux amendements de suppression de l’alinéa. On ne compte plus le nombre de dossiers dans lesquels des personnes simplement mises en cause et qui bénéficient de la présomption d’innocence – qui est, rappelons-le, un principe à valeur constitutionnelle – sont présentés comme coupables, sans qu’elles aient la possibilité de se défendre puisqu’elles n’ont pas accès au dossier. Que peuvent-elles faire ? Déposer une plainte pour violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ? Cela ne fonctionne pas. Déposer une plainte pour diffamation ? Cela non plus ne fonctionne pas, la justice sursoyant à statuer dans l’attente que l’enquête aboutisse. Qui peut accepter cela ? La moindre des choses, c’est de donner à la personne concernée la possibilité d’accéder à son dossier.

Quant au risque que les personnes mises en cause fassent elles-mêmes fuiter des informations, je n’y crois pas beaucoup. Quand on fait la balance entre coûts et avantages, je peux vous dire qu’on y réfléchit à deux fois avant de laisser des informations entre les mains de certains journalistes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Sans doute nous sommes-nous mal compris, madame Vichnievsky. Je n’ai pas dit que vous étiez contre la présomption d’innocence ou la mise en place du contradictoire, j’ai dit que vous aviez évoqué le fait que des professionnels soient contre. Ce qui m’inquiète, c’est que certains professionnels puissent être contre une telle disposition ; en particulier, les syndicats de magistrats y sont opposés, alors que c’est une disposition qui constitue, de mon point de vue, une véritable avancée. Jamais je n’ai évoqué votre position personnelle – vous pourrez le vérifier puisque les débats sont filmés, comme le seront bientôt, je l’espère, les audiences devant certaines juridictions. D’ailleurs, j’avais lu préalablement l’exposé sommaire de votre amendement. Je n’ai jamais eu l’intention de vous blesser d’une quelconque façon. Si je l’ai fait involontairement, je vous présente des excuses.

Mme Cécile Untermaier. Si je comprends pour ma part le dépôt des amendements de suppression de l’alinéa, la rédaction du texte pouvant laisser soupçonner un vide, je considère, comme vous, monsieur le ministre, que le vrai scandale, ce sont les fuites dans la presse. On est incapable de garantir le secret de l’enquête, et cela fait des années que cela dure. Dès lors, il faut en tirer les conclusions et prendre des dispositions pour rendre leur dignité aux personnes présumées innocentes. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement de notre collègue Avia, qui, sans changer le sens initial du texte, apporte des précisions bienvenues. Entre la préservation du secret de l’enquête et une ouverture peut-être abusive du contradictoire, il n’y a pas pour moi photo : je choisis clairement le risque de l’instrumentalisation, afin d’éviter les effets délétères sur les personnes incriminées.

M. Antoine Savignat. J’abonderai dans le sens de notre collègue Untermaier, en cohérence avec ce que je disais sur la garde à vue et le fait que l’avocat n’avait pas besoin d’avoir accès au dossier. Chacun son rôle, chacun sa mission, dans le respect du secret de l’enquête, qui doit être absolu. Mais à partir du moment où l’une des parties à la procédure décide de faire fuiter ou de communiquer des éléments du dossier, comme les procureurs de la République ont la possibilité de le faire, il convient de respecter le principe de l’égalité des armes : tout le monde doit disposer des mêmes informations pour pouvoir s’expliquer. C’est pourquoi la condition que la personne ait été publiquement présentée dans les médias comme coupable ne suffit pas, car les médias ont généralement la prudence de désigner les gens comme des « présumés coupables », ce qui peut prêter à confusion.

Ce qui me gêne d’ailleurs dans l’amendement de Mme Avia, c’est qu’il fixe comme condition qu’il ait été « gravement » porté atteinte à la présomption d’innocence. La notion est subjective. Pour moi, être mis en cause dans les médias au motif que je fais l’objet d’une poursuite, c’est grave. Peut-être faudrait-il revoir la formulation.

Mme Laurence Vichnievsky. Je pense que notre collègue Savignat a raison : dès lors qu’il y a atteinte à la présomption d’innocence, elle n’a pas besoin d’être qualifiée.

Cécile Untermaier a fait observer avec justesse que la sanction de l’ouverture au contradictoire en cas de fuites dans la presse permettra peut-être, paradoxalement, de faire respecter le secret de l’enquête – ce que l’on cherche à faire en vain depuis des années.

M. Pascal Brindeau. Je crois que nous sommes tous d’accord sur l’objectif. Toutefois, l’amendement de Mme Avia pourrait prêter à interprétation. L’avancée, ce serait l’automaticité du mécanisme. Ce qui protégera la défense, ce qui, par sa vertu pédagogique, permettra d’éviter les fuites, c’est le fait que le contradictoire devienne automatique dès que la presse fait mention de faits attachés à une personne nommément citée. Nul besoin d’interprétation. Il faudrait à mon sens opter pour une rédaction plus simple.

Mme Laetitia Avia. Si j’ai ajouté « gravement », c’était pour prendre en considération le risque de fuites organisées : s’il s’agit d’une atteinte grave, cela pèse dans la balance. Dès lors que des garanties sont apportées, en précisant que les dispositions ne s’appliqueront pas si les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, je reconnais que c’est un peu redondant. Je ne m’opposerai donc pas à un sous-amendement visant à supprimer « gravement ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous considérons donc que M. Savignat présente un sous-amendement CL659 tendant à supprimer le mot « gravement ».

La commission rejette les amendements identiques.

Elle adopte le sous-amendement CL659 de M. Antoine Savignat.

Puis elle adopte l’amendement CL478 sous-amendé.

En conséquence, les amendements CL426 et CL321 tombent.

Amendements identiques CL350 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL431 de M. Aurélien Taché.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’article 2, en son alinéa 15, modifie l’article 77- 2 du code de procédure pénale et l’obligation faite au procureur de la République, lorsque l’enquête lui paraît terminée, d’aviser le suspect ou son avocat qui ont demandé l’accès au dossier un an après la garde à vue ou l’audition libre de la mise à disposition d’une copie de la procédure. Toutefois, la nouvelle rédaction de l’article supprime la possibilité de formuler des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois, pourtant initialement prévue par l’article 77-2. Cette suppression me semble aller à l’encontre du renforcement du contradictoire dans l’enquête préliminaire. C’est pourquoi le présent amendement tend à rétablir, après la mise à disposition d’une copie de la procédure par le procureur, la possibilité de formuler des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cette possibilité est déjà prévue à l’alinéa 10. La seule chose qu’ajoute l’amendement, c’est qu’elle s’exerce dans un délai d’un mois. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement CL350 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL431.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL581 du rapporteur.

En conséquence, les amendements CL158 de Mme Marie-France Lorho, CL189 de Mme Cécile Untermaier et CL97 de M. Ugo Bernalicis tombent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL159 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte successivement les amendements de précision CL582 et rédactionnel CL583 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL330 de M. Benjamin Dirx.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL584 du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques CL270 de M. Stéphane Peu, CL351 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL432 de M. Aurélien Taché tombent.

Amendement CL560 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cet amendement vise à combler un oubli dans le code de procédure pénale, en précisant que les observations de la personne mise en cause ou de la victime doivent être versées au dossier pour que la juridiction concernée puisse apprécier les suites à leur donner.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels identiques CL640 du rapporteur et CL160 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnel CL561 et de coordination CL562 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. préliminaire, 56‑1, 60‑1‑1 [nouveau], 77‑1‑1, 99‑3, 100 et 706‑96 du code de procédure pénale) : Préservation du secret professionnel de la défense dans la procédure pénale

Amendements identiques CL59 de M. Antoine Savignat, CL190 de Mme Cécile Untermaier, CL221 de M. Didier Paris, CL262 de Mme Marie-George Buffet, CL352 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL388 de Mme Constance Le Grip, CL394 de M. Ugo Bernalicis, CL433 de M. Aurélien Taché, CL458 de M. Paul Molac, CL 479 de Mme Naïma Moutchou, CL490 de M. Philippe Latombe, sous-amendement CL644 du rapporteur, amendements identiques CL312 de M. Pascal Brindeau et CL390 de M. Erwan Balanant, amendement CL1 de Mme Brigitte Kuster (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier. Mon amendement vise à ce que les dispositions relatives au secret professionnel incluses dans le projet de loi couvrent toutes les activités professionnelles de l’avocat, à savoir ses activités de conseil et de défense, au-delà du simple secret de la défense qui ne couvre que le champ pénal. Les personnes auditionnées dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi craignent que l’alinéa 3, telle qu’il est rédigé, fragilise le secret professionnel des avocats plutôt qu’il ne le renforce.

La déontologie m’impose de préciser cet amendement m’a été inspiré par le Conseil national des barreaux, mais je partage le point de vue ainsi exprimé.

M. Ugo Bernalicis. Ce que le justiciable déclare à son avocat relève du secret de la défense : cela lui appartient, et ne doit pas être divulgué. En toute logique, ce qu’il va raconter pour demander des conseils et savoir s’il doit ou non aller au contentieux devrait aussi être couvert par le secret. À défaut, si l’on pouvait être informé de ce qui est dit dans le cadre d’une consultation de conseil, on serait à armes inégales ; je sais bien que ce n’est pas dans ce sens que va le texte, mais il serait préférable de préciser ici que le secret couvre à la fois l’activité de défense et celle de conseil. Ainsi, le débat serait clos et l’on pourrait avancer.

Mme Naïma Moutchou. Il s’agit là d’un sujet important. On ne peut parler de confiance sans évoquer la question du secret.

Au préalable, je tiens à souligner que ce qui est proposé dans ce texte est une avancée majeure, qui est attendue depuis longtemps. Je remercie le ministre de s’être saisi de la question, parce que protéger le secret professionnel, ce n’est bien évidemment pas protéger l’avocat, c’est protéger le justiciable. L’existence d’une relation de confiance entre l’avocat et son client tout au long de la procédure est indispensable ; c’est une garantie démocratique essentielle.

Ce que nous proposons à travers cet amendement, c’est une simple précision afin de lever tout doute.

Le secret professionnel démarre dès que le client entre en contact avec son avocat. Cela couvre évidemment l’activité de défense stricto sensu, celle du contentieux, de la procédure, mais aussi l’activité de conseil. Nous proposons que cela soit inscrit noir sur blanc dans la loi, afin de prendre acte de cette évolution historique, et cela tous ensemble – puisque nous avons tous déposé des amendements identiques ou presque. À titre personnel, j’en suis très heureuse, parce que c’est un combat qui était mené depuis plusieurs années, jusqu’à présent sans succès, contre une jurisprudence prétorienne qui ne s’expliquait pas.

M. Antoine Savignat. J’abonderai dans le sens de notre collègue Moutchou : l’accompagnement par l’avocat n’est plus limité, en particulier depuis la fusion de la profession de conseil juridique et de celle d’avocat telle qu’on la pratiquait auparavant. Je pense que nous ne pouvons que nous enorgueillir de permettre à tout justiciable de bénéficier, en amont de la procédure ou dans le cadre de celle-ci, du secret des échanges, de la correspondance et de tout ce qui va avec la consultation d’un avocat. Il y va de la confiance de nos concitoyens envers les institutions, dont les auxiliaires de justice que sont les avocats font partie.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Ces amendements en discussion commune soulèvent un débat important : la protection de l’activité d’avocat. Pourquoi est-ce si épineux ? Parce que l’avocat exerce en réalité deux missions qui pourraient être appréhendées distinctement, comme le fait le projet de loi.

Il y a, d’une part, la défense des personnes poursuivies par l’autorité publique ; sur ce point, tout le monde est d’accord : les échanges doivent être revêtus de la plus parfaite confidentialité et bénéficier du régime de protection le plus élevé. Et il y a, d’autre part, l’activité de conseil, qui s’adresse à des personnes qui ne sont pas poursuivies pénalement. En apparence, l’avocat joue ici le rôle que pourrait jouer un notaire, un conseiller fiscal ou un juriste au sens large du terme. Or ces professions ne bénéficient pas de protection. On pourrait en déduire que l’activité en elle-même ne vaut pas d’être entourée de garanties.

On aurait tort, car ce faisant, on oublierait un élément essentiel : c’est que les clients peuvent passer d’une catégorie à l’autre et que c’est souvent pour cela qu’ils vont voir un avocat. Celui qui prend conseil parce qu’il s’attend à être prochainement poursuivi ou parce qu’il sait avoir commis une infraction pénale prépare en réalité déjà sa défense. Saisir les documents officiellement liés à l’activité de « conseil » au cours d’une perquisition, c’est piétiner les droits de la défense.

Je suis donc favorable à la première série d’amendements identiques. Je me contenterai de vous soumettre un sous-amendement de précision visant à modifier la formulation. Je propose que nous choisissions de protéger « le secret de la défense et du conseil, tel que prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ». Nous ferions ainsi référence à des notions connues et répondrions, je crois, à la volonté exprimée par presque tous les groupes politiques représentés au sein de cette commission.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous allons partir d’un triste constat : le secret professionnel, qui ne protège pas l’avocat, mais son client, est mort depuis longtemps ; tous ceux qui, comme moi, ont exercé la profession d’avocat le savent. Ils ont vu ce secret professionnel, pourtant essentiel, se déliter au point que certains estiment que le secret des sources ou le secret médical sont plus efficaces.

Or, il n’y a pas de défense sans secret : un homme ou une femme qui confie ses intérêts à un avocat doit avoir la certitude que ce qu’il lui dit ne sortira pas de l’enceinte où il l’a prononcé, quel que soit le lieu – palais de justice ou cabinet –, tout comme ce qui est transmis, écrit ou élaboré ensemble. Le cabinet d’un avocat ne doit pas devenir l’annexe du commissariat de police. Il doit être sacralisé.

J’ai voulu remplacer le terme « secret professionnel » par celui de « secret de la défense », pour rappeler à nos compatriotes qu’ils peuvent avoir confiance et que ce secret les protège. Pourquoi ce changement ? Car le secret médical ne protège pas le médecin, il protège le patient ; le secret des sources ne protège pas le journaliste, il protège la source. De la même façon, le secret de la défense doit protéger le client, qui peut tout dire à son avocat. Dit-il toujours la vérité ? C’est un autre problème ! Il ne s’agit pas de protéger l’avocat et, si l’avocat est suspecté d’avoir commis une infraction, il est normal qu’il soit traité comme n’importe quel justiciable.

Dès l’origine, nous avons imaginé des garanties qui n’existaient pas – ou plus – et qui sont très protectrices du secret de la défense. Beaucoup d’avocats nous ont interrogés sur leur application aux professionnels, autres que les avocats, qui conseillent, au sens juridique du terme – plus communément appelés conseils.

J’ai quelques réserves. Le sous-amendement présenté par le rapporteur vise des amendements qui ne protègent que les avocats et les autres professions du droit seront moins protégées. C’est un bémol, et ce n’est pas rien. Nous y avons beaucoup réfléchi avec les services.

Je suis également circonspect pour une autre raison : en cas de procédure pénale, une telle extension interdirait de procéder à la saisie de tout document dont l’avocat serait l’auteur, même en tant que conseil juridique, et ce même en dehors des cas où l’avocat lui-même pourrait être considéré comme auteur ou complice d’une infraction.

Je vais malgré tout émettre un avis de sagesse bienveillante car beaucoup de députés, de sensibilités différentes, sont très attachés à ces évolutions, tant concernant le secret de la défense que s’agissant des conseils.

Mme Laetitia Avia. Je salue le sous-amendement proposé par notre rapporteur, qui a le mérite de la clarté. Durant les auditions, nous avons tout entendu, tant chacun envisage cette notion selon son propre prisme. Certains ont même parlé de secret de la défense pénale, considérant que ces dispositions ne devaient concerner que le pénal. Mais, monsieur le ministre, je crois que vous visez plus largement la défense des intérêts du client.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre, car vous avez beaucoup évolué et les échanges entre vous, vos équipes et l’Assemblée nationale ont été fructueux puisqu’ils aboutissent à cet avis de sagesse. Nous nous en réjouissons car l’amendement est porté par presque tous les groupes, soulignant l’importance que la commission des lois accorde la relation de confiance qui doit exister entre un client et son avocat.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques sous-amendés.

En conséquence, les amendements CL312, CL390 et CL1 tombent.

Amendement CL249 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Il s’agit d’autoriser la présence de l’avocat pendant les perquisitions. À l’heure actuelle, elle n’est pas interdite et le perquisitionné peut toujours demander à être assisté par un avocat, mais la loi ne prévoit rien. Ce vide juridique entraîne certaines complications minimes, mais des complications malgré tout. Cette disposition ne viendra pas entraver les opérations puisque la perquisition pourra débuter sans la présence de l’avocat et, bien évidemment, sans délai.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Comme certains de vos collègues du groupe majoritaire, vous souhaitez que la personne qui fait l’objet d’une perquisition puisse faire appel à son avocat sans que cela fasse obstacle au bon déroulement de la perquisition, puisque cette dernière n’est pas différée dans l’attente de l’arrivée effective de l’avocat. Je m’interroge sur l’opérationnalité de votre dispositif, d’autant qu’il est déjà possible d’être assisté de son avocat.

La perquisition n’est pas une atteinte à la liberté des personnes, c’est une atteinte à leur propriété. La personne reste libre de faire ce qu’elle veut, y compris d’appeler son avocat. Vous souhaiteriez que les officiers de police judiciaire (OPJ) qui perquisitionnent informent systématiquement le perquisitionné qu’il peut appeler son avocat. Mais que se passe-t-il quand il n’en a pas ? Ou quand il vit dans un département où la permanence pénale n’est pas toujours bien organisée ?

Même si vous précisez que cela ne doit pas empêcher le bon déroulement de la perquisition, en pratique, je crains que tout le monde ne soit pas capable de mobiliser ce droit de manière effective, ce qui risque de compliquer le processus de perquisition. Peut-être faudrait-il réfléchir à une formulation plus opérationnelle pour la séance publique !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis du même avis que le rapporteur. Certains points me chiffonnent…

L’amendement est retiré.

Amendement CL240 de Mme Naïma Moutchou.

M. Raphaël Gauvain. Nous saluons l’avancée importante que constitue l’article 3 : désormais, le secret professionnel sera intégralement opposable aux services d’enquête.

En outre, l’article 3 garantit le respect du secret au cours de la procédure, en cas de perquisition du cabinet, de mise sur écoute des avocats ou d’exploitation des fadettes par les services d’enquête.

Notre amendement vise à apporter des garanties complémentaires lorsque la perquisition n’a pas lieu dans un cabinet d’avocats – ce qui représente l’immense majorité des perquisitions. Cela permettrait de protéger les consultations ou les mails échangés entre un avocat et un client.

L’amendement rappelle qu’on ne peut porter atteinte au secret professionnel que dans la mesure où il existe des raisons plausibles de soupçonner l’avocat d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure.

Enfin, des garanties procédurales sont apportées avec une autorisation préalable du procureur et la possibilité pour le bâtonnier d’en contester la validité devant le juge des libertés et de la détention.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Vous modifiez les dispositions de l’article 56 du code de procédure pénale, qui concernent donc les perquisitions de droit commun et visez le cas où, chez un individu lambda – et non chez un avocat –, on découvre par exemple un courrier échangé entre l’individu et l’avocat. Cela complexifie beaucoup la procédure de l’article 56…

En outre, si la perquisition permet de découvrir des documents médicaux, doivent-ils être couverts par le secret médical ? Ne s’agit-il pas d’un cas d’école ? Saisit-on vraiment beaucoup de correspondances entre avocat et client lors de telles perquisitions ?

Enfin, le secret des correspondances constitue déjà une protection : si le courrier ne comporte pas la mention « lettre officielle », il est couvert par la confidentialité et ne peut donc être utilisé en tant que tel comme élément à charge.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Les modifications apportées à l’article préliminaire du code de procédure pénale me semblent suffisantes.

M. Raphaël Gauvain. Je veux bien réfléchir à une nouvelle rédaction pour la séance publique. Si le principe est dorénavant posé par l’article préliminaire du code de procédure pénale, notre amendement vous propose de garantir son effectivité.

Les services d’enquête ne doivent pas porter atteinte au secret professionnel, sauf s’ils soupçonnent la participation de l’avocat. Notre amendement met en place une procédure permettant d’assurer l’effectivité de la garantie lorsque les services d’enquête tombent sur une correspondance entre l’avocat et son client, sur le modèle de ce qui existe lors d’une perquisition dans un cabinet d’avocats ou lors de la mise sur écoute d’avocats.

Nous confions nos libertés aux services d’enquête, aux juges d’instruction, aux procureurs et cela mérite un encadrement. Contrairement à ce qu’indique le rapporteur, cela n’alourdit pas le dispositif puisque le principe est déjà prévu. Quand il y a trente à soixante perquisitions par an dans des cabinets d’avocats, les perquisitions chez les particuliers sont plus nombreuses, quotidiennes, et peuvent porter atteinte de manière effective au secret professionnel.

L’amendement est retiré.

Amendement CL655 du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. L’amendement prévoit que les perquisitions dans un cabinet d’avocat devront être autorisées par le juge des libertés et de la détention, et plus directement décidées par le procureur de la République ou le juge d’instruction. Il s’agit d’une garantie importante, le juge des libertés et de la détention évaluant les raisons plausibles de suspecter que l’avocat a commis l’infraction en relation avec la saisine.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Très favorable.

M. Ugo Bernalicis. Je ne ferai pas l’offense au ministre de l’accuser de défiance envers les procureurs et les juges d’instruction car je suis favorable à cet amendement. C’est une bonne chose que le juge des libertés et de la détention contrôle ce type de perquisition. Je le dis car cela nous évitera, dans le futur, de nous jeter à la figure des arguments réversibles.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Amendement CL241 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Avec mon collègue Raphaël Gauvain, nous avons déposé une série d’amendements sur la proportionnalité des perquisitions, actes intrusifs, qui le sont encore plus quand elles se déroulent dans les cabinets d’avocats. Notre amendement vise à préciser que le juge doit examiner la proportionnalité d’une telle perquisition au regard de la nature et de la gravité des faits.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. J’y suis favorable. En pratique, le juge des libertés et de la détention devra bien sûr apprécier l’intérêt de faire une perquisition chez un avocat au regard de la nature et de la gravité des faits. Cela va sans doute mieux en le disant.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL563 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL279 de Mme Séverine Gipson.

Suivant le même avis, elle rejette successivement les amendements CL2 de Mme Brigitte Kuster, CL434 de M. Aurélien Taché, CL392 de M. Erwan Balanant, CL353 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL161 de Mme Marie-France Lorho, CL191 de Mme Cécile Untermaier et CL138 de Mme Emmanuelle Ménard, soumis à discussion commune.

Amendement CL405 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. La perquisition au cabinet d’un avocat ou à son domicile, le recueil de données électroniques le concernant et les interceptions sur sa ligne téléphonique doivent être strictement limités. Le projet de loi propose que ces réquisitions soient conditionnées par l’existence de raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure.

Notre amendement vise à maintenir l’exigence d’une implication personnelle pénale de l’avocat, renforçant ainsi les droits de la défense, mais aussi d’élargir cette implication à la commission ou à la tentative d’infractions connexes à celle qui fait l’objet de la procédure, permettant ainsi aux services en charge des enquêtes d’assurer plus efficacement la poursuite des infractions.

L’article 203 du code de procédure pénale définit la connexité notamment par le fait que les auteurs d’infractions connexes ont commis celles-ci pour faciliter ou consommer l’exécution des infractions principales, ou pour en assurer l’impunité. La loi doit trouver un juste équilibre entre la protection des droits de la défense et la lutte contre la criminalité. L’amendement trace ainsi les bornes déontologiques de la mission de l’avocat, notamment dans le droit des affaires.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est une précision utile, qui clarifie l’analyse des conditions juridiques permettant la perquisition chez un avocat. L’inclusion des infractions connexes à l’infraction sur laquelle porte initialement l’enquête va dans le bon sens.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL654 du Gouvernement et sous-amendement CL657 du rapporteur.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il s’agit de préciser que le magistrat qui procède à la perquisition des locaux d’un avocat doit veiller à ce qu’aucun document couvert par le secret professionnel de la défense ne soit saisi et placé sous scellés.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le sous-amendement vise à assurer la coordination avec la rédaction retenue concernant le secret professionnel.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL406 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. L’introduction d’un recours du procureur, de l’avocat ou du bâtonnier contre la décision du juge des libertés et de la détention, statuant sur la validité de la saisie d’un document dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, est une garantie supplémentaire renforçant les droits de la défense. Mais ce recours n’a nul besoin d’être suspensif.

Lorsque le juge des libertés et de la détention a statué, validant la saisie, le document en cause doit être versé au dossier de la procédure. Celle-ci doit se poursuivre. Si, dans le délai de cinq jours ouvrables, le premier président statue ensuite en sens contraire, le document sera restitué à l’avocat et la procédure de saisie sera alors cancellée. Le caractère suspensif du recours n’ajoute aucune garantie et ne fait que retarder l’avancement de la procédure.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Mon avis sera très défavorable. Imaginons que le juge des libertés et de la détention infirme la saisie et que l’appel la confirme ensuite. On aura rendu entre-temps la pièce litigieuse à son propriétaire. Il aura eu toute liberté pour la modifier, la contrefaire ou la détruire, et les enquêteurs ne récupéreront pas la preuve recherchée dans son état initial…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis. L’appel doit être suspensif. C’est une garantie essentielle à la protection du secret de la défense.

Mme Laurence Vichnievsky. Dans la mesure où le recours n’existait pas jusqu’à présent, la saisie n’était jamais suspensive. À partir du moment où on instaure un recours, il ne me semblait pas utile de retarder la procédure. Mais j’entends aussi vos arguments.

La commission rejette L’amendement.

Amendement CL407 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. S’agissant des enquêtes en matière pénale, cet amendement technique vise à ce que les décisions du juge des libertés et de la détention soient déférées à la chambre de l’instruction ou à son président, juridictions d’appel habituelles des décisions du juge des libertés et de la détention dans le code de procédure pénale, plutôt qu’au premier président de la cour d’appel.

Si certaines ordonnances du juge des libertés et de la détention – notamment en matière de rétention administrative – sont déférées devant le premier président de la cour d’appel, il s’agit de contentieux civils, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Je propose donc de rétablir la compétence du président de la chambre de l’instruction.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. J’entends l’argument et cette modification ne me gêne pas. Mais je souhaiterais connaître le sentiment du ministre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. J’écoute avec attention les arguments de Mme Vichnievsky. Il faudrait que nous y réfléchissions ensemble avant la séance publique. Je précise que les recours devant le premier président de la cour d’appel existent déjà en matière de procédure pénale d’urgence, selon les termes de l’article 187-3 du code de procédure pénale.

M. Antoine Savignat. Il doit s’agir d’un parallélisme des formes avec la procédure disciplinaire à l’encontre des avocats, qui relève de la compétence du premier président de la cour d’appel.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL585 du rapporteur.

Amendement CL98 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement d’appel vise à étendre la protection aux journalistes ou aux magistrats. Dans son avis, le Conseil d’État relève que certaines dispositions protectrices du projet de loi pourraient utilement être appliquées aux journalistes. Il me semble également important d’ajouter les magistrats au regard de récentes affaires, médiatisées – les fadettes épluchées étaient certes celles d’avocats, mais aussi celles de magistrats.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. C’est le secret de la défense, dans l’intérêt du justiciable, que nous souhaitons consacrer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Votre suggestion m’intéresse, mais l’amendement n’est pas acceptable en l’état – il ne comporte pas les coordinations nécessaires. Je vous propose d’y réfléchir ensemble pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL586 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL162 de Mme Marie-France Lorho, CL192 de Mme Cécile Untermaier, CL293 de M. Éric Ciotti et CL139 de Mme Emmanuelle Ménard, soumis à discussion commune.

Elle adopte l’amendement de cohérence CL587 du rapporteur.

Amendement CL246 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Il s’agit d’appliquer le principe de proportionnalité en cas de réquisition des services enquêteurs sur des données de connexion correspondant à la ligne téléphonique d’un avocat.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL3, CL4 et CL5 de Mme Brigitte Kuster.

Amendement CL408 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Je ne suis pas certaine d’avoir du succès avec cet amendement, qui supprime l’obligation d’informer le bâtonnier de réquisitions portant sur des données électroniques émises par un avocat qui alourdit inutilement la procédure.

Comme l’a souligné l’Association des avocats pénalistes lors des auditions du rapporteur, l’information du bâtonnier ne renforce pas le respect du secret professionnel et des droits de la défense dès lors que cette obligation n’est assortie d’aucune voie de recours. En revanche, la nullité de la procédure en cas d’omission de cette prescription fait peser un risque non négligeable sur l’aboutissement des enquêtes.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit d’une garantie pour le mis en cause, mais également pour l’ordre auquel il appartient.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Défavorable. Depuis 1990, il est nécessaire d’informer le bâtonnier en cas d’écoutes téléphoniques. Par cohérence, il me paraît tout à fait normal de l’informer de ces réquisitions.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL564, CL565 et CL566 du rapporteur.

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL193 de Mme Cécile Untermaier et adopte l’amendement de coordination CL247 de Mme Naïma Moutchou.

Amendement CL391 de M. Erwan Balanant et amendement de coordination CL480 de Mme Naïma Moutchou ; amendements identiques CL60 de M. Antoine Savignat, CL194 de Mme Cécile Untermaier, CL263 de M. Stéphane Peu, CL354 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL389 de Mme Constance Le Grip, CL395 de M. Ugo Bernalicis, CL435 de M. Aurélien Taché et CL493 de M. Philippe Latombe, faisant l’objet du sous-amendement CL658 de Mme Laetitia Avia (discussion commune).

M. Antoine Savignat. Nous avons longuement débattu de la question tout à l’heure : il s’agit d’étendre le secret professionnel à l’activité de conseil des avocats. Le sous-amendement de Mme Avia ne pose pas de problème : nous sommes d’accord sur la finalité du dispositif.

Mme Laetitia Avia. Le sous-amendement est de coordination avec nos votes tout à l’heure. Il a été déposé, je tiens à le préciser, sur les amendements identiques et non sur celui de Mme Moutchou de manière que nous adoptions ces amendements issus des différents groupes plutôt que celui que La République en Marche avait déposé initialement.

Suivant l’avis du rapporteur, les amendements CL391 et CL480 sont retirés et la commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques sous-amendés.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL465 de M. Matthieu Orphelin.

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Première réunion du jeudi 6 mai 2021 (10 heures 30)

Lien vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10738524_6093aa19b15fa.commission-des-lois--confiance-dans-l-institution-judiciaire-suite-6-mai-2021

Section 2
Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence

Article 4 (art. 434‑7‑2 du code pénal et art. 11 du code de procédure pénale) : Protection du secret de l’enquête et de l’instruction

Amendements de suppression CL264 de M. Stéphane Peu et CL459 de M. Paul Molac.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Même avis.

La Commission rejette les amendements.

La Commission adopte l’amendement de précision CL588 du rapporteur.

Amendement CL471 de M. Didier Paris.

Mme Laetitia Avia. Il s’agit d’aligner la sanction pour la reproduction d’actes d’une procédure d’instruction et leur diffusion auprès d’un tiers, actuellement punies d’une amende de 10 000 euros, sur celle prévue à l’article 4, à savoir trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, afin de renforcer l’efficacité du dispositif.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis favorable à cette proposition qui résulte des travaux que nos collègues Didier Paris et Xavier Breton avaient menés dans le cadre de la mission d’information sur le secret de l’enquête et de l’instruction.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement légistique CL589 du rapporteur.

Amendement CL226 de M. Didier Paris.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cet amendement confère de la souplesse au dispositif de communication instauré par le texte.

La Commission adopte l’amendement.

Amendement CL99 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de supprimer l’alinéa 7, qui prévoit la possibilité pour le parquet de charger l’officier de police judiciaire de rendre publics, sous son contrôle, des éléments relatifs à la procédure. Pour des raisons de solennité et d’image, nous estimons que la communication doit être le fait du parquet.

Il y a des limites à l’exercice. Ainsi, les syndicats de police s’expriment parfois sur des enquêtes en cours. Ils peuvent certes se prévaloir de la liberté d’expression et de la liberté syndicale, mais ils sortent de leur rôle et ne sont pas à l’abri de la violation du secret de l’enquête. Il serait peut-être judicieux que le législateur précise la définition de la violation du secret de l’enquête et les limites de la liberté d’expression syndicale – je ne vais pas me faire que des amis en disant cela. Plutôt que d’ouvrir des portes intermédiaires, mieux vaudrait donner au parquet les moyens de sa communication. Voilà plusieurs années que des circulaires sont adressées aux responsables de la police nationale, leur demandant de prendre en charge la communication officielle en lieu et place des syndicalistes. Elles ne produisent pas beaucoup d’effets.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Si la communication est assurée sous le contrôle du procureur, le discours sera maîtrisé, ciselé. Cela offrira un contrepoint aux déclarations d’organes syndicaux qui ne font pas toujours dans la nuance.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Monsieur Bernalicis, j’ai le sentiment que vous ne croyez pas à votre amendement : je pourrais reprendre tous les arguments que vous donnez pour motiver mon désaccord ! Je pense en particulier au manque de maîtrise du discours syndical. Policiers et magistrats sont dans la même barque. L’expression syndicale, nous la respectons, mais elle ne peut être une occasion de violer le secret de l’enquête, qui est défini par la loi. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité encadrer la communication officielle. Il nous paraît important que la police puisse communiquer – c’est une revendication qu’elle exprime de longue date.

M. Ugo Bernalicis. Après réflexion, il m’a semblé préférable, pour la sérénité de la justice, que la communication incombe au procureur. J’ai conscience que le texte apporte des garanties en plaçant le discours de l’officier de police judiciaire sous le contrôle du procureur. Toutefois, je me demande si cela ne conduira pas le policier à se mettre en difficulté puisqu’il ne se contentera pas de lire un communiqué. Tout en étant sous le contrôle du procureur de la République, il disposera d’une marge de manœuvre et pourrait révéler des informations qu’il aurait dû garder confidentielles. Je préfère que la responsabilité de ce type de propos soit laissée au parquet. À l’instar de l’enregistrement des audiences, j’approuve l’objectif mais je conteste le dispositif.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL332 de M. Benjamin Dirx.

Amendement CL590 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de supprimer un renvoi inutile à un règlement d’application.

La Commission adopte l’amendement.

Amendement CL227 de M. Didier Paris.

Mme Naïma Moutchou. L’article 11-1 du code de procédure pénale autorise l’autorité judiciaire à communiquer des éléments de procédure à des autorités ou organismes habilités par arrêté du ministre de la justice. Le rapport d’information du 18 décembre 2019 de nos collègues Didier Paris et Xavier Breton sur le secret de l’enquête et de l’instruction a recommandé d’étendre ce secret partagé à d’autres autorités. Tel est l’objet de l’amendement, qui vise à permettre la communication d’informations, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les infractions financières, pour améliorer la coopération internationale.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Sur le fond, je suis assez sensible à la proposition, d’autant plus que nous avons adopté une disposition similaire, en décembre dernier, dans la loi relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, qui autorise la transmission d’informations par les autorités judiciaires aux inspecteurs de l’environnement.

Toutefois, l’amendement propose d’étendre très largement cette communication, ce qui est susceptible de créer des difficultés. Cela mériterait une expertise plus poussée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Attention, danger ! L’extension du périmètre du secret partagé soulève des risques constitutionnels majeurs, qui ont notamment été relevés par le Conseil d’État. Cette disposition pourrait porter une atteinte excessive à la présomption d’innocence des personnes mises en cause dans la procédure pénale. Je souhaite le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 4 modifié.

Chapitre II
Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire

Article 5 (art. 137‑3 et 142‑6 du code de procédure pénale) : Encadrement des décisions de prolongation de détention provisoire

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression CL163 de Mme Marie-France Lorho et CL288 de M. Éric Ciotti.

Amendements CL100 de M. Ugo Bernalicis et CL393 de M. Erwan Balanant (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons de rendre obligatoire la motivation spéciale en cas de prolongation de la détention provisoire au-delà de quatre mois et non de huit mois. L’article tel qu’il est rédigé ne permettra pas d’atteindre les résultats escomptés. La surpopulation carcérale est due notamment à la présence des détenus provisoires, qui représentent en moyenne 40 % des effectifs des maisons d’arrêt – parfois près de 50 %. Sans les prévenus, le problème de la surpopulation serait quasiment réglé !

Être prévenu ne veut pas forcément dire être enfermé. C’est d’ailleurs le sens de l’article 5, qui renvoie à d’autres dispositifs, telle l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Il faut redécouvrir des dispositifs qui permettent d’éviter l’incarcération ou, à tout le moins, favoriser leur prononcé, plutôt que de céder à la facilité de la détention provisoire, qui donne l’assurance d’avoir le prévenu sous la main.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il y a trop de détenus provisoires en France, nous en sommes tous convaincus. Mais nous savons aussi que la détention provisoire est utile. Ce à quoi nous devons veiller, c’est qu’elle ne se prolonge pas excessivement. Lorsqu’elle est justifiée, elle peut être renouvelée, à l’issue d’une première période de quatre mois, pour la même durée. Après huit mois, nous voulons que priorité soit donnée à l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Ce n’est qu’à titre exceptionnel, dans le cas où on ne pourrait pas appliquer cette procédure – le juge devra en exposer les raisons – que la détention provisoire pourra être renouvelée pour quatre mois supplémentaires. Au bout de huit mois, la surveillance électronique deviendra donc presque automatique.

Le délai de quatre mois que vous proposez me paraît trop court car il équivaut au premier mandat de dépôt – dans certains cas, il faut pouvoir prolonger la détention au moins une fois. Quant aux six mois proposés par M. Balanant, ils ne correspondent ni au mandat initial, ni au mandat prolongé. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous parlons de la matière correctionnelle. La question de la détention provisoire est théoriquement réglée dans le code de procédure pénale depuis belle lurette : la loi la définit comme l’exception, le principe étant la liberté. Mais il est des exceptions qui deviennent des principes. Le travail d’enquête exceptionnel que les parlementaires ont effectué après l’affaire d’Outreau avait déjà identifié le recours à la détention provisoire comme l’une des questions à traiter. Il s’agit de changer de paradigme et, peut-être, de culture.

Le principe retenu est que, après huit mois, ce sera la surveillance électronique ; si le juge en décide autrement et maintient en détention provisoire, il devra motiver sa décision. Sans dénaturer le texte, auquel je crois, j’estime que c’est par petites touches, comme celle-ci, que l’on fera évoluer les mentalités.

Le projet de loi est cohérent avec le « bloc peines » institué par la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019. Il s’agit de réaffirmer, en faisant preuve de la nuance fondamentale en ces matières, que l’on ne renie rien de la prison et de son utilité mais que, pour les infractions dites de basse intensité, l’incarcération est criminogène et fait plus de mal que de bien à la société – les chiffres le démontrent et je suis prêt à en débattre. Il est plus facile de céder à l’invective, à la critique nihiliste ! C’est l’illustration que tout homme qui fait quelque chose a contre lui la grande armée des gens qui ne font rien du tout.

Imposer une motivation spéciale au bout de quatre mois me paraît rapide. Le délai de six mois, quant à lui, ne correspond pas aux échéances actuelles de la détention provisoire ; il n’aurait pas beaucoup de sens. Une période de huit mois est raisonnable. Par ailleurs, j’entends préserver l’équilibre entre l’ambition du projet de loi et la charge de travail supplémentaire que cela créera pour les magistrats.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements, même si j’en comprends la philosophie.

M. Ugo Bernalicis. Si, au bout de quatre mois, on constate qu’on peut prononcer une surveillance électronique, pourquoi ne pas l’avoir fait dès le premier jour ? La question n’est pas seulement d’ordre culturel. Les magistrats n’échappent pas à l’ambiance anxiogène, sécuritaire dans laquelle baigne la société, et refusent de prendre le moindre risque. Toutefois, en plaçant le prévenu en détention provisoire, on ne fait que différer le risque puisque la prison n’a pas que des vertus, d’autant plus qu’un prévenu y a difficilement accès au travail et aux activités. L’objectif doit être de prononcer moins de détentions provisoires initiales.

Le frein principal à la surveillance électronique est l’enquête technique de terrain visant à déterminer si on peut y soumettre le prévenu. Compte tenu de la mécanique de la comparution immédiate, de la procédure de l’audience correctionnelle, et du fait de la faiblesse de l’enquête sociale rapide et de faisabilité, le magistrat a tendance à placer le prévenu en détention provisoire, quitte à la convertir ultérieurement. Cela ne me paraît pas une bonne méthode : il faut porter les efforts sur l’enquête pour se donner les moyens, dès le départ, de ne pas ordonner la détention provisoire.

Même lorsque celle-ci n’est pas prononcée, on cherche à se rassurer, dans une sorte de fuite en avant technologique, en préférant la surveillance électronique à d’autres mesures. Il existe pourtant d’autres dispositifs, à commencer par le contrôle judiciaire. Cette mesure reste certes prononcée dans la majorité des cas, mais il semble que beaucoup oublient son existence. Il faudrait développer son usage car la surveillance électronique n’est pas exempte d’inconvénients.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Soyons clairs : la liberté est le principe, la mise en détention l’exception, et cela doit demeurer. Lorsque la détention s’impose, on privilégiera, à partir du huitième mois, la surveillance électronique. Dans ces cas de figure, il n’y a pas d’autre choix possible. En revanche, lorsqu’il est possible d’instituer un contrôle judiciaire, on le fait : cela doit être la priorité.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements CL591, de cohérence, et CL592, de coordination, du rapporteur.

Enfin, la Commission adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendement CL101 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit d’énoncer un principe général qui existe déjà partiellement dans la loi : avant de prononcer une peine privative de liberté – détention provisoire ou emprisonnement ferme –, il faut évaluer la possibilité de prendre toute autre mesure en milieu ouvert.

