N° 4195

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur spécial général

Député

 

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ANNEXE N° 45
 

 

AFFAIRES EUROPÉENNES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Xavier PALUSZKIEWICZ

 

Député

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SOMMAIRE

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Page

 

 

SYNTHÈSE ET Chiffres-clés

RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DU Prélèvement sur recettes au profit de l’union européenne EN 2020

I. Un prÉlÈvement sur recettes très nettement supÉrieur aux prÉvisions en raison de la crise sanitaire…

A. 2,2 milliards d’euros d’Écart avec la prÉvision inscrite en loi de finances initiale

1. Un niveau de contribution française encore jamais atteint…

2. …dans un contexte d’exercice fortement perturbé par la crise sanitaire, principal facteur de la hausse de la contribution française

B. La nÉcessaire rÉÉvaluAtion du PSR-UE à deux reprises en Loi de finances rectificative

C. Le nouveau Cadre financier pluriannuel et la nouvelle Décision ressources propres

II. Des points de vigilance à prendre en compte

A. la progression des restes à liquider

B. une prévisible poursuite de la trajectoire haussière

C. le caractère imprécis de l’engagement financier de la France vis-à-vis des fonds empruntés par la commission européenne

SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION :  LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROGRAMMATION 2014-2020  DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE EN FRANCE

I. Une nouvelle organisation plus proche des territoires et des efforts faits en matière de lisibilité

A. lisibilité et proximité : Un partenariat État-régions, innovation de la programmation 2014-2020, qui reste à approfondir

1. La « décentralisation » du second pilier, les régions devenant autorités de gestion…

a. La loi 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et la préparation des plans de développement régionaux

b. Des compétences en matière d’instruction déléguées aux services de l’État

c. Les financements engagés par l’État et les régions

2. Les difficultés du début de programmation, aujourd’hui résolues

a. Les retards dans le paiement des aides

b. Un taux de consommation aujourd’hui satisfaisant

3. La nécessaire clarification des rôles entre État et régions, dans le cadre de la nouvelle programmation

a. Un enchevêtrement des compétences qui a été synonyme de complexité et non de simplification

b. La préparation de la position française en vue de la nouvelle programmation : les aides surfaciques, gérées par l’État, les aides non surfaciques, gérées par les régions

c. Continuer les efforts de lisibilité et garder un cadre national cohérent

B. des mesures de simplification À poursuivre

1. Le dilemme « simplicité/sur mesure » : le choix de dispositifs prenant en compte les situations concrètes au plus près de la réalité peuvent se traduire par des lourdeurs techniques se répercutant sur les usagers et les coûts administratifs

a. Une mise en œuvre française connue pour être « raffinée » pour coller au territoire ce qui crée des systèmes complexes

b. Le caractère potentiellement dissuasif des procédures complexes

2. Les solutions proposées par le règlement Omnibus

3. La dématérialisation de la PAC en France, pour un meilleur service aux usagers

4. Des pistes pour la nouvelle programmation

II. Évaluation de l’impact sur le revenu des agriculteurs et sur les jeunes agriculteurs, deux thématiques où interviennent les fonds des premiers et seconds piliers

A. Évolution du revenu agricole

1. Généralités sur le revenu agricole français

2. Des subventions agricoles, indispensable soutien au revenu, qui n’ont pas réduit les inégalités

a. Sans les subventions, près de la moitié des exploitants agricoles auraient un résultat courant avant impôt négatif

b. Paiements couplés

c. La poursuite de la convergence

3. Les propositions du rapporteur spécial

B. l’accompagnement des jeunes agriculteurs, des avancÉes À poursuivre

1. Présentation et exécution des aides du premier et du second pilier en France

a. Premier pilier

b. Second pilier : la dotation jeunes agriculteurs

2. Évaluation et propositions

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNéES par le rapporteur spécial

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET Chiffres-clés

La contribution française au budget de l’Union européenne a atteint en 2020 un niveau historiquement haut, atteignant 25,3 milliards d’euros.

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, révisé à deux reprises en loi de finances rectificative, s’est établi à 23,7 milliards d’euros en 2020, alors que la loi de finances initiale pour 2020 prévoyait un PSR-UE de 21,480 milliards d’euros.

Le principal facteur d’accroissement des dépenses et de diminution des recettes, ayant conduit à une forte progression du PSR-UE, est la pandémie de Covid-19 (diminution des ressources douanières et de la ressource TVA, dispositifs exceptionnels mis en œuvre par l’Union européenne pour répondre à la crise).

L’année 2020 fut par ailleurs celle de l’adoption de la nouvelle décision ressources propres (DRP) et du cadre financier pluriannuel pour la période 2021‑2027. L’approbation de la DRP par tous les États membres et la présentation par les États de leurs plans de relance est un impératif à la mise en œuvre du plan « Next generation EU ».

Une poursuite de la trajectoire haussière du PSR-UE est à attendre, les facteurs de progression apparaissant comme durables.

 

 

Le rapporteur spécial a fait porter la partie thématique de son rapport sur l’exécution en France de la politique agricole commune sur la période 2014‑2020.

Première politique européenne en volumes financiers, la programmation 2014‑2020 de la PAC présente la particularité, en France, d’avoir transféré pour la première fois la gestion du second pilier, consacré au développement rural, aux régions. Aux financements européens se sont ajoutés des cofinancements de l’État et des régions.

Les difficultés de lisibilité sur les prérogatives respectives de l’État et les régions, dommageables pour l’efficacité des dispositifs, font apparaître, pour la prochaine programmation, un besoin de meilleure répartition des compétences entre États et régions.

Les mesures de « décomplexification » de la politique agricole commune, véritable serpent de mer, sont à poursuivre, sans perdre de vue que l’exigence de finesse des mesures porte nécessairement une part de complexité, à limiter le plus possible.

Les études portant sur la contribution des subventions européennes au revenu des agriculteurs témoignent du maintien de profondes disparités et du poids de celles-ci dans leur revenu.

La France est le premier pays de l’Union européenne pour le volume financier de ses dispositifs de soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, la prochaine programmation doit être l’occasion d’accentuer les mécanismes essentiels au renouvellement des générations et des exploitations.

 


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   RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

– recommandation n° 1 : porter au niveau européen l’urgence de l’adoption par l’Union européenne de nouvelles ressources propres ;

– recommandation n° 2 : joindre aux prochaines lois de finances tous les éléments d’informations relatifs aux emprunts levés par la Commission européenne.

Dans le contexte de la préparation de la programmation 2023‑2027 de la PAC :

– recommandation n° 3 : poursuivre les efforts de lisibilité portant sur la répartition des compétences entre l’État et des régions et de garder un cadre national assurant la cohérence des dispositifs ;

– recommandation n° 4 : opérer le meilleur arbitrage possible entre la finesse des dispositifs et la recherche de simplicité ;

– recommandation n° 5 : maintenir et approfondir les instances de coordination et de réflexion faisant intervenir les structures de l’État et des régions, mais également les organisations professionnelles ;

– recommandation n° 6 : approfondir les mécanismes de soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, au regard de la problématique du renouvellement des générations ;

– recommandation n° 7 : continuer à articuler les dispositifs relevant de la PAC avec d’autres politiques structurelles européennes ou nationales (accès au foncier, accès aux services publics locaux, etc.).

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DU Prélèvement sur recettes
au profit de l’union européenne EN 2020

Le budget européen, adopté annuellement par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, après proposition de la Commission européenne, présente la particularité de s’inscrire dans un cadre financier pluriannuel (CFP). Celui-ci fixe un plafond de dépenses global de même qu’un plafond annuel par rubriques, pour une période de sept ans. Il est prévu par l’article 312 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Le budget européen pour 2020 clôturait ainsi le CFP 2014‑2020.

Les conséquences de la pandémie mondiale de Covid‑19 ont fortement pesé sur l’exécution du prélèvement sur recettes en 2020. Pas moins de neuf budgets rectificatifs européens ont été adoptés au cours de l’année passée pour compenser les effets mécaniques de la contraction des économies européennes et pour assurer en urgence le financement des mesures de réponses à la pandémie.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSR-UE), prévu par l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), porte la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de l’Union européenne (UE). Il est composé d’une contribution de la France assise sur son revenu national brut, appelée contribution RNB, d’un prélèvement sur la TVA de 0,30 % et de la correction britannique. Les ressources propres traditionnelles (RPT) que sont les droits de douane, complètent la participation française au budget de l’Union européenne, indépendamment du prélèvement sur recettes au profit de l’Union Européenne. Ils ne sont donc pas votés par les parlements nationaux, et sont perçus par l’État directement pour le compte de l’Union européenne.

I.   Un prÉlÈvement sur recettes très nettement supÉrieur aux prÉvisions en raison de la crise sanitaire…

A.   2,2 milliards d’euros d’Écart avec la prÉvision inscrite en loi de finances initiale

1.   Un niveau de contribution française encore jamais atteint…

L’exécution du PSR-UE en 2020 fait apparaître une très forte différence avec la prévision inscrite en loi de finances initiale pour 2020. Il a en effet atteint 23,7 milliards d’euros, contre 21,48 milliards d’euros sur la loi de finances initiales et 2,7 milliards d’euros de plus qu’en 2019.

Le prÉlÈvement sur recettes en faveur de l’Union européenne en 2020

(en milliards d’euros)

Source : direction du budget, ministère de l’économie, des finances et de la relance.

La contribution totale de la France a quant à elle atteint le niveau encore jamais atteint de 25,3 milliards d’euros en 2020.

Présentation des ressources propres de l’Union européenne,
abondées par les États membres

Elles comprennent :

– les ressources propres traditionnelles (RPT) : composées des droits de douane, les administrations nationales agissant en simples intermédiaires en assurant la perception des ressources ;

– la ressource fondée sur la TVA obtenue en appliquant un taux d’appel uniforme (sauf dérogation) de 0,30 % à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres ;

– les recettes diverses, à savoir le solde reportable de l’exercice antérieur, le produit des amendes, les contributions et remboursements des États, etc. ;

– la ressource fiscale fondée sur le revenu national brut (RNB), qui s’ajuste au niveau requis pour maintenir l’équilibre du budget de l’Union européenne, première source budgétaire de l’Union européenne (71 % en 2020).

Le PSR-UE, composé de la ressource propre TVA, de la correction britannique, et de la ressource propre RNB, est de nouveau en 2020 la principale contribution française au budget de l’Union européenne.

Les composantes du PSR-UE en 2020

(en millions d’euros)

Source : direction du budget, ministère de l’économie, des finances et de la relance.

