N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 29
 

 

JUSTICE

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Patrick HETZEL

 

Député

____


 


—  1  —

SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES DE L’ANNÉE 2020

I. la mission Justice

A. Une exÉcution marquÉe par la crise sanitaire

B. Des dÉpenses en hausse par rapport À 2019

C. Des difficultÉs dans la gestion des crÉdits de personnel et d’investissement

1. Les dépenses de personnel

2. Les dépenses d’investissement

3. Les autres dépenses

D. Des CrÉations d’emplois enfin effectives

E. Des indicateurs de soutenabilitÉ À surveiller

II. Le Programme 166 justice judiciaire

A. malgrÉ la crise, Une exÉcution des crÉdits et des emplois proche de la prÉvision

1. La consommation intégrale des crédits de personnel

2. Les frais de justice font l’objet d’une sur-exécution de 11 %

3. Les dépenses de l’immobilier judiciaire marquées par une progression des AE mais une sous-exécution des CP

4. Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions

5. L’École nationale de la magistrature

B. Les Indicateurs de performance font ressortir un nouvel allongement des dÉlais de jugement

1. Un allongement très préoccupant des délais de jugement

2. De nombreux indicateurs non renseignés

III. Le Programme 107 Administration pÉnitentiaire

A. L’exÉcution 2020 marquÉe par un niveau d’engagement particuliÈrement ÉlevÉ

1. Une sous-exécution des dépenses de personnel due à des recrutements inférieurs à la prévision

2. Une forte progression des engagements immobiliers liée à l’accélération du plan de création de 15 000 places de prison

B. MalgrÉ la baisse de la population carcÉrale, les conditions de dÉtention continuent de se dÉgrader

1. Une nouvelle dégradation des conditions de détention

2. Des retards qui se confirment pour le plan de création de 15 000 places de prison

IV. Le Programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse

A. Une exÉcution infÉrieure à la prÉvision en raison des effets de la crise sanitaire

1. Des crédits de titre 2 et un schéma d’emplois réalisé très proches de la prévision

2. Les dépenses hors titre 2 en faible progression dans le contexte de crise sanitaire

B. Les Indicateurs de performance traduisent l’impact de la crise sanitaire sur la protection judiciaire de la jeunesse

V. Le Programme 101 ACCÈS au droit et À la justice

A. Une sous-exÉcution des crÉdits de l’aide juridictionnelle due au ralentissement de l’activitÉ judiciaire

B. Des indicateurs de performance qui se dÉgradent

VI. Le Programme 310 conduite et du pilotage de la politique de la justice

A. une accÉlÉration contrainte du plan de transformation numÉrique

1. Des recrutements supérieurs à la prévision

2. La progression des dépenses liées au plan de transformation numérique

B. MalgrÉ les moyens mobilisÉs, les Indicateurs ne montrent pas de rÉelle amÉlioration de la performance

SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION : LES MOYENS AFFECTÉS AU MINISTÈRE PUBLIC

I. Le ministÈre public souffre d’un manque de moyens qui l’entrave dans l’accomplissement de ses missions

A. Un DÉcalage croissant entre les moyens et les Missions du ministÈre public

1. Des moyens budgétaires et humains inférieurs à la moyenne européenne

2. Des attributions plus larges que dans les systèmes judiciaires comparables

3. Un nombre d’affaires en augmentation

4. Une tendance à la complexification des procédures pénales

B. Un manque de moyens qui entrave le ministÈre public dans l’accomplissement de ses missions

1. Le manque d’attractivité du ministère public

2. Le ministère public contraint de délaisser certaines de ses missions

II. Le renforcement des moyens affectÉs au ministÈre public, une tendance qui demeure inachevÉe

A. Des moyens en hausse dans le cadre de la loi de programmation et de rÉforme pour la justice

1. L’augmentation des moyens du parquet dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice

2. La diminution du taux de vacance des magistrats du parquet

3. La structuration d’une équipe autour du magistrat du parquet

4. Des mesures de revalorisation indemnitaire

B. Le renforcement du parquet nÉcessite de poursuivre les efforts entrepris rÉcemment

1. Alléger la charge de travail du parquet

2. Améliorer l’allocation des moyens budgétaires et humains entre juridictions

3. Renforcer les moyens informatiques et accélérer la transformation numérique du ministère de la justice

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES


— 1 —

 

   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

 En 2020, la mission Justice a bénéficié de moyens en augmentation. Les engagements ont atteint 10 milliards d’euros, soit 10 % de plus en qu’en 2019 et 20 % de plus qu’en 2018. Les paiements s’élèvent à 9,2 milliards d’euros, soit 3 % de plus en 2019 et 6 % de plus qu’en 2018.

Les emplois du ministère de la justice sont également en progression, avec un plafond d’emplois réalisés à 99 %, soit 86 736 ETPT en 2020, contre 85 341 en 2019, et un schéma d’emplois de 2 419 ETP, supérieur de 49 ETP à la prévision.

exÉcution des crÉdits de la mission Justice en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

Exécution 2020

Écart

LFI 2020

Exécution 2020

Écart

P. 166 – Justice judiciaire

3 610,3

3 829,0

+ 6 %

3 500,6

3 480,1

– 0,6 %

P. 107 – Administration pénitentiaire

3 582,4

4 357,3

+ 22 %

3 958,8

3 863,4

– 2,4 %

P. 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

930,9

884,1

– 5 %

893,6

862,3

– 3,5 %

P. 101 – Accès au droit et à la justice

530,5

466,1

– 12 %

530,5

465,2

– 12 %

P. 310 – Conduite et pilotage de la pol. de la justice

452,3

489,7

+ 8 %

500,5

475,7

– 5 %

P. 335 – Conseil supérieur de la magistrature

5,97

5,2

– 14 %

4,9

4,2

– 14 %

Total

9 112,4

10 031,4

+ 10 %

9 388,9

9 151,0

 2,5 %

Source : commission des finances d’après les lois de finances.

L’augmentation des moyens vaut pour tous les programmes de la mission. Toutefois, malgré la hausse des moyens, les indicateurs laissent entrevoir une dégradation des performances. Certes, l’année 2020 a été marquée par la grève des avocats et la crise sanitaire. Néanmoins, certains problèmes sont structurels, notamment sur le pilotage des grands projets immobiliers et informatiques.

Sur le programme 166 Justice judiciaire, les frais de justice font l’objet d’une nouvelle sur-exécution de 11 % et d’une alerte du CBCM. Par ailleurs, malgré l’augmentation des crédits et des emplois, les délais de jugement sont en hausse (14 mois dans les tribunaux judiciaires et 17 mois dans les cours d’appel, pour les procédures civiles ; 60 % des juridictions dépassent le délai cible).

Sur le programme 107 Administration pénitentiaire, l’accélération des engagements est très tardive et ne permettra pas de rattraper les retards pris dans l’avancement du plan de construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027. Pour les 7 000 premières places annoncées d’ici 2022, aucune nouvelle livraison n’est intervenue en 2020 et le lancement des travaux n’est effectif que pour 46 % d’entre elles – moins de la moitié à quelques mois de l’échéance.

Évolution des crÉdits de la mission Justice

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les lois de finances.

Enfin, la crise sanitaire a mis en évidence le retard numérique du ministère et les marges d’amélioration qui subsistent, à condition de redéfinir les priorités du plan de transformation numérique pour concentrer les investissements sur les projets dont la valeur ajoutée est la plus grande.

 Le rapporteur spécial a choisi d’évaluer les moyens affectés au ministère public. Le manque de moyens du ministère public n’est pas une question nouvelle. Les travaux conduits par le rapporteur confirment le décalage entre, d’une part, les moyens affectés au ministère public et, d’autre part, les missions qui lui sont confiées et la charge de travail croissante des parquets.

Ainsi, le rapport 2020 de la CEPEJ indique que : « la France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe ou presque (3 pour 100 000 habitants), ces derniers devant, malgré tout, gérer un nombre très élevé d’affaires (6,6 pour 100 habitants) et exercer un nombre record de fonctions ».

On observe une forte augmentation de la charge de travail des parquets depuis vingt ans sous l’effet, notamment, d’une complexification croissante de la procédure pénale. Outre une perte d’attractivité du ministère public, cette situation entraîne également une tendance au délaissement de certaines missions et un travail constamment « en mode dégradé ».

La trajectoire votée dans la loi de programmation et de réforme pour la justice tend à augmenter les moyens des parquets. Le taux de vacance chez les magistrats du ministère public est en baisse, mais l’équipe autour du magistrat est toujours moins étoffée au parquet qu’au siège.

Des marges de progrès subsistent sur la charge de travail des parquets, la bonne allocation des moyens budgétaires et humains entre juridictions ainsi que le développement des outils numériques.

 


— 1 —

 

   RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

 

Recommandation  1 : améliorer la gestion des frais de justice pour maîtriser l’évolution des dépenses d’une année à l’autre.

Recommandation  2 : mettre fin à l’augmentation des délais de jugement et réduire de manière durable les stocks d’affaires en instance.

Recommandation  3 : renseigner l’ensemble des indicateurs de performance du programme 166 Justice judiciaire.

Recommandation  4 : renforcer le pilotage du plan de construction de 15 000 places de prison d’ici 2027 et des crédits d’investissement du programme 107 Administration pénitentiaire.

Recommandation  5 : poursuivre la simplification des procédures pénales afin d’alléger la charge de travail des parquets.

Recommandation  6 : renforcer les outils d’évaluation du ministère de la justice pour amélioration l’allocation des moyens en fonction des besoins prioritaires.

Recommandation  7 : redéfinir les priorités du plan de transformation numérique pour concentrer les investissements sur les projets dont la valeur ajoutée est la plus grande.

 

 


— 1 —

   INTRODUCTION

Le présent rapport spécial analyse les crédits de la mission Justice, qui comprend l’ensemble des moyens humains, matériels et financiers dont dispose le ministère de la justice.

La mission Justice finance trois programmes « métiers » qui concourent à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire (programme 166), des services pénitentiaires (programme 107) ainsi que des services de la protection judiciaire de la jeunesse (programme 182).

Le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice rassemble les moyens de l’état-major, des directions législatives et des services d’intérêt commun du ministère.

Le programme 101 finance la politique de soutien à l’accès au droit et à la justice.

Enfin, le programme 335 vise à garantir l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.

RÉpartition des crÉdits de paiements de la mission Justice en 2020

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Justice pour 2020.

Le périmètre de la mission Justice ne comprend pas les juridictions administratives, dont les crédits sont inscrits au programme 165 de la mission Conseil et contrôle de l’État.

La seconde partie du rapport contient par ailleurs une analyse du thème d’évaluation choisi par le rapporteur spécial : les moyens affectés au ministère public.

 


— 1 —

   PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES DE L’ANNÉE 2020

L’exécution budgétaire 2020 a été marquée par la grève des avocats en début d’année puis par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19, qui a fortement affecté les activités du ministère de la justice et a conduit à un ralentissement sans précédent de l’activité des juridictions.

Néanmoins, ces événements exceptionnels n’expliquent pas tout. Malgré l’augmentation régulière des moyens de la mission, les performances du ministère de la justice peinent à s’améliorer. À cet égard, l’exercice 2020 confirme les insuffisances du pilotage des grands projets immobiliers et informatiques.

I.   la mission Justice

En 2020, le budget de la justice a continué sa progression, avec une hausse des AE de 11 % et des CP de 2,5 % par rapport à 2019. Il représente 1,96 % du budget général de l’État et 4,5 % du plafond d’emplois de l’État.

A.   Une exÉcution marquÉe par la crise sanitaire

En 2020, l’exécution des crédits de la mission Justice s’est élevée à 10,0 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 9,15 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Les montants exécutés sont proches des autorisations budgétaires. Par rapport aux crédits votés dans la loi de finances pour 2020, le taux d’exécution des AE atteint 110 % (contre 101 % en 2019) et celui des CP s’établit à 98,6 % (stable par rapport à 2019).

exÉcution des crÉdits de la mission Justice en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

Crédits ouverts

Exécution 2020

Écart
LFI / exécution

LFI 2020

Crédits ouverts

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

P. 166 – Justice judiciaire

3 610,3

4 192,5

3 829,0

+ 6 %

3 500,6

3 484,5

3 480,1

 0,6 %

P. 107 – Administration pénitentiaire

3 582,4

4 673,9

4 357,3

+ 22 %

3 958,8

3 909,1

3 863,4

 2,4 %

P. 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

930,9

949,0

884,1

 5 %

893,6

883,6

862,3

 3,5 %

P. 101 – Accès au droit et à la justice

530,5

523,3

466,1

 12 %

530,5

522,4

465,2

 12 %

P. 310 – Conduite et pilotage de la pol. de la justice

452,3

757,1

489,7

+ 8 %

500,5

478,0

475,7

 5 %

P. 335 – Conseil supérieur de la magistrature

5,97

6,1

5,2

 14 %

4,9

5,1

4,2

 14 %

Total

9 112,4

11 102,0

10 031,4

+ 10 %

9 388,9

9 282,6

9 151,0

 2,5 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Justice pour 2020.

Les crédits ouverts sont supérieurs aux crédits votés car la mission a bénéficié d’importants reports d’AE (2,28 milliards d’euros, soit 25 % des AE disponibles), dont la moitié sont liés aux opérations immobilières de la justice judiciaire et de l’administration pénitentiaire. La mission a aussi bénéficié de fonds de concours (5,2 millions d’euros) et d’attributions de produits (3,2 millions d’euros) plus élevés qu’en 2019.

Par rapport à la totalité des crédits ouverts en 2020, le taux d’exécution des AE atteint 90 %, en forte progression par rapport aux exercices précédents (80 % en 2019, 76,8 % en 2018), grâce à une moindre sous-consommation des crédits hors titre 2. Le taux de consommation des CP s’établit à 98,6 %, en légère baisse par rapport à 2019 (99,4 %), en raison d’une faible consommation des crédits de l’aide juridictionnelle due au ralentissement de l’activité des juridictions.

L’exercice 2020 a été marqué par la grève des avocats en début d’année puis par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid19, avec un fort ralentissement de l’activité judiciaire durant le confinement. Dans un rapport rendu sur demande du rapporteur spécial ([1]), la Cour des comptes a souligné le manque de préparation du ministère de la justice et le fonctionnement très dégradé des juridictions, bien que de façon inégale selon les lieux et les catégories de contentieux (la capacité de jugement des tribunaux et des cours d’appel pendant la période de confinement a été réduite de 70 % à 80 %).

La crise a entraîné des moindres dépenses sur certains postes, évaluées à 138,7 millions d’euros en AE et 239,3 millions d’euros en CP pour les crédits hors titre 2 et à 12,9 millions d’euros pour les crédits de titre 2. Les principales économies résultent du décalage de certaines opérations immobilières (– 101 millions d’euros) mais aussi des activités de réinsertion (– 4,5 millions d’euros) et des placements à l’extérieur ou en semi-liberté (– 0,6 million d’euros).

La crise a également contraint le ministère de la justice à engager des dépenses imprévues, pour un surcoût total évalué à 86,2 millions d’euros en AE et 83,6 millions d’euros en CP pour les crédits hors titre 2 et à 38,3 millions d’euros pour les crédits de titre 2. Les principaux postes de dépense concernant l’achat d’équipements sanitaires (environ 30 millions d’euros), la fourniture d’ordinateurs portables (20,2 millions d’euros) et le paiement d’indemnités exceptionnelles pour les agents mobilisés (27,8 millions d’euros).

Ces dépenses imprévues n’ont toutefois pas conduit à une surconsommation des crédits de la mission. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 ([2]) a annulé 132,1 millions d’euros en AE et 141 millions d’euros en CP, des montants supérieurs à 2019 (115 millions d’euros en AE et 118 millions d’euros en CP) et deux fois plus élevés qu’en 2018.

B.   Des dÉpenses en hausse par rapport À 2019

Les crédits exécutés poursuivent la progression régulière des moyens de la mission Justice depuis 2012. Les AE augmentent de 10,7 % et les CP de 2,5 % par rapport à 2019.

La quasi-totalité des programmes de la mission voient leurs AE et leurs CP augmenter. Le programme 107 Administration pénitentiaire, qui représente 43 % des crédits de la mission, bénéficie d’une hausse de 19 % en AE et de 5 % en CP. Le programme 166 Justice judiciaire, qui représente 38 % des crédits totaux, connaît une progression de 8,5 % en AE et de 0,4 % en CP. Seul le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice voit ses AE se réduire de 9 % par rapport à 2019, tout en restant supérieurs à leur niveau de 2018.

Évolution des crÉdits exÉcutÉs de la mission Justice

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

2018

2019

2020

Évolution 2019-2020

2018

2019

2020

Évolution 2019-2020

P. 166 – Justice judiciaire

3 354,0

3 530,6

3 829,0

+ 8,5 %

3 432,5

3 466,6

3 480,1

+ 0,4 %

P. 107 – Administration pénitentiaire

3 405,3

3 670,4

4 357,3

+ 19 %

3 497,6

3 693,9

3 863,4

+ 5 %

P. 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

835,9

869,5

884,1

+ 2 %

824,9

848,9

862,3

+ 2 %

P. 101 – Accès au droit et à la justice

430,1

452,8

466,1

+ 3 %

430,1

452,9

465,2

+ 3 %

P. 310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice

424,0

536,0

489,7

 9 %

416,7

458,5

475,7

+ 4 %

P. 335 – Conseil supérieur de la magistrature

3,97

4,2

5,2

+ 24 %

4,1

4,0

4,2

+ 4 %

Total

8 453,4

9 063,5

10 031,4

+ 11 %

8 605,9

8 924,9

9 151,0

+ 2,5 %

Source : commission des finances d’après les lois de finances.

