N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député,

——

 

ANNEXE N° 2
 

 

Action extÉrieure de l’État :

 

TOURISME

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

____


 

 

 


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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

RECOMMANDATIONS de la rapporteure spÉciale

Suivi des recommandations des annÉes prÉcÉdentes

I. les crÉdits du tourisme dans la mission action extÉrieure de l’État : une gestion satisfaisante malgrÉ le contexte ÉpidÉmique et un investissement À renforcer pour la reprise

A. L’Évolution de la masse salariale de l’opÉrateur : un plan social intervenant À un moment inopportun

B. des reports de crÉdits et la maximisation des fonds propres de l’opÉrateur pour prÉparer la reprise

C. L’adaptation rapide d’Atout France À l’absence de touristes internationaux : un modÈle de promotion du tourisme domestique À pÉrenniser

II. la situation gÉnÉrale du tourisme : toute la filiÈre profondÉment touchÉe

A. face À des chiffres dÉgradÉs dans toute la filiÈre : les aides apportÉes au secteur du tourisme dans sa globalitÉ

1. Les chiffres du tourisme : une perte sans précédent pour toute la filière touristique

2. Les aides de l’État pour soutenir la filière : des aides conséquentes qui ont permis de sauver la majorité des entreprises, mais qui comportent des lacunes pour certaines entreprises demeurant sans solution

a. Le Fonds de solidarité : un dispositif global, utile et efficace, mais avec de grande diversité selon les typologies d’entreprises

b. Les prêts garantis par l’État : un soutien financier considérable, mais un « mur de la dette » à venir

B. des dÉfaillances maÎtrisÉes mais des aides non suffisantes pour certains secteurs en risque structurel en raison de la durÉe de la crise

1. Des défaillances maîtrisées grâce aux mesures d’urgence mises en place par l’État

2. Certains secteurs demeurent en grande difficulté notamment ceux qui dépendent du tourisme international et d’une reprise progressive

a. Les transporteurs de voyageurs

b. Les agences de voyages

c. Le secteur de l’hôtelleriecaférestauration

III. quelle relance pour le tourisme ?

A. la nécessité d’investir à nouveau et de manière importante dans la promotion de la destination France

B. Des aides à l’investissement qui doivent être beaucoup plus simples et s’apparenter au plan de relance industrie lancée par le Gouvernement

Seconde partie  thÈme d’Évaluation : l’action de l’État pour soutenir les stations  de sports d’hiver À faire face À la crise

I. les consÉquences Économiques de la crise sanitaire sur les stations de sports d’hiver : des chiffres dÉgradÉs pour toute l’Économie touristique de la montagne

II. LES AIDES DE L’ÉTAT, utiles AUX STATIONS DE SPORTS D’HIVER, ont été peu adaptÉes à la saisonnalité de l’activité

A. Le fonds de solidaritÉ « montagne »

B. Le dispositif de prise en charge des coÛts fixes

1. Pour les exploitants de remontées mécaniques : un mécanisme ad hoc

2. Pour les entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de Covid-19

C. Les « oubliÉs » de la montagne

1. Les entreprises dont l’activité dépend du tourisme hivernal

2. Les entreprises d’aménagement de la montagne

3. Les centres de vacances et hébergements collectifs de mineurs

D. Les consÉquences pour les finances publiques locales

III. la relance du tourisme de montagne

Examen en commission

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

Les crédits prévus au profit de l’opérateur Atout France s’élevaient en LFI à 30 891 020 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; les crédits consommés en 2020 sont de 38 909 974 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

 

 

Réalisation 2019

Prévision LFI 2020

Réalisation 2020

 

AE CP

AE CP

AE CP

SCSP

31 968 126

31 968 126

30 891 020

30 891 020

33 968 331

33 968 331

Transferts

4 899 473

4 899 473

 

 

4 941 643

4 941 643

Total

36 867 599

36 867 599

30 891 020

30 891 020

38 909 974

38 909 974

La subvention pour charges de service public (SCSP) de l’opérateur s’élève à 33,97 millions d’euros en exécution 2020. À ce montant, s’ajoutent les 5 millions d’euros votés en LFR 3 ainsi qu’un dégel partiel du surgel en fin de gestion à hauteur de 1,3 million d’euros. Par ailleurs, l’opérateur a bénéficié d’une attribution de produits issue des recettes de visas à hauteur de 4,9 millions d’euros ainsi qu’un revenu de transfert de 0,5 million d’euros issu du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire.

Les produits d’exploitation s’élèvent à 51,16 millions d’euros en 2020, soit 72 % du budget initial en raison de l’impact de la pandémie. Pour cette même raison, la majeure partie des subventions spécifiques versées en 2020 (10,151 millions d’euros) a été reportée en 2021 pour mobiliser des moyens supplémentaires au moment de la reprise. Enfin, Atout France présente un résultat pratiquement à l’équilibre avec un bénéfice de 56 000 euros, malgré ce contexte. Ainsi, la capacité d’autofinancement sur l’exercice 2020 s’élève à 3,2 millions d’euros.

Le thème d’évaluation retenu a été celui de l’adéquation de l’action gouvernementale aux nécessités de la filière touristique, notamment de montagne, pour traverser cette crise.

Les mesures de soutien ont été importantes : en soutien à la filière touristique dans sa globalité, l’État a mobilisé 26 milliards d’euros, dont 11 milliards en PGE, 6 milliards au titre du fonds de solidarité et 6 milliards en faveur de l’activité partielle.

 

 

Quant au tourisme de montagne, plus de 5,4 milliards d’euros d’aides auraient déjà été versés à ce jour, dont 4,6 milliards de mesures d’urgence :

– 2 milliards de soutien à la trésorerie des entreprises et des commerces de la montagne avec le fonds de solidarité et le dispositif coûts fixes, 1,6 milliard de PGE ;

– 535 millions d’activité partielle ;

– 480 millions d’aides aux exploitants de remontées mécaniques avec un dispositif ad hoc de prise en charge des coûts fixes ;

– et 36 millions pour les 1 176 communes appartenant à une zone de massif et bénéficiant du dispositif de garantie des recettes fiscales.

S’y ajoutent 330 millions d’euros de mesures de relance pour les entreprises ainsi que 480 millions de mesures de relance pour les collectivités territoriales.

Malgré l’ampleur de ces aides, des lacunes demeurent. Quid des entreprises créées en 2020, qui devaient démarrer leur activité en décembre 2020 et qui n’auront pas de possibilité réelle de rattrapage avant décembre prochain ? Pourquoi les entreprises de services et les artisans ont-ils été exclus des dispositifs en faveur de la montagne (coiffeurs ou esthéticiennes de station, etc.). Si l’État a bien pris en compte les spécificités de la montagne avec un plan dédié, il s’est arrêté à mi-chemin en lui appliquant une logique annualisée, alors que la montagne est fortement saisonnalisée, d’où des dispositifs inopérants pour un certain nombre d’acteurs (dispositifs coûts fixes pour les résidences de tourisme et centres de vacances)

De plus, l’évolution des conditions d’éligibilité du fonds de solidarité a souvent été obscure pour les acteurs du tourisme et les PGE ont eu pour effet de contribuer à l’émergence d’un « mur de la dette ». Certains secteurs du tourisme sont particulièrement en difficulté et nécessitent une aide dédiée et mieux ciblée. Il en va ainsi des résidences de tourisme, des agences de voyages, des sociétés de transports de voyageurs et des centres de vacances.

 

 

 


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   RECOMMANDATIONS de la rapporteure spÉciale

– Reconduire le fonds de solidarité « montagne » au moins jusqu’en novembre 2021 pour les entreprises de station.

– Reconduire les aides d’urgence (chômage partiel et fonds de solidarité), pour les entreprises d’aménagement de la montagne jusqu’en avril 2022, en raison du décalage de leur activité (chute d’activité suite à l’absence de commandes de leurs clients principaux, les domaines skiables au printemps 2021).

– Sur le dispositif « coûts fixes », prendre en compte toutes les résidences de tourisme, même celles qui ne réalisent pas un million d’euros de chiffre d’affaires mensuel, éliminer l’anomalie de la condition du siège social et reconduire le dispositif sur le deuxième semestre 2021 afin que la prise en compte de la saisonnalité soit complète.

– Permettre l’allongement de la durée de remboursement des PGE jusqu’à 12 ans pour les entreprises de l’hôtellerie, hébergement touristique et restauration ; transformer une partie de ces PGE en quasi fonds propres, voire restructurer la dette des entreprises en seul nouveau prêt garanti par l’État et amortissable sur 12 ans.

– Mettre en œuvre la TVA à 5,5 % dans l’hôtellerie et la restauration pour compenser en partie l’absence de possibilité de rattrapage des mois perdus et permettre à ces entreprises de faire face aux charges qui les attendent (remboursement de PGE, etc.).

– Renforcer le budget promotion d’Atout France pour engager une promotion à la hauteur des enjeux de la reprise et repositionner rapidement la France sur les marchés internationaux.

– Mettre en place un véritable plan de relance touristique sur le même modèle que le plan de relance industrie : des aides massives, en subventions, simples, pour favoriser la modernisation de nos structures d’accueil touristique.

– Afin de soutenir les centres de vacances et hébergements collectifs de mineurs, mettre à court terme un véritable plan de relance des classes de découverte au sein de l’Éducation nationale ; à long terme, se doter d’une politique ambitieuse en matière de séjours de mineurs en formant et en sensibilisant les enseignants à la culture du départ et en leur accordant une prime pour le travail supplémentaire engendré par l’organisation de ces séjours.

 

– Évaluer l’efficacité du dispositif de compensation prévu par l’article 21 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et l’article 74 de la loi de finances initiale pour 2021 à effectivement compenser les collectivités territoriales touristiques.

– Créer un dispositif de fonds départemental, géré par les préfets et les DIRECCTE, permettant de répondre aux entreprises oubliées du fonds de solidarité et qui sont en difficulté, pour les entreprises créées en 2020 notamment.

– Baisser les contributions des communes et intercommunalités touristiques au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), afin de ne pas pénaliser, d’un point de vue budgétaire, des communes déjà affaiblies par l’effondrement de leurs recettes dues à la chute de la fréquentation touristique et d’encourager de leur part une reprise de leurs investissements touristiques

– Pour soutenir le secteur du transport de voyageurs, intégrer les coûts fixes dans les échéances bancaires des autocaristes, sectoriser leurs activités conventionnées et leurs activités touristiques, adapter l’aide à la conversion des autocars du plan de relance à la réalité de leurs exigences.

– Pour soutenir les agences de voyages, leur ouvrir l’accès au fonds de solidarité quel que soit leur chiffre d’affaires mensuel et mettre en place un plan spécial à leur égard au travers de la mise en place de chèques vacances dédiés pour encourager leur reprise d’activité.

– Affecter 50 millions d’euros en loi de finances rectificative pour favoriser l’investissement communal au profit d’infrastructures pour les stations de montagne.

 

 

 


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   Suivi des recommandations des annÉes prÉcÉdentes

Dans son précédent rapport du Printemps de l’évaluation 2020, la rapporteure spéciale préconisait l’amélioration de la lisibilité des dépenses fiscales dans la maquette budgétaire. Elle sollicitait en outre la création d’un programme budgétaire propre au tourisme, afin de pallier les inconvénients générés par l’éclatement des crédits du tourisme et, ce faisant, de pouvoir mieux évaluer les politiques publiques menées en la matière. Elle note avec regret qu’aucun changement n’est intervenu en la matière. La rapporteure spéciale appelait également de ses vœux le rétablissement des crédits de soutien aux activités de la direction générale des entreprises (DGE) en matière de tourisme. Or, force est de constater que le désengagement de la DGE sur ce sujet ne fait que s’accentuer.

Outre la construction budgétaire dédiée aux crédits du tourisme, la rapporteure spéciale recommandait de baisser le taux réduit de TVA sur l’hôtellerie-restauration de 10 % à 5,5 %. Elle a, à de multiples reprises, réitéré cette velléité, d’autant plus grande depuis la survenue de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ; cette proposition n’a pas plus été suivie d’effet.

La rapporteure spéciale attirait également l’attention sur la nécessité de consolider le modèle économique des résidences de tourisme. Or, non seulement ce n’a pas été le cas, mais il faut en outre relever que la crise sanitaire a eu pour conséquence le renforcement des difficultés desdites résidences de tourisme : elles sont parmi les acteurs les plus en difficulté actuellement.

Enfin, elle souhaitait que soient alloués plus de moyens à Atout France pour remplir ses missions urgentes. Il faut à cet égard se féliciter de l’adoption de 5 millions de crédits supplémentaires votés en troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 au profit des actions de promotion urgentes de l’opérateur.

 

 


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I.   les crÉdits du tourisme dans la mission action extÉrieure de l’État : une gestion satisfaisante malgrÉ le contexte ÉpidÉmique et un investissement À renforcer pour la reprise

Les crédits prévus en LFI au profit de l’opérateur Atout France s’élevaient en LFI à 30 891 020 en AE et en CP. Les crédits consommés en 2020 sont de 38 909 974 en AE et en CP.

