N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 33
 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :

 

RECHERCHE

 

 

Rapporteur spécial : M. Francis CHOUAT

 

Député

____

 

 


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

1. Recommandations portant sur l’exécution

2. Recommandations portant sur le thème d’évaluation

SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

I. Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires : une exÉcution globalement conforme malgrÉ la mise en place d’un fonds d’urgence

II. Programme 193 Recherche spatiale : l’apurement de la dette À l’agence spatiale europÉenne

III. Programme 190 Recherche dans les domaines de l’Énergie, du dÉveloppement et de la mobilitÉ durables : un soutien d’ampleur au secteur aÉronautique

IV. Programme 192 Recherche et enseignement supÉrieur en matiÈre Économique et industrielle : la montÉe en charge des plans « Nano 2022 » et « Batteries »

V. Programme 191 Recherche duale (civile et militaire) : une annulation de fin de gestion obscure

VI. Programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique : une exÉcution conforme pour la derniÈre annÉe du programme au sein de la MIRES

VII. Programme 142 Enseignement supÉrieur et recherche agricoles : une dÉgradation de la situation financiÈre des Établissements d’enseignement supÉrieur

DEUXIÈME PARTIE : LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES CRISES SANITAIRES

I. Le financement de la recherche sur les maladies infectieuses Émergentes

A. Une recherche animÉe par une constellation d’organismes de haut niveau nÉcessitant un pilotage plus abouti

1. La forte et rapide mobilisation des opérateurs de recherche en cas de survenance d’une crise sanitaire

a. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale : unique organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, engagé à travers le consortium REACTing et son agence autonome, l’ANRS

b. L’Institut Pasteur : un acteur de premier plan en matière de virologie et de vaccinologie

c. Le Centre national de la recherche scientifique : un opérateur fortement mobilisé dans le cadre des pandémies en raison de son caractère interdisciplinaire

d. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement : une approche intégrée de la santé et une démarche partenariale soutenue

2. La mise en place tardive d’une stratégie et de structures de coordination des activités de recherche

a. Une structure dédiée à la préparation des crises sanitaires par la recherche : le consortium REACTing en place depuis 2013

b. Un manque de coordination qui révèle le besoin d’une stratégie dans le domaine de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes

B. Un financement hÉtÉrogÈne et critiqué

1. Une enveloppe de financements composite

a. Les financements européens et internationaux

b. Les financements des programmes d’investissements d’avenir

c. Le programme 172 de la MIRES pour le financement des organismes de recherche et l’Agence nationale de la recherche

2. Un sousfinancement structurel dénoncé par certains acteurs

II. Le financement de la recherche dans le secteur numÉrique

A. Un domaine de recherche en pleine expansion

1. Mieux comprendre les crises grâce à la modélisation épidémique

a. La modélisation des épidémies : l’émergence d’un nouvel enjeu de collecte et de partage de données

b. INRIA, INSERM, CNRS, CIRAD, Institut Pasteur : une pluralité d’opérateurs compétents en matière d’intelligence épidémique

2. Mieux agir au cœur de la crise au moyen d’outils numériques

a. L’Institut national de recherche en informatique et en automatique, moteur pour la recherche dans le domaine des technologies numériques

b. Un pilotage à améliorer compte tenu de la diversité des opérateurs, tant publics que privés, impliqués

B. des financements difficilement identifiAbles

1. Une action autonome des acteurs en période de crise

2. Des financements complexes et mal identifiés

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNEES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

L’exécution pour 2020

● Pour l’année 2020, l’exécution de la partie Recherche de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) – c’est-à-dire hors programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire et programme 231 Vie étudiante – s’élève à 12,24 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 12,07 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse, respectivement, de 5,1 % et de 2,4 % par rapport à 2019.

● L’exécution du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires s’est révélée globalement conforme aux prévisions : l’écart s’élève à 45,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 37,8 millions d’euros en crédits de paiement. En revanche, les crédits de paiement de l’action 1, dédiée au pilotage et à l’animation de la politique de l’État en matière de recherche, ont été sur-exécutés de 17 %, soit 43,9 millions d’euros, par rapport à la prévision. Cet écart s’explique essentiellement par un dégel de la réserve de précaution à hauteur de 50 millions d’euros au mois de mars 2020 afin de financer des actions menées dans le cadre du fonds d’urgence dédié à la recherche contre la Covid19.

● En loi de finances initiale pour 2020, le montant prévu pour la contribution à l’Agence spatiale européenne s’élevait à 1 401,01 millions d’euros, contre 1 175 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2019. Cette augmentation de 19,5 % a permis de répondre à l’objectif d’apurement de la dette française à l’organisation internationale en 2020.

● À la suite de l’annonce d’un plan de soutien à la filière aéronautique le 9 juin 2020, la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 3) a alloué 165 millions d’euros en autorisations d’engagement et 85 millions d’euros en crédits de paiement à l’action 17 dédiée à la R&D dans le domaine de l’aéronautique civile, permettant la mise en œuvre du plan dès 2020. Sur trois ans, la subvention totale du volet « Soutien à la recherche et au développement de la filière » du plan de soutien devrait s’élever à 1,5 milliard d’euros.

● Dans l’ensemble, les opérateurs de recherche ont bien résisté à la crise. La situation financière de certains opérateurs – BRGM, CIRAD, IFPEN – s’est toutefois dégradée en raison de l’importance de la part de ressources propres dans leur budget, ces ressources étant en effet très sensibles au cycle économique.

 

Thème d’évaluation : Le financement de la recherche dans le domaine de la lutte contre les crises sanitaires

● En 2009, la France était menacée par une pandémie : la crise sanitaire du virus H1N1. Cette épidémie avait déjà révélé les limites du système en termes d’organisation de la recherche en période épidémique. En 2020, la crise de Covid‑19, d’une ampleur inédite, a mis à nouveau le système à l’épreuve. Les opérateurs de recherche ont été fortement mobilisés et ont su réagir très rapidement dès le début de la crise.

● La recherche sur les maladies infectieuses émergentes fait intervenir une pluralité d’acteurs. D’une part, les opérateurs de recherche, à l’instar de l’INSERM, du CNRS, du CIRAD ou de l’Institut Pasteur, permettent de faire avancer la recherche sur le plan scientifique grâce à des chercheurs de haut niveau. D’autre part, des entités spécifiques ont pour rôle de piloter et d’organiser la recherche. Le consortium REACTing a ainsi été mis en place en 2013, en réponse aux carences de la crise de 2009, afin de mieux préparer puis gérer les crises sanitaires. Si le pilotage apporté par le ministère fait l’objet de critiques, le rôle du consortium a été essentiel pour la gestion de la pandémie actuelle et le rapporteur salue la mise en place au 1er janvier 2021 d’une nouvelle agence « ANRS-Maladies infectieuses émergentes », qui devrait être dotée de plus de moyens dans les années à venir.

● La recherche dans le secteur numérique se distingue en deux volets : le premier s’attache à permettre une meilleure compréhension des épidémies grâce à la modélisation épidémique et le second concerne les outils numériques permettant de mieux agir pendant les crises, à l’instar de l’application TousAntiCovid. Le premier secteur est crucial en ce qu’il recouvre un enjeu actuel : la collecte et le traitement des données, qui permet ensuite aux pouvoirs publics de mieux adapter les décisions à la situation sanitaire. Sur le second volet, l’INRIA, opérateur public de recherche majeur dans la recherche en informatique, a permis le développement d’outils numériques au service de la puissance publique pour la gestion de crise grâce à ses partenariats avec des opérateurs publics, privés ou étrangers.

● Le financement de ces deux pans de la recherche est toutefois difficile à identifier, et donc à évaluer, en raison de son hétérogénéité. Le rapporteur souhaiterait donc que le MESRI s’efforce de produire des données consolidées sur ces deux secteurs de la recherche dont les enjeux de financement seront cruciaux dans les années à venir.

 


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RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

1.   Recommandations portant sur l’exécution

Prévoir en budget 2022, un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales (recommandation renouvelée).

Communiquer au Parlement une information chiffrée et détaillée des surcoûts relatifs au dispositif de prolongation des contrats doctoraux pour les budgets 2022 et 2023.

Reconduire le mécanisme de plafonnement du coût de la compensation versée à l’ACOSS pour le dispositif JEI pour les budgets à venir, afin de pallier les risques de sur-exécution budgétaire liés aux difficultés d’évaluation du coût d’un tel dispositif.

2.   Recommandations portant sur le thème d’évaluation

Trouver un équilibre dans le financement entre les trois volets de recherche – la prévention, la préparation et la réponse aux crises sanitaires –et mettre en place une approche intégrée de la recherche dans la future stratégie « Maladies infectieuses émergentes ».

Améliorer le pilotage et la coordination entre les différents acteurs de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes en période de crise en définissant mieux les rôles et mission de chacun.

Impliquer davantage la France dans les coalitions internationales (telles que la CEPI) mises en place pour faire face aux défis des maladies infectieuses émergentes.

Établir un suivi de l’ensemble des financements de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes et de celui de la recherche dans le domaine numérique pour la gestion des crises sanitaires.

 


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   SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

– Renforcer le caractère interministériel de la MIRES, en particulier via l’organisation de conférences de budgétisation communes. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

– Élargir le périmètre de la MIRES aux actions de recherche en matière de santé qui ne s’y trouvent pas. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

– Faire parvenir aux parlementaires un bilan chiffré des actions financées en 2019 et 2020 grâce à la dotation complémentaire en soutien à la cancérologie pédiatrique. Le rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures (jaune budgétaire) indique désormais les actions et financements en matière de cancérologie pédiatrique.

– Compléter les documents budgétaires avec une comptabilité analytique précise du coût de la recherche sur les cancers pédiatriques. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

– En budget 2021, prévoir un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

– Sécuriser la dotation des aides à l’innovation versées par Bpifrance sur le programme 192. En 2021, la dotation du programme « Aides à l’innovation » portée par Bpifrance a été transférée au programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation (PIA 4), sécurisant ainsi sa dotation.

– Rendre plus transparents les résultats obtenus et l’utilisation des sommes engagées, notamment par catégorie d’entreprises, dans le cadre des aides à l’innovation accordées aux acteurs de la filière aéronautique civile. Depuis son inscription en 2018 dans le Grand plan d’investissement (GPI) et désormais dans le plan France relance, l’action 14 Aéronautique civile du programme 190 fait l’objet d’une communication interministérielle détaillée qui tient compte d’une série d’objectifs et d’indicateurs.


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   PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

Le caractère interministériel de la mission, déjà salué par le rapporteur spécial en mai 2020, avait fait l’objet d’un examen approfondi par la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire de 2019 qui préconisait des évolutions quant au périmètre de cette mission ([1]). Conformément aux recommandations de la Cour, le périmètre de la mission tend à se réduire en 2021. En effet, comme évoqué dans le rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2021, les crédits affectés à la recherche duale ne sont plus portés par le programme 191 mais par le programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance à compter du budget 2021.

Cette modification n’est que provisoire, puisque la mission Plan de relance n’est pas pérenne. En 2021, le programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique est intégré à la mission Culture. Si cette modification de périmètre s’inscrit dans les recommandations du rapport de la mission d’information sur la LOLF de 2019, la Cour des comptes rappelle toutefois l’importance du caractère interministériel de la mission Recherche et enseignement supérieur.

En 2020, 28,66 milliards d’euros de crédits de paiement ont été ouverts sur la mission Recherche et enseignement supérieur (MIRES), ce qui représente une augmentation de 516,5 millions d’euros par rapport à 2019. Les crédits ont été exécutés à hauteur de 28,75 milliards d’euros. Sur les onze dépenses fiscales qui y sont rattachées à titre principal et qui s’élèvent à 7,4 milliards d’euros, la part du crédit d’impôt en faveur de la recherche est de 89 %, soit 6,6 milliards d’euros.

L’exécution de la MIRES est globalement conforme à la norme de dépenses prévue dans la loi de programmation des finances publiques 2018‑2022 : elle est inférieure de 22,7 millions d’euros cette norme. La Cour des comptes relève toutefois que, à la différence de l’exercice 2019, les programmes 231 Vie étudiante et 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables ont dépassé la norme à hauteur, respectivement, de 236 et de 65,2 millions d’euros, en raison de mesures prises pour lutter contre la crise économique et sanitaire. Néanmoins, cette norme de dépenses est, selon Conseil d’État, devenue caduque en raison des effets de la crise sanitaire survenus depuis son adoption ([2]).

 

Les dépenses d’intervention augmentent de 9 % par rapport à l’année 2019 : elles représentent 6,3 millions d’euros en crédits de paiement, soit 21,8 % de la part des crédits de la MIRES en 2020. Cette hausse s’explique notamment par la contribution de la France à l’Agence spatiale européenne permettant d’apurer la dette française à son égard et par le versement d’aides directes supplémentaires aux étudiants en réponse à la crise sanitaire.

La mission a été peu affectée par la crise sanitaire et économique, à l’exception du programme 231 Vie étudiante qui a mis en œuvre des mesures aux étudiants en situation de précarité, à hauteur de 262 millions d’euros. Les deux autres grandes mesures prises en réponse à la crise sont le fonds d’urgence dédié à la recherche contre la Covid‑19 (52,1 millions d’euros à partir du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) et le plan de relance en soutien au secteur aéronautique (165 millions d’euros en autorisations d’engagement et 85 millions d’euros en crédits de paiement versés à partir du programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables).

Si la situation financière de la majorité des opérateurs de la mission semble d’être peu dégradée en 2020, les principaux effets de la crise ont eu un impact indirect sur les opérateurs, qu’il ne sera possible d’analyser qu’après publication des comptes financiers. En revanche, il en va différemment pour les opérateurs dont le fonctionnement dépend essentiellement de ressources propres privées, à l’instar des CROUS, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN).

L’exÉcution des crÉdits de la partie recherche de la mission pour 2020

(en millions d’euros)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue
(et en %)

AE

Crédits de paiement

AE

Crédits de paiement

AE

Crédits de paiement

Programme 172

6 961

6 942

6 915

6 903

– 46,2 (– 0,7 %)

– 38,6 (– 0,6 %)

Programme 193

2 022

2 022

1 874

1 874

– 147,1 (– 7,3 %)

– 147,1 (– 7,3 %)

Programme 190

1 786

1 762

1 931

1 827

144,9 (8,1 %)

65,2 (3,7 %)

Programme 192

810

833

947

890

137,4 (17 %)

57,0 (6,8 %)

Programme 191

154

154

119

119

– 35,5 (– 23,1 %)

– 35,5 (– 23,1 %)

Programme 186

112

111

110

108

– 2,6 (– 2,3 %)

– 3,3 (– 2,9 %)

Programme 142

356

357

344

345

– 11,5 (– 3,2 %)

– 11,3 (– 3,2 %)

Total

12 201

12 180

12 240

12 067

39,4 (0,3 %)

 113,7 (– 0,9 %)

 


L’Évolution de l’exÉcution des crÉdits de la mission
au cours des trois derniÈres annÉes (À maquette comparable)

(en millions d’euros)

 

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

Crédits exécutés en 2020

AE

Crédits de paiement

AE

Crédits de paiement

AE

Crédits de paiement

Programme 172

6 650

6 697

6 753

6 852

6 915

6 903

Programme 193

1 598

1 598

1 811

1 811

1 874

1 874

Programme 190

1 147

1 121

1 746

1 708

1 931

1 827

Programme 192

794

886

760

837

947

890

Programme 191

175

175

122

122

119

119

Programme 186

111

111

109

109

110

108

Programme 142

339

340

342

342

344

345

Total

10 813

10 927

11 642

11 780

12 240

12 067

I.   Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires : une exÉcution globalement conforme malgrÉ la mise en place d’un fonds d’urgence

En 2020, les dépenses du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ont atteint 6 915 millions d’euros en autorisations d’engagement et 6 903 millions d’euros en crédits de paiement. Au sein des programmes budgétaires de la MIRES qui contribuent au financement de la recherche, ces dépenses représentent 57 % des crédits. En fin d’année, la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a annulé 46 millions d’euros en autorisations d’engagement (0,6 % de la prévision) et 39 millions d’euros en crédits de paiement (0,6 % de la prévision).

