N° 4199

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,
autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la  Principauté de Monaco
relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques
et aux organismes à but désintéressé,

PAR M. Pierre-Henri DUMONT

Député

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat : 688 (20192020), 301, 302 et T.A. 55 (20202021).

 Assemblée nationale : 3835.

 


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Des relations fiscales qui reflÈtent la spÉcificitÉ des liens entre la France et la PrincipautÉ de Monaco

A. Monaco, un territoire fisCalement attractif, imbriquÉ dans un dÉpartement français

1. Les deux conventions fiscales liant la France et Monaco témoignent de l’étroitesse des relations entre les deux territoires

2. Les donations, qui sont soumises à des écarts importants de tarifs entre les deux pays, ne sont pas couvertes par les conventions fiscales liant la France et Monaco

B. L’exonÉration des dons et legs transfrontaliers consentis À certains organismes À but non LUCRATIF : une pratique constante depuis 1969, sans base conventionnelle

1. Une exonération prévue par le droit interne des deux États, mais qui ne peut en principe s’appliquer à des organismes étrangers qu’en vertu d’une convention fiscale

2. L’exonération des droits de mutation a été étendue, en pratique, aux dons et legs transfrontaliers entre la France et Monaco depuis 1969

3. Un nouvel accord consensuel, fruit d’une harmonieuse coopération bilatérale en matière fiscale

II. le prÉsent accord vise À donner une base juridique aux dons et legs transfrontaliers consentis À certains organisMes À but non lucratif

A. un renforcement opportun de la sÉcuritÉ juridique et de la transparence des relations fiscales bilatÉrales, au service de l’intÉrÊt gÉnÉral

B. des dispositions comparables aux accords du même type signÉs par la France

1. Un avantage fiscal octroyé sur le fondement de la réciprocité

2. Une exonération accordée sans condition de résidence

3. Des modalités classiques d’entrée en vigueur, de modification ou de dénonciation de l’accord

4. Un accord qui se singularise cependant par sa rétroactivité en matière de legs

C. un impact fiscal limitÉ

Conclusion

EXAMEN en commission

Annexe : texte adopté par la commission

 


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   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

En droit français comme en droit monégasque, certains organismes à but non lucratif et personnes publiques sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit (droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière) lorsqu’ils sont bénéficiaires de dons ou de legs. Cet avantage ne peut s’appliquer en principe à des organismes étrangers qu’en vertu d’une convention fiscale. Cependant, les dons et legs transfrontaliers franco-monégasques en faveur d’organismes à but non lucratif sont en pratique exonérés de droit de mutation à titre gratuit depuis 1969, même en l’absence de convention fiscale.

Le présent accord vise donc à combler un vide juridique en donnant une base conventionnelle à cette pratique, ce qui renforcera la transparence et la sécurité juridique des relations fiscales franco-monégasques. Ses dispositions sont similaires à celles prévues par les accords de même type déjà conclus par la France. En outre, son impact fiscal sera limité, puisqu’il formalise une pratique déjà existante, et qu’il ne concerne qu’un petit nombre de dons et de legs.

 

 


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I.   Des relations fiscales qui reflÈtent la spÉcificitÉ des liens entre la France et la PrincipautÉ de Monaco

A.   Monaco, un territoire fisCalement attractif, imbriquÉ dans un dÉpartement français

1.   Les deux conventions fiscales liant la France et Monaco témoignent de l’étroitesse des relations entre les deux territoires

Les relations fiscales entre la France et Monaco sont le reflet de leur proximité tant géographique qu’historique, démographique et culturelle. Sur le plan diplomatique, depuis que le roi de France Charles VIII lui a accordé la souveraineté, en 1489, la Principauté de Monaco entretient des relations étroites avec l’État français, qui ont évolué, depuis le traité d’amitié de 2002, dans le sens d’une souveraineté renforcée de la Principauté, comme en témoignent la signature de la convention de coopération administrative de 2005 et l’élévation du consulat de France à Monaco au rang d’ambassade, le 1er janvier 2006.

Sur le plan démographique, l’imbrication du territoire monégasque dans le département des Alpes-Maritimes contribue à l’étroitesse des relations entre les populations : environ 35 000 Français travaillent à Monaco et un peu moins de 10 000 y résident, tandis qu’environ 400 Monégasques vivent en France.

Cette proximité, couplée à la fiscalité avantageuse de la Principauté, explique la singularité du cadre conventionnel qui unit les deux pays. En effet, Monaco ne dispose ni d’impôt sur le revenu ni d’impôt sur la fortune, ce qui la rend particulièrement attractive pour les entreprises ou ressortissants étrangers : près de 130 nationalités sont ainsi représentées dans la Principauté, qui compte par ailleurs environ 38 000 résidents et 51 000 salariés.

