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N° 4222

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2021.

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la bioéthique, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT EN DEUXIÈME LECTURE, relatif à la bioéthique

 

 

Par MPhilippe BERTA, Mme Coralie DUBOST, M. Jean-François ELIAOU, M. Gérard LESEUL, Mme Laëtitia ROMEIRO DIAS, et M. Jean-Louis TOURAINE,

Rapporteurs

 

 

Tome II
EXAMEN DES ARTICLES

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  Première lecture : 2187, 2243 et T.A. 343

 Deuxième lecture : 2658, 3181 et T.A. 474

 Commission mixte paritaire : 3891

 Nouvelle lecture : 3833.

Sénat :  Première lecture : 63, 237, 238 et T.A. 55 (2019-2020)

 Deuxième lecture : 686 (2019-2020), 280, 281 et T.A. 53 (2020-2021)

 Commission mixte paritaire : 371, 372 (2020-2021).

 


 

La commission spéciale est composée de :

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente ;

M. Thibault Bazin, M. Francis Chouat, M. Bruno Fuchs, Mme Monique Limon, vice-présidents ;

Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Guillaume Chiche, M. Maxime Minot, secrétaires ;

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le chapitre Ier du titre Ier, sauf l'article 1erA,

Mme Coralie Dubost, rapporteure sur l'article 1erA et sur le chapitre II du titre Ier,

M. Gérard Leseul, rapporteur sur le titre II,

M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV,

M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V,

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII ;

M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Valérie Beauvais, Mme Gisèle Biémouret, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Pierre Cabaré, Mme Josiane Corneloup, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre‑Henri Dumont, Mme Elsa Faucillon, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Bastien Lachaud, Mme Anne‑Christine Lang, Mme Marie Lebec, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, Mme Danièle Obono, M. Matthieu Orphelin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean‑Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre‑Alain Raphan, M. Julien Ravier, Mme Marie‑Pierre Rixain, Mme Laurianne Rossi, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, Mme Laurence Vanceunebrock, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

TRAVAUX DE LA COMMISSION spéciale

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 21 heures ()

TITRE Ier  ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Avant l’article 1er A

Article 1er A (supprimé) Absence de droit à l’enfant

Article 1er (rétabli) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 9 heures ()

Article 1er (rétabli) (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 15 heures ()

Article 1er (rétabli) (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Article 1er bis A (supprimé) Extension du périmètre du rapport annuel d’activité de l’Agence de la biomédecine

Article 1er bis (rétabli) Rapport relatif à la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation

Article 2 (rétabli) Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Article 2 bis (rétabli) Mise en place d’un plan afin de lutter contre l’infertilité

Chapitre II Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3 Droit d’accès aux origines d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 21 heures ()

Chapitre II Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3 (suite) Droit d’accès aux origines d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Article 4 Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9 heures ()

Article 4 (suite) Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Article 4 bis Interdiction de la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui lorsqu’il mentionne le parent d’intention

titre II  promouvoir LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN

Chapitre Ier Conforter la solidarité dans le cadre du don d’organes, de tissus et de cellules

Article 6 Extension du bénéfice d’un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en l’absence d’autre alternative thérapeutique

Article 7 Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans l’exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

Chapitre Ier bis Conforter la solidarité dans le cadre du don du sang

Article 7 bis Levée partielle de l’interdiction du don du sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans

Chapitre Ier ter Encadrer les conditions de dons de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche

Article 7 ter Don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche

titre iii  appuyer LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES

Article 11 Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Article 12 Encadrement du recours aux techniques d’imagerie cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière d’assurance

titre iv  SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

Chapitre Ier Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Avant l’article 14

Article 14 Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15 heures ()

Chapitre Ier Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Article 14 (suite) Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Article 15 Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Chapitre II Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

Article 17 Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

TITRE V POURSUIVRE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE

Chapitre Ier Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19 Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer l’information de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Chapitre II Optimiser l’organisation des soins

Article 23 Élargissement des missions des conseillers en génétique

TITRE VI ASSURER UNE GOUVERNANCE BIOÉTHIQUE ADAPTÉE AU RYTHME DES AVANCÉES RAPIDES DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES

Article 29 Élargissement des missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé

Article 30 Évolution des compétences et de la composition des organes de l’Agence de la biomédecine

TITRE VII DISPOSITIONS FINALES

Article 31 Habilitations à légiférer par voie d’ordonnance


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION spéciale

La commission spéciale procède, en nouvelle lecture, à l’examen des articles du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) lors de ses réunions du mardi 1er juin, mercredi 2 juin, et jeudi 3 juin 2021.

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 21 heures ([2])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. JeanFrançois Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous entamons l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.

Le premier point de notre ordre du jour appelle la nomination d’un rapporteur sur le titre II « Promouvoir la solidarité dans le respect de l’autonomie de chacun ». M. Hervé Saulignac ayant démissionné de la commission spéciale, le groupe Socialistes et apparentés a désigné M. Gérard Leseul pour siéger parmi nous ; il m’a également saisie de la candidature de M. Leseul à la fonction de rapporteur sur le titre II. Je vous propose d’accepter cette candidature et de nommer notre collègue à cette fonction.

Aucune opposition n’étant manifestée, il en est ainsi décidé.

M. Patrick Hetzel. Avant que nous n’entamions notre travail, permettez-moi de faire, au nom du groupe Les Républicains, deux ou trois commentaires sur les conditions d’organisation de cette nouvelle lecture, qui ne sont ni très sérieuses ni acceptables.

Dans mon groupe, nous sommes onze à être membres de la commission spéciale, et, en raison des conditions sanitaires, nous ne pourrons être que six à y siéger en permanence. Cela pose problème et il vous revient, madame la présidente, de faire le nécessaire pour que nous disposions d’une salle suffisante pour réunir toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur cette question.

Par ailleurs, nous serons dans l’hémicycle la semaine prochaine en temps législatif programmé, alors que, loin de l’« entonnoir » habituel, nous sommes face à des réécritures pleines et entières de la part des différents rapporteurs. Notre temps de parole sera réduit à deux heures et cinquante minutes : ce n’est pas très sérieux ! Nous vous demandons de pouvoir a minima pleinement nous exprimer ici, en commission. Chacun doit pouvoir défendre ses amendements.

Enfin, je tiens à préciser que les rapporteurs, qui ont pourtant connaissance du texte issu du Sénat depuis plusieurs mois, la commission mixte paritaire ayant échoué, ont déposé des amendements de réécriture d’articles dans les dernières vingt-quatre heures. Tout à l’heure encore, dans la base Eloi, l’un des amendements rédigeant un article de M. Touraine était indiqué comme étant en cours de traitement, ce qui empêchait de le sous-amender.

Non seulement la majorité veut passer en force, mais elle fait tout pour empêcher l’opposition de présenter, de manière sérieuse, des sous-amendements. Les conditions d’un débat serein ne sont absolument pas réunies. J’élève donc une protestation au nom de mon groupe.

Mme Aurore Bergé. Nous entamons ce soir la troisième lecture de ce texte extrêmement important qui vient sceller l’une des propositions que nous avions défendues pendant la campagne présidentielle. Personne ne peut donc dire que la vie parlementaire puisse s’en trouver dégradée. Au contraire, nous avons procédé à un examen très approfondi au cours d’une première puis d’une deuxième lecture, et il n’y a eu ni déclaration d’urgence ni procédure accélérée.

Il n’est pas nécessaire de commencer ce nouvel examen en essayant d’attiser ce qui n’a pas lieu de l’être. Nous avons toujours su, sous la direction de Mme la présidente et des différents rapporteurs, avoir des débats extrêmement sereins sur des sujets essentiels pour nos compatriotes. J’espère que nous pouvons garantir qu’il en sera de même de l’examen que nous entamons ce soir.

Mme Annie Genevard. J’élève, à mon tour, une vive protestation relative au calendrier parlementaire. Deux textes d’importance sont en cours d’examen par deux commissions spéciales : celui relatif à la bioéthique et celui confortant le respect des principes de la République. La semaine prochaine, pendant que nous examinerons le premier en séance, les travaux sur le second se dérouleront en commission spéciale. Pour ceux d’entre nous qui sont membres des deux, il faudra se résoudre à un choix difficile, sans parler de la complication de passer de l’une à l’autre, entre le Palais-Bourbon et la salle Lamartine. Cette organisation obéit sans doute à une logique politique, pour ne pas dire politicienne, compte tenu du contexte électoral : je trouve cela vraiment fâcheux.

Mme Agnès Thill. Effectivement, nous en sommes à la troisième lecture et il y a eu débat, mais en temps législatif programmé, le temps est très réduit. En outre, les consignes sanitaires liées au Covid font qu’un seul membre de notre groupe peut être présent.

Je regrette que le texte sur l’autonomie et le grand âge, particulièrement important, risque de passer aux oubliettes, uniquement en raison de ce projet de loi, qui n’est là – personne n’est dupe – que pour des raisons électorales et pour obtenir des voix trois semaines avant les élections : c’est fort dommage. La politique n’est donc jamais gratuite mais intéressée.

M. Guillaume Chiche. J’appelle votre attention, madame la présidente, sur le fait que, dans la configuration de cette salle, les restrictions sanitaires et la jauge ne permettent pas à l’ensemble des membres de la commission spéciale de siéger en continu. Si nous sommes actuellement deux députés non inscrits, Mme Ménard et moi-même, c’est parce que nous bénéficions de l’absence d’autres membres. Si ceux-ci venaient à arriver, nous devrions quitter la salle et nous priver de l’examen de ce projet de loi auquel nous travaillons de longue date. Serait-il possible de trouver un lieu plus adapté à la représentation de l’Assemblée nationale et de permettre ainsi à l’ensemble des membres de la commission spéciale de travailler sur ce texte ?

Mme Emmanuelle Ménard. Je voudrais également vous alerter, madame la présidente, sur les conditions dans lesquelles vont se dérouler les débats. La semaine prochaine, en séance, en vertu du temps législatif programmé, les vingt-trois députés non-inscrits ne disposeront que vingt minutes de temps de parole. Si quatre de ces députés s’expriment au cours de la discussion générale, aucun d’eux ne pourra ensuite défendre ses amendements. Nous serons donc condamnés, comme c’est régulièrement le cas, à rester toute la semaine dans l’hémicycle uniquement pour que nos amendements ne soient pas considérés comme non soutenus.

Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Chiche : nos positions étant totalement opposées, si un seul non-inscrit peut siéger ce soir et par la suite, un seul point de vue pourra s’exprimer. C’est un vrai problème, un scandale pour un texte majeur comme celui-là, qui bouleverse les fondements de notre civilisation.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Malheureusement, la crise sanitaire est encore là, et deux de nos plus grandes salles de commission sont en travaux actuellement ; la seule salle disponible était celle-ci. Concernant le temps législatif programmé et le calendrier parlementaire, je vous remercie d’en référer à la conférence des présidents.

Mme Annie Genevard. Je l’ai fait !

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Madame Thill, nous avons commencé les travaux sur ce projet de loi Bioéthique il y a deux ans, et je ne vois donc pas très bien ce que vient faire le projet de loi Grand âge et autonomie dans cette affaire. Nous en entamons aujourd’hui la troisième lecture. Quant à la sérénité, monsieur Hetzel, elle sera celle que nous voudrons bien lui donner tous, collectivement.

Chers collègues, plus de 1 500 amendements ont été déposés. Monsieur Hetzel, c’est le nombre important de sous-amendements déposés en même temps qui a fait bugger, pendant dix minutes, l’application Eloi. Je vous propose une brève suspension de séance afin de réunir le bureau de la commission et de fixer les modalités d’examen de ce texte.

La réunion, suspendue à vingt et une heures quinze, est reprise à vingt et une heures vingt-cinq.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le bureau a décidé des règles suivantes : sur les amendements en discussion commune portant sur les articles 1er, 2, 3 et 4, tous les amendements de rédaction globale seront successivement présentés, puis un débat sur les sous-amendements à l’amendement du rapporteur aura lieu. Il sera suivi le cas échéant d’un autre sur les sous-amendements aux autres amendements de rédaction globale, où tous les sous-amendements seront appelés et considérés comme défendus sauf si l’auteur, ou le représentant du groupe, demande la parole. Le vote aura lieu selon les modalités normales.

S’agissant des temps de parole, trois minutes seront allouées à la défense de tout amendement de rédaction globale, deux minutes à celle d’un amendement classique, un orateur pour et un orateur contre au maximum pouvant ensuite s’exprimer, et une minute à celle d’un sous-amendement. Comme lors des discussions précédentes, l’auteur de l’amendement ne reprendra pas la parole et seul le rapporteur, dont le temps de parole n’est bien sûr pas limité, donnera son avis sur les sous-amendements.

TITRE Ier

ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre Ier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Avant l’article 1er A 

Amendement CS875 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Il s’agit de supprimer l’intitulé du titre Ier, dont la formulation paraît trop large. Nous sommes défavorables à l’élargissement de l’accès aux technologies disponibles en matière de procréation médicalement assistée (PMA), d’autant que, contrairement à ce qu’il indique, un tel élargissement s’affranchit de nos principes éthiques. L’accès à la PMA doit être réservé aux couples formés d’un homme et d’une femme, car il est primordial de contenir le recours aux techniques médicales dans le cadre structurant d’une filiation crédible. C’était, du reste, la position du précédent Comité consultatif national d’éthique (CCNE), selon lequel les conditions de l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) étaient fondées sur un choix de société, à savoir l’intérêt de l’enfant à naître et à se développer dans une famille constituée d’un couple hétérosexuel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous parlez d’avis antérieurs du CCNE, pas d’avis récents. Le titre prévu par le projet de loi convient très bien et est tout à fait conforme à ce que la loi va développer, dans le respect de nos principes éthiques, dont j’entends qu’ils peuvent être variables pour les uns et pour les autres. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. M. le rapporteur vient d’indiquer qu’il peut y avoir une sorte de variabilité dans l’acception des principes éthiques : l’intitulé du titre Ier ne saurait donc être maintenu. L’amendement de notre collègue Annie Genevard est plus que jamais pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CS87 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il faut profiter de cette troisième lecture pour assurer une meilleure cohérence entre les mots utilisés et la réalité des dispositifs législatifs proposés au travers notamment des amendements des différents rapporteurs. Il faut un titre beaucoup plus sobre parce qu’on ne peut pas conclure aujourd’hui que les évolutions induites par le texte aboutiront à un « choix éclairé » et à un « cadre maîtrisé ». L’avenir pourrait montrer le contraire.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je répète que nous sommes fiers d’avoir certains principes bioéthiques et surtout certaines valeurs, qui sont variables dans le temps et dans l’espace. Nous ne prétendons pas à l’universalité : on ne parle pas ici des droits de l’homme. Oui, parmi les principes éthiques partagés par la majorité des Français et par la société contemporaine figure le souhait que les couples de femmes et les femmes seules puissent accéder à la procréation, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Je souhaite le maintien de l’intitulé du chapitre et demande le rejet de cet amendement.

M. Xavier Breton. Les lois de bioéthique étaient fondées sur des principes largement et communément admis, qui réunissaient la société hormis quelques radicaux très marginaux : il n’y avait pas deux camps l’un face à l’autre. Aujourd’hui, le rapporteur parle de ses principes, ceux d’un groupe, qui ne rassemblent ni l’ensemble de la société ni l’hémicycle. Nous pensons qu’il peut exister des principes éthiques communs, plus que conjoncturels, vraiment structurels, qui font la société. C’est une divergence de fond qui explique cette troisième lecture d’affrontement entre deux conceptions : vous voulez affirmer vos principes ; nous nous y opposons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS578 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je considère qu’il y a dans ce texte deux absents de première importance : le père, qui est évincé et dont j’avais dit, lors de la précédente lecture, qu’il ne faisait pas bon l’être dans la République en marche, et l’enfant au regard de son intérêt supérieur. C’est pourquoi cet amendement de repli tend à y faire référence dans l’intitulé du titre Ier.

Ce n’est pas sans surprise que nous avons entendu, et à plusieurs reprises, les députés de La République en Marche évoquer, au cours de l’examen d’un autre texte de loi, l’intérêt supérieur de l’enfant, devenu tout à coup légitime alors même que vous aviez indiqué, monsieur le rapporteur, que vous rejetteriez tous les amendements l’invoquant. Celui-ci est pourtant établi sur la base de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, selon laquelle « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », et la Cour européenne des droits de l’homme l’a intégré aux critères d’appréciation du droit au respect de la vie familiale.

Pouvoir accéder à une filiation crédible est une marque indiscutable de ce même intérêt supérieur. Or elle est déniée par l’élargissement de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. La loi relative au mariage pour tous comprenait un volet consacré à l’adoption. Il ne s’agit pas de dénier aux couples homosexuels la présence d’un enfant mais simplement de ne pas élargir la PMA parce qu’elle prive l’enfant d’une filiation crédible.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pour nous, l’intérêt supérieur de l’enfant est parfaitement respecté, et même encouragé par cette loi – ne lui donnons-nous pas l’accès à ses origines, qui jusqu’à présent était nié ?

De nombreux travaux très complets, dans divers domaines scientifiques, ont montré que lorsqu’un enfant se développe auprès d’un couple de femmes ou d’une femme seule, son intérêt supérieur est toujours préservé. Ce même intérêt est notre credo et notre première obsession, de la première à la dernière ligne de ce projet de loi : nous en reparlerons demain à propos de l’enfant né à l’étranger, qui a droit lui aussi à une filiation.

Quant aux principes prétendument partagés par toute la société sur le plan de la bioéthique, l’expérience a été tentée en France dans les premières années du CCNE, sous la présidence du professeur Jean Bernard. Elle a rapidement atteint ses limites. On ne pouvait plus avancer : il n’existe aucun principe sur lequel la société unanime arriverait à se mettre d’accord. On en est donc venu, au sein du comité, à des votes et à des choix majoritaires, comme pour la loi. Et les principes éthiques sont ceux établis par la majorité de la société. Avis défavorable.

Mme Agnès Thill. D’un côté, naître d’une femme seule, sans père, ne poserait aucun problème, et, de l’autre, il serait indispensable pour la construction d’un enfant de connaître ses origines. Convenez que cette loi porte en elle un paradoxe !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS876 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Pour un enfant né d’une AMP, il est capital de pouvoir se représenter comme étant issu de ceux que la loi désigne comme ses parents. Or en première et en deuxième lecture, vous êtes allés sur des chemins, comme la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA), qui montrent bien que cette loi cherche à s’affranchir totalement de la vraisemblance biologique.

Lors des auditions, des philosophes, des sociologues ainsi que l’ancienne garde des sceaux, Mme Belloubet, ont affirmé, pour justifier du recours à la PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes seules, qu’il s’agissait d’une loi capitale qui visait à changer de civilisation. C’est précisément cette orientation tout à fait périlleuse que nous contestons, puisque vous niez la dimension biologique de la filiation et de la procréation. Il y a là quelque chose de profondément hasardeux.

Monsieur le rapporteur, sur des questions aussi fondamentales, il ne faut pas légiférer sous la pression sociale ou sous celle de groupes sociaux. La loi pour le mariage pour tous, en ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, permettait à ceux-ci d’élever un enfant. Nous franchissons là un pas supplémentaire – vous aviez d’ailleurs dit qu’il ne serait jamais franchi. Lorsque vous prenez l’engagement aujourd’hui de ne jamais aller jusqu’à la gestation pour autrui (GPA), comprenez que nous soyons pour le moins dubitatifs : nous pensons que la PMA n’est qu’un préambule.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Certes, une loi de bioéthique n’est qu’une étape ; elle sera suivie par d’autres dans le détail desquelles il ne nous appartient pas d’entrer. Dix ans nous séparent de la loi précédente. Je lis dans le journal La Croix que certains voudraient procrastiner davantage – alors que nous avons déjà trois ans de retard sur le calendrier – et en discuter lors d’un débat électoral. Mais tout cela est déjà fait : cela figurait dans les engagements présidentiels.

M. Xavier Breton. Ce n’était pas dans le programme présidentiel, ni dans la profession de foi adressée aux Français ; c’était dans une interview.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Quoi qu’il en soit, n’ajoutons pas du retard au retard. Dans sept ans, dans dix ans, il y aura d’autres étapes.

M. Thibault Bazin. Lesquelles ? Dites-le nous ce soir !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. On rediscutera vraisemblablement d’évidences comme la PMA post mortem, la ROPA et beaucoup d’autres.

Madame Genevard, s’il y a eu un changement de civilisation, il a eu lieu le jour où la conception a été maîtrisée, où la contraception est devenue rigoureuse et où les femmes ont pu choisir leur procréation. Pour tout le reste, il n’y a pas de tel changement : la PMA, la GPA, tout cela était dans la Bible.

Mme Agnès Thill. Pas du tout !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. On ne doit pas changer l’intitulé du chapitre Ier : il s’agit bien de l’exercice d’un choix éclairé par les informations qui vont être mises à la disposition des demandeurs en matière de procréation. Il est donc parfaitement adapté. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Une fois de plus, le rapporteur se fait maître ès provocations. Le texte prévoit un certain nombre de dispositions dont on voit bien qu’elles constituent un cheval de Troie et que l’on prépare la suite – on va « rattraper le retard » et même essayer d’anticiper. C’est très inquiétant, mais cela a au moins le mérite de la clarté.

Tout aussi inquiétante est la relativité des principes auxquels la majorité se réfère. Selon le rapporteur, les principes éthiques se votent à la majorité du CCNE ou d’autres. Il me semblait pourtant que, précisément, certains grands principes transcendaient les clivages, les religions et les philosophies. C’est même la raison d’être de l’article 16 du code civil, qui grave dans le marbre des principes liés à l’indisponibilité du corps humain, tels que la gratuité des dons et le principe de dignité. Et il suffirait demain d’une majorité pour que l’on balaye d’un revers de main et cet article et le reste, et que l’on ne se réfère même plus à ce principe ?

On voit bien où tout cela peut nous mener : à une forme de marchandisation des corps, à la GPA que vous appelez de vos vœux et qui figurerait dans la Bible – nous n’en avons manifestement pas la même lecture. Je vous invite à un peu plus de précision et à un peu moins de provocation.

M. Guillaume Chiche. Au moment présent, nous nous apprêtons à mettre un terme à une inégalité dans l’accès à une pratique médicale et à une hiérarchisation des familles et des volontés de mener à bien des projets parentaux. N’oublions pas qu’en raison de la crise sanitaire, de multiples parcours d’AMP ont été stoppés violemment, avec pour conséquence des pertes de chance considérables pour certaines femmes d’avoir un enfant et de fonder une famille. Ces souffrances devraient nous inciter à tenir des propos plus raisonnables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS88 de M. Thibault Bazin et sous-amendement CS1089 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Le contexte de notre pays n’est plus celui de 2018, et la crise sanitaire majeure que nous vivons doit nous inciter à prendre le recul nécessaire. Un avis récent du CCNE nous a alerté sur la question de l’allocation des ressources. La suppression de tout critère, notamment du critère médical, pose la question des priorités : un État, s’il est éthique, a besoin d’en établir, surtout après une série de pénuries.

Je forme le vœu que le texte tel qu’il sortir des travaux de notre commission n’engendre pas de tensions supplémentaires. De possibles dérives marchandes pourraient résulter de la suppression du critère médical, car, assurément, la demande de gamètes va augmenter et, au moins à moyen terme, l’offre se réduire. Le risque est donc réel. C’est pourquoi je propose un titre beaucoup plus sobre.

Mme Annie Genevard. Le sous-amendement vise à rappeler la vocation première de la PMA : répondre à l’infertilité physiologique – et non sociale – d’un couple formé d’un homme et d’une femme. Il est primordial de contenir le recours aux techniques médicales dans le cadre structurant d’une filiation crédible, ce qui est précisément l’objet de la bioéthique. Tout ce qui est techniquement possible n’est pas éthiquement souhaitable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable sur le sous-amendement. Son objectif est à l’opposé de celui du projet de loi, puisqu’il veut réserver la procréation médicalement assistée aux couples formés d’un homme et d’une femme.

Avis défavorable aussi sur l’amendement de M. Bazin. L’accès à une procréation artificielle est déjà autorisé depuis de nombreuses années ; j’en veux pour preuve que des couples hétérosexuels y ont recours même lorsqu’il n’y a pas infertilité.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vos arguments sont assez étranges. Vous avez évoqué précédemment une tribune que nous sommes plus de quatre-vingts parlementaires à avoir signée. Vous dites que nous avons trois ans de retard – mais de retard sur quoi ? Vous balayez d’un revers de la main les conclusions des États généraux de la bioéthique ! Seriez-vous opposé à des débats parlementaires véritablement démocratiques ? Il serait bon que vous gardiez en mémoire quelques principes fondamentaux de notre Constitution !

Ce que vous avez dit tout à l’heure n’est pas très républicain. On a l’impression que vous voulez passer en force pour faire adopter un texte sur lequel, contrairement aux précédentes lois de bioéthique, vous n’arrivez pas à dégager un consensus. C’est une très grande rupture, et cela soulève la question de l’acceptabilité de la loi. Méfiez-vous : vous jouez aux apprentis sorciers !

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Amendement CS89 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Même si cela vous fait rire, chers collègues, nous nous voulons force de proposition pour améliorer le texte. La question fondamentale est celle qui a été posée par les États généraux de la bioéthique : quel monde voulons-nous pour demain ? J’y ajoute celle-ci : en matière de procréation, peut-on appliquer le « quoi qu’il en coûte », fût-ce au risque de dérives ?

Monsieur le rapporteur, vous avez l’honnêteté de dire que ce que vous allez proposer, en modifiant totalement ce que le Sénat a fait, n’est qu’une étape sur le chemin de la GPA, qui arrivera dans peut-être cinq ou dix ans, et vous estimez que nous avons pris du retard dans ce processus. Mais que faites-vous de tous ceux qui ne souhaitent pas autoriser la gestation pour autrui ? Vous prétendez défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. Je ne vois pas quel est l’intérêt d’un enfant de pouvoir être issu d’une gestation pour autrui !

Si le texte que vous nous proposez est une étape vers quelque chose qui suscite aujourd’hui majoritairement une opposition, peut-être pourrait-on se demander comment éviter d’en arriver là. Plusieurs collègues de la majorité ont déclaré, la main sur le cœur, « Nous, la GPA ? Jamais ! » Eh bien, soyez cohérents par rapport à cet engagement, et commencez par modifier le titre du chapitre. Tel est le sens de cet amendement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes cohérents, puisque nous ne cessons de répéter, à chaque lecture, qu’il n’est pas question de débattre de la GPA durant cette législature. Donc n’en débattons pas !

Vous dites que vous voulez améliorer le texte, mais votre amendement vise à intituler le chapitre Ier : « Élargir l’accès à la procréation médicalement assistée ». C’est beaucoup trop réducteur ! Vous passez par pertes et profits la conservation des gamètes et des embryons et toutes les autres dispositions contenues dans ce chapitre.

Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

M. Julien Ravier. Il faudrait nous éclairer, monsieur le rapporteur, parce que ce que vous venez de dire semble en contradiction avec les propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la GPA. Nous pensons, pour notre part, que si vous ouvrez la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, il y aura inévitablement des couples d’hommes qui feront la même demande au nom de l’égalité devant le droit à l’enfant – ce qui suppose de recourir à la GPA. Par un effet domino, vous serez donc contraints d’autoriser celle-ci, ce qui va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant, parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est d’avoir un référent paternel et un référent maternel. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’autres situations possibles, par exemple dans le cas d’une adoption ou à l’état de nature, sans avoir eu recours à des technologies scientifiques ou médicales. Pouvez-vous donc nous dire, monsieur le rapporteur, si vous êtes, oui ou non, favorable à la GPA et si l’autorisation de celle-ci est bien l’objectif que vous souhaitez atteindre, en plusieurs étapes, en recourant à la technique bien connue de l’effet de cliquet ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS579 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je propose qu’à l’intitulé du chapitre Ier soit substitué au mot « personnes » les mots « couples formés d’un homme et d’une femme ». Je ne me résous pas à ce que l’homme disparaisse de la filiation. Si l’on congédie le réel, si la filiation charnelle n’est plus fondée sur la biologie, sur quoi la fondera-t-on ? Je pense que ce serait un préjudice pour l’enfant que d’être définitivement privé de père.

Vous avez déclaré à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, ainsi que d’autres collègues, que de nombreux enfants vivent déjà privés de père – mais ce père, ils l’ont eu, même s’il a disparu ou qu’il est parti. L’éviction totale du père que vous proposez me paraît tout à fait dommageable à la structuration psychologique, mentale et sociale de l’enfant, qui ne pourra même pas se représenter ce qu’est un père, puisque, vous l’avez dit et répété, un donneur de gamètes n’en est pas un.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je reconnais que vous faites preuve de constance et de cohérence, madame Genevard – mais j’en ai tout autant. L’objet même de ce texte est de ne pas réserver, de façon discriminatoire, l’accès à la PMA aux seuls couples homme-femme et de l’ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules.

Quant à l’argument selon lequel ce serait préjudiciable à l’enfant, c’est une opinion que je respecte, mais qui est contredite par toutes les études rigoureuses, basées sur un suivi jusqu’à 25 ans, lesquelles montrent que ces enfants se développent extrêmement bien et qu’ils ne souffrent d’aucune lacune. Prétendre qu’ils souffriraient de séquelles ne se fonde sur aucune donnée objective. Bien au contraire, cela vient en contradiction avec les connaissances dont nous disposons concernant le développement du nouveau-né et de l’enfant. À sa naissance, l’enfant trouve normale la famille dans laquelle il apparaît. Si cette famille est composée de deux femmes ou d’une femme seule, c’est ce modèle qu’il considérera comme normal, et c’est celui du couple homme-femme qui lui apparaîtra anormal. Vous-même, quand vous êtes née, votre famille vous a semblé normale ; il se trouve que vos parents étaient un homme et une femme, mais si vous étiez née dans une autre famille, vous l’auriez trouvée normale. Il faut se garder de ces a priori qui sont sans fondement, comme le montrent les nombreuses études rigoureuses existantes, comme celles menées par l’école de Susan Golombock, aux États-Unis ou en Europe du Nord.

Avis défavorable.

M. Xavier Breton. Vous prétendez, monsieur le rapporteur, agir contre la discrimination et en faveur de l’égalité, mais vous vous situez toujours au niveau des adultes, alors que nous souhaiterions que l’on tienne compte de l’enfant. Que faites-vous de la discrimination entre un enfant qui pourra dire « papa » parce qu’il aura un père et celui qui ne le pourra pas parce qu’il n’en aura pas ? Pour nous, c’est là une source d’inégalité et d’injustice. Vous parlez de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais c’est un paravent ; en réalité, votre objectif est de satisfaire les revendications d’adultes qui, quoique très minoritaires dans notre société, sont à la manœuvre sur ce texte – nous le savons tous.

Vous dites que l’enfant s’adaptera. C’est possible, mais il faut aussi que la société dise quelque chose sur la famille. Sinon, c’est open bar, toutes les combinaisons sont possibles, on fait famille comme on veut et, de toute façon, les enfants s’adapteront et ils seront heureux. Vous ne considérez pas la famille comme quelque chose d’à la fois institué et naturel. Pour vous, c’est un bricolage d’individus ; pour nous, il s’agit de la cellule de base de la société, fondée sur des critères naturels, corporels et sociaux.

Nous avons des conceptions différentes. Ce que vous défendez, c’est une vision individualiste, macronienne, de la famille ; nous la combattons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. Qualifier d’« éclairé » le choix proposé en matière de procréation par le présent chapitre du projet de loi me semble trompeur ; cela induit, en outre, qu’il ne peut faire l’objet de contestation.

Nous vous saurions gré, monsieur le rapporteur, de permettre au législateur que nous sommes « d’exercer un choix éclairé » sur ce projet de loi qui n’est, comme vous nous l’avez indiqué, qu’une première étape vers la ROPA, la PMA post mortem, plus tard la GPA ou que sais‑je encore. Il me semble qu’on peut difficilement parler encore d’intérêt supérieur de l’enfant !

D’ailleurs, Mme Genevard l’a signalé, votre conception en la matière est à géométrie variable. Quand il s’agit d’adoption, c’est important, mais quand on parle de la justice des mineurs, ça l’est moins ! L’intérêt supérieur de l’enfant change en fonction du texte que nous étudions. En l’occurrence, vous dites qu’il est respecté, mais vous refusez qu’il en soit fait explicitement mention.

Comment peut-on parler d’intérêt supérieur de l’enfant quand on s’apprête, comme vous le faites, à supprimer purement et simplement de la loi l’existence du père ? Je suis totalement d’accord avec ce que vient de dire M. Breton : vous vous placez du point de vue de l’adulte et de son désir d’enfant, quand nous privilégions le point de vue de l’enfant. La vraie discrimination, c’est celle que vous allez introduire avec ce chapitre Ier : certains enfants naîtront sans père quand d’autres en auront un.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Toute personne qui sollicite une aide médicale à procréation a droit à un éclairage dispensé par l’équipe clinico-biologique, qui délivre, conformément à la loi, toutes les informations pertinentes. De sorte que, oui, on peut bien parler de choix « éclairé » et je crois que nous pouvons en être tous fiers.

Quant à l’épanouissement de l’enfant, sachez que la seule et unique différence qui ait été observée par les études rigoureuses qui ont été menées se situe au niveau des adultes, certains ayant des propensions à la discrimination et faisant des remarques aux enfants qui sont élevés par des couples de femmes. Les enfants, en revanche, sont très intéressés par ces familles-là ; ils sont curieux d’aller voir ce qui s’y passe. C’est dire si vous vous trompez.

Il a été question tout à l’heure d’« adaptation ». C’est une erreur : le nouveau-né ne s’adapte pas, il est comme il est. La normalité, pour lui, c’est ce qu’il voit à sa naissance, l’environnement dans lequel il apparaît. Il ne s’y adapte pas ; c’est son état, à partir duquel il développe, dans un second temps, sa vision du monde. Si vous aviez une formation de néonatologue, vous le comprendriez.

M. Patrick Hetzel. Vous savez pertinemment que les études auxquelles vous vous référez ne font pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique, notamment auprès des chercheurs en sciences humaines et en sciences cognitives. D’autres études, fondées sur les témoignages de jeunes issus de donneurs, ne vont pas du tout dans le même sens.

Vous dites qu’il n’y a pas de souci à se faire, que les enfants vont bien, mais en réalité, les problèmes apparaissent à l’adolescence ou à l’âge adulte, à partir du moment où ces personnes commencent à se rendre compte qu’elles ont subi un préjudice, une injustice. Vous faites comme si cela n’existait pas, ce qui est très étonnant, car vous êtes habituellement l’un des premiers, dans l’hémicycle, à mettre en avant le principe de précaution. Or ce n’est pas le cas en l’espèce, alors même que nous sommes en train de parler de jeunes enfants.

Ce que vous préconisez n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est une vision adulto-centrée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS587 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Il s’agit à nouveau du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette notion, qui vous agaçait tant, monsieur le rapporteur, lors des précédentes lectures, vous la faites vôtre aujourd’hui. C’est déjà un premier pas ; cela montre que vous en reconnaissez l’importance.

Vous considérez que l’intérêt supérieur de l’enfant ne serait en rien altéré par l’adoption de ce texte. Nous en doutons. Vous vous référez à l’environnement du jeune enfant, qui, dès lors qu’il arrive dans une famille aimante, trouve son environnement parfaitement normal. Je vous invite à considérer l’argument de notre collègue Hetzel : on ne peut pas ignorer qu’un jour, cet enfant deviendra adulte et voudra probablement interroger ses origines.

Lors des lectures précédentes, vous nous aviez expliqué que le fait de naître par PMA et d’être élevé par un couple de femmes assurait à l’enfant plus de bonheur, de respect et d’amour que s’il était issu d’un couple hétérosexuel. Vous avez dit que les enfants étaient plus ouverts, plus épanouis. J’observe que vous avez infléchi ce discours, et vous avez eu raison car rien ne peut démontrer une telle affirmation.

Enfin, vous faites référence à des études que vous qualifiez de rigoureuses, mais c’est un argument d’autorité, parce que tout démontre en réalité que ces études sont biaisées – des études sur les études le prouvent. Il faudrait, en toute rigueur, évoquer l’intégralité des études qui ont été conduites sur la question.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’intérêt supérieur de l’enfant est une de mes obsessions. Cela ne date pas de l’examen de ce projet de loi : j’y ai consacré toute ma vie professionnelle. Je crois, après plusieurs décennies, être arrivé à comprendre le développement de l’enfant sur le plan affectif, psychologique, rationnel. Je peux comprendre vos craintes que l’élargissement de l’AMP n’induise des lacunes dans ce développement, mais ces craintes ne sont alimentées ni par ce que l’on sait du développement de l’enfant ni par les études disponibles.

Je ne ferai pas l’injure à M. Hetzel de lui suggérer d’appliquer la rigueur scientifique qu’il pratique habituellement, et qui fait partie de son ADN, à l’analyse desdites études. Les enfants dont il est question ont été étudiés jusqu’à l’âge de 25 ans, voire plus. Ils ont eu le temps de passer le cap de l’adolescence et de devenir de jeunes adultes. Il n’y a vraiment aucune raison de s’inquiéter.

Je n’ai jamais dit, madame Genevard, que ces enfants-là allaient mieux que les autres. Je dis que les enfants issus d’une AMP, que ce soit auprès d’un père et d’une mère, auprès de deux femmes ou auprès d’une femme seule, naissent, en moyenne, avec un peu plus d’atouts que les autres, tout simplement parce qu’ils sont très attendus, très aimés et qu’ils font l’objet de beaucoup d’attention. Si on l’espère et qu’on lui consacre beaucoup de temps et d’amour, l’enfant se développe mieux que s’il arrive « par hasard ».

Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Depuis le début de cette réunion, on entend parler du droit de l’enfant – mais cet enfant que vous défendez, chers collègues, n’existe pas, c’est une construction politique. Vous construisez un enfant que vous présupposez hétérosexuel et au genre normé. Vous lui déniez la liberté de faire un usage libre de son corps.

Songeons à tous ces enfants qui ont été amenés par leurs parents à la Manif pour tous ; c’était une sorte de consigne qui avait été adressée aux manifestants pour montrer que c’étaient les enfants et les familles qui manifestaient. Certains de ces enfants se sont découvert ultérieurement queer ou homosexuels ; ils se sont rendu compte que leurs parents les avaient emmenés manifester contre leurs droits futurs. Eh bien, ces enfants sont marqués au fer rouge par ces manifestations. Un hashtag #victimedelamanifpourtous est apparu en janvier et les témoignages se multiplient. Quels étaient leurs droits, à ces enfants, selon les participants de la Manif pour tous – que, d’une certaine manière, vous représentez dans cette assemblée ?

M. Xavier Breton. Nous ne représentons ici que nous-mêmes et la population de ce pays, monsieur Lachaud. C’est votre lecture qui est partiale.

Je vous ferai simplement remarquer que les manifestations dont vous parlez se sont toujours passées de manière très pacifique. C’est ce qui a permis d’y emmener des enfants sans aucun problème, contrairement à des manifestations récentes, violemment prises à partie par certains de vos amis.

Nous défendons des conceptions différentes, et ce qui importe, c’est de les exprimer clairement. Vous ne voulez pas du corps ou, tout au moins, vous voulez en faire ce que vous voulez, car c’est quelque chose qui vous embête. Nous considérons que nous recevons notre corps ; nous le recevons de nos parents et de nos grands-parents, par transmission. Nous pensons qu’il faut s’accepter dans son corps, alors que la logique que vous défendez consiste à vouloir le reconstruire.

Vous êtes un tenant de la théorie du genre ; nous sommes contre. Nous pensons que le corps et l’altérité sexuelle sont des réalités, qui n’empêchent rien en matière de sexualité, mais que nous recevons. Vous êtes dans l’abstraction ; vous estimez qu’il s’agit de constructions sur lesquelles on peut jouer ; vous croyez en la toute-puissance des adultes. Cela rend possible tous les délires… On avait auparavant les transgenres, on a maintenant les détrans : ceux qui ne veulent plus être trans. Tout le monde est perdu ! C’est aussi le cas en matière de filiation : on ne sait plus de quoi l’on parle.

Ce qu’il faut, c’est revenir aux réalités objectives. La réalité corporelle en est une, sur laquelle nous pourrions nous accorder – c’est ce à quoi nous vous invitons.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er A (supprimé)
Absence de droit à l’enfant

Amendements de suppression CS941 de la rapporteure, CS45 de M. Jacques Marilossian, CS526 de M. Guillaume Chiche, CS548 de Mme Sylvia Pinel, CS683 de M. Bastien Lachaud, CS864 de M. Didier Martin et CS942 de M. Gérard Leseul.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ces amendements tendent à supprimer l’article 1er A, qui a été introduit par le Sénat et qui indique qu’« il n’existe pas de droit à l’enfant ». Comme nous l’avions souligné en deuxième lecture, cela nous semble une aberration : pour interdire quelque chose, encore faut-il que cette chose existe. Or, après les discussions que nous venons d’avoir, je pense que nous pourrons nous entendre sur le fait que l’enfant est un sujet et non un objet de droit. Il ne me semble donc pas pertinent de le rendre tel, quand bien même ce serait par la négative.

Dans ce texte, il est question non pas de droit à l’enfant mais de projets parentaux – dont nous pourrons éventuellement débattre ultérieurement. Conserver cet article 1er A serait un contresens total.

M. Jacques Marilossian. L’enfant n’est pas objet mais sujet de droit. Cet article donne l’impression que l’aide médicale à la procréation consiste à acheter un ticket pour un résultat automatique. Or, je suis bien placé pour le savoir, l’AMP est une pratique dont le succès n’est jamais garanti. On compte bien plus d’échecs que de réussites. Qui plus est, le droit à l’enfant n’existe pas ; il n’existe pas pour les parents hétérosexuels, et l’on ne voit pas pourquoi il existerait pour les autres.

M. Guillaume Chiche. Il n’existe nullement de droit à l’enfant. Le projet de loi vise simplement à ouvrir l’accès à une pratique médicale, qui est loin de déboucher automatiquement sur un succès. Rappelons-le : au bout de six inséminations avec tiers donneur ou de quatre fécondations in vitro, soit le nombre de tentatives actuellement prises en charge par la sécurité sociale pour les couples hétérosexuels, il y a 40 % d’échecs. C’est bien la démonstration qu’on parle d’accès à une technique médicale, et non de droit à l’enfant.

Mme Sylvia Pinel. Il n’est pas nécessaire d’inscrire la disposition selon laquelle il n’existe pas de droit à l’enfant au sein du code civil, car elle est sans portée juridique.

M. Bastien Lachaud. Cet article doit être supprimé – il n’y a pas grand-chose à dire de plus.

Monsieur Breton, en parlant de « délire » trans, vous reprenez la une du numéro de cette semaine de Valeurs actuelles, qui véhicule la prose d’extrême droite dans ce pays. Heureusement pour vous que la Constitution protège les parlementaires de toute poursuite pour les propos prononcés dans le cadre de leurs fonctions, car les discriminations fondées sur l’identité de genre sont interdites ! Vous n’aimez pas la science, mais toutes les études scientifiques le disent : la dysphorie de genre n’est pas une invention, c’est une réalité. Aujourd’hui, les personnes trans sont prises en charge – même si elles pourraient l’être davantage – et il n’y a aucune raison de leur dénier le droit d’avoir la vie qu’elles souhaitent. Il ne s’agit pas de théorie du genre : ce sont des données scientifiques et des faits. Franchement, vous pourriez vous abstenir de telles remarques et maintenir le haut niveau d’exigence intellectuelle dont vous savez faire preuve dans les débats parlementaires.

M. Didier Martin. Le Conseil d’État l’énonçait en 2018 : « L’invocation d’un “droit à l’enfant” est sans portée, une telle notion n’ayant pas de consistance juridique dès lors qu’un enfant est une personne, un sujet de droit et qu’il ne saurait être envisagé comme l’objet du droit d’un tiers. » L’article 1er A, introduit par le Sénat, relève d’une certaine forme de manipulation puisqu’on invente un droit qui n’existe pas pour dire qu’on le supprime. La ficelle est un peu grosse !

En outre, une telle disposition pourrait remettre en cause l’AMP elle-même, en l’identifiant à l’exercice d’un droit, ce qui n’est évidemment pas le cas, puisqu’il s’agit d’une assistance médicale qui vient en complément de la nature elle-même pour les couples hétéros comme pour les couples homos et les femmes seules.

M. Gérard Leseul. La disposition rétablie par le Sénat avait déjà été discutée et supprimée par notre assemblée. Cela a été dit, une telle rédaction est juridiquement extrêmement incertaine, puisque non seulement elle édicte un interdit de portée très générale mais elle fait mention d’un concept totalement inexistant et contraire à la jurisprudence. De surcroît, l’affirmation de ce principe va clairement à l’encontre de la PMA, donc des objectifs du chapitre Ier.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je ne doute pas que, personne ici ne voulant faire de l’enfant un objet, nous serons proches de l’unanimité !

Mme Annie Genevard. Bien tenté, madame la rapporteure, mais cela ne marchera pas !

Je trouve que vous pratiquez avec une certaine habileté l’art du sophisme. Vos arguties juridiques ne tiennent pas la route ! D’abord, vous le savez bien, les premiers articles d’un texte de loi n’ont pas forcément de portée juridique à strictement parler ; souvent, ils affirment des principes fondamentaux. Que le Sénat affirme dans le premier article du premier chapitre du premier titre de ce texte le principe selon lequel il n’existe pas de droit à l’enfant est extrêmement important : le débat est ainsi placé sous l’éclairage de l’intérêt supérieur de l’enfant. Écrire cela sous cette forme permet de consacrer le statut de sujet de l’enfant, lequel ne peut faire l’objet d’un désir, fût-il légitime.

Tout dans votre texte consacre le droit à l’enfant, que nous contestons. Rappelez-vous les vifs débats que nous avions eus autour de la notion de projet parental : celle-ci légitime l’élargissement de la PMA aux couples de femmes, parce que le plus important, c’est le désir de la femme.

Je débattais hier soir sur une chaîne parlementaire avec une députée de la majorité, qui a dit quelque chose de très éclairant : une femme qui a un désir d’enfant, c’est un « rouleau compresseur ». Cela illustre que le projet parental fait de l’enfant un objet de désir, et non un sujet.

Mme Agnès Thill. Nous en sommes d’accord, il n’y a pas de droit à l’enfant, l’enfant n’est pas un objet de droit, il n’est pas payant. Vous dites que ce texte vise simplement à faciliter l’accès à une technique. Il reste qu’il n’y a pas besoin de stérilité médicalement reconnue pour accéder à celle-ci, qu’elle est payante et qu’elle sera remboursée par la sécurité sociale. En d’autres termes, ce texte, qui prétend favoriser l’amour, consacre, en pratique et philosophiquement, le règne de l’argent. L’amour est du domaine de la gratuité, y compris pour les penseurs matérialistes. Ici, on a affaire à une prestation remboursable. On entretient volontairement la confusion entre la santé publique et les options de vie personnelle par l’effacement de la vocation thérapeutique de la médecine au profit d’une ingénierie du vivant onéreuse pour tous et rentable pour quelques-uns.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er A est supprimé et les amendements s’y rapportant tombent.

M. Patrick Hetzel. Voyez, madame la présidente : l’adoption de l’amendement de la rapporteure a fait tomber les suivants, et la méthode qui a été arrêtée pour l’examen du texte nous empêche de nous exprimer comme nous souhaiterions le faire. Pourtant, je vous avais alertée tout à l’heure sur les risques encourus. Et voilà que cet article essentiel, qui avait été introduit par le Sénat dès la première lecture, puis à nouveau en deuxième lecture, est supprimé en moins de dix minutes, sans que nous puissions réellement en débattre. Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main une question aussi fondamentale ! C’est une tache sur nos débats et, en la matière, votre responsabilité est engagée. Cela montre aussi que nos travaux sur la bioéthique ne sont pas organisés de manière sérieuse. On ne peut faire fi de cette réalité.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous remercie pour ces propos très constructifs… Cinq amendements étaient en discussion et vous n’avez pas levé la main pour demander la parole, à la différence de Mmes Genevard et Thill sur l’un d’entre eux.

M. Xavier Breton. C’est malhonnête !

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. La sérénité de nos débats dépendra de chacun d’entre nous.

Article 1er (rétabli)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons organiser une discussion commune de plusieurs amendements de rédaction globale faisant l’objet d’un nombre très important de sous-amendements ; nous examinerons ceux-ci après que les amendements auxquels ils se rapportent auront été présentés – je rappelle que chaque auteur de ces amendements de rédaction globale disposera de trois minutes.

Amendements identiques CS1030 du rapporteur, CS56 de M. Jacques Marilossian et CS1008 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements s’y rapportant, amendements CS867 de Mme Annie Genevard, CS393 et CS394 de Mme Emmanuelle Ménard, CS549 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS952 de M. Gérard Leseul, CS943 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendements s’y rapportant, CS696 et CS693 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s’y rapportant, CS550 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS690 de M. Bastien Lachaud et sous-amendements s’y rapportant, et CS688 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s’y rapportant (discussion commune).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement 1030 vise à rétablir l’article 1er dans la rédaction que nous avions adoptée après l’avoir enrichie lors de nos nombreux débats.

Cependant, il ne reprend pas l’obligation malencontreuse, adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement, de donner aux femmes concernées le « recueil des conclusions des dernières études diligentées sur les désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée », sans d’ailleurs leur communiquer les études autrement plus nombreuses témoignant de l’épanouissement des enfants nés de la PMA.

Mme Aurore Bergé. Notre groupe souhaite évidemment revenir à la rédaction adoptée en première et en deuxième lectures – l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, sans considération de leur orientation sexuelle – et donc revenir sur les dispositions du Sénat établissant un certain nombre de critères défavorables à certaines d’entre elles.

Nous serons défavorables à l’ensemble des sous-amendements présentés afin de conserver les équilibres obtenus en deuxième lecture.

Mme Annie Genevard. À nos yeux, le recours à l’AMP ne doit être possible qu’en cas d’échec avéré de tous les autres traitements de l’infertilité et de toute autre technique de restauration de la fertilité.

Mme Emmanuelle Ménard. La stérilité touche un couple sur six, soit deux fois plus que dans les années 1980. La PMA est un parcours long, compliqué, source de grandes souffrances pour les couples. Or ce n’est pas un traitement de l’infertilité mais un palliatif. Pour éviter à ces couples de subir ces épreuves et parce qu’il est préférable de traiter l’infertilité, il faut faire de la lutte contre l’infertilité une véritable politique nationale de santé publique.

Il convient donc de créer un article avant le chapitre Ier du titre IV du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique et non pas dans le premier chapitre.

Par ailleurs, il convient de revenir à la rédaction adoptée par le Sénat, celui-ci ayant justement rappelé que la PMA doit avoir pour seul but de remédier à l’infertilité d’un couple formé d’un homme et d’une femme ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Dans la nouvelle rédaction de la commission spéciale de l’Assemblée, ces deux conditions sont largement dépassées puisque la PMA est « destinée à répondre à un projet parental ». Autrement dit, la PMA serait ouverte à tout le monde, couples homme-femme, couples femme-femme et femmes seules. Une telle logique crée une discrimination entre les enfants à naître selon qu’ils auront un père ou non.

Mme Sylvia Pinel. Il convient de rétablir l’article 1er, supprimé par le Sénat, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous ne pouvons retarder plus longtemps l’accès à une demande ancienne et légitime : l’ouverture des techniques d’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Celle-ci doit se faire dans les conditions en vigueur pour les couples hétérosexuels, notamment s’agissant du remboursement par la sécurité sociale.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il convient en effet de rétablir l’article 1er dans sa version issue de la deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Il s’agit en l’occurrence d’un amendement de repli par rapport à l’autre amendement, qui propose, à travers le rétablissement de l’article 1er, de permettre également la ROPA, la PMA post mortem et la PMA pour les trans.

M. Bastien Lachaud. La réécriture que nous proposons permettrait de rétablir l’article 1er mais à un détail près : elle explicite que le changement de la mention du sexe à l’état civil ne peut représenter un obstacle à la procédure d’AMP, ce qui est une simple question d’égalité.

Tel que nous le concevons, cet article permet d’ouvrir à toutes les personnes qui le peuvent et le veulent la possibilité de recourir aux techniques de PMA, qu’elles soient ou non inscrites comme femme à l’état civil. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) va d’ailleurs dans ce sens. Il ne serait pas logique d’empêcher ou de complexifier des projets parentaux en raison d’un manquement de la loi ou d’une conception rigide de l’identité de genre. Depuis 2016, le changement de genre à l’état civil n’est plus soumis à une preuve de stérilisation. Aujourd’hui, des hommes transgenres portent un enfant sans avoir recouru à la PMA. Celle-ci est par ailleurs déjà pratiquée avec des couples hétérosexuels comprenant un homme trans, avec don de gamètes, comme pour n’importe quel autre couple hétérosexuel. Il ne serait que justice de l’autoriser pour toutes les personnes qui en ont la capacité.

L’étude d’impact du Conseil d’État souligne d’ailleurs que la plupart des pays d’Europe n’a pas défini l’identité des personnes pouvant ou non concevoir un tel projet parental, ce qui permet de ne pas créer de discrimination supplémentaire. Or, tel qu’il est rédigé, le projet de loi conduirait à introduire une discrimination fondée sur le sexe inscrit à l’état civil : un homme transgenre qui n’aurait pas fait le changement à l’état civil aurait accès aux techniques d’AMP mais pas un homme transgenre qui aurait fait ce changement.

Par ailleurs, nous proposons d’autoriser la pratique de la méthode dite ROPA.

Enfin, les personnes en couple qui ont commencé un projet d’assistance médicale à la procréation doivent pouvoir le poursuivre, même en cas de décès de l’un de ses membres. Il est paradoxal que l’insémination artificielle post mortem ne soit pas autorisée dans ce texte ! Pour la personne survivante qui souhaite mener le projet à son terme, nous proposons donc qu’un délai – entre six mois et trois ans – après le décès de l’autre membre du couple soit ouvert pour réaliser l’insémination artificielle.

Par ailleurs, la réponse du Gouvernement en première lecture consistant à affirmer qu’on ne pourrait pas s’assurer de la véracité du consentement d’une personne pouvant recevoir un embryon ou des gamètes issus de son conjoint décédé nous semble très paternaliste. La décision de donner vie à un enfant repose sur bien des raisons et la pression de la société, de la famille, du conjoint, peut s’exercer dans certaines situations.

Je reviens sur le déroulement de nos travaux : comme M. Hetzel, je considère que nous aurions dû pouvoir nous exprimer lors de la discussion de l’article 1er A dès lors que l’adoption des amendements identiques faisait tomber les autres. De plus, nous devrions discuter des sous-amendements dès après la présentation des amendements auxquels ils se rapportent. Je ne comprends pas la nécessité d’une telle marche forcée et d’un tel décalage.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux sous-amendements à l’amendement CS1030 et identiques.

Sous-amendement CS1141 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à tenir compte de la suppression de la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes.

L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules divise le pays et soulève d’importantes questions éthiques auxquelles nul ne peut répondre à ce jour. De plus, elle prend en compte le seul intérêt des adultes, sans examiner l’intérêt supérieur de l’enfant.

Dans l’organisation légale de la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules, l’enfant sera légalement privé de son père biologique et de lignée paternelle. Or c’est un préjudice reconnu et indemnisé par la Cour de cassation, même lorsque le père est décédé avant la naissance.

Il est assez contradictoire que la définition de l’intérêt de l’enfant fluctue en fonction des divers textes de loi. Le Gouvernement a mis l’accent sur le rôle essentiel du père dans la petite enfance dans le cadre du plan « 1 000 premiers jours » et, ici, le préjudice que constitue la privation de père est nié !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Il n’est pas question de priver les femmes seules de l’accès à l’AMP. Pourquoi une telle discrimination ? Le Conseil d’État et le projet de loi s’y opposent. Ne soyons pas trop paternalistes et laissons le libre choix aux femmes, comme pour leur grossesse ou leur interruption de grossesse !

J’ajoute que les familles monoparentales qui choisissent une AMP ne ressemblent en rien à celles où la monoparentalité est subie.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1280 de Mme Annie Genevard.

Sous-amendement CS1657 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Il convient de permettre aux hommes transgenres de recourir à l’AMP, le texte l’autorisant pour les femmes cisgenres, qu’elles soient en couple hétérosexuel, lesbien ou non mariées.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette disposition ne figurait pas dans la version précédente du texte mais, à titre personnel, j’y ai toujours été favorable : refuser l’accès à la PMA aux personnes trans revient à les discriminer. Elles sont les parias de notre société, comme l’étaient les homosexuels il y a un demi-siècle. Le ministre de la santé a d’ailleurs indiqué dans un récent tweet que nous nous devons de lutter contre les transphobies.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1332 de Mme Marie-Noëlle Battistel. 

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il convient en effet d’ouvrir la PMA aux personnes trans. Depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes trans peuvent procéder à la modification de la mention de leur sexe à l’état civil sans être opérées ou stérilisées. Il importe donc de préciser que cette modification de la mention du sexe enregistrée à l’état civil n’est pas une entrave à la réalisation d’une PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis à nouveau favorable, à titre personnel.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1345 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le confinement a montré que des couples sont parfois dirigés hâtivement vers la procréation artificielle alors qu’une fois les parcours de PMA suspendus, certains ont finalement conçu un enfant naturellement. Afin de préserver les membres du couple et l’enfant des risques liés au recours à cette technologie, il convient de réserver celle-ci à l’échec des autres solutions.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mettriez-vous votre tête à couper que ces procréations naturelles secondaires auraient eu lieu si la PMA n’avait pas existé ? Aucun médecin, en tout cas, ne saurait l’affirmer. L’inhibition de procréation levée par la PMA et permettant secondairement des procréations naturelles est un phénomène peu connu sur les plans organique ou psychologique. Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de réserver l’AMP aux seules personnes infertiles. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1344 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La procréation technologique n’est pas sans risque. Il ne devrait être possible d’y recourir que par défaut, lorsque la conception naturelle n’a pu être favorisée par une thérapie d’accompagnement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. La grossesse même n’est pas totalement dénuée de risques, si inférieurs soient-ils aujourd’hui à ce qu’ils étaient dans le passé.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1343 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La formule d’« assistance médicale à la procréation » étant une particularité française, il convient d’adopter celle de « technologie de la fertilité », couramment utilisée dans le monde. 

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis d’autant plus défavorable que vous souhaitez réserver la PMA aux couples de sexe différent.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1214 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Le but thérapeutique est indispensable à l’AMP et justifie seul l’intervention médicale, qui ne vise par conséquent que des couples de personnes de sexe différent, seuls concernés par l’infertilité pathologique – contrairement à ce que vous dites, je n’ai pas fait état de l’infertilité comportementale. Cependant, les causes de l’infertilité n’étant pas toujours décelées, celle-ci doit pouvoir parfois être simplement constatée médicalement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. L’AMP n’est pas une thérapeutique, l’infertilité ne disparaissant pas ; elle est un substitut, non un traitement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1114 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. La PMA n’est pas une thérapeutique mais vous avez pourtant indiqué que la stérilité pouvait disparaître après y avoir recouru. On ne peut pas dire tout et son contraire !

Il convient de supprimer le quatrième alinéa de l’amendement CS1030. Le projet de loi méconnait l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France. Celui-ci prévoit l’obligation d’enregistrer l’enfant dès sa naissance, c’est-à-dire d’établir un acte de naissance conforme à la réalité, qui relate l’événement de la naissance en indiquant quand, où et de qui l’enfant est né. Or l’indication de parents d’intention dans le cadre de la PMA méconnait le droit de l’enfant, car elle le prive d’un acte conforme à la réalité pour établir un acte conforme au désir des adultes.

Le projet de loi méconnaît également cet article en ce qu’il prive l’enfant du droit d’être élevé, dans la mesure du possible, par ses parents. Lorsqu’on parle des parents, la Convention vise les parents de naissance, c’est-à-dire ceux dont la réunion des gamètes a permis à l’enfant d’être conçu. C’est le sens des actions en recherche de maternité ou de paternité dans le droit français.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Une fois encore, vous voulez exclure l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Nous faisons preuve de la même constance mais en sens inverse.