2.   …dans un contexte d’exercice fortement perturbé par la crise sanitaire, principal facteur de la hausse de la contribution française

La forte progression du PSR-UE par rapport au montant prévisionnel tient au rôle de recette d’équilibre de la ressource RNB, qui s’ajuste à la hausse ou à la baisse en fonction du montant de la contribution à verser à l’Union européenne. La correction à la hausse de cette contribution est principalement due à la crise sanitaire.

Le règlement de dépenses qui n’étaient pas prévues dans le budget initial du CFP, et portées au cours de l’année 2020 par des budgets modificatifs, est le premier facteur de l’augmentation du PSR-UE en 2020. Si chaque fin de programmation pluriannuelle a tendance à s’accompagner d’une hausse des dépenses, il n’y a pas eu en 2020 d’accélération des paiements des dépenses engagées.

La crise sanitaire a mécaniquement provoqué, en raison de la diminution des échanges, une diminution de la ressource propre TVA (-126 millions d’euros) et des RPT. Ces ressources sont en effet structurellement assises sur la consommation, qui a été contrainte en Europe du fait de la crise sanitaire et des fermetures administratives conséquentes. La forte diminution des droits de douane a eu pour conséquence un besoin supplémentaire en ressource RNB, et donc une progression du PSR-UE de 545 millions d’euros.

Les dispositifs de facilitation des paiements des politiques structurelles de l’Union européenne (fonds de cohésion et fonds de développement rural), l’engagement de crédits supplémentaires pour des politiques d’action extérieure et de santé, la mobilisation du fonds de solidarité de l’Union européenne, et l’adoption de nouveaux dispositifs ont également directement contribué à une nette augmentation du PSR-UE.

 

Dispositifs mis en œuvre par l’Union européenne en réponse à la crise sanitaire
et leur impact sur le PSR-UE

Mise en œuvre de l’Emergency Support Instrument (ESI) pour soutenir l’effort de développement d’un portefeuille de vaccins avec accès prioritaire pour les États membres aux doses produites

+ 290 millions d’euros

Extension du champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE (FSUE), qui couvrait à l’origine les catastrophes naturelles, pour inclure les crises sanitaires

+ 142 millions d’euros

Mise en œuvre de l’instrument SURE à partir de juin 2020 permettant de refinancer à hauteur de 100 milliards d’euros au total certains dispositifs d’assurance chômage des États membres

Obligations sociales émises sur les marchés financiers

Règlements CRII et CRII+ (Initiative d’investissement en réponse au Coronavirus) présentés par la Commission européenne entre mars et avril 2020 comprenant des dispositions dérogatoires au cadre réglementaire de la politique de cohésion 2014-2020 donnant aux autorités de gestion la possibilité de redéployer une partie de leurs fonds – NEB : initiatives permettant aux États membres de soutenir des investissements urgents en faveur notamment des systèmes de santé, du marché du travail et des secteurs économiques jugés vulnérables

+ 760 millions d’euros

Source : direction du budget et note d’exécution budgétaire pour 2020 de la Cour des comptes.

B.   La nÉcessaire rÉÉvaluAtion du PSR-UE à deux reprises en Loi de finances rectificative

Le montant du PSR-UE a été réévalué à deux reprises au cours de l’année 2020, réévaluations tirant les conséquences des budgets rectificatifs européens portant notamment les dispositifs présentés plus haut.

– Après les budgets rectificatifs (BR) n° 1 et n° 2, la loi de finances rectificative (LFR) 3 a réévalué le montant du PSR-UE à 23 424 millions d’euros, soit une progression de 1 944 millions d’euros. Cette réévaluation a pris en compte les corrections sur les exercices antérieurs (+ 297 millions d’euros) et les premières conséquences de la crise sanitaire en recettes, telle l’anticipation d’une baisse des droits de douane, et en dépenses, à savoir les effets de la mise en œuvre des premiers mécanismes d’intervention.

– La LFR 4 a réévalué le montant du PSR-UE à 23,685 millions d’euros, soit 261 millions d’euros supplémentaires, afin de tenir compte des BR suivants. Cette réévaluation traduit en particulier l’adoption du BR n° 7 qui actualise les ressources de l’UE (bases TVA, RNB, RPT) dans le prolongement du Comité consultatif des ressources propres de mai 2020.

La direction du budget (DB) du ministère de l’économie des finances et de la relance précise que l’écart de 4 millions d’euros constaté entre le montant inscrit en LFR 4 par rapport l’exécution finale provient de la différence de l’appel de fonds prévu pour le mécanisme de « l’opt-out », c’est-à-dire la non-participation de certains États à certaines politiques de justice et d’immigration, qui était de 29 millions d’euros, et le montant appelé (24 millions d’euros).

Les conditions de l’actualisation, au cours de l’année 2020, de la contribution des États membres aux ressources de l’Union européenne, ont été décidées en mai 2020 en Comité consultatif des ressources propres (CCRP), avant d’être inscrit au BR n° 7.

Ce CCRP a notamment tiré la conséquence d’une diminution des droits de douane collectés aux frontières du fait de la diminution des importations, ainsi que de la variation du taux de change de plusieurs États (hors zone euros), dont la livre britannique, se traduisant par une baisse des ressources propres mises à disposition par les pays concernés.

C.   Le nouveau Cadre financier pluriannuel et la nouvelle Décision ressources propres

L’année 2020, dernière année du CFP 2014-2020, a vu l’adoption par le Conseil d’une nouvelle décision ressources propres, le 14 décembre 2020, le règlement fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027 ayant été adopté quant à lui le 17 décembre 2020.

D’un montant de 1 074 milliards d’euros, le CFP 2021-2027 a notamment la particularité :

● d’intégrer des instruments pour le financement de dépenses imprévues spécifiques, ainsi par exemple la Réserve d’ajustement au Brexit, dotée de 5 milliards d’euros, qui a vocation à compenser l’impact économique de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pour les territoires les plus affectés ;

● de faire référence, à l’article 5 de son règlement, au respect des principes de l’État de droit, tels qu’ils résultent de l’article 2 du Traité sur l’Union européenne. La proposition de la Commission européenne, soutenue par la majorité des États membres, mais contestée par la Hongrie et la Pologne, a donné lieu à de longues négociations. Ces deux États ont déposé le 11 mars 2021 un recours en annulation contre le mécanisme de conditionnalité des versements des fonds européens au respect des règles de l’État de droit devant la Cour de justice de l’Union européenne, retardant son entrée en vigueur ;

● d’être accompagné de l’instrument de relance « Next Generation EU », pour lequel la commission européenne lèvera 750 milliards d’euros au nom de l’Union européenne sur les marchés financiers. Le rapporteur spécial se félicite que l’initiative française et allemande ait rassemblé les 24 autres États membres pour ce projet historique, qui soutiendra les investissements jugés prioritaires par les États européens. Il félicite également le travail des administrations économiques françaises pour avoir su infléchir les positions de ses partenaires européens sur ce sujet, et ce malgré l’article 310 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne qui interdit en principe tout budget européen voté en déficit. Ce mécanisme ad hoc répond à une préoccupation éminemment politique qui a su transcender certains clivages traditionnels relatifs à l’équilibre budgétaire européen.

Pour qu’il soit mis en œuvre, les vingt-sept États membres doivent approuver la nouvelle décision ressources propres (DRP), qui détaille le mode de financement du budget de l’Union européenne pour la période du CFP. La DRP habilite non seulement la Commission à emprunter les fonds du plan « Next generation EU », mais prévoit également un relèvement des plafonds de ressources propres ([1]) ainsi qu’une nouvelle ressource assise sur la part de déchets d’emballages plastiques non recyclés.

En France, la loi du 8 février 2021 a autorisé l’approbation de la décision du Conseil, faisant de la France le cinquième État membre ayant mené le processus à son terme (près Chypre, la Croatie, le Portugal et la Slovénie). L’Allemagne ne l’a par exemple approuvé qu’en avril. Le rapporteur spécial se félicite que le Gouvernement ait inscrit le projet de loi à l’ordre du jour parlementaire dès le mois de janvier.

Fin mai, la Commission européenne a reçu les dernières notifications nationales d’approbation de la DRP, ce qui l’autorise à commencer à lever les fonds sur les marchés financiers.

Si l’étape de la préparation par les États membres de leurs plans nationaux de relance, suivie dans les trois mois de leur évaluation par la commission puis de leur validation par le Conseil, est bien entendu essentielle, le rapporteur spécial espère ensuite un déploiement rapide du plan de relance européen, dont les financements sont très attendus. Le rapporteur spécial soutient notamment l’activité conduite par les services déconcentrés de l’État pour décliner le plan « France Relance » dans chaque territoire selon leurs priorités essentielles. Il salue le travail conduit par les nouveaux sous-préfets à la relance, dispositif innovant qui répond au souci d’adaptabilité du service public en circonstances de crises.

II.   Des points de vigilance à prendre en compte

A.   la progression des restes à liquider

Comme en 2019, la Cour des comptes identifie les restes à liquider (RAL), c’est-à-dire les engagements budgétaires pris par l’Union européenne qui n’ont pas été abondés par des crédits de paiements, comme un risque pesant sur le niveau du PSRUE en 2020 ([2]). La fin de la programmation a contribué à amplifier un mouvement qui, si elle découle des règles budgétaires européennes – reflétant le décalage temporel entre l’autorisation budgétaire traduite par un crédit d’engagements et la mobilisation des fonds via les crédits de paiement (CP) – est « susceptible d’entraîner, faute d’une maîtrise suffisante en gestion, un gonflement des besoins de CP reportés d’année en année, ce qui a un effet sur le PSR-UE ». Ce dernier traduit en effet les besoins de crédits de paiement dans le budget européen.

Les RAL sont les principaux engagements financiers du Royaume-Uni encore dus au budget européen. L’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en fixe les modalités particulières de versement, sous la forme d’un différé de paiement.

Le stock de Restes à liquider de 2014 à 2021

(en millions d’euros)

Source : note d’exécution budgétaire pour 2020 de la Cour des comptes, d’après les données de la direction du budget (DB) et de la commission européenne.

Si le montant des restes à payer a arrêté sa progression en 2020, se stabilisant depuis 2019 autour de 300 milliards d’euros, la Cour des comptes signale que les décalages de paiement pèseront sur le prochain CFP.

B.   une prévisible poursuite de la trajectoire haussière

Le rapporteur spécial partage les commentaires de la direction du budget et de la Cour des comptes, qui estiment que la plupart des facteurs expliquant la forte croissance du montant du PSR-UE en 2020 continueront à marquer les prochains exercices, rendant fort probable un maintien du PSR-UE à de montants élevés. Le rapporteur spécial prend en exemple le montant inscrit en LFI pour 2021, à savoir 27,2 millions d’euros.