Aussi, les deux conventions fiscales liant la France et Monaco (la convention du 1er avril 1950 tendant à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d’assistance en matière successorale, et la convention du 18 mai 1963 en matière d’impôt sur le revenu, modifiée par un avenant signé le 26 mai 2003) figurent parmi les premières conventions de ce type adoptées par la France. Elles ont pour principal objectif de définir les modalités d’imposition des Français résidant à Monaco et des Monégasques habitant en France et comportent des dispositions sensiblement différentes du modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Comme le souligne le sénateur Vincent Delahaye dans son rapport sur le présent accord ([1]), ces conventions se singularisent par leur objet, qui n’est pas tant d’éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d’établir leur domicile fiscal dans la Principauté afin d’échapper à l’impôt sur le revenu en France.

2.   Les donations, qui sont soumises à des écarts importants de tarifs entre les deux pays, ne sont pas couvertes par les conventions fiscales liant la France et Monaco

La convention du 1er avril 1950, qui s’applique aux ressortissants français et monégasques, a pour objet d’éviter les doubles impositions en matière successorale : elle ne couvre donc pas le régime des donations du vivant. Or les importants écarts en matière de droits de mutation à titre gratuit en France et à Monaco rendent prépondérante la question du droit applicable en cas de donation.

En droit français, à l’instar du droit monégasque, les bénéficiaires de dons ou legs, où qu’ils se trouvent, sont en principe redevables de droits de mutation à titre gratuit auprès de l’État de provenance du don ou legs. Ces droits sont dus à l’occasion du changement de propriété d’un bien ; il s’agit généralement de droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière. En France, les donations et successions sont taxées selon un barème progressif, tenant compte du lien de parenté avec le donateur et le défunt, quand Monaco exempte d’imposition les successions et donations en ligne directe.

tarif des droits applicables en France et À monaco (en %)

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable en France

Tarif applicable à Monaco

En ligne directe

N'excédant pas 8 072 €

5

0

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15

Comprise entre 15 932 € et 552 324 €

20

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40

Au-delà de 1 805 677 €

45

Entre frères et sœurs vivants ou représentés

N’excédant pas 24 430 euros

35

8

Supérieur à 24 430 euros

45

Entre parents du 3ème degré

55

10

Entre parents du 4ème degré

55

13

Entre parents au-delà du 4ème degré

60

13

Entre personnes non parentes

60

16

Source : commission des finances du Sénat

B.   L’exonÉration des dons et legs transfrontaliers consentis À certains organismes À but non LUCRATIF : une pratique constante depuis 1969, sans base conventionnelle

1.   Une exonération prévue par le droit interne des deux États, mais qui ne peut en principe s’appliquer à des organismes étrangers qu’en vertu d’une convention fiscale

Le droit français comme le droit monégasque prévoit d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à certains organismes à but non lucratif. En France, en vertu des articles 794 et 795 du code général des impôts, sont éligibles notamment les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics, les établissements publics hospitaliers, les établissements publics charitables, les mutuelles ou sociétés faisant œuvre d’assistance, de défense de l’environnement ou de protection des animaux, les établissements d’enseignement reconnus d’utilité publique, les organismes d’habitations à loyer modéré, ou les associations cultuelles. Le droit monégasque exonère, peu ou prou, les mêmes organismes.

Cependant, ces exonérations ne valent pas pour les dons ou legs provenant d’un État étranger : quand deux États exonèrent, dans leur droit interne, des entités similaires, ces exonérations ne couvrent pas les entités à but non lucratif implantées sur le territoire de l’autre État. Or, la proximité de certains États peut conduire les populations à effectuer des dons et legs auprès d’organismes à but non lucratif implantés dans le territoire de l’autre État.

Aussi, afin d’exonérer mutuellement de droits de mutation à titre gratuit certains organismes pour les dons et legs qui leur sont consentis de manière transfrontière, la France a conclu plusieurs accords, notamment avec l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, le Portugal, la Suède et la Suisse. Les conventions fiscales en vigueur liant la France et la Principauté de Monaco ne comportent cependant aucune disposition de ce type.

2.   L’exonération des droits de mutation a été étendue, en pratique, aux dons et legs transfrontaliers entre la France et Monaco depuis 1969

Depuis 1969, même en l’absence d’accord sur cet aspect spécifique, les organismes à l’égard desquels des dons et legs ont été consentis de manière transfrontière ont pu, en raison de la qualité des relations franco-monégasques, et au nom de l’intérêt général, être exonérés de droits de mutation sur la base de décisions ponctuelles des autorités compétentes des deux États, dès lors que ces organismes auraient été éligibles à de telles exonérations s’il avaient été constitués dans le droit interne de l’État concerné.