 

 

Réalisation 2019

Prévision LFI 2020

Réalisation 2020

 

AE CP

AE CP

AE CP

SCSP

31 968 126

31 968 126

30 891 020

30 891 020

33 968 331

33 968 331

Transferts

4 899 473

4 899 473

 

 

4 941 643

4 941 643

Total

36 867 599

36 867 599

30 891 020

30 891 020

38 909 974

38 909 974

La subvention pour charges de service public de l’opérateur s’élève à 33,97 millions d’euros en exécution 2020. À ce montant, s’ajoutent les 5 millions d’euros votés en LFR 3 ainsi qu’un dégel partiel du surgel en fin de gestion à hauteur de 1,3 million d’euros. Par ailleurs, l’opérateur a bénéficié d’une attribution de produits issue des recettes de visas à hauteur de 4,9 millions d’euros ainsi qu’un revenu de transfert de 500 000 euros issu du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire.

Les produits d’exploitation s’élèvent à 51,16 millions d’euros en 2020, soit 72 % du budget initial en raison de l’impact de la pandémie. Pour cette même raison, la majeure partie des subventions spécifiques versées en 2020 (10,151 millions d’euros) a été reportée en 2021 pour mobiliser des moyens supplémentaires au moment de la reprise. Enfin, Atout France présente un résultat pratiquement à l’équilibre avec un bénéfice de 56 000 euros, malgré ce contexte. Ainsi, la capacité d’autofinancement sur l’exercice 2020 s’élève à 3,2 millions d’euros.

A.   L’Évolution de la masse salariale de l’opÉrateur : un plan social intervenant À un moment inopportun

Conformément à la demande des tutelles, Atout France a réalisé 4 millions d’euros d’économies dans son fonctionnement en année pleine. Les schémas d’emploi d’Atout France sont négatifs puisque dans le cadre de sa réorganisation interne, Atout France a procédé à une rupture conventionnelle collective qui a été avalisée lors du conseil d’administration de novembre 2019, ce qui a impliqué un solde négatif en 2020. Le projet d’accord d’une rupture conventionnelle collective a été signé le 17 janvier 2020.

Dans le contexte économique de l’année 2019, au cours de laquelle les tutelles ont annoncé une baisse de dotation de 4,4 millions d’euros sur 2020, la directrice générale avait considéré que la rupture conventionnelle collective était la meilleure solution pour répondre à ces contraintes financières.

Le coût de la rupture conventionnelle collective a conduit à 14 départs au siège et devrait s’élever à 803 000 euros. Or, la situation n’est plus du tout la même, et le contexte actuel laisse à penser que ce n’est pas le moment de se séparer d’un personnel qualifié et compétent. Cette politique de maîtrise des coûts se poursuit depuis plusieurs années : tous les recrutements sont impérativement soumis à autorisation préalable et aucun remplacement n’est automatique ; un formulaire d’autorisation de recrutement a été mis en place en 2019.

Le contexte sanitaire a accru cette tendance : Atout France a suspendu un certain nombre de recrutements en 2020. Au 31 décembre 2020, l’effectif total ETPT était de 272,73 contre 293,96 en 2019. Cette baisse s’explique par les suppressions ou gels temporaires de poste et par le développement du recours aux VIE dans le réseau international. Ainsi, les charges de personnel supportées sur le budget d’Atout France sont en baisse de 2,2 millions d’euros par rapport à 2019. Le nombre de CDD a été divisé par deux par rapport à 2018 et le nombre d’intérimaires a été divisé par six sur la même période ([1]). En outre, les salariés d’Atout France sous convention avec Air France en Chine continentale sont passés, à partir du 1er janvier 2020, sous contrat d’Atout France par suite de l’obtention de la licence de création d’un bureau de représentation à Pékin, ce qui explique l’importante diminution du nombre d’emplois rémunérés par d’autres organismes entre le budget initial et l’exécution (17 ETPT rémunérés par d’autres organismes au BI et 6 en exécution).

La rapporteure spéciale s’inquiète de cette réduction du personnel en matière de promotion du tourisme, qui va générer une perte de savoir-faire conséquente au moment même où il faudra une politique ambitieuse pour la reprise, afin de faire face à une concurrence qui sera très forte.

Recommandation n° 1 : maintenir les effectifs dans les bureaux d’Atout France à l’étranger afin d’être prêts pour la reprise

B.   des reports de crÉdits et la maximisation des fonds propres de l’opÉrateur pour prÉparer la reprise

La situation sanitaire a eu pour conséquence qu’Atout France n’a pas pu engager l’intégralité des financements reçus. Partant, leur utilisation a été reportée à 2021, les perspectives de reprises d’activité ayant été décalées. Par conséquent, Atout France a choisi de maximiser l’usage de ses fonds propres pour le financement de ses actions menées en 2020 afin de reporter sur 2021, au moment de la reprise, le montant le plus élevé possible de crédits.

Ainsi, priorité a été donnée aux actions financées sur les fonds opérationnels de l’opérateur en 2020 : il s’est agi de consommer avant tout les fonds issus du solde de la subvention pour charges de service public et des cotisations, afin de préserver des fonds des subventions spécifiques, jugés indispensables au moment de la reprise en 2021. Cela a conduit à imputer sur les fonds d’Atout France des opérations pour lesquelles il avait été envisagé initialement de consommer des fonds spécifiques. Ces opérations visaient pour l’essentiel les marchés de proximité (Belgique, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni), mais également quelques marchés lointains (Chine, Australie).

Au total, 2,2 millions d’euros de fonds opérationnels ont donc été mobilisés par Atout France, en complément des actions menées grâce au 1,264 million de fonds issus de conventions spécifiques, soit un total de près de 3,5 millions d’euros mobilisés pour accompagner les fenêtres de reprise d’activité en 2020. L’opérateur a donc maximisé l’usage de ses fonds propres pour financer les actions en 2020. Au total, 2,2 millions d’euros de fonds opérationnels ont été mobilisés par Atout France, en complément des actions menées grâce au 1,264 million d’euros de fonds issus de conventions spécifiques, soit un total de près de 3,5 millions d’euros mobilisés pour accompagner les fenêtres de reprise d’activité en 2020. 1,3 million d’euros ont par conséquent été fléchés sur les fonds CIT, dont l’essentiel a été mobilisé dans les campagnes #CetEtéJeVisiteLaFrance et #JeRedécouvreLaFrance. Les bureaux, ainsi que le siège de l’opérateur, ont également conduit de nombreuses actions de promotion et d’intervention mobilisant 719 000 euros de fonds opérationnels.

C.   L’adaptation rapide d’Atout France À l’absence de touristes internationaux : un modÈle de promotion du tourisme domestique À pÉrenniser

En raison de la crise sanitaire, les actions de promotion de la destination France qui ciblaient les clientèles étrangères lointaines – notamment asiatique et américaine – ont dû être suspendues et reportées au profit d’actions de communication tournées vers des clientèles de proximité. Le 19 juin 2020, Atout France a ainsi lancé sa campagne de communication #CetEtéJeVisiteLaFrance, associant acteurs publics et privés du tourisme, avec pour objectif de rassurer la clientèle française sur les protocoles sanitaires mis en œuvre ainsi que l’informer sur l’offre disponible au moyen d’une carte interactive réalisée en partenariat avec ADN Tourisme.

Le 20 octobre 2020, a été lancée une nouvelle campagne, #JeRedécouvreLaFrance, pour la période automne‑hiver 2020/2021, avec de nouveau cet objectif de rassurer les Français sur les conditions d’accueil et le respect des mesures sanitaires. En 2020, en matière de promotion du tourisme, Atout France a mis en œuvre 328 campagnes de communication, 37 évènements digitaux, 167 évènements professionnels en présentiel, 79 évènements professionnels en ligne, 589 professionnels accueillis en France, dont le salon Grand Ski, 69 évènements et conférences de presse en présentiel, 42 évènements presse en ligne, 510 blogueurs et journalistes accueillis en France.

L’action spécifique d’Atout France pour promouvoir le tourisme de montagne

Afin de promouvoir le tourisme de montagne, Atout France a mis en place une campagne télévisée, « La montagne tout naturellement ! » en octobre 2020, puis de nouveau durant les fêtes de fin d’année. Cette campagne a été relancée en février 2021 pour inciter les Français à redécouvrir les bienfaits de la montagne. Pour ce faire, 500 spots ont été diffusés entre le 23 janvier et le 23 février sur les chaînes de France Télévisions et BFMTV. En complément, Atout France a engagé diverses actions de soutien aux acteurs de la montagne, avec par exemple la venue d’influenceurs dans les stations de sports d’hiver tout du long de la saison, et la mise en place de jeux-concours avec des séjours à remporter.

L’opérateur a également déployé des actions avec des volets spécifiquement dédiés à la montagne au sein de ses campagnes plus larges #CetEtéJeVisiteLaFrance et #JeRedécouvreLaFrance. Du 23 au 26 mars 2021, un évènement entièrement digital, « Destination Montagnes‑Grand ski », a été organisé pour préparer la saison 2021/2022, afin de valoriser les massifs français dans la programmation des voyagistes. Pour soutenir les massifs, l’opérateur renforce également son investissement aux côtés de France Montagnes, dans le but de valoriser les expériences de la destination montagnes.

En outre, Atout France a collaboré avec France Montagnes et les acteurs de la montagne afin de produire et diffuser une infographie relative aux mesures sanitaires dans les stations, et des séries de webinars et workshops virtuels ont été menés pour informer et rassurer la distribution (notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, en Europe centrale, en Russie, à Israël et dans les pays du Moyen-Orient). Atout France a également organisé l’évènement Grand Ski, en janvier 2020, qui a regroupé 247 exposants et 483 tour-opérateurs (avec un budget de 825 000 euros, dont 25 000 directement en provenance d’Atout France). Le budget de promotion de la montagne en 2020 s’est élevé à 982 846 euros, dont 380 000 d’Atout France et 602 846 de ses partenaires.

L’opérateur s’est rapidement adapté à la situation sanitaire en mettant en place des workshops et webinaires digitaux, et en maintenant, lorsque cela était possible, des actions de communication. Le format digital de la plupart des opérations a toutefois permis de mobiliser un volume de partenariats plus limité. Dans ces conditions, Atout France a géré un budget total de produits de 51,2 millions d’euros, soit 72 % de son budget initial (70,3 millions d’euros) et 66 % des produits 2019 (77,4 millions d’euros).

La constitution du budget et des recettes de l’opérateur sera durablement impactée par la crise : tout d’abord, il conviendra que l’État compense la perte des recettes de visas, habituellement versées à l’opérateur. On peut s’attendre également à ce que les partenaires privés (compagnies aériennes, grands hébergeurs touristiques, habituellement contributeurs aux actions de promotion de la destination France aux côtés d’Atout France, vont voir leurs moyens baisser pour financer la promotion. Il conviendra que l’État soit au rendez-vous du financement de la relance de la promotion, sans cela les milliards investis pour sauver la filière seraient en partie gâchés.

 

Recommandation n° 2 : renforcer le budget promotion d’Atout France pour préparer la reprise, alors que les recettes de visas seront absentes ou diminuées et que les partenaires privés finançant habituellement la promotion voient leurs moyens amputés. Dans le prochain projet de loi de finances, il faudra prévoir au minimum 25 millions d’euros en budget dédié à la promotion, si on veut se repositionner sur les marchés au moment de la reprise, alors que nos concurrents sont déjà prêts pour la relance

II.   la situation gÉnÉrale du tourisme : toute la filiÈre profondÉment touchÉe

Face à la situation dégradée de toute la filière touristique, l’État a mobilisé des dispositifs d’urgence et de relance qui ont prouvé leur efficacité, malgré la difficulté persistante de certains secteurs.

  1. face À des chiffres dÉgradÉs dans toute la filiÈre : les aides apportÉes au secteur du tourisme dans sa globalitÉ

Les chiffres dégradés de toute la filière touristique ont incité le Gouvernement à l’adoption de mesures spécifiques au tourisme qui ont été efficaces pour limiter les défaillances dans le secteur.

1.   Les chiffres du tourisme : une perte sans précédent pour toute la filière touristique

Le secteur mondial du voyage et du tourisme a subi en 2020 une perte de plus de 4 000 milliards de dollars américains, dont 103 milliards pour la France ; tendance qui se confirme pour 2021 avec une chute de 87 % des arrivées de touristes internationaux pour le mois de janvier 2021 par rapport à 2020. Près de 62 millions d’emplois dans le secteur du tourisme auraient été perdus au niveau mondial, soit une baisse de 18,5 %, avec un impact plus fort sur les femmes, les jeunes et les minorités. Les PME, qui représentent 80 % du tissu économique du secteur du tourisme, sont particulièrement touchées. Les niveaux de 2019, tant en termes de recettes touristiques que d’emplois, ne seraient pas retrouvés avant 2022 ([2]).

L’Organisation mondiale du tourisme souligne que l’arrêt des voyages internationaux a généré une perte de recettes d’exportation estimée à 1 300 milliards de dollars américains, soit plus de onze fois la perte enregistrée pendant la crise économique mondiale de 2009. La crise menace de 100 à 120 millions d’emplois directs dans le tourisme, dont beaucoup dans de petites et moyennes entreprises. L’Organisation mondiale du tourisme a estimé la chute du nombre d’arrivées internationales à l’échelle mondiale à plus d’un milliard d’euros.

En France, le secteur du tourisme représente habituellement près de 8 % du PIB, et contribue de manière significative à l’excédent de la balance des services. Au plus fort de la crise, au début du deuxième trimestre 2020, on enregistrait une chute de – 99 % des arrivées de touristes internationaux sur notre territoire. La situation s’est améliorée avec un bilan de la saison estivale meilleure que prévue du fait de la tenue des marchés européens de proximité (Belgique, Pays-Bas et Suisse notamment).