Parmi les facteurs haussiers figure en effet notamment la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui fait mécaniquement progresser la quote-part française au financement du budget européen de 16 à 19 %. Le nouveau CFP 2021-2027 porte une progression des dépenses du budget européen, l’augmentation du coût des rabais et les modifications des règles de calculs des contributions nationales (introduction d’une ressource propre plastique, modification de la ressource TVA, augmentation des frais d’assiette et de perception de 20 % à 25 %) ainsi que le risque de voir se poursuivre la baisse du niveau des RPT. Cette baisse aurait pour conséquence mécanique d’augmenter le niveau du PSR-UE via la ressource RNB.

L’exécution du PSR-UE de 2008 à 2020

(en millions d’euros)

Périmètre PSR-UE = périmètre de 2010 (excluant la ressource propre traditionnelle).

Source : note d’exécution budgétaire pour 2020 de la Cour des comptes.

La forte exécution de l’exercice 2013, qui apparaît sur le graphique, est à mettre dans le contexte de la fin de la programmation du CFP 2007-2013.

Pour la Cour, l’exécution 2020, malgré une similitude apparente, à savoir une surexécution par rapport au montant provisionné en fin de programmation, n’est en aucun comparable avec l’exercice 2013, aucun « retournement à la baisse » n’étant prévisible pour les prochaines années. « Le fort ressaut de 2020 annonce une période nouvelle où le PSR-UE s’installera durablement à des niveaux jamais atteints dans le passé, au-delà des 26-28 milliards d’euros par an. » La loi de finances initiales pour 2021 a ainsi prévu une nouvelle progression avec un PSR‑UE évalué à 27,2 milliards d’euros.

Cette hausse structurelle du PSR-UE à de tels niveaux doit être vue comme une conséquence directe du Brexit et du fait que la France devient le second contributeur en volume au budget de l’Union.

Le rapporteur spécial signale également que le remboursement du plan de relance européen, intégralement financé par un emprunt souscrit par la Commission européenne pose la question de l’adoption par l’Union européenne de nouvelles ressources propres, au plus tard d’ici 2028. Dans le cas contraire, l’impact à la hausse du PSR-UE français sera de 2,5 milliards d’euros, selon la direction du budget.

Pour le rapporteur spécial, l’adoption de nouvelles ressources propres est un enjeu crucial. La Commission européenne doit présenter dans le courant de l’année 2021 de nouvelles propositions, notamment sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Le rapporteur spécial souhaite voir aboutir le projet européen de taxe numérique, déjà mis en œuvre par la France sous le nom de taxe sur les services numériques, et espère que les négociations menées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur la nouvelle fiscalité des entreprises seront également l’occasion de faire avancer ce sujet.

Il salue les propositions faites en matière de fiscalité par la nouvelle administration américaine, et formule le souhait qu’elles permettent de conduire à un taux harmonisé de fiscalité des entreprises au sein des pays développés. Le rapporteur spécial réitère ainsi ses recommandations en matière d’harmonisation fiscale et de taux minimum d’imposition dans les pays de l’OCDE, formulées dans son rapport d’information relatif à l’Espace fiscal européen ([3]), présenté devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

Recommandation n° 1 : porter au niveau européen l’urgence de l’adoption par l’Union européenne de nouvelles ressources propres.

C.   le caractère imprécis de l’engagement financier de la France vis-à-vis des fonds empruntés par la commission européenne

La Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire pour l’exercice 2020 du PSR-UE, recommande de « clarifier la nature de l’engagement pris par la France afin de garantir que l’Union puisse remplir ses obligations de remboursement de l’emprunt destiné à faire face aux conséquences de la crise de la COVID-19, ainsi que son traitement budgétaire et comptable au regard de la loi organique relative aux lois de finances. »

La Cour vise en cela la loi ratifiant la DRP du 8 février 2021 présentée plus haut qui, pour le remboursement futur des emprunts pris dans le cadre du plan « Next generation EU », autorise la Commission européenne en dernier recours (après avoir épuisé toutes les possibilités de financement à court terme), à demander de manière provisoire aux États membres, sans que cela n’augmente leurs engagements finaux, un montant de ressources supérieur à leur part relative respective, et ce dans la limite de 0,6 % du RNB des États membres.

 

 

Si dans les faits seuls l’exposé des motifs du projet de loi de ratification soumis au Parlement évoque le terme de « garantie » ([4]) (en indiquant que les règles de remboursement et de partage du risque engagent l’ensemble des États membres à garantir en commun l’emprunt opéré par la Commission européenne au nom de l’Union), le rapporteur spécial rejoint l’appel à la vigilance exprimé par la Cour.

Il regrette l’absence, dans le projet de loi de ratification de la DRP, d’éléments financiers sur cette question.

Il appuie le souhait de la Cour de voir joints à l’appui des prochains projets de loi de finances tous les éléments d’informations relatifs aux emprunts levés par la Commission européenne.

Recommandation n° 2 : joindre aux prochaines lois de finances tous les éléments d’informations relatifs aux emprunts levés par la commission européenne.

Le rapporteur spécial rappelle l’obligation future de la Commission européenne, dans l’éventualité d’un recours à ce mécanisme, « d’informer les États membres de ces appels suffisamment à l’avance. La Commission établira un dialogue structuré avec les services nationaux de gestion de la dette et les trésors publics nationaux en ce qui concerne ses calendriers d’émission et de remboursement. » ([5])


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   SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION :
LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROGRAMMATION 2014-2020
DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE EN FRANCE

Première politique commune aux États membres européens, la politique agricole commune (PAC), mise en œuvre depuis 1962, est également celle qui bénéficie des volumes financiers européens les plus importants. En prenant en compte les différents ajustements techniques, dont ceux liés aux transferts entre piliers, le montant total de la PAC pour les 28 pays de l’Union européenne prévue par le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 s’élève à 408 milliards d’euros.

La PAC repose depuis l’Agenda 2000 sur deux piliers, un premier pilier consacré au soutien des marchés et aux revenus agricoles (52,3 milliards d’euros sur la programmation 2014-2020, soit près de 7,5 milliards d’euros par an) et un second pilier consacré au développement rural (11,4 milliards d’euros, soit 1,6 milliard d’euros par an.)

Avec 16 % des financements de la PAC, la France est de loin le premier bénéficiaire de la PAC sur la programmation 2014-2020. La production de la branche agricole française est la plus importante en valeur de l’Union européenne. Elle représentait 18 % de la valeur de la production de la branche agricole en 2019 (devant l’Allemagne, 14 %, l’Italie, 14 %, l’Espagne, 12 % et les Pays-Bas, 7 %). Elle est également l’État membre de l’Union européenne qui dispose de la plus grande surface agricole utile (SAU) avec 18 % de la SAU de l’UE, devant l’Espagne, l’Allemagne et la Pologne.

Le rapporteur spécial attire l’attention sur la période temporelle et les volumes financiers pris en compte dans ce rapport. La fin de l’actuelle programmation devait intervenir en 2020, concordant avec la fin du CFP. Les États membres ont décidé que deux années de transition (2021 et 2022) compléteront la programmation actuelle. La nouvelle programmation, actuellement en discussion, devrait donc couvrir la période 2023 à 2027. Les chiffres cités dans ce rapport prennent en compte les montants adoptés par les États membres pour le CFP 2014‑2020 et non les financements complémentaires adoptés pour 2021 et 2022.

Les objectifs assignés à la PAC 2014-2020 par les règlements européens sont notamment :

– un renforcement de la compétitivité de l’agriculture européenne, avec des évolutions apportées aux mécanismes de marché, et des mesures de restructuration et de modernisation ;

– un renforcement du caractère durable de l’agriculture européenne avec des éléments allant dans le sens d’un « verdissement » autant sur le premier que sur le second pilier ;

– un soutien accru aux exploitations les plus fragiles, avec la possibilité pour les États membres, par exemple, de mettre en place le paiement redistributif pour les petites et moyennes exploitations les plus riches en main-d’œuvre et des soutiens couplés pour les secteurs les plus vulnérables.

Il paraît opportun, au moment où les États membres et les institutions européennes travaillent à la définition des objectifs et des moyens de la prochaine programmation pluriannuelle 2023-2027, d’évaluer la mise en œuvre de la programmation actuelle de la politique agricole commune en France depuis 2015. En effet, l’aboutissement tardif des négociations européennes avait conduit à un décalage dans le début de l’exécution et un rattrapage ultérieur.

Au regard du champ très vaste que représente l’exécution de la PAC, le rapporteur spécial a choisi tout particulièrement, dans une première partie :

● d’étudier une de ses innovations majeures, à savoir le choix fait par la France de saisir la possibilité ouverte par les règlements européens de confier aux régions la gestion du second pilier de la PAC, en limitant le champ de son étude à la mise en œuvre du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) ;

● de s’interroger sur la lisibilité des mécanismes et des programmes pour les agriculteurs français à la lumière des critiques maintes fois réitérées reposant sur le caractère complexe de la politique agricole commune ;

– dans une seconde partie, de consacrer un éclairage particulier à l’évaluation de deux priorités de la politique agricole commune, l’évolution du revenu des agriculteurs français ainsi que les mécanismes d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs.

I.   Une nouvelle organisation plus proche des territoires et des efforts faits en matière de lisibilité

A.   lisibilité et proximité : Un partenariat État-régions, innovation de la programmation 2014-2020, qui reste à approfondir

1.   La « décentralisation » du second pilier, les régions devenant autorités de gestion…

Depuis 2007, la politique de développement rural de la PAC, dont le principal instrument est le FEADER, relève du second pilier. Ses priorités sont les suivantes : le renforcement de la compétitivité de l’agriculture européenne, une gestion durable des ressources naturelles ainsi qu’un soutien au développement territorial des économies et des communautés rurales.

a.   La loi 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et la préparation des plans de développement régionaux

Pour la programmation de développement rural 2014‑2020, la France a opté pour une décentralisation de la gestion aux régions, accompagnée d’un cadrage national. Les États membres qui ont choisi de déléguer la gestion des aides du FEADER à un échelon infranational sont minoritaires, par exemple l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, le Portugal et la Finlande.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) a confié l’autorité de gestion des fonds européens aux régions, ainsi que la responsabilité financière qui en découle en cas de corrections financières.

Vingt-sept plans de développement régionaux (PDR) ont été mis en place en France, correspondant au nombre de régions métropolitaines et départements d’outre-mer avant la réforme territoriale de 2015, auxquels s’ajoutent deux PDR nationaux relatifs à la gestion des risques d’une part et à l’assistance technique d’autre part. Certaines mesures de cadrage national se sont imposées au PDR, pour tendre à une égalité de traitement vis-à-vis de certains publics cibles, tels les jeunes agriculteurs, ainsi qu’une solidarité nationale vis-à-vis des zones dites défavorisées.

b.   Des compétences en matière d’instruction déléguées aux services de l’État

Les régions sont devenues responsables de l’instruction des dossiers jusqu’au stade qui précède le paiement. Dans la pratique, l’instruction a été largement déléguée aux services déconcentrés de l’État au moyen de conventions de délégations de tâches signées entre chaque région et chaque service décentré.