Cette pratique demeure cependant exceptionnelle et concerne des sommes modestes. Comme le rappelle le sénateur Vincent Delahaye dans le rapport précité, depuis 2010, seul l’hôpital Princesse-Grace de Monaco a sollicité une exonération de droits français, pour un legs représentant 1,5 million d’euros ; cette demande n’a cependant pas encore été instruite, dans l’attente de la conclusion du présent accord. Au cours de la même période, six organismes français ont bénéficié d’une exonération de droits monégasques, accordés sur une base de 894 000 euros. Selon le Gouvernement, sur une période plus longue, les organismes français ont plus souvent été bénéficiaires de dons ou legs de la part de donateurs monégasques que l’inverse.

3.   Un nouvel accord consensuel, fruit d’une harmonieuse coopération bilatérale en matière fiscale

Les négociations fiscales entre la Principauté de Monaco et la France se sont déroulées au sein de la commission consultative mixte instaurée par la convention de 1950, qui est le cadre de la coopération franco-monégasque en matière fiscale. Elle réunit chaque année des représentants français et monégasques pour examiner les difficultés d'interprétation ou d'application que soulève la convention et qui n'auraient pu être réglées par la voie diplomatique.

En 2016, la délégation française a saisi l’occasion de la demande d’exonération de droits de mutation applicables au legs consenti par un résident français à l’hôpital monégasque Princesse-Grace pour proposer d’encadrer les conditions d’exonération des dons et legs transfrontaliers, sur le modèle des conventions conclues avec d’autres États partenaires. L’accord ne soulevant aucune difficulté particulière et formalisant une pratique existante, il a pu être signé par les deux parties le 25 février 2019.

Dans l’attente de la conclusion de cet accord, toutes les demandes d’exonération formulées auprès de l’une ou l’autre partie ont été mises en attente.

II.   le prÉsent accord vise À donner une base juridique aux dons et legs transfrontaliers consentis À certains organisMes À but non lucratif

Le présent accord, qui se compose d’un préambule et de six articles, vise à exonérer certains bénéficiaires de dons et legs entre vifs et par décès de l’un des États parties, des droits de mutation à titre gratuit exigibles dans l’autre État partie.

A.   un renforcement opportun de la sÉcuritÉ juridique et de la transparence des relations fiscales bilatÉrales, au service de l’intÉrÊt gÉnÉral

L’absence d’accord bilatéral sur le sujet de l’éligibilité de dons et legs transfrontaliers à une exonération des droits de mutation à titre gratuit est source d’insécurité juridique pour les contribuables, cette éligibilité dépendant d’une décision ponctuelle et exceptionnelle des autorités compétentes. L’opacité entourant les décisions d’exonération aurait pu se révéler, à terme, préjudiciable.

En outre, l’insécurité juridique est accrue par le caractère imprécis et laconique du droit monégasque en matière d’exonération des dons et legs : les entités éligibles sont définies par une loi datant de 1938 ([2]), qui ne mentionne que la commune, les établissements publics hospitaliers ou de bienfaisance, et les fondations privées dont le but désintéressé tend au perfectionnement intellectuel, moral ou social des membres de la collectivité monégasque. Selon le Gouvernement, cette rédaction permet cependant à la Principauté d’exonérer l’ensemble des entités visées à l’article 2 du présent accord.

La clarification du régime fiscal applicable aux dons et legs transfrontaliers et de la liste des entités éligibles à une exonération permettra en outre de faciliter le financement des organismes non lucratif français et monégasques, même s’il est difficile de mesurer son effet incitatif.

B.   des dispositions comparables aux accords du même type signÉs par la France

1.   Un avantage fiscal octroyé sur le fondement de la réciprocité

Les articles 1er et 2 du présent accord définissent trois catégories de bénéficiaires des exonérations des droits de mutation à titre gratuit :

- les États parties ;

- leurs collectivités locales ou territoriales ;

- les établissements publics, d’utilité publique et les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l’un des États parties.

À cet égard, le présent accord est similaire aux accords du même type signés par la France, à ceci près que la partie monégasque a demandé qu’il soit explicitement fait référence au domaine médical, afin de reprendre une disposition présente dans son droit interne et de sécuriser le legs de 1,5 million d’euros de 2012 en faveur de l’hôpital Princesse-Grace, qui est à l’origine des négociations sur le présent accord. De même, la mention des organismes exerçant leur activité dans le domaine environnemental s’explique par la forte présence d’organismes actifs dans ce secteur sur le territoire monégasque. Il n’en reste pas moins que, pour l’administration fiscale française, ces différences sont mineures, les champs d’application matériel et personnel étant tout à fait comparables aux autres conventions.