La disposition qui vient d’être adoptée entraînera des difficultés, car aller en détention, pour beaucoup de gens, cela signifie risquer de perdre son logement et le lien avec la famille et les amis. Or le principal critère pour prononcer une ARSE est que la personne dispose d’un logement. En plaçant le prévenu en détention pendant quatre mois ou huit, on ne se donne donc pas toutes les chances de déboucher sur une assignation à résidence, et certains magistrats motiveront sans doute de ne pas prononcer l’ARSE par l’impossibilité concrète, technique de la mettre en œuvre. C’était déjà la raison avancée pour ne pas libérer de nombreux prisonniers dans le cadre des ordonnances pendant la première vague du covid. C’est donc bien à la source qu’il faut tarir la détention provisoire.

Je soutiens les dispositifs que vous proposez – c’est mieux que rien –, mais je ne suis pas sûr que l’on atteigne l’objectif visé.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Sur le fond, je souscris à vos propos. Toutefois, les décisions de privation de liberté font l’objet d’une obligation de motivation et sont susceptibles de recours. Notre code de procédure pénale apporte le maximum de garanties aux individus subissant des peines de privation de liberté pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Si nous améliorons les dispositifs en faveur des libertés, je ne trouve pas utile de rajouter la mention dont vous faites état dans l’article préliminaire du code de procédure pénale. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car il est déjà pleinement satisfait par l’article 137-3 du code de procédure pénale relatif à la détention provisoire et l’article 132-19 du code pénal concernant les peines d’emprisonnement.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement vise à accompagner l’évolution culturelle que nous attendons tous, en invitant tous les tribunaux à examiner d’abord les alternatives à l’enfermement. Il importe qu’il n’y ait pas de différence de traitement selon les tribunaux, selon que les magistrats acceptent de réfléchir à des solutions alternatives et selon celles qui sont proposées dans les territoires.

La Commission rejette l’amendement.

Amendement CL103 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à supprimer le mandat de dépôt différé, de façon à mettre à profit le délai que celui-ci laisse pour éviter une incarcération et prononcer des aménagements de peine. Ce dispositif, introduit par la loi de programmation de la justice de 2019, est une corde supplémentaire à l’arc de celui qui veut absolument enfermer quelqu’un, ce qui ne me semble pas être le sens de nos débats depuis quatre ans.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons voté ce dispositif dans la LPJ, au mois de mars 2019. Il s’applique alors que la décision du mandat de dépôt a été prise ; c’est son exécution qui peut être différée afin que la mise sous écrou se passe dans de bonnes conditions, dans l’intérêt de la personne qui fait l’objet de cette mesure. Je crois celle-ci utile et pragmatique. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je ne comprends pas du tout que vous puissiez présenter un tel amendement. Avez-vous déjà assisté à une arrestation à la barre ? C’est d’une extrême violence ! Une personne libre, qui souvent espère bénéficier de la clémence des juges, ne parvient pas à les convaincre – elle est arrêtée. La justice fait son travail, elle délivre un mandat de dépôt ; les forces de l’ordre arrivent, menottent la personne et l’emmènent. Ce dispositif existe toujours parce que, lorsque l’on craint une fuite, la justice s’assure ainsi de la présence de la personne.

Le mandat de dépôt différé permet à un homme d’aller embrasser ses enfants avant d’aller en prison. Et vous voudriez que l’on se passe de cela ? Naturellement, la justice s’entoure de toutes les précautions ; ce n’est pas une disposition qui est prise à la légère. Quand une personne reconnaît l’infraction et entend l’assumer, quand on sent la sincérité chez elle, étayée par d’autres éléments du dossier, il n’y a pas de raison de l’empêcher d’aller embrasser son fils ou sa fille. C’est très humain et, je le dis sans polémique, j’ai du mal à comprendre que l’on puisse se passer de cela. Il s’agit d’une grande avancée qui a été adoptée très récemment et que les magistrats sont très attentifs à ne pas surutiliser. Si, devant la juridiction criminelle, les mandats de dépôt automatiques sont obligatoires, il y a parfois des situations dans lesquelles on peut laisser la procédure se poursuivre sans incarcérer immédiatement. Je suis donc humainement défavorable à cet amendement.

Mme Laetitia Avia. Je trouve l’exposé sommaire de cet amendement particulièrement inapproprié en ce qu’il évoque une « disposition scélérate » concernant ce dispositif d’une grande humanité. Le groupe La République en marche votera contre cet amendement.

M. Ugo Bernalicis. Avant le mandat de dépôt différé, il existait aussi, outre le mandat de dépôt à la barre, un mandat de dépôt qui permettait d’aller embrasser sa famille, l’incarcération étant un peu éloignée. Le mandat de dépôt différé assume de différer l’incarcération, qui aura lieu de toute façon, alors que lorsque le mandat de dépôt n’est pas prononcé à la barre, un travail peut commencer, pourquoi pas avec le juge de l’application des peines (JAP), pour obtenir un aménagement de peine. Ce n’est pas comme l’aménagement de peine ab initio, qui oblige à placer la personne sous écrou pendant trois à quatre jours, le temps de rencontrer le JAP.

Si l’objectif est réellement de ne pas incarcérer, oui, le dispositif de mandat de dépôt différé est scélérat, car il offre des facilités nouvelles pour incarcérer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est mal raisonner que de considérer que pour baisser le nombre de détentions, il faudrait supprimer le mandat de dépôt différé. Dans la situation où les juges jugeraient qu’une personne reconnue coupable doit aller en prison, si le mandat de dépôt différé était supprimé, c’est le mandat de dépôt tout court qui serait utilisé. Ce n’est pas en supprimant le texte que vous supprimerez la volonté des juges, motivée dans un jugement, d’envoyer tel prévenu en prison. On lui laisse ce petit délai pour des raisons humanitaires mais la décision n’en est pas moins prise. La situation est bien celle d’un homme qui vient d’être condamné par des magistrats à de l’emprisonnement ferme.

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes

Article 6 (art. 276-1 [nouveau], 359 et 367 du code de procédure pénale) : Dispositions diverses relatives à la cour d’assises

Amendement CL572 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de prévoir que les magistrats à titre temporaire (MTT) qui siègent au sein des cours criminelles départementales, de façon tout à fait efficiente selon le rapport que nous avons rédigé avec Antoine Savignat, puissent également siéger au sein des cours d’assises. Cela permettrait d’augmenter le vivier des assesseurs potentiels. Cette disposition nous paraît utile, étant précisé que le statut de MTT est exigeant en matière d’éthique, de déontologie, de conflits d’intérêts et d’incompatibilités.

La seconde partie de l’amendement vise à ce qu’un juge d’un département qui ne serait pas rattaché au tribunal judiciaire où siège la cour d’assises puisse également siéger comme assesseur au sein de cette cour d’assises. Cela donnerait ainsi un peu plus de latitude pour composer les cours d’assises dans nos juridictions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Amendement très utile : le Gouvernement y est totalement favorable.

Mme Cécile Untermaier. Nous sommes favorables à cet amendement. On voit là la difficulté de l’exercice dans les cours criminelles – contre la création desquelles j’avais d’ailleurs voté –, qui nécessitent cinq magistrats. Ces dispositions permettent de combler une carence et de répondre à l’inquiétude des magistrats de ne pas être en effectif suffisant.

La Commission adopte l’amendement.

Amendements CL323 de M. Dimitri Houbron, CL409 de Mme Laurence Vichnievsky et CL243 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune).

M. Dimitri Houbron. L’audience de mise en état des affaires criminelles permet aux parties de s’accorder sur les témoins et experts à entendre afin de maîtriser la durée de l’audience et de restreindre les débats autour de points qui sont encore contestés à l’issue de l’information judiciaire. Cette disposition du projet de loi apparaît comme une mesure pragmatique et efficace. L’amendement tend à rendre cette audience obligatoire et non soumise à la discrétion du ministère public ou des avocats de l’ensemble des parties.

Mme Laurence Vichnievsky. Cette audience n’existe pas dans la loi, aussi proposons-nous de la créer. En réalité, elle se tient déjà pour nombre de procès d’assises, mais généralement lorsque l’accusé se bat sur la peine, non sur le fond. Il est alors assez utile et judicieux de s’entendre sur la liste des témoins et des experts, ainsi que sur la durée des auditions, pour pouvoir calibrer l’audience.

Avec mon groupe, nous sommes plutôt pour conférer à cette audience un caractère facultatif, c’est-à-dire qu’elle se tienne lorsque les parties sont d’accord – la quasi-totalité des professionnels qui ont été entendus considèrent qu’elle serait inutilement chronophage en cas de désaccord. Il faut donc autoriser cette procédure si le président de la cour ou les parties la juge utile, mais ne pas la rendre systématique.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Lors des auditions, il a été suggéré que l’audience préalable ne soit réalisée que si elle est jugée nécessaire et peut représenter un réel gain de temps. L’amendement tend à donc à prévoir la tenue de l’audience préalable seulement si elle apparaît nécessaire.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement proposé par Dimitri Houbron tendant à rendre ce dispositif obligatoire. C’est une bonne pratique, communément appliquée lorsqu’on prépare un procès d’assises ou un dossier devant la cour criminelle départementale. Les bonnes pratiques ayant vocation à être généralisées, je pense qu’il faut graver celle-ci dans le marbre et la rendre obligatoire puisqu’elle apporte une vraie plus-value.

Je ne suis pas d’accord avec vous, madame Vichnievsky, il peut être intéressant de s’entendre sur les experts qui seront entendus dans le cadre des débats, que la personne accusée nie les faits ou non. En outre, ce dispositif est particulièrement souple : rien n’est imposé, personne ne sera empêché d’ajouter un expert ou un témoin à la liste entre l’audience préparatoire et l’audience, et la réunion pourra se tenir par visioconférence.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il est possible de concilier tous ces amendements.

Tout d’abord, j’aimerais dire deux mots sur la philosophie du dispositif. Actuellement, avant l’ouverture des débats, l’accusé reçoit une liste de témoins préparée par le ministère public. Parfois, son avocat ne la reçoit pas lui-même et doit aller la chercher en détention si son client est détenu – cela peut être assez compliqué. Cette liste donne lieu à des curiosités : quatre témoins qui viennent raconter qu’ils ont entendu un coup de feu à 21 heures, ce qui n’a strictement aucun intérêt, surtout si cela n’est pas contesté ; un expert de l’ADN que l’on fait venir de l’autre bout de la France pour dire à l’audience de cours d’assises qu’on a retrouvé l’ADN de l’accusé sur la clenche de la porte, alors que celui-ci reconnaît avoir ouvert la porte et ne conteste pas qu’on ait pu y retrouver son ADN. Cela ne sert à rien, c’est du temps perdu, et cela coûte des sous. C’est bien trop rigide.

De là l’idée de faire une audience de mise en état. Cette audience, ne pourrait-on pas la faire chez le président, voire, si les choses sont simples, par téléphone ou en visioconférence ? Mme Vichnievsky propose très justement de la convoquer si les parties le jugent utile. Encore faut-il qu’elles se parlent ! Or il n’y a pas toujours de contact entre la défense et le ministère public ou entre la défense et le président avant l’ouverture d’un procès.

En tout état de cause, il faut quelque chose pour que le texte ne perde pas de son efficience, il faut sans doute plus de fluidité. Dans les affaires simples où tout le monde est d’accord, un coup de fil peut suffire ; si l’affaire est vraiment complexe, il faut une audience. Quand une affaire est jugée à Aix-en-Provence et que l’avocat est de Dunkerque, doit-on le contraindre à se rendre à l’audience obligatoire à Aix-en-Provence ? Des moyens de communication modernes permettent de pallier cette rigidité.

Je vous propose de retravailler ensemble pour essayer de simplifier cette audience. Nous la rendrons obligatoire, ce qui fera plaisir au député Houbron, mais pas tout à fait, ce qui fera plaisir à nos deux autres députées. Il faut au moins qu’un contact soit pris, avec des moyens modernes – téléphone, visioconférence – et qu’un document acte cette prise de contact. Simplifier et rendre une justice moderne : voilà ce vers quoi nous voulons tendre.

M. Antoine Savignat. Dans le cadre de la mission que j’ai menée avec Stéphane Mazars, nous avions discuté de la possibilité de mettre en place ces audiences. Il en était ressorti que nous avions déjà l’outil : toutes les audiences de procédure civile se font de manière dématérialisée via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA). L’ensemble des professionnels nous avaient dit que l’on pouvait parfaitement mettre en place, via ce réseau, les audiences de mise en état, comme cela se pratique devant toutes les chambres civiles de France. Cela permettrait à tous d’échanger rapidement dans le but de trouver un accord.

M. Dimitri Houbron. Nous pouvons retravailler sur les modalités – visioconférence ou téléphone – en vue de la séance, mais je maintiens qu’il faut inscrire son caractère systématique et obligatoire. Libre ensuite aux parties et au ministère public de choisir les modalités de cette audience.

La Commission adopte l’amendement CL323.

En conséquence, les amendements CL409 et CL243 tombent, ainsi que l’amendement CL307 de M. Pascal Brindeau.

Amendement CL398 de la présidente Yaël Braun-Pivet.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cet amendement vise à prévoir que le président de la cour d’assises puisse obtenir du directeur de la maison d’arrêt le rapport de détention de l’accusé dans le cadre de l’audience préparatoire criminelle.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Amendements CL496 et CL495 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. L’article 6 prévoit que l’audience préparatoire puisse au besoin se tenir à distance, par « télécommunication audiovisuelle ». Une telle possibilité est à saluer, dans la mesure où elle contribuera à la fluidité et à l’adaptabilité de la nouvelle procédure. La crise sanitaire a prouvé combien le recours aux outils numériques était plus que jamais indispensable au bon fonctionnement de nos institutions et de notre société.

Compte tenu de la gravité des questions abordées lors de ces audiences, et tout particulièrement en matière criminelle, il importe cependant de garantir la sécurité et la qualité des outils numériques utilisés. Le renforcement du secret de l’enquête, de l’instruction de la défense, auquel ce projet de loi dédie plusieurs articles, nécessite de préciser dans quelles conditions et selon quelles modalités se déroule cette audience préparatoire. C’est pourquoi l’amendement CL495 propose que les moyens de télécommunication utilisés pour la tenue de cette audience fassent l’objet d’un agrément par le ministère de la justice.

L’amendement CL496 est un amendement de repli.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Les outils utilisés par la Chancellerie présentent déjà toutes les garanties en matière de sécurité – je pense au réseau privé virtuel des avocats qui permet de communiquer de l’enceinte du palais de justice jusqu’au cabinet. Vos amendements sont satisfaits. Demande de retrait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

M. Buon Tan. Certes, nous avons déjà des outils, mais il s’agit ici d’en utiliser d’autres – M. le ministre a notamment parlé de téléphones – qu’il conviendrait de faire agréer.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL509 du rapporteur.

Amendements identiques CL436 de M. Aurélien Taché et CL355 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Il s’agit de prévoir que l’audience préparatoire criminelle devra rechercher un accord, non seulement sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience et sur leur ordre de déposition, mais aussi sur les modalités de leur comparution, et déterminer si ces dernières se feront par visioconférence ou en présentiel. De même, elle devra se saisir de toutes les demandes de visioconférences qui parviendront au greffe, afin que les parties puissent faire valoir leurs observations avant l’ouverture des débats.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’audience préparatoire doit rester assez souple et relativement informelle. Il faut préserver l’oralité des débats devant la cour d’assises et devant la cour criminelle départementale. Ce n’est que par défaut, en cas d’empêchement de l’expert ou d’un témoin ou si tout le monde s’accorde sur l’inutilité d’une venue que l’on pourra éviter un déplacement et des frais avec une simple visioconférence. Ne rigidifions pas la procédure. Demande de retrait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il faut faire confiance aux professionnels. Chacun sait ce qu’il a à faire. Le président a des pouvoirs propres et peut estimer qui il faut faire citer. D’ailleurs, souvent, ce n’est pas le président qui fait citer, même s’il a le droit de faire venir un témoin, c’est le ministère public. Les avocats, de la défense et des parties civiles, ont aussi leur idée sur la question. Prenons deux exemples. Le directeur d’enquête a été muté. Accepte-t-on l’un de ses subordonnés à l’époque des faits pour venir raconter l’enquête ou exige-t-on la présence du directeur ? Cinq témoins disent la même chose : est-ce que l’on ne peut pas se contenter d’un seul ? Un autre exemple : en appel, le grand usage, c’est d’utiliser la même liste de témoins qu’en première instance. Mais s’il s’agit d’un appel sur le quantum de la peine, certains témoins n’ont plus d’utilité. J’ai même vu des témoins qui étaient à nouveau cités, auxquels on payait le déplacement, qui prêtaient serment et qui… ne connaissaient pas l’accusé. Ce sont des sous gaspillés et du temps judiciaire perdu. Quand j’ai imaginé cette disposition, j’ai imaginé quelque chose de très fluide.

Pour revenir à la sécurisation des communications, monsieur Tan, quand vous appelez un président de cour d’assises, ce n’est pas un secret d’État. Il s’agit de savoir qui faire citer ou quelle sera la durée de l’audience. Il faut que ce soit très fluide, sans quoi ce sera plus compliqué après l’entrée en vigueur de la loi qu’aujourd’hui. Le tout, c’est de gagner du temps, en s’arrangeant en amont, ce qui remet d’ailleurs un peu de liant entre les intervenants de la grande barque judiciaire. Ne faisons pas de quelque chose de très simple une usine à gaz. Demande de retrait.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’amendement a permis au rapporteur et au ministre de nous faire partager leur vision. Cela sert donc bien à quelque chose, les débats parlementaires…

L’amendement est retiré.

Amendement CL244 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Lors des auditions menées dans le cadre de l’examen du texte, il a été suggéré que la date de l’audience préparatoire soit fixée en amont, afin de pouvoir mieux organiser les débats en déterminant notamment les experts ou les témoins à auditionner. L’amendement propose donc que la date de l’audience préparatoire soit déterminée quatre mois auparavant. Peut-être me direz-vous que c’est une contrainte qui empêche la souplesse d’organisation…

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il faut en effet laisser au président le soin d’organiser son audience d’assises ou de cour criminelle. Il disposera pour cela désormais de l’audience préparatoire, qui est à sa main. Il jugera le moment le plus opportun. Laissons faire les professionnels.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Parfois, vous ne connaissez pas le dossier sur le bout des doigts quatre mois avant l’audience ; vous n’en connaissez que les grandes lignes. Quatre mois, c’est beaucoup trop tôt. Il faut de la souplesse dans ces dispositions, je le répète.

L’amendement est retiré.

Amendement CL212 de M. Thomas Rudigoz.

M. Thomas Rudigoz. Lors des auditions, plusieurs remarques avaient été faites sur cette audience préparatoire, notamment sur le fait qu’elle devrait durer une heure plutôt qu’une demi-heure comme le prévoit l’étude d’impact. Mais les présidents avaient surtout insisté pour que l’article soit plus directif quant au rôle du président, de sorte que ce soit à lui d’arrêter la liste de témoins à entendre, tout en gardant le pouvoir d’entendre plus tard quelqu’un qui n’était pas sur cette liste.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Encore une fois, il faut de la souplesse. S’il n’y a pas d’accord, ce n’est pas grave, et la liste sera celle qui avait été initialement prévue.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous avons bien prévu de garantir le droit de toutes les parties de citer les témoins qu’elles ont envie d’entendre. Nous avons beaucoup évoqué la question des témoignages, mais il y en a plein d’autres qui se posent, notamment pour ce qui est de la durée de l’audiencement. Imaginons qu’un accusé, après avoir nié pendant des années, décide de reconnaître les faits et donne mandat à son avocat pour le dire lors de cette réunion. L’avocat, s’il est prudent, et il doit l’être, fera signer ce mandat à son client. Il n’y a alors plus besoin d’autant de jours d’audience, ce qui permettra d’audiencer une autre affaire. Plus on rigidifie et donne des délais ou des impératifs, plus cela prive l’audience préparatoire de son efficacité. Je suis certain qu’elle sera appréciée par tous les professionnels. Le rapprochement qui aura lieu à cette occasion permettra d’envisager ensemble la construction de l’audience. Chacun conserve bien évidemment le droit de faire citer des témoins, même à la dernière minute. Tout cela va dans le bon sens.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL510 du rapporteur.

Amendement CL570 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le discours tenu par les présidents des cours d’assises avant la prestation de serment des jurés, dans l’hypothèse où l’appel ne porte que sur le quantum de la peine.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL164 de Mme Marie-France Lorho, CL280 de Mme Séverine Gipson et CL300 de M. Éric Ciotti.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes précisément très heureux de porter de six à sept voix la majorité requise pour les décisions défavorables à l’accusé.

Amendements CL356 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL651 du Gouvernement (discussion commune).

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Il vise à modifier le rapport oral du président de la cour d’assises, au début de l’audience criminelle, en prévoyant que celui-ci n’ait plus à prononcer les éléments à charge et à décharge relatifs à l’accusé. Cette mesure, proposée dans le rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, dit rapport Getti, permettrait la bonne compréhension de l’affaire, l’allègement de la phase d’ouverture des débats et empêcherait tout risque pour le président d’orienter l’affaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avant de présenter mon amendement, je ferai un bref rappel historique. Pendant toute une période, un procès criminel commençait par la lecture d’un acte d’accusation par le greffier. Après avoir été auditionné par les parlementaires dans le cadre de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, j’avais rencontré à la Chancellerie le procureur général de Lyon avec lequel nous avions balayé un certain nombre de dispositions en cours dans la procédure pénale. Je lui disais alors que la lecture de ces actes d’accusation était beaucoup trop longue – elle durait même plusieurs jours dans certains procès – et qu’il était très curieux de commencer un procès criminel par la lecture d’un acte d’accusation.

La loi a évolué, et c’est ensuite le président qui a été chargé de cette lecture. En matière d’impact, c’était encore pire, puisque le greffier était, d’une certaine façon, beaucoup plus neutre que le président. Le législateur a également pris un certain nombre de dispositions qui ont rarement été respectées – elle exigeait notamment que ce rapport soit succinct, ce qui n’était jamais le cas. En réalité, il y avait une espèce de dérive consacrée devant toutes les cours d’assises : c’était le président qui la plupart du temps lisait l’ordonnance ou l’arrêt de mise en accusation, avec une obligation de rappeler les éléments à charge et à décharge. Mais dans une ordonnance de mise en accusation, les éléments à décharge sont par principe minoritaires. Il arrivait que l’on écoute pendant une heure un rapport sur les éléments à charge et, à la fin, on se contentait de lire ce que le juge d’instruction avait écrit, à savoir qu’untel contestait les faits – la belle affaire ! J’ai souhaité changé cela.

La commission qui a travaillé sur la cour d’assises était présidée par M. Getti, ancien président de cour d’assises, et composée de beaucoup de praticiens de cette même cour, soit qu’ils avaient été souvent amenés à y requérir, soit qu’ils avaient eux‑mêmes présidé une cour d’assises. Je souhaite équilibrer les choses et que le rapport introductif du président mentionne les observations déposées par l’avocat en application de l’article 175. Cela donne à entendre d’emblée qu’il peut y avoir une contestation sur la culpabilité et que la vérité qui sort de l’ordonnance de mise en accusation n’est pas consacrée. On se rapproche ainsi davantage du procès équitable tel que la Cour européenne des droits de l’homme l’appelle de ses vœux.

L’amendement CL356 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL651.

Amendement CL61 de M. Antoine Savignat.

M. Ian Boucard. Le groupe Les Républicains avait déposé cet amendement afin de maintenir la majorité nécessaire à six voix, en précisant qu’il fallait quatre jurés, pour leur donner plus de pouvoir, mais c’est exactement ce que vous avez prévu de faire. Dans notre grande sagesse, nous retirons donc l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CL511 du rapporteur.

Elle adopte l’amendement de précision CL639 du rapporteur.

Amendement CL102 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Je tiens à redire mon vif désaccord contre le mandat de dépôt différé, qui contourne l’article 723-15 du code de procédure pénale et contribue nettement à augmenter les incarcérations.

Le mandat de dépôt prononcé lorsqu’une personne comparaît libre à la barre est censé être une mesure de sûreté spécialement motivée. S’il vise une peine aménageable, celle-ci n’est amenée à exécution qu’une dizaine de jours plus tard, lors d’une convocation devant le juge d’application des peines. La personne peut ainsi tout à fait voir sa famille entre-temps. Il faudrait, au contraire, favoriser les aménagements de peine pour éviter la surpopulation carcérale.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis un peu chagriné qu’on ne rappelle pas au préalable que l’incarcération ne sera désormais plus automatique, alors qu’elle l’était devant les juridictions correctionnelles pour une peine allant jusqu’à un maximum de dix ans d’emprisonnement. Bien entendu, le mandat de dépôt n’est pas automatique, il est motivé. C’est une avancée considérable ; et comme vous ne le dites pas, monsieur Bernalicis, je le dis.

Quant au reste, je me suis déjà exprimé sur le mandat de dépôt différé. Il concerne le condamné dont on pense qu’il doit être incarcéré, mais dont on considère aussi qu’un peu de temps peut lui être laissé parce que, pendant la période précédant son jugement, il s’est présenté pour tous les actes utiles et n’a jamais fait craindre aux magistrats qu’il pourrait s’enfuir. Cette règle me semble très utile, ne serait-ce que par cohérence avec celles applicables en matière correctionnelle.

Mais je ne vous convaincrai pas et sachez que je le regrette.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL517, CL516 et CL515 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendement CL635 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Monsieur le garde des Sceaux, depuis votre prise de fonction, vous n’avez de cesse de rappeler la nécessité de rapprocher la justice de nos concitoyens et vous menez une politique très allante pour assurer une présence judiciaire dans les territoires, au service des justiciables. Cet amendement s’inscrit dans cette dynamique. Il part d’un constat que j’avais déjà formulé auprès de Mme Belloubet lors de l’examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice.

Certains départements n’étant pas dotés de pôle de l’instruction, il y a donc une déconnexion entre, d’une part, le lieu où les faits criminels ont été commis et où ils vont être jugés et, d’autre part, celui où ils sont instruits, puisqu’ils le sont systématiquement dans un pôle de l’instruction. Cela représente parfois une distance de plusieurs centaines de kilomètres, ce qui pose des difficultés pratiques d’accès à une justice de qualité, notamment pour les personnes les plus vulnérables. Je pense notamment à des victimes de viol qui n’ont pu suivre l’instruction au plus près parce qu’elles étaient géographiquement trop éloignées du lieu où le dossier est instruit en matière criminelle. Cela s’est terminé par une correctionnalisation, le tribunal correctionnel qui avait repris le dossier ne pouvant que constater l’échec de la procédure judiciaire.

C’est ce que cet amendement vous propose de corriger, en donnant au procureur de la République la faculté de ne pas délocaliser systématiquement un dossier criminel auprès du pôle de l’instruction. Il pourra le confier au magistrat instructeur rattaché au tribunal judiciaire du département où les faits ont été commis, pour qu’il soit instruit sur place en vue d’une comparution de la personne mise en cause devant la cour criminelle départementale. Les crimes dont il est question sont en effet ceux qui relèveront désormais de cette cour, c’est-à-dire pour lesquels la peine encourue est de vingt ans de réclusion criminelle, et lorsque les faits sont simples. S’il apparaît par la suite une difficulté qui n’avait pas été perçue lors de l’ouverture de l’information judiciaire, le dossier pourra toujours être délocalisé vers le pôle de l’instruction, afin de garantir une bonne qualité de l’instruction.

Cet amendement est très attendu par les praticiens et par les justiciables. On évitera beaucoup de fiascos judiciaires en rapprochant le lieu d’une instruction de celui où les gens vivent, et où ils doivent se défendre et préparer leur défense.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Cela me coûte de le dire et c’est de l’ordre du narcissisme total : je déteste cet amendement parce que je n’en ai pas eu l’idée !

C’est un amendement extrêmement important, qui s’ajoutera aux avancées de la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. Selon les remontées d’information qui m’ont été faites, dans les juridictions les magistrats sont très contents de votre proposition. C’est vraiment une idée géniale ! Je sais, monsieur le rapporteur, que vous y travaillez depuis de nombreuses années et vous avez trouvé le bon vecteur législatif. J’accueille cet amendement à bras ouverts. Bravo !

Mme Laetitia Avia. Je salue le travail de longue haleine de notre collègue Stéphane Mazars. C’est une très bonne chose de le voir enfin aboutir. Cet amendement est largement consensuel et répond à une demande provenant des territoires ; il s’inscrit dans notre projet en faveur d’une justice au plus près de chacun. Les députés du groupe LaREM voteront cet amendement avec enthousiasme.

M. Jean Terlier. Je m’associe au concert de louanges adressé à notre collègue Stéphane Mazars. Cet amendement est issu de son expérience d’avocat de terrain, dans un territoire rural qui a subi la fermeture de deux tribunaux. Il se bat sur ce sujet depuis le début de son mandat et j’essaie de m’associer à son combat. Je tiens à le remercier et je crois que l’ensemble des magistrats le font, notamment ceux du tribunal judiciaire de Castres.

Mme Laurence Vichnievsky. Je ne voudrais pas laisser penser par mon absence d’intervention que mon groupe ne soutient pas avec force cette proposition. Bravo ! Je sais que c’est un combat ancien et il est agréable de le voir aboutir. Cette mesure sera effectivement un plus pour les juridictions.

La Commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Amendement CL104 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Dans ce projet de loi, il est question de justice populaire, de confiance dans l’institution judiciaire et de rapprocher le citoyen du fonctionnement de la justice. Nous proposons donc, à titre expérimental, d’introduire des jurés tirés au sort dans les tribunaux correctionnels et de police, ainsi que dans les tribunaux de commerce.

Une expérimentation avait été organisée entre 2011 et 2013 pour les tribunaux correctionnels, à l’initiative de la droite et dans une perspective qui n’est sans doute pas la même que celle que nous avons aujourd’hui à l’esprit. Le rapport d’évaluation de cette expérimentation a montré que, contrairement à ce qui était envisagé, les décisions rendues avec ces jurés n’ont pas été plus sévères.

En revanche, les jurés qui y ont participé en sont ressortis avec une image grandie du fonctionnement de l’institution judiciaire et de la justice en général, comme c’est le cas pour les jurés des cours d’assises. Cela n’est certes pas quantifiable, mais cela constitue une qualité démocratique extrêmement forte. C’est pourquoi nous proposons d’étendre la place des jurés, à titre expérimental. Le fait d’y associer les tribunaux de commerce n’est pas complètement innocent : la confiance dans la justice commerciale pourrait en être améliorée.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons évidentes d’opérationnalité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Les tribunaux de commerce font partie de notre vieille histoire. Ils se sont installés dès le XVe siècle dans les grandes foires. Ils sont composés aujourd’hui de juges bénévoles, élus par leurs pairs parmi les commerçants, les artisans et les dirigeants de sociétés commerciales.

Quant aux autres juridictions que vous voulez doter de jurys populaires, il est quand même curieux que La France insoumise veuille reprendre à son compte, en l’élargissant, une expérimentation menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Celui-ci disait à l’époque qu’en réalité le but était d’aller vers une justice plus sévère.

Les juges des tribunaux de commerce représentent la société civile ; ils connaissent le sujet et ils exercent à titre bénévole. Vous dites, sans argumenter davantage, qu’il n’y aurait pas de confiance dans les tribunaux de commerce. Je voudrais vous rappeler que, lorsque les petits entrepreneurs saisissent le tribunal de commerce en amont d’une procédure collective, dans 75 % des cas leur entreprise est sauvée. J’ai d’ailleurs demandé un rapport sur cette question ; ces mesures ne sont pas suffisamment connues, alors qu’elles sont d’autant plus efficaces qu’elles interviennent en amont. Nous allons préparer un grand plan de communication pour mieux les faire connaître aux petits artisans et petits entrepreneurs en difficulté, pour qui franchir la porte des tribunaux de commerce est humainement souvent très difficile parce qu’ils ont honte.

Attention à la façon dont on présente les choses : on ne peut pas jeter l’anathème sur tous les tribunaux de commerce. Il y a sans doute des choses à améliorer, mais je rappelle que ce sont des hommes et des femmes qui donnent de leur temps à la justice de notre pays, de façon tout à fait bénévole. Et, monsieur Bernalicis, ils paient eux-mêmes leur robe.

M. Ian Boucard. Je ne m’associe pas aux propos de mon collègue Bernalicis sur les tribunaux de commerce ; le garde des Sceaux a rappelé le gros travail réalisé par les juges bénévoles.

Je soutiens néanmoins cet amendement parce que l’objectif de ce texte est d’améliorer la confiance dans l’institution judiciaire. Les citoyens qui en sont les meilleurs défenseurs, qui lui font le plus confiance, sont précisément ceux qui ont été tirés au sort pour faire partie d’un jury populaire. Je partage donc l’objectif d’étendre la présence de jurés aux tribunaux correctionnels et de police.

Je voudrais dire au garde des Sceaux qu’une mesure n’est pas infamante parce qu’elle a été proposée en son temps par Nicolas Sarkozy. Je me réjouis que mon collègue Bernalicis lui reconnaisse des mérites éminents. Je l’invite, d’ailleurs, à regarder plus attentivement le bilan de l’excellent président Sarkozy, et je suis certain que La France insoumise pourra reprendre nombre de ses propositions.

M. Ugo Bernalicis. L’objectif poursuivi, en introduisant des jurés dans les tribunaux correctionnels, était effectivement de rendre la justice plus sévère. Or le rapport d’évaluation de cette expérimentation, en 2014, a montré qu’en fait l’inverse s’était produit. C’est bien pourquoi je souhaite que l’on reprenne et étende l’expérience, ce qui aura pour effet positif que davantage de citoyens connaissent la justice sans être victime ou auteur.

Des rapports parlementaires ont montré que le fonctionnement de la justice commerciale méritait d’évoluer, mais je ne vais pas développer ce point. La présence de jurés dans les tribunaux de commerce serait également souhaitable, sans que cela change pour autant les décisions de ces tribunaux ni empêche les artisans et commerçants dont vous parliez d’y avoir recours. Cela n’a aucun rapport. La présence accrue de citoyens leur permettrait de faire davantage corps avec l’institution judiciaire.

La Commission rejette l’amendement.

Avant l’article 7

Amendement CL106 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. On assiste au déclin du rôle des jurés, notamment au travers de la mise en place de la cour criminelle départementale. Dans la continuité de l’amendement précédent, nous proposons de réorganiser la justice pour y réintroduire directement le peuple.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je vous confirme que l’expérimentation des cours criminelles départementales va prendre fin, puisque ces dernières vont être généralisées. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. La fin de cette expérimentation est certes rapide, mais je ne vais pas épiloguer sur l’absence de véritable bilan : j’étais opposé à cette cour criminelle départementale et ma conviction n’a pas changé. Les cours criminelles départementales remplissent les objectifs de rapidité qui leur ont été assignés. Sur ce plan, elles sont beaucoup plus efficaces que les cours d’assises. Mais elles ont un effet non quantifiable résultant de l’absence de jury populaire, tant sur ceux qui auraient pu être jurés que sur la société en général. Les études qualitatives qui sont réalisées auprès des jurés d’assises montrent que les retours sont toujours extrêmement positifs. C’est la raison pour laquelle, dans l’absolu, je suis favorable à ce qu’il y ait davantage de jurés, et en particulier en matière criminelle.

La Commission rejette l’amendement.

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Seconde réunion du jeudi 6 mai 2021 (14 heures 30)

Lien vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10742666_6093debf2775a.commission-des-lois--confiance-dans-l-institution-judiciaire-suite-6-mai-2021

Article 7 (art. 181, 181-1 [nouveau], 181-2 [nouveau], 186, 186-3, 214, 231, 380-16 à 380-22 [nouveaux] du code de procédure pénale, art. 63 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice) : Généralisation des cours criminelles pour les crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion criminelle

Amendements de suppression CL6 de Mme Brigitte Kuster, CL49 de M. Fabien Di Filippo, CL85 de M. Emmanuel Maquet, CL105 de M. Ugo Bernalicis, CL165 de Mme Marie-France Lorho, CL196 de Mme Cécile Untermaier, CL251 de Mme Marie-George Buffet, CL308 de M. Pascal Brindeau, CL428 de M. Aurélien Taché, CL460 de M. Paul Molac, et CL508 de Mme Emmanuelle Anthoine.

M. Ian Boucard. Je défends les amendements de suppression de nos collègues Brigitte Kuster, Fabien Di Filippo, Emmanuel Maquet et Emmanuelle Anthoine. L’article 7, prévoit de supprimer les jurés, en première instance et pour toutes les affaires criminelles passibles de moins de vingt ans de réclusion, au profit des magistrats : il s’agit des fameuses cours criminelles.

Nous sommes un certain nombre à estimer, au groupe Les Républicains, qu’il ne s’agit pas d’une bonne mesure puisque ces cours éloignent finalement le justiciable de la décision de justice, au profit d’une justice qui serait rendue de manière plus efficace, plus rapide et plus agile. Or nous estimons qu’en démocratie tout ne doit pas être plus efficace, rapide et agile.

Certains pourraient penser que notre assemblée, qu’elle siège en commission ou en séance publique, pourrait être utilement remplacée par une commission de hauts fonctionnaires qui ferait la loi de façon « plus efficace, rapide et agile ». Ce ne serait pourtant pas une bonne chose car le peuple serait ainsi moins représenté.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement s’oppose à la généralisation et à la mise en œuvre des cours criminelles départementales. On a beaucoup entendu, en 2018, en 2019 et aujourd’hui, qu’une justice « rapide » est de toute façon plus efficace. On a même entendu le ministre dire que le taux d’appel équivalait au taux de satisfaction. Or, à sa place, je ne m’emballerais pas car certaines personnes ne font pas appel, même si elles ne sont pas satisfaites d’une décision, parce qu’elles n’ont pas envie d’aller plus loin, parce qu’elles sont épuisées par le fonctionnement judiciaire ou parce qu’elles n’en ont pas les moyens.

Surtout, l’efficacité de la justice n’est pas entièrement quantifiable, puisque c’est de qualité qu’il s’agit avec la présence des citoyens en tant que jurés dans la prise de décision. Quand ils ne sont plus là, cela ne veut pas dire que la décision est moins bonne, ni que les parties ne sont pas satisfaites, mais que le citoyen n’est plus là. C’est parce qu’elle est bénéfique à l’intérêt général que nous avons proposé que cette présence soit étendue à la correctionnelle, au tribunal de police et au tribunal de commerce.

S’agissant toujours de l’efficacité de la justice, si les délais d’audiencement en cour d’assises sont beaucoup trop longs, cela nous ramène une nouvelle fois au manque de moyens.

Mme Cécile Untermaier. Nous avions beaucoup discuté de cette question lors de l’examen de la loi de 2019 : j’avais voté contre en partie en raison de ce dispositif pour des motifs que vous aviez vous-même, monsieur le garde des Sceaux, exprimé de façon sincère et cohérente en tant qu’avocat, ce dont on ne peut vous faire le reproche, puis, en tant que ministre de la justice, dans l’Hémicycle, au cours de vos premières séances. Or le programme présidentiel vous rattrape...

J’avais voté contre car cela ne s’inscrit pas dans le sens de l’ouverture de la justice sur la société et parce que les cours criminelles sont une régression par rapport au dispositif de la cour d’assises. En repli, il avait été décidé d’une expérimentation qui prévoyait, grâce à l’un de mes amendements, qu’un bilan partagé en soit fait avec les avocats.

Force est de constater que, même dans une loi visant à rétablir la confiance, on ne respecte pas les engagements pris dans la loi de 2019, et que, finalement, on accélère le dispositif dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, sans qu’on en comprenne les raisons et sans attendre ce bilan partagé. Or les études et les missions qui sont mises en avant sont intéressantes mais ne sauraient le remplacer, le Conseil d’État les jugeant lui-même insuffisantes, dans son avis.

Cela prouve que l’expérimentation est en réalité toujours une politique avançant à pas feutrés avant d’être généralisée. Il s’agit en fait d’un outil d’infiltration d’un dispositif qui pose problème.

M. Pascal Brindeau. Notre amendement de suppression s’inscrit dans la logique des préoccupations que nous avions déjà exprimées à l’égard de ce nouveau dispositif lors de l’examen de la loi de programmation pour la justice.

Vous lui trouvez aujourd’hui deux vertus : la première, c’est d’accélérer un certain nombre de procédures, la seconde d’éviter la correctionnalisation, en particulier dans les affaires de viol. Pour autant, il paraît un peu antinomique de vouloir accélérer sur le principe les cours criminelles départementales et de généraliser avant même la fin de l’expérimentation l’exclusion des jurés populaires de la justice pénale alors que l’un des objectifs du projet de loi est de remettre le citoyen au cœur de la justice, donc de son exercice.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Aujourd’hui, le « stock » d’affaires devant les cours d’assises est de treize mois, le délai d’audiencement de quarante mois et les durées de détention provisoires sont trop importantes, alors que les victimes, maltraitées dans le système actuel dans un certain nombre de cas, attendent justice.

Que fait-on ? Alors que nous étions déjà aux responsabilités, il a été proposé en 2019, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice, d’expérimenter des cours criminelles départementales. Étant viscéralement attaché à la cour d’assises dont j’ai toujours dit que je ne serai pas le fossoyeur, je ne suis pas certain que j’aurais voté cette disposition si elle n’avait pas pris la forme d’une expérimentation, que nous avons évaluée, avec Antoine Savignat, et qui l’a également été par d’autres, comme M. Jean-Pierre Getti, ainsi que par les services du ministère.