Le paiement, comme pour les aides du premier pilier, a continué d’être assuré par l’agence de services et de paiement (ASP), organisme payeur du FEADER (sauf en Corse où cette fonction est assurée par l’office de développement agricole et rural de Corse-ODARC).

c.   Les financements engagés par l’État et les régions

Aux fonds européens s’ajoutent des cofinancements français, principalement nationaux et régionaux. L’examen de crédits engagés pour les programmes relevant du FEADER du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020 fait apparaître un total de fonds européens de 11 milliards d’euros (1,58 milliard d’euros en moyenne par année), pour 3 milliards de financement inscrits en loi de finances (soit 438,68 millions par an) et 1,22 milliard d’euros pour les conseils régionaux (soit 172 millions d’euros par an) ([6]).

 

 

 

 

 

(en euros)

 

Financement

Programmes de développement rural 2014-2020

FEADER

ministère de l’agriculture et de l’alimentation

Agences de l’eau

Conseils régionaux

autres

Alsace

91 783 213

24 895 948

9 579 894

13 385 710

18 099 832

Aquitaine

588 300 753

254 312 868

20 052 460

76 643 847

58 051 386

Auvergne

1 286 507 728

377 379 170

11 729 554

75 679 413

68 832 499

Basse-Normandie

311 212 994

69 273 513

53 790 694

57 930 432

48 226 983

Bourgogne

517 881 626

168 466 366

64 645 937

33 172 778

31 202 069

Bretagne

324 830 093

104 329 469

35 388 925

115 982 587

33 900 052

Centre

315 296 003

86 096 060

31 522 030

35 037 380

22 400 320

Champagne-Ardenne

166 267 895

53 051 205

67 425 811

23 558 801

13 353 019

Corse

121 446 393

36 290 624

253 525

38 122 512

3 550 350

Franche-Comté

416 071 595

124 521 820

8 934 311

9 440 605

21 694 707

Guadeloupe

117 908 547

5 115 868

0

10 066 068

5 270 248

Guyane

77 942 492

3 577 510

0

6 579 851

14 429 875

Haute-Normandie

84 064 992

16 740 162

8 928 024

22 385 334

15 917 201

Ile-de-France

43 963 395

12 902 048

24 224 917

36 816 052

5 512 032

La Réunion

308 445 379

19 351 485

0

24 285 412

59 733 589

Languedoc-Roussillon

587 612 906

160 117 911

71 895 665

59 430 501

50 349 057

Limousin

588 400 694

179 941 883

9 364 593

39 486 186

15 382 522

Lorraine

303 189 129

87 187 960

43 506 517

22 502 244

17 327 959

Martinique

88 347 426

3 874 622

0

6 915 398

5 102 182

Mayotte

46 340 579

1 750 718

0

5 408 093

11 068 905

Midi-Pyrénées

1 433 947 326

462 516 629

53 711 579

164 864 116

86 236 448

Nord-Pas de Calais

90 502 709

14 743 157

17 092 227

25 140 562

8 548 583

Pays de la Loire

408 800 728

130 468 311

32 825 303

85 139 791

33 126 983

Picardie

104 827 241

15 553 421

28 474 600

21 255 526

10 130 389

Poitou-Charentes

360 752 061

99 047 634

42 707 419

27 498 528

52 359 031

Provence-Alpes-Côte d’Azur

527 976 572

190 539 456

25 258 041

47 773 667

36 693 375

Rhône-Alpes

1 139 459 486

364 605 047

28 613 804

125 122 715

108 032 100

PNGRAT

578 365 272

0

0

0

5 662 461

PsRRN

15 468 522

4 106 495

0

103 775

9 584 867

Total

11 045 913 751

3 070 757 363

689 925 830

1 209 727 884

869 779 024

Moyenne par année

1 577 987 679

438 679 623

98 560 833

172 818 269

124 254 146

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance économique et environnementale (DGPE), données extraites des bases ISIS et OSIRIS.

2.   Les difficultés du début de programmation, aujourd’hui résolues

a.   Les retards dans le paiement des aides

Le versement des aides de la PAC des campagnes 2015, 2016 et 2017 ont souffert d’un lourd retard, en raison de trois facteurs principaux : l’adoption tardive du cadre de la programmation 2014-2020, les corrections relatives au référentiel des surfaces agricoles imposés par la Commission européenne à la France ([7]), et surtout le lourd retard dans le développement des outils d’instruction des mesures du second pilier par l’ASP.

L’ASP fut en effet confrontée à la tâche colossale de traduire les nouveaux dispositifs nationaux et régionaux inscrits aux premier et second piliers. Il lui incombait de concevoir 1 550 dispositifs, contre 250 sur la période précédente et de traduire les 10 400 mesures agro‑environnementales et climatiques (MAEC) et d’aides à l’agriculture biologiques couvrant 1 800 territoires différents.

Un dispositif d’aide de trésorerie remboursable financé sur le budget de l’État a été mis en place en 2015 et 2016 pour pallier le retard de versement, dans l’attente de la résolution des difficultés de création des outils de gestions informatiques par l’ASP et son prestataire informatique.

Les organisations professionnelles auditionnées par le rapporteur spécial lui ont indiqué qu’après cette période difficile, le calendrier de paiements avait désormais retrouvé son cours normal.

b.   Un taux de consommation aujourd’hui satisfaisant

Le rapporteur spécial a interrogé le ministère de l’agriculture et de l’alimentation sur le taux de consommation en 2020 des enveloppes budgétaires européennes des premier et second piliers, qui apparaît aujourd’hui comme satisfaisant.

Pour le second pilier, le rapport de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale Pour une agriculture durable dans l’Union européenne présentée en 2018 par MM. Chassaigne et Freschi, signalait un retard dans la consommation des enveloppes budgétaires. Le rapporteur spécial a pu constater que si le démarrage de la programmation 2014-2020 s’est caractérisé par les lenteurs précédemment évoquées, au 31 décembre 2020, la maquette FEADER était engagée à 92 % (11 milliards d’euros) et payée à 78 % (9,3 milliards d’euros).

La France figure parmi le groupe des dix premiers États membres de l’UE en ce qui concerne la consommation du FEADER, devant des États de taille comparable comme l’Allemagne ou l’Italie.

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, DGPE.

consommation des crédits du second pilier

(en euros)

Total national
(27 PDR + 2 PN)

Maquette

Engagements
au 31/12/2020

Paiements
au 31/12/2020

% des engagements

% des
paiements

Formation

92 432 562

64 367 968

42 547 228

70

46

Conseil

23 446 542

14 835 018

3 770 330

63

16

Qualité

24 759 633

19 176 596

13 162 631

77

53

Investissements

1 928 292 698

1 652 550 681

1 072 866 032

86

56

dont investissements exploitations agricoles

 

1 077 175 218

746 941 988

 

 

dont dessertes forestières

 

72 676 304

36 297 751

 

 

Catastrophes naturelles

8 409 720

6 609 176

3 928 102

79

47

Création activités

771 028 797

733 172 140

496 990 922

95

64

dont installation et prêts bonifiés

 

691 547 818

474 590 636

 

 

Services de base

506 189 183

376 742 843

181 561 704

74

36

dont prédation

 

71 120 506

53 271 260

 

 

Forêt

160 057 721

126 474 107

87 189 656

79

54

OP

170 000

106 500

-

63

0

MAEC

1 255 563 768

1 080 925 493

907 951 420

86

72

Agri bio

786 975 552

744 666 036

550 917 109

95

70

Paiements natura 2000 – DCE

1 221 000

-

-

0

0

ICHN*

4 766 387 783

5 127 675 420

5 125 819 365

108

108

Coopération

167 787 412

112 375 346

51 144 801

67

30

Gestion des risques (PN)

675 250 000

571 979 943

567 594 005

85

84

Leader

685 353 195

326 574 709

173 141 079

48

25

AT (PDR)

120 815 749

47 064 343

27 497 686

39

23

AT (PN)

23 999 212

21 853 850

15 960 751

91

67

Soutien temporaire suite à la crise Covid

6 300 000

1 693 583

1 476 627

27

23

Instrument financier

 

17 070 000

3 952 500

 

 

 

12 004 440 526

11 045 913 751

9 327 471 949

92

78

Source : ASP et ministère de l’agriculture et de l’alimentation, DGPE.

3.   La nécessaire clarification des rôles entre État et régions, dans le cadre de la nouvelle programmation

a.   Un enchevêtrement des compétences qui a été synonyme de complexité et non de simplification

L’enchevêtrement des compétences de l’État, des régions et de l’ASP ainsi que le nombre considérable de mesures distinctes déclinées par chaque autorité de gestion furent le facteur majeur des difficultés et des dysfonctionnements des débuts de la programmation, comme l’ont conjointement analysé l’inspection générale des finances et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux en 2017, puis la Cour des comptes en 2018.

Cette dernière, dans le rapport La Chaîne des paiements des agricoles, identifiait parmi les facteurs de lenteurs de versement des aides en début de programmation non seulement la multiplicité des dispositifs déclinés, mais également la difficile identification des compétences de l’État et des régions et l’absence de ligne de partage claire sur le sujet de la responsabilité juridique et financière en cas de corrections financières dans le cadre de la procédure d’apurement prévue par la réglementation européenne.

Dans son bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et d’investissement établi à la demande de l’Assemblée nationale en application de l’article 58‑2 de la loi organique sur les lois de finances ([8]), la Cour a pointé en 2019 les difficultés posées par la multiplication des mesures développées portant un risque d’inefficience et de croissance des coûts de structure. Elle y qualifiait la gestion du FEADER comme insatisfaisante et le processus de décentralisation comme inachevé, l’État continuant à jouer un rôle important dans l’instruction des dossiers (par l’intermédiaire des services déconcentrés). Pour elle, la multiplication des autorités de gestion avait l’inconvénient de nuire à la lisibilité des usagers. Elle invitait l’État à faire évoluer le cadre de gestion rapidement, en vue de la prochaine programmation. Elle déclinait trois scénarios possibles : une recentralisation totale, une simplification du cadre national, ou une modification légère de l’architecture actuelle, consistant à réunir sous l’égide de l’État l’ensemble des mesures surfaciques.

Les auditions menées par le rapporteur spécial ont confirmé l’impératif d’une meilleure lisibilité entre les compétences de l’État et de ses services déconcentrés et des régions.