Deux dépenses fiscales sont rattachées au programme 172 : le crédit d’impôt en faveur de la recherche (6,6 milliards d’euros) et un dispositif d’exonération pour les opérateurs de recherche pour leurs revenus tirés d’activités relevant d’une mission de service public (5 millions d’euros en 2020). S’agissant du crédit d’impôt en faveur de la recherche, le rapporteur spécial, engagé dans un groupe de travail aux côtés du rapporteur général et de la rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, y consacrera un commentaire détaillé à l’occasion de l’examen du rapport sur l’application des mesures fiscales.

 


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ExÉcution 2020 du programme 172

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

01 Pilotage et animation

262,0

304,8

42,8 (16,3 %)

+ 89

258,0

301,9

43,9

(17,0 %)

+ 80

02  Agence nationale de la recherche

766,4

742,0

– 24,4

(– 3,2 %)

+ 28

738,0

714,8

– 23,2

(– 3,4 %)

– 82

11 Recherches interdisciplinaires et transversales

62,7

62,1

– 0,6

(– 0,9 %)

– 1

62,7

62,1

– 0,6

–  0,9)

– 1

12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

149,0

147 ; 6

– 1,4

(– 0,9 %)

– 1

149,0

147,6

– 1,4

(– 0,9 %)

– 1

13 Grandes infrastructures de recherche

252,5

241,6

– 10,9

(– 4,3 %)

– 14

252,5

241,6

– 10,9

(– 4,3 %)

– 14

14 Moyens généraux et d’appui à la recherche

977,5

973,8

– 3,7

(– 0,4 %)

+ 84

977,5

973,8

– 3,7

(– 0,4 %)

+ 81

15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 214,8

1 202,6

– 12,2

(– 1,0 %)

– 10

1 216,6

1 202,6

– 14,0

(– 1,2 %)

– 10

16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

982,6

972,7

– 9,8

(– 1,0 %)

– 10

982,6

972,7

– 9,8

(– 1,0 %)

– 10

17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

763,0

753,8

– 9,2

(– 1,2 %)

11

774,6

772,6

– 2,0

(– 0,3 %)

23

18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

1 124,5

1 113,2

– 11,3

(– 1,0 %)

– 10

1 124,5

1 113,2

– 11,3

(– 1,0 %)

– 10

19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

405,0

400,3

– 4,7

(– 1,2 %)

– 5

405,0

400,3

– 4,4

(– 1,2 %)

– 5

Total

6 960,0

6 914,6

– 45,4

(– 0,7 %)

+ 162

6 941,1

6 903,3

– 37,8

(– 0,5 %)

+ 51

Source : Rapport annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.


—  1  —

L’exécution s’est révélée globalement conforme aux prévisions : l’écart s’élève à 45,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 37,8 millions d’euros en crédits de paiement. Néanmoins, les crédits de paiement de l’action 1, dédiée au pilotage et à l’animation de la politique de l’État en matière de recherche, ont été sur-exécutés de 43,9 millions d’euros, soit 17 %. Cet écart s’explique essentiellement par un dégel de la réserve de précaution à hauteur de 50 millions d’euros au mois de mars 2020 afin de financer des actions menées dans le cadre du fonds d’urgence dédié à la recherche contre la Covid‑19, répertoriées dans le tableau ci-dessous. L’enveloppe a été entièrement consommée en 2020 et 2,1 millions d’euros y ont été ajoutés, portant ce fonds à 52,12 millions d’euros in fine.

Actions financÉes par le fonds d’urgence
dÉdié À la recherche contre la Covid-19

(en millions d’euros)

Actions

Opérateurs concernés

Montants

Deux appels à projets sur le Covid19 (complément)

ANR

16

Lancement de trois projets vaccinaux de seconde génération

Comité CARE

5,5

Deux projets de description et de compréhension de l’épidémie et de ses conséquences sanitaires et sociales à l’échelle nationale (EpiCov et SAPRIS)

INSERM

5,1

Prime exceptionnelle pour les personnels des opérateurs de recherche

Opérateurs de recherche concernés par la prime Covid‑19

4,06

Déploiement du réseau OBEPINE

Comité CARE

3

Développement d’une plateforme pour la coordination et le suivi d’essais vaccinaux (Covireivac)

INSERM

3

Projets prioritaires liés à la crise sanitaire

CNRS et INRAE

2,9

Essais vaccinaux académiques comparatifs d’immunogénicité

INSERM

2,3

Contribution exceptionnelle au fonctionnement du consortium REACTing

REACTing

1,75

Projets pour lequel le comité CARE a rendu un avis positif (19)

Établissements porteurs des projets

1,62

Appel à projet Sud

ANRS

1,2

Actions en faveur de la science ouverte

INSERM, Université de Paris, CHU de Rennes…

1,02

Contribution à un appel à projet international

EDCTP (partenariat Europe-Pays en développement pour les essais cliniques)

1

Appel à projets de la région Grand-Est (cofinancement)

ANR

1

Appel à projets de la région Hauts-de-France (cofinancement)

ANR

1

Projet sur l’interféron dans la réponse immunitaire à la Covid19

Pr J.-L. Casanova

1

Développement d’un test salivaire

CHU de Cayenne

0,355

Source : Commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

Par ailleurs, en fin de gestion, le ministère a utilisé 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et 31 millions d’euros en crédits de paiement sur la réserve de précaution pour financer la prolongation des contrats doctoraux du fait du confinement et le solde des appels à contribution des organisations scientifiques internationales, comme ce fut déjà le cas en 2019. Cette démarche est à nouveau critiquée par la Cour des comptes dans la mesure où ces dépenses sont prévisibles : le responsable de programme est capable d’anticiper le dégel dès le document prévisionnel de gestion. Le rapporteur spécial renouvelle dès lors sa recommandation de prévoir, en budget 2022, un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales.

 

Recommandation n° 1 : Prévoir en budget 2022, un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales (recommandation renouvelée).

Hormis quelques établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), la majorité des opérateurs de recherche a bien résisté à la crise en raison de la moindre importance des ressources propres dans leur budget. Sur le programme 172, le ministère a apporté un soutien de 2,2 millions d’euros au CIRAD et de 0,8 million d’euros au BRGM, soit un total de 3 millions d’euros financés à partir de la réserve de précaution afin de compenser les difficultés financières découlant de la crise sanitaire. Le CIRAD et le BRGM ont en outre perçu un complément de, respectivement, 0,07 million d’euros et 0,05 million d’euros pour financer la prolongation de contrats de travail, notamment de doctorants, ayant été affectés par la crise sanitaire.

Entre 2019 et 2020, la subvention de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) versée à partir du programme 172 a progressé de 4 %, soit 27 millions d’euros. L’écart entre le montant prévu en loi de finances initiale et l’exécution est de 2,9 % soit une sur-exécution de l’ordre de 18,6 millions d’euros. Des financements complémentaires ont en effet été versés à l’institut en 2020 en raison de la forte mobilisation des équipes sur les recherches de la Covid‑19. L’institut a également bénéficié de financements de l’Agence nationale de la recherche et de l’Union européenne à ce même titre. La prévision de la subvention de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) n’a augmenté que de près de 1 million d’euros entre 2019 et 2020 et semble peu conséquente eu égard à l’effort fourni par l’institut pendant la crise, notamment en développant l’application StopCovid.

Aux termes de l’article 36 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2000 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, « Les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les autres établissements publics administratifs d’enseignement supérieur et les autres établissements publics administratifs dont les statuts prévoient une mission d’enseignement supérieur ou de recherche sont autorisés à prolonger des contrats afin de poursuivre les activités et travaux de recherche en cours pendant la période de l’état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131‑14 du code de la santé publique, y compris lorsque toute possibilité de prolongation en application des dispositions qui les régissent est épuisée […] ».

Ces mesures de soutien s’appliquent aux contrats doctoraux, à certains contrats d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche ainsi qu’aux contrats postdoctoraux. Pour en bénéficier, le demandeur doit établir un lien de causalité entre la demande de prolongation et la crise sanitaire ainsi que la nécessité de cette prolongation pour la bonne conduite des travaux engagés. Les mesures destinées au soutien des jeunes chercheurs s’élèvent à 28,5 millions d’euros, dont 6,6 millions d’euros pour le programme 172, le reste concernant le programme 150.

Comme le relève la Cour des comptes, s’agissant essentiellement de contrats triennaux, le dispositif de prolongation aura une incidence sur les trois prochains exercices budgétaires puisque le ministère chargé de l’enseignement supérieur a prévu d’imputer la mesure au titre de la dernière année des contrats concernés pour l’ensemble des dossiers déposés au 31 décembre 2020. En l’occurrence, le surcoût pour les CIFRE est estimé à 3,7 millions d’euros pour la période 2021-2023 alors qu’il n’était que de 0,5 million d’euros en 2020. Aucune estimation n’a encore été réalisée pour les autres contrats pour les années à venir. Néanmoins, la Cour précise qu’en appliquant un ratio analogue aux CIFRE, les dépenses globales attendues pour la période 2021-2023 pourraient atteindre 48,8 millions d’euros sur le programme 172. Le ministère n’a à ce stade identifié aucun risque significatif pour l’exécution 2021.

Pour les projets de loi de finances pour 2022 et 2023, le rapporteur spécial souhaiterait que le Parlement puisse bénéficier d’une information chiffrée détaillée relative à ces surcoûts qui devraient, selon la Cour des comptes, être identifiés en tant que provisions pour charge.

Recommandation n° 2 : Communiquer au Parlement une information chiffrée et détaillée des surcoûts relatifs au dispositif de prolongation des contrats doctoraux pour les budgets 2022 et 2023.

 

Si l’exercice 2019 témoignait d’une augmentation des crédits par rapport à l’exercice précédent de 54 millions d’euros en crédits de paiement (7,2 %), les crédits de paiement dévolus à l’Agence nationale de la recherche (ANR) depuis l’action 2 du programme 172 pour l’année 2020 n’ont atteint que 714 millions d’euros, soit une baisse de 10,3 % par rapport à l’exercice 2019. En revanche, les autorisations d’engagement de cette action progressent de 28 millions d’euros (3,8 %) entre 2019 et 2020 en exécution.

Par ailleurs, l’exécution des crédits d’intervention de l’ANR est en hausse par rapport à la prévision, de 29,5 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 32,66 millions d’euros en crédits de paiement, en raison du versement de financements complémentaires à la subvention d’intervention. Cette augmentation de la subvention d’intervention a permis la poursuite du financement des plans « Intelligence artificielle » et « Antibiorésistance ».

L’ANR a également vu sa subvention d’intervention augmenter pour permettre le financement des actions mises en place dans le cadre de la crise sanitaire à travers le fonds d’urgence dédié à la recherche contre la Covid19 (action 1). Cette évolution du budget d’intervention a permis à l’ANR de faire progresser le taux de sélection de ses appels à projets de 0,7 point en 2020, le portant ainsi à 19,2 %. Pour mémoire, la loi de programmation de la recherche prévoit une trajectoire d’augmentation de ce taux, qui devrait atteindre 23 % dès 2021.

L’OCDE a pointé le risque que les financements massifs des appels à projet sur la recherche contre la Covid‑19 se fassent au détriment de ceux des autres disciplines. Si les services de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) ne disposaient pas encore d’éléments chiffrés pour y répondre, l’ANR a indiqué que cette mobilisation n’avait pas eu d’impact sur la réalisation des actions et appels à projets dans d’autres domaines de recherche dont la nécessité reste prégnante. Le caractère générique de l’appel à projet de l’ANR permet de ne cibler aucune discipline spécifique, ce qui, selon la DGRI, permet de limiter le risque évoqué par l’OCDE.

Enfin, un nouveau contrat d’objectifs et de performance, conclu entre l’État et l’ANR pour la période 20212025, a été approuvé le 11 mars dernier. Ce contrat, qui prend en considération l’évaluation réalisée par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), s’inscrit pleinement dans la philosophie portée par la loi de programmation de la recherche. Il se structure autour de six axes stratégiques : le soutien de la recherche dans toutes ses dimensions, le renforcement des partenariats au niveau national, le développement des coopérations européennes et internationales, la promotion d’une conduite responsable de la recherche, le renforcement du suivi des projets et de leur évaluation et l’optimisation du fonctionnement de la recherche.


II.   Programme 193 Recherche spatiale : l’apurement de la dette À l’agence spatiale europÉenne

À titre liminaire, il convient de noter que la politique spatiale est désormais pilotée par le ministère chargé de l’économie. Néanmoins, le responsable du programme 193 demeure le directeur général de la recherche et de l’innovation du ministère chargé de la recherche.

ExÉcution 2020 du programme 193

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

01 Développement de la technologie spatiale au service de la science

262

244

– 18

(– 6,9 %)

+ 37

262

244

– 18

(– 6,9 %)

+ 18

02 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la terre

358

316

– 42

(– 11,8 %)

+ 43

358

316

– 42

(– 11,8 %)

+ 1

03 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication

180

172

– 8

(– 4,3 %)

+ 26

180

172

– 8

(– 4,3 %)

+ 18

04 Maîtrise de l’accès à l’espace

784

748

– 36

(– 4,5 %)

+ 119

784

748

– 36

(– 4,5 %)

+ 84

05 Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

302

272

– 30

(– 10,1 %)

– 5

302

272

– 30

(– 10,1 %)

– 36

06 Moyens généraux et d’appui à la recherche

89

77

– 11

(– 12,6 %)

+ 20

89

77

– 11

(– 12,6)

9

07 Développement des satellites de météorologie

46

44

– 2

(– 4,0 %)

– 30

46

44

– 2

(– 4,0 %)

– 31

Total

2 022

1 874

– 147

(– 7,3 %)

+ 211

2 022

1 874

– 147

(– 7,3 %)

+ 64

Source : Rapport annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

En cours de gestion, le ministère a procédé à un dégel de 56,04 millions d’euros afin de financer intégralement l’appel de fonds pour 2020 de l’Agence spatiale européenne (ESA). En loi de finances initiale pour 2020, le montant prévu pour la contribution à l’ESA s’élevait à 1 401,01 millions d’euros, contre 1 175 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2019. Cette augmentation de 19,5 % a permis de répondre à l’objectif d’apurement de la dette française à l’organisation internationale en 2020. La dette française est dès lors considérée comme neutralisée au sens du règlement financier de l’ESA.

La réserve de précaution imputée sur la contribution à EUMETSAT qui s’élevait à 1,8 million d’euros a été financée à partir du fonds de roulement dont dispose la France auprès de cette organisation. Pour éviter des mouvements de crédits en gestion, la Cour des comptes recommande d’inscrire les dépenses de contribution aux organisations scientifiques internationales au niveau adéquat, ce qui implique d’exclure les crédits correspondant de l’assiette de la réserve de précaution. Or, la direction du budget considère que cette exclusion n’est pas souhaitable en raison de la possible variation des crédits dédiés en cours d’année.

Le Centre national d’études spatiales (CNES) a vu ses moyens augmenter en 2019 et en 2020 en raison de la nécessité d’apurer la dette auprès de l’ESA. Toutefois, l’exécution du programme révèle un écart entre la prévision et l’exécution conséquent, de l’ordre de 147 millions d’euros (7,3 %). En effet, la LFR 4 a annulé les crédits mis en réserve à destination du CNES de 120 millions d’euros sur ce programme et de 30 millions d’euros sur le programme 191. Cette annulation de crédits a été compensée par le ministère des armées à partir du programme 146 Équipement des forces de la mission Défense qui subit dès lors une annulation de crédits non compensée. Le rapporteur spécial remarque que l’explication du motif de cette opération, à laquelle le gouvernement avait déjà eu recours en 2019, est trop lacunaire dans le projet de loi de finances rectificative pour en permettre une bonne compréhension. Le rapporteur spécial ne peut que regretter le manque de transparence autour de cette opération qui, comme le rappelle la Cour des comptes, déroge au principe de spécialité des crédits prévu au quatrième alinéa du I de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Par ailleurs, entre 2017 et 2020, la subvention du CNES sur le programme 193 hors crédits de transfert a baissé de 21 % tandis que les moyens consacrés à l’ESA (transfert) ont progressé de 68 % afin de permettre à la France d’apurer sa dette auprès de l’organisation internationale. En revanche, la tendance devrait s’inverser dès 2021 puisque la subvention versée à partir du programme 193 progressera de 15 %. Pour mémoire, la loi de programmation de la recherche prévoit d’augmenter de 1,5 milliard d’euros les financements cumulés d’ici à 2030, dont une part devrait être dévolue au CNES.