L’article 2 pose en outre une stricte condition de réciprocité pour bénéficier de l’exonération fiscale. Ainsi, un État n’est pas tenu d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit, entre vifs et par décès, des entités implantées dans l’autre État lorsque de telles entités ne bénéficient pas d’une telle exonération au regard de son droit interne.

Comme le relève la commission des finances du Sénat dans le rapport précité, en vertu de l’article 794 du code général des impôts, les libéralités consenties aux établissements publics hospitaliers ne seront plus éligibles à une exonération de droits de mutation à titre gratuit à compter du 1er janvier 2024, cette dépense fiscale ayant fait l’objet d’un bornage dans le temps en loi de finances pour 2020. En application de l’accord, à compter de cette date, de la même manière, les dons et legs de résidents français en faveur d’établissements publics hospitaliers monégasques ne pourront plus bénéficier de cette exonération.

2.   Une exonération accordée sans condition de résidence

L’étude d’impact du projet de loi indique que l’exonération s’appliquera sans condition de résidence du donateur ou testateur dans l’un des deux États parties, dès lors que le bénéficiaire d’un des États parties doit s’acquitter de droits de mutation à titre gratuit dans l’autre. En pratique, le présent accord s’appliquera lorsque le donateur ou le testateur réside dans un État tiers, si le don ou legs est imposable en France ou à Monaco et a été consenti à un bénéficiaire éligible présent sur le territoire de l’autre État partie.

Là encore, il s’agit d’une disposition similaire aux accords du même type signés par la France.

3.   Des modalités classiques d’entrée en vigueur, de modification ou de dénonciation de l’accord

Les modalités d’entrée en vigueur, de modification ou de dénonciation de l’accord sont similaires à celles prévues par la majorité des accords bilatéraux signés par la France. Ainsi, l’article 3.1 précise que l’accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de la dernière notification d’accomplissement des procédures internes requises. La ratification de l’accord ne nécessitant, à Monaco, que l’édiction d’un texte réglementaire, les services fiscaux monégasques sont dans l’attente de l’aboutissement des procédures internes françaises pour enclencher les leurs.

Au titre de l’article 4, la commission mixte fiscale franco-monégasque sera compétente pour régler les différends liés au présent accord.

L’article 5 permet une modification de l’accord par simple échange de notes, ce qui n’a pas pour effet de dispenser de ratification parlementaire les éventuelles modifications entrant dans le champ de l’article 53 de la Constitution.

L’article 6 prévoit une durée de validité indéterminée de l’accord, tout en décrivant ses modalités de dénonciation.

4.   Un accord qui se singularise cependant par sa rétroactivité en matière de legs

Aux termes de l’article 3, le présent accord s’appliquera aux dons effectués à compter de son entrée en vigueur, mais s’appliquera de façon rétroactive pour les legs consentis par des personnes décédées à compter du 1er janvier 2012.

En effet, la partie française et la partie monégasque ont décidé, au début des négociations, de mettre en attente les demandes d’exonération des droits de mutation à titre gratuit ayant été consentis à partir de cette date le temps de la conclusion d’un accord.

Cette rétroactivité semble tout à fait justifiée, puisqu’elle permettra notamment d’appliquer l’exonération des droits de mutation à titre gratuit au legs consenti en 2012 à l’hôpital « Princesse-Grace ».

C.   un impact fiscal limitÉ

Les conséquences fiscales de l’accord semblent limitées, pour plusieurs raisons. D’abord, l’accord se contente de formaliser une pratique constante depuis 1969. Ensuite, s’il est difficile de mesurer l’effet incitatif de cet accord sur le nombre de dons et legs transfrontaliers qui seront consentis après l’entrée en vigueur du texte, le caractère ponctuel de ces actes et la réciprocité de l’exonération en limitent l’impact fiscal.

De même, la perte de recettes résultant du caractère rétroactif de l’accord devrait être limitée. En effet, seules quatre demandes d’exonération seraient en attente d’instruction à Monaco, pour des dons et legs en faveur d’organismes français d’un montant total d’environ 25 millions d’euros, correspondant à des droits de mutation de l’ordre de 4 millions d’euros. De son côté, la France n’aurait à se prononcer que sur la demande d’exonération de l’hôpital Princesse-Grace, qui lui a été transmise en 2016. Ces chiffres laissent penser que les organismes non lucratifs français seront les principaux bénéficiaires de cet accord. 


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   Conclusion

Votre rapporteur est favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

Cet accord, qui permettra de donner un cadre juridique à une pratique constante depuis 1969, renforcera la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales franco-monégasques, au profit des organismes menant des missions d’intérêt général dans les deux territoires.

