N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 32
 

 

POUVOIRS PUBLICS

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Christophe Naegelen

 

Député

____

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET Chiffres-clés

RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2020

I. La Présidence de la république

1. Principales conséquences de la crise sanitaire sur l’exécution du budget 2020

2. Les dépenses de personnel

3. Les dépenses de déplacement

4. Les dépenses de fonctionnement courant des services

5. Les dépenses d’investissement

II. L’Assemblée nationale

1. Les dépenses d’investissement

2. Les dépenses de fonctionnement

3. Les incidences de la crise sanitaire sur l’exécution du budget 2020

a. Les coûts supplémentaires induits par la crise sanitaire

b. Les moindres dépenses

c. Effets de la crise sur les réserves

III. Le Sénat

IV. Le conseil constitutionnel

1. Les incidences de la crise sanitaire sur l’activité du Conseil constitutionnel et sur l’exécution du budget 2020

2. Le référendum d’initiative partagée sur les aérodromes de Paris

V. la cour de justice de la république

DEUXIÈME PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION : LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA GESTION DES MARCHÉS PUBLICS

I. Les principaux traits de la commande publique À l’AssemblÉe nationale, À la prÉsidence de la rÉpublique et au conseil constitutionnel et leurs Évolutions rÉcentes

A. GÉnÉralitÉs et principaux marchÉs

1. Présentation

a. L’application du code de la commande publique

b. Le règlement de l’Assemblée nationale, qui renvoie au code de la commande publique

2. Des procédures où collaborent des unités « marchés » ou « achats » ainsi que le service instructeur

B. Des institutions en pleine Évolution, dÉfinissant leur fonction « Achats »

1. À l’Assemblée nationale

2. À la Présidence de la République

C. Accentuer les bonnes pratiques : un devoir d’exemplaritÉ

1. Le recours à l’Union des groupements d’achats publics pour accéder à des conditions tarifaires plus intéressantes, en restant vigilant sur les autres critères « qualité » et « proximité »

2. Les critères sociaux et environnementaux : approfondir leur prise en compte

3. Les PME et TPE

II. le cas particulier de l’annÉe 2020 – les marchÉs publics en pÉriode de crise sanitaire

A. Les évolutions apportées en 2020

1. L’ordonnance du 25 mars 2020

2. L’ordonnance du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique

3. La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite « loi ASAP »)

B. À l’AssemblÉe nationale et À la prÉsidence de la RÉpublique

1. À l’Assemblée nationale

2. À la Présidence de la République

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES  PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


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   SYNTHÈSE ET Chiffres-clés

L’exécution des budgets de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat est inférieure aux budgets prévisionnels. Le Conseil constitutionnel, en revanche, dépasse de plus de 8 % son budget initial.

Pour ces quatre institutions, la crise sanitaire s’est traduite de diverses manières. Il était impératif que ces institutions assurent la continuité de leur fonctionnement. La mise en place de protections sanitaires et de procédures permettant le travail à distance a représenté un coût non négligeable. Ces surcoûts ont été compensés, sauf au Conseil constitutionnel, par la nette sous‑exécution de certaines dépenses de fonctionnement.

S’agissant de la Présidence de la République, la dépense, quoique supérieure à 2019, connaît une baisse significative par rapport au budget initial. Les crédits consacrés aux déplacements présidentiels ont connu une nette sous-exécution du fait des modifications de l’agenda du Président. Les crédits ont été redéployés vers l’enveloppe dédiée aux investissements.

Total des dépenses (hors dépenses calculées)
de la Présidence de la République de 2012 à 2020

(en millions d’euros)

Sources : annexes aux PLR 2012 à 2020, réponses aux questionnaires budgétaires.

S’agissant de l’Assemblée nationale, la sous-exécution concerne principalement les dépenses d’investissement et les charges parlementaires, en raison de la crise sanitaire. L’Assemblée a dû prélever 20,69 millions d’euros dans ses réserves, contre 49 millions initialement prévus.

 

Total des dépenses de l’Assemblée nationale de 2013 à 2020

(en millions d’euros)

Source : documentation budgétaire de l’Assemblée nationale.

Les dépenses d’investissement du Sénat ont été largement sous-exécutées, en raison du report de chantiers. Un prélèvement sur disponibilités de 1,36 million d’euros seulement a été nécessaire pour équilibrer dépenses d’euros et ressources, alors que le budget initial prévoyait un déficit de 36,48 millions d’euros.

Total des dépenses du Sénat de 2013 à 2020

(en millions d’euros)

Total des dépenses prenant en compte la mission institutionnelle, le jardin du Luxembourg et

le musée du Luxembourg.

Source : documentation budgétaire du Sénat.

Les dépenses du Conseil constitutionnel ont été supérieures au budget initial et progressent de 8,7 % par rapport à 2020, les dépenses de fonctionnement engagées dans le cadre de la crise sanitaire s’ajoutant aux dépenses prévues pour sa modernisation numérique et sa sécurité informatique. Le Conseil a dû prélever, comme en 2019, près de 0,6 million d’euros dans ses réserves.

 

Total des dépenses du Conseil constitutionnel de 2012 à 2020

(en millions d’euros)

Sources : annexes aux PLR 2012 à 2020, réponses aux questionnaires budgétaires.

La partie thématique du rapport est consacrée aux évolutions récentes de la gestion des marchés publics à l’Assemblée nationale, à la Présidence de la République et au Conseil constitutionnel, dans le cadre du code de la commande publique.

Ces trois institutions appartiennent aux 98 % de « petits acheteurs publics » en volume. Cela représente par exemple à l’Assemblée nationale moins de 50 millions d’euros, soit moins de 10 % du budget annuel.

Le rapporteur spécial a constaté que ces institutions ont procédé, ces dernières années, à une refonte de leurs fonctions « achats » dans un souci de meilleure gestion des coûts, ce dont il se réjouit.

Il est important pour lui d’accentuer les bonnes pratiques, telle que l’utilisation des critères sociaux et environnementaux, et de porter une attention particulière aux PME et TPE.

La dernière partie de l’étude s’attache au suivi de l’application faite en 2020 des règles dérogatoires mises en place dans le cadre particulier de la crise sanitaire. Le rapporteur spécial a pu constater que ces institutions avaient mis à profit la souplesse permise par ces dispositifs dérogatoires.

 

 

 


—  1  —

   RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

Recommandation n° 1 : pour l’Assemblée nationale et le Sénat, maîtriser leurs budgets sans avoir à puiser dans leurs réserves, sauf motifs exceptionnels ;

Recommandation n° 2 : engager une réflexion approfondie sur la soutenabilité à moyen et long terme des budgets de l’Assemblée nationale et du Sénat (recommandation déjà formulée en 2019) ;

Pour les institutions dont les dotations relèvent de la mission Pouvoirs publics, dans le cadre de commandes et de marchés publics :

Recommandation n° 3 : poursuivre le travail de modernisation de la fonction « achats » dans un objectif d’efficience et de meilleures gestions des coûts ;

Recommandation n° 4 : approfondir les critères sociaux et environnementaux ;

Recommandation n° 5 : accroître l’attention portée aux PME et TPE et à l’environnement économique local.

 


—  1  —

   SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

Le rapport portant sur l’exécution de la mission Pouvoirs publics en 2020 recommandait l’année dernière à l’Assemblée nationale :

● d’engager un plan pluriannuel destiné à lever les réserves formulées par la Cour des comptes à l’occasion de la certification de ses comptes.

Le rapporteur spécial constate que l’Assemblée nationale a poursuivi un traitement des difficultés identifiées par la Cour des comptes, engageant un processus de modification de la structure des échanges de données au sein du système d’information et d’approfondissement du contrôle interne.

● d’engager une réflexion sur la soutenabilité à moyen et long terme de son budget.

Le rapporteur spécial salue l’effort de maîtrise des dépenses réalisées depuis le début de l’actuelle législature, qui présente de bons résultats ainsi que l’inscription des opérations immobilières dans une programmation pluriannuelle.

Il estime toutefois que la réflexion sur la soutenabilité à moyen et long terme de son budget doit être poursuivie. En effet :

– l’effort sur les achats et les dépenses de personnels ne produira tous ses effets qu’au terme de plusieurs années ;

– l’Assemblée nationale s’est engagée depuis plusieurs années dans un effort significatif de préservation du patrimoine immobilier dont elle est dépositaire ;

 l’année 2022, comme toutes les années d’élections législatives, se traduira par ailleurs sur le budget par des charges supplémentaires.

Il partage l’accent porté sur le devoir d’exemplarité de l’Assemblé nationale au regard du montant de sa dotation de l’État, inchangée depuis 2012. Il s’interroge toutefois sur une possible prise en compte de l’inflation.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2020

La mission Pouvoirs publics, qui porte les dotations budgétaires de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, du Conseil constitutionnel et de la Cour de Justice de la République, occupe une place particulière au sein du budget de l’État. Le principe d’autonomie financière de ces institutions, qui découle de la séparation des pouvoirs, a en effet pour conséquence un cadre spécifique. Les dotations qui leur sont versées ne sont pas assorties d’objectifs ni de critères de performance. De plus, l’évaluation de l’exécution des crédits ne peut s’inscrire dans le cadre constitutionnel du contrôle parlementaire sur l’action du Gouvernement.

La déclinaison de l’exercice du Printemps de l’évaluation de la commission des finances pour la mission Pouvoirs publics menée par le rapporteur spécial s’inscrit par conséquent une nouvelle fois cette année dans ce cadre particulier. Si l’utilisation des crédits de cette mission, contrairement aux autres, n’est pas présentée dans un rapport annuel de performance, ce traitement spécial n’exclut pas une information et un contrôle sur l’utilisation de ces crédits, notamment matérialisé par une annexe au projet de loi de règlement. Cette annexe présente de façon relativement détaillée la façon dont les dotations inscrites en loi de finances ont été utilisées.

Le rapporteur spécial regrette, tout en le comprenant, que, s’agissant de l’Assemblée nationale et du Sénat, le document annexé au projet de loi de règlement ne comporte que des informations minimales. En application du principe d’autonomie financière des assemblées, des prérogatives particulières sont en effet confiées, dans chacune d’elles, à une commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes, se réunissant habituellement au mois de mai, après le dépôt des documents budgétaires.

● Le solde budgétaire de la Présidence de la République est positif de 0,23 million d’euros, alors que le budget initial prévoyait un prélèvement sur trésorerie de 4 millions d’euros.