 

Les effets de la crise sur le CNES sont encore difficiles à estimer. Néanmoins, le responsable de programme explique que la crise a contribué à l’échec du vol VV17 du satellite TARANIS. En effet, le report de cinq mois du créneau de tir et les effets de la crise sur les séquences et le travail de préparation du satellite par les équipes ont fragilisé ce projet.

III.   Programme 190 Recherche dans les domaines de l’Énergie, du dÉveloppement et de la mobilitÉ durables : un soutien d’ampleur au secteur aÉronautique

Les crédits du programme 190 ont été largement sur-exécutés par rapport à la prévision en raison de la mise en place d’un plan spécifique pour le secteur aéronautique civil. En effet, les crédits de l’action 14 qui y est dédiée ont été consommés à hauteur de 195 millions d’euros en crédits de paiement et de 300 millions d’euros en autorisations d’engagement, alors que la loi de finances initiale ne prévoyait que 110,1 millions d’euros en crédits de paiement et 135 millions d’euros en autorisations d’engagement.

ExÉcution 2020 du programme 190

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2019/2020

11 Recherche dans le domaine des risques

176,3

172,8

– 3,5

(– 2,0 %)

– 1,6

176,3

172,8

– 3,5

(–2,0 %)

– 1,6

12 Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement

103,4

101,7

– 1,7

(– 1,7 %)

+ 2,2

103,4

101,7

– 1,7

(– 1,7 %)

2,2

13 Recherche partenariale dans le développement et l’aménagement durable

1,6

1,0

– 0,5

(– 33,6 %)

+ 1,4

1,9

1,7

– 0,1

(– 6,1 %)

– 1,0

14  Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile

135,0

300,0

165,0

(122,2 %)

+ 165,7

110,1

195,0

84,9

(77,1 %)

+ 102,3

15 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA

740,0

740,0

740,0

740,0

16 Recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire

456,9

444,2

– 12,7

(– 2,8 %)

+ 21,5

456,9

444,2

– 12,7

(– 2,8 %)

+ 21,5

17 Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie

173,1

171,5

– 1,6

(– 0,9 %)

– 4,0

173,1

171,5

– 1,6

(– 0,9 %)

– 4,0

Total

1 786,3

1 931,3

144,9

(8,1 %)

+ 182,5

1 761,7

1 827,0

65,2

(3,7 %)

+ 119,4

Source : Rapport annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Le plan de soutien de l’État à la filière aéronautique annoncé le 9 juin 2020 devrait notamment permettre le financement des innovations de rupture technologique dans un souci de réduction de la consommation en carburant, d’électrification des appareils et de transition vers l’hydrogène. Dans une perspective décennale, le plan prépare plusieurs programmes d’aéronefs, notamment le successeur de l’A320 qui devrait permettre un gain de 30 % de consommation de carburant. Sur trois ans, la subvention totale du volet « Soutien à la recherche et au développement de la filière » devrait s’élever à 1,5 milliard d’euros : 300 millions d’euros en 2020, 1,014 milliard d’euros en 2021 et 186 millions d’euros en 2022. La LFR 3 a en effet alloué 165 millions d’euros en autorisations d’engagement et 85 millions d’euros en crédits de paiement à l’action 15 consacrée à la recherche et au développement dans le domaine de l’aéronautique civile. Les autorisations d’engagement, ainsi portées à 300 millions d’euros, ont été intégralement engagées en 2020. Cet abondement a eu pour conséquence une forte augmentation des restes à payer du programme entre 2019 et 2020 (+ 38,1 %).

Une enveloppe du plan de soutien est spécifiquement dédiée aux PME et ETI de la filière, qui bénéficieront de 100 millions d’euros sur la période 2020-2022. En collaboration avec la direction générale des entreprises (DGE) et le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a mis en place un interlocuteur unique dont la mission est d’orienter ces entreprises vers l’outil de soutien national le plus adapté à leur besoin ([3]) . Depuis sa mise en place en 2020, ce dispositif a été sollicité par environ 70 entreprises, dont les deux‑tiers ont été orientés vers la DGAC et un tiers vers la DGE.

Afin d’atteindre les objectifs environnementaux et climatiques portés par le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), les travaux de R&D soutenus dans le cadre de l’action 15 sont d’abord orientés sur les innovations de matériaux et procédés, sur les structures et technologies d’assemblage ainsi que sur les systèmes de câblage et principes d’installation associés afin de réduire la masse des appareils. Il s’agit également de la recherche sur la préparation de moteurs moins consommateurs de carburant et sur le développement de l’utilisation de l’énergie électrique comme source d’énergie secondaire. En 2020, les travaux de R&D contribuant directement à l’efficacité énergétique et à la réduction des effets sur l’environnement des aéronefs représentaient plus de 70 % des efforts soutenus, contre seulement 50 % en 2018 et 2019. Les 30 % restant constituent une contribution indirecte, à travers la réduction des cycles et des coûts sur tout le cycle de vie.

Déjà alerté par l’opérateur à l’occasion de la préparation de la loi de finances pour 2021, le rapporteur spécial avait souligné l’inquiétude de l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN) quant à l’érosion de ses ressources, notamment de sa subvention pour charges de service public, qui pourrait fragiliser son équilibre financier à l’avenir. En effet, le compte de résultat pour l’exercice 2020 fait apparaître un déficit de 70 millions d’euros. Cet écart à la prévision du budget initial tient principalement à la dépréciation nette des titres Technip et à la baisse des redevances Axens. L’institut s’attend à ce que la dégradation de ses ressources propres s’aggrave en 2021.

S’agissant d’un opérateur dont seulement 55 % des ressources proviennent de la subvention pour charges de service public, l’érosion des ressources propres constitue un réel risque. À cet égard, l’IFPEN a gelé tous ses recrutements à compter du mois de mai 2020, à l’exception des postes d’alternants, stagiaires, doctorants et post-doctorants. Pour 2021, l’institut prévoit la mise en œuvre d’un nouveau schéma d’emploi ainsi que des mesures d’économies (gel des embauches et réduction des frais généraux) qui devraient permettre de dégager 5 millions d’euros en 2021.

En dépit du maintien de ses activités pendant la crise, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), opérateur du programme 172, mais dont 60 % de la subvention provient du programme 190, a vu ses charges augmenter de 14,7 % entre la prévision au budget initial et le compte financier (non encore voté par son conseil d’administration) mais, dans le même temps, ses produits augmenter de 17,6 %. En fin d’année, le solde de la trésorerie de l’établissement était négatif (– 76,7 millions d’euros), ce qui a amené le responsable de programme à solliciter le dégel de la réserve de précaution portant sur l’opérateur, sans toutefois l’obtenir. Hors fonds dédiés, les pertes d’exploitation du CEA sont estimées à 50 millions d’euros pour 2020 et à 33 millions d’euros pour 2021 du fait de la baisse de recettes. L’augmentation des dépenses pourrait cependant être compensée par les moindres recettes des fonds dédiés. Par ailleurs, des mesures du plan de relance dans le secteur nucléaire pourraient bénéficier au programme 190. Le CEA a ainsi proposé le financement de deux projets : le projet Newtam afin de soutenir la qualification sismique d’équipements pour les installations nucléaires et hydro‑électriques (9 millions d’euros) et le projet Plinius 2 de construction d’une plateforme d’étude des accidents graves de filières de réacteurs (40 millions d’euros).

L’action 15 finance les charges nucléaires de long terme du CEA pour les installations en exploitation ou à l’arrêt au 31 décembre 2009. Si, depuis 2016, le budget de l’État y consacre 740 millions d’euros par an, la Cour des comptes a relevé que les charges prévisionnelles n’étaient pas entièrement financées ce qui entraînerait un déficit de ressources s’élevant à 15 millions d’euros en 2027. Enfin, l’exploitation du centre industriel de stockage géologique des déchets radioactifs en profondeur (CIGEO) ne devrait commencer qu’à partir de 2035, ce qui implique une poursuite des opérations d’assainissement et de démantèlement, donc de leur financement, jusqu’à cette date. C’est pourquoi la Cour des comptes y voit un risque élevé de ponction sur les autres actions du programme à moyen terme. Malgré cela le responsable de programme semble confiant sur la revalorisation de l’enveloppe à partir de 2023 pour faire face à ce risque.

Les indicateurs devraient être étoffés à l’occasion de la conclusion du prochain contrat d’objectifs et de performance avec le CEA. Les prochaines annexes budgétaires pourraient dès lors comprendre trois indicateurs : un indicateur relatif à la maîtrise des grands projets (déjà existant), un indicateur rénové pour suivre les chantiers d’assainissement et de démantèlement et un indicateur de suivi de l’avancement physique des chantiers par rapport à la feuille de route initiale du démantèlement. Ces indicateurs doivent toutefois être validés par le conseil d’administration du CEA et faire l’objet d’une consolidation pour le calcul des cibles. Leur mise en œuvre ne se fera qu’à partir du projet de loi de finances pour 2022.

IV.   Programme 192 Recherche et enseignement supÉrieur en matiÈre Économique et industrielle : la montÉe en charge des plans « Nano 2022 » et « Batteries »

Ce programme porte l’essentiel des crédits transférés en cours de gestion de la mission : 85,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 48,37 millions d’euros en crédits de paiement concourant au financement du programme « Nano 2022 » et du dispositif RAPID (régime d’appui à l’innovation duale). La progression des restes à payer s’explique par la montée en charge du « Nano 2022 » (166,1 millions d’euros engagés en 2020) ainsi que celle du plan « Batteries » (82,6 millions d’euros engagés en 2020).

La crise sanitaire n’a eu que peu d’effets sur le programme 192. En effet, les opérateurs ont pu poursuivre leur activité grâce à la mise en place du télétravail, notamment dans les écoles gérées par le programme. Le programme Nano 2022 a été mis en œuvre comme prévu. Néanmoins, les écoles du groupe Mines‑Télécom ont subi une baisse de leurs ressources, en ce qu’elles reposent pour 40 % sur les contrats de recherche avec les entreprises.

Le programme a bénéficié d’une augmentation de ses ressources en raison de l’ouverture de 165 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 85 millions d’euros en crédits de paiement en LFR 3. D’une part, 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ont été accordés à Bpifrance dans le cadre du financement des aides à l’innovation. D’autre part, 75,9 millions d’euros en autorisations d’engagement ont permis de compenser l’absence de versement de dividendes du Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) sur le plan « Batteries ».

Concernant les écarts par rapport à la prévision, la mise en place du dispositif CAP’Tronic, projet d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de transformation numérique grâce aux systèmes électroniques intelligents et connectés, a pris du retard en raison en raison de la crise sanitaire puisqu’une partie des prestations est réalisée sur site. Ainsi seuls 58 % des crédits de paiement ouverts ont été exécutés. Le responsable de programme a obtenu le report des crédits. Un autre écart concerne les crédits de l’école des Mines, dans le cadre de son partenariat avec l’école Polytechnique pour la construction de bâtiments sur le site de Saclay, du fait de l’arrêté de report de 2019 sur 2020 ayant augmenté les ressources du groupe Mines-Télécom de 1,125 million d’euros en autorisations d’engagement et de 1,155 million d’euros en crédits de paiement. Aucun engagement de report de crédits pour 2021 n’a encore été validé.

Sur le plan Nano 2022, 25,3 millions d’euros de crédits n’ont pas été consommés, alors que la DGE en anticipait 21,5 millions d’euros en raison des autorisations d’engagement surnuméraires, ayant pour objectif de permettre l’ouverture et l’engagement des autorisations d’engagement prévues au titre des fonds de concours sur crédits budgétaires. L’écart est donc en réalité de 3,8 millions d’euros seulement et aucun retard n’est à signaler sur la mise en œuvre du plan.

L’exécution du plan Nano 2022 est conforme aux prévisions. La Cour des comptes a souligné dans sa note d’exécution budgétaire la complexité du pilotage financier du dispositif. En effet, le plan bénéficie de trois sources de financements : le programme 192, le programme d’investissements d’avenir et le F2I. Le responsable de programme indique toutefois que pour l’année 2021, le pilotage sera simplifié puisqu’il ne restera que deux supports budgétaires, le F2I étant repris par le PIA. Les montants de fonds de concours en faveur des programmes Nano 2017 et Nano 2022 sont en baisse de 62 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2020.

En 2019, la France a décidé d’apporter son soutien au projet de développement et d’industrialisation de cellules de batteries lithium ion porté par l’Automative Cells Company (ACC), association d’entreprises entre PSA et Saft, filiale du groupe Total. Sur la période 2020-2022, le soutien de l’État devrait s’élever à 690 millions d’euros. Trois supports financiers sont ainsi mobilisés : le programme 192 (82,6 millions d’euros), le PIA (295 millions d’euros) et le F2I (312,4 millions d’euros).

En 2020, le programme 192 a permis l’ouverture de 82,6 millions d’euros en autorisations d’engagement destinées à permettre l’engagement des dépenses correspondantes pour pouvoir signer la convention avec l’ACC, cette ouverture n’impliquant pas de prévoir des crédits de paiement à hauteur des autorisations d’engagement. Les 82,6 millions d’euros exécutés en autorisations d’engagement en 2020 sur le programme 192 correspondent à 75,9 millions d’euros ouverts en LFR 3, à 5 millions d’euros apportés par redéploiement interne au programme et à 1,7 million d’euros de dégel partiel de la réserve de précaution.

Le plan s’étend sur trois phases. La première phase, en 2020, correspond au lancement des travaux de construction du centre de R&D à Bordeaux et de l’usine pilote à Nersac et d’un apport en capital d’au moins 32 millions d’euros, par les actionnaires d’ACC (PSA et Total) au profit d’ACC. Le deuxième versement (290 millions d’euros) interviendra sous réserve du franchissement d’un second jalon : la décision d’investissement dans la construction de l’usine de Douvrin, le lancement des travaux de construction de l’usine et un apport en capital par les actionnaires d’ACC. Ce deuxième versement devrait intervenir en fin d’année 2021, voire en début d’année 2022. Enfin, une dernière étape consistera en un versement de 325 millions d’euros sous réserve du lancement de la fabrication des principaux équipements industriels pour l’usine de Douvrin et d’un apport en capital par les actionnaires d’ACC. Ce troisième versement devrait intervenir en 2023.

financement du plan batteries sur la pÉriode 2020-2022

(en millions d’euros)

 

Exécution 2020

Prévision 2021

Prévision 2022

Total

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

F2I

312,4

75

0

237,4

0

67,6

312,4

380

Programme 192

82,6

0

0

10

0

5

82,6

15

PIA 3

0

0

42,6

42,6

252,4

252,4

295

295

Total

395

75

42,6

280

252,4

325

690

690

N.B. : La somme de 67,6 millions d’euros prévue en 2022 au titre du F2I est susceptible de basculer sur le PIA 4 en fonction de la trésorerie du fonds.

Source : Commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

Le dispositif Jeunes entreprises innovantes (JEI), très dynamique, impliquait traditionnellement des difficultés en cours d’exécution compte tenu des sous‑estimations récurrentes de l’ACOSS. En 2020, la ligne budgétaire a été sécurisée en raison de l’instauration d’un mécanisme de plafonnement de la compensation versée à l’ACOSS à hauteur de 197,4 millions d’euros ([4]). Selon les derniers chiffres de l’ACOSS, en date d’avril 2021, le coût du dispositif atteindrait 212 millions d’euros pour 2020, ce qui implique un versement complémentaire pris en charge par l’ACOSS d’environ 15 millions d’euros. Pour mémoire, ce dépassement s’élevait à 14,21 millions d’euros en 2019.