 


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   EXAMEN en commission

Le mercredi 26 mai 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Pierre-Henri Dumont, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé (n° 3835).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous passons à l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, sur le rapport de Pierre-Henri Dumont. Il aura ainsi à assumer ce que l’un de nos plus grands poètes, Corneille, aurait appelé un triste et grand honneur, celui de prendre la relève de notre ami Olivier Dassault, qui aurait dû être rapporteur de ce texte s’il ne nous avait quittés dans des circonstances tragiques.

Les familiers de l’œuvre de Courteline savent que le service des dons et legs est la quintessence de l’action bureaucratique. Son roman, Messieurs les ronds-de-cuir, se déroule dans le ministère des dons et legs créé à cet effet par Courteline et il n’y est question que du sort réservé au don, fait par un particulier, de deux chandeliers et d’une paire de jumelles marines. Les dons et legs sont sacrés dans la République !

Plus sérieusement, cet accord reprend le modèle des conventions fiscales conclues par la France avec de nombreux États qui nous sont proches afin d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits à des organismes à but non lucratif.

La particularité de cet accord tient à ce qu’il s’applique à un État avec lequel nous étions convenus d’une telle exonération depuis 1969 sur la base d’un accord tacite, selon une pratique informelle courante pour de nombreux échanges que nous entretenons avec cet État ami enclavé dans le département des Alpes-Maritimes. L’accord signé en 2019 vise ainsi à formaliser le mécanisme d’exonération existant mais aussi à le clarifier et le sécuriser ainsi qu’à en étendre le champ aux domaines médical et environnemental qui donnent lieu à d’importants dons et legs entre nos deux pays.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Il ne sera pas question de paires de jumelles marines ni de chandeliers, mais d’argent sonnant et trébuchant versé très régulièrement à des hôpitaux ou des associations à but non lucratif.

J’ai une pensée émue pour Olivier Dassault, qui était très attaché aux relations entre la France et Monaco. C’est un honneur pour moi que de lui succéder.

Les relations fiscales franco-monégasques reflètent la spécificité et l’étroitesse des liens entre les deux territoires, sur le plan tant géographique qu’historique, démographique et culturel. La singularité de ces relations tient notamment au fait que la Principauté est un territoire fiscalement très attractif, imbriqué dans le département des Alpes-Maritimes. Cela explique pourquoi les deux conventions fiscales liant la France et Monaco ne visent pas tant à éviter les doubles impositions qu’à lutter contre le transfert de bénéfices à la Principauté et de dissuader les contribuables français d’y établir leur domicile fiscal afin d’échapper à l’impôt sur le revenu en France. Ainsi, les 10 000 Français qui résident à Monaco continuent de payer leurs impôts en France.

Ces conventions fiscales, relativement anciennes, ne couvrent pas, cependant, l’ensemble des questions fiscales auxquelles peuvent être confrontés les deux territoires. En particulier, elles ne règlent pas la question des dons et des legs consentis par les ressortissants d’un territoire aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé situés dans l’autre territoire.

C’est précisément ce vide juridique que cet accord vise à combler. En droit français, comme en droit monégasque, des organismes à but non lucratif et des personnes publiques sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière, lorsqu’ils sont bénéficiaires de dons ou de legs. Cet avantage ne peut s’appliquer, en principe, à des organismes étrangers qu’en vertu d’une convention fiscale.

Cependant, l’étroitesse des relations franco-monégasques a laissé une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique. Ainsi, les dons et legs transfrontaliers franco-monégasques en faveur d’organismes à but non lucratif sont en pratique exonérés de droit de mutation à titre gratuit depuis 1969, même en l’absence de convention fiscale. Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ministérielles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d’éligibilité dans le droit interne de l’autre État. À cet égard, le présent accord ne fera donc qu’encadrer une pratique existante, ce qui explique que les deux parties soient facilement parvenues à un consensus.

Concrètement, les dispositions de l’accord sont similaires à celles figurant dans les dix-sept accords du même type signés par la France, par exemple avec l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Portugal, la Suède ou l’Italie. L’accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales et les établissements publics ou d’utilité publique ainsi que les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implanté dans l’un des États parties. Ce champ d’application, relativement large, est censé couvrir l’ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.

Cependant, il ne suffira pas à une entité de correspondre à ces critères pour bénéficier des dispositions de l’accord, dans la mesure où une condition de stricte réciprocité est posée : un organisme ne sera éligible à une exonération de droit de mutation dans l’autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés dans son territoire.

De surcroît, en matière de legs, l’accord aura une portée rétroactive. Il a en effet été décidé, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d’exonération dans l’attente du présent accord.