Tous, nous concluons tous que ce système fonctionne, avec des critères que vous pouvez trouver un peu expéditifs ou partiels, comme le font ceux qui ne proposent aucune alternative. Les praticiens, notamment les juges et les avocats, nous disent qu’il fonctionne plutôt bien et que la justice rendue est de qualité : elle doit donc être pérennisée.

Deux choses à propos du caractère inabouti de l’évaluation de cette expérimentation : tout d’abord, si nous considérons qu’elle est positive, se pose alors la question de sa pérennisation. Or nous savons que nous n’aurons pas d’autre véhicule législatif d’ici la fin de la législature. Ensuite, deux façons de juger les mêmes crimes passibles de vingt ans de réclusion criminelle cohabitent, or il ne faut pas que se prolonge une situation qui pose un vrai problème d’égalité de traitement des affaires criminelles.

C’est la raison pour laquelle il était légitime que nous lancions, au travers de ce texte, le débat sur la pérennisation de la cour criminelle départementale. On nous dit que ce serait la mort annoncée de la cour d’assises. C’est faux : elle va perdurer et continuer à juger les crimes les plus importants, c’est-à-dire tous ceux commis en récidive, ceux passibles d’une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle, ainsi que tous ceux faisant l’objet d’un appel.

Notre volonté n’est donc pas de remplacer la cour d’assises par la cour criminelle départementale, mais de faire cohabiter, de manière rationnelle, deux systèmes juridictionnels qui ont vocation à juger les crimes. La modification des règles de majorité prévue à l’article 6 montre que nous voulons affirmer plus encore ce qu’est la cour d’assises dans notre système judiciaire, c’est-à-dire l’expression de la souveraineté populaire et de la démocratie participant à l’action de justice.

Il est vrai qu’afin d’assurer une justice de qualité, il faut inscrire, peut-être dans la loi, les bonnes pratiques de la cour criminelle départementale que nous avons, avec Antoine Savignat, relevées dans notre rapport.

Nous avons, comme M. Jean-Pierre Getti et sa commission, identifiée qu’elle préservait l’oralité des débats, à laquelle nous tenons particulièrement et dont vous verrez que nous gravons dans le marbre la nécessité d’en conserver le principe. Ce qui la garantit est la qualité de la présidence de la cour départementale : nous vous proposerons un amendement pour que le président de la cour départementale soit obligatoirement celui de la cour d’assises, puisque nous voulons créer un véritable pôle criminel.

L’efficacité est très subjective, selon qu’elle est appréciée par l’accusation, par la défense ou par la partie civile. Du point de vue de l’accusé, le taux d’appel est un indicateur assez précieux. Si je ne sais pas s’il faut l’appeler « indicateur de satisfaction », je le considère comme un véritable critère d’acceptabilité de la décision rendue marquant également, en matière judiciaire, la qualité, la sincérité et la confiance envers l’institution amenée à juger avec sévérité contre lui.

Voilà les raisons qui à mon sens militent en faveur de la cour criminelle départementale. M. Bernalicis y est opposé parce que, à l’avenir, moins de citoyens seraient amenés à connaître des affaires criminelles. Je ne crois pas que ce soit le cas, puisqu’il y aura toujours de nombreux crimes devant la cour d’assises compte tenu des stocks existants.

Nous avons voté au cours des derniers mois des textes qui vont encore alimenter les audiences criminelles, c’est-à-dire que de plus en plus d’affaires seront portées devant les juridictions criminelles. Le système permettra de juger tous ces crimes dans des délais beaucoup plus raisonnables et de manière beaucoup plus rationnelle et satisfaisante.

Voilà l’ensemble des motifs pour lesquels je m’oppose bien évidemment aux amendements de suppression. Je vous demande encore une fois de vous inscrire dans une dynamique positive concernant cette juridiction qui continuera à faire ses preuves si nous lui apportons les garanties présentées dans ce texte.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Je reprends un mot prononcé par M. le rapporteur : celui de responsabilité. Nous sommes aux responsabilités et cela nous engage.

Les Français doivent savoir que les magistrats, comme les avocats et les justiciables eux-mêmes, sont dans leur grande majorité satisfaits. Le taux d’appel est significatif : 32 % pour les cours d’assises classiques, et 21 % pour les cours criminelles départementales. Vous avez raison, monsieur Bernalicis, il y a des gens mécontents qui ne font pas appel, mais ce n’est pas la grande majorité : ces chiffres ont un sens.

Si les délais d’audiencement font que les victimes attendent, les accusés attendent également, souvent en détention. J’ajoute la question de la correctionnalisation qui hante beaucoup de victimes dans les affaires de viol. De plus de nouveaux crimes ont été très légitimement créés – comme le fait pour un homme de recourir aux services d’une prostituée ou d’un prostitué mineur de 15 ans – lorsque nous avons travaillé ensemble sur la proposition de loi Billon. Il y avait donc un risque d’embolisation de la juridiction.

Je le martèle : la cour d’assises est compétente pour les crimes les plus graves. Deuxième degré de juridiction, elle aura à connaître en appel des décisions rendues par les cours criminelles départementales.

Monsieur Boucard, je trouve tout de même un peu fort de café que vous présentiez cet amendement alors que c’est vous qui avez tué la souveraineté populaire. C’est en effet sous la présidence de Nicolas Sarkozy que l’on a diminué drastiquement le nombre de jurés : de neuf à six en première instance, et de douze à neuf en appel ! Cette juridiction, que vous défendez aujourd’hui bec et ongles, n’était plus, à cause de vous du fait de la suppression de la minorité de faveur, l’expression de la souveraineté populaire ; c’est ce que nous rétablissons dans l’article 6.

M. Pascal Brindeau. Diminuer le nombre de jurés ne met pas fin à cette souveraineté.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avoir passé ma vie devant les cours d’assises me donne un peu de légitimité pour vous dire qu’aujourd’hui, pour la première fois de l’histoire de la cour d’assises, un homme peut être condamné sans qu’une majorité de jurés se soit exprimée en faveur de la culpabilité. Or c’est bien cela qui permet ou non de dire que l’on est en présence d’une juridiction qui consacre la souveraineté populaire. Mécaniquement et arithmétiquement, on peut aujourd’hui condamner quelqu’un avec six voix, par exemple trois magistrats professionnels – ce n’est qu’une hypothèse car ils ne sont pas forcément d’accord – et trois jurés. Désormais, il faudra quatre jurés pour condamner quelqu’un.

Nous rétablissons donc la souveraineté populaire que Les Républicains avaient supprimée. Si ces murs ont des oreilles, ils ont aussi parfois une mémoire.

Je suis défavorable aux amendements.

Mme Alexandra Louis. En 2019, si je nourrissais moi aussi quelques inquiétudes quant aux cours criminelles départementales, comme notre rapporteur, j’ai voté cette disposition parce qu’elle devait se faire à titre expérimental. J’ai aujourd’hui la très ferme conviction que l’on peut tout à fait assurer la pérennisation de ces cours sans trahir notre attachement à la cour d’assises et aux jurés populaires.

Lorsque j’ai été missionnée pour évaluer la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, un sujet est revenu au cours de toutes les auditions : la correctionnalisation, mal vécue par certaines victimes comme par certains de nos concitoyens, tout simplement parce qu’elle consiste à juger un crime comme un délit, c’est-à-dire à ne pas juger des faits à leur juste degré de gravité. Elle s’explique par plusieurs facteurs, certains étant plus acceptables que d’autres : certaines victimes l’acceptent parfois parce que les délais sont trop longs, d’autres parce qu’elles ne veulent pas aller devant la cour d’assises, trop impressionnante.

J’ai également à cette occasion posé la question des cours criminelles départementales : tous les retours ont été très positifs, parce qu’elles donnent une option supplémentaire à la victime. Un président de cour d’assises m’avait dit : « La cour criminelle départementale n’est pas une cour d’assises au petit pied. » Selon lui, le fait d’avoir préservé l’oralité et la solennité de la cour d’assises a permis aux mis en cause, mais également aux victimes, d’avoir une bonne justice et un procès de qualité.

Je suis donc favorable à la pérennisation de cette expérimentation, d’autant que nous avons plus que jamais besoin de ce cadre juridictionnel eu égard à la loi que nous avons votée il n’y a pas longtemps sur les délits et crimes sexuels sur mineurs. Il n’y a pas concurrence mais complémentarité entre la cour criminelle départementale et la cour d’assises : nous rendrons une meilleure justice.

M. Pascal Brindeau. Il y a, monsieur le rapporteur, quelque contradiction à affirmer que la généralisation des cours criminelles départementales ne contreviendrait pas au principe de jury populaire puisqu’on le retrouve en appel. Certes, mais vous avez expliqué qu’il y avait moins d’appels grâce à ces cours et à la meilleure acceptation des décisions. Mais on voit ainsi que l’on passe d’un système de jury populaire à un autre, dans lequel il intervient moins, de façon mécanique et numérique.

Tout aussi contradictoire est votre argumentation selon laquelle les citoyens seront toujours au cœur de la justice, à travers les jurés, puisqu’il y aura toujours autant de crimes passibles des assises. Il faudrait donc mécaniquement plus de crimes, ce que personne ne souhaite évidemment, pour que les cours d’assises soient davantage sollicitées.

Monsieur le garde des Sceaux, le procès en suppression de la souveraineté populaire peut également vous être fait : si Nicolas Sarkozy a diminué le nombre de jurés, ce qui fait qu’aujourd’hui quelqu’un peut être condamné par une minorité de jurés, avec vos cours criminelles départementales, vous supprimez totalement la notion même de jury.

Mme Laurence Vichnievsky. J’ai été dès l’origine très favorable à la création des cours criminelles départementales, expérimentation que mon groupe avait soutenue. Si l’on peut certes regretter que nous mettions un terme, en la raccourcissant, à ce que nous avions voté, la mission d’évaluation de nos collègues nous a donné la satisfaction de constater que ce que nous, c’est-à-dire un certain nombre de professionnels, avions prévu, a été confirmé.

Si elle n’était pas satisfaisante sur le principe, la correctionnalisation, évoquée aussi bien par M. le rapporteur que par ma collègue Alexandra Louis et par M. le ministre, était une pratique qui permettait d’avoir dans des délais assez raisonnables une réponse judiciaire finalement pas si contestée que cela. Je rappelle en outre qu’elle nécessitait l’accord des parties et qu’elle n’était donc pas de droit.

L’instauration de ces cours criminelles départementales, composées chacune de cinq magistrats, dont certains peuvent être des magistrats à titre temporaire, répond en réalité à la nécessité de rationaliser et préserve l’oralité des débats, tout en apportant des garanties en matière de fonctionnement : elle constitue donc une très bonne réponse et n’est pas un compromis.

S’agissant de la souveraineté populaire, il est difficile de critiquer la diminution supposée de son rôle car, en prévoyant qu’une décision de culpabilité ne peut intervenir qu’avec une majorité de jurés, on revient sur une pratique qui n’était en fait pas conforme à l’objectif ou à la fonction de la cour d’assises.

M. Antoine Savignat. Comme vient de le dire Laurence Vichnievsky, nous étions quelques-uns à être fermement opposés à cette expérimentation lors des débats en 2018, ce qui explique ma motivation pour conduire cette mission flash avec Stéphane Mazars.

Fort de ma conviction, j’ai pourtant été amené à changer d’avis sur le sujet puisque pas une seule de toutes les personnes auditionnées ne nous a dit : « Cela ne marche pas, c’est une mauvaise chose. » Certaines étaient certes opposées aux cours criminelles pour des raisons théoriques mais sans jamais s’y être rendues.

Toutes nous ont dit qu’elles fonctionnaient bien, particulièrement les victimes et les associations de victimes qui ont souligné leur caractère plus rassurant, leur ambiance un peu plus feutrée et moins exposée, ainsi que la plus grande technicité et la moindre personnalisation de leurs débats. Elles leur évitent de réexposer toute leur histoire et donc de dérouler une nouvelle fois une vie entière, ce qui est parfois particulièrement traumatisant pour les victimes.

Comme l’a dit Alexandra Louis, ces juridictions permettent également d’éviter la correctionnalisation : or l’immense majorité des dossiers jugés par la cour criminelle ne serait de toute façon jamais allés devant la cour d’assises. On peut en outre conserver la qualification criminelle, ce qui est un avantage, particulièrement en termes de récidive et de peines encourues.

S’agissant de la souveraineté populaire, puisque tous les ans des jurés sont tirés au sort par les cours d’assises, vous pouvez, Monsieur le ministre, par la voie réglementaire, prévoir une journée d’échange entre les chefs de juridiction et les jurés populaires en lieu et place de la seule audience solennelle de rentrée, bien surannée.

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas parce que l’on est farouchement opposé – je l’étais et je le reste – aux cours criminelles départementales que l’on est pour la correctionnalisation. Je suis favorable à ce que l’on augmente les moyens des cours d’assises et le nombre de leurs audiences. Or on ne met pas de moyens sur la table : cette année, on compte par exemple 195 élèves magistrats de moins à l’École nationale de la magistrature qu’en 2016. C’est votre responsabilité, puisqu’en 2021 vous n’ouvrez que 50 postes de plus, ce qui est moins bien que Mme Belloubet qui en avait ouvert 100 de plus l’année dernière.

Au fond, vous nous dites à propos de la cour criminelle départementale : « There is no alternative ». Il faut être pour, parce que cela va plus vite et parce que sinon, on est pour la correctionnalisation ! Que nous disent l’étude d’impact et l’avis du Conseil d’État ? Que si demain nous voulions supprimer l’ensemble des correctionnalisations, ce qui serait peut-être utile, cela emboliserait d’autant les cours criminelles départementales, ce qui aboutirait à des délais d’audiencement similaires à ceux des cours d’assises.

Vous avez beau retourner le truc dans tous les sens, à moyens constants vous n’atteindrez pas vos objectifs. Qui plus est, vous ne pouvez pas quantifier l’absence de jurés : comment voulez-vous comparer deux choses incomparables ?

Mme Cécile Untermaier. Je réagis aux propos opposant d’un côté une majorité responsable et de l’autre des inconscients : nous agissons également en responsabilité. Or je considère que le petit pas qui nous est proposé peut préfigurer de grands abandons.

Même si cela ne se voit pas dans le texte pour le moment, j’admets que vous allez renforcer l’oralité des débats, au travers de garanties, et agir de manière efficace s’agissant de la présidence de ces cours.

Pour autant, lorsque l’on vote un texte, les dés ne doivent pas être pipés : l’expérimentation impliquait un bilan, auquel on ne peut pas substituer un rapport qui va conclure que finalement tout le monde est satisfait.

Je rencontre des présidentes – ce sont le plus souvent des femmes – de tribunal, modernes, absolument pas conservatrices et corporatistes, qui me disent que la cour d’assises est un grand moment et qui regrettent la création des cours criminelles car elles redoutent un engrenage possiblement délétère.

L’avis du Conseil d’État indique par ailleurs : « […] ce bilan, qui est à verser dans l’étude d’impact, ne comporte pas les données nécessaires pour évaluer qualitativement les résultats de l’expérimentation. […] ». Nous avons voté un texte : il faut aller au bout de l’expérimentation, faire le bilan partagé avec les acteurs et, ensuite seulement, pérenniser.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je reviens sur un élément important du débat : le dispositif permettra de lutter efficacement contre les correctionnalisations, ce qui doit être désormais l’un des objectifs de la politique pénale, avec ce nouvel outil qu’est la cour criminelle départementale. Certaines infractions constituent bien des crimes qui ne doivent plus être déclassés en délits afin d’être jugés devant le tribunal correctionnel.

Pourquoi y a-t-il des correctionnalisations ? Souvent parce que la victime ne s’est pas forcément intéressée à son sort dans le cadre de la procédure pénale. J’ai dénoncé ces instructions menées à distance, avec une déperdition de la qualité de la défense, à laquelle il sera remédié en instruisant les dossiers là où les gens vivent et où les faits ont été commis.

La correctionnalisation peut également être liée à une volonté d’aller plus vite. Or, avec la cour criminelle départementale, on pourra bien répondre plus rapidement aux attentes de certaines victimes.

Surtout, certaines correctionnalisations sont liées au fait que la victime est fragile et qu’aborder en tant que victime un procès d’assise est extrêmement violent et difficile, notamment lorsque les faits sont contestés par l’accusé. Les victimes préfèrent souvent à la cour d’assises le cadre plus rassurant de l’audience plus feutrée, sans oralité ni confrontation que propose le tribunal correctionnel.

Nous leur offrons désormais la possibilité que leur affaire soit jugée en tant que victime de crime devant une cour criminelle dont tout le monde s’accorde à dire que, sur le plan formel et sur celui de la solennité, elle est du niveau de la cour d’assises : on est donc en mesure d’apporter aux préventions de certaines victimes une réponse à la hauteur de notre ambition depuis le début de ce quinquennat : mieux considérer les victimes de violences, notamment sexuelles.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je saisis l’occasion de remettre un peu les points sur les i et les barres sur les t. J’en ai un peu assez, pour ne rien vous cacher, de ce qui est diffusé d’une façon tout à fait mensongère, depuis des mois, par certains – tout le monde comprendra de qui je parle.

Il est facile de parler sans cesse du budget. Mais vous n’avez pas voté mon budget alors qu’il a augmenté de 8 % par rapport au précédent. C’est un budget historique : on n’avait pas fait mieux depuis vingt-cinq ans. Au lieu de le voter en disant qu’il est plutôt encourageant, vous le refusez, parce qu’il ne serait pas suffisant. Nous avons un point commun, monsieur Bernalicis, j’aurais aimé avoir le double ou le triple, voire le quadruple, mais vous savez qu’il y a quelques priorités et que les choses ne se font pas en claquant des doigts. Il y a les « y a qu’à, faut qu’on » et ceux qui agissent.

Savez-vous, monsieur Bernalicis, combien il y avait de magistrats en 2017 ? 8 427. Savez-vous combien ils étaient au 1er janvier 2021 ? 9 090. On vient de franchir une barre historique, jamais atteinte. Savez-vous quel était le taux de postes vacants en 2017 ? 6,22 %. Le taux est aujourd’hui de 0,56 %.

Savez-vous combien de personnels de greffe nous avons embauchés ? Nous avons recruté 10 000 fonctionnaires entre 2017 et 2021, dont 1 906 pour cette année, parmi lesquels 796 greffiers. Ces recrutements ont permis la création de 827 emplois de greffiers durant le quinquennat. Je veux bien qu’on débatte de tout mais il faut faire attention aux chiffres. Je ne le dis pas pour vous – je sais que vous les connaissez – mais pour ceux qui nous écoutent. S’agissant de l’année 2021, 30 emplois de directeurs des services de greffe, 100 emplois de greffiers et 20 emplois de secrétaires administratifs ont été créés – et ce sont des emplois nets.

J’en viens aux magistrats à titre temporaire (MTT) : au 1er mars 2021, il y en avait 461, dont 107 avocats. Nous avons prévu de recruter 80 nouveaux MTT en 2021. En outre, 264 magistrats honoraires exercent des fonctions juridictionnelles.

Il y a ensuite les renforts de la justice pénale de proximité. Un effort historique d’embauche a été réalisé, et certains ont osé parler de « rustines » : quel scandale ! Ceux-là ne proposent jamais rien – à vous, des amendements, peut-être, mais à la chancellerie, peu de choses. Cela représente 1 100 emplois, c’est-à-dire un renfort de 5 % du personnel qui profite à toutes les juridictions françaises. Nous venons d’en embaucher de nouveau 1 000 – 1 000 « rustines » diront encore certains. Cela signifie 10 % de personnels en plus dans toutes les juridictions.

Les critiques que j’entends commencent franchement à me mettre en colère. Certains ne quittent peut-être pas suffisamment Paris pour aller sur le terrain, comme je le fais, pour voir les magistrats qui ont les mains dans le cambouis. Ils me disent, je vous promets que c’est vrai, qu’ils ont maintenant des problèmes de riches. Dans toutes les juridictions, grandes, petites ou moyennes, où je suis allé, on trouve que c’est merveilleux d’avoir ces personnels supplémentaires. On m’a dit à Valenciennes que cela permet notamment de mener un programme concernant la relation entre le parquet et les élus qui était prévu mais ne pouvait pas voir le jour. Vous verrez ce qui a été fait – les premiers retours d’expérience arrivent – s’agissant de la petite délinquance, celle qui pourrit la vie des Français et qui n’était pas traitée. J’ambitionne aussi un très large programme de réduction des stocks.

Peut-on, alors, parler de « rustines » et dire qu’on ne fait « rien » ou « pas assez » ? Il y en a marre ! Les chiffres, absolument incontestables, sont là.

Quant à la culture citoyenne que vous appelez de vos vœux, par le truchement du jury, on l’assurera grâce au fait que les audiences seront filmées. Il existe une cour d’assises par département, et il arrive qu’il n’y ait qu’une seule session par an : cela touche, au fond, assez peu de monde. Je souhaite une émission pédagogique hebdomadaire, apportant toutes les explications utiles, pour nos concitoyens, qui ont statistiquement peu de chances d’être tirés au sort et de devenir jurés. Ce sera ouvert à tout le monde. Je suis sensible à votre argument, mais on sera mille fois plus efficace en matière de culture citoyenne avec de tels films qu’à travers le tirage au sort.

Je me suis un peu énervé, pardon. Les chiffres que j’ai donnés sont à l’honneur de ce Gouvernement et de cette majorité. On ne triche pas avec les chiffres : 1 000 embauches, c’est 1 000 embauches, pas 500. Je le dis à tous les députés, les yeux dans les yeux : nous les avons réalisées. Je les ai souhaitées, je les ai construites, et ce n’est pas un résultat négligeable.

Je vous invite à vous rendre un jour avec moi dans une juridiction. Je vous lance le défi. Vous entendrez ce que disent les magistrats qui ont les mains dans le cambouis. C’est eux qui m’intéressent, et c’est aussi pour eux que je travaille.

M. Ugo Bernalicis. Je préfère, en général, aller dans les juridictions sans le garde des Sceaux, mais je répondrai avec plaisir à votre invitation.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL514 et CL513 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CL357 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL437 de M. Aurélien Taché.

Elle adopte successivement les amendements CL512, rédactionnel, CL569, de précision, et CL542, rédactionnel, du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL452 de Mme Sylvia Pinel.

Amendements CL319 de M. Jean Terlier et CL397 de Mme Muriel Roques-Étienne (discussion commune).

M. Jean Terlier. Si vous le permettez, je vais laisser Mme Roques-Étienne s’exprimer en premier.

Mme Muriel Roques-Étienne. Merci de m’accueillir au sein de votre commission.

Mon amendement est le fruit d’une consultation des avocats du barreau de Castres sur ce texte. Je suis députée d’une circonscription comportant deux tribunaux : celui d’Albi et celui de Castres. Nous souhaitons que les cours criminelles départementales ne soient pas systématiquement installées dans le tribunal où siège habituellement la cour d’assises. Le dispositif que je propose s’appliquerait aux départements, assez nombreux, qui accueillent plusieurs juridictions – dans ma région, c’est le cas du Tarn mais aussi de la Haute-Garonne, de l’Aude, de l’Hérault et du Gard. Une telle situation existe aussi dans d’autres régions, comme les Hauts-de-France et le Grand Est, et dans de nombreux départements ruraux tels que la Corrèze et la Dordogne.

Pour des raisons matérielles, certains palais de justice ne peuvent plus accueillir de nouvelles cours alors que d’autres, dans le même département, ont des possibilités d’extension mais ne seraient pas retenus pour l’implantation des cours criminelles départementales. Cela concerne notamment les tribunaux d’Albi et de Castres.

Dans une logique de confiance dans la justice, il est important que celle-ci se déploie dans tous les lieux de justice existants au sein d’un même département. Nous montrerons ainsi aux justiciables que la justice est présente partout et que son personnel peut se déplacer vers eux, nous assurerons une meilleure répartition des dossiers criminels entre les juridictions et nous enverrons un signal fort aux personnels de justice : la centralisation départementale de la justice n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas l’objectif de ce texte.

M. Jean Terlier. Lorsque l’expérimentation des cours criminelles départementales a été lancée dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice, j’avais engagé des démarches pour que, dans les départements comptant deux tribunaux judiciaires, la nouvelle cour ne siège pas au même endroit que la cour d’assises, tout simplement par équité territoriale. Ce n’est pas le choix qui a été fait à l’époque, mais je souhaitais que la cour criminelle départementale puisse être implantée à Castres alors que la cour d’assises se trouve à Albi.

L’essence même des cours criminelles départementales est d’assurer la justice de proximité que vous voulez, monsieur le garde des Sceaux : une justice de qualité et plus rapide. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, qu’il est important que l’instruction ait lieu à l’endroit où les faits ont été commis et où les victimes vivent. Je crois que c’est également important pour le déroulement des procès devant les cours criminelles départementales. Je vous demande de bien vouloir regarder ces amendements avec attention. Les cours criminelles départementales doivent faire partie de la justice de proximité qui est tant attendue par nos concitoyens.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de discuter avec vous de ces amendements, et je connais bien la situation du Tarn – vous êtes, en quelque sorte, mes plus proches voisins.

Votre proposition s’inscrit dans la démarche qui consiste à rétablir une présence judiciaire dans des lieux où elle a disparu ou bien où elle a été quelque peu réduite. C’est la marque de fabrique du garde des Sceaux et de cette majorité : nous voulons, contrairement à nos prédécesseurs, recréer une présence du service public de la justice au plus près de nos concitoyens.

Je suis assez favorable à ces amendements, d’autant qu’ils font écho à un point que nous avons soulevé, Antoine Savignat et moi, dans notre rapport : il est parfois difficile de concilier, matériellement, une session de cour d’assises et une session de cour criminelle départementale. Leur dissociation peut donc être utile. Dans la rédaction que vous prévoyez, il ne s’agirait pas d’une obligation : ce ne serait pas systématique, on pourrait décider d’une manière très fine, en fonction de l’agenda, du type de dossiers et du lieu où les faits ont été commis.

Sur le plan des principes, je suis assez favorable à ce que vous proposez, je l’ai dit, mais je souhaite entendre le garde des Sceaux. Il pourrait y avoir quelques difficultés d’application. Néanmoins, je ne pense pas qu’elles soient insurmontables, et on pourra facilement retravailler sur cette question d’ici à la séance.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Vous ne doutez de rien : pour résumer, d’une façon un peu caricaturale, vous demandez au ministre de la justice de refaire la carte judiciaire…

Je ne suis pas nécessairement opposé à vos amendements, car ils vont dans le bon sens, celui de la justice de proximité, mais j’ai deux bémols à apporter. Symboliquement, qu’on puisse penser qu’une des deux juridictions criminelles est plus importante que l’autre me chagrine un peu. La question de la faisabilité me taraude aussi : les services sont un peu préoccupés – je vais le dire ainsi. Il ne faudrait pas se heurter, sur le plan technique, à un mur qui rendrait impossible ce qu’on a espéré.

Je ne sais pas si les difficultés sont insurmontables ou non, mais l’idée est bonne : tout ce qui va dans le sens de la justice de proximité est positif. Nous pourrons retravailler sur ce sujet.

Mme Laetitia Avia. Le groupe La République en Marche soutient cette initiative et continuera à le faire en séance si jamais les amendements sont retirés à ce stade.

Nous avons déjà adopté d’autres dispositions visant à donner davantage d’agilité. La rédaction actuellement prévue est extrêmement stricte : la cour criminelle départementale doit siéger « au même lieu que la cour d’assises ». Le renvoi aux conditions prévues aux articles 234 et 235 du code de procédure pénale consiste, finalement, à renvoyer à un décret. Nous aurons les moyens d’agir concrètement pour que tout cela fonctionne.

M. Jean Terlier. Je retire mon amendement, en remerciant M. le rapporteur et M. le garde des Sceaux pour leur soutien sur le fond. Sur la base d’une bonne entente entre les différents magistrats, la cour criminelle départementale siégerait tantôt à Albi et tantôt à Castres. Je pense qu’il n’y aurait pas de difficulté technique insurmontable. Merci d’avoir accepté de retravailler sur cette question d’ici à la séance.

Mme Muriel Roques-Étienne. Je retire également mon amendement, et je suis disponible pour retravailler sur ce sujet.

Les amendements CL319 et CL397 sont retirés.

Amendements CL62 de M. Antoine Savignat et CL575 du rapporteur (discussion commune).

M. Antoine Savignat. Comme l’a dit le rapporteur, nous avons remarqué qu’un problème matériel pouvait se poser. Néanmoins, il ne faut pas déconnecter la cour d’assises et la cour criminelle départementale : cela ressort également des travaux que nous avons menés. Ces deux cours doivent travailler ensemble, la main dans la main.

Je propose que le président de la cour criminelle départementale soit ou ait été président d’une cour d’assises. Un des éléments qui fonctionnent très bien dans les cours criminelles départementales est le respect de l’oralité du débat et le fait que les audiences se tiennent de la même façon que devant les cours d’assises. Il faut préserver cela. La cour criminelle départementale ne doit pas être une super correctionnelle ou une sous cour d’assises.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Mon amendement vise également à assurer la qualité des débats grâce à l’expérience de ces audiences particulières où l’oralité et la confrontation doivent vivre. Nous avons constaté, dans le cadre de notre évaluation, que c’était le cas et il faut que cela perdure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis défavorable à l’amendement de M. Savignat et favorable à celui du rapporteur.

Elle adopte l’amendement CL575.

En conséquence, l’amendement CL62 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL453 de Mme Sylvia Pinel.

La commission adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Possibilité, à titre expérimental, de désigner un avocat honoraire pour exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Amendements de suppression CL80 de Mme Marine Brenier, CL83 de M. Emmanuel Maquet, CL166 de Mme Marie-France Lorho, CL224 de M. Didier Paris, CL302 de M. Éric Ciotti, CL309 de M. Pascal Brindeau, CL324 de M. Dimitri Houbron et CL411 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Pascal Brindeau. Nous rejetons l’idée qu’un avocat honoraire puisse exercer des fonctions juridictionnelles. Cette proposition n’a fait l’unanimité ni chez les magistrats ni chez les avocats qui ont été auditionnés.

Vous nous avez assuré que les recrutements qui ont eu lieu, du côté des magistrats, font que ce sont désormais des « questions de riches » qui se posent dans certains tribunaux. On ne devrait donc pas être obligé de faire appel à des avocats honoraires.

Par ailleurs, il résulte des conditions prévues – outre la question de l’âge, les avocats concernés ne devront pas avoir exercé leurs fonctions dans le ressort de la cour d’appel depuis un certain temps – que cela ne concernera a priori que peu de personnes.

Comme nous ne voyons ni la légitimité ni l’utilité de ces dispositions, nous demandons leur suppression.

M. Dimitri Houbron. Dans leurs fonctions juridictionnelles, les magistrats professionnels et non professionnels, exerçant à titre temporaire, qui composent les cours d’assises et les cours criminelles départementales sont garants des libertés individuelles et ils exercent leurs missions dans le strict respect des droits des accusés. Nous ne pensons pas que la présence d’un avocat honoraire apporte une expertise complémentaire en matière de droits de la défense et que cette présence soit davantage justifiée que celle d’autres professionnels du droit, d’anciens policiers ou de psychiatres. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.

Mme Laurence Vichnievsky. Les auditions ont fait apparaître des réserves, voire une opposition de la part de l’ensemble des magistrats et d’une très large majorité des avocats que nous avons entendus. Ils sont tous d’accord pour dire qu’il y a, certes, un problème de manque de moyens mais que la réponse proposée n’est pas acceptable. Un recrutement plus important d’avocats en tant que magistrats temporaires aurait peut-être été une piste plus apaisante.

On peut comprendre les réserves des magistrats compte tenu de ce qui motiverait la présence des avocats honoraires. On dit notamment que ce serait une façon de rapprocher les avocats et les magistrats, mais je pense qu’il faut d’abord développer la formation, initiale et continue, et renforcer la présence de ces deux professions dans certaines commissions, y compris disciplinaires. Par ailleurs, il faut se souvenir qu’il existe des garanties statutaires différentes et que les missions sont également différentes. Les avocats défendent et les magistrats jugent. Le mélange des genres ne me paraît pas apporter des garanties supplémentaires aux justiciables.

Je voudrais citer, pour terminer, monsieur le garde des Sceaux, votre excellent confrère Hervé Temime. Alors que j’étais jeune magistrate et que nous participions ensemble à un colloque, je lui ai dit que nous devions être satisfaits d’appartenir à une belle institution, une belle maison commune. Je me souviendrai toujours de sa réponse. Il m’a dit, d’une façon très judicieuse, qu’il ne fallait pas oublier que l’avocat n’est pas au service de l’institution judiciaire mais de son client.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements de suppression, car je suis pour la présence d’avocats honoraires dans les cours criminelles départementales et les cours d’assises. C’est une disposition que nous avons suggérée, Antoine Savignat et moi, au terme de notre mission flash.

Nous avons rencontré des membres des cours criminelles départementales – à chaque fois un président de cour d’assises, deux magistrats assesseurs venant des tribunaux judiciaires, un magistrat à titre temporaire (MTT), qui peut être un avocat ou un avocat honoraire – même si c’est peu fréquent – et un magistrat honoraire. Les présidents nous ont souvent dit qu’il était difficile de trouver des magistrats honoraires. Il n’y en a pas qui prennent leur retraite dans tous les chefs-lieux des départements. Nous avons donc suggéré que des avocats honoraires, qui prennent souvent leur retraite là où ils ont fait carrière, puissent siéger dans les cours criminelles départementales, pour favoriser un regard croisé de personnes venant d’horizons divers, mais liés à l’activité judiciaire. Nous nous félicitons que le projet de loi reprenne cette idée.

Voilà ce qui nous a motivés. Il ne s’agit pas de placer auprès des magistrats professionnels un avocat honoraire qui serait l’expert des droits de la défense et qui contrôlerait le travail des magistrats. Ce n’est pas du tout dans cet état d’esprit que nous avons suggéré la présence d’un avocat honoraire.

Nous pensons qu’il s’agit d’une mesure utile, judicieuse, qui contribuera à la bonne qualité de la justice rendue par les cours criminelles départementales et les cours d’assises. L’idée qu’un avocat – et pas seulement honoraire – puisse siéger dans une juridiction pénale se trouve déjà dans le code de l’organisation judiciaire. Il m’est arrivé de participer à un tribunal correctionnel lors d’une comparution immédiate : on prend le doyen des avocats présents à l’audience. J’avais deux ans de barre, et c’est moi qui ai assumé cette belle fonction – j’étais le seul disponible à l’audience.

Je peux vous assurer que lorsque vous êtes avocat et que vous portez la robe de magistrat, ponctuellement, vous vous mettez à la hauteur de la fonction. Vous apportez toute votre expérience, toute votre connaissance du droit, et vous prenez la juste mesure de la mission qui vous est confiée.

J’ajoute que des garanties sont prévues par le projet de loi organique concernant les obligations qui pèseront sur les avocats honoraires concernés.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Les magistrats anglais sont tous d’anciens avocats, et une grande majorité des magistrats suisses et belges le sont également.

On nous dit que l’avocat est là pour plaider et le juge pour juger. Le procureur, quant à lui, est là pour requérir. Or quand il devient juge du siège, cela ne gêne personne. Pourquoi serait-il gênant qu’un avocat participe à l’œuvre de justice ? Est-ce parce qu’il est au service d’intérêts privés ? Je pourrais aussi vous livrer des anecdotes – mais on y passerait des heures.

Je souligne qu’il s’agit d’avocats honoraires, qui n’auront plus de contact avec leurs clients, ni le moindre intérêt privé à défendre. Ils viendront avec leur expérience, parfois longue. Je trouve que c’est une belle idée qu’un avocat honoraire qui a beaucoup pratiqué la cour d’assises vienne donner un coup de main à la justice de son pays. Je ne vois pas en quoi ce serait a priori suspect. Je répète aussi que cela existe dans le code de l’organisation judiciaire (COJ). J’ai déjà complété, à Lille, le tribunal correctionnel – tout un après-midi, d’ailleurs – et j’en ai conservé un souvenir extraordinaire.

M. Houbron a parlé des policiers, mais le COJ prévoit qu’ils ne peuvent même pas être jurés. En revanche, les avocats peuvent l’être. En qualité de citoyens français, sans condamnation et de plus de 23 ans, ils peuvent être tirés au sort. Il m’est arrivé de plaider aux assises devant des gens dont je savais qu’ils étaient, à l’époque, mes confrères.

Vos réserves correspondent à tout ce que je souhaite éradiquer : l’entre-soi, le corporatisme. Ce que j’appelle de mes vœux, c’est qu’on retrouve le chemin du dialogue quand on l’a perdu – ce n’est pas toujours le cas, fort heureusement. J’ai vu des portes de juges d’instruction sur lesquelles il était écrit : Monsieur Machin, ou Madame Machine, ne reçoit pas les avocats. J’ai vu aussi chez des avocats des comportements qui étaient susceptibles d’être critiqués.

Quand je nomme Nathalie Roret directrice de l’École nationale de la magistrature, quand je donne ma bénédiction à la nomination de Gilles Accomondo, qui est un haut magistrat, à la tête de l’École de formation professionnelle des barreaux et quand je demande à des magistrats de participer à l’échevinage en matière de déontologie des avocats, personne ne trouve à y redire.

On ne peut pas aller dans un seul sens. L’apport d’un avocat honoraire, d’expérience, c’est « tout bénéf » pour la justice, si vous me permettez cette familiarité. On n’a pas à craindre cette évolution, par dogmatisme.

Je vais tout de même partager une anecdote, qui est célèbre dans les palais de justice et qui fait toujours sourire. Lorsque la loi a fait en sorte qu’il y ait davantage de jurés – leur nombre a parfois diminué et parfois augmenté –, un bâtonnier a dit avec un peu d’arrogance à un président de cour d’assises que cela serait désormais plus difficile pour lui. Le président a répondu en souriant que non, ce serait un peu plus long… On ne peut pas mener une politique pénale avec des anecdotes.

Je pense qu’il est bien que des avocats honoraires donnent un coup de main à la justice. C’est le signe qu’on est dans la même barque, au-delà du fait que les juges jugent, les avocats plaident et les procureurs requièrent. Cela me paraît aller dans le bon sens, et je suis donc totalement défavorable à ces amendements.

M. Antoine Savignat. Comme l’a dit M. le rapporteur, c’est aussi une proposition issue des travaux que nous avons effectués.

Depuis que le débat est sur la place publique et que ce texte a été déposé, j’ai été surpris par nombre de réactions. Lorsque nous avons posé la question très naïvement à des magistrats et à des avocats, dans le cadre des auditions, tout le monde trouvait que c’était une bonne idée.

Il ne faudrait pas parler d’avocat honoraire : si on dit « avocat », cela ne va pas. Les MTT, comme l’a dit M. le rapporteur, peuvent être des avocats en exercice, ce qui me dérange beaucoup plus. Je partage ce qu’a dit Mme Vichnievsky, mais un avocat honoraire n’est plus au service d’un client. C’est un homme d’expérience qui a un savoir et qui pourrait apporter une autre vision lors des audiences des cours criminelles. Selon moi, il n’y a donc pas grand-chose de choquant dans ce qui nous est proposé.

Je vous invite à faire d’ici à la séance un petit exercice auquel je me suis prêté : prenez les tableaux de quelques ordres des avocats et appelez les avocats honoraires pour leur demander ce qu’ils pensent. Vous verrez qu’ils sont ravis – ils demandent même quand cela va commencer.

Mme Laurence Vichnievsky. J’entends les arguments de M. le rapporteur, de M. le garde des Sceaux et de mes collègues. Monsieur le garde des Sceaux, vous avez fait allusion au système anglo-saxon, mais ce n’est pas le nôtre. On ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable. Rien ne fonctionne de la même manière en Angleterre ou aux États-Unis : ce n’est ni notre système ni notre culture. Il faudrait tout revoir – pourquoi pas ? Je serai la première à réfléchir à une évolution de ce type.

Vous avez aussi fait allusion à l’existant. En tant que présidente de juridiction, parce que cela était nécessaire dans certains cas, j’ai moi-même fait appel à un avocat, présent à l’audience, pour compléter la formation du tribunal. Cela s’est peut-être produit deux fois, en dix ans de présidence de juridiction. La possibilité est donc utilisée de façon très circonscrite et exceptionnelle, alors que le projet de loi procède en quelque sorte à une institutionnalisation. Je faisais donc valoir certaines réserves, même si je n’ai pas voulu reprendre l’exposé des motifs du projet de loi, qui est maladroit et peut expliquer des réserves à fleur de peau.

Un tel dispositif est aussi une manière de répondre à un manque de moyens. Je peux peut-être l’entendre dans le cadre des cours criminelles départementales. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de repli. Mais je n’ai pas eu de remontées – et je ne crois pas qu’il y en ait eu – sur l’impossibilité de composer une cour d’assises, d’autant que l’on peut recourir aux magistrats à titre temporaire. Mon idée aurait plutôt été d’élargir le recrutement des avocats honoraires, qui ne sont pas très nombreux dans le vivier des magistrats à titre temporaire.

M. Erwan Balanant. Je ne soutiens pas l’amendement de mon groupe sur ce sujet car les arguments du garde des Sceaux m’ont convaincu. Je fais confiance au rapporteur et à M. Savignat dont je connais l’expérience et le travail remarquable. Comme il l’a expliqué, les faits ont su convaincre une personne peu favorable au dispositif dans les cours criminelles départementales. Quand tous les acteurs d’un milieu s’accordent sur ce qu’il faut faire, nous devons les écouter. Si on ne le fait pas, on reste dans la posture et l’idéologie. Il faut aller vers ce dispositif, qui est certainement un bon système, puisqu’il émane des revendications du terrain.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons examiné 280 amendements en huit heures dix. Avec ceux déposés sur le projet de loi organique, il en reste 284 amendements en discussion. Au rythme actuel, nos discussions se prolongeront tard dans la nuit. J’invite chacun à prendre ses responsabilités pour accélérer le débat.