Le montant des crédits exécutés se situe en deçà des prévisions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([3]). Hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, les crédits exécutés s’élèvent à 7,387 milliards d’euros, certes en hausse de 2,5 % par rapport à 2019, mais en retrait de 313 millions d’euros par rapport aux 7,7 milliards prévus dans la loi de programmation et de réforme pour la justice.

Le nonrespect de la loi de programmation et de réforme pour la justice n’est guère étonnant dans la mesure où, comme le rapporteur l’avait signalé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le montant des crédits votés dans la loi de finances pour 2020 (7,585 milliards d’euros) ne respectait pas non plus la trajectoire budgétaire pourtant définie quelques mois auparavant. Il n’en est pas moins regrettable et préjudiciable pour le service public de la justice.

Évolution des crÉdits de la mission Justice

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les lois de finances.

C.   Des difficultÉs dans la gestion des crÉdits de personnel et d’investissement

Comme les années précédentes, le ministère de la justice a rencontré des difficultés dans la gestion de ses crédits d’investissement, une nouvelle fois sous‑exécutés, et de ses crédits de personnel.

1.   Les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel s’élèvent à 5,7 milliards d’euros et à 3,9 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions. Elles sont en hausse de 2,5 % (contre + 2,2 % en 2019). Les crédits de titre 2 représentent 63 % des AE et 61 % des CP de la mission (contre 62,5 % en 2019). Leur programmation et leur exécution sont donc des enjeux prioritaires pour la mission.

La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a augmenté le montant des crédits de titre 2 de la mission de 18,84 millions d’euros. À cet égard, le rapporteur spécial tient à appuyer l’analyse qu’en donne la Cour des comptes : « Cet abondement tardif, un mois avant la fin de l’exercice 2020 confirme que le ministère de la justice rencontre des difficultés dans la gestion de son T2 » ([4]).

Le montant des crédits finalement exécuté est proche du montant des crédits votés en loi de finances initiale (3,935 milliards d’euros hors CAS Pensions). Par rapport au schéma de fin de gestion, on constate toutefois une sous-exécution de 18,6 millions d’euros, principalement portée par l’administration pénitentiaire (14,7 millions d’euros) et par la justice judiciaire (2,4 millions d’euros), notamment en raison du décalage des recrutements opérés dans le cadre du renforcement de la justice de proximité en décembre 2020.

2.   Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissements exécutés atteignent 1,71 milliard d’euros en AE et 589,3 millions d’euros en CP. Les crédits de titre 5 représentent 5,5 % du total des dépenses, soit un niveau supérieur à ceux de 2019 (5 %) et de 2018 (4,5 %).

Les dépenses d’investissement font l’objet d’une forte sur-exécution en AE (+ 979,6 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale) qui s’explique par d’importants reports de crédits de 2019 liés à l’exécution des programmes immobiliers de l’administration pénitentiaire et de la justice judiciaire ainsi que des projets informatiques du ministère.

Néanmoins, les CP font l’objet d’une sous-exécution de 182,7 millions d’euros. Une nouvelle fois, le ministère de la justice n’a pas consommé l’intégralité des crédits d’investissement qui lui étaient alloués. Si l’impact de la crise sanitaire ne doit pas être oublié, cette difficulté récurrente d’année en année démontre les insuffisances du pilotage des projets immobiliers et informatiques. Depuis plusieurs exercices, le rapporteur spécial ne cesse d’alerter sur cette question. Le manque de réactivité de la Chancellerie sur ce sujet est très regrettable.

3.   Les autres dépenses

Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 2,227 milliards d’euros. Elles augmentent par rapport à 2019 (2,188 milliards d’euros) et représentent 24,5 % des crédits de la mission. L’augmentation des crédits de titre 3 de 26 millions d’euros dans la loi de finances pour 2020 n’aura pas suffi puisqu’ils font l’objet d’une surexécution de 144 millions d’euros. Les sous-consommations liées à la crise sanitaire (frais de déplacement, frais de formation) ont été compensées par des hausses sur d’autres postes (nettoyage, équipement informatique, augmentation des frais de justice, dépenses liées au plan de transformation numérique).

Les dépenses d’intervention s’établissent à 716 millions d’euros en AE et en CP. Elles représentent 8 % du total de la mission. Elles font l’objet d’une sousexécution de 78,7 millions d’euros par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale. Elles sont principalement concentrées sur le programme 101 au titre de l’aide juridictionnelle (419,4 millions d’euros), de l’aide aux victimes (28,9 millions d’euros) et de l’accès au droit et à la médiation (16,6 millions d’euros), mais aussi sur le programme 182 pour la justice des mineurs (234,4 millions d’euros).

D.   Des CrÉations d’emplois enfin effectives

La loi de finances pour 2020 a fixé le plafond d’emplois de la mission à 87 617 équivalents temps pleine travaillés (ETPT), en hausse de 1 165 emplois par rapport à 2019, poursuivant ainsi la hausse observée sur les derniers exercices. Le plafond d’emplois de la mission représente ainsi 4,51 % du plafond d’emplois de l’État (contre 4,45 % en 2019 et 4,3 % en 2018).

Le nombre des emplois exécutés au sein de la mission Justice a atteint 86 736 ETPT en 2020, soit un taux d’exécution de 98,99 %, proche de celui de 2019 (98,7 %) et légèrement supérieur à celui de 2018 (98,3 %). Comme les années précédentes, le ministère explique cette sous‑exécution par l’insuffisance de la masse salariale disponible.

Évolution du plafond d’emplois de la mission Justice

Source : commission des finances d’après les lois de finances et les rapports annuels
de performances de la mission Justice.

Le schéma d’emplois fixé dans la loi de finances pour 2020 prévoyait une augmentation de 1 520 équivalents temps plein (ETP). Il a été majoré de 950 ETP supplémentaires dans le cadre du renforcement de la justice de proximité prévu en fin de gestion 2020, soit un total de 2 470 ETP. Toutefois, le schéma d’emplois prévu en 2020 était de facto réduit de 100 ETP en raison du recrutement de 100 greffiers sur le programme 166 en novembre 2019 par anticipation de la loi de finances pour 2020. Il était donc de 2 370 ETP.

Le schéma d’emplois exécuté s’élève à 2 419 ETP, ce qui représente une sur‑exécution de 49 ETP. Le taux d’exécution atteint 102,1 %, en forte progression par rapport à 2019 (1 086 ETP créés contre 1 300 prévus, soit un taux de 83,5 %).

Les créations d’emplois bénéficient en premier lieu à l’administration pénitentiaire (+ 1 180 ETP) et à la justice judiciaire (+ 1 001 ETP), mais aussi à la protection judiciaire de la jeunesse (+ 154 ETP) ainsi qu’à la conduite et au pilotage de la politique de la justice (+ 83 ETP).

 

E.   Des indicateurs de soutenabilitÉ À surveiller

Le rapporteur demeure vigilant sur la soutenabilité des dépenses de la mission et invite la Chancellerie à réagir rapidement sur cette question récurrente.

Il convient de souligner le niveau élevé des charges à payer, qui s’élèvent à 405,2 millions d’euros en 2020 (contre 350,6 millions d’euros en 2019). Elles sont principalement liées aux frais de justice, qui augmentent de 218 millions d’euros en 2019 à 265,5 millions d’euros en 2020. Il s’agit d’un point d’alerte du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) qui recommande au ministère d’améliorer le suivi des charges à payer.

En outre, le rapporteur souhaite alerter sur la hausse sensible des restes à payer de la mission. Le montant des engagements juridiques non couverts par des crédits de paiement est estimé à 7,5 milliards d’euros à fin 2020, en hausse de 13 % par rapport à fin 2019. Les restes à payer représentent désormais 82 % des crédits de paiement exécutés en 2020 et leur volume grandissant fait peser un risque quant à la soutenabilité des dépenses de la mission.

Évolution des restes À payer de la mission Justice

(en millions d’euros)

 

Fin 2019

Fin 2020

Évolution

Programme 166 – Justice judiciaire

1 533,9

1 902,9

+ 24,1 %

Programme 107 – Administration pénitentiaire

4 574,2

5 069,0

+ 10,8 %

Programme 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

101,0

122,9

+ 21,6 %

Programme 101 – Accès au droit et à la justice

1,6

2,5

+ 56,9 %

Programme 310 – Conduite et pilotage de la pol. de la justice

405,1

419,2

+ 3,5 %

Programme 335 – Conseil supérieur de la magistrature

0,4

1,4

+ 211,0 %

Total

6 616,4

7 517,9

+ 13,6 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Justice pour 2020.

Le programme 107 porte deux tiers et le programme 166 un quart des restes à payer, principalement en raison des loyers des contrats de partenariat public-privé, pour lesquels le mode de comptabilisation des AE « conduit à ne pas engager la totalité́ des AE relatives aux parts de fonctionnement et de financement dès la livraison, mais uniquement chaque année à hauteur des CP[, ce qui] entraîne une minoration des volumes des AE et donc des restes à payer » ([5]).

Enfin, les reports d’AE de 2020 vers 2021 s’élèvent à 750,9 millions d’euros. Ils sont en baisse par rapport à 2019 (1,15 milliard d’euros) et 2018 (1,45 milliard d’euros). Cette diminution est portée par le programme 166 et par le programme 107 dans le cadre de l’avancement des programmes immobiliers et des projets informatiques. Toutefois, le montant des reports d’AE reste à un niveau élevé, qui risque de contraindre les marges de manœuvre en gestion et de limiter la capacité du ministère à s’engager sur de nouveaux projets.

II.   Le Programme 166 justice judiciaire

La grève des avocats et la crise sanitaire ont entraîné un ralentissement sans précédent de l’activité judiciaire, sur lequel le rapporteur spécial n’avait pas manqué d’alerter lors du Printemps de l’évaluation 2020. Dans un rapport rendu sur demande du rapporteur spécial ([6]), la Cour des comptes a souligné le manque de préparation du ministère face à une crise d’une telle ampleur, l’insuffisance des outils numériques et le fonctionnement très dégradé des juridictions, bien que de façon inégale selon les lieux et les catégories de contentieux.

Si l’impact de la crise sanitaire est nettement perceptible dans les résultats des indicateurs de performance du programme 166 Justice judiciaire, l’exécution des crédits et des emplois est plutôt conforme à la prévision.

A.   malgrÉ la crise, Une exÉcution des crÉdits et des emplois proche de la prÉvision

L’exécution du programme 166 Justice judiciaire s’élève à 3,83 milliards d’euros en AE et 3,48 milliards d’euros en CP. Les AE font l’objet d’une sur‑exécution de 218,7 millions d’euros par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale. Celle-ci résulte surtout des reports d’AE de l’exercice 2019 vers l’exercice 2020 liés aux programmes immobiliers et aux projets informatiques des services judiciaires. Le montant des CP exécutés est très proche de la prévision, avec une légère sous-consommation de 20,5 millions d’euros.

exÉcution des crÉdits du programme 166 Justice judiciaire en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

01 – Traitement et jugement des contentieux civils

1 026,3

1 022,2

– 0,4 %

1 026,3

1 023,2

– 0,3 %

02 – Conduite de la pol. pénale et jugement des affaires pénales

1 214,8

1 252,9

+ 3 %

1 214,8

1 269,7

+ 4,5 %

03 – Cassation

60,8

61,3

+ 0,8 %

60,8

61,3

+ 0,8 %

05 – Enregistrement des décisions judiciaires

13,0

11,4

– 13 %

13,0

11,4

– 13 %

06 – Soutien

1 118,0

1 303,8

+ 17 %

1 008,3

936,9

– 7

07 – Formation

155,27

155,7

+ 0,3 %

155,27

155,9

+ 0,4 %

08 – Support à l’accès au droit et à la justice

22,0

21,7

– 1,3 %

22,0

21,7

– 1,3 %

Total

3 610,3

3 829,0

+ 6 %

3 500,6

3 480,1

 0,6 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Les AE sont en forte augmentation par rapport à l’exécution 2019 (+ 8,5 %), principalement en raison de la hausse des crédits exécutés sur l’action 06 Soutien (+ 275 millions d’euros) qui porte les programmes immobiliers et informatiques des services judiciaires.

Le montant des CP exécutés est en légère augmentation par rapport à 2019 (+ 0,4 %). L’évolution des crédits de l’action 02 Conduite de la politique pénale et jugements des affaires pénales, qui concentre 36,5 % des crédits, demeure toutefois dynamique (+ 2,2 %) notamment du fait des frais de justice.

Évolution des crÉdits exÉcutÉs du programme 166 Justice judiciaire

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

01 – Traitement et jugement des contentieux civils

990,6

1 018,6

1 022,2

+ 0,4 %

992,1

1 020,1

1 023,2

+ 0,3 %

02 – Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 237,7

1 233,3

1 252,9

+ 1,6 %

1 234,4

1 242,6

1 269,7

+ 2,2 %

03 – Cassation

60,7

60,5

61,3

+ 1,4 %

60,7

60,5

61,3

+ 1,4 %

05 – Enregistrement des décisions judiciaires

12,7

12,5

11,4

– 9,0 %

12,7

12,5

11,4

– 9,0 %

06 – Soutien

881,6

1 028,7

1 303,8

+ 26,7 %

961,7

954,1

936,9

– 1,8 %

07 – Formation

149,30

156,2

155,7

– 0,3 %

149,39

156,1

155,9

– 0,1 %

08 – Support à l’accès au droit et à la justice

21,4

20,9

21,7

+ 3,8 %

21,4

20,9

21,7

+ 3,8 %

Total

3 354,0

3 530,6

3 829,0

+ 8,5 %

3 432,5

3 466,6

3 480,1

+ 0,4 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Le taux d’exécution des crédits de titre 2, qui représentent 68 % des dépenses du programme 166, s’élève à 99,9 %. Celui des crédits hors titre 2 (1,10 million d’euros) s’élève à 98,4 % des crédits votés dans la loi de finances.

1.   La consommation intégrale des crédits de personnel

En exécution, les crédits de personnel ont atteint 2,38 milliards d’euros (1,68 milliard d’euros hors CAS Pensions), soit un taux d’exécution de 99,9 % par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale.

Les créations d’emplois annoncés dans le cadre du renforcement de la justice de proximité ont nécessité, en fin de gestion 2020, un dégel de la réserve de précaution (19,7 millions d’euros hors CAS Pensions) ainsi que des ouvertures dans la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 (17 millions d’euros hors CAS Pensions).

Les dépenses de personnel ont permis la création de 1 001 ETP supplémentaires. Le schéma d’emplois réalisé est donc inférieur de 47 ETP par rapport au schéma d’emplois adopté dans la loi de finances pour 2020 (284 ETP ([7])) et revalorisé dans le cadre du renforcement de la justice de proximité prévu en fin de gestion 2020 (+ 764 ETP). Quant au plafond d’emplois du programme 166, il a été consommé à hauteur de 33 612 ETPT, contre une prévision de 33 726 ETPT.

D’après le ministère de la justice, ces sous-exécutions résultent d’un nombre de départs de greffiers supérieur à la prévision et de moindres entrées en poste en raison du décalage des recrutements lié à la crise sanitaire.

Il convient toutefois de souligner une sur-exécution pour les emplois de magistrats (+ 8 ETP) et pour les juristes assistants (+ 12 ETP) ainsi que pour les recrutements liés au renforcement de la justice proximité (789 ETP). Comme le rapporteur a pu le constater lors de ses auditions, le renforcement de l’équipe autour du magistrat, bien que constitué d’emplois temporaires, a été apprécié dans les juridictions et notamment les parquets.

2.   Les frais de justice font l’objet d’une sur-exécution de 11 %

Le montant des CP consommés pour les frais de justice s’élève à 544 millions d’euros en 2020. Ils sont en hausse de 2,3 % par rapport à 2019 (contre une augmentation de 0,8 % en 2019 et de 6,5 % en 2019). Ils présentent une sur-exécution de 53,2 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances, soit un dépassement de près de 11 %. Cela n’est guère étonnant, dans la mesure où la prévision 2020 était inférieure de 15 millions d’euros par rapport à celle de 2019 tandis que le poste est en hausse constante depuis plusieurs exercices.

Cette sur-exécution malgré le ralentissement de l’activité judiciaire durant les périodes de confinement résulte, selon le ministère, d’une forte hausse des demandes de mise en paiement et d’un déstockage massif des mémoires de frais. En outre, certains postes de dépense sont très dynamiques, notamment les frais d’analyses médicales (+ 2 %) et d’analyse techniques (+ 7 %) ainsi que les frais liés aux scellés-gardiennages (+ 11 %). Les moindres dépenses dues à la crise sanitaire ne suffisent pas à compenser ces hausses (par exemple, une baisse de 12 % de la dépense sur les analyses toxicologiques due au recul des infractions routières).

La situation a conduit le CBCM à donner un avis favorable assorti de très fortes réserves quant à la soutenabilité du programme 166. Les charges à payer au titre des frais de justice s’élèvent à 60,1 millions d’euros et les dettes à 205,4 millions d’euros, soit un total de 265,5 millions d’euros en hausse de 18 % par rapport à 2019.