● L’Assemblée nationale a prélevé 20,69 millions d’euros dans ses réserves (la prévision de prélèvement dans le budget initial était de 49 millions d’euros) contre 22,8 millions en 2019 et 17,7 millions en 2018.

● Le Sénat a opéré un prélèvement sur disponibilités de 1,15 million d’euros, alors que le budget initial l’estimait à 1,7 million d’euros. Ce prélèvement s’était établi en 2019 à 1 million d’euros.

● Le Conseil constitutionnel a dû recourir à ses réserves, comme en 2019, étant donné que la dotation budgétaire de 12,504 millions d’euros incluant la dotation spéciale « référendum d’initiative partagée » s’est avérée inférieure à des dépenses s’établissant à 13,103 millions d’euros.

● Ces quatre institutions présentent une exécution 2020 profondément marquée par la crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19.

I.   La Présidence de la république

Les tableaux ci-après retracent les dépenses et les recettes de la Présidence de la République en 2019 et 2020.

Dépenses de la présidence de la république en 2019 et 2020

(en euros)

Source : annexe au projet de loi de règlement (PLR) 2020.

RECETTES de la présidence de la république en 2019 et 2020

Cet autre tableau présente l’évolution des dépenses de l’Élysée depuis 2013.

budget de la présidence de la république : dépenses exécutées 2013-2020
(hors dépenses calculées)

(en euros et en crédits de paiement)

 

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Exécution

2018

Exécution

2019

Exécution

2020

Exécution

1 Charges de personnel

67 611 943

66 326 122

65 421 844

65 181 254

64 948 201

69 555 522

70 974 860

71 407 005

2 Déplacements

14 745 867

14 516 153

13 798 560

17 619 424

17 683 060

20 007 024

13 859 757

8 793 357

diplomatiques

6 589 317

5 856 227

5 508 811

7 191 463

6 607 869

7 304 742

5 981 770

3 000 803

hors diplomatiques

1 595 608

2 024 748

1 995 094

2 674 594

2 066 492

2 304 522

2 079 299

2 710 190

avions ET 60

6 560 942

6 635 177

6 294 655

7 753 368

9 008 700

10 397 760

5 798 688

3 082 364

3 Autres charges de fonctionnement

14 712 060

13 750 126

14 064 813

14 121 754

15 192 497

16 695 808

15 887 192

15 814 976

4 Investissement

4 024 102

3 666 057

4 822 200

4 732 796

5 366 443

4 038 757

4 672 146

10 779 456

Total des dépenses (hors dépenses calculées)

101 097 488

98 272 102

98 112 198

101 666 789

103 190 201

110 297 111

105 393 955

106 794 795

Source : annexes aux PLR 2013 à 2020.

1.   Principales conséquences de la crise sanitaire sur l’exécution du budget 2020

La crise sanitaire et les restrictions de déplacement ont eu un fort impact de l’agenda présidentiel avec une très nette diminution des déplacements du chef de l’État en France et à l’étranger.

Le rapporteur spécial regrette le redéploiement massif de crédits de l’enveloppe dédiée aux déplacements vers l’enveloppe dédiée aux investissements, tout au long de l’année 2020, et non reversées au budget de l’État.

Les crédits redéployés ont également permis d’absorber les dépenses supplémentaires liées directement à la crise sanitaire : achat de masques et de gel hydroalcoolique et aménagements complémentaires sur les installations des chantiers en cours.

2.   Les dépenses de personnel

L’exécution des dépenses de personnel confirme une évolution déjà constatée l’année dernière, à savoir une hausse qui apparaît comme mieux maîtrisée, avec une progression atteignant 0,43 million d’euros par rapport à 2019 soit + 0,6 % (contre une hausse de 1,42 million d’euros en 2019 et + 4,61 millions d’euros en 2018). Ces dépenses atteignent 71,4 millions d’euros en 2020 en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Les dépenses de personnels représentent la part la plus importante de la dotation budgétaire de la Présidence de la République, soit 67,43 % des autorisations d’engagement et 66,86 % des crédits de paiement.

3.   Les dépenses de déplacement

Comme indiqué précédemment, l’exécution des crédits dédiés aux déplacements présidentiels reflète les conséquences des contraintes sanitaires propres à l’année 2020 sur l’agenda présidentiel.

Déplacements présidentiels

 

2019

2020

Variation par rapport à 2019 (exécuté)

France

76

48

 

Étranger

32

19

 

Dont en Europe

22

14

 

Total

108

67

 

AE (en millions d’euros)

Budget initial

Exécution

Part dans le budget exécuté

 

15 000 000

14 170 787

 

13,35 %

 

15 645 000

6 990 234

 

6,60 %

 50,67 %

CP (en millions d’euros)

Budget initial

Exécution

Part dans le budget exécuté

 

14 170 787

13 859 757

 

13,15 %

 

15 665 000

8 793 357

 

8,23 %

 37,27 %

Source : annexe au PLR 2020.

Les dépenses liées aux déplacements ont représenté 6,99 millions d’euros en autorisation d’engagement et 8,79 millions en crédits de paiement, soit une diminution respectivement de 50,67 % et 37,27 % par rapport à 2019.

Les dépenses liées aux prestations de l’escadron de transport ET 60 ont été quant à elles diminuées de moitié, soit 2,63 millions d’euros en AE contre 5,80 millions d’euros en AE en 2019.

4.   Les dépenses de fonctionnement courant des services

Ces dépenses présentent une légère hausse de 0,4 % en autorisation d’engagements, pour atteindre 15,87 millions d’euros, et une légère baisse en crédits de paiement, avec un montant de 15,81 millions d’euros.

La présentation des dépenses fait apparaître deux rubriques, l’une consacrée à l’action présidentielle (1,93 % du budget exécuté en AE et CP) et l’autre à l’administration de la Présidence (13,06 % en AE et 12,88 % en CP du budget exécuté).

Les dépenses dédiées à l’action présidentielle, c’est-à-dire les frais de réceptions diverses, sont en baisse de 24,6 % en crédits d’engagement et 23,8 % en crédit de paiement, ce qui reflète la diminution du nombre d’événements organisés en raison de la crise sanitaire.

La rubrique « Administration de la Présidence » laisse quant à elle apparaître une augmentation de 5,6 % en autorisations d’engagement et 4,3 % en crédits de paiement, conséquence de la création de la direction de la sécurité de la Présidence de la République ([1]) et de la modernisation des outils numériques

5.   Les dépenses d’investissement

Comme exposé plus haut, les dépenses d’investissement ont bénéficié en 2020 de considérables redéploiements de crédits provenant de l’enveloppe initialement prévue pour les déplacements du chef de l’État. Elles ont atteint 10,78 millions d’euros en crédit de paiement (contre 7,59 millions d’euros inscrits sur le budget initial) : elles ont été multipliées par 2,31 par rapport au budget exécuté en 2019.

La Présidence de la République présente ces redéploiements comme répondant au souhait d’un rattrapage accéléré d’un retard d’investissement constaté dans les domaines de l’informatique, de la sécurité (4,24 millions d’euros en crédits de paiement en 2020) et des investissements immobiliers (3,64 millions d’euros en crédits de paiement en 2020).

Le rapporteur spécial s’étonne de l’ampleur de ces redéploiements et estime que ces moindres dépenses auraient au moins pu en partie être reversées au budget de l’État.

Pour ce qui concerne les dépenses immobilières, elles concernent au premier chef en 2020 l’aménagement et la rénovation de locaux, pour 1,13 million d’euros en crédits de paiement, et le renforcement de la mise en sûreté des sites de la Présidence (0,55 million d’euros).


II.   L’Assemblée nationale

La dotation annuelle de l’Assemblée nationale est inchangée depuis 2012, à 517,89 millions d’euros.

Le budget de l’Assemblée nationale pour 2020, adopté par son Bureau le 26 juin 2019, prévoyait un montant total de dépenses de 568,38 millions d’euros, financé en partie par un prélèvement sur les disponibilités ou les réserves de 49 070 306 euros.

Le montant total des dépenses de l’Assemblée a atteint 540,62 millions d’euros en 2020 (soit 95,15 % de la prévision budgétaire), en baisse de 6,29 millions d’euros par rapport à la réalisation du budget 2019.

Évolution du résultat budgétaire depuis 10 ans

(en millions d’euros)

Source : Assemblée nationale.

Le budget réalisé présente un écart de 27,76 millions d’euros avec le budget prévu, conséquence de la crise sanitaire : les moindres dépenses (suspension ou le report d’opérations immobilières par exemple, fort ralentissement des missions à l’étranger) l’ont emporté sur les dépenses imprévues.

Le résultat budgétaire s’établit à – 20,69 millions d’euros contre – 22,78 millions d’euros en 2019. Par voie de conséquence, le prélèvement envisagé sur les disponibilités ou les réserves s’en trouve réduit très substantiellement, passant de 49 à 20,69 millions d’euros.

Le rapporteur spécial remarque la bonne maîtrise des dépenses dans un contexte difficile.

Le rapporteur spécial salue l’effort de maîtrise des dépenses réalisées depuis le début de l’actuelle législature, qui présente de bons résultats ainsi que l’inscription des opérations immobilières dans une programmation pluriannuelle et la mise en place d’une annexe budgétaire patrimoniale permettant de planifier les dépenses d’investissement destinées à la préservation de son patrimoine immobilier historique et culturel.

Il observe toutefois que :

– l’effort sur les achats (cf. partie 2) et les dépenses de personnels ne produira tous ses effets qu’au terme de plusieurs années ;

– l’Assemblée nationale s’est engagée depuis plusieurs années dans un effort significatif de préservation du patrimoine immobilier dont elle est dépositaire ;

 l’année 2022, comme toutes les années d’élections législatives, se traduira par ailleurs sur le budget par des charges supplémentaires.

Il partage l’accent porté au devoir d’exemplarité de l’Assemblé nationale au regard du montant de sa dotation de l’État, inchangée depuis 2012. Il s’interroge toutefois sur une possible prise en compte de l’inflation. En tout état de cause, le caractère exceptionnel de l’exécution 2020 et le moindre prélèvement sur les réserves, pour financer le déficit, laisse entier la question de la soutenabilité à long terme du budget de l’Assemblée nationale.

Recommandation n° 1 : pour l’Assemblée nationale et le Sénat, maîtriser leurs budgets sans avoir à puiser dans leurs réserves, sauf motifs exceptionnels ;

Recommandation n° 2 : engager une réflexion approfondie sur la soutenabilité à moyen et long terme des budgets de l’Assemblée nationale et du Sénat.