Malgré une exécution réussie en 2020, le mécanisme de plafonnement n’a pas été reconduit pour 2021 en raison de la faible importance du montant concerné. Or, ce retour à la situation de 2019 pourrait faire ressurgir le risque de sur‑exécution qu’il serait nécessaire de financer, soit à partir des autres actions du programme – hors aides à l’innovation qui sont désormais financées à partir du quatrième PIA –, soit à partir d’autres programmes en comptant sur la solidarité interministérielle. Le rapporteur spécial ne peut que souhaiter la reconduction de ce mécanisme pour les années à venir, afin de pallier les conséquences budgétaires liées aux difficultés d’évaluation du coût du dispositif JEI.

Recommandation n° 3 : Reconduire le mécanisme de plafonnement du coût de la compensation versée à l’ACOSS pour le dispositif JEI pour les budgets à venir, afin de pallier les risques de sur-exécution budgétaire liés aux difficultés d’évaluation du coût d’un tel dispositif.

Les dépenses fiscales du programme 192 enregistrent une baisse significative de 71 % : 826 millions d’euros en 2019 contre 243 millions d’euros en 2020, pour deux raisons.

La première raison tient au fait que deux dépenses fiscales – l’exonération des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque et l’exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de R&D et implantées dans une zone de R&D – n’ont pas d’incidence financière en 2020.

La seconde raison vient de la suppression de deux dépenses fiscales :

– l’exonération des plus‑values de cession d’actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique ou technique ou de titres de sociétés financières d'innovation conventionnées ;

– la taxation au taux réduit des plus-values de brevets et des plus–values à long terme provenant de produits de cessions et de concessions de brevets (586 millions d’euros en 2019). Cette dernière dépense fiscale a néanmoins été remplacée par un nouveau régime fiscal, conformément aux recommandations de l’OCDE, désormais porté par le programme 134 Développement des entreprises de la mission Économie.

Rapport de la Cour des comptes sur les aides à l’innovation (demande de la commission des finances au titre du 2° de l’article 58 de la LOLF)

Sur proposition du rapporteur spécial, la commission des finances a demandé à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, une enquête sur les aides publiques à l’innovation des entreprises. Ce rapport a fait l’objet d’un examen en commission le jeudi 20 mai 2021.

Le rapport révèle que la stratégie de soutien public à l’innovation des entreprises s’est renforcée de manière continue au cours des dix dernières années. Les moyens financiers alloués à l’innovation ont ainsi été multipliés par plus de trois sur la période 2008‑2018, passant de 3 milliards d’euros à près de 10 milliards d’euros. La France est désormais le deuxième pays de l’OCDE, avec 0,4 % du PIB consacré à des aides à la recherche et au développement (R&D) en 2017. Elle a également progressé dans les classements internationaux à l’innovation en 2020, passant du 16ème au 12ème rang mondial, et au 10ème rang au sein de l’Union européenne.

Sur la période 2016-2019, Bpifrance a versé à 15 613 bénéficiaires plus de 4,6 milliards d’euros d’aides à l’innovation sur les 14 milliards d’euros de soutien public. Bpifrance a développé une gamme de produits destinés à intervenir aux différents stades de la création, du développement et de la croissance des entreprises innovantes : aides structurelles ascendantes (bottom-up), aides ciblées pour le soutien aux innovations stratégiques, plan deep tech. Néanmoins, la répartition territoriale n’est pas optimale puisque le soutien est concentré sur les territoires métropolitains : la région Île-de-France bénéficie de 1,7 milliard d’euros d’aides sur la période 2016-2019, soit 38 % du montant total des aides versées par Bpifrance.

Le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) devrait, selon la Cour des comptes, être intégré au budget général afin d’améliorer la lisibilité budgétaire et l’information du Parlement. La Cour souligne en revanche la rationalisation des programmes opérée par le PIA 4 en loi de finances pour 2021 : la mission Investissements d’avenir intègre deux nouveaux programmes sur le financement des investissements stratégiques (424) et sur le financement structurel des écosystèmes d’innovation (425). Ce dernier a intégré dans son champ le programme « Aides à l’innovation » initialement porté par le programme 192 de la MIRES.

La coopération entre la recherche publique et l’industrie reste une faiblesse de la France qui ne se situe qu’au 24ème rang mondial sur les synergies entre secteur public et privé. Cette fragilité, identifiée de longue date, persiste en dépit des actions menées. Le rapporteur spécial espère que les mesures portées par la LPR – conventions CIFRE, chaires industrielles, instituts Carnot, programmes Labcom, … – permettront de combler le retard français.


V.   Programme 191 Recherche duale (civile et militaire) : une annulation de fin de gestion obscure

Ce programme contribue au financement de deux opérateurs : le CNES et le CEA, présentés dans les parties relatives au programme 193 et au programme 190. Les crédits ont été exécutés à hauteur de 119 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit un écart de 23,1 % par rapport à la prévision. Cet écart est justifié, d’une part, par l’annulation de la réserve de précaution et, d’autre part, par une annulation de crédits en LFR 4. En effet, les crédits de l’action 3 relative à la recherche duale dans le domaine aérospatial ont été sous‑exécutés en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à hauteur de 27 % en raison d’une annulation de crédits de 30 millions d’euros sur ce programme.

Cette annulation, déjà évoquée précédemment, a été intégralement compensée pour le CNES par un versement à partir du programme 146 Équipements des forces. Pour mémoire, la loi de finances rectificative de fin de gestion de 2019 avait procédé à une opération similaire en annulant les crédits du CNES sur le programme 191 à hauteur de 50 millions, ensuite compensé à partir d’une subvention du programme 146 Équipement des forces. Comme évoqué au II de cette partie, les motifs de ces opérations budgétaires sont insuffisamment développés dans les documents budgétaires et ne permettent pas d’en comprendre le fondement.

VI.   Programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique : une exÉcution conforme pour la derniÈre annÉe du programme au sein de la MIRES

L’essentiel des crédits du programme (90 %) est affecté à l’établissement public Universcience, dont l’exercice financier reste satisfaisant en dépit de la crise, à la différence de la majorité des établissements culturels, contraints de fermer pendant la crise. Le programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance prévoit en effet un soutien aux opérateurs du ministère de la culture à hauteur de 13,75 millions d’euros pour l’année 2021. L’exécution de ce programme ne révèle pas de difficultés particulières.

En 2020, Universcience a reçu une subvention fléchée de 204 832 euros correspondant au solde de financement du ministère chargé de la culture pour le projet de rénovation du Palais de la découverte ainsi qu’une subvention complémentaire de 500 000 euros en fin d’exercice afin de financer ses investissements courants. Par ailleurs, la trajectoire d’augmentation de ressources propres de l’opérateur constatée depuis 2017 a été interrompue en 2020 en raison de la crise sanitaire. Ainsi, en 2020, la part de ressources propres d’Universcience s’élevait à 9,94 % contre 22,76 % en 2019 et 21,82 % en 2018. La fréquentation était en recul de 73 % par rapport à 2019 du fait des deux périodes de fermetures ainsi que de la parenthèse d’ouverture à des conditions restreintes. Néanmoins, l’opérateur s’est adapté en développant une offre en ligne à travers le programme « #LaScienceEstLà ».

À partir de 2021, ce programme disparaît de la maquette budgétaire de la MIRES. En effet, ses crédits sont désormais portés par le nouveau programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture.

VII.   Programme 142 Enseignement supÉrieur et recherche agricoles : une dÉgradation de la situation financiÈre des Établissements d’enseignement supÉrieur

L’exécution du programme, qui s’élève à 344 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 345 millions d’euros en crédits de paiement, est conforme à la prévision.

En gestion, la LFR 4 a procédé à une annulation de 6,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 6,4 millions d’euros en crédits de paiement hors titre 2, en raison notamment d’une maîtrise accrue des dépenses de fonctionnement des établissements et d’une sous‑exécution du dispositif d’aide à la mobilité internationale en raison de la crise sanitaire. Ces annulations de crédits sont imputées sur la mise en réserve initiale à hauteur de 5,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,5 millions d’euros en crédits de paiement. Par ailleurs, 4,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de crédits de titre 2 ont été annulés en raison d’une prévision plus favorable qu’en loi de finances initiale sur les dépenses de personnel. Enfin, en fin de gestion, le responsable de programme a réalloué 2,071 millions d’euros en faveur des établissements publics les plus en difficulté.

Selon une estimation du ministère chargé de l’agriculture, les effets de la crise sur les établissements relevant de ce programme s’élèveraient à 10,1 millions d’euros sur la période allant de mars à août 2020. La situation financière de ces établissements s’est en effet dégradée en raison d’un manque à gagner de recettes (14,2 millions d’euros) – logement étudiant, prestations de recherche et conseil, taxe d’apprentissage… – ainsi que de dépenses supplémentaires du fait de la prolongation des contrats de recherche, de l’achat de matériels et de licences pour le travail et l’enseignement à distance (2,6 millions d’euros). En revanche, les dépenses de ces établissements ont chuté en raison de la réduction des activités (6,7 millions d’euros).

L’exercice 2020 a bénéficié d’un report de crédits de 88,6 millions d’euros en autorisations d’engagement dans le but de financer le projet d’installation de l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech) sur le campus de Paris–Saclay, qui permettra le regroupement des sites franciliens d’AgroParisTech. Ces crédits, ouverts sur le programme 142 en vertu de la loi de finances pour 2013, n’ont toutefois pas été consommés et sont depuis lors successivement reportés.

En 2020, deux opérateurs – l’IRSTEA et l’INRA – ont fusionné pour former l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), sous la tutelle conjointe des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. Si la loi de finances initiale ne prévoyait aucun surcoût, un abondement exceptionnel de la subvention à hauteur de 500 000 euros a permis de compenser les coûts de fusion.


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE : LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES CRISES SANITAIRES

La crise sanitaire de 2009 liée au virus H1N1, tout en illustrant le caractère indispensable de la recherche pour la gestion de l’épidémie, a révélé les limites du système en termes d’organisation de la recherche en période épidémique. Si la gestion des crises sanitaires relève de la compétence du ministre chargé de la santé, la recherche est un élément essentiel pour préparer et anticiper la survenance de telles crises et apporte une réponse complémentaire à la réponse sanitaire. Elle joue également un rôle central au cœur de la crise pour trouver des solutions afin d’y faire face, notamment parce qu’elle apporte des éléments permettant d’adapter les mesures sanitaires en fonction des avancées scientifiques sur les pathogènes et les maladies.

La recherche est dans ce domaine multidisciplinaire : biologie, chimie, mathématiques, statistiques, agronomie etc. Le rapporteur spécial s’est ainsi concentré principalement sur deux aspects : la recherche en sciences biologiques et en santé sur les maladies infectieuses émergentes et la recherche dans le secteur numérique.

Si le présent rapport s’intéresse à l’ensemble des mesures prises dans le cadre de la lutte contre les crises sanitaires depuis 2009, la pandémie mondiale de Covid‑19, en ce qu’elle a affecté de façon inédite le système de recherche, prend une place prépondérante dans l’analyse qui suit. En effet, les précédentes crises n’ont pas eu l’amplitude et les conséquences de la crise actuelle, telle la fermeture sur le territoire national de laboratoires de recherche.

I.   Le financement de la recherche sur les maladies infectieuses Émergentes

Le rythme d’émergence de nouveaux pathogènes s’accélère depuis une cinquantaine d’années en raison de l’évolution démographique, de l’urbanisation, de l’augmentation de la mobilité et du réchauffement climatique. Les maladies infectieuses émergentes représentent actuellement 90 % de la mortalité dans les régions en développement et on dénombre chaque année environ 10 millions de décès imputables à ces maladies dans le monde. Il en résulte également une perte financière importante en raison de l’incapacité de travail des personnes touchées. La recherche sur ces maladies est donc primordiale. C’est à ce titre qu’une pluralité d’opérateurs de recherche y contribue.

A.   Une recherche animÉe par une constellation d’organismes de haut niveau nÉcessitant un pilotage plus abouti

La gestion des crises sanitaires implique deux types d’acteurs : d’une part, des organismes de recherche à même d’apporter des solutions sur le fond et, d’autre part, des organes dédiés plus spécifiquement à l’organisation et à la prise de décision.

1.   La forte et rapide mobilisation des opérateurs de recherche en cas de survenance d’une crise sanitaire

La crise pandémique liée de Covid‑19 a fait ressortir l’extraordinaire mobilisation et la qualité des acteurs de la recherche française.

a.   L’Institut national de la santé et de la recherche médicale : unique organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, engagé à travers le consortium REACTing et son agence autonome, l’ANRS

À la suite de la crise épidémique liée au virus H1N1, l’INSERM a engagé une réflexion afin de proposer un nouveau concept de recherche, de coordination et de financement, intégrant de manière étroite les santés animale et humaine et le domaine des sciences sociales et humaines. L’objectif était de préparer la recherche et d’en optimiser les capacités pour s’adapter rapidement à toute nouvelle crise sanitaire. Le contrat d’objectif et de performance de l’INSERM pour la période 2016‑2020 ne mentionne pas explicitement la lutte contre les maladies infectieuses émergentes. Toutefois, l’action 6 « Renforcer la présence et la visibilité de l’INSERM à l’international » cite le consortium REACTing qui s’inscrit dans l’objectif de soutenir une recherche intégrée et pluridisciplinaire et de produire des connaissances au meilleur niveau.

La recherche sur les maladies infectieuses émergentes fait partie des priorités de l’institut au travers des travaux de l’institut thématique « Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie » (I3M), du laboratoire de classe 4 de Lyon Jean Mérieux – INSERM et, depuis 2021, de son agence autonome ANRS –Maladies infectieuses émergentes qui prendra en charge le programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) du PIA 4 sur les maladies infectieuses émergentes et les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.

Dans le cadre de la crise liée à la Covid‑19, l’INSERM s’est fortement impliqué en participant à la coordination de la recherche nationale et en proposant des projets en réponse aux commandes des ministères chargés de la santé et de la recherche, à l’instar des projets d’évaluation de la séroprévalence, Sapris – santé, pratiques, relations, inégalités sociales en population générale pendant la crise de la Covid‑19 – et Epicov qui consiste en une cartographie globale du statut immunitaire de la population.

Par ailleurs, l’institut a répondu aux appels à projets sur la Covid‑19 de l’Agence nationale de la recherche, du programme hospitalier de recherche clinique, d’Horizon 2020 ainsi que de la Fondation pour la recherche médicale. Au 1er mars 2021, l’ensemble des 948 publications françaises portant sur la Covid19 émanaient d’une équipe ayant une affiliation à l’INSERM.

Appels à projets ANRS Sud

L’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS historique), qui avait pour mission de fédérer, coordonner, animer et financer la recherche publique sur le VIH et les hépatites virales, a organisé et financé à hauteur de 4 millions d’euros un appel à projet sur la Covid‑19 en direction des pays à ressources limitées. Cet appel à projets a été autorisé à titre exceptionnel par son conseil d’administration. Il a été financé pour les deux tiers par son budget (4 millions d’euros) ainsi que par une dotation du ministère chargé des affaires étrangères (1 million d’euros) et une dotation exceptionnelle du MESRI (1,2 million d’euros).

Cet appel a permis de financer des projets portés conjointement par des équipes françaises et de pays à ressources limitées ou intermédiaires (Afrique de l’Ouest et Asie du Sud‑Est notamment). Sur les 92 projets déposés, le comité scientifique spécialisé mandaté par l’agence en a retenu 32, soit un taux de succès s’élevant à 35 %.

Dans le prolongement de l’action initiée par l’ANRS historique, ANRS Maladies infectieuses émergentes a ouvert le 15 avril 2021 un deuxième appel à projets sur la Covid‑19 dédié aux pays à revenus faibles et intermédiaires. Ce second appel permet de cibler les projets d’envergure et multidisciplinaires, qui impliquent plusieurs pays afin d’accompagner la structuration de la recherche.

b.   L’Institut Pasteur : un acteur de premier plan en matière de virologie et de vaccinologie

L’Institut Pasteur est une fondation privée qui bénéficie d’un financement public, représentant 18 % de ses charges d’exploitation en 2019. La lutte contre les maladies infectieuses émergentes, inscrite au sein de son plan stratégique 2019‑2023, constitue l’un des trois axes prioritaires de l’institut. Au sein de l’institut, 88 équipes, représentant 60 % de ses effectifs scientifiques, sont mobilisées autour de six thématiques : dynamique d’émergence et transmission des maladies, interactions hôtes – pathogènes, interactions vecteurs – pathogènes, microbiote et génomique des pathogènes et nouvelles approches diagnostiques, vaccinales et thérapeutiques.