Je n’ai pas dit que la PMA était un remède à la stérilité. Pouvez-vous, en revanche, me dire dans quels cas une procréation secondaire naturelle a été ou non possible suite à une PMA ? Dans quelques cas, qui ne sont pas majoritaires, une levée d’inhibition survient, en effet, sans que l’on sache si elle est d’origine psychologique ou organique. Quoi qu’il en soit, la PMA ne vise pas un effet thérapeutique mais compense l’incapacité de procréation due à la stérilité, à la nature des couples ou à d’autres difficultés, etc.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1706 de Mme Agnès Thill. 

Mme Agnès Thill. En droit français, la PMA poursuit un objectif médical, le but thérapeutique justifiant l’intervention. En le supprimant, c’est le droit à la filiation qui est bouleversé en profondeur, ce qui mériterait sans doute un projet de loi à part entière. Aucune avancée scientifique ne justifie l’autorisation de la PMA pour toutes dans un projet de révision de lois de bioéthique tel que nous en discutons régulièrement.

De plus, a-t-on raisonnablement mesuré les conséquences de telles inégalités entre enfants ?

L’abandon du critère médical d’infertilité pour accéder à la PMA, à mon sens, ouvre la porte à un « droit à l’enfant » payant et remboursable, ce qui revient à conforter le règne de l’argent.

Du point de vue des enfants, l’autorisation de la PMA pour les femmes seules ou les couples de femmes signifie que nous institutionnalisons l’absence de père, ce qui revient en fait à satisfaire une demande de validation institutionnelle de comportements privés et remet en cause le sens même que nous donnons à la médecine : nous abandonnons la tradition hippocratique alors que la médecine ne doit pas répondre aux seuls désirs sociétaux.

Enfin, ce texte est paradoxal puisque le plan « 1 000 premiers jours » insiste sur l’importance du père.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1540 de M. Patrick Hetzel et CS1594 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. L’AMP serait destinée à répondre à un « projet parental » afin de l’ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui soulève une nouvelle fois la question de l’absence de référent paternel, comme le Conseil d’État l’a d’ailleurs noté.

Le rapporteur fait comme si rien ne s’était passé au Sénat et s’est dispensé de nous dire pourquoi il souhaite revenir au texte précédent.

M. Xavier Breton. Cette notion de « projet parental » renvoie au fameux amendement « Ferrand » validé par le président de l’Assemblée nationale contre la majorité de l’hémicycle. Réduire un enfant à un « projet parental » revient à le réduire à la volonté des adultes. Or, si la naissance d’un enfant relève bien sûr d’un projet parental, il échappe également à leur toute-puissance.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous ne réduisons pas l’enfant au seul projet parental, pas plus qu’à la rencontre fortuite d’un spermatozoïde et d’un ovocyte. Tant mieux si, grâce à un projet parental, l’enfant aura ensuite de meilleures chances dans la vie !

La notion de projet parental existe dans le droit de la bioéthique depuis une vingtaine d’années ; il ne soulève aucun problème, au contraire, pour la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1529 de M. Patrick Hetzel et CS1584 de M. Xavier Breton. 

M. Patrick Hetzel. L’élargissement de l’AMP proposé par M. le rapporteur emporte plusieurs conséquences : le critère médical d’infertilité qui conditionne son accès est supprimé ; la prise en charge par l’assurance maladie est étendue aux nouveaux publics éligibles ; la notion d’âge de procréer est supprimée, son amendement précisant que « Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État » ; le recours à un double don de gamètes est autorisé au cours d’une même tentative d’AMP alors même que cette question a été très discutée. Cet amendement témoigne manifestement d’un certain « entêtement ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable.

Un tel sous-amendement supposerait soit de revenir à la situation d’avant 1994, soit d’inclure la GPA et d’autres techniques de fécondation in vitro. L’expression « assistance médicale à la procréation » est appropriée.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1125 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’insérer dans l’amendement que l’AMP « tient compte de la vraisemblance biologique de l’homme et de la femme ».

La vraisemblance biologique obéit à l’idée que, dans l’intérêt de l’enfant, il convient de ne pas le priver délibérément de parents capables de s’occuper de lui et de subvenir à ses besoins. Ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur, nombre de pédopsychiatres ont insisté sur les conséquences importantes de la privation de père dans le processus de construction de l’enfant et de son psychisme. Les parlementaires ne peuvent assumer la responsabilité d’un tel bouleversement anthropologique, dont on est aujourd’hui incapable de mesurer les conséquences. On se souvient notamment des contributions du docteur Pierre Lévy-Soussan à ce sujet.

Outre ce bouleversement qui conduit à priver légalement un enfant de père et, de ce fait, de l’expérience de l’altérité et de la parité tout au long de son développement psychologique, il y aura un second bouleversement anthropologique : dorénavant, c’est l’intention qui fera le parent.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous voulez en revenir aux premiers temps de l’insémination artificielle : on cherchait alors à faire « comme si » le donneur de spermatozoïdes était le père, et l’on cachait la vérité à l’enfant. La vraisemblance biologique n’a pas sa place lorsque l’on recourt à une technique d’AMP ; ce n’est pas la vraisemblance biologique qui est en question. Soyons francs et honnêtes avec l’enfant : disons-lui qu’il a été conçu par un moyen d’assistance médicale, avec l’intervention d’un donneur de spermatozoïdes, qu’il aura la possibilité de connaître grâce à notre loi. Il a le droit de savoir qu’il a bénéficié de cette technique médicale ; cela ne le perturbera pas si on le lui explique comme il convient, a fortiori si on le fait relativement tôt au cours de sa vie. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1130 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’expression « projet parental » déshumanise totalement ce que la PMA permet : donner naissance à un enfant. Parler de projet parental, c’est un peu comme parler du projet d’achat d’un bien, par exemple d’une maison de vacances. Cela peut vous embêter, mes chers collègues, mais c’est bien le cas.

La naissance d’un être humain est avant tout un don, non le produit d’une prestation scientifique. À l’heure où notre société est de plus en plus déconnectée du réel, il convient d’employer des mots clairs qui permettent de comprendre qu’il s’agit bien de donner naissance à un enfant, donc à une personne qui ne se réduit pas simplement à un projet parental, ni au fruit d’un désir d’adultes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je répète ce que j’ai indiqué précédemment à M. Breton et M. Hetzel, nous ne réduisons pas l’enfant à un projet parental, mais nous ne le réduisons pas non plus à la rencontre fortuite entre un spermatozoïde et un ovocyte. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1530 de M. Patrick Hetzel et CS1585 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1530 vise à rappeler que l’AMP a avant tout un but médical – et non « thérapeutique », comme indiqué à tort dans l’exposé sommaire. C’est ce but, indispensable, qui justifie l’intervention. La disparition du but et du motif médical, que vous prévoyez dans votre amendement, monsieur le rapporteur, ouvrira inévitablement la voie au marché de la procréation humaine et, partant, à la réification de l’être humain.

En notre qualité de législateurs, nous devons ériger des barrières solides pour brider les appétits financiers que pourrait susciter l’extension de l’accès à l’AMP. À défaut, nous allons tout droit vers une marchandisation du corps humain.

C’est une question très importante, sur laquelle ont porté les débats au Sénat. Or vous rétablissez chaque fois la rédaction précédente du texte en faisant comme s’il n’y avait pas de problème. Pour notre part, nous affirmons qu’il y en a bien un.

M. Xavier Breton. La question posée est de savoir si le recours aux techniques existantes doit dépendre du bon vouloir des adultes – auquel cas ceux-ci auraient une forme d’assurance à la procréation – ou être encadré par la société et reposer, dès lors, sur des critères objectifs. La naissance d’un enfant engage non seulement l’homme et la femme – en tant que donneurs de gamètes qui s’unissent et, au-delà, dans leur personne –, mais aussi la société dans son ensemble. D’où la nécessité de maintenir, dans notre législation, la visée médicale. Pour que celle-ci ait un sens, nous proposons de renvoyer à un critère objectif : l’infertilité, qui devrait être diagnostiquée, sachant que ses causes peuvent être multiples. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à faire pour promouvoir la recherche sur l’infertilité ; nous devrions nous mobiliser bien davantage à ce sujet.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous proposez que l’accès à l’AMP demeure réduit aux seuls couples hétérosexuels. Mon avis est donc, bien évidemment, défavorable aux sous-amendements.

Dans le projet de loi, monsieur Hetzel, je ne vois absolument rien qui favoriserait la marchandisation du corps humain. Il y est indiqué au contraire, de la première à la dernière ligne, que le don de gamètes est gratuit et que l’on refuse toute forme de marchandisation. Je vais même plus loin : nous souhaitons que l’AMP soit entièrement prise en charge par l’assurance maladie, et vous devriez nous soutenir en ce sens, car, de la sorte, tout sera gratuit ; il n’y aura aucune intervention d’argent, à aucune étape du processus.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1108 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Il importe de bien voir d’où l’on part. En matière d’AMP, la loi française a jusqu’à présent fait le choix d’admettre les techniques les moins problématiques et d’interdire rigoureusement celles qui portent atteinte aux valeurs sociales fondamentales. La gestation pour autrui a ainsi été refusée en 1994, et le clonage reproductif l’a été en 2004. Quant aux techniques autorisées – l’insémination artificielle, la fécondation in vitro –, elles ont été cantonnées dans un cadre conceptuel destiné à garantir à l’enfant à naître une filiation vraisemblable.

À cet égard, monsieur le rapporteur, je ne confonds pas la notion de vraisemblance avec celle de vérité biologique. Contrairement à ce que vous affirmez, la vraisemblance a toute sa place ici, compte tenu de son importance dans la structuration psychologique de l’enfant. La vérité sur ses propres origines, c’est une autre question.

À l’époque où le cadre que j’ai décrit a été défini, l’enjeu était crucial sur le plan éthique, mais aussi sur le plan technique : il s’agissait de faire entrer la filiation consécutive à l’utilisation d’une technique d’AMP, fût-elle exogène, dans les dispositions du code civil consacrées à la filiation charnelle.

Voilà d’où l’on part, et voilà ce à quoi vous voulez mettre fin. Nous considérons que c’est une mauvaise décision, car les principes éthiques qui ont prévalu jusqu’à ce jour ont encore toute leur place et toute leur vigueur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Soyez rassurée, madame Genevard : votre préoccupation est tout à fait satisfaite, à deux égards. En premier lieu, la Convention relative aux droits de l’enfant s’applique, ce qui constitue une garantie. Je rappelle que cette convention a été signée et ratifiée par la France en 1990. En second lieu, l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire que le projet de loi tend à instituer prendra en considération, avant d’autoriser le recours à l’AMP, l’intérêt de l’enfant à naître. Je l’ai indiqué explicitement dans l’amendement de rétablissement CS1030 que je vous soumets.

Je vous invite à retirer votre sous-amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements CS1349, CS1348 et CS1347 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ces trois sous-amendements visent à préciser les conditions que devraient réunir les parents pour pouvoir accéder à l’AMP : être l’un et l’autre vivants ; avoir atteint un âge déterminé ; mener une vie commune. En effet, la séparation du couple est susceptible de causer des souffrances aiguës si des embryons sont présents. Il convient donc d’anticiper explicitement cette situation, en vue d’une meilleure information du couple.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il convient de définir des conditions, mais pas dans la loi, car elles ne doivent pas être gravées dans le marbre. En effet, elles ont un caractère évolutif : les conditions qui ont vocation à s’appliquer aujourd’hui ne sont pas celles que l’on aurait proposées il y a vingt ans, et je présume que, dans dix ou vingt ans, elles auront encore changé. Dès lors, la détermination des bornes d’âge, en particulier, doit relever d’un décret en Conseil d’État, après avis de l’Agence de la biomédecine. Votre demande sera satisfaite, mais il faut que vous fassiez confiance aux experts de l’Agence, qui conseilleront les rédacteurs du décret. Avis défavorable sur les trois sous-amendements.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement CS1119 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. D’après un sondage réalisé en juin 2019, 82 % des Français estiment que « le père et la mère ont des rôles différents et complémentaires pour l’éducation des enfants ». Une proportion similaire – 83 % – se déclare favorable à ce que « les enfants nés par PMA aient le droit d’avoir un père et une mère ». Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que seuls 12 % d’entre eux estiment que les débats autour de la PMA permettent de rassembler les Français ; ils ne sont même que 7 % chez les électeurs de la majorité présidentielle. Enfin, selon un sondage IFOP de février dernier, 70 % des Français sont opposés au maintien du texte du Gouvernement qui comprend la PMA sans père.

On ne peut que s’interroger sur la pertinence de la question de la PMA dans le débat politique, alors que, ces derniers mois, les Français ont largement manifesté leurs inquiétudes quant à leur pouvoir d’achat, à la qualité des services publics ou à leurs retraites, entre autres, et qu’ils s’inquiètent désormais des conséquences économiques de la crise sanitaire provoquée par le covid-19.

Notre société a plus que jamais besoin de repères, et le premier d’entre eux est bien évidemment la famille où un enfant est élevé par un père et une mère. C’est l’un des fondements de notre société. C’est pourquoi je propose de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 4 de l’article 1er.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous faisons une loi pour une période beaucoup plus étendue que celle de la crise sanitaire. Par ailleurs, si une majorité de Français estime que le père et la mère ont des rôles différents, je présume qu’une majorité de Français estimerait de même que deux mères ont des rôles différents, en fonction de leur personnalité et de bien d’autres facteurs.

Puisque vous êtes adepte des sondages, je rappelle qu’une grande majorité de Français est favorable à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. C’est d’ailleurs aussi le cas des catholiques pratiquants, comme l’a rapporté le journal La Croix. Nous pouvons donc être tout à fait rassurés : nous ne faisons qu’accompagner une demande sociétale très généralisée dans le pays. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1153 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit ici d’écrire très clairement que la PMA est exclusivement réservée aux couples formés d’un homme et d’une femme infertiles.

Vous dites, monsieur le rapporteur, que les Français sont très favorables à l’extension de la PMA aux couples de femmes, mais tout dépend de la façon dont on leur pose la question. Si vous leur demandez si des femmes en couple ont le droit d’avoir un enfant et d’être heureuses, ils répondront tous oui la main sur le cœur, car cela relève de l’évidence. Si vous leur posez la question en leur indiquant la conséquence immédiate de cette extension, à savoir la privation de père, les réponses seront radicalement différentes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne pense pas que vous ayez défendu votre sous-amendement, qui visait à interdire l’accès à la PMA aux personnes ayant changé de sexe à l’état civil. Mon avis est très défavorable, car je suis contre la transphobie. Je suis sûr que vous n’êtes pas favorable, vous non plus, à une telle discrimination.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1136 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1492 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Vous allez encore me reprocher de ne pas défendre mon sous-amendement, monsieur le rapporteur, mais je tiens à vous répondre : l’opposition à la PMA pour les transgenres n’a rien à voir avec la transphobie ! C’est comme si vous disiez que je suis homophobe parce que je suis opposée à la PMA pour les couples de femme. C’est ridicule ! Je trouve même cela insultant et injurieux. Pouvons-nous débattre sereinement de ces questions ?

Mon sous-amendement CS1136 vise à supprimer la possibilité pour les couples de femmes ou les femmes seules d’accéder à la PMA, idée que je défends depuis le début. L’alinéa 4 de l’article 1er organise l’heure où les pères seront facultatifs, et c’est, je le répète, dramatique. Il tend à rompre avec une vérité immuable, qui veut qu’un père et une mère engendrent pour donner naissance à des enfants qui, à leur tour, engendreront et deviendront parents.

On commet une grossière erreur si l’on croit qu’il suffira, pour effacer toute difficulté de développement, d’expliquer à l’enfant les conditions de sa conception et de lui communiquer le nom du tiers donneur. Le problème intrinsèque, je le redis, réside dans la violation de ses droits fondamentaux. Lui expliquer qu’on l’a volontairement privé de sa filiation paternelle, même par amour, cela lui causera tout autant de troubles. Il me semble que ce n’est pas souhaitable.

M. Thibault Bazin. En première et en deuxième lectures, nous avons un peu fait l’impasse sur la question de l’extension de la PMA aux femmes seules. Si nous rétablissons le texte tel que le rapporteur le propose, la société créera ab initio des enfants privés d’un de leurs deux parents, ce qui n’est pas anodin.

Nous devons avoir un débat à ce sujet. Une telle évolution est-elle conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant ? Peut-on apporter des garanties, et pas seulement sur le plan matériel ? Ne risque-t-on pas de multiplier les situations de vulnérabilité ?

Cet enfant n’aura qu’un seul parent. Que deviendra-t-il si ce parent subit un accident de la vie ? Ne le place-t-on pas dans une situation de précarité qui peut occasionner une angoisse permanente ? L’enfant ne va-t-il pas reprocher demain à la société de l’avoir privé d’un deuxième parent ? En effet, ce ne sera pas la conséquence d’un accident de la vie ; c’est la société qui l’aura permis, en y consacrant des moyens, notamment en finançant l’accès à l’AMP.

Les questions qui se posent dans le cas d’un enfant issu d’un seul parent – en théorie, car on sait bien que ce n’est pas possible en pratique – sont très importantes, notamment du point de vue de l’enfant lui-même. Nous devons prendre le temps de bien y réfléchir.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, votre propos ne relève pas forcément de l’homophobie ou de la transphobie, je vous l’accorde, mais vous plaidez tout de même pour une limitation des droits des couples homosexuels et des personnes transgenres, qui n’auraient pas les mêmes possibilités de fonder une famille et d’avoir auprès d’eux des enfants heureux.

La question que vous évoquez, monsieur Bazin, mérite effectivement réflexion. Or elle a fait l’objet d’une ample réflexion depuis plus de trois ans, dans différents cercles, notamment le CCNE et les États généraux de la bioéthique.

M. Xavier Breton. Parlons-en, des États généraux de la bioéthique !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous en sommes nous-mêmes à notre cinquième analyse, et nous avons abordé ad nauseam la question de la femme seule. Si certains estiment qu’elle n’a pas été discutée ici, c’est qu’ils ont besoin de se faire soigner les oreilles ! Nous en avons parlé chacune de ces cinq fois, de façon très prolongée, et nous avons toujours dit qu’il ne fallait pas confondre les femmes seules qui demandent une PMA avec les familles monoparentales subies ; ce n’est pas la même chose.

Lorsqu’une femme seule demande à accéder à la PMA, on s’assurera des conditions dans lesquelles les choses se passent. Je rappelle qu’en Belgique, qui a précédé la France de vingt ans en la matière, 30 % à 35 % des femmes seules formulant une telle demande sont déboutées par l’équipe clinicobiologique et les obstétriciens compétents, parce que leurs motivations ne sont pas perçues comme tout à fait sécurisantes pour l’enfant à naître. Toute femme seule qui se réveille un matin avec l’envie de faire une PMA n’obtiendra pas cette possibilité ; sûrement pas ! On exercera certainement davantage de vigilance pour une femme seule que pour un couple. Mais si l’on prend de telles précautions, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’est pas possible pour un enfant de s’épanouir parfaitement auprès d’une femme seule.

Tout cela a été pensé ; nous ne nous engageons pas du tout en terrain incertain ; nous ne sommes pas des apprentis sorciers. Pour s’assurer que nous ne prenons aucun risque, il suffit de considérer l’expérience des pays qui nous ont précédés au cours des trente dernières années.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Lorsqu’il dit que nous n’avons jamais abordé le sujet, M. Bazin est un peu taquin. Peut-être pourriez-vous éviter de réagir en employant des propos qui pourraient blesser, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je le taquine à mon tour. Il n’a pas l’air blessé ; son oreille ne saigne pas…

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1541 de M. Patrick Hetzel et CS1595 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. L’extension de la PMA risque de déboucher sur une pénurie de gamètes. Vous l’aviez vous-même relevé lorsque vous étiez rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique : « Le don de gamètes est aujourd’hui tout juste suffisant pour répondre aux besoins de l’AMP dans le cadre actuel ; le risque de pénurie pourrait représenter un obstacle pratique à l’élargissement effectif des indications d’AMP. Si ce risque se concrétisait, la reconnaissance symbolique de l’égalité des droits ne déboucherait pas sur une égalité réelle. » Ce constat vous avait d’ailleurs amené à formuler, entre autres, deux propositions : autoriser l’autoconservation ovocytaire et étendre à des centres privés l’habilitation à l’autoconservation que délivre l’Agence de la biomédecine afin de favoriser l’augmentation de l’offre d’ovocytes.

Vous avez affirmé tout à l’heure qu’il n’y avait aucun risque de marchandisation. Or, lors des deux précédentes lectures, vous avez déclaré : « il faut reconnaître l’altruisme en le rémunérant ». Ce sont des propos assez subtils, dont on voit bien le caractère sophiste. Peut-on encore parler d’altruisme dès lors qu’il y a rémunération ?

Pardonnez-moi pour l’emploi de ce terme, mais vous êtes borderline, monsieur le rapporteur : vous poussez à cette évolution au motif que nous n’aurions pas vraiment le choix ; le don de gamètes restera gratuit, mais il s’agira d’une gratuité rémunérée ! Vous écartez le sujet, mais nous y insistons : il y a bien un risque de marchandisation.

M. Xavier Breton. La question de la femme seule a été, selon vous, abordée « ad nauseam », dans la mesure où elle a fait l’objet de nombreuses études, d’un avis du CCNE, d’échanges lors des États généraux de la bioéthique. Or c’est ainsi que se construit l’éthique : il convient de se nourrir de tous ces rapports, même s’ils ne vont pas dans votre sens – ce texte dit d’ailleurs tout le contraire de ce qui est ressorti des États généraux de la bioéthique. En ce qui nous concerne, les avis qui nourrissent notre réflexion ne nous donnent pas la nausée !

Vous avez également évoqué les phobies, notamment la « transphobie », pour tenter de clore le débat. Or ce ne sont pas des arguments ; cela relève plutôt d’une dictature de la pensée unique. Notre collègue Bastien Lachaud a lancé que, si nous n’étions pas parlementaires, nous serions devant un tribunal. On voit bien où sont les inquisiteurs, qui veulent nous imposer des notions et des concepts qui font pourtant l’objet de discussions. Nous avons des conceptions différentes, mais, pour ma part, je ne menace personne du tribunal. Débattons ! Cette forme de pensée unique que l’on est en train de nous imposer suscite dans la société de très fortes résistances, que nous exprimons ici. Respectez-les !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à ces deux sous-amendements, qui tendent à réserver l’AMP uniquement aux couples de sexe différent.

Par ailleurs, je conteste qu’il y ait un risque de marchandisation. Ce dont il est question, comme pour un don du sang, c’est par exemple de dédommager le déplacement vers le centre de don ou d’offrir à cette occasion une prestation alimentaire au donneur. Le risque de marchandisation n’existe pas en France, vous pouvez être rassurés.

En revanche, il y a effectivement un risque de pénurie de gamètes, et nous allons sans doute voir pendant des années encore des femmes se rendre en Belgique, en Espagne ou ailleurs, pour ne pas rester trop longtemps sur une liste d’attente. C’est pourquoi j’ai insisté, lors des lectures précédentes – vous auriez pu le rappeler, puisque vous aimez à me citer –, sur la nécessité de lancer dès à présent, sans attendre la promulgation de la loi, des campagnes incitant au don de gamètes. La quantité insuffisante de gamètes en France tient non pas au manque de donneurs, mais au fait que très peu d’hommes savent qu’ils peuvent donner leur sperme. Si l’on organisait pour le don de gamètes les mêmes campagnes que pour le don du sang, il y aurait bien plus de donneurs que nécessaire.

J’ai évoqué le sujet avec l’Agence de la biomédecine et le ministère chargé de la santé. J’attends que les uns et les autres se mobilisent pour une grande campagne nationale en faveur du don de gamètes. On dirait aux gens qu’ils peuvent être généreux, altruistes, en offrant la possibilité à d’autres de concrétiser leur projet parental. Il nous faut prévenir la pénurie de gamètes, faute de quoi il y aura des listes d’attente.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1688 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il vise à réserver la PMA à un couple formé d’un homme et d’une femme et répondant aux conditions prévues au II de l’article L. 2141‑2 du code de la santé publique.

Il convient de rappeler ici que, dans son arrêt du 28 septembre 2018, le Conseil d’État, qui est la plus haute juridiction de l’ordre administratif, a jugé que des situations différentes au regard de la procréation justifiaient des décisions différentes. Je le souligne, car on nous répète qu’il s’agit de mettre fin à une inégalité. Or c’est mentir aux gens ou les manipuler, puisqu’il n’y a pas de rupture d’égalité.

En revanche, si nous adoptons le présent projet de loi, nous aurons la GPA, sans même qu’il y ait besoin d’une nouvelle loi, puisque la jurisprudence suffira. Or la ROPA et la GPA ne figuraient pas dans le programme d’Emmanuel Macron, ni dans celui de La République en Marche ; reconnaissez-le, monsieur le rapporteur. On a menti aux électeurs. Soyons honnêtes et disons-le clairement.

La volonté d’instaurer une égalité des droits entre adultes conduira à une vraie inégalité des droits entre enfants. Dès lors, l’assistance à la procréation ne peut être étendue ; elle doit rester focalisée sur le couple composé d’un homme et d’une femme et répondre à l’objectif premier de la médecine, laquelle n’a pas vocation à satisfaire un désir sociétal.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué qu’en Belgique, environ 30 % des femmes seules ne pouvaient pas accéder à la PMA. Mais vous avez aussi déclaré en séance publique que l’accès à la PMA était un droit non-opposable. Autrement dit, en France, toutes les femmes seules pourront obtenir la PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à ce sous-amendement, qui tend aussi à réserver l’AMP aux seuls couples hétérosexuels.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1109 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je reviens sur la question de la femme seule, car elle mérite d’être de nouveau posée. Lorsque le texte initial nous a été transmis, mon premier mouvement a été de penser qu’il ne fallait pas imposer aux femmes seules une épreuve supplémentaire en les empêchant d’avoir un enfant. Mais j’ai chassé cette idée, car l’enfant ne peut pas être une forme de réparation de la solitude de la femme.

Ensuite, les auditions nous ont révélé clairement que, bien souvent, les femmes seules vivent plus douloureusement la charge mentale que représente l’éducation des enfants, surinvestissent dans l’éducation au mépris de leur propre équilibre, connaissent une plus grande précarité sociale – vous le reconnaissez d’ailleurs, pour le déplorer, puisque votre politique familiale est pour l’essentiel tournée vers les familles monoparentales. Voilà ce qui ressort de l’observation du terrain, clinique si je puis dire.

Monsieur le rapporteur, vous opposez les familles monoparentales choisies et celles qui subiraient cette situation. Or, je vous le répète, il y a des femmes qui choisissent de divorcer, de vivre seules, indépendamment de la question de la PMA. La distinction que vous opérez n’est donc pas pertinente de ce point de vue.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’ai une immense confiance dans le libre arbitre des femmes. Vous relevez à raison qu’il y a des femmes qui choisissent délibérément d’être seules, en divorçant ou tout simplement parce qu’elles ne veulent pas de compagnon auprès d’elles. C’est leur choix et nous devons le respecter. Parmi ces femmes, certaines désirent procréer et ont toutes les capacités pour donner de très bonnes chances à un enfant. Il n’y a pas à s’en inquiéter. Ne nous substituons pas aux femmes, à leur liberté de réflexion, de préparation et d’organisation de la famille.

Par ailleurs, vous rappelez à juste titre que la volonté de chasser la solitude est une mauvaise ou médiocre motivation pour avoir un enfant. L’une des raisons pour lesquelles les analystes belges refusent l’accès à l’AMP à certaines femmes seules est précisément ce type de solitude borderline, si je puis dire, c’est-à-dire un cas dans lequel la femme est psychiquement perturbée par sa solitude et cherche à la compenser. On m’a même rapporté l’anecdote d’une femme seule qui voulait un enfant parce qu’elle n’avait plus d’animal domestique… Dans un tel cas, bien évidemment, l’accès à l’AMP est refusé.

Quoi qu’il en soit, il ne nous appartient pas d’en décider ici. Faisons confiance au libre arbitre des femmes. Elles seront prises en charge par une équipe clinicobiologique, qui mènera avec elles une réflexion commune – il ne s’agira nullement d’une sanction prononcée par un tribunal – pour déterminer si elles sont aptes à accueillir un enfant et à le suivre durablement, jusqu’à l’âge adulte.

Avis défavorable à votre sous-amendement, qui interdirait aux femmes seules l’accès à l’AMP.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1532 de M. Patrick Hetzel et CS1586 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de nuancer la formulation que vous proposez dans votre amendement, monsieur le rapporteur, de manière à signifier que l’accès à l’AMP n’est pas automatique et que le médecin conserve une marge d’appréciation. À défaut, il n’y aura plus aucun garde-fou. En matière de recours à l’AMP, l’automaticité est source de difficultés, comme le montrent les études réalisées dans les pays étrangers où elle existe.

M. Xavier Breton. Le sous-amendement vise à remplacer l’expression « ont accès à l’assistance médicale à la procréation », qui induit une forme d’automaticité, par les termes « peuvent solliciter le bénéfice de l’assistance médicale à la procréation ». On sortirait ainsi de la logique du droit à l’enfant, que nous refusons.

En outre, les médecins ne doivent pas être considérés par les adultes qui s’adressent à eux comme de simples prestataires chargés de mettre en œuvre un droit octroyé par la loi. Il faut qu’il y ait un véritable dialogue.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est une nuance, mais la nuance est importante. La rédaction que vous proposez, « peuvent solliciter », tend à réduire l’accès à l’AMP. Pour notre part, nous considérons que l’expression « ont accès » correspond à un juste équilibre entre deux extrêmes : le droit à l’enfant, que nous récusons tous, et une limitation trop restrictive de l’accès à l’AMP.

Cependant, les mots « ont accès » ne signifient pas que les intéressés pourront s’opposer à l’équipe clinicobiologique si celle-ci leur conseille une autre piste que l’AMP. Il est clair – nous n’avons pas besoin de l’écrire dans la loi – que toute équipe médicale engage sa responsabilité lorsqu’elle réalise un geste, quel qu’il soit, vis-à-vis d’un malade ou d’une personne en bonne santé. Il n’est pas de médecin digne de ce nom qui accepterait de pratiquer une AMP sans que les conditions favorables soient réunies.

Nous n’avons pas besoin de prévoir de garde-fous à l’égard des médecins. Toutes les femmes auront accès à l’AMP, mais elles n’auront pas la garantie de l’obtenir. Il s’agira d’une démarche donnant lieu à des échanges, au colloque singulier entre le médecin et le patient.

Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1708 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il est essentiel de rétablir, comme je le propose par ce sous-amendement, le recours à une évaluation médicale et psychologique, étant donné la nature même de l’AMP, qui vise à faire naître des enfants dans des cadres de plus en plus extensifs. La suppression de la condition d’infertilité ne modifiera pas la pénibilité de cette technique, ni les conséquences multiples qu’elle induit dans certains cas : les embryons surnuméraires, les possibilités d’échec – un couple sur deux n’aura pas d’enfant à l’issue de la démarche –, le recours à un tiers donneur, l’absence de référence au père biologique ou de toute référence à un père, etc.

Vous dites, monsieur le rapporteur, que la pénurie de gamètes incitera les femmes à continuer à se rendre en Belgique ou ailleurs. Puisque vous voulez absolument adopter ce projet de loi, chers collègues masculins du groupe LaREM et autres, donnez donc vos gamètes ! Montrez l’exemple pour éviter cette pénurie ! Pourquoi ne le faites-vous pas ? Posez-vous la question.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Il n’est pas souhaitable de soumettre la femme à une « évaluation médicale et psychologique », qu’elle pourrait ressentir comme un passage devant un tribunal. Nous avons amplement discuté ce point lors des précédentes lectures du texte. L’équilibre a été trouvé : les entretiens entre les demandeurs et les membres de l’équipe clinicobiologique apparaissent tout à fait opportuns, sachant que des psychologues peuvent éventuellement intégrer l’équipe pluridisciplinaire.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les sous-amendements identiques CS1542 de M. Patrick Hetzel et CS1596 de M. Xavier Breton.

Sous-amendements identiques CS1535 de M. Patrick Hetzel et CS1589 de M. Xavier Breton.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’entre pas dans les compétences de l’équipe clinicobiologique d’autoriser l’exercice d’un droit. Lors de l’entretien, il y a un débat, des conseils, une orientation, mais pas d’autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1534 de M. Patrick Hetzel et CS1588 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il est légitime que l’équipe sollicitée pour concevoir l’enfant puisse refuser la demande du couple sans avoir à motiver sa décision. Dans le cas contraire, on risque d’aller vers un droit opposable, ce qui est inquiétant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit non d’une autorisation qui doit être donnée ou d’une sanction, mais d’une concertation, qui aboutit à une décision acceptée, partagée. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1533 de M. Patrick Hetzel et CS1587 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Ce sont des amendements quasi rédactionnels. Lorsque l’assistance médicale à la procréation nécessite un tiers donneur, le CECOS se prononce sur la demande du couple ; sinon nul ne le fait. Il paraît légitime qu’après les entretiens, l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire donne ou non son accord à la demande d’AMP. Il s’agit donc de préciser que l’accès à l’assistance médicale à la procréation est donné après l’accord des membres de l’équipe.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Les sous-amendements sont satisfaits dans la mesure où l’équipe médicale est libre de sa décision. Nous n’avons pas à introduire une telle précision dans ce texte particulier.

La commission rejette les sous-amendements.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, je concède que notre façon d’examiner les amendements n’éclaircit pas le débat. Néanmoins, la présentation groupée de vos amendements de rédaction globale était le moyen de vous permettre de les défendre dans une sorte de discussion générale. Si nous n’avions pas fait cette présentation groupée mais mis successivement aux voix l’ensemble des sous-amendements puis l’amendement du rapporteur, ils seraient tombés.

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 9 heures ([3])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Gérald Leseul, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen de l’article 1er, plus précisément celui des très nombreux sous-amendements déposés à l’amendement CS1030 du rapporteur, M. Jean-Louis Touraine, qui propose une nouvelle rédaction de l’article.

Article 1er (rétabli) (suite)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Amendements identiques CS1030 du rapporteur, CS56 de M. Jacques Marilossian et CS1008 de Mme Aurore Bergé, amendement CS867 de Mme Annie Genevard, amendements CS393 et CS394 de Mme Emmanuelle Ménard, amendement CS549 de Mme Sylvia Pinel, amendement CS952 de M. Gérard Leseul, amendement CS943 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendements CS696 et CS693 de Mme Danièle Obono, amendement CS550 de Mme Sylvia Pinel, amendement CS690 de M. Bastien Lachaud et amendement CS688 de Mme Danièle Obono (discussion commune).

Sous-amendement CS1281 de Mme Annie Genevard.

M. Patrick Hetzel. Nous considérons que cet amendement est défendu.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1160 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La PMA doit rester une alternative à l’infertilité médicale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1539 de M. Patrick Hetzel et CS1593 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Nous avons déjà longuement débattu de la procréation médicalement assistée (PMA) post mortem, qui pose de nombreux problèmes. En 2019 et 2020, au cours des auditions de la commission spéciale, des psychologues spécialistes des enfants et des jeunes adultes nous ont alertés sur les risques psychologiques additionnels de ce type de PMA. Nous proposons donc de préciser que les deux membres du couple doivent être vivants, y compris au moment du transfert des embryons.

M. Xavier Breton. L’assistance médicale à procréation post mortem pose des questions complexes. Elle crée un dilemme éthique. Le problème est antérieur au décès : c’est la congélation des embryons et leur conservation qui, avec le temps, amènent à se poser des questions auxquelles il est difficile de répondre.

La procréation artificielle après le décès d’un des parents pose plus de problèmes qu’elle n’apporte de solution. Nous aurons sûrement l’occasion d’en débattre à nouveau au cours de l’examen du texte, mais nous devons très clairement tracer la frontière, dès l’article 1er, car on ne peut jouer avec le temps de manière imprudente.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous aurons effectivement l’occasion d’en reparler. Monsieur Hetzel, affirmer comme vous le faites dans votre exposé sommaire que l’intérêt de l’enfant est de ne pas naître n’est pas dans votre logiciel ! Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1538 de M. Patrick Hetzel et CS1592 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. On voit depuis quelque temps fleurir des sites internet promouvant la « coparentalité » comme nouveau mode de famille. Cela consiste pour des adultes qui n’ont pas l’un avec l’autre de relations de couple ni de communauté de vie, à concevoir un enfant dont ils se partagent la garde, l’éducation et l’autorité parentale. De tels arrangements contractuels sont contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nous en avons déjà débattu hier soir. Dans un tel cadre, l’enfant n’est plus un sujet ; il se retrouve chosifié. Le sous-amendement vise à interdire de considérer l’enfant comme une chose.

M. Xavier Breton. Je rejoins les arguments de mon collègue Hetzel. En outre, je m’étonne de votre remarque, Monsieur le rapporteur : vous considérez que l’« intérêt supérieur de l’enfant » – en l’espèce, de l’embryon – est de naître. Que se passera-t-il si ce principe est appliqué dans le cas de l’interruption de grossesse ? Il faudra alors être cohérent.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ne nous méprenons pas : j’ai souligné que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas de ne pas naître. Cela ne signifie pas qu’il faille s’opposer à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Je suis défavorable à ces sous-amendements, d’autant qu’ils réservent l’AMP aux couples de sexe différent.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1536 de M. Patrick Hetzel et CS1590 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Au quatrième alinéa de l’amendement CS1030, il s’agit de préciser que ne peuvent avoir accès à l’assistance médicale à la procréation les personnes qui, ayant eu un précédent enfant dans le cadre d’un parcours d’AMP, l’ont abandonné en raison d’une maladie grave ou d’un handicap. Des garde-fous sont indispensables lors d’un parcours de PMA car les parents ont certes des droits, mais aussi des obligations vis-à-vis de l’enfant à naître.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Une telle obligation serait invérifiable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1537 de M. Patrick Hetzel et CS1591 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de préciser que les personnes dont les enfants nés préalablement font actuellement l’objet d’une mesure de placement, ou ont fait l’objet d’une procédure de placement définitive, auprès des services d’aide sociale à l’enfance ne peuvent avoir accès à l’assistance médicale à la procréation. Nous en avons déjà débattu. Un tel garde-fou permettrait de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons. En outre, un couple peut évoluer avec le temps.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1543 de M. Patrick Hetzel et CS1597 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Nous souhaitons préciser que le recours à l’AMP n’est possible qu’en cas d’échec avéré de tous les autres traitements de l’infertilité et de toute autre technique de restauration de la fertilité. Le parcours d’assistance médicale à procréation est physiquement et psychologiquement éprouvant pour les femmes. Il est donc souhaitable qu’il ne soit envisagé qu’en dernier recours.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1756 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Depuis 1994, la fécondation in vitro a entraîné la constitution d’un nombre important et croissant d’embryons congelés. Ces embryons, dits surnuméraires, suscitent la convoitise des chercheurs. Lorsque ces bébés-éprouvette, comme on les appelait, ne font plus partie d’un projet parental, ils deviennent alors des matériaux de recherche convoités. D’ailleurs, l’enfant ne constitue pas un projet parental car nous ne maîtrisons ni son début, ni sa fin – comme l’illustrent les échecs de PMA.

Selon l’Agence de la biomédecine, 31 % des plus de 220 000 bébés‑éprouvette surnuméraires congelés ne font plus l’objet d’un projet parental. Ils peuvent alors servir aux pires expérimentations scientifiques. Ainsi, la modification génétique d’embryons humains permet de donner naissance à des bébés génétiquement modifiés. C’est ce qu’a fait un chercheur chinois en novembre 2018, en fabriquant les premières jumelles génétiquement modifiées, auxquelles il avait tenté d’insérer une mutation résistante au VIH.

C’est pourquoi nous souhaitons compléter l’alinéa 4.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La France, comme la plupart des autres pays, dispose d’une législation protectrice interdisant ce type d’expérimentation, que nous réprouvons unanimement – même en Chine, le chercheur a été condamné et interdit d’exercer.

En outre, votre sous-amendement propose de développer deux types d’AMP, l’une médicale pour les couples hétérosexuels, l’autre, non médicale, plutôt pour les couples homosexuels, ce qui serait discriminatoire et contraire à l’esprit du projet de loi.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements CS1758 et CS1759 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement CS1758 vise à exclure de l’assistance médicale à la procréation les personnes qui ont été définitivement condamnées par le juge pénal pour un crime ou un délit à caractère terroriste, ou si elles sont inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour une condamnation définitive.

Le sous-amendement CS1759 vise quant à lui à exclure les personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour une condamnation définitive, en raison de faits commis sur mineur.

Il s’agit de sous-amendements de bon sens, qui ne devraient même pas faire l’objet de débats. En outre, de telles dispositions sont similaires à celles adoptées dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, à propos de la possibilité d’instruire les enfants en famille. Si vous avez jugé bon d’empêcher des parents d’instruire leur enfant en famille pour de tels motifs – ce qui est compréhensible et acceptable –, il faudrait également les rendre juridiquement incapables d’éduquer leurs enfants, et donc d’avoir un enfant, à plus forte raison s’ils doivent pour cela recourir à la PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. S’il est légitime de sanctionner lourdement de telles infractions, je suis défavorable à cette forme de double peine, contraire à la tradition française, d’autant que la pénalité additionnelle n’a rien à voir avec l’infraction initiale.

La commission rejette successivement les deux sous-amendements.

Sous-amendement CS1164 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La stérilité touche un couple sur six, soit deux fois plus que dans les années 1980. En conséquence, il faut mieux comprendre les causes de la stérilité du couple et faire de la recherche sur l’infertilité une grande cause nationale.

En outre, hier, monsieur le rapporteur, vous avez balayé d’un revers de la main les risques médicaux auxquels la PMA peut exposer l’enfant, en soulignant qu’une grossesse expose également à des risques. Bien entendu, mais la fécondation in vitro fait notamment courir à l’enfant des risques cardio-vasculaires accrus. Cela a donné lieu à une alerte en santé publique, adressée à la Haute Autorité de santé (HAS) et au Comité national consultatif d’éthique par quatre membres ou anciens membres de ce même CCNE. L’itinéraire de cette alerte vient de faire l’objet d’une publication dans le numéro 12 des cahiers Droit, Sciences et Technologie, que je tiens à votre disposition.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1350 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement vise à ce que l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire ne soit pas tenue de donner suite à une demande d’assistance médicale à la procréation. Les médecins ne peuvent pas être de simples prestataires de services. Ils doivent pouvoir faire preuve de discernement. Vous l’avez rappelé hier, monsieur le rapporteur, s’agissant de la PMA pour les femmes seules. Il faut l’indiquer clairement dans la loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Votre demande est satisfaite par la déontologie médicale : les médecins ont la liberté d’effectuer, ou non, ces gestes. Il serait humiliant de le leur rappeler dans la loi car ils le savent.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1351 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’équipe médicale doit demeurer libre de prêter ou non son concours à la conception d’un enfant.

Monsieur le rapporteur, je suis surprise : en quoi serait-il humiliant de rappeler une règle de bon sens dans la loi ? Au contraire, cela pourrait être perçu comme une aide car le refus des médecins d’apporter une assistance à la procréation est parfois vécu très violemment par les parents – et la situation est la même lorsqu’un médecin fait valoir la clause de conscience. Il peut être très compliqué pour un médecin, ou une équipe médicale, de dire non à un désir d’enfant.

Je vous rappelle les propos de Mme Genevard hier : lors d’un débat sur La Chaîne parlementaire, l’une des députées de la majorité a expliqué que le désir d’enfant s’apparentait parfois à une forme de « bulldozer ». On peut le comprendre. Personne ici ne remet en cause la force de ce désir et la souffrance que sa non-satisfaction peut engendrer.

C’est pourquoi il est important d’aider l’équipe médicale qui refuse une AMP en son âme et conscience.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Un médecin ne ressent pas le besoin d’être aidé pour établir un dialogue avec ses malades – et c’est heureux. Ce n’est pas un juge ; il ne prononce pas des sanctions, ou des non-lieux. Dans le dialogue fécond qu’il engage avec ses patients, il peut décider de réaliser une PMA, ou le refuser, mais sa décision est toujours expliquée et comprise. Votre sous-amendement crée une situation conflictuelle qui n’a pas lieu d’être. En outre, subrepticement, vous limitez l’application des dispositions aux couples homme-femme. Or nous souhaitons qu’elles s’appliquent aussi aux couples de femmes.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1352 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Non, monsieur le rapporteur, je ne crée pas de situations conflictuelles. Au contraire, je m’appuie sur des témoignages parus dans la presse. Les médecins rapportent qu’ils ont parfois le plus grand mal à faire comprendre leur décision.

Quand l’équipe médicale ne donne pas suite à une demande de PMA, et compte tenu de la gravité de la décision, mon sous-amendement propose que son refus fasse l’objet d’une décision qualifiée des deux tiers des voix de l’équipe, afin de fournir des éléments objectifs au couple – ou à la femme seule puisque c’est ce que vous souhaitez.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Soyez rassurée, madame Ménard, ce n’est pas le plus difficile dans l’activité médicale… En outre, vous ne visez que les couples homme-femme. Cela signifie-t-il donc que, pour les couples de femmes ou les femmes seules, vous êtes d’accord pour que l’avis des femmes s’impose aux médecins ?

Vous n’avez pas compris que nous sommes en train d’élargir la PMA aux femmes seules ou en couple…

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1355 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, je ne suis pas passée à côté de cet élément du projet de loi. Au contraire, tous mes amendements et sous-amendements sont parfaitement cohérents, et ce depuis la première lecture. Ma position n’a pas changé : la procréation médicalement assistée doit être réservée aux couples homme-femme. Le fait de l’ouvrir à des couples de femmes ou à des femmes seules prive, délibérément et légalement, les enfants concernés d’un père. C’est bien le législateur qui l’inscrit dans la loi ; il ne s’agit pas d’un accident de la vie. Il faut que les Français l’entendent.

Ce sous-amendement vise à préciser que ne peuvent avoir accès aux techniques de PMA les personnes qui, ayant eu un précédent enfant dans le cadre d’un parcours d’assistance médicale à la procréation, l’ont abandonné en raison d’une maladie grave ou d’un handicap. Malheureusement, de tels faits divers, dramatiques, existent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1356 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de refuser l’accès à la PMA aux personnes qui ont déjà des enfants faisant l’objet d’une mesure de placement, ou ayant fait l’objet d’une procédure de placement définitive, auprès des services d’aide sociale à l’enfance. L’intérêt de l’enfant suppose que la société ne prête pas son concours à sa conception pour des personnes qui ont manifesté leur incapacité à élever d’autres enfants.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1354 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit cette fois d’exclure de la PMA les personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour une condamnation définitive. Dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, vous avez retiré la possibilité aux parents auteurs de ces infractions d’éduquer leurs enfants à domicile. Il serait donc incompréhensible qu’on les aide à concevoir des enfants.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1353 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’idée est toujours la même et le sous-amendement vise cette fois les personnes qui présentent un risque terroriste.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1282 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. La semaine dernière, tous les humanistes parmi nous ont été choqués par la une du magazine Valeurs actuelles sur le « délire transgenre ». Il me semble plutôt que c’est un délire transphobe qui s’empare de la société, banalisant la transphobie et faisant apparaître la transidentité comme une lubie ou un caprice qui imposerait aux personnes trans de faire un choix entre leur transition et leur projet parental.

Je vous rappelle qu’en France, jusqu’en 2016, on obligeait toutes les personnes qui souhaitaient changer officiellement de sexe à se faire stériliser. Était-ce vraiment une pratique démocratique ? L’hétéronormativité qu’essaient de nous imposer certains de nos amis du groupe Les Républicains est un modèle qui crée beaucoup de dégâts : des femmes, des homosexuels, des personnes transgenres en meurent. Le projet de loi remplace la stérilisation médicale par une forme de stérilisation administrative, en interdisant l’accès à la PMA aux personnes trans. Élisabeth Moreno plaide pour une extension, mesure d’égalité et de justice. Mon sous-amendement vise à corriger cette inégalité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. À titre personnel, j’y suis favorable.

M. Thibault Bazin. Mais n’est-ce pas l’étape suivante ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dès aujourd’hui, nous devons envoyer un message clair : nous désapprouvons autant les discriminations contre les trans que celles contre les homosexuels.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1690 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Même si l’enfant n’est pas un projet, le médecin ou le pédopsychiatre doit se prononcer sur le projet parental. Vous l’avez dit, il s’agira d’un droit non-opposable. En Belgique, 30 % des demandes ne sont pas satisfaites. Un projet, c’est quelque chose que l’on maîtrise du début à la fin. L’enfant, lui, n’appartient à personne ; on ne maîtrise ni son début, ni sa fin.

Après enquête, le médecin ou le pédopsychiatre détermine si la démarche doit ou non aboutir. Son avis n’est donc pas que consultatif. Il faut indiquer plus clairement qu’il sera décisionnaire : il doit pouvoir mettre fin à une démarche d’AMP.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Un avis défavorable n’implique pas nécessairement la fin immédiate de la procédure d’AMP : l’article 1er assure un équilibre satisfaisant en prévoyant la possibilité d’un délai de réflexion pour la femme non mariée ou le couple demandeur. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1146 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer le cinquième alinéa de l’amendement CS1030 du rapporteur.

Les défenseurs de la « PMA pour toutes » ont à cœur de protéger les adultes de toute discrimination – M. Gérard vient de le rappeler. C’est tout à fait louable. Mais, simultanément, vous créez de toutes pièces une nouvelle discrimination envers les enfants : ceux qui auront le droit d’avoir un père et ceux qui ne l’auront pas. C’est une étonnante conception de l’égalité – vous n’avez pas la même pour les adultes et les enfants. Son principe est complètement dénaturé. Il s’agit en réalité d’obéir aux désirs d’une minorité, quitte à créer des inégalités entre les enfants : une contradiction de plus chez les adultes et un droit en moins chez les enfants.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis évidemment défavorable à la suppression de cette mesure, inscrite dans le texte dès la première lecture et confirmée en deuxième lecture et qu’il me paraît fondamental de préserver. Supprimer une disposition qui protège les demandeurs d’AMP de toute discrimination serait néfaste.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1579 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Le principe général de non-discrimination est inscrit dans le texte depuis la première lecture. Et c’est très bien. Mais n’oublions pas que le projet de loi, qui ouvre la PMA à toutes les femmes, répare un raté de la loi de 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ainsi qu’un impensé de la loi de 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a facilité le changement de sexe à l’état civil, mais sans en tirer toutes les conséquences sociétales et législatives.

Je m’adresse à mes collègues, qui ne voteront pas ce sous-amendement car ils n’ont pas de consigne de vote : si vous ne le votez pas, vous allez inscrire un principe de discrimination dans la loi, par le non-dit.

Contrairement à ce que pense madame Ménard, les familles transparentales existent depuis de nombreuses années. Les études montrent que leurs enfants vont parfaitement bien. Ne passons donc pas à côté de cette réforme, sous peine de devoir y revenir. Pourquoi pas d’ailleurs ? Ce sera l’occasion d’ouvrir un débat sur la GPA… Mais il serait préférable de l’inscrire dans ce texte, qui devait constituer un important progrès sociétal.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces dispositions ne figurent effectivement pas dans le projet de loi tel qu’adopté en deuxième lecture. Mais, comme je l’avais indiqué à l’époque, je suis favorable au sous-amendement présenté par monsieur Gérard. Si nous ne l’adoptons pas, nous donnerons l’impression de nous être arrêtés au milieu du gué, en supprimant la discrimination d’accès à l’AMP pour les couples homosexuels, mais en la maintenant pour les couples trans. Cela aura des répercussions importantes dans la société et au sein des associations concernées. Par prudence, il faut accepter ce sous-amendement.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1360 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de privilégier l’insémination artificielle à la fécondation in vitro, la première étant beaucoup moins invasive que la seconde, qui expose les femmes aux contraintes de la ponction d’ovocytes. Il convient donc d’y recourir par défaut, lorsque l’insémination artificielle n’est pas indiquée.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre sous-amendement est déjà satisfait par les bonnes pratiques médicales en matière d’AMP, édictées par l’Agence de la biomédecine, et connues dans tous les services de gynéco-obstétrique.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1358 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser les conditions du consentement lorsqu’un couple procède à une insémination artificielle ou à un transfert d’embryons. La situation d’attente de l’enfant, source de tension et de nervosité, est propice à un accord donné à la va-vite. Il convient de favoriser un consentement en connaissance de cause, grâce à un formalisme adéquat.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre sous-amendement vise à nouveau « l’homme et la femme qui composent le couple ». Vous prêtez le flanc à la critique et confortez ceux qui considèrent que vous n’avez pas compris que le projet de loi vise essentiellement à étendre l’AMP aux couples homosexuels ou aux femmes seules.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1493 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, votre amendement vise à élargir l’accès à la PMA à toutes les femmes. À ce stade du débat, nous en prenons acte. Mais l’élargissement sera-t-il sans limite ? Notre responsabilité est de poser un cadre maîtrisé, des conditions éthiques, qui prennent en compte l’intérêt de l’enfant et respectent la dignité de la personne, la vie et la mort. C’est l’honneur de notre pays, et notre devoir à l’égard des professionnels de santé. Il faut leur permettre de prendre une décision éclairée et, surtout, les conforter, le cas échéant, dans leur décision de refuser l’accès à la PMA quand les conditions ne leur semblent pas réunies.

Notre sous-amendement vise simplement à traduire dans le texte les promesses affichées dans le titre du présent chapitre : permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous l’avons évoqué hier, les conditions d’âge seront définies de façon plus souple par le biais d’un décret en Conseil d’État. En outre, la limite de trente-cinq ans est bien moins-disante que le droit existant, y compris pour les couples de même sexe. Le Conseil d’État apportera ces précisions et le dispositif pourra évoluer en fonction des progrès de la science.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1544 de M. Patrick Hetzel et CS1598 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il convient de rédiger l’alinéa 6 de l’amendement CS1030 de M. le rapporteur de manière plus précise : « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons humains ou à l’insémination. » Pour éviter toute forme d’abus, il nous semble en effet important d’indiquer dans le code de la santé publique que l’homme et la femme doivent être en âge de procréer.

En réalité, monsieur le rapporteur, votre amendement ne contient pas suffisamment de garde-fous. Contrairement à ce que vous dites, il risque de nous faire franchir des lignes rouges en matière d’éthique.

M. Xavier Breton. Je rejoins les propos de mon collègue Hetzel.

Tout à l’heure, monsieur Gérard a défendu des sous-amendements relatifs à la situation des trans, auxquels le rapporteur a donné un avis favorable. Je les remercie tous les deux, car ils ont montré quelle était la feuille de route du législateur. Il faut respecter leur cohérence dans leurs convictions. En revanche, ceux qui ont voté contre ces sous-amendements alors qu’ils sont favorables au projet de loi ne sont pas cohérents : lorsqu’ils disent qu’ils ne souhaitent pas aller plus loin, ils font surtout preuve d’hypocrisie. À partir du moment où l’on introduit dans le droit le principe selon lequel la procréation est ouverte en fonction du seul désir des adultes et où l’on reconnaît la théorie du genre, tout devient possible. Encore une fois, l’hypocrisie dans laquelle se complaisent les députés de la majorité qui assurent que l’on n’autorisera jamais la GPA est insupportable. Tout est écrit d’avance ! Merci, monsieur Gérard, monsieur Touraine, pour votre cohérence : au moins, les débats sont clairs et nous votons en toute connaissance de cause.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Aux termes des sous-amendements identiques de messieurs Hetzel et Breton, c’est seulement dans le cas où le couple est formé d’un homme et d’une femme que ces derniers doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons humains ou à l’insémination. Autrement dit, ces conditions strictes concerneraient les seuls couples hétérosexuels, tandis que les couples homosexuels et les femmes seules jouiraient d’une liberté plus grande. Ces sous-amendements introduisent donc une discrimination envers les couples hétérosexuels, contre laquelle nous nous élevons.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1644 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Pour éviter tout abus, il est important d’indiquer dans le code de la santé publique que l’homme et la femme doivent être en âge de procréer.

J’aimerais revenir sur la notion de consentement. Si le choix de notre modèle de société relève effectivement du politique, il n’en va pas de même du fait de « dessiner la condition humaine », pour reprendre les termes utilisés par le rapporteur. Nous n’avons pas à consentir à ce projet, puisque nous sommes déjà soumis à la condition humaine. Nous ne participons pas à un concours de dessin, et nous n’avons pas à mettre aux voix notre condition.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1633 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je propose à nouveau de réécrire l’alinéa 6 de l’amendement CS1030. Il convient en effet de réserver l’AMP aux couples hétérosexuels, dans les conditions actuelles.

Si les gynécologues sont plutôt favorables à votre projet, les professionnels de l’enfance ne le sont pas, tandis que les collectifs de médecins s’y opposent. Comme l’expliquait le docteur Lévy-Soussan lors des auditions, aucun référent masculin ne remplace un père. Posez la question à des principaux de collège : ils vous diront à quel point les situations dans lesquelles les pères brillent par leur absence sont compliquées. Aucun parrain, oncle ou ami qu’un enfant verrait le week-end ou deux fois par semaine ne remplacera jamais un père. C’est d’ailleurs paradoxal : admettre qu’il faut un référent masculin, c’est admettre que l’altérité est nécessaire. En voulant satisfaire les adultes, vous priverez certains êtres humains de la chance de savoir ce qu’est avoir un père. Ce faisant, vous ne protégez pas les enfants.

Ainsi, la procréation médicalement assistée ne peut exister que pour les couples hétérosexuels. L’arrêt du Conseil d’État du 29 septembre 2018 rappelle que des situations différentes au regard de la procréation justifient des décisions différentes. L’enfant n’est pas une raison d’intérêt général.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1696 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Ce sous-amendement vise à n’autoriser la recherche sur les embryons que dans le cadre d’un couple composé d’un homme et d’une femme qui renoncerait à la conservation ou au transfert desdits embryons.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1357 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La notion de choix éclairé figure dans l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier. Qui dit choix éclairé dit consentement en toute connaissance de cause : aussi mon sous-amendement vise-t-il à préciser les conditions de ce consentement afin de favoriser un formalisme qui protégera les parents ayant recours à la PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous avez raison, madame Ménard, votre amendement est formaliste – je dirais même trop formaliste. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1545 de M. Patrick Hetzel et CS1599 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Le recueil du consentement devrait s’effectuer par écrit pour ne pas prêter à discussion. Un tel formalisme est nécessaire dans un processus aussi important.

Tout à l’heure, nous avons défendu des sous-amendements visant à interdire l’accès à la PMA à des parents ayant déjà eu recours à cette procédure avant d’abandonner l’enfant ainsi conçu. Vous avez répondu, monsieur le rapporteur, que cela ne pouvait se vérifier. Bien sûr que si, et vous le savez très bien ! Nous sommes législateurs et notre demande est tout à fait légitime. La manière dont vous repoussez nos sous-amendements montre que vous ne faites pas suffisamment de cas de l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous venons de rejeter un sous-amendement de Mme Ménard portant sur le même sujet. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1176 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de précision me semble nécessaire à la clarification de nos débats. L’embryon étant un individu, un enfant à naître, il convient de ne pas en créer ni d’en implanter plus d’un par femme : nous éviterons ainsi le recours à des avortements partiels permis par l’article 20 du présent projet de loi. Il est paradoxal de tout mettre en œuvre pour donner la vie à un enfant, et de supprimer ensuite l’un de ces enfants au seul motif que la mère attendrait des jumeaux ou des triplés. Pour éviter une telle contradiction et parce que notre société doit avoir conscience que les embryons sont des enfants à naître, il convient de préciser qu’un seul embryon peut être implanté en cas de PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je corrige vos propos, madame Ménard : les embryons ne sont pas des enfants, mais des potentialités d’enfants.

Mme Emmanuelle Ménard. Ils sont des enfants à naître !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, ils ne sont pas des enfants à naître.