1.   Les dépenses d’investissement

Le taux de consommation des crédits de la section d’investissements, d’un niveau nettement inférieur à celui constaté en 2019 (57,81 % en 2020 contre 84,16 % l’année précédente), reflète en particulier l’impact de la crise sanitaire sur les opérations prévues dans le cadre de la programmation pluriannuelle des travaux immobiliers (PPTI 2019-2022).

Les investissements immobiliers ont atteint 12,19 millions d’euros en 2020 contre 17,44 millions d’euros en 2019, soit une forte diminution de 5,25 millions d’euros. Le taux de consommation de l’ensemble des crédits d’investissement immobilier inscrits au budget soit 24,81 millions d’euros se situe à 49,12 %, le plus faible niveau de consommation enregistré ces dernières années, en raison principalement de reports de certains projets sur les exercices suivants ou de décalages dans les calendriers d’exécution.


Évolution des dépenses d’investissement depuis 10 ans

(en millions d’euros)

Source : Assemblée nationale.

Les reports et décalages d’un nombre important de travaux immobiliers ont minoré le budget prévisionnel dans une proportion plus importante que la très forte progression des investissements du service des systèmes d’information en raison des dépenses prises en charge pour accompagner l’Assemblée nationale dans le contexte de crise sanitaire (matériels informatiques et logiciels de visioconférence par exemple.)

S’agissant de l’opération de rénovation de l’ensemble immobilier de Broglie, le retard pris dans le démarrage effectif des travaux, intervenu en novembre 2020 au lieu de mars 2020 comme initialement prévu, n’est pas imputable à la situation sanitaire mais aux difficultés d’attribution des différents lots de travaux. En conséquence des retards pris dans la phase d’attribution du marché, la date de livraison attendue de l’ensemble immobilier a été décalée à la fin de l’année 2022. Sur un plan budgétaire, alors que le budget prévisionnel pour 2020 s’élevait à 10 millions d’euros, les dépenses effectives ont été de 3,25 millions d’euros.

2.   Les dépenses de fonctionnement

La réalisation des crédits de fonctionnement atteint 521,72 millions d’euros en 2020 pour un montant prévisionnel de 535,51 millions d’euros, soit un taux de consommation de 97,42 % (contre 96,87 % en 2019).

Les crédits prévus pour les charges parlementaires ont été consommés à hauteur de 306,9 millions d’euros, soit une diminution -1,09 % par rapport à 2019. Les frais de voyages et déplacements et les charges de représentation témoignent d’une sous-consommation directement imputable à la situation de crise sanitaire tandis que les dépenses de secrétariat parlementaire enregistrent une légère surconsommation (170,49 millions d’euros pour un montant prévisionnel de 169,25 millions d’euros).

Signalons à ce sujet que les dépenses supportées au titre du crédit supplémentaire de fin de mandat enregistrent un niveau de consommation largement supérieur aux prévisions budgétaires (2,47 millions d’euros contre 0,65 million d’euros), du principalement à l’augmentation de la masse salariale des collaborateurs des députés et des groupes. Les élections municipales et sénatoriales et l’entrée de plusieurs députées au Gouvernement ont conduit à trente-neuf fins de mandat en 2020.

L’évolution des charges de personnel (frais de rémunération des personnels statutaires et contractuels de l’Assemblée nationale et de la Présidence, les charges sociales afférentes ainsi que certaines dépenses diverses dont les frais de recrutement et de formation) fait apparaître une consommation quasiment identique à l’année dernière (116,72 millions d’euros contre 116,37 millions d’euros en 2019), dépassant très légèrement les prévisions inscrites dans le budget 2020 (à hauteur de 101,86 %).

Les rémunérations des personnels statutaires ont diminué de 1,25 % par rapport à l’année précédente passant de 101,95 millions d’euros en 2019 à 100,67 millions d’euros en 2020. Cette diminution s’explique par le recul continu, depuis plusieurs années, des effectifs de personnels statutaires et donc du nombre de points d’indice à rémunérer.

évolution du nombre de fonctionnaires de l’assemblée nationale
présents dans les services entre 2016 et 2020

 

Fin 2016

Fin 2017

Fin 2018

Fin 2019

Fin 2020

Personnels en activité

1 139

1 105

1 057

1 012

958

Source : Assemblée nationale.

Les charges de rémunération des personnels contractuels connaissent en revanche une progression soutenue (+ 10,71 %), s’établissant à 15,22 millions d’euros en 2020 contre 13,75 millions d’euros en 2019.

Cette évolution s’explique, comme les années précédentes, par l’augmentation du nombre de contractuels employés par l’Assemblée nationale et celle du niveau de rémunération annuel moyen. Ainsi, au cours de l’année 2020, ce sont vingt-neuf contractuels supplémentaires qui ont été recrutés (contre cinquante-six en 2019) dont vingt-sept au sein des services, soit une augmentation de 12,13 % sur un an, portant leur nombre total à 268 au 1er janvier 2021.

Évolution des effectifs dans les services depuis 2016

Source : Assemblée nationale.

Enfin, l’augmentation des effectifs de retraités se traduit, comme les années précédentes, par l’alourdissement de la charge budgétaire qui en résulte pour la caisse de retraites du personnel (53,26 millions d’euros en 2020 contre 45,6 millions en 2019, soit une hausse de 2,41 %, correspondant à 1,23 million d’euros de dépenses supplémentaires).

3.   Les incidences de la crise sanitaire sur l’exécution du budget 2020

La crise sanitaire a eu trois impacts majeurs sur la gestion budgétaire de l’Assemblée dont l’importance a varié selon la période et les règles de sécurité sanitaire qui ont été appliquées : des coûts supplémentaires, des moindres dépenses et un effet sur les réserves.

a.   Les coûts supplémentaires induits par la crise sanitaire

Les dépenses engendrées par la crise sanitaire se sont élevées en 2020 à 1,85 million d’euros.

La pandémie a entraîné un surcroît de dépenses de fonctionnement et d’investissement de 1,36 million d’euros dont 736 276,65 euros au titre du service de la logistique parlementaire, qui a financé l’achat de masques et de gel hydroalcoolique, de lingettes et les prestations de désinfection de l’hémicycle et des salles de commissions, et 371 191,30 euros au titre du service des systèmes d’information, qui a quant à lui financé l’acquisition d’ordinateurs portables, d’outils liés au télétravail et d’outils de visioconférence.

Les fonds de sécurité sociale des députés et le fonds de sécurité sociale du personnel ont par ailleurs contribué à une dotation exceptionnelle appelée par arrêté du ministre de la santé du 8 juin 2020 au titre de la lutte contre l’épidémie, d’un montant de 484 000 euros répartis par moitié entre les deux fonds.

b.   Les moindres dépenses

La crise sanitaire a fortement réduit certains postes de dépenses.

● Dépenses d’investissement/opérations immobilières (service des Affaires immobilières et du patrimoine)

Plusieurs opérations ont connu de légers décalages ou aménagements de planning sans incidence budgétaire, ainsi le raccordement de la salle Lamartine à la régie centrale de production, la rénovation des installations audiovisuelles de la salle 6237, le curage et l’aménagement de la zone Fragonard au Palais Bourbon.

Trois opérations ont été fortement impactées par la crise sanitaire, entraînant une sous-consommation cumulée de 14 millions d’euros. Il s’agit de :

L’opération de mise à niveau des installations techniques de l’Hôtel de Lassay, qui étaient inscrites au budget à hauteur de 6 millions d’euros, qui aurait dû se dérouler de juillet 2020 à mars 2021 a été reportée à 2022 ce qui a entraîné la non-consommation du budget prévisionnel de 6 millions d’euros.

D’un montant de 3,75 millions d’euros, l’opération a pour objet le remplacement des couvertures et la restauration ou le remplacement des verrières présentes au-dessus de ces espaces. Le planning initial de l’opération prévoyait, après le montage de l’échafaudage et du « parapluie » au premier semestre 2020, la réalisation des travaux de juillet 2020 à mars 2021, la phase la plus délicate de découverture devant se dérouler pendant l’été 2020 pendant l’interruption des travaux.

L’échafaudage était en cours de montage lorsqu’est survenu le premier confinement imposé par la crise sanitaire, imposant une suspension du chantier. Le calendrier a été redéfini au printemps 2020, prévoyant désormais une fin d’opération en octobre 2021. Sur un plan budgétaire, les dépenses pour l’année 2020 se sont élevées à 2,2 millions d’euros TTC, le paiement du solde des travaux – toujours en cours – devant s’imputer sur l’exercice 2021.

L’opération relative à la sécurisation du hall n’a pu être qu’en partie réalisée en 2020. La dernière phase devrait s’achever en septembre 2021. Pour l’exercice 2020, les dépenses se sont élevées à 589 541,92 euros TTC, pour un coût total de près de 1,2 million d’euros, le solde étant donc reporté sur l’exercice 2021.

● Frais de transport et de réception

L’exécution de la ligne budgétaire « voyages et déplacement », qui comprend notamment les dépenses relatives aux frais de transport des députés entre leur circonscription et Paris fait apparaître une diminution de 35,30 % par rapport à 2019 soit 4,2 millions d’euros en 2020 alors que ce montant atteignait 6,21 millions d’euros un an auparavant. Rappelons que, lors du premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020), le nombre de députés pouvant être présents en séance publique et en commission a été réduit de manière drastique, diminuant sensiblement les déplacements. Depuis le 6 octobre 2020, la jauge des effectifs dans l’hémicycle ou en commission a été fixée à 50 %, ce qui implique encore une diminution forte des déplacements entre Paris et les circonscriptions. Il en résulte une baisse de 35,3 % des dépenses de voyages et déplacements, qui s’établissent à 4,02 millions d’euros en 2020.

Les charges de représentation sont quant à elle en baisse de 60,38 % par rapport à l’exercice précédent, passent de 4,47 millions d’euros en 2019 à 1,77 million d’euros en 2020, soit le niveau le plus bas de ces dernières années. Les restrictions de déplacement à l’international et le respect des mesures barrières ont en effet eu pour conséquence l’annulation ou le report d’une grande partie des missions et réceptions prévues en 2020.