Plusieurs initiatives ont été mises en place afin de répondre efficacement aux crises sanitaires. La cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU) est organisée pour pouvoir intervenir en continu en situation d’urgence sanitaire. Elle est actuellement mobilisée aux côtés du centre national de référence (CNR) pour accroître ses capacités diagnostiques. Par ailleurs, le département de santé globale, créé en 2014, et le groupe de travail sur les épidémies, outbreak investigation taskforce, permettent une mobilisation rapide des compétences sur des maladies émergentes au niveau international.

Peu après l’émergence de la pandémie de Covid‑19, l’institut a mis en place un groupe d’action et de recherche, ou task force, afin d’assurer un environnement facilitant la recherche sur la Covid‑19 et de coordonner les projets de recherche. Il a informé le ministère chargé de la recherche de ses actions. Après avoir isolé le virus des premiers patients présents sur le territoire national, le CNR sur les maladies infectieuses respiratoires a défini et mis à disposition des centres hospitaliers universitaires le premier kit de diagnostic du SARS‑Cov‑2. Au 26 février 2021, l’institut dénombrait 460 scientifiques mobilisés au sein de 69 équipes réparties dans les 88 entités de lutte contre les maladies infectieuses. L’Institut Pasteur de Lille a développé des projets de criblage de composants à propriété antivirale, ainsi qu’un candidat vaccin. En 2020, l’Institut Pasteur a été le premier en Europe à réaliser le séquençage intégral du génome du SARS‑Cov‑2, mis ensuite en ligne sur la plateforme GISAID. Il a également développé les premiers tests PCR et sérologiques et mis au point plusieurs programmes de recherche pour des candidats vaccins.

c.   Le Centre national de la recherche scientifique : un opérateur fortement mobilisé dans le cadre des pandémies en raison de son caractère interdisciplinaire

Au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la préparation aux pandémies repose sur plusieurs piliers. Le centre veille d’abord au maintien des expertises théoriques et expérimentales autour des grandes familles de pathogènes à risque d’émergence. Il crée et coordonne des réseaux d’expertise mobilisables rapidement. Il développe des plateformes de pointe ainsi que, dans les zones à risques d’émergence, des observatoires afin d’évaluer les risques épidémiques.

En biologie, le rôle du CNRS est de soutenir les recherches sur les mécanismes de base du vivant et de décrypter la diversité biologique et les modes d’action des interactions entre les hôtes et les pathogènes dans le domaine de l’infectiologie. Pour ce faire, il existe à l’Institut des sciences biologiques (INSB) de nombreuses unités mixtes avec des chercheurs de l’INSERM. Une dizaine de laboratoires en science biologique travaillent sur la recherche dans le domaine des maladies infectieuses émergentes. Le centre soutient également plusieurs réseaux de recherche sur ces pathogènes, à l’instar du laboratoire Virpath de Lyon qui assure la surveillance des quasi‑espèces du virus de la grippe par séquençage nouvelle génération et coordonne le centre national de référence des virus respiratoires. Par l’intermédiaire de l’INSB, le CNRS soutient le groupement de recherche sur les virus influenza (GDR RESAFLU) qui fédère seize équipes de recherche du CNRS, de l’INSERM, de l’ANSES, de l’INRAE notamment. Enfin, il est membre de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan).

En ce qui concerne spécifiquement la crise liée à la Covid‑19, si toutes les sciences et toutes les compétences ont été mises à contribution, plus de 50 laboratoires de l’INSB se sont mobilisés pour développer plus de 300 projets scientifiques, financés par les fonds propres des unités et par des crédits exceptionnels du CNRS. Selon le recensement de l’INSB de 2020, quarante projets ont été financés par l’appel à projets FlashCovid de l’ANR, trois l’ont été par la Fondation pour la recherche médicale, trois par le programme hospitalier de recherche clinique (PHCR) et deux par REACTing. Le CNRS a bénéficié de 2,7 millions d’euros du MESRI pour monter des plateformes et des programmes sur la Covid‑19. L’ANR a attribué 3,7 millions d’euros à des porteurs de projets issus du CNRS dans le cadre de ses appels d’offres Covid‑19.

d.   Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement : une approche intégrée de la santé et une démarche partenariale soutenue

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) est un établissement de recherche qui intervient dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement. Il a également pour mission d’animer la coopération scientifique avec les pays de la ceinture intertropicale, et il dispose ainsi d’unités de recherche dans tous les départements d’outre‑mer. La stratégie scientifique et partenariale du CIRAD prévoit une approche intégrée de la santé des plantes, des animaux et des écosystèmes comme l’un des six champs thématiques prioritaires. Cette approche intégrée et transdisciplinaire, suivie depuis une dizaine d’années, permet de comprendre les maladies émergentes dans leur ensemble. En effet, les maladies infectieuses émergent au cœur de systèmes complexes de transmission du pathogène à l’animal, puis à l’homme, qui dépendent de facteurs naturels et anthropiques. Au centre, l’unité ASTRE a fait de l’amélioration de la santé animale et du contrôle et de la surveillance des maladies animales et zoonotiques une priorité.

Le CIRAD est intervenu dans les crises sanitaires passées des régions tropicales. La direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de l’alimentation s’appuie sur ses compétences lors de l’apparition de crises sanitaires animales, telles les influenza aviaires et porcines, la peste porcine africaine, la fièvre de la Vallée du Rift, … Ainsi en 2019 une virologiste du CIRAD a été sollicitée par la direction générale de l’alimentation lors de l’épidémie de fièvre de la Vallée du Rift à Mayotte. Cette zoonose mortelle transmise par un virus infecte aussi bien l’animal, en premier lieu les ruminants, que l’homme. Si elle se cantonne actuellement à l’Afrique, le virus de la fièvre de la Vallée du Rift pourrait, à terme affecter l’Europe en raison de l’extension de la distribution géographique des espèces de moustiques vectrices, liée pour partie au réchauffement climatique.

Depuis 2009, le CIRAD participe à des « dispositifs en partenariats » à l’international. Il est ainsi membre de vingt-et-un dispositifs auquel il affecte des chercheurs en mobilité. À cet égard, il dispose d’un partenariat solide et durable dans les pays du Sud grâce aux dispositifs situés dans l’Océan Indien, les Caraïbes, l’Asie du Sud Est et l’Afrique Australe qui constituent des réseaux de recherche et de surveillance avec les acteurs de la recherche et les acteurs de terrain. Des dispositifs similaires existent également en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Nigeria, Niger, Bénin).

Ces dispositifs permettent d’apporter une réponse par la recherche, l’innovation et la formation au défi de développement retenu par les partenaires pour leur pertinence locale. Par ailleurs, le 26 février 2019, l’ANSES et le CIRAD ont signé une convention – cadre de partenariat pour permettre une meilleure connaissance des agents pathogènes, des ravageurs et des vecteurs dans les domaines de la santé animale, notamment grâce à la surveillance épidémiologique.

Lors de la crise pandémique de Covid‑19 en France, le CIRAD a mis à disposition ses capacités d’expertise et de plateforme de diagnostic moléculaire haut débit pour soutenir les laboratoires médicaux et les CHU de Montpellier, de La Réunion et de Guadeloupe. Par ailleurs, au mois de mars 2019, le CIRAD, l’INRAE et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ont averti leurs ministères de tutelle de l’importance de renforcer la prévention des crises sanitaires à travers une approche intégrée de la santé : animale, humaine et environnementale. Ces travaux ont mené à la mise en place de l’initiative Prezode destinée à prévenir les risques d’émergence zoonotiques et de pandémies. Pilotée par l’IRD, le CIRAD et l’INRAE, elle associe désormais l’Institut Pasteur et le Réseau international des instituts Pasteur. Cette initiative promeut un changement de paradigme : une approche de co‑construction du local au global et le renforcement du dialogue entre la science, la société et le politique.

Le CIRAD a fait part au rapporteur spécial de l’importance de mieux financer la prévention des crises et la détection précoce des émergences, les principaux financements étant essentiellement alloués lorsque des crises surviennent, pour permettre de les gérer. Par ailleurs, l’opérateur souligne que, depuis vingt ans, les financements ont été partiels et n’ont pas ciblé une approche intégrée de prévention alors que le secteur de la recherche en santé animale aurait pu contribuer plus activement à la gestion des crises sanitaires en raison de son expertise dans la science des données notamment. De même, à l’échelon international, la gestion des crises sanitaires apparaît trop cloisonnée entre agriculture et santé humaine. À cet égard, l’initiative Prezode vise à y remédier en fédérant la communauté scientifique et internationale sur ces thématiques. Le rapporteur spécial soutient dès lors le renforcement d’une approche intégrée de la recherche en santé animale, humaine et environnementale et invite à trouver un équilibre dans le financement de la recherche entre ses trois volets que sont la prévention, la préparation et la réponse aux crises sanitaires.

Recommandation n° 4 : Trouver un équilibre dans le financement entre les trois volets de recherche – la prévention, la préparation et la réponse aux crises sanitaires – et mettre en place une approche intégrée de la recherche dans la future stratégie « Maladies infectieuses émergentes ».

2.   La mise en place tardive d’une stratégie et de structures de coordination des activités de recherche

Afin d’apporter une réponse adaptée lors des crises sanitaires, il convient de disposer d’un socle solide et d’outils de travail robustes, c’est‑à‑dire une bonne préparation. Les enjeux de préparation et de coordination sont multiples : organiser les structures de prise de décision, préparer les outils de recherche, identifier les priorités de recherche, rechercher des financements. Or, en France, la crise actuelle a révélé une préparation partielle notamment parce que, si le consortium REACTing existait depuis 2013, ce consortium ne disposait que de très peu de moyens. Toutefois, le rapporteur spécial se félicite de la création de la nouvelle agence ANRS Maladies infectieuses émergentes qui envoie un signal positif au monde de la recherche.

a.   Une structure dédiée à la préparation des crises sanitaires par la recherche : le consortium REACTing en place depuis 2013

La décision rapide requise en période de crise nécessite une bonne organisation en amont. En 2009, lors de la crise liée au virus H1N1, le gouvernement a chargé l’Institut de microbiologie et des maladies infectieuses (IMMI), institut thématique multi‑organismes de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), d’organiser la réponse de la communauté scientifique française à cette pandémie. Si l’IMMI a réussi cette coordination avec succès en organisant un plan de recherche multidisciplinaire sur le territoire national, cette crise a malgré tout révélé de multiples obstacles : nombre de chercheurs insuffisant en raison de travaux extérieurs, manque de collaboration entre les opérateurs de recherche, problèmes de financement…

C’est pourquoi l’INSERM a engagé une réflexion autour d’un nouveau modèle de coordination de la recherche. Dès 2011, l’institut a déposé un projet Labex intitulé « PrepaRE » afin de préparer et de répondre aux menaces épidémiques infectieuses émergentes. Ce projet n’a toutefois pas été retenu, ayant été jugé extérieur au cadre de cet appel d’offres. En revanche, en 2013, le consortium REACTing a été mis en place au sein de l’institut. Coordonné par l’Institut thématique multi‑organismes inflammation – infectiologie, immunologie‑microbiologie (ITMO I3M) sous l’égide d’Aviesan, le consortium est une structure dédiée à la préparation des crises sanitaires par la recherche.

 

Son absence de spécialisation sur une maladie infectieuse particulière lui permet d’intervenir sur tous les types d’infections émergentes, notamment zoonotique, grâce notamment à des équipes de l’INSERM, de l’Institut Pasteur et du CNRS. Les missions de REACTing recouvrent deux objectifs : d’une part, la préparation de la recherche en période d’inter-crise et, d’autre part, l’organisation de la recherche en période de crise épidémique.

Grâce à une approche transversale et multidisciplinaire – recherche fondamentale, épidémiologie, santé publique – le consortium a pu être mobilisé sur neuf crises sanitaires, sur le territoire national ou à l’étranger, depuis sa création : Chikungunya dans les Caraïbes (2013), Ebola en Afrique de l’Ouest (2014‑2016), Peste à Madagascar (2017), etc.

Il a ainsi mis en œuvre divers projets de recherche en collaboration avec des partenaires locaux et internationaux, à l’instar du projet « Réservoir », mis en place en Guinée, au Cameroun et en République démocratique du Congo, dont l’objectif est de rechercher les animaux réservoirs du virus Ebola et d’évaluer le risque de transmission entre les animaux et l’humain.

En ce qui concerne spécifiquement le rôle de REACTing pendant la crise sanitaire liée à la Covid‑19, un comité scientifique a été constitué le 7 février 2020. Le consortium a ainsi pu présenter les premières propositions de recherche aux ministères chargés de la recherche et de la santé dès le 10 février. La sélection et le financement de vingt premiers projets ont ensuite été annoncés un mois plus tard. Le consortium a également produit des avis scientifiques et des expertises à ces mêmes ministères, qui ont abouti à des projets structurants tels les essais de la plateforme Discovery ou la cohorte French Covid.

À la suite du rapport Rossignol ([5]) mettant en évidence une démultiplication des essais thérapeutiques nuisant à leur bonne avancée, il a été demandé au consortium de définir des priorités de recherche et de contribuer à l’évaluation des essais thérapeutiques avant leur examen par le Comité ad hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid‑19 (CAPNET).

Par ailleurs, pendant la crise liée à la Covid‑19, le consortium REACTing a financé six équipes de chercheurs du CNRS et mis en place le projet Discovery. Ce programme est un essai clinique adaptatif ciblant les patients atteints de la Covid‑19 à un stade sévère et hospitalisés. Il est dédié à l’évaluation du potentiel thérapeutique d’antiviraux ayant déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché pour d’autres indications, à l’instar de l’étude qui a été menée sur l’hydrochloroquine. Le financement de ce programme, promu par l’INSERM, a d’abord été national puis européen avec son extension hors de France.

 

Le programme Horizon 2020 de la direction générale de la recherche et de l’innovation de la Commission européenne a permis de le financer à hauteur de 15,7 millions d’euros en juillet 2020 et le projet EU – RESPONSE coordonné par l’INSERM y a contribué pour près de 8 millions d’euros supplémentaires afin de l’étendre à l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, la Norvège, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie et la Turquie. Ce programme devrait ainsi devenir l’une des deux plateformes de recherche clinique européenne sur les maladies infectieuses émergentes.

Depuis sa création, REACTing a bénéficié de financements sur projet, intervenant ponctuellement, au moment de la survenance des crises sanitaires. Depuis 2017, l’INSERM perçoit un financement de 500 000 euros au titre des frais de fonctionnement de REACTing afin de soutenir une équipe pérenne d’encadrement de l’activité du consortium. En 2020, l’INSERM a perçu une dotation complémentaire de 700 000 euros pour les frais de fonctionnement ainsi qu’un million d’euros pour des financements d’amorçage.

L’Agence ANRS – Maladies infectieuses émergentes

Depuis le 1er janvier 2021, le consortium REACTing a fusionné avec l’Agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS) pour former la nouvelle Agence ANRS – Maladies infectieuses émergentes, dédiée à la recherche sur le Sida, les hépatites et les maladies infectieuses émergentes. Il s’agit d’une agence de moyens et de coordination de la recherche, ayant repris le personnel de l’ANRS historique et de REACTing. S’agissant d’une agence autonome de l’INSERM, elle n’a pas de personnalité morale mais dispose, pour assurer ses missions, d’un directeur et d’un conseil d’orientation, organe institutionnel de délibération de l’agence. Sur le plan scientifique, le contrôle de l’agence est assuré par un comité scientifique international, composé d’experts dans le domaine des maladies infectieuses.

