N° 4195

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 31
 

 

outre-MER

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier SERVA

 

Député

____


 

 


— 1 —

SOMMAIRE

___

 

SYNTHÈSE ET Chiffres-clÉs

RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

PREMIÈRE PARTIE : Revue des dÉpenses

I. les points de vigilance de portÉe gÉNÉrale relevÉs par le rapporteur spécial

A. Des difficultÉs rÉcurrentes de consommation des crÉdits, malgré des progrÈs constatÉs en 2020

B. la fragmentation budgÉtaire des moyens de l’État en faveur des territoires ultra-marins

II. LeS Programmes de la mission outre-mer

A. le programme 138 Emploi outre-mer

1. La sous-consommation des crédits prévus pour la compensation d’exonération de charges patronales, premier poste du programme

2. L’exécution des autres actions

B. le programme 123 conditions de vie outre-mer

1. L’exécution de la ligne budgétaire unique (action 1 Logement)

2. De moindres consommations à mettre en rapport avec la crise sanitaire

III. Ladom, opÉrateur de la mission

A. des activitÉs bouleversÉes par les restrictions À la mobilitÉ

B. la prÉparation du rapprochement de ladom avec pôle emploi

C. perspectives pour des aides À la « mobilitÉ inversÉe »

DeuxiÈme partie – THème d’Évaluation : la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation

I. Les dÉbuts lents mais prometteurs des contrats de convergence et de transformation

A. Un dispositif innovant prÉvu pour tenir compte de la diversitÉ des territoires ultramarins

1. Le caractère innovant des contrats de convergence et de transformation

2. La définition et l’adoption des plans de convergence puis des contrats de convergence et de transformation : des élaborations tardives au regard du calendrier prévu par la loi de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017

3. Des financements de l’État et des différentes parties prenantes sur un total, principalement, de dix-huit programmes

a. Présentation des crédits

b. Des crédits répartis sur un nombre élevé de missions

B. une mise en œuvre freinÉe en 2020 par la crise sanitaire

1. Le pilotage de la direction générale des outre-mer et le pilotage local

a. Le suivi de l’exécution par la direction générale des outre-mer

b. Le pilotage local

2. L’exécution des crédits portés par le programme 123 Conditions de vie outre-mer en 2019 et 2020 et les difficultés rencontrées

a. Des difficultés ponctuelles en 2020 : la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et le calendrier électoral

b. Une difficulté structurelle : le déficit en ingénierie et la rigidité du cadre budgétaire des CCT

II. L’Élaboration et la mise en œuvre du contrat de convergence et de transformation de mayotte

A. ÉlÉments de contextualisation : le plan d’action pour l’avenir de Mayotte, en rÉaction À la crise sociale de printemps 2018

1. Les difficultés structurelles de Mayotte et la crise sociale du printemps 2018

2. La crise sociale du printemps 2018 et le plan d’action pour l’avenir de Mayotte

B. premiers ÉlÉments sur l’exÉcution du contrat de convergence et de transformation

1. Le processus d’élaboration

2. Principaux axes du contrat de convergences et de transformation de Mayotte et éléments financiers

a. Une dotation en progression par rapport au contrat de plan État-régions précédent

b. Cinq volets, dont deux tiers des financements pour la cohésion des territoires

C. une mise en œuvre perfectible

1. État des lieux de la mise en œuvre et du pilotage

a. Un engagement à 40 % à mi-parcours

b. Améliorer le pilotage en associant davantage les EPCI

2. L’exemple de la mise en œuvre des projets sous la responsabilité du rectorat de Mayotte

3. Difficultés structurelles et ponctuelles

a. Les conséquences de la crise sanitaire et la question de la prolongation

b. Le caractère rigide de l’enveloppe budgétaire

c. Le caractère récurrent de l’engagement des crédits des programmes 126 et la nouvelle plateforme d’ingénierie

d. La confusion pouvant naître de la présence sur la maquette du contrat de convergence et de transformation de crédits contractualisés et de contrats valorisés

Conclusion

Examen en commission

Personnes auditionnÉes par le rapporteur spÉcial

SOURCES UTILISÉES


 — 1 —

   SYNTHÈSE ET Chiffres-clÉs

En 2020, la mission Outre-mer présente une consommation doublement en recul, par rapport à 2019 (baisse de 3,17 % pour les autorisations d’engagement – AE – et 2,14 % pour les crédits de paiement – CP –) et par rapport à la loi de finances initiales pour 2020 (– 6 % en AE et – 2,4 % en CP).

Des annulations de crédits sont intervenues en quatrième loi de finances rectificative, pour 65,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 127,3 millions d’euros de crédits de paiement.

● Les conséquences indirectes de la crise sanitaire ont joué un rôle majeur sur ces moindres consommations.

Pour le programme Emploi outre-mer, les crédits prévus pour la compensation d’exonération des charges patronales, portés par l’action Soutien aux entreprises, ont été nettement moins mobilisés au regard des prévisions initiales du fait du dispositif mis en place pour soutenir l’activité. De fait, les salaires n’ayant pas été versés par les employeurs, il n’y a eu dans ce cas ni versement de charges sociales, ni compensation.

Le rapporteur spécial constate le caractère récurrent des écarts entre la prévision et l’exécution des compensations d’exonération.

 

 

 

action 1 – comparaison entre la prévision et l’exécution

(en million d’euros)

Pour le programme Conditions de vie outre-mer, l’arrêt des chantiers pendant les périodes de confinement et le report de réunions d’attributions de financement ont retardé la consommation des enveloppes prévues.

Les activités de l’opérateur de la mission, l’Agence de l’outre-mer pour les mobilités (LADOM) ont été bouleversées en 2020. L’État a ajusté ses versements à la baisse en cours de gestion, soit 27,9 millions d’euros en AE et 30,9 millions en CP au lieu de respectivement 57 millions d’euros et 58,2 millions d’euros.

● Les crédits de la mission ont également été mobilisés pour des dépenses urgentes (12,98 millions d’euros en AE et 11,4 millions d’euros en CP) : il s’agit de mesures sanitaires et sociales, de dépenses liées à la poursuite de la continuité territoriale, de subventions supplémentaires aux associations prenant en charge la situation des étudiants ultramarins, d’une réévaluation de 20 millions d’euros du prêt de développement outre-mer (PDOM).

En 2020, les composants de la dépense ont peu évolué. Les dépenses de titre 3 et de titre 2 demeurent les premières catégories de dépenses en volume (95 % des dépenses de la mission).

 

 

 

 

composantes des dépenses inscrites sur la mission outre-mer

Le rapporteur regrette la fragmentation budgétaire des moyens de l’État en faveur des territoires ultramarins sur 90 programmes et 30 missions, ce qui nuit à leur lisibilité. La mission Outre-mer ne porte, en 2020, que 12 % de ces CP.

*

*     *

La partie thématique du rapport porte sur l’exécution des contrats de convergence et de transformation (CCT), dispositifs créés par la loi n° 2017‑256 de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, dite loi « EROM ». Plusieurs innovations les distinguent des anciens contrats de plan signés entre l’État et les territoires d’outre-mer, avec l’objectif d’atteindre l’égalité réelle, qualifiée par la loi EROM de priorité nationale.

Le rapporteur spécial, qui a étudié en particulier la mise en œuvre du CCT de Mayotte, voit dans ce nouveau type de contractualisation les progrès suivants : un approfondissement de la transversalité des thématiques portées par les CCT, l’association des citoyens des territoires, car les contrats ont utilisé les diagnostics rendus par les assises de l’outre-mer, et celle des établissements de coopération intercommunale à l’écriture, au financement, et à la mise en œuvre.

Il déplore toutefois la rigidité du cadre des CCT qui interdit des redéploiements de crédits s’avérant non employés vers des programmes présentant de nouveaux besoins de crédits. Il appelle également à une meilleure prise en considération, dans le pilotage, des EPCI.


 — 1 —

   RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

Recommandation  1 : évaluer l’expérimentation faite en 2021 de la mise en œuvre du document de programmation unique par la direction générale des outre-mer (DGOM).

Recommandation  2 : surveiller avec la plus grande rigueur et attention l’emploi des crédits du fonds sans personnalité juridique Outre-mer 5.0, transférés à l’Agence française de développement.

Recommandation  3 : conduire une étude sur l’impact des réformes du cadre juridique menées en 2018 et 2019 et, dans la poursuite de ses recommandations faites en 2020 à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement (PLR) pour 2019.

Recommandation  4 : fiabiliser les prévisions de compensation des dispositifs d’exonération de cotisation de charges patronales et les budgéter limitativement (recommandation déjà faite en 2020).

Recommandation  5 : approfondir les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités territoriales par la direction générale des outre-mer, étendre la plateforme d’ingénierie expérimentée à Mayotte et en Guyane aux autres territoires ultramarins, afin de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales (recommandation déjà faite en 2020).

Recommandation  6 : accélérer la mise en œuvre des mesures réglementaires pour l’accès effectif à l’élargissement de « l’aide obsèques ».

Recommandation  7 : réfléchir, en vue de la préparation de la future génération des contrats de convergence et de transformation, à des outils de flexibilité pour modifier les répartitions, en accord avec les parties contractantes, en cours d’exécution.

Recommandation  8 : mieux prendre en compte les besoins des collectivités territoriales dans l’organisation des missions de la plateforme d’ingénierie de Mayotte.

Recommandation  9 : prévoir pour la prochaine programmation une plus grande flexibilité dans l’exécution des contrats de convergence et de transformation (CCT).

 


 — 1 —

   PREMIÈRE PARTIE : Revue des dÉpenses

La mission Outre-mer est composée de deux programmes, le programme Emploi outre-mer et le programme Conditions de vie outre-mer. En 2020, le montant global des crédits consommés sur la mission est en recul par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 de 6 % en autorisations d’engagement (AE) et 2,4 % en crédits de paiement (CP) comme le présentent le tableau et le graphique ci-après.

L’exÉcution des crÉdits de la mission pour 2020

(en millions d’euros)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue (et en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 138

1 760,71

1 764

1 724,35

1 727,91

-2,1

- 2

Programme 123

774,82

625,12

657,95

603,94

-15,1

- 3,4

Total mission

2 535,53

2 389,12

2 382,30

2 331,85

-6

- 2,4

L’exécution des crédits de paiement en 2020

(en millions d’euros)

Source : RAP pour 2020.


● Les montants exécutés, en AE et en CP, sont également en recul par rapport à l’exécution de l’année 2019, à périmètre courant, de respectivement 4,15 % et 3,11 %, ce qui reflète :

– une diminution de dotation en loi de finances initiale pour 2020, en raison principalement de nouvelles hypothèses tendancielles sur les crédits de compensation des exonérations de charges sociales, sur le programme Emploi outre-mer. S’y ajoutent, sur le programme Conditions de vie outre-mer, une mesure de périmètre et des mesures de transfert, avec la suppression de la dotation globale d’autonomie versée à la Polynésie française (transformée en prélèvement sur recettes de l’État) et un transfert des crédits du financement du plan d’intervention territorial de l’État en Guyane au profit du programme Interventions territoriales de l’État ;

– de moindres dépenses qui se sont traduites par des annulations de crédit en quatrième loi de finances rectificative, conséquences principalement de la moindre mobilisation du dispositif d’exonération de charges patronales en 2020 et de l’arrêt de certains chantiers, en raison de la crise sanitaire ;

– une opération technique de retraits d’engagements d’années antérieures (REJB), opération qui a pour résultat de minorer automatiquement dans le progiciel Chorus les consommations d’autorisations d’engagement.

● Le rapporteur constate la stabilité des composantes de la dépense : les dépenses d’intervention et les dépenses de personnel restent les premières catégories de dépenses en volume (95 % des dépenses de la mission). Pour les dépenses d’intervention, il s’agit pour beaucoup, pour les deux programmes, de dépenses « de guichet », à caractère rigide, étant donné qu’elles sont liées à des données législatives ou réglementaires (niveau et conditions d’ouverture des droits). Les dépenses de personnel, hors opérateur, sont consacrées au service militaire adapté.

Dépenses de la mission outre-mer par titre (CP exécutés en 2020)

(en million d’euros)

Source : commission des finances à partir des données du RAP pour 2020.

● La crise sanitaire a entraîné des dépenses extraordinaires mais principalement de moindres dépenses.