M. Pascal Brindeau. Si l’objectif est de pallier un manque potentiel de magistrats, comme le rapporteur l’a évoqué, il faut circonscrire plus tôt ce principe dans les cours criminelles départementales, puisque, a priori, les cours d’assises n’ont pas de problème d’effectifs de magistrats depuis les recrutements. Mais si, comme le garde des Sceaux le préconise, ce principe est une façon de changer la culture et de mettre fin aux corporatismes des magistrats, magistrats du siège, procureurs, avocats, il faut le rendre obligatoire dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales. Pour les avocats honoraires, c’est un autre sujet car il faudra les trouver. Si telle est la philosophie du dispositif, il faut l’appliquer pleinement.

M. Ugo Bernalicis. Je ne comprends pas qu’avec 9 090 magistrats, on ait des problèmes pour composer des tribunaux – cours d’assises ou cours criminelles départementales.

Par ailleurs, quand on annonce un recrutement pour les écoles, il faut attendre deux ans pour que les titularisés figurent dans les chiffres du budget. Ce Gouvernement n’a pas décidé la plus grosse promotion de 2016, mais il en a récolté les fruits, trente et un mois plus tard. Mais c’est une autre histoire !

Dire que les avocats honoraires ont participé toute leur vie à la justice n’est pas forcément vrai : on peut devenir avocat à 50 ou 55 ans, partir à la retraite et être avocat honoraire, sans avoir longtemps plaidé. Ce cas de figure existe.

Enfin, des tas de gens participent à l’œuvre de justice pendant des années. Pourquoi les greffiers honoraires ne pourraient-ils pas composer ces juridictions ? Je déposerai un amendement en séance visant à introduire des jurés honoraires de cours d’assises, pour que vous puissiez les utiliser dans les cours criminelles départementales. Cela vous permettra d’y introduire de la citoyenneté. Assumez le manque de moyens et qu’à périmètre constant, le dispositif ne fonctionne pas ! Ce n’est ni fait ni à faire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. L’honorariat, c’est vingt ans ! Ne dites pas n’importe quoi !

La commission rejette les amendements.

Amendements CL410 de Mme Laurence Vichnievsky et CL342 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Laurence Vichnievsky. Comme Pascal Brindeau l’a observé, je peux entendre qu’il s’agisse de répondre à une pénurie de magistrats pour une cour criminelle départementale, mais je ne l’entends pas pour les cours d’assises. L’amendement de repli CL410 vise à prévoir un avocat honoraire uniquement dans le cadre de la cour criminelle départementale. Celle-ci comptant cinq magistrats, le ratio entre magistrats professionnels et magistrats à titre temporaire, en incluant les avocats honoraires, ne serait pas le même qu’au sein de la cour d’assises.

Si le sujet est de revenir sur notre culture judiciaire et notre ordonnancement actuels, s’il s’agit d’institutionnaliser l’avocat honoraire, comme c’est le cas dans ce projet de loi, même si c’est à titre expérimental, il faut le faire dans le cadre d’un autre texte, qui devra être débattu. Cela nous conduira à revenir sur notre conception, que traduit notre code de procédure pénal actuel. Ce texte peut toujours évoluer mais nous ne pouvons pas en discuter dans le cadre du présent projet de loi.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement CL342 ne signifie pas discriminer les avocats et considérer qu’ils ne sont pas au niveau. Je m’inscris en faux contre cette démarche, et aucun de mes collègues ne la partage. Lorsque j’étais juge, j’ai toujours considéré et défendu dans ma chambre des mémoires parfois difficiles à monter pour un avocat. J’ai toujours estimé que ce travail était très compliqué. L’avocat apporte beaucoup au juge, comme le juge apporte beaucoup à l’avocat. Je rejoins donc le garde des Sceaux sur la nécessité de faire travailler ensemble ces professions.

Dans les cours criminelles départementales, un vrai problème de moyens se pose, que les chefs de juridiction que j’ai rencontrés ont remonté. La proposition évite aussi le corporatisme, dès lors qu’il n’y a plus de jurés. Elle n’est donc pas une mauvaise solution. J’aurais toutefois préféré que l’on simplifie le dispositif, en regroupant des avocats honoraires, comme MTT, quitte à en recruter davantage

En revanche, la cour d’assises ne comporte que trois juges et sept jurés. Le problème du corporatisme ne se pose pas. Au regard du nombre restreint de juges, nous n’avons pas la même obligation d’introduire un avocat honoraire comme assesseur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements. Il semble pertinent de disposer d’un vivier – l’expression n’est pas très heureuse – de MTT, d’avocats ou de magistrats honoraires pour composer les cours d’assises ou les cours criminelles, et de partager cette expérience duale de la façon dont on traite les crimes au sein de notre système judiciaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

La commission rejette successivement les amendements CL410 et CL342.

Amendement CL326 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Cet amendement de repli vise à ouvrir la possibilité offerte aux avocats honoraires à tout officier ministériel assermenté, afin d’élargir le vivier à des professionnels du droit qui peuvent aussi être confrontés à ces problématiques dans leur carrière. Il permettrait d’enrichir la collégialité de la juridiction.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Les officiers publics et ministériels et les avocats n’acquièrent pas la même expérience au cours de leurs carrières respectives. Défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Qu’est-ce qu’un notaire ou un huissier connaît du fonctionnement de la cour d’assises ? L’avocat honoraire, lui, a vingt ans d’expérience. D’ailleurs, l’avocat honoraire qui sera tenté par cette expérience sera très vraisemblablement un pénaliste, qui a connu ces problématiques. Je n’ai rien contre les notaires, bien au contraire, mais ils ne connaissent pas le fonctionnement de la cour d’assises. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CL576 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL281 de Mme Séverine Gipson.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL519, CL521 et CL520 du rapporteur.

La commission adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

Amendement CL444 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché. Il traite de la compétence territoriale des tribunaux français pour poursuivre sur notre sol les auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger. La majorité a fait avancer ce mécanisme de compétence extraterritoriale dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais il mérite d’être approfondi si l’on veut que le principe de poursuivre en France les auteurs de tels crimes soit rendu possible. L’amendement CL444, que nous avons travaillé avec l’ONG Amnesty International, vise ainsi à faire sauter trois verrous majeurs à l’application de ce mécanisme.

Le premier est la condition de résidence habituelle sur le territoire français. Elle constitue une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux. En conséquence, il n’est pas justifié de la maintenir.

Le deuxième verrou est la condition de double incrimination, qui a été supprimée pour le génocide mais ne l’a pas été pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Enfin, la suppression du monopole des poursuites au parquet est nécessaire afin de permettre aux victimes des crimes relevant du statut de la Cour pénale internationale (CPI) de se constituer partie civile. Il serait incohérent de ne pas donner aux victimes de ces crimes les plus graves le même accès au juge pénal que les victimes d’actes de torture ou de droit commun.

L’amendement est cohérent avec les propos tenus hier par Jean-Yves Le Drian, concernant notamment la Syrie : « Nous sommes fermement déterminés à demander des comptes aux personnes responsables de l’utilisation d’armes chimiques et de violation du droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, et nous nous engageons à soutenir les travaux des mécanismes internationaux de justice pénale et d’enquête appropriés, ainsi que ceux de la justice transitionnelle. »

Monsieur le garde des Sceaux, j’espère que nous pourrons faire sauter ces trois derniers verrous et, à l’avenir, juger les auteurs des crimes contre l’humanité, en France.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pour le rapporteur et le garde des Sceaux, l’amendement est irrecevable en vertu de l’article 45 de la Constitution. Ils estiment que je l’aurais accepté par inadvertance, ou par faiblesse.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. La loi de programmation 2018-2022 a permis une avancée, en retirant l’exigence de double incrimination pour les génocides et en supprimant le principe de subsidiarité, qui exigeait de s’assurer que la Cour pénale internationale déclinait sa compétence. Pour les autres crimes, en revanche, la double incrimination doit être maintenue car elle semble être un principe fondamental du droit international. Il en va de même du principe de résidence habituelle. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre IV
Dispositions relatives à l’exécution des peines

Avant l’article 9

Amendement CL142 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement d’appel traite de l’aménagement des peines, dont le taux oscille entre 85 % et 90 % chaque année. Dans les dernières années, il est passé d’une simple option à une quasi-obligation. Si les aménagements de peine ont pour but d’éviter la détention lorsqu’une peine privative de liberté a été prononcée à la suite d’un jugement pénal, ce qui peut être pertinent à certains égards, il convient de ne pas oublier que, pour renforcer l’autorité de la loi et de la justice, la règle doit être l’application de la peine qui est attachée à l’infraction.

Dans le cas contraire, le message envoyé aux délinquants et criminels est contre‑productif et participe à alimenter un sentiment d’impunité, qui est grandissant dans notre pays. Il est contraire à votre objectif, celui de restaurer la confiance des Français envers leur justice. Des événements tels celui qui s’est produit hier près de Bordeaux sont un bon exemple de ce qu’il ne faut plus continuer à faire.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Votre dispositif dénature le nôtre. Nous sommes très attachés au principe d’individualisation, que la réforme de M. le garde des Sceaux renforce.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. L’amendement contrevient à un principe constitutionnel. Ce n’est pas un détail. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 (art. 706-56, 712-19, 713-43, 717-1, 720, 721, 721-1, 721-1-1, 721-2, 721-4 [nouveau], 723-29, 729 et 729‑1 du code de procédure pénale) : Élargissement des possibilités d’incarcération provisoire prononcées par le juge de l’application des peines, développement d’une systématisation des libérations sous contrainte et refonte des régimes de réduction de peine

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements identiques CL86 de M. Emmanuel Maquet et CL51 de M. Fabien Di Filippo, ainsi que l’amendement CL230 de M. Ian Boucard.

Amendement CL107 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à supprimer les alinéas 2 à 5 ainsi que des alinéas 19 à 33, qui correspondent à la suppression du système dit de réduction de peine automatique (RPA). Nous y sommes défavorables pour plusieurs raisons.

Premièrement, cela aura pour conséquence d’allonger les durées d’incarcération. Dans son avis, le Conseil d’État s’inquiète d’ailleurs de cette possibilité, qui va à l’encontre de tout ce qui est dit sur la surpopulation carcérale.

Deuxièmement, ces réductions de peine ne sont pas si automatiques puisqu’elles sont soumises à l’appréciation du juge de l’application des peines (JAP), qui peut revenir dessus si le détenu ne fait pas d’effort en détention ou présente un comportement problématique. C’est déjà le régime actuel. Aujourd’hui, les RPA sont un moyen de gestion de la détention au quotidien pour les chefs d’établissement et les surveillants pénitentiaires. Cela signifie que l’on se concentre davantage sur les réductions supplémentaires de peine (RSP) dans les dossiers montés par des détenus qui ont à faire valoir un bon comportement ou des implications particulières en vue de leur réinsertion.

En définitive, par le biais de cet article tout à fait démagogique, vous dites que si les détenus ne travaillent pas, ne font pas d’activités ou ne se réinsèrent pas, c’est parce qu’ils ne veulent ni travailler, ni suivre des activités, ni se réinsérer. En réalité, les détenus restent 21 ou 22 heures par jour dans leur cellule non par choix, mais parce que des moyens insuffisants sont donnés à l’administration pénitentiaire pour organiser des postes de travail, des activités socio-culturelles ou préparer la réinsertion. Tout cela est dû à la surpopulation. En la renforçant, vous aggravez encore la situation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. M. Bernalicis indique, dans son exposé des motifs, que la réforme fera augmenter de 10 000 le nombre de personnes détenues. En reprenant ce chiffre, il ne fait que citer une partie de l’étude d’impact : d’autres éléments méritent d’être portés au débat.

Dans le nouveau système, pour obtenir une situation équivalente, il faudrait que le juge de l’application des peines accorde 68 % des réductions de peine accordables. Si 90 % des jours de réduction de peine sont accordés, le nouveau régime pourrait générer une baisse de 10 000 détenus. Pour générer la hausse de 10 000 personnes dont vous parlez, il faudrait que le JAP ne prononce que 45 % environ des réductions de peine possibles. Le taux semble très faible, donc peu probable. Actuellement, 92 % des crédits de réduction de peine et 45 % des réductions supplémentaires de peine sont accordés. Pourquoi voulez-vous que les JAP changent radicalement de jurisprudence, alors que le nouveau dispositif leur donne encore plus de latitude pour apprécier au cas par cas, de manière individualisée et fine, la situation de chaque détenu ?

Vouloir faire peur peut aussi s’apparenter à de la démagogie. Il faut être objectif, pragmatique et faire confiance au nouveau système, même si certaines garanties doivent être apportées. Elles le seront dans ce débat et dans l’hémicycle. Le système permet de récompenser le bon comportement et l’effort que fournissent les détenus. Il n’y a pas de raison que les JAP ne puissent pas l’apprécier dans le cadre du nouveau système.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Monsieur Bernalicis, vous avez dû vous inspirer d’un article publié dans Le Monde, qui dénature la réalité. On ne m’a pas interrogé sur les chiffres. Or, il résulterait des chiffres donnés par la chancellerie 10 000 détenus de plus. C’est la vérité journalistique, mais ce n’est pas la vérité du tout.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir redonné certains chiffres. Naturellement, nous avons fait expertiser cette mesure avant de la proposer. L’administration pénitentiaire l’a examinée de très près.

Le premier but est de revenir sur un système hypocrite. C’est la droite qui a voté les crédits automatiques de réduction de peine. Pour l’affichage, on prônait la tolérance zéro. Derrière, on faisait de la régulation carcérale, sans le dire, de façon hypocrite. Certains se sont habitués à ce système, au point de me critiquer quand je veux le réformer. C’est ainsi !

Outre ce système, la grâce collective du 14 juillet faisait sortir de prison 3 000 à 4 000 détenus. À ce titre, je veux saluer ma prédécesseure, qui a permis la libération, rendue nécessaire pour des raisons sanitaires, de 6 000 détenus. Les choses sont parfois très injustes.

Je lis donc dans ce grand quotidien du soir qu’il y aura 10 000 détenus de plus. Contradictoire : zéro. Quant aux chiffres, on ne connaît toujours pas ceux qui sont utilisés. Nous venons de vous répondre. Nous avions ces réponses, nous pouvions les livrer. Voilà comme on fusille un texte, avant même de l’avoir expertisé. Je dis les choses comme elles méritent d’être dites. Il y a ceux qui font et ceux qui ne font rien et pensent qu’ils feraient mieux – passons là‑dessus. Je veux prendre le temps d’exprimer ma démarche, et personne ne pourra la taxer d’insincérité.

Plutôt que de laisser un certain nombre de détenus à l’écart, comme c’est aujourd’hui le cas, avec une philosophie singulière – on leur dit en substance de ne pas faire d’effort, puisqu’ils bénéficieront d’une remise de peine –, je veux remettre l’effort en prison au centre de la réflexion, pour plusieurs raisons.

Les mesures que je souhaite faire voter sont des mesures humanistes. Ma conception, que je partage, fort heureusement, est que la prison ne peut pas être une société entièrement à part. Les règles de la société civile doivent y avoir cours, même si la prison est séparée du reste de la société par des murs d’enceinte.

Monsieur Bernalicis, vous le savez, dans la société civile, le sens de l’effort n’est pas un sens interdit. Je veux privilégier l’effort. Aujourd’hui, en mettant le pied dans le fourgon cellulaire, une personne condamnée à dix ans sait qu’elle bénéficiera, sans rien faire, de 21 mois de réduction de peine. Cela incite certains magistrats à davantage de sévérité : si un magistrat, qui connaît le quantum des peines, souhaite qu’un certain nombre d’années soient effectivement exécutées, il peut faire un calcul, qui prend notamment en considération les réductions de peine automatiques. On est là dans un cercle qui n’est plus vertueux.

Les efforts seront regardés à l’aune des qualités de chacun. Lorsque je me suis rendu à Villepinte – vous y êtes allé une semaine après moi, monsieur Bernalicis –, une éducatrice m’a dit que, pour certains jeunes, se lever le matin est déjà un effort. Certains d’entre eux sont totalement désocialisés. Apprendre à lire est un effort considérable : selon un syndicaliste de la pénitentiaire, certaines personnes entrent en prison sans savoir lire, et en sortent au bout de cinq ans, toujours sans savoir lire. Se soigner, se désintoxiquer, faire une psychothérapie sont des efforts.

Je n’ai pas peur de ce que feront les JAP : ils décident en fonction des capacités des uns et des autres, et de ce que la prison peut leur offrir. Il n’est pas question de sanctionner quelqu’un qui voudrait travailler, si on ne lui offre pas du travail.

Cela mérite autre chose que des ricanements, monsieur Bernalicis. Parallèlement, je suis en train de travailler avec tous les patrons – petits, moyens, grands. On est passé d’un taux de 50 % de détenus qui travaillent à 29 %. Je veux remettre le travail au cœur de la prison. Il est bon pour le détenu et sa réinsertion, pour l’employeur et pour la société, à qui l’on donne des gages de réinsertion. C’est aussi un des buts de la prison.

Je veux remettre de la formation au sein de la prison. Cette réforme est vertueuse : elle incite les gens à travailler. Pour de nombreux membres de l’administration pénitentiaire, c’est une réforme attendue car elle assure davantage encore leur sécurité. Je l’ai dit, j’ai signé avec les trois grandes organisations syndicales une charte sur le rôle qui est le leur. Cela n’avait pas été fait depuis plus de vingt ans. Tout cela a une cohérence.

Je souhaite que les gens, lorsqu’ils ont purgé leur peine, n’aient pas perdu les codes de la société civile et qu’ils sachent ce que signifie se lever et travailler. Le travail est bon aussi pour les victimes car une partie du salaire des détenus est prélevée pour les indemniser. Il est vertueux à plus d’un titre.

M. Ugo Bernalicis. On est tous d’accord.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Non, on n’est pas tous d’accord, puisque ces mesures ont été amplement critiquées. Je veux expliquer les choses. Dire que les mesures généreront 10 000 détenus de plus est complètement faux. C’est partir de chiffres qui n’ont pas été regardés comme ils méritaient de l’être. Nous avons fait expertiser toute l’institution, notamment les courtes peines – je tiens cette expertise à votre disposition. Le but est non de contraindre, mais d’inciter le détenu à travailler.

À Oermingen, en Alsace, plus de 80 % des détenus travaillent – et 70 % en cette période d’épidémie de Covid-19. Les gens ont envie de bosser. Je lance aussi un appel à la représentation nationale pour trouver des employeurs partenaires. Nous réalisons une cartographie, pour permettre aux employeurs de mieux accéder à la prison, et nommerons un référent dans chaque région pour que les employeurs ne se perdent pas en formalités lorsqu’ils souhaitent offrir du travail à la pénitentiaire. Je l’ai dit hier, je le redis, car c’est essentiel.

À Oermingen, il y a deux employeurs, Emmaüs et une très grande entreprise allemande de câbles enrouleurs et multiprises de chantier. Elle est dirigée par un patron philanthrope qui fait travailler des détenus en Allemagne et en Alsace. Il y a toujours du boulot dans ce domaine. Il faut une certaine technicité – de nombreux détenus y travaillent. Quant à Emmaüs, elle propose de chercher des meubles dans les brocantes et de les restaurer – un diplôme est délivré. Les meubles rénovés sont vendus ; d’autres sont achetés avec les bénéfices. C’est cela que je veux mettre sur pied, plutôt que l’oisiveté dont une expression désuète dit qu’elle est la mère de tous les vices.

Je souhaiterais, monsieur Bernalicis, que l’on ne regarde pas cette réforme de façon manichéenne et caricaturale. Elle mérite autre chose : demander à des détenus de travailler plus, d’apprendre à lire, de faire un effort est aussi très utile pour l’ensemble de la société.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La commission des lois est particulièrement sensible à ce sujet. Un des groupes de travail que nous avions lancés concernait la détention et le travail en détention. Il a notamment recommandé, lors de la construction d’un établissement pénitentiaire, de bien étudier son environnement économique. Si Oermingen dispose d’entreprises à proximité, il n’en va pas de même d’autres prisons, moins bien localisées. En outre, la conception architecturale du bâtiment doit être pensée en ce sens car certaines prisons ne disposent pas de quai de déchargement ou de portes suffisamment hautes pour que des camions les franchissent. Oermingen est exemplaire à cet égard.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ces recommandations ont été prises en compte par les services. C’est le bilan régalien de cette législature : 7 000 places de prison sortiront bientôt de terre et 8 000 seront encore construites. Je l’ai annoncé il y a quinze jours avec le Premier ministre, lors de mon déplacement à Lutterbach, où un établissement remplacera les maisons d’arrêt de Colmar et de Mulhouse. Naturellement, il prévoit une structure pour accueillir le travail.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous nous en réjouissons.

M. Ugo Bernalicis. Ce débat sur le travail est très intéressant. Personne ici n’est opposé à ce qu’il y ait davantage de postes de travail en détention. D’ailleurs, on pourrait tous tomber d’accord sur le fait que ce ne sont pas les détenus qui ne veulent pas travailler. Les listes d’attente sont très longues. Quant aux prévenus, ils ne s’inscrivent pas sur ces listes car ils savent qu’ils ne bénéficieront pas d’un travail avant la fin de leur détention provisoire.

Réglons ce problème, ne mettons pas en avant une carotte – ou un bâton, peu importe – en disant que l’on retire les réductions de peine automatiques car, mécaniquement, cela incitera les détenus à travailler. S’il n’y a pas de poste de travail, il n’y en a pas. Donc, créons des postes de travail. C’est cela que je vous reproche, monsieur le garde des Sceaux, de fonctionner à l’envers car je ne vois pas de budget pour déployer des postes de travail en détention. Il y a une limite à l’activité privée en détention. Toutes les entreprises ne veulent pas travailler avec des établissements pénitentiaires. Il y a une responsabilité de l’administration pénitentiaire, avec sa régie, de créer des postes de travail. Cela est fait, mais pourrait l’être dans des proportions bien plus importantes.

De plus, il n’y a pas que le travail en détention : de nombreuses activités socioculturelles et des formations peuvent être organisées. Des travaux sont menés sur le sujet : les formations proposées sont souvent de très basse qualification car, dans les maisons d’arrêt, les détenus sont peu qualifiés. Dans les centres de détention, l’implication est quasi systématique, ce qui prouve que ce ne sont pas les réductions de peine automatiques qui empêchent l’application en détention.

S’agissant des chiffres, la loi de programmation 2018-2022 nous avait promis une baisse des incarcérations. C’est le contraire qui s’est produit. Il faut donc prendre avec précaution les études d’impact.

La commission rejette l’amendement CL107.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL167 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements CL622 du rapporteur et CL202 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement repose sur une appréciation, au plus près du détenu, de la bonne conduite et des efforts de réinsertion. Le garde des Sceaux a toujours dit qu’il souhaitait que les surveillants pénitentiaires assurent une part importante de la transmission d’informations, puisque ce sont eux qui, tous les matins, ouvrent la porte de la cellule et reçoivent – ou non – le premier « bonjour ». Pour formaliser ce souhait, mon amendement vise à ce qu’ils soient représentés au sein de la CAP, la commission de l’application des peines.

Mme Cécile Untermaier. Mon amendement a le même objectif. Il parle de « surveillant pénitentiaire référent » en référence au dispositif instauré il y a plusieurs années au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, qui fonctionne très bien et dont nous souhaiterions la généralisation. Il consiste à confier aux surveillants la responsabilité spécifique de certains détenus, ce qui justifierait à nos yeux que ces surveillants participent à la discussion sur la réduction de peine avec le juge de l’application des peines.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable à l’amendement CL622 plutôt qu’au CL202.

L’amendement CL202 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL622.

Amendements identiques CL250 de Mme Marie-George Buffet, CL424 de M. Sacha Houlié et CL438 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché. Je regrette de ne pas avoir obtenu de réponse du ministre précédemment, mais nous aurons sûrement l’occasion d’en reparler en séance.

L’alinéa 3 de l’article permet d’incarcérer immédiatement une personne qui manquerait aux obligations qui lui incombent dans le cadre de mesures alternatives à la prison telles qu’un stage ou des travaux d’intérêt général.

Monsieur le ministre, je vous sais très sensible au problème de la surpopulation carcérale, à laquelle vous avez été confronté une fois de plus il y a quelques semaines, lors de votre visite à Osny avec Mme la présidente. Vous parliez des jeunes qu’il faut encourager à se mobiliser d’une manière ou d’une autre, et d’abord en recommençant à se lever le matin ; je suis tout à fait d’accord. Mais, pour certains, les choses peuvent être particulièrement compliquées. Dans le département jeune et populaire où je suis élu, le Val-d’Oise, ils peuvent avoir du mal à être à l’heure parce que le RER qu’ils devaient prendre à Cergy pour aller honorer leurs obligations n’est pas passé. Je trouverais dommage que l’on puisse envoyer automatiquement un jeune en prison pour ce motif : ce serait contre-productif vis-à-vis de votre objectif d’encourager l’insertion.

Je propose donc de supprimer cet alinéa.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. En votant la loi de programmation et de réforme pour la justice en 2019, nous avons voulu redonner du sens à la peine et éviter autant que possible les incarcérations, en particulier pour les courtes peines, en développant les alternatives à la prison. Le présent projet de loi obéit à la même logique. Or, dès lors que l’on purge une peine alternative, il faut respecter les règles du jeu qui impliquent par définition que l’alternative est l’incarcération. Nous devons donc pouvoir prendre des mesures en cas d’infraction aux obligations prévues en milieu ouvert, en nous dotant bien sûr d’un mécanisme permettant de revoir la situation précise de la personne dans un délai raisonnable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

M. Dimitri Houbron. Je suis en désaccord avec l’amendement. On parle souvent du JAP, mais le gros du travail est fait par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, en lien avec les personnes tenues d’exécuter la peine. Il me paraît délicat de leur retirer la possibilité de préconiser au JAP l’incarcération de la personne n’ayant pas respecté ses obligations, car c’est un moyen indispensable pour eux de lui montrer que la justice lui donne une chance de se rattraper et qu’il ne faut pas la manquer. Je profite de l’occasion pour rendre hommage au travail accompli par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), dans l’ombre et avec beaucoup d’humanité.

M. Ugo Bernalicis. En l’état du droit, une personne qui ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre du TIG peut repasser devant le JAP et, par suite, être incarcérée. Le texte incite à prononcer plus systématiquement la réincarcération dans ce cas, alors qu’aujourd’hui, on tient compte de la situation particulière de la personne, par exemple de l’éloignement du lieu du TIG, en lui proposant le cas échéant un lieu plus proche de son domicile. J’ai fait en sorte qu’un poste de TIG soit créé au CROUS de Lille ; le SPIP de Lille en était très heureux, car il ne pouvait proposer que peu de postes de TIG à proximité d’une station de métro.

Il faut essayer de comprendre pourquoi une mesure alternative ne fonctionne pas et comment elle pourrait fonctionner. Au contraire, par des mesures couperet, on gâche le travail entrepris avec une personne pour lui proposer une alternative à l’incarcération, on la dévie des bons rails sur lesquels elle était pour la remettre en taule ! Pourtant, notre objectif à tous devrait bien être la désistance et la prévention de la récidive.

M. Aurélien Taché. D’un côté, on revient sur les réductions de peine automatiques ; de l’autre, quand il s’agit au contraire de sanctionner, on veut automatiser le processus. Vous dites que l’automaticité des réductions de peine ne permet pas de juger de l’attitude du détenu et de sa réinsertion, mais, alors que rien n’empêche déjà d’incarcérer une personne qui manquerait à ses obligations – il suffit de repasser devant le JAP –, vous allez vers l’automaticité de l’incarcération en pareil cas. C’est regrettable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il y a tout de même des limites à ne pas franchir dans le raisonnement ! Je le répète, il s’agit d’une possibilité offerte au juge de l’application des peines : il n’y a là rien d’automatique. N’utilisez donc pas cet adjectif pour décrier tout autre chose, à savoir ma volonté de supprimer les réductions automatiques de peine, pour des raisons que j’ai déjà expliquées trop longuement – vous n’avez pas souhaité m’entendre, c’est votre droit.

Qu’est-ce qu’une peine alternative, sinon l’absence d’incarcération à condition de respecter un contrat ? Si le contrat n’est pas respecté, le JAP peut en tirer les conclusions. Il n’est pas tenu d’avoir le même point de vue que vous ! En outre, la situation est revue dans les quinze jours et le JAP peut alors ne pas confirmer l’incarcération. Cessez donc de dire que c’est automatique : ce n’est pas vrai, et vous le savez très bien ! Entendons-nous sur le sens des mots avant de débattre.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement l’amendement CL168 de Mme Marie-France Lorho et l’amendement CL198 de Mme Cécile Untermaier.

Amendements identiques CL197 de Mme Cécile Untermaier, CL274 de M. Stéphane Peu et CL358 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, amendements identiques CL7 de Mme Brigitte Kuster et CL64 de M. Antoine Savignat (discussion commune)

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Les alinéas 6 à 18 prévoient l’octroi de plein droit de la libération sous contrainte pour une personne condamnée à une peine inférieure à deux ans de prison et à laquelle il ne reste plus que trois mois à purger, sauf en cas d’absence d’hébergement et hors certaines peines. Or, il est essentiel que la sortie de détention soit accompagnée, quelle que soit l’infraction, car les sorties dites sèches exposent à un risque supplémentaire de récidive. Je propose donc la suppression de ces alinéas.

M. Antoine Savignat. L’amendement CL64 obéit à la même logique. Dans l’ensemble, les dispositions du texte relatives aux remises de peine sont satisfaisantes, car elles tendent à améliorer les conditions de réinsertion. Mais une peine courte ne signifie pas la non‑dangerosité – nous en avons eu la triste confirmation hier encore. Dans ce cas, comme pour les autres peines, il convient d’éviter une remise de peine automatique et d’individualiser le cas échéant les conditions de la remise de peine pour améliorer l’accompagnement et réduire le risque de récidive.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes attachés au principe de la libération sous contrainte lorsque la durée de la peine prononcée est inférieure à deux ans et qu’il ne reste que trois mois de détention à purger. En effet, nous voulons éviter les sorties sèches, car c’est un élément important pour prévenir la récidive. Les libérations sous contrainte impliquant un aménagement de peine, il s’agit ainsi d’empêcher l’effet désocialisant de la prison, de favoriser la réinsertion et d’établir un lien entre milieu ouvert et milieu fermé. Cet outil permet enfin de lutter contre la surpopulation carcérale.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. La sortie dite sèche débouche sur deux fois plus de récidives que la sortie accompagnée. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de ces statistiques ; nous avons donc intérêt à privilégier la sortie accompagnée chaque fois que c’est possible, pour limiter au maximum le nombre de récidives – sachant que ceux qui promettent la récidive zéro, le risque zéro, sont, et je pèse mes mots, des menteurs ou des incompétents.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CL287 de M. Éric Ciotti et CL169 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL338 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier. Pour aller dans le sens du dispositif de libération sous contrainte, auquel nous sommes très favorables, nous proposons de porter à six mois au lieu de trois la durée de peine restant à purger qui ouvre droit à la libération.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Tout à l’heure, vous défendiez un amendement de suppression du dispositif !

Mme Cécile Untermaier. Nous avons voté la contrainte pénale et nous n’avons cessé, depuis 2012, de travailler à la fin des sorties sèches ; en outre, à propos de l’état d’urgence sanitaire, j’ai défendu la possibilité pour le juge de l’application des peines de libérer des détenus dès six mois avant la fin de la peine. Je suis donc en parfaite cohérence avec ce que j’ai toujours défendu.

Trois ou six mois, cela ne fait pas une grande différence. Permettre au juge de l’application des peines d’étudier la possibilité de la libération sous contrainte à six mois de la fin de peine contribuera à réguler la population carcérale et à préparer les libérations.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Votre amendement CL197 proposait bien la suppression du dispositif – certes au motif qu’il aurait fallu confier au juge de l’application des peines l’appréciation de la situation singulière plutôt qu’instaurer un mécanisme automatique.

Avis défavorable à l’amendement CL338.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis, car le reliquat de peine laisse le temps de travailler à un projet d’aménagement de peine. Six mois avant la fin de la peine, ce serait trop tôt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL310 de M. Pascal Brindeau

M. Pascal Brindeau. Si l’alinéa 10 rend en quelque sorte automatique la libération sous contrainte, le juge de l’application des peines doit toutefois pouvoir conserver son pouvoir d’appréciation au cas par cas, et ce non pas seulement en l’absence de possibilité d’hébergement – la seule exception à la règle que prévoit pour l’instant le texte.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le texte vise à ce que le dispositif s’impose, de manière à orienter les fins de peine vers un accompagnement et à éviter les sorties sèches. Dans ce contexte, la seule difficulté est l’hébergement ; c’est donc, en effet, la seule exception au principe.

Votre amendement appelle notre attention sur la nécessité d’éviter les trous dans la raquette, mais il faut conserver le postulat selon lequel, en cas de courte peine, toutes les fins de peine sont accompagnées.

Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier. Le texte institue un régime très différent de la situation actuelle. Nous considérons pour notre part que le JAP a un rôle à jouer dans l’appréciation de la situation d’un détenu. Voilà pourquoi nous souhaiterions que, six mois avant la fin de la peine, il prenne des dispositions pour que celui-ci soit libéré sous contrainte.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le rapporteur, je comprends le principe de l’automaticité. Mais certains cas d’espèce, autres que l’absence d’hébergement, doivent être prévus, sans quoi on aboutira à une sortie sèche. Il faut prévoir ces exceptions, même si l’on ne va pas en dresser la liste dans le cadre de la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL594 et CL595 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement l’amendement CL31 de M. Éric Pauget, l’amendement CL292 de M. Éric Ciotti et les amendements CL47 et CL48 de M. Éric Pauget.

Amendements identiques CL273 de M. Stéphane Peu, CL439 de M. Aurélien Taché, CL454 de Mme Sylvia Pinel et CL642 de Mme Cécile Untermaier

M. Aurélien Taché. Notre amendement fournit l’occasion de revenir sur les questions d’automaticité – je vous ai bien entendu sur ce point, monsieur le ministre : dans le cas dont nous parlions précédemment, l’automaticité n’était certes pas absolue, mais l’esprit du texte était bien celui-là.

Ici, il s’agit de la suppression de la réduction automatique de peine, ce qui nous ramène au problème de la surpopulation carcérale. Vous y êtes sensible, monsieur le ministre ; vous serez donc d’accord avec moi : priver un homme de sa liberté est une chose, le priver de sa dignité en est une autre. Or, c’est à ce dernier résultat qu’aboutit la surpopulation en prison.

Je suis favorable à une approche personnalisée qui laisse le plus de latitude possible au magistrat, que ce soit pour sanctionner plus lourdement la personne, lui refuser une réduction de peine ou, au contraire, lui donner une seconde chance. Il faut également résoudre le problème de la surpopulation carcérale avant de prendre des mesures qui pourraient l’aggraver.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons exposé la philosophie du dispositif et les raisons pour lesquelles le Gouvernement veut l’instaurer. Grâce à la transmission d’informations par les surveillants pénitentiaires, nous donnons au JAP les moyens d’une appréciation de la situation au plus près de chaque détenu, nécessaire en matière de remise de peine. Les chiffres que j’ai indiqués laissent penser que les réductions seront massivement accordées : il n’y a aucune raison que les jurisprudences des JAP soient remises en cause par la réforme.

Le dispositif doit cependant être amélioré : à propos du critère de bonne conduite, nous ne sommes pas encore suffisamment informés ; de même, concernant les efforts de réinsertion, la liste figurant dans le projet de loi devra être enrichie au cours de nos débats. Nous devons permettre au JAP de faire son office en appréciant au cas par cas la situation de chacun selon des critères objectifs justifiant la remise de peine, dont l’étendue peut aller de zéro à six mois, sauf cas particuliers sur lesquels nous serons également amenés à nous prononcer.

Je suis donc défavorable aux amendements supprimant le dispositif, car celui-ci mérite d’être discuté et travaillé, et c’est ce que nous allons faire dans le cadre de nos débats.

M. Pascal Brindeau. Nous n’avons pas déposé d’amendement visant à supprimer le dispositif, car nous comprenons l’objectif visé – la réduction au mérite, à l’effort – et nous voulons bien croire que la pratique en matière de réduction de peine n’en sera pas modifiée. Simplement, la réduction automatique de peine présente l’avantage de la lisibilité. Le juge de l’application des peines comme le détenu savent dès le début de la détention quel est le tarif, si j’ose dire ; cela peut nourrir la motivation qui soutient la bonne conduite et l’effort de réinsertion. C’est la carotte. Elle est complétée par le bâton : la peine prononcée ne sera pas rallongée, mais le juge de l’application des peines peut annuler tout ou partie des crédits automatiques. En supprimant l’automaticité, vous supprimez aussi ce bâton.

M. Ugo Bernalicis. Les réductions de peine automatiques s’appliquent aussi aux mesures d’aménagement de peine sous écrou. Comment le dispositif va-t-il fonctionner dans ce cas ? Comment une personne en quartier de semi-liberté va-t-elle faire valoir ses efforts de réinsertion par le travail alors que le travail est le principe même de ce régime de détention ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CL141 de Mme Emmanuelle Ménard

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise non seulement à supprimer le caractère automatique de la réduction de peine, mais aussi à réduire le nombre de jours cumulables. En effet, la confiance dans l’institution judiciaire suppose une véritable application des peines.

Dans l’affaire de la malheureuse brûlée vive hier à Mérignac, le suspect avait été condamné à dix-huit mois de prison dont neuf mois avec sursis ; il n’en a effectué que quatre. Ce genre de situation contribue à l’illisibilité totale de la justice aux yeux des Français.

Vous le disiez tout à l’heure, monsieur le ministre : la non-exécution de la totalité de la peine est si bien assimilée que les magistrats tiennent compte de la réduction automatique lorsqu’ils prononcent une peine ! Pourquoi ne pas en revenir à un régime plus lisible, fondé sur des critères très simples ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Vous faites le lien entre ce dont nous parlons et le drame absolument terrifiant qui est survenu hier. Au sujet de ce dernier, j’ai demandé, avec le ministre de l’intérieur, une inspection ; si celle-ci révèle des dysfonctionnements imputables à des magistrats, je n’aurai pas la main qui tremble. Pour le reste, je ne peux vous répondre. Vous savez pourquoi : la loi me l’interdit. Mais il m’est apparu indispensable que nous en sachions plus sur certaines choses, qui sont déjà apparues – légitimement – dans la presse et qui soulèvent des questions. Je ferme la parenthèse.

Pourquoi les Français ne comprendraient-ils pas cette réforme ? Elle est très claire. Jusqu’à présent, les choses étaient très confuses, car deux régimes coexistaient ; il n’y en aura plus qu’un seul. Pas d’efforts, pas de bonne conduite, alors pas de réduction. J’assume sans aucun état d’âme le fait que deux hommes condamnés dans la même affaire pour les mêmes faits puissent être traités différemment si l’un fait des efforts et l’autre non. La réforme incite à l’effort. Or – pardon pour cette formule, mais ce n’est pas seulement une formule –, au sein de la prison, le sens de l’effort ne doit pas être un sens interdit.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision CL623 du rapporteur.

Elle rejette l’amendement CL289 de M. Éric Ciotti.

Amendements identiques CL624 du rapporteur, CL44 de M. Raphaël Schellenberger, CL223 de M. Didier Paris et CL488 de Mme Laetitia Avia

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Dans le texte du Gouvernement, le juge de l’application des peines se prononce sur la réduction de peine en fonction de la bonne conduite du détenu – qui reste par ailleurs à mieux définir – ou de ses efforts sérieux de réinsertion. Je propose de remplacer le « ou » par un « et », car il convient que le juge se fonde sur les deux critères. Sinon, certains JAP pourraient valoriser la bonne conduite de sorte qu’une personne se comportant bien bénéficierait de la même réduction de peine qu’une autre qui, en plus, ferait des efforts de réinsertion. Il s’agit toujours de se placer au plus près de la réalité que vit le détenu. Si la maison d’arrêt offre peu de moyens de réinsertion, le juge pourra en tenir compte et valoriser d’autant la bonne conduite. En encadrant ainsi son travail, nous éviterons une trop grande disparité entre les jurisprudences.

Mme Laetitia Avia. Par un mot de deux lettres, on modifie considérablement l’approche. Nous en avons beaucoup parlé lors des auditions. La bonne conduite et les efforts de réinsertion sont deux éléments différents, mais qu’il faut appréhender globalement pour donner au second critère toute la place qu’il mérite et éviter de se prononcer sur le seul fondement de la bonne conduite.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le respect des personnels pénitentiaires, des intervenants, des codétenus, l’observance du règlement intérieur, des horaires, l’investissement dans la vie de l’établissement ne peuvent être distingués des efforts sérieux de réinsertion. Le « et » est donc plus opportun que le « ou ». Avis tout à fait favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL8 de Mme Brigitte Kuster, CL65 de M. Antoine Savignat, CL170 de Mme Marie-France Lorho et CL290 de M. Éric Ciotti et amendements CL30 de M. Éric Pauget et CL9 de Mme Brigitte Kuster (discussion commune)

M. Antoine Savignat. Nous nous sommes tous réjouis des annonces du garde des Sceaux concernant la suppression des réductions de peine automatiques. Mais nous nous sommes également aperçus que, si les réductions de peine automatiques sont supprimées, les durées de réduction de peine sont doublées ! L’amendement propose donc de substituer « trois » à « six » et « sept » à « quatorze ».