Par ailleurs, c’est méconnaître les pratiques que de vouloir interdire, dans certains cas, l’utilisation de deux embryons. Autrefois, le nombre d’embryons implantés était plus important – trois, et parfois davantage –, ce qui était en effet excessif. Aujourd’hui, le choix se fait entre un et deux embryons, en fonction de multiples facteurs d’ordre médical. Vous n’êtes pas sans savoir que le taux de succès des PMA est faible dans notre pays, pour différentes raisons, notamment à cause de l’absence de diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Il n’est donc pas opportun de donner des directives aux équipes médicales à ce sujet : c’est en fonction de l’art, de la pratique, que les médecins prennent ce genre de décisions. Dans de nombreux cas, un seul embryon est implanté. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1170 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je regrette que nous ne puissions pas nous attarder un peu sur ces questions, car le rapporteur et moi-même avons vraiment des philosophies différentes. Vous dites, monsieur le rapporteur, qu’un embryon n’est pas un enfant à naître, mais une potentialité d’enfant à naître. Je ne suis pas d’accord. Nos différences majeures s’agissant de la conception que nous avons de l’embryon apparaissent ici de manière flagrante, et il est dommage qu’elles ne soient abordées que par le biais d’un sous-amendement. La question essentielle est de savoir comment on considère ces embryons, et comment on les utilise ensuite. Cette discussion est certes un peu taboue, mais nous ne pouvons pas en faire l’économie. Si je reconnais bien volontiers qu’il existe des familles de toutes formes, une chose est certaine : la nature de l’embryon ne change pas. Or c’est sur votre conception de l’embryon que repose toute l’architecture du présent projet de loi.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons un infini respect pour l’embryon, qui peut devenir un enfant – c’est une potentialité. Mais au stade embryonnaire, il n’y a pas encore d’enfant. C’est un oxymore que de parler d’enfant à naître puisque, par définition, l’enfant est un être déjà né. Il faut donc distinguer les enfants, qui sont déjà nés, des embryons, qui pourront peut-être, le cas échéant, devenir un jour des enfants. Cette question a déjà été amplement débattue et résolue, il y a vingt ou trente ans, par le Comité consultatif national d’éthique, et je ne crois pas qu’il soit nécessaire de revenir aujourd’hui sur les décisions prises par cette instance après de nombreuses années de débats. La notion de potentialité d’enfant permet de concilier le respect que l’on doit à ces potentialités d’êtres humains et la possibilité de réaliser des IVG. Oui, madame Ménard, nous avons un point de vue différent sur cette question car vous êtes vous-même défavorable à l’IVG. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1546 de M. Patrick Hetzel et CS1600 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. La technologisation croissante de l’AMP entraîne un recours de plus en plus systématique à la fécondation in vitro, une procédure pourtant assez lourde. Les centres de PMA font de plus en plus de FIV en première intention, dans le souci d’amortir le coût élevé des techniques, des locaux et du personnel. Comme le dit le professeur Jacques Testart, « la FIV est devenue un business industriel ». Dans un souci de préservation de la santé des femmes et des enfants, il convient de privilégier, en première intention, l’insémination artificielle à chaque fois que cela est possible.

M. Xavier Breton. À vous entendre, monsieur le rapporteur, nous avons l’impression que le recours à l’AMP résulte de la volonté d’adultes, qui choisissent un parcours sans être soumis à aucune pression sociale. Or nous voyons bien que ces procédures obéissent aussi à des logiques financières, et Jacques Testart, que l’on ne peut soupçonner de s’opposer à ces techniques scientifiques, nous invite à la prudence. Derrière l’AMP se cachent des business industriels – c’est d’ailleurs peut-être pour cela que la majorité suit ce mouvement, sous la pression de certaines industries très intéressées par les revenus supplémentaires que peut rapporter le développement de ces techniques. Ces entreprises vivent sur le dos des désirs des adultes. Face à ces dérives potentielles, nous devons être prudents et nous abstenir de légiférer de manière éthérée, abstraite. Soyons bien conscients des intérêts financiers qui sont en jeu !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous devons avant tout suivre la raison. Si vous connaissez un endroit en France où le risque de réaliser des fécondations in vitro plutôt que des inséminations artificielles est avéré, vous avez le devoir de porter cette situation à la connaissance de l’Agence de la biomédecine et de la Caisse nationale d’assurance maladie, car cette pratique contrevient à toutes les règles établies auxquelles doivent se soumettre les professionnels. L’Agence de la biomédecine a édité un guide de bonnes pratiques médicales qui n’autorise pas le recours à la fécondation in vitro quand une insémination artificielle seule permettrait la procréation. Les sous-amendements étant satisfaits, je leur donne un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1691 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 6, la phrase suivante : « Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit. »

L’article 16-8 du code civil dispose que le don des éléments du corps humain doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. » Aussi la pratique qui consisterait, pour une femme, à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait-elle à contourner cette interdiction et à légaliser une sorte de GPA, puisque la femme porterait un enfant qui n’est pas le sien. La loi doit donc préciser cette interdiction.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA) n’est pas une GPA – je dirais même que c’est, d’une certaine façon, une anti-GPA. Dans un couple hétérosexuel, il n’est pas interdit au mari de donner ses spermatozoïdes sous prétexte qu’il n’est pas anonyme. De la même manière, dans un couple de femmes, vous pouvez accepter l’ovocyte de la compagne. Il est d’ailleurs indiqué dans les guides de bonnes pratiques que les gamètes des parents doivent être privilégiés sur tout autre don. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1183 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le rapporteur, vous m’avez quelque peu heurtée tout à l’heure lorsque vous avez dit que j’étais opposée à l’IVG. Je vous mets au défi de trouver une déclaration de ma part allant dans ce sens. J’ai toujours dit que je ne me permettrais jamais de juger une femme qui avait recours à l’IVG, parce que je connais trop de situations où ce sont des drames personnels. En revanche, je demande qu’on laisse aux femmes qui peuvent hésiter à recourir à l’IVG la possibilité de faire un choix « éclairé » – j’emploie cet adjectif à dessein, puisqu’il me semble qu’il vous tient à cœur et qu’il est aussi utilisé dans le présent projet de loi. Je regrette que ce choix soit aujourd’hui un peu biaisé et que l’on oriente un peu trop souvent les femmes dans une direction plutôt que dans une autre.

Vous commencez l’alinéa 7 de votre amendement par les mots « lorsqu’il s’agit d’un couple ». Cette expression laisse à penser qu’il pourrait en être autrement lorsque la PMA bénéficie à une femme seule. Nous en revenons donc au sujet de la PMA post mortem, qui ne me paraît pas devoir être un projet de société. Cette pratique pourrait conduire à de graves dérives, dans la mesure où elle permettrait à des vivants de concevoir des enfants avec des morts. Cela ne me semble absolument pas souhaitable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, vous comme moi respectons le libre arbitre des femmes, qui prennent des décisions en leur âme et conscience, sans être soumises à des pressions d’aucune sorte.

Imaginez les conséquences que pourrait emporter le sous-amendement que vous venez de défendre. Une femme qui s’engage dans un parcours d’AMP serait contrainte d’arrêter ce dernier en cas de cessation de communauté de vie avec une personne qui n’est pas engagée avec elle dans ce parcours. Vous créeriez des situations contraires à l’objectif même que vous recherchez. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1428 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. J’aimerais attirer votre attention sur le cas particulier d’un couple formé d’un homme et d’une femme qui voulaient un enfant l’un de l’autre. Ne parvenant pas à procréer par voie charnelle, ils se sont engagés dans un processus de PMA. L’homme a donné ses gamètes, il y a eu fécondation in vitro et des embryons ont été formés : tout était prêt pour lancer une grossesse. Il se trouve que le compagnon décède accidentellement. Le couple avait prévu cette situation et souhaité que la femme survivante puisse donner naissance à un enfant commun, soit en utilisant les gamètes de l’homme décédé, soit en implantant dans l’utérus de la femme un embryon congelé. Ce cas de figure s’est déjà produit : le Conseil d’État a alors contraint l’État français à restituer le matériel génétique à des femmes qui sont ensuite allées réaliser une PMA à l’étranger. Je vous propose d’envisager que, dans ce cas très particulier, la femme survivante puisse donner naissance à un enfant, sur la base d’un projet commun et avec le consentement en amont de son compagnon. N’ajoutons pas au décès de ce dernier un deuxième deuil, celui de la perte d’un enfant potentiel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’ai toujours été favorable, à titre personnel, à cette AMP de volonté survivante, même si cette proposition n’a pas été retenue lors des lectures précédentes. Vous avez raison, monsieur Martin, et le Conseil d’État l’a dit également : dès lors que nous accordons aux femmes seules la possibilité de recourir à l’AMP, il n’y a aucune raison d’en exclure les veuves, d’autant que le projet parental est déjà constitué au préalable. Ce ne serait pas respecter le libre arbitre des femmes que de leur interdire de choisir, en leur âme et conscience, de prolonger ou non leur projet parental, d’autant qu’elles ont aujourd’hui le droit de choisir de prolonger ou non leur grossesse !

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1429 de M. Didier Martin.

Mme Camille Galliard-Minier. Ce sous-amendement reprend la proposition que vient de défendre mon collègue Martin, en y introduisant toutefois une condition de délai.

Dans une telle hypothèse, nous devrions faire confiance tant à l’équipe qui entoure la femme devenue veuve qu’à cette femme elle-même, qui pourrait poursuivre le projet commun auquel les deux membres du couple auraient préalablement consenti par écrit. Finalement, on se retrouve presque dans la situation d’une femme dont le mari serait décédé au cours de la grossesse ; aujourd’hui, cette femme peut évidemment poursuivre sa grossesse, ce qui est une bonne chose.

Le Conseil d’État, que nous invoquons souvent au cours de nos débats, a lui-même indiqué dans son avis du 18 juillet 2019 qu’il serait « paradoxal » de maintenir cette interdiction alors même que la loi va ouvrir l’AMP aux femmes non mariées. En l’état actuel du droit, une femme dont l’époux ou le concubin décède doit renoncer à tout projet d’AMP avec les gamètes de ce dernier ou les embryons conçus avec les gamètes du couple. Elle ne pourra que donner ces embryons ou les détruire ; dans le même temps, elle sera pourtant autorisée à réaliser une AMP seule, en recourant à un tiers donneur. Vous voyez le paradoxe ! J’ajoute que, dans l’hypothèse où les embryons seraient donnés, la veuve pourrait être contactée dix‑huit ans plus tard par l’enfant qui en serait issu.

À la vérification du projet parental commun est ajoutée une deuxième condition cumulative : l’AMP devra être réalisée au terme d’un délai de six mois après la mort du mari – il s’agit de prévoir une période de latence –, et au plus tard dans les deux ans qui suivent ce décès.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1061 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Ce sous-amendement vise à autoriser une femme engagée dans un parcours d’AMP à poursuivre son projet parental lorsque son conjoint ou sa conjointe vient à décéder et que des embryons ont été conçus avec les gamètes du couple. Cela suppose un consentement préalable de la personne décédée, qui aurait anticipé cette éventualité, et la poursuite du projet parental dans un délai de six à vingt-quatre mois après le décès.

Il faut bien rappeler que les personnes qui se retrouvent dans cette situation n’ont que trois possibilités : procéder à la destruction des embryons, en faire don à un autre couple, ou en faire don à la recherche avant qu’ils ne soient détruits. Il me paraît tout à fait inhumain d’interrompre de cette manière un projet parental. Je ne dis pas qu’il s’agit d’une situation facile à embrasser, mais je suis convaincu que la femme concernée est la seule à même de décider de poursuivre ou non le projet parental. Il faut donc lui octroyer cette liberté d’appréciation, comme nous y invite d’ailleurs le Conseil d’État.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1431 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Dans la droite ligne des sous-amendements précédents, nous souhaitons permettre aux personnes en couple qui ont entamé un projet d’assistance médicale à la procréation de le poursuivre, même en cas de décès de l’un des membres du couple. Si l’insémination artificielle post mortem n’est pas autorisée dans ce projet de loi, cela créera une situation tout à fait paradoxale. Nous proposons que soit accordée à la personne survivante souhaitant mener à bien le projet parental la possibilité de réaliser l’insémination artificielle entre six mois et trois ans après le décès de l’autre membre du couple.

Le Gouvernement a précédemment soutenu qu’on ne pouvait s’assurer du consentement d’une personne dans la situation de recevoir un embryon ou des gamètes du partenaire décédé. Cette position nous semble pour le moins paternaliste. La décision de donner la vie à un enfant peut avoir plusieurs sources. De notre point de vue, il ne revient pas à l’État de décider à la place des personnes, mais de leur permettre de prendre cette décision.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sous-amendement est proche de ceux que nous venons d’examiner, mais il est moins encadré : il autorise cette pratique dès lors que « le ou la membre décédé » y a consenti explicitement de son vivant, sans autre condition. Vous évoquez d’ailleurs « la membre décédée » : cela signifie que vous autorisez le recours à la GPA, puisque je ne vois aucune autre solution de prolonger le projet parental en pareille circonstance. Mon avis est donc moins favorable que pour les sous-amendements précédents : je m’en remets à la sagesse des membres de notre commission.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1186 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je comprends parfaitement le problème que pose la PMA post mortem. Nous touchons là à l’une des contradictions majeures de ce texte, car il semble très compliqué d’interdire la PMA à une femme dont le conjoint est décédé quand on l’autorise par ailleurs pour les femmes seules. Effectivement, cette situation n’est pas logique, mais je n’en tire pas la même conclusion que nos collègues qui viennent de s’exprimer. Pour ma part, je réitère mon opposition à la PMA pour les femmes seules ; la suppression de cette mesure réglerait une telle injustice.

J’ajoute que dans le cadre de la PMA post mortem, on imagine l’enfant comme une réparation. Cela ne me semble pas sain pour le devenir de cet enfant, sur les épaules duquel on fait peser un fardeau qu’il portera toute sa vie.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous admettrez que votre solution apparaît antinomique avec l’objet même de ce projet de loi. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1547 de M. Patrick Hetzel et CS1601 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. L’amendement de M. le rapporteur ouvre l’assistance médicale à la procréation à tous les couples, sans distinction de la nature juridique de leur lien conjugal. L’AMP suppose le maintien du couple jusqu’à l’aboutissement du processus engagé, de sorte que la séparation, lorsqu’elle intervient avant le transfert d’embryon ou l’insémination, constitue un obstacle à la poursuite du projet. Or, dans la rédaction proposée par le rapporteur, le 3° de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique semble ne prévoir que la rupture d’un couple de concubins ou d’un couple marié. Pour éviter toute interprétation a contrario, nous proposons de préciser que la dissolution d’un pacte civil de solidarité (PACS) constitue également un obstacle à la poursuite du processus. Notre sous-amendement vise donc à combler une lacune du texte.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ce sujet lors des précédentes lectures. Je vous rappelle que les membres d’un couple peuvent décider de rompre le PACS qui les unissait sans pour autant renoncer à être ensemble et à mener à bien leur AMP. Il me semble donc préférable de s’en tenir à « la cessation de la communauté de vie », qui semble englober la situation que vous avez décrite. Les sous-amendements étant satisfaits, je vous demande de les retirer, faute de quoi je leur donnerai un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1082 de Mme Annie Genevard.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, si l’on suit le raisonnement que vous avez tenu s’agissant de la rupture d’un PACS, on peut se demander pourquoi le divorce d’un couple marié ferait obstacle à la poursuite d’un processus d’AMP, comme vous le prévoyez pourtant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La situation de « cessation de la communauté de vie » est plus précise et correspond mieux aux limites que nous voulons fixer. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1568 de M. Patrick Hetzel et CS1622 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il convient d’informer les candidats à la PMA des contraintes qu’elle peut entraîner et des risques médicaux susceptibles d’être encourus par l’enfant. Ces éléments devraient figurer explicitement dans le projet de loi.

M. Xavier Breton. Les risques médicaux évoqués par mon collègue Hetzel sont les suivants : un risque plus élevé d’hériter de troubles épigénétiques, une augmentation de 40 % du risque de présenter une malformation congénitale non chromosomique, une multiplication par deux du risque de malformation cardiaque ou de syndrome d’autisme, une multiplication par 2,43 du risque de cancers infantiles, une augmentation de 45 % du risque de décès avant un an, des scores de quotient intellectuel inférieurs, des troubles du comportement, une plus faible capacité motrice, de développement locomoteur et de compétence du langage réceptif, une qualité de sperme plus faible chez les jeunes hommes adultes. Il est de notre devoir d’informer les candidats à la PMA de ces données scientifiques avant que des décisions soient prises.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vos préoccupations sont bien prises en compte. Elles n’ont pas leur place à l’alinéa 12, mais nous y reviendrons lorsque nous parlerons du dossier guide : une information très précise sur les possibilités de réussite ou d’échec des différentes techniques d’AMP, leurs effets secondaires, leurs risques à court ou à long terme, leur pénibilité et leurs contraintes devra être délivrée aux femmes qui auront recours à ces pratiques, comme elle l’est déjà aux couples qui y recourent actuellement. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1361 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le recours à la PMA ne devrait pas être autorisé aux couples dont un enfant a déjà fait l’objet d’une mesure de placement auprès des services sociaux de l’aide sociale à l’enfance. C’est une question de bon sens. Il y va de l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons déjà repoussé cette proposition tout à l’heure. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1327 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un sous-amendement de cohérence.

Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas l’argument consistant à dire qu’une proposition a déjà été rejetée tout à l’heure. Mon sous-amendement précédent était un sous-amendement de bon sens : il me semble assez incompréhensible, et en tout cas non souhaitable, qu’un couple dont l’un des enfants a déjà été placé à l’aide sociale à l’enfance puisse s’engager dans un nouveau parcours de PMA. Nous pourrions au moins en discuter.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comprenez-moi bien : en vous répondant que cette proposition avait déjà été écartée tout à l’heure, je voulais dire que la discussion avait déjà eu lieu et qu’il n’était pas nécessaire que je réexplique ma position. Votre sous-amendement CS1361 risquerait de décourager le recours à l’aide sociale à l’enfance ; du reste, cette interdiction ne nous apparaît pas légitime. La commission a déjà entendu nos arguments et conclu que cette proposition devait être repoussée : sans vouloir vous manquer de respect, la cohérence voulait qu’elle la rejette à nouveau.

Quant au sous-amendement CS1327, qui vise à supprimer l’accès des femmes seules à l’AMP, il reçoit également un avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1760 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 15 de l’amendement CS1030 : « L’âge limite de la femme pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans maximum, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. »

Nous serions ainsi en adéquation avec ce qui se fait en matière d’adoption, et en accord avec la sécurité sociale.

En matière d’adoption, les textes ne fixent pas de limite d’âge supérieure pour l’adoptant mais l’enquête psychosociale, réalisée pour toute demande d’agrément en vue d’adoption, évalue les capacités des parents candidats à assumer l’éducation d’un enfant. Concernant l’adoption d’un enfant né en France, les conseils de famille confient rarement un nourrisson à un ou des parents ayant plus de 40 ans. De même, certains pays étrangers prévoient un écart d’âge maximum entre parents et enfant et ne confient pas de nourrisson à des parents âgés de plus de 40 ans.

Quant à la sécurité sociale, elle a fixé à 43 ans l’âge maximal pour la prise en charge d’une FIV. L’article L. 2141-2 du code de la santé publique évoque « l’âge de procréer ».

Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il convient que ce dernier soit accueilli par des adultes en mesure de l’accompagner jusqu’à l’âge où il sera autonome.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette question a déjà été longuement débattue. Les limites d’âge seront fixées par décret en Conseil d’État. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Amendements identiques CS1548 de M. Patrick Hetzel et CS1602 de M. Xavier Breton ; amendements identiques CS1549 de M. Patrick Hetzel, CS1603 de M. Xavier Breton et CS1712 de Mme Agnès Thill.

M. Patrick Hetzel. J’aimerais revenir à la question de la PMA post mortem, sur laquelle nous sommes passés très rapidement. Dans une décision du 10 novembre 2020, la Cour de cassation a clairement reconnu la souffrance d’un enfant liée à l’absence de père. Il s’agit d’une décision fondatrice : même si l’enfant n’était pas né au moment du décès de son père, la Cour de cassation a considéré qu’il en subissait « des dommages notamment psychiques et psychologiques » et qu’il pouvait voir son préjudice moral réparé. Une extension de la PMA, notamment aux femmes seules, se heurterait à cette décision de la Cour de cassation : cela mérite, de notre part, un petit peu d’attention.

M. Xavier Breton. Nous proposons que la loi fixe l’âge limite de la femme pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation : les sous-amendements CS1548 et CS1602 proposent 40 ans, en référence à différents textes relatifs à l’adoption, tandis que les sous-amendements CS1549, CS1603 et CS1712 proposent 43 ans, ce qui correspond davantage aux critères retenus par la sécurité sociale pour la prise en charge d’une FIV. Nous pouvons débattre de cet âge, mais il est de notre responsabilité de le déterminer nous-mêmes, dans la loi.

M. Patrick Hetzel. Le point saillant de la décision de la Cour de cassation que je viens d’évoquer n’est pas tant la reconnaissance d’une personnalité juridique à l’enfant simplement conçu que l’affirmation selon laquelle un enfant qui n’a jamais connu son père souffrira toute sa vie de son absence définitive. Nous ne sommes pas dans l’abstraction : nous parlons ici d’une véritable décision juridique, qui confirme d’ailleurs des décisions précédentes de la Cour de cassation. Voulons-nous, dans ce projet de loi, que l’État approuve des actes qui portent systématiquement préjudice à certains enfants ? Je ne le pense pas.

Mme Agnès Thill. À partir de 38 ans, le taux de grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation chute : supérieur à 25 % avant 37 ans, il passe à 12 % à 38 ans, puis 9 % à 40 ans et 5 % à 42 ans. C’est pourquoi la sécurité sociale a fixé à 43 ans l’âge limite de prise en charge d’une FIV ; autrement dit, en France, si une femme a moins de 43 ans, l’AMP est remboursée à 100 % par la sécurité sociale jusqu’à la quatrième tentative. Il convient d’inscrire clairement cette limite d’âge dans la loi.

En 2004, la commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) avait recommandé, « pour des raisons associant l’efficacité des techniques d’AMP et l’intérêt de l’enfant, […] de ne pas accéder à une demande d’AMP lorsque l’âge de la femme est supérieur à 42 ans révolus et/ou l’âge de l’homme est supérieur à 59 ans révolus ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tous ces sous-amendements visent à fixer une limite d’âge. Si une telle précision ne s’impose pas d’elle-même – certains proposent 40 ans, d’autres 43 ans –, il est toutefois très important qu’une limite soit établie. La balance bénéfices-risques, qui permet de déterminer l’âge à partir duquel les risques sont perçus comme excessifs et insuffisamment maîtrisés, évoluera en fonction des progrès médicaux. Un décret en Conseil d’État indiquera la borne actuellement souhaitable et sera révisé dans les années à venir. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les sous-amendements identiques CS1548 et CS1602 et les sous-amendements identiques CS1549, CS1603 et CS1712.

Sous-amendement CS1283 de Mme Annie Genevard.

M. Patrick Hetzel. Le code de la santé publique se contente d’indiquer que le couple doit être « en âge de procréer ». Le caractère imprécis de cette condition a suscité un contentieux récent, que le Conseil d’État a clos en retenant comme limite supérieure l’âge de 59 ans pour un homme, l’âge de 42 ans étant communément admis pour les femmes. S’agissant de l’homme, la haute juridiction a précisé que la condition d’âge revêtait, pour le législateur, une dimension à la fois biologique et sociale et qu’elle était justifiée par des considérations tenant à l’intérêt de l’enfant. Le présent sous-amendement vise donc à compléter le texte pour qu’il prenne en considération la totalité des critères gouvernant la détermination de la limite d’âge.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La question de la prise en charge par la solidarité nationale me semble réglée par les derniers alinéas du présent article. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1075 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Il s’agit de poser un principe simple : prioriser l’utilisation des gamètes disponibles au sein du couple en cas de recours à l’AMP. D’une part, notre modèle bioéthique a toujours considéré le couple comme une entité unique ; d’autre part, les couples en capacité de procréer, soit par insémination intra-utérine, soit par FIV à partir du matériel procréatif du couple, y sont autorisés. Il apparaît dès lors inopportun de refuser l’utilisation des gamètes permettant à un couple de femmes de procréer ou d’imposer l’intervention d’un tiers donneur. Un tel choix s’inscrirait de fait dans une démarche eugéniste qui n’est pas compatible avec nos principes éthiques ni avec la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Par cohérence avec nos votes antérieurs, je suis favorable à l’adoption de ce sous-amendement.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1284 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Ce sous-amendement vise à assurer à l’ensemble des couples le respect du principe d’autonomie afin de permettre à chacun des membres du couple candidat à l’assistance médicale à la procréation de disposer librement de ses gamètes. L’interdiction absolue faite à une femme de recourir à ses propres gamètes en vue de réaliser le projet parental envisagé avec sa conjointe constituerait une violation du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit la libre disposition de son corps. Si ce principe n’est pas absolu, ni l’intérêt de l’enfant à naître ni l’intérêt de la conjointe n’y font obstacle. Il appartiendrait dès lors à l’équipe médicale d’apprécier les contre-indications susceptibles de motiver un refus. Ce principe est conforme au fondement originel du modèle de bioéthique français, qui a longtemps considéré le couple comme un patient unique. Ce fut le cas entre 1994 et 2004 : l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur était considérée du point de vue de la loi comme un ultime recours, lorsque la PMA à l’intérieur du couple n’avait pu aboutir.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1330 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il convient d’empêcher que les personnes ou les membres d’un couple en parcours d’AMP soient contraints de recourir à un don de gamètes alors qu’ils disposent de leurs propres gamètes frais ou cryo-préservés. Il s’agit d’éviter que la technique de FIV-ROPA soit refusée aux couples de femmes ou encore d’assurer que les personnes, lorsque cela est possible, puissent procréer à l’aide de leurs propres gamètes. Cette disposition est conforme à la réglementation prévoyant que les procédures d’AMP sont réalisées en priorité avec les gamètes du couple, avant de recourir à un don de gamètes ou d’embryon. Le projet de loi ouvrant le double don, à savoir la possibilité pour une femme de recevoir un don de spermatozoïdes et un don d’ovocytes, il apparaît incompréhensible qu’elle ne puisse pas recevoir d’ovocytes de sa compagne et soit obligée de faire appel à des ovocytes provenant d’une tierce donneuse. La commission s’était positionnée en ce sens, et je propose qu’elle réitère sa décision.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dans un souci de cohérence avec nos votes antérieurs, je propose d’adopter ce sous-amendement.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1359 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1494 de M. Thibault Bazin, CS1550 de M. Patrick Hetzel et CS1604 de M. Xavier Breton.

Mme Emmanuelle Ménard. L’objet est de supprimer l’alinéa 16, qui crée un droit à l’autoconservation ovocytaire. Cela peut conduire les femmes à penser qu’elles pourraient ensuite concevoir un enfant quand elles le souhaitent, à tout moment de leur vie et en faisant fi des risques médicaux liés à l’âge. Cela viendrait en soutien de la notion de droit à l’enfant, qui ne me paraît pas opportune.

M. Thibault Bazin. L’un des défis de notre pays est de sensibiliser les femmes à la baisse de la fécondité liée à l’âge et d’accompagner celles qui ont le projet d’accueillir la vie afin qu’elles le concrétisent au moment propice. Les chances de succès d’une PMA se réduisent à mesure que l’âge avance : l’autoconservation n’est donc pas une garantie de réussite puisque le risque d’échec demeure. Il est important que l’on puisse mesurer, à ce stade du débat, les effets incitatifs et dissuasifs de cette disposition.

M. Patrick Hetzel. Pour les femmes, l’autoconservation des ovocytes se révélera un piège. À l’étranger, certains employeurs encouragent les femmes à y recourir pour éviter toute interruption de leur activité professionnelle. En outre, en repoussant l’âge auquel elles chercheront à concevoir un enfant, les femmes contribueront elles-mêmes à amoindrir leurs chances de concevoir naturellement un enfant.

Mme Anne-Laure Blin. Votre amendement, monsieur le rapporteur, oblige les femmes à s’interroger sur le moment où elles voudront concevoir un enfant. Mais en ne leur permettant pas d’exercer leur libre arbitre, vous les contraignez quasiment à conserver leurs ovocytes. Le législateur doit se demander quelle est la place de la femme dans notre société. La natalité est en baisse, les causes d’infertilité sont de plus en plus importantes, mais votre texte se contente de créer des bébés en laboratoire et de ne plus inciter à la grossesse naturelle. Votre dispositif favorise en fait les laboratoires, qui ont clairement conscience du marché qu’ils peuvent développer, et ouvre la voie à la commercialisation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable car nous souhaitons précisément introduire la possibilité d’autoconservation. Cela ne signifie pas que l’on pourra utiliser ses ovocytes à un âge avancé, au-delà des bornes fixées par le Conseil d’État, mais qu’une femme souhaitant s’engager à terme dans un parcours de procréation conservera cette possibilité.

Par ailleurs, nous n’en sommes pas à envisager la création de bébés en laboratoire car nous ne savons pas le faire : seuls des embryons peuvent l’être. Nous ne savons pas reproduire in vitro la longue phase existant entre le stade de l’embryon et celui du fœtus viable. On aura le temps d’y réfléchir quand les techniques auront progressé, mais telle n’est pas la question posée aujourd’hui, qui est de savoir si une femme a le droit ou pas d’autoconserver ses ovocytes.

Enfin, ne sous-estimons pas les connaissances et l’intelligence des femmes : elles savent bien que dans toute procréation, qu’elle soit naturelle ou médicalement assistée, le succès n’est absolument pas garanti.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Merci monsieur le rapporteur. Je crois qu’en toutes situations nous ne devons pas négliger l’intelligence des femmes.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1561 de M. Patrick Hetzel et CS1605 de M. Xavier Breton.

M. Julien Ravier. Le recueil d’ovocytes est un acte médical lourd pour la femme. Lors de l’examen de la précédente loi de bioéthique – j’étais alors collaborateur de Valérie Boyer – nous nous étions battus pour obtenir la légalisation de la vitrification ovocytaire, qui permet de congeler des gamètes plutôt que des embryons. C’est très important parce qu’on sait bien qu’un embryon, c’est la vie. Il vous est donc proposé que les ovocytes restants puissent faire l’objet d’une conservation en vue d’un nouveau parcours de PMA, afin de proposer une solution alternative à la création d’embryons surnuméraires, qui pose problème sur le plan éthique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1329 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de consacrer l’interdiction du don d’ovocyte de la compagne dans un couple de femmes car cela contreviendrait au principe de l’anonymat du don et pourrait induire la légalisation d’une certaine forme de GPA. De plus, l’intérêt de l’enfant exige qu’il puisse désigner sa mère biologique ; or, avec le don d’ovocyte à l’intérieur d’un couple de femmes, l’enfant serait incapable de désigner sa mère puisque l’une des femmes serait sa mère génétique et l’autre sa mère biologique. Nul n’est capable à ce jour de dire quelles pourraient être les conséquences pour le développement psychique de l’enfant de l’éclatement de la maternité et de l’incapacité à désigner sa mère. Les principes de prudence et de précaution appellent à interdire fermement cette pratique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette disposition est inutile puisque la ROPA n’a pas été adoptée. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1427 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’amendement initialement adopté proposait que l’appariement des caractères phénotypiques ne soit possible qu’avec l’accord du couple receveur ou de la femme receveuse. Nous proposons que cet appariement reste la norme mais que le couple receveur ou la femme receveuse puissent s’y opposer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. On peut regretter que, depuis le début de l’insémination artificielle, des pratiques d’appariement excessives aient été appliquées pour faire comme si le père était le géniteur. Désormais, la logique est différente : nous encourageons la révélation de la vérité à l’enfant, la vérité sur le don, le tiers donneur, etc. Par ailleurs, les personnes dont l’origine ethnique est minoritaire en France sont condamnées à attendre éternellement parce qu’il n’y a pas de donneurs ayant les mêmes caractéristiques : elles s’inscrivent donc sur des listes d’attente et ne sont jamais satisfaites. Or ces personnes peuvent parfois souhaiter avoir des enfants métis : l’appariement absolu n’est donc pas une nécessité.

Souvent excessif, l’appariement relève des pratiques des CECOS et il ne nous paraît pas souhaitable de l’introduire dans la loi. Les modalités d’appariement doivent être appliquées de façon sensée et en relation avec le désir parental. Ce sont les couples, et eux seuls, qui doivent prendre cette décision, et non pas une équipe biologique ou médicale. J’émets un avis de sagesse : chacun pourra décider s’il préfère que le mot « appariement » apparaisse ou non dans la loi.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1062 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. La technique de la ROPA permet à une femme de mettre à disposition de sa conjointe ses ovocytes dans le but de mener un projet parental. Les couples ayant recours à une aide médicale à la procréation entament un parcours semé d’embûches et présentant 40 % d’échecs, particulièrement douloureux. En cas de différence d’âge entre les deux femmes du couple, la ROPA permet d’augmenter les chances de succès. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’autoriser cette pratique.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1434 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il s’agit de supprimer une discrimination importante à l’accès à la PMA en affirmant de façon explicite que le changement de la mention du sexe à l’état civil ne peut représenter un obstacle à cette procédure. La rédaction de ce sous-amendement est le fruit d’un travail transpartisan entre les membres du groupe d’études sur les discriminations et LGBTQIphobies dans le monde

L’article 1er permet d’ouvrir à tous le recours aux techniques de procréation médicalement assistée, mais il s’arrête en chemin parce qu’il ne s’applique pas à toutes les personnes en capacité de le faire, qu’elles soient inscrites ou non à l’état civil en tant que femmes. La CNCDH va dans le sens de ce sous-amendement. Il serait opportun de simplifier la loi, qui repose sur une conception rigide de l’identité de genre et complique les projets parentaux. Depuis 2016, le changement de genre à l’état civil n’est plus soumis à une preuve de stérilisation, ce qui fait qu’il existe déjà des cas d’hommes transgenres portant un enfant sans recours à la PMA. Il s’agit tout simplement de respecter l’exigence d’égalité dans le recours à ces techniques en supprimant l’obstacle du changement de sexe.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette disposition n’avait pas été adoptée lors de la deuxième lecture mais j’y suis, à titre personnel, favorable dans une démarche de lutte contre les discriminations.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1433 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’autoriser la pratique de la méthode ROPA dans le cadre du parcours PMA des couples de lesbiennes. Selon le Gouvernement, cette démarche risquerait d’entraîner une marchandisation du corps des femmes ; or il n’en est rien. Cette méthode permet de lier deux femmes à l’enfant à naître ; étant en couple, elles ne sont pas dans un rapport marchand ni contractuel. Vouloir l’empêcher, alors même qu’elle existe sans risque dans d’autres pays, est une forme de paternalisme de l’État. Par ailleurs, si la ROPA devait constituer un danger pour l’un des membres du couple, le corps médical informerait dûment les femmes et ne pratiquerait pas l’assistance médicale. Le cadre actuel permet d’assurer la sécurité des personnes concernées et devrait permettre la reconnaissance de cette pratique.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1753 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il s’agit de rédiger ainsi l’alinéa 17 : « La conservation d’embryon dans le but de réaliser un projet parental ultérieur est interdite. » On sait les abus et les pressions purement économiques qui peuvent peser sur les femmes. L’autoconservation ovocytaire est un recul des droits des femmes, notamment dans la sphère professionnelle. De plus, ces embryons dits surnuméraires suscitent la convoitise des chercheurs. Lorsque ces bébés-éprouvette ne font plus partie d’un projet parental, ils deviennent des matériaux de recherche convoités et peuvent servir aux pires expérimentations scientifiques.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous souhaitez tout simplement interdire la conservation d’embryons, ce qui, dans de nombreux cas, bloquerait toute possibilité de recourir à une assistance médicale à la procréation. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1076 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. Il s’agit de compléter l’amendement du rapporteur avec une disposition adoptée en deuxième lecture autorisant la ROPA. Pendant longtemps, on a favorisé l’utilisation des gamètes du couple avant de faire appel à un tiers donneur. Aussi, refuser aux couples de femmes de recourir aux gamètes disponibles du couple semble paradoxal et crée même une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle entre les couples candidats à la PMA, puisque les couples de femmes ne pourraient y recourir, à la différence des couples hétérosexuels, et seraient obligés de faire appel à un tiers donneur. Il ne s’agit pas d’une GPA car personne ne met son ventre à disposition d’autrui : comme dans un couple hétérosexuel qui utiliserait les gamètes du futur père dans le cadre d’une PMA, la gestation se fait pour l’enfant du couple.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1430 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Les CECOS pratiquent communément l’appariement, qui permet la vraisemblance biologique, c’est-à-dire la ressemblance phénotypique. Toutefois, pour certains couples, cela n’est pas une condition nécessaire à la PMA. Il s’agit donc de préciser que l’appariement ne peut se faire qu’avec l’accord du couple ou de la femme receveuse de gamètes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis de sagesse : sur le fond, je suis d’accord, mais la question est de savoir s’il vaut mieux spécifier dans la loi que l’appariement ne se fait qu’avec l’accord du couple ou de la femme, ou bien si cela ne doit faire l’objet que d’un message adressé à tous les CECOS.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1363 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement vise à encadrer et à limiter la conservation des embryons en surnombre. Le législateur a permis, en 1994, la fécondation d’ovocytes en surnombre afin d’éviter aux femmes les contraintes de prélèvements à répétition. Depuis, les techniques ont évolué : la vitrification permet désormais de conserver les ovocytes et de préserver les femmes de ces contraintes, qui sont parfois très difficiles à supporter. Il n’est donc plus justifié de concevoir des embryons en surnombre et de les conserver. Cela éviterait ensuite de nombreux problèmes éthiques.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le nombre d’embryons surnuméraires produits et conservés est moins important que par le passé grâce aux progrès qui ont été accomplis. Votre demande est donc en partie satisfaite. Votre proposition est toutefois extrême et serait dommageable pour les femmes car elle les obligerait à répéter des interventions qui ne sont pas sans pénibilité. Nous pensons au contraire qu’il faut maintenir la possibilité de conserver des embryons surnuméraires, même si leur nombre est plus réduit que par le passé. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1328 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le rapporteur, je ne propose rien d’extrême puisque je prévois des dérogations en fonction des situations.

Le présent sous-amendement vise à mettre un terme à la création d’embryons surnuméraires qui sont ensuite congelés. On comptait au 31 décembre 2016 plus de 223 000 embryons humains congelés. Cela avait été autorisé par le législateur en 1994 parce que les contraintes de prélèvement d’ovocytes à répétition sont très difficiles à supporter pour les femmes et qu’à l’époque, les ovocytes se conservaient mal. Il était donc nécessaire de les féconder pour mieux les conserver.

La congélation des embryons humains soulève aujourd’hui des interrogations éthiques : on diffère la naissance d’un enfant parfois plusieurs années après sa conception et, surtout, cela peut provoquer des situations sans issue pour certains couples, très embarrassés quant à la décision à prendre, voire des drames, quand l’homme décède avant le transfert de l’embryon, ou des litiges en cas de désaccord du couple sur le devenir desdits embryons congelés. La vitrification, méthode de congélation ultrarapide des ovocytes, peut désormais être réalisée dans de bonnes conditions et rend inutile la conservation et la congélation d’embryons en surnombre. C’est pourquoi il me semble nécessaire de la limiter.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tant que le taux de succès n’excédera guère 20 %, des embryons surnuméraires seront nécessaires pour réitérer les tentatives, jusqu’à la naissance d’un enfant. Il faut faire progresser les connaissances sur le développement des embryons, pour comprendre pourquoi le taux de succès est aussi faible, ce qui est pénible pour les femmes et coûteux pour l’assurance maladie. Une des causes, on le sait, tient à l’existence d’anomalies chromosomiques. Nous n’avons pas retenu la possibilité d’exclure les nombreux embryons qui ont de telles anomalies, lesquelles conduiront à des fausses couches. Il existe d’autres facteurs qu’il nous faut mieux maîtriser. Le jour où le taux de succès sera élevé, nous pourrons franchir une étape supplémentaire dans la réduction du nombre d’embryons surnuméraires congelés.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1552 de M. Patrick Hetzel et CS1606 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Le double don de gamètes a toujours été interdit en droit français. La loi de bioéthique de 1994 exige que l’un au moins des membres du couple fournisse ses gamètes pour concevoir l’embryon qui sera implanté dans l’utérus de la femme. Si la femme a besoin d’un don d’ovocytes, son compagnon devra fournir le sperme. Si c’est l’homme qui a besoin d’un don de sperme, sa compagne devra fournir l’ovocyte. Si la femme et l’homme sont infertiles se présente la possibilité d’un don d’embryon. Il est donc primordial que, dans le cadre de toute PMA, l’embryon soit conçu avec les gamètes de l’un au moins des membres du couple, comme l’avait indiqué le Sénat.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette mesure empêcherait les femmes non mariées ou les membres d’un couple de femmes qui souffrent d’infertilité d’accéder à une fécondation in vitro et les obligerait à recourir à un transfert d’embryon. La possibilité du double don de gamètes a été introduite délibérément pour répondre à ces conditions. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1362 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. On a pu croire en 1994 que le lien biologique était secondaire et que seul comptait l’amour prodigué à l’enfant, mais la souffrance des jeunes issus des dons – qu’il s’agisse du stress ou des effets sur la formation de l’identité – ne peut plus être ignorée aujourd’hui. Il est essentiel de tenir compte de ces témoignages, qui ne vont absolument pas dans le sens des études que vous avez citées, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je réitère l’avis défavorable à l’interdiction du double don de gamètes, qui marque au contraire une avancée positive.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1711 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il s’agit de compléter l’alinéa 19 par les mots : « et uniquement avec les gamètes d’une femme membre du couple ». Nous entendons nous assurer qu’un embryon ne pourra être conçu qu’avec les gamètes d’une femme membre du couple et qu’une brèche ne pourra être ouverte vers la GPA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les auteurs de tous ces sous-amendements incitent à la multiplication des dons d’embryon en cas d’infertilité. Il me semble illogique de vouloir diminuer le nombre d’embryons surnuméraires tout en favorisant le don d’embryon. Le double don de gamètes me paraît préférable. Je suis opposé à tous les sous-amendements visant à interdire ce double don, qui a été introduit dans le cadre d’une démarche raisonnée au cours des lectures précédentes.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1495 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je propose que la femme qui apporte l’ovocyte soit celle qui porte l’enfant, afin de réduire les risques pesant sur elle et l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Que l’ovocyte émane de la mère ou d’une donneuse anonyme, le risque est le même. Votre amendement est satisfait, puisque la fécondation in vitro dite « réception des ovocytes de la partenaire » (FIV‑ROPA) n’a pas été adoptée. Aller jusqu’à interdire le don d’ovocytes de la compagne me paraît excessif. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1366 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement vise à ce que, lorsque des embryons sont congelés et conservés, les deux membres du couple soient consultés chaque année par écrit pour s’assurer qu’ils entendent poursuivre la PMA. On le sait, les couples engagés dans un processus de PMA consentent parfois à toutes les suggestions de l’équipe médicale car leur désir d’enfant submerge tout. Il faut veiller à ce que les femmes engagées dans un processus de fécondation in vitro ne puissent pas être sollicitées pour un don d’ovocytes à l’occasion de la vitrification de ces derniers, afin de garantir la qualité du consentement au don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous supprimeriez ainsi la possibilité de transférer des embryons à des femmes seules, ce qui créerait une inégalité. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1365 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La vitrification des ovocytes est un mode de congélation ultrarapide qui permet leur conservation dans de très bonnes conditions. Elle est déjà autorisée par la loi mais demeure peu utilisée. Il faut la mettre à profit pour éviter à la femme les contraintes liées au renouvellement de la ponction d’ovocytes, tout en évitant la conservation d’embryons surnuméraires, qui soulève des interrogations éthiques. Il ne faut pas négliger le fait que, sous la pression de leur désir d’enfant, les couples recourant à une PMA sont susceptibles de consentir à tout ce qui est suggéré par les équipes médicales. Le sous-amendement vise à maîtriser ce risque.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sousamendement.

Suivant le même avis, elle rejette le sous-amendement CS1364 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1555 de M. Patrick Hetzel, CS1609 de M. Xavier Breton et CS1757 de Mme Agnès Thill.

M. Patrick Hetzel. En faisant prévaloir la volonté des personnes, quel que soit leur sexe, la référence au projet parental ouvrira inévitablement la voie à la légalisation de la GPA. Dès lors que vous invoquez l’argument de l’égalité des droits et que vous niez la réalité physiologique et biologique, vous serez amenés, après l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, à mettre en place la GPA, ce qui consacrera la marchandisation du corps.

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons nous résoudre à ce qu’un embryon, une personne potentielle, soit réduit à un « projet parental », comme si c’était un produit que l’on commanderait et dont on définirait les caractéristiques. Pour nous, la dimension d’accueil de l’enfant dépasse la seule volonté des parents. Nous proposons donc de supprimer la référence au projet parental.

Mme Agnès Thill. En faisant prévaloir la seule volonté des personnes, quel que soit leur sexe, la référence au projet parental ouvre inéluctablement la porte à la légalisation de la GPA. Il convient donc de supprimer la notion de projet parental afin de respecter l’interdiction de la GPA en France et de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’embryon ou l’enfant n’a jamais été réduit à un projet parental, pas plus qu’à une rencontre fortuite entre deux gamètes. Il fut un temps, avant la première loi de bioéthique, où des GPA étaient effectuées de manière assez régulière dans notre pays, alors que personne ne parlait de projet parental. La première loi de bioéthique a interdit la GPA, puis la notion de projet parental a été développée dans le droit de la bioéthique. L’évolution s’est donc faite à rebours de ce que vous présentez. En aucun cas l’introduction de la notion de projet parental n’a été un encouragement à l’application de la GPA. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1331 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement vise à limiter et encadrer la conservation des embryons surnuméraires, compte tenu de l’ensemble des interrogations éthiques qu’elle soulève. La technique médicale a tant évolué que l’on peut procéder autrement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous aimerions que vous ayez raison, mais on ne peut encore se passer de la conservation des embryons. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1334 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les embryons humains ne sont pas des matériaux biologiques quelconques mais des enfants à naître. À ce titre, il convient de les traiter avec le plus grand respect et d’éviter leur congélation inutile, laquelle soulève des interrogations éthiques chez les soignants, les chercheurs et les parents des embryons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous considérons les embryons avec beaucoup de respect ; nous les congelons pour leur donner une perspective d’avenir. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1556 de M. Patrick Hetzel et CS1610 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. La vitrification et la conservation des ovocytes évitent de réitérer la ponction ovocytaire, qui est un acte médical lourd. Cela étant, les témoignages montrent que les femmes suivant un parcours de PMA sont fortement incitées à donner leurs gamètes ; un certain nombre y consentent sous l’effet de l’émotion sans prendre conscience de la portée de leur don et sans avoir pris la mesure des effets de leur décision. Il convient donc d’inscrire dans la loi que la vitrification des ovocytes ne peut être réalisée que pour les bénéficiaires du parcours de PMA afin d’éviter un démarchage intempestif des femmes à un moment où elles sont éprouvées et ne peuvent donner leur consentement en pleine connaissance de cause.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1336 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1496 de M. Thibault Bazin, CS1557 de M. Patrick Hetzel, CS1611 de M. Xavier Breton et CS1637 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. La loi du 29 juillet 1994, qui a été le premier texte à encadrer la biomédecine, a interdit toute recherche sur l’embryon. Aux termes de l’article L. 152‑8 du code de la santé publique, « la conception in vitro d’embryons humains à des fins d’étude, de recherche ou d’expérimentation est interdite. Toute expérimentation sur l’embryon est interdite. » L’objectif était de conformer notre droit au principe du « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », consacré à l’article 16 du code civil.

Par ailleurs, aucun élément scientifique ne permet d’affirmer que la recherche sur les cellules-souches embryonnaires est utile pour le traitement des maladies graves. En revanche, la recherche sur les cellules-souches adultes a produit des résultats tangibles, utilisables dans un cadre clinique.

Par prudence, il convient de supprimer le dispositif prévu à l’alinéa 21 afin de ne pas encourager la recherche sur les embryons et les cellules embryonnaires, surtout quand on sait que la recherche offre d’autres possibilités, notamment grâce aux cellules-souches pluripotentes induites (IPS). Il convient en revanche d’encourager les recherches alternatives sur les cellules-souches humaines non embryonnaires : outre les IPS, on peut citer, par exemple, les cellules du cordon ombilical.

Mme Anne-Laure Blin. Par votre amendement, vous souhaitez que les embryons puissent faire l’objet de recherches. Celles-ci étaient auparavant interdites compte tenu de leur nature et des problèmes éthiques qu’elles soulèvent. Des dérogations ont été ouvertes sous prétexte de promesses de découvertes et d’avancées médicales. À vous écouter, on constate que ces promesses n’ont pas été tenues. Il faut définir des garde-fous et revenir à l’interdiction des recherches sur les embryons.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 21 soulève un certain nombre de difficultés. On veut inciter les membres d’un couple à consentir à ce que les embryons non utilisés – autrement dit, surnuméraires – soient utilisés à des fins de recherche. En France, un nombre considérable d’embryons surnuméraires sont stockés, alors qu’en Allemagne, par exemple, la loi l’interdit. On ne peut pourtant pas dire que nos amis allemands accusent un quelconque retard par rapport à nous sur ces questions. Il y a un problème de fond que l’on refuse d’examiner. La disposition que vous proposez, monsieur le rapporteur, constitue une sorte de fuite en avant. Combien d’embryons surnuméraires voulez-vous que nous congelions dans notre pays ?

M. Xavier Breton. Je considère également qu’il s’agit d’une fuite en avant. On parle de ce sujet à chaque révision des lois de bioéthique. On autorise un trop grand nombre d’embryons surnuméraires, ce qui suscite les appétits de la recherche, à moins que ce ne soit le contraire : les attentes des chercheurs conduisent peut-être le législateur à faire preuve de souplesse. En 2015, on évaluait à près de 220 000 le nombre d’embryons surnuméraires stockés. Qu’on ne nous dise pas qu’il est impossible de faire différemment : en Allemagne, la production d’embryons est beaucoup plus limitée, mais elle suffit à répondre aux besoins de l’assistance à la procréation. On voit bien que d’autres intérêts sont à l’œuvre dans notre législation. Si l’on recherche avant tout l’intérêt des familles, on doit limiter la production d’embryons surnuméraires et non satisfaire des appétits financiers.

Mme Agnès Thill. Le sous-amendement vise à supprimer l’alinéa 21, afin d’éviter que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6 du code de la santé publique, y compris, s’agissant des membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne connais pas d’autre moyen d’accroître le taux de succès de ces modalités de procréation, ni de réduire les malformations et les autres risques qui leur sont attachés, que de mener des activités de recherche. Celles-ci sont encadrées et effectuées de façon rigoureuse. Par ailleurs, ne confondez pas les cellules-souches embryonnaires et les cellules IPS. Les unes comme les autres peuvent offrir des débouchés, mais les secondes ne sauraient se substituer aux premières. Les cellules IPS sont des cellules-souches adultes qui sont reprogrammées et dans lesquelles sont insérés des éléments génétiques ; ce sont des organismes génétiquement modifiés, qui ont des caractéristiques très distinctes des cellules-souches embryonnaires, et qui peuvent conduire à des applications dans le champ thérapeutique. Les deux types de recherches sont nécessaires et complémentaires ; il ne faut pas en privilégier une. Elles doivent être encadrées, comme s’y emploie l’Agence de la biomédecine avec beaucoup de rigueur.

Historiquement, la recherche sur l’embryon a d’abord été autorisée en France sans encadrement particulier. Puis les premières lois de bioéthique l’ont interdite, au même titre que la recherche sur les cellules-souches, ainsi que différentes formes de transplantation, de procréation etc. Les premiers textes en la matière ont fixé des interdits, le temps de se rassurer. À mesure que les connaissances ont progressé, on a su comment encadrer ces pratiques. Aujourd’hui, nous autorisons la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules. Sous la législature précédente ont été autorisées les recherches sur les cellules-souches embryonnaires. Quant à la recherche sur l’embryon, elle s’exerce sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine.

Sur le fond, nous souhaitons évidemment réduire le nombre d’embryons surnuméraires, ce qui suppose la décongélation, autrement dit la destruction des embryons qui ne font pas l’objet d’un projet parental. Elle est prévue par les textes mais n’est pas toujours parfaitement réalisée en pratique. Par ailleurs, il faut produire un nombre raisonnable d’embryons, en fonction des besoins de procréation. Les dons d’embryons à la recherche sont extrêmement réduits – très loin des 100 000 ou 200 000 évoqués – d’autant plus qu’à partir d’un seul prélèvement, on peut généralement multiplier les cellules in vitro de façon quasi infinie et mener des recherches pendant des dizaines d’années. Il n’y a donc pas de risque en la matière, et il serait néfaste de supprimer la recherche sur l’embryon.

La commission rejette les sous-amendements.

La réunion est suspendue de onze heures vingt-cinq à onze heures trente-cinq.

Sous-amendement CS1685 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le sous-amendement vise à interdire la recherche sur des embryons issus de PMA non thérapeutiques. Il y a en effet largement assez d’embryons surnuméraires. Monsieur le rapporteur, que faut-il entendre par un nombre « raisonnable » d’embryons ? Vous venez de dire qu’on pouvait utiliser des embryons pour mener des recherches quasi indéfiniment. Nous pourrions donc imposer aux chercheurs de s’en tenir aux embryons qu’ils détiennent sans leur en attribuer de nouveaux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1337 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de revenir à la rédaction de l’article L. 152-8 du code de la santé publique, issu de la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. Depuis cette loi, le statut de l’embryon confié à la recherche n’a cessé de se dégrader. Il faut en revenir à l’esprit de la loi de 1994, qui avait posé une interdiction de principe de la recherche sur les embryons, en l’assortissant d’une exception. Aujourd’hui, il semble que ce principe ait été largement dévoyé et que l’embryon humain soit considéré – contre l’évidence – comme un simple amas de cellules. J’ajoute que, depuis le vote des premières lois de bioéthique, nous n’avons pas été rassurés. La recherche sur l’embryon avait été permise à titre expérimental, un bilan devant être réalisé au bout de cinq ans. Celui-ci a été sans appel : aucune des avancées promises n’a été obtenue. Pourtant, la loi a maintenu et élargi les possibilités de recherche sur les embryons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’aventure humaine est en marche depuis 1994. Des progrès scientifiques, médicaux, mais aussi sociétaux ont été accomplis. Nous en tenons compte pour écrire la loi en 2021. Le texte proposé nous paraît plus favorable que celui de 1994. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1553 de M. Patrick Hetzel et CS1607 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Les techniques médicales permettent aujourd’hui de conserver les gamètes – spermatozoïdes comme ovocytes. Il faut privilégier cette conservation plutôt que celle des embryons en surnombre. Plusieurs de nos voisins, parmi lesquels l’Allemagne, ont pris des décisions drastiques pour éviter d’avoir des embryons surnuméraires. Comme vous le disiez, monsieur le rapporteur, nous devons ramener la production à un niveau bien plus raisonnable. Ce sous‑amendement de précision permettrait d’aller en ce sens.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1554 de M. Patrick Hetzel et CS1608 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Ces sous-amendements visent à s’inspirer de la pratique menée en Suisse, où l’on ne peut implanter plus de trois embryons dans l’utérus de la mère, ce qui limite les risques de mauvaise conservation et de déshérence des embryons sans projet parental. La possibilité, offerte en France, de créer des embryons sans limite répond aux besoins de la recherche, mais se traduit par la conservation de plus de 200 000 embryons. Il faut traiter ce sujet ; on ne peut continuer cette course effrénée.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Limiter progressivement le nombre d’embryons en fonction des possibilités, oui ; inscrire un chiffre dans la loi, non : laissons cette tâche à l’Agence de la biomédecine, sous notre contrôle. L’évolution devra tenir compte, chaque année, des progrès de la science et de la technique.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1338 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1558 de M. Patrick Hetzel et CS1612 de M. Xavier Breton.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans la rédaction actuelle de l’alinéa 22, vous considérez l’embryon comme un simple amas de cellules, que l’on pourrait congeler et stocker, en niant le fait qu’il s’agit d’un enfant à naître. Le texte évoque la « qualité » de l’embryon, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une chose, d’un produit ordinaire que l’on pourrait jeter ou échanger comme on jette ou échange une machine défectueuse. Ce n’est évidemment pas le cas puisqu’un embryon humain deviendra, neuf mois plus tard, un bébé accueilli dans une famille. C’est parce que l’embryon humain n’est pas une chose qu’il a été protégé dans sa dignité et qu’il ne peut être ni acheté ni vendu. L’expression « qualité de l’embryon » est par ailleurs problématique car elle est trop floue juridiquement. Enfin, cette conception de l’embryon fait courir des risques évidents de dérive eugéniste, bien loin de l’esprit d’une science éthique. Je m’oppose donc catégoriquement à cette disposition.

M. Patrick Hetzel. Selon les chercheurs – j’ai échangé avec plusieurs d’entre eux au sein de l’institut Imagine, à l’hôpital Necker –, il faut préciser ce que l’on entend par « qualité » de l’embryon. Il n’y a pas aujourd’hui de consensus scientifique sur ce sujet. Si l’on maintient cette rédaction, une dérive eugéniste est possible. Il faut tout faire pour l’éviter.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous craignez que des choix soient faits entre les embryons. Or, la notion de qualité, qui a été introduite par le législateur de 2011 lors de la précédente révision de la loi de bioéthique, n’implique aucunement un choix. On peut refuser une mise à l’écart des embryons ayant des anomalies d’autosomes – chromosomes non sexuels – qui empêcheront leur développement et aboutiront à des fausses couches. En revanche, des pertes de cellules, des anomalies morphologiques peuvent survenir, qui rendent les embryons totalement inaptes à la réimplantation. De même, quand il existe une maladie génétique dans une famille, le diagnostic préimplantatoire pourra écarter les embryons qui en sont porteurs ; la fécondation in vitro sera effectuée pour éviter la récidive de la maladie. Il n’y a aucun risque d’eugénisme. De bonnes pratiques médicales, techniques et biologiques sont à l’œuvre. Soyez rassurés : cela existe depuis près de dix ans et n’a jamais posé problème. Ces techniques continuent à se développer au bénéfice des enfants qui naîtront et des femmes qui les porteront. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1333 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le sous-amendement vise à ce que la stimulation hormonale ne soit pas proposée sans nécessité médicale. En effet, cette stimulation est fréquente en matière de PMA, même lorsque l’infertilité n’est pas ovarienne. Préalablement à l’insémination artificielle, la femme subit un puissant traitement hormonal, comme chacun l’a reconnu ici, non sans effets indésirables et douloureux. Pourtant, une femme fertile peut avoir six à huit follicules par ovaire sans stimulation. Il est surprenant que, même lorsque l’infertilité est exclusivement liée à l’homme, ce protocole ne soit pas révisé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous ne souhaitons pas qu’il y ait de stimulation hormonale excessive et inutile, mais cela relève des guides de bonne pratique clinique, et non du législateur. C’est aux experts de définir les cas où la stimulation est opportune.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1692 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Si les embryons congelés ne font plus partie du projet parental, ils doivent être détruits. La loi demande déjà de privilégier les techniques qui n’exigent pas la fabrication d’embryons en surnombre, mais elle n’est pas suivie d’effet : il faut donc adopter des mesures plus directives pour interdire la congélation d’embryons, sauf par exception, lorsque l’implantation n’est pas possible pour une raison inattendue.