Au final, les estimations d’Atout France font état d’une fourchette d’arrivées de touristes étrangers comprise entre 36 et 40 millions pour 2020 (soit une baisse de – 51 millions, soit – 56 % par rapport à 2019). La crise sanitaire a impliqué le report en 2021 de nombreux évènements prévus en 2020 et pour lesquels le programme 185 participe au financement (Exposition universelle de Dubaï 2020, Paris Food Forum, etc.) ([3]). Dans le secteur du transport aérien, Atout France précise que les carnets de commandes demeurent très faibles sur les prochains mois. Les résultats du groupe Aéroports de Paris dénotent en effet une situation financière très dégradée par la crise sanitaire, avec une chute de pratiquement 70 % de son trafic sur les aéroports parisiens.

En conséquence, la chute des recettes tirées du tourisme est sans précédent. Dans sa note de conjoncture de février 2021, Atout France révèle que, sur l’ensemble de l’année 2020, la Covid‑19 a fait perdre 61 milliards d’euros de recettes touristiques à la France en 2020. Les nouvelles restrictions à partir de novembre ont encore affecté les recettes du tourisme international : les mois de janvier et février 2021 affichent des reculs de – 55,1 % et – 59,8 % par rapport à janvier et février 2020. Mais situation moins défavorable que l’Espagne, l’Italie ou encore l’Allemagne.

Parmi ses principaux voisins européens, la France affiche néanmoins une situation moins défavorable en termes de recettes touristiques. L’Espagne, l’Italie et même l’Allemagne, qui avait réussi à tirer son épingle du jeu en 2020, connaissent un début d’année plus difficile ([4]). L’effondrement des voyages internationaux touche en effet l’ensemble des pays dont l’économie repose en grande partie sur le tourisme : la réduction des recettes de voyages en 2020, de 50 % pour la France, atteint ainsi par exemple 77 % en Espagne – qui, contrairement aux autres pays présentés, affiche des recettes nulles en avril et en mai 2020. La réduction des recettes de voyages est de – 60 % pour l’Italie et – 63 % pour les États-Unis. Les recettes de voyages pour les États-Unis atteignent ainsi 172,8 milliards d’euros en 2019 contre 71,2 milliards pour l’Espagne et 56,7 milliards pour la France.

Recettes de voyages dans les principaux États touristiques
en 2019 et en 2020

Source : Banque de France, Eurostat, U.S. Bureau of Economic Analysis.

De ces mauvais résultats pour tout le secteur du tourisme, résulte un solde du tourisme ([5]) dégradé. Ainsi, en 2020, le solde du tourisme perd – 6,6 milliards d’euros pour s’établir à 4,2 milliards d’euros en fin d’année ; sur les deux premiers mois de l’année 2021, le solde du tourisme s’est de nouveau fortement dégradé.

Solde mensuel du poste voyages de la balance des paiements

Source : Banque de France.

Les recettes du tourisme international (exportation de voyages) représentent 22 % des exportations de services de la France en 2019, cette part étant presque constante depuis 2015. Pour 2020, du fait du recul historique des voyages internationaux, ces recettes de voyages ne représentent plus que 13 % des exportations de services de la France. S’agissant du solde des voyages, l’excédent s’élevait à 11,6 milliards d’euros en 2019 – contribuant, ce faisant, positivement au solde des services, et donc des transactions courantes – et a fondu en 2020 pour atteindre 4,2 milliards d’euros, soit 7,4 milliards d’euros de moins qu’en 2019.

2.   Les aides de l’État pour soutenir la filière : des aides conséquentes qui ont permis de sauver la majorité des entreprises, mais qui comportent des lacunes pour certaines entreprises demeurant sans solution

Au 24 mai 2021, le soutien au tourisme a mobilisé plus de 32 milliards d’euros de mesures d’urgence et de relance. S’agissant des mesures d’urgence (trésorerie, financement), le fonds de solidarité (volets 1 et 2, aide coûts fixes et aide remontées mécaniques) a mobilisé 11 501 milliards d’euros pour un montant moyen de 36 310 euros et pour 316 735 entreprises bénéficiaires. 11 780 milliards d’euros ont été mobilisés au titre du PGE tourisme pour un montant moyen de 100 008 euros et 117 790 entreprises bénéficiaires. Au titre du PGE « Saison », 1,2 milliard d’euros ont été engagés pour un montant moyen de 176 835 euros et au bénéfice de 13 791 entreprises. Enfin, les montants engagés en faveur de l’activité partielle s’élèvent à 6 milliards d’euros pour un montant moyen de 37 534 euros et 162 313 entreprises bénéficiaires. Au total, sur le volet mesures d’urgence, 30,8 milliards d’euros ont été engagés.

S’agissant des mesures de relance (actions en fonds propres), le prêt tourisme a mobilisé 631 millions d’euros pour 1 692 entreprises bénéficiaires et un montant moyen de 372 931 euros, le prêt Atout a mobilisé 103 millions d’euros pour 82 bénéficiaires et 1 256 098 euros en moyenne, les prêts Rebond et Flash Rebond ont mobilisé 80 millions d’euros pour 1 118 entreprises bénéficiaires et 71 476 euros en moyenne, les investissements en fonds propres de la Banque des territoires ont mobilisé 430 millions d’euros pour 32 entreprises, pour un montant moyen de 13 millions d’euros, les investissements en quasi-fonds propres de Bpifrance (FAST, FIT2 et ETI2020) ont mobilisé 109 millions d’euros pour 64 entreprises bénéficiaires. Au total, sur le volet relance, ce sont ainsi 1,3 milliard d’euros qui ont été mobilisés.

Enfin, s’agissant de l’ingénierie et du conseil, l’accompagnement et le conseil de Bpifrance ont bénéficié d’une enveloppe de 4,3 millions d’euros auprès de 61 entreprises et l’ingénierie dans les territoires (France Tourisme Ingénierie), porté en commun par Bpifrance et la Banque des territoires a reçu une enveloppe de 29,3 millions d’euros pour 4,3 millions d’euros versés à ce jour ([6]).

a.   Le Fonds de solidarité : un dispositif global, utile et efficace, mais avec de grande diversité selon les typologies d’entreprises

Le fonds de solidarité a été instauré en mars 2020, et ses conditions ont évolué plusieurs fois, notamment dans ses modalités d’accès et quant au montant des aides octroyées. Il a ainsi été reconduit une première fois en juin 2020, puis prolongé une deuxième fois jusqu’au 31 décembre 2020, et enfin une troisième fois par décret de février 2021 (sa durée d’intervention peut ensuite être prolongée par décret pour une durée d’au plus six mois) pour les secteurs les plus touchés par la crise. Lors du deuxième confinement du 29 octobre 2020, toutes les entreprises du tourisme ont ainsi pu en bénéficier.

En raison de la poursuite de la crise sanitaire, les conditions d’accès au fonds de solidarité pour les pertes ont été revues pour tenir compte du plus de cas possible. Ces listes, qui comportaient initialement 45 activités pour la liste S1 et 42 activités pour la liste S1 bis ont été régulièrement actualisées et élargies depuis mai 2020. Elles recouvrent à ce jour 78 activités pour la liste S1 et 122 activités pour la liste S1 bis. L’ensemble des commerces de matériel de ski ont été ajoutés à la liste S1 bis afin de soutenir toute la chaîne de valeur des activités de montagne.

Il convient de saluer le travail réalisé par les cabinets des Ministres en charge de l’économie, qui n’ont cessé d’adapter les dispositifs, et qui ont su être à l’écoute des acteurs socio-économiques touristiques dans cette crise. Il convient également de saluer le travail des fonctionnaires des DDFIP qui ont largement contribué au déploiement de ses aides, avec des modifications constantes, rendant difficile le travail d’analyse des dossiers.

La qualité majeure du fonds de solidarité a été sa simplicité : soit une aide forfaitaire allant jusqu’à 10 000 euros, soit un pourcentage du chiffre d’affaires de 15 ou 20 % en fonction des pertes de chiffres d’affaires enregistrées, respectivement de plus de 50 % ou de 70 %. Il était nécessaire d’avoir un dispositif simple et unique pour traiter les dizaines de milliers de dossiers rapidement. Toutefois, ce dispositif général a conduit à un certain nombre de situations inéquitables : les entreprises de services, avec très peu de charges ont été largement bénéficiaires avec de fonds, ce qui n’a pas été le cas par exemple, des résidences de tourisme dont le niveau de charges fixes excède 50 % de leur chiffre d’affaires. Le fonds de solidarité n’a pas permis de traiter ces cas, laissant les gestionnaires de ces centres dans l’incapacité d’assumer leur loyer auprès de multipropriétaires, eu même parfois créditeurs…

Le dispositif « coûts fixes » a permis de corriger cette faiblesse du fonds national de solidarité à l’égard des entreprises dont les charges fixes sont lourdes ; cependant, ce dispositif n’est pas adapté, encore une fois, aux entreprises saisonnières, et donc s’annule.

 L’autre faiblesse du fonds de solidarité est qu’il a été calé sur un cycle économique classique, basé sur 12 mois, et non sur la saisonnalité de l’activité touristique. La députée avait proposé d’augmenter à 70 % le plafond d’aide pour les entreprises saisonnières du tourisme, afin de leur permettre d’assumer réellement leurs charges à l’année et de stopper le fonds de solidarité à la fin de la saison classique.

 Les cas les plus injustes relèvent des entreprises créées en 2020, qui devaient démarrer une saison d’hiver en décembre 2020. Les investissements pour s’installer en station sont souvent lourds. Le fait que ces entreprises ne soient pas aidées du tout leur fait courir un risque majeur de faillite avant même d’avoir pu gagner le moindre euro. Elles méritent un accompagnement, et la rapporteure a proposé la création d’un fonds spécial départemental, à la main des Préfets et des DIRECCTE, pour ces cas que l’on nomme « les trous dans la raquette », qui ne peuvent être traités nationalement, mais qui doivent bénéficier de la solidarité nationale.

L’approche par code NAF n’a pas été simple non plus, et a exigé de nombreuses modifications. Il est avancé que les aides du fonds de solidarité ont été trop faibles et plafonnées, eu égard aux pertes prévisionnelles des entreprises, c’est le cas pour les entreprises ayant plusieurs sites, plusieurs restaurants, etc.

 

b.   Les prêts garantis par l’État : un soutien financier considérable, mais un « mur de la dette » à venir

Les entreprises du secteur du tourisme représentent 9,6 % du volume PGE en montants pour 15,9 % du nombre de demandes. Lancé en juillet 2020, le PGE Saison a connu un accroissement significatif d’activité à l’occasion de la seconde phase des restrictions sanitaires. Le PGE Saison, spécifiquement adapté au secteur du tourisme, de l’hôtellerie, de la culture et de l’évènementiel (c’est-à-dire les secteurs qui ont des activités saisonnières), représente 9,2 % de l’activité PGE sur la filière tourisme en montants, avec un niveau d’utilisation plus prononcé de la part des professionnels de l’hôtellerie. Ce PGE Saison est accessible à toutes les entreprises jusqu’au 30 juin 2021, quelles que soient leur taille et leur forme juridique.

Le PGE a été une mesure particulièrement utile pour la trésorerie des entreprises : le secteur de la montagne en a bénéficié à hauteur de plus de 2 milliards d’euros, pour un peu plus de 23 000 entreprises bénéficiaires ([7]). Cependant, tous n’ont pas le droit de souscrire à un prêt garanti par l’État, comme par exemple les régies municipales.

Mais évidemment, le risque majeur résidera dans le nouveau modèle économique de ces entreprises qui ont intégré des PGE et un report de leur endettement. Il est vital pour l’économie touristique que le Gouvernement engage avec la Commission européenne et les partenaires bancaires un travail de requalification de ces PGE avec un allongement de leur durée de remboursement, une transformation pour partie ou au cas par cas en fonds propres, etc.

ActivitÉs PGE en faveur du tourisme

Chiffres au 31/12/20

Tourisme

Hôtellerie

Restauration

Montants Pré-accordés

10,82 Mds €

2,78 Mds €

5,32 Md s€

Attestations Pré-accordées (Nb)

106 914

16 661

76 046

Montant moyen Pré-accordé

98,59 k€

157,30 €

69,02 k €

Montants Validés

10,32 Mds €

2,63 Mds €

5,04 Mds €

Attestations validées (Nb)

103 085

16 627

72 156

 

Chiffres au 22/03/2021

Tourisme

Dont

Secteur Montagne *

Hôtellerie

Restauration

Montants Pré-accordés

11,53 Mds €

2,32 Mds €

3,05 Mds €

5,81 Mds €

Attestations Pré-accordées (Nb)

112 749

23 794

17 779

82 468

Montant moyen Pré-accordé

99,6 k €

95,33 k €

162,1 k €

69,42 k €

Montants Validés

11,06 Mds €

2,25 Mds €

2,94 Mds €

5,53 Mds €

Attestations validées (Nb)

109 087

23 240

17 809

78 802

* Secteur montagne : sont pris en compte les départements des massifs montagneux des Vosges, du Jura, des Alpes, des Pyrénées ainsi que du Massif Central

 

PrÊt tourisme

Enveloppe Bpifrance et Banque des Territoires (1 MILLIARD D’euros)

(en millions d’euros)

Prêt tourisme

Engagements

Accords (inc engagements)

2020

2021

Total

2020

2021

Total

Montant

273,9

138,9

412,8

455,7

122,6

578,3

Nombre Bénéficiaires

879

322

1 201

1 297

280

1 577

 

Autres dispositifs de financement mis en œuvre au profit
du soutien de la filiÈre Tourisme

(en millions d’euros)

 

Chiffres au 31/12/2020

Chiffres au 20/03/21

 

Montants engagés

Nombre

Montants engagés

Nombre

Prêt ATOUT

98,11

81

103,11

82

Prêt Rebond

(avec les Régions)

59,38

870

69,27

1 000

Prêt Flash Rebond

(avec les Régions IDF, AURA, Bretagne, HDF, Centre Val de Loire, DROM)

40,5

1 002

51,7

1 392

Prêt TOUCH

27,97

50

1,07

(47,42 tous secteurs)

4

(105 tous secteurs)

L’action de Bpifrance dans le cadre de la mise en œuvre du PGE

Dès l’annonce du Plan Montagne par le Premier ministre lors du CIT du 14 mai 2020, Bpifrance et la Banque des territoires se sont engagés à mobiliser une enveloppe globale de 3,6 milliards d’euros d’ici à 2023 en solutions de financement, d’investissement et d’accompagnement à l’attention des professionnels du secteur. Ainsi, aux côtés du plan de soutien du Gouvernement, Bpifrance a adopté avec des partenaires bancaires et financiers des mesures d’urgence au travers d’une gamme de produits dédiés pour les professionnels de la filière, en lien avec l’État (PGE, prêts Rebond et Atout) et aux côtés des partenaires régionaux avec des mesures spécialement adaptées aux entreprises du secteur du tourisme et à leurs besoins actuels en trésorerie. L’action conjuguée de Bpifrance et de la Caisse des dépôts, en lien avec la Banque des territoires, pourrait, ce faisant, permettre la restauration d’un climat de confiance.