Recommandation n° 3 : poursuivre les efforts de lisibilité portant sur la répartition des compétences entre l’État et des régions et de garder un cadre national assurant la cohérence des dispositifs.

b.   La préparation de la position française en vue de la nouvelle programmation : les aides surfaciques, gérées par l’État, les aides non surfaciques, gérées par les régions

La nouvelle répartition des compétences, sur laquelle se sont accordés l’État et les régions au cours du comité État-régions du 30 octobre 2019, s’appuie sur la règle suivante : chaque autorité, nationale et régionale, sera responsable de la gestion des mesures pour lesquelles elle est compétente, sur la totalité de la chaîne de gestion, dans un souci de clarification des compétences. Le statu quo n’était en tout état de cause pas une option envisageable, la définition, pour la prochaine programmation, d’un plan stratégique national unique par État membre, avec une seule autorité de gestion, s’étant dessinée très tôt.

La gestion des aides dites non surfaciques, c’est-à-dire n’étant pas fonction de la taille de l’exploitation, reviendra aux régions. Cette décentralisation est annoncée comme s’accompagnant du transfert des effectifs et des crédits nationaux correspondants, ce que le rapporteur spécial salue. Elle s’accompagnera du transfert des moyens budgétaires que l’État consacre actuellement à l’installation des jeunes, à l’investissement agricole et forestier vers les régions à compter de 2023. Le rapporteur spécial se réjouit de ces transferts futurs tout en regrettant que le transfert de l’autorité de gestion se soit fait, en 2014, sans transfert des crédits nationaux destinés au cofinancement des subventions européennes. Aujourd’hui, même si les régions sont autorités de gestion du FEADER, la part de l’État, à hauteur de 70 %, est prépondérante, les régions participant en moyenne à hauteur de 20 % des financements, et les autres co-financeurs les 10 % restants ([9]).

Les aides surfaciques (principalement l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, les mesures agro‑environnementales et climatiques, les aides à l’agriculture biologique), seront mises en œuvre par l’État. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué au rapporteur spécial que leur gestion est liée à la vérification de l’admissibilité des surfaces déclarées par l’exploitant, effectuée dans le cadre des aides du premier pilier, dont l’État est responsable.

L’article 33 de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière du 3 décembre 2020 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions traduisant dans la loi cette nouvelle répartition des compétences.

c.   Continuer les efforts de lisibilité et garder un cadre national cohérent

Le nombre élevé d’instances de coordination où siègent des représentants du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, des régions et de l’Agence de services et de paiement traduisent la nécessité d’un travail collectif, y compris sur des questions techniques, afin de mutualiser les bonnes pratiques et de résoudre qui peuvent apparaître sur certains territoires. Ces instances et ces pratiques doivent naturellement être confortées à l’avenir, pour la prochaine programmation.

Dans le cadre de l’élaboration du futur plan stratégique national, Régions de France a fait part au rapporteur spécial de ses difficultés, au cours des premiers mois de l’année 2021, à recevoir de la part de l’État des indications précises sur les futures priorités nationales. Pour le rapporteur spécial, il est essentiel que le PSN soit élaboré avec les régions dans les meilleures conditions possibles, les régions étant par ailleurs également confrontées, pour la préparation de leurs priorités, au report des élections régionales initialement prévues au mois de mars 2021.

Les personnes auditionnées par le rapporteur spécial ont salué la prise en compte de l’échelon régional dans la mise en œuvre du second pilier, en mettant en garde sur les risques suivants :

● des différences trop marquées dans les priorités mises en œuvre au niveau régional. Il paraît au rapporteur spécial essentiel d’être vigilant sur le cadre général national qui sera défini pour la prochaine programmation ;

● une nouvelle disparité de mise en œuvre du FEADER entre les régions françaises, au regard des montants des cofinancements, ce qui n’est pas sans refléter les différences de santé financière de celles-ci. Sans rétablir une uniformisation de gestion, il paraît nécessaire de réfléchir, pour la prochaine programmation, à de nouveaux garde-fous.

B.   des mesures de simplification À poursuivre

1.   Le dilemme « simplicité/sur mesure » : le choix de dispositifs prenant en compte les situations concrètes au plus près de la réalité peuvent se traduire par des lourdeurs techniques se répercutant sur les usagers et les coûts administratifs

Le reproche fait à la politique agricole d’une trop grande complexité nuisant à sa lisibilité et par conséquent à son efficacité peut malheureusement être qualifié de « serpent de mer ». Depuis les années 2000, chacune des réformes de la PAC a tour à tour porté des mesures pour tenter d’y remédier. Certains paramètres de la conditionnalité des aides introduites par la réforme de la politique agricole commune de 2003 ont par exemple été simplifiés à l’occasion de la préparation de la programmation pour les années 2014-2020.

Pourtant, le souci d’attribuer les aides européennes de la manière la plus juste possible, à des publics ou des zones identifiées comme prioritaires, fait nécessairement intervenir des dispositifs très détaillés, pesant à la fois sur la procédure administrative, sur les éléments justificatifs demandés à l’agriculteur, et sur la procédure de contrôle.

 

a.   Une mise en œuvre française connue pour être « raffinée » pour coller au territoire ce qui crée des systèmes complexes

La France a souvent fait le choix de dispositifs très fins avec des modulations incitatives qui, tout en ayant du sens et répondant à des objectifs précis, contribuent aussi à compliquer la mise en œuvre et le contrôle et à augmenter les coûts administratifs.

Elle a par exemple choisi de mettre en œuvre les paiements couplés (qui représentent un volume financier d’1 milliard d’euros par an). Ils font partie des ciblages choisis par la France dans le cadre des mises en œuvre optionnelles du premier pilier. L’Allemagne a contrario a choisi de mettre un œuvre un découplage total des aides directes sans mise en œuvre des dispositifs optionnels d’aides couplées.

La mise en œuvre allemande, de manière générale, est plus simple, d’un point de vue administratif, avec des déclinaisons optionnelles moins développées. En contrepartie, vu de l’usager, le dispositif est également moins raffiné, avec un nombre inférieur de possibilités ouvertes. Des dispositifs généraux ne permettent pas ailleurs pas d’aider des publics ou des productions en particulier, qui pourraient pourtant être identifiées comme en difficulté.

Les « ciblages » choisis par la France
dans le cadre des mises en œuvre optionnelles sur le premier pilier

L’activation du paiement redistributif sur les premiers hectares des exploitations : la France a activé le paiement redistributif, à hauteur de 10 % de l’enveloppe des paiements directs (environ 690 millions d’euros/an) afin de verser un complément d’aide aux premiers hectares qui sont les plus pourvoyeurs d’emplois dans les exploitations (jusqu’à la surface moyenne de l’époque, soit 52 ha, correspondant techniquement aux 52 premiers droits à paiement de base activés).

Le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs, paiement découplé, payé en complément et dans la limite des 34 premiers droits à paiement de base activés (surface moyenne d’installation en France en 2012) par une exploitation contrôlée par un jeune agriculteur. Ce paiement est octroyé pour une durée maximale de 5 ans.

Les aides couplées, outil d’incitation à la production, dans l’objectif de soutien à certaines productions et au revenu des agriculteurs de ces filières, confrontés à des marchés insuffisamment rémunérateurs : Elles sont réservées à certaines productions (les élevages monogastriques ne sont pas éligibles par exemple) ; l’État membre doit faire la démonstration de leur nécessité, au regard des difficultés rencontrées par chaque production aidée. Le caractère incitatif de l’aide vise ainsi à soutenir les productions en difficulté mais ne doit pas avoir pour finalité de les développer, afin d’éviter les distorsions de marché (aides relevant de la boîte bleue de l’OMC). Ce dispositif est activé en France, à son niveau le plus élevé autorisé par le Règlement européen (15 % des aides directes, dont 2 % dédiés aux cultures riches en protéines). La liste des productions qui peuvent en bénéficier est fixée par les règlements européens relatifs à la PAC.

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance et des entreprises (DGPE).

Deux exemples illustrent la finesse tout autant que la complexité de la mise en œuvre française.

● Sur le premier pilier : le ratio de productivité introduit en 2017 pour calculer l’aide ovine de base (aide couplée)

Depuis 2017, le nombre d’animaux pouvant entrer dans le calcul de l’aide ovine de base est ajusté en fonction du ratio de productivité de l’exploitation, lorsque celui-ci est inférieur au ratio national de 0,5.

Son objectif est de prendre en compte la diversité de la taille des élevages, tout en incitant à une certaine productivité. Il en résulte malheureusement un calcul d’aide et de sanctions complexe et peu lisible pour les agriculteurs, basé sur divers paramètres déclarés (nombre de brebis déclarées, nombre de brebis maintenues sur l’exploitation pendant la période de détention obligatoire, nombre d’agneaux vendus au cours de l’année civile précédente, nombre de brebis détenues l’année civile précédente).

Au regard des éléments entrant dans le calcul de l’aide, des mécanismes de dérogations ont été mis en place afin de prendre en compte les événements ayant pesé sur le ratio de productivité, par exemple les attaques de troupeaux attribuables à un grand prédateur, engendrant des délais d’instruction plus longs que pour une aide classique sans critère de ce type.

● Sur le second pilier : les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC)

La déclinaison des mesures agro‑environnementales et climatiques (MAEC) sur les plans de développement régionaux a donné lieu, certes dans un objectif d’adaptation à des situations particulières, à près de 10 500 mesures distinctes, avec des difficultés informatiques décrites au A de cette partie.

À ce jour, seules 6 300 d’entre elles ont été mises en œuvre par au moins un agriculteur en France. Une mesure a été développée en moyenne pour trois bénéficiaires ([10]).

Le rapporteur spécial salue la finesse du dispositif français, qui répond à la diversité des exploitants français et à celle de leurs productions, en appelant toutefois à une évaluation de l’intérêt des dispositifs les moins utilisés.

b.   Le caractère potentiellement dissuasif des procédures complexes

Certaines procédures complexes peuvent s’avérer dissuasives, par crainte par exemple de recevoir, en cas de calcul d’aide erroné, un excès de subvention, réclamé, qui plus est plusieurs années après, dans le cadre des contrôles effectués par l’ASP.

La conditionnalité, par exemple dans le cadre du « paiement vert », comporte ainsi des exigences portant à la fois sur le respect de conditions environnementales, sociales, relevant du bien-être animal. Un manquement à une de ces exigences conduit à une réfaction sur les aides, dont le taux progressif en fonction de la nature du manquement, en moyenne de 3 %. La réfaction s’applique alors à l’ensemble des paiements soumis à la conditionnalité dont l’agriculteur bénéficie sur l’année considérée.