Ce débat montre que la recherche sur l’embryon relève du progrès non plus médical, mais sociétal. Mais si l’on ne prétend plus guérir les gens grâce à la recherche sur l’embryon, pourquoi la maintenir à tout prix ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette aussi le sous-amendement CS1339 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1559 de M. Patrick Hetzel et CS1613 de M. Xavier Breton

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de substituer aux mots « ou une autre femme non mariée », à l’alinéa 24, les mots « à l’exception de leur propre fratrie ». Dans les pays qui pratiquent la marchandisation des gamètes, on finit par se retrouver avec 200 ou 300 personnes qui ont le même père – c’est largement documenté. Pour éviter les problèmes qui en découlent, il faut absolument introduire une limite tenant à la famille.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable, car cela interdit à toute femme non mariée de recevoir des embryons.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1707 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. La PMA est un gigantesque marché. La baisse de la fertilité due à la pollution industrielle et à nos conditions de vie – obésité, stress, tabagisme – a fait émerger un supermarché mondialisé de l’enfant, qui pesait déjà 3 milliards de dollars aux États-Unis en 2007. Là-bas, la liberté si fièrement revendiquée n’est qu’une liberté de consommateurs et si le produit acheté ne vous convient pas, vous pouvez toujours déposer une réclamation auprès du service après-vente. Un couple de lesbiennes américaines vient d’ailleurs de porter plainte parce que sa fille, née suite à un don de sperme, est métisse : le sperme d’un homme noir a été confondu avec celui d’un homme blanc. Nous souhaitons éviter ces abus.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Dans notre esprit, l’assistance médicale à la procréation ne peut pas être réservée aux couples de sexe différent.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1639 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Ce sous-amendement vise à préserver la prérogative du juge en matière de consentement à la PMA.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette rédaction cherche là encore à exclure la femme seule de l’AMP. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1560 de M. Patrick Hetzel et CS1614 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Pourquoi donc avoir supprimé l’intervention du juge aux affaires familiales ? Il peut ordonner une enquête, apprécier la qualité d’un témoignage ou effectuer des investigations qui ne seront pas possibles pour un notaire. Le Gouvernement se justifie par une volonté de désengorger les tribunaux, mais qu’en est-il de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Dès lors que vous permettez l’évolution que veut ce texte, il faut tout de même se donner des garanties. Or ce qui est incroyable, c’est qu’avec votre façon de faire, rien ne peut être garanti : avec tout le respect que nous lui devons, le notaire n’a pas les mêmes possibilités d’action qu’un juge aux affaires familiales. Nous tenons à vous alerter sur ce point.

Mme Anne-Laure Blin. En effet, il ne s’agit pas d’un simple enregistrement qu’on effectue devant le notaire. Pour assurer la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut faire intervenir le juge aux affaires familiales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le droit actuel prévoit déjà un passage devant le notaire pour les couples hétérosexuels. C’est ce dispositif que nous voulons étendre car, comme en première et deuxième lectures, nous pensons qu’il faut prévoir les mêmes modalités pour les couples hétéro et homosexuels.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1561 de M. Patrick Hetzel et CS1615 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Dans le cadre d’un don d’embryon conçu par recours à un tiers donneur, les médecins doivent pouvoir accéder aux informations médicales non-identifiantes du couple ayant consenti au don mais également à celles du tiers donneur de gamètes, au bénéfice de la santé de l’enfant. Je suis étonné de voir que cette disposition ne figure pas dans le texte, d’autant, que, monsieur le rapporteur, vous avez fait référence à la qualité de l’embryon.

Mme Anne-Laure Blin. C’est en effet un sous-amendement de bon sens. Dans l’intérêt de l’enfant, pour qu’il puisse avoir connaissance d’éléments concernant sa santé, son médecin doit avoir accès aux éléments non-identifiants du tiers donneur qui est à l’origine de son existence. C’est du simple pragmatisme.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est tellement de bon sens que l’article 3 prévoit déjà qu’en cas de nécessité médicale, le médecin peut avoir accès aux données médicales non identifiantes du donneur de gamètes. Avis défavorable

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1563 de M. Patrick Hetzel et CS1617 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de prévenir les potentiels débordements qui pourraient résulter du séquençage de gènes et du dépistage très intrusif de maladies directement sur l’embryon. Nous proposons donc de compléter l’alinéa 32 par les mots « en respectant très rigoureusement l’intégrité de l’embryon et en préservant l’intégralité de son identité génétique ».

Mme Anne-Laure Blin. Vous disiez vous-même, monsieur le rapporteur, qu’il fallait poser des bornes. Nous proposons précisément un encadrement de l’intégrité de l’embryon et de son identité génétique. C’est de bon sens et cela répond à votre propre préoccupation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il y a déjà un encadrement très rigoureux de la recherche sur les embryons ; c’est la mission de l’Agence de la biomédecine. En revanche, les expressions « intégrité de l’embryon » et « intégralité de son identité génétique » s’opposeraient à la grande majorité des recherches actuellement conduites. Encadrer, ce n’est pas interdire. Je pense que les conditions actuelles sont tout à fait satisfaisantes et suis défavorable à une formulation qui mènerait à une quasi-interdiction de la recherche.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements CS1754, CS1683, CS1687, CS1580 et CS1699 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le premier de ces sous-amendements vise à préciser, pour éviter autant que se pourra les détournements et la marchandisation, que seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif qui sont autorisés à cet effet par le ministre chargé de la santé ainsi que par l’Agence de la biomédecine pourront conserver les embryons et mener la procédure d’accueil.

Le deuxième vise à rétablir l’article L. 2141‑7 du code de la santé publique, disposant que tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d’embryons ou de cellules-souches embryonnaires doit être titulaire d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.

Enfin, la loi de bioéthique de 1994 exige, dans l’intérêt de l’enfant, que l’un au moins des membres du couple fournisse ses gamètes pour concevoir l’embryon qui sera implanté. L’interdiction du double don de gamètes doit être maintenue. La pratique de l’AMP avec don de gamètes, qui ne concerne que 5 % des enfants, fait que certains entreprennent la quête de leurs origines, ce qui a décidé le législateur à lever l’anonymat. Un double don complexifie encore cette quête, alors qu’il n’est d’aucune utilité dès lors qu’il est possible d’accueillir un embryon. Il est donc primordial que l’embryon reste conçu avec les gamètes de l’un au moins des membres du couple.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable sur l’ensemble de ces sous-amendements. Pour ce qui est du CS1754, l’autorisation ne peut être délivrée que par une seule autorité : on pourrait imaginer que ce soit par le ministre de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine, mais pas par les deux en même temps. Quoi qu’il en soit, le régime d’autorisation existe déjà. Ce sous-amendement est donc partiellement satisfait, en ce que rien ne se fait sans contrôle.

Quant au rétablissement de l’article L. 2141-7 du code de la santé publique, il est devenu inutile puisque l’autorisation que vous évoquiez figure désormais à l’article L. 2141-2.

La commission rejette successivement les cinq sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1564 de M. Patrick Hetzel et CS1618 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de modifier l’alinéa 36 de l’amendement pour s’assurer, en cas de déplacement d’un embryon vers un pays étranger, que le but n’est pas de contourner la législation française relative à l’interdiction de la gestation pour autrui, pratique que le Parlement européen a encore récemment, le 21 janvier dernier, déclaré relever de la traite des êtres humains, en précisant que « l’exploitation sexuelle à des fins de gestation pour autrui et de reproduction […] est inacceptable et constitue une violation de la dignité humaine et des droits de l’homme ».

La rédaction que vous proposez, monsieur le rapporteur, est un cheval de Troie : il suffit de déplacer un embryon vers un pays où la gestation pour autrui est autorisée. Vous essayez par différentes manières de libéraliser tout cela. Nous souhaitons poser des garde-fous dans ce texte, qui n’est ni bio, ni éthique, pour en revenir à une conception un peu plus sérieuse.

Mme Anne-Laure Blin. Oui, monsieur le rapporteur, la recherche sur l’embryon est gérée par l’Agence de la biomédecine selon des règles établies, mais c’est le législateur que nous sommes qui décide de ces règles. Vous avez parlé à plusieurs reprises d’établir des garde-fous : il est temps de déterminer ce qui est acceptable ou non. J’ai bien entendu ce que vous disiez hier soir sur les premières avancées d’aujourd’hui qui pourraient donner lieu à des révolutions futures, mais vous niez encore que ce texte nous emmènera vers la GPA. Si vous êtes sincère, ce sous-amendement est l’occasion de réaffirmer que ce n’est pas ce que vous voulez pour demain et que le projet de la GPA en France n’est pas à l’ordre du jour.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Toute loi de bioéthique est une étape, les précédentes comme celle-ci. N’insultons pas l’avenir, ne donnons pas de directives à nos successeurs. Pour l’instant, nous sommes convenus qu’il n’y a pas de GPA en France. Par ailleurs, nous ne faisons pas la loi dans les autres pays. Sans entrer dans le débat sur la GPA éthique, je constate que différents pays européens la pratiquent. Je ne peux pas leur interdire de le faire. Je ne le souhaite pas d’ailleurs, parce que c’est une pratique qui par définition respecte des règles éthiques, mais en tout cas je ne le peux pas. Dès lors, comment interdire à des gens qui vont dans un autre pays d’agir en conformité avec les lois de ce pays ? Bref, nous avons dit tout ce qu’il y avait à dire sur la GPA et nous sommes convenus de ne pas légiférer sur ces questions. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1686 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’évaluation médicale, psychologique et sociale doit être systématique, et non éventuelle. Dans le cadre d’une procédure d’adoption, une enquête sociale et psychologique est imposée aux postulants. Elle vise à déterminer les garanties qu’ils peuvent offrir à un enfant en termes de capacités morales, éducatives, affectives, familiales et psychologiques. Votre formulation crée un droit non opposable, où tout est possible. On ne peut s’en satisfaire.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre rédaction risque d’introduire une stigmatisation regrettable de certaines femmes ou de certains couples de femmes. Oui, c’est au médecin de décider s’il est souhaitable, nécessaire, bénéfique, indispensable de recourir à une évaluation ; et non, il ne faut pas l’imposer à toutes.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1077 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. Ce sous-amendement veut réintégrer à l’article 1er une précision qui avait été adoptée en première lecture par notre commission spéciale, selon laquelle l’évaluation médicale du couple ou de la femme non mariée ne peut conduire à un refus d’accéder à la PMA qui serait fondé sur l’orientation sexuelle, le statut marital ou l’identité de genre des demandeurs. Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a en effet mis en avant le poids de cette décision discrétionnaire du médecin, pouvant se fonder sur des motifs subjectifs. Il semble nécessaire de se prémunir contre des décisions discriminantes.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sous-amendement reprend des dispositions qui ont été adoptées en commission spéciale et en séance en première lecture, puis en commission spéciale en deuxième lecture – des dispositions qui recueillent beaucoup d’avis favorables et permettent de lutter contre une forme de discrimination. J’y suis favorable à titre personnel.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1565 de M. Patrick Hetzel et CS1619 de M. Xavier Breton.

M. Julien Ravier. On voit bien dans votre amendement, monsieur le rapporteur, que ce qui compte pour vous est la motivation des parents, ou de la mère seule. Le grand absent, c’est l’enfant. C’est pourtant l’intérêt supérieur de l’enfant à naître qui doit être la priorité. En cherchant à lutter contre les discriminations entre adultes, vous oubliez toutes les discriminations que vous allez créer entre les enfants – ceux qui naîtront sans père, avec uniquement une mère, ceux qui auront un couple de mères… Nous vous proposons de mentionner cet intérêt supérieur de l’enfant à naître pour le remettre au centre des préoccupations.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’intérêt de l’enfant à naître est notre obsession première tout au long de ce texte. Cet alinéa n’est pas le lieu le plus approprié pour le rappeler, mais il est mentionné à différents autres endroits du projet de loi. Quant aux discriminations, je vous rappelle que beaucoup des enfants qui naissent dans ces conditions sont enviés par leurs petits camarades d’école. (Protestations.) Vous le savez, vous avez assisté aux auditions comme moi ! Il n’y a donc aucune discrimination d’aucune nature entre les enfants. Nous n’accepterions évidemment pas cette avancée si nous pensions que les enfants souffriraient d’inconvénients. Au contraire, nous pensons qu’ils seront dotés de bonnes conditions d’épanouissement, des meilleures chances dans la vie. L’intérêt de l’enfant à naître est donc préservé dans les conditions actuelles. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1566 de M. Patrick Hetzel et CS1620 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’imposer très explicitement de vérifier si le couple de demandeurs répond aux conditions prescrites par le code de la santé publique. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu’il n’était pas opportun de mentionner l’intérêt supérieur de l’enfant à l’endroit préconisé par le précédent sous-amendement, mais c’est une notion qu’on ne rappellera jamais assez ! Ce que nous dénonçons depuis le début, c’est ce glissement, ou plutôt cette transformation de l’enfant qui, de sujet, devient objet. C’est un combat que nous tenons à mener parce que c’est une modification anthropologique majeure.

M. Xavier Breton. Priver délibérément un enfant de père, monsieur le rapporteur, ce n’est pas anodin. Nous ne mettons pas en cause la capacité et la volonté d’un couple de femmes ou d’une femme seule à aimer un enfant et à vouloir l’élever – mais cet enfant n’aura pas de père, et vous ne pouvez pas prétendre qu’il sera à égalité de traitement avec celui qui en a un. Vous créez là une discrimination, et vous serez bien un jour obligé de sortir de l’idéologie pour affronter la réalité. Vous devez assumer qu’il y ait des enfants privés délibérément de père.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je n’imagine pas une société qui catégoriserait les enfants – ceux qui ont un père et une mère, ceux qui n’ont qu’une mère, ceux qui n’ont qu’un père, ceux qui ont deux mères, ceux qui ont seulement des grands-parents… Au contraire, l’important est de donner l’égalité à tous ces enfants. Vous déployez le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant avec comme arrière-pensée l’idée que nous les priverions de quelque chose. Nous ne pouvons qu’être contre, car nous pensons que ces enfants ne sont privés d’aucune chance par rapport aux autres, qui naissent dans une grande variété de familles. Je vous rappelle en effet que bien moins de la moitié des enfants en France naissent dans les conditions traditionnelles d’un père et d’une mère mariés. C’est comme ça. Tous ont un géniteur, mais tous n’ont pas un père. Par ailleurs, votre rédaction oublie les femmes non mariées et limiterait le texte aux couples.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1567 de M. Patrick Hetzel et CS1621 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, c’est bien le sujet. Vous semblez vouloir ignorer qu’étendre la PMA aux couples de femmes et l’étendre aux femmes seules sont deux choses différentes. Je rejette l’une et l’autre, mais il faut tout de même se rendre compte que les deux ne sont pas de même nature. Un couple de femmes possède une forme d’altérité qui n’existe pas avec une femme seule, sans compter l’effet de surinvestissement qu’évoquent les psychologues. Une femme peut se retrouver à un moment ou un autre seule avec son enfant – mais là, c’est la loi qui crée cette situation ! Le législateur qui fait cela agit au nom de la nation française. Nous ne devons pas prendre cette responsabilité, d’autant que les études sociologiques auxquelles vous vous référez montrent clairement que les femmes seules rencontrent énormément de difficultés pour élever leurs enfants. Vous ne pouvez pas les balayer d’un revers de la main. Est-ce cela, l’intérêt supérieur de l’enfant ? Je ne le pense point.

M. Xavier Breton. Non, les enfants qui vivent avec leur père et leur mère ne sont pas une minorité, monsieur le rapporteur : cela reste largement majoritaire, environ 70 % des enfants. Par ailleurs, vous nous invitez à ne pas catégoriser, mais que fait-on en matière de politique familiale, sociale ou fiscale, lorsqu’on aide plus particulièrement les familles monoparentales par exemple ? On tient compte des situations familiales, et c’est normal ! Telle catégorie de famille nécessite un accompagnement plus ou moins fort. Bien embêté par les discriminations que vous créez avec les enfants qui auront un père et ceux qui n’auront pas cette chance, vous dites que ce n’est pas grave, que les enfants s’adaptent à tout, et que de toute façon il n’y a aucune différence. Bref, vous supprimez les différences pour arriver à l’égalité. Mais ces différences existent objectivement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1341 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous avons manifestement une divergence dans l’interprétation de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Ce n’est pas parce que dans une cour d’école un enfant de maternelle envie un autre né dans une famille homoparentale ou monoparentale que cela signifie que l’intérêt supérieur de ce dernier est préservé ! La discrimination ne vient pas de ce que certains enfants naîtront sans père, mais plutôt de ce que certains vont être interdits de père par la loi. Naître sans père, c’est un fait ; être interdit de père par la loi, c’est de la discrimination. Car tout le monde a droit à l’action en recherche de paternité, sauf les enfants à venir après ce projet de loi, qui eux en seront privés. C’est une réelle discrimination, et c’est vous qui la créez. Nous avons vraiment une divergence de fond.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Oui à la divergence de fond, et donc non au sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1063 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Il vise à préciser l’objectif de l’évaluation médicale préalable obligatoire, pour empêcher que des personnes soient déboutées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur statut matrimonial.

Depuis hier soir que nous étudions cette série de sous-amendements, aucun n’a été adopté. Si cette troisième lecture sert, non pas à enrichir le texte, mais simplement à en revenir à ce que nous avons adopté en deuxième lecture, l’exécutif gouvernemental aurait mieux fait d’enclencher une procédure accélérée : cela aurait au moins permis aux femmes cisgenres de bénéficier d’une aide médicale à la procréation le plus rapidement possible.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable, toujours à titre personnel, à cette disposition qui avait été adoptée par la commission spéciale en première lecture, en séance en première lecture et par la commission spéciale en deuxième lecture. Elle n’avait pas été votée en séance en deuxième lecture, mais nous devrions le faire ce soir.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1709 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’amendement CS1030 qui rétablit l’article 1er remet en cause l’objet même de la médecine : l’AMP se transforme en une technique à la demande, financée à 100 % par la sécurité sociale que les causes soient médicales ou pas, ce qui transforme les médecins en prestataires de services. Son coût est supporté par le contribuable, alors que de plus en plus d’affections aux conséquences graves, comme l’hypertension artérielle, ne sont plus prises en charge à 100 % et que des traitements qui ne sont pas de confort, comme la chirurgie pour la myopie, ne sont pas remboursés.

Cette prise en charge à 100 % qui ne fait que satisfaire un désir sociétal se fera au détriment des malades. Ne faudrait-il pas plutôt investir dans les hôpitaux, le personnel soignant, les EHPAD, le handicap, la recherche ? Je répète que la loi « grand âge » risque de ne pas voir le jour, alors que nos aînés souffrent actuellement, qu’ils vivent dans des conditions lamentables. Ils sont vivants, ils sont là mais cela n’a pas l’air de toucher la majorité.

Le remboursement à 100 % ne doit s’appliquer qu’aux AMP réalisées pour raisons médicales. La prise en charge par la solidarité nationale de l’extension à la PMA pour toutes n’est pas opportune.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1569 de M. Patrick Hetzel et CS1623 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Madame Battistel nous alertait tout à l’heure sur le recours à la stimulation ovarienne : contrairement à ce que disait le rapporteur, les données de terrain montrent qu’il existe des pressions à cet égard. Face aux techniques de procréation, le choix doit être éclairé. Une note précise, écrite, doit donner des indications sur les chances de succès des différentes techniques d’AMP en fonction de l’âge et préciser les risques associés à la stimulation ovarienne et à la ponction ovocytaire. Cette information est essentielle pour que le choix soit éclairé, ce que vous dites souhaiter, monsieur le rapporteur.

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que vous répétez sans cesse la même chose que vous détenez la vérité. Nous sommes en troisième lecture, et vous ne semblez pas assumer jusqu’au bout votre projet de loi. Vous créez une réelle discrimination pour les enfants, vous gelez totalement la filiation paternelle. Ce n’est pas une simple différentiation dans les situations de famille : demain, avec votre texte, certains enfants naîtront sans père. Dans le courant du XXe siècle, le combat a été la recherche de paternité : certains se sont mobilisés pour en élargir les possibilités. Votre texte, lui, crée des enfants qui n’auront aucun droit, aucune possibilité de rechercher leur géniteur et leurs origines.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pour en rester aux sous‑amendements, je dis oui bien sûr à l’information complète des femmes concernées, mais non à l’introduction de mesures clairement destinées à les décourager d’un parcours de procréation. Donc oui à un guide explicite qui réponde à toutes leurs questions, et non au supplément que vous proposez.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1570 de M. Patrick Hetzel et CS1624 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Les techniques de PMA causent des désordres médicaux et accroissent les risques pour les enfants et les femmes. Aussi le sous-amendement vise-t-il à insérer après l’alinéa 46 : « Un recueil des conclusions des dernières études diligentées sur les désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée chez les enfants ainsi conçus et les femmes soumises à un parcours de procréation médicalement assistée. »

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le rapporteur, nous n’allons pas échanger hors de notre commission : l’avis éclairé du législateur, c’est maintenant. Il faudrait nous expliquer clairement et précisément pourquoi vous créez une catégorie d’enfants qui ne pourront jamais rechercher leur filiation paternelle.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ils auront le droit, grâce à nous, de pouvoir rechercher leur géniteur. C’est la seule chose qui importe. Par ailleurs, les familles s’organisent dans cette diversité propre à notre siècle. Certaines comptent un père et une mère, d’autres deux mères, d’autres deux pères, d’autres encore seulement l’un ou l’autre, d’autres enfin ont beaucoup recours aux oncles, aux tantes ou aux grands-parents. Si la diversité de la famille moderne contraste avec le modèle du XIXe siècle, je ne veux pas m’élever contre cette évolution, qui permet aux enfants d’aujourd’hui de s’épanouir dans de bonnes conditions, en ayant plus d’échanges avec les adultes que dans le passé.

Les enfants modernes ont bénéficié des travaux de Mme Dolto et de beaucoup d’autres, de sorte qu’on les regarde désormais très différemment, alors que les enfants du passé n’étaient que des adultes en devenir, de la même façon que vous parlez d’enfants à naître au lieu d’embryons. Dans les familles aristocratiques ou bourgeoises, ils étaient d’ailleurs souvent habillés comme de petits adultes. Ce n’est que depuis peu que l’on regarde l’enfant comme il est, pour ce qu’il est, avec le respect qui lui est dévolu. Sa famille peut être très diverse, cela ne nuit aucunement à son épanouissement. C’est pourquoi nous voulons introduire cette idée qu’il n’y a aucune discrimination entre les enfants et que tous sont égaux.

Je m’élève donc très fermement contre vos sous-amendements. Quelle vision apocalyptique de la PMA ! Nous n’écrivons pas du Zola ! Nous écrivons le devenir d’enfants qui vont être épanouis, heureux, bienveillants et qui vont faire la France de demain. J’ai confiance en eux et je ne partage pas votre vision négative. Avis très défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1571 de M. Patrick Hetzel et CS1625 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 48 : « Les membres du couple ou la femme non mariée sont incités à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité, de ce qu’il est issu d’un don. » Au‑delà du problème technique, l’incitation restant à définir du point de vue juridique, cela pose un vrai problème d’ingérence dans la vie des familles. Voilà une vision assez totalitaire !

M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, je vous invite à un peu plus de prudence. On sait que, lorsqu’un régime veut inscrire dans la loi une espèce de droit au bonheur, cela se termine souvent très mal. Par ailleurs, vous nous dites que tous les types de combinaisons familiales sont possibles, dès lors qu’elles sont fondées sur la volonté des adultes. Mais nous sommes pourtant fiers d’interdire la polygamie, malgré la volonté de certains ! Pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, nous imposons cette interdiction. Si chacun peut faire ce qu’il veut, vous ne pourrez plus interdire certaines formes matrimoniales qui nuiraient aux femmes. Enfin, s’il est préférable de dire à son enfant qu’il est issu d’un don, cela ne doit pas être inscrit dans la loi ! On connaît déjà les tentations liberticides du Gouvernement et de votre majorité, et cette disposition peut être très intrusive et très restrictive.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je n’ai ni la prétention ni la naïveté de penser que l’on peut apporter le bonheur universel. En revanche, nous espérons ne pas apporter le malheur. C’est pourquoi il serait dommage de ne pas définir les conditions qui permettront à ces enfants d’être épanouis, c’est-à-dire d’avoir des informations exactes, quand on sait qu’elles sont importantes pour leur construction. Inciter, ce n’est pas obliger. Regardez ce qui se passe pour la vaccination ! La France incite chacun à se faire vacciner, sans contraindre. C’est la même chose. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1572 de M. Patrick Hetzel et CS1626 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Ce sous-amendement vise à insérer après l’alinéa 48 : « 6° Informer les deux membres du couple de l’existence et du devenir des embryons dits surnuméraires et conserver dans le dossier une preuve écrite de cette information. » Le droit français, à l’inverse du droit allemand ou du droit italien, ne fait pas obstacle à la fabrication d’embryons – je n’aime pas ce terme – qui, n’étant pas transférés immédiatement dans l’utérus, restent cryoconservés, dans l’attente d’un hypothétique « projet parental ».

Mme Anne-Laure Blin. La loi établit un cadre nécessaire. Dès lors que vous incitez les familles, sans même prévoir de sanction, c’est qu’il y a une confusion. De même, tout à l’heure, vous avez dit que, grâce à vous, les enfants auraient accès à leur origine. Mais ce n’est pas la même chose que de bénéficier d’une filiation paternelle dûment établie. Vous confondez le droit et les relations sociales intrafamiliales. Ce n’est pas parce que certaines familles ont des pratiques particulières que le législateur les reconnaît – et c’est heureux. Si vous ouvrez toutes ces possibilités dans la loi, il faut le dire, même si je ne crois pas que ce soit votre intention.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1574 de M. Patrick Hetzel et CS1628 de M. Xavier Breton.

Mme Annie Genevard. Ces amendements ont trait à la question sensible des embryons surnuméraires, dont la France possède un stock important. Il faut informer le couple ayant eu recours à la PMA de leur devenir et tout faire pour éviter que ne grossisse un stock qui pose d’importantes questions éthiques. Autrefois, on ne pouvait pas conserver les ovocytes ; demain, cela sera peut‑être possible, pour éviter la constitution de stocks trop importants d’embryons surnuméraires.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis toujours défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1573 de M. Patrick Hetzel et CS1627 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Ce sous-amendement vise à substituer, à l’alinéa 51, aux mots « le médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire » les mots « l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, après concertation, ». Dans la mesure où les entretiens sont diligentés avec une équipe pluridisciplinaire, c’est son avis qui doit être pris en compte. À partir du moment où un processus médical est engagé, cette dimension doit être préservée.

Mme Annie Genevard. Hier, monsieur le rapporteur, vous avez cité l’exemple belge, dans le cas des demandes de PMA par une femme seule : si les entretiens psychologiques préalables attestaient que la femme était trop fragile, que l’enfant était espéré dans un but de réparation, ils permettaient d’éviter une PMA préjudiciable à l’enfant. Or, si je me souviens bien, lors des précédentes lectures, l’évaluation psychologique a été supprimée au bénéfice d’une équipe clinicobiologique dont on ne sait pas de qui elle sera constituée. Si j’entends les arguments de certains de mes collègues, qui voient dans l’entretien préalable et l’évaluation psychologique une source possible de discrimination, je m’inquiète que l’on ferme les yeux sur la nécessité d’une évaluation solide comprenant une dimension biologique mais aussi psychologique. Une PMA n’est pas un acte anodin ; elle a des conséquences. Il est légitime, dans l’intérêt supérieur de l’enfant – puisque vous dites y être devenu particulièrement sensible – que cette évaluation soit la plus solide possible et offre le plus possible de garanties.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces questions ayant été débattues lors des précédentes lectures, je ne reviendrai pas sur tous les arguments donnés alors. Je rappelle seulement que le médecin est celui qui assume la responsabilité principale. La concertation avec l’équipe pluridisciplinaire l’éclaire. Si l’un ou l’autre de ses membres a besoin d’avoir un entretien en privé avec le couple ou avec la femme, il est organisé. Il n’est pas opportun de substituer au rôle traditionnel du médecin celui d’une équipe multiple. Elle est là pour une concertation, pour un éclairage et non pas pour se substituer au colloque singulier du médecin avec son patient. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1576 de M. Patrick Hetzel et CS1630 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS 1576 vise à éviter une dérive, en interdisant aux receveurs d’émettre un souhait sur les caractéristiques du tiers donneur ou de choisir son profil. On sait que les CECOS pratiquent des appariements, mais ce sont eux qui les choisissent. À l’étranger, il existe des catalogues comprenant les caractéristiques des donneurs, leur QI, leur profession… Une telle sélection s’oppose complètement à l’éthique de la procréation.

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le rapporteur, il est un peu dérangeant de vous entendre dire que nous avons déjà débattu lors des précédentes lectures. Le processus législatif fait que nous examinons des textes à plusieurs reprises. Des députés sont arrivés entre les différentes lectures – c’est mon cas. Il est important que nous puissions débattre, parce que nous représentons aussi nos électeurs. Comme le rappelait Guillaume Chiche, nous débattons depuis hier soir sans voir adopter aucun sous‑amendement. Or le propre de la procédure parlementaire est de s’enrichir de discussions susceptibles de faire évoluer les esprits. Monsieur le rapporteur, il ne faudrait pas être aussi fermé : ce sous-amendement offre l’occasion de mettre des garde-fous dans les nouveaux dispositifs.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne suis pas fermé. Je réponds pratiquement à toutes vos interrogations et propositions. Et, je vous rassure, tous nos débats peuvent être retrouvés sous forme numérisée. Pour ce qui est des sous‑amendements, il n’est pas nécessaire d’apporter une telle précision, tout étant déjà bien encadré. Il n’y a aucun risque que ce que vous craignez se produise en France. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1575 de M. Patrick Hetzel et CS1629 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. Le rapporteur prévoit un consentement devant notaire. Pourquoi supprimer le juge aux affaires familiales, alors qu’il est en mesure de faire des choses que le notaire ne peut pas faire ? Il peut ordonner une enquête ou apprécier la qualité d’un témoignage. On fait une photographie, alors que le rôle du juge aux affaires familiales est de préserver les intérêts des parties, notamment ceux de l’enfant.

M. Xavier Breton. La suppression du juge, on la constate dans plusieurs textes concernant la famille, parce que la majorité en a une vision contractuelle : les adultes définissent les règles du jeu entre eux, avec le moins d’interférences possible de la société et, partant, de la justice. Une telle suppression est dommageable, parce que le juge est là pour protéger les plus faibles. Vous défendez une logique d’autonomie, celle du plus fort, quand nous défendons une logique de la fragilité, pour protéger celui qui n’aura pas les moyens de le faire seul – ce sont deux conceptions bien distinctes de la société.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’intervention du notaire a été prévue pour les couples hétérosexuels sollicitant une PMA, à la satisfaction générale, semble-t-il, puisque je n’ai pas connaissance de quelconques difficultés. Si nous prévoyions l’intervention du juge pour les couples homosexuels ou pour les femmes seules, cela voudrait dire que l’on estime qu’un certain type de famille causerait plus de soucis. Les mêmes conditions prévalent pour tous les couples et les femmes seules. Il n’y a pas de raison de penser que cela ne fonctionnera pas aussi bien chez les notaires pour ces personnes que pour les couples hétérosexuels. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1064 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Il vise à permettre aux couples en parcours d’AMP de renoncer par écrit à un appariement avec un tiers donneur sur la base de leur apparence physique ou de leur origine ethnique. L’enjeu est de se fonder sur une approche strictement médicale et non sur des considérations d’apparence.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Sagesse.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1342 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement vise à ce que ne soient pas prises en charge les PMA des assurés qui ne sont pas atteints d’une pathologie altérant leur fertilité, en vertu du contrôle du déficit de notre assurance maladie. Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que vous répondiez à presque toutes nos interrogations, mais vous n’avez pas répondu à ma question sur la discrimination que vous instaurez. Au nom de quoi privez-vous certains enfants du droit d’exercer leur action en recherche de paternité ? Vous vous prévalez de donner accès à l’identité du donneur, mais cela n’emporte aucune conséquence juridique : c’est seulement une information, sur des données médicales notamment. Une filiation paternelle emporte bien d’autres conséquences : héritage, nom de famille, liens de parenté.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Notre ambition n’est pas que tous les enfants aient un père identifié. Depuis Napoléon, le père, c’est le mari. Or beaucoup de femmes ne sont pas mariées et beaucoup d’enfants n’ont pas forcément de père. Certains pères reconnaissent l’enfant, d’autres non. Il existe, parmi toutes les procréations actuelles, la possibilité de naître sans père, que ce soit par PMA ou par procréation naturelle. Il n’est pas dans notre intention de faire en sorte que tous les enfants puissent retrouver un père sous une forme ou une autre.

Je ne suis évidemment pas du tout favorable à votre sous-amendement. Si vous craignez que les nouvelles dispositions ne menacent l’assurance maladie, sachez que cela représente 0,007 % des dépenses votées en 2020 et 5 % du coût actuel de l’AMP. Ce n’est pas un dévoiement, mais la pratique actuelle à peine augmentée de 5 %. L’assurance maladie ne finance pas que de la thérapeutique. Elle finance aussi de la prévention, des IVG, des PMA pour des couples dont la stérilité n’a pas été prouvée, ainsi que de la PMA pour des femmes suivies en France après avoir réalisé une PMA à l’étranger. Nous ne modifions pas le paradigme de l’assurance maladie. C’est simplement le geste de la PMA qui sera pris en charge, afin d’éviter une discrimination entre les couples.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1497 de M. Thibault Bazin.

Mme Anne-Laure Blin. La PMA telle que vous l’instituez n’a pas de valeur thérapeutique, puisque ces couples ne peuvent, de toute manière, pas avoir d’enfant. Ce n’est pas un geste médical en lui-même. Or le rôle de la sécurité sociale est de prévenir, de protéger et de soigner. Il faudrait que vous nous donniez un peu plus de précisions sur le fait que l’on aurait accès à la PMA sans infertilité avérée. Actuellement, elle est ouverte aux couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant, malgré leurs tentatives. Je ne vois pas en quoi il est nécessaire de rembourser par le biais de la solidarité nationale des projets individuels de femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant par choix et parce que cela leur est impossible naturellement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. À tort, dans notre pays, l’assurance maladie s’appelle assurance maladie, alors qu’il s’agit d’une assurance santé. Quand la CNAM paie des substituts nicotiniques, elle ne traite pas une maladie mais effectue un acte de prévention. Une assurance santé, c’est aussi la procréation dans les couples hétérosexuels, les couples homosexuels et chez les femmes seules, à partir du moment où le mode de procréation est considéré comme légal. La sécurité sociale ne rembourse pas que des gestes thérapeutiques, très loin s’en faut. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1578 de M. Patrick Hetzel et CS1632 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Hetzel. L’actualité récente a livré le témoignage d’hommes qui vont refuser la paternité de l’enfant qu’ils ont engendré en arguant de l’absence de projet parental. Si la loi actuelle permet de leur imposer la paternité de l’enfant issu de leurs œuvres, votre projet de loi va leur donner raison ! Pas de projet parental, pas de paternité et l’enfant ne pourra pas rechercher son père. Certains ne le peuvent pas, parce qu’ils ne connaissent pas l’homme contre lequel exercer l’action en recherche de paternité, mais ce n’est pas la loi qui les en empêche. Avec cet article, vous créez une discrimination, puisque la loi interdira à certains enfants d’exercer l’action en recherche de paternité, quand bien même ils connaîtraient l’homme qui les a engendrés.

M. Julien Ravier. Le remboursement de l’AMP doit être réservé aux cas où elle est effectuée sur des critères médicaux. On ne peut pas tolérer des PMA de complaisance, au risque de créer un appel d’air ! À ce compte-là, tout le monde aura recours à la PMA et nous allons nous retrouver avec une inflation des dépenses d’assurance maladie. Pour du soin, il doit y avoir une prescription médicale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’assurance maladie prend en charge les interruptions médicales de grossesse, mais aussi les interruptions volontaires de grossesse. De la même façon, que la procréation soit demandée pour une infertilité, un couple de femmes ou une femme seule, il y a une prise en charge. Nous ne changeons pas du tout les modalités d’application de l’assurance maladie. Au contraire, nous appliquons ce qu’elle a toujours fait.

Quant au projet parental, nous n’y réduisons pas l’enfant, bien entendu ! C’est la conjonction d’un ensemble de facteurs, dont la rencontre des gamètes, qui va permettre à l’enfant de naître et d’exercer ses droits. On ne réduit aucun des droits des enfants, on ne fait qu’en ajouter, pour que tous soient égaux en droit. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. La commission a terminé l’examen des sous­‑amendements portant sur l’amendement CS1030 du rapporteur, qui reste donc identique aux amendements CS56 et CS1008 proposant une nouvelle rédaction de l’article 1er.

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 15 heures ([4])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux en poursuivant l’examen des amendements de rédaction globale à l’article 1er, selon les modalités convenues. Je vais cependant redonner la parole très brièvement à ceux de leurs auteurs qui le souhaitent, puisque leur défense a été présentée dès hier soir.

Article 1er (rétabli) (suite)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Amendements identiques CS1030 du rapporteur, CS56 de M. Jacques Marilossian, CS1008 de Mme Aurore Bergé, amendements CS867 de Mme Annie Genevard, CS393 et CS394 de Mme Emmanuelle Ménard, CS549 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS952 de M. Gérard Leseul, CS943 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendements s’y rapportant, CS696 et CS693 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s’y rapportant, CS550 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS690 de M. Bastien Lachaud et sousamendements s’y rapportant, et CS688 de Mme Danièle Obono et sousamendements s’y rapportant (discussion commune)(suite).

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS867 tend à rétablir l’article 1er dans la rédaction suivante :

« L’article 16‑4 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdite toute intervention ayant pour but ou conséquence de concevoir un enfant qui ne serait pas issu de gamètes provenant d’un homme et d’une femme. »

Mme Emmanuelle Ménard. Les amendements CS393 et CS394 visent à faire de la lutte contre l’infertilité une politique de santé publique. Un couple sur six est concerné, ce qui est énorme. L’assistance médicale à la procréation (AMP) ne constitue pas nécessairement une réponse appropriée, dans la mesure où elle n’est pas un traitement de la stérilité, mais un palliatif.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS549 vise à rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, afin d’ouvrir l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, dans les mêmes conditions que celles applicables aux couples hétérosexuels, s’agissant notamment de son remboursement par la sécurité sociale. Cette mesure est très attendue.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS952 vise à rétablir à l’article 1er ouvrant l’AMP à toutes les femmes dans une version évoluée. Il s’agit d’autoriser l’AMP post mortem ainsi que la fécondation in vitro par réception des ovocytes de la partenaire (FIV-ROPA ou ROPA), et d’ouvrir l’AMP aux trans, afin d’éviter que des personnes, en couple ou non, soient contraintes de recourir à un don de gamètes alors même qu’elles disposent de leurs propres gamètes, frais ou cryopréservés. Cet amendement et le suivant sont complémentaires.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CS943, de repli, vise à rétablir l’article 1er ouvrant l’AMP à toutes les femmes dans une version n’incluant pas la ROPA, l’AMP post mortem et l’ouverture de l’AMP aux trans.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS550 vise à rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée en deuxième lecture, en la complétant par l’ouverture très encadrée de l’AMP en cas de décès du conjoint. Cela permettrait à une personne engagée dans une procédure d’AMP avec son conjoint de la poursuivre avec des embryons issus de ce dernier s’il venait à décéder. L’interdiction de l’AMP post mortem est difficilement justifiable, dès lors que le texte permet aux femmes célibataires de recourir à l’AMP avec tiers donneur anonyme.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. De façon surprenante, j’émets un avis favorable à mon amendement et à ceux qui lui sont identiques, visant à rétablir l’article 1er dans une version quasiment identique à celle adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Par conséquent, les autres recueillent un avis défavorable, les sujets qu’ils abordent ayant été tranchés lors de nos débats d’hier soir et de ce matin. Nous avons rejeté les propositions relatives à l’identité de genre, à la ROPA, à l’ouverture de l’AMP au conjoint survivant, et celles tendant à restreindre l’AMP aux couples de sexes différents ou à en limiter la prise en charge.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, je ne vous cache pas que l’organisation des débats est un peu perturbante. Nous aimerions relancer le débat au fur et à mesure des sujets abordés, d’autant que l’article 1er, que la majorité rétablit après sa suppression par le Sénat, intègre énormément de dispositions.

J’aimerais revenir sur la question du père. L’absence du père est, avec celle de l’enfant, un marqueur tout à fait fâcheux du projet de loi, où il n’est question que du désir des parents. Monsieur le rapporteur, vous semblez mésestimer l’importance du père dans la construction psychologique de l’enfant. En première lecture, Mme Buzyn avait même affirmé en substance que ce n’était pas un problème, car n’importe qui, dans l’entourage de l’enfant, peut tenir lieu de père. Ce raisonnement est irrecevable, la réalité le battant en brèche en permanence.

Vous ne pouvez pas déplorer la fragilité des familles monoparentales et l’absence de père dans les familles dysfonctionnelles et, en même temps, la justifier dans les couples de femmes ou parmi les femmes seules en considérant l’important comme étant le seul fait que l’enfant soit accueilli et aimé. Il s’agit d’une faiblesse majeure du texte et d’une rupture fondamentale avec l’histoire de l’humanité et la construction sociale de nos organisations. L’humanité s’est construite sur l’altérité entre le père et la mère, comme l’ont dit, au demeurant, les représentants des églises que nous avons auditionnés.

Par ailleurs, les débats que nous avons eus depuis hier démontrent bien que certains tentent de pousser les feux un peu plus loin. Monsieur le rapporteur, vous ne dissimulez guère la sympathie que vous inspire la gestation pour autrui (GPA) éthique, que vous évoquez régulièrement. Vous avez émis un avis favorable à la PMA post mortem, qui est pour nous une ligne rouge absolue. Ainsi, le présent texte contient en germe les évolutions pressenties.

Il soulève également le problème du domaine marchand qui s’est développé autour de la procréation. Vous avez peut-être lu, et certainement reçu, l’ouvrage d’Olivia Sarton intitulé PMA : ce qu’on ne vous dit pas. Il s’agit d’un travail très documenté sur le business de l’AMP, particulièrement développé aux États-Unis. Or on sait – on peut le déplorer, mais c’est ainsi – que les grandes évolutions sociétales des États-Unis trouvent souvent un prolongement dans nos sociétés quelques années après leur apparition. Il existe un marché autour de l’AMP et de la fertilité en général. Monsieur le rapporteur, j’estime que vous auriez dû émettre un avis favorable aux amendements de notre groupe visant à encadrer strictement le risque de marchandisation de la fertilité.

Enfin, se pose aussi la question de l’évaluation préalable à l’AMP. Si vous avez écouté attentivement, ce dont je ne doute pas, les trois psychiatres que nous avons auditionnés le 5 septembre dernier, vous vous souvenez qu’ils se sont montrés très dubitatifs sur l’AMP. Il leur semblait indispensable de prévoir un entretien préconceptionnel pour les couples demandant un don de gamètes. Un tel entretien est entaché, à vos yeux, d’une possible accusation de discrimination. Pour ma part, il me semble important d’évaluer si les couples demandant une AMP y sont véritablement aptes, car, plus qu’eux-mêmes, cet acte engage le devenir d’un enfant. Sur ce point, le texte est trop faible et trop peu encadrant. Vous ne pouvez pas vous féliciter des dispositions en vigueur en Belgique et refuser de les appliquer en France.

M. Guillaume Chiche. Je voterai l’amendement du rapporteur. L’ouverture de l’AMP aux femmes cisgenres est un fondement du présent projet de loi. Elle permet d’établir un régime d’égalité et de liberté, sans hiérarchisation des familles concernées ou des désirs d’enfant. Elle permet aussi de mettre un terme aux risques auxquels s’exposent les femmes n’ayant pas le droit, jusqu’à présent, de recourir à l’AMP, qu’ils soient d’ordre financier, en raison des frais qu’elles doivent engager pour se rendre à l’étranger, juridique ou sanitaire – je pense particulièrement aux femmes ayant recours à une AMP dite artisanale.

Nous aurions pu aller plus loin. Tel est le sens de mes sous-amendements, qui visent à ouvrir l’AMP à toute personne en capacité de porter un enfant, ce qui inclut les hommes transgenres. Nous aurions aussi pu augmenter les chances de succès des procédures d’AMP en favorisant et surtout en autorisant la technique de la ROPA, et en donnant aux femmes la liberté de poursuivre leur parcours d’AMP et la réalisation de leur projet parental en dépit du décès de leur conjoint ou de leur conjointe. De même, nous aurions pu donner la possibilité de renoncer à l’appariement des gamètes, en ouvrant à toute personne la possibilité de trouver un donneur hors des contingences d’ordre ethnique ou physique. Lors de l’examen du texte en séance publique, je vous proposerai à nouveau d’aller plus loin, mes chers collègues, afin d’augmenter les chances de succès des procédures d’AMP.

Mme Emmanuelle Ménard. Force est de constater que, s’agissant de l’intérêt supérieur de l’enfant, nous avons des conceptions différentes. La vôtre, monsieur le rapporteur, est à géométrie variable, au gré des projets de loi que nous examinons, selon qu’ils portent sur l’adoption, sur la justice des mineurs ou sur la bioéthique.

En l’espèce, pour mettre un terme à des discriminations entre adultes – hétérosexuels, homosexuels ou femmes seules –, vous en créez de facto entre enfants. Vous avez du mal à me répondre sur ce point. Il ne s’agit pas seulement de questions de cour de récréation, de jalousie entre enfants selon qu’ils sont nés de couples hétérosexuels ou homosexuels, ou qu’ils vivent avec un seul parent. Les enfants issus d’un don de gamètes pourront, grâce au présent projet de loi, connaître l’identité de leur père, ce qui est certes un progrès, car ils le demandent massivement. Toutefois, ils n’auront pas la possibilité d’effectuer une recherche de paternité, ce qui constitue une réduction de leurs droits. Vous prétendez le contraire : c’est faux. De surcroît, la filiation paternelle emporte des conséquences juridiques, notamment en matière de nom de famille, d’héritage et de lien de parenté. Tout cela sera refusé à ces enfants, qui connaîtront peut-être l’identité de leur géniteur, puisqu’on ne peut plus parler de père, mais dont la filiation paternelle ne sera pas clairement établie.

Par ailleurs, vous semblez considérer que le présent projet de loi est une étape sur le chemin de l’AMP post mortem, de la ROPA et de l’ouverture de l’AMP aux trans, ce qui me pose un vrai problème. Des amendements en ce sens ont été examinés, et rejetés de peu. Quant à la GPA, vous n’en contestez absolument pas le principe.

Enfin, nos conceptions respectives de l’embryon diffèrent du tout au tout. Pour moi, il est un enfant à naître ; pour vous, une potentialité d’enfant à naître. Vous balayez donc d’un revers de main nos amendements visant à en améliorer le respect, et notamment à encadrer la production d’embryons surnuméraires. La loi dispose que les techniques permettant d’éviter la fabrication d’embryons en surnombre doivent être privilégiées. Malheureusement, elle n’est pas appliquée. Dans le présent projet de loi, vous allez plus loi et faites fi de la loi en vigueur, dans une transgression qu’il importe de signaler.

M. Raphaël Gérard. Je voterai l’amendement du rapporteur, et je me réjouis que nous rétablissions la version de l’article 1er adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Au fil du débat, nous avons vu surgir dans l’opposition le fantasme d’un agenda caché en matière de GPA et de manipulations en tout genre. La stratégie de la droite, notamment de sa frange la plus conservatrice, se dessine ainsi assez clairement. Dans un premier temps, on banalise la transphobie à coups de unes assassines évoquant un délire trans plutôt qu’un délire transphobe. Dans un deuxième temps, on proposera la repsychiatrisation de l’identité de genre et on réinscrira la transidentité sur la liste des maladies psychiatriques. Dans un troisième temps, on proposera de la repénaliser. Et comme on proposera en même temps une justice d’exception, la boucle sera bouclée : on sera parvenu à l’instauration d’un régime qui est tout sauf éthique. Au moins, votre agenda est clair, chers collègues de droite ! Il est annoncé, et on connaît la ligne de votre famille politique à ce sujet.

Quant à mon groupe politique, je ne le dédouane pas. Je considère que nous faisons du sur-place : nous ne créons pas de droit nouveau pour toutes les femmes alors que c’était l’objet du texte en matière d’accès à l’AMP. Pour autant, nous ne supprimons pas les droits acquis, je tiens à rassurer les personnes transgenres sur ce point. La plupart d’entre elles ont accès à l’AMP, dans le cadre de couples hétérosexuels. Le seul cas qui n’a pas été tranché est celui des hommes trans ayant changé leur sexe à l’état-civil, ce que je regrette. Les personnes trans, hormis celles qui sont dans un couple de femmes, auront, comme elles l’ont toujours eu, accès à l’AMP, ce dont je me réjouis.

On peut néanmoins regretter la création d’un système générateur de contentieux. En raison de notre incapacité à faire notre travail de législateur et de notre habitude de renvoyer systématiquement les décisions un peu problématiques au juge, des affaires surgiront dans deux mois, six mois ou deux ans, et seront portées devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui saura trancher ce que nous n’avons pas su trancher.

M. Patrick Hetzel. Le rétablissement de l’article 1er tel qu’il est issu des débats de l’Assemblée nationale démontre que monsieur Touraine refuse manifestement de prendre en considération les débats du Sénat. L’article 1er constitue une rupture de nature anthropologique, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Il institue par la loi des orphelins de père – vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur Touraine. Au demeurant, le débat de ce matin a démontré une volonté assez surprenante de nier la réalité physiologique et biologique.

Tout cela aura un effet domino. Plusieurs spécialistes des questions de bioéthique ont donné l’alerte sur ce point. En défendant nos sous-amendements, nous avons rappelé que le texte est susceptible d’entrouvrir des portes vers la GPA, notamment en permettant, dans un vocabulaire que je n’apprécie guère, l’exportation et l’importation d’embryons. Monsieur le rapporteur, vous arguez que nous n’avons pas vocation à légiférer sur ce qui se passe à l’étranger. Or, dans le cas d’entreprises françaises ayant recours à des sous-traitants qui font travailler des enfants, nous agissons. Pourquoi le même raisonnement ne pourrait-il pas s’appliquer à la GPA ?

Enfin, il est beaucoup question de l’intérêt supérieur de l’enfant. De toute évidence, vous en avez une conception bien particulière, ce qui est dommage. Vous parlez sans cesse de la suppression des discriminations, qui est une bonne chose, mais vous niez que vous en créez de nouvelles.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous voterons l’amendement de monsieur Touraine. En ouvrant l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, nous adaptons le droit à la pluralité des modèles familiaux d’aujourd’hui. L’article 1er est au cœur du projet de la loi.

Toutefois, nous regrettons, comme d’autres, que nous n’allions pas plus loin sur certains sujets, notamment la ROPA et l’AMP post mortem. Les veuves qui ont engagé un projet avec leur conjoint décédé ne pourront pas le mener à son terme ; en revanche, elles pourront bénéficier d’un ovocyte ailleurs. Sur ce point, l’amendement est inachevé.

S’agissant des trans, la loi du 18 novembre 2016 les autorise à changer leur sexe à l’état civil sans être opérés ou stérilisés. Dès lors qu’un trans a la capacité de porter un enfant et d’accoucher, il nous semble incohérent de ne pas en tenir compte dans la rédaction de l’article 1er.

M. Xavier Breton. L’examen de l’article 1er, tant par la méthode que par le contenu, m’inspire des regrets.

La méthode de cette navette parlementaire ne s’inscrit pas dans une logique d’amélioration du texte, mais de confrontation. Le travail du Sénat est mis de côté, comme nous aurons à nouveau l’occasion de le constater. Il est permis de regretter l’absence de toute recherche de consensus et d’équilibre qui prévalait lors des précédentes révisions des lois de bioéthique.

Aucun sous-amendement n’a été adopté. Cela paraît normal pour ceux qui relèvent de positions de principe et actent des divergences ; ça ne l’est pas pour ceux qui visent à améliorer le texte. J’en déduis que la commission spéciale est une chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs.

Sur le contenu, les conceptions divergent. Monsieur le rapporteur, vous vous inscrivez dans une logique de désir des adultes, reposant sur la notion de droit à l’enfant, dont le Sénat a expressément indiqué dans le texte qu’il n’existe pas. Vous avez délibérément supprimé cette mention. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une logique de prise en compte des enfants, afin notamment d’éviter les discriminations entre ceux qui auront la chance d’avoir un père et ceux qui ne l’auront pas.

Par ailleurs, ces débats ont le mérite de faire connaître la feuille de route de cette majorité. Après l’introduction dans notre législation du cheval de Troie que constitue la théorie du genre, légitimant les questions soulevées par les transgenres selon des concepts dans lesquels beaucoup s’égarent, l’argument massue consiste à disqualifier toute critique en la qualifiant de transphobe. De nos jours, dès que l’on exprime une position différente, on est accusé de phobie, ce qui interdit de penser. Nous avons même entendu l’un de nos collègues menacer d’attaquer devant les tribunaux, non pas les parlementaires, qui peuvent parler librement, mais ceux de nos concitoyens qui oseraient contester cette pensée unique qui cherche à s’imposer. La dernière étape sera la légalisation de la ROPA et de la GPA, au nom de l’égalité entre adultes, comme l’a très clairement indiqué monsieur le rapporteur.

Mme Elsa Faucillon. Je considère, comme d’autres, que nous aurions pu aller plus loin. Néanmoins, je voterai l’amendement du rapporteur, qui permettra – enfin ! – aux couples de femmes et aux femmes seules d’avoir accès à l’AMP. Il ne s’agit pas, à mes yeux, d’un bouleversement anthropologique. Au demeurant, les bouleversements les plus importants de la famille, autour desquels nous avons su faire évoluer notre législation, concernent le couple hétérosexuel. On convoque souvent l’histoire, comme si les choses étaient immuables dans la famille depuis des millions d’années. Rappelons qu’à l’époque romaine, l’enfant n’était pas toujours élevé dans la famille où il était né. Des évolutions significatives ont eu lieu. La famille est une construction sociale. Ce qui est dur, pour les enfants, est de subir le regard de la société lorsqu’il se teinte de haine et d’intolérance.

À celles et ceux qui considèrent que nous avons des divergences sur l’intérêt supérieur de l’enfant, je réponds non. Toutes les études démontrent que les enfants issus d’une AMP et élevés dans des couples homosexuels ou par des femmes seules vont bien. Nous pouvons également le constater autour de nous. Ce qui est dur, c’est de tomber sur des affiches où ils sont comparés à des OGM. Voilà ce qui est insultant, difficile à vivre et particulièrement discriminant ! Ces enfants vont bien, ce qui démontre que nous sommes guidés par l’intérêt supérieur de l’enfant. Il ne s’agit pas d’un bouleversement, mais d’un progrès vers de l’égalité et de la liberté. L’intérêt supérieur de l’enfant me guide de la même façon quand je demande l’interdiction d’enfermer des enfants dans des centres de rétention administrative (CRA) et le respect de l’ordonnance du 2 février 1945 pour protéger tous les enfants et leur éviter d’aller en prison. Sur cette question, notre cohérence est assez nette.

Je suis très heureuse que nous aboutissions enfin pour toutes les femmes concernées. J’espère que nous irons au bout, et vite.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, trente‑quatre sous-amendements ont été déposés à l’instant sur des amendements à l’article 2. Certes, sous-amender est un droit qui peut être exercé jusqu’au dernier moment. Toutefois, pour la bonne organisation de nos débats, par respect pour le travail des administrateurs de la commission spéciale et pour laisser le temps au rapporteur de prendre connaissance des sous-amendements, j’aimerais que chacun fasse preuve de retenue en la matière.

Mme Anne-Laure Blin. Les débats que nous avons depuis hier soir m’inspirent de la tristesse. Monsieur le rapporteur, nous ne ressentons absolument pas, de votre part, une attention à ce que nous disons, que nous percevons du terrain, des enfants et des parents. Vraisemblablement, vous voulez avancer à marche forcée. Très clairement, vous répondez aux volontés de certains lobbies et laboratoires, soucieux de commercialisation et impatients que ces nouvelles dispositions soient adoptées. Ce qui est certain, c’est que vous vous apprêtez à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, faisant totalement fi du travail de nos collègues du Sénat.

La nouvelle lecture du texte offre l’occasion de revenir sur des sujets qui, certes, ont été débattus, mais en bioéthique tout n’est pas blanc ou noir. Personne ne détient la vérité, nous l’avons toujours dit. Entendez aussi qu’il peut exister, sur certains sujets, des avis distincts des vôtres, chers collègues. Les sujets de bioéthique méritent l’obtention d’un consensus ; les précédentes révisions des lois de bioéthique ont débouché sur un accord propre à apaiser les débats.

Comme vous l’avez rappelé hier, monsieur le rapporteur, les choses sont ainsi faites que la majorité doit voter en faisant totalement fi de ce que pense la minorité, en l’occurrence l’opposition. Malheureusement, l’article 1er renforce l’artificialisation de la natalité. En supprimant la mention de critères d’infertilité et en renvoyant à un décret la question de l’âge de procréer, vous défaites ce qui a été fait et vous empêchez la société d’évoluer de façon apaisée, calme et consensuelle. Malheureusement, votre projet de loi obéit au diktat de lobbies, ce que nous ne pouvons que déplorer.

M. Julien Ravier. Nos positions sont irréconciliables. S’agissant d’un texte aussi fondamental, c’est regrettable. Quand on voit que la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sont totalement opposées, on ne peut que se dire qu’il serait bon de retirer ce texte et d’attendre un message clair de la part des Français sur des sujets qui entraîneront des modifications anthropologiques aussi profondes. Je ne crois pas que, parmi nous, les uns aient davantage de légitimité que les autres : il faut interroger le peuple français – en lui posant correctement les questions.

L’intérêt supérieur de l’enfant à naître est d’avoir un père et une mère, car on voit bien les difficultés des familles monoparentales. En ouvrant la PMA aux femmes seules et aux femmes en couple, vous autorisez la science à faire naître des enfants orphelins de père. Si de telles situations existent déjà dans l’état de nature, elles sont l’effet de la responsabilité individuelle ; en autorisant par la loi le recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation pour les femmes seules et pour les femmes en couple, c’est notre responsabilité collective que vous engagez.

En prétendant lutter contre la discrimination en matière de droit à la PMA et de satisfaction du désir d’enfant, vous créez par la loi une discrimination entre les enfants à naître : les uns auront la chance d’avoir un père et une mère, les autres auront deux mères, d’autres encore seulement une mère. Ce faisant, vous ouvrez la voie à des contentieux avec l’État, qui seront engagés par des enfants souffrant d’être nés sans père. De tels contentieux sont impossibles dans l’état de nature ; la Cour de cassation l’a montré.

Enfin, en autorisant la PMA pour les femmes en couple, vous ouvrez la voie aux revendications des hommes en couple, qui voudront légitimement avoir, eux aussi, le droit à l’enfant, ce qui conduira à la GPA.

M. Bastien Lachaud. Je regrette que nous ayons cette discussion dans le cadre d’une loi de bioéthique alors qu’elle n’y a clairement pas sa place. S’agissant de la PMA, en réalité, la décision a été prise il y a bien longtemps, lorsque nos prédécesseurs ont autorisé le recours à cette technique, permettant ainsi de contourner les problèmes d’infertilité. De même, en ce qui concerne le cas des enfants élevés par des couples homosexuels, la question a déjà été traitée dès lors que l’adoption a été autorisée pour ces couples.

L’enjeu est uniquement d’ouvrir le recours à une technique à toutes les personnes susceptibles d’en bénéficier. Il s’agit donc d’une loi d’égalité. Si nous avions traité la question sous cet angle, non seulement nous aurions gagné beaucoup de temps, mais nous aurions évité les débats sur la GPA, qui n’ont pas lieu d’être. Quoi qu’il en soit, c’est une bonne chose que nous aboutissions : il faut ouvrir à toutes les femmes qui le souhaitent la possibilité d’essayer d’avoir un enfant. La France insoumise votera donc les amendements de rétablissement de l’article 1er.