Compte tenu du faible nombre d’opérations concernées, l’impact fiscal de cette disposition semble limité. En effet, seule une demande d’exonération est en attente d’examen en France, concernant un legs de 1,5 million d’euros en faveur d’un hôpital monégasque. En parallèle, quatre demandes d’exonération auraient été formulées auprès des service fiscaux monégasques pour des dons et des legs en faveur d’organismes français d’un montant total d’environ 25 millions d’euros, correspondant à des droits de mutation de l’ordre de 4 millions.

Qui plus est, même s’il est difficile d’évaluer le caractère incitatif de l’accord relatif aux futurs dons et legs, cet impact fiscal devrait à l’avenir rester circonscrit, puisqu’il ne fait que formaliser une pratique existante.

Surtout, l’accord semble opportun car il renforce la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales bilatérales, au service de l’intérêt général.

À la faveur de ces remarques, je vous propose d’adopter ce projet de loi.

Mme Sonia Krimi (LaREM). Les montants que vous avez cités sont faibles, monsieur le rapporteur, mais comment faire, justement, pour que ces dispositions n’entraînent pas une explosion des demandes ?

Je ne peux que féliciter la Principauté de Monaco qui a durci sa législation pour mieux lutter contre le blanchiment d’argent.

Notre groupe votera pour ce projet de loi qui ne bouleversera pas les relations fiscales entre la France et Monaco mais renforcera, au contraire, la transparence des opérations et sécurisera la pratique. Nous prendrons garde, cependant, à ce que ces dispositions ne se traduisent pas par un appel d’air même si, pour l’heure, elles bénéficient surtout à des organismes français. Rappelons que les États parties en bénéficient, tout comme les collectivités territoriales et locales ainsi que les établissements publics français qui remplissent des missions d’intérêt général.

M. Michel Herbillon (LR). Vous comprendrez que je veuille à mon tour rendre hommage à mon ami Olivier Dassault, qui devait rapporter ce projet de loi et qui était président du groupe d’amitié France-Monaco. J’avais eu l’occasion de l’accompagner lors du déplacement d’une délégation dans la Principauté et je veux souligner la compétence, l’ardeur et l’enthousiasme qu’il avait mis dans son engagement en faveur des relations entre nos deux pays. Je veux aussi témoigner de la chaleur de la réception du prince Albert de Monaco. Je pense à Olivier à cet instant, et il nous manque.

Le rapporteur a indiqué très clairement que cet accord visait à conforter la sécurité juridique d’une pratique qui existe depuis 1969. Renforcer cette sécurité juridique est une bonne chose et cet accord témoigne des relations extrêmement étroites qui existent entre la France et la Principauté. Les entités susceptibles d’être exonérées sont nombreuses, car le champ d’application est assez large et comprend notamment le domaine hospitalier. Je souligne la compétence de la Principauté en matière de santé publique : elle constitue véritablement un pôle d’excellence et les liens sont extrêmement étroits entre son système hospitalier et celui des Alpes-Maritimes. Les échanges d’informations dans le cadre de ce partenariat ont été particulièrement nourris lors de la pandémie.

Mme Maud Gatel (Dem). Depuis 1969, la France et Monaco exonèrent mutuellement des droits de mutation les dons et legs à des organismes à but non lucratif installés dans l’autre État. Cette pratique, qui demeure exceptionnelle, s’effectue néanmoins en l’absence de convention fiscale, ce qui est source d’insécurité juridique. De plus, le caractère laconique du droit monégasque en matière d’exonération fiscale peut légitimement inquiéter. Les travaux du rapporteur montrent que, dans la durée, les organismes français sortaient gagnant de ces exonérations et que celles-ci sont restées extrêmement ponctuelles.

Les négociations entre les deux États pour la conclusion de cet accord ont été relativement rapides et consensuelles. L’accord conclu ne diffère pas significativement des précédents accords du même type liant la France à d’autres États. Il ne fait que graver dans le marbre une pratique déjà bien installée entre la France et Monaco. Il en permet l’extension à de nouveaux domaines, ce dont on peut se réjouir, et participe à la stabilité et à la sécurité juridique de nos relations fiscales. La clarification de l’ensemble des procédures et des entités éligibles aux exonérations est bienvenue pour les contribuables et les différents acteurs économiques ; elle constitue un levier pour accompagner la nécessaire lutte contre l’évasion fiscale. Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

M. Alain David (SOC). Ce projet de loi adopté en première lecture par nos collègues sénateurs en février dernier est encore moins sujet à caution que celui que nous venons d’examiner sur les fonctionnaires de l’OMS. Comme l’a signalé à juste titre le rapporteur, il formalise une pratique existant depuis 1969 et ne concerne qu’un très petit nombre de dons et de legs.