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Actuellement, il est déjà possible de bénéficier de trois mois de réduction pour bonne conduite et de trois mois supplémentaires pour des efforts sérieux de réinsertion, ce qui fait un total de six mois. Le dispositif est parfaitement appréhendé par les professionnels et tourne bien. Les simulations dont nous avons déjà parlé soulignent qu’à jurisprudence constante, le nouveau modèle ne fait pas exploser le nombre de détenus et préserve l’équilibre du quantum des réductions de peine.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos, monsieur Savignat ! Aujourd’hui, si vous prenez six mois, vous obtenez trois mois de remise de peine sans faire aucun effort. Demain, au lieu de trois mois sans effort et trois mois de réduction supplémentaire de peine (RSP), vous pourrez prétendre à six mois de réduction de peine uniquement en faisant des efforts.

Cette notion de bonne conduite est fondamentale. Nous n’avons pas doublé les réductions de peine, contrairement à ce que vous laissez entendre. Le système n’est pas plus favorable ; il valorise l’effort en incitant les détenus à faire cet effort de réinsertion et à donner des gages au reste de la société.

À l’inverse, les dispositions adoptées en 2004 affichaient une tolérance zéro, tout en favorisant les réductions automatiques de peine. Je ne veux plus de cette automaticité car l’automaticité, c’est pour les machines et non pour les êtres humains ! Ces derniers doivent montrer qu’ils font un effort pour être récompensés, c’est très différent.

Mme Laetitia Avia. Il ne s’agit pas ici de doubler les réductions de peine, mais de fusionner deux systèmes et, surtout, de supprimer le caractère automatique du système antérieur concernant la bonne conduite. Alors que cette dernière était présupposée, dans notre système, elle sera analysée chaque année par le juge de l’application des peines, qui évaluera les efforts de réinsertion. C’est donc bien une approche totalement nouvelle, et incitative pour les détenus.

M. Antoine Savignat. Comment évaluer l’effort s’agissant de courtes peines ? Ainsi, pour une peine de huit mois d’emprisonnement, le JAP dispose de deux mois pour apprécier la qualité des efforts du détenu. C’est dérisoire et cela rend l’évaluation quelque peu illusoire…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Si la peine est de huit mois, depuis l’entrée en vigueur du bloc peines issu de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice, l’aménagement doit intervenir ab initio. Nous sommes d’ailleurs passés de 3 % à 12 % d’aménagements ab initio.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL625 du rapporteur et CL491 de Mme Laetitia Avia, et amendement CL71 de M. Philippe Gomès (discussion commune).

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Mon amendement précise de manière non exhaustive les éléments pouvant être pris en compte pour accorder la réduction de peine au titre de la bonne conduite.

Jusqu’à aujourd’hui, les JAP jugeaient la mauvaise conduite et prononçaient des retraits de réductions de peine. Ce n’est pas la même chose de juger la bonne conduite. Comme l’alinéa suivant le fait pour les efforts sérieux de réinsertion, je propose donc d’insérer dans la loi les grands éléments définissant la bonne conduite : absence d’incidents ; respect des règles de l’établissement ; participation à la vie quotidienne ; comportement avec les autres personnes – personnel pénitentiaire, intervenants extérieurs, autres personnes détenues.

M. Pascal Brindeau. L’amendement porté par notre collègue Philippe Gomès vise à définir la bonne conduite, en posant le principe de l’absence rapportée d’incidents. Mais il me semble que l’amendement du rapporteur est plus complet.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. La philosophie de l’article vient d’être résumée dans la formule qu’a utilisée le rapporteur : avant, la mauvaise conduite pouvait faire perdre des réductions de peines. Désormais, c’est la bonne conduite qui permet d’obtenir ces réductions. C’est singulièrement différent !

La commission adopte les amendements CL625 et CL491.

En conséquence, l’amendement CL71 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL455 de Mme Sylvia Pinel.

Amendements CL481 et CL482 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Il s’agit d’apporter des précisions concernant la définition des efforts de réinsertion. La rédaction actuelle est sous-tendue par une culture du résultat – réussite à un examen, progrès réels en matière de lecture, etc. Il serait préférable de juger des efforts, afin d’inciter les détenus à faire les meilleurs efforts possible tout en sortant de cette culture du résultat.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Suspension de la réunion de dix-sept heures vingt-cinq à dix-sept heures trentecinq.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL333 de M. Benjamin Dirx.

Amendement CL626 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de remplacer la formule « l’engagement dans un programme de prise en charge proposé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation » (SPIP) par celle, plus précise, de « l’investissement soutenu dans un programme de prise en charge proposé par le SPIP ».

Deux problèmes m’ont été signalés en audition : d’une part, ce sont les SPIP qui orientent les détenus dans ces programmes, les personnes détenues ne semblant donc pas avoir la main pour s’y engager ; d’autre part, les personnels des SPIP attendent a minima l’adhésion de la personne détenue, sans contrepartie. L’ajout du fait que le simple engagement dans ces programmes peut donner droit à des remises de peine risque de nuire à l’adhésion de la personne et, ainsi, de fausser l’équilibre sur lequel repose le déroulement de ces programmes. C’est pourquoi je propose de viser l’« investissement soutenu » de la personne détenue dans les programmes proposés par le SPIP.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL627 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous souhaitons apporter une précision sur l’indemnisation des victimes dans les critères de réinsertion. Cette indemnisation relevant en grande partie de mécanismes automatiques, il vaut mieux pointer les cas où la personne détenue effectue de manière volontaire des versements pour payer les sommes dues non seulement aux victimes, mais également au trésor public. Cet amendement, issu de mes concertations avec les syndicats pénitentiaires et les SPIP, me semble de bon sens.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. J’y suis favorable. Je profite de ma prise de parole pour rectifier une erreur : un avocat peut demander l’honorariat après vingt, et non trente, ans d’ancienneté.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL483 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Monsieur le garde des Sceaux, comme vous l’avez compris, nous soutenons votre réorganisation des réductions de peine. Mais, dans le cadre de nos auditions, nous avons identifié un risque : celui d’augmenter les sorties sèches.

Ainsi, en cas de condamnation à quatre ans de prison, si le détenu n’obtient pas de réduction de peine la première année, fait des efforts la deuxième et obtient six mois – passant à trois ans et demi d’emprisonnement –, puis à nouveau des efforts la troisième année lui permettant d’obtenir également six mois de réduction de peine, il se retrouve en sortie sèche à la fin de cette troisième année, sans mesure d’accompagnement.

Pour remédier à cela, nous proposons d’autoriser le juge à prononcer une réduction de peine correspondant à plusieurs fractions annuelles. Ainsi, dans le cas précité, si le détenu fait des efforts considérables, le juge pourra réduire la peine d’un an dès la deuxième année, permettant la mise en place de mesures d’accompagnement au cours de la troisième et dernière année d’emprisonnement, afin d’anticiper la sortie.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Madame Avia, vous avez suivi avec beaucoup d’assiduité nos travaux préparatoires. Le sujet que vous soulevez préoccupe nos interlocuteurs – et nous préoccupe également.

J’entends votre souhait d’un système vertueux de réduction de peine qui puisse apprécier au mieux les efforts et n’engendre pas de sorties sèches, qui sont en effet contre‑productive. Je suis plus réservé sur le mécanisme que vous proposez et souhaiterais disposer du sentiment du garde des Sceaux. Peut-être, afin d’éviter les « trous dans la raquette », pourrions-nous nous accorder sur une rédaction en vue de la séance publique ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je sais que cette question vous taraude, madame la députée. Je vais essayer de vous répondre le plus complètement possible.

La situation du détenu est examinée chaque année et il peut obtenir un maximum de six mois de réduction de peine à chaque fois. Les deux premières années, les réductions sont étudiées en fin d’année. Au cours de la troisième année, la date possible de libération sous contrainte intervient avant la fin de l’année. On est sur une peine moyenne de cinq ans d’emprisonnement. Le JAP examinera alors la possibilité de cet aménagement de peine et l’accordera, ou pas, en évitant bien sûr une fin de peine sèche. Tout est une question d’anticipation et le JAP devra donc programmer la commission d’application des peines. J’ajoute que nous disposons d’un peu de temps puisque ce nouveau dispositif entrera en vigueur au 1er janvier 2023. Nous avons expertisé ces situations – je pourrai vous communiquer les chiffres – car il n’est évidemment pas question de laisser des trous dans la raquette, pour filer la métaphore sportive.

En outre, le JAP ne peut pas faire des projections sur l’avenir concernant le comportement ou les efforts de réinsertion, ni dans un sens, ni dans l’autre d’ailleurs, car il n’est pas médium. On reproche souvent au JAP de ne pas anticiper une récidive. Vous avez probablement tous en tête une affaire et les polémiques qu’elle a suscitées.

C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement et vous demanderai de bien vouloir le retirer.

Mme Laetitia Avia. Nous avons un souci, monsieur le ministre. Nous soutenons le dispositif, nous souhaitons qu’il aboutisse, mais nous avons identifié plusieurs difficultés : la disparité ; la surpopulation ; l’anticipation des sorties sèches. Nous avons trouvé des solutions concernant les disparités, vous nous avez parfaitement répondu s’agissant de la surpopulation carcérale, mais nous n’avons aucun élément de réponse sur les sorties sèches. Quelle solution proposez-vous pour mon exemple de quatre ans – votre réponse évoque un détenu condamné à cinq ans d’emprisonnement ? Mon amendement n’est sans doute pas parfait, mais c’est une proposition car il faut que nous trouvions une solution, ensemble, afin que le législateur puisse dormir sur ses deux oreilles.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Vous connaissez ma méthode et je suis d’accord pour réfléchir avec vous car si, quand on est parlementaire, on ne peut pas dormir sur ses deux oreilles avant d’avoir trouvé une solution, quand on est au Gouvernement, c’est pareil.

En l’espèce, il y a une ligne rouge, juridique, à ne pas franchir : le juge de l’application des peines ne peut pas se projeter dans l’avenir concernant le comportement ou les efforts de réinsertion d’un détenu. Il est impossible de transiger sur ce point.

Mme Cécile Untermaier. La difficulté n’est-elle pas liée à l’automaticité du dispositif de libération sous contrainte, qui ne permet plus au juge d’apprécier la date à laquelle la libération doit avoir lieu ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Retravaillons la copie ensemble car l’amendement de Mme Avia est la traduction des interrogations des parlementaires de la commission. Nous avons été rassurés sur l’équilibre global du système et la définition des termes employés dans le projet de loi. Il ne reste que ce point à éclaircir.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Effectivement, le sujet est très important.

Mme Laetitia Avia. Je retire l’amendement. Nous serons à l’écoute de toutes les propositions du Gouvernement d’ici à mercredi dix-sept heures !

L’amendement est retiré.

Amendement CL637 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de réintroduire une version simplifiée et unifiée des exceptions de réductions de peine qui existaient dans les articles 721 et 721‑1 du code de procédure pénale et qui excluaient des remises de peine les détenus qui ne suivaient pas les soins ou les traitements qui leur étaient proposés.

Cette précision est importante : quand vous êtes condamné, si vous êtes astreint à une obligation de soins, vous devez respecter cette obligation. Sinon, vous n’exécutez pas votre peine. Vous n’êtes alors ni dans une logique de bonne conduite, ni dans une logique d’efforts de réinsertion.

Il me semble d’autant plus important de réintroduire ce dispositif que le législateur a tenu à l’inscrire progressivement et de plus en plus fermement dans la loi au cours des dernières années, notamment pour mieux lutter contre les violences sexuelles. Il est important de respecter sa volonté et d’inscrire clairement dans la loi que les condamnés ne suivant pas leurs soins ou leur traitement ne peuvent bénéficier de toutes les réductions de peine auxquelles ils pourraient prétendre.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de clarification CL638 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL425 de M. Sacha Houlié et CL45 de M. Raphaël Schellenberger.

Suivant le même avis, elle rejette également successivement les amendements CL17 de Mme Brigitte Kuster, CL32 de M. Éric Pauget et CL46 de M. Raphaël Schellenberger, soumis à discussion commune.

Amendement CL628 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Lors de l’entrée en détention, cet amendement vise à informer le condamné des critères d’octroi et des possibilités de retrait de la réduction de peine.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suggère également qu’il signe un document – ce qui pourrait s’apparenter à un règlement intérieur.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est une bonne idée.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL171 de Mme Marie-France Lorho et CL43 de M. Raphaël Schellenberger.

Amendements CL34 de M. Éric Pauget, CL298 et CL299 de M. Éric Ciotti et CL381 de M. Jean-Michel Fauvergue (discussion commune).

M. Thomas Rudigoz. Je présente l’amendement CL381 de mes collègues Jean‑Michel Fauvergue et Alice Thourot, auteurs de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, définitivement adoptée le 15 avril dernier.

Bien entendu, monsieur le ministre, nous partageons votre volonté de simplifier et de rendre les règles de réduction de peine plus lisibles, mais nous souhaitons que le dispositif adopté dans le cadre de la proposition de loi soit préservé. C’est pourquoi nous proposons de limiter la réduction de peine à laquelle seront éligibles les condamnés pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique – policiers, gendarmes, pompiers, magistrats, élus – à quatre mois par an, durée équivalente au régime voté le mois dernier par l’Assemblée nationale.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis favorable car il s’agit d’une coordination entre le texte adopté et le présent projet de loi.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce qui s’est passé hier à Avignon est absolument ignoble. Le crime odieux commis à l’encontre de ce jeune policier, père de famille, nous bouleverse tous et l’émotion va bien au-delà de la seule communauté des forces de l’ordre ; elle traverse le pays.

Je le répète ici : au quotidien, les forces de police réalisent un travail considérable pour nous protéger. Elles exercent au nom de la République et pour le compte de la collectivité des missions essentielles et périlleuses que notre droit pénal doit nécessairement prendre en compte.

C’est la raison pour laquelle je veux redire devant la représentation nationale que les auteurs de crimes et délits commis à l’encontre des forces de police ou de gendarmerie, et plus largement à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique, ne peuvent et ne doivent pas bénéficier du même régime de réduction de peine que les autres criminels et délinquants. Nous devons leur imposer un régime plus rigoureux au regard de l’insupportable gravité des actes qu’ils ont commis.

Avec gravité et une complète détermination, j’émets un avis totalement favorable à l’amendement CL381.

La commission rejette successivement les amendements CL34, CL298, CL299.

Elle adopte l’amendement CL381.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL291 de M. Éric Ciotti.

L’amendement CL199 de Mme Cécile Untermaier est retiré.

Amendement CL485 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. L’article prévoit une réduction de peine exceptionnelle pour les détenus ayant permis d’éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l’établissement – comme une mutinerie – ou à porter atteinte à la vie ou l’intégrité physique ou psychique des personnels pénitentiaires.

L’amendement vise à ajouter les actes ayant évité que soit porté atteinte à la vie – en cas de tentative de suicide par exemple – ou à l’intégrité physique ou psychique des détenus. Les détenus ayant évité de tels actes doivent aussi être récompensés par une réduction de peine exceptionnelle.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL10 de Mme Brigitte Kuster.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL596 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL200 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL597 et CL598 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL201 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL599 du rapporteur.

Amendement CL484 de Mme Caroline Abadie.

Mme Laetitia Avia. Cet amendement est présenté par notre collègue Caroline Abadie, qui préside le groupe d’études sur les prisons. Il vise à répondre à la demande exprimée par les agents pénitentiaires, qui souhaitent que leur avis soit mieux pris en compte par la commission d’application des peines, chargée de donner son avis au juge de l’application des peines sur les détenus. L’amendement prévoit donc qu’elle le donne en présence d’un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Votre demande est satisfaite par l’amendement CL622, précédemment adopté.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL643 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL297 de M. Éric Ciotti.

Chapitre V
Dispositions diverses

Article 10 (art. 41, 199, 196, 495‑15, 656‑1, 706‑74, 706‑112‑3 [nouveau], 706‑113 et 800‑2 du code de procédure pénale ; art. L. 423‑11 du code de la justice pénale des mineurs) : Diverses dispositions relatives à la procédure pénale

Amendement CL546 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement vise à compléter l’article préliminaire du code de procédure pénale pour prévoir que la notification du droit au silence doit intervenir à toutes les phases de la procédure. Cela devrait nous permettre de prévenir quelques questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel censurant toutes les procédures dans lesquelles la mention de ce droit n’est pas prévue.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL276 de Mme Séverine Gipson.

Amendement CL650 du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il s’agit de faciliter le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et d’inscrire dans la loi une recommandation du groupe de travail en charge de proposer des mesures visant à la résorption des stocks, conduit par le président du tribunal judiciaire de Bobigny et composé de magistrats, de fonctionnaires du greffe et de bâtonniers. L’ensemble des membres du groupe de travail, à l’exception du barreau de Lille, a marqué son intérêt pour le développement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité comme moyen de régulation des flux de dossiers de poursuite et de résorption des stocks.

Il y a deux raisons à cela. D’abord, sur le principe, dès lors que le prévenu reconnaît sa culpabilité et que le juge correctionnel accepte d’homologuer la peine proposée par le parquet et acceptée par le prévenu, cette procédure permet d’examiner un nombre plus élevé de dossiers dans un temps d’audience identique, tout en préservant les intérêts de la partie civile.

Ensuite, le prévenu qui a reconnu sa responsabilité pénale accepte le principe et le quantum de la peine proposée, ce qui donne du sens du point de vue de la politique pénale.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Lundi, à Bobigny, j’ai assisté à la présentation de ces mesures, et notamment celle-ci visant à généraliser et accompagner le développement des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité. Je souscris entièrement à l’argumentaire du ministre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL36 de M. Éric Pauget.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Aux termes de cet amendement, la personne mise en examen ne pourrait être entendue qu’après avoir été informée non seulement de son droit de se taire, mais également que tout ce qu’elle dira pourra être retenu contre elle. Est-ce une idée sérieuse, ou M. Pauget a-t-il regardé trop de séries américaines ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL577 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Aujourd’hui, les magistrats exerçant à titre temporaire peuvent connaître des quatre premières classes de contravention. Nous proposons d’élargir leur champ de compétences aux contraventions de cinquième classe. Il s’agit d’une mesure attendue.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Et d’une excellente idée !

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL225 de M. Didier Paris et CL412 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Naïma Moutchou. Ces amendements empêchent la création de juridictions spécialisées pour connaître des crimes sériels. Ces structures ne peuvent se justifier par des considérations de technicité particulière : ce type de crime doit rester de la compétence des juridictions ordinaires. Par ailleurs, la notion de crimes sériels n’a pas de fondement juridique puisqu’elle n’est pas définie en droit pénal.

Mme Laurence Vichnievsky. Mon amendement est identique mais sa motivation tout à fait différente. Il doit être examiné en lien avec notre amendement portant article additionnel qui vise à créer un pôle national spécialisé dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidés. Dans son avis du 8 avril 2021, le Conseil d’État a estimé qu’une telle spécialisation s’inscrirait dans l’objectif de bonne administration de la justice et qu’elle serait de nature à renforcer l’efficacité de la réponse pénale. Or, à notre sens, la création de ce pôle national spécialisé est exclusive de l’attribution d’une compétence concurrente à des juridictions régionales.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Madame Vichnievsky, vous venez d’évoquer un amendement relatif aux affaires non résolues, que vous défendrez tout à l’heure. Nous pourrions avoir une discussion globale sur ces deux sujets, mais le temps imparti ne m’a pas permis d’évaluer précisément le bon niveau de juridiction pour traiter ces dossiers particuliers. Faut-il une compétence partagée ou une compétence unique ? Je m’en remettrai à l’avis de la Chancellerie, bien que je sois plutôt favorable à un pôle spécialisé pour connaître de ces crimes ou, plus largement, de ces infractions qui méritent une attention particulière et doivent être traitées avec professionnalisme. Je demande donc le retrait de ces amendements. Toutefois, je souhaiterais que nous trouvions une solution d’ici à la séance publique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je demande aussi le retrait des amendements.

Mme Laurence Vichnievsky. Je le répète, mon amendement CL412 n’est que la conséquence de l’amendement CL413 que je souhaitais présenter plus tard. J’en déduis que vous me demanderez aussi de retirer ce dernier. Si l’on est favorable à la création d’un pôle national, on ne peut soutenir la création de juridictions régionales.

Mon amendement CL413 résulte de discussions avec la doyenne des juges d’instruction près le tribunal judiciaire de Paris, chargée de l’affaire Estelle Mouzin, dont il a été question ces derniers temps. Cette magistrate et sa greffière sont elles-mêmes en contact quasi quotidien avec l’avocat de parties prenantes de ce dossier. La Chancellerie a constitué un groupe de travail sur le traitement des affaires non résolues : j’ai voulu anticiper les résultats de cette instance en traduisant les propositions de mon interlocutrice dans un amendement, que je suis disposée à retirer si un travail est engagé d’ici à la séance publique. Tout cela est assez urgent : nos concitoyens concernés par ces affaires particulières attendent une réponse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je propose que nous travaillions ensemble. J’ai moi aussi reçu Me Seban, l’un des avocats spécialisés dans ce type d’affaires, ainsi que la juge Khéris et sa greffière.

Mme Laurence Vichnievsky. Nous avons rencontré les mêmes personnes !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est normal : nous avons sollicité les personnes les plus susceptibles d’éclairer et de nourrir notre réflexion ! J’ai acquis la conviction qu’il fallait aller vers une spécialisation. Les services de la Chancellerie ont déjà quelques pistes de réflexion. Cependant, nous n’avons pas encore achevé notre réflexion, qui évolue, et nous souhaitons poursuivre ce travail avec vous. Nous ferons une proposition précise sur ce sujet.

J’ai tout de même une petite requête à vous présenter. De grâce, parlons d’affaires non résolues et non de son équivalent en langue anglaise. L’expression est peut-être ringarde, mais j’essaie de défendre notre langue qui est, depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, le français.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je parlerai donc d’affaires que nous finirons par résoudre ! Dans le cadre de nos auditions, nous avons rencontré les mêmes personnes que vous, très convaincantes. Nous partageons le même objectif et la boîte à outils proposée me semble pertinente. Il faut que notre réflexion collective aboutisse car c’est un sujet qui en vaut la peine. On parle de confiance en la justice ; justement, nos concitoyens ont une mauvaise image de l’institution judiciaire quand ils ont l’impression qu’elle ne bouge plus, après un certain nombre d’années, pour essayer de résoudre ces affaires sensibles que la presse traite comme des feuilletons.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. M. le rapporteur a raison : quand une affaire de ce genre est résolue, on se demande pourquoi elle ne l’a pas été plus tôt et on s’aperçoit qu’il y a eu des retards, des problèmes de communication et un tas d’erreurs qui peuvent laisser sans voix. Le livre de Me Seban, que j’ai lu, donne un certain nombre d’exemples édifiants. Je suis certain qu’avec une juridiction spécialisée, nous n’en serions pas là. Tout cela donne en effet une image pitoyable de la justice. Puisque nous voulons restaurer la confiance dans l’institution judiciaire, autant régler cette question !

Mme Laetitia Avia. Le groupe La République en Marche souhaite que nous avancions sur cette question. La solution préconisée par les personnes qui travaillent sur ce sujet se rapproche beaucoup de celle que nous avons adoptée pour combattre la haine en ligne – un pôle spécialisé.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement de coordination CL545 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL334 de M. Benjamin Dirx.

Elle adopte l’amendement légistique CL544 du rapporteur.

Amendements CL422 de M. Sacha Houlié et CL371 de Mme Alexandra Louis (discussion commune).

Mme Alexandra Louis. Dès que j’ai lu son titre, j’ai vu dans ce projet de loi une occasion inespérée d’avancer sur un sujet important, à savoir la possibilité pour une victime d’être assistée par un avocat lors d’un dépôt de plainte. Aucune disposition du code de procédure pénale n’interdit cette pratique, mais aucune ne la permet clairement non plus, de sorte que ni la victime ni son conseil ne peuvent se prévaloir d’un tel droit. J’avais posé une question écrite en janvier 2019 et j’avais alors reçu une réponse claire : elle disait, en substance, que cette possibilité était offerte à la victime et ne posait aucune difficulté juridique. Je pense, pour ma part, qu’il faut l’écrire dans le code de procédure pénale. Lors d’un dépôt de plainte, l’assistance de l’avocat est importante ; il en va de la confiance dans l’institution judiciaire car c’est souvent lors de son passage au commissariat qu’un justiciable se fait sa première opinion de la justice. Au cours des dernières années, nous n’avons cessé de renforcer l’accompagnement des victimes, en particulier pour les inciter à déposer plainte : il est important de leur donner le plus de garanties possible.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable. Le dépôt de plainte est la porte d’entrée de la procédure : tout peut se jouer lors de cette étape importante. Le plaignant doit pouvoir être rassuré.

La commission adopte l’amendement CL371.

En conséquence, l’amendement CL422 tombe.

Amendement CL283 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Je propose que nous franchissions une étape dans la dématérialisation de la chaîne pénale en permettant aux huissiers de justice de signifier par voie électronique un certain nombre d’actes en matière pénale. Il s’agit d’aller plus vite et de nous adapter à la justice du XXIe siècle. Cette pratique n’est pas nouvelle : elle existe en matière civile depuis 2012. Elle n’a pas encore été adoptée en matière pénale car il convient de prendre beaucoup de précautions sur la confidentialité et la sécurité, mais je crois que nous pouvons ouvrir cette possibilité avec quelques garde-fous. Ainsi, cette procédure ne concernerait pas les prévenus, qui continueraient de recevoir les actes au format papier.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis très favorable à cette mesure, demandée par les huissiers de justice auditionnés.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je suis d’autant plus favorable à cette disposition qu’elle est défendue par les représentants des huissiers de justice. Elle leur simplifiera la vie car ils doivent parfois faire beaucoup de route pour une signification. Elle permettra une accélération des procédures au bénéfice des justiciables.

Par ailleurs, je me suis laissé dire que si l’on permettait aux huissiers de signifier un plus grand nombre d’actes par voie électronique, ils pourraient passer davantage de temps pour rencontrer, notamment dans les points-justice, des gens démunis qui ne connaissent pas le fonctionnement de notre justice. Cela m’amène à rappeler le bilan régalien du Gouvernement : nous avons ouvert 2 000 points-justice pour permettre aux plus démunis, à nos compatriotes les plus éloignés du droit, d’obtenir des informations sur une question juridique en rencontrant des avocats, des notaires et, de plus en plus, des huissiers de justice.

Mme Cécile Untermaier. J’ai également reçu des représentants des huissiers de justice, notamment des professionnels de Saint-Étienne. Je vous ai alors saisi de cette question, monsieur le garde des Sceaux. Je remercie Mme Moutchou d’avoir déposé cet amendement et je me réjouis que son initiative aboutisse. Cette mesure entraînera certainement une réduction des tarifs, dont le niveau actuel pose problème aux personnes précaires.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL11 de Mme Brigitte Kuster.

Amendement CL66 de M. Antoine Savignat.

M. Antoine Savignat. Dans le but de rétablir la confiance de nos concitoyens en la justice et au vu du rôle croissant que sont appelés à jouer les magistrats non professionnels, nous proposons que les juges soient eux aussi exposés au délit de prise illégale d’intérêt – ce que le code pénal ne prévoit pas actuellement.

Dans une décision de 1995, le Conseil constitutionnel a reconnu que les magistrats exerçant à titre temporaire, dont nous parlions tout à l’heure, avaient d’autres employeurs, d’autres clients, d’autres activités et donc d’autres intérêts pouvant entrer en conflit avec leurs fonctions judiciaires. Par ailleurs, le principe d’inamovibilité des magistrats du siège ne leur est pas applicable : cette situation est susceptible de faire naître des conflits d’intérêts.

Aujourd’hui, pour un juge, la prise illégale d’intérêt ne fait l’objet que d’une sanction disciplinaire alors que pour bon nombre de personnes exerçant des responsabilités, il s’agit d’un délit pénal. Ainsi, des élus qui n’exercent pas de pouvoir exécutif sont exposés à la qualification de prise illégale d’intérêts et peuvent faire l’objet de poursuites pénales, tandis que les magistrats, qui sont pourtant amenés à rendre des décisions, y échappent. Dans la droite ligne des dispositions du présent projet de loi, afin de restaurer la confiance en la justice et d’accroître la transparence, nous proposons de modifier le code pénal en ce sens.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je m’interroge sur le lien que vous faites, dans l’exposé sommaire de votre amendement, entre les magistrats et les élus locaux. Ces fonctions ne sont pas tout à fait comparables : par exemple, les magistrats ne gèrent pas de budget.

Par ailleurs, les magistrats sont soumis à des obligations de transparence : ils doivent remplir une déclaration d’intérêts, sur le modèle de celle que doivent remettre les parlementaires. Il en est de même pour les magistrats non professionnels, et cette obligation sera étendue aux avocats honoraires appelés à exercer des fonctions juridictionnelles. Avis défavorable en l’état.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je ne comprends pas vraiment le sens de cet amendement. Si un magistrat commet une prise illégale d’intérêt, il peut être poursuivi pour ce motif. Il peut également faire l’objet d’une procédure disciplinaire ; de nombreuses décisions ont été rendues en la matière, que l’on peut d’ailleurs consulter.

Parmi ceux qui critiquent la justice, il y a des irréductibles que nous ne parviendrons jamais à convaincre et sur lesquels ce texte n’aura strictement aucun impact – je pense aux justiciables qui ont perdu leur procès et qui considèrent, pour ce seul motif, qu’ils ont été mal jugés. Prenons garde à ce que les quérulents ne déposent pas de plaintes infondées – des gens bien pourraient en être victimes, d’autant que nous convenons tous que le délit de prise illégale d’intérêt est une infraction un peu particulière. Avis défavorable.

M. Antoine Savignat. En lisant les dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d’intérêt, on pourrait effectivement penser que cette incrimination est susceptible de concerner tout magistrat. Mais si nous avons déposé cet amendement, c’est que la réalité est inverse : elle exclut du périmètre du délit une catégorie particulière d’agents dépositaires de l’autorité publique, les magistrats, au motif qu’ils n’exercent pas une fonction de surveillance, d’administration, de liquidation ou de paiement comme l’exige la loi. Or, comme vous le disiez vous-même, monsieur le garde des Sceaux, il est parfaitement possible – même si cette situation est fort heureusement rare – qu’un magistrat commette, dans l’exercice de ses fonctions, ce délit de prise illégale d’intérêt. Ainsi, en 2018, des magistrats ont été soupçonnés de prise illégale d’intérêt mais n’ont fait l’objet que de simples poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la magistrature ; aucune procédure pénale n’a été engagée. Les magistrats exercent un pouvoir important et il convient de faire comprendre aux Français qu’ils ne peuvent mal agir impunément.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il me semble que la jurisprudence évoquée concerne en réalité la seule activité juridictionnelle des magistrats. Si un magistrat commet un délit de prise illégale d’intérêt dans un autre cadre, il peut évidemment être poursuivi.

Vous avez expliqué certaines choses, monsieur Savignat, et nos débats sont très regardés. Nous examinerons donc cette question de façon précise car je ne veux pas qu’à l’issue de nos débats, on puisse se dire qu’il y aurait une catégorie de privilégiés qui, en raison de leurs fonctions, ne sont pas susceptibles d’être poursuivis pour telle ou telle infraction. Je demande aux services de la Chancellerie une analyse très fine de cette situation et j’espère pouvoir vous répondre, en séance publique, la même chose qu’aujourd’hui, à savoir qu’une prise illégale d’intérêt peut faire l’objet tant de l’ouverture d’une procédure disciplinaire que de l’engagement de poursuites pénales. Si je découvrais que les magistrats bénéficiaient d’une sorte de protection, pour des raisons qui seraient surprenantes à mes yeux, je serais tout à fait prêt à en tirer toutes les conséquences.

M. Antoine Savignat. Au vu de l’importance du sujet, je maintiendrai mon amendement. J’espère que vous pourrez me rassurer, monsieur le garde des Sceaux, mais ce que vous expliquez ne correspond malheureusement pas à l’état du droit. C’est pour mettre un terme à cette pratique que nous avons déposé cet amendement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Si je ne peux pas vous rassurer, nous modifierons les textes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL20 de M. Dino Cinieri et CL146 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. J’avais déposé plusieurs amendements relatifs aux victimes d’accidents de la circulation, tous jugés irrecevables sauf l’amendement CL146. Malheureusement, ces victimes ne se voient pas toujours remettre les éléments de procédure judiciaire ayant trait à l’accident qu’elles ont subi. Très peu de commissariats de police transmettent notamment aux victimes, via un document appelé « triplicata », les éléments concernant le véhicule du tiers. S’agissant des résultats toxicologiques et, le cas échéant, du compte rendu d’autopsie, leur transmission est soumise à l’avis du parquet. Tous ces éléments sont pourtant essentiels pour permettre aux victimes d’être indemnisées. Par cet amendement, nous entendons donc faire gagner du temps aux forces de l’ordre, au parquet et, in fine, aux victimes.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je ne vois pas trop l’intérêt de ces amendements. S’il y a bien une situation qui permet d’obtenir les procès-verbaux en dehors de la procédure ordinaire exigeant notamment l’accord du procureur de la République, c’est justement celle des accidents de la circulation, puisque les assurances peuvent se faire communiquer ces pièces par les parquets afin d’engager le processus d’indemnisation. Par ailleurs, la victime d’un accident souhaitant faire valoir ses droits devant un tribunal peut toujours solliciter auprès du procureur de la République la communication des procès-verbaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis défavorable. Effectivement, la victime peut déjà avoir accès aux pièces utiles à sa demande d’indemnisation. En outre, cette mesure pourrait entraîner une charge de travail supplémentaire pour la police – remettre un document à une seule personne ne prend pas beaucoup de temps, mais si l’on multiplie ce temps par le nombre d’accidents, on arrive à une charge de travail plus importante. Quoi qu’il en soit, cette question relève du domaine réglementaire. Je solliciterai l’avis du ministre de l’intérieur : si une telle mesure peut faciliter la vie de nos concitoyens, nous y réfléchirons.

Mme Emmanuelle Ménard. Merci de votre proposition, monsieur le garde des Sceaux. Si cette mesure relève du domaine réglementaire, nous retravaillerons notre amendement. Cependant, je ne parle pas ici de procédures judiciaires : les victimes ont besoin de ces documents dans le cadre de leurs démarches auprès des assureurs pour se faire indemniser. Dans la plupart des cas, les éléments nécessaires ne leur sont pas transmis et les procédures traînent. Au-delà du traumatisme de l’accident, qui peut être important – je ne parle même pas des décès –, les victimes subissent alors le préjudice de l’attente de l’indemnisation.

L’amendement CL146 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL20.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL502 de M. Buon Tan et CL446 de Mme Anne-Laure Blin.

Amendement CL413 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cet amendement vise à créer un pôle national spécialisé dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidés. Le débat a eu lieu tout à l’heure et M. le garde des Sceaux s’est engagé à continuer à travailler sur ce sujet.

Mme Laurence Vichnievsky. En effet. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Titre III
Du service public pénitentiaire

Avant l’article 11

Amendement CL248 de Mme Naïma Moutchou ; amendements identiques CL256 de Mme Marie-George Buffet, CL362 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL442 de M. Aurélien Taché et CL203 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Naïma Moutchou. Mon amendement CL248 porte sur un sujet qui tient particulièrement à cœur à notre commission : le droit de visite des bâtonniers dans les lieux de privation de liberté. Nous avons déjà évoqué cette question à plusieurs reprises, dans le cadre d’autres textes, avec Mme la présidente de la commission, très impliquée sur ce sujet, ainsi que Mme Laetitia Avia et Mme Caroline Abadie, présidente du groupe d’études « Prisons et conditions carcérales ».

Les avocats sont des acteurs de la justice. Leur rôle est particulièrement important et leur présence attendue dans les établissements pénitentiaires, où un dialogue doit se nouer avec la direction et le personnel. Il ne s’agit pas pour les bâtonniers – puisque ce sont eux qui sont concernés par cet amendement – de s’introduire dans les prisons avec des caméras et des journalistes, mais d’échanger avec l’administration pénitentiaire afin que les avocats puissent accéder aux parloirs sans difficulté – vous savez qu’il y a eu quelques tensions à propos des fouilles – et de faire remonter tant les difficultés auxquelles sont confrontés les établissements pénitentiaires que les « bonnes pratiques » instituées par ces derniers, pour reprendre l’expression du garde des Sceaux.

Le sujet est suffisamment mûr pour que nous puissions évoluer, d’autant que l’administration pénitentiaire semble avoir compris le sens de cette évolution. Ce serait une avancée majeure dans la lutte contre les conditions de détention indignes, qui permettra également d’améliorer la représentation que la population se fait des établissements pénitentiaires. L’ensemble des lieux de privation de liberté sont concernés. J’ai consulté la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui s’est montrée particulièrement enthousiaste.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. La place essentielle qu’occupe l’avocat dans la protection des intérêts des personnes détenues a été soulignée à de nombreuses reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et les juridictions nationales. La CEDH a notamment rappelé que l’avocat est indispensable tant à la représentation des requérants qu’à la bonne administration de la justice. Elle a jugé que les avocats sont des « acteurs de justice », qui « contribuent au fonctionnement de la justice et, ainsi, à la confiance du public en celle‑ci ». Elle a précisé que « le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ».

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable. Je fais miennes toutes les explications apportées par Mme Moutchou et M. Morel-À-L’Huissier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable également.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous m’en voyez très heureuse, monsieur le garde des Sceaux. La commission des lois dans son ensemble tient particulièrement à cette mesure.

M. Ugo Bernalicis. J’y suis également favorable. Je dois vous dire que j’ai hésité à déposer à nouveau moi-même un amendement similaire, compte tenu des réponses qui m’avaient été apportées précédemment tant par le rapporteur que par le Gouvernement. Mais je vois que tout le monde change d’avis…

Mme Naïma Moutchou. J’avais moi aussi déjà déposé cet amendement, et les mêmes réponses m’avaient été faites !

M. Ugo Bernalicis. Je le sais bien : nous étions plusieurs à défendre cette proposition. Je me réjouis que les uns et les autres se soient laissés convaincre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous défendons le droit de visite des bâtonniers dans les prisons depuis 2017. Je vous invite à relire un certain nombre de mes interventions publiques, dans lesquelles je m’exprimais en faveur de cette mesure. Je sais que Mme Moutchou, Mme Avia et Mme Abadie l’ont fait également, et je ne doute pas de la conviction du rapporteur sur ce sujet.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Si c’est moi que vous visez, monsieur Bernalicis, je vais être clair : j’assume la réflexion qui, quand elle est nourrie, entraîne parfois des changements de position.

Permettez-moi d’expliquer mes réserves initiales sur cette question. Le droit de visite existe déjà pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour les magistrats – qui sont, aux termes de la Constitution, les garants de la liberté –, ainsi que pour les parlementaires. Par ailleurs, les avocats peuvent toujours aller rencontrer individuellement leurs clients. Je pensais donc que ce n’était pas le rôle du bâtonnier.

Deux éléments m’ont fait changer d’avis. Tout d’abord, les bâtonniers sont membres de commissions dans lesquelles sont évoquées les conditions carcérales ; or, ils ne font pas forcément de droit pénal. On m’a donc convaincu qu’il serait opportun de les laisser entrer dans les prisons, afin qu’ils voient un certain nombre de choses qui pourraient nourrir la réflexion engagée au sein de ces commissions. Par ailleurs, je voyais initialement ce droit de visite comme un contrôle des lieux de privation de liberté, mais je me suis rendu compte que cette possibilité permettrait aussi de régler très vite certaines difficultés entre l’administration pénitentiaire et les avocats, s’agissant notamment de l’accès de ces derniers aux prisons. Ce second argument a achevé de me convaincre.

Vous pouvez m’adresser ce petit clin d’œil malicieux, monsieur Bernalicis. Ma position a changé, mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis – il n’empêche que ce n’est pas parce qu’on change d’avis qu’on n’est pas un imbécile !

Mme Naïma Moutchou. Je ne peux pas laisser passer les propos de M. Bernalicis. Le garde des Sceaux ne demandait qu’à être convaincu et il a engagé un cycle de concertations : on ne peut pas le lui reprocher ! On ne peut pas dire un jour qu’il consulte trop et déplorer le lendemain qu’il ne consulte pas assez ! Aujourd’hui, le sujet est mûr, et nous pouvons nous réjouir ensemble de cette évolution.

La commission adopte l’amendement CL248. L’article 11 A est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL256, CL362, CL442 et CL203 tombent.

Article 11 (art. 717-3 du code de procédure pénale) : Modification des dispositions générales relatives au travail des personnes détenues au travers de la suppression de l’absence de contrat de travail

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL172 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL231 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Il s’agit de modifier l’article 717-3 du code de procédure pénale afin d’y inscrire la validation des acquis de l’expérience (VAE) et de faire de ce droit une réalité pour les détenus.

La VAE est un puissant levier de réinsertion professionnelle et un outil de prévention de la récidive. En permettant aux détenus de faire valoir les compétences qu’ils ont acquises durant leur incarcération, elle leur ouvre la porte d’un marché de l’emploi auquel il leur est difficile d’accéder. Je le sais pour avoir travaillé, au début de ma carrière, à la réinsertion des détenues de la centrale pénitentiaire des femmes de Rennes. Lorsque je suis retournée dans cet établissement en tant que députée, j’ai constaté que celles qui travaillent durant des années à l’atelier couture, par exemple, sortent de détention sans avoir pu valider les compétences qu’elles y ont acquises.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce n’est plus vrai aujourd’hui : il existe, à Rennes, une formation diplômante pour les mêmes tâches.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Quoi qu’il en soit, il convient d’inscrire la VAE dans la loi : ce serait une belle reconnaissance de ce qui se fait en détention, tant en matière de formation que de diplomation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Cela est déjà prévu ; je demande donc le retrait de l’amendement. J’ai évoqué Rennes car je m’y suis rendu.