Les crédits de la mission Outre-mer ont été mobilisés de manière marginale dans le cadre de la crise sanitaire, les dépenses spécifiques occasionnées par la crise sanitaire ayant été portées à titre principal par le ministère des solidarités et de la santé. Les crédits mobilisés représentent 12,98 millions d’euros en AE et 11,4 millions d’euros en CP.

Le programme Conditions de vie outre-mer a porté la majorité des dépenses supplémentaires, soit 10,5 millions d’euros en AE et 9,6 millions d’euros en CP, pour différentes mesures sanitaires et sociales (par exemple la prise en charge de la distribution d’eau en Guadeloupe, principalement au profit des hôpitaux, ainsi que des dépenses liées à la continuité territoriale).

Sur le programme Emploi outre-mer, des crédits ont été redéployés en faveur des entreprises (prêts de développement outre-mer, micro-crédit) et pour le réaménagement des structures du service militaire adapté pour les adapter au cadre sanitaire.

Eu égard aux crédits non consommés à la fin de l’année 2020, le rapporteur spécial regrette que le Gouvernement n’ait pas utilisé toutes les capacités de redéploiement pour soutenir les entreprises en difficulté.

Le rapporteur spécial déplore, au regard des crédits restant non exécutés en fin d’année, que :

– le redéploiement de crédits en faveur des entreprises n’ait pas été plus conséquent ;

– des dispositifs spécifiques de grande ampleur n’aient été élaborés telles que des mesures de soutien en faveur de certains secteurs spécifiques (secteur balnéaire) et la prise en charge des coûts fixes des entreprises ultramarines les plus fragilisées.

La crise sanitaire a surtout eu des effets indirects portant sur une moindre consommation des crédits.

La mission enregistre en effet en 2020 de moindres dépenses. Ces moindres dépenses s’expliquent principalement, sur le programme Emploi Outre-mer, par un recours massif au dispositif de soutien à l’activité partielle (loi de finances rectificative du 23 mars 2020) entraînant une baisse des crédits mobilisés pour la compensation d’exonération de charges patronales, soit 146,6 millions d’euros, d’après la DGOM.

La moindre consommation des crédits du programme Conditions de vie outre-mer est liée notamment au ralentissement des chantiers, particulièrement sur les territoires ayant connu des confinements locaux (Guyane, Mayotte, Guadeloupe et Martinique), soit des moindres dépenses évaluées à 33,45 millions d’euros, les crédits ayant été transférés sur des actions présentant en 2020 un besoin de financement supérieur à la LFI, telle l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport.

Évolution de la rÉserve de gestion en 2020

(en millions d’euros)

 

Programme 123

Programme 138

Total mission

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Réserve fin de gestion

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Gel initial

41,0

35,0

54,0

54,1

95,0

89,1

Surgels

 

40,0

 

 

 

40,0

Dégels en gestion

18,7

 

10,7

1,8

29,4

1,8

Annulation

22,3

75,0

43,2

52,3

65,5

127,3

Source : Cour des comptes d’après les données de la DGOM.

Des crédits ont été annulés par la quatrième loi de finances rectificative (crédits issus pour l’essentiel de la réserve de précaution), tant sur le programme Emploi outre-mer que sur le programme Conditions de vie outre-mer, pour un total de 65,5 millions d’euros en AE et 127,3 millions d’euros en CP.

● Les dépenses fiscales s’élèvent à 5,29 milliards d’euros en 2020. Dans la continuité des exercices précédents, elles pèsent plus de deux fois plus que les dépenses budgétaires, s’élevant elles à 2,33 milliards d’euros. Les dépenses fiscales rattachées à la mission sont estimées par la Cour des comptes à 5,9 % du coût total des dépenses fiscales de l’État ([1]), alors que, à titre de comparaison, les crédits de la mission Outre-mer ne représentent que moins de 0,5 % de CP inscrits en LFI pour 2020.

● Les décrets du 7 août 2020 et du 24 novembre 2020 ont transféré 8,32 millions d’euros en AE et 8,88 millions d’euros en CP, dont 4,5 millions d’euros en AE et 4,50 millions d’euros en CP pour le financement des délégations de service public temporaires pendant le confinement après l’interruption de certains vols commerciaux et les travaux de l’aéroport de Mayotte. La DGOM a indiqué au rapporteur spécial que ces dépenses avaient été supportées par le programme 203 pour respecter le principe de spécialité.

I.   les points de vigilance de portÉe gÉNÉrale relevÉs par le rapporteur spécial

A.   Des difficultÉs rÉcurrentes de consommation des crÉdits, malgré des progrÈs constatÉs en 2020

Dans la continuité de ses travaux précédents, le rapporteur a étudié avec une attention particulière les niveaux de consommation des deux programmes de la mission Outre-mer, dans le prolongement de recommandations faites par l’inspection générale de l’administration et le contrôle général économique et financier à la ministre des outre-mer et au ministre de l’action et des comptes publics.

● La consommation des crédits de la mission Outre-mer est une difficulté récurrente, dont les raisons sont multiples. La mission d’inspection avait notamment relevé les effets des difficultés financières de nombreuses collectivités, dont les importantes dépenses de fonctionnement obèrent les capacités d’investissement ainsi qu’un fort déficit de capacité d’ingénierie administrative, financière et technique, la situation financière dégradée de nombreux opérateurs de logement social ainsi que des facteurs structurels renchérissant le coût des opérations et les rendant plus difficiles à réaliser.

● Le rapporteur spécial a constaté avec intérêt un progrès dans la consommation des crédits de la mission, malgré le ralentissement économique ayant freiné certains programmes, ce qu’il salue. La consommation atteint 94 % des AE et 98 % des CP.

La DGOM a indiqué à votre rapporteur avoir mené en 2020 différentes actions pour améliorer la consommation des crédits, telles que :

– la restructuration de l’architecture budgétaire du programme 123 Conditions de vie Outre-mer dans un objectif de meilleure lisibilité des crédits, tant au niveau central que local ;

– l’élaboration de deux chartes de gestion qui fixent les modalités opérationnelles de fonctionnement et décrivent le rôle des acteurs impliqués dans la chaîne de la dépense et le processus de programmation budgétaire ;

– pour l’exécution 2021, l’élargissement de la mise en œuvre expérimentale du document de programmation unique au ministère des outre-mer. Cette expérimentation permet au responsable de programme de disposer d’une partie beaucoup plus importante des crédits votés en loi de finances dès le début d’exercice, soit pour la mission Outre-mer en 2020, 70 % des crédits annuels dès le 6 janvier 2021.

● Pour le rapporteur, étant donné que les moyens budgétaires inscrits en 2020 en loi de finances initiale étaient inférieurs à l’année 2020, ces progrès sont à évaluer dans la durée et imposent une certaine vigilance.

Recommandation n° 1 : évaluer l’expérimentation faite en 2021 de la mise en œuvre du document de programmation unique par la direction générale des outre-mer.

B.   la fragmentation budgÉtaire des moyens de l’État en faveur des territoires ultra-marins

● Le rapporteur spécial attire l’attention sur la fragmentation du budget alloué aux politiques de l’État en faveur des outre-mer, portées par quatre-vingt-dix programmes relevant de trente missions. La mission Outre-mer n’y représentait en 2020 que 12 % des CP, dans la continuité des exercices précédents.

Il estime, comme les magistrats de la Cour des comptes ([2]) que la synthèse des moyens consacrés aux politiques ultramarines est rendue difficile par cette fragmentation.

*dotations de compensation liées au processus de départementalisation de Mayotte, PSR au profit des collectivités territoriales de Guyane et de Polynésie française, soutien exceptionnel de l’État au profit des régions d’outre-mer confrontées à des pertes de recettes d’octroi de mer et de taxe spéciale de consommation du fait de la crise sanitaire, soutien exceptionnel de l’État au profit de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna confrontées à certaines pertes de recettes fiscales spécifiques du fait de la crise sanitaire – hors dotation globale de fonctionnement.

**Les données transmises par la DGOM, après correction de typage, font état d’une consommation des fonds de concours à hauteur de 27,4 millions d’euros en CP

Source : Cour des comptes.

● Interrogée par le rapporteur spécial sur son rôle de pilotage et de coordination de la politique transversale à destination des outre-mer, la DGOM a apporté les éléments suivants.

Le rôle coordinateur de la DGOM passe en premier lieu par sa participation aux réunions interministérielles, sous l’égide du secrétariat général du Gouvernement ou du secrétariat général aux affaires européennes, mais aussi par l’organisation de bilatérales avec les directions d’administrations centrales.

La coordination interministérielle s’effectue souvent en « co-pilotage », la DGOM citant l’exemple du plan « chlordécone 4 », avec les ministères chargés de la santé, de la recherche et des outre-mer, ou à travers la nomination de délégués interministériels, comme celle du délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, qui relève des deux ministères compétents.

En 2020, pour la déclinaison du plan logement outre-mer (PLOM), ont été mis en œuvre, pour un total de plus de 120 réunions :

– des réunions des comités techniques de suivi de la mise en œuvre du PLOM, avec les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), services territoriaux de l’État en charge du logement. ;

– des groupes de travail avec les autres ministères et l’ensemble des partenaires (ANAH, ANRU, ANCT…) en vue de la déclinaison des mesures du plan.

La DGOM indique également faire preuve de pédagogie auprès des autres ministères, de manière à ce que les besoins spécifiques des outre-mer soient bien pris en compte : le dispositif « MaPrimeRénov’ », outil de financement des travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements est en train d’être adaptée aux spécificités des territoires et usages ultramarins.

● Le rapporteur spécial salue les efforts menés par le ministère des Outre-mer pour simplifier et clarifier le Document de politique transversale (DPT), tout en appelant à une réflexion pour une moindre fragmentation des politiques de l’État en faveur des Outre-mer.

Il s’interroge, dans ce prolongement, sur la création du fonds sans personnalité juridique Outre-mer 5.0, créé à la fin de l’année 2019 par affectation par la DGOM à l’Agence française de développement (AFD) de 17,5 millions d’euros, sur les crédits de la mission Outre-mer. Ce fonds doit accompagner les collectivités territoriales dans leurs besoins en ingénierie. Au-delà de la question de l’articulation de ce dispositif avec les deux plateformes d’aide à l’ingénierie financées par le programme Conditions de vie outre-mer, territoires dont relèvent justement plus du tiers des autorisations accordées au titre du fonds outre-mer, le rapporteur constate et ne peut que regretter que le Parlement soit ici privé de tout contrôle.

Il invite la DGOM à surveiller avec la plus grande rigueur et attention l’emploi fait par l’AFD des crédits transférés.

Recommandation n° 2 : surveiller avec la plus grande rigueur et attention l’emploi des crédits du fonds sans personnalité juridique Outre-mer 5.0, transférés à l’Agence française de développement (AFD).


II.   LeS Programmes de la mission outre-mer

A.   le programme 138 Emploi outre-mer

Les crédits portés par le programme Emploi outre-mer tendent à assurer le développement économique et local et la création d’emplois dans les territoires outre-mer par des exonérations de cotisations sociales pour un renforcement de la compétitivité des entreprises et par des mesures en faveur de publics éloignés de l’emploi.

Les dépenses du programme 138 sont essentiellement des dépenses d’intervention (86,03 %) ainsi que, dans une moindre mesure, des dépenses de personnel (9,23 %). Ces dépenses de titre 2 sont portées par l’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle.

1.   La sous-consommation des crédits prévus pour la compensation d’exonération de charges patronales, premier poste du programme

Les compensations d’exonérations de charges patronales, inscrites à l’action 1 Soutien aux entreprises, qui représentent 83,5 % des crédits, ont la particularité de présenter des déterminants d’évolution mal connus, le responsable du programme étant de manière générale très dépendant des informations fournies par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). À cette particularité s’est ajouté en 2020 le caractère imprévisible de la crise sanitaire et ses conséquences économiques : l’indemnisation du chômage partiel et le recul de l’activité salariée ont eu pour conséquence une sous-consommation qui s’élève à 33,6 millions d’euros en AE et 32,95 millions en CP.

Le rapporteur partage l’analyse des magistrats de la Cour des comptes qui, au-delà du caractère particulier de l’exercice 2020, considèrent comme insuffisante la fiabilité des informations fournies à la DGOM, en donnant pour exemple la sous-budgétisation de l’exercice 2018 suivi de la surbudgétisation en 2019 ([3]).

Action 1 - Comparaison entre la prévision et l’exécution

(en millions d’euros)

Source : RAP pour 2020.