(en euros)

 

Estimation des économies
liées à la pandémie

Report de l’opération de réparation de l’Hôtel de Lassay

6 000 000

Moindres charges de représentation

2 500 000

Réduction des déplacements des députés

2 190 000

Report d’une partie de l’opération couvertures hémicycle et salle des Conférences

1 800 000

Sous-consommation DMD

690 000

Sous-consommations fluides

380 000

Sous-consommation frais de maintenance

300 000

Sous-consommation transports collectifs

232 000

Réduction des actions de communication

200 000

Moindres charges de vacataires

180 000

Sous-consommation petits équipements et fournitures

180 000

Réduction frais d’hébergement

140 000

Réduction formation des députés et personnels

158 000

Réduction dépenses courrier

100 000

Sous-consommation entretien équipements de communication audiovisuelle

100 000

Réduction des impressions parlementaires

60 000

Report partiel rénovation ascenseurs Ministres

53 000

TOTAL

15 263 000

Source : Assemblée nationale.

c.   Effets de la crise sur les réserves

Les disponibilités durables de l’Assemblée, qui correspondent à la notion de « réserves », sont toutes logées dans un fonds commun de placement géré par Natixis Investment Managers. Ce fonds diversifié appartient à la catégorie juridique des fonds d’investissement à vocation générale (FIVG).

Sensiblement affecté par la forte baisse des marchés financiers du printemps 2020, le Fonds a profité du rebond ultérieur des marchés lui a permis d’afficher une valeur d’actif net, au 31 décembre 2020, de somme de 285,9 millions d’euros, contre 283,20 millions l’année précédente à la même date.

III.   Le Sénat

La dotation annuelle du Sénat est inchangée depuis 2012, à 323,58 millions d’euros.

L’exécution du budget 2019 fait apparaître une sous-exécution globale de 32,87 millions d’euros, soit 332,67 millions d’euros, en baisse de 0,3 % par rapport à 2019.

● Les événements significatifs de l’exercice sont les suivants :

– une augmentation des charges exceptionnelles, qui s’élèvent à 1,59 million d’euros en 2020 contre 0,29 million d’euros en 2019, conséquence des effets de la crise sanitaire et du règlement des litiges dans le cadre de certains marchés de travaux ;

– une augmentation du montant des reprises des avances sur frais de mandat non consommées au cours de l’exercice de 3,9 millions d’euros en 2020, qui concernent à la fois les sénateurs sortants à l’issue du renouvellement de septembre 2020 et les sénateurs en activité au 31 décembre 2020 ;

– la mise en production du projet informatique de dématérialisation de la chaîne comptable, sans impact sur les comptes.

 L’impact de la crise sanitaire sur l’exécution du budget du Sénat se traduit par des dépenses non prévues, d’un montant d’environ 3 millions d’euros, inférieures aux économies réalisées sur certains postes de dépenses, évaluées à 11,9 millions d’euros.

l’impact de la crise sanitaire sur les dépenses du sénat en 2020

(en millions d’euros)

 

Estimation

Dépenses supplémentaires

3

Rémunérations du personnel titulaire et stagiaire

1,5

Fournitures médicales e de sécurité

0,3

Tests de dépistage

0,3

Indemnisation exceptionnelle du titulaire de la concession des restaurants du Sénat

0,3

Remises gracieuses de redevances domaniales accordées aux concessionnaires du Jardin du Luxembourg

0,2

Équipements informatiques pour le télétravail

0,1

Moindres dépenses

≈ – 11,9

Investissement (hors équipements informatiques pour le télétravail)

– 6,0

Déplacements, missions et réceptions

– 4,0

Entretien, réparations, restauration

– 1,0

Frais postaux et de télécommunications

– 0,5

Achats de matériel, équipements et travaux

– 0,3

Transport de biens et transport du personnel

– 0,1

Impact global de la crise sanitaire

≈ – 9

Source : Sénat.

● Le budget pour 2020 se caractérisait par des dépenses d’investissement, à des niveaux élevés, dans la continuité des années précédentes, conformément à un programme de rénovation immobilière engagée depuis 2017. En raison principalement des conséquences de la crise sanitaire sur les chantiers, les dépenses d’investissement n’ont représenté qu’une dépense de 14,4 millions d’euros contre 32,4 millions d’euros inscrits au budget, soit un taux d’exécution de 44,4 %.

● En matière de fonctionnement, on constate une augmentation modérée des dépenses de fonctionnement, soit 0,95 % par rapport à l’année précédente (+ 3 millions d’euros). Cette hausse s’avère légèrement moindre que prévue, en raison d’économies réalisées dans le contexte de la crise sanitaire, telles sur les déplacements. Cette augmentation attendue des dépenses de fonctionnement s’inscrivait dans la continuité d’augmentations décidées en 2019 (revalorisation du crédit collaborateurs de 10 %, réforme du mode de calcul de la subvention versée aux groupes politiques, développement de moyens d’expertise extérieure pour les commissions et les délégations).

Les efforts de maîtrise des dépenses de rémunération des fonctionnaires engagés depuis plusieurs années ont contribué à limiter cette progression. Au 31 décembre 2020, l’administration du Sénat comptait 1 234 personnes, dont 1 100 fonctionnaires et 134 contractuels, contre 1 235 au 31 décembre 2020 (1 094 fonctionnaires et 141 contractuels) ([2]).

● Le prélèvement sur les disponibilités, prévu à 36,48 millions d’euros, ne s’est élevé qu’à 1,36 million d’euros pour l’ensemble des trois missions, compte tenu notamment de la faible exécution des dépenses d’investissement et du niveau plus important qu’anticipé des produits.

Évolution de l’exÉcution du budget du SÉnat depuis 2011

(en millions d’euros)

Années

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

Investissement

9,13

4,20

5,69

11,24

17,01

7,89

24,40

19,50

315,22

332,67

3 197,85

Fonctionnement

333,17

326,37

321,68

320,84

316,44

317,00

320,72

308,21

315,22

318,22

3 197,85

Dépenses totales

342,30

330,56

327,36

332,07

333,44

324,89

345,12

327,81

333,57

332,67

3 329,80

Dotation

327,69

323,58

323,58

323,58

323,58

323,58

323,58

323,58

323,58

323,58

3 329,80

Produits

6,25

6,52

6,56

6,86

5,49

6,95

13,09

7,57

8,99

7,72

76,10

Ressources totales

333,95

330,10

330,14

330,44

329,07

330,53

336,67

333,26

332,58

331,31

3 316,05

Solde budgétaire

– 8,35

– 0,46

2,78

– 1,63

– 4,37

5,64

– 8,45

3,45

– 0,99

– 1,36

– 13,75

*(prélèvement sur les disponibilités).

Source : Sénat.

 

CrÉdits et exÉcution du budget de l’action SÉnat
(mission institutionNelle – hors jardin et musÉe du luxembourg)

(en euros)

 

 

Exécution
2017

Exécution
2018

Exécution
2019

Exécution

2020

Variation
2019/2020

DÉPENSES

I. Investissement

23 896 707

19 255 399

17 844 745

13 148 923

 35,41 %

II. Fonctionnement

309 359 995

297 297 461

304 790 867

307 779 104

0,97 %

  1. Fonctionnement courant

25 250 756

24 589 602

24 030 349

26 237 332

8,41 %

  1. Charges parlementaires

160 514 344

149 609 655

157 660 362

155 856 936

– 1,33 %

B1. Indemnités et charges parlementaires des Sénateurs en activité

40 405 894

40 679 842

40 884 537

40 815 427

– 0,17 %

B2. Aide à l’exercice du mandat

115 422 794

103 656 994

111 721 410

110 009 235

89,35 %

B3. Anciens Sénateurs

4 685 657

5 272 819

5 054 416

5 032 274

– 0,44 %

  1. Charges de personnel

123 594 894

123 098 204

123 100 155

125 684 836

2,06 %

C1. Personnel en activité : Fonctionnaires

108 414 214

107 183 306

105 686 842

107 315 737

1,52 %

C2. Personnel en activité : Contractuels et assimilés

9 025 980

9 533 807

10 845 218

11 689 939

7,23 %

C3. Personnel retraité

6 154 700

6 381 092

6 568 095

6 679 160

1,66 %

III. Total des dépenses des deux sections

333 256 702

316 552 860

322 635 611

320 928 027

– 0,53 %

RESSOURCES

IV. Produits

12 132 787

6 793 401

8 042 037

7 285 801

– 10,38 %

V. Dotation de l’État

311 627 700

311 627 700

311 627 700

312 227 700

0,19 %

VI. Prélèvement sur les disponibilités

9 496 215

 1 868 242

2 365 875

1 414 526

– 67,26 %

VII. Total des ressources

333 256 702–

316 552 860

322 635 611

320 928 027

– 0,53 %

Source : documentation budgétaire du Sénat.

 

 

 


IV.   Le conseil constitutionnel

Les dépenses du Conseil constitutionnel se sont établies en 2020 à 13,1 millions d’euros, contre 12,8 millions d’euros en 2019. La dotation lui ayant été allouée peut-être décomposée de la manière suivante : une dotation budgétaire de 11,719 millions d’euros complétée d’une dotation spéciale pour les dépenses liées à la procédure dite de « référendum d’initiative partagé » de 785 000 euros inscrite sur un budget annexe (500 000 euros au titre de 2019 et 285 000 euros au titre de 2020).

Le surcroît de dépenses enregistrées par rapport à la dotation initiale s’explique principalement par les efforts consentis par le Conseil constitutionnel dans le cadre de sa transformation numérique et du renforcement de sa sécurité informatique et des dépenses de fonctionnement imputables à la crise sanitaire. Les dépenses de fonctionnement affichent ainsi un taux de progression de 128,5 % par rapport au montant exécuté en 2019. Le surplus de dépenses a été financé par le fonds de roulement du Conseil constitutionnel.

Il est à signaler que les dépenses d’investissement sont très nettement inférieures à 2019 ainsi qu’au montant prévisionnel : un certain nombre de projets initialement prévus sont demeurés en phase d’étude, les frais d’études et de recherches ayant été inscrits en section de fonctionnement.

Pour le rapporteur spécial, la très nette progression des dépenses semble bien liée au caractère exceptionnel de l’année 2020. Le contrôle de l’exécution des prochains budgets sera l’occasion de s’assurer que cette hausse en exécution était bien exceptionnelle.

Évolution du budget du conseil constitutionnel

(en euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total charges

9 415 957

9 875 690

9 488 524

10 711 765

11 585 960

13 085 098

12 803 160

13 106 053

Dotation

10 888 000

10 776 000

10 190 000

9 920 462

13 696 974

11 719 229

11 719 229

11 719 229

Source : Conseil constitutionnel et annexes aux projets de loi de règlement 2013 à 2020.