Si la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) a permis d’économiser 7,5 millions d’euros sur les opérateurs de communication électronique en 2020, des difficultés techniques ont – comme en 2019 – retardé la mise en œuvre de la géolocalisation au sein de la PNIJ, entraînant le maintien de certaines dépenses. Par ailleurs, les projets d’amélioration du recouvrement des frais de justice avancés par l’État auprès des justiciables n’ont toujours pas abouti, malgré des travaux entamés en 2015.

Il serait souhaitable que le ministère de la justice soit plus réactif concernant la maîtrise des frais de justice. Le rapporteur spécial insiste sur ce point tous les ans sans que rien ne change. Il est impératif que la Chancellerie améliore sa gestion des frais de justice.

Recommandation  1 : améliorer la gestion des frais de justice pour maîtriser l’évolution des dépenses d’une année à l’autre.

Par ailleurs, l’indicateur 3.1 du programme 166 montre que la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l’objet d’une réponse pénale augmente de 374 euros en 2019 à 439 euros en 2020 (contre une prévision de 300 euros). Le ministère indique la diminution des affaires orientées vers la troisième voie (dont le coût moyen par affaire est estimé à 15 euros) a entraîné une augmentation mécanique du coût moyen par affaire poursuivable ayant donné lieu à une réponse pénale. La diminution du nombre d’ordonnances pénales et d’affaires orientées vers le tribunal de police a pu accentuer ce phénomène.

Les mesures adoptées dans la loi de finances pour 2021, à savoir une augmentation des crédits de 127,4 millions d’euros et l’obligation pour les prestataires de service travaillant pour les juridictions de demander le paiement des frais de justice dans un délai d’un an à compter de l’achèvement de la mission ([8]), doivent permettre au ministère d’améliorer les résultats obtenus.

3.   Les dépenses de l’immobilier judiciaire marquées par une progression des AE mais une sous-exécution des CP

Les dépenses d’investissement du programme 166 ont atteint 462 millions d’euros en AE et 140 millions d’euros en CP. Les AE sont en forte augmentation par rapport à 2019 (+ 180 %) et font l’objet d’une surexécution de 138,3 millions par rapport aux prévisions de la loi de finances, due aux reports d’AE non consommés sur l’exercice précédent. Le programme 166 a poursuivi la mise en œuvre des programmes immobiliers des services judiciaires, avec la livraison du nouveau palais de justice de Lisieux (14,2 millions d’euros) et l’engagement des travaux de construction des nouveaux tribunaux judiciaires d’Aix-en-Provence (48,7 millions d’euros) et de Mont-de-Marsan (28,2 millions d’euros) et les études préparatoires pour des constructions à Lille, Paris, Nancy et Meaux.

Toutefois, les CP ont été sous-exécutés de 74 millions d’euros et sont en recul de 6,5 millions d’euros par rapport à 2019. Cette sous-exécution résulte de retards dans certains projets immobiliers, en partie dus à la crise sanitaire (deux à trois mois de retard pour les projets les plus importants), mais qui résulte aussi de la difficulté récurrente rencontrée par le ministère dans l’accès au foncier.

Les dépenses relatives aux contrats de partenariat public-privé du programme 166 s’élèvent à 61 millions d’euros en AE et 78,7 millions d’euros en CP. Elles sont stables par rapport à 2019. Toutefois, elles font à nouveau l’objet d’un point d’alerte de la Cour des comptes, qui conteste le mode de comptabilité utilisé par le ministère de la justice et la direction du budget, le montant des AE programmés n’intégrant pas la totalité des coûts induits. Le rapporteur spécial ne peut qu’appuyer la recommandation n° 2 de la Cour des comptes ([9]) et invite le ministère à prendre en compte l’intégralité des engagements de l’État.

4.   Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions

Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions s’élèvent à 154,8 millions d’euros, en retrait de 0,8 million d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances. Elles sont en baisse de 6 % par rapport à 2019, en raison des effets de la crise sanitaire, et notamment des restrictions de déplacement.

Le rapporteur note la bonne maîtrise de ces crédits, longtemps sur‑exécutés, depuis la mise en œuvre des recommandations du rapport d’inspection de 2017 ([10]). Il souligne toutefois que la sous-consommation des dépenses en 2020 présente un caractère conjoncturel.

5.   L’École nationale de la magistrature

La subvention pour charges de service public versée par le programme 166 à l’École nationale de la magistrature (ENM) s’élève à 31,56 millions d’euros en AE et en CP pour 2020, en retrait de 1,6 million d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

La crise sanitaire a entraîné une baisse des dépenses de l’opérateur par rapport aux prévisions initiales. Le taux d’exécution des crédits s’établit à 83 %, ce qui représente une sous-consommation de 3,8 millions d’euros. Le solde budgétaire (2,4 millions d’euros) est in fine supérieur à la prévision (– 3,5 millions d’euros) et au solde de 2019 (– 0,7 million d’euros).

La crise sanitaire a également entraîné un décalage des recrutements prévus. Le nombre d’emplois rémunérés par l’ENM est de 221 ETPT, en retrait par rapport à la prévision (239) et en baisse par rapport à 2019 (225).

B.   Les Indicateurs de performance font ressortir un nouvel allongement des dÉlais de jugement

L’efficacité d’un système judiciaire ne tient pas uniquement à l’importance des crédits et des emplois dont il dispose. Force est de constater que l’exécution 2020 s’accompagne d’une nouvelle dégradation importante des indicateurs de performance du programme 166 qui, faut-il le rappeler, ne résulte qu’en partie de l’impact de la crise sanitaire.

1.   Un allongement très préoccupant des délais de jugement

L’indicateur 1.1 indique une dégradation du délai moyen de traitement des procédures civiles (hors procédures courtes). Cela concerne en premier lieu les cours d’appel où les délais de traitement atteignent 17 mois, soit un écart de plus de 30 % par rapport à la prévision et une moyenne supérieure à celle constatée en 2019 (+ 7,6 %). La hausse des délais de jugement affecte aussi les tribunaux judiciaires, avec un délai moyen de 13,8 mois, soit une réalisation supérieure de 35 % à la prévision et de 21 % par rapport à 2019.

DÉlai moyen de traitement des procÉdures civiles,
hors procÉdures courtes

(en mois)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Tribunaux judiciaires
(dont tribunaux de proximité)

11,4

10,2

13,8

+ 35,3 %

Tribunaux de commerce

9

7,5

ND

– 

Conseils de prud’hommes

16,4

15

18,1

+ 20,7 %

Cours d’appel

15,8

13

17

+ 30,8 %

Cour de cassation

16,7

15,5

17,9

+ 15,5 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Comme le montre l’indicateur 1.2, le pourcentage de juridictions dépassant d’au moins 15 % le délai moyen de traitement (cible) des procédures civiles est en forte augmentation. Il atteint 67 % pour les tribunaux judiciaires (contre 32 % en 2019) et 61 % pour les cours d’appel (contre 44 % en 2019 et une prévision de 6 %). Deux tiers des juridictions ont donc largement dépassé le délai de traitement critique visé en début d’exécution.

L’allongement des délais de jugement se traduit également par une augmentation du délai moyen de traitement des procédures pénales (indicateur 1.3). La réalisation 2020 atteint 271 jours pour la Cour de cassation, soit un écart de plus de 8 % par rapport à la prévision, et 19,5 mois pour les juges et les tribunaux pour enfants, soit un écart de 30 %. Le rapporteur ne peut que regretter que l’indicateur relatif aux autres juridictions traitant des affaires criminelles ne soit pas renseigné, ce qui nuit à la lisibilité des résultats de l’exécution. Il relève que la prévision actualisée indiquait un délai de 41,5 mois, ce qui annonce un écart à la prévision d’au moins 7 % et probablement une dégradation par rapport à 2019.

DÉlai moyen de traitement des procÉdures PÉnales

(en mois)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Cour de cassation
(en jours)

251

250

271

+ 8,4 %

Autres juridictions (crimes)
(en mois)

41,5

38,5

ND

– 

Convocation par officier de police judiciaire (COPJ) devant le tribunal correctionnel (en mois)

9,7

8,7

10,3

+ 18,4 %

Part des COPJ traitées dans un délai inférieur à six mois (en pourcentage)

43

50

35,1

– 29,8 %

Juges des enfants et tribunaux pour enfants (en mois)

18

15

19,5

+ 30,0 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performances pour 2020.

L’allongement des délais de jugement entraîne mécaniquement une augmentation du stock des procédures en cours. Ainsi, le délai théorique d’écoulement du stock des procédures est supérieur à la prévision de 35 % pour les cours d’appel, de 60 % pour les tribunaux judiciaires et de 107 % pour les conseils de prud’hommes.

DÉlai thÉorique d’Écoulement du stock des procÉdures

(en mois)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Cours d’appel (civil)

14,1

13,5

18,3

+ 35,6 %

Tribunaux judiciaires

10,5

9

14,4

+ 60,0 %

Conseils de prud’hommes

15,7

12,4

25,7

+ 107,3 %

Cours d’assises

12,3

13

ND

– 

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

L’allongement des délais de jugement résulte – en partie seulement – de l’impact de la crise sanitaire. Lors du premier confinement, entre mars et mai 2020, l’activité des juridictions a été très fortement réduite afin de limiter le nombre de magistrats, de fonctionnaires et de justiciables présents sur site. Si la fréquentation des cours et tribunaux imposait de prendre des mesures, on peut se demander s’il était nécessaire d’aller aussi loin, tant le quasi-arrêt du service public de la justice a été préjudiciable à l’institution et bien plus encore aux justiciables. Ce quasi-arrêt du service public de la justice est vraiment problématique.

La gestion de la crise sanitaire par le ministère témoigne d’un manque de préparation. Peu de juridictions disposaient, début 2020, d’un plan de continuité de l’activité préparé en amont et opérationnel. La plupart d’entre elles dû déterminer leur plan de continuité dans l’urgence, entraînant des hétérogénéités entre juridictions et une grande confusion entre les contentieux jugés « essentiels » ou « urgents » et les activités non indispensables. La situation était très peu lisible pour les justiciables et les avocats.

En outre, la crise sanitaire a mis en évidence le retard du ministère de la justice sur les plans informatique et numérique. Les juridictions ne disposaient pas des outils matériels ou applicatifs nécessaires pour travailler à distance et les agents du ministère n’étaient pas habitués à télé-travailler. Elle aura au moins joué un rôle d’accélérateur, même si de nombreuses marges d’amélioration subsistent.

L’allongement des délais de jugement est un point d’alerte majeur. Il est essentiel que les moyens budgétaires mis à la disposition de la Chancellerie soient utilisés pour redresser au plus vite la situation, car cette situation contribue à accentuer le mécontentement de nos concitoyens vis-à-vis de la justice.

Recommandation  2 : mettre fin à l’augmentation des délais de jugement et réduire de manière durable les stocks d’affaires en instance.

Le rapporteur prend note des 1 000 recrutements supplémentaires annoncés par le ministre de la justice pour réduire les stocks d’affaires en instance, dont 500 pour une durée de trois ans (330 juristes assistants ou fonctionnaires de catégorie A et de 170 renforts de greffe) et 500 pour une durée d’un an (emplois en appui aux greffes). Il s’agit de désengorger les stocks d’affaires en instance dans les juridictions civiles afin de réduire les délais de jugement. Toutefois, on peut légitimement se demander s’il est possible de traiter un problème structurel avec des recrutements temporaires qui, par définition, ne sont que conjoncturels.

2.   De nombreux indicateurs non renseignés

Le rapporteur regrette que de nombreux indicateurs de performance du programme 166 demeurent non renseignés. Cela pose question quant aux capacités du ministère à produire des statistiques solides pour mieux connaître ses besoins, évaluer sa performance et piloter ses dépenses. En outre, cela révèle aussi un manque de considération vis‑à‑vis du Parlement, devant lequel l’administration est tenue de rendre des comptes.

S’agissant de la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires, le ministère de la justice n’est une nouvelle fois pas en mesure de chiffrer le nombre d’affaires civiles traitées par magistrat du siège (indicateur 1.5), ni le nombre d’affaires pénales traitées par magistrat du siège et du parquet (indicateur 1.6), ni le nombre d’affaires civiles et pénales traitées par fonctionnaire (indicateur 1.7), et cela sans la moindre explication.

Concernant la transformation numérique de la justice, la Chancellerie n’est pas en mesure de chiffrer le taux d’usagers accédant à leur dossier en ligne, ni le taux de saisine en ligne (indicateur 3.2). L’absence de chiffrage est expliquée par les retards pris par l’expérimentation réalisée dans les cours d’appel de Douai et Rouen, qui n’a pu se tenir que de septembre à décembre 2020, pour un taux de saisine de seulement 1 % sur la période.

Recommandation  3 : renseigner l’ensemble des indicateurs de performance du programme 166 Justice judiciaire.

III.   Le Programme 107 Administration pÉnitentiaire

En 2020, les dépenses du programme 107 Administration pénitentiaire ont augmenté en AE (+ 19 %) et en CP (+ 5 %). Le haut niveau des AE traduit l’accélération du plan de construction de nouvelles places de prison, qui ne suffit toutefois pas à compenser les retards accumulés lors des exercices précédents. En outre, malgré la diminution de la population carcérale, les conditions de détention continuent de se dégrader.

A.   L’exÉcution 2020 marquÉe par un niveau d’engagement particuliÈrement ÉlevÉ

Les crédits exécutés du programme 107 Administration pénitentiaire s’élèvent à 4,36 milliards d’euros en AE et 3,96 milliards d’euros en CP. Les AE font l’objet d’une sur‑exécution de 774,5 millions d’euros par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale. Celle-ci résulte des reports d’AE de l’exercice 2019 vers l’exercice 2020 liés au plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires d’ici 2027. S’agissant des CP, on constate une sous‑exécution de 95,8 millions d’euros.

L’exécution 2020 a été fortement marquée par la crise sanitaire. Durant le premier confinement, la population carcérale a diminué en raison de moindres entrées en détention du fait du ralentissement de l’activité des juridictions, mais aussi en raison de libérations anticipées et de l’application de l’ordonnance pénale du 25 mars 2020 ([11]). La baisse du nombre de détenus a entraîné une réduction de certaines dépenses, notamment celles liées à la restauration (– 5 millions d’euros) et aux loyers des établissements pénitentiaires.

exÉcution des crÉdits du programme 107 Administration pÉnitentiaire en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

01 – Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

2 377,8

3 321,9

+ 40 %

2 475,8

2 537,9

+ 2,5 %

02 – Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

815,09

628,8

– 23 %

1 114,86

917,0

– 18 %

04 – Soutien et formation

389,5

406,6

+ 4 %

368,1

408,5

+ 11 %

Total

3 582,4

4 357,3

+ 22 %

3 958,8

3 863,4

 2,4 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Les dépenses continuent toutefois d’augmenter par rapport à 2019. Les crédits de l’action 01 sont particulièrement dynamiques, à la fois en AE (+ 30 %) et en CP (+ 6 %), en raison de d’un haut niveau de charges à payer reportées de 2019 vers 2020 ainsi que de l’accélération des projets immobiliers de l’administration pénitentiaire et du plan de construction de nouvelles places de prison.

Évolution des crÉdits du programme 107 Administration pÉnitentiaire

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

01 – Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

2 425,9

2 552,1

3 321,9

+ 30 %

2 226,4

2 391,2

2 537,9

+ 6 %

02 – Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

578,5

720,0

628,8

– 13 %

897,9

912,0

917,0

+ 0,6 %

04 – Soutien et formation

401,0

398,3

406,6

+ 2 %

373,3

390,7

408,5

+ 4,5 %

Total

3 405,4

3 670,4

4 357,3

+ 19 %

3 497,6

3 693,9

3 863,4

+ 5 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Les dépenses de personnel sont le premier poste du programme 107 puisqu’elles représentent 67 % des dépenses exécutées. Les crédits hors titre 2 ont atteint 1,258 milliard d’euros, en hausse de 7,9 % par rapport à 2019.

1.   Une sous-exécution des dépenses de personnel due à des recrutements inférieurs à la prévision

Les crédits de titre 2 s’élèvent à 2,6 milliards d’euros (dont 1,73 milliard d’euros hors CAS Pensions). Ils font l’objet d’une sous-exécution de 14,7 millions d’euros (hors CAS Pensions), due à des créations d’emplois moins importantes que prévu, au report de certaines mesures catégorielles ainsi qu’à une minoration du glissement vieillesse technicité. Les dépenses augmentent toutefois de 3,4 % par rapport à 2019. Les indemnités exceptionnelles versées aux 31 500 agents de la direction de l’administration pénitentiaire dans le cadre de la crise sanitaire ont représenté 22,5 millions d’euros.

Le schéma d’emplois prévu en loi de finances s’élevait à 1 000 ETP. Il a été réévalué de 100 emplois supplémentaires dans le cadre du renforcement de la justice de proximité en fin de gestion 2020. Le schéma d’emplois a été réalisé à hauteur de 1 180 ETP. Toutefois, la sur-exécution de 80 ETP n’est qu’apparente et résulte moins de nouvelles créations d’emplois que d’un nombre de départs de surveillants pénitentiaires moins important que les années précédentes (– 170 départs par rapport à 2019). Les créations d’emplois se limitent ainsi à 757 ETP contre une prévision de 959 ETP.