Le rapporteur recommande de :

Recommandation n° 3 : conduire une étude sur l’impact des réformes du cadre juridique menées en 2018 et 2019 et, dans la poursuite de ses recommandations faites en 2020 à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement pour 2019 ;

Recommandation n° 4 : fiabiliser les prévisions de compensation des dispositifs d’exonération de cotisation de charges patronales.

2.   L’exécution des autres actions

Les crédits de l’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle présentent une moindre exécution, en raison notamment de la fermeture, pendant le premier confinement, des organismes de formation, suivie d’une diminution du nombre de bénéficiaires du passeport mobilité formation délivré par l’agence de l’outre-mer pour les mobilités (LADOM).

Cette action porte les crédits de titre 2 prévus pour les contrats du service militaire adapté (SMA). La fermeture des structures de formation professionnelle du SMA pendant le premier confinement a réduit les effectifs de volontaires, qui ont connu une sous-exécution de 379 ETPT soit 280 ETPT.

Les ressources du dispositif du prêt de développement outre-mer (PDOM) inscrit à l’action 4 Financement de l’économie ont été mobilisées pendant la crise sanitaire, avec un abondement supplémentaire de 20 millions d’euros. La progression de la consommation est de 35 % en AE et 42,35 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Le versement de 10 millions d’euros à BPI France s’avérant insuffisant, une dotation complémentaire de 20 millions d’euros a été versée au quatrième trimestre.

Le rapporteur salue également la dotation extraordinaire du ministère des outre-mer au fonds de prêts d’honneur de l’association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) à hauteur de 4,5 millions d’euros, pour l’octroi de prêts complémentaires aux PME ultramarines, tout en regrettant que toutes les réserves disponibles n’aient pas été mobilisées, au regard de la sous-consommation apparue en fin d’année 2020.

B.   le programme 123 conditions de vie outre-mer

Les crédits du programme Conditions de vie outre-mer soutiennent des dispositifs dont l’objectif est de réduire les écarts de niveaux de vie et d’équipement constatés entre l’outre-mer et la France hexagonale.

Le taux de consommation du programme est en progression par rapport aux cinq dernières années. Pour la DGOM, la moindre consommation en AE et CP par rapport à la LFI (– 4 % et – 3 % par rapport à la LFI) masque en réalité une consommation ne laissant « aucune marge par rapport aux crédits disponibles », les crédits non consommés ayant été rattachés à l’exercice 2021, tels les produits de la session des sociétés immobilières d’outre-mer (SIDOM), les bénéfices tirés de la vente n’ayant pu donner lieu à des ouvertures de crédits en gestion en 2020.

À cela s’ajoute l’apurement d’engagements d’années antérieures sous Chorus, par exemple sur l’action 1, qui réduisent mécaniquement l’exécution et minorent par conséquent le taux d’exécution. Ces « nettoyages » des AE répondent à une recommandation en 2019 de la Cour des comptes (note d’exécution budgétaire) et du CBCM (rapport définitif sur le mode de pilotage de la DGOM et de l’établissement de ses prévisions budgétaires).

Le rapporteur spécial salue ces interventions d’apurement des engagements tout en constatant que les restes à payer, c’est-à-dire la différence entre les engagements contractés ayant consommé des AE et la consommation des CP, sans considération du service fait, dont un des facteurs de progression est précisément l’insuffisante suppression des AE qui n’aboutiront pas à service fait, sont en progression de 2,9 %.

Le rapporteur spécial se réjouit de la progression du taux de consommation du programme, tout en signalant un « effet d’optique », la dotation étant en recul par rapport à 2019 à périmètre constant. Le recul des crédits portés par l’action 1 logement en LFI pour 2020 était de 2,5 % pour les AE et les CP.

Le taux de consommation masque de grandes disparités dans la consommation des actions, qui seront développées ci-après.

La surexécution de l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports (crédits multipliés par 3,63 en AE et par 3,81 en CP) tient au financement de dépenses de santé en Polynésie-française (RSPF) pour 10,1 millions d’euros en AE et CP et au versement de subventions pour des actions menées dans le champ sanitaire et social (7,2 millions d’euros en AE et 6,5 millions d’euros en CP), notamment pour des associations ayant accompagné les étudiants ultramarins pendant la crise sanitaire.

ExÉcution des crÉdits du programme conditions de vie outre-mEr en 2020

 

LFI AE

LFI CP

Exécution AE

Exécution CP

Écart AE
(en %)

Écart CP
(en %)

Action 1 Logement

206 620 100

181 903 765

217 939 955

179 347 935

5

- 1

Action 2 Aménagement du territoire

196 878 770

161 871 267

211 253 093

137 086 605

7

- 15

Action 3 Continuité territoriale

43 487 485

43 787 485

33 683 332

31 478 553

-23

- 28

Action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

5 650 000

5 650 000

20 537 015

21 502 291

263

281

Action 6 Collectivités territoriales

171 616 048

144 201 122

169 997 665

149 447 575

-1

4

Action 7 Insertion économique et coopération régionale

969 500

969 500

474 575

447 391

- 51

- 54

Action 8 Fonds exceptionnel d’investissement

110 000 000

60 000 000

57 414 601

55 180 154

- 48

- 8

Action 9 Appui à l’accès aux financements bancaires

39 346 329

26 489 805

33 700 000

29 449 820

- 14

11

Total

774 568 231

624 872 944

745 000 236

603 940 323

- 4

- 3

Source : DGOM.

1.   L’exécution de la ligne budgétaire unique (action 1 Logement)

Il s’agit essentiellement de dépenses d’intervention finançant principalement la construction de logements sociaux, la résorption de l’habitat insalubre et les mesures d’adaptation du parc immobilier antillais au risque sismique. La DGOM indique une progression des dépenses exécutées en 2020 par rapport à 2019 (18,6 millions en AE et 7,7 millions d’euros en CP).

Après la conférence du logement en outre-mer et le lancement du plan logement outre-mer 2019-2022, l’État s’était engagé à maintenir les autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique (LBU) au-delà de 200 millions d’euros annuels en 2020, 2021 et 2022.

Le rapporteur ne peut que regretter les diminutions de la dotation en AE et en CP entre la LFI pour 2019 et la LFI pour 2020, diminution de 7 % en AE et de 17,1 % en CP en LFI pour 2020 par rapport à 2019, pour un montant exécuté de 181,90 millions euros en AE et 179,33 millions euros en CP ;

Il ne peut se satisfaire de l’argument reposant sur les limites aux capacités d’engagement constatées dans les territoires ultramarins.

programme 123 – exÉcution de l’action 1 logement en 2020

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

Exécution

Écart

LFI

Exécution

Écart

Dépenses de fonctionnement

0,00

0,48

0,48

0,00

0,56

0,56

Dépenses de transferts

206,62

182,04

- 24,58

181,90

166,77

- 15,13

 aux ménages

34,00

19,02

- 14,98

30,09

25,70

- 4,39

 aux entreprises

133,62

131,04

- 2,58

117,29

127,56

10,27

 aux collectivités territoriales

39,00

29,21

- 9,79

34,52

12,11

- 22,41

 aux autres collectivités

0,00

2,77

2,77

0,00

1,40

1,40

Opérations financières

0,00

0,00

0,00

0,00

12,00

12,00

Total

206,62

182,52

- 24,1

181,90

179,33

- 2,57

Source : Cour des comptes, note d’exécution budgétaire.

Il estime d’urgent d’approfondir les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités territoriales par la DGOM. Il salue la sanctuarisation par la DGOM, en 2020, d’une partie de la LBU pour aider les collectivités dans la réalisation des différents documents tout en regrettant que les crédits de l’action 1 n’aient pas été augmentés en conséquence.

Recommandation n° 5 : approfondir les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités territoriales par la direction générale des outre-mer, étendre la plateforme d’ingénierie expérimentée à Mayotte et en Guyane aux autres territoires ultramarins, afin de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales.

2.   De moindres consommations à mettre en rapport avec la crise sanitaire

Les actions 3, 4, 6, 7, 8 et 9 présentent des sous-consommations, pour certaines très marquées, qui trouvent leur explication dans les conséquences de la crise sanitaire :

– l’exécution de l’action 3 Continuité territoriale est en recul de 23 % par rapport à la LFI, celle de l’action 7 Insertion économique et coopération régionale, de - 48 %, conséquences des limitations au transport aérien. Ni les actions soutenant la continuité territoriale, que ce soit par les dispositifs pilotés par LADOM que via le Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS), ni les actions de coopération régionales, n’ont pu pleinement être mises en œuvre ;

– l’arrêt des chantiers, dans les zones concernées par les confinements, et le ralentissement de la programmation des opérations, s’est traduit sur l’exécution des actions 2 Aménagement du territoire et 8 Fonds exceptionnels d’investissement.

III.   Ladom, opÉrateur de la mission

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé des outre-mer et du ministère du budget, LADOM bénéficie de versements inscrits sur les deux programmes de la mission Outre-mer. La subvention pour charge de service public et la dotation d’investissement sont inscrites sur le programme Emploi outre-mer, les crédits d’intervention sont inscrits sur le programme Emploi outre-mer et le programme Conditions de vie outre-mer. Figurent également parmi ses recettes des crédits du Fonds social européen (FSE) et des collectivités territoriales ultramarines.

Le plafond d’emploi voté en LFI était de dix-sept ETPT, pour une réalisation de 126,6 ETPT. L’agence recourt également à des personnels intérimaires (représentant l’équivalent de 11 ETPT en moyenne en 2019 et 2020).

A.   des activitÉs bouleversÉes par les restrictions À la mobilitÉ

Le contexte particulier de l’année 2020 a affecté de manière significative l’activité de LADOM, qui met en œuvre des dispositifs de mobilité.

● Tous financements compris, les recettes ont été réalisées à hauteur de 53,6 millions contre une prévision initiale à 79,7 millions.

● 68,8 millions de dépenses, tous financements confondus, étaient inscrits au budget pour 2020. Celles-ci n’ont été exécutées qu’à hauteur de 51,8 millions d’euros, soit une diminution de 17 millions d’euros, dont 6,9 millions d’euros pour moindres dépenses dans le cadre du programme Emploi outre-mer et 8 millions d’euros dans le cadre du programme Conditions de vie outre-mer.

L’État a procédé à un ajustement des versements de ses financements encours de gestion eu égard à la baisse d’activité de l’opérateur dans le contexte de la crise sanitaire (27,9 millions d’euros en AE et 30,9 millions en CP au lieu de respectivement 57 millions d’euros et 58,2 millions d’euros)

Les restrictions à la mobilité ont empêché ou freiné la mise en œuvre des dispositifs d’aide à la mobilité de l’agence, qu’il s’agisse du passeport mobilité formation professionnelle ou des aides à la continuité territoriale.

Le nombre de mesures émises sur la dotation de l’action aide à l’insertion et à la qualification professionnelle du programme Emploi outre-mer son également en recul de 54 % en moyenne. Le passeport mobilité formation professionnelle porte la mesure d’allocation complémentaire de mobilité (ACM), l’action mobilité formation emploi (AMFE) et l’accompagnement post-mobilité.

 

D’après la DGOM, les déplacements aidés par les aides du fonds de continuité territoriale, inscrites sur le programme Conditions de vie outre-mer sont en recul de 37 %, soit 24 100 déplacements. La croissance du nombre de déplacements des étudiants s’explique par les retours au moment du confinement. Pendant la période de confinement, LADOM a mis en œuvre un dispositif exceptionnel finançant le retour de près de 600 étudiants en difficulté, sur les crédits du passeport mobilités études.

nombre de bÉNÉficiaires des dispositifs du fonds de continuitÉ territoriale en 2020 (hors aide À la continuitÉ funÉraire)

 

Aide à la continuité territoriale

Étudiants

Formation professionnelle et concours

Total des bénéficiaires

2019

22 800

11 400

3 900

38 400

2020

7 100

15 300

1 600

24 100

Évolution (%)

- 69

+ 33

- 58

- 37

Source : DGOM.

 

Les mesures dites d’aide à la continuité territoriale funéraire se déclinent en deux mesures, « l’aide obsèques » et l’aide au transport de corps, qui n’ont été que très peu mobilisées en 2020 par rapport aux années précédentes.

● « L’aide obsèques » prévoit le remboursement, sous conditions, d’une partie du prix du billet d’avion réservé pour se rendre aux obsèques d’un parent, et depuis 2021, au chevet d’un parent en fin de vie, sous condition de ressource. LADOM indique au rapporteur spécial avoir validé 57 aides en 2020.