Dispositifs de la programmation 2014-2020 en faveur d’un verdissement de l’agriculture européenne

– Sur le 1er pilier, le « paiement vert » qui lie les paiements à des pratiques en faveur de l’environnement, innovation de la programmation actuelle ;

– Sur le 2nd pilier (sachant que 30 % des dépenses du second pilier doivent être consacrées aux mesures en faveur de l’environnement et du climat),

*Les aides ciblées sur les pratiques environnementales, et en particulier les aides à la conversion à l’agriculture biologique et les mesures agro‑environnementales et climatiques ;

*Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui rémunèrent le maintien ou le changement des pratiques vertueuses pour l’environnement, qui répondent à des enjeux spécifiques de territoires et qui sont adaptées en fonction des systèmes d’exploitation ; ces aides ont concerné en 2019 près de 40 000 agriculteurs pour un paiement de 255 M€ dont 166 M€ de FEADER ;

*Les aides pour la conversion et le maintien en agriculture biologique afin de favoriser le développement de ce type de production en réponse aux attentes des consommateurs ; ces aides ont concerné en 2019 près de 28 000 agriculteurs pour un paiement de 255 millions d’euros dont 133 millions d’euros de FEADER.

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance économique et environnementale (DGPE).

2.   Les solutions proposées par le règlement Omnibus

Le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 dit règlement Omnibus modifiant les quatre règlements relatifs à la PAC (paiements directs, développement rural, organisation commune des marchés et règlement horizontal) a eu la vocation de simplifier la politique agricole commune, à mi-parcours de l’exécution de la programmation 2014-2020.

À titre d’exemple, il s’est traduit pour les exploitants agricoles par un accès facilité au « paiement vert » du premier pilier évoqué au paragraphe précédent, à savoir le régime de paiement en faveur des pratiques agricoles bénéfiques : les exploitations agricoles de plus de 30 hectares de terres arables sont désormais exemptées de l’obligation du maintien ou de la réhabilitation des surfaces d’intérêt écologique (SIE), si elles consacrent plus de 75 % de leur surface de terres arables à la culture d’herbe, de plantes fourragères ou de prairies permanentes Jusqu’à 2017, seules les exploitations de moins de 15 hectares étaient exemptées de cette obligation.

Le règlement Omnibus a aussi donné aux États membres la possibilité, mise en œuvre par la France, de supprimer la distinction entre « agriculteurs actifs » et « non actifs », qui impliquait des coûts de gestion supplémentaires. La France a ainsi fait le choix de supprimer le critère de l’« agriculteur actif » pour la campagne 2018, allégeant les modalités de gestion et de contrôle de l’ASP.

3.   La dématérialisation de la PAC en France, pour un meilleur service aux usagers

Au niveau national, la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l’agriculture et de l’alimentation et l’ASP travaillent depuis plusieurs années pour améliorer la relation avec l’usager, comme l’illustre la dématérialisation des services de déclaration « TéléPAC » ; entre 2011 et 2016, un dispositif progressif d’accompagnement, avec les directions départementales des territoires, les chambres d’agriculture et d’autres organismes de service, a été mis en place visant à obtenir un taux de dématérialisation de 100 % pour la déclaration des aides PAC. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué au rapporteur spécial l’utilisation grandissante, depuis 2003, de la photo-interprétation assistée par ordinateur (PIAO) qui a permis de supprimer la quasi-totalité des opérations de mesures réalisées sur le terrain.

De plus, l’ASP développe depuis 2015 les échanges d’information avec d’autres administrations afin de réduire la charge déclarative de l’usager. L’agence devrait bientôt mettre en œuvre amplifier ses actions communes avec la MSA (Mutualité sociale agricole).

4.   Des pistes pour la nouvelle programmation

Il apparaît essentiel au rapporteur spécial :

● de continuer à agir sur la complexité des procédures, notamment les mesures agro‑environnementales et les aides couplées, et de continuer à associer les représentants des organisations agricoles à l’identification des priorités portées par la France et aux sujets de matière technique les concernant, comme l’ASP a pu le faire sur de récentes évolutions de paiement ; un document annuel synthétisant les mesures de simplification du dispositif de la PAC pourrait ainsi être publié chaque année par le Ministère de l’Agriculture auprès des organisations agricoles, et des assemblées parlementaires.

● de réfléchir, au niveau européen, à la mise en œuvre des contrôles effectués dans chaque État membre. Le rapporteur spécial comprend la difficulté dans laquelle se trouvent les agriculteurs qui reçoivent plusieurs années après, du fait du circuit et de la procédure du contrôle, des demandes d’apurement. Il serait bon de réfléchir à la mise en œuvre, nécessairement encadrée, d’un « droit à l’erreur ».

Les contrôles des aides agricoles

Les contrôles agricoles sont la contrepartie obligatoire et légitime des 9 milliards d’euros d’aides versées par l’ASP aux agriculteurs français et à des porteurs de projets de développement en milieu rural.

Le nombre et la nature des contrôles sont imposés aux États membres par la réglementation européenne.

L’ASP reçoit la liste des contrôles à effectuer des DDT (M) (directions départementales des territoires et de la mer), et depuis 2015, des régions, pour les aides du FEADER (développement rural).

Chaque année, 5 % des dossiers PAC (1ᵉʳ et 2nd piliers) sont contrôlés (échantillon déterminé de façon aléatoire ou par analyse de risque).

Quatre types de contrôles :

 surfaces : mesures des parcelles, contrôles des couverts, etc. ;

 primes animales : identification des animaux déclarés (bovins, ovins, caprins) ;

 conditionnalité : vérification du respect des normes de protection de l’environnement et du bien-être animal ;

 hors surface : aides à l’installation et aides à l’investissement (nature des matériels acquis, vérification des factures, etc.).

20 % des effectifs de l’ASP sont affectés à l’activité de contrôle (contrôleurs et administratifs). Leur formation est régulièrement actualisée tant sur les aspects réglementaires et techniques, que sur les composantes déontologiques et comportementales de cette activité très sensible.

Source : ASP.

● d’envisager le versement de certaines aides « au forfait », pour limiter les coûts de gestion ;

● d’approfondir, en vue de leur généralisation, les projets européens d’innovation technologique mis en œuvre par l’ASP portant sur le monitoring des surfaces (c’est-à-dire détermination de l’admissibilité aux aides par le traitement d’images satellites à l’aide d’outil d’intelligence artificielle) et plus généralement sur la modernisation des outils de gestion de la PAC. L’un des objectifs principaux de ce suivi en continu des exploitations est de mettre l’accent sur la prévention afin de tisser un véritable partenariat entre les services de contrôle de l’ASP et les agriculteurs.

Recommandation n° 4 : maintenir et approfondir les instances de coordination et de réflexion faisant intervenir les structures de l’État et des régions, mais également les organisations professionnelles ;

 

Recommandation n° 5 : opérer le meilleur arbitrage possible entre la finesse des dispositifs et la recherche de simplicité.

II.   Évaluation de l’impact sur le revenu des agriculteurs et sur les jeunes agriculteurs, deux thématiques où interviennent les fonds des premiers et seconds piliers

A.   Évolution du revenu agricole

L’un des objectifs de la PAC, inscrit à l’article 39‑1 du TFUE est d’« assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du niveau de vie individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture ». Au soutien initial aux prix, par l’intermédiaire des organisations communes de marché ont succédé depuis 1992 des aides aux revenus destinées à compenser les baisses de prix décidées d’un point de vue réglementaire ou encore la faiblesse et la volatilité des cours agricoles mondiaux, et s’ajoutant aux autres subventions.

1.   Généralités sur le revenu agricole français

Le rapport d’évaluation de la PAC préparé par la France, comme chacun des États membres, à l’occasion de la préparation de la future programmation, et remis en février 2021, indique que le revenu agricole français se situe au 5ème rang européen en moyenne tout en progressant moins vite que le revenu agricole dans les autres pays de l’UE, en particulier ceux de l’Europe centrale et orientale. S’il reste marqué par des différences fortes entre régions et secteurs de production, c’est surtout la fluctuation interannuelle qui augmente, du fait de l’exposition plus grande au marché et à la fluctuation des prix des produits agricoles et des intrants.

En France, toutes orientations et tous territoires confondus, le résultat courant avant impôts par unité de travail agricole non salarié (RCAI/UTANS) moyen s’élevait à 31 250 euros en 2018 et 29 764 euros en 2019 ([11]). Il est important de rappeler que ce résultat n’est pas directement comparable à un salaire ni équivalent au revenu personnel disponible des exploitants agricoles. Cette moyenne cache par ailleurs d’importantes disparités : en 2019, la moitié des exploitations se situent en fait en dessous de 21 470 euros (médiane), et un quart sont même en dessous de 7 950 euros, alors que le quart supérieur est au-dessus de 40 940 euros. La part des exploitations générant un RCAI/UTANS négatif était de 14,7 %, celle des exploitations dépassant 50 000 euros de 17,8 %.

2.   Des subventions agricoles, indispensable soutien au revenu, qui n’ont pas réduit les inégalités

a.   Sans les subventions, près de la moitié des exploitants agricoles auraient un résultat courant avant impôt négatif

En 2019, sans les subventions, près de 49 % des exploitants auraient un résultat courant avant impôts négatifs ([12]). Cette part monte à 90 % si on considère les éleveurs de bovins viande et 75 % pour les éleveurs d’ovins et bovins mixtes.

Dans les zones dites à contraintes, comme les zones de montagnes, les aides ont également une place essentielle dans le revenu (sans aide, 70 % des exploitations en zones de montagne ou dans les autres zones à contraintes seraient déficitaires).

En 2019, près de 90 % des exploitations moyennes et grandes bénéficient d’au moins une subvention (33 510 euros d’aides en moyenne) et ces aides représentent 13,9 % en moyenne des recettes des exploitations.

Les aides publiques contribuent à une stabilisation des revenus et de réduire les disparités. Les aides directes du premier pilier représentent 75 % des aides perçues, on peut les qualifier de « filet de sécurité ». Cependant, ce soutien implique un fort taux de dépendance du revenu à celles-ci.

Le niveau des subventions diffère par ailleurs fortement selon les secteurs, comme le reflète le graphique suivant :

Montant moyen des subventions d’exploitation
par orientation technico-économique en 2019

b.   Paiements couplés

Une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) réalisée en 2020 à la demande du ministère de l’agriculture et de l’alimentation ([13]) a mis en évidence l’impact réel des paiements couplés :

– sur le revenu des filières qui en perçoivent le plus : en 2018, ils ont par exemple représenté 32 % du résultat courant avant impôts des exploitations ovines ;

– sur le maintien d’un niveau de production, l’équilibre entre les filières et le maintien d’une production sur l’ensemble du territoire.