 

ExÉcution du budget du conseil constitutionnel en 2020

(en euros)

 

2019

2020

2020

Évolution 2019/2020

(exécution)

Écart

prévision/

exécution 2020

Exécution

Prévision

Exécution

Membres

2 283 484

2 362 180

2 249 985

– 1,47

– 4,75

Traitements

1 814 072

1 810 030

1 804 169

– 0,55

– 0,32

Charges sociales

411 736

417 150

410 718

– 0,25

– 1,54

Frais de déplacement

57 675

135 000

35 098

– 39,15

– 74,00

Personnels

6 153 961

6 715 485

6 781 968

10,20

0,99

Traitements personnels permanents

3 423 621

3 779 000

3 926 596

14,36

3,91

Traitements personnels occasionnels

112 330

244 280

168 000

49,69

– 31,23

Traitements personnels d’entretien

115 041

125 000

142 568

23,93

14,05

Charges sociales

1 000 151

1 152 900

1 318 139

31,79

14,33

Formation

131 291

50 000

83 520

– 36,39

67,04

Transports et déplacements

84 470

140 000

20 297

– 75,97

– 85,50

Indemnités de transports (remboursement IdF)

38 108

50 000

54 291

42,47

8,58

Action sociale

179 065

105 000

172 016

– 3,94

63,82

Garde républicaine

1 070 000

1 017 000

896 541

– 16,21

– 11,84

Fonctionnement

1 511 665

1 366 878

3 454 744

128,54

152,75

Fonctionnement stricto sensu

218 907

239 000

395 222

80,54

65,36

Mobilier, matériel, fournitures

46 869

49 300

64 280

37,15

30,39

Parc automobile

42 895

83 900

35 576

– 17,06

– 57,60

Informatique

375 128

165 800

411 160

9,61

147,99

Frais postaux et de télécommunications

41 400

99 020

33 459

– 19,18

– 66,21

Entretien du bâtiment

276 896

285 000

407 188

47,05

42,87

Documentation

133 798

148 000

160 959

20,30

8,76

Manifestations

46 222

60 000

61 944

34,01

3,24

Actions de communication, publicité, publications et relations publiques et frais d’études

181 967

326 900

862 956

374,24

163,98

Charges externes

147 583

94 000

1 022 000

592,49

987,23

Investissement

2 854 050

1 274 713

619 356

– 78,30

– 51,41

Immobilisations incorporelles et corporelles

2 849 320

1 269 713

619 356

– 78,26

– 51,22

Restauration de mobilier

4 730

5 000

0

– 100,00

– 100,00

TOTAL

12 803 160

11 719 256

13 106 053

11,83

2,37 %

Source : Conseil constitutionnel.


1.   Les incidences de la crise sanitaire sur l’activité du Conseil constitutionnel et sur l’exécution du budget 2020

La crise sanitaire n’a pas interrompu l’activité du Conseil constitutionnel, qui a continué à tenir dans ses locaux ses séances de délibéré et les audiences publiques de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Certaines QPC ont d’ailleurs porté sur les conditions de l’état d’urgence sanitaire.

Pour assurer la continuité de son activité, le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur les solutions de travail sécurisé à distance qu’il avait déployées au cours des dernières années. Les membres du Conseil ainsi qu’une part significative des agents du secrétariat général avaient ainsi été équipés, avant même le déclenchement de la crise sanitaire, de matériels leur permettant de travailler et d’échanger dans le cadre du télétravail. Des acquisitions complémentaires (matériels, licences de logiciels de télétravail par exemple) ont été effectuées.

Des dépenses exceptionnelles relatives à la captation des audiences publiques de question prioritaire de constitutionnalité hors de sa salle d’audience ainsi que des dépenses de frais de nettoyage des locaux ont dû être prises en charge. S’y sont ajoutés l’achat de matériels et produits de protection (masques, gants, gels hydroalcooliques, parois de protection) et l’achat de tablettes et licences d’exploitation. Le surcroît de dépenses a été pour partie compensé par le fléchissement des dépenses de fonctionnement courant lié à la baisse des activités non juridictionnelles.

Si la réalisation de certains travaux a été retardée et des déplacements reportés, d’importants projets ont été poursuivis dès qu’une organisation adaptée aux conditions sanitaires a pu être définie : manifestation audiovisuelle accompagnée d’un volet scientifique pour l’anniversaire des dix ans de la QPC, préparation de la refonte des outils de gestion des décisions par exemple.

2.   Le référendum d’initiative partagée sur les aérodromes de Paris

Le déclenchement en 2019 de la procédure introduite à l’article 11 de la Constitution par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conduit le Conseil constitutionnel à mettre en œuvre pour la première fois les fonctions particulières qu’il détient dans le cadre ce mécanisme.

Après le dépôt le 9 avril 2019 par 248 parlementaires d’une proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, puis la validation de la procédure et le contrôle de constitutionnalités opérés par le Conseil, le recueil des soutiens a été ouvert le 13 juin 2019 et clos le 12 mars 2020. La proposition a finalement recueilli 1,09 million de signatures, soit moins d’un quart du nombre de soutiens nécessaires, la Constitution fixant le nombre de soutiens nécessaires à au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Les charges induites par les opérations de contrôle du recueil des soutiens à l’initiative référendaires ont été de diverses natures, de juin 2019 à mars 2020.

La charge de traitement des 4 200 réclamations formées contre ces opérations a justifié le recrutement temporaire de deux agents auprès du greffe du Conseil constitutionnel.

Le contrôle des opérations conduites par le ministère de l’intérieur a également justifié un renforcement du service informatique par le recrutement de deux autres agents à titre temporaire.

De plus, le Conseil a pris à sa charge les rémunérations des membres de la formation spéciale placée auprès de lui pour connaître des réclamations et celle des rapporteurs spéciaux adjoints appelés à appuyer les travaux de cette formation spéciale et des agents recrutés pour l’appui aux travaux du Conseil.

Le Conseil a par ailleurs loué un local pour les travaux de cette formation spéciale, rue Cambon, et financé des équipements divers.

Le budget annexe prévu pour les dépenses liées aux contrôles de la procédure de déclenchement du référendum d’initiative partagée s’élève à 785 000 euros, dont 500 000 euros au titre de 2019 et 285 000 euros au titre de 2020. La dotation demandée pour l’exercice 2019 n’a été versée qu’au début de l’année 2020.

La charge induite par cette première expérience de mise en œuvre du référendum d’initiative partagée ne s’est pas limitée, dans le cadre de l’exécution budgétaire 2020, au seul premier trimestre : si les opérations se sont achevées en mars 2020, le Conseil constitutionnel a estimé nécessaire d’engager dès le printemps, avec le ministère de l’intérieur, des travaux de rétro-ingénierie de manière à corriger rapidement les imperfections de la plateforme déployée par le ministère en 2019. Les agents mobilisés sur ce dossier y ont travaillé tout au long de l’année 2020.

Même si le Conseil ne dispose pas d’une comptabilité analytique permettant de décomposer finement les dépenses pour les affecter aux différentes missions qui sont les siennes, il apparaît que le surcoût de dépenses résultant de l’ensemble de ces travaux est au moins du montant de la dotation spéciale reçue.

Le rapporteur spécial regrette que des éléments d’analyse plus fine ne soient pas disponibles de manière à, à l’avenir, définir de la manière la plus juste possible une nouvelle dotation spéciale si le mécanisme était de nouveau déclenché.


V.   la cour de justice de la république

Le budget total alloué à la Cour de Justice de la République pour l’exercice 2020 était inchangé par rapport à l’exercice 2019 à 871 500 euros, dont 768 000 euros pour les frais de fonctionnement, 68 000 euros pour les frais de justice et 35 500 euros pour frais de procès.

Les dépenses de fonctionnement courant, hors frais de justice et hors frais de procès se sont élevées à 761 025 euros, soit un solde de 6 975 euros. La nette progression des dépenses par rapport aux années précédentes est liée à l’installation des postes de travail dans le prolongement de l’arrivée à la Cour de renforts de personnels et du renouvellement complet de l’équipement informatique.

Les économies réalisées, soit la somme de 94 426 euros, ont été réaffectées aux frais de justice de l’année 2021 du fait des affaires en cours d’instruction devant la commission de la Cour depuis septembre 2020 (gestion de la crise sanitaire par certains membres du Gouvernement).

Évoquée par le président de la République dans son discours devant le Congrès du Parlement le 3 juillet 2017, la suppression de la Cour de Justice de la République a d’abord été inscrite sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, dont l’examen a été suspendu au milieu de l’été 2018. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, déposé le 29 août 2019 à l’Assemblée nationale reprend, en son article 8, les dispositions de l’article 13 du précédent projet, prévoyant que les ministres soient désormais jugés par la cour d’appel de Paris.

Au regard de la procédure envisagée, à savoir le maintien, comme aujourd’hui, d’une commission des requêtes, exerçant un filtrage pour écarter les requêtes manifestement non fondées, accroissant par conséquent la charge de travail des juridictions ordinaires, il n’est pas certain que la suppression de la Cour de Justice de la République, si elle était menée à son terme, engendre des économies substantielles.


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   DEUXIÈME PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION :
LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES
DE LA GESTION DES MARCHÉS PUBLICS

L’article 2 du code de la commande publique définit les contrats de la commande publique comme étant les contrats à titre onéreux qui permettent à la personne publique de « répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services avec un ou plusieurs opérateurs économiques ». Ces règles s’appliquent aussi à certains organismes de droit privé répondant à des besoins d’intérêt général.

L’ensemble de ces contrats administratifs, quels que soient leurs montants ou leurs procédures, doivent respecter trois principes : la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats, ainsi que la transparence des procédures. Ces principes ont pour objet d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

La procédure varie en fonction de l’objet ainsi que de la valeur estimée du marché. Pour les marchés d’une valeur inférieure à 40 000 euros HT, l’acheteur public a pour seule obligation de choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec un même fournisseur lorsqu’il y a plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin.

Le rapporteur spécial a choisi, pour la partie thématique de ce rapport, d’étudier les marchés publics passés par l’Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel, qui s’inscrivent dans le cadre du code de la commande publique. Pour les trois pouvoirs publics sur laquelle se concentrent ces études, certains domaines sont bien entendu exclus par nature du domaine contractuel. Tout ce qui relève du rôle constitutionnel de l’Assemblée nationale est traité par les services en répondant aux exigences de disponibilité, de qualité, de confidentialité et de réactivité qui y sont attachées. Pour ce qui est de la Présidence de la République, la sécurité des emprises présidentielles ne peut faire non l’objet d’une contractualisation, il en est de même pour la fonction juridictionnelle attribuée par la Constitution au Conseil constitutionnel.