● L’aide au transport de corps prend en charge 50 % des frais engagés pour le transport aérien du corps vers la collectivité de résidence habituelle du défunt, avec un plafond de 1 000 euros. LADOM indique que 5 aides ont été versées en 2020.

Le rapporteur spécial se réjouit des évolutions portées par la LFI pour 2021, élargissant l’accès de l’aide obsèques :

– aux frères et sœurs des défunts ;

– pour se rendre au chevet d’une personne en fin de vie ;

– et pour les déplacements entre collectivités ultramarines.

Le rapporteur spécial constate que les mesures d’applications d’ordre réglementaire n’ont pas encore été prises telle que l’aide à taux unique.

Recommandation n° 6 : accélérer la mise en œuvre par le Gouvernement des mesures réglementaires pour l’accès effectif à l’élargissement de « l’aide obsèques ».

B.   la prÉparation du rapprochement de ladom avec pôle emploi

Les conclusions de la Cour des comptes sur la gestion de LADOM entre les exercices 2011 et 2017 rendues en mars 2019 recommandaient un rapprochement « plus large » avec Pôle emploi. La Cour mettait en évidence la situation financière « encore particulièrement fragile » de LADOM et les « risques d’isolement et de déclassement » que l’agence pourrait affronter.

La DGOM a indiqué au rapporteur spécial que la perspective d’un rapprochement entre LADOM et Pôle emploi avait été accueillie favorablement par les agences et les ministères de tutelle et ce pour les fonctions de gestion principales (comme les systèmes d’information, les achats et le contrôle interne) et certaines fonctions opérationnelles, comme l’orientation des stagiaires après leur formation en métropole.

Un accord-cadre national entre LADOM et Pôle Emploi est en cours d’élaboration, pour une présentation au prochain conseil d’administration de LADOM, fin juin 2021.

Le rapporteur spécial se réjouit de ce rapprochement, attendu depuis 2019.

C.   perspectives pour des aides À la « mobilitÉ inversÉe »

Le rapporteur spécial s’interroge sur les actions concrètes qui seront mises en œuvre dans les prochaines années tirant les conséquences d’une mobilité qui est majoritairement pour l’instant « à sens unique » ce qui fragilise le contexte démographique déjà sensible des territoires ultramarins.

Les nécessaires actions d’aide à la mobilité des jeunes et des étudiants, qui vident malheureusement ces territoires déjà vieillissants de leurs jeunes, doivent être complétés par des aides à l’installation professionnelle dans les territoires ultramarins.

Dans le prolongement de son rapport rendu au Premier ministre présentant vingt propositions pour améliorer les mobilités et les carrières des fonctionnaires ultramarins, le rapporteur spécial appelle à compléter les actions et les moyens de LADOM pour qu’elle puisse assurer de manière effective la continuité territoriale vers et depuis l’hexagone.

Il souhaite également que la mission Outre-mer puisse également accompagner les associations faisant la promotion d’un retour sur le territoire ultramarin après qui soulignait le rôle majeur de LADOM dans l’émission de billets d’avion des territoires ultramarins vers la France hexagonale. En effet, on assiste à une mobilité unilatérale où de nombreux Ultramarins ne rentrent pas au sein de leur territoire d’origine.


 — 1 —

   DeuxiÈme partie – THème d’Évaluation : la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation

L’insertion dans la loi d’un droit à l’égalité réelle dans les outre-mer est née en réaction aux importantes difficultés économiques et sociales connues par les territoires ultramarins. L’article premier de la loi n° 2017-256 de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, dite loi « EROM », précise la teneur de ce droit : il s’agit de « résorber les écarts de développement en matière économique, sociale, sanitaire, de protection et de valorisation environnementale » entre l’hexagone et de « réduire les écarts de niveaux de vie et de revenus constatés au sein de chacun d’entre eux ».

La loi EROM a mis en place de nouveaux dispositifs pour atteindre cet objectif d’égalité réelle qualifié par le même article de « priorité de la Nation ». L’article 7 de la loi dispose ainsi que « l’État, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et les établissements publics de coopération intercommunale, en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux, élaborent, pour le territoire de chacune de ces collectivités, un plan de convergence ». Cette élaboration suppose au préalable un diagnostic, établi par chaque territoire après des consultations locales, tenant compte des caractéristiques propres à chaque territoire.

D’après la circulaire du 11 mai 2018, les plans de convergence sont des documents stratégiques, élaborés conjointement par l’État et les collectivités territoriales, dont l’objet est de définir une stratégie de long terme de convergence adaptée à chaque territoire, en vue de réduire les écarts de développement avec l’hexagone, ainsi que d’atteindre les dix-sept objectifs de développement durables (ODD) de l’agenda 2030 des Nations unies. Dans les collectivités de l’article 74, les plans de convergence sont facultatifs, l’opportunité de leur élaboration étant laissée à l’appréciation des acteurs locaux.

L’article 9 de la loi dite EROM prévoit la déclinaison des plans de convergence en contrats de convergence et de transformation (CCT), conclus entre les signataires des plans de convergence. Le rapporteur spécial a souhaité faire porter la partie thématique de son rapport sur la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation près de deux ans après la signature des premiers CCT.

Dans le prolongement de sa mission à Mayotte en 2019, le rapporteur spécial a choisi, dans la seconde partie de cette étude, d’aborder plus spécifiquement la préparation et la mise en œuvre du CCT de Mayotte ([4]), en auditionnant les principales parties prenantes, qu’il s’agisse des autorités déconcentrées, des collectivités territoriales et du rectorat de Mayotte.

I.   Les dÉbuts lents mais prometteurs des contrats de convergence et de transformation

A.   Un dispositif innovant prÉvu pour tenir compte de la diversitÉ des territoires ultramarins

1.   Le caractère innovant des contrats de convergence et de transformation

Les contrats de convergence et de transformation (CCT) se sont substitués, à partir de 2019, pour les départements et régions d’outre-mer, aux contrats de plan État-région (CPER) 2015-2020 et, pour les collectivités d’outre-mer, aux contrats de développement (CDEV).

Plusieurs innovations marquent, pour le rapporteur spécial, un progrès par rapport aux anciens CPER et CDEV.

● Les partenariats ont été étendus aux établissements publics de coopération intercommunale, au-delà des conseils régionaux et conseils départementaux ;

● Le périmètre de la contractualisation a été étendu à de nouvelles politiques publiques, comme l’illustre, à titre d’exemple, la participation du ministère des sports et de l’agence nationale des sports ;

● Les CCT prennent en compte de manière transversale les dix-sept objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’Organisation des nations unies ;

● L’élaboration des plans de convergence, supports des CCT, s’est appuyée, dans une perspective de long terme, sur les diagnostics territoriaux réalisés lors des assises des outre-mer. Celles-ci, lancées à l’automne 2017, ont en effet associé les acteurs locaux et la population à la définition de priorités stratégiques. En Martinique, les assises des outre-mer ont donné lieu à 200 réunions, pour 3 500 participants et 304 propositions.

Dans certains cas, les assises des outre-mer ont été suivies d’une concertation locale du plan, comme en Guadeloupe, où la concertation locale fut lancée en août 2018. Le plan y fut signé le 31 décembre 2018.

En Martinique, le plan puis le CCT ont utilisé l’architecture de la synthèse territoriale des assises. 35 % des propositions faites par les participants des assises ont été inscrites au CCT ([5]).

● Les cinq objectifs de la trajectoire outre-mer 5.0, lancée par le ministre des outre-mer le 8 avril 2019, y sont déclinés : zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, zéro exclusion ; zéro vulnérabilité (résilience face au changement climatique et aux risques naturels). Ces objectifs reprennent les grandes orientations du livre bleu outre-mer ([6]).

2.   La définition et l’adoption des plans de convergence puis des contrats de convergence et de transformation : des élaborations tardives au regard du calendrier prévu par la loi de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017

● Les plans de convergence ont été adoptés pour leur majorité entre la fin de l’année 2018 et l’année 2019 et furent signés, comme l’article 7 de la loi EROM le prévoyait, par l’État, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et les établissements publics de coopération intercommunale, en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux.

Chaque plan fut élaboré avec les futures parties signataires réunies dans un comité de pilotage, dans l’objectif, d’après la DGOM, d’élaborer une stratégie de territoire transversale sur le long terme. Les plans se sont fait écho des diagnostics territoriaux issus des assises des outre-mer, comme indiqué plus haut, ainsi que des stratégies régionales déjà existantes, telles les schémas d’aménagement régionaux (SAR) des DROM.

Le plan de convergence de la Guadeloupe

La Guadeloupe a construit son plan de convergence « 2019 – 2028 » autour de cinq volets thématiques :

 cohésion des territoires (consolider et intégrer la dimension sociale de la politique de l’hébergement/logement social, éliminer l’extrême pauvreté et la faim, résorber l’habitat indigne, soutenir le logement social, limiter l’étalement urbain et accompagner les projets de territoire, œuvrer pour un territoire plus sécuritaire, structuration des dynamiques territoriales, déploiement du très haut débit, renforcement des actions de prévention sanitaire et garantie des qualités de soin à tous les habitants, continuité de l’éducation et insertion de la jeunesse par l’activité, combler le retard en matière d’équipement culturel, renforcement accès aux services publics et à l’information, à l’accès aux structures sportives...) ;

 mobilité multimodale (diversifier les leviers de développement de l’activité portuaire, rendre les infrastructures routières plus sûres, adapter les infrastructures à l’augmentation du trafic des passagers, développer les alternatives à la voiture individuelle) ;

 territoires résilients (augmenter la résilience des territoires face aux risques naturels et préparer la population aux risques majeurs, lutter contre les algues Sargasse, développer les équipements essentiels pour tendre vers un archipel zéro déchet en 2035, restaurer les capacités techniques et financières des services d’eau et d’assainissement pour sortir durablement de la crise, réussir la transition énergétique, protéger et mettre en valeur la biodiversité) ;

 territoires d’innovation et de résilience (amélioration de la stratégie d’enseignement et de recherche, valoriser la recherche et l’innovation, développer le flux d’échanges entre partenaires caribéens, soutien aux filières de production, développement de projet touristiques) ;

– cohésion sociale et employabilité (favoriser l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, soutenir les publics vulnérables, investissement dans les compétences, développer les filières à enjeux).

Le plan a été signé à la fin de l’année 2018 par le représentant de l’État, le président du conseil régional de la Guadeloupe, la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe, et les présidents des EPCI.

Source : direction générale des outre-mer (DGOM).

La conclusion de plans de convergence était facultative pour les territoires de l’article 74 de la Constitution :

– le territoire de Wallis-et-Futuna a adopté une Stratégie de convergence 2019-2030, remplaçant la Stratégie de développement durable 2017-2030 ;

– les autres collectivités ultramarines n’ont conclu ni plan de convergence ni dispositif spécifique.

● Dans le prolongement des plans de convergence, les différents contrats de convergence et de transformation ont été élaborés de manière parallèle, à quelques exceptions près tenant à des circonstances locales, entre l’automne 2018 et l’été 2019. Après la transmission d’un mandat de négociation aux préfets présentant le calendrier et l’enveloppe budgétaire indicative pour chaque programme budgétaire de l’État et par opérateur, une négociation a été ouverte avec les collectivités territoriales concernées par la contractualisation. Plusieurs réunions interministérielles ont donné lieu, au printemps 2019, à la validation des maquettes budgétaires et des fiches projets.

Le 8 juillet 2019 ont été signés à Paris, en présence des collectivités territoriales et des EPCI, les CCT de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte de la Réunion, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna. Le CCT de Saint-Martin fut quant à lui signé le 22 juillet 2019.

● Le rapporteur spécial constate que la signature des sept premiers CCT est intervenue avec retard : d’après l’article 7 de la loi dite EROM du 28 février 2017, un plan de convergence, support d’un CCT ultérieur, devait être signé dans chaque collectivité de l’article 73 de la Constitution avant le 1er juillet 2018. La conclusion des deux premiers plans, ceux de Guadeloupe et de Mayotte, est intervenue en toute fin d’année 2018, les autres plans ayant été conclus plus tardivement, en 2019. Ce retard s’est répercuté sur la préparation des CCT.

Le rapporteur spécial regrette cette rupture avec le calendrier prévu, d’autant que les contrats de convergence et de transformation étaient très attendus. Si la période de concertation locale, portée par les assises de l’outre-mer, était un préalable nécessaire, il regrette ce retard de plus d’un an reportant d’autant de temps la mise en œuvre des ambitieux programmes portés par les CCT.