Monsieur Breton se plaignait qu’il ne soit pas possible de dire tout ce que l’on souhaite sans risquer de se retrouver devant les tribunaux. Nous sommes en République ; le régime politique n’est pas neutre, et l’expression de certaines opinions constitue un délit. C’est le cas du racisme et de toutes les formes de discrimination, qu’elles se fondent sur l’origine, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. Il en va de même pour la transphobie. À cet égard, le fait que nous ayons abordé la question de la PMA dans une loi de bioéthique, et non dans une loi d’égalité, ne nous a pas permis d’envisager son extension aux hommes trans qui pourraient porter des enfants. Nous devrons donc y revenir – très rapidement, je l’espère.

Mme Agnès Thill. J’entends parler sans cesse de rupture d’égalité. Je répéterai donc tout aussi souvent que ce n’est pas le cas. Prétendre le contraire, c’est mentir aux Français, c’est manipuler l’opinion. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative de notre pays, a tranché cette question : des situations différentes au regard de la procréation justifient des décisions différentes. C’est la GPA – car on sera obligé d’y arriver, sans même passer par la loi – qui créera des inégalités.

Par ailleurs, vous considérez qu’être père est une fonction, que n’importe quelle personne peut donc exercer. Quant à nous, nous considérons que le père est une nature. Considérer que le rôle du père peut être rempli par n’importe quelle personne relève de l’idéologie. En plus, ce n’était pas inscrit aussi clairement dans votre programme. Vous voulez dépasser les limites humaines. Ne vous étonnez pas ensuite que se développe le « tout est permis ».

Vous créez également une inégalité entre les enfants : ceux qui auront un père et ceux qui n’en auront pas, ceux qui ne seront pas confrontés à l’altérité et ceux qui le seront.

Enfin, que cela vous plaise ou non, les femmes maltraitant leurs enfants, cela existe. Promouvoir la toute-puissance maternelle – car la mère, selon vous, a le monopole de l’amour – c’est être hors-sol. Il n’y a pas que des histoires heureuses. J’en veux pour preuve celle d’une ancienne collègue institutrice, que je ne nommerai pas, évidemment. Cette personne, alcoolique, est allée en Belgique il y a vingt ans pour réaliser une PMA. Depuis lors, elle a été renvoyée de l’éducation nationale. Pour en arriver là, croyez-moi, il faut que les faits soient graves. Imaginez la vie de sa fille ! Nous n’avons pas à assumer la responsabilité de telles situations : c’est aux gens d’assumer leur vie.

M. Philippe Berta. Le groupe MODEM se réjouit du rétablissement de cet article, pour au moins deux raisons. La première est d’ordre sanitaire. Ne soyons pas naïfs, regardons ce qui se passe autour de nous : les pratiques en question existent depuis bien longtemps. Les personnes qui y ont recours doivent se rendre à l’étranger – dans ma région, elles vont en Espagne –, sans aucun contrôle sanitaire de la part de notre pays. La seconde est d’ordre social, car ces pratiques sont réservées à des couples ou à des femmes célibataires qui en ont les moyens.

Nous sommes d’autant plus heureux du rétablissement de l’article 1er que les trois lignes rouges que nous avions fixées, à savoir la GPA, la ROPA et la PMA post mortem n’ont pas été franchies. Nous voterons donc bien sûr l’amendement du rapporteur.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, pour préserver la sérénité des débats, nous nous devons le respect mutuel. Nous avons, les uns et les autres, des avis totalement divergents sur ces questions, mais chacun a le droit d’exprimer ses opinions.

Mme Aurore Bergé. Le groupe La République en Marche se réjouit que la promesse de la PMA pour toutes soit définitivement adoptée en commission spéciale.

Quand il s’agit des droits des femmes, on trouve toujours certaines personnes pour considérer que ce n’est pas le bon moment, que l’on peut attendre. C’est vrai sur ce sujet comme sur d’autres dans le passé, par exemple l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Quant à nous, nous considérons que l’on n’a plus le temps d’attendre, car il s’agit de répondre non pas aux sollicitations de laboratoires ou de lobbies, mais aux demandes légitimes de femmes qui veulent accéder à des droits qui existent déjà pour d’autres. Nous nous réjouissons donc que cet article soit rétabli dans la rédaction que nous avions adoptée précédemment.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Merci, mes chers collègues pour votre confiance dans cet article 1er et pour les beaux débats qui viennent de se tenir. Cet article ne résume pas le projet de loi, mais il en est le cœur. Le Sénat l’a supprimé : merci de le rétablir.

Un certain nombre d’avancées paraissent probables, en tout cas possibles : ROPA, PMA de volonté survivante, PMA accessible aux trans, etc. Certaines ont été adoptées par notre commission ; les autres, ce sera pour plus tard. D’autres sujets, en revanche, ne sont pas en débat car ne ils sont pas d’actualité. C’est le cas, par exemple, de la GPA. Je tiens à laisser à nos successeurs la réflexion sur ce point.

En ce qui concerne la marchandisation, ce n’est pas parce que les États-Unis adoptent un système que l’Europe suit automatiquement. La preuve en est que tout le secteur de la santé est marchandisé aux États-Unis, alors qu’en France il est fondé sur la solidarité nationale. Il en va de même pour la procréation.

Enfin, je ne nie pas que le rôle du père puisse être important. Père moi-même, je suis fier de ce rôle, mais je ne prétends pas être indispensable et non substituable. Les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables… Notre pays autorise déjà les femmes seules à adopter et élever des enfants sans père. Nous n’opérons donc aucune nouvelle transgression : nous ne faisons qu’appliquer à la procréation ce qui existe déjà pour l’adoption.

La commission adopte les amendements identiques CS1030, CS56 et CS1008.

L’article 1er est ainsi rétabli.

En conséquence, tous les autres amendements et sous-amendements s’y rapportant tombent.

 

Article 1er bis A (supprimé)
Extension du périmètre du rapport annuel d’activité de l’Agence de la biomédecine

Amendements de suppression CS1031 du rapporteur, CS86 de M. Jacques Marilossian, CS528 de M. Guillaume Chiche, CS551 de Mme Sylvia Pinel et CS944 de Mme MarieNoëlle Battistel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet article a été introduit par le Sénat. Il prévoit la remise d’un rapport établissant la liste des causes et des pathologies ayant motivé le recours aux techniques d’AMP. Si cet objectif nous paraît louable, il aurait pu être satisfait, d’une part, en validant le principe des études de suivi proposées aux personnes inscrites dans un parcours d’AMP – c’est l’article 1er, que nous venons de rétablir – et aux donneurs de gamètes – c’est l’article 2, supprimé par le Sénat mais que nous allons réintroduire –, et, d’autre part, à travers l’article 2 bis, qui met en place un plan de lutte contre l’infertilité, que le Sénat aurait pu ne pas supprimer. Le souhait des sénateurs sera donc satisfait autrement.

M. Jacques Marilossian. Comme l’a dit le rapporteur, il n’est pas utile d’introduire ce dispositif dans le projet de loi ; nous devons supprimer cet article introduit par le Sénat.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article, en cohérence avec notre souhait d’une prise en charge par l’assurance maladie pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes non mariées.

M. Xavier Breton. C’est très révélateur : notre rapporteur dit que la demande est satisfaite et que l’on peut donc balayer d’un revers de main la rédaction proposée par le Sénat. Voulons-nous vraiment nous inscrire dans une logique de dialogue, de concertation ? Il existe des fractures entre nous. Là, il y a aussi une fracture entre l’Assemblée et le Sénat. Les précédentes lois de bioéthique, en 2004 et en 2011, étaient fondées sur la recherche d’un consensus, d’un équilibre, il y avait un dialogue entre les deux chambres, permettant de progresser de lecture en lecture.

L’article 1er bis A ne pose pas de problème puisque, de votre propre aveu, il est satisfait. Vous auriez pu faire un geste en direction du Sénat en acceptant la rédaction proposée. Votre but est-il donc de déconstruire tout ce qui a été fait par le Sénat ? Si tel est le cas, cela signifie que vous êtes dans une logique de confrontation et non de rassemblement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er bis A est supprimé et l’amendement CS698 tombe.

Article 1er bis (rétabli)
Rapport relatif à la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation

Amendements identiques CS1032 du rapporteur, CS530 de M. Guillaume Chiche, CS552 de Mme Sylvia Pinel, CS741 de M. Philippe Berta, CS865 de M. Didier Martin et CS945 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit, là encore, de rétablir un article que le Sénat a abrogé. Dans la mesure où le Sénat a supprimé la PMA pour toutes, il nous est très difficile de conserver certains des articles qu’il a introduits par ailleurs. Toutefois, certaines des réflexions menées par les sénateurs, notamment en commission, sont susceptibles d’être conciliées avec l’extension de la PMA.

Nous proposons de rétablir l’article 1er bis, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la structuration des centres d’AMP, avec notamment l’indication des taux de réussite. L’objectif est de mettre en évidence les évolutions nécessaires. Ce sera bénéfique pour le suivi des activités des centres d’AMP.

M. Philippe Berta. L’article en question avait effectivement été introduit par l’Assemblée nationale. On observe une augmentation des problèmes de stérilité. Dans le même temps, force est de constater que, depuis la conception de la petite Amandine, le taux de succès de la procréation médicalement assistée n’a pas augmenté de manière significative. Il convient donc de s’interroger. Il existe une centaine de centres répartis sur l’ensemble du territoire, et certains sont plus performants que d’autres. L’objectif du rapport est de comprendre comment les choses se passent et de dégager de bonnes pratiques pour faire en sorte que tous nos concitoyens, quel que soit le centre auquel ils sont adressés, bénéficient des mêmes chances de succès.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le rapport demandé dans cet article est effectivement très important, notamment en ce qui concerne les taux de réussite.

M. Patrick Hetzel. J’avais déposé un amendement ayant le même objectif, mais dont la rédaction était différente. Il a été rejeté au motif qu’il s’agissait d’un cavalier. Il s’agissait pourtant de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2022, un rapport d’évaluation sur les conditions et les critères d’appariement des gamètes par les centres d’étude et de conservation du sperme humain (CECOS). J’ai du mal à comprendre qu’il ait été considéré comme un cavalier. Certes, la règle de l’entonnoir limite la possibilité de déposer des amendements, mais celui-ci était extrêmement proche de ceux qui nous sont présentés.

Je voudrais également soulever une question de méthode, madame la présidente. Vous avez tout à fait raison de dire que le fait que des sous-amendements soient déposés à la dernière minute pose problème – je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux services de l’Assemblée, qui font un travail remarquable. Toutefois, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. En l’occurrence, les rapporteurs ont déposé des amendements dont les autres députés n’ont pu prendre connaissance qu’il y a moins de quarante-huit heures, ce qui ne nous a pas laissé d’autre choix que de les sous-amender tardivement. Même si j’ai bien pris note du fait que vous respectiez notre droit à sous-amender, plutôt que de nous dire de ne pas l’exercer trop largement, vous devriez tancer les rapporteurs : ce sont eux qui nous empêchent de travailler dans des conditions convenables.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. J’avais demandé que les amendements soient déposés le plus tôt possible, précisément pour éviter ce genre de situation. Cela dit, même si cela avait été le cas, nous aurions eu droit aux mêmes sous-amendements, je le crains…

La commission adopte les amendements.

L’article 1er bis est ainsi rétabli.

Article 2 (rétabli)
Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons procéder pour cet article, comme nous l’avons fait pour l’article 1er.

Amendements identiques CS1033 du rapporteur et CS1009 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements s’y rapportant, amendements identiques CS553 de Mme Sylvia Pinel et CS946 de M. Gérard Leseul, amendement CS388 de M. Jacques Marilossian et sous-amendement CS1105 de Mme Annie Genevard (discussion commune).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon amendement CS1033 propose de rétablir l’article 2, qui a été supprimé par le Sénat lors de l’examen du texte en séance publique.

Cet article est relatif au don de gamètes et à l’autoconservation à des fins non pathologiques. L’amendement reprend la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui résulte d’un compromis avec les propositions de la commission spéciale du Sénat. Il respecte pleinement les choix exprimés par les députés au cours des débats, puisqu’une seule modification est opérée : la rédaction ne comprend pas certaines dispositions superfétatoires – car elles existaient déjà – introduites en séance publique, relatives notamment à l’exportation de gamètes. Nous avons préféré une rédaction commune avec la commission spéciale du Sénat, qui nous a paru plus adaptée et plus lisible. Voilà d’ailleurs qui montre que nous tenons compte du travail de nos amis sénateurs.

L’article 2 permet des avancées réelles et une adaptation à la réalité des pratiques, avec en particulier un recul de l’âge de la première maternité.

Compte tenu des risques évidents de pressions, en particulier à l’encontre des femmes, l’article pose également de nombreux garde-fous. Nous évitons toute forme de commercialisation ou de pressions des employeurs, publics ou privés.

Enfin, cet amendement permet de conserver la possibilité souhaitée par les sénateurs d’une confirmation tacite du consentement au devenir des gamètes à l’issue d’un délai de trois mois.

Mme Aurore Bergé. L’amendement CS1009, émanant du groupe La République en marche, vise à rétablir l’article 2 tel que nous l’avions adopté précédemment. Il pose un certain nombre de garde-fous.

Ainsi, les frais relatifs à la conservation des gamètes ne pourront en aucun cas être pris en charge ou compensés par l’employeur, de manière à éviter toute pression sur les femmes. Cette disposition avait été défendue par notre groupe.

Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif seront habilités, afin d’éviter toute marchandisation.

L’amendement reprend également un certain nombre d’avancées défendues par la commission spéciale du Sénat, avant que la disposition soit supprimée purement et simplement en séance publique.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS553 vise à rétablir l’article 2, supprimé par deux fois au Sénat, qui concerne l’autoconservation des gamètes, plus particulièrement des ovocytes. Il s’agit d’une bonne mesure dans la perspective de la prévention de l’infertilité féminine. Par ailleurs, c’est une mesure d’égalité, car les hommes sont autorisés à conserver leurs gamètes : le même droit doit être accordé aux femmes.

Cet article est également important en ce qu’il encadre le don de gamètes : âge du donneur, information, consentement, étude de suivi.

Par ailleurs, il préserve de certaines dérives, notamment celle consistant, pour un employeur, à obliger des salariés à ne pas avoir d’enfants en leur imposant la conservation de gamètes et en prenant en charge les frais relatifs à cet acte.

Enfin, il renforce la législation interdisant l’importation de gamètes.

M. Gérard Leseul. L’amendement identique CS946 vise, comme les précédents, à rétablir l’article 2, relatif à l’autoconservation et au don de gamètes.

M. Jacques Marilossian. L’amendement CS388 vise aussi à rétablir l’article 2, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement que j’ai présenté et à l’amendement CS 1009 identique, et défavorable aux autres.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Avant que nous ne passions à l’examen des sous-amendements, je donne la parole à plusieurs orateurs.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à l’exemple que je donnais du marché américain que cela ne pouvait en aucune façon concerner la France, en raison des précautions que nous prenions. Je ne partage pas votre optimisme et regrette, sur ce point, que le texte issu du Sénat ait maintenu la possibilité de donner à des établissements privés à but lucratif la responsabilité de conserver les ovocytes.

Je voudrais vous donner quelques éléments supplémentaires tirés de l’ouvrage que j’évoquais tout à l’heure. « L’AMP apparaît […] comme un secteur idéal pour se livrer à la marchandisation du corps humain ». Vous savez, je suppose, que 50 % des actes de PMA sont pratiqués dans des cliniques à but lucratif. Lors d’une audition au Sénat, un membre de la Fédération nationale des biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO) « s’est ému du fait que l’autoconservation des gamètes soit réservée aux centres d’AMP publics et privés à but non lucratif ».

Vous avez répondu à ces récriminations : dans les départements où il n’y a pas d’établissement à but non lucratif, vous ouvrez la possibilité de confier au privé cette lourde responsabilité. Autrement dit, nous sommes déjà engagés dans le processus de privatisation du marché de la fertilité. Comprenez que nous soyons inquiets, d’autant que, dans d’autres pays, ce marché est en pleine expansion. Du reste, bon nombre d’établissements français sont rachetés par des fonds étrangers – suédois, britanniques, australiens ou encore américains. Il n’y a donc pas d’un côté la France vertueuse et de l’autre les méchants pays qui auraient abandonné toute éthique. Le marché s’affranchit des frontières – à cet égard, il en est du marché de la fertilité comme des autres. C’est un point sur lequel je voulais entendre votre avis.

M. Patrick Hetzel. La majorité sénatoriale a considéré que cet article ne constituait pas une évolution positive, permettant d’aider les femmes. C’est ce qui ressort également des travaux de Mme Sarton, auxquels Annie Genevard faisait référence. Mme Sarton cite, par exemple, une étude réalisée par un cabinet d’avocats, selon laquelle le marché mondial des services de fertilité – qui inclut évidemment la PMA à l’international, la conservation des gamètes et la GPA – pourrait représenter, à l’horizon de 2023, un marché de 31 milliards de dollars, chiffre qui doublerait ainsi en moins de cinq ans. Il y a là un risque de glissements éthiques liés à la marchandisation. Le Conseil d’État note d’ailleurs dans son étude : « Un consensus se dégage pour considérer que le dispositif actuel d’autoconservation contre don est contraire au principe de gratuité du don. » C’est bien cela qui est en jeu.

En France, nous avons des chaînes de cliniques de fertilité majoritairement détenues par des grands groupes privés. On peut légitimement se demander ce que ces groupes vont faire. Le texte ne risque-t-il pas de créer un appel d’air ? Les pressions sur les femmes pour qu’elles conservent leurs ovocytes risquent d’être de plus en plus fortes. En Grande-Bretagne, des campagnes de communication de sociétés privées vont dans ce sens. Elles disent en substance : « Devenez libres, conservez vos ovocytes ! » En réalité, la pression des employeurs grandit dans les pays anglo-saxons. Je ne pense pas que nous ayons envie de cela en France. Bien au contraire, s’engager dans cette voie, ce serait rendre un mauvais service aux femmes.

M. Guillaume Chiche. Je soutiendrai naturellement l’amendement du rapporteur, car il permet de conférer aux femmes un nouveau droit, une nouvelle liberté. En leur ouvrant la possibilité de conserver leurs ovocytes, l’article leur donne pleinement le choix dans la conduite de leur vie. C’est une avancée majeure.

Pour autant, monsieur le rapporteur, je vous soumettrai un certain nombre de sous-amendements concernant le consentement du conjoint au don et la possibilité pour les établissements privés lucratifs d’intervenir dans le processus. Je proposerai également de renforcer l’interdiction de prise en charge par les employeurs.

(Présidence de Mme Monique Limon, vice-présidente)

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tout d’abord, pour écarter les fantasmes autour de la marchandisation, je voudrais lire le texte précis de l’amendement :

« Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes […] Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n’assure cette activité dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à la pratiquer, sous réserve de la garantie par celui-ci de l’absence de facturation de dépassements des tarifs […] et des tarifs des honoraires. »

En France métropolitaine, comme dans les outre-mer, il y a un petit nombre de départements dépourvus d’établissements publics capables de réaliser ces actes. Faudrait-il accepter de créer une inégalité dans l’accès à ces techniques ? Certaines femmes devaient aller dans un autre département, parfois même très loin, notamment dans les outre-mer, pour trouver un centre habilité à réaliser ces actes. Or les établissements privés visés auront la compétence pour le faire – les médecins qui y exercent ont été formés exactement de la même façon que les autres – et seront surveillés par l’ARS encore plus étroitement que les centres publics. Il n’y a aucun risque de dérive commerciale ; nous pouvons être entièrement rassurés sur ce point. Je vous exhorte donc à repousser les amendements qui viseraient à susciter des inquiétudes à cet égard.

Sous-amendements CS1501 et CS1498 de M. Thibault Bazin.

M. Julien Ravier. Il est proposé de réserver le don de gamètes aux donneurs ayant déjà procréé par les voies naturelles. Nous souhaitons rétablir cette disposition, supprimée par la loi de bioéthique de 2011.

Les gamètes ne sont pas n’importe quel produit du corps humain : il s’agit du patrimoine génétique et le donneur qui n’a pas procréé ne peut pas réaliser la portée de son geste.

Par ailleurs, c’est le seul moyen de nous assurer que le donneur sera capable d’appréhender la relation qu’il pourrait avoir dix-huit ans plus tard, si l’enfant issu du don a été privé d’un père ou d’un deuxième parent.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous proposez de rétablir une disposition qui s’est révélée peu efficace et qui va limiter considérablement la possibilité de don. Exiger que les donneurs aient déjà procréé n’a aucune justification et repousse leur âge moyen, ce qui est néfaste pour ceux qui vont bénéficier du don. C’est pourquoi cette disposition avait été abrogée en 2011. Il ne serait pas raisonnable de revenir à un état antérieur du droit prévu par excès de prudence, qui s’est avéré inutile et serait seulement de nature à aggraver la pénurie de dons de gamètes.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement CS1771 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cette disposition a été abrogée par la loi de bioéthique de 2011. Or supprimer l’exigence que les donneurs aient déjà procréé n’a rien d’anodin, et donner ses ovocytes sans avoir procréé présente de nombreux inconvénients.

Un donneur qui n’a pas procréé ne peut réaliser la portée de son geste. C’est le fait d’avoir déjà procréé qui permet de consentir en connaissance de cause. Les conditions de l’expression d’un consentement libre et éclairé ne seraient donc pas réunies.

Pour les donneurs n’ayant pas procréé, le don de gamètes risque de susciter des conséquences psychologiques graves, allant de la préoccupation jusqu’au fantasme nourri à propos des enfants issus du don, notamment si le donneur n’a pas eu d’autres enfants par la suite.

Enfin, pour une femme, la stimulation ovarienne n’est pas sans risque.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1088 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1770 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. Je comprends la préoccupation du rapporteur à propos de la pénurie de gamètes, qui serait accentuée par l’adoption de ce projet de loi. Mais il est essentiel d’exiger que le donneur de gamètes ait procréé, pour qu’il puisse réaliser la portée de son geste et pour prévenir d’éventuelles conséquences psychologiques, notamment lorsque le donneur n’aura pas eu d’autre enfant. On peut imaginer qu’en vieillissant, le donneur vienne à regretter de ne pas connaître la progéniture issue de son don.

Par ailleurs, concernant les dons d’ovocytes, la stimulation ovarienne pour les femmes n’est pas sans risque. Il pourrait arriver qu’à la suite d’un don, la donneuse ne soit plus capable de procréer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à la réintroduction de l’obligation de procréation antérieure pour tout donneur. Elle n’aurait que des effets négatifs.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement CS1778 de Mme Agnès Thill.

Sous-amendement CS1775 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je propose d’exclure la possibilité de procréation post mortem. Il faut continuer d’appliquer les règles en vigueur sur la destruction des gamètes et embryons dont le donneur est décédé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y a aucun lien familial entre le donneur et l’enfant issu du don, qui ne peut donc être l’enfant d’une personne décédée. Les gamètes sont conservés, et si le donneur a un accident, rien n’empêche de les utiliser. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1718 de M. Patrick Hetzel, CS1736 de M. Xavier Breton et CS1801 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Pour assurer une meilleure information du donneur, il est nécessaire de porter à sa connaissance l’existence d’association de donneurs qui pourront partager leur expérience.

M. Julien Ravier. Il est important que le donneur de gamètes ait la meilleure information possible sur l’acte qu’il va réaliser.

Le rapporteur estime que la disposition abrogée en 2011 n’avait pas d’utilité. Nous proposons de la réintroduire parce que les dispositions ont changé : vous modifiez le cadre de la PMA en l’autorisant pour les femmes seules ou les couples de femmes. Si le donneur est un homme, il est utile qu’il sache ce que signifie être père pour se projeter, et comprendre qu’il fait un don qui permettra la naissance d’un enfant sans père. D’où l’importance de réévaluer cette disposition, dont la pertinence était peut-être moindre en 2011.

Mme Anne-Laure Blin. Les hommes doivent bénéficier d’une plus grande transparence et d’une meilleure information. Le mécanisme d’information n’est pas très étoffé, il faut que le donneur puisse échanger sur les modalités et les répercussions de son don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Soyez rassurés, le donneur reçoit beaucoup d’informations, y compris sur le fait que son identité sera révélée dix-huit ans plus tard à l’enfant qui pourra naître de son don. Il n’est pas nécessaire de l’inciter à se mettre en contact avec des associations. Avoir donné ne lui ouvre aucun choix sur la famille ou la personne qui recevra son don. Celui qui ne veut pas permettre la procréation d’un couple de femmes ou d’une femme seule ne doit pas donner du tout.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements CS1085 et CS1086 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous estimons que le donneur doit recueillir l’accord de son conjoint ou de l’autre membre de son couple pour effectuer le don. Imaginez les conséquences qu’un don de gamètes qui aurait été caché à l’autre membre du couple pourrait produire lorsque l’enfant né du don aura accès à l’identité du donneur. S’il venait à se présenter pour demander à faire connaissance avec son géniteur alors que le conjoint n’est pas au courant, cela pourrait être une catastrophe. Il convient de prévenir une telle situation en requérant le consentement du conjoint au moment du don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’enfant devenu adulte qui voudra rencontrer son géniteur ne pourra le faire que si ce dernier a donné son accord. J’imagine que dans ce cas, il préviendra son conjoint.

Mme Emmanuelle Ménard. L’enfant saura le retrouver !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y aura aucune rencontre si le donneur n’est pas d’accord. S’il veut recevoir l’enfant né du don, il préviendra naturellement son conjoint. Mais il n’est pas question qu’une personne vienne sonner à la porte à l’improviste.

Par ailleurs, vous défendez un archaïsme que nous sommes le dernier pays en Europe à maintenir : considérer que le don n’est pas une affaire de personne, mais de couple. Plus aucun pays d’Europe ne retient la conception de dons de couple à couple, nos voisins considèrent qu’il s’agit d’un individu volontaire pour donner. En parler à son conjoint relève de sa liberté. Nous nous mettons en conformité avec la situation dans le reste du monde, et c’est bien légitime car cette conception est d’un autre siècle.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1717 de M. Patrick Hetzel, CS1735 de M. Xavier Breton, CS1764 de M. Julien Ravier, CS1773 de Mme Agnès Thill et CS1800 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Que le reste de l’Europe n’applique pas cette disposition n’est pas un argument : nous sommes législateurs français et nous prenons les décisions qui concernent notre pays. Considérer qu’il s’agit d’un archaïsme, selon la vision d’un progrès à sens unique, est assez troublant.

Nous voulons maintenir le consentement au don de l’autre membre du couple. Ce régime, encore en vigueur, n’a pas suscité de difficulté, et vos différents rapports ne font pas état de problèmes pour son maintien. Pourquoi l’abroger, si ce n’est pour nous aligner sur d’autres pays ? Il n’y a pas de motif.

De plus, compte tenu des possibles conséquences de la levée de l’anonymat, notamment l’irruption dans la vie du donneur d’une ou plusieurs personnes issues du don, il convient de prévoir l’information et le recueil du consentement de l’autre membre du couple, sur qui le don aura des conséquences. Vous ne pouvez pas faire comme si ce n’était pas le cas.

Nous avançons des arguments fondés sur la réalité, mais vous faites comme si le réel n’existait pas. Nous avons du mal à vous comprendre.

M. Julien Ravier. La réforme que vous proposez nous impose de maintenir le consentement de l’autre membre du couple. Dès lors que vous ouvrez à l’enfant issu du don la possibilité d’avoir accès à sa filiation paternelle, cela aura des répercussions sur le couple du donneur. Si celui-ci ne fait pas la demande auprès de son conjoint, il fera peser un risque à son couple et à sa famille. La levée potentielle de l’anonymat peut aboutir à l’établissement d’une filiation. Il est plus que jamais nécessaire de maintenir le consentement, écrit et révocable, de l’autre membre du couple.

Mme Agnès Thill. Le rapporteur nous explique que les autres pays ne font plus référence au couple. Et alors ? J’ai passé ma vie à expliquer aux enfants que ce n’est pas parce que quelqu’un saute par la fenêtre qu’on doit faire pareil. On doit réfléchir, faire preuve d’intelligence et ne pas nécessairement faire comme le voisin.

Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement. Le rapporteur suppose que le donneur informera son conjoint, mais qu’en sait-il ? Comment savoir ce qui arrivera dans vingt ans, dans six mois même ? Il y a vingt ans, qui pouvait imaginer les progrès des technologies numériques ou qu’Emmanuel Macron serait président ? Il est plus judicieux d’inscrire ces dispositions dans la loi.

Mme Anne-Laure Blin. Comment être sûr que le donneur aura toutes les informations sur les conséquences de son acte ? Rien n’est prévu dans la loi sur ce point.

Notre proposition ne devrait pas soulever de désaccord : puisque le rapporteur incite les familles à expliquer la manière dont les enfants ont été conçus, pourquoi refuse-t-il que les conjoints soient informés d’un don ? C’est contradictoire. C’est un choix de couple, et nous devons inscrire dans la loi que les conjoints doivent avoir connaissance des choix de l’autre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La rédaction de l’article 2 que je propose prévoit une « information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. » Il est également prévu d’informer le donneur que dix-huit ans plus tard, des données identifiantes seront transmises aux enfants nés du don.

Si nous adoptions vos amendements, que faire pour les personnes qui se marient après avoir fait un don ? Faut-il en informer le conjoint ?

Dans le monde réel, les couples ne sont pas éternels. En cas de changement de partenaire, faudrait-il l’avertir qu’il a épousé quelqu’un qui a fait un don quinze ans plus tôt ? Faudra-t-il rechercher les enfants de ces donneurs, et à quel âge, pour les prévenir que leur père a fait un don ? Ce n’est pas raisonnable !

Mme Anne-Laure Blin. Notre amendement ne s’applique qu’au moment du don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous faisons confiance au donneur ; c’est un adulte responsable qui a les informations nécessaires. C’est à lui de décider à qui, parmi ses proches, il transmet cette information. Respectez sa liberté. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1720 de M. Patrick Hetzel, CS1738 de M. Xavier Breton et CS1802 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous imaginez que le donneur va prévenir son conjoint. Au lieu de l’imaginer, écrivons-le dans la loi ! Vous avez essayé de décrédibiliser notre sous-amendement en envisageant des hypothèses sur lesquelles il ne porte pas, puisqu’il ne concerne que le moment du don. Dites clairement que vous ne voulez pas que le conjoint soit informé au moment du don. Le reste n’est qu’arguties, et vous ne voulez pas entrer dans une logique de coconstruction.

Je propose que le décès du donneur mette fin à la possibilité d’utiliser ses gamètes. L’intérêt de l’enfant exige qu’il soit conçu à partir des gamètes d’une personne vivante. Ce n’est pas une question anodine, et les pédopsychologues se sont prononcés dessus. Votre volonté d’avancer à marche forcée interroge sur la place que vous voulez réellement reconnaître aux enfants.

M. Julien Ravier. Le décès du donneur doit mettre fin à la possibilité d’utiliser ses gamètes. Faute de telles dispositions, nous allons créer des inégalités entre les enfants. Vous voulez corriger des inégalités entre les adultes pour satisfaire leur désir d’enfant ; nous voulons défendre l’intérêt supérieur des enfants à naître, dont nous serons tous coresponsables.

Nous risquons de permettre la naissance d’enfants dont le père sera décédé, tandis que d’autres auront un père vivant qu’ils pourront rechercher, voire deux parents.

Mme Anne-Laure Blin. Ce sous-amendement apparaît encore plus nécessaire après les arguments développés à l’article 1er, notamment s’agissant de l’automaticité du don des gamètes. Puisque les couples sont fortement incités à donner les gamètes, il ne faut pas que la PMA provoque des dérives permettant de les utiliser post mortem. Vous avez souhaité mieux borner les choses : si vous êtes réellement opposé à l’utilisation des gamètes post mortem, il faut voter ce sous-amendement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Beaucoup de CECOS estiment que rechercher le conjoint alors qu’une personne se présente dans leur établissement entraîne des difficultés inutiles et aura un effet dissuasif sur les donneurs qui n’est pas opportun. C’est pourquoi tous les autres pays ont aboli cette mesure qui n’a pas de raison d’être.

S’agissant de l’utilisation des gamètes d’une personne décédée après avoir fait son don, je rappelle qu’il n’y a pas de lien familial entre le donneur et l’enfant issu du don. Il est donc impropre de parler de l’enfant d’une personne décédée. Il s’agit de l’enfant des parents qui l’élèvent, et dont le géniteur peut être vivant ou décédé. L’enfant obtiendra cette information à l’âge de dix-huit ans.

Il est courant que des donneurs décèdent entre la fécondation et la demande d’information de l’enfant, et que les recherches d’origines débouchent sur une personne décédée. C’est naturel, dans la mesure où il peut s’écouler vingt-cinq ans entre le don et la naissance puisque les gamètes sont congelés. Les enfants disposent néanmoins des informations utiles pour se construire : la profession, l’activité et les caractéristiques du géniteur, mais ils ne le rencontrent pas physiquement.

Il n’existe donc pas d’enfants de personne décédée dans le cas de don de gamètes. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Sous-amendement CS1065 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Je propose de supprimer la condition qui impose au conjoint du donneur de transmettre son consentement lors d’un don de gamètes. Seul le donneur doit être maître des produits de son corps, et un tiers ne doit pas pouvoir altérer ses choix. La législation française est la seule en Europe à imposer cette exigence de consentement du conjoint en cas de don. Je rappelle que l’enfant né d’un don n’a aucun droit patrimonial ou héréditaire sur son donneur ou le conjoint de ce dernier.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sous-amendement est satisfait par la rédaction de l’amendement CS1033, ce qui attriste nos collègues du groupe Les Républicains qui voudraient que le conjoint donne son autorisation. Ce ne sera plus le cas, et nous mettons notre droit à l’unisson des pays comparables. Nous ne le faisons pas parce que les autres pays l’ont fait, mais parce que nous suivons la même logique.

L’amendement est retiré.

Sous-amendements identiques CS1721 de M. Patrick Hetzel, CS1739 de M. Xavier Breton et CS1803 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Pour inciter les femmes au don, il leur est proposé de conserver pour leur propre usage une partie des gamètes inutilisés. Cette manière de procéder entraîne une inégalité de traitement entre les personnes qui peuvent conserver à leur profit des gamètes, sous réserve d’en donner une partie, et celles qui ne peuvent pas autoconserver leurs gamètes.

Comme l’ont rappelé le Conseil d’État puis l’Académie de médecine, cette pratique s’apparente à une rémunération indirecte du don, ou au moins à une compensation pour le donneur ou la donneuse. Elle est contraire à l’esprit du don – aucun donneur de sang ne se voit proposer la conservation de poches de sang pour ses futurs besoins éventuels.

Il convient de mettre fin à cette pratique de façon explicite pour réaffirmer la gratuité du don.

M. Julien Ravier. L’autoconservation est autorisée lorsqu’un traitement chimiothérapique va affecter les possibilités de transmettre son patrimoine génétique, ce qui paraît logique. Mais il n’y a aucune raison de la permettre à la suite d’un don de gamètes. Il s’agit d’une forme de rémunération déguisée. C’est pourquoi nous souhaitons proscrire cette pratique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes en désaccord avec votre proposition, car nous souhaitons autoriser l’autoconservation des ovocytes. Nous sortons de la relative hypocrisie qui prévalait : si l’on prélevait plus d’ovocytes que nécessaire sur une donneuse, on pouvait utiliser ceux qui restaient si elle en avait besoin. Il en résultait des disparités entre les femmes selon le nombre d’ovocytes recueillis.

La situation est claire, nette et précise : le recueil d’ovocytes sert à la donneuse grâce à l’autoconservation et aux autres femmes grâce au don. Les deux pratiques sont favorisées, de façon transparente.

Il est toujours très difficile de faire des comparaisons avec d’autres formes de dons, quoique les cellules souches de moelle osseuse puissent être également congelées pendant des dizaines d’années. Aux États-Unis notamment, certains les conservent en cas de survenue d’une aplasie médullaire mais une telle pratique est interdite dans notre pays. Il n’en est, en revanche, pas de même pour les gamètes, et la vitrification des ovocytes se justifie par une double finalité : pour la femme elle-même et pour le don à d’autres femmes. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1722 de M. Patrick Hetzel, CS1740 de M. Xavier Breton et CS1804 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Après l’alinéa 6, nous proposons d’insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le recueil, le prélèvement et l’autoconservation des gamètes en dehors d’un parcours de procréation médicalement assistée ou du cadre fixé par l’article L. 2141‑11 du code de la santé publique, sont interdits ».

Nous devons en effet absolument éviter de créer un marché de la procréation, alors que des pressions importantes s’exercent sur les femmes en raison d’intérêts économiques et financiers, comme nous le constatons dans les pays anglo-saxons, où domine une vision utilitariste de la bioéthique à laquelle, jusqu’à présent, la France a su résister. C’est un acquis qui doit être préservé.

M. Julien Ravier. Nous savons fort bien que pour recourir à l’autoconservation, les femmes feront des dons. Une pression ne manquera pas de s’exercer sur elles dans le monde du travail afin de contrôler au mieux leur procréation, conformément à la dérive que connaissent les pays anglo-saxons : « Freeze your eggs, Free your career » – « Congelez vos ovules, libérez votre carrière professionnelle ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est pourquoi la loi spécifie l’interdiction pour l’employeur d’exercer toute pression, et que les femmes sont seules maîtresses de leur décision. De plus, elles recourent le plus souvent à l’autoconservation pour des raisons personnelles et non professionnelles : elles savent que l’horloge biologique est impitoyable et que le prince charmant peut se présenter fort tard. Lorsqu’elles l’auront trouvé, elles pourront alors fonder la famille à laquelle elles aspirent.

Les conditions de vie ont changé, les femmes procréent plus tardivement qu’autrefois, la contraception a évité nombre de grossesses non désirées et très précoces. Bien des femmes de plus de trente ans, que nous devons entendre, se retrouvent ainsi sans enfant mais en ayant le désir d’en avoir. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1792 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Les donneurs doivent avoir le droit de savoir si leur don a permis au moins une naissance afin de pouvoir se préparer psychologiquement et émotionnellement à une mise en relation avec une personne issue de leur don.

Les arguments que M. le rapporteur a donnés à propos des conjoints n’ont aucun sens. Il était question de ceux qui sont présents au moment du don, pas des suivants. Et si tel n’était pas le cas, faudrait-il interdire systématiquement le consentement du conjoint ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je pense justement que votre amendement a du sens, un donneur pouvant « avoir » jusqu’à dix enfants – j’en ai d’ailleurs présenté un assez comparable dans une lecture précédente et j’ai même souhaité que le donneur connaisse l’âge et le sexe des enfants nés de son don. D’aucuns ont néanmoins considéré qu’un don suppose de ne rien obtenir en retour, pas même des informations. Avis de sagesse.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1796 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Tous les pays qui ont mis en place un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don de gamètes ont également instauré un mécanisme pour que les donneurs soient informés quand leurs données personnelles sont communiquées à des personnes issues de leur don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis de sagesse également.

La commission rejette le sous-amendement.

(La réunion est suspendue de seize heures cinquante-cinq à dix-sept heures cinq.)

Sous-amendements identiques CS1723 de M. Patrick Hetzel, CS1741 de M. Xavier Breton et CS1805 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer les alinéas 7 à 24 de l’amendement CS1033. Le prélèvement et la conservation des gamètes doivent se faire uniquement lorsque des raisons médicales l’exigent. Cette pratique comporte en effet des inconvénients importants. En repoussant l’âge de la maternité ou de la paternité, elle compromet les chances d’avoir un enfant naturellement et oblige ainsi les personnes à recourir à la PMA. Elle incite à l’exercice de pressions sur les femmes au sein de certains milieux professionnels. De surcroît, ce recours à la PMA sans indication médicale expose les femmes et les enfants aux risques liés à cette pratique.

Mme Anne-Laure Blin. J’ajoute que les conditions d’âge pour y recourir seront fixées par décret et que, comme nous le constatons dans un certain nombre de pays, les femmes peuvent en effet être soumises à des pressions de la part de leur employeur. Il est vrai qu’elles ont des enfants de plus en plus tardivement mais pas forcément pour des raisons personnelles.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Nous souhaitons promouvoir le principe d’une autoconservation des ovocytes soit pour des raisons médicales, soit pour des motifs personnels, qui ne regardent que les femmes, et qui ne doivent dépendre en rien de pressions familiales ou professionnelles.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1340 de M. Joël Aviragnet. 

M. Gérard Leseul. Par l’article 2, le Gouvernement entend ouvrir l’autoconservation des gamètes sans raison médicale, ce qui est une très bonne chose. Il entend également supprimer l’exception existant aujourd’hui, à savoir l’autorisation d’autoconservation d’ovocytes pour les femmes qui font un don. Cependant, les conditions d’âges seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Selon l’étude d’impact, cette ouverture se ferait à partir de 30 ou 32 ans. Or de nombreuses femmes, à cet âge-là, peuvent souffrir de pathologies telles que l’endométriose ou l’insuffisance ovarienne prématurée, qui touche une femme sur dix mille avant vingt ans et une femme sur mille avant trente ans. D’où ce sous-amendement tendant à ouvrir la conservation des ovocytes dès la majorité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Une telle mesure présente un certain nombre d’inconvénients : multiplication du nombre d’autoconservations, création de deux systèmes distincts – prise en charge incomplète et intégrale – et donc assez discriminante. De plus, un tel processus ne s’impose pas de la même manière pour une femme de dix-huit ans ou de trente ans.

Je n’exclus pas que des modifications aient lieu, à l’avenir, dans le sens que vous souhaitez mais, en l’état, la raison implique de procéder selon les modalités les plus adéquates et de fixer l’âge dans une période médiane. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1392 de M. Joël Aviragnet. 

M. Gérard Leseul. Je ne comprends pas vraiment votre argument de la nécessité et de la raison. Nous proposons ici que l’âge moyen soit fixé à 25 ans, ce qui, comme vous diriez, nous paraît raisonnable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Laissons donc le Conseil d’État décider après avis de l’Agence de la biomédecine et de différents experts !

Une telle opération, de plus, n’est pas absolument anodine. Stimulation ovarienne et prélèvement ne doivent pas être proposés trop facilement ni trop précocement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1087 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1724 de M. Patrick Hetzel, CS1742 de M. Xavier Breton, CS1763 de M. Julien Ravier et CS1806 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Le prélèvement et la conservation des gamètes doivent se faire uniquement lorsque des raisons médicales l’exigent. Comme le rapporteur vient de le dire, ce n’est pas un acte anodin. Une telle procédure ne doit être en aucun cas un moyen de contourner l’horloge biologique.

Les pressions professionnelles n’ont pas besoin de s’exercer : le règne de la concurrence dans le monde du travail suffit. Des jeunes femmes sont ainsi amenées à considérer que, pour rester dans la compétition, elles ne peuvent agir autrement.

Au Royaume-Uni, par exemple, c’est le marché lui-même qui incite les femmes à procéder à l’autoconservation ovocytaire. Des algorithmes publicitaires ont même été conçus pour les cibler et les inviter à suivre ce parcours ; des influenceurs, sur les réseaux sociaux, vont dans le même sens.

M. Patrick Hetzel. L’argument de M. le rapporteur sur le processus d’autoconservation illustre à quel point celui-ci, sans indication médicale, est contraire à l’intérêt même de la femme.

Sans doute devrions-nous réfléchir à une politique publique contre l’infertilité, à laquelle l’autoconservation ovocytaire n’apporte pas de réponse satisfaisante. Les pays anglo-saxons vont en effet jusqu’à développer des stratégies publicitaires afin d’inciter les femmes à y avoir recours car c’est un véritable business. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour la France.

M. Julien Ravier. L’autoconservation des gamètes, qui n’est pas un acte anodin, ne doit être autorisée que lorsque des raisons médicales l’exigent. Je ne suis pas certain que dévoyer le don en le liant à l’autoconservation, comme une forme de rétribution, encouragera les dons.

J’ajoute que la technique de la vitrification ovocytaire, pour laquelle nous nous sommes battus, a évolué et que la situation peut être désormais stabilisée.

Mme Anne-Laure Blin. Nous souhaitons en effet que soient insérés dans le code de la santé publique les mots : « Lorsque des raisons médicales l’exigent ».

Vous ne voulez pas que des organismes privés puissent se livrer à des pratiques commerciales mais, comme vous l’ont dit mes collègues, certains pays ont conçu des algorithmes pour inciter les femmes à auto-conserver leurs gamètes.

Le législateur devrait plutôt s’intéresser aux causes de l’augmentation de l’infertilité. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi certains de mes amendements visant à faire de la lutte contre l’infertilité et de la promotion de la procréation naturelle une politique prioritaire ont été considérés comme des cavaliers législatifs et ont donc été jugés irrecevables.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sont des questions fondamentales. Nous ne pouvons rien contre un certain nombre de différences biologiques : les femmes vivent plus longtemps que les hommes mais leurs contraintes physiques sont plus importantes dans le processus de procréation, ce qui suscite évidemment chez elles plus d’inquiétudes.

Il est vrai que des pressions peuvent s’exercer dans le milieu professionnel sans que l’employeur y soit pour rien. Une sportive de haut niveau, par exemple, sait très bien que sa carrière durera relativement peu et aura tendance à différer une grossesse, d’où l’utilité de l’autoconservation d’ovocytes. La pression peut également résulter d’un choix personnel, si difficile soit-il – il en est d’ailleurs de même pour toutes les femmes. Ce n’est pas ici que nous pourrons répondre aux questions que posent les différences biologiques entre les femmes et les hommes, mais il importe de garantir qu’aucune pression extérieure, en aucun cas, ne pourra conduire les femmes à choisir tel ou tel mode de procréation. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1093 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Le but affiché de l’alinéa 11, que je souhaite supprimer, est de permettre à la femme qui autoconserve ses ovocytes de les donner. Compte tenu de la pénurie d’ovocytes, celle-ci risque de subir des pressions de la part de couples en attente d’ovocytes, pressions qui à court ou à moyen termes pourraient être financières, ce qui est inacceptable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes parvenus à un équilibre acceptable qu’il importe de maintenir.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1725 de M. Patrick Hetzel, CS1743 de M. Xavier Breton et CS 1807 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. En matière de FIV, le déclin du taux de naissances vivantes commence à l’âge de 30 ans. Il est plus marqué à partir de 38 ans, car la quantité et la qualité des ovocytes diminuent plus vite. À partir de l’âge de 44 ans, quasiment aucune FIV ne débouche sur une naissance. C’est pourquoi il est nécessaire que les personnes souhaitant recourir à des techniques de stimulation ou de PMA soit précisément informées des chances de succès des différentes techniques d’AMP en fonction de l’âge ainsi que des risques inhérents aux grossesses tardives.

Mme Anne-Laure Blin. Selon M. le rapporteur, les chances de réussite d’une grossesse seraient les mêmes pour une femme jeune ou un peu plus âgée. Or ce n’est pas la même chose d’accoucher et d’élever un enfant lorsque l’on a 20 ans ou 45. Toutes les données doivent donc être communiquées aux femmes et aux conjoints.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tous les obstétriciens le savent : la fréquence des grossesses pathologiques diffère en fonction de l’âge et ils ont également à cœur de prévenir les femmes de toutes ces difficultés. Dès lors qu’elles s’adressent à eux, elles disposent de toutes les informations nécessaires. Informer, ce n’est pas dissuader et susciter des inquiétudes qui n’ont pas lieu d’être ! Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1726 de M. Patrick Hetzel, CS1744 de M. Xavier Breton et CS1808 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 11 de l’amendement du rapporteur qui propose à la femme qui autoconserve ses ovocytes de les donner. Compte tenu de la situation actuelle de pénurie d’ovocytes, elle risque de subir des pressions de la part des couples en attente d’ovocytes, le stock d’ovocytes autoconservés ayant une grande valeur et attirant les convoitises.

Le don de gamètes est particulièrement lourd, notamment compte tenu de la levée de l’anonymat du donneur à la majorité de l’enfant issu du don, et les ovocytes extraits en vue d’une autoconservation pourraient être donnés par la femme alors que tel n’était pas le but initial. Pour éviter de telles situations, il serait souhaitable que le don d’ovocytes ne soit pas appréhendé à la légère.

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le rapporteur, on voit que vous n’avez pas connu de grossesse, car il y a aujourd’hui une surmédicamentation des grossesses et les femmes subissent de fortes pressions, de la part de la société et parfois du corps médical, autour de diagnostics in utero de certaines malformations qui les angoissent. Ce n’est pas parce que vous dispensez une information à une patiente que vous la dissuadez : il faut lui fournir l’ensemble des éléments. Or on a l’impression à vous entendre que certaines informations méritent d’être transmises, et pas d’autres.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’adhère totalement à l’idée qu’il faut une transparence totale : rien ne doit être caché à ces femmes avant qu’elles s’engagent dans quelque parcours de procréation que ce soit. Des progrès ont été faits, puisque par le passé l’information se donnait de mère en fille et n’était pas délivrée de façon opportune. J’en veux pour preuve que peu de femmes étaient informées du risque de baby blues après l’accouchement, alors qu’il est extrêmement fréquent. Si la plupart des médecins consentent à une amélioration de l’information, il faut bien entendu continuer.

Je ne pense toutefois pas qu’il faille supprimer la disposition prévoyant le recueil simultané du consentement et du don, car cette disposition technique est utile. Elle a été introduite par le Sénat et nous l’avons gardée car elle nous apparaît bienvenue. Avis défavorable, donc.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1097 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que « L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire doit, en particulier, informer l’intéressé des taux de réussite d’une insémination artificielle et d’une fécondation in vitro et ce, en fonction de l’âge de la femme, ainsi que des risques médicaux liés aux hyperstimulations ovariennes et aux grossesses tardives. »

Évidemment, le taux de réussite des fécondations in vitro n’est pas constant : il baisse à partir de 30 ans et est encore plus faible à partir de 38 ans. À partir de 44 ans, il n’y a presque jamais de FIV avec ovocytes propres qui aboutisse à une naissance. Afin d’éviter de trop grosses déceptions, il convient donc que les femmes qui y ont recours aient bien conscience qu’il ne s’agit pas d’un mode de procréation miracle.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon amendement de rétablissement de l’article 2 prévoit que la femme intéressée soit informée de l’ensemble des risques et des limites de la démarche, en particulier des taux d’échec. Je vous propose donc de retirer votre sous-amendement puisqu’il est satisfait.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendement CS1099 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Également de précision, le sous-amendement prévoit que « L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, comportant au moins un psychologue, doit s’assurer, au cours d’une série de trois entretiens, à intervalle minimal d’un mois, du consentement libre et éclairé de l’intéressé. »

L’autoconservation ovocytaire, qui permettrait aux femmes de se libérer de nombreuses contraintes matérielles liées au manque de temps, à la vie professionnelle ou à l’âge, est présentée comme un outil de libération de la femme qui maîtriserait pour son plus grand épanouissement son corps et sa fertilité. Or c’est en réalité peut-être totalement l’inverse, puisqu’avec cet objectif le corps de la femme va passer après – par exemple après sa carrière : reconnaissons qu’en termes de libération de la femme, on peut mieux faire.

Il me paraît donc essentiel, pour ne pas dire indispensable, que la liberté du consentement de l’intéressée soit appréciée le plus sérieusement et le plus objectivement possible : d’où les conditions que je pose.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement entre trop dans le détail des modalités pratiques d’information, ce qui en pratique se heurterait à des difficultés liées à l’emploi du temps de la femme concernée et serait du coup dissuasif. Ces modalités doivent être définies par les guides de bonnes pratiques, pas par la loi, et je ne pense pas que l’on obtiendrait ainsi un meilleur résultat en termes d’information, d’autant que les niveaux d’information au départ sont très divers d’une femme à l’autre. Avis défavorable, donc.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1727 de M. Patrick Hetzel, CS1745 de M. Xavier Breton et CS1809 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit, à l’alinéa 13, après les mots : « Les frais relatifs », d’insérer les mots : « au prélèvement, au recueil et », car il convient de mieux délimiter l’absence de prise en charge par l’employeur ou par toute personne avec laquelle le patient serait en situation de dépendance économique. En conséquence, il faudrait compléter le même alinéa par la phrase suivante : « La prise en charge indirecte s’entend notamment de la prise en charge par le biais d’une mutuelle d’entreprise financée en tout ou partie par l’employeur ou la personne ou la structure visée ci-dessus ». À défaut, les dispositions prévues par le rapporteur risqueraient d’être contournées.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les dispositions en question sont suffisamment précises et absolues et écartent tout risque de pression de la part de l’employeur au travers de la prise en charge. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1728 de M. Patrick Hetzel, CS1746 de M. Xavier Breton et CS1810 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’autoconservation ovocytaire implique des risques importants d’échec de la grossesse. Il existe un vrai paradoxe : d’un côté, les politiques de santé publique devraient s’attacher à renforcer l’information sur la problématique de l’âge de procréation, de l’autre, l’autoconservation va ipso facto encore contribuer potentiellement à faire reculer cet âge. C’est la raison pour laquelle, pour éviter tout risque de cette nature, il est proposé de limiter l’âge de l’implantation à 40 ans.

Mme Anne-Laure Blin. Il est nécessaire d’indiquer dans la loi l’âge possible de procréation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La loi indiquera bien les bornes d’âge que le Conseil d’État sera chargé de définir par décret en s’inspirant d’avis et d’une expertise adéquate : je ne pense pas que nous devions nous substituer à lui. Par contre, vous êtes tout à fait libres de lui adresser par courrier vos réflexions à ce sujet.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1066 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Il s’agit d’offrir aux établissements de santé publics ou privés, à but lucratif ou non, la possibilité de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes, d’exercer également les activités liées à la préservation de la fertilité et de mettre en œuvre des procédures de dons de gamètes et d’accueil d’embryons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les lectures précédentes ont permis de trouver un équilibre, probablement jugé excessif par les uns et insuffisant par les autres, privilégiant non pas les établissements mais les demandeurs ou les demandeuses d’AMP, c’est-à-dire assurant qu’à quelque endroit, tous et toutes puissent trouver réponse à leurs interrogations. Je vous propose d’en rester à ce compromis, et soit de retirer le sous-amendement, soit de l’exposer à un avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Je prends le risque : peut-être la représentation nationale a-t-elle évolué…

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1729 de M. Patrick Hetzel, CS1747 de M. Xavier Breton et CS1811 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. M. le rapporteur nous a renvoyés à un décret en Conseil d’État s’agissant de la limite d’âge. Or en tant que législateurs nous sommes tout à fait légitimes pour la définir. En outre, un tel décret se prenant sur la base du travail du ministère, on va en fait laisser faire l’exécutif : je ne le souhaite pas et je considère que nous aurions dû préciser les choses.

Le présent sous-amendement met en garde contre des dispositions dérogatoires, qui marqueraient à l’évidence une première étape vers la marchandisation. Vous nous dites que ce n’est pas le cas et vous nous opposez que votre rédaction prévoit des garanties tarifaires. Mais on passe bien progressivement à autre chose, nous ne pouvons nous y résoudre.

M. Julien Ravier. S’agissant du critère de l’absence d’autres établissements dans un département, ouvrir une telle possibilité au privé revient clairement à prendre un risque. Il appartient à notre système de santé de garantir la présence de ces établissements partout, au lieu de permettre aux établissements privés, détenus par des fonds d’investissement, de prendre pied dans ce domaine en France. Le critère départemental étant voué, par effet de cliquet, à être supprimé dans une prochaine loi, le risque de marchandisation sera réel. L’objet du sous-amendement est donc vraiment de nous en protéger.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne suis pas suspect de ne pas vouloir défendre les établissements publics puisque je suis impliqué dans la Fédération hospitalière de France (FHF). Chaque fois que cela est possible, ce dont nous parlons est effectué en leur sein, et c’est très bien ainsi. Malheureusement, certaines parties du territoire sont très éloignées de tels établissements et certains départements n’en sont pas pourvus, en métropole comme outre-mer.

Faut-il dire aux femmes concernées : « Vous habitez à un endroit où il n’y a pas de possibilité, donc soit vous déménagez, soit vous refrénez votre envie de procréer » ? Ce ne serait pas raisonnable.

Aussi, il nous faut voir si, à certains endroits, des établissements ayant le même niveau de compétence et exerçant dans des conditions exactement identiques d’autorisation, de tarifs et de pratiques que les établissements publics, peuvent les suppléer dans ces activités qui sont déjà souvent à saturation et soumises à des listes d’attente, situation que la promulgation de la loi va exacerber. Parce qu’il nous faut bien faire face, pratiquement, à cette réalité, mon avis est défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1730 de M. Patrick Hetzel, CS1748 de M. Xavier Breton et CS1812 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Je reviens sur les activités de prélèvement des établissements privés à but lucratif et sur le critère d’absence d’autres établissements dans un département : c’est à notre système de santé de garantir la présence d’établissements partout au lieu de permettre à des établissements privés, souvent détenus par des fonds d’investissement étrangers, de prendre pied dans ce domaine en France. Monsieur le rapporteur, votre amendement prévoit une dérogation : or un effet de cliquet conduira à la supprimer par la suite, dans une prochaine loi.

Enfin, comme dans les autres pays, les établissements privés de prélèvement et de recueil se développeront sur cette activité unique et nous nous retrouverons probablement dans la même situation qu’en Grande-Bretagne où des femmes se rendent pour des ponctions ovocytaires dans des établissements privés avant de se présenter aux urgences lorsqu’elles développent des pathologies qui leur sont liées : le privé profite du système, et le public paye les pots cassés.

Mme Annie Genevard. Le secteur privé, qui fait face à une financiarisation et à l’arrivée de fonds étrangers, a mis un pied dans le marché de la fertilité – 50 % des PMA y sont effectuées – et souhaite y développer des activités, y compris parfaitement illégales, puisque nous avons évoqué des publicités pour la GPA qui sans honte sont diffusées dans notre pays.

Dès lors que vous inscrivez dans la loi la reconnaissance des établissements privés à but lucratif pour la conservation des gamètes, si demain les services publics disparaissent dans un département, le privé s’y déploiera puisque la loi l’y autorisera. Lorsqu’on légifère, il faut tout prévoir, même le pire.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. S’agissant de la conservation des gamètes, l’équilibre qui a été trouvé convient et le remettre en cause serait néfaste. Je propose donc que nous en restions aux dispositions prises précédemment. Quant au privé, qui a été diabolisé, nous avons fait tout ce qui paraissait nécessaire pour l’encadrer. Si par un coup de baguette magique vous pouvez doter la totalité du territoire d’établissements publics, tant mieux, faites-le !

Je ne suis pas sûr, d’ailleurs, que votre groupe politique soit le mieux placé pour cela : je rappelle que le programme de M. Fillon prévoyait de réduire de près de 100 000 le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique hospitalière, ce qui aurait eu pour conséquence de devoir fermer beaucoup d’établissements, alors que vous parlez maintenant d’en ouvrir davantage.

Ne diabolisons ni les uns ni les autres et soyons tous ensemble solidaires, pour développer un secteur public largement répandu et qui réponde à ces différents besoins, et pragmatiques afin de ne pas pénaliser les femmes qui habitent là où le public reste insuffisamment développé et de leur offrir une alternative contrôlée par l’ARS. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1101 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que la conservation des gamètes doit obligatoirement être assurée dans un établissement situé en France afin d’éviter tout abus : il ne faudrait pas qu’elles puissent être conservées à l’étranger.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’ensemble des activités liées à l’AMP fait l’objet d’une autorisation, et les établissements et les organismes concernés sont obligatoirement situés en France. L’intention est donc satisfaite et la précision inutile : je suggère le retrait de l’amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1103 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que les dispositions concernées sont prises avec une finalité thérapeutique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Bien malin celui qui pourra fixer précisément la limite entre le thérapeutique et le fondamental. Toutes les découvertes ayant un bénéfice thérapeutique ont toujours procédé d’une recherche au départ totalement fondamentale et souvent menée dans des champs complètement distincts : il n’y aurait aujourd’hui aucun progrès en cancérologie s’il n’y avait pas eu l’implication de recherches fondamentales dans des domaines pathologiques complètement différents ou, surtout, n’ayant rien à voir avec la finalité. Donc se restreindre à une finalité explicitement thérapeutique reviendrait à interdire une recherche efficace.