Le plafond d’emplois du programme 107 a été consommé à hauteur de 41 772 ETPT, contre une prévision de 42 319 ETPT. La sous-consommation de 556 ETPT résulte essentiellement de la crise sanitaire qui a conduit à décaler les recrutements, notamment avec la fusion des deux promotions de surveillants pénitentiaires prévues en 2020.

2.   Une forte progression des engagements immobiliers liée à l’accélération du plan de création de 15 000 places de prison

Le programme 107 concentre la majorité des crédits d’investissement de la mission, avec 1,11 milliard d’euros consommés en AE et 322,3 millions d’euros exécutés en CP, pour la conduite des projets immobiliers de l’administration pénitentiaire, mais aussi la modernisation des locaux existants, l’amélioration des conditions de détention et le renforcement de la sécurité des établissements.

Les AE font l’objet d’une forte sur-exécution de 810 millions d’euros, qui s’explique par d’importants reports de crédit de l’exercice 2019 (1,14 milliard d’euros). En parallèle, les CP du titre 5 sont sous-consommés (– 69,5 millions d’euros par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale). Bien que la forte progression des AE doive être saluée en ce qu’elle traduit l’accélération du plan de construction de 15 000 nouvelles places de prison d’ici 2027, le rapporteur regrette que celle-ci soit aussi tardive. Il convient de noter qu’aucune nouvelle livraison n’est intervenue en 2020 et que, compte tenu des retards accumulés, les délais annoncés ne seront pas tenus. Le rapporteur avait alerté sur ce point à plusieurs reprises dans le passé mais n’a manifestement pas été entendu.

Par ailleurs, l’exécution du programme 107 est fragilisée par l’importance croissante des dépenses relatives aux contrats de partenariat public-privé. Elles s’élèvent à 224 millions d’euros en AE et 191 millions d’euros en CP. Leur poids risque de contraindre les dépenses de l’immobilier judiciaire en produisant un effet d’éviction sur les nouveaux projets voire les dépenses d’entretien. Les partenariats public-privé font l’objet d’un point d’alerte de la Cour des comptes, qui conteste le mode de comptabilité utilisé par le ministère de la justice et la direction du budget, le montant des AE programmés n’intégrant pas la totalité des coûts induits. La Cour recommande de prendre en compte l’intégralité des engagements de l’État.

Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 915 millions d’euros en CP (hors fonds de concours et attributions de produit), contre une prévision de 921,9 millions d’euros. Le coût de fonctionnement des établissements pénitentiaires, en gestion publique ou déléguée, s’élève à 607,3 millions d’euros, en hausse de 4,2 % par rapport à 2019. Les moindres dépenses dues à la baisse du nombre de détenus, à la réduction des dépenses de réinsertion et à la suspension de certaines activités dues à la crise sanitaire ont été compensées par des prestations de nettoyage et d’entretien supplémentaires ainsi que par des mesures de soutien pour les détenus modestes (restauration, subventions téléphoniques). En outre, la progression du télétravail et la fourniture d’ordinateurs portables aux personnels de l’administration pénitentiaire ont induit une hausse des dépenses de 7,8 millions d’euros.

La subvention pour charges de service public versée à l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) s’est élevée à 31,79 millions d’euros, en retrait de 2,4 millions d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances. Son niveau est donc inférieur à celui de 2019 en AE comme en CP. La sous-exécution résulte de l’impact de la crise sanitaire sur les activités de l’école, qui a notamment conduit à une baisse des investissements prévus de 1,2 million d’euros. Le nombre d’emplois rémunérés par l’opérateur est conforme aux prévisions (265 ETPT).

B.   MalgrÉ la baisse de la population carcÉrale, les conditions de dÉtention continuent de se dÉgrader

Comme les années précédentes, les performances de l’administration pénitentiaire ne sont pas à la hauteur des moyens budgétaires mis à la disposition du programme 107.

1.   Une nouvelle dégradation des conditions de détention

Entre la mi-mars et la mi-mai 2020, la population carcérale a diminué de 72 575 à 58 886 personnes détenues, soit une diminution de 13 082 personnes détenues, dont 8 468 personnes condamnées et 4 614 personnes prévenues. Cette baisse conjoncturelle s’explique par une réduction des entrées en détention du fait du ralentissement de l’activité des juridictions, mais aussi en raison de libérations anticipées et de l’application de l’ordonnance pénale du 25 mars 2020 ([12]). Toutefois, la reprise des incarcérations à l’issue du premier confinement s’est accompagnée d’une hausse de 4 547 personnes détenues, dont 2 356 personnes condamnées et 2 191 personnes prévenues, entre la mi-mai et la fin décembre 2020.

Au 1er janvier 2021, 62 673 personnes étaient détenues en France contre 70 739 au 1er janvier 2020. Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires (indicateur 2.1) est ainsi passé de 115,7 % à 103 %. Si elle est stabilisée pour les centres de détention (87,3 % fin 2020 contre 89,5 % fin 2019), la densité carcérale demeure néanmoins très préoccupante pour les maisons d’arrêt (119,4 % fin 2020 contre 139 % fin 2019).

Taux d’occupation des Établissements pÉnitentiaires

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Taux d’occupation des places en maison d’arrêt

139

135

119,4

– 11,6 %

Taux d’occupation des places en centre de détention

89,5

95

87,3

– 8,1 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Évolution de la population carcÉrale

Source : commission des finances d’après les données du ministère de la justice.

Malgré la diminution de la population carcérale et la hausse des moyens budgétaires mis à la disposition de l’administration pénitentiaire, les indicateurs de performance du programme 107 ne laissent pas apparaître une amélioration des conditions de détention. Le taux d’occupation des structures dédiées au maintien de liens familiaux (indicateur 2.4) diminue de 65 % en 2019 à 51 % en 2020. La part des prévenus en attente de jugement par rapport à l’ensemble de la population pénale (indicateur 1.6) augmente de 20 % en 2019 à 23,4 % en 2020. On peut toutefois noter une hausse du nombre de personnes détenues bénéficiant d’une cellule individuelle (indicateur 2.2), qui passe de 40,5 % en 2019 à 47,9 %, du fait de la baisse de la population carcérale.

Concernant le niveau de sécurité dans les prisons, on note une augmentation préoccupante du nombre d’actes de violence physique contre le personnel pénitentiaire (indicateur 3.2), qui s’élève de 32 pour mille en 2019 à 56 pour mille en 2020. Depuis plusieurs années, le nombre d’actes de violence commis en détention progresse de façon continue. Aussi le rapporteur ne peut-il qu’encourager la poursuite des travaux engagés en vue de mieux prévenir mais aussi mieux réprimer les passages à l’acte.

Les indicateurs relatifs à la réinsertion des personnes détenues témoignent d’une stagnation des performances de l’administration pénitentiaire en 2021. Si le nombre de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d’une mesure de détention à domicile sous placement électronique, de placement à l’extérieur ou en semi-liberté (indicateur 1.1) augmente de 21,8 % en 2019 à 23,3 % en 2020, le nombre de prises en charge au titre du travail d’intérêt général (indicateur 2.1) est en recul de 25 %. En outre, le nombre de détenus bénéficiant d’une formation générale ou professionnelle (indicateur 1.4) diminue (8 % en 2020 contre 20 % en 2018). Le nombre de détenues travaillant à l’intérieur des établissements pénitentiaires est stable (28,5 %).

2.   Des retards qui se confirment pour le plan de création de 15 000 places de prison

L’exécution 2020 confirme les difficultés rencontrées par le ministère dans la réalisation du plan de 15 000 places de prison supplémentaire d’ici à 2027. Malgré la forte augmentation des crédits du programme 107, le plan connaîtra probablement des retards, non seulement dans la livraison des 7 000 nouvelles places d’ici 2022, mais aussi dans le lancement des travaux des 8 000 places restantes prévu à cette même date.

Depuis 2017, seules 2 000 places de détention ont été mises en service, dont 826 en 2019 avec l’ouverture de la maison d’arrêt de Paris‑La Santé et le quartier de semi‑liberté de Nanterre. En 2020, aucune nouvelle livraison n’est intervenue.

La crise sanitaire a incontestablement contraint à des reports d’opérations, accentuant ainsi les retards pris dans l’avancement du plan. Toutefois, comme les années précédentes, l’administration pénitentiaire a rencontré des difficultés pour accéder au foncier et n’a pas été en mesure de consommer l’intégralité des crédits d’investissement qui lui étaient affectés.

Selon les chiffres transmis par la direction de l’administration pénitentiaire pour les 7 000 places attendues d’ici 2022, l’acquisition des terrains est maîtrisée pour 90 % d’entre elles, le groupement de maîtrise d’œuvre et d’entreprises chargé des opérations a été choisi pour 89 % d’entre elles, mais le lancement des travaux n’est effectif que pour 46 % de ces places, soit moins de la moitié.

Le rapporteur spécial rappelle que seule la mise en œuvre d’un programme immobilier pénitentiaire ambitieux peut améliorer significativement les conditions d’incarcération et la sécurité des personnels pénitentiaire. Cela suppose un meilleur pilotage du plan de création de 15 000 places de prison afin d’atteindre les objectifs fixés à temps.

Recommandation  4 : renforcer le pilotage du plan de construction de 15 000 places de prison d’ici 2027 et des crédits d’investissement du programme 107 Administration pénitentiaire.

 


IV.   Le Programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse

La crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19 a eu un impact à la fois sur les activités des services de la protection judiciaire de la jeunesse et sur l’exécution des crédits du programme 182.

A.   Une exÉcution infÉrieure à la prÉvision en raison des effets de la crise sanitaire

En 2020, les crédits du programme 182 s’élèvent à 844,1 millions d’euros en AE et 862,3 millions d’euros en CP. Ils sont inférieurs, respectivement de 5 % et de 3,5 %, aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette sous-exécution résulte principalement des conséquences de la crise sanitaire sur les activités de la protection judiciaire de la jeunesse.

exÉcution des crÉdits du programme 182
Protection judiciaire de la jeunesse en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

01 – Mise en œuvre des décisions judiciaires

774,0

723,9

– 6,5 %

742,1

708,5

– 4,5 %

02 – Soutien

117,04

130,5

+ 11,5 %

112,35

123,6

+ 10,02 %

04 – Formation

39,9

29,6

– 25,65 %

39,1

30,2

– 22,68 %

Total

930,9

884,1

 5,0 %

893,6

862,3

 3,5 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Malgré la sous-exécution, les dépenses du programme 182 sont légèrement supérieures à leur niveau de 2019 (+ 1,7 % en AE et + 1,6 % en CP). La crise sanitaire a entraîné une forte réduction des dépenses de formation mais a aussi induit des dépenses supplémentaires (équipements sanitaires et informatiques).

Évolution des crÉdits exÉcutÉs du programme 182
Protection judiciaire de la jeunesse

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

01 – Mise en œuvre des décisions judiciaires

684,6

717,5

723,9

+ 0,9 %

680,4

704,4

708,5

+ 0,6 %

02 – Soutien

111,4

119,1

130,5

+ 9,6 %

111,2

113,2

123,6

+ 9,2 %

04 – Formation

39,9

32,9

29,6

– 9,94 %

33,3

31,4

30,2

– 3,69 %

Total

835,9

869,5

884,1

+ 1,7 %

824,9

848,9

862,3

+ 1,6 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

1.   Des crédits de titre 2 et un schéma d’emplois réalisé très proches de la prévision

Les dépenses de personnel s’élèvent à 527 millions d’euros (dont 379,2 millions d’euros hors CAS Pensions). Elles font l’objet d’une sousexécution de 11,1 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale. Elles augmentent de 10,6 millions d’euros par rapport à 2019.

Le schéma d’emplois du programme 182 s’élevait à 156 ETP pour 2020, dont 70 ETP ([13]) inscrits dans la loi de finances pour 2020 et 86 ETP alloués dans le cadre du renforcement de la justice de proximité en fin de gestion 2020. Il a été exécuté à hauteur de 154 ETP. Le schéma d’emplois initial présente une sous‑consommation de 10 ETP mais celle-ci est compensée par une sur-exécution de 8 ETP sur la justice de proximité.

2.   Les dépenses hors titre 2 en faible progression dans le contexte de crise sanitaire

Les crédits hors masse salariale s’élèvent à 357,4 millions d’euros. Elles augmentent de 3 % par rapport à 2019.

Les dépenses d’intervention relatives à la justice des mineurs représentent la majeure partie des crédits. Elles financent le secteur associatif habilité qui conduit certaines mesures judiciaires d’investigation éducatives (MJIE) décidées par le juge et prend en charge des mineurs délinquants dans les centres éducatifs fermés et les centres d’hébergement.

L’exécution 2020 s’élève à 234,4 millions d’euros, en baisse de 2,1 % par rapport à 2019 (239,3 millions d’euros). Elle est inférieure de 14,6 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances. La crise sanitaire a entraîné des moindres dépenses, avec des reports dans la création ou l’extension des services d’investigation éducative et des lieux d’accueil (– 3,5 millions d’euros) et un ralentissement des activités de formation (– 1 million d’euros). En outre, les services ont éprouvé des difficultés à trouver des familles d’accueil, d’où une sous‑consommation des indemnités de placement familial de 1,5 million d’euros.

Les dépenses de fonctionnement ont été entièrement consommées. L’exécution des AE est conforme à la prévision (101,8 millions d’euros) tandis que les CP (87,9 millions d’euros) présentent une sur-exécution due notamment à des dépenses supplémentaires en informatique et en nettoyage en raison de la crise sanitaire. Les dépenses d’investissement représentent une faible part des dépenses, avec 23,7 millions d’euros en AE et 13 millions d’euros en CP.

B.   Les Indicateurs de performance traduisent l’impact de la crise sanitaire sur la protection judiciaire de la jeunesse

La crise sanitaire a entraîné une moindre réactivité dans la mise en œuvre des décisions judiciaires tant pour le secteur public que pour le secteur associatif. L’indicateur 1.1 montre des délais moyens de prise en charge imputables aux services du secteur public et du secteur associatif habilité bien supérieurs aux prévisions et légèrement au-dessus de leur niveau de 2019, avec 20,6 jours pour les mesures de milieu ouvert et 19,5 jours pour les mesures judiciaires d’investigation éducatives (MJIE).

DÉlais moyens de prise en charge imputables aux services
du secteur public et du secteur associatif habilitÉ

(en jours)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Mesures de milieu ouvert (hors MJIE) tous fondements juridiques confondus

18,5

10

20,6

+ 106,0 %

MJIE tous fondements juridiques confondus

17,9

12

19,5

+ 62,5 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Le nombre de jeunes pris en charge dans un dispositif d’insertion sociale et professionnelle ou de formation (indicateur 1.2) est tombé à 55 %, contre 65 % en 2019 et 71 % en 2018. Il est très loin des 90 % attendus pour 2020, ce qui montre combien la prévision était optimiste. Le ministère explique cette dégradation par l’inadéquation du logiciel de suivi GAME. Le nouveau logiciel PARCOURS visant renforcer le suivi des données n’est toujours pas opérationnel.

Le nombre de mineurs incarcérés s’élevait à 752 au 1er janvier 2021. Il a donc augmenté en cours d’année par rapport à ses niveaux du mois d’avril (660) et du mois de juillet 2020 (670). Les mineurs incarcérés représentent un peu plus de 1 % de la population carcérale. Seul un tiers d’entre eux résident en établissements pénitentiaires pour mineurs tandis que deux tiers ne sont pas encore jugés et résident en quartiers pour mineurs. La durée moyenne de leur détention a atteint 3,9 mois en 2020.

En raison de la diminution du nombre de mineurs incarcérés due à la période de crise sanitaire, les taux d’occupation et de prescription de placement dans les établissements de la protection judiciaire de la jeunesse sont nettement inférieurs aux prévisions initiales ainsi qu’à leur niveau de 2019. Les prévisions pour 2021 laissent toutefois entrevoir une remontée des taux d’occupation dans les prochains mois.

Taux d’occupation et de prescription des Établissements

(en jours)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Taux d’occupation des établissements de placement éducatif du secteur public

70

73

59

– 19,2 %

Taux de prescription des établissements de placement éducatif du secteur public

89

90

83

– 7,8 %

Taux d’occupation des centres éducatifs renforcés (secteurs public et associatif)

79

85

74

– 12,9 %

Taux de prescription des centres éducatifs renforcés (secteurs public et associatif)

87

90

82

– 8,9 %

Taux d’occupation des centres éducatifs fermés (secteurs public et associatif)

74

80

67

– 16,3 %

Taux de prescription des centres éducatifs fermés (secteurs public et associatif)

87

89

82

– 7,9 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

S’agissant des centres éducatifs fermés, dans le secteur public ou dans le secteur associatif habilité, l’administration est confrontée à un fort taux de rotation des équipes éducatives et à des difficultés de recrutement qui entraînent des problèmes d’organisation et de fonctionnement. Face aux difficultés récurrentes qui pèsent fortement sur la performance globale des dispositifs de placement, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a engagé, en 2020, des « états généraux du placement » impliquant toutes les parties prenantes (secteur public, secteur associatif habilité, magistrats et partenaires) afin d’améliorer les dispositifs de placement judiciaire dans le nouveau cadre posé par la loi de programmation et de réforme pour la justice.

 

 


V.   Le Programme 101 ACCÈS au droit et À la justice

En 2020, les dépenses et le fonctionnement de l’aide juridictionnelle ont été fortement affectés par la grève des avocats puis la crise sanitaire.