Le rapporteur spécial prend toutefois en compte les éléments de contexte suivants :

– l’adoption plus tardive du CCT de Saint-Martin peut trouver son origine dans les bouleversements causés par la tempête Irma ;

– en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, certaines échéances électorales propres aux territoires ont retardé le travail d’élaboration :

● En Polynésie française, un contrat de développement et de Transformation État-Pays-Communes a été signé avec le Gouvernement de Polynésie française le 30 mars 2020. Le Haut-commissaire avait reçu en  octobre 2020 un mandat de négociation du Premier ministre en vue de l’élaboration d’un nouveau contrat pour la période 2021-2023.

● En Nouvelle-Calédonie, un avenant signé en décembre 2020 a prolongé d’un an le contrat de développement (CDEV) en cours, jusqu’à fin 2022.

La DGOM du ministère des outre-mer a indiqué au rapporteur spécial que le périmètre des CCT, plus large que les mécanismes précédents, et le nombre important d’acteurs participant à leur élaboration se sont traduits par une adoption plus tardive que prévue. S’y est ajoutée la nécessaire coordination avec les derniers mois d’application des CPER et CDEV. Il était nécessaire de prendre en compte la continuité des projets des CPER sur les nouveaux CCT.

3.   Des financements de l’État et des différentes parties prenantes sur un total, principalement, de dix-huit programmes

a.   Présentation des crédits

Comme les contrats de plan État-régions (CPER), les CCT présentent des crédits de l’État ainsi que ceux des autres parties prenantes, en l’espèce les collectivités territoriales et les établissements publics et de coopération intercommunale tel que détaillé dans le tableau ci-après :

Répartition des contributions pour chaque
contrat de convergence et de transformation

(en millions d’euros)

Source : DGOM.

 

 

 

 

b.   Des crédits répartis sur un nombre élevé de missions

Contribuent aux CCT dix-huit programmes, trois opérateurs ainsi que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit fonds Barnier.

En euros

Programme LOLF /

Opérateur / Agence

Ministère de rattachement

Champs d’intervention

Montant contractualisé État 2019

Montant contractualisé État 2020*

P 123

Ministère des outre-mer

Divers thématiques

339 321 869

352 867 380

P 123 - FEI/Projets Sports

Ministère des outre-mer

Sport

25 500 000

26 000 000

ANS-Projets Sports

Agence nationale du sport

Sport

25 500 000

26 000 000

P 131 – P 175 – P 224

Ministère de la culture

Culture

6 242 000

4 604 000

P 112

Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Aménagement du territoire

21 960 000

18 821 332

P 214

Ministre de l’éducation nationale

Enseignement scolaire

334 000 000

334 000 000

P 203

Ministère de la transition écologique et solidaire

Infrastructures et services de transports

227 680 000

70 580 000

FPRNM

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit Fonds Barnier), a été créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement

Prévention des risques environnementaux,

Etudes et travaux

imposés par un PPRN

62 825 828

62 825 828

ADEME

Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé en 1991

Transition énergétique et environnementale, gestion et valorisation des déchets

56 880 000

50 880 000

AFB (devenue OFB** depuis le 01/01/20)

Opérateur du ministère de la transition écologique et solidaire

Paysages eau et biodiversité

79 000 000

68 600 000

P 113

Ministère de la transition écologique et solidaire

Politiques de l’eau, de la biodiversité

11 421 866

7 721 866

P 217

Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES)

Effectifs et masse salariale du MTES affectés dans les directions départementales interministérielles (DDI)

204 200

204 200

P 150

Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

 

Formations supérieures

et recherche universitaire

27 703 780

21 370 780

P 231

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Vie étudiante

1 428 553

1 428 553

P 172

Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Recherches scientifiques et technologiques

1 805 690

1 569 350

P 137

Premier ministre

Égalité entre les femmes et les hommes

4 000 000

3 200 000

P 103 (hors PIC)

Ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

Accompagnement des mutations économiques, emploi

11 361 664

10 028 332

P 103 (PIC)

Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion

Emploi, insertion et plan d’investissement dans les compétences

499 895 956

486 871 364

P 138

Ministère des outre-mer

Divers thématiques

5 440 000

5 440 000

P 119

Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Concours financiers aux Collectivités territoriales et à leurs groupements

1 200 000

1 200 000

P 162 (PITE Guyane)

Ministère de l’intérieur

Actions régionales ou interrégionales, de nature interministérielle et territorialisée, nécessitant une rapidité d’action de l’État ou d’accélération d’un plan complexe.

-

238 437 262

TOTAL

 

 

1 743 371 406

  792 650 247

Source : DGOM.

* D’après la DGOM, les différences entre la colonne correspondant à l’année 2020 et celle correspondant à l’année 2019 dans le tableau ci-dessous tiennent à la signature du CCT de Saint Martin, intervenue en 2020 ainsi qu’au transfert des crédits de certains programmes vers le nouveau programme d’intervention territorial de l’État (PITE) porté par le programme 162.

** L’Office français de la biodiversité (OFB) réunit depuis janvier 2020 l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Le rapporteur spécial s’interroge sur :

– la multiplicité des programmes qui peut nuire à la lisibilité du CCT et qui engendre une complexe coordination. Il met cette multiplicité de programme en rapport avec le constat qu’il fait en première partie de ce rapport de la dispersion des crédits des politiques publiques en faveur des outre-mer sur un nombre très élevé de programmes et de missions ;

– l’articulation des CCT avec la prochaine programmation des fonds européens, eu égard aux différences dans les calendriers d’adoption. La maquette financière portée par la prochaine programmation pluriannuelle du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 est en effet en cours de préparation. Le rapporteur spécial regrette cette discordance de calendrier.

Selon la DGOM, dès que les enveloppes seront connues (cf. encart ci-après), une articulation des projets sera mise en œuvre au niveau local, articulation qui tiendra également compte des fonds du plan de relance.

La préparation de l’accord de partenariat entre la France et l’Union européenne pour la période 2021-2027

L’accord de partenariat est un document qui présente la stratégie, les priorités et les modalités fixées par l’État membre pour son utilisation des fonds européens. Il est approuvé par la Commission européenne à la suite d’une évaluation et d’un dialogue avec l’État membre

L’accord de partenariat encadrant au niveau national la mise en œuvre des fonds européens dans les régions ultramarines devrait être transmis à la Commission européenne au début du second semestre 2021. Il comprendra la maquette financière définitive des autorités de gestion chargées de la mise en œuvre des fonds européens.

Les autorités de gestion disposeront ensuite d’un délai de trois mois pour transmettre leur projet de programme opérationnel (PO) à la Commission européenne pour une validation définitive.

L’adoption des PO permettra de disposer d’une maquette financière détaillée à l’échelle de chaque objectif thématique selon les priorités définies avec l’Union européenne.

Source : DGOM.

B.   une mise en œuvre freinÉe en 2020 par la crise sanitaire

Le rapporteur spécial a étudié le cadre de la mise en œuvre concrète des CCT, en particulier le rôle de la DGOM, l’évaluation des premiers résultats et les conséquences de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.

1.   Le pilotage de la direction générale des outre-mer et le pilotage local

a.   Le suivi de l’exécution par la direction générale des outre-mer

● La DGOM, en liaison, selon les territoires ultramarins, avec les préfectures, les haut-commissariats ou les administrations supérieures, et dans tous les cas avec les autres ministères concernés, suit l’exécution des opérations inscrites au titre des CCT.

Pour suivre l’exécution des crédits et la conformité des projets financés aux orientations et à la maquette financière de ces contrats, une circulaire annuelle du ministère des outre-mer précises les modalités de suivi de leur exécution aussi bien au niveau central, qu’au niveau local. La DGOM utilise les éléments transmis par les services des ministères partenaires et, au niveau local, par les services déconcentrés.

Calendrier de suivi de l’exÉcution des contrats de convergence
et de transformation

Date de retour

Services concernés

Livrables

Objectif complémentaire

Fin janvier N

Administrations centrales

Renseignement de maquette pour les crédits État avec par programme les données en AE et CP concernant l’exécution de l’année N-1.

Certification des comptes de l’État

15 avril N

Administrations centrales

Renseignement de maquette pour les crédits État avec par projet : les données complétées en AE et en CP concernant l’exécution de l’année N-1 et la prévision d’exécution de l’année N.

Paragraphe précisant, pour chaque contributeur national, les éléments spécifiquement attendus dans le bilan quantitatif et qualitatif annuel des CCT.

Rédaction du DPT Outre-mer (prévisions année N) et information sur les problématiques et difficultés

Préfectures (RBOP) P123 conditions de vie outre-mer et P138 emploi outre-mer

Renseignement de maquette pour les crédits État avec par projet : les données complétées en AE et en CP concernant la prévision d’exécution de l’année N.

15 juin N

Préfectures

Production d’un bilan qualitatif des CCT de l’année N-1, en lien avec les partenaires territoriaux.

Bilan année N-1 du DPT Outre-mer

fin août N

Administrations centrales

Renseignement de maquette pour les crédits État avec par programme : les données en AE et CP concernant la prévision de l’année N+1.

Prévisions années N+1 du DPT Outre-mer

Source : DGOM.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont les crédits relevant de son périmètre sont contractualisés dans le cadre des CCT, reçoit également transmission des documents prévus par la circulaire.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

La création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), fusion du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), d’Epareca et de l’Agence du numérique, avait l’objectif de marquer une nouvelle étape dans la relation de l’État auprès des collectivités territoriales, avec l’ambition de mieux prendre en compte les différences entre les territoires et en adaptant l’action de l’ANCT à leurs besoins.

À ce titre, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), chargé de suivre, sur le territoire métropolitain, l’exécution des contrats de plan État-Région, a joué un double rôle de conseiller technique et d’expertise dans le processus d’élaboration des contrats de convergence 2019-2022 : assistance au montage, à l’instruction et au financement de projets.

b.   Le pilotage local

Au niveau de chaque territoire ultramarin, les préfectures, les administrations supérieures et les hauts commissariats selon le cas, sont chargés d’animer le partenariat avec les collectivités territoriales cocontractantes et de la coordination du suivi du CCT. Des comités locaux sont prévus pour identifier les avancées et les difficultés éventuelles dans la mise en œuvre des projets.

Pour le rapporteur spécial, ce pilotage local et l’association tout au long de l’exécution du CCT des collectivités territoriales et des EPCI est primordial.

2.   L’exécution des crédits portés par le programme 123 Conditions de vie outre-mer en 2019 et 2020 et les difficultés rencontrées

Les crédits des CCT relevant du programme 123 sont inscrits à l’action 2 Aménagement du territoire. Ils sont délégués par la directrice générale des outre-mer, responsable de programme, aux responsables de budget opérationnels de programme (BOP), c’est-à-dire, selon les territoires, le préfet, le haut-commissaire, ou, pour Wallis-et-Futuna, l’administrateur supérieur. Les responsables de BOP sont ensuite chargés de la mise en œuvre comptable des projets financés par le CCT.

PrÉsentation de la rÉalisation 2019 et 2020 pour le programme 123 ([7])

En millions d’euros

Source : DGOM.

a.   Des difficultés ponctuelles en 2020 : la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et le calendrier électoral

La DGOM a signalé au rapporteur spécial plusieurs facteurs de retard dans les débuts de l’exécution des différents CCT :

– après la signature, le 8 juillet 2019, des sept premiers contrats de convergence et de transformation, de nombreux comités de programmation chargés de proposer la programmation concertée des opérations pour l’année ont été reportés sur l’année 2021, retardant d’autant la mise en œuvre des projets ;

– en 2020, première année « en année pleine », deux éléments ont ralenti la réalisation des projets :

● la campagne des élections municipales puis le renouvellement des exécutifs locaux, à l’installation parfois différée, ont ralenti la prise de décision et la concrétisation des projets de co-financement État-collectivité, tels que les projets des CCT ;

● la pandémie de Covid-19 qui a fortement perturbé et ralenti les calendriers prévus, qu’il s’agisse des chantiers ou de la tenue des réunions de programmation.

Si certains territoires ont été épargnés, en raison de leur contexte spécifique et des dispositions prises (Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie), d’autres territoires ont connu une période de confinement strict, voire plusieurs confinements (Guyane, Mayotte, Guadeloupe).

Les périodes de confinement ont eu les conséquences suivantes :

– le ralentissement voire interruption des chantiers, puis reprise des chantiers mais avec des règles de distanciation strictes et des difficultés d’acheminement des matériaux de construction (limitation des échanges aériens et maritimes) ralentissant la cadence des chantiers ;

– la fermeture des services administratifs de certaines collectivités.