En vertu de l’article 1er de l’arrêté de Bureau du 6 avril 2011, les marchés de l’Assemblée nationale sont régis par les dispositions applicables aux marchés publics de l’État sous réserve des spécificités prévues par ledit arrêté et qui n’ont trait aujourd’hui qu’aux spécificités de l’organisation administrative de l’Assemblée nationale. À ce titre l’Assemblée nationale applique le champ de la commande publique dans les conditions prévues par le livre premier de la première partie du code de la commande publique.

I.   Les principaux traits de la commande publique À l’AssemblÉe nationale, À la prÉsidence de la rÉpublique et au conseil constitutionnel et leurs Évolutions rÉcentes

A.   GÉnÉralitÉs et principaux marchÉs

1.   Présentation

a.   L’application du code de la commande publique

L’Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel appliquent le code de la commande publique et sont considérés, dans leur passation de marchés publics, comme des « pouvoirs adjudicateurs ». Le seuil prévu par le code de la commande publique est de 40 000 euros HT.

b.   Le règlement de l’Assemblée nationale, qui renvoie au code de la commande publique

Dans une décision d’Assemblée du 5 mars 1999 « Président de l’Assemblée nationale » (n° 163328), le Conseil d’État avait jugé qu’en l’absence de réglementation particulière édictée par les autorités compétentes de l’Assemblée nationale, les contrats de cette dernière étaient régis par le code des marchés publics.

Dans ce prolongement, les autorités de l’Assemblée nationale ont décidé en 2001, plutôt que d’adopter un code des marchés publics spécifiques à l’Assemblée, de poser pour principe que les marchés de l’Assemblée sont régis par le code des marchés publics (devenu code de la commande publique) ([3]). Cette solution s’imposait d’autant plus que l’essentiel du droit de la commande publique est régi par le droit de l’Union européenne et que la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne considère les assemblées parlementaires comme des pouvoirs adjudicateurs (CJCE, 17 septembre 1998, Commission/Royaume de Belgique,
C-323/96).

L’unique dérogation au droit commun, portant sur le seuil à compter duquel les marchés de travaux devaient faire l’objet d’une procédure formalisée au lieu d’une procédure adaptée, alors fixée à 1 500 000 euros HT au lieu de 5 548 000 euros HT en droit commun, a été supprimée en 2019 ([4]).


Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale portant sur les marchés publics et son arrêté d’application ne font donc que préciser les règles de compétence internes à l’Assemblée nationale : autorités compétentes pour le lancement et l’attribution d’un marché, la conclusion d’un avenant, l’affermissement d’une tranche conditionnelle et la reconduction, composition de la commission chargée de l’ouverture des plis, règles de délégation, répartition des compétences entre les services, etc.

● L’Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel, des acheteurs qui font partie des 98 % des « petits acheteurs »

Le recours aux marchés publics plutôt qu’à une régie interne fait intervenir un arbitrage entre ressources internes ou recours à une entreprise extérieure, au regard des conditions de prix et de qualité du service rendu dans le cadre particulier de leurs activités.

Les besoins en matériaux, travaux et services de l’Assemblée nationale, la Présidence de la République et du Conseil constitutionnel, sont tels qu’on peut considérer qu’ils font partie des 98 % de « petits acheteurs publics » ([5]). Cela représente par exemple, à l’Assemblée nationale, moins de 50 millions d’euros par an, soit moins de 10 % du budget annuel.

Tant à l’Assemblée nationale qu’à la Présidence de la République, en dehors des domaines exclus par nature, les actions qui revêtent un caractère récurrent sont généralement incluses dans le périmètre de la commande publique (support informatique, nettoyage des locaux, notamment), ainsi que les opérations très ponctuelles ou spécifiques (travaux de rénovation). À l’Assemblée nationale, les marchés passés pour l’entretien de son patrimoine immobilier font par exemple partie des marchés récurrents.

La taille relativement modeste du secrétariat général du Conseil constitutionnel se traduit d’autant plus par le recours à des prestataires plutôt qu’à une régie interne pour l’acquisition de fournitures et la réalisation de certains travaux.

prÉsentation des cinq marchÉs les plus importants en volume financier
depuis 2018

 

Domaine

Année

Montant

Assemblée nationale

Travaux de rénovation de l’ensemble immobilier de Broglie

2020

23 356 201 €

Prestations de téléphonie pour les députés de la XVe législature

2016

9 980 335 €
sur 5 ans

Nettoyage des locaux du Palais Bourbon et des immeubles 233/325 boulevard Saint-Germain

2021

9 575 699 €
sur 4 ans

Maintenance et exploitation des installations audiovisuelles de l’Assemblée nationale

2016

8 400 000 €
sur 4 ans

Travaux de confortement de l’emmarchement et de déplacement des installations techniques

2016

8 316 000 €

Présidence de la République

Fourniture de prestations d’agence de voyages et prestations associées pour les déplacements aériens de la Présidence de la République

2017

5 253 233,34 €
(montants engagés cumulés depuis la notification)

Réalisation de prestations de maintenance multi technique et prestations associées pour la Présidence de la République

2016

2 216 413,72 €
(montants engagés cumulés depuis la notification)

Fourniture de denrées alimentaires pour le Palais de l’Élysée

janvier 2016

2 226 619,70 € (montants engagés cumulés depuis la notification)

Fourniture de denrées alimentaires pour l’hôtel d’Évreux, la crèche et la restauration des personnels de la Présidence de la République

2017

1 510 135,26 €

(montants engagés cumulés depuis la notification)

Maintenance des équipements de sûreté des bâtiments de la Présidence de la République et prestations associées

2018

1 058 238,21 €

(montants engagés cumulés depuis la notification)

Conseil constitutionnel

Travaux de réaménagement de bureaux au 3e étage du CC, en quatre lots

2018

1 187 631,25 €

Assistance à maîtrise d’ouvrage de refonte des outils de gestion des décisions du Conseil constitutionnel

2019

407 640,00 €

Fourniture et mise en œuvre de systèmes audiovisuels et multimédia

2019

263 450,24 €

Refonte du site internet institutionnel

2017

160 470 €

Fourniture, installation et mise en service de matériels de cuisine

2018

95 921,70 €

2.   Des procédures où collaborent des unités « marchés » ou « achats » ainsi que le service instructeur

Tout marché public s’inscrit dans une procédure rythmée par différentes étapes : l’expression des besoins, le lancement du marché selon une trame standardisée, la rédaction des pièces du dossier de consultation des entreprises, l’envoi de l’annonce au bulletin officiel des annonces des marchés publics, la réception des offres et l’ouverture des plis, l’analyse des offres, suivie le cas échéant d’une négociation, la rédaction du rapport d’attribution, puis le début de la prestation.

● À l’Assemblée nationale, la procédure fait principalement intervenir, suivant le cas, la cellule « marchés » du service des affaires immobilières et du patrimoine, pour les sujets immobiliers, ou la nouvelle cellule « achats » de la division de la réglementation et du contrôle des marchés (DRCM) du service du budget, du contrôle financier et des marchés qui échange dans ce cas avec le service prescripteur.

● À la Présidence de la République, la procédure fait intervenir du département achats et marchés publics (DAMP) et le service prescripteur.

● Au Conseil constitutionnel, la procédure fait intervenir le service administratif et financier ainsi que le service prescripteur.

B.   Des institutions en pleine Évolution, dÉfinissant leur fonction « Achats »

1.   À l’Assemblée nationale

En 2019, les autorités politiques de l’Assemblée nationale ont choisi d’y réformer le cadre des achats, dans un objectif de maîtrise des dépenses et de meilleure efficacité, avec le principe d’une centralisation des achats, la mise en œuvre de procédures nouvelles de « sourcing » ([6]), et un meilleur suivi de l’exécution des achats et la création d’une fonction « achats ».

Dans ce prolongement, une cellule « achats » a été intégrée à l’ancien service du budget, du contrôle financier et des marchés, service transformé en direction des achats et de la commande publique. Cette cellule a été intégrée à l’ancienne division de la réglementation et du contrôle des marchés, devenue désormais division des achats et de la commande publique (DACP). Elle comprend notamment un responsable des achats recruté en 2019 et deux acheteurs spécialisés recrutés en 2020.

La nouvelle cellule « achats » intervient auprès des services demandeurs pour optimiser la commande juridique, tant sur les marchés à forts enjeux financiers que pour l’instruction des procédures adaptées. Si la formalisation des besoins et le choix de l’attributaire relèvent de la responsabilité du service gestionnaire, les charges qui étaient jusqu’alors dévolues à ces services ont été transférées vers la DACP tant pour la fonction achats que la fonction juridique de rédaction des pièces des marchés. La cellule « achats » est ainsi intégrée dans la totalité du « circuit » d’une commande publique, depuis l’expression du besoin jusqu’à l’adoption du marché.

Le marché de l’assistance informatique
aux députés et aux services de l’Assemblée nationale

En amont de la publication, le service des systèmes d’information, avec l’appui de la cellule achats, a réalisé une étude du marché fournisseurs et pris attache auprès d’autres administrations pour bénéficier de leurs retours d’expérience. L’analyse des bonnes pratiques dans le domaine a permis de proposer aux autorités de l’Assemblée nationale la mise en place d’un contrat avec une obligation de résultat prévoyant un nouveau mode de rémunération à l’intervention plutôt qu’au forfait.

Les services de l’Assemblée nationale ont indiqué au rapporteur spécial que la centralisation des achats, autour de la cellule « achats », ne s’applique pour l’instant pas aux marchés publics du service des affaires immobilières et du patrimoine, eu égard à la complexité propre des marchés gérés par ce service. Toutefois, des outils intermédiaires de suivi et de coordination ont été mis en place.

Le rapporteur spécial se réjouit de cette nouvelle organisation, dont les premières évaluations indiquent qu’elles ont déjà favorisé des économies substantielles.

2.   À la Présidence de la République

La Cour des comptes avait eu l’occasion, dans son contrôle des comptes et de la gestion de la Présidence de la République pour les exercices 2018 et 2019 ([7]), de remarquer « l’amélioration des performances de la fonction achat » avec l’existence d’une « carte des achats », donnant des indicateurs par fournisseur et par marché pour l’ensemble des services et par service, d’une planification des achats, ainsi qu’une modification en 2019 de la composition et du périmètre d’intervention de la commission d’attribution des marchés publics. Y participent désormais le directeur adjoint de cabinet, le directeur général des services et le contrôleur de gestion. Ces réformes se sont inscrites dans le cadre d’une réorganisation des services de la Présidence de la République mis en œuvre en 2019.