De même que l’on a pratiquement aboli la distinction entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée par le passé, parce qu’il s’agit d’un continuum, il serait dommageable de préciser ici la finalité thérapeutique de la recherche, sauf à entendre que toute recherche peut avoir une telle finalité.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1106 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1499 de M. Thibault Bazin, CS1731 de M. Patrick Hetzel, CS1749 de M. Xavier Breton et CS1813 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de raccourcir de dix à cinq ans la durée de conservation des gamètes : les conserver trop longtemps ne me semble pas utile. Ne pas obtenir de réponse de la personne concernée pendant cinq ans d’affilée semble un délai suffisant pour mettre fin à la conservation.

M. Patrick Hetzel. Lors d’un précédent débat, notre collègue Annie Genevard avait interpellé le ministre Adrien Taquet, sur l’organisation l’année dernière à Paris d’un salon « Désir d’enfant ». Or le Gouvernement n’a strictement rien fait pour empêcher sa tenue alors qu’une telle chose est théoriquement illégale. Ce salon sera à nouveau organisé en septembre 2021 : il y a un problème et il nous faut réagir ! Que fait le Gouvernement ? Manifestement, rien !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les sous-amendements proposent de réduire la durée de conservation des gamètes de dix à cinq ans, durée que les professionnels concernés s’accordent à juger trop courte car les procédures peuvent demander quelques années en raison de listes d’attente, de difficultés et de répétitions de tentatives d’AMP. Et si l’on veut détruire les gamètes, il faut obtenir une réponse de la part des personnes concernées, ce qui là encore demande des mois : cinq ans est donc une durée trop courte. Je suggère qu’on en reste à dix ans. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1500 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendement CS1767 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Ce sous-amendement vise à conserver le critère d’infertilité médicalement diagnostiquée comme condition au remboursement par la sécurité sociale. Le remboursement de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules coûtera aux contribuables la bagatelle de 200 millions d’euros selon l’Agence de la biomédecine (ABM), alors même qu’il ne s’agira plus d’un acte médical et que le déficit de la sécurité sociale a atteint 52,2 milliards d’euros en 2020, du fait de la crise du covid-19.

Le remboursement de la PMA non thérapeutique étant ainsi injustifiable, il s’agit de le réserver aux PMA pour infertilité médicalement diagnostiquée, c’est‑à‑dire réellement thérapeutiques.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme lors des lectures précédentes, j’y suis défavorable car cela conduirait à réserver la pratique aux femmes disposant de moyens suffisants, donc à créer une inégalité selon les ressources.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1772 de Mme Agnès Thill.

Sous-amendements identiques CS1732 de M. Patrick Hetzel, CS1750 de M. Xavier Breton et CS1814 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. S’agissant de l’autoconservation des ovocytes, puisqu’il y aura pénurie et encombrement, comme vient de le dire M. le rapporteur, les établissements privés à but lucratif feront pression afin que le don de gamètes soit indemnisé. C’est d’ailleurs plus ou moins ce que nous avait dit Mme Coralie Dubost lors d’une précédente lecture : « Il faudra un jour penser à remercier les donneurs de gamètes », ce qui signifiait en fait indemnisation, donc rémunération.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable : faisons là encore attention à ne pas rendre cette disposition inaccessible à une partie de nos concitoyennes.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1762 de M. Julien Ravier.

M. Julien Ravier. Il s’agit d’exclure du remboursement par l’assurance‑maladie tous les actes et traitements d’AMP pour des assurés non atteints d’une pathologie altérant leur fertilité. En effet, la rédaction actuelle prévoit d’exclure le remboursement de la conservation des gamètes dans de tels cas. Il convient d’y ajouter le prélèvement et le recueil de ces mêmes gamètes. Il ne s’agit pas de dons ou d’usage personnel à bénéfice médical : il n’y a donc aucune raison que le contribuable paie pour une planification gratuite de la procréation. Il s’agit de convenance.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis à nouveau défavorable concernant une mesure qui crée une discrimination selon les ressources.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1733 de M. Patrick Hetzel, CS1751 de M. Xavier Breton et CS1815 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Afin d’éviter toute forme de marchandisation il convient de préciser que des entreprises commerciales ne peuvent intervenir dans l’importation ou l’exportation de gamètes, afin d’assurer que le principe de non-patrimonialité des gamètes ne soit pas contourné à l’occasion de prestations de services d’importation et d’exportation fournies par des sociétés commerciales.

M. Xavier Breton. Toutes les dérives qui tendent à la marchandisation du corps humain sont inquiétantes. Mon collègue Patrick Hetzel a évoqué le salon « Désir d’enfant » qui s’est tenu en septembre 2020 et qui témoigne de l’existence d’un véritable marché de la procréation. On annonce que ce salon va de nouveau se tenir en septembre 2021. Si nous refusons la marchandisation du corps humain, alors il faut que le Gouvernement interdise cette manifestation.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, vous nous dites, en substance, de faire confiance au privé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. En l’encadrant !

Mme Annie Genevard. J’ai une conception libérale de la médecine. Mais on peut avoir une conception libérale de la médecine et considérer que tout ce qui concerne la fabrication du vivant mérite un traitement à part.

Quant à votre allusion à la dernière campagne présidentielle, je la trouve un peu hors de propos.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces sous-amendements sont déjà satisfaits, puisque mon amendement prévoit l’exclusion de toute finalité commerciale. N’ayez pas de crainte : si quelqu’un se met en travers de la loi, il sera condamné.

Mme Annie Genevard. On vient de vous donner des exemples et rien n’est fait !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dénoncez-les et faites-les condamner !

Mme Annie Genevard. Nous les avons dénoncés et le ministre nous a répondu par un silence.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous vous êtes adressés au ministre de la santé. Moi, je vous parle de la justice, car c’est la justice qui est chargée de faire appliquer la loi dans notre pays. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

La commission adopte les amendements identiques CS1033 et CS1009.

L’article 2 est ainsi rétabli.

En conséquence, les amendements identiques CS553 et CS946, l’amendement CS388 et le sous-amendement CS1105 tombent.

Article 2 bis (rétabli)
Mise en place d’un plan afin de lutter contre l’infertilité

Amendements identiques CS1034 du rapporteur, CS582 de Mme Annie Genevard, CS866 de M. Didier Martin, CS947 de M. Joël Aviragnet, CS1010 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements CS1422 et CS1421 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CS426 de M. Patrick Hetzel, CS427 de M. Xavier Breton, CS604 de Mme Anne-Laure Blin et CS959 de M. Philippe Gosselin, amendements identiques CS449 de M. Patrick Hetzel et CS464 de M. Xavier Breton, amendement CS554 de Mme Sylvia Pinel (discussion commune).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je propose le rétablissement de l’article 2 bis dans la rédaction qui avait été adoptée par notre assemblée. Cet article, qui avait été voté par l’ensemble des groupes et qui fait donc l’objet d’un large consensus, vise à promouvoir le lancement d’un plan national de lutte contre l’infertilité.

Il faut développer la recherche, afin de mettre en lumière les causes potentielles d’une situation d’infertilité, et mener des actions pour mieux informer les femmes, ainsi que leurs conjoints, sur la décroissance de la fertilité avec l’âge. Ce fait n’est pas assez connu des post-adolescentes, encore moins des post-adolescents. Espérons que ce plan aura des effets avant la prochaine révision des lois de bioéthique. Sinon, la diminution du nombre de naissances et l’accroissement des pathologies liées à des grossesses tardives risquent de devenir problématiques. Il importe d’agir contre l’hypofertilité qui touche notre pays, comme la plupart des pays européens.

M. Patrick Hetzel. Il est vrai que cette disposition avait été adoptée à l’unanimité par notre assemblée, mais je tiens à informer notre commission que si le Sénat a fait le choix de supprimer cet article, c’est au titre de l’article 41 de la Constitution et en raison de son absence de portée normative. Plutôt que de le rétablir purement et simplement, nous proposerons de compléter cet article, pour passer du déclaratif au normatif.

Mme Annie Genevard. Je souhaite également le rétablissement de l’article 2 bis car je considère que cette mesure, qui avait été votée par la majorité de nos groupes, a toute sa place dans ce texte.

M. Didier Martin. Nous proposons également le rétablissement de l’article 2 bis afin de promouvoir, par des mesures nationales et pluriannuelles, une culture de la prévention, et de mieux informer la population générale et les professionnels sur les enjeux liés à la fertilité. Tout cela est essentiel pour lutter, en amont, contre les causes de l’infertilité.

M. Gérard Leseul. Comme nos collègues, nous souhaitons le rétablissement de cet article, auquel nous tenons beaucoup. Il vise à promouvoir le lancement d’un plan national de lutte contre l’infertilité qui inclurait à la fois un effort en matière de recherche, une formation spécifique des professionnels de santé, ainsi que l’information et la communication auprès du grand public, en particulier des plus jeunes.

Les sous-amendements sont retirés.

M. Patrick Hetzel. L’article 2 bis prévoyait des mesures de lutte contre l’infertilité englobant la prévention et la recherche sur les causes de l’infertilité, notamment comportementales et environnementales. Mais il est également nécessaire de mettre en œuvre une recherche active sur la restauration de la fertilité proprement dite, afin que l’AMP ne soit pas la seule et unique solution offerte aux couples. Tel est l’objet de l’amendement CS426.

M. Xavier Breton. Nous proposons de reprendre l’essentiel de l’article 2 bis, en y ajoutant les « thérapies de restauration de la fertilité ». C’est parce que nos efforts en matière de recherche sont insuffisants que nous orientons tout le monde vers les techniques d’assistance médicale à la procréation, alors qu’il existe d’autres solutions.

M. Patrick Hetzel. La lutte contre l’infertilité doit commencer suffisamment tôt afin que les jeunes, devenus adultes, y soient parfaitement sensibilisés. Tel est l’objet de l’amendement CS449.

M. Xavier Breton. Il faut informer sur l’infertilité dès l’adolescence. Il existe, c’est vrai, une éducation à la vie affective et sexuelle, mais elle est plutôt technique et ne prend pas en compte la question de la fertilité. Or il importe d’informer les jeunes de la baisse de la fertilité avec l’âge, afin qu’ils puissent construire leur vie en toute connaissance de cause.

Mme Sylvia Pinel. Je propose de rétablir l’article 2 bis, tel qu’il a été voté par notre assemblée, en ajoutant que, dans les collèges et les lycées, il y aura également une information et une éducation à la fertilité féminine et masculine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nos collègues sénateurs, s’ils aspirent à une rédaction plus normative, auraient mieux fait d’enrichir l’article 2 bis, au lieu de le supprimer. Cet article me paraît suffisamment précis ; les modalités de réalisation du plan dépendront des ministères de la santé et de l’éducation nationale et je ne crois pas qu’il faille, à ce stade, entrer davantage dans le détail.

Je me réjouis que soient enfin diffusées, dans notre pays, des informations à destination des jeunes sur la santé sexuelle, car nous étions vraiment en retard dans ce domaine. Je reconnais que c’est un sujet un peu différent, mais admettez qu’il y a un lien entre la santé sexuelle et la restauration de la fertilité. Les générations futures devraient être mieux informées que les générations passées.

C’est justement pour que la PMA ne soit pas la seule solution que nous voulons mettre l’accent sur la recherche d’alternatives, en cas d’infertilité. Vous appelez à un effort de recherche, monsieur Breton : je n’ose imaginer que vous vous soyez converti à la nécessité de la recherche sur l’embryon. C’est pourtant l’un des champs de recherche qui pourrait permettre de lutter contre l’infertilité…

Je vous remercie en tout cas d’avoir contribué, par toutes vos réflexions, au rétablissement de cet article, qui est le gage d’une meilleure prise en charge de l’infertilité.

La commission adopte les amendements identiques CS1034, CS582, CS866, CS947 et CS1010.

L’article 2 bis est ainsi rétabli.

En conséquence, tous les autres amendements tombent.

Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3
Droit d’accès aux origines d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Mme Monique Limon, présidente. Nous accueillons à présent Mme Coralie Dubost, rapporteure sur le chapitre II du titre Ier.

Nous allons procéder sur cet article comme sur le précédent. Les amendements CS1040 rectifié de la rapporteure et CS948 de M. Joël Aviragnet, qui proposent une rédaction globale de l’article 3, feront l’objet d’une discussion commune. Lorsque leurs auteurs les auront présentés, je demanderai son avis à la rapporteure. Je donnerai ensuite la parole à quelques orateurs, puis nous examinerons et voterons tous les sous-amendements relatifs à l’amendement CS1040 rectifié.

Amendements CS1040 de la rapporteure et CS948 de M. Joël Aviragnet.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Mon amendement tend à rétablir l’article 3, tel que nous l’avons voté en deuxième lecture. Nous avons trouvé une position d’équilibre, qui reconnaît le droit d’accès aux origines personnelles aux personnes issues d’AMP au moment de leur majorité. C’est une levée partielle, et non totale de l’anonymat, qui est strictement au bénéfice de l’enfant, et non des parents. À sa majorité, l’enfant pourra s’adresser à une commission ad hoc créée par ce texte, qui sera spécialisée et qui aura toutes les autorisations nécessaires en matière de collecte de données.

Permettre aux personnes issues d’une AMP d’avoir accès à leur récit génétique au moment de leur majorité, afin de les aider à se construire, est une vraie révolution culturelle. C’est aussi ce qui fonde la distinction très claire entre le donneur de gènes et les parents, dont nous reparlerons à l’article 4.

M. Gérard Leseul. Nous proposons de rétablir l’article 3 dans la rédaction votée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Nous estimons que toute personne conçue par AMP avec tiers donneur doit pouvoir, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur. Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder au don.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous invite, monsieur Leseul, à retirer votre amendement au profit du mien. Nous visons le même objectif, mais la rédaction que je propose me semble préférable.

Sous-amendement CS1192 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’anonymat du don vise à éviter une relation ambiguë entre donneur et receveur, en particulier à assurer la gratuité du don. Il convient de ne lever l’anonymat qu’en cas de nécessité absolue. C’est pourquoi le terme de « nécessité thérapeutique » est plus pertinent que celui, plus vague, de « nécessité médicale ».

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme en deuxième lecture, nous préférons le terme « médical », qui permet d’englober les soins préventifs, alors que le terme « thérapeutique » ne renvoie qu’aux soins curatifs.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1225 de M. Patrick Hetzel, CS1286 de M. Xavier Breton et CS1818 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le médecin traitant de tout patient a besoin de connaître les antécédents médicaux présents dans sa famille, afin de bien le prendre en charge. Il en est évidemment de même pour les personnes nées d’AMP avec tiers donneur. Il importe donc de ne pas réserver cet accès à une nécessité médicale identifiée, mais de l’autoriser dans le cadre de la prise en charge globale du patient. En cas de nécessité médicale, tout médecin peut avoir accès à ces données.

M. Julien Ravier. Ces données non identifiantes sont particulièrement utiles au médecin traitant pour la prise en charge globale du patient né d’un don avec tiers donneur. Il n’y a aucun intérêt à les masquer.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’alinéa 3 a déjà élargi l’accès aux données non identifiantes d’une personne issue d’un don avec tiers donneur, en substituant la nécessité médicale à la nécessité thérapeutique. Compte tenu du principe d’anonymat du don, nous préférons ne pas multiplier les hypothèses autorisant l’accès à ces données. Je vous invite donc à retirer vos sous-amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1436 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’une précision rédactionnelle. La ou les personnes ayant procédé au don de leurs gamètes et les personnes ayant consenti à l’accueil de leurs embryons ne se confondent pas. On ne peut considérer, à moins de rendre la loi incompréhensible, que la personne conçue à partir de gamètes issus d’un don se confond avec la personne née d’un don d’embryon.

Ces deux pratiques obéissent à des modalités totalement différentes et il est nécessaire de pouvoir les distinguer : c’est pourquoi le don de gamètes ne saurait inclure systématiquement l’accueil d’embryon.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette précision n’est pas utile car l’alinéa dont vous parlez ne concerne que le don de gamètes, et non l’accueil d’embryon. Je vous invite donc à retirer votre sous-amendement.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendements identiques CS1224 de M. Patrick Hetzel, CS1285 de M. Xavier Breton et CS1817 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Donner à un médecin l’accès aux informations médicales non identifiantes de son patient doit lui permettre de le soigner au mieux. Dans ce cadre, il est fort probable que le médecin communiquera tout ou partie des informations au patient. Or cette disposition, couplée avec la levée future de l’anonymat du donneur, constitue une atteinte à la confidentialité du dossier médical.

La personne issue du don qui accèdera, à sa majorité, à l’identité du donneur, détiendra des informations médicales sur l’état de santé de celui-ci. Le donneur aura certes consenti à cette transmission d’informations au moment du don. En revanche, le consentement de la personne issue du don n’aura, par définition, pas été recueilli ; l’atteinte à la confidentialité du dossier médical ne peut en aucun cas lui être imposée : cela reviendrait à violer ses droits fondamentaux.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends votre objectif mais lorsqu’il y a une nécessité thérapeutique ou une anomalie médicale importante, il est essentiel que la personne soit prévenue.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1435 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La notion de parentalité est constamment redessinée par ce texte. Or il convient de rappeler que la parentalité n’est pas seulement intentionnelle, mais qu’elle est aussi génétique : c’est un fait biologique. Les parents sont ceux qui ont un lien de parenté inscrit dans la lignée génétique directe de l’enfant issu d’un homme et d’une femme. Il y a donc quelque chose d’objectif dans la parentalité, que la législation ne remet pas en cause pour l’instant, puisqu’elle obéit au principe de vraisemblance.

Mais, avec ce projet de loi, on voudrait nous faire croire que seule l’intention est la condition de la parentalité, et que celle-ci n’est donc que subjective.

Cette tendance a commencé au moment où, pour désigner une seule et même personne, qu’il s’agisse du père ou de la mère, on s’est mis à parler de géniteur ou de donneur. Il convient de rappeler que la loi n’a pas vocation à être subjective, et donc relative. Elle se doit d’être objective et indexée sur le réel pour offrir à notre société des bases stables et pérennes.

Ce qui ressort du témoignage d’adultes issus d’un don, c’est qu’ils recherchent leurs demi-frères et leurs demi-sœurs. Or on n’est frère et sœur que si l’on a un parent commun. On parle donc bien de parent, et non de géniteur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ils ne recherchent pas des demi-frères ou des demi-sœurs mais des demi-génétiques, comme ils ont eu l’occasion de nous l’expliquer longuement en audition. J’émettrai évidemment un avis défavorable sur votre sous-amendement, qui est contraire à toutes les lois de bioéthique à la française et à notre code civil, puisque vous voulez de nouveau faire du donneur de gamètes un parent, ce qu’il n’est pas.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1226 de M. Patrick Hetzel, CS1287 de M. Xavier Breton, CS1504 de M. Thibault Bazin et CS1819 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toute femme non mariée pose des questions très spécifiques : c’est ce que j’ai appelé « le sujet dans le sujet ». En effet, ne risque-t-on pas de multiplier les situations de vulnérabilité ? Vulnérabilité quant au fait d’élever seul un enfant, d’abord. Le Conseil d’État a jugé excessif le fait de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance. Vulnérabilité matérielle, ensuite, quand on sait que les familles monoparentales sont plus précaires financièrement et constituent un quart de la population pauvre dans notre pays.

D’autre part, ne crée-t-on pas une inégalité majeure entre les enfants qui seront nés de leurs père et mère biologiques, ceux qui n’auront un lien biologique qu’avec un seul des membres du couple, voire aucun d’entre eux, et ceux qui n’auront pas de père ?

Vous êtes en train de créer une rupture anthropologique majeure.

M. Xavier Breton. Il ne faut pas introduire une discrimination entre les enfants qui auront la chance d’avoir un père et ceux qui en seront privés.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous avons déjà eu de très longs débats sur la situation des femmes seules, à propos de l’article 1er. Je rappelle que la monoparentalité choisie n’a rien à voir avec la monoparentalité subie. Si vos amendements étaient adoptés, ils créeraient une discrimination entre les enfants nés d’une PMA au sein d’un couple et ceux qui sont nés d’une femme seule. Les premiers pourraient avoir accès à leurs origines personnelles, et pas les autres. Une telle disposition, du fait de son iniquité, serait censurée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1437 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes pose un certain nombre de problèmes qui ne sont pas encore résolus, alors que le texte passe pour la troisième fois devant notre assemblée.

Je me contenterai de deux exemples. Quid de la précarité des femmes mères célibataires, alors que la crise sanitaire n’a fait qu’aggraver leur précarité ? C’est ce que confirme Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, qui écrit : « La gestion de la parenté devient compliquée avec un revenu unique, car elle ajoute de l’incertitude dans une société déjà précaire et qui précarise encore plus les femmes. »

Quid de la privation organisée, pour certains enfants, de leur père ? On l’a dit, le Conseil d’État a jugé excessif de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance.

Par sagesse, il convient donc d’en rester au droit positif actuel, qui ne permet qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme de recourir à la PMA.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet article ne concerne pas le recours, mais le don. Votre sous-amendement reviendrait à empêcher les femmes seules d’être donneuses dans le cadre d’une AMP, soit de leurs gamètes, soit d’un embryon. Vous créeriez donc une inégalité entre les donneurs. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1438 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel, qui vise à rédiger ainsi l’alinéa 9 de l’amendement : « Lorsque le tiers donneur vise un couple ayant consenti à l’accueil de ses embryons, le consentement du tiers donneur s’entend du consentement exprès de chacun des membres du couple. »

Cela rejoint une discussion que nous avons eue lorsque nous avons examiné l’article 2 bis. Ce point ne me semble pas résolu.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je veux bien admettre que votre sous-amendement est rédactionnel, mais « lorsque le tiers donneur vise un couple » est moins précis que « lorsque le tiers donneur est un couple ». Je préfère que la loi soit rédigée de manière claire et précise. Je demande le retrait du sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1205 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Donner ses gamètes n’est pas un acte anodin. Il convient de s’assurer que, lorsque le donneur est en couple, son conjoint est pleinement associé à cette démarche, qui aura mécaniquement des répercussions dans leur vie. Ce serait plus que judicieux. Je ne reviens pas sur les discussions que nous avons eues lors de l’examen des articles précédents.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. À mon sens, madame Ménard, vous confondez deux situations. Lorsque le donneur est un couple – il s’agit alors d’un don d’embryon –, le consentement exprès de chacun des deux membres du couple est requis. Lorsque le donneur est un individu, homme ou femme, le don est personnel et anonyme, et il n’y a pas lieu de recueillir quelque consentement externe que ce soit, pas même celui du conjoint marié, pacsé ou en concubinage. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1227 de M. Patrick Hetzel, CS1288 de M. Xavier Breton et CS1820 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1227 tend à supprimer les alinéas 10 à 13 de l’amendement de la rapporteure, lesquels visent à permettre la communication des données et de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation.

En effet, ces alinéas bouleverseraient complètement l’édifice normatif construit en 1994. La conception retenue alors, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet d’offrir à l’enfant conçu par le recours à ces techniques une filiation crédible : il peut se représenter comme étant effectivement issu de ceux que la loi désigne comme son père et sa mère.

La levée de l’anonymat soulève la question cruciale du lien de l’enfant avec le donneur de gamètes. Elle pourrait exposer l’enfant à un conflit de loyautés envers ses parents légaux, d’une part, et envers ses géniteurs, d’autre part. Il serait donc sage de supprimer les alinéas en question.

M. Julien Ravier. Le sujet est complexe. Certes, en levant l’anonymat, nous donnerons la possibilité à la personne issue du don de rechercher l’identité du donneur. Celui-ci acceptera peut-être de la rencontrer et d’établir avec elle des liens forts, voire un lien de filiation, s’il le souhaite. En outre, on le sait, les enfants issus du don rechercheront d’éventuels demi-frères ou demi-sœurs. Bref, on modifiera totalement l’édifice normatif construit en 1994, ce qui m’inspire des doutes profonds.

Par ailleurs, je m’inquiète beaucoup pour le don de gamètes. Avec des mesures telles que la levée de l’anonymat, nous risquons d’être confrontés à une véritable pénurie de gamètes, et d’aller tout droit vers leur marchandisation. Il faut être prudent en la matière, même si je comprends les revendications, légitimes, qui ont motivé ces dispositions.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ma réponse vaudra pour d’autres sous-amendements.

Les journalistes nous demandent parfois pourquoi nous passons autant de temps à examiner ce texte. Je constate qu’en cinquième lecture, nous allons répéter exactement les mêmes arguments qu’en première.

En l’espèce, la levée de l’anonymat et l’accès aux données non identifiantes ou identifiantes du donneur n’emporteront jamais, absolument jamais, de filiation. C’est bloqué par l’article 311-19 du code civil, que nous avons lu plusieurs fois. Et il y a fort longtemps que cette filiation est proscrite, puisque cela remonte aux lois Veil de 1994.

Désormais, l’enfant issu du don, devenu majeur, pourra avoir accès à une partie de son récit, strictement génétique, et non parental ou affectif ; il n’y a pas de confusion. En matière d’accès aux origines personnelles, le cœur du dispositif est de permettre aux parents véritables, à savoir ceux qui ont eu recours à l’AMP, de parler avec leur enfant de son histoire, de manière transparente et authentique, et de permettre à l’enfant d’accéder un jour au récit génétique, et non pas parental, je le répète, en toute sérénité et tranquillité. C’est permettre l’altérité dans l’authenticité ; c’est donner un accès à l’intimité et mettre fin au mensonge, tout en continuant à protéger les parents et en respectant le besoin des enfants.

La relation parentale n’est pas en cause. Il ne faut pas inquiéter les couples hétéroparentaux, les couples homoparentaux ou les femmes seules qui s’engagent dans une AMP. Et il n’y a pas non plus d’inquiétude à avoir pour les enfants. Au contraire, ces dispositions vont énormément apaiser.

M. Julien Ravier. Ce sont les donneurs que l’on va inquiéter !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je demande le retrait des sous-amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements identiques CS1227, CS1288 et CS1820.

Sous-amendement CS1193 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sujet est effectivement très complexe. L’accès à l’identité du tiers donneur constitue véritablement une demande récurrente des personnes issues d’un don, qui font état de la souffrance éprouvée de ne pas connaître leurs origines – nous l’avons entendue au cours des auditions. Ce droit fondamental est d’ailleurs inscrit, pour les enfants, dans la Convention internationale des droits de l’enfant, qui s’impose à la France. Celle-ci garantit à tout enfant, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents.

Selon vous, madame la rapporteure – M. Touraine l’a dit lui aussi –, personne ne pourra réclamer un lien de filiation à son géniteur ou au donneur, si celui-ci ne souhaite pas établir un tel lien. Vous dites que ce n’est pas possible, que cela n’arrivera pas et que c’est intangible. C’est effectivement votre intention et ce que vous indiquez dans la loi, mais, dans la réalité, la volonté de retrouver son père ou sa mère ne sera-t-elle pas un rouleau compresseur, comme peut l’être le désir d’enfant – que je comprends tout à fait ? Je vous garantis que si.

Vous n’empêcherez pas une personne qui en a la possibilité de retrouver son donneur et, qui sait, demain – puisque M. Touraine nous a dit hier soir que ce projet de loi n’était qu’une étape –, d’établir avec lui un lien de filiation. Même si ce n’est pas autorisé aujourd’hui, qui empêchera demain un enfant issu d’un don et son donneur, s’ils le souhaitent l’un et l’autre, de faire établir un tel lien ? Pourrez-vous vous y opposer ? Non.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le principe remonte, je le répète, aux grandes lois de bioéthique de 1994. Je vous lis de nouveau l’article 311-19 du code civil : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. » C’est un principe acquis de notre droit civil, depuis plus de trente ans. Nous ne reviendrons pas dessus, car il permet que tout se passe dans la sérénité.

Pour un homme, la filiation par AMP est la plus solide qui existe en droit français, car elle est incontestable. Si un couple hétérosexuel a eu recours à une AMP, le père ne verra jamais la filiation contestée.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1199 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Madame la rapporteure, je suis entièrement d’accord avec tout ce que vous avez dit, à ceci près que le projet de loi apportera un changement : l’enfant issu du don aura accès aux données identifiantes de son géniteur – j’utilise à dessein le terme « géniteur » car vous l’employez vous-même. Dès lors, personne ne pourra l’empêcher de retrouver son géniteur et de le désigner comme son père, s’il en a envie.

Ce que vous décrivez vaudra dans les textes, non dans la vie réelle. De même qu’il est difficile de faire entendre raison à femme qui a un désir d’enfant – et je le comprends –, il sera difficile d’empêcher un enfant de retrouver son père s’il le veut vraiment. Et, si les deux s’entendent bien, qui fera obstacle à l’établissement d’un lien de filiation ? Personne.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’aimerais, madame Ménard, que l’on cesse de parler de « désir de femme », en sous-entendant « caprice de femme ». C’est insultant pour toutes les femmes ; personne ne mérite cela.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce n’est absolument pas insultant ! Et je comprends la douleur de ces femmes.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. En juillet et août 2019, et de nouveau entre la première lecture et la deuxième, nous avons auditionné des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, devenues majeures, qui avaient retrouvé leur géniteur grâce à des tests génétiques. Il y a en outre nombre de documentaires de grande qualité à ce sujet – n’hésitez pas à les regarder en replay si vous le souhaitez. Or jamais aucun des intéressés n’a évoqué la recherche d’un lien de parentalité, qu’il s’agisse de paternité ou de maternité. Ils recherchent toujours un récit génétique ou l’explication de telle caractéristique physique ou de telle aptitude. Ils ont tous été très clairs sur ce point.

L’ambiguïté dont vous faites état tient au regard que vous portez sur l’AMP. Ces gens vont bien : ils sont très clairs dans leur tête. On peut le respecter ; on n’est pas obligé de porter un regard différencié sur eux.

Mon avis est une nouvelle fois défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1445 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Jamais dans mes propos je n’ai manqué de respect à qui que ce soit. Bien au contraire, j’ai énormément de respect pour les femmes qui ont un désir d’enfant, que je trouve absolument légitime. Elles sont souvent en grande souffrance quand elles ne peuvent pas le satisfaire. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai jamais utilisé le terme « caprice », vous ne l’entendrez jamais dans ma bouche ; c’est vous qui l’avez employé.

J’ai assisté aux auditions des associations d’enfants issus d’une AMP avec tiers donneur. Or l’AMP avait dans tous les cas était réalisée au sein d’un couple hétérosexuel.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Non !

Mme Emmanuelle Ménard. C’était le cas lors de toutes les auditions auxquelles j’ai assisté. Et, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, certains parlaient de « demi-frères » ou de « demi-sœurs ».

Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agira d’enfants issus d’une AMP avec tiers donneur élevés dans une famille homoparentale ou monoparentale, je vous garantis que la situation ne sera pas la même : ils rechercheront de facto leur père ; telle sera la réalité, et vous ne pourrez pas l’empêcher. Les dispositions que vous avez lues auront beau être inscrites noir sur blanc dans la loi – je vous donne raison sur ce point –, à partir du moment où les enfants auront accès à l’identité du donneur, vous n’empêcherez pas ceux qui le souhaitent de rechercher un lien de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je maintiens, madame Ménard, que c’est là votre propre regard sur la situation, votre inquiétude à ce sujet. Certains des enfants que nous avons auditionnés étaient issus d’une AMP réalisée à l’étranger par un couple homoparental. Or leurs témoignages allaient dans le même sens : il n’y avait aucune ambiguïté quant à l’objet de leurs recherches. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1201 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il ne me semble pas indispensable d’attendre que l’enfant ait atteint sa majorité pour lui donner accès à l’identité du tiers donneur. À 16 ans, il a accès à son dossier médical partagé, et c’est à mon avis le bon âge pour l’accès à l’identité du donneur, comme je l’ai expliqué lors des précédentes lectures.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Sur le fond, je l’ai dit, je ne suis pas loin d’être d’accord avec vous. Peut-être pourrons-nous, dans les années à venir, abaisser l’âge fixé. À ce stade, il me semble plus raisonnable de le maintenir à 18 ans, car c’est la première fois que nous levons partiellement l’anonymat. En outre, la majorité correspond à la maturité et à l’exercice de nouvelles libertés et responsabilités.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements CS1443 et CS1195 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ces deux sous-amendements ont le même objectif que le précédent : permettre l’accès à l’identité du donneur dès 16 ans, âge auquel l’adolescent reçoit sa carte Vitale et a accès à son dossier médical partagé. Il est illusoire de penser que l’on pourra garder les intéressés dans un cocon entre 16 et 18 ans et s’abstenir de leur révéler les données relatives à leur géniteur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le sous-amendement CS1443 tend à supprimer « à la majorité ». Dès lors, l’enfant aurait potentiellement accès à ces données à tout âge. Avis défavorable sur les deux sous-amendements.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements CS1197, CS1442 et CS1203 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendement CS1451 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je reviens sur une discussion que nous avons déjà eue. Compte tenu des incidences de l’accès à l’identité du donneur, à savoir de possibles démarches ou visites de la personne issue du don pour se rapprocher de son géniteur ou du donneur, il me paraît nécessaire de recueillir le consentement de l’autre membre du couple si le donneur est en couple.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1452 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est similaire au précédent, mais cible les personnes qui ont choisi de se marier, donc de s’engager l’un vis-à-vis de l’autre et de s’acquitter de devoirs spécifiques liés à l’institution même du mariage. Compte tenu des conséquences nouvelles entraînées par la levée de l’anonymat du donneur, il convient de prévoir une impossibilité de procéder au don en cas de refus du conjoint de la personne souhaitant procéder au don.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les sous-amendements CS1209 et CS1448 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1229 de M. Patrick Hetzel, CS1290 de M. Xavier Breton et CS1822 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement. Le sous-amendement CS1229 tend à insérer une phrase en ce sens.

Madame la rapporteure, lors de vos échanges avec Mme Ménard, vous avez écarté l’idée selon laquelle certains adultes issus d’un don, qui vivent parfois dans une grande souffrance, rechercheraient très fortement un lien de paternité ou de maternité. Or vous ne pouvez pas balayer cette question d’un revers de main ; vous ne pouvez pas vous contenter de considérer que le problème ne se pose pas. C’est bien parce que nous pensons que ces problèmes apparaîtront qu’il faut être très prudent lorsqu’on entend modifier la loi.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ne transformez pas mes propos ! Je vous invite à rencontrer les associations Origines et PMAnonyme, et à lire les témoignages qu’elles ont publiés dans plusieurs livres très intéressants. Je répète avec une grande certitude ce que j’ai dit tout à l’heure : la souffrance éventuelle tient à l’absence non pas de lien de parentalité, mais de récit génétique. Les intéressés sont heureux de leurs parents ; cela ne modifie pas leurs relations familiales. L’enjeu est non pas familial, mais individuel. Il a trait à la construction, au récit, notamment génétique.

M. Patrick Hetzel. Je ne suis pas d’accord.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est que vous portez un regard différencié sur les personnes issues d’une AMP. Les témoignages qui nous ont été fournis ne vont pas dans le sens que vous évoquez. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1230 de M. Patrick Hetzel, CS1291 de M. Xavier Breton et CS1823 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il convient de répondre à la situation dans laquelle l’enfant est issu d’un don d’embryon. Le sous-amendement CS1230 tend à lui donner la possibilité d’accéder dans tous les cas à l’identité et aux données non identifiantes du donneur.

Madame la rapporteure, vous avez étayé votre thèse par des éléments juridiques. Or, en la matière, le droit manque singulièrement de stabilité : il évolue presque chaque jour, d’ailleurs souvent sous la pression des souffrances exprimées par les intéressés. Ainsi, les personnes trans peuvent désormais faire inscrire à l’état civil leur sexe ressenti, alors même que leur corps est toujours du sexe opposé.

À un moment donné, le droit évoluera. Avec le texte que vous proposez, la France risque d’être condamnée demain par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir interdit l’établissement d’un lien de filiation. Je ne vois pas comment vous pourriez garantir que tel ne sera pas le cas. Même sur le terrain strictement juridique, je réfute ce que vous avancez.

M. Julien Ravier. Le sous-amendement CS1291 vise à corriger une inégalité entre les enfants issus d’un don de gamètes et les enfants issus d’un don d’embryon quant à la possibilité d’accéder aux données non identifiantes du donneur.

Madame la rapporteure, je me réfère à mon tour aux auditions menées par la commission spéciale, même si j’en suis devenu membre tardivement. Avec l’ouverture de l’AMP aux femmes seules, il est certain que la recherche de la figure paternelle et de l’identité du donneur va s’accentuer, puisque les enfants auront uniquement un référent maternel. Même si le code civil proscrit l’établissement d’un lien de filiation légal, le problème de la construction d’un lien de paternité se posera, tant pour le donneur que pour l’enfant issu du don. Personne d’entre nous ne peut dire le contraire.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une fois n’est pas coutume, je tiens à défendre les hommes des couples hétéroparentaux, car vous les malmenez dans ces débats. Ce que vous dites laisse supposer qu’un homme ayant élevé pendant dix-huit ans son enfant issu d’une AMP avec tiers donneur pourrait ne plus être, du jour au lendemain, un père satisfaisant pour cet enfant, parce que celui-ci aurait recueilli un récit génétique. C’est impensable !

M. Julien Ravier. Vous n’avez pas écouté ! J’ai parlé des familles monoparentales.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le père est celui qui élève l’enfant. Arrêtez de conférer une autre dimension au donneur et au récit génétique, et n’attribuez pas aux enfants concernés d’autres demandes ou besoins que ceux qu’ils formulent eux-mêmes. Ils sont satisfaits de leur relation paternelle. Pour ma part, je me garderai d’offenser les hommes dont la paternité résulte d’une AMP. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1228 de M. Patrick Hetzel, CS1289 de M. Xavier Breton et CS1821 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. En laissant au tiers donneur le choix de divulguer ou non son identité, le Gouvernement va créer une inégalité entre les enfants issus d’un donneur qui aura accepté de donner l’accès à son identité et ceux issus d’un donneur qui l’aura refusé. La règle part d’une bonne intention, mais vous allez créer des situations de discrimination. Des enfants ou de jeunes adultes se plaindront probablement demain de ne pas avoir été traités de manière équitable. Certes, le problème ne se posera que dans dix-huit ou vingt ans, mais, lorsqu’on fait la loi, on doit se préoccuper de telles questions. Or vous faites comme si nous vivions dans un monde idéal, comme si tout était parfait. Je tiens à le dire solennellement, nous jouons aux apprentis sorciers. Dès lors, assumez-le.

M. Julien Ravier. Je souscris aux propos de Patrick Hetzel : la règle part d’une bonne intention, mais on va créer, là encore, des inégalités ou des discriminations entre les enfants issus d’un don qui recherchent leur géniteur : seuls certains d’entre eux auront accès à l’identité du donneur, parce que celui-ci en aura décidé ainsi.

Je reviens sur l’échange précédent. Je parlais non pas des familles hétérosexuelles, mais des familles monoparentales féminines, où il n’y a aucune représentation masculine. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les familles homoparentales féminines. Dans ces familles, la recherche d’un lien de paternité va s’exprimer avec plus d’acuité, ce qui va poser des difficultés.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je ne reviens pas sur la discussion précédente, car Jean-Louis Touraine et moi-même vous avons amplement répondu sur la question de la place ou non d’un homme dans le cadre du projet parental d’une femme seule ou d’un couple de femmes. Quand bien même nous y consacrerions douze lectures, nous ne tomberions pas d’accord.

S’agissant de vos sous-amendements, je suis d’accord sur le fond. Ils sont d’ailleurs satisfaits par mon amendement. J’en demande donc le retrait.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1447 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1505 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Le donneur pourra consentir à la communication de son identité et de données non identifiantes le concernant. Il convient de s’assurer que, lorsque le donneur est en couple, son conjoint est pleinement associé à cette démarche, qui aura mécaniquement des répercussions dans leur vie.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1212 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de précision vise à insérer l’alinéa suivant dans l’amendement de la rapporteure : « Lors du recueil du consentement, il est proposé aux personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou consentir à l’accueil de leurs embryons, d’accepter la communication de leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, ainsi que leurs coordonnées postales, téléphoniques et électroniques. Leur refus ne constitue pas un obstacle au don. »

Si le donneur l’accepte, le recueil de ses coordonnées complètes permettra une identification aisée par la personne issue du don. Cela permettra en outre au donneur de mesurer totalement la portée de son don et de l’accès à son identité. Il pourrait notamment être amené à rencontrer l’enfant, si celui-ci fait une démarche en ce sens.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1215 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise à apporter une précision allant dans le même sens, mais sa formulation est un peu différente : il n’y est pas fait référence au numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous souhaitez rendre plus opérationnelle la levée partielle de l’anonymat au bénéfice de l’enfant. Je vous annonce que nous préparons avec le Gouvernement des mesures qui permettront le recueil de certaines informations. Nous en débattrons en séance publique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1223 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai maintenu le sous-amendement précédent, car cela me permettra de le déposer de nouveau pour la séance publique. En l’espèce, nous avons le même but.

Dans le même ordre d’idées, le sous-amendement CS1223 vise à insérer dans l’amendement l’alinéa suivant : « Le donneur s’engage à actualiser ses données. » En effet, les données non identifiantes ou l’identité du donneur sont susceptibles d’être modifiées entre le moment du don et le moment où la personne issue du don y accédera. Dès lors, il serait bon qu’elles soient actualisées dans l’intérêt de la personne issue du don, notamment pour le cas où celle-ci souhaiterait entrer en contact avec le donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, je demande le retrait du sous-amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1207 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1231 de M. Patrick Hetzel, CS1292 de M. Xavier Breton et CS1824 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans le même objectif de lever l’anonymat du donneur, le sous-amendement vise à compléter l’alinéa 12 de l’amendement CS1040 rectifié par la phrase suivante : « Les membres de sa famille ne peuvent s’y opposer ».

Les expériences relatées à l’étranger montrent qu’une fois le donneur décédé, les membres de sa famille cherchent souvent à s’opposer à la levée de l’anonymat. La précision permettra d’éviter des procédures judiciaires coûteuses, longues et fastidieuses aux personnes qui recherchent l’identité de leur donneur.

M. Patrick Hetzel. Les expériences d’autres pays, qui ont appliqué une législation différente, montrent qu’au décès du donneur, certaines familles s’opposent à la levée de l’anonymat. Il s’agit donc de sous-amendements de précision, et si Mme la rapporteure émet un avis défavorable, elle devra en donner les raisons car on ne peut être sûr que les membres de la famille ne s’opposeront pas à la levée de l’anonymat ? Les études juridiques montrent que le risque d’opposition est très élevé, si rien n’est écrit.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord. Sur la forme, la précision est inutile car le consentement est individuel. Pour les membres de la famille, il n’y aura pas de possibilité d’agir. Le fait que la filiation soit proscrite entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP permet d’éliminer les champs d’intérêt à agir. Je ne connais pas les cas que vous citez à l’étranger – peut-être pourrez-vous les présenter. En droit français, la précision est inutile.

C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos sous-amendements. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1456 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 14 prévoit que le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon. On ne peut pas « donner » un embryon. On peut seulement consentir à son accueil. Il convient de corriger l’amendement CS1040 rectifié en conséquence.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends la proposition mais elle est couverte par la notion de don, que nous avons besoin de conserver d’un point de vue législatif. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1394 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Leseul. Il vise à compléter les informations relatives aux antécédents, pour permettre de recueillir les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents. Le recueil de l’état de santé du donneur lors du don est essentiel. Il présente toutefois un intérêt relatif dans la mesure où la plupart des donneurs sont en bonne santé à ce moment. C’est pourquoi il paraît utile de recueillir également les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous en avons longuement débattu en première et deuxième lecture dans l’hémicycle. Le ministère de la solidarité et de la santé avait précisé les nombreux tests génétiques auxquels les personnes sont soumises avant d’être acceptées comme donneurs. Une telle précision n’est pas nécessaire. Ce sont les données non identifiantes recueillies au moment du don qui seront transmises, non des données médicales.

Par ailleurs, la partie du texte dont mon collègue, Philippe Berta, est le rapporteur contient des dispositions relatives à la parentèle génétique, si une anomalie génétique est détectée. A priori, les personnes présentant des anomalies génétiques sont exclues du don.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1248 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Au lieu d’éléments subjectifs, fournis par le donneur, il est préférable de collecter des données médicales objectives, qui seront pertinentes lorsque l’enfant sera né.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends la demande mais la formulation « leur état de santé précis » semble très vague, selon les considérations subjectives et objectives de la personne. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1395 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Leseul. Dans le même esprit que le sous-amendement CS1248, celui-ci vise à permettre au donneur de laisser toute donnée non identifiante, qui lui paraîtrait utile, au moment du recueil de son consentement.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme en première et deuxième lecture, cet ajout risque de créer des inégalités entre les personnes issues du don. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1232 de M. Patrick Hetzel, CS1252 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1293 de M. Xavier Breton et CS1825 de Mme AnneLaure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1232 vise à supprimer l’alinéa 20 de l’amendement CS1040 rectifié de la rapporteure, qui inclut les motivations du don, rédigées par le donneur, parmi les données non identifiantes. L’expression des motivations ne présente d’intérêt pour la personne issue du don que si elle est sincère et correspond à la réalité. Dans la mesure où ce point n’est pas vérifiable, il serait pertinent de supprimer cet élément.

Mme la rapporteure a qualifié de « très vague » la précision de Mme Ménard concernant l’état de santé. J’utilise le même argument : les « motivations du donneur » sont vagues. Il ne convient pas de les maintenir.

M. Julien Ravier. N’ayant pas participé aux auditions, je suis curieux de connaître l’intérêt d’afficher les motivations du don, qui sont des éléments difficilement vérifiables et subjectifs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les auditions ont permis de recueillir les témoignages de parents ayant vécu une AMP avec tiers donneur, et d’enfants issus d’une AMP. Il apparaît de manière constante que ces derniers sont à la recherche d’un récit, non familial, mais personnel, individuel, identitaire, génétique. Les motivations du don s’inscrivent dans ce récit. Il n’y a pas de confusion avec un récit familial. Il peut être intéressant pour les personnes issues d’AMP, qui sont devenues majeures, de bénéficier dans leur récit des motivations de leur donneur, et, ainsi, de donner une historicité à leur arrivée.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1250 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de repli vise à supprimer la fin de l’alinéa 20. La commission sénatoriale a introduit le contrôle de la rédaction des motivations, afin d’éviter dans la mesure du possible toute rédaction qui pourrait avoir un impact négatif sur la personne née d’une AMP avec donneur, après sa majorité.

Un tel contrôle semble en contradiction avec la philosophie de la loi : soit l’on considère que le donneur est responsable et conscient de la portée de son geste pour accomplir son don, et aucun contrôle de la rédaction de ses motivations ne peut être envisagé ; soit l’on considère qu’il est irresponsable et que la motivation de son don est biaisée. Le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) devrait alors refuser de recevoir son don. Sur ce sujet, il ne peut y avoir de demi-mesure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par la rédaction de l’amendement CS1040 rectifié, où l’assistance par le personnel médical est supprimée. Les motivations des donneurs sont rédigées par leurs propres soins.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1244 de M. Patrick Hetzel, CS1303 de M. Xavier Breton et CS1832 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement apporte des précisions après l’alinéa 20. On connaît la difficulté, pour les personnes nées sous X, de retrouver un donneur après une longue période. Le numéro de sécurité sociale a le mérite d’être invariant et efficace pour atteindre ce but. Son utilisation aura pour unique finalité de rechercher les donneurs.

Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas rejeter certains arguments sous le prétexte qu’ils ont déjà été présentés puisque, manifestement, vous retravaillez vous-même des points qui seront précisés dans l’hémicycle. Il est nécessaire que les dispositions puissent être affinées.

M. Julien Ravier. Le numéro de sécurité sociale paraît un élément essentiel pour identifier le donneur. On peut se demander ce qui s’opposerait à son recueil. L’objectif est de fournir des données non identifiantes et de lever l’anonymat.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous demande de retirer temporairement les sous-amendements, qui portent sur une mesure que nous travaillons pour la séance. Je m’en réjouis car nous pourrons ainsi la voter ensemble dans l’hémicycle. D’autres amendements viendront la préciser, pour la rendre opérationnelle. En revanche, les lignes politiques de fond n’ont pas bougé.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1233 de M. Patrick Hetzel, CS1294 de M. Xavier Breton et CS1826 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Après l’alinéa 21, il est important d’apporter la précision : « Les informations recueillies ont pour unique vocation de renseigner l’enfant issu du don à sa majorité. » Pour ces questions, cela va mieux en le disant – en l’occurrence, en l’écrivant dans la loi.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous sommes d’accord sur le fond. L’ajout est toutefois déjà présent dans le texte. Le sous-amendement est donc superfétatoire car satisfait. Demande de retrait. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1237 de M. Patrick Hetzel, CS1297 de M. Xavier Breton et CS1828 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. À l’alinéa 22 de l’amendement CS1040 rectifié de la rapporteure, il s’agit d’ajouter après le mot « dons » les mots « avec la mention du centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains dans lequel ils ont effectué leur don ». Pour un meilleur contrôle, il est utile que le fichier de l’ABM note le nom du CECOS auprès duquel le donneur a procédé au don.

M. Xavier Breton. Il est utile d’indiquer le nom du CECOS auprès duquel le donneur a procédé au don. La mention ne figure pas dans le texte.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends l’objectif du sous-amendement mais cet ajout entre davantage dans le champ du règlement que de la loi. La nature des données collectées sera précisée par décret et soumise à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Aussi, je vous demande de retirer les sous-amendements. À défaut, avis défavorable.

M. Xavier Breton. Je retire le sous-amendement CS1297. Je le redéposerai et interrogerai le ministre en séance, afin d’obtenir des garanties.

Les sous-amendements sont retirés.

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 21 heures ([5])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme Monique Limon, présidente. Chers collègues, nous reprenons la discussion commune des amendements CS1040 rectifié de la rapporteure et CS948 de M. Joël Aviragnet, qui font l’objet de nombreux sous-amendements.

Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3 (suite)
Droit d’accès aux origines d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Sous-amendement CS1468 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1239 de M. Patrick Hetzel, CS1299 de M. Xavier Breton et CS1829 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’insérer, après le vingt-deuxième alinéa de l’amendement de la rapporteure, un alinéa ainsi rédigé : « Ces données permettent également à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives au don de gamètes prévu à l’article L. 1244-4 du code de la santé publique. » Afin d’assurer l’exhaustivité et la fiabilité de son fichier, cette agence doit pouvoir récupérer auprès des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) les données relatives aux anciens donneurs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette disposition, qui avait été adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, est rétablie dans mon amendement. Demande de retrait ou avis défavorable.

Les sous-amendements sont retirés.

Sous-amendement CS1461 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il convient de préciser que seule la personne issue de l’assistance médicale à la procréation (AMP) avec donneur ou de l’accueil d’un embryon aura accès aux données relatives aux donneurs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Votre précision est déjà satisfaite par la rédaction du futur article L. 2143-2 du code de la santé publique. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1462 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de supprimer les mots « à sa majorité » parce que l’enfant issu d’une AMP avec tiers donneur doit pouvoir accéder aux données non identifiantes ou à l’identité du donneur dès qu’il le souhaite. Cette requête doit émaner de l’enfant issu du don, même s’il est mineur, et non de ses parents.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous ne souhaitons pas aller en deçà de la majorité pour cette première étape de levée partielle de l’anonymat. De plus, votre amendement n’atteindrait pas l’objectif poursuivi puisqu’il ne concerne que la saisine de la commission et non l’exercice d’un droit. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1460 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Pour un meilleur contrôle, il serait utile que le fichier de l’Agence de la biomédecine note le nom du CECOS auprès duquel le donneur a procédé au don. Cela me semble indispensable pour l’enfant issu du don.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une telle mesure relève du domaine réglementaire ; elle pourra être discutée avec le ministre en séance. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1240 de M. Patrick Hetzel, CS1300 de M. Xavier Breton et CS1830 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’objectif est de revenir à la version du Sénat, qui a préféré confier au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), qui existe depuis 2002, les missions d’accès aux origines des personnes conçues par AMP avec tiers donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous préférons constituer une commission ad hoc en relation avec l’Agence de la biomédecine, car elle nous semble plus adaptée aux besoins des enfants issus d’une AMP avec tiers donneur. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1236 de M. Patrick Hetzel, CS1296 de M. Xavier Breton et CS1827 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter le vingt-cinquième alinéa de l’amendement par la phrase suivante : « Si cette personne est un majeur protégé, elle effectue elle-même sa demande. » Cette précision permet de prendre en considération le cas des majeurs protégés, non traité par l’amendement.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette précision est inutile car cela est déjà prévu dans le statut des majeurs protégés. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1862 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. L’objectif est de permettre au tiers donneur de s’adresser à la commission prévue à l’article L. 2143-6 pour avoir connaissance du nombre d’enfants nés grâce au don qu’il a effectué, ainsi que leur sexe et leur année de naissance.

Mme Coralie Dubost, rapporteur. Comme vous, j’ai entendu cette demande émanant des associations de donneurs. Elle est toutefois en totale contradiction avec la philosophie du texte, qui réaffirme l’un des grands principes de l’éthique à la française, à savoir le désintéressement du don, qui implique un dessaisissement. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1463 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite remplacer les mots « recueillir et d’enregistrer » par « solliciter et d’enregistrer le cas échéant », car cela est plus respectueux des anciens donneurs. Leur consentement n’ayant pas été recueilli au moment du don, il sera sollicité et non pas recueilli car il n’est pas acquis qu’ils le donnent, certains donneurs ayant fait des dons justement parce qu’ils avaient l’assurance que leur identité ne serait pas révélée.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous êtes trop habile, madame Ménard, pour ne pas percevoir les conséquences juridiques qu’aurait le remplacement du terme « recueillir » par celui de « solliciter ». Cela supposerait en effet de recontacter l’ensemble des anciens donneurs, même en l’absence de demande d’un enfant issu d’une AMP devenu majeur. Ce serait donc plus intrusif. Se limiter au recueil du consentement nous paraît être un très bon compromis. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1464 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. C’est un sous-amendement de cohérence. Je répondrai simplement à la rapporteure que « recueillir » implique évidemment qu’on n’a pas le choix : vous faites comme si le consentement était évident. À l’inverse, si vous sollicitez le consentement, le donneur a la faculté de refuser. Je comprends que cela soit plus compliqué à organiser, mais c’est aussi plus juste.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’aime beaucoup les débats linguistiques mais je pense qu’on ne recueille que ce qui est transmis et qu’on n’arrache pas un consentement : on l’accueille. Quant au sous-amendement que vous présentez, c’est un faux rédactionnel puisqu’il est déjà satisfait par l’amendement. Demande de retrait.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1466 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Encore un débat linguistique : la loi ne prévoit pas le don d’embryon mais l’accueil de celui-ci. Il me semble donc préférable d’utiliser le vocabulaire adéquat.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends votre demande dans la mesure où l’article 1er a été modifié, sauf qu’il ne s’agit pas d’abandonner mais de donner : les conséquences juridiques sont différentes. Il faut donc maintenir le terme de « don ». Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1467 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il convient de préciser que seule la personne issue d’un don de gamètes ou d’un accueil d’embryon peut faire la démarche. Les bénéficiaires du don ou de l’accueil d’embryon en particulier ne sont pas concernés.

Je reviens sur la distinction entre le don et le consentement à l’accueil : même s’il s’agit effectivement d’un don, on ne peut pas donner un embryon car il s’agit d’un être en devenir.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’article 3 vous donne entière satisfaction car il vise toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. C’est très clair : cela ne concernera personne d’autre. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement CS1471 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendement CS1472 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de compléter l’alinéa 39 par les mots « dont deux médecins dont l’expertise médicale auprès des enfants notamment est reconnue en la matière. » Il est en effet étonnant que la présence de médecins au sein de cette commission ne soit pas expressément requise puisqu’il s’agit de régler des problèmes rencontrés par des enfants issus d’une procréation médicalement assistée (PMA). L’expertise de médecins dans cette commission serait la bienvenue.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’alinéa 39 prévoit la présence dans cette commission de quatre personnalités qualifiées en matière d’AMP. Je ne doute pas que l’on compte, parmi ces quatre personnalités, des membres du corps médical. Il faut cependant conserver une certaine souplesse dans le choix des spécialités médicales ; cela relève du domaine réglementaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1474 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Défendu. J’aimerais revenir sur le sous-amendement précédent : je ne doute pas qu’il pourrait y avoir des médecins parmi les quatre personnalités qualifiées, mais entre ne pas douter et l’écrire explicitement dans la loi, il y a une nuance. Entre des représentants d’association, même experts, et des médecins, il y a quand même une différence. Il est donc important de préciser dans la loi, même si c’est contraignant, que des médecins doivent être présents dans cette commission.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les représentants d’association ne figureront pas parmi les personnalités qualifiées, pas plus que les magistrats, les représentants d’association ou des ministères : cela laisse un champ large aux spécialistes. Tout cela sera précisé par décret en Conseil d’État : si vous voulez des précisions, je vous suggère de poser vos questions au ministre dans l’hémicycle.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1473 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite que la commission comprenne deux représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Celle‑ci est née de la volonté d’organiser le dialogue entre les familles et les pouvoirs publics. Le rôle des familles est plus que jamais essentiel et s’appuyer sur l’expérience de l’UNAF, qui est riche d’une histoire commencée en 1945, serait bénéfique pour tous.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le texte prévoit déjà la présence de six représentants d’association, ce qui laisse une liberté de choix. L’UNAF est une grande association, qui sera très probablement représentée, mais c’est le décret en Conseil d’État qui le précisera. Demande de retrait.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1469 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 45, la référence au don d’embryon par l’accueil d’embryon, pour utiliser le vocabulaire adéquat.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le don se situe du point de vue du donneur et l’accueil du point de vue du receveur. Or l’article 3 traite du donneur : il me semble donc utile de maintenir la référence au don. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1470 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise à préciser qu’il convient de communiquer sans délai les données demandées par le CNAOP.

Pour revenir à l’accueil de l’embryon, je ne me place pas du tout du côté du receveur, mais bien du côté du donneur ; ce n’est pas une question de curseur. Je fais cette distinction parce que l’embryon n’est pas un objet et n’a donc pas à être donné. Il peut être accueilli ; le couple permet l’accueil de son embryon mais ne le donne pas.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. On ne donne pas que des objets : on peut aussi donner de l’humanité, des sentiments, de l’émotion, de l’amour ! Parler de don ne réduit pas l’embryon à l’état de chose.

Concernant votre sous-amendement, la précision « sans délai » me semble peu adaptée car il peut y avoir un délai entre le moment où la demande intervient et celui où la réponse peut être donnée. Le délai raisonnable est toujours sous-entendu dans notre droit positif ; il est de deux à trois mois pour les juridictions administratives, et je ne doute pas que cela ne changera pas dans le cadre de ce texte. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement CS1476 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1241 de M. Patrick Hetzel, CS1301 de M. Xavier Breton, CS1475 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1831 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer l’alinéa 56, qui permet la communication des données et de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation. Cela bouleverse complètement l’édifice normatif construit en 1994. Cela risque de créer des inégalités entre les enfants qui auront connaissance de leurs origines et les autres. La levée de l’anonymat soulève aussi la question cruciale du lien de l’enfant avec le donneur de gamète.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ces sous-amendements vont à contresens de la réforme et du progrès que constitue pour les enfants issus d’AMP la possibilité d’accéder à leurs origines personnelles. Cela ne contrevient en rien au principe éthique à la française, à savoir qu’il n’y a aucun échange d’information entre le donneur et le receveur, avant ou au moment du don. Cela se fera seulement au bénéfice de l’enfant né de ce don. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements CS1478 et CS1479 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1793 de M. Patrick Hetzel, CS1797 de M. Xavier Breton et CS1834 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement au moment du don. Ce consentement doit être transmis à l’organisme mentionné dans le code de la santé publique lorsque le donneur forme toujours un couple avec cette personne. Par ailleurs, le droit actuel ne pose aucun problème : pourquoi dès lors changer quelque chose qui donne satisfaction ?