Le premier objectif de cette agence est de contribuer à l’efficacité de la réponse apportée à la crise sanitaire actuelle. En ce qui concerne la recherche sur la Covid‑19 , l’agence a mis en place, aux côtés de Santé Publique France, un programme de surveillance et d’analyse fonctionnelle des variants et promeut la cohorte vaccinale de populations sensibles, dénommée « CovPopart ». À moyen et long terme, ses objectifs sont de mieux comprendre les épidémies et d’améliorer la préparation des crises par l’investigation des maladies à potentiel épidémique selon une approche internationale. Ses objectifs ont vocation à être formalisés dans les contrats d’objectifs et de performance de l’INSERM.

La fusion du consortium REACTing avec l’ANRS devrait permettre de consacrer plus de moyens au volet organisationnel de la recherche dans le cadre de crises sanitaires. Pour l’année 2021, un consensus a été trouvé autour d’un budget d’environ 59 millions d’euros, comprenant 39,8 millions d’euros de subvention pour charges de service public de l’État récurrente, permettant de garantir le maintien du niveau de financement des recherches actuelles. Si le budget ne révèle pas d’augmentation, l’agence a néanmoins bénéficié d’une subvention exceptionnelle de 5,2 millions d’euros pour l’année 2021 pour accompagner son lancement.

Une réflexion a été conduite à partir de juillet 2020, sous l’égide de l’INSERM, sur les ressources pérennes nécessaires à la recherche sur les maladies émergentes, de nature à permettre une préparation efficace contre le risque pandémique. Sur le plan budgétaire, l’INSERM a fait connaître dès octobre 2020 à ses ministères de tutelle les ressources qu’il estime nécessaire, et qui correspondent au doublement des subventions d’État récurrentes de l’ANRS « historique ». Cette demande correspond à une cible de 36 millions d’euros de subvention d’État supplémentaires. Les discussions sur les ressources mobilisables pour cette agence sont encore en cours. Le ministère de la recherche a toutefois annoncé devant la commission des finances de l’Assemblée nationale que 80 millions d’euros seraient alloués à l’ANRS Maladies infectieuses émergentes afin de mettre en œuvre le programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « Maladies infectieuses émergentes ». Il devrait s’agir d’un financement à partir du PIA 4, qui n’a toutefois pas formellement été engagé à ce jour.


b.   Un manque de coordination qui révèle le besoin d’une stratégie dans le domaine de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes

La coordination est essentielle afin d’assurer un continuum, de la recherche fondamentale sur les virus et les pathologies au développement de traitements curatifs et préventifs. Elle doit également se faire entre les organismes de recherche, les start – up et les grands groupes pharmaceutiques pour permettre un transfert efficace vers le secteur clinique.

La cellule interministérielle de recherche à laquelle participe la DGRI n’a été mise en place qu’au cours de la crise sanitaire liée à la Covid‑19. Il s’agit d’un groupe de travail des ministères chargés de la recherche et de la santé. Elle se compose de membres de la direction générale de la santé et de la direction générale de l’offre de soins du ministère chargé de la santé et de membres de la direction générale de la recherche et de l’innovation du MESRI. La cellule assure le suivi de l’ensemble des actions de recherche biomédicale sur la Covid‑19 en lien avec REACTing et le gouvernement, à qui elle fournit des notes hebdomadaires d’information et une veille bibliographique sur la recherche. Enfin, elle anime le comité ad hoc de pilotage des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid‑19 (CAPNET) ainsi que le comité mixte vaccin[6].

Malgré la création de cette cellule, les acteurs du monde de la recherche déplorent le manque de coordination des ministères, qui a pu leur donner l’impression d’être livrés à eux – mêmes. Il en résulte des lourdeurs administratives qui posent des problèmes de souplesse et de réactivité, particulièrement malvenues en période de crise. À titre d’illustration, certains opérateurs de recherche auraient pu mettre à disposition leur laboratoire pour les tests PCR, ce qui n’a pu être le cas faute d’autorisation accordée par les autorités régionales de santé. Seuls les laboratoires du CNRS de Lille ont contribué à hauteur de 50 000 tests. Le rapporteur spécial encourage dès lors le ministère de la recherche à renforcer le pilotage de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, en particulier dans le cadre de la stratégie d’accélération.

 

Recommandation n° 5 : Améliorer le pilotage et la coordination entre les différents acteurs de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes en période de crise en définissant mieux les rôles et missions de chacun.

 

 

Une instance de priorisation de la recherche clinique sur la Covid19  : le comité ad hoc de pilotage des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid‑19 (CAPNET)

La mise en place de CAPNET est tirée d’une proposition du rapport Rossignol de juin 2020 ([7]). Opérationnel depuis le 3 novembre 2020, ce comité est une instance de concertation composé d’acteurs de la recherche qui a pour objet la régulation des études cliniques et précliniques sur la Covid‑19 afin d’accélérer les études les plus prometteuses.

Le comité comprend des représentants des directions d’administration centrale qui composent la cellule interministérielle recherche, des représentants institutionnels de la recherche en santé et des promoteurs d’essais cliniques académiques, des représentants des communautés de chercheurs – cliniciens et investigateurs, de représentants des UFR de médecine et des représentants des usagers. Des représentants de REACTing, de l’ANSM et des comités de protection des personnes y participent également en qualité de contributeurs, sans pouvoir décisionnaire, afin d’éclairer le comité sur les essais en cours.

Le comité a pour mission de décerner le label « Priorité nationale de recherche » en s’appuyant sur les évaluations scientifiques et méthodologiques réalisées par le conseil scientifique de REACTing. Ce label pourra être attribué tant à des projets déjà autorisés qu’aux nouveaux projets de recherche clinique de catégorie 1 particulièrement innovants et répondant à des priorités de recherche établies sur la base de critères évolutifs selon l’avancée de la science. Par ailleurs, d’autres projets de recherche et préclinique innovants et à fort impact, non redondants avec des études déjà lancées et dont le démarrage est urgent pourront en bénéficier également.

Ce label permettra de faire bénéficier ces projets d’une communication spécifique par les ministères chargés de la santé et de la recherche envers les chercheurs, incitant ainsi à recruter prioritairement des patients dans ces études, et de déclencher une procédure accélérée de l’évaluation du dossier d’autorisation réglementaire ainsi qu’une valorisation spécifique relative aux inclusions qui seront réalisées via le système d’information et de gestion de la recherche et des essais cliniques. Un projet labellisé pourra enfin être recommandé pour l’accès à un éventuel financement institutionnel.

Le problème du pilotage semble étroitement lié à l’absence de stratégie, jusqu’en 2020, dans le domaine de la lutte contre les maladies infectieuses émergentes par le MESRI. Les acteurs du monde de la recherche soulignent à cet égard l’importance de faire des choix stratégiques plus précis. Sur ce point, l’appel à projets générique de l’ANR ne permettrait pas de répondre à cette exigence, en dépit de la mise en place de l’appel flash « Flash Covid‑19 » en 2020. En effet, en 2019, une année avant la pandémie mondiale, l’ANR n’avait financé aucun projet sur les coronavirus alors même qu’une telle épidémie était déjà prévisible au sein de la sphère scientifique. Néanmoins, le contrat d’objectifs et de performance conclu entre l’ANR et l’État sur la période 2021‑2025 envisage la création d’un axe dédié aux maladies infectieuses au sein de l’appel à projets générique.

 

Le rapporteur spécial, conscient de l’importance de hiérarchiser les priorités de recherche afin de définir une stratégie claire et ambitieuse, se félicite de la mise en place prochaine de la stratégie d’accélération sur les maladies infectieuses émergentes, qui devrait permettre une structuration forte de la communauté scientifique nationale dans ses différentes composantes impliquant un décloisonnement des approches et des communautés.

La stratégie d’accélération « Maladies infectieuses émergentes »

Cette stratégie doit permettre à l’État de comprendre, prévenir et contrôler les phénomènes d’émergence et de réémergence de maladies infectieuses. Elle devrait intégrer une approche dite « une seule santé » ou One Health, qui prend en compte les santés humaine et animale ainsi que les écosystèmes.

La stratégie se déclinera en cinq volets. Un premier volet consacré à la recherche permettra d’étudier les mécanismes d’émergence, la compréhension des maladies infectieuses émergentes, la conception et l’évaluation de contre‑mesures innovantes pour la prévention et la prise en charge des maladies. Le deuxième volet concernera l’innovation, plus précisément : la maturation, le transfert technologique, la recherche partenariale et la promotion du développement des contre‑mesures. Un troisième volet de développement des capacités de production des contre‑mesures permettra de sécuriser sur le territoire national les filières d’intérêt, en coordination avec les initiatives menées à l’échelle européenne. Un volet de formation multidisciplinaire devrait permettre de disposer de nouvelles compétences décloisonnées et transversales. Enfin, un dernier volet sera consacré à l’organisation tant de la prévention que de la gestion de crise.

Pour sa mise en œuvre, les pouvoirs publics s’appuieront sur la nouvelle agence ANRS – MIE, qui bénéficiera d’un financement à hauteur de 80 millions d’euros. Elle sera à cet égard chargée de piloter un programme de recherche interdisciplinaire sur les mécanismes d’émergence, la compréhension des maladies infectieuses émergentes, la conception et l'évaluation de contre – mesures innovantes pour la prévention et la prise en charge des maladies. Le financement de ce PEPR par le PIA 4 n’a pas été engagé à ce jour. Le MESRI précise qu’un relais budgétaire sera recherché dans le PLF pour 2024, la stratégie d’accélération sur les maladies infectieuses émergentes prenant fin en 2023. Un premier appel à manifestation d’intérêt a été ouvert par Bpifrance pour un montant de 100 millions d’euros.


B.   Un financement hÉtÉrogÈne et critiqué

Le financement pérenne de la recherche sur les maladies émergentes en amont est essentiel. En effet, le Haut conseil de la santé publique indiquait en 2010, à propos de la pneumonie atypique du SRAS, maladie liée au virus SARS‑CoV de la famille des Coronavirus, que l’absence de connaissance précise du réservoir de ce virus, de sa circulation, de sa capacité d’adaptation et de la séquence des événements qui ont contribué à l’épidémie en 2003 ne permettait pas de prévoir la possibilité d’une réémergence ou d’une infectiosité modifiée du virus pouvant conduire à une épidémie de beaucoup plus grande ampleur ([8]).

1.   Une enveloppe de financements composite

Les financements de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes sont dispersés entre les différents échelons – international, européen et national – mais également entre plusieurs programmes au sein du budget.

a.   Les financements européens et internationaux

À l’échelon international, la coalition pour les innovations en matière de préparation des épidémies (CEPI) a été fondée en 2017 par les gouvernements norvégiens et indiens, la fondation Bill et Melinda Gates et la fondation Wellcome à l’occasion du forum économique mondial de Davos à la suite de la crise Ebola. Il s’agit d’un organisme international à but non lucratif qui travaille sur le développement de vaccins contre les maladies infectieuses émergentes. Cette organisation dispose de moyens budgétaires importants pour le financement de projets de recherche, qui se sont révélés utiles au commencement de la crise liée à la Covid‑19. La Commission européenne ainsi que, au sein de l’Union européenne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays – Bas et la Roumanie y contribuent financièrement.

Dans le cadre de la crise de Covid‑19, la Commission européenne a cofinancé, à hauteur de 100 millions d’euros, un appel à propositions lancé en juillet 2020 par la CEPI, afin de soutenir le développement rapide de vaccins contre le coronavirus. La CEPI a ainsi pu apporter un soutien financier à l’Inovio Pharmaceuticals Inc. pour sa plateforme vaccinale à base d’ADN (États‑Unis), à l’Université de Queensland pour sa plateforme à pince moléculaire (Australie), à un partenariat entre Moderna Inc. et NIAID avec leur plateforme à base d’ARNm (États‑Unis) ainsi qu’à un partenariat élargi avec Curevac pour l’adaptation de sa plateforme à base d’ARN au nouveau coronavirus. Le rapporteur spécial encourage dès lors la France à être plus active dans les coalitions internationales (telles que la CEPI) mises en place pour faire face aux défis des maladies infectieuses émergentes.

Recommandation n° 6 : Impliquer davantage la France dans les coalitions internationales (telles que la CEPI) mises en place pour faire face aux défis des maladies infectieuses émergentes.

Les fonds européens jouent un rôle central dans le financement de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes. Ainsi, entre 2007 et 2019, plus de 4,1 milliards d’euros ont été investis par l’intermédiaire du septième programme‑cadre de l'Union européenne pour la recherche et le développement technologique (FP7) portant sur la période 2007 – 2013 et du programme Horizon 2020 pour la période 2014‑2020. Pour l’année 2020, plus d’un milliard d’euros ont en outre été engagés dans le domaine de la recherche sur la Covid‑19 à travers les appels à projet du Défi Santé du programme Horizon 2020, du partenariat entre les pays européens et l’Afrique subsaharienne pour soutenir les essais cliniques sur les maladies infectieuses (EDCTP), du programme de recherche public‑privé « Innovative Medicine Initiatives » (IMI) et de l’initiative de programmation conjointe sur la résistance antimicrobienne (JPIAMR).

Plus spécifiquement, l’Union européenne a financé 174 millions d’euros dans la recherche pour le développement de vaccins, de traitements et de tests de diagnostic dans le cadre de la crise Ebola et 45 millions d’euros dans la recherche sur le virus Zika. Lors de la crise liée au virus Zika, de grands projets collaboratifs ont pu être menés entre des laboratoires européens et des sites en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Zikalliance, un consortium de recherche pluridisciplinaire et multinational coordonné par l’INSERM, a perçu 12 millions d’euros grâce au programme Horizon 2020 afin de mener pendant trois ans un programme de recherche et d’innovation sur l’infection transmise par le virus en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Pour ce qui est de l’épidémie de Covid‑19, la Commission européenne a publié, dès le 8 avril 2020, un premier plan d’action « ERAvsCorona » comprenant dix actions prioritaires. Ce plan devait permettre de soutenir la recherche, de coordonner les efforts et de rechercher des synergies au sein de la communauté scientifique et de recherche européenne. Ces actions concernent notamment la coordination des financements de la recherche et de l’innovation, le soutien aux essais cliniques de grande ampleur à l’échelle européenne, l’accès à des infrastructures de recherche ainsi que le déploiement du partage de données à travers la plateforme « European Covid‑19 data ». En ce qui concerne la crise de Covid‑19, la France a été le premier pays bénéficiaire des aides européennes concernant la Covid‑19, tous programmes confondus (santé et recherche). Néanmoins, les opérateurs ont souligné une carence dans le financement de la coordination, qui explique la mise en place d’une agence pour réguler les projets de sorte que les opérateurs ne se concentrent pas sur les mêmes sujets.

 

Au sein de l’actuel programme de recherche européen Horizon Europe, les maladies infectieuses font partie des six domaines d’intervention identifiés au sein du cluster Santé. Le budget qui devrait y être alloué n’a pas encore été déterminé. Un nouveau partenariat portant sur la préparation des pandémies devrait être conclu à l’horizon 2022. Les maladies infectieuses font par ailleurs partie des sept challenges identifiés dans l’agenda stratégique de recherche du nouveau partenariat public – privé « Innovative health initiative » qui prendra la suite du programme IMI. Les maladies infectieuses émergentes et réémergentes feront toujours partie des priorités du partenariat « EU – Afric global health » en cours de préparation et qui prendra la suite de l’EDCTP en 2022. Enfin, la Commission européenne a annoncé la mobilisation de 150 millions d’euros pour la recherche sur les variants du virus de la Covid‑19 dans le cadre d’un pilote de la future Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA), qui permettra à l’UE d’anticiper et de mieux combattre les futures pandémies.

Le nouveau plan européen de préparation en matière de biodéfense contre les variants du coronavirus : l’« incubateur HERA »

En février 2021, la Commission européenne a proposé un plan européen de préparation en matière de biodéfense contre les variants du coronavirus, dit « incubateur HERA ». Cette initiative doit permettre de faciliter la collaboration avec les chercheurs, les entreprises de biotechnologie et les pouvoirs publics. Plus généralement, l’incubateur sera un instrument d’aide à la préparation des crises sanitaires.