Pour ces raisons, le niveau de consommation des crédits de paiement est très inférieur à la prévision dans tous les territoires.

Le rapporteur spécial salue, dans le cadre du plan de relance, le versement d’une enveloppe de 20 millions d’euros, ouverte par décret de transfert en janvier 2021, pour abonder, sur le programme 123, les crédits consacrés aux CCT. Le rapporteur spécial appuie cette dotation supplémentaire, qui permettra ainsi d’accélérer la réalisation des CCT. Des avenants aux CCT sont également en cours de préparation, sur les thématiques de formation et d’emploi, par exemple.

Décret de transfert de janvier 2021 – crédits transférés aux CCT

(en millions d’euros)

Collectivité ultramarine

Crédit transféré

Guadeloupe

2,70 

Guyane

2,60 

Réunion

Martinique

2,60 

Mayotte

1,80 

Source : DGOM.

b.   Une difficulté structurelle : le déficit en ingénierie et la rigidité du cadre budgétaire des CCT

● La DGOM a présenté au rapporteur spécial les conséquences d’un déficit en ressources techniques et administratives, dans les collectivités territoriales, sur les candidatures aux programmes des CCT et sur les demandes de subvention.

Ce constat rejoint malheureusement des observations faites par le rapporteur spécial depuis de nombreuses années. Il salue la mise en place de plateformes d’appui à l’ingénierie en Guyane et à Mayotte et les nouveaux dispositifs de l’Agence française de développement grâce aux financements du fonds outre-mer, mais regrette un déploiement encore trop limité.

Recommandation n° 5 : approfondir les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités territoriales par la direction générale des outre-mer, étendre la plateforme d’ingénierie expérimentée à Mayotte et en Guyane aux autres territoires ultramarins, afin de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales.

Il déplore également la rigidité de l’enveloppe budgétaire des CCT, qui interdit des ajustements, en cours d’exécution, en fonction de l’évolution des besoins des collectivités ultramarines.

Recommandation n° 7 : réfléchir, en vue de la préparation de la future génération des contrats de convergence et de transformation, à des outils de flexibilité pour modifier les répartitions, en accord avec les parties contractantes, en cours d’exécution.

Sur ces points, voir également infra.


II.   L’Élaboration et la mise en œuvre du contrat de convergence et de transformation de mayotte

Le rapporteur spécial a choisi d’étudier plus particulièrement la mise en œuvre du contrat de convergence et de transformation (CCT) de Mayotte, dans le prolongement de sa mission à Mayotte de janvier 2019, pour les raisons suivantes :

– les indicateurs économiques et sociaux témoignent de l’urgence du rattrapage et des besoins en termes de crédits publics. Le territoire de Mayotte est d’ailleurs le territoire présentant la dotation la plus importante avec 1,6 milliard d’euros dont 608 millions de l’État ;

– les caractéristiques démographiques de l’île font de la politique éducative un enjeu stratégique majeur, porté par le CCT. C’est la raison pour laquelle le rapporteur spécial a étudié en particulier le volet éducatif du CCT et les programmes pilotés par le rectorat ;

– le rapporteur spécial s’est interrogé sur l’articulation du CCT avec le plan pour l’avenir de Mayotte présenté au printemps 2018 ;

– le suivi des crédits de la mission Outre-mer fait apparaître depuis plusieurs années, à Mayotte, des problèmes structurels de consommation des crédits du programme Conditions de vie outre-mer. Ces difficultés ont suscité la création d’une plateforme d’ingénierie apportant un appui aux collectivités territoriales. Il était important au rapporteur spécial d’évaluer ce nouveau dispositif au regard de la consommation des crédits du CCT de Mayotte.

A.   ÉlÉments de contextualisation : le plan d’action pour l’avenir de Mayotte, en rÉaction À la crise sociale de printemps 2018

1.   Les difficultés structurelles de Mayotte et la crise sociale du printemps 2018

● Département français depuis 2011, Mayotte présente un contexte économique et social très difficile. 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le PIB par habitant est quatre fois inférieur à celui de l’Hexagone. Six logements sur dix sont dépourvus de confort sanitaire de base (toilettes, douche, voire eau courante), le taux d’illettrisme est de 42 % ([8]).

● Les 10 000 naissances par an dans l’unique centre hospitalier font de Mayotte la première maternité de l’Union européenne. La démographie mahoraise porte des conséquences en termes de scolarisation, d’accueil des enfants, nullement comparable à d’autres territoires français. L’académie de Mayotte est placée en zone d’éducation prioritaire.

Le rectorat de Mayotte auditionné par le rapporteur spécial lui a rapporté le constat fait par l’inspecteur général, correspondant académique, d’un contexte scolaire « très spécifique » qui tient à une croissance démographique très forte, une confiance élevée dans l’école, un contexte linguistique particulier et la priorité donnée à la lutte contre le décrochage scolaire, éléments détaillés dans l’encart ci-après.

Éléments sur le contexte scolaire à Mayotte

*Une croissance démographique très forte qui génère une forte pression sur les structures scolaires. En raison du manque de salles de classe, de nombreuses écoles ont adopté le système des rotations scolaires : une même salle de classe est utilisée par deux divisions différentes, le plus souvent une division le matin et une autre l’après-midi, mais parfois les deux divisions se partagent la matinée et l’après-midi. Ce système concerne 45 % des divisions.

*Des difficultés scolaires, mais une véritable confiance dans l’école : les résultats des élèves aux évaluations sont relativement très faibles (pour le niveau de maîtrise en français comme pour le niveau de maîtrise en mathématiques à l’entrée en classe de sixième, l’académie arrive en dernière place après toutes les académies de métropole et de l’outre-mer) mais les élèves et leurs familles considèrent l’école et les enseignants de façon particulièrement positive et les réponses apportées par l’académie pour pallier les difficultés scolaires des élèves sont nombreuses et variées. L’académie de Mayotte placée totalement en éducation prioritaire a dédoublé l’ensemble des classes de CP et de CE1 et a mis en place un concours dérogatoire de recrutement des professeurs des écoles est mis en place.

*Un contexte linguistique particulier : le plurilinguisme des élèves (shimaore, kibushi, mais aussi de manière croissante le shindzuani dans le grand Mamoudzou) est pris en compte par le projet académique en cours (2020-2023).

*La lutte contre le décrochage scolaire : la valorisation de l’enseignement professionnel, filière plus demandée que la filière technologique est illustrée par la création de 800 places supplémentaires à la rentrée 2020 et 600 autres à la rentrée 2021.

Source : rectorat de Mayotte.

2.   La crise sociale du printemps 2018 et le plan d’action pour l’avenir de Mayotte

Au mois de mars 2018, Mayotte a vu naître et se développer une crise sociale de grande ampleur, paralysant l’île pendant plusieurs semaines. Les revendications des manifestants ont porté sur les questions de sécurité, d’immigration et d’éducation, ainsi que sur les thèmes de la pauvreté, du chômage, de la santé et des services publics en général.

En réponse à ces revendications, le Gouvernement a présenté en mai 2018 125 actions réparties en 53 engagements et onze priorités pour accélérer le développement de Mayotte, appelé « plan pour l’avenir de Mayotte », dont les mesures principales sont présentées ci-après.

Le plan pour l’avenir de Mayotte est devenu à l’automne 2018 le support du plan de convergence et de transformation prévu par la loi dite EROM du 23 février 2017. Le plan s’est également appuyé sur les 324 actions du plan Mayotte 2025 élaboré en 2014 avec un horizon de dix ans, en actualisant les priorités portées par ce dernier.

Le plan de convergence de Mayotte (octobre 2018), reprenant les mesures du plan pour l’avenir de Mayotte (mai 2018)

Ce plan d’action est composé de 11 priorités, déclinées en 53 engagements et 125 actions pour développer le territoire et améliorer la vie quotidienne à Mayotte :

– répondre au défi sécuritaire ;

– remettre à niveau l’offre de soins  (renforcer l’accès aux soins et les infrastructures associées, prioriser les actions de prévention et de promotion de la santé, développer la coopération régionale en matière de santé) ;

– relayer à Mayotte la solidarité nationale ;

– remettre à niveau l’école et la formation (lutter contre l’illettrisme, améliorer les infrastructures scolaires, renforcer l’organisation pédagogique et l’encadrement dans les établissements, offrir un mode d’accueil adapté à tous les âges, faire progresser la maîtrise de la langue française) ;

– soutenir l’emploi et à la formation professionnelle (favoriser l’émergence d’entreprises et de filières pourvoyeuses d’emplois, proposer un accompagnement vers l’emploi, adapter les dispositifs de formation professionnelle) ;

– développer les actions en faveur de l’habitat développer le logement (améliorer la disponibilité foncière) ; 

– améliorer les infrastructures sur tout le territoire (améliorer la mobilité sur le territoire et les infrastructures associées, la couverture des besoins en eau et en assainissement, les moyens de télécommunication et numériques) ;

– donner la priorité à l’activité économique (développer l’implantation des entreprises, les formations des dirigeants, accentuer la visibilité de la commande publique, réduire les délais de paiement, accompagner la numérisation des services publics, développer des pôles de compétences techniques et des zones d’activités ;

– renforcer l’État et accompagner les collectivités (améliorer l’accès aux services publics, à l’information et à la mobilité) ;

– mettre en œuvre les mesures et missions d’inspection faisant l’objet d’un suivi spécifique au niveau national ;

– ouverture d’un site internet pour le suivi du plan : https://transparenceoutremer-mayotte.gouv.fr/ .

Le plan présente également des mesures en faveur de l’environnement et de la transition énergétique (gestion de la ressource en eau, transition énergétique, collecte, valorisation et recyclage des déchets, économie circulaire...), du développement social, culturel et sportif, de l’égalité entre les hommes et les femmes et lutte contre les discriminations et de la coopération régionale.

Doté de 1,6 milliard d’euros, le plan de convergence a été présenté le 18 octobre 2018 au comité stratégique de pilotage et de suivi regroupant tous les acteurs de l’île.

Source : DGOM et préfecture de Mayotte.

B.   premiers ÉlÉments sur l’exÉcution du contrat de convergence et de transformation

1.   Le processus d’élaboration

Le contrat de convergence et de transformation 2019-2022 de Mayotte a été conclu le juillet 2019, à Paris. Il est la mise en œuvre directe du plan pour l’avenir de Mayotte et des priorités énoncées plus haut.

Le contrat a été négocié entre les services de l’État, le département de Mayotte ainsi que les EPCI, à savoir la communauté d’agglomération de Dembeni-Mamoudzou (CADEMA), la communauté de communes du Centre-Ouest (3CO), la Communauté de communes du Sud et la communauté de communes de Petite Terre (CCPT).

Le rapporteur spécial espère que la préparation des avenants sera l’occasion d’associer la communauté d’agglomération du grand nord de Mayotte, qui, de création alors toute récente, n’avait pu, d’après les services de la préfecture de Mayotte, être associée à la démarche.

2.   Principaux axes du contrat de convergences et de transformation de Mayotte et éléments financiers

a.   Une dotation en progression par rapport au contrat de plan État-régions précédent

Le montant total des sommes portées par le contrat de convergence et de transformation s’élève, sur quatre ans, à 1,648 milliard d’euros dont 966,154 millions d’euros de crédits contractualisés (58,6 %) et 681,362 millions de crédits valorisés (41,4 %), dont des financements européens.

Les différents contributeurs sont principalement l’État, le Conseil départemental, les quatre établissements de coopération intercommunale signataires (la CADEMA, la 3CO, la CCSud et la CCPT).

Le tableau ci-après présente la répartition des crédits :

Contrat de convergence et de transformation de Mayotte 2019-2022

État, crédits contractualisés

608 649 770 €

36,9 %

État, crédits valorisés

480 114 866 €

29,1 %

Conseil départemental, crédits contractualisés

311 097 500 €

18,9 %

Conseil départemental, crédits valorisés

15 000 000 €

0,9 %

EPCI et Intercommunalités, crédits contractualisés

46 407 000 €

2,8 %

EPCI et Intercommunalités, crédits Valorisés

25 054 800 €

1,5 %

Autres partenaires, crédits valorisés

35 112 267 €

2,1 %

Crédits Européens valorisés

126 080 500 €

7,7 %

TOTAL

1 647 516 703 €

100 %

TOTAL ÉTAT

1 088 764 636 €

66,1 %

TOTAL COLLECTIVITÉS

397 559 300 €

24,1 %

UNION EUROPÉENNE

126 080 500 €

7,7 %

Autres partenaires

35 112 267 €

2,1 %

TOTAL

1 647 516 703 €

100,0 %

Source : préfecture de Mayotte.