A.   Une sous-exÉcution des crÉdits de l’aide juridictionnelle due au ralentissement de l’activitÉ judiciaire

Les crédits du programme 101 Accès au droit et à la justice s’élèvent à 466,1 millions d’euros en AE et 465,2 millions d’euros en CP. Ils sont inférieurs de 12 % aux prévisions de la loi de finances pour 2020. Cette sous-exécution résulte d’une forte sous-consommation des crédits de l’aide juridictionnelle (– 13 %), qui représente plus de 90 % des crédits du programme.

exÉcution des crÉdits du programme 101
AccÈs au droit et À la justice en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

01 – Aide juridictionnelle

484,3

419,3

– 13,4 %

484,3

419,4

– 13,4 %

02 – Accès au droit et réseau de proximité

8,6

8,2

– 4,9 %

8,6

8,3

– 3,7 %

03 – Aide aux victimes

28,8

30,0

+ 4,3 %

28,8

28,9

+ 0,6 %

04 – Médiation familiale et espaces de rencontre

8,75

8,6

– 1,8 %

8,75

8,6

– 1,8 %

Total

530,5

466,1

 12,1 %

530,5

465,2

 12,3 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

En dépit de la sous-exécution constatée, les crédits du programme 101 sont légèrement supérieurs à leur niveau de 2019 (+ 2,9 % en AE et + 2,7 % en CP). Cette évolution correspond largement à l’évolution des crédits de l’aide juridictionnelle (+ 2,5 %).

Évolution des crÉdits exÉcutÉs du programme 101
AccÈs au droit et À la justice

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

01 – Aide juridictionnelle

388,5

409,2

419,3

+ 2,5 %

388,7

409,1

419,4

+ 2,5 %

02 – Accès au droit et réseau de proximité

7,9

7,9

8,2

+ 4,3 %

7,9

7,9

8,3

+ 5,5 %

03 – Aide aux victimes

27,4

28,1

30,0

+ 6,9 %

27,1

28,1

28,9

+ 3,0 %

04 – Médiation familiale et espaces de rencontre

6,4

7,7

8,6

+ 11,4 %

6,4

7,7

8,6

+ 11,4 %

Total

430,1

452,8

466,1

+ 2,9 %

430,1

452,9

465,2

+ 2,7 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

La quasi-intégralité des crédits du programme 101 sont des dépenses d’intervention. Le programme ne supporte aucune dépense de personnel et uniquement de faibles dépenses de fonctionnement (3,6 millions d’euros en AE et 2,5 millions d’euros en CP).

Les crédits de l’aide juridictionnelle ont atteint 419 millions d’euros en 2020, soit une hausse de 10 millions d’euros par rapport à 2019. Ils présentent une sous-exécution de 64,9 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale. Cette sous-exécution résulte du fort ralentissement de l’activité des juridictions dû à la crise sanitaire et en partie à la grève des avocats en début d’exercice. Elle s’explique aussi par la réforme de l’aide juridictionnelle adoptée dans la loi de finances pour 2020, qui a budgétisé la ressource extrabudgétaire que constituait auparavant la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique et des amendes liées à certaines infractions pénales et que percevait le Conseil national des barreaux.

Les crédits de l’aide aux victimes ont atteint 30 millions d’euros en AE et 28,9 millions d’euros en CP. Ils font l’objet d’une sur-exécution en AE (+ 4,3 %) et sont relativement stables en CP (+ 0,6 %). Comme l’année dernière, l’effort principal a porté sur les bureaux d’aide aux victimes assistant à un procès pénal.

Les dépenses liées à l’accès au droit ont atteint 8,2 millions d’euros en AE et 8,3 millions d’euros en CP, en hausse par rapport à 2019 (+ 4 % en AE et + 5 % en CP). Elles sont légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale (8,6 millions d’euros).

Enfin, les crédits en faveur de la médication familiale et des espaces de rencontre ont atteint 8,6 millions d’euros, en léger retrait par rapport à la loi de finances initiale (8,75 millions d’euros). Elles progressent de 0,9 million d’euros par rapport à 2019, principalement en raison de l’expérimentation relative à la médication obligatoire adoptée dans la loi de finances pour 2020 (+ 0,5 million d’euros) tandis que les espaces de rencontre voient leurs moyens augmenter (+ 0,36 million d’euros).

B.   Des indicateurs de performance qui se dÉgradent

La crise sanitaire a entraîné un allongement du délai moyen de traitement des demandes d’aide juridictionnelle (indicateur 1.1), qui s’élève à 52,5 jours en 2020, un chiffre très largement supérieur à la prévision (36 jours). Le délai augmente par rapport aux années antérieures (41,1 jours en 2019, 38 jours en 2018, 36 jours en 2017). En parallèle, la part des dossiers dont le traitement est inférieur à 45 jours diminue de 69,8 % en 2019 à 57,5 % en 2020.

DÉlai de traitement des demandes d’aide juridictionnelle

(en jours)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Délai moyen de traitement des demandes d’aide juridictionnelle (en jours)

41,1

36

52,2

+ 45,0 %

Part des dossiers dont le délai de traitement est inférieur à 45 jours (en pourcentage)

69,8

71

57,5

– 19,0 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Le coût du traitement d’une décision d’aide juridictionnelle augmente pour atteindre 11,78 euros en 2020. Il est conforme à la prévision (moins de 13 euros) mais il augmente par rapport à 2019 (11,14 euros). Cette augmentation est due aux effets de la grève des avocats puis du confinement, qui ont réduit le nombre des décisions d’admission prises par les bureaux d’aide juridictionnelle en 2020, ce qui entraîne une hausse du coût de traitement moyen, dans la mesure où la masse salariale reste globalement stable.

Comme l’année précédente, le taux de mise en recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle (indicateur 2.2) est inférieur à la prévision (3 % en 2020 contre une prévision d’au moins 6 %). Il diminue même par rapport à 2019 (3,7 %) et 2018 (4,6 %). Malgré le contexte de crise sanitaire, l’affaiblissement continu du taux de recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle, qui répond pourtant au souci d’une bonne gestion des deniers publics et d’un traitement équitable des justiciables, revêt un caractère structurel et donc préoccupant.

La part des demandes d’aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée (indicateur 1.2) n’est pas renseignée. Cet indicateur est lié au développement du système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), dont le déploiement était initialement prévu en fin d’année 2020. Il a été reporté en raison de la crise sanitaire et n’est réalisé à titre expérimental que depuis mars 2021. Si la crise sanitaire a permis d’accélérer quelque peu la transformation numérique du ministère de la justice, elle n’en a pas moins souligné voire accentué certains retards dans ce domaine, qui doivent être comblés rapidement.

VI.   Le Programme 310 conduite et du pilotage de la politique de la justice

Le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice bénéficie depuis plusieurs exercices d’une forte augmentation de ses crédits et de ses emplois, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du plan de transformation numérique du ministère de la justice. La crise sanitaire a mis en évidence les progrès réalisés par le ministère en la matière, mais aussi les marges de progression qui subsistent.

A.   une accÉlÉration contrainte du plan de transformation numÉrique

En 2020, l’exécution des crédits du programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice s’est élevée à 489,7 millions d’euros en AE et 475,7 millions d’euros en CP. Les AE font l’objet d’une sur-exécution de 37,4 millions d’euros. Ils bénéficient de reports de crédits de 2019 et illustrent l’avancement du plan de transformation numérique du ministère. Si les dépenses de fonctionnement sont, du fait de la crise, supérieures à la prévision, on constate toutefois une sous-exécution des dépenses d’investissement due à un manque de maturité des investissements informatiques.

exÉcution des crÉdits du programme 310
Conduite et pilotage de la politique de la justice en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

LFI 2020

Exécution 2020

Écart LFI / exécution

01 – État-major

11,1

9,1

– 18,3 %

11,1

9,1

– 18,2 %

02 – Activité normative

26,4

25,7

– 2,7 %

26,4

25,7

– 2,7 %

03 – Évaluation, contrôle, études et recherche

20,0

20,3

+ 1,4 %

20,2

20,6

+ 2,1 %

04 – Gestion de l’administration centrale

135,4

129,1

– 4,6 %

150,6

144,9

– 3,8 %

09 – Action informatique ministérielle

213,30

259,5

+ 21,7 %

246,15

228,6

– 7,1 %

10 – Politiques RH transversales

46,1

46,1

– 0,0 %

46,1

46,9

+ 1,7 %

Total

452,3

489,7

+ 8,3 %

500,5

475,7

 5,0 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance pour 2020.

Les AE exécutées sont inférieures à leur niveau de 2019, année au cours de laquelle de nombreux projets numériques avaient été engagés. Les CP progressent de 17,2 millions d’euros (+ 3,8 %), traduisant notamment les conséquences de la crise sur les dépenses de fonctionnement informatiques (fourniture d’ordinateurs portables, augmentation des équipements de travail à distance et de visioconférence).

Évolution des crÉdits exÉcutÉs du programme 310
Conduite et pilotage de la politique de la justice

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

2018

2019

2020

Évolution 2019-20

01 – État-major

9,3

9,3

9,1

– 2,2 %

9,2

9,2

9,1

– 1,7 %

02 – Activité normative

26,2

25,7

25,7

– 0,0 %

26,2

25,7

25,7

– 0,0 %

03 – Évaluation, contrôle, études et recherche

20,1

19,5

20,3

+ 3,9 %

19,9

19,6

20,6

+ 5,2 %

04 – Gestion de l’administration centrale

124,7

178,0

129,1

– 27,5 %

134,7

138,6

144,9

+ 4,6 %

09 – Action informatique ministérielle

198,9

257,2

259,5

+ 0,9 %

185,4

220,9

228,6

+ 3,4 %

10 – Politiques RH transversales

45,0

46,3

46,1

– 0,5 %

41,3

44,4

46,9

+ 5,5 %

Total

424,0

536,0

489,7

 8,6 %

416,7

458,5

475,7

+ 3,8 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performances pour 2020.

1.   Des recrutements supérieurs à la prévision

L’exécution des dépenses de personnel s’établit à 182,5 millions pour 2020. Hors CAS Pensions, ils atteignent 143,9 millions d’euros et présentent un léger dépassement de 0,9 million d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances.

Le schéma d’emplois exécuté est de 83 ETP et excède la prévision de 17 ETP. Les emplois ont été créés au secrétariat général au titre du plan de transformation numérique (67 ETP), mais aussi au profit de l’Agence nationale des techniques numériques judiciaires (7 ETP) et pour le recrutement de référents hygiène, sécurité, conditions de travail et handicap dans les délégations interrégionales du secrétariat général (9 ETP). Le plafond d’emplois consommé s’élève à 2 467 ETPT et excède de 35 ETPT le plafond des autorisations d’emplois.

Le ministère explique ces dépassements par un nombre de départs moins important que prévu ainsi que par une nouvelle stratégie de recrutement visant à surmonter les difficultés rencontrées les années précédentes pour engager et fidéliser des informaticiens, qui a conduit à recruter tôt dans l’année (70 % des emplois dès le mois d’avril 2020) et laissé peu de marge de pilotage en fin de gestion.

Le recrutement de 260 ETP sur cinq ans au sein du service des systèmes d’information et de communication et des départements informatiques des délégations interrégionales a débuté en 2018. Le solde à fin 2020 est de 166 ETP. Il reste à recruter encore 94 ETP sur deux ans pour atteindre l’objectif.

2.   La progression des dépenses liées au plan de transformation numérique

Les dépenses hors masse salariale s’élèvent à 307,3 millions d’euros en AE et 293,2 millions en CP, soit un taux d’exécution de 92 %. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a annulé 8,3 millions d’euros en AE et 25 milliards d’euros en CP pour tenir compte de l’impact de la situation sanitaire sur les investissements prévus en 2020.

Les dépenses de fonctionnement ont atteint 182,5 millions en AE et en CP, un montant très proche de l’autorisation budgétaire. La crise sanitaire a entraîné une surconsommation des dépenses de fonctionnement courant, qui ont atteint 16,8 millions d’euros, soit un dépassement de 11 %. La crise a aussi permis des moindres dépenses (frais de déplacement, frais d’études). Les autres dépenses concernent l’immobilier (36,2 millions d’euros), l’action sociale (29,8 millions d’euros) et les crédits versés aux opérateurs (13,9 millions d’euros).

Les dépenses d’investissement consommées s’élèvent à 124 millions d’euros en AE et 115 millions d’euros en CP. Les AE excèdent largement la prévision (+ 52,3 millions d’euros) tandis que les CP présentent une forte sous‑exécution (– 27,2 millions d’euros).

Comme les années précédentes, le plan de transformation numérique du ministère de la justice représente un effort budgétaire important :

– en fonctionnement, les dépenses informatiques ont atteint 81,5 millions d’euros (contre une prévision de 70 millions d’euros). La sur-exécution est due à l’accélération induite par la crise sanitaire, avec le déploiement de 17 000 ordinateurs portables et de 3 500 téléphones sécurisés au profit des agents du ministère, ainsi qu’avec l’augmentation de la capacité d’accès à distance à l’environnement de travail par VPN ;

– en investissement, les CP s’élèvent à 114,9 millions, soit un taux d’exécution de 84,5 %, qui résulte de décalages engendrés par la crise sanitaire, mais aussi de difficultés de pilotage. Les AE ont atteint 124,6 millions d’euros, soit une sur-exécution de 177 %, due à d’importants reports d’AE non consommés en 2019.

exÉcution des dÉpenses hors titre 2 de l’action 09
Action informatique ministÉrielle en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

Fonctionnement

102,8

102,7

– 0,1 %

70,0

81,5

+ 16,4 %

Projets et infrastructures

70,35

124,6

+ 77,1 %

136,0

114,9

– 15,5 %

Total

173,2

227,3

+ 31,3 %

206,0

196,4

 4,7 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performances pour 2020.

L’avancement du plan de transformation numérique s’est concentré sur deux éléments principaux : le programme « Portalis » de dématérialisation des procédures civiles (11,8 millions d’euros en AE et 12,7 millions d’euros en CP) et le programme « Cassiopée » de partage d’informations entre juridictions (11,3 millions d’euros en AE et 7,6 millions d’euros en CP), dont la deuxième version initialement prévue en 2020 est reportée à 2021.

La procédure pénale numérique, projet porté conjointement par les ministères de la justice et de l’intérieur, vise à dématérialiser les échanges entre les acteurs de la procédure pénale, depuis l’enregistrement d’une plainte ou la constatation d’une infraction jusqu’à l’audience. Elle est toujours au stade de l’expérimentation, dans les tribunaux judiciaires d’Amiens et de Blois, mais son champ a été étendu à l’ensemble des orientations pénales en cours d’année 2020.

Le rapporteur spécial salue les efforts réalisés en 2020. Il note toutefois que les difficultés du pilotage du plan de transformation numérique demeurent. Il rappelle que ce constat est partagé par la Cour des comptes, par la direction du budget ainsi que par le CBCM. En conséquence, il appuie fermement la recommandation n° 3 de la Cour visant à « établir un suivi plus fin des dépenses informatiques, par projet et nature des dépenses, afin de pouvoir mieux piloter ces investissements » ([14]).

B.   MalgrÉ les moyens mobilisÉs, les Indicateurs ne montrent pas de rÉelle amÉlioration de la performance

Si les crédits consommés dans le cadre du plan de transformation numérique du ministère sont en hausse, il reste à évaluer les effets des mesures mises en œuvre depuis 2018.

La crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur bienvenu pour le ministère. Comme indiqué précédemment, elle a conduit à déployer 17 000 ordinateurs portables (dont 13 000 pour les juridictions) et 3 500 téléphones sécurisés au profit des agents du ministère ainsi qu’à augmenter la capacité d’accès à distance à l’environnement de travail par VPN, qui a été porté de 2 500 à 50 000 connexions simultanées.

En outre, l’indicateur 1.3 relatif au respect des coûts et des délais des grands projets informatiques montre un taux d’écart calendaire agrégé de 1,2 %, conforme à la prévision et inférieur à son niveau de 2019. Le faible écart constaté en 2020 est porté par le projet PROJAE, dont le marché a été notifié avec six mois de retard par rapport aux délais prévus. En parallèle, le taux d’écart budgétaire atteint 5,8 % en 2020. Il est conforme à la prévision en baisse par rapport à 2019. L’écart principal porte sur le projet PORTALIS-PCN dont le coût s’est révélé supérieur au coût prévisionnel.

Respect des coÛts et dÉlais des grands projets informatiques

(en jours)

 

Réalisation 2019

Prévision
LFI 2020

Réalisation 2020

Écart à la prévision

Taux d’écart budgétaire agrégé

20,96

7

5,8

– 17,1 %

Taux d’écart calendaire agrégé

12,65

1,4

1,2

– 14,3 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performances pour 2020.

S’agissant de la performance des systèmes d’information et de communication, l’indicateur 1.4 montre que la part des utilisateurs satisfaits de leur environnement de travail (mesurée à partir d’une enquête de satisfaction réalisée auprès des agents du ministère de la justice, les agents satisfaits étant ceux qui ont fait un état de satisfaction compris entre 7 et 10 sur 10) atteint 32,8 % en 2020 et augmente par rapport à 2019 (25,6 %), même si elle demeure en dessous de la cible (35 %). Par ailleurs, la part des sollicitations du support utilisateurs résolues au niveau 1, c’est-à-dire résolues et clôturées par le centre de services informatiques sans qu’il ne soit besoin faire appel à un autre intervenant, est inférieure à la prévision et au niveau constaté en 2019 (40 % contre 50 %).