Le plan mis en œuvre mobilise près de 2 milliards d’euros et vise à financer et à accompagner la reprise des entreprises du tourisme et de loisir. En 2020, dans ce cadre, a été déployé le prêt tourisme, co-développé avec la Banque des territoires ainsi que le prêt Rebond tourisme flash 100 % digitalisé en mobilisant les régions, a été créée une offre d’accompagnement dédiée, le prêt tourisme a été réabondé et le fonds de rebond tourisme a été déployé. Enfin, en 2021, a été élaboré un Prêt Rebond filière montagne, en lien avec les régions.

L’action de Bpifrance a été considérable pour accompagner l’offre de PGE auprès des entreprises du secteur du tourisme en facilitant, pour le compte de l’État, la mobilisation du dispositif PGE auprès des banques. Ainsi, au 22 mars 2021, 11,5 milliards d’euros avaient été accordés à plus de 103 000 entreprises. En matière de financement et de garantie, Bpifrance a allongé de douze mois la suspension des échéances de prêts accordés par elle aux entreprises du secteur pour 800 millions d’euros. La capacité du prêt tourisme a été portée à 1 000 millions d’euros pour une cible projetée de 3 000 concours élargie aux ETI et a porté le plafond à 2 millions d’euros. Au 22 mars 2021, 412,8 millions d’euros avaient été mobilisés pour 1 201 opérations.

Le Prêt Atout Bpifrance (pour traverser la période et préparer le rebond) s’élève à 103,1 millions d’euros pour 82 opérations. 69,2 millions d’euros avaient été mobilisés pour 1 000 opérations sur le prêt rebond région, puis avec le déploiement complémentaire du Prêt Rebond Montagne (tickets entre 10 000 euros et 300 000 euros). Le prêt Flash Rebond a été mobilisé à hauteur de 51,7 millions d’euros pour 1 392 opérations (tickets entre 10 000 euros et 50 000 euros) dans les régions AURA, IDF, HDF, Bretagne et Centre Val de Loire. 47,42 millions d’euros (pour 105 opérations) ont en outre été engagés sur les 100 millions d’euros de prêt Touch (pour des tickets entre 50 000 euros et 1 million d’euros) pour une cible de 400 concours. Sur cet aspect financement et garantie, 684 millions d’euros avaient été engagés au 22 mars 2021 pour 3 780 opérations, la cible s’élevant à 1,9 milliard d’euros de financement pour 5 000 entreprises.

En matière de fonds propres, pour les TPE et les PME, 60 millions d’euros d’obligations convertibles FAST ont été ouverts pour des tickets allant jusqu’à 400 000 euros. Pour les PME et ETI, le Fonds France Investissement Tourisme 2 a été doté de 240 millions d’euros pour des tickets allant de 400 000 euros à 10 millions d’euros ; pour les grandes entreprises, une poche de 1 150 euros Bpifrance pour des tickets supérieurs à 7 millions d’euros a été ouverte. Au 22 mars 2021, ce sont 5,75 millions d’euros qui ont été accordés au titre de FAST et 92,3 millions d’euros, pour au total 98,05 millions d’euros investis pour 52 entreprises, la cible étant fixée à 470 millions d’euros d’investissement pour 450 entreprises.

En matière d’accompagnement, Bpifrance propose également pour les TPE/PME et PME/ETI une offre de formation et de codéveloppement 100 % à distance et des parcours individuels et collectifs d’appui à la reprise sous la forme de modules adaptés, ainsi qu’un accélérateur dédié à la filière tourisme et loisirs. Au 22 mars 2021, 785 apprenants ont été recensés pour 50 individuels, soit 835 entreprises accompagnées pour une cible de 1 500.

Pour répondre à cette problématique de l’endettement, Bpifrance souhaite innover en créant de petites obligations convertibles jusqu’à 400 000 euros sur une durée de cinq ans avec deux ou trois ans d’amortissement pour rendre accessibles des quasi-fonds propres à taux compétitifs à des entreprises qui ne sont pas initiées à ces fonds propres pour restructurer leur bilan. Un vrai changement culturel sera à mettre en œuvre, car nombre d’entreprises, notamment les plus petites, n’imaginent pas un instant voir un acteur extérieur entrer au capital de leur entreprise.

B.   des dÉfaillances maÎtrisÉes mais des aides non suffisantes pour certains secteurs en risque structurel en raison de la durÉe de la crise

Si les aides mobilisées par l’État ont permis de limiter les défaillances d’entreprises, certains secteurs spécifiques demeurent toutefois dans une situation extrêmement fragile, notamment celles et ceux pour qui la crise durera.

1.   Des défaillances maîtrisées grâce aux mesures d’urgence mises en place par l’État

Il y a eu moins de défaillances en 2020 qu’au cours des années précédentes. Les mesures d’urgence mises en place par l’État pour soutenir le secteur ont ainsi été efficaces, en contribuant directement à la réduction des défaillances d’entreprises. Selon la Banque de France, le secteur de l’hébergement‑restauration a enregistré 3 622 défaillances entre février 2020 et février 2021, soit une baisse de 44,7 % par rapport à la même période de l’année antérieure ([8]) en raison à la fois de l’impact momentané qu’ont eu à la fois la période de confinement sur le fonctionnement des juridictions commerciales et les évolutions réglementaires qui ont modifié temporairement les dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation des paiements ainsi que de l’ensemble des mesures de soutien qui apportent des aides de trésorerie ou permettent de faire défaut sur ces paiements.

Le nombre de défaillances dans le secteur de l’hébergement‑restauration était en baisse depuis 2015 et le plan d’aide mis en place par l’État a permis de réduire ou retarder le montant du paiement des charges, ce qui a permis de réduire le risque de défaut de paiement en 2020. Pour le secteur de l’hébergement restauration, les défaillances d’entreprises ont ainsi baissé de 40 % par rapport à 2019. Une augmentation des défaillances est toutefois anticipée en sortie de crise, mais il est à ce stade difficile d’estimer quand et dans quelle mesure cette augmentation aura lieu.

La DGE indique qu’il n’existe pas actuellement d’études d’instituts statistiques publics sur le nombre d’entreprises sauvées grâce aux dispositifs publics. Toutefois, selon une étude du groupe BPCE de décembre 2020 ([9]), 5 000 défaillances auraient dû avoir lieu en 2020 dans le secteur hébergement‑restauration à la suite de la crise sanitaire toutes choses égales par ailleurs. On ne dispose pas en l’état actuel des choses du recul nécessaire pour savoir combien de défaillances ont durablement pu être évitées. Cela dépendra de plusieurs facteurs, notamment du dispositif de sortie des mesures de soutien, de la rapidité et de l’ampleur de la reprise et des effets économiques du plan de relance.

En effet, à la reprise, il existe un risque de vague importante de défaillances et de chômage dans le secteur.

Depuis le confinement, déjà, le secteur a perdu 150 000 salariés alors qu’il leur en manquait déjà 100 000 avant la crise. Il va par conséquent y avoir un problème de formation, d’emplois de qualité et une perte sèche de salariés.

2.   Certains secteurs demeurent en grande difficulté notamment ceux qui dépendent du tourisme international et d’une reprise progressive

Les transporteurs de voyageurs, les agences de voyages et le secteur de l’hôtellerie‑café‑restauration demeurent dans une situation fragile appelant l’adoption de mesures spécifiques à leur égard. En effet, le tourisme international selon l’Organisation mondiale du tourisme, ne reprendra pas son niveau d’avant crise avant 2023…

a.   Les transporteurs de voyageurs

Les deux problèmes principaux des transporteurs de voyageurs sont le mur de la dette qui se profile à leur égard ainsi que des charges fixes très élevées. En effet, une des particularités du monde de l’autocar réside dans le prix particulièrement élevé des véhicules (de 300 000 à 350 000 euros pour un autocar de tourisme) ainsi que sur les charges liées à leur acquisition, qui sont considérables dans la structure des coûts de l’entreprise (environ 20 %). Jusqu’à présent, les entreprises concernées avaient pu décaler leurs emprunts et crédits‑baux relatifs à ces investissements pour six mois, renouvelés de six mois, mais elles arrivent désormais au bout de ce dispositif et elles ne parviennent plus à décaler les échéances de ces financements : les établissements bancaires et les sociétés de financement refusent désormais massivement leurs demandes de nouveaux reports, alors qu’elles sont, de facto, dans l’incapacité de rembourser, faute d’activité. En outre, le dispositif de prise en charge des coûts fixes, mis en place en complément du fonds de solidarité, n’est pas adapté au paiement des autocars et n’apporte pas, à leur égard, de solution satisfaisante.

Pourtant, les transports occasionnels et touristiques ont subi une baisse d’activité de 80 % sur l’année 2020, et la reprise n’est pas envisagée avant au moins un an. Les autocaristes sollicitent ce faisant la possibilité d’intégrer dans la prise en charge des coûts fixes les échéances bancaires liées à l’investissement dans les véhicules ni sur leur demande d’isoler leur part de chiffre d’affaires liée au tourisme pour être éligibles au fonds de solidarité.

Certes, l’ensemble des aides mises en place par l’État dans le cadre du Plan tourisme pour accompagner les secteurs protégés, tels que le transport routier de voyageurs, a permis jusqu’à présent de sauvegarder les autocaristes de tourisme, car sans l’activité partielle à taux majoré, sans les exonérations de cotisations sociales et le fonds de solidarité, de nombreuses entreprises du secteur n’auraient pas pu survivre en 2020 selon la Fédération nationale des transporteurs de voyageurs.

Cependant, les autocaristes mettent en exergue que pour être éligible au fonds de solidarité, il faut avoir perdu plus de 50 % de chiffre d’affaires. Or, dans bien des cas, l’entreprise n’a pas perdu 50 % en raison de l’activité conventionnée qu’elle exploite par ailleurs ; sachant qu’une grande majorité des PME du secteur ont une activité conventionnée à 60 % et touristique à 40 %, et ces 40 % sont totalement à l’arrêt sans pour autant avoir droit à une aide.

Recommandation n° 3 : sectoriser les activités conventionnées et les activités touristiques des autocaristes, de sorte que si l’activité de transport touristique baisse de plus de 50 %, l’entreprise devienne éligible au fonds de solidarité et à l’aide complémentaire de prise en charge des charges fixes.

Un autre point critique soulevé par les transporteurs de voyageurs tient à ce que, dans le cadre du Plan de relance, le Gouvernement a mis en place un bonus pour l’acquisition de camions, bus et cars, visant à favoriser la transition énergétique en convertissant les flottes d’autocars en véhicules à motorisations alternatives. Or, cette mesure n’est pas toujours adaptée à leur situation, puisqu’elle ne s’applique que pour l’acquisition d’un autocar à hydrogène ou électrique ; or, le car à hydrogène n’est pas encore véritablement disponible et les autocars électriques doivent actuellement être importés de Chine (marques Yutong et BYD). Ces aides devraient donc être étendues aux autocars GNV, dont la technologie est plus mature dans ce secteur, et qui sont fabriqués en Europe. En outre, le bonus s’élève à 30 000 euros pour un autocar versus 50 000 euros pour un camion, alors qu’un autocar coûte deux à trois fois plus cher qu’un camion. Par ailleurs, cette aide n’est ouverte que jusqu’en 2022 (calendrier du plan de relance) et ne bénéficie que d’une ligne budgétaire limitée à 100 millions d’euros, alors qu’elle doit couvrir toutes les catégories de véhicules.

Si des aides adéquates ne leur sont pas proposées, il existe un risque de dommages structurels des liaisons touristiques puisque les conducteurs placés en activité partielle depuis un an partent dans le transport de marchandises pour avoir des revenus plus élevés : il y a un réel risque accru de pénurie de conducteurs. Certains autocaristes cherchent également à céder leurs véhicules pour soulager leur trésorerie, mais ils sont obligés de les brader en raison de la faiblesse actuelle de la demande.