Le rapporteur spécial constate une progression de la dotation par rapport au CPER précédent : sur le seul programme 123 Conditions de vie outre-mer, les crédits engagés en 2020 représentent presque le double de ceux engagés annuellement sur la période du dernier CPER ([9]).

D’après la préfecture de Mayotte, une grande partie des crédits des programmes FEDER-FSE 2014-2020 et FEADER 2014-2020 pour Mayotte sont valorisés dans le contrat de convergence et de transformation de Mayotte, venant en cofinancements des crédits CCT à hauteur de 126,08 millions d’euros.

Source : préfecture de Mayotte.

b.   Cinq volets, dont deux tiers des financements pour la cohésion des territoires

Le CCT de Mayotte porte cinq volets : cohésion des territoires, mobilité multimodale, territoires résilients, territoires d’innovation et de rayonnement, cohésion sociale et employabilité.

Présentation des volets du contrat de convergence et de transformation de Mayotte, des crédits et des objectifs correspondants

Volet thématique

crédits

part

objectif

Cohésion des territoires

999 906 800 €

61 %

Aménagement durable (logement, politique de la ville…)

Structuration et dynamiques territoriales (aide à l’ingénierie des collectivités)

Accès aux services (Santé, Scolaire, Sport, culture, MSAP, numérique)

Mobilité multimodale

296 907 432 €

18 %

Investissements portuaires (modernisation port de Longoni, réfection quais des barges…)

Investissements routiers et transports collectifs (CARIBUS, PGTD, contournement Dzoumogné…)

Investissements aéroportuaires (études piste longue)

Territoires résilients

169 570 865 €

10 %

Prévention des risques naturels (eaux pluviales notamment)

Gestion et valorisation des déchets

Eau potable et assainissement (contrat de progrès)

Changements climatiques et transition énergétique (éclairage public durable, énergies renouvelables)

Reconquête de la biodiversité et préservation des ressources

Territoires d’innovation et de rayonnement

97 416 890 €

6 %

Enseignement supérieur (extension du CUFR)

Recherche et innovation (technopole notamment)

Accompagnement des entreprises (numérisation, ZAC/ZAE…)

Soutien aux filières de production (abattoirs, pontons pêches, laiterie…)

Développement des projets touristiques

Cohésion sociale et employabilité

 

82 214 716 €

5 %

Égalité hommes-femmes (lutte contre les violences, sortie de prostitution, promotion de l’égalité professionnelle ...)

Solidarité intergénérationnelle (crèches et pôles intergénérationnels)

Investissement dans les compétences (PACTE, modernisation appareil de formation…)

Développement des filières à enjeux et des accords de branche (formation dans les secteurs prioritaires (BTP service à la personne, sécurité…, haut conseil commande publique…)

Source : préfecture de Mayotte.

Au regard de l’état du réseau routier de Mayotte, et à la lumière des auditions qu’il a menées, le rapporteur spécial regrette qu’une part plus importante du CCT n’ait pas été consacrée à l’amélioration du réseau routier.

C.   une mise en œuvre perfectible

1.   État des lieux de la mise en œuvre et du pilotage

a.   Un engagement à 40 % à mi-parcours

D’après les informations communiquées par la préfecture de Mayotte, plus de 500 projets ont été programmés depuis 2019 pour un montant total de 663 millions d’euros. La répartition des différents contributeurs est la suivante :

– pour l’État, 536,5 millions d’euros, dont 76 millions pour le logement, 116 millions pour les constructions scolaires du premier degré, 114 millions d’euros pour les constructions scolaires du second degré ;

– pour le conseil départemental, 91,1 millions d’euros ;

– pour les autres partenaires notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 30,4 millions d’euros.

D’après les services de la préfecture, ont également été programmés ou déjà réalisés, des investissements relatifs à la formation, au numérique, aux équipements sportifs, aux énergies renouvelables, au MSAP, et au soutien à l’ingénierie aux collectivités, des investissements agricoles (abattoirs) ou maritimes (pontons de pêches).

Ils signalent également que certains postes présentent des lenteurs d’exécution, tels que le programme en faveur du centre hospitalier de Mayotte (CHM) en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. La crise a fait émerger de nouveaux besoins comme la construction d’un deuxième site en Grande Terre pour le CHM, en lieu et place à ce stade de l’extension/rénovation du CHM prévus initialement dans le CCT pour des crédits valorisés de 172 millions d’euros.

Le niveau d’engagement des crédits à mi-parcours témoigne d’un retard d’exécution, 40 % des crédits ayant été engagés.

Selon la préfecture, un avenant est en cours d’élaboration dans l’objectif de réorienter certains crédits, dans les limites des possibilités ouvertes par la fongibilité, pour accélérer leur engagement.

Pour le rapporteur spécial, le contexte particulier de l’année 2020 et des confinements a ralenti l’exécution des programmes, pour les raisons évoquées en première partie de cette étude. Il souhaite toutefois relayer les inquiétudes de certains EPCI, qui suggèrent pour certaines une prolongation du CCT de manière à prendre en compte les retards accumulés depuis 2020.

b.   Améliorer le pilotage en associant davantage les EPCI

Deux instances suivent la mise en œuvre du CCT de Mayotte : le comité stratégique et le comité de programmation.

● Le comité stratégique, ou comité de pilotage politique, se réunit une fois par an pour faire le bilan de la mise en œuvre de ce plan, et donc pour une partie des sujets c’est le bilan du CCT qui est présenté. La préfecture de Mayotte et le conseil départemental ont indiqué que, du fait de la crise due à la pandémie de Covid-19, sa dernière réunion remontait à décembre 2019. La préfecture de Mayotte a indiqué au rapporteur spécial que sa réunion était prévue avant la fin du premier semestre 2021.

Le rapporteur spécial appelle à sa réunion dans les meilleurs délais, de manière à établir un bilan du contrat de convergence à mi-parcours et pour adopter l’avenant tirant les conséquences des premiers mois d’exécution du CCT.

● Le comité de programmation ou comité de pilotage technique réunit les différents financeurs du CCT, à l’initiative de la préfecture ou d’une collectivité signataire. D’après les services de la préfecture de Mayotte, il se réunit deux à trois fois par an pour acter la programmation des projets afin d’assurer leur engagement. Les dernières réunions ont été tenues en septembre 2020 et avril 2021.

Le comité de programmation est chargé d’établir un tableau de bord de la programmation annuelle, de l’avancement des opérations et consommations et de la mise à jour des indicateurs du plan de convergence.

● Les services préfectoraux sont quant à eux chargés de la coordination et de l’animation du CCT. Les différents services déconcentrés de l’État sont chargés du suivi des lignes budgétaires alimentées par leurs ministères respectifs, le secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) gère pour sa part les crédits de l’action 2 Aménagement du territoire du programme 123 Conditions de vie outre-mer dédiés au CCT, du FEI ainsi que ceux du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire inscrits sur le CCT (actions de soutien à l’ingénierie.

● D’après les informations apportées par la DGOM, le comité stratégique peut être réuni à l’initiative du préfet de Mayotte, du président du Conseil départemental, ou du président d’un EPCI signataire. Les présidents des EPCI entendus par le rapporteur spécial lui ont pourtant fait part de leur regret de ne pas participer à ces réunions. Le rapporteur spécial appuie leur vœu de pouvoir participer aux travaux cette instance.

Le rapporteur spécial souhaite aussi se faire l’écho des difficultés rencontrées par les EPCI :

– les délais d’instruction techniques des dossiers après les accords de principe des comités de programmation du CCT, qui ralentissent l’adoption des conventions de financement et la mise en œuvre des projets ;

– les règles d’instruction techniques spécifiques à chaque partenaire financeur (État, conseil départemental, Union européenne), source de difficultés, la création d’une plateforme commune à l’État et au conseil départemental serait source de simplification ;

– la non-participation des EPCI à la phase d’arbitrage sur les projets présentés en amont de la réunion du comité de programmation ;

– l’insuffisance prise en compte dans le CCT de la difficulté d’accès au foncier pour les EPCI, malgré la présence dans le CCT d’un objectif tendant à l’amélioration de la disponibilité foncière.

Recommandation n° 8 : mieux prendre en compte les besoins des collectivités territoriales dans l’organisation des missions de la plateforme d’ingénierie de Mayotte.

2.   L’exemple de la mise en œuvre des projets sous la responsabilité du rectorat de Mayotte

Le rapporteur spécial a interrogé les services du rectorat de Mayotte sur l’avancée des projets relevant du volet « cohésion du territoire » et de la priorité « remettre à niveau l’école et la formation ».

● Pour le sous-objectif 7 « constructions scolaires du second degré », les services du rectorat de Mayotte lui ont fourni les informations suivantes :

En réponse aux besoins du territoire en infrastructures scolaires, le CCT porte une programmation pluriannuelle des investissements en vue de la création de six collèges, quatre lycées, trois extensions d’établissement, cinq réhabilitations d’établissements, six cuisines centrales et des cuisines dites « satellites ». Ce plan inclut également les opérations moyennes de rénovation/extension dans les établissements, la création d’installations sportives, le gros entretien – rénovation et la maintenance des établissements.

Les services du rectorat ont présenté au rapporteur spécial les données suivantes :

sous-objectif 7 « constructions scolaires du second degré

Année

Consommation des AE

Consommation des CP

2019

62 000 000,00 €

48 000 000,00 €

2020

52 000 000,00 €

50 000 000,00 €

Prévisionnel 2021

95 000 000,00 €

57 000 000,00 €

Prévisionnel 2022

125 000 000,00 €

70 000 000,00 €

Total 2019-2022

334 000 000,00 €

225 000 000,00

Source : rectorat de Mayotte

● Le tableau ci-après présente l’avancement des autres mesures relatives à l’éducation scolaire portées par le CCT de Mayotte

Mesures

Présentation

État d’avancement

Mesure 24

Moyens pédagogiques

Amélioration de l’encadrement pédagogique – Réduction des écarts de dotation entre zones REP / REP+ sous trois ans, mobilisation d’une dotation supplémentaire de 150 ETP sur la période

Réalisé - dédoublement des classes de CP et CE1

Création de 335 postes supplémentaires dès la rentrée 2018

Réalisé

Actions en faveur de la maîtrise de la langue, plurilinguisme et pratiques favorisant les apprentissages fondamentaux, dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire, scolarisation des élèves allophones, valorisation des pratiques culturelles ou sportives, utilisation du numérique

Réalisé

Encourager l’enseignement à plusieurs maîtres dans une même classe

Réalisé

Mesure 25

Conforter l’encadrement à l’école

Création dans les établissements de plus de 1 400 élèves d’un deuxième poste de direction (adjoint au chef d’établissement)

En partie réalisé, quelques postes attendus en complément

Création de postes d’assistants d’éducation et d’équipes mobiles de sécurité (EMS) des établissements

13 postes de conseillers principaux d’éducation (CPE) ont été obtenus en 2020, les EMS sont prélevés sur le BOP 141 Enseignement scolaire public du second degré et déployés à l’initiative académique.

Mesure 26 : Améliorer l’attractivité du territoire –ressources humaines, recrutement

Revoir le calibrage du concours de recrutement des professeurs des écoles permettant une résorption du nombre de non-titulaires, conjugué à une réévaluation des moyens d’enseignement du centre universitaire.

Le calibrage du concours de recrutement des professeurs des écoles a permis une résorption du nombre de non-titulaires. Il a été conjugué à une réévaluation des moyens d’enseignement du centre universitaire, avec, depuis la rentrée 2018, douze maîtres de conférences, deux professeurs agrégés et six professeurs certifiés supplémentaires

Créer une bonification significative au terme d’une durée minimale de séjour de quatre années afin d’encadrer et faciliter le droit au retour dans l’académie d’origine des enseignants affectés à Mayotte.

En cours de réalisation.

Au bout de cinq ans une bonification spéciale permettra le retour dans l’académie d’origine, disposition applicable en 2024 pour la première fois.

Instaurer, pour les disciplines pour lesquelles existe une filière d’enseignement au niveau licence, un CAPES académique dérogatoire quant aux conditions de recrutement de même type que pour le CRPE.