Néanmoins, malgré les progrès réalisés, l’exécution 2020 a aussi mis en évidence les marges de progression qui subsistent. Le rapporteur spécial a pu constater, lors de ses auditions de terrain, la réalité de l’accélération de la transformation numérique du ministère durant la période de crise aiguë, mais aussi le ralentissement des efforts au gré de la sortie de crise.

Or, de nombreux progrès restent à faire. Sur le plan des équipements, la quasi-totalité des magistrats est certes équipée, mais ce n’est pas encore le cas de tous les greffiers et fonctionnaires du ministère. De surcroît, beaucoup d’applications maison ne fonctionnent pas encore à distance, ce qui rend le télétravail impossible. Aussi le rapporteur ne peut qu’appeler la Chancellerie à poursuivre les avancées réalisées en 2020.

 


— 1 —

   SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION :
LES MOYENS AFFECTÉS AU MINISTÈRE PUBLIC

Dans le cadre de ses travaux du Printemps de l’évaluation 2021, le rapporteur spécial a choisi d’évaluer les moyens affectés au ministère public.

Le ministère public est « l’autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte, d’une part, des droits des individus, et, d’autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénale » ([15]). À ce titre, il est partie intégrante de l’autorité judiciaire « qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle [et] comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet », selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel ([16]).

Le manque de moyens du ministère public n’est pas une question nouvelle. En 2013, le rapport sur la refonte du ministère public ([17]), rédigée sous la présidence de Jean‑Louis Nadal, s’ouvrait sur un constat sans équivoque : « Le ministère public connaît une crise profonde ». Le rapport mettait en évidence « un décalage flagrant entre les missions et les moyens du ministère public » et appelait à « donner au ministère public des moyens à la hauteur de son rôle ».

En 2017, le « Livre noir du ministère public » ([18]) dénonçait le manque de moyens humains et matériels dont souffrent les parquets et allait jusqu’à évoquer une justice « en voie de clochardisation ».

En 2018, le rapport de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur l’attractivité du ministère public ([19]) prolongeait l’analyse : « Il n’est plus possible de considérer comme normal que la justice judiciaire soit à ce point déshéritée ». Pour « garantir une justice moderne et efficiente », le rapport recommandait « des moyens à la hauteur » des missions du parquet et proposait d’augmenter « significativement » le nombre de procureurs en « sous-effectif chronique ».

Ces constats sans concession résonnent comme un appel à l’aide de la part de ceux qui sont quotidiennement confrontés au manque de moyens de la justice et qui pourtant continuent d’assurer le fonctionnement de l’institution judiciaire avec un engagement exemplaire. Il convient donc d’examiner si les moyens du ministère public ont été mis en adéquation avec ses missions.

I.   Le ministÈre public souffre d’un manque de moyens qui l’entrave dans l’accomplissement de ses missions

Les travaux conduits par le rapporteur confirment le décalage entre, d’une part, les moyens affectés au ministère public et, d’autre part, les missions qui lui sont confiées et la charge de travail croissante des parquets. Outre une perte d’attractivité, cette situation entraîne également une tendance au délaissement de certaines missions.

A.   Un DÉcalage croissant entre les moyens et les Missions du ministÈre public

Les comparaisons internationales montrent que le ministère public, en France, dispose de moins de moyens qu’à l’étranger tout en ayant la responsabilité de davantage de missions. En outre, les procureurs doivent faire face à une complexification croissante des règles de procédure pénale.

1.   Des moyens budgétaires et humains inférieurs à la moyenne européenne

Il n’est pas évident d’évaluer les moyens budgétaires affectés au ministère public, dans la mesure où il est impossible d’isoler au sein de la mission Justice les crédits et les emplois destinés aux parquets. N’est disponible que la somme globale des moyens alloués à l’institution judiciaire sur les programmes 166 Justice judiciaire, 101 Accès au droit et à la justice, 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice et 355 Conseil supérieur de la magistrature.

Néanmoins, il existe incontestablement un grand écart entre les moyens affectés à la justice judiciaire, et plus particulièrement au ministère public, en France et à l’étranger. Le dernier rapport d’évaluation de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ([20]), dans la lignée des rapports précédents, en atteste.

En 2018, la France a dépensé 69,50 euros par habitant pour la justice judiciaire, un chiffre certes en hausse par rapport aux chiffres de 2016 (65,90 euros par habitant), mais qui demeure en dessous de la moyenne des quarante‑sept États membres de la CEPEJ (71,50 euros) et plus encore si on la compare avec les pays ayant un produit intérieur brut par habitant similaire (131,20 euros par habitant pour l’Allemagne, 92,60 euros pour l’Espagne, 83,70 euros pour le Belgique et 83,17 euros pour l’Italie).

En outre, les juridictions font face à un manque structurel d’effectifs, qui concerne aussi les magistrats du siège ([21]), mais qui est encore plus important pour les magistrats du parquet. Le nombre de procureurs pour 100 000 habitants est de 3 en France contre une moyenne de 12,13 en Europe et, pour la comparer avec des systèmes judiciaires similaires, 3,7 en Italie, 5,2 en Espagne, 7,1 en Allemagne et 7,7 en Belgique. Il s’agit ici d’un problème durable, puisque le nombre de procureurs pour 100 000 habitants est stable entre 2010 et 2018 en France, là où il augmente en Europe (+ 9 %), en Allemagne (+ 10 %) et en Italie (+ 13 %).

Au-delà du nombre de procureurs stricto sensu, on peut déplorer le manque de personnels sur qui les procureurs peuvent compter dans l’accomplissement de leurs missions. En Allemagne, chaque magistrat du ministère public dispose d’un auxiliaire de justice (Rechtspfleger). En France, les emplois de délégués du procureur, d’assistants de justice ou de juristes assistants sont loin d’être systématiques. Les procureurs sont moins bien dotés que les magistrats du siège dont l’équipe est souvent plus étoffée. En outre, les magistrats du parquet comme ceux du siège subissent le manque de personnels de greffe.

2.   Des attributions plus larges que dans les systèmes judiciaires comparables

Malgré le manque de moyens affectés au ministère public, la France est un des pays où les missions assignées au ministère sont les plus nombreuses. Ainsi, sur les quatorze rôles ou attributions dévolus aux parquets dans les différents pays de la CEPEJ, les procureurs français en exercent treize.

SynthÈse des rôles et attributions des procureurs en 2018

Source : CEPEJ, rapport d’évaluation sur les systèmes judiciaires européens, 2020, page 60.

Compte tenu de cette situation, il n’est guère étonnant de constater que le nombre d’affaires reçues par les procureurs est plus élevé en France. En 2018, le nombre d’affaires pour 100 habitants en France (6,64) était deux fois supérieur à la moyenne européenne (3,10 ou 2,07) et plus élevé que dans les systèmes judiciaires équivalents (5,92 en Allemagne, 4,79 en Belgique, 4,92 en Italie). De même, le nombre moyen d’affaires reçues par procureur atteignait des records (2 201 affaires en France contre 189 pour la moyenne européenne, 836 en Allemagne, 623 en Belgique et 1 332 en Italie).

Le décalage entre les moyens et les missions du parquet est si flagrant que notre pays est pris en contre-exemple dans le rapport de la CEPEJ : « la France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe ou presque (3 pour 100 000 habitants), ces derniers devant, malgré tout, gérer un nombre très élevé d’affaires (6,6 pour 100 habitants) et exercer un nombre record de fonctions (13) » ([22]). Parmi les attributions les moins usuelles dans les pays voisins, on retrouve notamment : « Superviser la procédure d’exécution », « Classer une enquête en appliquant ou négociant une sanction ou mesure sans décision d’un juge » et « Rôle dans les affaires civiles ou administratives ».

Par ailleurs, il convient de distinguer le parquet de première instance du parquet général, dont les missions sont encore plus nombreuses. Par exemple, le procureur général est chargé de veiller à l’application de la loi pénale et au bon fonctionnement des parquets de son ressort, d’animer et de coordonner l’action des procureurs. Il doit aussi procéder à l’évaluation de l’application de la loi pénale et des instructions générales. À ce titre, il adresse au ministre de la justice des rapports annuels sur la politique pénale, l’activité et la gestion des parquets de son ressort.

3.   Un nombre d’affaires en augmentation

Le rapport Nadal, le Livre noir du ministère public et le rapport de l’IGJ concluaient tous à une forte augmentation de la charge de travail des parquets depuis vingt ans. Cette tendance ne s’est pas arrêtée.

Il est difficile de dresser un bilan de l’évolution de la charge de travail du ministère public. L’impact immédiat des réformes intervenues ces dernières années n’est pas évident. La charge de travail est aussi liée à la déclinaison de la politique pénale selon les spécificités et les particularismes des territoires en matière de délinquance. En outre, il faut tenir compte des spécialisations de certains contentieux qui ont donné lieu à la création de parquets spécialisés (parquet national financier, juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, parquet national anti-terrorisme).

Entre 2012 et 2019, les parquets ont, chaque année, enregistré entre 4,7 et 5 millions d’affaires nouvelles et orienté entre 4,2 et 4,5 millions d’affaires. Le nombre de plaintes et procès-verbaux (PV) enregistrés a diminué de 6 % et le nombre de PV enregistrés hors « petits X » ([23]) est resté stable (– 1 %). Le traitement des plaintes a diminué de 7 % tandis que le traitement des affaires hors « petits X » a baissé d’un peu moins de 2 %. Ces derniers chiffres correspondent aux décisions de classement sans suite, aux alternatives aux poursuites ou aux poursuites devant les juridictions d’instruction ou de jugement prises par les magistrats du parquet.

Évolution du nombre d’affaires reçues et traitÉes par le ministÈre public

Source : commission des finances d’après les données communiquées par la DSJ.

D’autres indicateurs sont plus significatifs de l’augmentation de la charge de travail des parquets. Ainsi, le nombre de classements sans suite pour un motif lié à un préjudice ou un trouble peu important est passé de 25 000 en 2012 à 37 000 en 2019. Cette augmentation peut être liée à un certain nombre de plaintes mal fondées sur le plan pénal comme aux limites des capacités d’absorption des juridictions de jugement ou de mise en œuvre des alternatives. Il est possible d’y voir également un effet du déstockage des procédures.

Les rappels à loi par officier de police judiciaire représentent deux tiers des 230 000 rappels à la loi ordonnés chaque année. En l’état des effectifs, la capacité supplémentaire d’absorption d’un nombre supérieur de rappels à la loi par les délégués ou les substituts reste limitée.

4.   Une tendance à la complexification des procédures pénales

L’augmentation des affaires à traiter résulte en partie d’une tendance à l’inflation et à l’instabilité législatives. Le Livre noir du ministère public dénonçait déjà « une inflation normative, textuelle et jurisprudentielle destructrice » et « la pénalisation à outrance de nombreux comportements ». Il citait en exemple l’augmentation du volume du code pénal (3 055 pages en 2016 contre 1 118 pages en 1981) et des circulaires de la direction des affaires criminelles et de grâces (DACG) (106 en 2016 contre 19 en 1981).

En avril 2018, une étude de la DACG a recensé, sur les vingt dernières années, pas moins de quarante-quatre lois qui ont profondément modifié les régimes de poursuites et les délais de prescription, créé des infractions nouvelles, modifié le régime des fichiers, réformé en profondeur l’organisation judiciaire de l’application des peines. L’inflation est particulièrement nette en matière d’incriminations pénales, avec 700 infractions criminelles contre 411 en 2002, 8 000 infractions délictuelles contre 5 400 en 2002 et 6 000 contraventions contre 4 400 en 2002. À l’inverse, il est rarement et très marginalement procédé à la dépénalisation de certains comportements. La dernière suppression d’un contentieux de masse remonte à la dépénalisation du délit de chèque sans provision en 1992 ([24]).

Ces modifications législatives ont des conséquences organisationnelles majeures pour les parquets, qui assument à eux seuls plus de 98 % des enquêtes pénales avant tout jugement et 41 % des réponses sans recours à un juge.

Toutefois, il convient de relativiser l’impact de la pénalisation de nouveaux comportements sur le travail du ministère public. Dans de nombreux cas, l’évolution de la loi vient remplir un vide juridique qui simplifie le travail de la justice en lui permettant de donner une réponse plus adaptée à des problèmes auxquels elle était déjà confrontée auparavant. Par exemple, la création du délit de réitération de l’infraction de non-respect des règles de confinement ([25]) est venue simplifier la tâche des magistrats sans rajouter de travail supplémentaire.

Au-delà de la seule inflation législative, le principal obstacle auquel se heurte le ministère public réside surtout dans la complexité croissante des règles de procédure pénale avec, notamment, la généralisation du traitement en temps réel des procédures pénales, le développement des alternatives aux poursuites et des poursuites simplifiées, l’extension du contradictoire ou encore l’obligation de notifier de plus en plus de droits aux victimes et aux suspects. Les moyens de nullité soulevés s’agissant des règles de procédure sont désormais quasi systématiques en matière de grande criminalité organisée et les membres du parquet doivent ainsi porter une vigilance accrue sur chaque acte réalisé ou autorisé et le justifier par une motivation écrite qui tend à se généraliser.

Enfin, l’évolution de la législation n’explique pas tout. En matière de criminalité organisée, la charge de travail des membres du parquet n’a cessé d’augmenter ces dernières années, sous l’effet, non seulement des évolutions législatives, mais aussi de la mutation de la criminalité elle-même et de l’évolution des méthodes d’investigation. L’internationalisation de la délinquance organisée, particulièrement mobile, impose une coopération internationale toujours plus importante, laquelle peut s’avérer particulièrement chronophage. En outre, la place des nouvelles technologies dans la lutte contre la grande criminalité organisée s’avère essentielle. Ces dernières imposent des investigations nouvelles, parfois relativement longues et génératrices d’un important contentieux procédural.

B.   Un manque de moyens qui entrave le ministÈre public dans l’accomplissement de ses missions

Le manque de moyens du ministère public et le décalage entre ces moyens et les missions assignées au parquet ne sont pas sans engendrer des dysfonctionnements dont on ne peut que s’inquiéter.

1.   Le manque d’attractivité du ministère public

Le décalage entre les moyens et les missions du parquet entraîne un manque d’attractivité du ministère public. À ce titre, le rapport de l’IGJ de 2018 soulignait une « attractivité contrariée » du fait d’une impossibilité de concilier missions et épanouissement personnel, en raison notamment des lourdes contraintes horaires pesant sur les magistrats.

Le rapport mettait notamment en évidence un nombre important de départs précoces de magistrats du parquet vers la magistrature du siège. Ainsi, sur les trois promotions de l’École nationale de la magistrature (ENM) 2001, 2006 et 2011, 38 % des élèves ayant été affectés au ministère public avaient quitté le parquet après cinq ans de fonction (contre 12 % pour le siège), 55 % après dix ans (contre 18 % pour le siège) et 64 % après quinze ans (contre 23 % pour le siège).

Il en résulte que les passages du parquet au siège sont nettement plus importants que les passages du siège au parquet. Les premiers représentaient 70 % des mouvements siège/parquet en 2019, 60 % en 2018 et 80 % en 2017. Les magistrats du siège qui décident de passer au parquet le font plus souvent pour prendre un avancement.

En outre, il est intéressant de noter que la proportion de magistrats du parquet décroît à partir de la tranche d’âge 45-49 ans : 15,5 % des magistrats du parquet sont âgés de 40 à 44 ans et seulement 12,7 % pour la tranche 45-49 ans et 9,4 % pour la tranche 50-54 ans (tandis que les magistrats du siège sont âgés de 40 à 44 ans pour 17,3 % d’entre eux, de 45 à 49 ans pour 13,6 %, de 50 à 54 ans pour 12,8 % et de 55 à 59 ans pour 15,5 %).

Cet effet dissuasif pourrait jouer particulièrement contre les femmes, qui sont déjà nettement sous-représentées pour les fonctions de la hiérarchie du parquet. En octobre 2019, on comptait 47 femmes procureurs de la République contre 115 hommes, 55 femmes procureurs adjointes contre 101 hommes, 12 femmes procureur général contre 21 hommes, 46 femmes avocats général ou premier avocat général contre 25 hommes.

Les raisons de ce manque d’attractivité sont multiples. L’IGJ pointait notamment des effectifs insuffisants, des vacances structurelles de postes, des conditions de travail dégradées et une gestion des ressources humaines à très court terme. Les magistrats du parquet sont soumis à des sujétions croissantes impliquant des durées de travail qui explosent ainsi que des permanences la nuit et le week-end.

Le manque d’effectifs rend le ministère public, notamment dans les petites juridictions, plus vulnérables aux aléas. Le moindre congé maladie ou congé maternité, pourtant compréhensible et inévitable, peut mettre un parquet dans de grande difficulté. Bien que des magistrats placés puissent, dans de nombreux cas, remplacer numériquement les personnels absents, ces emplois ne sont que temporaires et restent soumis à un important turn over, ce qui ne permet pas d’optimiser le travail des parquets.