Dans le cadre de la crise de Covid‑19, l’incubateur poursuit trois actions. Afin de détecter, analyser et évaluer les variants, l’incubateur met au point des tests spécialisés pour les nouveaux variants et soutient le séquençage génomique dans les États membres (au moins 75 millions d’euros), accompagne le renforcement de la recherche et l’échange de données sur les variants (150 millions d’euros) et met en place un réseau d'essais cliniques, Vaccelerate Covid‑19. La deuxième action vise l’accélération de l’approbation des vaccins adaptés anti Covid‑19, ainsi que la publication d’orientations sur les exigences en matière de données et la facilitation de la certification d’infrastructures de fabrication nouvelles ou réorientées. Enfin, l’incubateur agit pour l’accélération de la production de vaccins contre la Covid‑19.

Cet incubateur préfigure la future Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA). Cette entité permanente sera compétente pour la modélisation des risques, la surveillance mondiale, les transferts de technologie, la cartographie des risques liés à la chaîne d'approvisionnement, la mise en place de capacités de fabrication flexibles et la recherche – développement en matière de vaccins et de médicaments.

b.   Les financements des programmes d’investissements d’avenir

Depuis 2011, 18 projets sélectionnés par l’ANR et financés par le programme d’investissements d’avenir (PIA) pour un montant total de 390,5 millions d’euros sont entièrement consacrés à la lutte contre les maladies infectieuses émergentes sur les 60 projets recensés ayant partiellement comme objectif la lutte contre les crises sanitaires.

Les financements à partir du PIA permettent de sélectionner des projets d’une durée plus longue et au budget plus conséquent que ceux financés à partir du budget d’intervention de l’ANR. Ces projets sont également plus structurants puisqu’ils sont portés par les directions des établissements et non directement par les chercheurs.

Projets financÉs par le PIA ayant pour objet la lutte contre les maladies infectieuses Émergentes

(en millions d’euros)

Projet

Instrument du PIA mobilisé

Montant

Institut Méditerranée infection

Institut hospitalo‑universitaire

88,3

IDMIT

Infrastructure

30,8

HIDDEN

Infrastructure

10

E4N – SAPRI – SERO

Cohorte

2,1

BacNet

Bioinformatique

2,2

Mihmes

Bioinformatique

1,2

HEPATER

Equipex

10

ANINFIMIP

Equipex

2,5

I2MC

Equipex

3,2

FlowCyTech

Equipex

1,1

ECOFECT

Labex

4

IBEID

Labex

4,6

IDBIORIV

Labex

5,7

PARAFRAP

Labex

16,7

VRI

Labex

10,4

BIOASTER

Instituts de recherche technologique

179,8

CirbRNA

Recherche hospitalo‑universitaire

5,9

INCEPTION

Convergence

12

Source : Commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

Pour ce qui est de la crise de la Covid‑19 spécifiquement, le PIA a été le premier contributeur aux dépenses de l’État en faveur de cette recherche à hauteur de 83,7 millions d’euros. En outre, le ministère chargé de la santé y a contribué pour un montant de 12,2 millions d’euros afin de financer le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) flash Covid‑19 et le ministère des armées pour 10 millions d’euros.

c.   Le programme 172 de la MIRES pour le financement des organismes de recherche et l’Agence nationale de la recherche

Le MESRI a fait savoir au rapporteur spécial qu’il ne disposait pas de chiffres permettant d’évaluer l’enveloppe consacrée annuellement à la recherche par sousthématique. Il s’agit d’une enveloppe composite regroupant la part du soutien accordé aux organismes et universités correspondant aux équipes de recherche travaillant dans le domaine des maladies infectieuses émergentes – salaires et financements récurrents principalement au profit de l’INSERM, du CNRS (INSB), du CEA (direction de la recherche fondamentale), de l’INRAE et des universités – ainsi que le financement sur projet de ces équipes, distribué par plusieurs opérateurs comme l’ANR (principalement via le CE15 « Immunologie, infectiologie, inflammation » et le CE35 « Environnement, pathogènes et maladies infectieuses émergentes et réémergentes, résistance aux antimicrobiens » pour l’appel à projet générique de l’ANR) mais aussi l’ANRS pour le VIHSIDA, les hépatites et les infections sexuellement transmissibles. Le rapporteur spécial encourage dès lors le ministère à mettre en place un suivi consolidé des financements de la recherche sur les maladies infectieuses.

Recommandation n° 7 : Établir un suivi de l’ensemble des financements de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes pour la gestion des crises sanitaires.

Par ailleurs, le programme 172 finance le consortium REACTing à travers la subvention de l’INSERM. Depuis sa création, REACTing a bénéficié de financements sur projet, qui interviennent ponctuellement, au moment de la survenance des crises sanitaires. Depuis 2017, l’INSERM perçoit un financement de 500 000 euros au titre des frais de fonctionnement de REACTing afin de soutenir une équipe pérenne d’encadrement de l’activité du consortium. Ainsi, en 2020, l’INSERM a perçu une dotation complémentaire de 700 000 euros pour les frais de fonctionnement ainsi qu’un million d’euros pour des financements d’amorçage.

Pour la pandémie liée à la Covid‑19, les moyens mobilisés dans le domaine de la recherche ont été plus élevés qu’au cours des précédentes crises, en raison de l’ampleur de cette crise. Ainsi, lors de la crise Ebola, 11,98 millions d’euros avaient été mobilisés par le MESRI et alloués à l’INSERM pour intervenir en Guinée. Pour la crise liée à la Covid‑19, le MESRI a mobilisé 50 millions d’euros et le ministère chargé de la santé 31 millions d’euros.

L’action 2 du programme 172 est dédiée aux financements compétitifs de l’ANR. Les projets de recherche financés par l’ANR dans des domaines liés à la lutte contre les crises sanitaires ont été divisés en deux catégories : d’une part, ceux qui s’intéressent aux épidémies et aux crises sanitaires et, d’autre part, ceux qui étudient les pathogènes à l’origine de ces crises.

Depuis 2009, 51 projets ciblant les crises épidémiques ont été recensés, pour un financement de 12,9 millions d’euros, alors que sur la même période 123 projets ont été portés pour la catégorie « pathogènes », pour un financement de 51,8 millions d’euros.

En ce qui concerne spécifiquement la crise liée à la Covid‑19, l’ANR a porté des appels à projets dédiés à la recherche sur la Covid‑19. L’appel à projet Flash Covid‑19 a ainsi permis de financer 115 projets pour un montant de 17,6 millions d’euros. L’appel « Recherche‑Action Covid‑19 », ouvert du 15 avril au 28 octobre 2020, a quant à lui permis de soutenir 128 projets de recherche à court terme en lien avec la pandémie, correspondant à un taux de succès de 18,3 % et représentant un financement global de 14,6 millions d’euros. Ce type d’appel doit permettre l’acquisition de connaissances avec une application des résultats, méthodes et techniques dans les trois à douze mois voire le recueil immédiat de données spécifiques. Enfin, l’ANR a lancé l’appel à projets « Résilience Covid‑19 » le 18 décembre 2020. Les axes scientifiques de ces appels à projets ont été définis d’après les préconisations du consortium REACTing, qui étaient conformes aux recommandations de l’OMS.

L’ANR a également été associée à la dimension régionale de la recherche sur la Covid‑19. Deux régions, déjà co‑financeurs de l’appel Flash, ont organisé chacune un appel « Résilience Covid‑19 ». Les régions Hauts‑de‑France et Grand Est, lors d’une initiative partagée avec le MESRI, ont demandé une évaluation des projets de recherche déposés dans le cadre de la pandémie. L’appel de la région Grand Est s’est déroulé en juin 2020 et celui de la région Hauts‑de‑France en novembre 2020. L’ANR a été l’opérateur de l’évaluation de ces deux appels, financés chacun à parts égales par la région et par le MESRI pour un montant total de 2 millions d’euros pour chaque appel.

2.   Un sous‑financement structurel dénoncé par certains acteurs

Selon le Conseil d’analyse économique (CAE), les moyens publics alloués à la recherche en sciences biologiques et en santé sont en baisse et représentent seulement 18 % de la dépense globale en faveur de la recherche alors que la recherche fondamentale est décisive en ce qu’elle conditionne le processus d’innovation. Le CAE recommande dès lors d’augmenter les fonds publics alloués à la recherche fondamentale dans ce domaine ([9]).

Dans son rapport de mars 2021 l’Académie de médecine dénonce un sousinvestissement chronique de la recherche en sciences biologiques et en santé mais souligne l’opportunité offerte par la loi de programmation de la recherche pour mettre à niveau ce financement ([10]).Le rapporteur regrette de n’avoir eu la communication de chiffres plus précis par le MESRI sur la période 20092020.

Les informations tirées de ce rapport, bien qu’approuvées par plusieurs opérateurs de recherche, devront donc être lues avec prudence, en ce qu’elles ne permettent pas d’analyser dans le détail les financements spécifiquement alloués à la recherche sur les maladies infectieuses émergentes. En outre, l’examen de la Cour des comptes dans la note d’exécution budgétaire 2020 à partir de l’enquête menée par le service de la statistique du MESRI montre une stabilité des crédits affectés à l’objectif socioéconomique des sciences du vivant, qui représentent 21 % des crédits alloués à la recherche.

Ainsi, entre 2008 et 2020, le budget de la recherche en sciences biologiques et en santé a, selon l’Académie de médecine, connu une baisse de 25 % en euros constants alors que le coût des travaux publiés a été multiplié par plus de dix en quinze ans. Sur la période 2009‑2019, cela représente une baisse de 22 %. Par ailleurs, les comparaisons internationales montrent que la France consacre une part moindre de son budget à ce secteur : 17,2 % contre 50 % pour le Royaume‑Uni. L’Académie de médecine recommande dès lors d’augmenter les crédits attribués par le MESRI à la recherche en sciences biologique et en santé afin d’atteindre un niveau comparable à celui attribué par les principaux pays européens, c’est‑à‑dire entre 30 et 50 % du budget alloué à la recherche.

Néanmoins, au‑delà du périmètre de la MIRES, les crédits issus des programmes d’investissement d’avenir, du ministère chargé de la santé dans le cadre des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation ainsi que des régions au travers des contrats de plan État‑Région permettent de compléter ce budget.

Budget alloué à la recheRche en sciences biologiqueS et en santé

(en millions d'euros constants 2019)

Source : Académie de médecine.

Afin de répondre aux enjeux de recherche des futures crises sanitaires, le rapporteur pense qu’il est nécessaire de mettre en place un financement important et soutenu dans le temps par de grands programmes de recherche.

II.   Le financement de la recherche dans le secteur numÉrique

L’apparition de nouvelles technologies d’acquisition de données, de nouveaux outils numériques, l’augmentation des données disponibles ainsi que leur échange ont profondément modifié la gestion des crises sanitaires.

A.   Un domaine de recherche en pleine expansion

La recherche dans le secteur numérique se distingue en deux volets : le premier s’attache à permettre une meilleure compréhension des épidémies, grâce à la modélisation épidémique, le second concerne les outils numériques permettant de mieux agir pendant les crises.

1.   Mieux comprendre les crises grâce à la modélisation épidémique

Les outils et services d’intelligence épidémique sont en évolution permanente, au gré des avancées méthodologiques issues des laboratoires de recherche, notamment de l’intelligence artificielle, mais aussi de l’écologie et de l’épidémiologie des maladies infectieuses, ainsi que de la sociologie de l’innovation et du développement. Leur rôle est d’assurer la détection précoce, l’information des gestionnaires de la santé de façon rapide et efficace, la prise de décision précoce pour arrêter l’épidémie avant la phase d’emballement et de diffusion et le suivi des épidémies pour évaluer l’adéquation des mesures de contrôle.

Ces outils et services s’organisent autour de trois grands objectifs. Ils doivent d’abord permettre l’accès en temps quasi‑réel aux données sanitaires et aux données contextuelles, et le prétraitement de ces données pour faciliter leur traitement par les agences de santé publique. Ils mettent ensuite en œuvre la fouille de textes et l’accès aux marqueurs des émergences. Enfin, intervient la modélisation comme outil de prévision des circonstances spatio‑temporelles d’émergences et d’évaluation ex ante des mesures de contrôle.

a.   La modélisation des épidémies : l’émergence d’un nouvel enjeu de collecte et de partage de données

La modélisation est un outil de représentation mathématique qui reproduit de manière fidèle les informations connues relatives à une épidémie. Ces modèles mathématiques sont construits à partir d’hypothèses dont la pertinence est essentielle pour confirmer leur validité. S’agissant d’hypothèses, les calculs permettant d’obtenir ces modèles mathématiques comportent nécessairement un certain degré d’incertitude. La modélisation permet d’abord de décrire la situation épidémique afin de mieux la comprendre. À partir de ce modèle, il est ensuite possible d’évaluer l’incidence réelle d’une épidémie dans la population, de déterminer les besoins en matière d’hospitalisation et d’estimer l’intérêt des mesures mises en place pour limiter la propagation d’une épidémie.

L’émergence de la Covid‑19 et sa rapidité de propagation ont fait émerger un enjeu lié à la collecte et au partage de données. En effet, les données sont un élément essentiel à l’analyse et à la compréhension des évolutions et de l’impact des virus pathogènes. Elles concernent en l’occurrence les campagnes de test, les études cliniques, les connaissances scientifiques acquises sur des virus comparables ou encore des données sociales ou économiques en lien avec le confinement. Le Conseil d’analyse économique (CAE) rappelle que l’exploitation des données est un enjeu de santé publique majeur et que la France dispose d’atouts considérables en raison d’un « patrimoine de données de grande qualité » ([11]).

À la suite du rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle ([12]), la plateforme de données de santé ou projet dit Health data hub, qui a remplacé l’Institut national des données de santé, a été mis en place en France en décembre 2019. Cette plateforme doit permettre de centraliser toutes les données de santé afin de les mettre à disposition des chercheurs. Elle promet un système d’intelligence artificielle plus performant mais permet également d’introduire dans le champ d’exploitation de nouvelles données telles que les résultats d’examens biologiques. L’accès à ces données par les chercheurs publics ou privés est conditionné à la démonstration de l’intérêt public de leur projet de recherche devant un comité éthique et scientifique ainsi qu’à une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

À l’échelon européen, le Health data space, qui doit également permettre de soutenir la recherche sur la santé et l’élaboration de politiques de recherche, est l’une des priorités de la Commission européenne. Le CAE déplore toutefois que les données de santé ne soient à ce stade ni ouvertes, ni harmonisées, ni standardisées au niveau européen, et il encourage à ce titre la France à soutenir cette initiative européenne et à poursuivre le travail d’ouverture des données au niveau national.

b.   INRIA, INSERM, CNRS, CIRAD, Institut Pasteur : une pluralité d’opérateurs compétents en matière d’intelligence épidémique

Le secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques travaille en collaboration avec des opérateurs de recherche comme l’Institut Pasteur, l’INSERM et l’INRIA afin de déterminer la manière dont les outils d’intelligence artificielle peuvent soutenir les projets de recherche. Par exemple, l’Observatoire épidémiologique dans les eaux usées, dit projet Obépine, est un outil de surveillance épidémiologique qui analyse les eaux usées afin d’y détecter d’éventuelles traces de virus SARS-Cov-2. Ce projet est dirigé par un consortium qui regroupe des laboratoires de Sorbonne Université, de l’Université de Lorraine, de l’Université Clermont Auvergne, du CNRS, de l’INSERM, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), d’Eau de Paris et de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA).

L’INSERM, l’INRIA, le CNRS, le CEA mais également l’Institut Pasteur jouent un rôle majeur dans le domaine de la modélisation des pandémies, en particulier au sein du consortium Modcov19. Le MESRI a financé l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) du CNRS qui a mis au point la plateforme ModCov19 réunissant tous les acteurs et développeurs de ces techniques. Cet espace permet ainsi de partager les méthodes, les thématiques prioritaires de développement, les limites et les résultats des modèles épidémiologiques et des technologies. Plus concrètement, la plateforme permet de construire de projets collaboratifs plus étayés à présenter aux appels à projets nationaux et européens. L’équipe de Modcov19 est désormais intégrée dans le groupe de travail « Covid‑19 » du Health data hub, dédié aux données de santé.