Afin d’éviter les effets d’hystérèse, les professionnels du secteur appuient la prolongation des aides de l’État jusqu’à la reprise complète de l’activité (chômage partiel, fonds de solidarité…), la valorisation de la profession à travers des campagnes de communication, un accompagnement adéquat dans la transition écologique et la sécurisation/désinfection des autocars pour rassurer les voyageurs. Les entreprises de transports de voyageurs ont également besoin de l’aide de l’État pour que l’Éducation nationale reprenne rapidement ses sorties et voyages scolaires et aider à la communication sur la réassurance dans les transports en commun – tout comme les centres de vacances.

b.   Les agences de voyages

Le fonds de solidarité n’est en outre pas adapté aux agences de voyages. Au-delà de la problématique relative aux jeunes entreprises, sans bilan, sans historique, sans trésorerie – mais avec potentiellement du personnel et des charges – qui courent un risque de faillite avant même d’avoir pu gagner un euro, un problème se pose pour ces agences, relatif à la base de référence choisie pour le calcul du fonds de solidarité. En effet, il semblerait que seules leurs marges soient prises en compte pour ce calcul, et il serait nécessaire de faire évoluer ce système.

Les agences de voyages ont ressenti par ailleurs – à raison – une différence de traitement, difficilement compréhensible, entre les entreprises qui ont été fermées administrativement et les leurs. Elles n’ont eu, de facto, aucune activité sans pour autant avoir accès, pour celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d’euros, au dispositif de prise en charge des coûts fixes. Eu égard au fait qu’elles sont, et resteront touchées pendant encore de longs mois par la crise, il est nécessaire de leur donner accès à ce dispositif quel que soit leur chiffre d’affaires mensuel.

Par ailleurs, ces agences ont eu à conserver du personnel, pour assurer la gestion des dossiers clients et des rapatriements lors de la crise. Ces charges de personnel, les agences n’ont pas eu d’autre choix que de les porter, sans aucune rentrée d’argent. Il y a également la question des avoirs à rembourser, qui devient un problème majeur. Les agences seront évidemment dans l’incapacité de rembourser leurs clients, et c’est toute l’image et la notoriété de la filière qui en sera potentiellement touchée, étant entendu qu’il y aurait plus de 26 millions d’euros d’avoirs Covid et plus de 19 millions d’acomptes versés pour d’autres voyages à venir. L’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 a été particulièrement efficace en leur permettant de ne pas rembourser les prestations annulées dans les délais habituels et de fournir aux clients des avoirs valables pour des prestations équivalentes, qui ne peuvent pas être remboursés avant 18 mois. À court terme, cette mesure leur a permis d’éviter de se heurter à un mur de trésorerie. Cependant, la question du remboursement des avoirs va désormais se poser.

Outre le fait que les agences n’ont plus de trésorerie, leurs fournisseurs, également en grande difficulté, ne peuvent leur régler certaines créances : plus de 3,5 millions d’euros pour les compagnies aériennes et plus de 7,6 millions pour les autres fournisseurs. Certaines agences ont dû puiser sur leurs fonds propres pour faire face à cette situation. La condition des agences de voyages est donc alarmante : au sein du réseau du CEDIV, par exemple, 46 % des agences se trouvent en difficulté, dont 26 % en grande difficulté. La rapporteure spéciale alerte quant à la survie de ce secteur : il en va de la qualité de l’offre touristique en France et à l’étranger.

Alors que certains consommateurs se sont retrouvés désœuvrés face aux plateformes de location en ligne qui refusaient de les rembourser, il est absolument essentiel de sauvegarder cette offre des agences de voyages, sécurisées, professionnelles, qui d’ailleurs s’acquittent toutes d’une fiscalité importante contrairement à la vente en ligne, et qui font vivre les centres-villes.

Recommandation n° 4 : mettre en place un plan spécial pour les agences de voyages, qui sont des entreprises de nos territoires, qui paient leurs impôts en France et qui sont durablement touchées, notamment en orientant les consommateurs vers les produits qu’elles offrent au travers de la mise en place de chèques vacances dédiés pour encourager la reprise.

La rapporteure appelle également de ses vœux la création d’un fonds alimenté par l’Union européenne, dans le cadre du plan de relance, pour permettre aux États membres de rembourser ces avoirs, que les agences sont dans l’absolue impossibilité de rembourser.

c.   Le secteur de l’hôtellerie‑café‑restauration

Dans le secteur de l’hôtellerie-café-restauration (HCR), au quatrième trimestre 2020 (octobre, novembre, décembre), le chiffre d’affaires a baissé de – 78 % par rapport à 2019. La perte globale, en 2020, pour les professionnels du secteur, a été de – 55 %, soit un chiffre d’affaires divisé par deux entre 2019 et 2020. Sur ce dernier trimestre, le chiffre de la restauration a chuté de – 78 %, l’hôtellerie de – 76 % et les professionnels des débits de boissons de – 82 %. Dans le secteur de la restauration, même si la vente à emporter était autorisée, l’UMIH a démontré que le chiffre d’affaires de la vente à emporter représente seulement, pour 50 % des restaurateurs, entre 0 et 10 % du chiffre d’affaires habituel – c’est pourquoi, sur le fonds de solidarité, les 10 000 euros et les 20 % de chiffre d’affaires à partir de décembre 2020 ont été très appréciés et ont permis de sauver nombre d’entreprises. La situation est particulièrement alarmante pour les hébergeurs. À l’échelle de la seule région parisienne, le comité régional du tourisme de la région Île‑de‑France relève dans son baromètre de février 2021 que sur un peu plus de 300 hébergeurs interrogés sur la région parisienne, ils accusent d’une perte de chiffre d’affaires de 73 %.

Les entreprises du secteur HCR ont notamment des difficultés d’endettement et de remboursement de leurs prêts ; elles sollicitent le report et l’allongement sur 12 ans de leurs échéances bancaires. Il pourrait être opportun de créer un prêt unique garanti par l’État dans lequel toutes leurs dettes bancaires seraient regroupées, avec des durées d’amortissement plus importantes. Bpifrance propose de créer un dispositif d’obligations convertibles pour améliorer le bilan des entreprises en prenant des parts et en montant des quasi-fonds propres des entreprises. Cela peut être une solution pour les grosses entreprises, mais peu adapté aux plus petites et pour les entreprises familiales notamment.

Recommandation n° 5 : mettre en œuvre la TVA à 5,5 % dans l’hôtellerie et la restauration pour compenser en partie l’absence de possibilité de rattrapage des mois perdus et permettre à ces entreprises de faire face aux charges qui les attendent (remboursement de PGE, etc.).

III.   quelle relance pour le tourisme ?

A.   la nécessité d’investir à nouveau et de manière importante dans la promotion de la destination France

Si la France n’est pas au rendez-vous de la reprise face aux destinations concurrentes, alors les milliards dédiés à sauver nos entreprises, seront gâchés. Il est essentiel que la France engage dès maintenant une stratégie forte et ambitieuse de promotion de nos destinations françaises, en Métropole et en Outre-Mer.

Les fonds qu’Atout France a reportés en 2021 (plus de 9 millions d’euros) seront engagés pour les actions de promotion adaptées à une sortie de crise : campagne européenne en cours de définition avec les partenaires du groupement d’intérêt économique et promotion domestique. Plus de la moitié de ces fonds, 5,2 millions (soit 53 %), sera consacrée à des actions prioritaires à destination des marchés européens de proximité. 2,7 millions d’euros seront mobilisés cette année encore sur le marché domestique, pour des opérations de promotion tournées vers le public français. 1,2 million sera mobilisé pour les actions multi‑marchés (salons, etc.). À ce stade, 800 000 euros sont fléchés sur les marchés long-courriers : en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, des opérations spécifiques à destination de ces marchés seront envisagées.

Le marché hors Europe (États-Unis, Canada, Chine, Japon, Corée du Sud) n’est pas à négliger malgré les contraintes persistantes sur les voyages long-courriers. L’objectif est de générer des recettes le plus rapidement possible en ciblant les clientèles les plus fidèles et à haute contribution, à travers des actions spécifiques selon les marchés (formation des professionnels, réassurance des marchés, rayonnement des fondamentaux de la destination : culture, art de vivre…).

Alors que les partenaires privés finançant habituellement la promotion aux côtés d’Atout France (compagnies aériennes, hébergeurs, etc.), ne pourront certainement pas financer de suite à même hauteur que par le passé des campagnes partenariales de promotion en raison de leurs propres difficultés ; alors que les recettes sur visas auront chuté et ne pourront plus alimenter à court terme le budget promotion, il sera absolument nécessaire que l’État compense le besoin de financement de la promotion, avec un budget minimal de 25 millions d’euros. La France doit être au rendez-vous de la reprise touristique, alors qu’elle était avant crise, première destination touristique au monde.

 

 

B.   Des aides à l’investissement qui doivent être beaucoup plus simples et s’apparenter au plan de relance industrie lancée par le Gouvernement

Le plan de relance tourisme est difficile à appréhender car il mobilise des outils diversifiés de l’État avec des subventions, mais pour une très faible partie, et des outils de financements, des fonds propres, quasi fonds propres de la Caisse des Dépôts, qui ne sont pas facilement mobilisables et qui ne correspondent pas toujours aux besoins des entreprises. Annoncer des millions d’euros pour le tourisme, et ne pas les consommer car les dispositifs ne sont pas adaptés est malheureusement assez courant, et il est impératif que l’État ne tombe pas dans ce piège. Un exemple : la Caisse des Dépôts a été autorisé à octroyer une partie de prêts sur fonds d’épargne pour des projets importants d’hébergements. Toutefois, la garantie bancaire étant exigée pour ces projets, auprès des communes, le dispositif ne peut être mobilisé, car les communes n’ont pas la possibilité d’engager leur garantie.

Si les multiples outils de financement, de garantie, les études sont importantes et nécessaires pour la filière, et qu’il faut les maintenir, ils ne sont pas suffisants. Une relance massive et rapide ne peut passer que par des aides à l’investissement simples et claires sous format de subventions. Le Gouvernement l’a fait pour l’industrie, avec des aides pouvant atteindre 800 000 euros, lorsque des projets d’investissement excédaient 3 millions. C’est le cas dans les projets d’infrastructures touristiques. Certaines infrastructures ont besoin de modernisations importantes et sont prêtes à les engager. Une aide de l’État sous le même modèle que sur l’industrie leur permettrait d’accélérer leur modernisation et leur transition, notamment écologique.

En outre, il faut relever qu’il est absolument nécessaire que les aides soient levées de manière lente et progressive. À cet égard, la rapporteure salue la volonté affichée par le Gouvernement de revenir de manière graduelle sur les aides. Il est crucial de ne pas désinciter les acteurs à rouvrir leurs entreprises.


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Seconde partie – thÈme d’Évaluation :
l’action de l’État pour soutenir les stations
de sports d’hiver À faire face À la crise

Le choix d’analyser l’action de l’État pour soutenir les stations de sports d’hiver se justifie par l’impact de la fermeture des remontées mécaniques sur toute l’économie de la montagne et ses territoires. Il faut rappeler, à cet égard, que les montagnes représentent 25 % du territoire national et que l’offre française en matière de stations skiables est l’une des plus importantes au monde : la France est ainsi le troisième pays de fréquentation des domaines skiables avec 350 stations de ski, 18 000 emplois directs ou indirects et plus de 120 000 emplois dépendant de l’ouverture du domaine skiable.

I.   les consÉquences Économiques de la crise sanitaire sur les stations de sports d’hiver : des chiffres dÉgradÉs pour toute l’Économie touristique de la montagne

Le choix de garder fermées les remontées mécaniques en France a produit des conséquences économiques considérables pour les stations ([10]) étant entendu que les remontées mécaniques génèrent 90 % de leur chiffre d’affaires et qu’elles permettent par ailleurs à toutes les autres activités de fonctionner. Avant la crise, la consommation touristique en zone de montagne était estimée à plus de 20 milliards d’euros par an, dont environ la moitié l’hiver et la part de la consommation montagne dans la consommation touristique intérieure était de l’ordre de 11 à 12 % ([11]). Pour la saison d’hiver 2020/2021, au niveau national, le taux d’occupation moyen était de 32,8 % pour les quatre semaines de vacances d’hiver, en baisse de 43,5 % par rapport à l’année passée, avec de fortes disparités entre les stations villages et les stations d’altitude ([12]).

En Savoie Mont-Blanc, par exemple, cette situation se traduit par le fait que sur les 230 000 lits ouverts en temps normal (sur 1,1 million de lits d’hiver existant), seuls 123 000 étaient ouverts lors de la saison 2020/2021 : il y avait donc 53 % de lits ouverts, lesquels ont par ailleurs été très peu été occupés puisque le taux d’occupation à Noël a été de 24 % (soit une baisse de 72 % points par rapport à la saison de l’année précédente), de 17 % en janvier (– 76 %), 30 % durant les vacances de février et 25 % en mars (– 64 %). Rien que pour l’hiver, les retombées économiques des stations de Savoie Mont-Blanc représentent en temps normal 5,8 milliards d’euros, soit 19 % du PIB de Savoie Mont-Blanc. La région devrait ainsi perdre cette année entre 4 et 5 milliards d’euros ([13]).