La moindre attractivité du ministère public résulte aussi d’un sentiment de manque de reconnaissance. D’une part, malgré les sujétions auxquels ils sont soumis et leur engagement exemplaire, les procureurs n’échappent pas aux critiques récurrentes contre le fonctionnement de l’autorité judiciaire. D’autre part, même si l’ensemble du système judiciaire souffre d’un manque de moyens, le parquet ne dispose pas de moyens équivalents à ceux du siège.

RÉpartition du budget du systÈme judiciaire exÉcutÉ par composantes

Source : CEPEJ, rapport d’évaluation sur les systèmes judiciaires européens, 2020, page 23.

Enfin, il convient aussi de souligner que certaines des critiques adressées à l’autorité judiciaire sont en réalité le fait des services de police et de gendarmerie, qui doivent eux aussi faire face à un manque de moyens et à la complexité croissante des procédures.

2.   Le ministère public contraint de délaisser certaines de ses missions

Le décalage entre les moyens et les missions du ministère public contraint le ministère à travailler « en mode dégradé » – selon des mots prononcés lors des auditions menées par le rapporteur – et les magistrats du parquet à délaisser certaines des missions qui leur sont assignées.

Le manque d’effectifs entraîne une gestion ardue des délais, par exemple en matière de réquisitoires définitifs ou d’audiencement. Peu de missions sont exercées de manière irréprochable d’un point de vue qualitatif. La masse de travail entraîne une perte de qualité et, pour les procureurs, une perte de sens.

Le manque de moyens entraîne aussi un délaissement de certaines missions, même si cela concerne surtout les tâches les plus éloignées du cœur de métier des procureurs. Il en va ainsi du contrôle des frais de justice, du suivi des scellés, du suivi du tribunal de commerce ou encore du contrôle des lieux de privation de liberté (locaux de garde à vue, hôpitaux psychiatriques). Le ministère public n’intervient plus qu’a posteriori, en cas de problème. Par exemple, s’agissant du contrôle des notaires, il agit uniquement en cas d’alerte de la présidente ou du président de la chambre de notaires.

Depuis 2012, ce sont en moyenne près de 50 000 affaires par an qui sont classées sans suite en raison de la prescription. Toutefois, il apparaît délicat de retenir ce chiffre comme un indicateur de la qualité du service rendu par la justice. En effet, ces affaires se prescrivent très rarement dans les parquets, mais davantage au sein des services d’enquête qui n’ont pas la capacité de les traiter, ou bien celles-ci sont déjà prescrites lorsqu’elles sont révélées aux autorités. Ces deux causes sont d’autant plus prégnantes en matière d’injure ou de diffamation où les services d’enquête comme les juridictions sont soumis à des règles de prescription plus courtes. L’allongement des délais de prescriptions ([26]) (de 3 à 6 ans en matière délictuelle) est certainement à l’origine de la baisse observée en 2018 et 2019 (34 000 en 2019) par rapport aux trois années précédentes (entre 43 000 et 74 000).

Un meilleur indicateur de la qualité du service rendu par le ministère public est le délai moyen de convocation devant le tribunal correctionnel par officier de police judiciaire (COPJ). Hors ordonnances pénales, la COPJ représente près de la moitié des modes de poursuite en matière délictuelle. De 9 mois en 2018, ce délai est passé à 9,7 mois en 2019 et s’est encore accru à 10,3 mois en 2020 en raison de la crise sanitaire. Ces délais sont significatifs pour la justice car ils permettent d’indiquer que les parquets sont contraints de convoquer devant un tribunal correctionnel dans un délai moyen de 9 ou 10 mois près de la moitié des mis en cause qu’ils entendent voir sanctionner pénalement. Or, plus la réponse pénale est tardive et moins elle a de sens. De l’aveu même du ministère, un délai correct ne saurait excéder 6 mois.

Outre l’accroissement du champ de compétence du juge unique au détriment de la formation collégiale, il faut aussi constater le poids grandissant des procédures dites simplifiées. Entre 2012 et 2019, les ordonnances pénales, qui sont des jugements sans audience, ont augmenté de 16 % et les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (homologation de la peine acceptée) de 25 %.

Enfin, dans le domaine civil et commercial, la DACG a recensé 1 929 cas dans lesquels le parquet est amené à intervenir, notamment en matière de délégation d’autorité parentale, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de vérification d’opposabilité des décisions judiciaires étrangères, de successions vacantes, d’établissement de listes de professionnels habilités, de contrôle de l’activité des officiers publics ministériels, de commission d’indemnisation des victimes d’infractions, de changement de régime matrimonial, de questions prioritaires de constitutionnalité, de nationalité, d’enlèvements internationaux d’enfants ou encore de droits de visite et d’hébergement des grands-parents.

L’extrême variété de ces attributions, exercées par un nombre réduit de parquetiers (de 0,5 à quelques ETP par juridiction) avec le concours du greffe, ne permet pas toujours un traitement optimal de l’ensemble des procédures. Il est par ailleurs permis de s’interroger sur l’opportunité de maintenir l’intervention du parquet civil dans des matières purement administratives.

II.   Le renforcement des moyens affectÉs au ministÈre public, une tendance qui demeure inachevÉe

Si la modernisation de l’action publique n’est pas uniquement une question de moyens, elle nécessite néanmoins de renforcer les moyens budgétaires, humains et matériels affectés au parquet. À cet égard, des efforts ont été réalisés depuis 2017, mais des marges de progression subsistent.

A.   Des moyens en hausse dans le cadre de la loi de programmation et de rÉforme pour la justice

Dans le contexte de hausse du budget de la justice prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, le ministère de la justice a mis en place plusieurs recommandations formulées par l’IGJ, notamment le comblement des vacances chez les magistrats, le renforcement de l’équipe autour du magistrat et la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats du parquet.

 

1.   L’augmentation des moyens du parquet dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice

Le ministère public bénéficie de l’augmentation du budget de la justice judiciaire prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice votée par le Parlement. L’article 1er de la loi prévoit une augmentation des crédits de paiement de la mission Justice, hors contribution au CAS Pensions, de 7 milliards d’euros en 2018 à 8,3 milliards d’euros en 2022. Il prévoit également une création nette de 6 500 équivalents temps plein sur la même période.

La trajectoire budgÉtaire dÉfinie dans
la loi de programmation 2018-2022 et de rÉforme pour la justice

 

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de paiement de la mission Justice
(en milliards d’euros courants)

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Créations nettes d’emplois
(en ETP)

1 100

1 300

1 620

1 260

1 220

Source : article 1er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Bien qu’il soit impossible d’isoler au sein de la mission Justice les moyens affectés au ministère public, la direction des services judiciaires (DSJ) a indiqué au rapporteur que le renforcement des crédits de frais de justice, inscrits sur l’action 07 du programme 166, atteste de la hausse régulière des moyens des parquets depuis 2017.

Évolution des crÉdits de frais de justice

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

264,7

269,8

260,1

252,8

289,9

249,9

278,5

292,1

304,6

Source : commission des finances d’après les données communiquées par la DSJ.

La hausse des crédits budgétaires a notamment permis d’améliorer un peu la situation matérielle des procureurs. Ainsi, par exemple, les magistrats du parquet ont bénéficié d’un plan véhicule spécifique comptant 42 véhicules en 2019 et 38 véhicules en 2020. Par ailleurs, sur financements du fonds de concours de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), la DSJ a pu, avec le soutien du secrétariat général, mettre en place un système de centre d’appels permanence parquet dans 35 juridictions pour un coût de 3,7 millions d’euros entre 2013 et 2021. La programmation 2020 a permis de doter les dernières juridictions.

Néanmoins, les efforts réalisés ne doivent pas masquer le chemin qui reste à parcourir. Le rapporteur rappelle que la loi de programmation et de réforme pour la justice n’a pas été entièrement respectée entre 2018 et 2020 et que la loi de finances pour 2021 ne procède qu’à un rattrapage partiel des retards pris les années précédentes.

En outre, la trajectoire était fixée toutes choses égales par ailleurs et ne prend pas en compte les évolutions législatives postérieures à 2019. Par exemple, au moment où le rapporteur menait ses auditions, le ministère n’était pas encore en mesure de lui indiquer si la création récente de pôles régionaux spécialisés en matière d’atteinte à l’environnement ([27]) allait donner lieu à des affectations de magistrats ou de fonctionnaires supplémentaires. Un autre exemple n’est autre que la réforme du code de justice pénale des mineurs, qui constitue un facteur de complexification du droit existant nécessitant des moyens complémentaires.

2.   La diminution du taux de vacance des magistrats du parquet

La trajectoire définie dans la loi de programmation et de réforme pour la justice ainsi que l’augmentation des crédits de personnel dans les lois de finances votées par le Parlement depuis 2018 ont permis de renforcer progressivement les effectifs des parquets, qui ont progressé de près de 14 % entre 2015 et 2021. En parallèle, la proportion des magistrats du parquet a légèrement augmenté de 25,0 % à 25,8 % du total des magistrats.

Évolution des effectifs de magistrats du parquet
(hors Cour de cassation)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Effectifs réels

1 841

1 872

1 908

1 927

1 979

2 054

2 093

Ratio parquet

25,01 %

25,29 %

25,37 %

25,34 %

25,36 %

25,70 %

25,79 %

Source : commission des finances d’après les données communiquées par la DSJ.

Le taux de vacance de postes au sein du ministère public a baissé de manière constante depuis 2017. Entre 2013 et 2017, les vacances oscillaient entre 5,5 % et 8 % et leur caractère structurel était devenu très problématique. Depuis, le taux de vacance a diminué de 6,19 % fin 2017 à – 0,29 % fin 2019. S’il est remonté à 0,76 % fin 2020, cette hausse légère doit toutefois être mise en perspective avec le report des entrées des 61 stagiaires issus du concours complémentaire 2019, dont la formation préalable et la date d’installation ont été retardées par la crise sanitaire.

Évolution du taux de vacance des magistrats du parquet

 

2017

2018

2019

2020

Taux de vacance au 1er octobre

6,19 %

2,97 %

– 0,29 %

0,76 %

Source : commission des finances d’après les données communiquées par la DSJ.

Le rapporteur spécial salue la diminution du taux de vacance des magistrats du parquet, qui est inférieur à 1 % depuis fin 2019. Toutefois, il note que le taux de vacance est calculé par rapport à un effectif théorique défini dans la circulation de localisation des emplois de magistrats et de fonctionnaires dans les juridictions. Or, il n’est pas certain que cette circulaire soit totalement en phase avec l’activité réelle des juridictions.

Pour veiller à ce que la progression des moyens du ministère public soit en adéquation avec l’évolution de la charge de travail des magistrats, la DSJ s’attache à renforcer les effectifs des parquets de première instance en utilisant deux leviers d’action.

Dans un premier temps, afin de répondre à des besoins conjoncturels, la DSJ octroie aux parquets des effectifs supplémentaires en gestion. Ainsi, en 2019, 52 magistrats du parquet, placés ou fixes, ont été affectés en surnombre sur la base des données d’activité (18) mais aussi pour accompagner la mise en œuvre de réformes (16 au titre du code de justice pénale des mineurs, 13 parquetiers délégués dans le cadre du déploiement du parquet national anti-terroriste, 2 au titre des juridictions interrégionales spécialisées) ou pour répondre à des problématiques spécifiques (1 au titre du Centre national de traitement des amendes forfaitaires délictuelles, 1 pour le tribunal de proximité de Saint-Martin).

Dans un second temps, s’il y a lieu, la DSJ pérennise ces renforts en modifiant la circulaire de localisation des emplois de magistrats et de fonctionnaires dans les juridictions afin de soutenir les effectifs du ministère public de manière durable.

Ainsi, pour l’année 2020, 30 des 48 créations en localisation destinées à soutenir les parquets de première instance ont été réalisées par la localisation de postes en surnombre : les 13 délégués au parquet national anti-terroriste, 9 au titre de l’activité, 5 dans le cadre de la mise en place du code de justice pénale des mineurs ainsi que les 2 postes en soutien des juridictions interrégionales spécialisées (Lille et Fort de France) et le poste en soutien du Centre national de traitement du parquet de Rennes. Par ailleurs, 2 nouveaux surnombres en gestion ont été octroyés pour 2021, au parquet national financier et au parquet national anti-terroriste.

Ce mouvement de pérennisation se poursuivra en 2021. Ainsi, le projet de circulaire de localisation des emplois pour 2021 prévoit de localiser 29 postes de magistrats permanents et 15 postes de magistrats placés au parquet. En y ajoutant 3 renforts pour les parquets généraux, l’effort représente 29,75 % des 158 localisations supplémentaires prévues pour 2021. Ces postes, ainsi que le comblement de la vacance de postes auront vocation à être pourvus par les 323 auditeurs de justice de la promotion 2019 en cours de formation à l’ENM, qui prendront leurs fonctions en septembre 2021.

Le fonctionnement du ministère public se trouve évidemment amélioré par la diminution des vacances de postes de magistrats. Néanmoins, il conviendra de prolonger les efforts entrepris jusqu’ici. En outre, la révision de la circulaire de localisation des emplois dépend d’une tâche bien plus considérable qui incombe au ministère consistant en une évaluation fiable de la charge de travail des magistrats. Jusqu’ici, les résultats obtenus sont limités. Aussi le rapporteur ne peut qu’encourager la DSJ à poursuivre les travaux engagés avec le soutien de l’IGJ pour parvenir à une définition optimale des besoins, juridiction par juridiction.

3.   La structuration d’une équipe autour du magistrat du parquet

Outre les vacances de postes chez les magistrats, les difficultés du ministère public ne pourront se résorber sans un renforcement des équipes travaillant autour des procureurs. À cet égard, de premiers efforts entrepris par le ministère depuis la publication du rapport de l’IGJ.

À ce jour, 90 assistants spécialisés sont en fonction dans les parquets. En outre, sur les 453 emplois localisés de juristes assistants, 127 sont affectés au parquet. De surcroît, dans le cadre du plan de soutien à la justice pénale de proximité, 166 créations de poste ont été autorisées dans les juridictions de première instance pour la fin de l’année 2020. Destinées spécifiquement à venir en soutien des parquets, ces créations ont permis jusqu’ici d’y affecter 134 juristes assistants supplémentaires.

Le rapporteur souligne que ces efforts sont nécessaires et doivent être poursuivis. Ils ont été appréciés dans les juridictions et, dans de nombreux cas, ont permis aux procureurs de se concentrer davantage sur leur cœur de métier. Néanmoins, il convient de rappeler que ces renforts sont temporaires, les recrutements n’étant assurés que pour un à trois ans. Peut-on vraiment traiter un problème structurel uniquement avec des solutions conjoncturelles ? La question mérite d’être posée.

En outre, le taux de vacance des greffes demeure élevé – selon les informations transmises au rapporteur, il atteindrait les 7 %, sans compter l’absentéisme –, ce qui place les juridictions dans une difficulté certaine et contraint les magistrats du parquet à accomplir des tâches qui ne relèvent normalement pas de leurs attributions. Le manque de personnels de greffe en fait une ressource rare qui n’est pas exempte de toute tension s’agissant de leur répartition entre le parquet et le siège au sein de chaque juridiction.

4.   Des mesures de revalorisation indemnitaire

En 2020 ([28]), les magistrats du ministère public ont bénéficié, d’une revalorisation significative de leur indemnisation d’astreintes. Le rapporteur spécial salue ces mesures, qui rééquilibrent les régimes indemnitaires et contribuent à valoriser les magistrats du ministère public.

Une nouvelle « indemnité d’intervention sans déplacement », intermédiaire entre l’indemnité de base et l’indemnité d’intervention en cas de déplacement, a été créée pour mieux prendre en compte la spécificité des sujétions des procureurs. En outre, les plafonds de l’indemnisation des astreintes ont été revalorisés de 784 euros à 1 176 euros pour les astreintes de nuit et de 500 euros à 625 euros mensuels pour les astreintes de jour les samedis, dimanches et jours fériés.

Par ailleurs, le régime de l’indemnisation des astreintes hiérarchiques a été précisé afin d’harmoniser les pratiques. Les astreintes effectuées par un supérieur hiérarchique, dans le cadre de sa mission de direction et de contrôle, sont indemnisées uniquement à l’égard des magistrats exerçant leurs fonctions dans l’un des parquets dont la liste figure à l’annexe E (groupes 1 et 2). Cette indemnisation est réduite par rapport à celle perçue par les magistrats du parquet effectuant une astreinte de premier rang. Le montant de l’indemnisation s’élève à 25 euros par astreinte hiérarchique de nuit et 20 euros par astreinte hiérarchique de jour les samedis, dimanches et jours fériés. L’indemnité d’intervention sans déplacement ne peut être perçue dans le cadre d’une astreinte hiérarchique.

Le régime d’indemnisation des astreintes effectuées par les magistrats du siège demeure en revanche inchangé.

B.   Le renforcement du parquet nÉcessite de poursuivre les efforts entrepris rÉcemment

À l’évidence, le sentiment d’un ministère public sous‑doté et mis en incapacité de remplir ses missions est moins objectivé aujourd’hui qu’auparavant. Les efforts engagés doivent toutefois être poursuivis afin d’alléger la charge de travail des parquets, d’améliorer l’allocation des moyens affectés aux juridictions et de renforcer les outils numériques du ministère de la justice.

Il n’en demeure pas moins que ce sentiment est difficile à combattre. Au-delà des moyens, il faut redonner du sens à l’action publique, redéfinir les missions du parquet et repenser ce que la société est en droit d’attendre du ministère public.