Par ailleurs, j’ai indiqué, tout à l’heure, que le bâtonnier participe à une commission, mais je n’ai pas été suffisamment précis, monsieur Bernalicis : il s’agit du conseil d’évaluation de l’établissement du ressort.

Mme Laetitia Avia. Le groupe La République en Marche soutient l’amendement de Mme Cloarec-Le Nahour, qui a acquis une véritable expertise dans le domaine dont il est question ici.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL108 et CL109 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Les relations de travail des personnes incarcérées doivent faire l’objet d’un contrat de travail et il ne peut être dérogé à cette règle. Le CL109 précise en outre que la rémunération horaire ne peut être inférieure à un taux égal à 50 % du SMIC. Cet amendement a fait l’objet d’une longue réflexion, car ce n’est pas grand-chose. Néanmoins, ce serait un progrès puisque, à l’heure actuelle, cette rémunération est égale à 45 % du SMIC pour les activités de production les mieux rémunérées.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Vous savez combien l’exercice est difficile. En créant le contrat d’emploi pénitentiaire, le projet de loi se rapproche le plus possible du droit commun. De fait, la situation n’est pas tout à fait normale : l’activité se déroule en détention. C’est pour cela que l’on prévoit une convention tripartite conclue entre un donneur d’ordre, l’administration pénitentiaire et le détenu. Le texte comporte des avancées très significatives, qui étaient attendues et sont saluées par nos interlocuteurs, en matière non seulement de droits sociaux mais aussi d’organisation du travail, puisqu’en sus du contrat d’emploi pénitentiaire, le projet de loi prévoit une procédure de classement, une procédure d’affectation et une rémunération garantie – même si celle-ci n’est pas au niveau que vous proposez.

On peut vouloir être plus ambitieux, mais on se heurte aux limites juridiques liées aux conditions d’emploi, qui sont très contraintes en détention. Pour ma part, je préfère retenir le bon côté des choses et je salue le travail remarquable accompli par le Gouvernement en la matière.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. En Italie, on a essayé d’appliquer un contrat de droit commun : il n’y a plus un seul employeur dans les prisons ! Grâce à ce texte, la situation sera bien meilleure qu’elle ne l’est actuellement. Ce n’est pas ce que vous espérez, monsieur Bernalicis, mais il faut être pragmatique. Mon objectif est d’amener le maximum d’employeurs dans les prisons.

M. Ugo Bernalicis. Puisque, après s’y être opposé, on a en définitive approuvé ma proposition de permettre aux bâtonniers de se rendre dans les établissements pénitentiaires, je gage que cette proposition-ci fera, elle aussi, son chemin. Peut-être aurais-je eu raison trop tôt, mais c’est ainsi.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12 (art. 719-10 à 719-25 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Création d’une section relative au travail des personnes détenues

Amendement CL110 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons que, dans les quarante-huit heures suivant son arrivée dans un établissement pénitentiaire, la personne détenue reçoive une fiche détaillant tous les postes de travail existants et expliquant la manière dont on accède au travail en détention. Tout à l’heure, nous avons adopté une disposition prévoyant l’information des personnes détenues sur les nouvelles règles applicables en matière de réduction de peines. Le parallélisme des formes voudrait que l’on adopte la même mesure concernant le travail, surtout si l’on veut que ces personnes s’investissent dans le travail : ce document leur faciliterait les choses.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Défavorable. Une telle mesure relève du domaine réglementaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. À la différence de celles relatives aux réductions de peine, ces informations figurent d’ores et déjà dans le livret « Je suis en détention », qui est un guide du détenu arrivant. Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. Ugo Bernalicis. Je le maintiens, car il s’agit d’un véritable enjeu. Certes, ces informations se trouvent dans le guide mais, en matière de travail, c’est parfois le règne de l’arbitraire.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement de précision CL600 et l’amendement rédactionnel CL601, tous deux du rapporteur.

Amendement CL472 de M. Didier Paris.

Mme Laetitia Avia. Il s’agit, comme nous l’avons fait pour les travaux d’intérêt général dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice, d’étendre la liste des donneurs d’ordre aux entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, et aux sociétés à mission se fixant plusieurs objectifs sociaux et environnementaux créées par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. S’agissant des structures de l’économie sociale et solidaire, l’amendement tel qu’il est rédigé risque d’exclure les entreprises individuelles ou les sociétés commerciales. Je suis favorable à l’amendement, sous réserve que cette correction soit apportée.

Mme Laetitia Avia. Je propose que nous votions et, si l’amendement est adopté, qu’un amendement rédactionnel soit déposé en séance publique.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL118 de M. Ugo Bernalicis.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL602 du rapporteur.

Amendement CL112 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement reprend une recommandation de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté qui, dans son avis du 22 décembre 2016 relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, propose de formaliser la procédure d’accès au travail en détention.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cette mesure relève du domaine réglementaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

M. Ugo Bernalicis. J’entends bien, mais cette formalisation est-elle prévue ? L’accès au travail est un véritable enjeu en détention. Dans ce domaine, je l’ai dit, c’est un peu le règne de l’arbitraire – et c’est un euphémisme.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Nous le ferons dans l’applicatif.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de précision CL603 du rapporteur.

Amendement CL629 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de prévoir explicitement que la décision de classement doit préciser les régimes selon lesquels la personne détenue peut être employée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL656 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous proposons que la personne détenue puisse adresser à l’administration pénitentiaire une demande d’affectation sur un poste de travail.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL630 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit d’apporter une précision sur le choix fait à la suite des entretiens.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL631 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de clarifier les possibilités offertes au chef d’établissement de suspendre le classement et l’affectation au travail.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL604, les amendements de correction CL605 et CL641, les amendements rédactionnels CL606, CL607, CL608 et CL609 ainsi que l’amendement de correction CL610, tous du rapporteur.

Amendement CL119 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Au lieu que le contenu du contrat de travail soit déterminé par un décret en Conseil d’État, comme le prévoit le texte, nous proposons qu’il soit soumis aux dispositions du code du travail applicables en la matière. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais mon rôle est également de tenter d’obtenir de meilleures garanties s’agissant du contrat de travail pénitentiaire, qui n’est pas un contrat de travail.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Pourquoi renvoyez-vous la définition du contenu du contrat à un décret en Conseil d’État ? En quoi l’application du code du travail pose-t-elle problème, en l’espèce ?

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL636 du rapporteur.

Amendements CL234, CL473, CL235 et CL474 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Ces amendements ont tous le même objectif : éviter qu’un changement de situation du détenu n’entraîne une rupture du contrat.

Ainsi, nous proposons qu’un contrat de travail puisse être conclu avec l’employeur pour lequel travaille le détenu lors de sa sortie de détention – c’est l’objet du CL234 – et qu’une personne libérée sous contrainte puisse continuer à travailler pour le même employeur – c’est l’objet du CL473. Les deux amendements restants visent le même objectif en cas de transfert du détenu dans un autre établissement. Il s’agit de favoriser le travail en détention, qui est un outil de réinsertion très important.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, qui permettent de s’inscrire dans la durée et d’éviter les ruptures de parcours.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je précise que le contrat d’emploi pénitentiaire ne peut pas être maintenu lorsque la personne est libérée : il faut changer de contrat. Sous cette réserve, je suis favorable aux CL234 et CL473. Je suis défavorable au CL235 et demande le retrait du CL474.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL611 du rapporteur.

Amendements identiques CL116 de M. Ugo Bernalicis, CL266 de M. Stéphane Peu, CL359 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, CL415 de Mme Laurence Vichnievsky et CL440 de M. Aurélien Taché.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de supprimer la possibilité pour le chef d’établissement ou le donneur d’ordre de suspendre le contrat d’emploi pénitentiaire en cas d’incapacité temporaire de travail pour raison médicale. On crée un contrat d’emploi pénitentiaire pour donner, en théorie, au détenu des droits analogues à ceux qui sont reconnus hors de la prison. Or, s’il est un droit qu’ont conquis les travailleurs, c’est bien celui de ne pas perdre leur emploi en cas de maladie. L’alinéa 42 a peut-être pour objet de faciliter l’organisation du travail, mais, dans ce cas, il doit être possible de remplacer temporairement la personne malade plutôt que de la priver de son poste de travail. Sinon, elle risque de refuser de consulter le service médical pour ne pas perdre son boulot.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Je ne vois pas où est le problème : dans le droit commun, en cas de maladie, le contrat de travail est également suspendu le temps de l’arrêt de travail. La seule différence, c’est que le salarié perçoit des indemnités journalières.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. L’article L. 1226-7 du code du travail prévoit, lui aussi, la suspension du contrat de travail. Je ne vois pas où est la difficulté.

L’amendement CL359 est retiré.

M. Ugo Bernalicis. Pour ma part, je la vois parfaitement : il n’est pas explicitement prévu que le contrat de travail reprend à la fin de l’arrêt de travail. Par ailleurs, pas davantage qu’à l’extérieur, la personne n’est responsable de sa maladie. Je ne comprends donc pas en quoi la spécificité de la détention justifie l’absence de versement d’indemnités journalières.

La commission rejette les amendements CL116, CL266, CL415 et CL440.

Elle rejette l’amendement CL265 de Mme Marie-George Buffet suivant l’avis du rapporteur et adopte l’amendement de précision CL633 du rapporteur.

Amendement CL113 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons que les dispositions prévues dans l’article L. 3121-16 du code du travail en matière de temps de pause s’appliquent en détention.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cette précision relève du décret d’application. Défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL613 du rapporteur.

Amendement CL120 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons que les agents de contrôle de l’inspection du travail puissent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires afin de veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention et que des visites de l’inspection du travail sur l’ensemble des lieux de travail d’un établissement pénitentiaire soient effectuées périodiquement, au minimum trois fois par an.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Ces questions seront abordées dans le cadre des ordonnances. Il est en effet certainement nécessaire que l’inspection du travail puisse visiter les lieux de détention, en tenant compte de leurs spécificités. Défavorable.

M. Ugo Bernalicis. C’est sans doute très bien mais, étant défavorable aux ordonnances, je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision CL615 du rapporteur.

Elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13 (art. 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) : Abrogation de l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 relatif à l’acte d’engagement encadrant le travail des personnes détenues

La commission adopte l’article 13 sans modification.

Article 14 : Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour prendre différentes mesures législatives relatives aux règles applicables en détention en lien avec le travail des personnes détenues

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements de suppression CL150 de Mme Emmanuelle Ménard et CL267 de Mme Marie-George Buffet.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL616, CL617, CL618 et CL619, tous du rapporteur.

Suivant l’avis de celui-ci, elle rejette l’amendement CL173 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL418 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Laetitia Avia. Il a pour objet de préciser le champ de l’ordonnance pour favoriser l’accès des femmes détenues à la formation professionnelle. La présidente Khattabi, qui travaille de longue date à cette question, a fait adopter des amendements à ce sujet dans le cadre de la loi de programmation pour la justice. Le travail en détention est souvent une première expérience pour les détenues. La formation professionnelle permet de développer et de stabiliser des compétences et ainsi d’acquérir des certifications et diplômes, indispensables pour accéder à un emploi à la sortie.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement est satisfait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Tout à fait.

Mme Laetitia Avia. En quoi l’est-il ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il l’est par les dispositions du projet de loi relatives à la formation professionnelle en détention.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est également prévu dans l’ordonnance.

Mme Laetitia Avia. J’ai cherché, et je n’ai pas trouvé les dispositions du texte dont vous parlez. En tout état de cause, n’ayant pas de mandat pour retirer cet amendement, je le maintiens.

M. Ugo Bernalicis. Le seul amendement que j’ai réussi à faire adopter lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la justice prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions de détention des femmes, qui doit aborder ces questions. Je ne sais pas où en est la rédaction de ce rapport…

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’alinéa 14 prévoit que le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance aux fins, notamment, de « favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité ». Parmi ces activités figure en particulier la formation professionnelle qui peut être suivie dans le cadre de la détention. C’est, de manière générale, l’esprit du texte.

Mme Laetitia Avia. Depuis le début de la législature, nous avons voté un certain nombre de textes qui visent à favoriser la formation professionnelle. Aussi souhaitons-nous mettre l’accent sur cet élément important dans le projet de loi qui, en l’état, ne nous semble pas satisfaire l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL620 et CL621 du rapporteur.

Elle adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

Amendement CL419 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Laetitia Avia. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la formation professionnelle des détenus, notamment des femmes.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Défavorable. En revanche, je serai favorable à l’amendement CL420.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL420 de Mme Fadila Khattabi. L’article 14 bis est ainsi rédigé.

Article 15 : Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour l’adoption de la partie législative du code pénitentiaire

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements de suppression CL148 de Mme Emmanuelle Ménard et CL295 de M. Éric Ciotti, l’amendement CL313 de M. Pascal Brindeau et l’amendement CL174 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte l’article 15 sans modification.

Article 16 (art. 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. L. 6431-4 du code de la santé publique, art. 844-2 du code de procédure pénale, art. L. 387 du code électoral) : Modification des règles applicables dans les îles Wallis et Futuna en matière pénitentiaire

La commission adopte l’article 16 sans modification.

Après l’article 16

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL301 de M. Éric Ciotti.

Titre IV
Simplifications procédurales

Article 17 (art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) : Prolongation de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux administratifs

La commission adopte l’article 17 sans modification.

Article 18 (art. L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation) : Suppression des audiences « DALO-injonction » en l’absence de difficulté sérieuse

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL149 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission adopte l’article 18 sans modification.

Après l’article 18

Amendement CL70 de M. Antoine Savignat et amendements identiques CL543 du rapporteur et CL427 de M. Nicolas Démoulin (discussion commune).

M. Antoine Savignat. La confiance dans l’institution dépend en partie de son bon fonctionnement. Or les huissiers ont fait part des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions quotidiennes, notamment lorsqu’ils doivent signifier un acte à une personne. Il serait donc raisonnable de leur faciliter la tâche en leur permettant d’accéder aux boîtes aux lettres des immeubles.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Je souscris aux propos de M. Savignat. Je laisse à M. Démoulin, très mobilisé de longue date sur ce sujet, le soin de défendre les amendements identiques.

M. Nicolas Démoulin. Mon amendement a le même objet que celui de M. Savignat. Il s’agit d’une préconisation formulée dans mon rapport sur la prévention des expulsions. Dans ce cadre, la délivrance du commandement de payer est un moment crucial car il est encore possible d’éviter de basculer dans une procédure judiciaire, en recourant, par exemple, à des solutions telles que les aides au logement ou le Fonds de solidarité pour le logement. Il convient donc de faciliter le contact de l’huissier avec le justiciable. Cet amendement de bon sens, conforme à l’intérêt général, concourt aussi bien à la protection du locataire qu’à celle du propriétaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ne nous emballons pas ! Si nous sommes tous favorables à un tel amendement, il a déjà été censuré à deux reprises par le Conseil constitutionnel au motif qu’il constituait un cavalier législatif. Nous espérons cependant que cette troisième tentative sera couronnée de succès, car il nous semble qu’il a un véritable lien avec le texte.

La commission rejette l’amendement CL70.

Les amendements CL543 et CL427 étant adoptés, l’article 18 bis est ainsi rédigé.

Titre V
Renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit

Chapitre Ier
Déontologie et discipline des professions du droit

Section 1
Discipline des officiers ministériels

Article 19 : Principes applicables aux officiers ministériels

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL525 et CL524 du rapporteur.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

Amendements identiques CL238 de Mme Cécile Untermaier et CL239 de M. Fabien Matras.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Ce sont des amendements importants. En effet, Cécile Untermaier et Fabien Matras, qui ont beaucoup travaillé à cette question, proposent de créer, pour chaque profession d’officier public et ministériel, un collège de déontologie qui jouerait un rôle important dans l’élaboration du code de déontologie prévu à l’article 19 du présent projet de loi. Cette mesure a fait l’objet d’un important travail de concertation et recueille l’adhésion totale des professionnels. Je salue donc le travail de nos collègues et je vous appelle à voter ces amendements.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nombre de dispositions du texte sont issues de travaux de la commission des lois, réalisés notamment dans le cadre de missions transpartisanes. Cela montre que, lorsque l’on se saisit d’un problème en amont et que l’on y travaille dans la durée, on aboutit à de beaux résultats qui ont une traduction législative. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d’avoir repris certains éléments de ces travaux dans votre projet de loi.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je vous en prie, madame la présidente. Il arrive même, voyez-vous, que les travaux des autres nous fassent changer d’avis. Les rapports auxquels les parlementaires travaillent d’arrache-pied peuvent, certes, servir à caler les armoires, mais à la chancellerie, il n’y a pas de meuble bancal. Ils peuvent également nourrir la réflexion du ministre et des services. Il s’agit d’excellents amendements ! Du reste, le Gouvernement ne verrait que des avantages à ce que les avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’État soient inclus dans le dispositif, auquel ils sont très favorables.

La commission adopte les amendements. L’article 19 bis est ainsi rédigé.

Article 20 : Autorités chargées de la surveillance des officiers ministériels

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL523 du rapporteur.

Amendement CL236 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Il s’agit de clarifier la rédaction du I, sans opérer de changement de fond : l’action disciplinaire ne peut être exercée par le procureur général qu’à l’égard des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL522 du rapporteur.

Elle adopte l’article 20 modifié.

Article 21 : Mesures infra-disciplinaires

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL526 du rapporteur.

Amendement CL571 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer le montant de l’astreinte qui peut être prononcée par le président d’une chambre.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 21 modifié.

Article 22 : Recueil et traitement des réclamations

Amendements identiques CL574 du rapporteur et CL487 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Il s’agit de répondre à une préoccupation concernant la saisine directe des instances disciplinaires en prévoyant qu’un filtrage soit opéré par le président de la juridiction disciplinaire, lequel pourra rejeter les plaintes irrecevables ou manifestement infondées et éviter ainsi l’engorgement de ces juridictions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Excellents amendements !

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 22 modifié.

Article 23 : Création de services d’enquête indépendants

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL534 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL175 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24 : Création d’une juridiction disciplinaire unique par profession

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL533 du rapporteur.

Suivant l’avis de celui-ci, elle rejette l’amendement CL176 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL632 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de permettre aux magistrats honoraires de siéger dans les juridictions disciplinaires.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL532, CL531, CL530, CL529, CL528 et CL527, tous du rapporteur.

Elle adopte l’article 24 modifié.

Article 25 : Échelle des peines disciplinaires

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL538, CL537, CL536 et CL535, tous du rapporteur.

Elle adopte l’article 25 modifié.

Article 26 : Suspension provisoire d’un officier ministériel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales

Amendement CL568 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de préciser les modalités de la suspension provisoire d’un praticien, en introduisant le principe du contradictoire et la possibilité pour le président de la juridiction disciplinaire de lever la suspension provisoire.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL539 du rapporteur.

Elle adopte l’article 26 modifié.

Article 27 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour rassembler l’ensemble des règles relatives à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CL252 de Mme Marie-George Buffet.

Elle adopte l’article 27 sans modification.

Section 2
Discipline des avocats

Article 28 (art. 21, 22-1, 22-3 [nouveau], 23, 25, 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) : Modification du régime disciplinaire applicable aux avocats

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL541 du rapporteur.

Amendements identiques CL67 de M. Antoine Savignat et CL77 de M. Philippe Gomès.

M. Antoine Savignat. Il s’agit de supprimer la possibilité de saisir directement la juridiction disciplinaire. Du reste, ma démarche est confortée par l’adoption de l’amendement offrant la possibilité au président de cette juridiction de déclarer certaines plaintes irrecevables. De fait, le maintien de la voie de saisine actuelle ne serait pas un affront.

Monsieur le ministre, pour reprendre le raisonnement que vous avez exposé à propos de la prise illégale d’intérêt, il se trouvera toujours un justiciable mécontent d’avoir perdu son procès pour contester ne serait-ce que la facture qui lui a été adressée par son avocat. Qui plus est, la fonction de président du conseil de discipline des avocats, remplie par un magistrat, impliquera une grosse charge de travail à temps plein dans un barreau comme celui de Paris, tant les plaintes seront nombreuses.

Actuellement, la discipline des avocats fonctionne très bien et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle est plutôt considérée comme sévère puisque, lorsqu’appel il y a, celui-ci est formé devant la cour d’appel, composée de magistrats professionnels, dont le taux d’infirmations ou de décisions diminuant les sanctions prononcées est très important.

Je n’ai rien contre le fait de réécrire les règles applicables en matière de discipline des avocats, mais instaurer une voie de saisine directe de la juridiction disciplinaire créera un appel d’air considérable.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable : si l’on supprime la saisine directe, on dévitalise le projet et l’on va à l’encontre des avancées souhaitées par le Gouvernement à travers ce texte ! Il est vrai, en revanche, qu’il existe un risque de congestion du conseil de discipline, qui pourrait être saisi par des plaintes fantaisistes, et c’est pourquoi nous souhaitons donner à son président la capacité de filtrer les plaintes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Même avis : il importe de renforcer la confiance dans la justice et dans tout ce qui permet d’y accéder. C’est pour cette raison que je me suis battu pour établir l’échevinage – et je peux vous dire que cela n’a pas été sans peine.

L’idée, ici, est de répondre au risque que, quand un justiciable se plaint de son avocat et qu’il voit que le litige n’est jugé que par des avocats, il juge le procès peu équitable. Nous voulons en outre simplifier la procédure pour le dépôt de plainte, tout en prenant certaines précautions, notamment en donnant au président de l’instance disciplinaire la possibilité de rejeter un certain nombre de réclamations qu’il jugerait irrecevables.

M. Antoine Savignat. Si je partage votre point de vue sur la nécessité de garantir un procès équitable et la transparence, votre argumentation se trouve réduite à néant par l’adoption d’amendements offrant au président de l’instance disciplinaire la possibilité de rejeter une plainte qu’il jugerait irrecevable pour telle ou telle raison : le justiciable pourra ainsi toujours être privé, par une décision unilatérale, d’un procès équitable !

En outre, je le répète, on va créer un appel d’air. Les ordres font aujourd’hui bien leur travail, les bâtonniers aussi. Ce que vous proposez va à l’encontre de ce que l’on essaie depuis des années de développer en matière de justice, à savoir des modes alternatifs de règlement des conflits. Il existe à Paris cinq chambres de discipline : pensez-vous vraiment, monsieur le garde des Sceaux, que vous trouverez assez de magistrats pour traiter en amont l’ensemble des dossiers, les orienter, rejeter les éventuelles plaintes abusives et proposer des poursuites ? J’entends qu’il faille rassurer les justiciables, mais cela me paraît excessif et, en pratique, infaisable.

Mme Laetitia Avia. Je rappelle juste que la saisine directe ne pourra intervenir qu’après un classement sans suite ou une absence de réponse. La procédure prévue dans le texte inclut un règlement amiable. On s’inscrit donc parfaitement dans la logique que nous privilégions depuis le début du mandat.

La commission rejette les amendements.

Suivant les avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL177 de Mme Marie-France Lorho et CL339 de Mme Cécile Untermaier.

Amendement CL68 de M. Antoine Savignat.

M. Antoine Savignat. Je souhaiterais que l’on précise que le magistrat qui présidera le conseil de discipline devra être du ressort d’une cour d’appel limitrophe à celui dont dépend le barreau dans lequel l’avocat est inscrit. Cela contribuerait à atteindre les objectifs que vous dites fixer à ce texte, monsieur le garde des Sceaux, à savoir assurer une plus grande transparence et éviter les liens personnels. Cela permettrait en outre de protéger l’avocat, parce que ce n’est pas la même chose d’être jugé par ses pairs et d’être jugé par un magistrat devant lequel on va plaider tous les jours. Je précise que cet amendement est cohérent avec les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile qui permettent à un professionnel de la justice de voir un litige auquel il est partie jugé par une juridiction devant laquelle il n’exerce pas.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Sur le principe, mettre une certaine distance entre l’avocat et le magistrat qui doit présider la forme disciplinaire qui a à connaître d’une affaire dans laquelle ledit avocat est partie me semble une bonne chose. En revanche, j’ignore si le périmètre de la cour d’appel est le bon. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Une telle disposition me semble bien compliqué… Dans les outre-mer, ce serait irréalisable. D’autre part, faire appel à un magistrat d’une cour d’appel limitrophe est statutairement impossible : l’appel se tient nécessairement devant les magistrats de la cour d’appel du barreau auquel l’avocat appartient.

J’ai néanmoins pris bonne note du problème. L’amendement soulève une question importante. Je propose que M. Savignat le retire et que nous y retravaillions.

L’amendement est retiré.

Amendement CL634 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit de permettre à des magistrats honoraires de siéger dans les juridictions disciplinaires des avocats.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL573 du rapporteur et CL486 de Mme Laetita Avia.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’objectif est, on l’a dit, de filtrer les saisines directes des conseils de discipline.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL540 du rapporteur.

Suivant les avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL360 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL206 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l’article 28 modifié.

Après l’article 28

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL344 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL121 de M. Ugo Bernalicis.

Chapitre II
Conditions d’intervention des professions du droit

Article 29 (art. L.111-3 du code des procédures civiles d’exécution) : Ajout à la liste des titres exécutoires des actes contresignés par avocats dans le cadre des modes amiables de règlement des différends

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements de suppression CL253 de Mme Marie-George Buffet et CL343 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, et l’amendement CL340 de Mme Cécile Untermaier.

Amendement CL213 de M. Thomas Rudigoz.

M. Jean Terlier. L’article 29 constitue une petite révolution, attendue depuis longtemps par les avocats. Il prévoit que, lorsque ceux-ci concluent pour le compte de leurs clients un accord ou une médiation, ce document est revêtu d’une formule exécutoire. Cela va permettre de sécuriser les opérations.

Il me semblait d’autant plus nécessaire de prendre la parole pour le saluer qu’il y a trois ans, lors de l’examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, j’avais été l’un des rares parlementaires avocats à soutenir ce dispositif. On m’avait dit à l’époque qu’il n’était pas complètement abouti, et un certain nombre de collègues n’y étaient pas favorables. Pour les avocats civilistes, c’est néanmoins un grand pas en avant.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. C’est en effet une belle avancée pour les avocats.

Pour en revenir à l’amendement, le greffe n’assure pas de vérification sur le fond, il effectue un contrôle purement formel de l’acte quand il appose la formule exécutoire. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. C’est une belle avancée non seulement pour les avocats, mais aussi pour les justiciables car la médiation, c’est plus rapide, plus fluide, plus simple, bref, c’est de la justice de proximité. Vous avez raison, monsieur Terlier : il s’agit d’une petite révolution – l’expression me plaît.

M. Antoine Savignat. Je vais nuancer un peu le propos. Si cette disposition était attendue depuis longtemps, la rédaction de l’article me paraît beaucoup trop lapidaire. Prenons les transactions : cela signifie qu’un accord sur la vente d’un bien immobilier pourra être conclu par l’intermédiaire des avocats des deux parties et automatiquement validé. C’est un peu inquiétant ! D’ailleurs, il pouvait déjà arriver que certains avocats tentent le coup, en demandant, sur requête au président du tribunal, l’apposition de la formule exécutoire sur la transaction. C’est plus compliqué et plus long, mais c’est déjà possible.

Or, l’amendement le souligne, aucun contrôle n’est prévu sur le fond, puisque, comme le rapporteur l’a indiqué fort justement, ce n’est pas le rôle du greffe. On risque donc d’apposer la formule exécutoire sur une transaction hors normes, voire totalement illégale.

Peut-être serait-il bon d’être un peu plus prudent dans la formulation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Ce dont il est ici question, ce sont des modes alternatifs de règlement des différends. Par « transaction », on entend l’accord qui met fin à un contentieux, avec concessions réciproques etc., et non une transaction immobilière. On s’inscrit, non pas dans le champ couvert par les professions réglementées, telles que les notaires, mais dans celui du règlement des conflits par la procédure participative, la transaction ou la médiation. Un acte sous seing privé va être rédigé, signé par les avocats des deux parties puis présenté au greffe pour qu’on y appose la formule exécutoire, ce qui permettra d’exécuter les termes de la convention – mais cela restera bien évidemment un acte sous seing privé, ce ne sera pas un acte authentique. Les avocats engagent leur responsabilité, et si l’acte est mal ficelé, il pourra être contesté et son annulation demandée pour atteinte à l’ordre public, de même qu’il pourra être remis en cause si les concessions ne sont plus réciproques. Cela reste une transaction.

Je le répète : cet article était attendu par les avocats. Il va leur permettre d’aller jusqu’au bout de leur travail : réunir les parties en conflit, trouver un terrain de conciliation, puis obtenir l’exécution de l’accord.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. J’ajoute qu’une formule exécutoire, ce n’est pas un acte authentique – ne confondons pas tout. Et pour une vente immobilière, il faut, pour le coup, un acte authentique, qui soit enregistré auprès du service de la publicité foncière.

M. Antoine Savignat. Mais on aura un jugement revêtu de la formule exécutoire et qui du coup fera l’objet d’une publication…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce n’est pas un acte authentique !

M. Antoine Savignat. Cela va lui donner la même force !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Bien sûr que non !

M. Antoine Savignat. D’autre part, si je suis d’accord, monsieur le rapporteur, sur le fait qu’on pourra toujours le contester ou le rediscuter, le problème, c’est que, à la différence des jugements, le dispositif ne prévoit aucun délai de signification ni de contestation. L’accord sera contestable, certes, mais pendant combien de temps, jusqu’à quel point et comment ?

Prenons l’exemple d’une ordonnance pénale, qui est une procédure non contradictoire : à partir du moment où la formule exécutoire est apposée, elle doit faire l’objet d’une signification dans un certain délai, ce qui ouvre droit à contestation. Qu’en est-il dans le cas qui nous occupe ? Que se passe-t-il si trente ou quarante ans après la conclusion de l’accord, l’une des parties décide de le contester ? Tout cela n’est pas très sécurisant.

M. Frédéric Petit. Permettez à quelqu’un qui n’est pas juriste, mais qui est médiateur de justice, d’indiquer que cela se pratique déjà dans le cadre de la médiation : les parties peuvent aller faire authentifier leur accord au tribunal. On étend simplement cette possibilité à la procédure participative.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Quand deux parties concluront un accord, deux possibilités leur seront offertes. Elles pourront, comme c’est le cas aujourd’hui, solliciter auprès du tribunal, par voie de requête, l’homologation de l’accord auquel elles ont abouti ; un contrôle sera opéré sur le fond par le magistrat, la formule exécutoire sera apposée, et, dans ce cas, l’acte ne pourra pas être remis en cause, si ce n’est sous des conditions très restrictives. Ce que nous allons voter permettra d’aller beaucoup plus vite : plutôt que de solliciter une homologation devant certains tribunaux judiciaires, ce qui prend nécessairement du temps, on ira directement faire tamponner l’acte au greffe. Ce ne sera toutefois qu’un acte sous seing privé, revêtu d’une formule exécutoire, qui pourra être remis en cause devant un juge dans le cadre des règles de droit commun : problèmes de prescription, problèmes d’exécution etc.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Pour toute exécution forcée, il faut un acte de signification, monsieur Savignat. Quant au délai de contestation, il relève du décret, puisque c’est une question de procédure.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL341 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l’article 29 sans modification.

Après l’article 29

Amendements CL372 de Mme Naïma Moutchou, CL365 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CL208 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Naïma Moutchou. Ce texte est pour moi l’occasion de promouvoir l’une des recommandations du rapport Perben sur l’avenir de la profession d’avocat, auquel j’ai contribué. Il s’agit de définir la consultation juridique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL383 de M. Frédéric Petit, CL384 et CL385 de Mme Laurianne Rossi (discussion commune).

M. Frédéric Petit. Depuis mon arrivée dans cette assemblée, j’ai beaucoup œuvré en faveur de la médiation – je l’ai dit tout à l’heure, je suis médiateur de justice. Un travail important a été accompli depuis cinq ans par les associations et organismes de médiation en vue d’améliorer la pratique actuelle. Certaines des propositions inscrites dans le Livre blanc de la médiation, qui a été remis au ministère de la justice l’an dernier, doivent être adoptées par voie législative, et non réglementaire. En particulier, du fait que la médiation a été introduite en France en 1995 mais qu’elle est régie par une directive européenne en 2008, il est nécessaire de corriger quelques accrocs de vocabulaire et de redonner de la fluidité à un texte qui a été amendé à plusieurs reprises. D’où mon amendement, essentiellement de coordination et de toilettage, et qui ne change pas grand-chose sur le fond à la loi de 1995.

Mme Laurianne Rossi. Je travaille moi aussi depuis plusieurs mois en vue de faciliter le recours à la médiation, en en étendant le champ et en réglementant davantage la profession. Mes amendements CL384 et CL385 visent le même objectif que l’amendement de mon collègue Frédéric Petit, mais par des moyens un peu différents, en cherchant plutôt à compléter la loi de 1995. Le principe d’indépendance des médiateurs, en particulier, doit être inscrit dans la loi, et non uniquement dans le code de procédure civile.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. S’agissant de l’amendement CL384, l’indépendance du médiateur me semble être un principe déontologique indispensable au bon déroulement de la médiation. Je suis donc favorable à ce qu’il soit inscrit dans la loi.

Avis favorable aussi sur l’amendement CL385 : le fait de mettre en évidence dans la loi de 1995 qu’il existe désormais la possibilité pour les parties de demander au greffe d’apposer la formule exécutoire sur l’accord contresigné par les avocats est une mesure de coordination avec l’article 29 du projet de loi, que nous venons d’adopter, qui me semble pertinente.

L’adoption de ces deux amendements permettrait de satisfaire en partie l’amendement de M. Frédéric Petit. En revanche, celui-ci propose des modifications qui ne me semblent pas indispensables, telles que la modification de la définition légale de la médiation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable sur l’amendement CL383.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Si je suis favorable aux deux amendements de Mme Rossi, je suis beaucoup plus sceptique envers celui de M. Frédéric Petit, pour deux raisons notamment. Premièrement, un référencement national des médiateurs servant de base à l’établissement d’une liste de médiateurs me semble compliqué à réaliser dans la pratique, dans la mesure où la médiation est une activité libérale et que le Gouvernement n’entend pas en faire une profession réglementée. Deuxièmement, l’amendement comporte des modifications du code de procédure civile, qui est un texte réglementaire ; il est de ce fait irrecevable.

M. Frédéric Petit. Une grande partie de mon amendement présente en effet un doublon avec ce que propose Mme Rossi. Pour ce qui concerne le référencement national, je crois que cette idée va être défendue par le Gouvernement dans un amendement ultérieur. J’accepte donc de retirer le mien.

L’amendement CL383 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CL384 et CL385.

Amendement CL386 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Dans un souci de transparence envers le justiciable, il convient de préciser que le médiateur est tenu d’informer les parties, avant le début de la médiation, des modalités de détermination de ses honoraires et du mode de rémunération qu’il entend appliquer.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable : il ne me semble pas nécessaire d’inscrire dans la loi ce qui relève de la relation normale entre un prestataire de services et son client.

L’amendement est retiré.

Amendement CL645 du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Il s’agit de créer un Conseil national de la médiation. J’en profite pour saluer, madame Rossi, monsieur Frédéric Petit, votre investissement sur cette question. La médiation est pour moi une activité pleine de sens, qui contribue à assurer une vraie justice de proximité. La création d’un tel conseil permettra d’aller vers ce que vous souhaitez, mais avec les précautions qui s’imposent et à l’issue d’un travail de réflexion qu’il me semble indispensable de conduire. Cela engendrera nécessairement une charge budgétaire supplémentaire pour l’État et c’est la raison pour laquelle cet amendement est présenté par le Gouvernement.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis très favorable.

M. Frédéric Petit. Merci, monsieur le ministre, pour ce travail. Je pense que la médiation, que nous essayons en effet de défendre, a toute sa place dans la justice, et aussi dans la société – nous avons eu l’occasion d’aborder souvent la question au cours de nos discussions. Je crois que, plus que jamais, notre société a besoin de grandir et que la justice doit être fraternelle, et pas seulement paternelle – le mot « Fraternité » n’est-il pas inscrit au fronton de nos mairies ? Cet amendement est la pierre sur laquelle les médiateurs vont pouvoir bâtir leur édifice.

Mme Laurianne Rossi. Je tiens moi aussi à remercier le ministre ainsi que son cabinet pour leur écoute. Les professionnels de la médiation appelaient de leurs vœux une régulation et des référentiels, notamment en matière de formation et de déontologie. Cet amendement, à travers la création d’un conseil national de la médiation, répond à leur attente. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

La commission adopte l’amendement.

Les amendements 384, 385 et 645 étant adoptés, l’article 29 bis est ainsi rédigé.

Amendement CL387 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Je propose d’étendre aux troubles anormaux de voisinage la tentative de médiation préalable qui avait été rendue obligatoire par la loi de 2019 pour les contentieux d’un montant inférieur à 5 000 euros ou relatifs à un conflit de voisinage. Ces contentieux du quotidien, qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, peuvent souvent être résolus par la voie de la médiation, sans passer par des procédures longues, lourdes et coûteuses.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis favorable : la médiation est un mode alternatif de règlement des différends bien adapté à ce type de contentieux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable.

M. Frédéric Petit. J’ajoute que les accords de médiation sont respectés et exécutés à 98,8 %, ce qui n’est pas le cas de bien des jugements de tribunaux.

La commission adopte l’amendement. L’article 29 ter est ainsi rédigé.

Article 30 (art. 21‑1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) : Délivrance de titre exécutoire par le CNB en cas de non-règlement des cotisations par les avocats

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL69 de M. Antoine Savignat.

Elle adopte l’article 30 sans modification.

Article 31 (art. 375, 475-1 et 618-1 du code de procédure pénale ; art. 761-1 du code de justice administrative ; art. L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales et art. 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Production des justificatifs de frais de justice

La commission adopte l’amendement de coordination CL614 du rapporteur.

Elle adopte l’article 31, ainsi modifié.

Titre VI
Dispositions diverses et transitoires

Article 32 : Habilitation à légiférer par ordonnance en matière d’entraide pénale internationale

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CL254 de Mme Marie-George Buffet.

Amendement CL649 du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le Gouvernement sollicite par cet amendement une habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour tirer les conséquences de la décision n° 2021-899 QPC du Conseil constitutionnel du 23 avril 2021 concernant la peine de confiscation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL612 du rapporteur.

Elle adopte l’article 32 modifié.

Article 33 (art. L. 124-2 du code de l’organisation judiciaire) : Délocalisation des audiences hors normes dans le ressort de la même cour d’appel

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL122 de M. Ugo Bernalicis.

Elle adopte l’article 33 sans modification.

Article 34 (art. L. 211-21 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire) : Désignation de tribunaux judiciaires pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance

La commission adopte l’article 34 sans modification.

Avant l’article 35

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL124 de M. Ugo Bernalicis.

Article 35 (art. 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice) : Report de la réforme de la procédure d’injonction de payer

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL271 de Mme Marie-George Buffet.

Elle adopte l’article 35 sans modification.

Après l’article 35

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL50 de M. Fabien Di Filippo.

Article 36 : Modalités d’entrée en vigueur de certains articles

La commission adopte l’article 36 sans modification.

Article 37 (art. L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs, L. 531-1, L. 551-1 et L. 561-1 du code de l’organisation judiciaire, 711-1 du code pénal, 804 du code de procédure pénale, 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, L. 641-1 du code des procédures civiles d’exécution, 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 69-2 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Application outre-mer

La commission adopte l’article 37 sans modification.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi ordinaire modifié.

La commission en vient à l’examen du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire (n° 4092) (M. Stéphane Mazars, rapporteur).

Titre Ier
Dispositions relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

Article 1er (art. 41-10 A, 41-10 et 41-25 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Faculté des magistrats à titre temporaire et des magistrats à titre honoraire de composer la cour d’assises et la cour criminelle départementale

Amendement de suppression CL2 de M. Ugo Bernalicis.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL31 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il convient de permettre aux magistrats exerçant à titre temporaire de siéger aux assises.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis favorable, c’est la suite logique des dispositions du projet de loi ordinaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL28 du rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Il s’agit d’élargir le vivier des magistrats à titre temporaire en permettant explicitement que des fonctionnaires puissent exercer ces fonctions, à charge pour le chef de cour de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnel CL29 et de coordination CL30 du rapporteur.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions) : Abrogation des dispositions organiques autorisant les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire à exercer les fonctions d’assesseurs des cours criminelles pour la durée de l’expérimentation

La commission adopte l’article 2 sans modification.

titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE L’AVOCAT HONORAIRE EXERÇANT DES FONCTIONS JURIDICTIONNELLES

Avant l’article 3

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL3 de M. Didier Paris.

Article 3 : Expérimentation du statut de l’avocat honoraire pouvant exercer des fonctions juridictionnelles en qualité d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements de suppression CL4 de M. Pascal Brindeau et CL11 de Mme Laurence Vichnievsky.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL12, CL14 et CL13 du rapporteur.

Suivant les avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements identiques CL5 de Mme Cécile Untermaier et CL7 de Mme Laurence Vichnievsky et l’amendement CL8 de Mme Laurence Vichnievsky.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL15, CL16, CL17, CL18, CL19, CL20, CL21, CL22 et CL23 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL9 de Mme Laurence Vichnievsky et adopte l’amendement de précision CL24 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL10 de Mme Laurence Vichnievsky et adopte l’amendement rédactionnel CL25 du rapporteur.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL26 du rapporteur.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Titre III
Dispositions relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences devant la cour de justice de la république

Article 4 (art. 26 de la loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République) : Régime d’enregistrement et de diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République

La commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 : Entrée en vigueur

La commission adopte l’article 5 sans modification.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter les projets de loi, ordinaire (n° 4091) et organique (n° 4092), pour la confiance dans l’institution judiciaire dans les textes figurant dans les documents annexés au présent rapport.