Mme Anne-Laure Blin. C’est une question de cohérence : il est nécessaire que le conjoint puisse également donner son accord.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Dans le cadre d’un don d’embryon, chaque membre du couple a déjà donné son consentement. Nous ne voulons pas d’un double consentement : dès lors que vous avez donné votre consentement à la levée de l’anonymat des données identifiantes et non identifiantes, il n’y a pas à rechercher de deuxième consentement. Concernant le don de gamètes, il n’est pas réclamé de consentement au conjoint du donneur. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1506 de M. Thibault Bazin.

Mme Annie Genevard. L’alinéa 61 vise à supprimer les embryons humains proposés à l’accueil, dont le nombre peut être évalué à 12 000, ainsi que les gamètes issus de dons antérieurs au vote de la loi. Cette destruction soulève un enjeu éthique évident. Le sous-amendement vise à distinguer le sort des embryons – en les excluant du champ du texte – de celui des gamètes.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il est nécessaire d’instituer ce régime pour appliquer le nouveau cadre légal. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1507 de M. Thibault Bazin.

Mme Annie Genevard. Ce sous-amendement vise à ce que l’on recueille l’accord exprès des couples donneurs avant de mettre fin aux soins conservatoires des embryons humains qu’ils avaient initialement donnés à un autre couple. Nous comprenons votre logique, mais la destruction de 12 000 embryons soulève une interrogation éthique. La bioéthique revient toujours à concilier des considérations morales et éthiques avec les possibilités offertes par la science et la technique. En l’occurrence, nous ne recevons pas de réponse : on nous dit qu’il faut le faire parce que la loi l’exige.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si nous offrions cette faculté après la promulgation du texte, cela entraînerait des discriminations entre les personnes issues du don. Il est également possible de donner les embryons à la recherche, ce qui n’entraîne pas systématiquement leur destruction. Pour entrer dans le nouveau régime, nous n’avons pas d’autre choix que d’utiliser de nouveaux embryons. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1480 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement vise à supprimer les alinéas 63 et 64, qui entraîneront la destruction de 12 000 embryons humains. Mme Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, nous avait expliqué que l’on n’avait d’autre choix que de les détruire, car il serait anxiogène pour les personnels des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) de devoir gérer deux régimes juridiques distincts, selon que les embryons humains relèvent de l’ancien ou du nouveau régime. Je m’interroge sur l’anxiété qu’éprouveront ces mêmes personnes lorsqu’elles devront supprimer les 12 000 embryons. De quelle façon seront-ils traités ? Ce ne sont pas des matières premières lambda, tout juste bonnes à la destruction ou à la recherche. Il faut les protéger et non les supprimer : c’est une exigence éthique, qui a toute sa légitimité dans une loi dite de bioéthique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les raisons précédemment évoquées – qui tiennent non à l’anxiété mais aux discriminations –, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1483 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Compte tenu du dommage qui sera causé aux enfants issus du don par l’impossibilité d’accéder à leurs origines, il faut mettre un terme au plus tôt à l’utilisation de gamètes impliquant l’anonymat du donneur. Il y a là une discrimination entre les enfants nés d’un don, selon que celui-ci relève de l’ancien ou du nouveau régime.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends votre objectif, mais la durée que vous proposez est trop courte pour permettre la mise en place du nouveau régime. La loi offrira la possibilité aux enfants issus de l’AMP relevant du régime antérieur d’accéder à leurs origines personnelles. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1481 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. C’est un sous-amendement de cohérence.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il est déjà satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1795 de M. Patrick Hetzel, CS1799 de M. Xavier Breton et CS1836 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le don de gamètes ayant une incidence sur la vie du couple, il est essentiel que le conjoint du donneur donne son consentement. Madame la rapporteure, vous jouez sur les mots, puisque vous affirmez qu’il n’y a pas systématiquement de destruction des embryons, dans la mesure où certains d’entre eux sont donnés à la recherche. Le don à la recherche équivaut pourtant à une destruction, puisque l’embryon est utilisé comme un matériau. La manière dont vous formulez les choses est troublante.

Mme Annie Genevard. Nous considérons que, lorsqu’une personne en couple fait don de ses gamètes, cette décision engage l’autre membre du couple, d’autant plus que, par cette loi, l’accès aux données identifiantes, voire à l’identité du donneur, sera possible.

Mme Anne-Laure Blin. Cette décision concernant le couple, il est nécessaire de solliciter l’accord du conjoint.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous considérons, à l’inverse, que cette décision ne relève pas du couple, puisqu’il n’y aura pas, par la suite, d’engagement relationnel, affectif. Il y a seulement un don de matériel génétique, qui n’engage pas le couple mais le seul donneur. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1794 de M. Patrick Hetzel, CS1798 de M. Xavier Breton et CS1835 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, l’argument est réversible. Si, dix-huit ans après le don, il est possible d’identifier le donneur, on ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. Le don a une incidence sur l’autre membre du couple. Votre vision très individualiste du rapport à la société est assez inquiétante. On peut se demander, à vous écouter, pourquoi certains se sont tant battus pour voir reconnaître le mariage entre personnes de même sexe. Vous ne pouvez pas dire tout et son contraire.

Mme Annie Genevard. L’enfant qui, à sa majorité, aura connaissance de l’identité du donneur, pourra souhaiter le rencontrer. Ne croyez-vous pas que toute la famille – le conjoint comme les enfants – en sera affectée ? J’en suis pour ma part convaincue.

Mme Anne-Laure Blin. Je faisais référence tout à l’heure aux dispositions introduites dans l’amendement de Jean-Louis Touraine concernant l’incitation faite aux familles d’expliquer aux enfants qu’ils sont nés par PMA. Nous avons dit qu’il n’appartenait pas au législateur de s’immiscer dans les pratiques familiales et d’entrer dans ce niveau de détail. En l’occurrence, le don de gamètes aura nécessairement une incidence sur la vie familiale. Juridiquement, l’accord du conjoint est nécessaire dans divers domaines, en dehors de la bioéthique, par exemple lors de la souscription d’un prêt bancaire. Aux termes de la loi, le donneur n’aura pas besoin de l’accord de son conjoint, ce qui est incohérent.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Lorsqu’on souscrit un prêt bancaire, l’accord du conjoint est requis car cela engage le patrimoine du couple pour l’avenir. Quand vous donnez des gamètes, vous n’engagez pas, sur le moment, un patrimoine affectif et familial. Il n’y a pas de filiation possible entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP. Si la personne issue de l’AMP, devenue majeure, accède à l’identification du donneur et souhaite le rencontrer, ce dernier n’a pas l’obligation de répondre à la demande et de nouer une relation. Nous nous refusons à présupposer un engagement, et nous distinguons le donneur des parents. Il n’est pas nécessaire de vérifier l’accord du conjoint, car le don n’aura pas d’incidence sur la vie familiale. J’ai entendu, tout au long de la navette, que c’était votre préoccupation. L’établissement d’une filiation entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP, proscrite en 1994, demeure interdite : il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet. Cela n’arrivera pas. Les personnes issues d’un don recherchent un récit génétique, non familial. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1484 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les embryons humains, qui sont des êtres humains en devenir ou, autrement dit, la première manifestation de l’être humain, ne peuvent évidemment être traités comme des matières premières. C’est pourquoi il me semble indispensable que le couple qui choisit de faire accueillir son embryon puisse décider de mettre fin aux soins conservatoires, ou de les poursuivre.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les raisons précédemment exposées, l’avis est défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1485 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendement CS1396 de M. Joël Aviragnet.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ce sous-amendement vise à solliciter l’accord exprès des donneurs pour la poursuite de l’utilisation de leurs gamètes après le vote de la loi. Il serait en effet regrettable de détruire le stock de gamètes existant sans recueillir leur avis.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends votre préoccupation, mais, comme nous l’avons dit précédemment, le don est totalement désintéressé et implique une forme de dessaisissement quant aux suites qui lui seront données. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1245 de M. Patrick Hetzel, CS1304 de M. Xavier Breton et CS1833 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Les couples dont les embryons sont conservés ont pu choisir de les donner à un autre couple. Si l’on envisageait de détruire ces embryons non utilisés, la moindre des choses serait de requérir l’accord du couple donneur, tant la destruction contrevient au choix qu’ils ont exprimé devant notaire. Un véritable problème éthique se pose. Nous sommes sur le point de franchir une ligne rouge. Si vous rejetez le sous-amendement, j’aimerais que vous nous expliquiez les fondements éthiques de votre position.

M. Xavier Breton. Si je comprends bien, madame la rapporteure, le récit familial se fonde uniquement, à vos yeux, sur la volonté des adultes, tandis que le récit génétique repose sur des réalités biologiques corporelles. Pour nous, la filiation repose sur trois piliers : un pilier corporel, qui inclut la dimension génétique, un pilier affectif – vouloir élever un enfant – et un pilier social – reconnaître l’enfant devant la société. Nous cherchons l’unité de ces trois éléments. Madame la rapporteure, vous distinguez d’un côté le récit génétique et, de l’autre, le récit familial ; donc pour vous, la famille n’a rien à voir avec la dimension génétique. Pour nous, le facteur génétique n’épuise pas la famille, mais il en fait partie ; du moins, il n’en est pas complètement indépendant. Nous avons des conceptions très divergentes de la filiation. Vous parliez précédemment de « matériel génétique », mais nous ne sommes pas chez Castorama ! La famille est faite à la fois de réalités corporelles, de réalités affectives et éducatives, et de réalités sociales. Il faut essayer d’unifier les trois, ce qui n’est pas toujours facile, alors que vous essayez de les dissocier. Je vous propose que nous débattions de ces sujets puisque nous en avons des conceptions différentes. Je redis que pour nous, le récit génétique fait partie du récit familial et qu’il n’en n’est pas complètement indépendant.

Mme Natalia Pouzyreff. J’ai adopté trois enfants ! C’est insupportable !

Mme Monique Limon, présidente. Chacun est là en tant que législateur mais aussi avec son histoire personnelle. Respectons-nous.

Mme Annie Genevard. Le sous-amendement vise à ce que les couples à l’origine des embryons donnent expressément leur accord à la destruction des embryons proposés à l’accueil par un autre couple.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vos propos, monsieur Breton, ont suscité beaucoup d’émotion. J’exprime ma solidarité à l’égard de ceux de nos collègues qui connaissent des situations familiales difficiles. J’estime qu’on ne peut porter aucun jugement de valeur sur les familles, sur la qualité de la parentalité en fonction de l’existence ou non d’un récit génétique.

M. Xavier Breton. Vous sortez les violons !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Non, ce ne sont pas des violons, c’est le respect de l’intime, monsieur Breton, et vous n’êtes pas obligé d’être condescendant à l’égard de ceux dont la situation s’écarte de vos stéréotypes. J’ai trouvé vos propos odieux. Dire qu’il n’y a pas de famille en l’absence de pilier génétique revient à mépriser un nombre considérable de familles.

M. Xavier Breton. J’ai dit le contraire !

M. Patrick Hetzel. C’est de la manipulation !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous dites que la famille repose sur trois piliers – génétique, affectif et social –, ce qui revient à exclure tous ceux qui n’ont pas l’héritage génétique. Vous blessez ceux qui adoptent, qui sont passés par une AMP avec tiers donneur. En France, on estime que 30 % des enfants pourraient ne pas être issus du père dit de la famille. Allez-vous leur dire que l’homme qui les élève depuis dix-huit ans n’est pas leur père ?

Sur le fond, il est heureux que, parfois, le récit génétique coïncide avec le récit social et le récit familial et affectif mais, souvent, cela ne se passe pas ainsi et la parentalité n’est pas heureuse. Il est fréquent, a contrario, que les relations parentales soient très harmonieuses, bien que le récit génétique ne coïncide pas avec le récit affectif et social. Il faut arrêter d’être péremptoire sur la nécessité du cumul des trois piliers. Le texte envisage l’hypothèse dans laquelle le facteur génétique n’entre pas dans la relation familiale, ce qui n’est pas grave : beaucoup de personnes, de familles peuvent être très heureuses dans cette situation. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Elle adopte l’amendement CS1040 rectifié de la rapporteure.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé et tous les autres sous-amendements et amendements se rapportant à l’article tombent.

Article 4
Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Amendements identiques de suppression CS44 de Mme Marie-France Lorho et CS712 de Mme Danièle Obono.

Mme Monique Limon, présidente. Mme Lorho n’étant pas présente, nous passons à l’examen de l’amendement CS712 de Mme Obono.

M. Bastien Lachaud. La provocation sénatoriale se poursuit, avec cette phrase : « Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant par l’effet des dispositions du présent titre. »

Nous souhaitons rappeler que l’homophobie ne saurait avoir de place dans notre pays. Refuser la possibilité pour deux personnes qui s’aiment de faire famille et, si elles le souhaitent, d’y accueillir des enfants revient à affirmer que seule la famille hétérosexuelle est reconnue aux yeux de la loi. Par conséquent il s’agit d’homophobie, dans la mesure où le Sénat nie la possibilité de l’amour parental et de l’amour tout court dans d’autres modèles de relations. Nous nous opposons vivement à ce type de rhétorique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je partage pleinement vos propos sur la lutte contre l’homophobie. L’homoparentalité doit être reconnue.

Mais si nous supprimions l’article 4, nous ne pourrions plus tirer de conséquences en matière d’établissement de la filiation du recours à l’AMP par un couple de femmes. Je vous confirme que d’autres amendements permettront de le faire et reviendront sur les modalités de filiation retenues par le Sénat. Avis défavorable.

L’amendement CS712 est retiré.

M. Pascal Brindeau. Du fait des consignes sanitaires entraînant une limitation de la présence des députés en commission, l’amendement de Mme Lorho aurait dû être considéré comme défendu, ce qui aurait permis d’en débattre ! Tel est le sens d’une décision de la conférence des présidents.

M. Patrick Hetzel. Du fait de la situation sanitaire, plusieurs commissions considèrent qu’un amendement est par principe défendu lorsque son auteur est absent. Cette règle ne devrait-elle pas également s’appliquer à la commission spéciale ?

Mme Emmanuelle Ménard. C’est en effet la pratique retenue par la présidente de la commission des lois.

Mme Monique Limon, présidente. Lorsque j’ai appelé l’amendement, personne n’a souhaité prendre la parole. Je n’y aurais pas vu d’inconvénient.

L’amendement de rédaction globale CS1041 de la rapporteure fait l’objet de nombreux sous-amendements. Comme précédemment, nous allons tout d’abord avoir une présentation commune de l’ensemble des amendements de rédaction globale de l’article 4, de façon à avoir ensuite une discussion générale sur cet article, puis nous examinerons les sous-amendements à l’amendement de la rapporteure, avec les votes correspondants.

Amendements CS1041 de la rapporteure, CS949 de M. Gérard Leseul, CS714 de M. Bastien Lachaud, CS716 de Mme Danièle Obono, CS718 et CS717 de M. Bastien Lachaud, CS720 de Mme Danièle Obono, CS429 de M. Raphaël Gérard, CS992 de M. Gérard Leseul et CS544 de M. Guillaume Chiche (discussion commune).

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’article 4 tire les conséquences en matière de filiation de l’ouverture de l’AMP avec tiers donneur à toutes les femmes.

Pour les femmes en couple hétérosexuel, la situation était déjà réglée par l’article 311‑20 du code civil. Ce code permet aussi de traiter les filiations pour les femmes seules ayant eu recours à l’AMP. Il restait à prévoir le cas des couples de femmes, dont nous avions débattu lors des deux premières lectures. L’amendement CS1041 vise à rétablir le dispositif que nous avions alors adopté, qui s’appuyait sur le modèle de l’article 311‑20 précité.

Tout couple ou femme seule qui entend procéder à une AMP se rendra préalablement chez un notaire pour délivrer son consentement au don de gamètes ou d’embryon par le tiers donneur.

Dans le cas d’un couple de femmes, une fois ce consentement recueilli les deux femmes reconnaîtront qu’elles sont la mère de l’enfant à venir dans le cadre d’une reconnaissance conjointe anticipée (RCA).

Ce système a été retenu pour garantir aussi bien les droits de l’enfant que ceux des mères.

Par son antériorité, la RCA est une garantie d’établissement de la filiation pour l’enfant à venir, aucune des deux mères ne pouvant faire défaut. C’est également une garantie pour chacune des deux femmes : une fois l’enfant paru, aucune ne pourra dénier la qualité de mère de l’autre.

Enfin, nous tenons compte des remarques formulées par Mme Genevard lors des deux précédentes lectures : dans un couple de femme, l’établissement de la filiation à l’égard de la femme qui accouche sera réalisé selon les règles posées par l’article 311-25 du code civil.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS949 vise à rétablir la rédaction de l’article 4 dans la version issue de l’Assemblée nationale.

En deuxième lecture, le Sénat a renouvelé sa position de première lecture refusant d’établir la filiation à l’égard de la mère d’intention en dehors d’une procédure d’adoption. Il est ainsi revenu sur le dispositif proposé par l’Assemblée nationale, qui permettait d’établir la filiation d’un enfant né du recours à une AMP par un couple de femmes via la RCA faite devant le notaire de manière rétroactive.

La création de cette nouvelle procédure d’établissement de la filiation reste distincte de celle proposée aux couples hétérosexuels et ne permet toujours pas l’extension du droit commun pour les couples de femmes, ce que nous regrettons.

Cette nouvelle procédure demeure une avancée que nous proposons dans un premier temps de sécuriser, en rétablissant l’article. Nous présenterons également un amendement demandant l’extension du droit commun aux couples de femmes.

M. Bastien Lachaud. L’amendement CS714 propose de rédiger l’article 4 d’une manière que nous jugeons idéale, et qui évite les différences de traitement existant encore entre les couples hétérosexuels et les couples lesbiens dans la rédaction issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Nous souhaitons notamment que la possession d’état, la reconnaissance et la présomption de parentalité soient des moyens d’établir une filiation ouverte à tous les couples, et pas uniquement réservés aux couples hétérosexuels.

L’amendement CS716 vise à rétablir la version issue de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, à cela près que nous offrons la possibilité de reconnaissance de la filiation aux couples non hétérosexuels par la possession d’état. Celle-ci permet aux couples d’établir l’existence d’un lien de filiation avec leur enfant, même en l’absence de lien biologique. Or les femmes en couple lesbien ayant un enfant ne peuvent à ce jour bénéficier de ce mécanisme.

L’amendement entend mettre fin à cette discrimination, qui ne repose sur aucune justification. Prenons une famille dont les parents s’occupent de leur enfant depuis plusieurs années, à la vue de tous et sans que personne ne le conteste. La possession d’état leur permet alors de faire établir, par acte notarié, le lien de filiation qui les lie à leur enfant. Elle est établie sur la base de plusieurs faits attestant du caractère continu, paisible, public et sans équivoque du lien de filiation. Pour cela, au moins trois témoignages et de nombreuses preuves doivent être réunis. Comme l’expliquait le Défenseur des droits Jacques Toubon, l’avantage par rapport à l’adoption est de pouvoir agir rétroactivement au jour de la naissance de l’enfant. Il n’y a par ailleurs pas de condition liée au mariage.

Mais cet établissement de la filiation n’est pas ouvert aux couples de femmes. En effet, aucun homoparent séparé n’a encore réussi à faire établir la filiation avec son enfant. La Cour de cassation s’est appuyée sur l’article 6-1 du code civil pour refuser l’établissement de la filiation par possession d’état à une mère d’intention dans un couple de femmes.

Pour que l’article 4 tire toutes les conséquences sur le plan de la filiation de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, nous demandons donc qu’elles puissent bénéficier du mécanisme de la possession d’état, et ce même une fois séparées. Cette disposition permettra aux couples de femmes ayant eu recours à l’AMP avant l’entrée en vigueur de cette loi, mais n’ayant pas la possibilité d’homologuer leur don à l’étranger, de faire reconnaître leur lien de filiation.

Il s’agit d’une question de sécurité juridique pour de nombreuses familles, mais aussi de garantir les droits de l’enfant.

Avec l’amendement CS718, nous proposons également de rétablir la version issue de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, mais en y ajoutant pour les couples non hétérosexuels la possibilité d’établir de la filiation par la reconnaissance par l’autre parent. Il nous semble en effet peu crédible qu’une loi dont la vocation est d’être une loi d’égalité organise des différences selon qu’il s’agit d’un couple hétérosexuel ou lesbien ; alors même qu’une extension du droit commun de la filiation ne pose pas de difficulté juridique. Cela nous permet de poser de façon claire cette question au Gouvernement : pourquoi ne pas permettre une égalité réelle entre les couples hétérosexuels et les autres ?

Tout en proposant de rétablir la version issue de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, l’amendement CS717 offre aux couples lesbiens mariés la possibilité de reconnaissance de la filiation par la présomption de parentalité. Il s’agit d’une mesure tant de simplification que d’égalité. À l’heure actuelle, la présomption de paternité établit automatiquement la filiation paternelle dans les couples hétérosexuels mariés. La loi présume que le mari est le père de l’enfant né ou conçu pendant le mariage, sans qu’il y ait besoin de preuve ou d’engagement supplémentaire de sa part – et la rapporteure a souligné combien cette présomption de paternité était souvent éloignée de la réalité de la filiation biologique

Nous proposons d’étendre cette possibilité aux couples lesbiens mariés. La vraisemblance biologique, ou son absence ici, n’est pas un obstacle puisque dans les couples lesbiens la filiation et la biologie sont de toute façon distincts. Il n’est pas question de créer une illusion de lien biologique mais de leur donner, en toute égalité, les mêmes possibilités qu’aux couples hétérosexuels de faire reconnaître leur filiation de manière automatique dans le cadre du mariage.

Rappelons par ailleurs, pour ce qui est de la vraisemblance biologique, que les couples hétérosexuels conservent ce droit à la présomption de paternité y compris lorsque l’enfant est issu d’un don de sperme.

Enfin, le projet de loi laisse subsister les difficultés d’établissement de la filiation à l’égard de leurs enfants pour les personnes ayant effectué une modification de la mention de leur sexe à l’état civil. L’amendement CS720 prévoit à cet effet que le régime de droit commun pour l’établissement de la filiation puisse être appliqué lorsque des personnes ont eu des enfants sans intervention médicale ou grâce à une AMP sans tiers donneur.

L’organisation de la discussion rend quelque peu artificielle la présentation de cette série d’amendements, dont chacun aura compris qu’ils constituent des amendements de repli faisant suite à un amendement principal CS714. Je souhaite donc que la rapporteure donne son avis sur les différents amendements examinés.

Mme Monique Limon, présidente. C’est prévu.

M. Raphaël Gérard. L’amendement CS429 propose d’élargir le principe de la reconnaissance conjointe anticipée à l’ensemble des couples ayant recours à l’AMP avec l’intervention d’un tiers donneur, sans aucune distinction.

Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, en première et en deuxième lecture, introduit un régime d’établissement de la filiation dérogatoire pour les couples de femmes. Ce faisant, il institue une différence de traitement juridique entre les enfants conçus par don, ce qui constitue, au sens propre du terme, un traitement discriminatoire.

D’une part, la capacité des enfants nés au sein de familles hétérosexuelles à avoir accès à leurs origines continuera de dépendre pour une grande partie du choix des parents de révéler ou non leur mode de procréation. Or, comme l’avait souligné la rapporteure lors de la discussion en deuxième lecture, pour que la culture change il faut que nous sortions de cette culture du secret. C’est aussi une responsabilité du législateur.

L’État doit se préoccuper de l’intérêt de l’enfant, et non de celui de parents qui ne voudraient pas dire qu’ils ont eu recours au don, parce qu’ils en ont honte. Ce débat touche à la crédibilité et à la sincérité du récit génétique, que monsieur Breton désignait à l’instant comme le pilier fondateur de la famille. Beaucoup trop de familles hétéroparentales sont encore construite sur ce mensonge originel.

M. Xavier Breton. J’ai dit : l’un des piliers. Vous vous y connaissez en mensonge !

M. Raphaël Gérard. D’autre part, il apparaît particulièrement inopportun de réserver l’inscription de la mention de la RCA en marge de la copie intégrale de l’acte d’état civil des enfants de familles homoparentales. Un tel choix corrobore l’idée qu’il y aurait une forme de falsification de la filiation d’origine et qu’il serait nécessaire de dire aux enfants nés au sein de couples de femmes qu’ils n’ont pu venir au monde sans l’intervention d’un homme. Or, la question de l’accès aux origines dans ces familles ne se pose pas, ces enfants connaissant fatalement leur histoire.

Pour l’ensemble de ces raisons, il apparaît plus simple et plus juste de prévoir un mécanisme d’établissement de la filiation qui soit réellement universel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CS992 vise à étendre la filiation de droit commun aux couples de femmes ou à toute femme non mariée ayant recours à une AMP avec tiers donneur.

Aujourd’hui, lorsqu’un couple hétérosexuel souhaite une AMP, les deux membres du couple doivent préalablement donner leur consentement devant un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Le consentement au don est prévu par l’article 311-20 du code civil. Dès lors, la filiation avec l’enfant est établie.

Dans son pré-projet de loi, le Gouvernement disposait de trois options : étendre le droit commun actuel ; créer une nouvelle procédure de déclaration anticipée de volonté (DAV) pour tous les couples et les femmes célibataires ; créer cette même procédure en la réservant exclusivement aux couples de femmes.

Dans le projet de loi soumis à l’avis du Conseil d’État, le Gouvernement avait écarté la première solution et avait conservé deux options pour la procédure de DAV : pour tous les couples et les femmes célibataires, ou seulement pour les couples de femmes. Le Conseil d’État avait recommandé cette seconde option, afin que les couples hétérosexuels conservent « la liberté dans le choix de révéler ou de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception ». Le Gouvernement avait suivi cet avis et proposé la création de cette procédure seulement pour les couples de femmes, avec mention sur l’acte de naissance intégral.

En commission spéciale, le Gouvernement a reconnu que la discrimination qu’il créait posait problème et a accepté d’intégrer cette DAV, renommée reconnaissance anticipée de volonté, dans le titre VII.

Si cela constitue une amélioration du dispositif initialement proposé, une distinction subsiste encore entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes, d’une part, et entre toutes les femmes, d’autre part. En effet, une femme en couple avec une autre femme ne deviendrait mère que par reconnaissance devant notaire alors que, si elle était en couple avec un homme ou célibataire, elle deviendrait mère par le fait qu’elle est celle qui accouche.

Pourtant, tout existe déjà dans la loi pour pouvoir simplement étendre le droit commun aux couples de femmes : le don avec tiers donneur, l’AMP, la double filiation sans lien biologique et, enfin, la mention « mère et mère » depuis la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qui permet l’adoption par les couples homosexuels.

Cet amendement propose donc d’étendre la filiation de droit commun à de nouveaux publics, qu’il s’agisse de couples de femmes ou de toute femme non mariée ayant recours à une AMP avec tiers donneur. Il permet la conservation absolue des droits existants pour les couples composés d’un homme et d’une femme ayant déjà accès à l’AMP avec tiers donneur. Il permet enfin de conserver les règles actuelles de contentieux de la filiation pour tous les parents, qu’ils soient célibataires, en couple hétérosexuel ou en couple de même sexe.

M. Guillaume Chiche. L’amendement CS544 vise à étendre le droit commun. Toutes les familles qui recourent à l’aide médicale à la procréation pourraient ainsi établir leur filiation de la même manière. La femme qui accouche l’établirait par l’accouchement et sa conjointe ou son conjoint, comme c’est le cas actuellement pour les couples hétérosexuels, le ferait au moyen du consentement reçu par le notaire. Ce projet de loi visant à traiter toutes les familles de la même façon, sans distinction ni hiérarchie, indépendamment des identités de genre ou des orientations sexuelles, nous devons consolider les dispositions du code civil, déjà éprouvées.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La rédaction de l’amendement CS949 est extrêmement proche de la mienne, mais j’ai intégré quelques améliorations rédactionnelles par rapport à la deuxième lecture et vous demanderai donc de bien vouloir le retirer au profit du mien.

L’amendement CS714, comme l’amendement CS717, introduit une présomption de parentalité pour les mères dans les couples de même sexe, alors que l’amendement CS718 prévoit une possibilité de reconnaissance anticipée. Je poursuis le même objectif politique que vous. Mais vos propositions impliqueraient de nombreuses modifications d’autres articles du code civil, par coordination, qui entrent dans le champ, non pas d’un projet de loi relatif à la bioéthique, mais plutôt d’une réforme du droit de la filiation. Cela fera l’objet d’une réflexion pour l’avenir.

Je suis défavorable à l’amendement CS716 car le mécanisme de la possession d’état, prévu pour les couples hétéroparentaux, vise à prendre en compte une réalité biologique oubliée dans la réalité sociale. Elle n’est donc pas adaptée aux situations que vous visez, contrairement à la reconnaissance, fait de volonté, et non biologique.

Les amendements CS720 et CS429 prévoient que le changement de sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à la filiation. Je comprends l’objectif mais, de toute façon, c’est l’état civil qui détermine la filiation. Le véhicule législatif choisi n’est donc pas le bon.

Madame Battistel, vous avez longuement défendu l’amendement CS992 et nous en avons beaucoup discuté. Votre rédaction est l’une des plus pertinentes et permettrait d’inclure toutes les familles sans distinction, et sans porter atteinte aux droits des familles hétéroparentales, puisque vous reprenez l’article 311-20 du code civil. Mais certaines coordinations sont nécessaires et sortent du champ d’un projet de loi relatif à la bioéthique. Je salue donc votre travail, et appelle de mes vœux ces modifications, mais, à ce stade, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice du mien, qui rétablit les équilibres de la deuxième lecture.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale.)

Mme Annie Genevard. L’article 4 est l’un des articles les plus importants du projet de loi. Il touche au droit de la filiation, pilier de notre droit civil. Il faut donc y toucher d’une main tremblante.

Vous avez fait une partie du chemin, madame la rapporteure. Rappelons-nous, en première lecture, par souci d’égalité, vous considériez que la filiation devait être établie de manière identique pour les deux femmes. Or un principe fonde notre droit de la filiation depuis toujours : la mère est certaine – mater semper certa est. La mère qui accouche est donc la mère, sans que cela soit discutable. À l’inverse, le lien au père est présumé, c’est ce qu’on appelle la présomption de paternité – et non la présomption de parentalité, comme je l’ai entendu, puisqu’il faut que la filiation soit vraisemblable.

À l’issue de longues discussions, nous avons obtenu – et je vous en remercie – la distinction entre la mère qui accouche, qui n’a pas à prouver la filiation, et l’autre mère. En revanche, la formulation du Sénat, que vous rejetez, nous paraît plus satisfaisante que la vôtre. Pour l’autre mère, nous souhaitons que le rapport de filiation soit établi par l’adoption. C’est le choix du Sénat, et celui que nous vous avons suggéré. D’ailleurs, lors des débats sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dit mariage pour tous, la filiation par adoption était considérée comme l’idéal et aucune revendication d’un autre mode d’établissement de la filiation n’avait émergé.

Désormais, vous n’en voulez pas au titre de l’égalité des droits entre les deux femmes. Mais l’égalité des droits, ne signifie pas l’identité des situations. Je l’avais signalé à Mme Belloubet, alors garde des sceaux. Vous êtes obsédés par cette notion d’égalité. Or cette dernière est très clairement rappelée au début de l’article 4 : tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs parents. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents.

Il serait donc plus cohérent que la femme qui n’accouche pas établisse la filiation par l’adoption, et non par la reconnaissance comme vous le proposez, madame la rapporteure. Cela lui donnerait les mêmes droits que l’autre femme.

M. Patrick Hetzel. Je partage l’excellente analyse de notre collègue Annie Genevard. Dans un article récemment publié dans la revue Droit de la famille, Clotilde Brunetti-Pons, universitaire, souligne les conséquences mal maîtrisées du projet de loi relatif à la bioéthique sur l’ensemble du droit de la filiation. Les oppositions entre les deux chambres du Parlement mettent d’ailleurs en lumière ce problème de fond.

Les trois points qu’elle souligne devraient nous inciter à réfléchir aux conséquences de votre amendement, madame la rapporteure. Tout d’abord, une telle rédaction constitue une remise en cause et une rupture épistémologique et paradigmatique du droit de la filiation. Ensuite, la déchéance de la filiation biologique constitue une autre rupture, par rapport à nos principes du droit civil, comme la reconnaissance de paternité. Enfin, elle évoque la désinstitution du rapport au paternel.

Madame la rapporteure, vous vous référez souvent à la recherche. Je vous incite donc à lire cet article qui démontre que votre réforme est juridiquement non maîtrisée et extrêmement dangereuse. Le Gouvernement et la majorité jouent aux apprentis sorciers…

M. Xavier Breton. Monsieur Gérard, je n’ai jamais dit que le pilier génétique est le seul fondement de la famille. C’est un des piliers, avec le pilier affectif et le pilier social. Or, quand un des piliers est défaillant, les deux autres sont sollicités. Je suis d’ailleurs contre la levée de l’anonymat du don de gamètes, car je ne suis pas dans une recherche absolue de la filiation biologique. Ne me faites donc pas dire ce qui vous arrange ; on connaît vos techniques d’intimidation !

Madame la rapporteure, dans votre proposition, y a-t-il une différence dans le mode d’établissement de la filiation entre la mère qui accouche et celle qui n’accouche pas dans un couple de femmes ? Si oui, assumez-vous cette inégalité entre les deux femmes ?

Dans l’établissement de la filiation, quelle différence faites-vous entre une femme qui accouche dans un couple homme-femme et celle qui accouche dans un couple de femmes ? Y en a-t-il d’ailleurs une ? Que la réponse soit positive ou négative, pourquoi ?

Mme Sylvia Pinel. J’apporte mon soutien à l’amendement de la rapporteure, mais aussi aux collègues plaidant pour la nécessaire réforme du droit de la filiation.

En effet, la présente réforme bioéthique va entraîner des conséquences pour de nombreuses familles et, je l’ai déjà dit en deuxième lecture, il me paraît important d’avancer. C’est le sens des amendements proposés par nos collègues. Ne nous contentons pas d’un rafistolage du droit des familles. Certes, ces amendements modifient de nombreux articles du code civil – et je comprends que cela puisse poser problème dans le cadre de l’examen d’un texte relatif à la bioéthique –, mais quel calendrier de réforme du droit de la filiation nous propose le Gouvernement ? Une telle réforme est indispensable pour tous ces enfants.

En 2012, lorsque le mariage a été élargi à tous et qu’on a autorisé l’adoption, il était légitime que la filiation soit adoptive. Avec l’AMP pour toutes, la filiation adoptive, telle qu’introduite par le Sénat, est un contresens. Il faut rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.

M. Bastien Lachaud. Je partage l’analyse de Mme Pinel – à part sa conclusion.

Madame la rapporteure, votre réponse à mes amendements confirme la pertinence de nos positions depuis le début de l’examen du projet de loi : la modification de l’accès à la PMA et son ouverture à toutes les femmes n’ont pas leur place dans un projet de loi relatif à la bioéthique et auraient dû figurer dans un projet de loi relatif à l’égalité qui aurait permis d’aborder la filiation.

Vous ouvrez l’accès à la PMA, sans en tirer toutes les conséquences sur la filiation. Nous avons encore la possibilité de régler cette question dans le cadre de cette dernière lecture. Je ne peux donc pas partager votre analyse. Nous maintiendrons nos amendements et reprendrons le débat en séance car nous n’acceptons pas de mettre des familles dans l’insécurité juridique au motif qu’on ne veut aller au bout de la logique de la réforme.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous sommes en nouvelle lecture, monsieur Lachaud…

M. Pascal Brindeau. Une première remarque : nous modifions le code civil et le droit de la filiation dans un projet de loi relatif à la bioéthique. Comment ces dispositions ont-elles passé le tamis de plus en plus resserré de l’article 45 de la Constitution, alors que nous sommes de plus en plus contraints dans nos possibilités d’amender les textes qui nous sont soumis ?

Par ailleurs, Il ne faut pas confondre droit de la filiation et réalité sociale des familles. Du reste, le code civil n’est pas là pour régir la réalité sociale des familles : ainsi, une femme seule, un homme seul, deux femmes ou deux hommes, voire un couple hétérosexuel – même si beaucoup pensent le contraire –, peuvent très bien élever un enfant. Le code civil détermine simplement quels sont les liens juridiques – et non sociaux – de l’enfant avec ses parents.

Vous pourrez tenter toutes les rédactions, Madame la rapporteure, vous vous fracasserez sur une évidence : le code civil est fondé sur la réalité biologique de la filiation. Et si tel n’est plus le cas, comme vous l’affirmez, vous entrez dans un autre système, celui de la seule volonté. Peuvent alors être parents ceux qui déclarent vouloir l’être, qu’ils soient deux ou plus. Mais il vous faut assumer cette position devant les Français.

Vous ne pouvez pas demander à deux femmes de rédiger une reconnaissance anticipée de volonté tout en indiquant que la mère biologique devient mère par son accouchement. Il y a contradiction et vous retombez dans le travers du texte initial. Les deux mères ne pourront jamais être dans une situation identique, c’est impossible.

M. Raphaël Gérard. Monsieur Lachaud l’a rappelé, ce texte a été examiné à cinq reprises et nous achoppons toujours sur les mêmes difficultés. La réponse de la rapporteure à mon amendement, ainsi qu’à celui de Mme Obono, souligne la nécessité d’une réforme du mode d’établissement de la filiation qui tienne compte, non pas de la famille fantasmée, mais de la réalité de nos familles.

Mme Genevard nous dit que la femme qui accouche est toujours la mère. Mais que faites-vous des hommes qui accouchent d’un enfant conçu charnellement avec leur époux dans un couple hétérosexuel de personnes trans, ayant changé de sexe à l’état civil ? Ce sont bien des parents hétérosexuels et, pourtant, pour l’état civil, c’est l’homme qui accouche. Or un homme ne peut pas être la mère.

C’est la réalité du monde actuel, monsieur Breton, une réalité sur laquelle nous butons, une réalité sociale qui doit devenir une réalité juridique, sans quoi nous nous heurterons éternellement à un modèle unique de famille. Regardez dans la rue, allez voir les vraies gens !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la rapporteure, nous retirons l’amendement CS949, quasi-identique au vôtre. Mais nous insistons pour que l’amendement CS992 soit pris en compte, pour en finir avec le rafistolage qu’évoquait Mme Pinel. Pourquoi cela ne serait-il pas possible ? Je comprends que cela modifie de nombreux articles du code civil par coordination, mais est-ce vraiment insurmontable ?

L’amendement CS949 est retiré.

M. Guillaume Chiche. Cela fait bien longtemps que le code civil se fonde, non plus sur la réalité biologique, mais plutôt sur la vraisemblance bilogique. En outre, on ne découvre pas la PMA, qui existe depuis maintenant plusieurs décennies. C’est pourquoi je propose une extension du droit commun, afin que l’identité de genre, l’orientation sexuelle ou le modèle familial soient indifférenciés car je ne reconnais aucune hiérarchie entre les familles et les projets parentaux.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends que des travaux universitaires mettent en avant la réalité biologique, mais d’autres ne vont pas dans le même sens. Et des recherches en histoire tendent à démontrer que la filiation, telle que définie dans le code civil, a évolué et qu’elle n’est absolument pas issue de la réalité biologique. D’ailleurs, jusqu’à récemment, les enfants adultérins et naturels n’étaient pas reconnus. Pourtant, ils étaient issus d’une réalité biologique – mais pas du mariage. Pendant un certain temps, la filiation, avant d’être biologique, était religieuse. Le biologique est apparu tardivement, non comme mode d’établissement de la filiation, mais comme mode de contestation.

M. Xavier Breton. Cela n’a rien à voir avec le religieux !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Bien sûr que c’est religieux ! Je vais même aller plus loin : il y a 2 000 ans, en droit romain, la filiation était volontaire. Elle n’était ni religieuse ni biologique – un homme désignait son héritier. Puis elle est devenue religieuse. En France, quand l’Église catholique a pris la main sur la filiation, elle a interdit l’adoption, qu’elle trouvait indigne. La Révolution française a supprimé la filiation religieuse, pour revenir à une filiation volontaire sur le modèle du droit romain. Ensuite, on s’est à nouveau tourné vers le modèle judéo-chrétien, que certains appellent « filiation biologique », mais c’est une interprétation.

Mon interprétation, comme celle de nombreux spécialistes, se veut plus englobante et vise à n’exclure aucune famille. Il s’agit de considérer que la filiation peut procéder de différente façons mais n’a qu’un seul et même fait générateur : qui est à l’origine de la venue au monde de l’enfant ? Ceux qui en sont à l’origine sont les parents, que l’enfant ait été conçu charnellement ou avec l’aide d’une AMP. Ceux qui s’occupent de l’enfant sont ses parents, il n’y a aucun doute.

Les deux mères d’un couple n’ont effectivement pas le même mode d’établissement de la filiation : pour l’une, elle est établie par l’accouchement ; pour l’autre, elle est la conséquence juridique du consentement au don, via la reconnaissance conjointe. Mais leur situation sera identique à celle des familles hétéroparentales puisque l’acte de naissance est délivré à la maternité pour la femme gestatrice et fait mention du nom, et il qu’il s’agit d’un acte de volonté, qui emporte reconnaissance, pour le deuxième membre du couple parental, homme ou femme.

Enfin, quel que soit le mode d’établissement de la filiation, dans le cadre d’une AMP, les parents ont les mêmes droits et les mêmes devoirs vis-à-vis des enfants, et c’est le plus important.

Madame Battistel, vous avez raison et j’appelle également de mes vœux une grande réforme du droit de la filiation. Mais cela n’a pas sa place dans un projet de loi relatif à la bioéthique. Je rejoins madame Pinel, il nous faudrait disposer d’un peu de visibilité sur le calendrier. C’est indispensable pour accueillir toutes les familles du XXIe siècle.

La commission examine les cent quinze sous-amendements à l’amendement CS1041 de la rapporteure.

Sous-amendement CS1080 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Certains d’entre nous souhaitent délibérément entraver l’accès des couples de femmes transparentaux aux techniques d’assistance médicale à la procréation. L’interdiction faite aux femmes trans de recourir à leur sperme pour procréer est juridiquement incertaine.

Le refus d’utiliser ces gamètes serait fondé sur l’identité féminine de la personne trans. Or si elle n’avait pas changé de sexe, sa compagne aurait pu porter l’enfant conçu avec ses spermatozoïdes. En l’espèce, la situation de la femme trans est donc identique à celle de l’homme cisgenre. Or leur traitement est différent. Pourtant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit un traitement différent de situations identiques.

La lecture combinée des articles L. 2141-2 et L. 2141-11 ou L. 2141-12 du code de la santé publique offrirait la possibilité pour les femmes ayant procédé à une autoconservation de leur sperme de bénéficier d’un accès à l’assistance médicale à la procréation lorsqu’elles respectent les conditions prévues par la loi – être en couple avec une femme susceptible de mener la grossesse. L’amendement propose de faciliter l’établissement d’une double filiation maternelle par voie de reconnaissance conjointe anticipée, afin de sécuriser l’enfant dès sa naissance.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Tout comme pour l’amendement CS544 qui concerne aussi la filiation des personnes transgenres, même si des améliorations sont souhaitables, elles n’entrent pas dans le champ du projet de loi puisque l’article 4 tire seulement les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules – l’AMP trans n’ayant pas été retenue.

Demande de retrait, sinon mon avis sera défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1260 de M. Patrick Hetzel, CS1306 de M. Xavier Breton et CS1837 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1260 vise à préciser qu’il faut prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Il ne doit pas être oublié.

J’en profite pour rappeler que la vraisemblance biologique est prévue par l’article 320 du code civil. Ne dites pas que cela ne changera rien.

M. Xavier Breton. Il y a bien une inégalité dans l’établissement de la filiation au sein d’un couple de femmes. La filiation de la mère qui accouche est différente de celle qui n’accouche pas. Certains, d’ailleurs, ne sont pas contents du système retenu.

Deuxième élément, vous fondez la filiation sur la seule volonté des adultes : vous ne prenez pas en considération l’aspect corporel. C’est donc la porte ouverte à la GPA.

Quand Raphaël Gérard parle d’hommes qui accouchent ou lorsqu’il est question de sperme de femme, beaucoup d’entre nous doivent décrocher… L’adage mater semper certa est signifie que la mère de l’enfant est toujours connue. Notre collègue Gérard dit que ce n’est plus vrai et parle des hommes. Je vous parle, moi, des femmes. Une femme qui accouche est-elle mère ? Cela reste vrai. Il y a ensuite la question des hommes qui accouchent, mais c’est votre problème. L’adage reste vrai et c’est pourquoi il existe une inégalité à l’intérieur d’un couple de femmes entre celle qui accouche, et qui est mère par l’accouchement – elle n’a pas besoin d’une procédure de reconnaissance –, et l’autre femme.

Le pilier corporel n’est pas le seul, et l’infertilité fait parfois qu’il peut ne pas exister. Le pilier affectif peut également être absent – des parents ne s’occupent pas de leurs enfants –, de même que le pilier social – en cas de non-reconnaissance –, mais ça va mieux quand ces trois piliers sont là. Quand l’un d’entre eux est absent, on compense, mais il faut être cohérent en matière de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je n’ai jamais dit que cela ne changerait rien, mais que les droits des couples hétéroparentaux ne seraient pas modifiés. La situation évoluera notamment pour les couples de femmes.

Je pense que vous avez mal compris l’égalité que réclament ces couples. Elles veulent l’égalité pour l’accès à la filiation, pour les droits et obligations qui en découlent et pour la sécurité juridique qui peut être apportée en ce qui concerne la qualité de mère à venir. Dans les situations qui existent jusqu’à présent, des couples de femmes ont recours à l’AMP à l’étranger, puisque c’est interdit en France, et des femmes peuvent ne pas avoir de droits sur l’enfant, à venir ou venu, en cas de séparation ou d’autre difficulté.

Une reconnaissance conjointe est intéressante même s’il existe une différenciation entre la mère qui accouche et celle qui reconnaît l’enfant par un acte de volonté. Les deux femmes, en joignant leur accord avant l’AMP, auront une responsabilité vis-à-vis de l’enfant et entre elles. Aucune ne pourra dédire l’autre ou se dédire de sa propre responsabilité envers l’enfant.

J’entends la remarque selon laquelle un consentement au don pourrait suffire pour prouver l’antériorité et la question portant sur le besoin d’une reconnaissance conjointe. On peut en débattre, mais c’est la solution la plus sécurisée, en l’état actuel des choses, que nous avons trouvée.

L’intérêt de l’enfant est bien garanti, selon nous, même si ce n’est pas lui qui conditionne la filiation. Cela pourrait amener à remettre en question certaines parentalités. L’autorité parentale n’est qu’un des éléments de la filiation : il y a aussi la transmission du nom, celle d’un patrimoine et des obligations, comme l’obligation alimentaire réciproque. C’est l’engendrement, la cause de la venue au monde, qui engage en matière de filiation. Tout cela est respecté par le présent texte.

Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1693 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de réaffirmer que la gestation pour autrui est interdite. La rédaction actuelle de l’amendement ouvre la porte à la reconnaissance des gestations pour autrui pratiquées à l’étranger. Il est question, en effet, des enfants « dont la filiation est légalement établie ». Cela peut être le cas lorsqu’il y a eu une mère porteuse à l’étranger.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La GPA n’entrant pas dans le champ du texte, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1261 de M. Patrick Hetzel, CS1307 de M. Xavier Breton et CS1838 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’objectif du sous-amendement CS1261 est d’affirmer l’égalité des filiations au début du code civil tout en maintenant l’altérité sexuelle en matière de parenté.

Vous venez d’affirmer, madame la rapporteure, que ce sont ceux qui ont voulu la venue au monde de l’enfant qui sont les parents. Le code civil permet, dans le cadre de l’action en recherche de paternité, d’imposer la paternité à quelqu’un qui n’a pas voulu d’un enfant et de reconnaître certains droits à ce dernier. Vous faites comme si cela n’existait pas.

M. Xavier Breton. La rapporteure a dit que l’établissement de la filiation sera différent dans les couples de femmes, qu’il n’y aura pas d’égalité. Il y aura donc une discrimination. Nous l’assumons pour notre part : nous pensons que la femme qui accouche devient mère par l’accouchement. Il y a donc une logique, mais je pense que cela pose des problèmes de votre point de vue.

Vous avez dit que c’est ce qui est prévu pour l’instant et qu’il y aura une évolution à terme. On revient donc à la feuille de route dont nous avons déjà parlé. S’il y a, un jour, une évolution, cela veut dire que vous imposerez également le système de la reconnaissance aux couples homme-femme, pour qu’il y ait une égalité entre les femmes. Il faudra aussi une reconnaissance anticipée pour les femmes en couple avec un homme.

Il est impossible de concilier l’égalité entre les femmes au sein de couples de femmes et l’égalité avec les femmes au sein de couples homme-femme. Ce n’est pas grave mais comme vous êtes incapables de l’assumer, on en arrive à des bricolages juridiques.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Il me semble qu’il ne faut pas confondre égalité et identité. On peut avoir une égalité réelle – la même sécurité juridique et les mêmes responsabilités, les mêmes droits et les mêmes devoirs – sans identité parfaite des situations.

S’agissant de l’action en recherche de paternité, nous maintenons, même si nous changeons la numérotation, l’article qui permet de bloquer l’établissement de la filiation entre le donneur de gamètes et l’enfant issu d’une AMP. Il n’y a pas d’ambiguïté.

Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1695 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je souhaite la suppression de la phrase indiquant que la « filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents ». Cela peut paraître tout à fait anodin, mais il faut lire cette phrase en parallèle de l’alinéa 7 de l’amendement de la rapporteure, qui tend à supprimer les articles 310 et 358 du code civil, c’est-à-dire la filiation père-mère pour la remplacer par une référence aux « parents ». Préférer ce terme permet de désigner comme parents d’un enfant deux personnes de même sexe. Ce n’est pas souhaitable sous l’angle de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. À partir du moment où on ouvre l’AMP aux couples de femmes, il pourra y avoir deux mères, ce qui a une incidence sur l’article 310. La filiation sera toujours bilinéaire, mais elle ne sera pas limitée au père et à la mère. Il pourra y avoir deux mères, notamment quand un couple de femmes a réalisé une AMP. C’est un choix, une volonté politique : nous ne reviendrons pas là-dessus. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1508 de M. Thibault Bazin et CS1694 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Anne-Laure Blin. Je pense que vous faites semblant de ne pas comprendre ce que nous voulons vous dire, madame la rapporteure, même si vous êtes de bonne foi.

Vous dites que cela ne changera rien pour la filiation des couples hétérosexuels, mais c’est faux. Cela changera tout pour tout le monde. À partir du moment où vous fondez la filiation sur la simple volonté et que vous détachez son établissement de la réalité charnelle, où le géniteur et le père n’ont plus rien à voir, vous donnez raison aux hommes qui ne veulent pas de la paternité d’un enfant qu’ils ont engendré mais qu’ils ne veulent pas reconnaître. On ne pourra plus, demain, obliger un géniteur à assumer sa paternité – comme au XIXe siècle.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de supprimer l’alinéa 7, que j’ai déjà évoqué. L’article 310 du code civil dispose que « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux ». L’article 358 du même code prévoit ceci : « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du livre [Ier]. » En supprimant ces articles, vous voulez gommer la double filiation, avec le père et la mère, ce qui n’est pas souhaitable.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous remercie de reconnaître ma bonne volonté, madame Blin. Je vais encore en faire preuve en vous redonnant des explications. Je pense que vous êtes de bonne foi mais que vous ne comprenez vraiment pas…

Revenons à l’article 311-19 du code civil, qui bloque l’établissement de la filiation pour le géniteur dans le cadre d’une AMP. Si le géniteur a l’interdiction absolue de devenir le père, qui l’est dans ce cadre ? À qui la filiation est-elle attribuée en cas d’AMP au sein d’un couple hétérosexuel ? La filiation n’est pas biologique mais volontaire.

La filiation volontaire et la filiation charnelle forment un ensemble. La filiation est déjà volontaire pour les hommes en couple hétérosexuel : lorsque vous reconnaissez par anticipation, le jour du mariage, tous les enfants à venir dans le cadre de ce mariage, c’est un acte de volonté, bien antérieur à l’acte sous la couette. Pas de panique : il n’y aura absolument aucun changement de droit pour les familles hétéroparentales, qu’elles soient mariées ou non et que l’enfant ait été conçu sous la couette ou par une AMP. Relisez patiemment le code civil.

Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1780 de M. Patrick Hetzel, CS1785 de M. Xavier Breton et CS1857 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’expression « reconnaissance conjointe » n’est pas adéquate dans le cas d’un enfant issu d’une PMA et ayant deux mères. L’une d’entre elles aura accouché et l’autre non. Leur situation est différente, vous ne pouvez pas le nier : elles n’enfantent pas toutes les deux. C’est une réalité à laquelle on doit faire face.

Je reviens sur ce que vous avez dit au sujet de la reconnaissance de paternité. Il risque d’y avoir des recours : des enfants pourraient se retourner contre l’État en disant qu’il a contribué à instituer, par la loi, des situations dans lesquelles ils sont privés de père ex ante, et non ex post, et on peut imaginer des demandes de dommages-intérêts. On va créer de véritables problèmes juridiques, contrairement à ce que vous affirmez.

M. Xavier Breton. Anne-Laure Blin a évoqué la logique du texte. Si un homme a une union charnelle avec une femme en dehors du mariage, la présomption de paternité ne s’applique pas – cette présomption est tout l’intérêt du mariage, avec le divorce (Sourires). Si l’homme ne veut pas reconnaître l’enfant et que la loi ne lui impose pas d’assumer cette responsabilité, car c’est votre logique – pour vous, chacun fait ce qu’il veut –, que se passera‑t-il ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je voudrais encore vous rassurer et éviter que vous n’induisiez en erreur les concitoyens qui nous écoutent. De nombreuses familles, homoparentales, monoparentales, hétéroparentales ou engagées dans un parcours d’AMP, nous suivent avec attention, et je ne voudrais pas qu’elles soient heurtées par ce qu’elles entendent.

Dans un couple hétéroparental où la paternité est défaillante parce qu’un homme refuse de reconnaître un enfant procréé hors mariage, il peut y avoir des actions en recherche de paternité et en responsabilité aux fins de subsides, et cela ne disparaîtra avec ce texte.

M. Xavier Breton. C’est sa logique !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pas du tout. Il n’y a absolument rien dans ce texte, que ce soit dans sa rédaction ou dans sa logique, qui conduise à faire disparaître la responsabilité en matière de paternité des hommes qui ont engendré un enfant de façon charnelle.

M. Pascal Brindeau. Ils s’en exonéreront puisque c’est la volonté qui prime.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je sais que cela semble compliqué, mais c’est un peu comme les jeux que font les enfants avec les couleurs : l’une n’exclut pas l’autre ; on peut avoir deux couleurs côte à côte. Il y a la filiation par la voie charnelle, qui continuera d’exister, et la filiation par la voie de la volonté, qui sera ajoutée en ce qui concerne les couples de femmes. Une filiation n’empêche pas l’autre. Deux options existaient déjà pour les couples hétéros, et nous en ajoutons simplement une pour les couples homos. Honnêtement, ce n’est pas si compliqué que cela…

On ne bouscule pas le droit de la filiation : il est faux de prétendre le contraire. C’est pour cette raison qu’on ne va pas plus loin en matière de reconnaissance pour les familles homoparentales.

Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1308 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’imagine ceux qui nous écoutent lorsqu’il est question d’hommes qui accouchent ou de sperme de femme ! Cela doit les tenir éveillés (Sourires).

Vous essayez de faire coexister des choses dans une espèce de « en même temps » intenable, et cela ne concerne d’ailleurs pas que la procréation. Il faut une cohérence à un moment donné. Autrement, tout est ouvert et il n’existe plus de garde-fou. Même si ce n’est pas écrit dans le texte, sa logique amène inéluctablement à ce que nous disons. C’est la grande hypocrisie de la majorité actuelle.

Certains sont cohérents, comme nos collègues Raphaël Gérard et Jean‑Louis Touraine, et je les respecte : ils ont une vision. Ils veulent déconstruire complètement le système familial actuel. Vous dites, pour votre part, que ce n’est pas vrai, que tout cela n’est pas grave… Nous vous demandons de répondre : que direz-vous à un père qui ne veut pas reconnaître un enfant qu’il a eu charnellement ? Faudra-t-il absolument le reconnaître ? Si c’est le cas, cela veut dire que l’aspect biologique et corporel fait partie de la filiation : rejoignez-nous alors.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La situation dont vous parlez est celle qui amène à utiliser la preuve biologique comme mode de contestation devant les tribunaux. C’est un peu abstrait, mais il y a une différence entre le mode d’établissement et le mode de preuve de la filiation : le mode d’établissement, pour un homme, est volontaire ; le mode de preuve, en cas de contestation ou d’action de recherche en paternité, peut passer par la biologie.

C’est en raison d’un amalgame entre le mode d’établissement et le mode de preuve de la filiation que certains pensent qu’elle est biologique. Ce n’est pas le cas : c’est la preuve, ou la contestation, qui est dite « biologique ». La filiation, à la base, est volontaire et déclarative pour les hommes. Il n’y aura pas de changement.

Par ailleurs, et je le dis car c’est l’objet de votre sous-amendement, même si vous n’en avez pas parlé, nous allons supprimer l’adoption comme mode de filiation pour les couples de femmes ayant conçu un enfant dans le cadre de l’AMP.

Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1262 de M. Patrick Hetzel et CS1839 de Mme AnneLaure Blin.

M. Patrick Hetzel. Un article a été publié le 7 mai dernier, dans Le Figaro, sous le titre : « Géniteurs malgré eux, ils réclament le droit de ne pas être pères ». Certains hommes, soutenus par des avocats, ne se considèrent que comme des donneurs. Le débat actuel autour de la PMA est en train de créer des situations nouvelles, se traduisant par des recours. Encore une fois, que se passera-t-il à terme en matière de reconnaissance de paternité ? Cette question a une acuité nouvelle avec ce texte. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire qu’il y aura une coexistence entre les modes de filiation. Certains soutiendront que l’un ne peut pas se concevoir d’une façon totalement indépendante de l’autre.

Mme Anne-Laure Blin. Vous ne pouvez pas admettre, bien sûr, qu’il y a directement un changement de filiation pour l’ensemble des familles : ce n’est pas dans les dispositions que vous présentez. Seulement, et notre collègue Jean-Louis Touraine était un peu plus clairvoyant ou honnête en la matière, c’est une première étape. Reconnaissez qu’il ne sera plus possible, à terme, de faire une distinction selon que la procréation est charnelle ou technologique.

Vous essayez d’agglomérer plusieurs éléments, ce qui ne rend pas vos propos clairs. Dans le mariage, l’homme n’accepte pas de facto l’ensemble des enfants qui vont naître. Il accepte la présomption de paternité. S’il n’est pas d’accord, il peut contester, sur le fondement de la réalité biologique. C’est totalement différent de ce que vous avez dit.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Dans le mariage, l’homme accepte par anticipation, et par sa volonté, les enfants. Le mariage fait de lui un père.

Mme Anne-Laure Blin. Non, il peut contester.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cela suffit ! Relisez le code civil au lieu de dire des bêtises. Je vous ai écoutée, et maintenant il faut que vous supportiez ma réponse.

Mme Anne-Laure Blin. Supportez donc la contradiction !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ne me coupez pas en permanence. Sinon, j’arrête de vous répondre et je dis juste « défavorable ».

M. Xavier Breton. Changez un peu de ton !

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, essayons de continuer à travailler dans un esprit serein.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Dans le cadre du mariage, l’homme reconnaît qu’il est le père des enfants à venir. Sauf contestation par la preuve biologique, il est le père. Il le devient par sa volonté, et il ne pourra se soustraire à cette paternité que s’il la conteste, notamment par la preuve biologique. Il s’agit donc d’un mode de preuve et de contestation et non d’un mode d’établissement de la filiation. Celle-ci est établie par la déclaration de volonté du mari, le jour du mariage, qui se dit prêt à accueillir tous les enfants issus du mariage.