Dans les Deux Savoie, la fermeture anticipée de la saison d’hiver 2019/2020, survenue le 15 mars 2020, a généré des pertes s’élevant à 800 millions d’euros et provoqué une chute de – 10 millions de nuitées – soit 25 % de nuitées perdues pour la saison d’hiver. Dans les stations d’Isère, 200 millions d’euros auraient été perdus durant les vacances de février, où le taux d’occupation des hébergements marchands a oscillé entre 30 et 50 %, soit une baisse globale de – 40 % à – 50 % par rapport à 2020, alors même que les vacances de février représentent 40 % de l’activité hivernale des stations iséroises. Ce faisant, la perte de chiffre d’affaires de l’économie touristique iséroise sur cette période est estimée à 200 millions d’euros ([14]). En Auvergne‑Rhône‑Alpes, les 138 stations de ski alpin, qui enregistrent habituellement 40 millions de journées skieur, avec un chiffre d’affaires d’1,1 milliard d’euros ont enregistré une perte de nuitées de – 70 %, soit plus de 26 millions de nuitées de perdues dans les stations de la région ([15]).

Pour l’ensemble de la saison d’hiver 2020/2021, les taux d’occupation des hébergements marchands et collaboratifs sont à 32 % contre 71 % sur la saison 2019/2020, soit un recul de 39 points par rapport à l’année passée. La fréquentation a toutefois été fluctuante sur l’ensemble de la saison, par exemple le recul de la fréquentation touristique dans les stations de sports d’hiver a atteint – 37 points durant les vacances d’hiver contre – 46 points pour les vacances de Noël ([16]).

Taux d’occupation réalisés

(en %)

 

Alpes du Nord

Alpes du Sud

Pyrénées

 

2019-2020

2020-2021

2019-2020

2020-2021

2019-2020

2020-2021

Vacances de Noël

84

37

77

30

74

49

Intervacances n° 1

61

21

49

13

42

35

Vacances d’hiver

82

43

72

34

78

59

Intervacances n° 2*

72

31

58

24

52

35

Vacances de Pâques

 

 

 

 

 

 

Ensemble saison

73

32

62

24

60

41

*La période inter-vacances n° 2 ne concerne qu’une seule semaine pour les deux saisons.

Source : G2A Consulting pour ANMS/Atout France.

Du fait de la fermeture des remontées mécaniques, non seulement les écoles de ski ont pâti de la situation, avec – 83 % de chiffre d’affaires et une perte d’activité qui se chiffre à 240 millions d’euros ([17]) mais c’est toute l’économie des territoires qui s’est effondrée. En Savoie et en Haute Savoie, sur la saison d’hiver 2020/2021, il y a eu une perte de – 76 % de chiffre d’affaires en janvier, – 64 % en février, – 62 % en mars, ce qui représente une perte de près de 4 milliards d’euros pour tout l’écosystème de la montagne (restauration, remontées mécaniques, fromages, vin de Savoie, etc.). Les pertes globales sur les deux départements sont estimées à 5,8 milliards d’euros ; rien que pour l’hiver, les retombées économiques représentent une perte de 5,8 milliards d’euros, soit 18 % du PIB de la Savoie ([18]).

II.   LES AIDES DE L’ÉTAT, utiles AUX STATIONS DE SPORTS D’HIVER, ont été peu adaptÉes à la saisonnalité de l’activité

Au 24 mai 2021, le soutien au tourisme de montagne a mobilisé plus de 5,4 milliards d’euros de mesures d’urgence et de relance. Au titre des mesures d’urgence, le fonds de solidarité (volets 1 et 2) et de l’aide aux coûts fixes, 1,9 milliard d’euros ont été apportés pour 52 475 entreprises bénéficiaires et un montant moyen de 37 770 euros ([19]).

Le dispositif ad hoc en faveur des remontées mécaniques a bénéficié d’une enveloppe de 480 millions d’euros pour 147 entreprises et un montant moyen de 3,3 millions d’euros. Les PGE ont mobilisé 1,6 milliard d’euros pour 15 757 bénéficiaires et un montant moyen de 102 177 euros.

Au total, sur le plan des mesures d’urgence pour la montagne, ce sont 4,6 milliards d’euros qui ont été mobilisés.

S’agissant des mesures de relance, 332,5 millions d’euros ont été mobilisés dont 152 millions au titre du prêt tourisme, 7 millions au titre du prêt Atout, 29 millions au titre du prêt Rebond, 142 millions en investissements en fonds propres et 2,5 millions en investissements en quasi-fonds propres (FAST).

A.   Le fonds de solidaritÉ « montagne »

Le Plan montagne avait vocation à permettre aux près de 12 000 commerces de stations et aux professionnels de la montagne (par exemple, les moniteurs de ski) d’accéder au fonds de solidarité à concurrence de 10 000 euros d’indemnisation dans le cas où ils enregistreraient une perte de 50 % de chiffre d’affaires. Ainsi, le décret n° 2020‑1770 du 30 décembre 2020 et le décret n° 2021-79 du 28 janvier 2021 ont élargi l’accès au fonds de solidarité pour mieux couvrir les commerces et stations de montagne : les entreprises, sans condition de nombre de salariés, domiciliées dans une commune mentionnée à l’annexe 3 du décret n° 2020-1770 du 30 novembre 2020 ([20]) et dont le secteur d’activité relève du commerce de détail (exception des automobiles et des motocycles) ou de la location des biens immobiliers résidentiels ont pu bénéficier alors d’un taux de prise en charge de l’activité partielle majoré et de l’aide au titre du fonds de solidarité.

À compter du mois de décembre 2020, elles ont ainsi eu accès à une aide compensant leur perte de chiffre d’affaires plafonnée à 10 000 euros ou égale à 20 % du chiffre d’affaires de référence dans la limite de 200 000 euros si la perte est supérieure à 70 % ou une aide compensant leur perte de chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 10 000 euros plafonnée à 80 % de la perte enregistrée sur décembre 2020, lorsqu’elle excède 1 500 euros ou 100 % de la perte lorsqu’elle est inférieure à 1 500 euros si la perte est comprise entre 50 et 70 %.

Le décret n° 2021-129 du 8 février 2021 a prolongé le fonds de solidarité montagne en étendant le dispositif initial et a ajouté à l’annexe 2 (S1 bis) neuf nouveaux secteurs liés à la fermeture des remontées mécaniques. Les entreprises situées en amont de la chaîne de valeur des activités de montagne (ingénierie, menuiserie, etc.) et l’ensemble des commerces de matériel de ski ont ainsi été intégrés au plan tourisme. Ces entreprises ont dès lors pu bénéficier d’un taux de prise en charge de l’activité partielle majoré dès lors qu’elles perdaient 50 % de leur chiffre d’affaires et d’une aide au titre du fonds de solidarité à compter du mois de décembre 2020.

En vertu de ce dispositif, les entreprises qui ont perdu plus de 80 % de leur chiffre d’affaires pendant la première ou seconde période de confinement ou 10 % de chiffre d’affaires annuel entre 2019 et 2020 reçoivent une aide compensant leur chiffre d’affaires pouvant aller soit jusqu’à 10 000 euros ou 20 % chiffre d’affaires de référence dans la limite de 200 000 euros si les pertes de décembre sont supérieures à 70 % soit jusqu’à 10 000 euros plafonnés à 80 % de la perte enregistrée sur décembre 2020 lorsque celle-ci excède 1 500 euros ou 100 % de la perte lorsqu’elle est inférieure à 1 500 euros si les pertes de décembre sont comprises entre 50 % et 70 %. Les autres entreprises des secteurs S1 bis qui ont perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires reçoivent une aide compensant leur perte de chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 1 500 euros.

Il faut se réjouir de ce mécanisme, qui a été utile pour les entreprises éligibles mais pas adapté. Les acteurs de la montagne avaient demandé un dispositif en faveur du tourisme de montagne avec une aide du fonds de solidarité à hauteur de 70 % du chiffre d’affaires et qui couvre la saison d’hiver. Le Gouvernement a tenté d’appliquer un dispositif classique et annualisé à l’économie de la montagne, relevant pourtant d’une logique propre et saisonnalisée. En contrepartie du choix qui a ainsi été fait, il serait opportun de proroger le fonds de solidarité pour la montagne au moins jusqu’en novembre 2021 afin de sauver un grand nombre de commerces de stations.

Recommandation  6 : reconduire le fonds de solidarité montagne au moins jusqu’en novembre 2021.

En outre, s’il faut évidemment saluer le travail remarquable accompli par les services de la DGFiP, d’importants retards de versement ont été constatés. Il serait dès lors essentiel de renforcer les équipes pour gagner en rapidité dans le versement des aides dues au titre du fonds de solidarité montagne.

B.   Le dispositif de prise en charge des coÛts fixes

Le dispositif de prise en charge des coûts fixes était attendu des professionnels de la montagne, toutefois de lourdes lacunes l’ont caractérisé. En définitive, il apparaît plus comme un mécanisme de prise en charge de l’excédent brut d’exploitation que des coûts fixes.

1.   Pour les exploitants de remontées mécaniques : un mécanisme ad hoc

L’évolution de la situation sanitaire n’ayant pas permis la réouverture des remontées mécaniques le 7 janvier 2021, le plan de soutien a été renforcé par la prise en charge de 70 % des charges fixes, sans plafond, des exploitants de remontées mécaniques gestionnaires des domaines skiables. Ce mécanisme s’adresse tant aux structures privées que publiques, ce qui était fondamental compte tenu du fait que les régies municipales ne sont pas éligibles au fonds de solidarité.

Ces charges fixes compensées sont évaluées de manière forfaitaire, à 70 % du chiffre d’affaires de référence (sur la base du chiffre d’affaires moyen réalisé au titre d’exercices clos en 2017, 2018 et 2019 pour l’activité des remontées mécaniques). La rapporteure spéciale se réjouit de la mise en œuvre de ce dispositif, qui s’est avéré particulièrement efficace pour soutenir les exploitants de remontées mécaniques.

Toutefois, le problème des chiffres d’affaires subsidiaires se pose. Si ces activités subsidiaires représentent moins de 1 % du chiffre d’affaires total des opérateurs de remontées mécaniques, les montants qui ne seraient pas indemnisés pour les opérateurs concernés demeurent importants.

Les activités annexes des remontées mécaniques : l’exemple d’Orcières

À Orcières, le délégataire de la commune opère dans le cadre d’une délégation de service public unique les activités de remontées mécaniques, de restauration d’altitude et un complexe indoor sportif et loisirs – c’est-à-dire des activités fermées administrativement toute la saison. Les activités de remontées mécaniques en constituent l’activité principale, à plus de 80 %, mais les activités de restauration et les complexes de loisirs ont tout de même représenté près de 1,9 million d’euros sur l’exercice de référence (2019).

Ainsi, l’application du seul chiffre d‘affaires pour les activités de remontées mécaniques représenterait, pour l’opérateur, une pénalisation nette dans l’indemnisation de 377 000 euros au regard du dispositif applicable via le fonds de solidarité aux activités d’établissements fermés administrativement. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance a opposé l’exemple des bars-tabacs, dont la perte de chiffre d’affaires sur l’activité de bar (fermée) n’est éligible au fonds de solidarité que si l’activité tabac (ouverte) est subsidiaire par rapport à la première. Cet argument est inopérant et cette doctrine ne devrait pas s’appliquer à une entreprise dont l’activité principale est fermée et les activités subsidiaires également fermées.

Par conséquent, il serait plus logique de faire en sorte que les chiffres d’affaires des activités subsidiaires elles aussi fermées soient éligibles au fonds de solidarité ou, si la règle d’une même aide attribuée à l’entreprise prévaut, qu’elles soient incluses dans l’assiette du dispositif d’indemnisation des remontées mécaniques.

En outre, ce dispositif ne prend pas en compte les pertes de ventes de forfaits de ski et les prestations directement associées aux remontées mécaniques, comme les secours sur les domaines skiables. En outre, le dispositif, tel qu’il est conçu actuellement, pose un problème vis-à-vis de la taxe loi montagne. En effet, bien que les calculs de coûts fixes aient été réalisés sur la base d’un chiffre d’affaires incluant la taxe loi montagne, le dispositif considère que leurs coûts fixes représentent 70 % du chiffre d’affaires hors taxe loi montagne alors que l’évaluation avait été faite à 70 % du chiffre d’affaires taxe loi montagne incluse.

Cette situation prive ces exploitants de 5 % de l’indemnisation initialement prévue. Cette lacune ne constitue pas un problème seulement pour les entreprises concernées mais pour toute la montagne française car ce sont les gros opérateurs qui amènent une clientèle en station. Leur fragilisation, voire leur disparition, aurait des conséquences importantes sur l’écosystème social et économique des territoires de montagne. Enfin, pour les grands acteurs, le plafond de 10 millions d’euros conduit à n’indemniser qu’une toute petite partie du préjudice. Le dispositif est donc certes adéquat, mais pourrait être amélioré dans ses détails.

 

 

2.   Pour les entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de Covid-19

Le nouvel étage « coûts fixes » du fonds de solidarité, plafonné à 3 millions d’euros sur la période, est destiné à garantir la couverture de 70 % des charges fixes non couvertes par des contributions aux recettes des entreprises de plus de 50 salariés et 90 % pour les petites et micro-entreprises (c’est-à-dire celles employant moins de 50 salariés au niveau du groupe). Il a été élargi aux entreprises réalisant moins d’un million de chiffre d’affaires par mois pour les secteurs les plus affectés par la crise, comme l’hôtellerie-restauration et l’hébergement, notamment les résidences de tourisme.