 


– 1 –

 

   Personnes entendues par le rapporteur

ASSEMBLÉE NATIONALE

 Rapport d’information sur la déontologie des officiers publics ministériels

   M. Fabien Matras, député

   Mme Cécile Untermaier, députée

AUTORITÉS INDÉPENDANTES

 Autorité de la concurrence

   Mme Isabelle de Silva, présidente

 Contrôleur général des lieux de privation de liberté

   Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale

AVOCATS

 Association des avocats conseils d’entreprises

   Me Emmanuel Raskin, premier vice-président national

   Me David Lévy, membre du bureau, ancien président du barreau pénal international

 Association des avocats pénalistes

   Me Christian Saint-Palais, président

   Me Corinne Dreyfus-Schmidt, ancienne présidente

 Barreau de l’Aveyron

   Me Laure Brunel, bâtonnière

 Confédération nationale des avocats

   Me Benoît Chabert, président

 Conférence des bâtonniers *

   Me Hélène Fontaine, présidente

 Conseil national des barreaux *

   Me Jérôme Gavaudan, président

 Fédération nationale des unions de jeunes avocats *

   Me Simon Warynski, premier vice-président

   Me Boris Kessel, co-président de la commission pénale

   Me Sonia Ouled-Cheikh, référente commission pénale

 Ordre des avocats de Paris *

   Me Olivier Cousi, bâtonnier

 Syndicat des avocats de France

   Me Estellia Araez, présidente

   Me Amélie Morineau, membre du bureau

   Me Catherine Glon, membres du bureau

MAGISTRATS & JUGES

 Association française des magistrats instructeurs

   Mme Marion Cackel, présidente

   Mme Clara Ribeiro, vice-présidente

   Mme Lucie Delaporte, membre

● Association nationale des juges de l’application des peines

   M. Ivan Guitz, président

 Conférence générale des juges consulaires de France

   Mme Sonia Arrouas, présidente

   M. Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon

 Conférence nationale des premiers présidents de cour d’appel

   M. Jacques Boulard, président de la conférence, président de la cour d’appel de Toulouse

   M. Xavier Ronsin, président de la cour d’appel de Rennes

 Conférence nationale des présidents de tribunal judiciaire

   Mme Joëlle Munier, présidente de la conférence, présidente du tribunal judiciaire de Caen

   M. Benjamin Deparis, président du tribunal judiciaire d’Évry

   M. Julien Simon-Delcros, président du tribunal judiciaire d’Orléans

 

 Conférence nationale des procureurs de la République

   Mme Agnès Auboin, procureure de Châteauroux

   M. Achille Kiriakides, procureur d’Aix-en-Provence

   M. Éric Maillaud, procureur de Clermont-Ferrand

 Cour de cassation

   M. François Molins, procureur général

 Syndicat de la magistrature

   Mme Katia Dubreuil, présidente

   M. Nils Monsarrat, secrétaire national

 Tribunal judiciaire de Rodez

   M. Robin Planes, président

   M. Olivier Naboulet, procureur de la République

 Union syndicale des magistrats

   Mme Céline Parisot, présidente

   Mme Cécile Mamelin, vice-présidente

 Unité magistrats

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   M. Michel Dutrus, délégué général

PERSONNALITÉS QUALIFIÉES ET MISSIONS

 Affaires non résolues

   Mme Sabine Kheris, juge d’instruction au tribunal de Paris

   Mme Valérie Duby, greffière principale

   Me Didier Seban, avocat

 Commission cours d’assises et cours criminelles départementales

   M. Jean-Pierre Getti, magistrat honoraire, président

 Commission sur l’avenir de la profession d’avocat

   M. Dominique Perben, ancien garde des sceaux, président

 Mission sur la discipline des professions du droit et du chiffre

   M. Dominique Luciani, inspecteur général de la justice

PERSONNELS JUDICIAIRES

 Syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires

   M. Michel Demoule, directeur des services de greffe judiciaire

 Syndicat des greffiers de France - FO

   M. Jean-Jacques Pieron, greffier au tribunal judiciaire de Vannes

 UNSA Services Judiciaires

   M. Vincent Rochefort, secrétaire général adjoint

   M. André Toutain, secrétaire général adjoint

   Mme Caroline Larché, conseillère syndicale

PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT

 Chambre nationale des commissaires de justice (section des huissiers de justice) *

   M. Patrick Sannino, président de la chambre nationale et de la section des huissiers de justice

   M. Gabriel Mecarelli, directeur juridique

   M. Paul Schiepan, chef de cabinet

   M. Samuel Bouteiller, fondateur et directeur associé de Lobbsonn

 Chambre nationale des commissaires de justice (section des commissaires-priseurs judiciaires) *

   Mme Agnès Carlier, vice-présidente de la chambre nationale, présidente de la section des commissaires-priseurs judiciaires

   Mme Anne-Laure Hélène des Ylouses, conseil

   M. Georges Decocq, conseil

 Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce *

   Mme Sophie Jonval, présidente

   M. Thomas Denfer, vice-président

   M. Nicolas Rose, juriste

 Conseil supérieur du notariat *

   Me David Ambrosiano, président

 Médiateur du notariat

   M. Christian Lefebvre, notaire

 Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

   Me François Molinié, président

   Me Claude Ohl, ancienne membre du conseil de discipline

 Table-ronde des professions juridiques de l’Aveyron

   M. Gilles Séguret, président de la chambre départementale des huissiers de justice de l’Aveyron

   Mme Caroline Lacombe-Gonzalez, présidente de la chambre départementale des notaires de l’Aveyron

SECTEUR PÉNITENTIAIRE

 Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle

   M. Albin Heuman, directeur

 Association des concessionnaires et prestataires de France (ACPF)

   M. Arnaud Morel, vice-président

   M. Yvan Franchet, trésorier

   M. Stéphane Soutra, secrétaire

   M. Vincent Heuchel, membre du bureau

 CGT SPIP

   Mme Marion Bonneaud, secrétaire nationale

   M. Julien Magnier, secrétaire national

 Engie – GEPSA

   Mme Nelly Nicoli, directrice générale

   M. Olivier Froger, directeur général adjoint

   Mme Mercedes Fauvel-Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement

 Fédération des associations réflexion-action, prison et justice (FARAPEJ)

   Mme Christiane Pernin, présidente

   M. Hervé Romieux, vice-président

 Fondation M6

   Mme Isabelle Verrecchia, déléguée générale

 

 FO pénitentiaire

   M. Emmanuel Baudin

   Mme Farida Ed Dafiri

   M. Emmanuel Guimaraes

 Observatoire international des prisons (OIP)

   M. Matthieu Quinquis, avocat et administrateur de l’OIP

 SNEPAP-FSU

   M. Vincent Le Dimeet, secrétaire national, surveillant pénitentiaire

   M. François Jean, secrétaire général adjoint, directeur pénitentiaire d’insertion et de probation

 SNDP  CFDT (Syndicat national des directeurs pénitentiaires)

   M. Jean-Michel Dejenne, premier secrétaire

   Mme Flavie Rault, secrétaire générale

 SNP  FO Direction

   M. Sébastien Nicolas, secrétaire général

   Mme Gaëlle Verschaeve, secrétaire générale adjointe

 Syndicat pénitentiaire des surveillants

   M. Philippe Kuhn, secrétaire général national adjoint, surveillant en maison d’arrêt

   M. Frédéric Bescon, secrétaire général national adjoint, surveillant en centre pénitentiaire

 Syndicat pénitentiaire UNDPIP

   M. Vincent Nolibois, secrétaire général

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Loi organique n° 2017-1338 et loi n° 2017‑1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

([2]) Transcription du discours du Président de la République à l’École nationale d’administration pénitentiaire, 6 mars 2018.

([3]) Adoptée définitivement par le Parlement le 15 avril 2021, cette loi a été déférée avant sa promulgation au Conseil constitutionnel.

([4]) Article 719 du code de procédure pénale.

([5]) Article 12 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([6]) Art. 14 de la loi des 16‑24 août 1790 sur l’organisation judiciaire.

([7]) Art. 208 de la Constitution du 5 fructidor de l’an III : « Les séances des tribunaux sont publiques, les juges délibèrent en secret, les jugements sont prononcés à haute voix ; ils sont motivés et on y énonce les termes de la loi appliquée. »

([8]) Bernard Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, 2017, Précis, 27e éd., n° 1055.

([9]) Les troisième et quatrième alinéas de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse disposaient ainsi, dans leur rédaction d’origine : « Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. // Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. »

([10]) Il s’agit des procès mentionnés à l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui prévoyait dans sa rédaction d’origine qu’« il est interdit de rendre compte des procès en diffamation où la preuve des faits diffamatoires n’est pas autorisée. La plainte seule pourra être publiée par le plaignant. Dans toute affaire civile, les cours et tribunaux pourront interdire le compte rendu du procès. Ces interdictions ne s’appliqueront pas aux jugements, qui pourront toujours être publiés. Il est également interdit de rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurys, soit des cours et tribunaux. Toute infraction à ces dispositions sera punie d’une amende de 100 francs à 2 000 francs. »

([11]) Le garde des Sceaux Robert Lecourt notait alors: « La radiodiffusion des instances criminelles présente de nombreux inconvénients qui justifient la prohibition de l’emploi de ce nouveau mode de publicité. »

([12]) L’affaire Dominici est une affaire criminelle survenue dans le département actuel des Alpes-de-Haute-Provence, en 1952, avec l’assassinat des trois membres d’une famille britannique. Gaston Dominici est accusé du triple meurtre et condamné à mort en 1954. En 1957, le président René Coty commue la peine et, en 1960, le général de Gaulle gracie et libère Gaston Dominici. L’affaire a reçu une couverture de la presse internationale.

([13]) Loi n° 54‑1218 du 6 décembre 1954 complétant l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en vue d’interdire la photographie, la radiodiffusion et la télévision des débats judiciaires.

([14]) Ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale.

([15]) Loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.

([16]) « Toutefois, les débats de la cour d’assises font l’objet d’un enregistrement sonore sous le contrôle du président lorsque la cour d’assises statue en appel, sauf renonciation expresse de l’ensemble des accusés ; lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, le président peut, d’office ou à la demande du ministère public ou des parties, ordonner cet enregistrement. Le président peut également, à la demande de la victime ou de la partie civile, ordonner que l’audition ou la déposition de ces dernières fassent l’objet, dans les mêmes conditions, d’un enregistrement audiovisuel. // Les supports de cet enregistrement sont placés sous scellés et déposés au greffe de la cour d’assises. L’enregistrement peut être placé sous scellé numérique selon des modalités définies par arrêté. // L’enregistrement sonore audiovisuel peut être utilisé devant la cour d’assises, jusqu’au prononcé de l’arrêt ; s’il l’est au cours de la délibération, les formalités prévues au troisième alinéa de l’article 347 sont applicables. L’enregistrement sonore ou audiovisuel peut également être utilisé devant la cour d’assises statuant en appel, devant la cour de révision et de réexamen saisie d’une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi. // Les scellés sont ouverts par le premier président ou par un magistrat délégué par lui, en présence du condamné assisté de son avocat, ou eux dûment appelés, ou en présence de l’une des personnes visées au 4° de l’article 622-2, ou elles dûment appelées. // Après présentation des scellés, le premier président fait procéder par un expert à une transcription de l’enregistrement qui est jointe au dossier de la procédure. // Les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure ; toutefois, le défaut d’enregistrement sonore, lorsque celui-ci est obligatoire en application du deuxième alinéa, constitue une cause de cassation de l’arrêt de condamnation s’il est établi qu’il a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne condamnée. »

([17]) Loi précitée du 2 février 1981.

([18]) Cette disposition figure au deuxième alinéa de l’article 38 ter de la loi précitée du 29 juillet 1881 : « Toutefois, sur demande présentée avant l’audience, le président peut autoriser des prises de vues quand les débats ne sont pas commencés et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent. »

([19]) Loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice et décret d’application n° 86‑74 du 15 janvier 1986.

([20]) Art. L. 221‑1 et suivant du code du patrimoine.

([21]) Une commission consultative des archives audiovisuelles de la justice était auparavant prévue à l’article R. 221‑2 du code du patrimoine, mais elle a disparu avec le décret n° 2013‑420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives. L’autorité juridictionnelle compétente est déterminée à l’article L. 221‑2 du code du patrimoine : « pour le tribunal des conflits, le vice-président ; pour les juridictions de l’ordre administratif, le vice-président pour le Conseil d’État et, pour toute autre juridiction, le président de celle-ci ; pour les juridictions de l’ordre judiciaire, le premier président pour la Cour de cassation ; pour la cour d’appel et pour toute autre juridiction de son ressort, le premier président de la cour d’appel ».

([22]) Art. L. 222‑1 du code du patrimoine.

([23]) Par exception, la diffusion est possible dès la décision devenue définitive dans les affaires de crime contre l’humanité (loi n° 90‑615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe) et de terrorisme (loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice).

([24]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019‑778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, par. n° 102.

([25]) Respectivement la loi est «la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » et « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

([26]) « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

([27]) C’est d’ailleurs au nom de la sérénité des débats que les audiences peuvent avoir lieu à huis clos en matière pénale (art. 306 et 400 du code de procédure pénale) et en chambre du conseil en matière civile (art. 435 du code de procédure civile).

([28]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. n° 45.

([29]) Conseil constitutionnel, décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie, cons. n° 7.

([30]) CEDH, 24 juin 2004, Von Hannover c. Allemagne, n° 59320/00, par. n° 50.

([31]) CEDH, 27 mai 2014, De La Flor Cabrera c. Espagne, n° 10764/09, par. n° 30.

([32]) CEDH, 24 avril 1990, Huvig c. France, n° 11105/84, par. n° 24.

([33]) CEDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi c. France, n° 40454/07, par. n° 103.

([34]) CEDH, 14 novembre 2000, Riepan c. Autriche, n° 35115/97, par. n° 27.

([35]) Cass. civ. 1re, 20 novembre 1990, no 89-12.580 : « des faits touchant à la vie privée d’une personne ayant été livrés, en leur temps, à la connaissance du public par des comptes rendus de débats judiciaires, ils ont été licitement révélés et, partant, échappent à sa vie privée, la personne ne pouvant se prévaloir d’un droit à l’oubli pour empêcher qu’il en soit à nouveau fait état. »

([36]) Rapport de la commission présidée par Élisabeth Linden sur l’enregistrement et la diffusion des débats judiciaires, 22 février 2005.

([37]) Selon un sondage IFOP réalisé en septembre 2019, 53 % des personnes interrogées déclarent faire confiance à la justice française, loin derrière les hôpitaux (85 %), l’armée (83 %), l’école (77 %) ou la police (75 %).

([38]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 9.

([39]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 10.

([40]) Les juridictions spécialisées, également appelées juridictions d’exception, désignent les cours de justice dont un texte spécial prévoit les compétences : à l’inverse des juridictions de droit commun, elles ne peuvent juger que des litiges qui leur sont expressément attribués par un texte. On les rencontre dans l’ordre administratif, par exemple la Cour des comptes et les autres juridictions financières ou encore le Conseil des prises qui statue sur la capture des navires et cargaisons appartenant aux ennemis en temps de guerre, Elles existent aussi dans l’ordre judiciaire – tribunaux de commerce, conseil de prud’hommes ou encore tribunaux paritaires des baux ruraux. Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a également mentionné dans le périmètre d’application du présent article les juridictions professionnelles, telles celles des professions du droit, ou encore le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’État prévu aux articles L. 773‑1 à L. 773‑8 du code de justice administrative (avis n° 402569, 8 avril 2021, point n° 9).

([41]) Certains procès en diffamation, les questions de filiation, les actions à fins de subsides, les procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, et les procès en matière d’avortement.

([42]) Art. 623 du code de procédure pénale.

([43]) Loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits.

([44]) Pour la constitution des archives audiovisuelles de la justice, le code du patrimoine vise à l’article L. 221‑1 les « audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire ». Mais l’article suivant L. 221‑2 précise immédiatement que « l’autorité compétente pour décider l’enregistrement de l’audience est : a) Pour le tribunal des conflits, le vice-président ».

([45]) La loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République sera ainsi modifiée.

([46]) La loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution n’est pas modifiée dans le projet de loi organique n° 4092. Or, le Conseil constitutionnel considère « cavalière » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial, de sorte que l’amendement doit également présenter un rattachement avec l’article de la Constitution appelant une application organique sur lequel se fonde le projet de loi initial (décision n° 2016‑732 DC du 28 juillet 2016, Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, par. n° 101 et 102).

([47]) Art. 8, alinéas 2 et 3, du Règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité : « L’audience fait l’objet d’une retransmission audiovisuelle diffusée en direct dans une salle ouverte au public dans l’enceinte du Conseil constitutionnel. // Le président peut, à la demande d’une partie ou d’office, restreindre la publicité de l’audience dans l’intérêt de l’ordre public ou lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des personnes l’exigent. Il ne peut ordonner le huis clos des débats qu’à titre exceptionnel et pour ces seuls motifs. »

([48]) Par exemple, le pourvoi dans l’intérêt de la loi est une procédure régie par les articles 620 et 621 du code de procédure pénale. Il prévoit que, lorsque sur l’ordre formel à lui donné par le ministre de la justice, le procureur général près la Cour de cassation dénonce à la chambre criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements peuvent être annulés. La Cour se prononce sur la recevabilité et le bien-fondé de ce pourvoi. Le pourvoi dans l’intérêt de la loi existe aussi, sous une forme voisine, en matière civile (art. 618-1 du code de procédure civile). En matière administrative, on parle de recours dans l’intérêt de la loi (CE 19 mars 1823, Ministre de l’intérieur).

([49]) C’est notamment le cas des ordonnances de protection contre les violences au sein de la famille. Alors que la société a pris conscience de la nécessité de lutter contre les violences conjugales, il peut être judicieux de montrer aux victimes un exemple de la procédure à suivre et aux auteurs ce qu’ils encourent si leur comportement est révélé.

([50]) À dix-huit ans accomplis, une personne est capable de tous les actes de la vie civile. Cependant, certains majeurs, à cause d’une altération de leurs facultés mentales ou physiques consécutive à une maladie, à un handicap ou à un affaiblissement, ne peuvent pas pourvoir à leurs intérêts. Ils doivent donc faire l’objet d’une mesure de protection légale, qui réduit – voire supprime – leur capacité d’exercice.

([51]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 10.

([52]) À cet égard, votre rapporteur entend souligner que le caractère définitif ne s’attache pas à une procédure juridictionnelle déterminée, mais bien à la situation d’une personne justifiant cette procédure. Par exemple, la décision d’une chambre de l’instruction sur une demande de mise en liberté présentée par un justiciable en détention provisoire clôt effectivement le dossier en l’absence de pourvoi en cassation, mais l’affaire elle-même ne saurait être tenue pour définitivement jugée en l’absence de jugement ou d’arrêt sur l’infraction poursuivie qui ne soit plus susceptible de recours.

([53]) Décisions n° 2011‑131 QPC du 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre, et n° 2013‑319 QPC du 7 juin 2013, M. Philippe B.

([54]) L’autorisation d’enregistrer relève, aux termes de l’article L. 221‑2 du code du patrimoine, du vice-président du tribunal des conflits. Cette disposition avait du sens puisque le tribunal des conflits était de droit présidé par le garde des Sceaux, la gestion de son fonctionnement relevant d’un de ses membres avec le rang de vice-président. Toutefois, la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 a réformé cette juridiction, qui compte maintenant un président de plein droit.

([55]) Art. 12, 41 et 75 du code de procédure pénale.

([56]) L’enquêteur qui agit dans le cadre de la flagrance peut, par exemple, contraindre à comparaître devant lui l’auteur présumé de l’infraction sans l’autorisation préalable du parquet prévue à l’article 78 du code de procédure pénale). Il peut aussi perquisitionner des locaux sans le consentement de leur occupant et sans solliciter l’autorisation du juge (articles 56 et 76 du même code). D’une façon générale, l’enquête de flagrance est conçue pour laisser une marge d’initiative à l’officier de police judiciaire pour des actes que l’enquête préliminaire conditionne à l’autorisation du procureur de la République, voire du juge des libertés et de la détention.

([57]) Art. 706‑80 à 706‑106 du code de procédure pénale.

([58]) Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

([59]) Art. 75-1, alinéa premier, du code de procédure pénale.

([60]) Circulaire JUS-D-00-30205 C du 4 décembre 2000.

([61]) Art. 75-1, alinéa 2, du code de procédure pénale. Le délai de six mois court à compter de l’établissement du premier procès-verbal selon les termes de la circulaire précitée du 4 décembre 2000.

([62]) Une même enquête peut embrasser plusieurs infractions et apparaître dans plusieurs catégories statistiques.

([63]) L’instruction non contradictoire existe également, dans les cas où elle est diligentée « contre X ».

([64]) « Sur instructions du procureur de la République, l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire donne connaissance des résultats des examens techniques et scientifiques aux personnes à l’encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi qu’aux victimes. »

([65]) Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne que « cette abrogation fut justifiée par le fait [que la disposition] n’avait semble-t-il été jamais ou très peu employée, et qu’elle avait provoqué une vive opposition de principe des magistrats du ministère public ».

([66]) Cette disposition est issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([67]) Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

([68]) Le défèrement est la présentation d’une personne au procureur de la République afin qu’il décide de l’opportunité des poursuites.

([69]) Loi précitée du 27 mai 2014.

([70]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([71]) Loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([72]) Conseil constitutionnel, décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. n° 3 : « la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment d’atteintes à la sécurité des personnes et des biens, et la recherche des auteurs d’infractions, sont nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle ; [il] appartient au législateur d’assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté d’aller et venir ainsi que l’inviolabilité du domicile ».

([73]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010‑14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.

([74]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. n° 59 : « il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ; [à] cette fin, le code de procédure pénale, notamment en ses articles 16 à 19-1, assure le contrôle direct et effectif de l’autorité judiciaire sur les officiers de police judiciaire chargés d’exercer les pouvoirs d’enquête judiciaire et de mettre en œuvre les mesures de contrainte nécessaires à leur réalisation… ».

([75]) Cass. crim., 17 décembre 2019, n° 19-83574.

([76]) Cass. Crim., 26 juin 2013, n° 13-81491.

([77]) « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

([78]) CEDH, 24 novembre 1993, Imbroscia c. Suisse, n° 13972/88, par. n° 36.

([79]) CEDH, 28 juin 1978, König c. Allemagne, n° 6232/73, par. n° 98 : « Quant à la période à laquelle s’applique l’article 6, la Cour a jugé qu’en matière pénale elle couvre l’ensemble de la procédure en cause, y compris les instances de recours ».

([80]) CEDH, 27 février 1980, Deweer c. Belgique, n° 6903/75, par. n° 42 : « Selon la terminologie du droit interne belge, le requérant n’avait pas la qualité d’accusé quand le procureur du Roi de Louvain lui écrivit le 30 septembre 1974 (…). La notion d’"accusation en matière pénale" revêt cependant un caractère "autonome" ; elle doit s’entendre "au sens de la Convention" (…). »

([81]) CEDH, 27 juin 1968, Wemhoff c. Allemagne, n° 2122/64, par. n° 19.

([82]) CEDH, 27 juin 1968 , Neumeister c. Autriche, n° 1936/63, par. n° 18.

([83]) CEDH, 22 juin 1972, Ringeisen c. Autriche, n° 2614/65, par. n° 110.

([84]) CEDH, 5 octobre 2017, Kalēja c. Lettonie, n° 22059/08, par. n° 40.

([85]) CEDH, 27 juillet 2006, Mamič c. Slovénie, n° 75778/01. par. n° 23/24 ; CEDH, 28 mai 2018, Liblik et autres c. Estonie, n° 173/15, par. n° 94.

([86]) CEDH, 9 avril 2015, ATC c. Luxembourg, n° 30460/13, par. n° 81 : « La Cour estime que l’article 6 de la Convention ne saurait être interprété comme garantissant un accès illimité au dossier pénal dès avant le premier interrogatoire par le juge d’instruction, lorsque les autorités nationales disposent de raisons relatives à la protection des intérêts de la justice suffisantes pour ne pas mettre en échec l’efficacité des investigations. »

([87]) Prévues à l’article 41‑1 du code de procédure pénale, les mesures alternatives aux poursuites sont décidées par le procureur de la République afin d’assurer la réparation du dommage porté à la victime, de mettre fin à la situation causée par l’infraction et de réinsérer socialement l’auteur, sans saisir de l’affaire la juridiction de jugement. Les mesures alternatives aux poursuites vont du rappel à la loi à la composition pénale en passant par l’interdiction de paraître, l’injonction de soin ou l’éviction du domicile.

([88]) Articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

([89]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 11.

([90]) Ibid.

([91]) Rapport de la commission relative aux droits de la défense dans l’enquête pénale et au secret professionnel, février 2021, p. 22.

([92]) À l’exclusion des actes en cours qui ne figurent pas encore au dossier de la procédure.

([93]) La présence de « raisons plausibles de soupçonner [qu’une personne] a commis ou tenté de commettre » une infraction justifie son placement en garde à vue aux termes de l’article 62‑2 du code de procédure pénale. Il faut, en revanche, « des indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions » pour être entendu comme témoin assisté au sens de l’article 113‑2 du même code, et « des indices graves ou concordants » dans le même sens pour que l’article 80‑1 du même code prévoie la mise en examen.

([94]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 12. Il s’agit là de la reprise de dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale régissant l’information judiciaire,

([95]) Art. 393 du code de procédure pénale.

([96]) Art. 495-7 à 495-13 du code de procédure pénale.

([97]) La rédaction en vigueur découle de la loi n° 2011‑331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

([98]) L’article 226‑13 du code pénal réprime d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.

([99]) Cass. crim., 5 juin 1975, n° 74-92.792 : « le juge d’instruction, en présence des représentants du conseil de l’ordre et du ministère public, a recherché et saisi les documents utiles à l’information en respectant les droits de la défense et en prenant toutes les mesures nécessaires pour que le secret professionnel ne soit pas violé ; [en] décidant de passer outre aux réserves du représentant du conseil de l’ordre, il a spécifié qu’il observerait les règles du secret professionnel ; [d’autre part] le secret professionnel de l’avocat trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter les communications confidentielles des accuses avec les avocats qu’ils ont choisis ou veulent choisir comme défenseurs et que ce secret ne peut couvrir des documents non lies à l’exercice d’une libre défense. »

([100]) Loi n° 85‑1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal.

([101]) La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a ainsi entendu viser les visites domiciliaires diligentées sur le fondement du code des douanes, ou encore les contrôles opérés par l’Autorité de la concurrence.

([102]) Dans une jurisprudence constante, la Cour de cassation estime que le bâtonnier agit alors « dans le cadre d’une mission d’auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense » (Cass. crim, 8 janvier 2013, n° 12-90.063).

([103]) La Cour de cassation a jugé que « si en vertu du principe de la libre défense qui domine la procédure pénale, les correspondances adressées par les inculpés, prévenus ou accusés à leurs conseils, sont couvertes par le secret et échappent à toute saisie, il en va autrement lorsqu’il s’agit d’écrits n’ayant pas trait à une poursuite pénale » (Cass. crim., 9 février 1988, n° 87-82.709).

([104]) Cass. crim., 12 mars 1992, n° 91-86843 : « si le juge d’instruction est (…) investi du pouvoir de saisir les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité, ce pouvoir trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui domine toute la procédure pénale et qui commande de respecter les communications confidentielles des inculpés avec les avocats qu’ils ont choisis ou veulent choisir comme défenseurs ; [la] saisie des correspondances échangées entre un avocat et son client ne peut, à titre exceptionnel, être ordonnée ou maintenue qu’à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l’avocat à une infraction ».

([105]) Ces dispositions sont relatives à l’information judiciaire. Elles sont applicables aux enquêtes par renvoi de l’article 706‑95 du code de procédure pénale.

([106]) Par renvoi, notamment, aux articles 56‑1 et 100‑7 précités.

([107]) Ces droits et libertés sont protégés par les articles 2, 4, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

([108]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015‑478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres, cons. n° 16 : « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes ».

([109]) Ne peut invoquer le secret professionnel un avocat qui n’assure pas la défense « de la personne placée sous surveillance, qui n’est ni mise en examen ou témoin assisté, ni même placée en garde vue dans la procédure en cours » (Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15‑83.205).

([110]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 13.

([111]) Rapport de la commission relative aux droits de la défense dans l’enquête pénale et au secret professionnel, février 2021, p. 25. Comportant douze alinéas, l’article préliminaire proclame les principes fondamentaux de la procédure pénale que sont le respect du contradictoire et de l’égalité des armes, la séparation des autorités de poursuite et de jugement, la garantie des droits des victimes, la présomption d’innocence, le droit à un avocat ou encore le droit de faire appel d’une condamnation.

([112]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 14.

([113]) Rapport précité, p. 26.

([114]) « Dès lors, la subordination de la faculté de perquisitionner les locaux de l’avocat à la préexistence d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner la participation de l’avocat à la commission d’une infraction a été considérée comme excessive car trop absolue par une partie des membres de la commission, notamment car une telle évolution reviendrait à sanctuariser ces locaux et à ne pas permettre d’y réaliser des perquisitions lorsque la personne soupçonnée n’est pas avocat, mais par exemple un de ses salariés. D’autres en revanche ont justifié cette garantie de fond par analogie aux conditions requises pour le placement d’une personne en garde à vue » (rapport précité, p. 26).

([115]) La présence de « raisons plausibles de soupçonner [qu’une personne] a commis ou tenté de commettre » une infraction justifie son placement en garde à vue aux termes de l’article 62‑2 du code de procédure pénale. Il faut, en revanche, « des indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions » pour être entendu comme témoin assisté au sens de l’article 113‑2 du même code, et « des indices graves ou concordants » dans le même sens pour que l’article 80‑1 du même code prévoie la mise en examen.

([116]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 15.

([117]) « Fadette » est un mot-valise constitué à partir de l’expression « facture détaillée ». Ce sont les relevés des appels de particuliers transmis par les opérateurs de téléphonie. La fadette comporte la liste des communications passées ou des SMS émis et reçus depuis un téléphone mobile, mais aussi les dates et les durées des échanges. En revanche, une fadette ne donne aucune indication sur le contenu des conversations.

([118]) Les articles 60‑1, 77‑1‑1 et 99‑3 encadrent le régime des réquisitions respectivement dans l’enquête de flagrance, l’enquête préliminaire et l’information judiciaire. Ils précisent que les réquisitions adressées à une personne susceptible de détenir des documents dont le secret est protégé par la loi sont subordonnées à son accord. En revanche, les réquisitions adressées à un tiers, comme un opérateur de téléphonie, ne nécessitent pas l’accord des personnes visées par les investigations (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 11‑86.62).

([119]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 16.

([120]) Rapport d’information n° 2540 de MM. Xavier Breton et Didier Paris sur le secret de l’enquête et de l’instruction, 18 décembre 2019.

([121]) Le décret des 8-9 octobre 1789 sur la réforme de la procédure criminelle poursuit l’objectif d’une justice rendue publiquement à travers une procédure accusatoire.

([122]) Loi des 29 septembre et 21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle.

([123]) Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution d’un code de procédure pénale (titre préliminaire et livre Ier).

([124]) L’article 11 affirmait : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines de l’article 378 du code pénal. »

([125]) « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

([126]) « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

([127]) « Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »

([128]) Cass. crim., 3 avril 1995, n° 93-81.569.

([129]) Cette infraction est issue de la loi n° 96‑1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme.

([130]) Cette infraction est issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle dispose aujourd’hui : « Sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler sciemment ces informations à des personnes qu’elle sait susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est réalisée dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Lorsque l’enquête ou l’instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement relevant des dispositions de l’article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »

([131]) Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

([132]) Elle peut également poursuivre des fins plus spécifiques prévues par la loi comme « prévenir la commission d’accidents, ou faciliter l’indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice » (art. 11‑1 du code de procédure pénale) ou informer par écrit l’administration de poursuites ou de condamnation contre une personne qu’elle emploie (art. 11‑2 du code de procédure pénale).

([133]) L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse proclame que « le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public ». La loi n° 2010‑1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a conditionné à un « impératif prépondérant d’intérêt public » toute atteinte au secret des sources. La Cour de cassation a ensuite jugé qu’une grave perturbation du déroulement d’une enquête ne justifiait pas que soit porté atteinte au secret des sources pour retrouver les auteurs de la violation du secret de l’enquête et de l’instruction « sans démontrer que les ingérences litigieuses procédaient d’un impératif prépondérant d’intérêt public » (Cass. crim., 25 février 2014, n° 13-84.761.

([134]) La Cour européenne des droits de l’homme admet un intérêt légitime à informer le public, supérieur au respect du secret de l’enquête et de l’instruction (CEDH, 7 juin 2007, Dupuis et a. c. France, n° 1914/02).

([135]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017‑693 QPC du 2 mars 2018, Association de la presse judiciaire.

([136]) « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Selon la formule de principe du Conseil constitutionnel, « la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. »

([137]) CEDH, 14 juin 2005, Menet c. France, n° 39553/02, par. n° 50.

([138]) Les délits correspondants figurent à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

([139]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 20.

([140]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 21.

([141]) Art. 114‑1 du code de procédure pénale.

([142]) Une mesure de sûreté est une décision de nature coercitive prise par l’autorité publique, le cas échéant judiciaire, visant à exercer un contrôle social sur une personne jugée susceptible, en raison de sa dangerosité, de pouvoir porter atteinte, à l’avenir, à la sécurité et à l’ordre publics.

([143]) Le contrôle judiciaire est prévu à l’article 138 à 142‑4 du code de procédure pénale. Il est décidé par le juge pénal à l’encontre d’un suspect qui ne peut être laissé totalement libre durant les investigations ou dans l’attente du procès. Le juge prévoit les mesures restrictives de liberté que la personne soupçonnée doit respecter. Elles limitent sa liberté d’aller et venir, sa liberté professionnelle ou encore ses contacts avec son entourage. La violation du contrôle judiciaire entraîne un placement en détention provisoire. La mesure prend fin sur décision du juge ou de la formation de jugement.

([144]) Ce seuil est imposé à l’article 142-5 du code de procédure pénale. Quant à la détention provisoire, elle implique une peine encourue supérieure à trois ans d’emprisonnement.

([145]) Prévu aux articles 131-36-1 à 131-36-8 du code pénal, le suivi socio-judiciaire consiste en une peine complémentaire prononcée par la juridiction de jugement. Il se compose de mesures restrictives de liberté que le juge prononce pour une durée variable en fonction de l’infraction commise et qui commence à l’issue de la période d’emprisonnement.

([146]) Rapport n° 1349 de Mme Laetitia Avia et de M. Didier Paris fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, 9 novembre 2018, commentaire sous l’article 35.

([147]) Art. 145 du code de procédure pénale.

([148]) Art. 142-7 du code de procédure pénale.

([149]) L’assignation à résidence peut se poursuivre une fois l’instruction terminée, jusqu’à la décision de la formation de jugement, dans la limite de cette même durée de deux ans aux termes des articles 179 et 181 du code de procédure pénale.

([150]) Plus de dix ans après le déploiement du bracelet anti-rapprochement en Espagne, une seule victime qui en était équipée a succombé à une attaque de son agresseur.

([151]) Art. 515-11-1 du code civil.

([152]) Le consentement de l’auteur n’est pas requis pour le prononcé de la peine. Il l’est, en revanche, pour la pose de l’équipement, qui ne saurait être installé contre son gré. Le refus de pose entraîne le placement en détention ou en détention provisoire, suivant les cas, puisqu’il constitue une violation du contrôle judiciaire.

([153]) 3° de l’art. 138 du code de procédure pénale et 13° de l’art. 132-45 du code pénal.

([154]) 9° de l’art. 138 du code de procédure pénale et 9° de l’art. 132-45 du code pénal.

([155]) Art. 138 et 138-3 du code de procédure pénale.

([156]) Art. 132-45 et 132-45-1 du code pénal.

([157]) Art. 132-80 du code pénal.

([158]) Art. R. 24-23 du code de procédure pénale.

([159]) Rapport d’information n° 3431 de MM. Aurélien Pradié et Guillaume Vuilletet sur la mise en application de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, 14 octobre 2020.

([160]) Décret n° 2020‑1161 du 23 septembre 2020 relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement.

([161]) Les rapporteurs l’avaient constaté lors d’une visite du tribunal judiciaire de Pontoise, l’une des cinq juridictions pilotes retenues pour recevoir les premiers équipements en dotation.

([162]) Art. 144‑1 du code de procédure pénale.

([163]) Art.145‑1 du code de procédure pénale.

([164]) Tel est le cas lorsqu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ou que la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu’elle encourt une peine égale à dix ans d’emprisonnement. La chambre de l’instruction peut toutefois encore prolonger de quatre mois « à titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité ».

([165]) Art. 145‑2 du code de procédure pénale.

([166]) Les délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national. Le délai est également de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée. Par ailleurs, lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité, la chambre de l’instruction peut prolonger les durées prévues à deux reprises pour une durée de quatre mois.

([167]) Art. 142‑6 du code de procédure pénale.

([168]) Le BAR a vocation à s’appliquer aux auteurs de violences conjugales dont les victimes acceptent le port d’un dispositif électronique. Il n’est donc susceptible de concerner qu’un nombre limité de personnes en détention provisoire.

([169]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 55.

([170]) Article 367 du code de procédure pénale.

([171]) Martine Maximy. « La conduite du procès d’assises : le point de vue du président de la cour d’assises », Les Cahiers de la Justice, 2011 (vol. 4, n° 4), pp. 69-82.

([172]) Article 330 du code de procédure pénale.

([173]) Étude d’impact, p. 125.

([174]) Communication de la mission flash de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur les cours criminelles, MM. Stéphane Mazars et Antoine Savignat (rapporteurs), XVe législature, 16 décembre 2020, p. 8 (recommandation n° 4)..

([175]) Article 277 du code de procédure pénale.

([176]) Étude d’impact, p. 134.

([177]) Article 296 du code de procédure pénale.

([178]) Article 359 du code de procédure pénale.

([179]) Article 362 du code de procédure pénale.

([180]) Article 464-2 du code de procédure pénale.

([181]) Article L. 131-4 du code pénal.

([182]) Ibid.

([183]) Article L. 131-1 du code pénal.

([184]) Article 52-1 du code de procédure pénale.

([185]) Article 83-1 du code de procédure pénale.

([186])  Article 80 du code de procédure pénale.

([187])  Rapport de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, M. André Vallini, président, et M. Philippe Houillon, rapporteur, Assemblée nationale (XIIe législature), 6 juin 2006.

 

([188]) Cela concerne certaines infractions de viol, violence, vol, extorsion, proxénétisme, traite d’être humain, recel, blanchiment, torture, administration de substance nuisible, destruction, dégradation, enlèvement.

([189]) Article 26 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

([190]) Étude d’impact, p. 133.

([191]) Articles 329, 330 et 332 du code de procédure pénale.

([192]) Huitième alinéa de l’article 181 du code de procédure pénale.

([193]) Étude d’impact, p. 125.

([194]) L’allongement du nombre de jours de sessions pour rendre un arrêt qui est passé de 2,9 jours en 2010 à 3,2 en 2015 (et 4,5 à Paris).

([195]) Le délai moyen de jugement devant la cour d’assises est passé de 37,9 mois en 2013 à 40,6 mois en 2015 (chiffres DACG).

([196]) CEDH, 13 décembre 2005, Gosselin c/ France, n° 66224/01 ; 23 février 2007, Cretello c/ France, n°2078/04 ; 8 octobre 2009, Maloum c/ France, n° 35471/06 ; 8 octobre 2009, Naudo c/ France, n° 35469/06.

([197])  Arrêté du 25 avril 2019 relatif à l’expérimentation de la cour criminelle.

([198])  Arrêté du 2 mars 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle.

([199])  Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([200])  Arrêté du 2 juillet 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle dans six départements, prévoyant une entrée en vigueur avant celle du décret du 2 mars 2020.

([201]) Communication de la mission flash de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur les cours criminelles, MM. Stéphane Mazars et Antoine Savignat (rapporteurs), XVe législature, 16 décembre 2020.

([202]) Rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janvier 2021.

([203])  Étude d’impact, p. 125.

([204])  Ibid.

([205]) Rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janvier 2021, p. 21.

([206]) Communication de la mission flash sur les cours criminelles, op. cit., recommandation n° 3.

([207]) Ibid., recommandation n° 6.

([208]) Plusieurs personnes auditionnées ont indiqué que les magistrats à titre temporaire ne pouvaient être désignés assesseurs dans une cour criminelle siégeant dans un autre tribunal judiciaire que celui d’affectation. Le ministère de la justice a bien précisé à votre rapporteur que « la rédaction de l’article 380-17 prévoit actuellement que les juges du ressort de la cour d’appel peuvent être désignés assesseurs à la cour criminelle départementale. En l’état actuel du droit cela vaut aussi pour les MTT et les MHFJ ».

([209]) L’expérimentation prévue à l’article 8 du présent projet de loi prévoit également la possibilité de désigner des avocats honoraires sous certaines conditions.

([210]) Communication de la mission flash sur les cours criminelles, op. cit., recommandation n° 3.

([211]) Communication de la mission flash sur les cours criminelles, op. cit., recommandation n° 6.

([212]) Étude d’impact, p. 9.

([213]) Ibid., p. 133.

([214]) Article 21 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

([215]) Étude d’impact, p. 136.

([216])  Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité.

([217]) Voir le commentaire de l’article 3 du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([218]) Décision du Conseil nationale, n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, cons. 10.