Cette même étude signale, qu’entre 1988 et 2016, les gains de productivité réalisés par les élevages de ruminants, entre 1988 et 2016, ne leur ont « pas forcément bénéficié ». Les aides allouées au secteur, dont les aides couplées, ont été en partie captées par l’aval de la filière (abattage, transformation, distribution, consommation). Le caractère non plafonné des aides a pu encourager l’augmentation de la taille des fermes et des cheptels de manière artificielle : « la profitabilité des élevages a très peu évolué, et souvent à la baisse, alors que la valeur des aides publiques qui leur ont été attribuées a fortement augmenté, et le prix d’achat de produits agricoles a fortement baissé. »

c.   La poursuite de la convergence

En 2019, la Cour des comptes ([14]), constatait, en évaluant la période 2008-2015, une répartition toujours très inégale des aides agricoles en raison de critères fondés sur des situations historiques révolues, dits « droits historiques ».

La suppression progressive des critères des « droits historiques » utilisés dans le calcul des droits à paiement de base (DPB), aide directe du premier pilier, était précisément un des objectifs de la programmation 2014-2020. La « convergence interne » devait remédier aux situations d’iniquité entre territoires et exploitations : Il s’agissait d’uniformiser progressivement les montants des paiements de base versés à l’hectare, en augmentant la valeur des DPB dont la valeur est inférieure à la moyenne nationale ou en la minorant quand elle lui était supérieure.

La DGPE du ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué au rapporteur spécial constater, depuis le début de la programmation actuelle, une réduction de l’impact des références historiques dans la répartition des paiements. Aujourd’hui, la valeur des aides, selon la DGPE, s’est resserrée autour de la moyenne nationale : 82 % des droits sont désormais compris entre +/– 15 % de la valeur moyenne.

Pour la DGPE, la convergence s’est également traduite par une redistribution territoriale du nord vers le sud et des exploitations historiquement plus productives donc mieux dotées (grandes cultures du nord de la France et Bretagne) ou spécifiques, vers les exploitations extensives du Massif central et du sud-est, ainsi que les surfaces peu productives.

3.   Les propositions du rapporteur spécial

Dans un contexte où les exploitants agricoles sont exposés tout à la fois exposés aux conséquences du changement climatique sur leurs productions, au poids de l’environnement international sur les cours agricoles, le rapporteur spécial formule le souhait d’approfondir l’accompagnement les exploitants agricoles de la manière suivante :

● encourager les agriculteurs à appliquer les dispositions du règlement Omnibus sur les organisations de producteurs : le règlement Omnibus du 13 décembre 2017 accroît en effet le pouvoir de négociation des Organisations de Producteurs (OP) quels que soient les secteurs. Elles peuvent négocier librement les contrats, au nom de leurs membres, ainsi que planifier et optimiser leurs productions et leurs commercialisations, dans l’objectif de rééquilibrer le pouvoir de négociation des agriculteurs, au sein de la chaîne d’approvisionnement. Le règlement instaure également une clause de partage de la valeur ajoutée qui peut être négociée entre les agriculteurs, qu’ils soient ou non organisés en OP, et leur premier acheteur.

● susciter des aides aux « projets d’exploitations », sur le long terme, pour accompagner des transformations sur la durée, au regard des importants investissements en jeu ;

● mieux prendre en compte la plus grande exposition des agriculteurs à la volatilité des prix, et donc de leurs revenus, induits par le démantèlement progressif des outils de régulation des marchés agricoles désormais plus ouverts à la mondialisation, et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques et sanitaires. Toutes exploitations confondues, les revenus ont stagné ou augmenté régulièrement dans les années 1990 et au début des années 2000, mais connaissent une forte volatilité depuis la deuxième moitié des années 2000 ;

● de continuer à articuler les dispositifs relevant de la PAC avec d’autres politiques structurelles européennes ou nationales (accès au foncier, accès aux services publics locaux, etc.).

 

 

B.   l’accompagnement des jeunes agriculteurs, des avancÉes À poursuivre

Encourager l’installation de nouveaux agriculteurs est essentiel, dans un contexte où plus de la moitié des gérants d’exploitation agricole sont aujourd’hui âgés de plus de 55 ans, tandis que seuls 6,9 % des agriculteurs sont âgés de moins de 35 ans ([15]). Le diagnostic sur l’agriculture française remis en février 2021 et cité dans la partie précédente fait néanmoins état d’une pyramide des âges moins défavorable en France au renouvellement des générations que dans la plupart des autres pays européens.

Deux dispositifs de la programmation 2014-2020 de la PAC sont consacrés aux jeunes agriculteurs, l’un inscrit sur le premier pilier, le paiement additionnel pour jeunes agriculteurs, l’autre inscrit sur le second, la « dotation jeunes agriculteurs ».

Qu’est-ce qu’un jeune agriculteur au sens de la PAC ?

Au sens de l’article premier du règlement n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles générales régissant le soutien de l’Union en faveur du développement rural financé par le FEADER, ainsi que les objectifs auxquels la politique de développement rural doit contribuer, un jeune agriculteur est « une personne qui n’est pas âgée de plus de 40 ans au moment de la présentation de la demande [d’aide FEADER], qui possède des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes, et qui s’installe pour la première fois dans une exploitation agricole comme chef de ladite exploitation ».

Cette définition peut s’appliquer aux actifs en reconversion.

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance et des entreprises (DGPE).

1.   Présentation et exécution des aides du premier et du second pilier en France

a.   Premier pilier

Le paiement « additionnel » aux jeunes agriculteurs est une innovation de la programmation 2014‑2020, mis en œuvre en 2015 en raison du décalage dans le démarrage de la programmation actuelle présenté en introduction. Il représente une enveloppe de 1 % des paiements directs. Il s’agit d’un paiement découplé, payé en complément et dans la limite des trente-quatre premiers droits à paiement de base (DPB) activés par une exploitation contrôlée par un jeune agriculteur. Il est accordé pour une durée maximale de cinq ans à partir du moment où un jeune prend la tête d’une exploitation agricole. Son montant unitaire est défini chaque année en fonction des disponibilités financières et du nombre d’hectares éligibles.

Le paiement « additionnel » doit par ailleurs être égal à 25 % du paiement national moyen ouvert aux agriculteurs et peut, depuis 2018, aller jusqu’à 50 % de ce paiement. Il est perçu annuellement par plus de 25 600 bénéficiaires en 2020, un nombre légèrement en retrait par rapport à 2019 et 2018 (33 846 et 30 640), pour un montant annuel d’environ 2 500 euros soit 74,8 millions d’euros en 2020, 91,88 millions d’euros en 2019 et 81,82 millions d’euros en 2018.

b.   Second pilier : la dotation jeunes agriculteurs

Sur le second pilier de la PAC, la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est une aide en trésorerie destinée à accompagner le démarrage d’activité. La DJA est versée au minimum en deux fractions depuis la programmation actuelle 2015-2022. Dans les faits, elle est versée en deux fois, en début et en fin de programme. Cette aide au démarrage de l’activité, dont les régions sont autorités de régions comme les autres dispositifs du second pilier, est cofinancée à 80 % par le FEADER et 20 % par l’État.

Pour être accordée, le porteur doit remplir une condition de « capacité professionnelle agricole », et avoir établi un plan d’entreprise sur quatre ans qui doit traduire l’élaboration d’un projet d’installation viable du point de vue économique permettant de dégager un revenu agricole suffisant.

Le montant de la DJA a été revalorisé d’environ 56 % entre 2016 et 2018 et a également fait l’objet de modulations positives en fonction de critères nationaux et régionaux. Plus élevé en zones défavorisées et de montagne, ce montant est modulé à la hausse pour les installations hors cadre familial, les projets répondant aux principes de l’agroécologie et les projets générateurs de valeur ajoutée et d’emploi.

En 2020, le montant moyen de la DJA était de 32 711 euros, majorations comprises ([16]). Sur la période 2014-2020, 32 367 jeunes agriculteurs ont été accompagnés par la DJA, avec un concours de 184 millions d’euros de crédits de l’État pour 660 millions d’euros de FEADER.

2.   Évaluation et propositions

L’évaluation de ces deux dispositifs donne des résultats encourageants. Depuis 2015, l’octroi de cette aide à l’installation a en partie permis d’enrayer la diminution du nombre de chefs d’exploitation sur le territoire français. Cette diminution, de l’ordre de 1,6 % par an depuis 2015, est continue pour les installations non aidées, alors que les installations aidées ont progressé en moyenne de 7,4 % par an, contribuant au maintien du taux de remplacement des chefs d’exploitation agricole à environ 67 %.

 

La Commission européenne a publié en avril 2021 le résultat d’une évaluation de l’incidence de la PAC sur le renouvellement des générations, le développement local et l’emploi dans les zones rurales ([17]). Elle note le succès d’approches intégrées, comme en France, qui combinent les dispositifs dédiés aux jeunes agriculteurs avec d’autres programmes européens tels les fonds européens et de cohésion. La décision d’installation prend en effet le dynamisme des zones rurales, la présence de services de base, d’infrastructures, la possibilité d’emploi pour le conjoint, par exemple. Le rapporteur spécial souhaite ici citer également le choix de l’Allemagne, sur le deuxième pilier, d’avoir mis en place des mesures de modernisation des villages et des services en milieu rural.

Par ailleurs, les conditions d’octroi de cette aide au démarrage, notamment la professionnalisation des bénéficiaires en amont et le suivi régulier dont ils bénéficient, permettent aux exploitations agricoles françaises de se maintenir sur le long terme. En effet, le taux de maintien à 5 ans des exploitations est élevé, tous types d’installation confondus (90,1 % en 2019), mais plus encore pour les seules installations aidées (98,2 % en 2019). Si on compare ce taux au taux de maintien des entreprises en France, tous secteurs confondus (50,10 % en 2018, selon l’OCDE), ces chiffres sont très satisfaisants.

● Le rapporteur spécial salue ces résultats, tout en constatant qu’environ 2/3 des installations en France ne perçoivent pas la DJA. Pour faire progresser ce taux, les efforts de communication pourraient utilement être intensifiés.

● Pour le rapporteur spécial, à la lumière des auditions qu’il a menées, ce taux s’explique aussi par le découragement de certains agriculteurs devant les formalités à remplir ([18]). La préparation du projet d’installation indiquant un objectif de revenu à 5 ans semble difficilement tenable dans un contexte de plus grande volatilité des prix ([19]). C’est le constat que faisait le rapport de la commission « Agriculture et développement rural » du Parlement européen publié en mai 2018 portant sur la mise en œuvre des instruments de la PAC en faveur des jeunes agriculteurs ([20]). Le rapporteur spécial estime qu’une simplification de la procédure d’instruction de la dotation d’installation permettrait d’étendre le public touché.