Pour être éligibles, dans le respect de la décision de la Commission européenne du 9 mars 2021 autorisant cette aide, les entreprises doivent, pour chaque période, respecter les critères suivants : avoir perçu le fonds de solidarité pour au moins un mois de la période exigible, avoir un excédent brut d’exploitation négatif sur la période éligible, avoir au moins une perte de chiffre d’affaires de 50 % sur cette même période et avoir été créée avant le premier jour de la période de l’année 2019 correspondante à celle au titre de laquelle l’aide est demandée. En zone de montagne, les restaurants traditionnels et l’hébergement sont ainsi, de manière dérogatoire, éligibles au mécanisme « coûts fixes » indépendamment de leur chiffre d’affaires.

Toutefois, ce dispositif a été jugé problématique par les acteurs du secteur car il découpait l’excédent brut d’exploitation de manière mensuelle, ce qui avait pour effet d’exclure totalement les coûts fixes engagés tout au long de l’année en dehors de la saison. Il est également reproché au dispositif d’exiger la perte de 50 % de chiffre d’affaires par rapport à 2019 (alors que la Commission européenne a validé le principe du dispositif à partir de – 30 %) et le fait que seules les entreprises réalisant plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires peuvent être indemnisées (ce qui laisse de côté les TPE et PME du secteur) sauf pour les entreprises de montagne domiciliées dans une commune de montagne (ce qui n’est pas toujours le cas). En outre, la forte saisonnalité de l’activité montagne n’est pas bien prise en compte, étant entendu que le calcul se fait mensuellement et que les mois à chiffre d’affaires nul chaque année ne peuvent être retenus (la situation s’est un peu améliorée à cet égard avec le décret du 21 mai 2021). Enfin, le plafond à 10 millions d’euros par groupe est insuffisant pour les très grosses entreprises.

Ce dispositif « coûts fixes » s’avère, partant, inadapté pour un grand nombre d’acteurs du tourisme, notamment pour les résidences de tourisme et les hébergeurs en montagne, qui font face à une crise majeure avec leurs propriétaires. Ainsi, un collectif formé par le Syndicat national des résidences de tourisme, l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air et le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que plusieurs opérateurs du tourisme tels que Pierre & Vacances et le Club Med, met en lumière le fait que ce décret ne couvrirait en réalité qu’une proportion infime des charges fixes des professionnels de l’hébergement touristique, lesquelles sont pourtant particulièrement élevées, notamment en raison du coût de location et d’entretien des immeubles en ce que ses critères d’éligibilité excluraient dans une large mesure de potentiels bénéficiaires. Ce décret prendrait également insuffisamment en compte la saisonnalité des entreprises de la montagne car, au mieux, il ne prend en compte qu’un quart des charges fixes (de janvier à avril), quand 85 % du chiffre d’affaires annuel est réalisé sur la période.

Le décret du 21 mai 2021 a en partie amélioré l’éligibilité au dispositif en simplifiant son accès. Désormais, l’aide pourra être demandée pour un seul des deux mois si l’entreprise perd 50 % de son chiffre d’affaires pendant un mois (alors qu’avant elle ne pouvait être demandée que pour une période bimestrielle), le critère de perte de 50 % du chiffre d’affaires pourra être apprécié sur une moyenne de six mois, et non plus seulement mois par mois, pour les entreprises ayant une activité saisonnière et qui réalisent de ce fait moins de 5 % du chiffre d’affaires annuel pendant au moins un mois de l’année.

En outre, l’accès au dispositif a été facilité pour les groupes d’entreprises dont certaines filiales ont atteint le plafond d’éligibilité au fonds de solidarité (200 000 euros) ou le plafond maximal d’aide d’État autorisé par la Commission européenne sur la période de la crise sanitaire (1,8 million d’euros) ; à cette fin, le groupe pourra déposer une demande consolidée permettant à l’ensemble des filiales éligibles de bénéficier de l’aide coûts fixes dans la limite du plafond qui reste de 10 millions d’euros au niveau du groupe. Toutefois, malgré cet ajustement, des limites demeurent.

Toutefois, ce dispositif ne répond en rien à la situation des gros acteurs de l’hébergement touristique, comme Pierre et vacances, Belambra ou le Club Med, dont le niveau d’endettement PGE est colossal, et dont les aides ne permettent en rien de couvrir les charges fixes. Il faut dès lors faire attention à un risque de rupture systémique qui pèse sur ces structures d’hébergement touristique.

Exemple de l’insuffisance du dispositif « coûts fixes » :
la situation des résidences de tourisme

À la montagne, il y a 656 résidences, 44 600 logements et 223 500 lits. Les résidences de tourisme ont perdu en moyenne 20 % de leur saison d’hiver en 2019/2020 en raison de la fermeture anticipée des stations le 20 mars 2020, puis 80 % de la saison d’hiver 2020/2021 du fait de la non-réouverture des remontées mécaniques, ainsi que la fermeture de tous les restaurants, bars, piscines et activités indoors.

Le rigorisme des conditions exposées ci-dessus pour le bénéfice du dispositif exclut un grand nombre d’exploitants de résidences de tourisme des indemnisations, ou il en résulte qu’elles sont indemnisées très faiblement, alors que dans le même temps les bailleurs sont pour leur part persuadés, en raison des effets d’annonce du Gouvernement, que toutes les résidences de tourisme ont été indemnisées à hauteur de 70 % de leurs frais fixes – ce qui ne facilite pas les relations entre exploitants et bailleurs.

En outre, le critère retenu pour qualifier les résidences « montagne » est inopérant : pour être éligible, l’entreprise gérant une ou plusieurs résidences de tourisme en montagne doit être domiciliée dans une des communes listées dans l’annexe 3 du décret du 30 mars 2021. Or, les résidences de tourisme font souvent partie d’un groupe, pas forcément domicilié en montagne. Il est absurde à cet égard de constater par exemple qu’une entreprise qui gère exclusivement cinq résidences dans les Alpes mais qui a son siège social à Chambéry n’est pas, aujourd’hui, éligible au dispositif.

Source : SNRT

Une autre difficulté des résidences de tourisme réside dans le fait qu’elles ont pour spécificité d’avoir un modèle économique basé sur la location de locaux immobiliers qui sont sous-loués à des touristes, avec une valeur ajoutée des services et des charges de maintenance du parc immobilier. Leurs charges fixes sont particulièrement lourdes : elles représentent 65 à 70 % du chiffre d’affaires, dont 35 à 40 % de loyers. Les exploitants se retrouvent donc dans l’incapacité de faire face à leurs charges fixes. Partant, la perte globale de chiffre d’affaires dans les résidences de tourisme est estimée à 1,5 milliard d’euros ([21]).

Recommandations  7 :

– prendre en compte toutes les résidences de tourisme, même celles qui n’ont pas un million d’euros de chiffre d’affaires mensuel, étant entendu que les petites résidences ont des charges tout aussi élevées que les autres ;

– éliminer l’anomalie de la condition du siège social ;

– reconduire le dispositif sur le deuxième semestre 2021 pour que la prise en compte de la saisonnalité soit complète.

Si ce dispositif est donc le bienvenu, les conditions à remplir pour en bénéficier sont trop restrictives. Au final, ce dispositif de « prise en charge des coûts fixes » se révèle plutôt être une couverture de la perte de l’excédent brut d’exploitation. Le décret du 21 mai 2021 améliore la prise en compte de la saisonnalité de ces entreprises, mais il faut aller encore plus loin.

C.   Les « oubliÉs » de la montagne

1.   Les entreprises dont l’activité dépend du tourisme hivernal

Les entreprises qui ne sont pas des « commerces » mais dont l’activité économique dépend entièrement de la clientèle touristique hivernale ne sont pas aidées. Il s’agit par exemple des coiffeurs en station, des esthéticiens, des SPA, garagistes, etc. alors que, comme les autres commerces situés en station, ils dépendent de l’activité touristique en stations pour engendrer du chiffre d’affaires. Cette exclusion est incompréhensible.

Il est injuste qu’ils n’aient pas accès, au même titre, au fonds de solidarité montagne et qu’ils aient uniquement droit à une aide de 1 500 euros. Ces entreprises et ces artisans ont tout autant de charges à supporter. Il y a également les travailleurs indépendants en stations, comme les moniteurs de ski, qui en 2019 n’auraient pas généré de chiffre d’affaires (congés maternité, arrêt maladie, etc.), ainsi que les entreprises nouvellement créées. En raison de cette différence de traitement, beaucoup risquent de se trouver en grande difficulté d’ici la fin de l’année.

Recommandation n° 8 : créer en loi de finances rectificative un fonds pour ces entreprises, doté de 50 millions d’euros, et aux mains des préfets, pour pallier les lacunes des dispositifs à l’égard des entreprises susmentionnées.

2.   Les entreprises d’aménagement de la montagne

Parmi les oubliés de ces aides, il y a aussi les entreprises d’équipement de la montagne, qui installent des remontées mécaniques et les cabinets de conseil en montagne. Toutes ces entreprises, actuellement, ont un carnet de commandes totalement vide. Cette filière regroupe pourtant 450 entreprises et génère 5 500 emplois directs, 15 000 emplois indirects et pèse un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel. Il s’agit d’une filière d’excellence de l’industrie nationale, dynamique, ancrée sur les territoires, innovante, très présente à l’international et principalement constituée de TPE/PME.

L’activité de ces entreprises dépend principalement des investissements réalisés par les domaines skiables et les communes supports de station, et éligibles à ce titre à la liste S1 bis. Elles vont passer l’année 2021, et même le premier semestre 2022, sans commande significative, jusqu’à ce que les donneurs d’ordre, à l’issue de la prochaine saison hivernale 2021/2022 aient recouvré tout ou partie de leur capacité d’investissement. Partant, ces entreprises vont se retrouver à l’écart de la reprise post‑Covid en France, car elles ne sont liées à aucun des secteurs qui bénéficieront de la relance.

En effet, l’activité des exploitants de domaines skiables en saison estivale, même s’ils peuvent ouvrir, représente moins de 3 % du chiffre d’affaires de la saison hivernale. Pour toutes ces raisons, la rapporteure spéciale requiert la prolongation des aides à leur égard. Puisque l’année d’exploitation des domaines skiables est terminée, cette filière – qui irrigue les territoires de montagne – , quelle que soit l’évolution de la situation sanitaire, ne bénéficiera pas de reprise réelle avant 2022. Nous devons donc nous assurer que cette filière dispose du soutien complet et total du Gouvernement.

Ces entreprises sont l’innovation et la compétitivité d’aujourd’hui et de demain ; il est fondamental qu’elles continuent à se développer. L’ensemble des dispositifs d’urgence doit donc s’appliquer jusqu’en novembre 2021 a minima.

Recommandation n° 9 : maintenir les aides à l’égard de ces entreprises au moins jusqu’en avril 2022, c’est-à-dire poursuivre le fonds de solidarité dans sa configuration actuelle pour les entreprises ayant perdu plus de 50 % du chiffre d’affaires sur le mois considéré, prendre en charge l’activité partielle et le FNE Formations associé jusqu’en décembre 2021 afin de fidéliser les saisonniers l’été.

3.   Les centres de vacances et hébergements collectifs de mineurs

Enfin, les centres de vacances et hébergements collectifs de mineurs rencontrent également de grandes difficultés. 2020 a été une année pratiquement blanche pour les séjours scolaires. Or, c’est dès aujourd’hui que se joue la rentrée, et les signaux sont mauvais. Il y a des retards dans les inscriptions, et donc également dans la trésorerie des entreprises. En outre, les formations BAFA sont devenues difficiles à organiser dans ces conditions et il est craint que le personnel nécessaire peine à être recruté car les dispositifs mis en place ne permettent pas facilement leur mise en œuvre par des acteurs de type associatif.

 

L’activité partielle, par exemple, suscite énormément de réticences de la part de ces structures, majoritairement sans comptables et dont la gestion repose sur des bénévoles. S’agissant des dispositifs de la Caisse des dépôts ou de France Active, ces structures n’ont pas l’ingénierie financière pour accompagner la mise en place de ces dispositifs et les remboursements ne font en outre que retarder le problème. Sur le dispositif « vacances apprenantes », le bilan est assez mitigé pour le soutien qu’il a apporté au secteur.

Toutefois, leur difficulté majeure résulte de consignes peu claires, voire contradictoires, qui leur ont été données par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports depuis le début de la crise sanitaire. Il y a en effet eu des applications très différentes des consignes transmises par le ministère selon les départements et sans cohérence avec l’évolution de la situation épidémique. Cette situation a mis les acteurs en difficulté, car ils n’étaient plus en mesure de savoir ce que permettaient ou non les différentes académies. Après avoir auditionné le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la rapporteure spéciale regrette fortement l’absence d’un quelconque suivi quantitatif des séjours menés en 2020 et de toute banque de données budgétaire complète relative à l’organisation des séjours. Si nous voulons nous doter d’une politique ambitieuse en la matière – étant entendu que ces séjours sont primordiaux tant pour le développement des enfants que pour l’économie de nos territoires – il est absolument nécessaire de se doter d’un pilotage national ainsi que de renforcer la formation des enseignants à la culture des départs.

Recommandations n° 10 :

– À court terme, si un haut niveau de vaccination est atteint d’ici l’été, il faut mettre en place auprès des directeurs d’académies des actions de communication de nature à favoriser les séjours. À défaut, il faudrait que le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports se mette en lien et se coordonne avec le ministère de l’économie, des finances et de la relance afin de recalculer et de mieux calibrer les aides d’urgence destinés aux centres de vacances.