Le plan de transformation des services de la Présidence de la République
mis en œuvre en 2019

Le 1er avril 2019, dans le cadre d’un plan de transformation, le précédent organigramme doté de 16 services, précédemment rattachés au directeur de cabinet, a été transformé en quatre directions, animées et coordonnées par un directeur général des services (DGS) :

– direction de la sécurité ;

– direction des opérations ;

– direction de la communication ;

– direction des ressources et de la modernisation.

Seuls deux services (protocole et décorations) demeurent hors du périmètre de ces quatre directions.

Le département achats et marchés publics (DAMP), qui relève de la direction des ressources et de la modernisation, a produit plusieurs documents à l’attention des autres directions (guide de déontologie, guide pratique de l’achat public, guide pratique de l’analyse des offres, le règlement de la commission d’attribution des marchés publics et accords-cadres de la Présidence de la République).

La Présidence de la République a indiqué au rapporteur spécial avoir travaillé en 2020 à la mise au point d’une stratégie sur l’évolution de la commande publique, pour non plus seulement chercher à faire progresser le taux de couverture des dépenses par marché (78,39 % en 2020), mais aussi de suivre des objectifs complémentaires pour une définition plus fine des besoins et une meilleure structuration des marchés ou accords-cadres, ainsi que de leurs modalités d’exécution. L’équipe du département achats et marchés publics a été étoffée en 2020 avec le recrutement d’une acheteuse, chargée en particulier de la sécurité juridique.

En 2020, les fournitures en denrées alimentaires, initialement alloties à destination, soit des grandes cuisines de l’Hôtel d’Évreux, soit des restaurants du personnel ou de la crèche, ont été complètement refondues.

La Présidence de la République indique avoir basé le nouvel allotissement sur la qualité attendue des produits (standards, premium ou produits de qualité et enfin circuits court et bio). Les marchés qui en résultent peuvent être utilisés indistinctement par tous les services de restauration de la Présidence de la République, dans un souci de mutualisation interne.

Recommandation n° 3 : poursuivre le travail de modernisation de la fonction « Achats » dans un objectif d’efficience et de meilleures gestions des coûts.

C.   Accentuer les bonnes pratiques : un devoir d’exemplaritÉ

1.   Le recours à l’Union des groupements d’achats publics pour accéder à des conditions tarifaires plus intéressantes, en restant vigilant sur les autres critères « qualité » et « proximité »

Dans la thématique plus générale de l’achat public, le rapporteur spécial a constaté que l’Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel recourent aux stratégies de mutualisations des achats proposées par l’Union des groupements d’achats publics (UGAP). La mutualisation des achats leur permet, grâce à l’effet volume, d’obtenir des conditions qu’aucune d’elles ne pourrait obtenir seule.

La Présidence de la République y a par exemple recouru en 2020, pour l’achat de consommables informatiques, le déploiement des réseaux de télécommunication et des serveurs, le mobilier et fournitures de bureau, ou encore l’achat de masques chirurgicaux et de produits d’hygiène liés à la crise sanitaire. L’Assemblée nationale y a également recouru en 2020 pour l’achat de masques chirurgicaux (voir partie II) ou encore pour l’achat de divers appareils.

De plus, les autorités de l’Assemblée nationale ont posé le principe d’une adhésion au cas par cas aux marchés mutualisés de l’État. À ce jour l’Assemblée nationale a ainsi adhéré à un marché porté par la direction des achats de l’État (DAE) en partenariat avec le service des essences des armées pour l’approvisionnement en carburant des véhicules.

La Présidence de la République recourt également à certains marchés de la DAE et mutualise certains achats avec les services du Premier ministre.

Le rapporteur spécial salue l’attention portée au « critère prix » tout en rappelant qu’une offre d’un coût moindre ne répond pas nécessairement aux critères de qualité. Pour lui, il est également important de considérer la qualité du service rendu, les éventuelles dépenses contraintes ultérieures (cas d’un photocopieur ne fonctionnant qu’avec les cartouches d’encre du modèle du constructeur, par exemple), et l’impact sur l’économie locale.


2.   Les critères sociaux et environnementaux : approfondir leur prise en compte

Pour le rapporteur spécial, il est important que les pratiques mises en œuvre dans le cadre de la commande publique à l’Assemblée nationale, à la Présidence de la République et au Conseil constitutionnel soient particulièrement marquées par un souci d’exemplarité, en matière de coûts, en matière sociale, en matière environnementale.

● Le rapporteur spécial a pris connaissance des mesures prises par l’Assemblée nationale pour intégrer, dans les cahiers des charges de marchés publics, des dispositions relatives à la protection de l’environnement et au développement durable. Selon le sujet du marché, à titre d’exemple, il peut s’agir :

– de la présence d’une clause environnementale relative aux déplacements (incitant les titulaires, si l’utilisation de véhicules individuels présente un caractère indispensable, à utiliser de préférence des véhicules fonctionnant à l’énergie électrique, au gaz de pétrole liquéfié -GPL-, au gaz naturel pour véhicules – GNV-, à l’hydrogène ou encore des véhicules hybrides) ;

– d’un critère d’attribution fondé sur l’effort de réduction des gaz à effet de serre effectué par le candidat pour le transport du produit, en l’occurrence des masques chirurgicaux, depuis leur lieu de fabrication.

● Les marchés de ménage de l’Assemblée nationale comportent depuis plusieurs années des clauses sociales.

Le rapporteur spécial salue l’intégration à ces marchés de clauses au caractère de plus en plus détaillé, en particulier pour les marchés de nettoyage.

Le marché de nettoyage du Palais Bourbon
et de l’immeuble du 233 boulevard Saint-Germain

Parmi les critères d’attribution figure une clause de plan de progrès social et environnemental. Selon les termes de cette clause, le prestataire doit formuler, au minimum une fois par an, des propositions tendant à :

– améliorer les conditions de travail des personnels ;

– favoriser le recours plus fréquent à des emplois à temps plein ;

– renforcer les actions de formation ou l’insertion des personnes éloignées de l’emploi dans le cadre de nouvelles embauches.

La mise en œuvre effective des propositions est décidée par les parties au regard de leur impact pour l’Assemblée nationale et pour le personnel de l’entreprise.

L’analyse des offres a également pris en compte les cadences de travail qu’impliquaient les offres des candidats.

Source : Assemblée nationale.

Au-delà des clauses et critères des marchés publics, l’Assemblée nationale met en œuvre des actions directes en faveur des personnels des entreprises de nettoyage, tels des cours de français, un bon d’achat annuel versé à l’occasion des fêtes de fin d’année d’une valeur de 170 euros, un tarif réduit d’accès aux libres-services de l’Assemblée nationale.

Des avenants viennent d’être signés avec les entreprises prestataire prévoyant une compensation intégrale du versement d’une prime de site, correspondant au montant d’un treizième mois, financé par une contribution intégrale de l’Assemblée nationale aux titulaires du marché. Le rapporteur spécial salue cette avancée, en regrettant qu’il ait fallu pour cela attendre la discussion, au caractère quasi théâtral, des crédits de la mission Pouvoirs publics lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.

● Les services de la Présidence de la République ont indiqué au rapporteur spécial intégrer, dans leurs achats, une démarche écoresponsable,

– qu’elle soit environnementale, avec par exemple des critères dépassant ceux des objectifs de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGAlim ;

– ou sociale, avec par exemple des clauses et critères incitant à la plus grande intégration possible de travailleurs handicapés.

Le rapporteur spécial salue cette prise en compte des critères environnementaux et souhaiterait que les institutions aillent plus loin, notamment dans la prise en compte des critères environnementaux.

Il reconnaît que ces critères doivent s’intégrer au cadre de la commande publique et des directives européennes : le critère du « local » ne peut être un critère en soi, il s’agirait en effet d’un motif de discrimination. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent en revanche recourir au critère du bilan carbone, qui ne se superpose pas nécessairement au critère de la proximité géographique (cas par exemple d’une livraison par une camionnette vieillissante aux émissions de dioxyde de carbone élevées).

De manière générale, le rapporteur spécial a été sensibilisé par l’observatoire économique de la commande publique, qu’il a entendu en audition, sur le manque de critères connus à ce jour pour apprécier objectivement le respect par les candidats de critères environnementaux. Il souhaite que les services de l’État travaillent à une telle documentation qui serait grandement utile aux collectivités territoriales de petites tailles, par exemple, dont la taille restreinte des services juridiques ne permet pas des études d’une telle ampleur. Il est par exemple difficile aujourd’hui d’évaluer, au moment de l’achat, l’impact environnemental de l’achat d’un photocopieur : le critère prix peut avoir tendance à primer sur le critère environnemental, faute d’information. À titre d’exemple, le prix avantageux d’un modèle de photocopieur peut cacher des performances environnementales moindres, s’il ne fonctionne pas avec le grammage élevé des papiers recyclés.

Recommandation n° 4 : approfondir les critères sociaux et environnementaux.

3.   Les PME et TPE

Sensible à l’accès des TPE et PME à l’accès la commande publique, le rapporteur spécial s’est interrogé sur les dispositifs mis en œuvre à l’Assemblée nationale, à la Présidence de la République au Conseil constitutionnel, et notamment sur l’allotissement obligatoire des marchés, qui permet, par la création de lots, de susciter des candidatures des TPE et PME.

● Le secrétariat général du Conseil constitutionnel a indiqué au rapporteur spécial qu’en raison de la nature même de ses besoins, le Conseil constitutionnel procédait à des achats n’attirant, sauf rare exception, que des très petites, petites, ou moyennes entreprises.

● C’est également le cas à l’Assemblée nationale, où les TPE et PME, hors marchés immobiliers, sont de loin majoritaires parmi les prestataires retenus.

Dispositifs pour l’accès des PME et TPE aux marchés publics
de l’Assemblée nationale

– en amont de la passation du marché, la cellule « Achats » et les services gestionnaires veillent à ce que des PME et TPE fassent partie des fournisseurs sollicités dans le cadre du « sourcing », afin de disposer d’un panel représentatif et d’inciter ces opérateurs à candidater ;

– dans le cadre de l’obligation d’allotissement des marchés, l’Assemblée nationale s’emploie à ce que chaque marché alloti comporte, autant qu’il est possible, des lots de petite taille, plus accessibles aux PME et TPE ;

– au stade de la fixation des critères et de l’examen des candidatures, il est également veillé à ce que les PME et TPE ne soient pas éliminées en raison de la fixation d’exigences difficiles à remplir par celles-ci, telles qu’un seuil de chiffre d’affaires trop élevé ;

– sauf urgence dûment justifiée, les délais fixés pour le dépôt des offres sont en outre suffisants pour permettre la constitution de groupements momentanés d’entreprises, qui constituent un outil important permettant aux PME et TPE de candidater par la voie d’un groupement.