Organisation en 2021 de ces concours en lettres modernes et en mathématiques

Nommer les lauréats du concours du second degré sur place à Mayotte

En cours de réalisation

Mettre en place un dispositif de titularisation des contractuels du second degré pour lesquels n’existerait pas un concours académique de recrutement dérogatoire quant au niveau de recrutement.

Si les CDD étaient auparavant octroyés pour un an, il est possible désormais de signer des contrats pour deux ou trois ans en cas d’évaluation positive.

Source : rectorat de Mayotte.

Le rectorat de Mayotte a fait observer au rapporteur spécial que l’article 59 de la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 permettait au premier degré à Mayotte et en Guyane de recourir au dispositif de « conception-réalisation » pour les établissements de premier degré, mais non pour les établissements du second degré. L’extension de cette disposition aux établissements du second degré permettrait d’accélérer les réalisations.

Le rapporteur spécial se réjouit des créations de postes et des moyens mis à la disposition du rectorat pour le recrutement des enseignants mais déplore le caractère insuffisant des crédits de fonctionnement pour l’entretien des nouveaux bâtiments et des nouveaux internats. Le rapporteur spécial appelle également à la création d’emplois dits TOS (techniques, ouvriers, de service).

Le rapporteur spécial constate que le territoire de Mayotte fait partie du réseau d’éducation prioritaire (REP), certaines zones étant classées REP+. Le rapporteur spécial souhaite le classement REP+ à tous les établissements de Mayotte.

Il demande également l’application dans les territoires ultra-marins du dispositif des concours locaux à affectation locale, qu’il avait porté lors de la discussion du projet de loi de transformation de la fonction publique ([10]).

3.   Difficultés structurelles et ponctuelles

a.   Les conséquences de la crise sanitaire et la question de la prolongation

Les personnes auditionnées par le rapporteur spécial lui ont indiqué à quel point la crise sanitaire avait eu, en 2020 et de nouveau 2021, des conséquences directes sur certains investissements aux volumes financiers importants, notamment en matière de santé, même si certains retards peuvent également être liés aux difficultés liées à certains porteurs de projet. Il s’agit, comme le rapporteur spécial l’a présenté dans la première partie de cette étude, des retards et reports de chantiers et de la suspension des réunions d’organes décisionnaires. Le comité stratégique du contrat de convergence et de transformation ne s’est pas réuni en 2020.

Les services de la préfecture de Mayotte signalent toutefois que les crédits de certaines lignes ont déjà connu une exécution importante et que de nouveaux besoins ont émergé depuis la préparation du plan de convergence en 2018, ce qui plaide plutôt pour la conclusion d’un nouveau contrat au terme des quatre ans.

 

b.   Le caractère rigide de l’enveloppe budgétaire

Les auditions menées par le rapporteur spécial ont mis en lumière la rigidité de la construction budgétaire des CCT. Si le caractère transversal du CCT en fait un support pour des politiques publiques très variées, la non fongibilité des crédits interdit le report des crédits qui ne seront pas engagés (faute de projet) alors qu’à l’inverse la consommation très rapide de certaines lignes budgétaires ne peut être suivie d’un réabonnement en cours d’exécution.

Les services de la préfecture de Mayotte rappellent en effet que les crédits du CCT, étant inscrits sur diverses missions du budget de l’État, relevant de différents ministères, et ne sont pas fongibles, ce qui interdit un redéploiement des crédits non utilisés vers les besoins.

Recommandation n° 9 : prévoir pour la prochaine programmation une plus grande flexibilité dans l’exécution des CCT.

Une plus grande flexibilité dans l’exécution des CCT permettrait d’accéder aux vœux de certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) entendus par le rapporteur spécial, de prévoir une contractualisation sur une période plus longue, telle qu’une dizaine d’années, afin de mettre en œuvre des projets sur le long terme.

c.   Le caractère récurrent de l’engagement des crédits des programmes 126 et la nouvelle plateforme d’ingénierie

Le rapporteur spécial a signalé dans des rapports précédents le caractère récurrent des sous-exécutions de certains dispositifs du programme 123 Conditions de vie outre-mer, en raison des difficultés rencontrées par certaines maîtrises d’ouvrage, en particulier les communes et les EPCI, nuisant à l’engagement et à la bonne exécution de certains projets en dépit de la disponibilité des crédits. Il salue de nouveau la création récente, à Mayotte et en Guyane, d’une plateforme d’ingénierie conçue pour venir en appui aux collectivités territoriales.

Composition et misions de la plateforme de Mayotte

La plateforme d’ingénierie de Mayotte est composée de six postes financés par quatre ministères : trois postes pour le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, les autres postes par le ministère de l’économie et des finances, le ministère de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports et le ministère de l’intérieur.

Les six chargés de mission sont mis à disposition du secrétariat général pour les affaires régionales de Mayotte et travaillent sous l’autorité fonctionnelle de la sous-préfète à la relance.

Leurs missions sont les suivantes :

– établissement de tous les contacts auprès des collectivités et des divers financeurs desdites collectivités ;

– animation des actions transverses avec les services de l’État, de ses établissements publics et autres partenaires afin de développer " l’agilité" des services locaux ;

– instruction, conseil et assistance au montage des dossiers auprès des collectivités dans leurs demandes de subvention ;

– assistance au recouvrement des subventions étatiques accordées (restes à payer) ;

– facilitateur dans les actions transverses des services de l’État ;

– préparation et réflexion pour une mise à jour par avenant du CCT ;

– préparation à la programmation pour le comité des financeurs (État-CDM) selon le CCT (2019-2022) qui s’est tenu le 28 septembre 2020.

Chaque chargé de mission :

– suit deux à quatre communes et pour certains un EPCI ;

– selon son profil, a, pour tout le territoire, un domaine transversal de compétence thématique (logement, eau, scolaire, déchets…) et techniques (juridique, financier, technique)

Un recrutement est en cours pour assurer les fonctions de suivi administratif et financier des conventions.

Sources : DGOM et préfecture de Mayotte.

La création de la plateforme de Mayotte a été décidée en 2018 dans le cadre du plan d’avenir pour Mayotte, et sa composition définitive fut définie fin 2019. Les six personnes ont pris leurs fonctions dans le courant de l’année 2020, les missions d’appui aux collectivités n’ont néanmoins pu débuter qu’en septembre 2020 en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Les services de la préfecture de Mayotte ont présenté au rapporteur spécial les effets positifs déjà mesurables telle que l’accélération de certains projets bloqués depuis longtemps.

Le rapporteur spécial a relevé, au cours de ses auditions, des difficultés de coordination. Il appelle à davantage prendre en compte les besoins des collectivités territoriales et de leurs groupements, en particulier les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et à adapter le dispositif aux autres collectivités ultramarines.

Recommandation n° 5 : approfondir les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités territoriales par la direction générale des outre-mer, étendre la plateforme d’ingénierie expérimentée à Mayotte et en Guyane aux autres territoires ultramarins, afin de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales.

d.   La confusion pouvant naître de la présence sur la maquette du contrat de convergence et de transformation de crédits contractualisés et de contrats valorisés

Contrairement au précédent contrat de plan État-régions de Mayotte, le CCT actuel fait apparaître les crédits contractualisés, c’est-à-dire portés directement à cet effet par les programmes des missions du budget de l’État, ainsi que des crédits « valorisés », ce qui n’est pas une spécificité du CCT de Mayotte.

L’inscription des crédits valorisés donne une meilleure visibilité aux engagements de l’État. Toutefois, le rapporteur spécial met en garde sur les confusions qui peuvent naître, étant donné que chaque ministère garde une entière liberté sur l’utilisation des crédits valorisés, comme l’a rappelé la préfecture de Mayotte au rapporteur spécial.

Le rapporteur spécial comprend que les partenaires de l’État peuvent légitiment demander une utilisation conforme des crédits à la maquette du CCT, qu’il s’agisse de crédits contractualisés ou valorisés.

Pour le rapporteur spécial, la préparation du prochain CCT doit lever ce problème de lisibilité, qui est un facteur d’incompréhension.

    

 


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   Conclusion

Le rapporteur spécial, conscient du caractère exceptionnel de l’année 2020 et des premiers mois de l’année 2021, souhaite que la reprise des chantiers et des projets et que de nouvelles planifications des réunions de programmation et de suivi des contrats de convergence et de transformation (CCT) permettent de rattraper le retard d’exécution.

Les CCT ont été signés pour une durée de quatre ans, ce qui signifie que la préparation de la seconde génération des éléments novateurs et facteurs de progrès pour les territoires ultramarins s’inscrira dans un horizon très proche.

Le rapporteur spécial appelle, en amont de cette phase de négociation, une évaluation précise de l’exécution des CCT sur les différents territoires ultramarins. Il rappelle en particulier le caractère primordial de dotations complémentaires pour remédier aux difficultés d’ingénierie, et de généraliser les plateformes d’appui mises en place à Mayotte et en Guyane.

 


 — 1 —

   Examen en commission 

Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 9 juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Olivier Serva, rapporteur spécial sur les crédits de la mission Outre-mer.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera consultable prochainement en ligne.

 

 


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   Personnes auditionnÉes par le rapporteur spÉcial

 Direction générale des Outre-Mer (DGOM) : Mme Sophie Brocas, directrice générale, M. Frédéric Joram, directeur général adjoint

 Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) : M. Florus Nestar, directeur général

 Cour des comptes - note d’exécution budgétaire Outre-Mer pour 2020 : M. Philippe Hayez, président de section, 5ème chambre, Mme Venera, rapporteure, M. Cabourdin, contre-rapporteur, Mme Perrine Tournade, Mme Pascale Fenech Thouvenain

Table ronde des associations

 Association Alé vini Guadeloupe : M. Yann Ceranton, président

 Association Alé Viré Martinique : Mme Anne Emmanuelle Pique, présidente, Mme Stéphie Salpetrier, chargée de mission

 Association Réunionnais de retour au pei : Mme Lindsay Gopal, présidente.

 Association Guyane avenir : M. Michael Zero, président

 

Partie thématique – CCT de Mayotte

 Préfecture de Mayotte : M. Jean-François Colombet, préfet, Mme Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète relance

 Rectorat de Mayotte : M. Gilles Halbout, recteur

 Conseil Départemental de Mayotte : M. Ibrahim Soibahadine Ramadani, président

Table ronde – établissements publics de coopération intercommunale

 Communauté de communes du Centre-Ouest (3CO) : M. Said Maanrifa Ibrahima, président 

 Communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) : M. Rachadi Saindou, président 

 Communauté de communes de Petite Terre : M. Said Omar Oili, président, M. Gérard Bauza, directeur général des services


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   SOURCES UTILISÉES

● Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2020, 2021

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-04/NEB-2020-Outre-Mer.pdf

● Contrat de convergence et de transformation de Mayotte, 2019

https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/cmef/rural-areas/impact-common-agricultural-policy-generational-renewal-local-development-and-jobs-rural-areas_fr

https://www.mayotte.gouv.fr/content/download/19867/152815/file/Contrat%20de%20Convergence%20et%20de%20Transformation%202019-2022.pdf

● Livre Bleu outre-mer, 2018

https://assets.ctfassets.net/xx83r0rav05e/2fFvmCeGTq8sc6uwwA4WOa/20e3c42d716f56bfa8e7faa2e2474152/Livre_Bleu_Inte__gral_28JUIN.pdf

● Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre-mer sur l’évaluation de la loi de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, 2018

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/om/l15b1035_rapport-information.pdf


([1]) Cour des comptes, NEB pour 2020.

([2]) NEB pour 2020.

([3]) Cour des Comptes, Note d’exécution budgétaire (NEB) pour 2020.

([4]) Pour accéder au contrat de convergence et de transformation de Mayotte : https://www.mayotte.gouv.fr/content/download/19867/152815/file/Contrat%20de%20Convergence%20et%20de%20Transformation%202019-2022.pdf  

([5]) Ministère de l’outre-mer, direction générale des outre-mer (DGOM).

([6])https://assets.ctfassets.net/xx83r0rav05e/2fFvmCeGTq8sc6uwwA4WOa/20e3c42d716f56bfa8e7faa2e2474152/Livre_Bleu_Inte__gral_28JUIN.pdf

([7]) Le CCT de la Guyane présente la particularité de ne pas être exécuté sur les crédits du programme Conditions de vie outre-mer mais sur le programme 162 Programme d’intervention territorial de l’État.

([8]) Source : préfecture de Mayotte.

([9]) Source : préfecture de Mayotte.

([10]) Article 87 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, décret n° 2020-121 du 13 février 2020, relatif à l’organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l’État.