L’Institut Pasteur a développé une modélisation épidémiologique de pointe permettant de suivre la dynamique de l’épidémie et d’évaluer l’impact des mesures de contrôle. Depuis le début de l’actuelle pandémie, l’unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses de l’institut a recours à la modélisation pour estimer la proportion de la population ayant été infectée par le virus, établir une projection des besoins hospitaliers, évaluer l’impact des variants et des vaccins sur la pandémie ou construire des scénarios de levée des mesures de freinage. Un site internet de l’Institut Pasteur est spécifiquement dédié à l’explication des travaux scientifiques de modélisation ([13]).

Les équipes du CNRS et du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (CRESS) de l’INSERM mènent une action conjointe en vue de constituer un ensemble de données regroupant les études cliniques sur la Covid‑19 en cours. Il s’agit de mettre en place un système d’information à partir des registres nationaux et de proposer une chaîne de traitement la plus automatisée possible afin de permettre le redéploiement de l’effort des équipes médicales vers les problématiques de méta‑analyses et de compréhension des études cliniques. Le travail réalisé depuis le mois d’avril 2020 est déjà exploité par le CRESS et référencé par l’OMS. Selon le CNRS, les outils développés et les résultats obtenus dans le cadre de cette collaboration sont très satisfaisants et prouvent que des outils de ce type pourraient être utilisés pour d’autres maladies au‑delà de cette crise.

Enfin, le CIRAD coordonne le projet MOOD dit Monitoring Outbreak events for Disease surveillance in data science context sur le suivi des épidémies aux fins de la surveillance des maladies dans le cadre de la science des données. Ce projet vise à améliorer les outils et services d’intelligence épidémique. Il est financé par le programme Horizon 2020 à hauteur de 14 millions d’euros et réunit 25 partenaires. Outre l’Union européenne, les autres financeurs sont le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, qui a financé le démarrage des activités de veille sanitaire internationale (intelligence épidémique) depuis 2013, l’ANSES et la direction scientifique du CIRAD, qui ont financé les premières thèses sur le sujet, ainsi que l’ANR, pour le financement d’une partie du montage du projet. L’Union européenne contribuera à nouveau, à hauteur de 2 millions d’euros, sur la période 2020‑2023.

2.   Mieux agir au cœur de la crise au moyen d’outils numériques

Les outils numériques peuvent permettre d’anticiper et de prendre les bonnes mesures. En ce domaine, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) joue un rôle majeur mais agit souvent en étroite collaboration avec d’autres acteurs, qu’ils soient publics ou privés.

a.   L’Institut national de recherche en informatique et en automatique, moteur pour la recherche dans le domaine des technologies numériques

L’INRIA est un opérateur en capacité de faire le lien entre la recherche fondamentale et la traduction d’outils numériques pour la puissance publique et les acteurs privés. Le ministère chargé de la transition numérique s’est donc appuyé sur ses équipes au cours de la crise actuelle. L’institut a ensuite développé des collaborations avec l’institut Frauenhofer et l’École polytechnique de Lausanne, ce qui a permis la mise en place d’outils à partir d’échanges avec l’extérieur.

Au cours de la crise de Covid‑19, l’INRIA a été sollicité par le ministère de la santé et des solidarités et le secrétariat d’État au numérique, en lien avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, pour développer l’application StopCovid dont l’objectif principal était l’identification des cas contacts. Le développement de cette application fait intervenir d’autres acteurs de la sphère publique – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), INSERM et Santé Publique France – et privée – Capgemini, Dassault Systèmes, Lunabee, Orange et Withing. Cette application a ensuite été mise en œuvre selon un protocole développé avec des équipes allemandes de l’institut Frauenhofer destiné à garantir le respect des normes européennes en matière de protection des données, de vie privée et de sécurité.

Bien que l’ANR concoure, comme pour la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, au financement de projets, l’INRIA n’a déposé aucun projet pendant la crise. En effet, l’institut a suivi une stratégie consistant à redéployer ses moyens en interne.

b.   Un pilotage à améliorer compte tenu de la diversité des opérateurs, tant publics que privés, impliqués

Le CNRS, l’INSERM, le CEA ainsi que les laboratoires de recherche des universités sont également compétents dans le secteur de la recherche numérique. L’INSERM a notamment promu des études permettant de constituer de nouvelles bases de données à l’instar de French Covid, une cohorte de patients français dont les données sont recueillies selon une méthode établie par le consortium britannique ISARIC et validée par l’Organisation mondiale de la santé, de SAPRIS ou d’EPICOV. L’INSERM et l’Institut français de bio‑informatique (IFB), infrastructure de recherche, travaillent sur la création d’une base de données génomiques du virus dans le cadre du programme Emergen de surveillance des variants du Sars‑Cov‑2.

Le CNRS s’implique dans plusieurs projets, notamment au moyen d’équipes communes avec les chercheurs de l’INRIA. Il s’agit de projets de gestion et de visualisation des données, de logistique de santé et de gestion de crise sanitaire, de bio‑informatique. En réponse à un appel à volontaires lancé par l’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions du CNRS auprès des personnels des laboratoires communs au CNRS et à ses partenaires, près de 250 chercheurs, enseignants‑chercheurs, ingénieurs spécialistes de la gestion et du traitement des données se sont déclarés prêts à apporter leur concours.

Afin de répondre aux enjeux numériques que la crise sanitaire a fait émerger, l’INRIA a rassemblé, en quelques jours, autour de lui un consortium privé qu’elle a piloté. L’institut est ainsi devenu un relais entre la sphère politique, l’univers commercial et le monde de la recherche fondamentale et académique, permettant de réunir un ensemble de compétences complémentaires.

Le pilotage transversal à travers des réunions interministérielles (RIM) ne permet pas une réactivité suffisante en temps de crise. Dès lors, l’INRIA propose de se tourner vers un autre modèle d’organisation, centré sur un chef de projet responsable de la prise de décision afin de gérer la crise de manière plus directe et plus rapidement. En effet, les conséquences de la lenteur sont beaucoup plus onéreuses que lorsque les moyens ont été déployés bien plus en amont. La question du pilotage est donc centrale : l’objectif serait ainsi d’être en capacité de définir très tôt des chefs de file.

B.   des financements difficilement identifiAbles

1.   Une action autonome des acteurs en période de crise

Le MESRI souligne que la situation d’urgence à laquelle ont été confrontés les opérateurs de recherche dans le secteur numérique les a poussés à adapter leur politique scientifique. Ils ont ainsi agi sans attendre de directives de leur autorité de tutelle ou même de financements ciblés. Selon le ministère, certaines équipes de recherche bénéficiant de compétences en informatique ont en effet mis leur savoir‑faire au service du développement d’applications en faveur des professionnels de santé et de la population, à l’instar de tableaux de bord des lits en réanimation ou du traçage et de l’identification des cas contacts.

Au cours de la crise liée à la Covid‑19, le rôle de coordination en matière de santé numérique a été confié à la plateforme de données de santé Health Data Hub qui a constitué la task force Data vs Covid à la suite de la lettre de mission du Premier ministre à Stéphanie Combes et Emmanuel Bacry. Néanmoins, cette saisine, dont le champ était large, a suscité une ambiguïté autour des objectifs réellement poursuivis par ce groupe. Enfin, un groupe de travail sur les technologies numériques en santé et les bases de données a été constitué au sein de REACTing, au cours du premier confinement.

2.   Des financements complexes et mal identifiés

Le MESRI reconnaît avoir des difficultés à identifier les financements européens dans le domaine de la recherche numérique. En effet, l’essentiel des financements liés à la gestion de crise est inscrit dans le programme Sécurités, qui recouvre tout type de menace, et non les seules menaces sanitaires. Néanmoins, certains appels à projets ciblent les pandémies, à l’instar du sujet DRS‑05‑2019, doté de 10 millions d’euros, relatif à la présentation de nouveaux projets pour la gestion des crises pandémiques. Le programme Horizon Europe devrait toutefois permettre un meilleur ciblage des crises pandémiques à travers deux appels à projets, pour un montant total de 16 millions d’euros sur la période 2021‑2022, auxquels s’ajoutent d’autres financements génériques pour la gestion des crises, pour un total de 21 millions d’euros.

Selon l’ANR, une partie des projets de recherche sur les maladies infectieuses émergentes comprend une composante numérique importante. L’ANR dénombre ainsi 14 projets sur l’appel à projet de la Direction des opérations scientifiques pour un montant de 7,4 millions d’euros depuis 2009, ainsi que 20 projets Covid‑19 pour un budget de 2,4 millions d’euros. Par ailleurs, deux projets PIA « Bio-informatique » ont été financés à hauteur de 3,4 millions d’euros. En ce qui concerne la recherche sur la Covid‑19, l’ANR a constitué un guichet de financement des équipes de recherche : sur 234 projets financés dans ce cadre, près de 5 % seraient des projets de recherche dans le secteur numérique. Pour sa part, l’INRIA estime avoir financé 519 000 euros pour l’année 2020, dont 237 000 euros alloués spécifiquement au projet d’application StopCovid, devenu TousAntiCovid.

L’exemple d’un projet financé par l’ANR
dans le domaine de la recherche numérique : SMITID

Le projet de méthodes statistiques pour inférer les transmissions de maladies infectieuses à partir de données de séquençage haut‑débit, dit SMITID, a été lancé le 1er novembre 2016 pour une durée de 24 mois.

Le porteur de ce projet propose une approche de modélisation et de statistiques qui exploitera les données massives de séquençage qui indiquent les hôtes contenant des variants proches pour inférer les liens de transmission de maladies infectieuses causées par des pathogènes à évolution rapide et pour mieux comprendre les liens entre transmissions et environnement et améliorer les stratégies de lutte.

À ce jour, le projet a développé un modèle mécanistique pour simuler l’évolution et la transmission de populations de séquences virales. La méthode de reconstruction des liens de transmissions a été appliquée aux données réelles, en l’occurrence aux données de la fièvre hémorragique Ebola, de la grippe porcine et de l’ENMV. Ces travaux ont été publiés (Alamil et al., 2019).

Le MESRI souligne cependant à nouveau la difficulté de l’évaluation de la part du financement de la recherche numérique. Selon le ministère, de nombreux acteurs – informaticiens, mathématiciens, statisticiens – se sont investis dans des projets réalisables dans le cadre du télétravail et ne nécessitant de ce fait pas d’investissement, ce qui rend les projets difficilement recensables. Ainsi, au CNRS, la plupart des actions n’ont pas bénéficié de financements spécifiques dans la mesure où elles se sont appuyées sur les ressources existantes des laboratoires : mobilisation des chercheurs et ingénieurs sur leur temps de travail et des ressources de calcul existantes comme le supercalculateur Jean Zay. Le rapporteur spécial encourage dès lors un meilleur recensement des projets de recherche dans le secteur numérique afin de permettre un meilleur suivi des dépenses.

Recommandation n° 8 : Établir un suivi de l’ensemble des financements de la recherche dans le domaine numérique pour la gestion des crises sanitaires.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mercredi 26 mai 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Francis Chouat, rapporteur spécial des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur : Recherche.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera également prochainement lisible en ligne.

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNEES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance chargée de l'industrie

– M. François Rosenfeld, directeur du cabinet

Cabinet du secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

 M. Antoine Darodes, directeur du cabinet

Audition commune

– Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) : Docteur Gilles Bloch, président‑directeur général, Professeur Yazdan Yazdanpanah, directeur de recherche à l'Inserm et directeur de l'Agence de l’Inserm consacrée aux maladies infectieuses émergentes ANRS, maladies infectieuses émergentes, Mme Laurianne Cruzol, directrice des affaires financières et Mme Anne‑Sophie Etzol, chargée des relations institutionnelles

– Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) : Professeur Yazdan Yazdanpanah, directeur

 

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

– Professeur Antoine Petit, président‑directeur général, M. André le Bivic, directeur de l’Institut des sciences biologiques et M. Thomas Borel, chargé des affaires publiques

Institut Pasteur :

– Professeur Stewart Cole, directeur général, M. François Romaneix, directeur général adjoint administration et finances et M. Louis Marty, directeur de cabinet

Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)

– M. Bruno Sportisse, président‑directeur général


Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)*

– M. Michel Eddi, président‑directeur général, Mme Elisabeth Claverie de Saint Martin, directrice générale déléguée à la recherche et à la stratégie, et M. Thierry Lefrançois, directeur du département Systèmes biologiques et Mme Emilie Klander, déléguée aux affaires publiques

Agence nationale de la recherche (ANR)

– M. Thierry Damerval, président‑directeur général, Mme Cécile Schou, chargée de mission auprès de la direction générale, et M. Dominique Dunon‑Bluteau, responsable du département Biologie‑Santé

Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

– M. Nicolas Chaillet, directeur général par intérim, Mme Anne Paoletti, chef du département biologie et santé et Mme Rozenn Saunier, adjointe au chef de la délégation aux affaires européennes et internationales

Direction générale des entreprises (DGE)

– Mme Barbara Siguret, sous‑directrice du pilotage de la stratégie et de la performance et Mme Camille Buisson, chef du pôle financement de l'innovation et propriété industrielle

Cour des comptes, Note d’exécution Budgétaire : M. Philippe Rousselot, président de la section « Enseignement supérieur et recherche », Mme Flora Séguin, responsable du secteur Recherche, Mme Amélie Parenteau, rapporteure, Mme Béatrice Blondel, M. Mathieu Moslonka‑Lebebvre, rapporteur, Mme Isabelle Cornu, rapporteure et M. Benjamin Boscher, rapporteur

Cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Programmes 172 et 193 :

– M. Nicolas Hengy, conseiller en charge du budget, de la relance et du suivi de l'exécution des réformes, M. Mehdi Gmar, conseiller en charge de la recherche et de l'industrie, M. Maurice Caraboni, chef du département de la gestion et du pilotage budgétaire des programmes et M. Guilhem de Robillard, sous-directeur du budget

Commissariat général au développement durable (CGDD)

– M. Thomas Lesueur, commissaire général, M. Thierry Courtine, chef du service de la recherche et de l’innovation, M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique (DGAC), M. Maxence Biger, chargé de mission à la direction générale de l'énergie et du climat, Mme Florence Macé, sous directrice des affaires générales et M. Romain Duglué, chef du bureau de la synthèse budgétaire

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


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   SOURCES UTILISÉES

– Jean‑Pierre Door (député) et Marie-Christine Blandin (sénatrice), rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Face à la grippe A (H1N1) et à la mutation des virus, que peuvent faire chercheurs et pouvoirs publics ?, janvier 2010.

– Haut conseil de la santé publique, Catherine Leport et Jean‑François Guégan (sous la direction de), Les maladies infectieuses émergentes : état de la situation et perspectives, décembre 2010

– Fabienne Keller, délégation sénatoriale à la prospective, Les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes, juillet 2012.

– Conseil d’analyse économique, Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, janvier 2021, n° 62.

– Académie nationale de médecine, Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé : partie I, le financement, mars 2021.


([1]) Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur, avril 2020.

([2]) Conseil d’État, 9 juillet 2020, Avis sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 (n° 400328).

([3]) corac-pme@gifas.fr

([4]) Aux termes du V de l’article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale, « Par dérogation au I de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, la compensation de l’exonération prévue à l’article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 20031311 du 30 décembre 2003) pour l’exercice 2020 est déterminée forfaitairement. ».

([5])  Essais cliniques en contexte épidémique, Pr Patrick Rossignol, juin 2020.

[6] Ce comité réunit le comité scientifique vaccin, la plateforme d’essais vaccinaux Covireivac, la task force vaccin animée par le ministère des solidarités et de la santé ainsi que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

([7]) Essais cliniques en contexte épidémique, Pr Patrick Rossignol, juin 2020.

([8]) Leport Catherine et Guégan Jean-François (sous la direction de), Les maladies infectieuses émergentes : état de la situation et perspectives, décembre 2010.

([9]) Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, CAE, janvier 2021, n° 62.

([10]) Réformer la recherche en sciences biologiques et en santé : partie I, le financement, Académie nationale de médecine, mars 2021.

([11]) Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, CAE, janvier 2021, n° 62.

([12]) Donner un sens à l’intelligence artificielle, Cédric Villani, mars 2018.

([13]) https://modelisation-19.pasteur.fr/