Source : Assemblée nationale.

● À la Présidence de la République, la pratique des allotissements est également suivie. Le rapporteur spécial a été informé de l’attention portée aux TPE et PME pour susciter leurs candidatures. Aujourd’hui, 70 % des prestataires de la Présidence de la République relèvent de cette catégorie.

Le rapporteur spécial salue ces efforts et recommande la consultation du « guide pratique pour faciliter l’accès des TPE/PME à la commande publique ([8]) », édité par l’observatoire économique de la commande publique en juillet 2019.

Extrait du guide pratique pour faciliter l’accès des TPE/PME
à la commande publique

Le guide apporte des éléments pour :

La préparation de la procédure de passation du marché :

•intégrer en amont, la définition et l’analyse du besoin de manière fonctionnelle et le « sourcing », permettant notamment de réaliser un allotissement fin ;

•prévoir des délais de réponse plus longs et des critères de sélection et d’attribution proportionnés, (en particulier le critère prix) ;

•étudier les moyens d’ouverture aux variantes et groupements d’entreprises (GME).

La procédure de passation du marché :

•favoriser la transparence dans la négociation, tout en conservant de la souplesse pour les acheteurs et en assurant le respect de la confidentialité pour les entreprises ;

•lutter plus efficacement contre les offres anormalement basses et prévoir une indemnisation des prestations réalisées par les candidats pour présenter leurs offres.

Pour ce qui est du suivi de l’exécution du marché, une partie importante est consacrée aux problématiques de trésorerie des entreprises :

•adapter le montant des avances aux enjeux du marché et sensibiliser les acheteurs aux impacts des garanties financières /assurances / exigences de solidarité ;

•respecter les délais de paiement et mieux gérer les variations de prix.

Un accent est également mis sur l’importance de renforcer :

•le pilotage partenarial de l’exécution (maîtrise des pénalités, recours aux clauses de performance et, le cas échéant, aux clauses de réexamen) ;

•le suivi de la sous-traitance (capacités des sous-traitants, relation entre le titulaire et le sous-traitant…).

Le rapporteur spécial regrette que le cadre actuel de la commande publique ne permette pas, au stade de l’évaluation des candidatures, de savoir si une entreprise aura ultérieurement recours à la sous-traitance. Cette information n’est pas obligatoire, l’entreprise lauréate pouvant informer ultérieurement le pouvoir adjudicateur de son choix de sous-traiter tout ou partie du marché. La personne publique doit néanmoins accepter cette situation de sous-traitance, et le marché demeure de la responsabilité de l’entreprise principale.

Le rapporteur spécial dénonce de manière générale cette méthode, constatée pour les marchés des personnes publiques en général, utilisée principalement par les entreprises de taille conséquentes, pour sous-traiter à des TPE-PME. Si l’obligation d’allotissement doit permettre d’en limiter l’ampleur, le rapporteur spécial souhaiterait que des dispositifs complémentaires soient mis en place.

Recommandation n° 5 : accroître l’attention portée aux PME et TPE et à l’environnement économique local.

II.   le cas particulier de l’annÉe 2020 – les marchÉs publics en pÉriode de crise sanitaire

La crise sanitaire a suscité une évolution des règles de la commande publique eue égard aux conséquences économiques et techniques des confinements de l’année 2020.

A.   Les évolutions apportées en 2020

1.   L’ordonnance du 25 mars 2020

Elle exige notamment de l’acheteur public de poursuivre le paiement des marchés à prix forfaitaire dont l’exécution a été partiellement ou totalement suspendue en raison de l’épidémie : cette disposition a été mise en œuvre à l’Assemblée nationale pour les marchés de nettoyage et certains marchés de maintenance.

Elle met également en œuvre, pour les consultations, une réglementation adaptée aux circonstances sanitaires, autorisant la mise en suspens de certaines d’entre elles tandis que d’autres ont vu leur délai fortement allongé afin de favoriser la possibilité pour les entreprises de répondre de manière plus sereine.

2.   L’ordonnance du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique

Elle permet, jusqu’au 10 juillet 2021, aux entreprises en redressement judiciaire qui bénéficient d’un plan de redressement de se porter candidates aux contrats de la commande publique.

L’ordonnance du 7 juin 2020 prévoit également, jusqu’à cette même date, qu’au moins 10 % de la valeur estimée des marchés globaux mentionnés à l’article L. 2171-1 du code de la commande publique doit être réservé aux PME et aux artisans (marchés de conception-réalisation, marchés globaux de performance et marchés globaux sectoriels).

Enfin, jusqu’au 31 décembre 2023, elle prévoit que les acheteurs publics ne doivent pas tenir pas compte, dans l’appréciation de la capacité économique et financière des candidats aux marchés publics ou contrats de concessions, de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s’imputent les conséquences de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.

3.   La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite « loi ASAP »)

La loi du 7 décembre 2020 a relevé, jusqu’au 31 décembre 2022, le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion des marchés publics de travaux à 100 000 euros HT. L’objectif suivi est de faciliter la relance par les chantiers publics.

Elle prévoit également que les entreprises en redressement judiciaire et bénéficiant d’un plan de redressement ne seront plus exclues de la procédure de passation.

B.   À l’AssemblÉe nationale et À la prÉsidence de la RÉpublique

1.   À l’Assemblée nationale

Les autorités de l’Assemblée nationale ont indiqué au rapporteur spécial avoir voulu donner dès le début de la crise un signal clair en réglant les dépenses de l’Assemblée aussi rapidement que possible pour ne pas mettre en difficulté les prestataires de l’Assemblée, au premier rang desquels des PME.

Pour les marchés publics, les autorités de l’Assemblée nationale ont demandé aux services impliqués une certaine bienveillance par rapport à la suspension des marchés pendant le premier confinement, dans le respect de l’ordonnance du 25 mars 2020. Le taux des avances versées aux titulaires des marchés de l’Assemblée nationale en cours de passation ou à venir a été relevé à  30 % et le taux des avances a été relevé au cas par cas au-delà du plafond de 60 % en fonction de la situation financière du titulaire.

L’achat de masques chirurgicaux à l’Assemblée nationale en 2020 et 2021

Dans le cadre de l’assouplissement des procédures pour les achats d’équipements de protection prévu par l’état d’urgence sanitaire, il a été procédé, dans un premier temps, à des achats de masques en gré à gré auprès des entreprises susceptibles d’en fournir.

En juillet 2020, l’Assemblée nationale a recouru à l’Union des groupements d’achat public (UGAP) pour l’achat de masques durant le second trimestre 2020, au regard des tarifs proposés par l’UGAP. L’option de recourir à un marché public a été écartée (un marché nécessitait un certain délai de mise en place et ne garantissait pas de bénéficier de tarifs attractifs au vu des faibles quantités commandées, par comparaison avec les établissements de santé). En outre, en juillet 2020, le caractère pérenne des achats de masques était incertain.

À l’automne 2020, compte tenu de la très forte baisse des prix sur le marché, il a été mis fin au recours à l’UGAP, qui n’offrait plus de conditions tarifaires intéressantes. Les autorités politiques de l’Assemblée nationale ont décidé de recourir temporairement à des achats de gré à gré, dans l’attente de la passation d’un nouveau marché de produits d’hygiène

En février 2021, un nouveau marché de produits d’hygiène a été lancé, comprenant un lot spécifique de fourniture de masques et de gel hydroalcoolique.

Au total, 786 400 masques chirurgicaux ont été achetés en 2020 (dont 352 000 auprès de l’UGAP) pour un montant de 413 631 euros.

Trois commandes ponctuelles de masques FFP2 totalisant 24 000 masques, destinés notamment au cabinet médical, ont également été passées en 2020 pour un montant de 34 288 euros.

2.   À la Présidence de la République

Les circonstances exceptionnelles ont entraîné l’établissement d’un nombre élevé d’avenants de prolongation afin d’éviter la rupture d’approvisionnement et d’assurer la continuité du service pour de nombreux marchés (cas des marchés multi-attributaires, en sept lots, de fourniture de fleurs et feuillages, par exemple).

Des avenants ont ainsi été passés pour l’exécution de marchés de travaux, les périodes d’interruption induisant des prolongations de délais d’exécution, voire des travaux supplémentaires. Ce fut le cas pour les travaux d’aménagement du manège du palais de l’Alma, pour ceux des ailes Est et Ouest du même site.

Les services de la Présidence de la République ont également indiqué au rapporteur spécial avoir appliqué le relèvement du seuil des procédures formalisées prévues par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique dite « ASAP » du 7 décembre 2020.


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 9 heures, le jeudi 27 mai 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission Pouvoirs publics.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera bientôt lisible en ligne.

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Assemblée nationale :

– M. Bruno Vieillefosse, secrétaire général de la Questure, Mme Catherine Leroy, directrice générale des services administratifs.

Observatoire économique de la commande publique :

– M. Serge Doumain, chef du bureau économie, statistiques et techniques de l’achat public (sous-direction droit de la commande publique, direction des affaires juridiques, ministère de l’économie, des finances et de la relance).

 


([1]) La dotation de la Présidence de la République a été élargie en 2020 pour inclure dorénavant les dépenses de fonctionnement d’équipement des militaires de la gendarmerie et des policiers affectés à la direction de la sécurité de la Présidence de la République (DSPR), répondant à une recommandation de la Cour des comptes.

([2]) Cour des comptes, rapport de certification des comptes du Sénat pour 2020.

([3]) Arrêté de Bureau n° 92/XI du 8 février 2001, complété par un arrêté d’application des Questeurs du 2 mars 2001. Ces textes ont été révisés à plusieurs reprises (2002, 2004, 2005, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2019), avec deux refontes complètes en 2004 et en 2011. Les textes actuellement applicables sont l’arrêté du Bureau n° 152 /XIII du 6 avril 2011, complété par l’arrêté des Questeurs n° 11-043 du 13 avril 2011.

([4]) L’arrêté de Bureau du 6 mars 2019.

([5]) source : observatoire économique de la commande publique

([6]) Le « sourcing » est une pratique qui permet aux acheteurs de solliciter les entreprises en amont des marchés publics, avec l’objectif de rédiger un cahier des charges qui réponde aux capacités des entreprises et de minimiser le risque de voir la consultation ne pas trouver de réponse adéquate.

([7]) https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-07/20200729-rapport-gestion-presidence-republique-2019.pdf  

([8])  https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/guide_de_bonnes_pratiques.pdf