Nous sommes souvent sourcilleux lorsque nous examinons des conventions fiscales avec des États comme Monaco, le Luxembourg, la Suisse ou d’autres. Mais cette fois il n’y a pas lieu de faire part de la nécessaire vigilance vis-à-vis de pays à la fiscalité avantageuse, et même parfois déloyale, qui participent à l’optimisation, à l’évasion, voire à la fraude fiscales.

Le groupe Socialistes et apparentés votera donc pour ce projet de loi.

Lorsqu’il s’agit de dons ou de legs bénéficiant à des associations ou structures installées en France, on peut s’assurer de l’existence réelle de celles-ci et confirmer leur nature. Cela me semble beaucoup plus compliqué en sens inverse. Le rapporteur peut-il nous indiquer comment il est possible de vérifier que le bénéficiaire monégasque d’un don a bien une existence légale ?

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Le groupe Agir ensemble encourage la signature de ce type d’accords. Celui-ci permettra de donner un cadre juridique à une pratique constante depuis 1969, renforcera la sécurité juridique et la transparence des relations fiscales franco-monégasques, et favorisera des organismes menant des missions d’intérêt général.

Ses conséquences fiscales semblent limitées pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que l’accord se contente de formaliser une pratique constante ancienne. Ensuite, il est difficile de mesurer l’effet incitatif sur le nombre de dons et de legs transfrontaliers qui seront consentis après l’entrée en vigueur du texte. Le caractère ponctuel de ces actes et la réciprocité de l’exonération en limitent l’impact fiscal. Quatre demande d’exonération seulement seraient en attente d’instruction à Monaco pour des dons et des legs en faveur d’organismes français, pour un montant total d’environ 25 millions d’euros ; le caractère rétroactif de l’accord est donc limité. De son côté, la France n’aurait à se prononcer que sur la demande d’exonération du don en faveur du centre hospitalier Princesse-Grace, qui lui a été transmise en 2016.

Ces éléments laissent penser que les organismes non lucratifs français seront les principaux bénéficiaires de cet accord, que le groupe Agir ensemble votera car il favorise les relations de bon voisinage.

M. Jean-Michel Clément (LT). Quand on parle de fiscalité et de Monaco, je pense : « sauternes et foie gras ». C’est l’association qui convient.

Par-delà cette approche métaphorique, nous parlons de fiscalité et de dons, dont on ne m’empêchera pas de penser qu’ils ne sont pas uniquement animés de bonnes intentions. Si ce don entraîne une exonération fiscale, celle-ci conduira forcément à un impôt supplémentaire pour ceux qui n’en bénéficient pas. D’une certaine manière, nous participons donc tous indirectement par l’impôt à cette œuvre de générosité. Cette philosophie m’a toujours un peu étonné. C’est ainsi : pour obtenir des dons, il faut des incitations fiscales. Cherchons la moralité… Elle est certainement un peu éloignée de l’acte généreux que pourrait constituer un don. De surcroît, quand on est monégasque et qu’on ne paye ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les sociétés, l’élan de cette générosité m’effraie un peu.

Il s’agit là de quelques réflexions personnelles ; je ne vois pas d’inconvénient à ce que cet accord soit adopté et mon groupe suivra les conclusions du rapporteur.

Mme Samantha Cazebonne. Ma question porte sur l’article 2 de l’accord, qui précise quels sont les établissements et organismes concernés par les exonérations de droits de mutation. Parmi eux figurent les organismes exerçant leur activité dans le domaine cultuel.

Si les parties garantissent toutes deux la liberté de culte, leurs systèmes politiques sont différents : monarchique pour l’une, républicain et laïc pour l’autre. Quelles sont les conditions d’application de l’accord lorsqu’il touche au domaine cultuel ? Un cadre de contrôle a-t-il été prévu pour garantir la neutralité religieuse ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La question de savoir si la monarchie monégasque est de droit divin ne sera pas posée…

M. Jérôme Lambert. Alain David a évoqué un point que je souhaite développer à mon tour. Il n’y a pas lieu de s’interroger quand le don bénéficie à une collectivité territoriale ou à un établissement public hospitalier. Mais qu’en est-il dès lors qu’on aborde les associations cultuelles ?