([219]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([220]) Article 76 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([221]) Article 10 de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([222]) Article 83 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([223]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([224]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([225]) Articles 13, 14 et 17 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([226]) Le second alinéa de l’article 122‑1 du code pénal prévoit que « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable [...] » et qu’il doit être tenu compte de cet état pour déterminer la peine (principe d’atténuation de la peine) ; il précise enfin que « lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état ».

([227]) Article 8 de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste

([228]) Articles 421-1 à 421-6 du code pénal.

([229]) Article 14 de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([230]) Adoptée définitivement par le Parlement le 15 avril 2021, cette loi a été déférée avant sa promulgation au Conseil constitutionnel.

([231]) Cette réduction pour bonne conduite ne pourrait excéder un mois pour la première année d’incarcération, trois semaines pour les années suivantes et, pour une peine d’emprisonnement de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, sept jours par trimestre ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par trimestre ne peut toutefois excéder trois semaines.

([232]) Le débat contradictoire se tient en chambre du conseil : le juge de l’application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat.

([233]) Dans les conditions prévues par l’article 712-6 du code de procédure pénale qui prévoit un débat contradictoire tenu en chambre du conseil.

([234]) En vertu de l’article 131-6 du code de procédure pénale, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l’emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté, notamment : suspension ou annulation du permis de conduire, confiscation de véhicule, interdiction de détenir ou de porter une arme, confiscation d’une ou plusieurs armes, retrait du permis de chasser, interdiction d’émettre des chèques, interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale donnée, interdiction de paraître dans certains lieux, interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées, etc.

([235]) En vertu de l’article 131-8 du code de procédure pénale, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prescrire, à la place de l’emprisonnement, que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à quatre cents heures, un travail d’intérêt général non rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général.

([236]) En vertu de l’article 131‑5‑1 du code de procédure pénale, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un stage dont elle précise la nature, les modalités et le contenu eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis : citoyenneté, sécurité routière, dangers de l’usage de produits stupéfiants, lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, lutte contre l’achat d’actes sexuels, responsabilité parentale, égalité entre les femmes et les hommes.

([237]) L’article 712-4-1 du code de procédure pénale dispose que « lorsque la loi le prévoit, les décisions en matière d’application des peines sont prises après avis de la commission de l’application des peines présidée par le juge de l’application des peines et composée du procureur de la République, du chef d’établissement pénitentiaire et d’un représentant du service pénitentiaire d’insertion et de probation ».

([238]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 156.

([239]) Sur 760 LSC en cours au 1er octobre 2020, 511 le sont sous la forme d’une DDSE – chiffres indiqués par l’étude d’impact.

([240]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 155.

([241]) Dans les conditions prévues par l’article 712-6 du code de procédure pénale.

([242]) Articles 421‑1 à 421‑6 du code pénal.

([243]) Circonstance aggravante prévue par l’article 132‑80 du code pénal.

([244]) Elles conduisent le plus souvent à réduire ainsi la durée d’emprisonnement de la personne condamnée, mais elles peuvent également être appliquées aux personnes condamnées non détenues.

([245]) Le JAP ne peut donc agir d’office pour prononcer le retrait de CRP.

([246]) L’article 712-4-1 du code de procédure pénale dispose par ailleurs que la commission de l’application des peines est présidée par le juge de l’application des peines et composée du procureur de la République, du chef d’établissement pénitentiaire et d’un représentant du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

([247]) Le plus souvent, la mauvaise conduite est évaluée selon l’occurrence d’incidents ayant donné lieu à un passage en commission de discipline.

([248]) Ce traitement est proposé par le juge de l’application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7 du code de procédure pénale.

([249]) En vertu des dispositions de l’article 717-1 du code de procédure pénale.

([250]) Le second alinéa de l’article 122‑1 du code pénal prévoit que « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable [...] » et qu’il doit être tenu compte de cet état pour déterminer la peine (principe d’atténuation de la peine) ; il précise enfin que « lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état ».

([251]) La juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l’emprisonnement correspondant, qui n’est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation.

([252]) Cet article a pour cela été complété par l’article 85 de la loi de 2019 de programmation et de réforme de la justice, à l’initiative du rapporteur Didier Paris.

([253]) Articles 421-1 à 421-6 du code pénal.

([254]) L’article D. 116-2 du code de procédure pénale précise que pour l’application de cet article 721‑1 relatif aux RSP, la commission de l’application des peines examine la situation du condamné au moins une fois par an, même en l’absence de demande de sa part. Il est également précisé que si le JAP, après cet examen, n’accorde pas de RSP, le condamné en est informé et peut former une telle demande s’il l’estime utile.

([255]) « En cas d’exécution sur le territoire de la République d’une peine prononcée à l’étranger, les réductions de peines accordées antérieurement à la mise à exécution de la peine en France restent acquises à la personne condamnée en tant qu’elles ont été accordées à raison de la durée de détention subie à l’étranger. La personne condamnée bénéficie d’un crédit de réduction de peine en application du présent article, calculé sur la durée de détention restant à subir en France à compter de son arrivée sur le territoire national, déduction faite des réductions de peine déjà accordées à l’étranger pour la période qui restait à exécuter. »

([256]) Article 723-5 du code de procédure pénale.

([257]) Telles que prévues par l’article 132-44 du code pénal qui précise les modalités de suivi par le JAP et le SPIP.

([258]) Interdictions prévues aux 2° et 7° à 14° de l’article 132-45 du code pénal.

([259]) Les mesures d’aide sont prévues à l’article 132-46 du code de procédure pénale qui dispose : « Les mesures d’aide ont pour objet de seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social. Ces mesures, qui s’exercent sous forme d’une aide à caractère social et, s’il y a lieu, d’une aide matérielle, sont mises en œuvre par le service pénitentiaire d’insertion et de probation avec la participation, le cas échéant, de tous organismes publics et privés ».

([260]) Le jugement est rendu après avis du représentant de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel le JAP entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Le JAP peut toutefois prendre la décision sans procéder à un débat contradictoire sous réserve de l’accord du procureur de la République et celui du condamné ou de son avocat.

([261]) Selon les modalités prévues à l’article 712-7 qui dispose notamment que les jugements de ce tribunal « sont rendus, après avis du représentant de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel la juridiction entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat ». Ce débat peut se tenir dans l’établissement pénitentiaire et la visioconférence peut être utilisée en vertu des dispositions prévues par l’article 706‑71 du même code.

([262]) Cela correspond à 29 397 décisions de retrait de CRP qui ont concernées 21 550 personnes.

([263]) Au total ce sont donc 8 284 319 jours de CRP effectifs qui ont été comptabilisés – chiffres fournis par l’étude d’impact jointe au projet de loi, p. 171.

([264]) Le nouveau régime reprend donc le fonctionnement de la procédure d’attribution des RSP prévoyant que la commission de l’application des peines examine la situation du condamné au moins une fois par an, même en l’absence de demande formée par celui-ci (article D. 116‑2 du code de procédure pénale).

([265]) Dans le système actuel, le JAP ne peut agir d’office pour décider du retrait des CRP.

([266]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, NOR : JUSX2107763L, 8 avril 2021, p. 17.

([267]) Dans ce cas, l’article 721-1 prévoit actuellement que « la réduction [supplémentaire de peine] ne peut excéder deux mois par an ou quatre jours par mois, dès lors qu’elle refuse les soins qui lui ont été proposés ».

([268]) La liberté d’appréciation du JAP serait en effet particulièrement large dans ce nouveau régime puisqu’au sein du quantum maximal de six mois de réduction de peine, aucune répartition n’est faite entre la part dédiée à la bonne conduite et celle dédiée aux efforts d’insertion.

([269]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, NOR : JUSX2107763L, 8 avril 2021, p. 16.

([270]) Article 721-3 du code de procédure pénale.

([271]) En vertu de l’article 729 du même code, le temps d’épreuve est de dix-huit années pour les condamnés à la réclusion à perpétuité ; il est de vingt-deux années si le condamné est en état de récidive légale.

([272]) Comme prévu par l’article 712-4-1 du code de procédure pénale.

([273]) L’article 81 du code de procédure pénale permet quant à lui au juge d’instruction de faire vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne mise en examen si cet examen n’a pas été au préalable prescrit par le parquet.

([274]) Art. R. 15‑34 à R. 15‑40 du code de procédure pénale.

([275]) Art. 395 à 397-6 du code de procédure pénale.

([276]) Art. 495-7 à 495-13 du code de procédure pénale.

([277]) Le neuvième alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuellement en vigueur, indique : « Ces diligences doivent être prescrites avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement, et en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate (…) ou selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (…). »

([278]) Art. 393 du code de procédure pénale.

([279]) La chambre de l’instruction, anciennement chambre d’accusation, est une section de la cour d’appel composée d’au moins trois magistrats du siège. Elle constitue l’unique juridiction d’instruction du second degré. Elle connaît notamment du contentieux de l’annulation des actes du juge d’instruction et de la réformation de ses ordonnances, ainsi que de celles du juge des libertés et de la détention.

([280]) Première phrase de l’alinéa premier dudit article 199 du code de procédure pénale.

([281]) Quatrième alinéa dudit article 199 du code de procédure pénale.

([282]) Deuxième phrase de l’alinéa premier dudit article 199 du code de procédure pénale.

([283]) Sixième alinéa dudit article 199 du code de procédure pénale.

([284]) Cass. crim., 1er décembre 2020, n° 2766.

([285]) Conseil constitutionnel, décision précitée, par. n° 7.

([286]) Ibid., par. n° 8.

([287]) L’étude d’impact jointe au présent projet de loi mentionne la diffusion par le directeur des affaires criminelles et des grâces, le 4 mars 2021, d’une dépêche à destination de l’ensemble des juridictions visant à les informer de cette décision, et de la nécessité pour les juges des libertés et de la détention de s’y conformer.

([288]) Cass. crim., 11 juillet 2018, n° 18-83.353.

([289]) Conseil constitutionnel, décision précitée, par. n° 11.

([290]) La procédure vaut pour tous les délits à l’exception de ceux commis par les mineurs, des délits de presse, de l’homicide involontaire, des délits politiques et des délits d’agression sexuelle aggravée.

([291]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019‑781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M., par. n° 4 : « Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution". Cette disposition implique notamment qu’aucune sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés. »

([292]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, par. n° 129 et suivants.

([293]) L’étude d’impact jointe au projet de loi recense au sein du code de procédure pénale l’audition d’un témoin sans mention de son identité par le biais de moyens techniques appropriés (art. 706‑58 et 706‑61), l’anonymisation d’un témoin au cours des audiences publiques et dans les décisions juridictionnelles lorsque la révélation de son identité est susceptible de le mettre gravement en danger selon l’appréciation de la juridiction de jugement (art. 706‑62‑1), et la possibilité pour les personnels de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme et nominativement désignés par le procureur général près la cour d’appel de Paris de procéder à des investigations, de déposer ou de témoigner en s’identifiant uniquement par leur numéro d’immatriculation administrative (art. 706-24)

([294]) Cass. crim., 11 décembre 2019, n° 2952.

([295]) Ces services sont mentionnés aux articles L. 811‑2 et L. 811‑4 du code de la sécurité intérieure ainsi qu’à l’article 413‑4 du code pénal.

([296]) Cet article dispose que « sont compétents le procureur de la République du lieu de l’infraction, celui de la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, celui du lieu d’arrestation d’une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause, et celui du lieu de détention d’une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause ». Les quatre niveaux territoriaux de compétence ne sont pas hiérarchisés par le code de procédure pénale mais par la circulaire du 11 mai 2017 relative aux critères de compétence territoriale. Les deux critères principaux sont le lieu des faits et la résidence de l’auteur, le premier étant prioritaire. Le lieu de détention est défini comme un critère subsidiaire.

([297]) Hors juridictions environnementales. Voir à cette fin le commentaire de l’article 8 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée fait au nom de la commission des Lois par notre collègue Naïma Moutchou (n° 3592, 24 novembre 2020).

([298]) Art. 706‑73 et 706‑73‑1 du code de procédure pénale.

([299]) Art. 706‑74 du code de procédure pénale.

([300]) Art. 221‑1 et suivants du code pénal.

([301]) Art. 222‑1 et suivants du code pénal.

([302]) Art. 222‑23 et suivants du code pénal.

([303]) Art. 224‑1 et suivants du code pénal.

([304]) L’article 706‑77 du code de procédure pénale confère déjà au JIRS un droit d’évocation des dossiers : « Le procureur de la République près un tribunal judiciaire peut, pour les infractions [limitativement énumérées] requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application de l’article 706-75. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis. »

([305]) Rapport du groupe de travail dirigé par M. Jacques Dallest, procureur général près la cour d’appel de Grenoble, mars 2021.

([306]) Ibid., pp. 17-18.

([307]) Conseil d’État, avis n° 402569 sur un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 8 avril 2021, point n° 54.

([308]) La maladie, le handicap, l’accident peuvent altérer les facultés d’une personne et la rendre incapable de défendre ses intérêts. Le juge peut alors décider d’une mesure de protection juridique par laquelle une autre personne l’aide à protéger ses intérêts. La protection doit être la moins contraignante possible, et en priorité être exercée par la famille. Les articles 425 à 494‑12 du code civil décrivent les cadres juridiques applicables, notamment la tutelle, la curatelle et la sauvegarde de justice.

([309]) Le premier alinéa de l’article 706‑113 prévoit ainsi : « Lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté. »

([310]) Art. 706-112-1 du code de procédure pénale.

([311]) Art. 706-112-2 du code de procédure pénale.

([312]) Rapport n° 1349 de Mme Laetitia Avia et de M. Didier Paris fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, 9 novembre 2018, commentaire sous l’article 31.

([313]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021, M. Mickaël M.

([314]) « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».

([315]) Art. 76 du code de procédure pénale. Ces dispositions s’appliquent à tous, y compris aux majeurs protégés.

([316]) Paragraphe n° 9 de la décision précitée.

([317]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011‑190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre.

([318]) La loi est « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » et « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

([319]) Considérant n° 4 de la décision précitée.

([320]) Considérant n° 10 de la décision précitée.

([321]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([322]) Les deux premiers alinéas de la nouvelle rédaction prévoient : « À la demande de l’intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe, un acquittement ou toute décision autre qu’une condamnation ou une déclaration d’irresponsabilité pénale peut accorder à la personne poursuivie pénalement ou civilement responsable une indemnité qu’elle détermine au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci. Cette indemnité est à la charge de l’État. La juridiction peut toutefois ordonner qu’elle soit mise à la charge de la partie civile lorsque l’action publique a été mise en mouvement par cette dernière. »

([323]) Art. R. 249-5 du code de procédure pénale.

([324]) Cass. crim., 15 janvier 2019, n° 81.

([325]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019‑773 QPC du 5 avril 2019, Société Uber B.V. et autre, par. n° 7.

([326]) Décision précitée, par. n° 11 : « Afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger, pour les décisions rendues par les juridictions pénales après cette date, que les dispositions du premier alinéa de l’article 800-2 du code de procédure pénale doivent être interprétées comme permettant aussi à une juridiction pénale prononçant une condamnation ou une décision de renvoi devant une juridiction de jugement, d’accorder à la personne citée comme civilement responsable, mais mise hors de cause, une indemnité au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci ».

([327]) Ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

([328]) Loi n° 2021‑218 du 26 février 2021 ratifiant l’ordonnance n° 2019‑950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

([329]) Art. 141‑2 du code de procédure pénale : « Si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d’instruction peut décerner à son encontre mandat d’arrêt ou d’amener (…). Si la personne se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire alors qu’elle est renvoyée devant la juridiction de jugement, le procureur de la République peut, hors le cas prévu par l’article 272-1, saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d’arrêt ou d’amener à son encontre (…). »

([330]) Le mandat de comparution a pour objet de mettre en demeure la personne à l’encontre de laquelle il est décerné de se présenter devant le juge à la date et à l’heure indiquées par ce mandat.

([331]) Le mandat d’amener est l’ordre donné à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l’encontre de laquelle il est décerné.

([332]) Le mandat d’arrêt est l’ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l’encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l’avoir, le cas échéant, conduite à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue.

([333]) Art. 123 à 134 du code de procédure pénale.

([334]) Réponse à la question écrite n° 16044 de Mme Agnès Thill, Assemblée nationale, 5 février 2019.

([335]) Voir le commentaire de l’article 1er du projet de loi organique.

([336]) Article 11 de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([337]) En vertu de cette ordonnance entrée en vigueur le 1er mai 2021 et dont le projet de ratification a été déposé le 17 mars sur le bureau de l’Assemblée nationale, l’article L. 343-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit le droit de visite des parlementaires dans les zones d’attente et l’article L. 744-12 du même code prévoit le même droit de visite pour les lieux de rétention administrative.

([338]) Article 4 de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

([339]) Article 32 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([340]) Ancien article 720 du code de procédure pénale renuméroté 717-3 en 2005.

([341]) Loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.

([342]) À ce sujet, voir le rapport de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, créée en vertu d’une résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 3 février 2000, 28 juin 2000.

([343]) Philippe Auvergnon, Carole Guillemain, Travail pénitentiaire en question : une approche juridique et comparative, Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, Université de Montesquieu-Bordeaux IV, septembre 2005.

([344]) Ancien article 720 du code de procédure pénale renuméroté 717-3 en 2005.

([345]) Article 9 de la loi n°90-9 du 2 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives au temps de travail, à la garantie des indemnités complémentaires des bénéficiaires des stages d’initiation à la vie professionnelle et à la mise en œuvre du droit à la conversion dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.

([346]) Article 52 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice

([347]) Ancien article 720-1-AA du code de procédure pénale renuméroté 718 en 2005.

([348]) Article 9 de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

([349]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([350]) Rapport n° 143 de M. Jean-René Lecerf au nom de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi pénitentiaire, 17 décembre 2008.

([351]) Figuraient auparavant dans cette liste les programmes de prévention de la récidive ; ils en ont été retirés par le décret n° 2014-442 du 29 avril 2014 portant application de l’article 29 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire considérant qu’elles « ne constituent pas des activités au sens de l’article 27 de la loi pénitentiaire mais une modalité de prise en charge mise en œuvre par le service pénitentiaire d’insertion et de probation dans le cadre de sa mission de prévention de la récidive ».

([352]) Sur la procédure d’accès au travail en détention, se référer à l’article 12.

([353]) Article 77 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([354]) Dispositions prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

([355]) Dispositions prévues aux articles L. 5213-13 à L. 5213-19 du code du travail.

([356]) La plupart de ces dispositions réglementaires ont été reprises et modifiées par le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le code de procédure pénale, puis complétées sur le sujet des structures d’insertion par le décret n° 2016-1853 du 23 décembre 2016 relatif à l’implantation de structures d’insertion par l’activité économique en milieu pénitentiaire permettant l’accès des personnes détenues à l’insertion par l’activité économique.

([357]) Article D. 432-2 du code de procédure pénale.

([358]) Article D. 432-3 du code de procédure pénale.

([359]) Ibid.

([360]) Ibid.

([361]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 205.

([362]) À ce sujet, se référer à l’article 12.

([363]) Article 32 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([364]) Article 77 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([365]) Conseil économique et social, Rapport sur les conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France, 2006, p. 154.

([366]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013, M. Yacine T.

([367]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, M. Johny M.

([368]) CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016.

([369]) Institut Montaigne, Fondation M6, Travail en prison : préparer (vraiment) l’après, février 2018.

([370]) A ce sujet, voir l’article 14 du présent projet de loi.

([371]) Article D. 433-1 du code de procédure pénale.

([372]) Les tâches effectuées dans ce cadre peuvent être plus ou moins qualifiées : nettoyage et entretien courant, mais également plomberie, électricité, peinture, menuiserie, préparation et distribution des repas, gestion de la buanderie…

([373]) Ibid.

([374]) Article D. 433-2 du code de procédure pénale.

([375]) Source : direction de l’administration pénitentiaire.

([376]) Article D. 432-3 du code de procédure pénale.

([377]) CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016.

([378]) Ibid.

([379]) Article R. 57-7-34 du code de procédure pénale.

([380]) Article 8 du décret n° 2019-98 du 13 février 2019.

([381]) Articles R. 57-7-6 et R. 57-7-7 du code de procédure pénale.

([382]) Article R. 57-7-22 du code de procédure pénale.

([383]) Article R. 57-7-23 du code de procédure pénale.

([384]) Article D. 432-4 du code de procédure pénale.

([385]) Ibid.

([386]) Conseil d’État, Planchenault, 14 décembre 2007, n° 290420.

([387]) Source : Observatoire international des prisons.

([388]) Une phase pilote est actuellement menée avec six structures (SIAE) et le directeur de l’ATIGIP a indiqué qu’il pourrait y avoir une vingtaine de structures installées en détention d’ici la fin de l’année 2021.

([389]) Cet opérateur, aujourd’hui intégré au sein de l’ATIGIP, gère 48 ateliers de production répartis au sein de 27 établissements pénitentiaires. Quatre nouveaux ateliers sont prévus en 2021.

([390]) Ancien article 720 du code de procédure pénale renuméroté 717-3 en 2005.

([391]) Articles 51 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice

([392]) Ancien article 720 du code de procédure pénale renuméroté 717-3 en 2005.

([393]) Comme précisé ci-avant, les personnes détenues peuvent travailler pour le service général de la prison qui leur confie des tâches interne à la prison, c’est-à-dire des travaux d’entretien ou des tâches vouées à assurer le fonctionnement courant de l’établissement (nettoyage, petits travaux, service du linge, restauration…).

([394]) Pour rappel, le régime de la concession désigne les activités professionnelles exercées par une personne détenue pour le compte d’une entreprise privée.

([395]) CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016.

([396]) Assemblée nationale, groupes de travail sur la détention en France de la commission des Lois, L’activité en détention et le lien avec le tissu économique local dans une perspective de réinsertion, mars 2018.

([397]) CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016.

([398]) Il a été estimé qu’entre 2012 et 2015, environ 135 000 euros a dû être versé à ce titre par l’administration pénitentiaire (source : Rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, IGAS, IGSJ, IGF, juillet 2016).

([399]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 219.

([400]) Source : direction de l’administration pénitentiaire.

([401]) Il est renvoyé à l’article 719-15 concernant les conditions permettant à l’administration pénitentiaire de suspendre temporairement l’activité de travail ou d’y mettre un terme.

([402]) Structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du code du travail.

([403]) Mentionnée à l’article L. 5213-13 du code du travail.

([404]) En l’espèce, l’ATIGIP créée en 2018 et intégrant le service de l’emploi pénitentiaire (SEP).

([405]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 216.

([406]) Idem, p. 215 et 216 : « cette décision sera prise par le référent local du travail et les éventuelles autres parties au contrat à la suite des entretiens professionnels passées par les personnes détenues ».

([407]) Il s’agit là d’un régime potentiellement plus sévère puisqu’à ce jour, en vertu de l’article R. 57-7-34 du code de procédure pénale, une telle suspension ne peut excéder une durée de huit jours.

([408]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 215.

([409]) Non prévue par le code de procédure pénale, la période d’essai semble toutefois être pratiquée dans plusieurs établissements pénitentiaires pour les ateliers de production en concession ; la durée serait en général de 10 à 30 jours ouvrés.

([410]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 217.

([411]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 215.

([412]) Cette disposition ne concerne que les donneurs d’ordre autres que l’administration pénitentiaire.

([413]) Là encore, cette disposition ne concerne que les donneurs d’ordre autres que l’administration pénitentiaire.

([414]) Article 77 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([415]) Dispositions prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

([416]) Dispositions prévues aux articles L. 5213-13 à L. 5213-19 du code du travail.

([417]) Cette modification a été opérée par l’article 8 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui a également supprimé les cotisations pour l’assurance chômage qui ne concernent pas les personnes détenues. Afin de compenser à l’assurance maladie et à l’assurance chômage la perte de ressources en résultant, le même article a également prévu en contrepartie une hausse de 1,7 % des taux de la contribution sociale généralisée (CSG).

([418]) Modifications opérées par l’article 55 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([419]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([420]) Article R. 57-9-2 du code de procédure pénale.

([421]) Article R. 381-99 du code de la sécurité sociale.

([422]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 225.

([423]) L’article L. 381-31 du code de la sécurité sociale () dispose ainsi que « les détenus exécutant un travail pénal ou suivant un stage de formation professionnelle sont affiliés obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale ». Les articles R. 381-103 à R. 381-120 du code de la sécurité sociale précisent les règles applicables.

([424]) Article R. 381-104 du code de la sécurité sociale : « Les cotisations, salariale et patronale, sont fixées au taux de droit commun du régime général. Elles sont assises sur le total des rémunérations brutes des détenus ».

([425]) Article R. 381-105 du code de la sécurité sociale : « Lorsque le travail est effectué pour le compte de l’administration et rémunéré sur les crédits affectés au fonctionnement des services généraux, les cotisations, salariale et patronale, sont intégralement prises en charge par l’administration. En outre, elles sont assises sur un montant forfaitaire établi par mois et égal au salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année et calculé sur la base de 67 heures ».

([426]) Article R. 381-105 du code de la sécurité sociale.

([427]) Dernier alinéa de l’article R. 351-9 du code de la sécurité sociale.

([428]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 230.

([429]) « À ce titre, ils bénéficient, ainsi que leurs ayants droit, des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité servies par le régime général dans les conditions fixées par les articles L. 381-30 à L. 381-30-6 du code de la sécurité sociale ».

([430]) Article L. 380-30-1 du code de la sécurité sociale.

([431]) Article R. 381-98 du code de la sécurité sociale.

([432]) Article R. 381-99 du code de la sécurité sociale.

([433]) Pour rappel, l’indemnité journalière est définie par l’article L. 433-1 du code de la sécurité sociale : « une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l’arrêt du travail consécutif à l’accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation prévu à l’article L. 443-2 ».

([434]) Article D. 412-62 du code de la sécurité sociale.

([435]) Article D. 412-37 du code de la sécurité sociale.

([436]) Article D. 412-60 du code de la sécurité sociale.

([437]) Article D. 412-40 du code de la sécurité sociale.

([438]) Article D. 412-41 du code de la sécurité sociale.

([439]) À ce sujet, voir le Guide des droits sociaux accessibles aux personnes placées sous main de justice.

([440]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 225.

([441]) Ministère de la Justice, Mesure de l’incarcération au 1er janvier 2021.

([442]) Article 28 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([443]) Article 2 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([444]) Article D. 457 du code de procédure pénale.

([445]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([446]) Rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, IGAS, IGSJ, IGF, juillet 2016

([447]) CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016.

([448]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 225.

([449]) Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.

([450]) Article D. 368 du code de procédure pénale.

([451]) Il existe également un établissement public de santé national basé à Fresnes et huit unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) implantées dans les centres hospitaliers universitaires (CHU).

([452]) Article D. 348-3 du code de procédure pénale.

([453]) Article D. 348-1 du code de procédure pénale.

([454]) Article D. 380 du code de procédure pénale.

([455]) Article D. 412-42 du code de la sécurité sociale.

([456]) Article D. 412-43 du code de la sécurité sociale.

([457]) Article D. 433-7 du code de procédure pénale.

([458]) Article D. 433-8 du code de procédure pénale.

([459]) Article D. 433-5 du code de procédure pénale.

([460]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 236 et 237.

([461]) Idem, p. 230.

([462]) Article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale.

([463]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 235.

([464]) Ibid.

([465]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 232.

([466]) Articles L. 331-3 à L. 331-6 du code de la sécurité sociale.

([467]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 230.

([468]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 234.

([469]) Article L. 5151-1 du code du travail.

([470]) Le compte professionnel de prévention est prévu par l’article L. 4163-4 du code du travail.

([471]) Article L. 5151-7 du code du travail.

([472]) Article 1er de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([473]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 234 et 235.

([474]) Idem, p. 230.

([475]) Idem, p. 235.

([476]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 230.

([477]) Idem, p. 233.

([478]) Idem, p. 231 et 232.

([479]) Article 12 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([480]) Décret n° 2019-1463 du 26 décembre 2019 relatif à l’expérimentation des actions de formation par apprentissage dans les établissements pénitentiaires.

([481]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([482]) Modification opérée par l’article 7 de l’ordonnance n° 2017-1179 du 19 juillet 2017 portant extension et adaptation outre-mer de dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

([483]) Modification opérée par l’article 110 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([484]) Modification opérée par l’article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

([485]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 245.

([486]) Idem, p. 246.

([487]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

([488]) Cette précision était insérée à l’article L. 1434-9 du code de la santé publique qui a été totalement réécrit par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et qui ne mentionne plus aujourd’hui ces dispositions.

([489]) Insérée à l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, cette disposition a été supprimée par la nouvelle rédaction introduite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 qui a modifié le financement et le cadre d’action de ce fond interministériel pour la prévention de la délinquance.

([490]) L’article 55 de la loi pénitentiaire de 2009 intègre ces dispositions au 2° de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique.

([491]) Cette disposition reprend ainsi le modèle prévu pour les agences régionales de santé en application de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique qui a été complété à ce sujet par l’article 55 de la loi pénitentiaire de 2009.

([492]) Étude d’impact jointe au projet de loi, p. 248.

([493])  Articles (abrogés) L. 771-3 à L. 711-3-2 du code de justice administrative.

([494]) Articles 213-7 à 213-10 du code de justice administrative.

([495]) Articles 213-5 et 213-6 du code de justice administrative.

([496]) Étude d’impact, p. 258.

([497]) Article 1er du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux.

([498]) Article 2 du même décret.

([499]) Aisne, Aude, Aveyron, Bas-Rhin, Charente-Maritime, Côtes d’Armor, Drôme, Essonne, Eure, Finistère, Gard, Gironde, Guadeloupe, Guyane, Haute-Loire, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Haute-Savoie, Hauts-de-Seine, llle-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Isère, Landes, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Manche, Martinique, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Seine-Maritime, Seine-Saint-Denis, Tarn, Val-de-Marne, Val-d’Oise, Vendée, Vienne, Yonne, Yvelines.

([500]) Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Bas-Rhin, Isère, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle.

([501]) Étude d’impact, p. 255.

([502]) Étude d’impact, p. 252.

([503]) Article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation.

([504]) I de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

([505]) II du même article L. 441-2-3-1.

([506]) Article 10-1 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif et article 4 de l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

([507]) Étude d’impact, p. 257-258.

([508]) Article L.111-6-6 du code de la construction et de l’habitation.

([509]) Articles R.111-17-1 à R.111-17-3 du code de la construction et de l’habitation.

([510]) Article L. 126-12 du code de la construction et de l’habitation.

([511]) Article 18 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et article 123 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([512]) Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cons. 392 à 394 et décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, cons. 61.

([513]) Article 1er de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat.

([514]) Article 1er de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

([515]) Communication de la mission flash sur la déontologie des officiers publics et ministériels, Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, 7 octobre 2020 (XVe législature), p. 2.

([516]) Ces offices sont créés par zone géographique en fonction des besoins évalués par l’Autorité de la concurrence. Ainsi, 1 650 nouveaux offices ont été attribués entre 2016 et 2018 et 700 entre 2018 et 2020. L’objectif est de permettre la nomination d’un total de 3 500 à 4 000 nouveaux notaires d’ici 2024 (chiffres de l’Autorité de la concurrence). L’Autorité de la concurrence a également recommandé la nomination de 100 nouveaux huissiers de justice et 3 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires entre 2020 et 2022.

([517]) Rapport de la mission d’information commune d’évaluation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron », Tome I, XVe législature, 29 novembre 2018, p. 239.

([518]) Ibid., p. 239.

([519])  Christian Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, 2012, p. 13.

([520]) Article 8 de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires.

([521]) Article 16 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

([522]) Article L. 741-2 du code de commerce.

([523]) Article L. 743-12-1 du code de commerce.

([524]) Étude d’impact du projet de loi, p. 296.

([525]) Rapport de la mission de l’Inspection générale de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre, octobre 2020, p. 30.

([526]) L’examen du présent projet de loi en séance pourrait permettre d’inclure les avocats aux Conseils dans ce dispositif.

([527])  Article 19 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

([528]) Articles L. 743-1 et suivants du code de commerce.

([529]) Articles 5, 13 et 14 du n° 74-737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires.

([530]) Article 19 et 24 du même décret.

([531]) Article 5 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([532]) Article 12 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

([533]) Article 6-1 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels et article 10 du décret n° 74-737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires.

([534]) Articles 33 et 45 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels et L. 743-7 du code de commerce (pour les greffiers des tribunaux de commerce).

([535]) Article 45 de la même ordonnance.

([536]) Article 4 du décret n°2002-76 du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

([537]) Article 5 du décret n°2002-76 du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

([538]) Article 15 du même décret.

([539]) Article 9 du même décret.

([540]) Article 14 du même décret.

([541]) Article 18 du même décret.

([542]) Avis du Conseil d’État, p. 24.

([543]) Voir le commentaire de l’article 20.

([544]) Voir le commentaire de l’article 21.

([545]) Directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

([546])  Ibid., p. 5.

([547]) Étude d’impact du projet de loi, p. 298.

([548]) Article 7 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

([549]) Article 16 du même décret.

([550]) Article 24 du décret n° 74-737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires.

([551]) Voir le commentaire de l’article 20.

([552]) Article 4 du décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

([553]) Article 5 de l’ordonnance de n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([554]) Article 10 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

([555]) Article L. 743-4 du code de commerce.

([556]) Article 43 de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques a élevé au niveau régional le traitement du contentieux disciplinaire des notaires.

([557])  Article 37 de l’ordonnance de n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([558]) Article 37 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

([559]) Article 37 de l’ordonnance de n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([560]) Article L. 743-8 du code de commerce.

([561])  Article 14 du décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

([562]) Conseil d’État, 14 février 1996, n° 132369.

([563]) CEDH, 8 déc. 1999, Pellegrin c. France.

([564]) CEDH, 31 janv. 2012, Durand c. France, n° 10212/07.

([565]) Arrêt n° 328 du 15 mars 2017 (16-10.046) - Cour de cassation - Première chambre civile

([566]) CEDH, 29 sept. 2020, Faller et Steinmetz c. France, nos 59389/16 et 59392/16.

([567]) Étude d’impact, p. 298.

([568])  Le Conseil constitutionnel a estimé que « le législateur pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des peines, ne pas fixer de limite à la durée de l’interdiction temporaire » (Décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014).

([569]) Article 3 du décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

([570]) Loi n°73-546 du 25 juin 1973 relative à la discipline et au statut des notaires et de certains officiers ministériels.

([571]) Article 184-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

([572]) Articles 4-1 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([573]) Article 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

([574]) Rapport de la mission de l’Inspection générale de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre, p. 91.

([575])  Dix ans après cette destitution, le professionnel concerné peut solliciter auprès de l’instance disciplinaire le droit d’être relevé de cette incapacité.

([576]) Rapport de la mission de l’Inspection générale de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre, p. 91.

([577]) Article 33 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

([578]) Articles 28 et suivants de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques modifiant les articles 22 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([579]) Article 180 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

([580]) Articles 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([581]) Article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

([582]) Ibid.

([583])Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

([584]) Civ. 1re, 21 nov. 2018, no 17-26.869

([585]) Civ 1re, 3 oct. 2018, no 17-21.879

([586]) Rapport remis au garde des Sceaux, ministre de la justice, en juillet 2020

 

([587]) Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, considérant n° 39.

([588]) CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 261541

([589]) Civ. 1re, 13 oct. 1998, no 96-13.862

([590]) Voir le Livre blanc de la médiation, publié par le collectif Médiation 21, publié en juin 2019, et le rapport du groupe de travail sur « la promotion et l’encadre des modes amiables de règlement des différends », élaboré par la Cour d’appel de Paris et l’Université du Mans et publié en mars 2021.

([591]) L. Garnerie, « Au CNB, la chasse aux mauvais payeurs est ouverte », Gaz. Pal., 19 mars 2019, n° 346a0, p. 5.

([592]) Conseil constitutionnel, décision 2016-739 DC du 17 novembre 2016, cons. 58.

([593]) En application de l’article 543 du code de procédure pénale.

([594]) CE, 7 octobre 1992, Scherer, n° 116369

([595]) Cass 1ère civ, 6 avril 2014, n° 00-19.245.

([596]) Cass Com, 6 décembre 2016, pourvoi n° 15-14.554.

([597]) Convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la procédure simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne, faite à Bruxelles le 10 mars 1995.

([598])À ce jour, ce protocole a été ratifié par 22 États, tous membres du Conseil de l’Europe.

 

([599]) Article L. 124-3 du code de l’organisation judiciaire.

([600]) CA Versailles, 10 déc. 2020, nos 20/01692 et 20/01693, D. 2021. 6.

([601]) TJ Nanterre, ord. réf., 30 janv. 2010, nos 19/02833 et 19/02833, D. 2020. 970

([602]) TJ Nanterre, ord. JME, 11 févr. 2021, n° 20/00915

([603]) CC n° 2019-778 DC du 21 mars 2019

([604]) La procédure nationale est prévue aux articles 1405 à 1424 et 1425 du code de procédure civile et la procédure d’injonction de payer européenne figure aux articles 1424-1 à 1424-16 du même code.

([605]) Par exemple la cotisation aux ordres professionnels ou le paiement des charges de copropriété.

([606]) Article 1409 du code de procédure civile.

([607]) Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

([608]) « Z. Belmokhtar et C. Kissoun-Faujas, « Les injonctions de payer en 2019 : de la demande à l’opposition », Infostat Justice n° 178, sept. 2020.

([609]) Cela exclut les cas où le débiteur à la qualité de commerçant ou de société.

([610]) En 2019, une ordonnance d’injonction de payer sur deux a ainsi été prononcée en 36 jours au plus.

([611]) Voir le commentaire sous l’article 7 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Au cours de l’expérimentation menée conformément à la loi précitée du 23 mars 2019, 74 % des affaires jugées devant la cour criminelle l’ont été en présence de deux magistrats non professionnels, comme l’a montré la mission flash de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur les cours criminelles dont M. Antoine Savignat et votre rapporteur ont présenté les conclusions le 16 décembre dernier. Or, ces magistrats non professionnels ne sont pas en nombre suffisant. Devant la cour d’assises, seuls des magistrats honoraires peuvent être désignés mais, sur les 218 magistrats honoraires affectés au siège, 36 seulement ont déjà exercé des fonctions d’assesseurs en cour d’assises.

([612]) S’agissant des magistrats exerçant à titre temporaire, la durée actuelle de recrutement est comprise entre dix-huit mois et deux ans. L’étude d’impact impute cependant la baisse des effectifs de magistrats exerçant à titre temporaire à des raisons conjoncturelles.

([613]) Conseil constitutionnel, décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, cons. n° 8, et décision n° 2016‑732 DC du 28 juillet 2016, Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, par. n° 73 : « Si les fonctions de magistrat de l’ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire; la Constitution [article 64] ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n’entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d’indépendance qui est indissociable de l’exercice de fonctions judiciaires; qu’il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l’ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu’impose l’exercice à titre temporaire de leurs fonctions. »

([614]) « Nul ne peut être arbitrairement détenu. // L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

([615]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-532 QPC du 1er avril 2016, M. Jean-Marc E. et autre, par. n° 5.

([616]) Ils ne peuvent ni exercer des fonctions judiciaires dans le ressort du tribunal judiciaire où ils ont leur domicile professionnel, ni effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

([617]) Le IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit notamment que « le fonctionnaire peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice. »

([618]) Formation probatoire, nomination par le Conseil supérieur de la magistrature, règles de déport et déclaration d’intérêts notamment.

([619]) Art. 41‑29, alinéa 2, de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958.

([620]) Pourront ainsi devenir magistrats à titre temporaire les personnels auxquels le second alinéa de l’article 41 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1948 ouvre la possibilité d’un détachement judiciaire : fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers, et fonctionnaires des assemblées parlementaires. Des incompatibilités statutaires excluent les militaires, également cités audit alinéa.

([621]) « Des dérogations individuelles peuvent toutefois être accordées aux magistrats, par décision des chefs de cour, pour donner des enseignements ressortissant à leur compétence ou pour exercer des fonctions ou activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance, à l’exception des activités d’arbitrage, sous réserve des cas prévus par les dispositions législatives en vigueur. »

([622]) Le chef de cour étant l’autorité chargée d’instruire les candidatures aux fonctions de magistrat à titre temporaire, comme le prévoit l’article 35‑1 du décret n° 93‑21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, il pourra décider alors de l’opportunité d’accorder cette dérogation ou non.

([623]) Voir le commentaire de l’article 1er.

([624]) Voir le commentaire de l’article 1er.

([625]) Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, cons. 6.

([626])  Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité.

([627]) Voir le commentaire de l’article 8 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([628]) Article 41-28 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([629]) Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, cons. 10.

([630]) Article 3 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions.

([631]) L’avocat honoraire ne peut exercer aucun acte de la profession d’avocat hormis la consultation ou la rédaction d’actes, sur autorisation du bâtonnier. Il peut également accepter une mission de justice, d’arbitrage, d’expertise ou de médiation et participer à une commission administrative ou à un jury d’examen ou de concours. Il demeure soumis aux obligations résultant du serment d’avocat (article 21 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat).

 

([632]) Chapitre VII de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([633]) Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVI.

([634]) Sur la Cour de justice de la République, son histoire, ses compétences et les critiques adressées à son fonctionnement, voir le rapport n° 1137 de M. Richard Ferrand, Mme Yaël Braun-Pivet et M. Marc Fesneau fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, 4 juillet 2018, commentaire sous l’article 13.

([635]) La cour de justice de la République est par exemple composée de quinze juges : douze parlementaires – six députés et six sénateurs – et trois magistrats du siège membres de la Cour de cassation.

([636]) Art. 26 de la loi organique précitée du 23 novembre 1993.

([637]) Art. 33 de la loi organique précitée du 23 novembre 1993.