1.   Alléger la charge de travail du parquet

Malgré quelques avancées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, la simplification des règles de procédure pénale demeure un objectif prioritaire opportun afin de diminuer la charge de travail des parquets. Plusieurs évolutions législatives récentes ont permis de simplifier et de clarifier les procédures ainsi que d’améliorer le fonctionnement du ministère public sur un certain nombre de points. Elles doivent être prolongées.

La loi de programmation et de réforme pour la justice a contribué à alléger certaines charges pesant sur le ministère public dans son contrôle de l’enquête. Elle supprime ainsi l’exigence d’une autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction pour étendre la compétence des officiers de police judiciaire sur l’ensemble du territoire. Les modalités de prolongation de la garde à vue par le procureur à l’issue de la première période de vingt-quatre heures sont pareillement assouplies, le gardé à vue n’étant présenté au procureur que si celui-ci l’estime nécessaire.

 

En matière d’orientation des poursuites, l’article 59 de la loi de programmation et de réforme de la justice modifie l’article 41-2 du code de procédure pénale pour prévoir que n’a pas à être soumise à la validation d’un juge la composition pénale proposée par le procureur de la République relative à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans et portant sur une amende qui n’excède pas le plafond contraventionnel (3 000 euros). Cette mesure, validée sous réserve par le Conseil constitutionnel ([29]), est venue simplifier le travail du ministère public.

L’article 58 de la loi de programmation et de réforme pour la justice étend le champ d’application de l’amende forfaitaire délictuelle, déjà applicable aux délits routiers depuis 2019, aux délits de vente d’alcool à des mineurs et d’usage de stupéfiants. Là encore, l’extinction de l’action publique par le paiement d’une amende sans intervention d’une autorité juridictionnelle soulage les parquets dans le traitement des délits les moins graves. Toutefois, la forfaitisation a ses limites avec, d’une part, un certain nombre de PV électroniques classés et, d’autre part, un risque de manque d’appréciation pouvant conduire à verbaliser des citoyens à tort. C’est pourquoi la mesure n’a été validée par le Conseil constitutionnel qu’avec des réserves d’interprétation ([30]).

En outre, les cours criminelles, expérimentées depuis 2019 et appelées à être généralisées dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, semblent permettre – s’agissant des parquets – des gains de temps et d’efficacité sur un certain nombre d’affaires auparavant traitées par les cours d’assises. Toutefois, ces gains sont moins clairs pour les magistrats du siège. En outre, cela n’enlève rien aux risques de dérive vers la correctionnalisation des crimes, d’atteinte aux droits de la défense et de réduction de la qualité des audiences inhérents aux cours criminelles.

Pour réduire la charge de travail des procureurs, l’accomplissement de certaines missions attribuées au ministère public peut de plus en plus être effectué par l’équipe constituée autour du magistrat du parquet. Ainsi, depuis décembre 2020, les missions de représentation du procureur de la République dans un certain nombre d’instances partenariales, parfois délaissée faute de temps, peuvent désormais être assurées par les délégués du procureur. Cette nouvelle possibilité permet au parquet d’investir ces instances essentielles au dialogue institutionnel et à la prévention de la délinquance tout en conservant son implication dans l’activité proprement juridictionnelle.

S’agissant des attributions du parquet civil, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ([31]) a transféré aux officiers de l’état civil de nouvelles attributions dont certaines étaient exercées exclusivement par le procureur de la République (par exemple, la rectification des erreurs et omissions purement matérielles affectant les actes de l’état civil). D’autres pistes d’allègement, évoquées dans le rapport Nadal, sont possibles. Il serait envisageable de supprimer l’intervention du parquet civil lorsqu’une autorité administrative a déjà la charge d’examiner ou de contrôler un domaine d’activité (débits de boissons, enseignement privé, syndicats), de supprimer la présence du ministère public à l’audience lorsque ce dernier a transmis un avis écrit. Il pourrait être également envisagé de supprimer le caractère obligatoire d’un tel avis lorsque sont seuls en jeu des intérêts privés (par exemple, les changements de régime matrimonial) et de rationaliser l’intervention du parquet civil (par exemple, les conditions d’établissement des listes de professionnels habilités).

Par ailleurs, le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire aborde cette question en proposant de soulager les parquets de première instance de certaines missions, notamment le contrôle des professions réglementées. Le rapporteur souligne toutefois qu’il demeure très compliqué de modifier le spectre d’intervention du procureur de la République, qui doit défendre les intérêts de la société, sauf à dé-judiciariser certaines procédures. En outre, le projet de loi retombe dans certains travers de complexification du droit existant : l’encadrement de la durée de l’enquête préliminaire dans des délais impératifs et le renforcement de l’ouverture de l’enquête au contradictoire (article 2) constituent ainsi des charges supplémentaires pour le ministère public.

Recommandation  5 : poursuivre la simplification des procédures pénales afin d’alléger la charge de travail des parquets.

2.   Améliorer l’allocation des moyens budgétaires et humains entre juridictions

Outre le niveau des moyens affectés aux parquets, le ministère de la justice doit pouvoir renforcer ses outils d’évaluation afin d’améliorer l’allocation de ses moyens entre juridictions.

La progression des moyens budgétaires et humains du ministère public est déterminée, chaque année, à travers les dialogues de gestion réunissant la DSJ et les chefs de cour. Les moyens sont ensuite répartis entre juridictions par les chefs de cour. L’estimation des besoins prend en compte l’activité de chaque juridiction au moyen de divers indicateurs : capacité à traiter le flux et le stock d’affaires et les délais de traitement des affaires, nombre d’affaires poursuivables par magistrat du parquet et comparaison à la moyenne nationale, part des mesures alternatives par rapport au nombre d’affaires poursuivables, comparaison de cette activité à l’activité moyenne des juridictions du même groupe d’appartenance, arbitrage des mesures à mettre en place pour se rapprocher de cette moyenne.

Néanmoins, la Cour des comptes a, en 2018 ([32]), mis en évidence les difficultés du ministère à disposer d’une connaissance suffisante de l’activité des juridictions lui permettant d’allouer ses moyens en fonction des besoins les plus urgents. La Cour recommandait à la DSJ de « participer au groupe de travail sur la pondération des affaires de la CEPEJ et tirer ainsi bénéfice des expériences européennes sur ce sujet » ainsi que de « créer dans les trois ans un système de pondération se fondant sur une typologie des affaires judiciaires et sur les actuels et futurs outils de gestion afin de garantir une allocation efficiente des moyens des juridictions et une connaissance précise de l’activité judiciaire ».

Dans un récent rapport ([33]), la Cour des comptes constate que le ministère de la justice n’a pas beaucoup avancé sur le sujet : « La DSJ a établi récemment des projections sur le besoin en magistrats et en greffiers des juridictions pour résorber les stocks d’affaires […]. Pour autant, cet exercice n’inclut aucun élément de pondération des affaires qui aurait permis d’avoir une vision qualitative des stocks d’affaires ». En décembre 2020, la DSJ a repris d’anciens travaux sur la charge de travail des magistrats du parquet. La Cour des comptes estime que « malgré le recueil d’une matière assez riche, la réflexion engagée n’a pas abouti. Le ministère peine à faire avancer ce chantier qui pourrait pourtant l’éclairer sur le besoin réel en magistrats ». En outre, le ministère n’a pas pris part aux travaux de la CEPEJ sur la pondération des affaires.

Tandis que « la crise a dégradé la situation des tribunaux, il manque à la DSJ une vision qualitative des stocks d’affaires des juridictions pour affecter les moyens de manière plus efficiente que le saupoudrage auquel elle est aujourd’hui contrainte ». En conséquence, la Cour des comptes estime « nécessaire, au-delà des désaccords existants avec les organisations syndicales sur la méthode retenue, que la DSJ mette en œuvre l’expérimentation du référentiel au moins pour l’application des peines et le parquet ».

Recommandation  6 : renforcer les outils d’évaluation du ministère de la justice pour amélioration l’allocation des moyens en fonction des besoins prioritaires.

3.   Renforcer les moyens informatiques et accélérer la transformation numérique du ministère de la justice

Comme l’ensemble du système judiciaire, le ministère public souffre du manque de moyens informatiques et de la faible numérisation du ministère de la justice qui ne permettent pas de réels gains de productivité.

 

Les moyens mis à la disposition du ministère ne sont pas négligeables. Le plan de transformation numérique lancé en 2017 représente 530 millions d’euros et 260 emplois supplémentaires sur cinq ans, dans le but de numériser les procédures pénales et civiles, d’automatiser les tâches à faible valeur ajoutée, d’éviter la ressaisie de données et de renforcer les partages d’information entre juridictions mais aussi entre la justice judiciaire et les autres services de l’État.

Néanmoins, la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid 19 a mis en évidence les retards du ministère de la justice en matière de transformation numérique et, malgré la réactivité du ministère, les marges de progression qui subsistent.

S’agissant du matériel informatique, un certain nombre de magistrats étaient déjà, avant la crise, équipés d’ordinateurs portables. Toutefois, tel n’était pas le cas des personnels de greffe, qui n’avaient la possibilité de travailler à distance. Sous la contrainte, le ministère déployé 17 000 ordinateurs supplémentaires en 2020. À ce jour, 100 % des magistrats sont désormais équipés, mais seulement quelque 50 % des personnels de greffe. Le réseau privé virtuel (VPN) du ministère de la justice était largement sous‑dimensionné avant la crise, ne permettant que 2 500 connexions simultanées. Cette capacité a pu être élevée à 40 000 connexions. Le ministère de la justice dispose du parc de visioconférence le plus important (2 400 équipements), mais les outils ne sont pas toujours compatibles avec ceux des autres services de l’État.

Concernant des outils numériques, le ministère de la justice peine à développer ses applications métier. Par exemple, le logiciel Cassiopée, lancé au milieu des années 2000 pour contenir l’ensemble des informations relatives aux plaintes enregistrées par les greffiers dans le cadre de procédures judiciaires, a mis plus de dix à devenir opérationnel et son fonctionnement demeure marqué par un certain nombre de difficultés. Quant au programme Portalis de dématérialisation des procédures civiles, il n’a toujours pas fourni de logiciel opérationnel. En outre, la plupart des applications existantes ne sont pas accessibles à distance.

Du point de vue du ministère public, le projet de procédure pénale numérique (PPN) présente un haut niveau de potentialité. Elle doit permettre de constituer et de conserver un dossier de procédure sous forme numérique, depuis la plainte de la victime jusqu’au jugement. La procédure offrirait ainsi aux parquets des gains de temps considérables et la possibilité de se recentrer sur leur cœur de mission. En outre, elle constituerait aussi une avancée pour les avocats ainsi que les policiers et les gendarmes. Les premiers résultats de l’expérimentation menée dans les tribunaux d’Amiens et de Blois laissent entrevoir un allégement de la charge des parquets et un renforcement qualitatif du traitement des procédures. Néanmoins, la généralisation du dispositif n’est pas attendue avant au moins deux ans.

 

Certes, il faut reconnaître que les services sont soumis à des injonctions contradictoires : tous les projets lancés visent à répondre à des besoins jugés urgents et les optimums de long terme ne sont pas nécessairement en phase avec les besoins de court terme.

Néanmoins, compte tenu des moyens mis à la disposition du ministère, le manque de résultat démontre l’insuffisance du pilotage du plan de transformation numérique et une tendance à la dispersion des moyens (depuis 2017, plus de soixante-dix projets différents ont été lancés).

En conséquence, le rapporteur spécial ne peut qu’appuyer la recommandation de la Cour des comptes de réorienter la stratégie numérique du ministère de la justice. Il convient de redéfinir les priorités pour aller à l’essentiel et accélérer la conduite des projets dont la valeur ajoutée est la plus grande. Pour cela, le ministère doit faire davantage confiance aux procureurs, qui sont les mieux placés pour définir leurs besoins et peuvent aider le ministère à définir ses besoins prioritaires.

Recommandation  7 : redéfinir les priorités du plan de transformation numérique pour concentrer les investissements sur les projets dont la valeur ajoutée est la plus grande.


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 9 heures, le mercredi 9 juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial des crédits de la mission Justice

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

(par ordre chronologique)

 

Conférence nationale des procureurs généraux :

– Mme Marie-Suzanne Le Queau, présidente de la conférence nationale des procureurs généraux, procureure générale près la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

– M. Jean-Jacques Bosc, procureur général près la cour d’appel de Nancy.

 

Conférence nationale des procureurs de la République :

– M. Jean-Baptiste Bladier, procureur de Senlis ;

– M. Achille Kiriakidès, procureur d’Aix-en-Provence ;

– M. Alexandre De Bosschère, procureur d’Amiens.

 

Direction des services judiciaires :

– M. Paul Huber, directeur des services judiciaires.

 

Inspection générale de la justice :

– M. Jean-François Beynel, chef de l’inspection ;

– M. Patrick Steinmetz, inspecteur général.

 

Direction des affaires criminelles et des grâces :

– M. Olivier Caracotch, adjoint du directeur des affaires criminelles et des grâces.

 

 


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   SOURCES UTILISÉES

 

– Rapports annuels de performance des programmes de la mission Justice pour l’exercice 2020, annexés au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020

– Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Justice

– Cour des comptes, « Approche méthodologique des coûts de la justice », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, décembre 2018

– Cour des comptes, « Le plan de continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid 19 », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, mai 2021

– Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), rapport d’évaluation sur les systèmes judiciaires européens, cycle d’évaluation 2020 (données 2018), octobre 2020

– Commission de modernisation de l’action publique (CMAP), sous la présidence de Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de cassation, « Refonder le ministère public », novembre 2013

– Conférence nationale des procureurs de la République, « Le livre noir du ministère public », juin 2017

– Inspection générale de la justice (IGJ), Mission sur l’attractivité des fonctions de magistrat du ministère public, rapport remis à la Garde des sceaux, ministre de la justice en décembre 2018

 


([1]) Cour des comptes, « Le plan de continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid 19 », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, mai 2021.

([2]) Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

([3]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([4]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Justice, page 28.

([5]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Justice, avril 2021, page 43.

([6]) Cour des comptes, « Le plan de continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid 19 », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, mai 2021.

([7]) Le schéma d’emplois de la loi de finances pour 2020 prévoyait la création de 384 ETP sur le programme 101 Justice judiciaire. Il a toutefois été minoré de 100 ETP en raison du recrutement par anticipation de 100 greffiers en novembre 2019.

([8])  Article 236 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, sur proposition de M. Bruno Questel, rapporteur pour avis de la commission des lois, .avec un avis favorable du rapporteur spécial.

([9]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Justice, page 36.

([10]) Voir le rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de la justice, « Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions », janvier 2017, qui recommandait de revaloriser le montant des crédits prévus en loi de finances pour limiter les sur-exécutions.

([11]) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([12]) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([13]) Le schéma d’emplois du programme 182 inscrit dans la loi de finances pour 2020 prévoyait la création de 94 ETP au titre de la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice pénale des mineurs et de 5 ETP pour renforcer la participation des services aux « internats tremplin », mais aussi le redéploiement de 29 ETP, soit un total net de 70 ETP.

([14]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Justice, page 38.

([15]) Définition du ministère public qui figure dans la recommandation Rec(2000)19 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.

([16]) Conseil constitutionnel, décisions n° 93-326 DC du 11 août 1993 et n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010.

([17]) Commission de modernisation de l’action publique (CMAP), sous la présidence de Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de cassation, « Refonder le ministère public », novembre 2013.

([18]) Conférence nationale des procureurs de la République, « Le livre noir du ministère public », juin 2017.

([19]) Inspection générale de la justice (IGJ), Mission sur l’attractivité des fonctions de magistrat du ministère public, rapport remis à la Garde des sceaux, ministre de la justice en décembre 2018.

([20]) Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), rapport d’évaluation sur les systèmes judiciaires européens, cycle d’évaluation 2020 (données 2018), publié le 22 octobre 2020.

([21]) Le rapport de la CEPEJ indique un nombre de 10,9 juges pour 100 000 habitants en France contre 21,4 pour la moyenne européenne et 24,5 en Allemagne.

([22]) CEPEJ, ibid., page 62.

([23]) Les « petits X » sont les procédures d’atteinte aux biens d’un préjudice faible pour lesquelles le contenu de la plainte et les premiers éléments d’enquête ne laissent aucune chance d’identifier l’auteur. Ils représentent environ 1,5 million de procédures par an.

([24]) Loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement.

([25]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([26]) Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

([27]) Cette création est prévue aux articles 706-2-3 du code de procédure pénale et L. 211-20 du code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction issue des articles 15 et 17 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

([28]) La note du 2 juillet 2020 relative à la mise en œuvre de la revalorisation de l’indemnisation des astreintes des magistrats du parquet est le prolongement du décret n° 2020-827 du 1er juillet 2020 modifiant le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l’ordre judiciaire et de l’arrêté du 1er juillet 2020 modifiant l’arrêté du 3 mars 2010 pris en application du décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l’ordre judiciaire.

([29]) Dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel précise que les seuils fixés « ne sauraient être aggravés » (considérant 270).

([30]) Dans la même décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel indique que la disposition est acceptable « à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d’amendes de faible montant » (considérant 252).

([31]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([32]) Cour des comptes, « Approche méthodologique des coûts de la justice », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, décembre 2018.

([33]) Cour des comptes, « Le plan de continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid 19 », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, mai 2021, pages 96-97.