Je ne sais pas si l’Église de scientologie ou d’autres associations sont reconnues par Monaco comme cultuelles, alors qu’elles ne le sont pas en France. En étendant un peu le propos, quel contrôle effectif pouvons-nous avoir sur la réalité de celui exercé par les autorités monégasques sur l’activité des associations ? En France, la question ne se pose pas car les services fiscaux connaissent bien les associations exonérées de droits de succession sur les dons et legs. Pour ce qui est de Monaco, qui va exercer ce contrôle ? On peut certes se reposer sur la confiance mutuelle ; mais cela n’apporte pas une réponse s’agissant de certaines associations que j’ai évoquées. Je ne suis pas défavorable au principe retenu par cet accord, mais à condition de mieux connaître les modalités de vérification de l’activité des bénéficiaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Votre sagacité m’impressionne, mes chers collègues. Ne prenez pas pour argent comptant la désinvolture avec laquelle j’ai évoqué la question il y a un instant. Vous posez un problème extrêmement sérieux. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une question de confiance dans les autorités monégasques, mais plutôt d’une question de proximité des critères.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Michel Herbillon a souligné l’excellence hospitalière de Monaco, ce qui nous ramène à l’un des objets de l’accord, puisqu’un legs d’un million et demi d’euros consenti en 2012 au profit du centre hospitalier Princesse-Grace est dans l’attente du vote du projet de loi. Les dossiers des différents legs en cours ont en effet été gelés, le temps de la négociation de l’accord puis de son examen et de sa ratification par le Parlement. On sait que les liens entre hôpitaux français et monégasques sont extrêmement forts ; on l’a encore vu il y a quelques mois au moment de la tempête Alex, avec un fort soutien des autorités monégasques aux sinistrés de la vallée de la Roya.

Mme Krimi a évoqué un possible appel d’air. Même si on ne peut en écarter le risque, l’expérience montre qu’un tel phénomène n’a pas été observé à la suite de la signature de conventions du même type avec d’autres États. Certains d’entre eux sont pourtant significativement plus grands que Monaco, avec un nombre de donateurs et de bénéficiaires potentiels bien plus important. Quatre dossiers ont été mis en attente non pas depuis l’examen du projet de loi par le Sénat, mais bien depuis le début des négociations en 2012, ce qui représente un nombre très limité de cas sur une période de près de dix ans. L’accord vise avant tout à accroître la sécurité juridique de ces dons et legs, pour éviter que les exonérations reposent sur une décision discrétionnaire du ministre.

Ce qu’il faut retenir de l’accord, M. David, c’est la condition de stricte réciprocité : les organismes bénéficiaires doivent être strictement les mêmes en France et à Monaco. Si la France décide de ne pas octroyer d’exonération à tel organisme, cela ne sera pas non plus possible à Monaco. C’est donc un moyen de contrôle, même si bien entendu Monaco n’est pas un État voyou, loin s’en faut. Des efforts ont été effectués par la Principauté, cela a été relevé par Mme Krimi, pour aller vers plus de transparence et améliorer la collaboration entre les services fiscaux. On peut estimer qu’il y a toujours moyen de faire davantage et on sait bien que l’association des mots « fiscalité » et « Monaco » peut faire clignoter quelques alarmes. Mais des efforts sont faits et ce principe de stricte réciprocité autorise une forme de contrôle.

Le catholicisme est en effet religion d’État à Monaco, Mme Cazebonne, différant en cela de notre République laïque. Mais, une fois encore, le principe de réciprocité fait que si un organisme ne peut bénéficier d’une exonération en France, ce ne sera pas possible non plus à Monaco, et inversement. Cela permet un contrôle effectif des associations bénéficiaires. M. Lambert a fait référence à la scientologie. Des échanges d’informations ont lieu entre les services fiscaux. Nos relations reposent aussi sur la confiance, laquelle est à la base des économies modernes et du fonctionnement des relations internationales. Les relations entre nos deux pays ne sont pas évanescentes.

Tous ces éléments nous permettent d’approuver cet accord, dont l’objet premier est d’assurer la sécurité juridique de dons et legs bénéficiant à des organismes désintéressés.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La question posée par nos collègues David, Cazebonne et Lambert est très légitime. Mais il me semble que les pratiques sont assez solidement établies entre la Principauté et la République française, notamment à travers le filtre exercé par le Tribunal suprême de Monaco. Comparable au Conseil d’État, il s’appuie souvent sur la jurisprudence de ce dernier. Il l’a notamment fait à l’occasion d’une décision sur la liberté de culte, en faveur des Témoins de Jéhovah. Un très grand souci de convergence se manifeste donc depuis les accords passés entre la Principauté de Monaco et la République française du temps du général de Gaulle.

La commission adopte l’article unique du projet de loi, sans modification.


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   Annexe : texte adopté par la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, signé à Monaco le 25 février 2019 et dont le texte est annexé à la présente loi.

 


([1]) Rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, par M. Vincent Delahaye, sénateur.

([2]) loi n° 241 du 6 juin 1938