– À plus long terme, il faudra se doter d’une politique ambitieuse en reconnaissant le rôle central des séjours pour mineurs sur leur développement personnel et éducationnel ainsi que pour l’économie touristique et les structures associatives qui accueillent ces mineurs en les favorisant, en sensibilisant, en formant les enseignants au sujet et en centralisant une banque de données auprès du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

 

 

D.   Les consÉquences pour les finances publiques locales

La mission Cazeneuve documente et simule depuis mi-2020 les conséquences budgétaires de la crise sanitaire sur les recettes fiscales et tarifaires des collectivités locales. Dans sa dernière actualisation du 25 février, la mission estime que l’impact de la crise sur les finances des collectivités territoriales en 2020 est d’environ 3,8 milliards d’euros et la baisse de capacité d’autofinancement se situe à environ – 10,5 %. Il y est mis en exergue que les communes les plus touchées sont les communes touristiques et de montagne, en raison notamment de la perte des recettes tirées de la taxe de séjour, des remontées mécaniques ou des taxes sur les gains au casino, qui plongent d’environ 30 %.

L’impact est significatif pour les communes de montagne, puisque les remontées mécaniques constituent un service public sous la responsabilité des communes et départements, lesquels perçoivent une taxe sur la vente de forfaits et la taxe loi montagne, dont l’apport financier est conséquent : autour de 30 millions d’euros pour 130 communes et près de 10 millions d’euros pour 10 départements.

L’exemple de la commune de Valloire

Au sein de la commune, la perte de recettes liée à la taxe sur les remontées mécaniques, sur un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros, est de l’ordre de 700 000 euros. S’agissant de la taxe de séjour, étant donné que la saison d’hiver 2020/2021 est la dernière à Valloire où cette taxe est appelée sous la forme forfaitaire les estimations de pertes s’élèvent à 400 000 euros. S’agissant des revenus domaniaux, la redevance d’une délégation de service public d’un restaurant d’altitude permet à la collectivité d’encaisser 130 000 euros par an.

Or, les entreprises de restauration étant par définition fermées – et de toute manière largement inaccessibles compte tenu de la non-réouverture des remontées mécaniques – ces encaissements n’ont pu avoir lieu, les SPIC étant fermés. Il y a également un impact sur le budget annexe eau potable car le fait qu’il y ait moins de touristes génère une moins‑disance de facturations du volume d’eau. L’estimation pour Valloire s’élève par exemple à – 300 000 euros.

Il faut en outre noter qu’en raison du contexte, le budget prévisionnel 2021 de Valloire a été voté en occultant ces différentes ressources financières, principe de sincérité budgétaire oblige d’une part, ce qui va réduire d’autant la contribution de Valloire à la part des investissements civils nationaux et d’autre part, en raison de la propre situation des comptes valloirins, une nouvelle fermeture du SPIC précité risquerait d’attenter à l’équilibre financier de la collectivité.

L’État a répondu en partie à cette situation en mettant en place un mécanisme de compensation, avec l’article 21 de la LFR 3 puis l’article 74 de la LFI 2021. Cependant, si l’article 74 reconduit le dispositif adopté en troisième loi de finances rectificative, il porte uniquement sur les recettes fiscales, les pertes de recettes domaniales n’étant plus prises en compte dans le calcul de la dotation à reverser aux collectivités éligibles.

Les communes classées station de tourisme bénéficient largement du dispositif car elles perçoivent 73 % de la dotation, soit 86 millions d’euros. En 2020, pour les 130 communes identifiées stations de ski et pour les communes de montagne, la baisse moyenne des recettes des impôts et taxes s’élève respectivement de – 11,7 % et – 4,7 %, la baisse des redevances domaniales de – 13 % et – 13,6 %, la baisse des prestations de services de – 23,2 % et – 32,6 %. S’agissant des impôts et taxes, la baisse est en moyenne de – 4,9 % pour les DMTO, – 5,6 % pour la taxe de séjour, – 35,2 % pour le prélèvement sur le produit des jeux et – 18,8 % pour le produit des remontées mécaniques. Il en est de même pour les redevances à caractère sportif et de loisirs (– 25,9 %) ou périscolaires et d’enseignement (– 33,5 %).

Recommandation n° 11 : évaluer l’efficacité du mécanisme de compensation prévu par la LFR3 et la LFI 2021 à effectivement compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales de ces territoires et leur éviter de subir une double peine.

En s’appuyant sur un questionnaire diffusé à l’ensemble des communes supports de stations de montagne et portant sur l’état des finances locales en période de crise sanitaire, l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) a formulé des recommandations pour prendre en compte ces difficultés. Elle recommande de réajuster les contributions au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), alléger les annuités d’amortissement des biens, affecter des crédits supplémentaires à l’investissement communal au profit d’infrastructures nécessaires au développement des territoires de montagne et à l’adaptation au changement climatique.

Recommandation n° 12 : baisser les contributions au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, afin de ne pas pénaliser d’un point de vue budgétaire des communes déjà affaiblies par l’effondrement de la fréquentation touristique et prévoir 50 millions d’euros en LFR au profit de l’investissement communal en faveur des infrastructures nécessaires au développement des territoires de montagne.

III.   la relance du tourisme de montagne

Le Plan Avenir Montagne est insuffisant pour faire face aux enjeux de la reprise. Ce plan s’élève à 150 millions d’euros pour toute la montagne française. Ces crédits seront dédiés à l’investissement, à la diversification, aux chemins de randonnée. À titre de comparaison, la seule région Auvergne‑Rhône‑Alpes, ces quatre dernières années, a investi de manière directe plus de 400 millions d’euros pour ses stations de montagne. Si cet effort du Gouvernement est positif, il doit toutefois être plus ambitieux pour être à la hauteur de la dynamique et, sans l’effort des régions en parallèle, il ne sera pas à la hauteur.

Enfin, il faut attirer l’attention sur le fait que la critique suivant laquelle la crise aurait révélé les fragilités des stations de sports d’hiver, qui dépendraient trop de la neige et du ski, constitue un contresens. Le tourisme de montagne et la valeur ajoutée qu’il crée se sont construits dès le départ autour de la neige, de la glisse et de l’hiver. La crise a plutôt révélé qu’en fermant les remontées mécaniques, les territoires de montagne se retrouvent privés de la majeure partie de la clientèle des stations et de 80 % des recettes du secteur.

Il faut prendre garde à ne pas exclure les domaines skiables des aides à l’investissement par la relance.

Ainsi, par exemple, si dans le massif du Vercors, pour la saison d’hiver 2020/2021, les chiffres en termes de fréquentation sont relativement bons en comparaison de certaines autres stations (– 10 % de nuitées), les retombées économiques, en l’absence de remontées mécaniques, sont au plus bas niveau (– 70 % de dépenses touristiques). Ainsi, dans le massif, les retombées économiques sont en baisse de – 71 % par rapport à 2019 (plus de 81 millions d’euros pour la saison 2019/2020 contre 23,7 millions pour 2020/2021). Le chiffre d’affaires y est en baisse de – 30 % dans l’hébergement, – 80 % pour les écoles de ski et la restauration, – 80 % pour les magasins de sport, – 90 % sur la vente et – 80 % sur la location ([22]) : cela représente des pertes de retombées économiques pour les territoires et des pertes d’emplois.

Malgré une fréquentation dans certaines stations, liées à la diversification des activités en stations, l’hiver demeure la principale locomotive économique des territoires de montagne car il représente 75 % du chiffre d’affaires de l’année : 1 euro investi dans l’achat d’un forfait de ski correspond à 7 euros de dépenses en station pendant l’hiver ; ces recettes permettent ensuite par ailleurs à nombre d’entreprises d’investir et à pléthore de socioprofessionnels de vivre à l’année en montagne ([23]).

La création de valeurs, les emplois, sont donc générés par l’activité des domaines skiables. En fermant les remontées mécaniques, l’État a totalement arraché la clientèle des stations. Les touristes d’été iraient-ils sur le littoral si l’on interdisait l’accès aux plages ? Évidemment, non. C’est exclusivement le même problème, et pas un autre, qui a été posé aux stations cet hiver. Faire dire autre chose à la crise est fallacieux. Le niveau d’enneigement cet hiver a été exceptionnel. Qu’il faille adapter dans un temps long nos offres touristiques au changement climatique est une certitude, et ce travail est engagé. Ce choix de ne plus investir dans l’activité ski sous prétexte que dans dix ans nous ne saurons pas ce qui se passe est inacceptable. Lorsque l’État aide des industries, il ne sait pas si ces entreprises seront encore en activité dix ans plus tard. Les stations de ski demeurent un totem du changement climatique, mais ne nous y trompons pas : ce sont elles qui subissent celui-ci. Aucune activité n’est pour l’heure en capacité de faire vivre des milliers de familles dans nos territoires de montagne comme le fait le ski alpin.

Tout le modèle économique des commerces de stations est basé sur la saisonnalité. En temps normal, ce modèle fonctionne parfaitement ; en temps de crise, des fragilités se font évidemment jour, sans que des conclusions ne soient à tirer sur le modèle du ski alpin lui-même.

Recommandation n° 13 : affecter 50 millions en loi de finances rectificative pour favoriser l’investissement communal au profit d’infrastructures pour les stations de montagne.

 

 

 


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   Examen en commission 

Lors de sa réunion de 21 heures, le 1er juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la mission Action extérieure de l’État : Tourisme

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

 

Le compte rendu est également consultable en ligne.

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Savoie Montblanc Tourisme

– M. Michaël Ruysschaert, directeur général

Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) *

– M. Jean-Sébastien Barrault, président

– Mme Ingrid Mareschal, déléguée générale

CRT AURA

– M. Lionel Flasseur, directeur général

CEDIV

– Mme Adriana Minchella, présidente

Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI) *

– Mme Catherine Querard, vice-présidente

– M. Franck Trouet, conseiller

Direction de la diplomatie économique MEAE

– M. Jean Didier, chef de la mission promotion du tourisme

Bpifrance *

– M. Pedro Novo, directeur exécutif de Bpifrance en charge de l’export et coordinateur du plan « tourisme »

– M. David Jeancler, délégué territorial pour la Savoie et la Haute-Savoie

 M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Atout France

– Mme Carole Leboucher, directrice générale

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Syndicat national des résidences de tourisme et des apparthôtels (SNRT)

– M. Patrick Labrune, président

– Mme Pascale Jallet, déléguée générale

Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) *

– M. Roland Heguy, président confédéral

Domaines skiables de France

– M. Laurent Reynaud, délégué général

Direction générale des entreprises (DGE)

– M. Nicolas Dupas, sous-directeur du tourisme

Union française des centres de vacances

– M. Michel Le Direach, président

– M. Laurent Bruni, directeur général

Caisse des dépôts et consignations

– M. Christophe des Roseaux, directeur du département tourisme, direction des investissements de la Banque des territoires

– M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

– M. Christophe Géhin, chef de service

– M. Bruno Chiocchia, sous-directeur de la performance et des politiques éducatives territoriales DGESCO B2

– Mme Liv Lionet, cheffe du bureau de la réglementation et de la vie des établissements (DGESCO C2.3)

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


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   SOURCES UTILISÉES

 

        Observatoire de l’économie du tourisme, Direction générale des entreprises.

        Suivi mensuel des défaillances de la Banque de France.

        Notes de conjoncture d’Atout France.

        Fragilités et résilience des entreprises dans la crise covid, BPCE.

        Notes de conjoncture de l’Organisation mondiale du tourisme.

        Rapport annuel de performance, mission Action extérieure de l’État.

        Note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Action extérieure de l’État, Cour des comptes.

        Rapport annuel du World Travel & Tourism Council.


([1]) Réponses aux questionnaires budgétaires de la DGE.

([2]) Rapport annuel du World Travel & Tourism Council, Communiqué de presse du 25 mars, 7,8 et 15 avril.

([3]) Rapport annuel de performance, mission Action extérieure de l’État, 2020.

([4]) Note de conjoncture d’Atout France d’avril 2021 : note_conjoncture_avril_2021.pdf (atout-france.fr)

([5]) Recettes des touristes internationaux – dépenses des Français à l’étranger, Banque de France.

([6]) Observatoire de l’économie du tourisme, DGE.

([7]) Chiffres du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([8]) Banque de France, suivi mensuel des défaillances, février 2021.

([9]) BPCE, Fragilités et résilience des entreprises dans la crise covid, conférence de presse du 9 décembre 2020.

([10]) Le terme « station » est ici entendu comme l’écosystème économique qui comprend, outre les domaines skiables et leurs salariés, les magasins de sports, les commerces alimentaires de bouches, boutiques de souvenirs, services (blanchisseuse, imprimerie, etc.).

([11]) Chiffres de la DGE.

([12]) Chiffres de l’ANMSN.

([13]) Chiffres de Savoie Mont-Blanc.

([14]) Fréquentation touristique en baisse dans les stations de l'Isère (tourmag.com)

([15]) Chiffres du CRT Auvergne-Rhône-Alpes.

([16]) Ibid.

([17])Chiffres de l’ANMSM.

([18]) Audition de Savoie Mont-Blanc.

([19]) Observatoire de l’économie du tourisme, Baromètre du plan de relance tourisme, DGE, 24 mai 2021.

([20]) La mesure s’applique dans les communes des stations de ski, mais aussi dans les communes des vallées qui en dépendent (communes de montagne membre d’un EPCI support d’une station de ski et n’appartenant pas à une unité urbaine de plus de 50 000 habitants).

([21]) Chiffres du Syndicat national des résidences de tourisme. .

([22]) Chiffres de Domaines Skiables de France.

([23]) Ibid.