● Le rapporteur spécial s’interroge aussi sur l’âge « couperet » des 40 ans, dans un contexte où il est devenu courant d’exercer plusieurs métiers au cours de sa vie professionnelle, tendance qui devrait s’accentuer. Pour autant, au regard des financements publics mis en jeu, il conviendrait dans tous les cas que le « nouvel agriculteur » ait devant lui un horizon professionnel de plusieurs années eu égard à la particularité des investissements agricoles, particulièrement lourds.

● L’évaluation de la Commission européenne précitée salue les dispositifs mis en œuvre pour la France d’accès au foncier, dans le cadre des actions de la SAFER. Pour autant, les auditions menées par votre rapporteur spécial l’alertent sur les difficultés d’accès au foncier toujours rencontrées par les jeunes agriculteurs.

● Le rapporteur spécial appuie également pour l’avenir la systématisation d’un versement de la DJA en plusieurs phases, sur les cinq ans du programme, de manière à mieux accompagner les nouveaux agriculteurs sur toute la durée du dispositif. Ces versements, qui auraient déjà pu être fractionnés en plusieurs phases, selon les modalités adoptées à l’échelle européenne, interviennent aujourd’hui en début d’installation et cinq ans après, après évaluation de la réalisation du projet d’installation.

Modalités actuelles du versement de la dotation jeunes agriculteurs (DJA)

La DJA est principalement régie par le règlement européen N° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Il prévoit, à l’article 19, un versement de cette aide au minimum en deux tranches, sur une période de cinq ans au maximum. Les tranches peuvent être dégressives.

*La DJA, tout en faisant partie des mesures dont l’autorité de gestion a été confiée aux régions, fait l’objet d’un cadrage et d’une harmonisation au niveau national, formalisés dans le cadre national (DCN). Ce dernier prévoit, pour les installations à titre principal (revenu agricole du bénéficiaire au moins égal à 50 % de son revenu professionnel global) comme à titre secondaire (revenu agricole du bénéficiaire compris entre 30 % et 50 % de son revenu professionnel global), un versement en deux fractions : une première fraction (80 % du montant de l’aide) dès le constat d’installation et que la seconde fraction (20 % du montant de l’aide) soit versée à l’issue du plan d’entreprise après vérification de la bonne mise en œuvre du projet d’installation.

*Seuls les cas d’installation progressive (développement progressif du projet sur la durée du plan d’entreprise pour disposer en fin de projet d’une exploitation viable et d’un revenu agricole au moins égal à 50 % du revenu professionnel global), sont concernés par un fractionnement plus important : la première fraction (50 % du montant de l’aide) est versée dès le constat d’installation (certificat de conformité), la 2ème fraction (30 % du montant de l’aide) à partir de la 3ème année (après vérification de la bonne mise en œuvre à mi-parcours et l’atteinte d’un revenu agricole minimal de 0,5 SMIC), et la dernière fraction (20 % de l’aide) à l’issue du plan d’entreprise après vérification de la bonne mise en œuvre du projet.

Ces dispositions sont applicables pour l’ensemble des programmes régionaux de développement régional.

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation, DGPE.

● Les possibilités de modulations régionales et la différence des projets déposés selon les régions se traduisent par des disparités interrégionales importantes. En 2020, le montant moyen alloué par dossier de DJA, hors régions outre-mer et Corse, variait ainsi de 21 638 euros en Bretagne, à 43 538 euros en Auvergne Rhône Alpes. Il est important, pour le rapporteur spécial, de veiller au maintien d’un cadre national dans le cadre des déclinaisons régionales. La mise en œuvre de la subsidiarité au niveau régional, pour répondre aux problématiques spécifiques des territoires, ne doit pas conduire à des distorsions entre régions.

 

Recommandation n° 6 : approfondir les mécanismes de soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, au regard de la problématique du renouvellement des générations ;

 

Recommandation n° 7 : continuer à articuler les dispositifs relevant de la PAC avec d’autres politiques structurelles européennes ou nationales (accès au foncier, accès aux services publics locaux etc.).

 


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   CONCLUSION

Alors que le calendrier de préparation de la prochaine programmation
2023-2027 s’accélère, le rapporteur spécial se félicite que la part réservée à la France sur le prochain budget de la PAC, soit préservée. En prenant en compte les deux années de transition (2021 et 2022), avec une allocation de 66,2 milliards d’euros, soit plus de 18 % des enveloppes pré-allouées, la France reste de très loin le premier bénéficiaire de la PAC, suivi par l’Espagne (12 %) et l’Allemagne (11 %).

Enveloppes et taux de retour des 10 premiers bénéficiaires
de la PAC 2021-2027

Source : documents budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2021.

Sur cette période, la PAC est dotée de 386,7 milliards d’euros, dont 8,2 milliards d’euros provenant de l’instrument de relance « Next Generation EU ». Au total, la dotation de la PAC 2021-2027 est supérieure de 6,1 milliards d’euros à celle de 2014-2020, soit + 1,6 %, grâce à l’instrument de relance.

Pour autant, le rapporteur spécial appelle à une certaine vigilance sur l’augmentation des cofinancements nationaux. Cette progression de la subsidiarité, ne doit pas susciter des incohérences et les distorsions entre les agricultures européennes, selon les priorités appuyées par les États et les moyens alloués par eux.

Par ailleurs, il apparaît plus que jamais nécessaire d’œuvrer à une meilleure articulation de la politique agricole commune avec les autres politiques publiques, qu’il s’agisse de la politique commerciale, de la politique alimentaire, des politiques environnementales ou de santé publique.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 1er juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu
M. Xavier Paluszkiewicz, rapporteur spécial des crédits de la mission Affaires européennes.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera prochainement lisible en ligne.

 

 

 

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNéES par le rapporteur spécial

– Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2020 (NEB) : M. Marc Fosseux, conseiller référendaire, rapporteur de la NEB, M. Denis Soubeyran, conseiller maître, contre rapporteur.

 Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) : MM. Stéphane Dupuis, Jérôme Brouillet, secrétaires généraux adjoints, M. Emmanuel Chay, conseiller financier, Mme Constance Deler, cheffe du secteur Parlements.

 Ministère de l’agriculture - direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) : Mme Valérie Métrich‑Hecquet, directrice générale, gestionnaire du programme 149.

 Agence de services et de paiements (ASP) : M. Stéphane Le Moing, président-directeur général, Mme Valérie Isabelle, directrice du développement rural et de la pêche.

 Association des régions de France (ARF) : M. Emmanuel Ferrand, conseiller délégué aux fonds agricoles européens à la région Auvergne Rhône-Alpes.

 Chambre d’agriculture Grand Est : M. Maximin Charpentier, président.

 Fondation Robert Schuman : Mme Pascale Joannin, directrice générale, M. Bernard Bourget, membre correspondant de l’Académie d’agriculture de France.

 Confédération paysanne* : M. Denis Perreau, secrétaire national, référent du dossier PAC, Mme Coralie Pasquier, animatrice.

 Coordination rurale* : M. Bernard Lannes président national, M. Alexandre Armel, secrétaire général.

 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) : M. Henri Brichart, élu référent sur le dossier PAC.

 Jeunes Agriculteurs* : M. Guillaume Cabot, vice‑président en charge de l’économie, des territoires et de l’Europe, M. François‑Étienne Mercier, vice‑président en charge du renouvellement des générations, M. Jérôme Simon, directeur général adjoint et chef du service économie et international.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


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   SOURCES UTILISÉES

● Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2020, 2021

● Commission européenne, Évaluation de l’incidence de la PAC sur le renouvellement des générations, le développement local et l’emploi dans les zones rurales, 2021

https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/cmef/rural-areas/impact-common-agricultural-policy-generational-renewal-local-development-and-jobs-rural-areas_fr

● Étude Agr’income, réalisée par l’institut national de la recherche agronomique (INRAE) à la demande du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2020

https://agriculture.gouv.fr/recherche-agrincome-heterogeneite-determinants-et-trajectoires-du-revenu-des-agriculteurs-francais

● Cour des comptes, Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et d’investissement, 2019

https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-05/20190522-fonds-europeens-structurels-et-d-investissement.pdf

● Cour des comptes, L’évolution de la répartition des aides directes du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et leurs effets, 2019

https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-01/20190110-refere-S2018-2553-aides-directes-FEAGA.pdf

● Cour des comptes, La chaîne de paiement des aides agricoles, 2018

https://www.ccomptes.fr/system/files/2018-10/20181010-chaine-paiement-aides-agricoles.pdf


([1]) Le plafond annuel des ressources propres est désormais fixé à 1,40 % de la somme des RNB des États membres en ce qui concerne les CP et à 1,46 % de la somme des RNB des États membres pour ce qui est des CE contre respectivement 1,20 % et 1,26 % dans la décision de 2014.

([2])  Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2020.

([3])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3193_rapport-information.pdf

([4]) « afin de faire face à l’incidence économique de la crise de la COVID‑19, la DRP met en place des moyens supplémentaires extraordinaires et temporaires : (…) - des règles de remboursement et de partage du risque engagent l’ensemble des États membres à garantir en commun l’emprunt opéré par la Commission au nom de l’Union » - projet de loi n° 3734 autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom.

([5])  article 9 de la DRP.

([6]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance économique et environnementale (DGPE).

([7])  Dans le prolongement de la correction financière de plus d’un milliard d’euros sur la mise en œuvre de la PAC en France entre 2008 et 2012.

([8]) Cour des comptes, observations définitives - 2019 Le transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et d’investissement.

([9]) Cour des comptes.

([10]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance et des entreprises (DGPE).

([11]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, direction générale de la performance et des entreprises (DGPE).

([12]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, DGPE.

([13]) https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/Ana145/detail/

([14]) Cour des comptes, référé en application des dispositions de l’article L. 111‑3 du code des juridictions financière sur l’évolution de la répartition des aides directes du Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA) et leurs effets (2019).

([15]) La PAC expliquée : les paiements directs en faveur des agriculteurs 2015-2020, Office des publications de l’UE, mars 2018, https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/541f0184-759e-11e7-b2f2-01aa75ed71a1

([16]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, DGPE.

([17])  https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/cmef/rural-areas/impact-common-agricultural-policy-generational-renewal-local-development-and-jobs-rural-areas_fr

([18]) https://impactons.debatpublic.fr/wp-content/uploads/fiche07-debat-pac-jeunes-agriculteurs.pdf 

([19])  Comme l’ont connu les producteurs de lait lors de la crise des années 2016 et 2017 ayant suivi la fin des quotas laitiers sur l’intérêt de relever la limite d’âge aujourd’hui portée à 40 ans.

([20])  https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/602006/IPOL_STU(2017)602006_EN.pdf