La tribune que vous avez citée m’a particulièrement choquée. J’ai hésité à répondre publiquement avant de me dire que l’un d’entre vous ne manquerait pas de l’évoquer. « Géniteurs malgré eux, ils réclament le droit de ne pas être pères » : nous sommes au summum de la déresponsabilisation des hommes. En gros, des hommes revendiquent le droit de s’envoyer en l’air sans assumer le risque de devenir pères et surtout, sans se préoccuper de la contraception, qu’ils délèguent à la femme. La contraception n’est pas synonyme d’irresponsabilité totale pour les hommes. Ils sont le fait générateur de la venue au monde de cet enfant ! On ne parle pas des donneurs génétiques ! La tribune ne traite pas du tout du cas des AMP médicales. En l’espèce, les hommes dont il est question dans cet article ne pensaient qu’à leur plaisir sans assumer la moindre responsabilité pour l’avenir. Je ne pense pas que vous vouliez défendre cette posture. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1069 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Le sous-amendement vise à inscrire dans le projet de loi l’établissement de la filiation à l’égard de toute personne en capacité de porter un enfant.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Parce que nous ne bouleversons pas le droit de la filiation, je ne peux rendre un avis favorable à votre proposition de créer une présomption de comaternité. Nous en restons aux dispositions que nous avons votées pour les couples de femmes dans le cadre de l’AMP. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1646 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de remplacer « la reconnaissance conjointe », expression inadaptée, par « l’adoption simple de la femme qui n’accouche pas de l’enfant ». En effet, alors que le terme de reconnaissance existe déjà dans le code civil pour établir la filiation, vous l’appliquez à un nouveau cas, dans le cadre de la PMA, ce qui produira des effets différents. La reconnaissance actuelle peut être contestée alors que la reconnaissance conjointe ne le pourra pas. On ne peut utiliser un mécanisme qui existe déjà pour désigner autre chose, sous des régimes différents, sans nuire à la lisibilité de la loi.

Enfin, que répondrez-vous à un homme qui s’estimera victime de discrimination si on lui refuse le régime de la filiation volontaire ? Comment justifierez-vous de traiter différemment cet homme des femmes en couple avec une autre femme ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les hommes relèvent toujours de la filiation volontaire. Ils relèveront de la filiation biologique le jour où les services de l’état civil leur demanderont les résultats de leur test génétique et de celui de l’enfant pour établir leur paternité. Tant que nous n’en sommes pas là, la déclaration reste volontaire.

En soi, la filiation n’est ni volontaire ni biologique. Elle est la conséquence d’un engendrement. Son établissement est volontaire ou biologique. En cas de contestation, cela devient le mode de preuve. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1263 de M. Patrick Hetzel, CS1309 de M. Xavier Breton et CS1840 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Concernant la tribune parue dans Le Figaro, vous avez détourné mon propos. Je ne légitimais pas ce que faisaient ces hommes, je vous faisais remarquer que certains n’hésiteront pas à recourir à des avocats pour argumenter en ce sens. Cela sera d’autant plus facile que votre dispositif favorisera cette déresponsabilisation. Je ne vous permets pas de m’accuser ainsi alors que j’utilisais cet article pour vous convaincre des risques que vous prenez. Comment ferez-vous pour que les deux systèmes de reconnaissance de la filiation coexistent sans interférer l’un sur l’autre ?

M. Xavier Breton. Le ton que vous avez employé, madame la rapporteure, m’a choqué, moi aussi. Vous avez dit que le summum de la déresponsabilisation des hommes avait été atteint, ce qui veut dire que tous les hommes sont dans une logique de déresponsabilisation. Imaginez que j’aie dit : « On est au summum de la déresponsabilisation des femmes ! » Que n’aurait-on pas lu sur les réseaux sociaux ! On aurait été immédiatement accusés de misogynie. Comme on est des fanas de la phobie, est-ce de l’ « hommophobie », ou de la virilophobie, que sais-je ? Quelle opinion avez-vous des hommes pour tenir de tels propos ? Que certains fuient leurs responsabilités, je ne le nie pas, mais vous généralisez votre jugement à tous les hommes ! Remplacez les hommes par un autre groupe et vous comprendrez bien vite la portée de votre propos !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le ton accusateur était dirigé contre la tribune et non contre vous, messieurs. Vous n’êtes pas toujours l’objet de ma réponse. Vous m’avez demandé ce que je pensais de cette tribune, je vous ai répondu. Les hommes que je visais étaient uniquement ceux cités dans cette tribune. Je n’ai rien dit d’autre.

Cela étant, le sujet de cette tribune n’a rien à voir avec les dispositions relatives à l’AMP. Cela existe depuis longtemps, des hommes qui veulent passer du bon temps sans en assumer les conséquences.

Avis défavorable à vos sous-amendements qui tendent à supprimer l’essentiel des dispositions de l’article 4, pourtant très important pour les couples de femmes qui recourent à une AMP.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement de cohérence CS1705 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1264 de M. Patrick Hetzel, CS1310 de M. Xavier Breton et CS1841 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer les alinéas 17 et 18 de l’amendement de la rapporteure, dont les dispositions sont contraires aux droits de l’enfant en ce qu’elles le privent d’action en recherche de paternité contre son géniteur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous transposons l’article 311-19 du code civil, ce qui devrait vous satisfaire puisqu’il permet de bloquer la filiation entre le donneur et l’enfant. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement CS1509 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendement CS1647 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’assouplir de principe de l’interdiction de reconnaissance de filiation entre le donneur et l’enfant majeur en cas d’accord explicite et préalable au don.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1648 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de nuancer le principe de l’interdiction d’une reconnaissance de filiation qui pourrait être préjudiciable à l’enfant.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1781 de M. Patrick Hetzel, CS1786 de M. Xavier Breton et CS1858 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 17 de l’amendement de la rapporteure. Si l’on ne veut pas ouvrir largement l’action en recherche de paternité, il est incompréhensible de refuser l’établissement de la paternité du donneur lorsque lui-même et l’enfant le demanderont.

Lors de la levée de l’anonymat, à la majorité de l’enfant, il est tout à fait possible que l’enfant et le donneur créent des liens et souhaitent consacrer juridiquement ce lien susceptible de les unir. Lorsque l’enfant sera issu d’une femme seule, il n’aura sans doute pas de seconde filiation et on ne voit pas, dès lors, ce qui pourrait faire obstacle à l’établissement de la paternité du donneur.

Vous traitez juridiquement de la même manière les couples de femmes et les femmes seules alors que les incidences seront bien différentes pour les enfants à naître.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. En effet, nous les traitons de la même façon car ce n’est ni la nature de l’orientation sexuelle du couple, ni le fait d’être en couple ou seul qui détermine la relation entre le donneur et l’enfant à naître. La prohibition de l’établissement de la filiation est due au fait que le récit génétique n’est pas un engagement familial. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1649 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer l’alinéa 18 de l’amendement de la rapporteure. Vouloir protéger le donneur est une chose mais il serait regrettable que cela se fasse au détriment de l’intérêt de l’enfant puisque cet alinéa prive l’enfant d’une possibilité d’action en recherche de paternité contre son géniteur. Certes, l’interdiction est inscrite noir sur blanc dans la loi mais la réalité aura vite fait de nous rattraper.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1510 de M. Thibault Bazin.

Mme Anne-Laure Blin. Madame la rapporteure, mesurez-vous les conséquences du changement de notre modèle actuel de la filiation ? Comme l’indique le Conseil d’État, ce projet de loi détache la filiation de l’engendrement de l’enfant pour conduire à la parentalité.

En créant une double filiation maternelle, ne dissocie-t-on pas radicalement les fondements biologique et juridique de la filiation d’origine ? N’abolit-on pas la référence à l’engendrement de l’enfant ?

Admettre la double filiation maternelle ab initio a conduit les États à prévoir la possibilité de trois ou quatre parents comme le reconnaissent le code de la famille de Californie et le Family Law Act de la Colombie britannique. Est-ce là où vous voulez en venir ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’engendrement, qui peut se faire sous la couette ou par AMP, n’est pas remis en cause dans la filiation, bien au contraire.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1265 de M. Patrick Hetzel, CS1311 de M. Xavier Breton, CS1511 de M. Thibault Bazin et CS1842 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de distinguer entre les couples de femmes et les femmes seules, l’enfant n’ayant qu’un parent dans ce dernier cas. Par ailleurs, le Gouvernement a instauré des aides publiques pour soutenir les femmes qui élèvent seules leur enfant. Devons-nous contribuer, par la loi, à créer de nouvelles situations difficiles ? Des enfants ne finiraient-ils pas par nous le reprocher ?

Mme Anne-Laure Blin. Vous prenez souvent des exemples étrangers pour tenter de nous convaincre. Puisque la situation existe ailleurs, pourquoi pas chez nous, n’est-ce pas ? Cet argument d’autorité devrait s’imposer à nous. Cependant, vous n’avez pas répondu à ma question : si l’on admet la double filiation maternelle, comme le font certains États étrangers, on peut être conduits à reconnaître trois ou quatre parents. Est-cela que vous voulez ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le code civil impose le principe de bilinéarité pour l’enfant qui ne peut être rattaché qu’à deux parents. Le projet de loi ne modifie en rien cet impératif. L’enfant n’aura pas quatre parents demain, quand bien même il aurait deux mamans. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1267 de M. Patrick Hetzel, CS1313 de M. Xavier Breton et CS1844 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de substituer, à l’alinéa 19, le terme de « juge » à celui de « notaire ». Le consentement à un acte de filiation doit avoir lieu devant un juge dont les moyens d’investigation sont plus importants pour s’assurer de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le notaire, au contraire, ne peut que procéder à un enregistrement.

Mme Anne-Laure Blin. Madame la rapporteure, en quoi l’établissement de la filiation entre le donneur et l’enfant vous gêne-t-il, dès lors qu’ils le souhaitent tous les deux, surtout lorsque l’enfant n’a pas de père ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. La filiation, l’un de vos collègues l’a dit, ce n’est pas Castorama : c’est l’une des bases de notre droit civil. On ne change pas de filiation au cours de sa vie, en dehors des cas très spécifiques prévus au titre VIII du code civil. La philosophie du don n’est pas de devenir père. La filiation est donc proscrite pour tous les donneurs. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1650 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de consacrer les pouvoirs du juge, qui diffèrent de ceux du notaire en ce qu’il peut procéder à des investigations utiles en la matière.

Pour revenir à nos échanges précédents, je suis convaincue que la confrontation de ce texte avec la réalité mettra en évidence ses contradictions. J’ai compris vos explications, madame la rapporteure, mais j’avais bien précisé, dans un amendement précédent, que l’établissement de la filiation entre le donneur et l’enfant ne se ferait qu’au cas où l’enfant n’aurait qu’un parent. Où est le problème s’ils sont d’accord tous les deux, l’un pour avoir un père, l’autre pour le devenir ? Je ne sais même pas comment vous pourriez vous opposer à cette reconnaissance de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’ai une bonne nouvelle pour vous : le donneur pourra adopter l’enfant.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1651 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’enfant doit pouvoir connaître le plus tôt possible l’identité de son donneur, aussi proposons-nous de substituer l’âge de 16 ans à celui de 18 ans. Ce serait une mesure cohérente puisqu’à l’âge de 16 ans, un adolescent peut disposer d’une carte Vitale.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous y réfléchirons d’ici à la prochaine révision de la loi bioéthique mais restons-en à la majorité pour le moment. C’est déjà un changement culturel majeur.

La commission rejette le sous-amendement.

 

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9 heures ([6])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Gérard Leseul, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique. Il reste 718 amendements en discussion.

Article 4 (suite)
Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous poursuivons l’examen des sous-amendements à l’amendement CS1041 de la rapporteure, en discussion commune avec les amendements CS714, CS716, CS718, CS717, CS720, CS429, CS992 et CS544.

Sous-amendements identiques CS1266 de M. Patrick Hetzel, CS1312 de M. Xavier Breton, CS1700 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1843 de Mme AnneLaure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement entend instituer un mode de filiation fondé sur la seule volonté concordante des membres d’un couple. Il est permis d’exprimer des inquiétudes compte tenu du caractère potentiellement fluctuant de celle-ci. En outre, aucun couple n’est à l’abri de la désunion, a fortiori à l’épreuve des parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP), dont la probabilité de réussite est au demeurant très limitée. Nous avons entendu de nombreux témoignages à ce sujet.

Or une séparation des membres du couple aura des conséquences graves sur le lien de filiation de l’éventuel enfant à naître. Il sera possiblement l’enfant des deux femmes, ou celui de celle qui aura continué son parcours d’AMP en dépit de la séparation. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de donner au consentement une durée de validité de trois ans, et de prévoir sa confirmation annuelle.

Mme Emmanuelle Ménard. En matière d’adoption, le titulaire d’un agrément doit confirmer tous les ans qu’il maintient son projet. Il semble opportun et logique, en raison du principe d’égalité brandi à satiété pour justifier le présent projet de loi, de prévoir une disposition identique pour les couples ayant signé un consentement à l’AMP auprès d’un notaire.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Du point de vue juridique, les sous‑amendements sont satisfaits par l’alinéa 20 de l’article 4 tel que nous l’avons adopté en deuxième lecture, et que nous pouvons rétablir :

« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229‑1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette insémination ou ce transfert, ou du notaire qui l’a reçu ».

Dès lors que les membres d’un couple se séparent ou que l’un d’eux souhaite révoquer son consentement avant la réalisation de l’AMP, ils disposent des moyens de s’adresser au notaire ou au médecin. Chacun en est informé à la signature du consentement au don, et est donc parfaitement éclairé sur les modalités de rétractation de son consentement.

Du point de vue pratique, la durée de trois ans est très éloignée de la réalité vécue par les couples en matière d’AMP. Entre les stimulations hormonales, les ponctions d’ovocytes, la préparation des embryons et les inséminations, la procédure peut malheureusement durer trois ans. La disposition proposée aurait pour effet de ralentir les procédures d’AMP, notamment celles incluant une fécondation in vitro (FIV), qui suppose plusieurs essais intervenant selon une périodicité de deux ou trois ans. Avis très défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1268 de M. Patrick Hetzel, CS1314 de M. Xavier Breton et CS1845 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d’embryons de disposer, à leur majorité, d’un document officiel relatif à leur conception avec donneur, en prévoyant qu’une copie de tout consentement au don de gamètes soit envoyée par le juge à l’Agence de la biomédecine aux fins d’archivage spécifique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ces sous-amendements ne nous semblent ni opportuns ni pertinents, dans la mesure où ni l’Agence de biomédecine ni les juges ne tiennent un registre des consentements. Chaque consentement est recueilli individuellement par un notaire. La disposition proposée n’est donc pas applicable. Elle n’est pas non plus souhaitable, car elle demanderait la création d’un nouveau registre de conservation des données personnelles. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1512 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Il s’agit d’insérer un nouvel alinéa disposant que le notaire envoie copie du consentement à l’Agence de la biomédecine.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme précédemment, la disposition proposée suppose la création d’un registre des consentements auprès de l’Agence de biomédecine, à laquelle nous sommes défavorables.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1513 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendements identiques CS1514 de M. Thibault Bazin et CS1652 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Xavier Breton. Il s’agit de supprimer l’alinéa 20, qui abandonne l’enfant à un statut fragile, en lui fermant l’accès à des actions en recherche de paternité à l’égard du donneur et à des actions en contestation de filiation.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 20 inscrit dans la loi, me semble-t-il, une différence de traitement entre les enfants nés d’une AMP et les autres : les premiers ne pourront pas contester leur filiation, les autres si. Il convient de le supprimer – Mme la rapporteure n’est certainement pas animée par la volonté de créer une inégalité.

J’aimerais d’ailleurs revenir sur la réponse que vous m’avez faite hier soir, madame la rapporteure, lorsque je vous ai interrogée sur l’impossibilité pour le donneur de faire établir un lien de filiation avec l’enfant né du don, quand bien même l’un et l’autre le souhaiteraient. « J’ai une bonne nouvelle pour vous, il pourra l’adopter », avez-vous dit. En somme, vous écartez l’adoption pour la femme qui n’a pas engendré l’enfant, en lui permettant d’être mère par reconnaissance conjointe avant naissance, mais vous empêchez l’homme qui l’a engendré de le reconnaître et de faire établir un lien de filiation, tout en lui permettant cependant de l’adopter. Cela me semble assez discriminatoire.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Madame Ménard, l’engendrement est le fait de celui qui a causé la venue au monde de l’enfant, quelle que soit la méthode employée, charnelle ou par AMP. Je maintiens à 100 % ce que j’ai dit hier soir.

Par ailleurs, vous n’ignorez pas, mes chers collègues, qu’en supprimant l’interdiction de la filiation entre le donneur et l’enfant issu d’une AMP et en permettant à l’enfant d’entreprendre, une fois adulte, une action en recherche de paternité, les sous-amendements auraient aussi pour effet d’évacuer le père des couples hétéroparentaux, dès lors que nul ne peut avoir deux filiations paternelles. Je doute que vous souhaitiez revenir sur plus de trente ans d’acquis, en matière de filiation, pour les couples hétéroparentaux. Adopter les sous-amendements équivaudrait à mettre en doute la paternité dans le cadre d’une AMP avec tiers donneur dans un couple hétéroparental. Avis très défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1269 de M. Patrick Hetzel, CS1315 de M. Xavier Breton, CS1515 de Mme Thibault Bazin et CS1846 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de proposer une rédaction du début de l’alinéa 20 assurant la cohérence du texte avec l’article 325 du code civil, qui dispose que la filiation est établie par la mention de la mère à l’état civil, non par le consentement.

Madame la rapporteure, vous avez indiqué hier soir que vous souhaitez procéder par une autre voie. Au demeurant, votre avis sur les sous-amendements précédents démontre qu’il y a bel et bien un problème. Vous dites vous-même que changer de logique aurait pour effet de toucher à l’édifice construit depuis trente ans pour les couples hétérosexuels en matière d’AMP, comme nous le déplorons depuis l’ouverture des débats. Juridiquement parlant, vous construisez un édifice à côté de l’édifice de la filiation tel qu’il existe, et vous fragilisez l’édifice initial.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’alinéa 20 porte sur la prohibition de l’établissement d’un lien de filiation entre le donneur et l’enfant, non sur les modalités d’établissement de la filiation entre les parents diligentant une AMP et l’enfant. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1783 de M. Patrick Hetzel, CS1788 de M. Xavier Breton et CS1859 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’interdiction de contester la filiation oblige les adultes ayant recouru à l’AMP avec donneur à assumer leurs responsabilités et leur engagement vis-à-vis de l’enfant. Il est normal qu’ils ne puissent contester la filiation sous prétexte qu’elle n’est pas conforme à la réalité biologique. En revanche, une telle obligation ne peut être imposée à l’enfant qui, comme tout autre enfant, doit conserver la possibilité de contester, s’il le souhaite, sa filiation légalement établie afin de rechercher sa filiation biologique, à moins de soutenir que des enfants issus d’une AMP ont moins de droits que les autres. Nous nous interrogeons sur le véhicule juridique retenu pour procéder à l’extension de l’AMP.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous tentez la même chose sous une nouvelle forme, mais il n’existe toujours pas de filiation entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP. Le don est un dessaisissement. Aucune paternité ne peut donc être envisagée, sous un angle ou sous un autre, avant ou après la majorité de l’enfant. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1517 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Même si l’alinéa 20 mentionne la cessation de la communauté de vie comme cause privant d’effet le consentement à l’AMP, il est nécessaire de préciser expressément, dans un souci de clarté, que la rupture du pacte civil de solidarité (PACS) le prive également d’effet. Toute rupture de la relation entre les deux personnes ayant un projet parental doit empêcher la mise en œuvre d’une AMP, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par l’alinéa 22. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1516 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. L’article 342-11 du code civil, tel qu’il est rédigé dans la nouvelle rédaction de l’article 4, instaure un système d’établissement spécifique du lien de filiation pour les enfants issus d’une AMP demandée par un couple de femmes. Le sous-amendement tend à s’y opposer. Ce nouveau système crée une reconnaissance conjointe de l’enfant par le couple de femmes ayant eu recours à une AMP. S’agissant de celle qui n’accouche pas, le lien de filiation peut être établi par la présomption de paternité si l’autre membre du couple est un homme marié à la mère, ou par une adoption dans les autres cas puisque, conformément à l’article 358 du code civil, l’adopté en forme plénière a les mêmes droits que l’enfant dont la filiation est établie par l’une des modalités prévues au titre VII du livre Ier.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1270 de M. Patrick Hetzel, CS1316 de M. Xavier Breton et CS1847 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’établir un lien de filiation à l’égard de la femme qui n’accouche pas par l’adoption simple, ce qui permet de consolider la situation de l’enfant à l’égard de la femme qui partage la vie de sa mère, sans le priver définitivement de la possibilité d’établissement d’une filiation paternelle. En outre, l’adoptante pourra être investie de l’autorité parentale à l’égard de l’adopté et participer ainsi pleinement à sa vie quotidienne. S’agissant de celle qui accouche, le lien de filiation est établi conformément à l’article 311-25 du code civil. Il s’agit d’assurer la cohérence du texte avec l’édifice de la filiation, que les dispositions du texte tendent à fragiliser, contrairement à ce que vous dites, madame la rapporteure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ces sous-amendements fragilisent l’établissement de la filiation dans le cadre de la PMA pour les couples hétéroparentaux. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1701 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’établir un lien de filiation à l’égard de la femme qui n’accouche pas par voie d’adoption simple, en lieu et place de la reconnaissance conjointe. Cette disposition n’est pas moins favorable pour l’autre femme ; elle lui permet tout autant de construire un lien juridique avec l’enfant. L’adoptante pourra être investie de l’autorité parentale à l’égard de l’adopté et participer ainsi à sa vie quotidienne. Cela permet de ne pas toucher à l’édifice français de la filiation. Madame le rapporteur, les modifications que vous y apportez sont sources de discrimination.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1317 de M. Xavier Breton.

Sous-amendements identiques CS1271 de M. Patrick Hetzel et CS1848 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’établir un lien de filiation avec l’autre membre du couple par le recours à l’adoption plénière. Le droit en vigueur offre une boîte à outils pour répondre aux questions soulevées par le texte. Nos divers sous-amendements visent à assurer la stabilité juridique, que vous voulez manifestement balayer d’un revers de main.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1702 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’établir un lien de filiation entre la femme qui n’a pas accouché et l’enfant par le recours à l’adoption simple.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1272 de M. Patrick Hetzel, CS1318 de M. Xavier Breton et CS1849 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Ces sous-amendements visent à éviter l’inscription dans le droit d’une reconnaissance conjointe, qui prive l’enfant à naître de certains droits. Madame la rapporteure, j’aimerais que vous nous expliquiez comment vous comptez éviter cela.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les sousamendements.

Sous-amendement CS1653 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer l’alinéa 23. La reconnaissance conjointe pose problème, dans la mesure où elle ne peut avoir pour effet d’établir la filiation pour l’une des femmes et non pour l’autre – la sienne sera établie lors de l’accouchement. Cet alinéa me semble contraire à l’économie générale de la réécriture de l’article 4.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette observation est intéressante. La filiation ne peut être établie ab initio par un acte antérieur à la conception de l’enfant, car le sujet de droit n’existe pas à proprement parler. La reconnaissance conjointe demeure importante, car elle établit, pour les deux femmes, leur antériorité et leur responsabilité, ce qui garantit à l’enfant qu’il a deux mères en responsabilité à son égard, et à chacune d’entre elles qu’elle ne sera pas dédite par l’autre. L’antériorité sera acquise auprès de l’officier d’état civil par la reconnaissance conjointe comme mode de preuve de l’établissement de la filiation. Il s’agit d’une sécurité juridique pour l’enfant, les mères et l’officier d’état civil. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Mais c’est pénalisant pour la mère qui accouche !

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1518 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Il prévoit une nouvelle rédaction de l’alinéa 22 respectant le droit de la filiation par l’énonciation du principe selon lequel la femme qui accouche est reconnue comme mère, et en permettant l’adoption par l’autre femme du couple. C’est la rédaction qu’avait adoptée nos collègues sénateurs avant que la réécriture en dernière minute vienne bouleverser le droit de la filiation.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1519 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendements identiques CS1273 de M. Patrick Hetzel, CS1319 de M. Xavier Breton et CS1850 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Au sujet du lien de filiation entre l’enfant et le donneur, vous vous apprêtez à écrire dans la loi qu’il n’est pas envisageable – vous l’avez dit à plusieurs reprises hier et déjà ce matin, madame la rapporteure. Cette position est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui condamnera la France le jour où la paternité d’un enfant sera refusée au donneur qui la revendique. La jurisprudence existe et je suis surpris que vous fassiez comme si elle n’existait pas. Comment comptez-vous faire pour que la France puisse réagir lorsque cette situation se présentera, ce qui est inévitable compte tenu de la rédaction du texte que vous défendez ? Il s’agit d’un vrai sujet, que vous ne pouvez pas vous contenter d’ignorer.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Monsieur Hetzel, cessez d’instrumentaliser la jurisprudence de la CEDH ! Vous vous fondez sur la responsabilité qu’elle impose, en matière de filiation, à un homme ayant eu une relation charnelle avec une femme et désireux de se soustraire à sa paternité. Cette jurisprudence est issue d’un arrêt rendu dans une affaire d’adultère. Clairement, une procédure d’AMP exclut ce cas de figure. Il s’agit d’un don. Aucune comparaison n’est possible. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement CS1520 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendements identiques CS1765 de M. Patrick Hetzel, CS1766 de M. Xavier Breton et CS1856 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, votre amendement reprend la version de l’article 4 adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, sauf à l’alinéa 30, d’où vous avez fait disparaître toute référence à l’homme. Je propose de l’y réintroduire. Je sais bien que la tendance est à l’exclusion des hommes de ces questions, mais il serait pertinent, me semble-t-il, de nommer les choses.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Sur ce point, la rédaction adoptée en séance publique lors de la deuxième lecture constitue une erreur du point de vue de la cohérence du code civil, qui emploie usuellement, en matière de filiation, les mots « celui » ou « celle ». La modification rédactionnelle adoptée en deuxième lecture n’est pas utile et n’a aucune dimension symbolique. Je suggère le retrait des sous‑amendements et émets à défaut un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1703 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de précision rédactionnelle est analogue aux sous-amendements précédents.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1521 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Il s’agit de rédiger ainsi l’alinéa 32 : « Dans un couple de femmes, la femme n’ayant pas accouché qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant engage sa responsabilité envers lui ».

Dans un couple de femmes, la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché est établie par une reconnaissance conjointe et non par sa remise à l’officier d’état civil par la personne déclarant la naissance de l’enfant. Or la reconnaissance conjointe n’a pas systématiquement lieu lors de l’émission du consentement devant le notaire. Le refus de reconnaître l’enfant est susceptible de lui causer un préjudice.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1784 de M. Patrick Hetzel, CS1789 de M. Xavier Breton et CS1860 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. D’après la jurisprudence de la CEDH, le droit au respect de la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, « comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation ». La CEDH affirme que l’enfant a « un intérêt capital à obtenir les informations qui lui permettent de connaître la vérité sur un aspect important de son identité personnelle, c’est-à-dire l’identité de ses parents biologiques », et que l’intérêt de l’enfant est « avant tout de connaître la vérité sur ses origines » et dans « l’établissement de sa filiation réelle ».

Je vois mal pourquoi ces droits seraient reconnus aux enfants nés d’une relation sexuelle et refusés aux enfants issus d’une AMP. La CEDH n’ayant pas, à ce jour, été saisie sur la filiation des individus issus d’une AMP, il n’existe aucune jurisprudence spécifique sur ce point. Mais nous donnons l’alerte : tel sera nécessairement le cas, dans la mesure où le présent projet de loi prive de certains de leurs droits des enfants à naître.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je maintiens que vous commettez une confusion. Les extraits que vous citez figurent dans un arrêt pris dans une affaire d’adultère. Si un homme, commettant un adultère, a une relation charnelle avec une femme et procrée, sa responsabilité est engagée. Aucun parallélisme des formes ne peut être établi avec une AMP avec donneur. L’AMP comme adultère sans joie était ainsi désignée dans les années 1970 ! Cette époque est dépassée et révolue, tant mieux ! N’y revenons pas. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1522 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Manifestement, madame la rapporteure, vous ne m’écoutez qu’en partie ! J’ai dit qu’il n’existe pas encore de jurisprudence de la CEDH sur cette question précise, car nous n’avons pas encore, en France, d’enfants issus d’une AMP.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si, quand même !

M. Patrick Hetzel. Je parlais d’enfants issus d’une AMP telle que la prévoient les dispositions du présent texte. Inévitablement, les arguments développés devant la CEDH à l’origine de la jurisprudence que je viens de citer seront utilisés par les individus issus d’une AMP.

Madame Dubost, vous ne pouvez pas balayer cet état de fait d’un revers de main, en considérant que la question ne se posera pas. Ou alors, expliquez-nous quelles barrières juridiques vous prévoyez pour empêcher qu’une telle situation ne survienne. Vous privez des enfants à naître de certains droits. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire « circulez, il n’y a rien à voir ! ».

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’ai l’impression que nous sommes en première lecture. Des enfants issus d’une AMP, en France, il y en a énormément. Il existe des dispositions juridiques encadrant l’AMP avec tiers donneur pour les familles hétéroparentales. Aucune difficulté n’a été signalée. Aucun enfant qui en est issu n’a engagé une action en responsabilité contre la France devant la CEDH, ni même sollicité la Cour de cassation ou un tribunal ordinaire, au sujet d’une imaginaire, fantasmagorique et stéréotypée nécessité d’imputer une paternité à un donneur. Dans l’esprit des enfants issus d’une AMP, il n’existe aucune confusion. Que vous vous livriez à des projections caricaturales vous appartient. De grâce, laissez tranquilles les enfants issus d’une AMP, à la filiation heureuse et tranquille ! Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1274 de M. Patrick Hetzel, CS1320 de M. Xavier Breton, CS1704 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1851 de Mme AnneLaure Blin.

M. Patrick Hetzel. Si vous voulez que les débats restent sereins, madame la rapporteure, évitez de m’accuser de verser dans la caricature et de véhiculer des stéréotypes. Le respect, cela doit fonctionner dans les deux sens.

Vous prétendez que ce que je dis relève de l’imaginaire et du fantasme. Je ne vous demande pas de porter un jugement sur ce que je dis, je vous demande de m’apporter une réponse sur le fond. Or, quand vous n’avez pas de réponse, que vous faites-vous ? Vous essayez de disqualifier l’orateur et vous le tournez en dérision. C’est systématique. De telles méthodes sont réprouvables.

J’ai parfaitement conscience qu’il y a déjà eu un certain nombre d’AMP en France et que, fort heureusement, elles se sont bien passées. Ce que je dis, c’est que vous êtes en train de construire un nouvel édifice juridique et que ce faisant, vous fragilisez l’édifice actuel. Répondez à cette question sans projeter sur les autres vos propres difficultés à argumenter.

M. Xavier Breton. Nous attendons en effet de vous des réponses juridiques, non des jugements de valeur. Quand vous êtes prise en défaut, vous répliquez en nous renvoyant nos « schémas stéréotypés » et toute la musique habituelle. Ce n’est pas un argument ! Peut-être ce discours plaît-il aux militants qui suivent nos débats, mais ce n’est pas ce qu’on attend de nous. Nous sommes ici pour légiférer.

Nous ne sommes plus à la première lecture, nous en sommes à la troisième et si nous continuons à travailler sur ce texte et à vous interroger, c’est, vous le savez fort bien, parce que l’article 4 relève du bricolage juridique. On est quand même en train de toucher à l’un des piliers de notre société : le droit de la filiation ! Respectez donc nos arguments et répondez à nos questions.

Mme Emmanuelle Ménard. Si je comprends bien, madame la rapporteure, un enfant issu de l’AMP aura moins de droits qu’un enfant issu de l’adultère : l’un pourra faire une recherche en paternité, quand l’autre ne le pourra pas. On introduit ainsi une discrimination entre les personnes en fonction du mode de conception. Je trouve ça moche.

Il y a vingt ans, on soutenait qu’aucun enfant n’avait besoin de connaître l’identité de son donneur et il n’existait aucun litige. Aujourd’hui, la France se retrouve devant la Cour européenne des droits de l’homme parce qu’elle a refusé de laisser des enfants issus d’un don accéder à leur dossier. On voit bien que les choses évoluent et on ne peut pas affirmer aujourd’hui qu’aucun enfant issu de l’AMP ne demandera jamais à connaître l’identité de son père. Dans vingt ans, les enfants qui seront nés dans un couple de femmes ou dans une famille monoparentale et qui n’auront pas eu de référent paternel voudront peut-être connaître leur lien de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Au risque de vous décevoir, messieurs Hetzel et Breton, je n’attaque pas le raisonneur mais le raisonnement. Je trouve le vôtre fragile, et je suis en total désaccord. Cela fait trois lectures que je vous l’explique et vous faites mine de ne pas comprendre !

Nous ne créons pas un nouveau dispositif. Nous reprenons celui qui existe depuis trente ans en matière d’AMP avec tiers donneur pour les hétérosexuels pour l’appliquer aux AMP engagées par des femmes seules et des familles homoparentales. Nous ne fragilisons donc pas le dispositif, nous ne portons pas atteinte au droit de la filiation. C’est faux.

Et si votre raisonnement est faux, c’est, je le maintiens, parce qu’il est empreint de stéréotypes et de caricatures. Quant au fait de plaire ou de déplaire aux militants, excusez-moi, mais n’est-ce pas la Manif pour tous qui est venue hier vous soutenir sur les réseaux sociaux pendant que nous débattions ?

Madame Ménard, vous ne pouvez pas comparer la situation d’un enfant qui est issu d’une procréation charnelle dans le cadre d’une relation adultérine et celle d’un enfant issu d’une AMP avec tiers donneur. C’est un retour aux débats des années 1990 ! Il convient de laisser ces familles tranquilles et de permettre à ces enfants de s’épanouir. C’est la prohibition de la filiation entre le donneur et l’enfant qui les protège, et qui protège aussi le donneur. Il ne faut absolument pas revenir sur cette excellente initiative prise en 1994 par Mme Veil.

Les problèmes de jurisprudence dans d’autres États membres de l’Union européenne que vous avez évoqués concernent l’Allemagne et proviennent précisément du fait que, là-bas, cette prohibition n’existe pas. L’Allemagne va d’ailleurs prendre exemple sur la France. La solution que nous avons trouvée permet en effet de distinguer ce qui relève de l’identité, à savoir l’accès aux origines personnelles, et ce qui relève de la filiation et de la vie familiale. Nous devons continuer à protéger les parents, les enfants, les donneurs, maintenir en l’état le dispositif juridique instauré par Mme Veil et l’appliquer aux familles monoparentales et homoparentales. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1523 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Vous n’avez pas répondu à la question de Mme Ménard concernant la discrimination en matière de recherche en paternité, madame la rapporteure. Pourtant, elle était claire et précise.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous invite à vous reporter à l’enregistrement : je viens d’y répondre.

Avis défavorable sur le sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1275 de M. Patrick Hetzel, CS1321 de M. Xavier Breton et CS 1852 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Considérons que notre raisonnement n’est pas le bon et adoptons le vôtre, madame la rapporteure : ne faudra-t-il pas, en toute logique, introduire, à un moment ou à un autre, une présomption de comaternité ? Vous avez beau dire que tout va bien, que tout est cohérent, on voit bien qu’un certain nombre de points font problème. Ce que vous ne voulez pas entendre, c’est que l’extension du dispositif actuel aux couples de femmes et aux femmes seules aura ipso facto des répercussions sur les couples hétérosexuels, notamment concernant l’apparition d’un certain nombre de droits. Nous vous alertons sur ce point.

M. Xavier Breton. Nous souhaitons que soit clairement énoncé que, pour les couples de femmes qui ont eu recours à une assistance médicale à procréation à l’étranger avant la publication de la loi, la filiation ne pourra être établie qu’à l’égard de la femme qui accouche, conformément aux dispositions de l’article 311-25 du code civil, et qu’elle ne pourra être établie par quelque moyen que ce soit à l’égard de l’autre femme. Il convient d’encadrer le dispositif de façon qu’aucun bricolage ne soit possible ; il y avait des règles antérieures, elles doivent s’appliquer à tous. À défaut, on risquerait d’ouvrir la voie, par l’intermédiaire notamment d’une QPC, à une reconnaissance de la GPA – mais peut-être est-ce votre dessein caché ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une présomption de comaternité n’est pas nécessaire puisque la reconnaissance conjointe anticipée garantit la responsabilité ab initio des deux femmes qui s’engagent dans le projet parental. La présomption de paternité a été inventée pour garantir, s’agissant de la responsabilité, la présence du père auprès de la mère et de l’enfant. La question a donc été envisagée, traitée et résolue dans le projet de loi. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1277 de M. Patrick Hetzel, CS1322 de M. Xavier Breton et CS1853 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’objet du débat, madame la rapporteure, ce n’est pas la famille, c’est l’enfant. Ce qui est en question, c’est son état civil et la possibilité qui lui est ou non donnée d’avoir un lien de filiation avec la personne dont il est biologiquement issu et de s’inscrire par là même dans la généalogie de la famille qui lui a transmis ses gènes. Nous avons auditionné des personnes qui se trouvent en grande souffrance parce qu’elles n’ont pas obtenu de réponses à leurs questions. Assumez-vous le risque de susciter de nouvelles souffrances à travers le dispositif que vous mettez en place ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si votre question est de savoir si j’assume et si, au-delà de moi, le groupe La République en Marche, la majorité présidentielle et peut-être d’autres groupes politiques assument de dire à un enfant issu d’une AMP avec tiers donneur que ses parents sont ceux qui ont engagé l’AMP et non le donneur génétique – qui, d’ailleurs, se dessaisit de tout lien de filiation lors du don –, oui, nous l’assumons totalement. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas cela, la question.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1278 de M. Patrick Hetzel, CS1323 de M. Xavier Breton et CS1854 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Si certaines questions reviennent alors que nous en sommes à la troisième lecture, c’est que nous n’avons toujours pas obtenu de réponses satisfaisantes. Hier encore, je vous signalais des articles parus dans des revues juridiques et faisant état d’interrogations extrêmement fortes sur la rédaction de l’article 4. Vous faites comme si ces juristes – qui sont, pour le coup, des spécialistes du droit de la famille – étaient dans l’erreur. Ce n’est pas acceptable. Tant que nous n’aurons pas obtenu de réponses, nous continuerons à poser ces questions.

M. Xavier Breton. Oui, si la rédaction était si claire, on n’en serait pas à la énième version du texte ! On voit bien que les choses ne sont pas du tout stabilisées. Vous répondez, avec une certaine arrogance, que tout est clair et que c’est nous qui n’y comprenons rien, parce que nous sommes prisonniers de nos schémas et de nos stéréotypes, mais les questions que nous posons, ce sont aussi des juristes qui les posent. Je comprends que cela vous dérange, mais nous attendons des réponses de nature juridique.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Quand on passe aux arguments ad hominem et qu’on remet en cause la méthode, c’est que les questions de fond ont été réglées…

Il me semble normal que des juristes écrivent sur ce que nous sommes en train de faire ; cela me paraît même plutôt sain qu’ils débattent de la doctrine : c’est leur métier. Il y a aussi d’excellents professeurs de droit civil, spécialistes du droit de la filiation, qui ont soutenu des thèses sur le sujet, qui comprennent parfaitement ce dont il retourne et qui saluent les progrès apportés par ce texte. Si vous voulez des noms, je les tiens à votre disposition.

Quant à la méthode, je regrette que Mme Genevard ne soit pas là, parce qu’elle a salué hier soir le travail de coconstruction que nous avions réalisé avec l’ensemble des groupes politiques afin d’aboutir à une version aussi stable que possible et qui tienne compte des différents points de vue. Dans le cadre de cette troisième lecture, nous ne faisons que rétablir l’équilibre trouvé en deuxième lecture. Tout cela est donc parfaitement cohérent. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1279 de M. Patrick Hetzel, CS1324 de M. Xavier Breton et CS1855 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Je n’ai pas la prétention de m’exprimer en lieu et place de Mme Genevard, mais ce que je l’ai entendu dire hier soir, c’est que l’une des questions que nous soulevons depuis le début, à savoir que dans un couple de femmes, il y avait une différence entre la femme qui accouche et l’autre membre du couple, a enfin été prise en considération et que cela a donné lieu à une réécriture. De là à prétendre que tout va bien et qu’on est arrivé à un équilibre, il y a loin ! Elle ne vous a pas adressé un satisfecit. Il existe d’autres points de fragilité, et c’est que nous allons continuer à démontrer.

M. Xavier Breton. Ces sous-amendements visent à faire établir par un juge plutôt que par un notaire l’acte de reconnaissance pour les AMP ayant eu lieu à l’étranger avant l’adoption de la loi. Il convient de lutter contre la tendance actuelle, en matière de droit de la famille, à supprimer l’intervention du juge au profit d’une vision contractuelle de celle-ci.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les sousamendements.

Sous-amendements CS1654, CS1655 et CS1698 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans l’intérêt de l’enfant, l’acte de reconnaissance doit faire intervenir non seulement le notaire, mais aussi le juge, car celui-ci dispose de pouvoirs, notamment d’un pouvoir d’investigation, dont est dépourvu le notaire. Tel est l’objet du sous-amendement CS1654.

Le sous-amendement CS1655 est de cohérence.

Sous couvert d’égalité, on est en train, à travers ce projet de loi, de créer de nouvelles discriminations : discrimination fondée sur leur mode de naissance, discrimination fondée sur le type de foyer dans lequel l’enfant naît et, maintenant, discrimination fondée sur la mère qui accouche. Celle-ci ne devrait jamais avoir à faire de reconnaissance. Cette disposition ne devrait s’appliquer qu’à la « seconde mère » – terme que je n’aime pas mais que j’utilise pour des raisons de clarté. Le dispositif de reconnaissance conjointe ne me semble pas adapté. C’est pourquoi le sous-amendement CS1698 tend à lui substituer une adoption simple.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je suis, pour ma part, intimement convaincue que la reconnaissance conjointe anticipée vient surtout garantir la responsabilité partagée des mères entre elles et envers l’enfant. Pour la mère qui accouche, la filiation s’établit à travers la mention sur l’acte de naissance. La reconnaissance conjointe sert, pour la deuxième mère, de preuve d’antériorité auprès de l’officier d’état civil, et c’est précisément en quoi elle répond aussi aux préoccupations exprimées hier par Mme Battistel et M. Chiche. S’il y avait une grande réforme du droit de la filiation et une coparentalité établie, comme vous le prétendez, on n’aurait pas besoin de reconnaissance conjointe anticipée. Elle permet de sécuriser le dispositif en l’absence de coparentalité.

Par conséquent, je pense que le sous-amendement CS1698 est satisfait. Avis défavorable sur les trois sous-amendements.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement CS1078 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. Lors des précédentes lectures, je n’ai cessé de mettre l’accent sur la situation des enfants déjà nés d’une PMA réalisée à l’étranger par un couple de femmes. On court le risque de voir émerger, après l’adoption de ce texte, une inégalité entre les enfants en matière de filiation suivant leur date de conception. En deuxième lecture, nous avions adopté un mécanisme transitoire pour que les couples de femmes en mesure de s’entendre pour établir le lien de filiation entre l’enfant et sa seconde mère puissent, même plusieurs années après la naissance de l’enfant, sécuriser leur famille devant le notaire. Toutefois, il avait été décidé d’exclure du dispositif les couples de femmes qui étaient en conflit, donc dans l’impossibilité de faire une reconnaissance conjointe.

Si l’on n’adopte pas la proposition de loi sur l’adoption de notre collègue Monique Limon, une inégalité entre les enfants risque d’apparaître suivant que leurs parents sont en conflit ou non. À moins d’accepter de voir naître une discrimination simplement liée au calendrier législatif, il semble pertinent d’intégrer la mesure contenue dans cette proposition de loi dans le texte relatif à la bioéthique, en complément du mécanisme de reconnaissance de filiation tardive déjà prévu.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ce sous-amendement est bien le fruit de nos discussions durant les précédentes lectures. Nous avons en effet créé un mécanisme rétroactif pour les enfants issus d’une AMP avec tiers donneur dans un couple de femmes ayant eu lieu avant la promulgation de la loi afin de sécuriser leur filiation. Dans l’hypothèse où les deux femmes s’entendent, tout va bien, mais s’il y a conflit, cela peut soulever des difficultés pour l’établissement de la deuxième branche de la filiation de l’enfant, raison pour laquelle Mme Limon, ici présente, a engagé un vaste travail sur l’adoption qui s’est concrétisé par une proposition de loi, examinée en première lecture par l’Assemblée en décembre. On a ainsi pu trouver avec les services de la Chancellerie et de la protection de l’enfance un dispositif qui sécurise les situations que vous décrivez.

Ce dispositif doit-il être maintenu dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon ou est-il préférable de l’intégrer au présent texte ? Une raison de fond me fait préférer la première option : le texte de Mme Limon permet de faire sauter le verrou du mariage pour l’adoption. Si l’on adoptait votre sous-amendement, cela exclurait du dispositif les concubines, les pacsées et les femmes vivant en union libre : il ne s’appliquerait qu’aux couples de femmes mariées au moment où elles ont eu recours à l’AMP. Je ne pense pas que ce soit l’objectif.

Nous avons impérativement besoin du véhicule législatif de Mme Limon pour faire sauter la condition du mariage, car cela sort du champ de la bioéthique. Nous pourrons demander au garde des sceaux de réitérer dans l’hémicycle son engagement que la proposition de loi de Mme Limon sera adoptée dans les plus brefs délais, afin qu’elle soit promulguée en même temps que la loi relative à la bioéthique et que toutes les situations soient ainsi mises en concordance. C’est pourquoi je vous demande de retirer le sous-amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Laurence Vanceunebrock. Vous parlez de mariage mais, en l’occurrence, ces femmes ne sont pas mariées, vu qu’elles ne s’entendent pas. Je maintiens mon sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous avons terminé l’examen des sous-amendements à l’amendement CS1041. Madame la rapporteure, quel est votre avis sur les amendements soumis à discussion commune ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis favorable sur le CS1041, défavorable sur tous les autres.

Mme Annie Genevard. Pour clore cette longue discussion sur un point essentiel du texte, concernant le droit de la filiation, je voudrais rappeler la position du groupe LR sur le sujet.

Ce n’est qu’au terme d’un échange constant, argumenté et difficile avec le Gouvernement que notre groupe a réussi, par ma voix, à faire reconnaître le statut particulier de la femme qui accouche.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. C’est aussi un peu du fait de notre volonté, non ?

Mme Annie Genevard. Il n’a pas été si facile que cela de vous convaincre…

Il reste que notre dialogue a abouti à une solution qui permet de conserver à la femme qui accouche sa spécificité, à savoir que, comme le dit l’adage latin, la mère est toujours certaine. Je m’en réjouis et je vous en remercie.

Il n’en demeure pas moins que, s’agissant de l’autre femme du couple, nous ne sommes pas d’accord avec ce que vous proposez. Vous aviez la possibilité de rester à droit de la filiation constant, en lui permettant d’établir un lien de filiation à part entière par la voie de l’adoption. Je rappelle que cette solution avait été ardemment souhaitée au moment de l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Or vous avez décidé de bousculer le droit de la filiation, et vous le faites de manière très importante. Nous le regrettons, et c’est pourquoi nous ne voterons pas pour l’amendement de Mme la rapporteure.

La commission adopte l’amendement CS1041.

L’article 4 est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les amendements s’y rapportant tombent.

 

Article 4 bis
Interdiction de la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui lorsqu’il mentionne le parent d’intention

 

Amendements de suppression CS404 de M. Jean-Louis Touraine, CS419 de M. Raphaël Gérard et CS560 de Mme Sylvia Pinel.

M. Jean-Louis Touraine. En 2017, le candidat Emmanuel Macron s’engageait devant les Français « à reconnaître l’existence et donner un statut juridique aux enfants qui vivent en France et qui sont nés de GPA à l’étranger, car ces enfants ne peuvent pas être les victimes ». De fait, quelle que soit notre opinion sur la GPA, les enfants qui en sont issus n’en sont pas responsables et ils ne peuvent raisonnablement pas être pénalisés en lieu et place de leurs parents. L’adoption de l’article 4 bis, tel que proposé par nos collègues sénateurs, poserait d’importantes difficultés, tout comme celle d’un amendement visant à empêcher toute reconnaissance rapide de ces enfants en dehors des voies de l’adoption. Cela reviendrait à faire un pas en arrière, aux dépens de l’intérêt de ces enfants, la jurisprudence ayant évolué positivement ces dernières années.

D’abord, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné notre pays à plusieurs reprises, estimant qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant de voir sa filiation intégrale reconnue avec célérité et de façon effective. Ensuite, selon le droit positif tel qu’il résulte de deux arrêts de la Cour de cassation de 2019, explicités par les instructions du procureur de la République de Nantes en 2020 et par une note diplomatique d’avril 2020, il n’est procédé en aucun cas à une transcription automatique. La transcription intégrale des actes de naissance de ces enfants n’est possible que si, et seulement si, certaines conditions sont réunies, afin d’éviter toute fraude. Enfin, cette transcription ne fait pas obstacle à ce que la filiation puisse être contestée devant les tribunaux, conformément aux dispositions des articles 332 et suivants du code civil.

À travers mon amendement, je propose d’en rester à l’état actuel du droit, sans aller plus loin et, surtout, sans revenir en arrière. Il permet en effet d’éviter la fraude et de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant.

La proposition de loi de notre collègue Monique Limon visant à réformer l’adoption n’a pas encore été examinée par le Sénat, et nous ne savons pas quand elle le sera, alors qu’un engagement avait été pris concernant son examen rapide et son adoption avant la fin de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Ce ne sera pas le cas. Cette proposition de loi contient des dispositions très bénéfiques, mais qui ne seront pas effectives avant 2022 au plus tôt. Empêcher toute reconnaissance en dehors de la voie de l’adoption reviendra donc à exposer nombre d’enfants français à une situation d’insécurité juridique extrême. Qu’adviendra-t-il, notamment, si leurs parents – non reconnus – sont victimes d’un accident ?

M. Raphaël Gérard. Je propose, moi aussi, de supprimer l’article 4 bis.

On peut sérieusement regretter que certains chantres du droit des enfants et de l’intérêt supérieur de l’enfant soient davantage préoccupés par les gages qu’ils souhaitent donner aux opposants au texte plutôt que par l’intérêt supérieur des enfants issus d’une GPA réalisée à l’étranger. Ceux-ci méritent, comme tous les enfants, d’être protégés, indépendamment de leur mode de conception.

En proposant de rétablir l’article 4 bis dans sa rédaction issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale sans se soucier de la possibilité de faire reconnaître le lien de filiation avec le parent d’intention, quelles que soient les circonstances, certains choisissent délibérément de faire peser sur les épaules de ces enfants l’incrimination morale que la société édicte à propos du choix effectué par leurs parents. Le Gouvernement s’était engagé, par la voix de deux gardes des sceaux successifs, à faciliter le recours à l’adoption, mais nous n’avons aujourd’hui aucune certitude quant à une promulgation avant la fin du quinquennat de la proposition de loi de Mme Limon visant à réformer l’adoption.

Pis, la promulgation cet été du présent texte relatif à la bioéthique risque de placer certains enfants dans une forme de purgatoire, comme vient de le dire Jean-Louis Touraine. Ils seront amputés d’une partie de leur filiation établie de manière régulière en attendant l’éventuelle promulgation d’une loi à venir. Je rappelle que la proposition de loi de Mme Limon, qui tend à ouvrir l’adoption aux couples non mariés – vous l’avez indiqué à l’instant, madame la rapporteure –, n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

Pendant ce laps de temps, les enfants seront placés dans une situation de précarité juridique insupportable et soumis aux aléas de la vie : séparation du couple ou décès du parent biologique. Plus tard, si la loi visant à réformer l’adoption voit enfin le jour, ils seront prisonniers des aléas judiciaires.

Pour ces raisons, il serait plus sage de supprimer l’article 4 bis et d’écarter du projet de loi la question de la GPA – cela ferait plaisir à nos amis du groupe Les Républicains –, comme la majorité l’entendait initialement.

Mme Sylvia Pinel. La rédaction adoptée par le Sénat en deuxième lecture interdit la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une GPA lorsqu’il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères.

L’adoption de cet article entraînerait une trop grande insécurité juridique pour les enfants concernés. Elle signerait un retour en arrière inacceptable, l’article étant contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci a en effet ouvert la possibilité de transcrire l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA régulièrement réalisée à l’étranger. La Cour a rappelé qu’elle construisait cette jurisprudence sur la recherche d’un équilibre entre l’interdit d’ordre public et l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel est proclamé par la Convention internationale des droits de l’enfant.

L’objectif de cet amendement n’est évidemment pas de revenir sur l’interdiction de la GPA en France, mais bien d’éviter que ces enfants ne souffrent en raison de la manière dont ils ont été conçus, parce qu’ils n’en sont pas responsables.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les termes du débat ont évolué au fil des lectures successives, la Cour de cassation ayant pris des décisions nouvelles au cours de l’une d’elles, nous poussant, nous législateurs, à prendre nos responsabilités en matière de filiation pour les enfants issus d’une GPA.

Bien évidemment, la GPA reste interdite en France ; il n’y a pas d’ambiguïté à ce sujet. Le texte ne revient en rien sur cette interdiction. En revanche, se pose la question de la filiation des enfants issus d’une GPA réalisée à l’étranger, qui résident en France et sont citoyens français. Ils ont droit au respect de leur vie familiale, d’où la nécessité d’une solution équilibrée.

Les tribunaux ont proposé différentes modalités, dont certaines ont été validées par la Cour de cassation. À un moment, la Cour a autorisé des transcriptions d’actes d’état civil étrangers. À un autre, elle a envisagé l’hypothèse de la reconnaissance par possession d’état. D’autres arrêts ont totalement proscrit l’établissement d’une filiation.

Si l’on dresse un tableau global, sans entrer dans la technique, nous nous sommes retrouvés avec une situation inéquitable : la législation demeurant floue en la matière, les décisions variaient d’un enfant à l’autre sur le territoire national. Dans certains territoires, l’acte de naissance était transcrit automatiquement et les enfants voyaient leur double filiation établie. Dans d’autres, les magistrats le refusaient systématiquement. À mon sens, une telle disparité n’est pas acceptable.

C’est précisément pour cette raison qu’il fallait prendre une position. En accord avec le Gouvernement et le groupe La République en marche, j’ai défendu en deuxième lecture une nouvelle rédaction du fameux article 4 bis. Certes, elle durcit probablement les positions en matière d’établissement de la filiation en vertu du titre VII du code civil « De la filiation ». Mais, en échange, on offre un véhicule législatif pour faciliter l’établissement de la filiation en vertu du titre VIII « De la filiation adoptive », et le traitement sera absolument équitable pour tous les enfants sur l’ensemble du territoire français.

En matière de droits de l’homme et de droits de l’enfant, nous avons des obligations internationales et européennes. La CEDH nous impose de garantir les droits de l’enfant et de prévoir une modalité pour établir le lien de filiation avec le deuxième parent. En revanche, depuis 2019, elle laisse aux États une marge d’appréciation : il leur revient de déterminer si ce lien doit être établi par une filiation d’engendrement ou par une filiation adoptive. Autrement dit, la CEDH ne condamnera pas les États pour le choix de tel ou tel mode de filiation pour le deuxième parent, mais elle le fera si aucun lien de filiation n’est établi entre l’enfant et lui. Elle a récemment confirmé cette jurisprudence, dans un arrêt du 18 mai 2021 : elle a refusé de condamner l’Islande pour le non-établissement d’une filiation d’engendrement pour des parents d’intention, tout en maintenant l’obligation d’établir au minimum une filiation au titre de l’adoption.

Le garde des sceaux a pris deux engagements. D’une part, nous allons poursuivre la discussion de la proposition de loi de Mme Limon, afin de rendre effective la voie de l’adoption. À ce jour, elle ne l’est pas – nous savons qu’il y a un manque de célérité et, parfois, d’objectivité dans l’examen des dossiers –, et c’est ce qui a motivé les décisions de la Cour de cassation. D’autre part, le garde des sceaux s’est engagé à adresser une circulaire aux magistrats pour que les enfants soient traités de façon parfaitement équitable dans le cadre des procédures d’adoption, quel que soit le mode de conception choisi par leurs parents.

Je demande le retrait des amendements de suppression. À défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Annie Genevard. Il s’agit d’une question difficile, mais sur laquelle notre position est constante : nous ne voulons pas de la GPA.

Nous ne la voulons pas dans notre pays, alors même qu’elle s’y déploie – peut-être avez-vous écouté samedi après-midi l’émission de France Culture dans laquelle une femme racontait avoir fait trois GPA en France. Nous ne voulons pas des salons tels que « Désir d’enfant », qui promeuvent la GPA sur notre sol.

Nous ne voulons pas davantage de la GPA à l’étranger. Vous parlez de l’intérêt supérieur de l’enfant – qui devient tout à coup primordial à vos yeux, alors que vous avez contesté sa portée lorsque nous avons examiné les articles précédents –, mais vous ne parlez jamais des femmes dont on exploite le ventre, dans des pays étrangers, pour satisfaire le désir d’enfant des Européens. Vous fermez les yeux, lâchement, sur cette réalité. Dans certains pays, la GPA est un esclavage moderne, et il faut le dénoncer.

Or, pour le dénoncer, il faut mettre un frein au phénomène. Nous pensons que la disposition adoptée par le Sénat est la bonne. Nous pensons que la décision prise par la CEDH dans son arrêt du 18 mai 2021 est la bonne. C’est pourquoi nous vous demandons, chers collègues de la majorité, de ne pas verser dans la duplicité, qui consiste à dire non à la GPA tout en prévoyant une reconnaissance automatique de la filiation d’intention – car telle est bien votre position.

Nous ne voulons pas de cette hypocrisie. Les parents qui se rendent à l’étranger pour réaliser une GPA ne pensent pas suffisamment à l’intérêt supérieur de l’enfant, pas plus qu’ils ne pensent aux femmes dont on loue le ventre, parfois à bas prix, pour qu’elles enfantent.

M. Patrick Hetzel. Il convient de prendre en considération les arrêts rendus par la Cour de cassation en décembre 2019 et en novembre 2020. Il importe de préciser que la Cour n’a pas cherché alors à établir le caractère impossible ou inadapté de l’adoption.

Néanmoins, l’intervention du législateur est indispensable, pour revenir à un contrôle plus strict de la reconnaissance de la filiation établie à l’étranger à l’issue d’une GPA. Cela confirme d’ailleurs la justesse de l’initiative prise par le Sénat. Contrairement à ce que j’ai entendu, le Sénat n’a pas été convaincu par la rédaction retenue par l’Assemblée nationale pour faire obstacle à la jurisprudence que j’ai évoquée. Il a craint qu’elle ne suffise pas à combler le vide juridique actuel, puisqu’elle renvoie au juge le soin d’apprécier la situation résultant d’une GPA, sans délimiter les contours de son interprétation. Si vous rétablissez l’article 4 bis dans sa version adoptée par l’Assemblée, il y aura bien un problème juridique.

Le Sénat a voté l’amendement proposé par sa rapporteure, Muriel Jourda, pour rétablir la rédaction qu’il avait adoptée en première lecture. Celle-ci paraît bien plus opérationnelle que la vôtre, puisqu’elle prohibe toute transcription complète de l’acte étranger dans les cas de GPA.

Par ailleurs, l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés, prévue par la proposition de loi de Mme Limon, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, devrait assurer l’effectivité et la célérité de la reconnaissance du lien de filiation, ce que requiert la CEDH.

Les jugements d’adoption sont exclus du champ de la prohibition édictée par le Sénat. Leur transcription demeurera régie par les règles de droit commun, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, sans qu’il soit utile de le préciser dans la loi.

Je le répète, votre rédaction est bien plus fragile ; elle sera source de nombreux problèmes. Vous avez l’occasion de promouvoir un vrai travail de coconstruction. Manifestement, vous voulez balayer là encore les propositions du Sénat. C’est assez incompréhensible.

Mme Emmanuelle Ménard. La question est effectivement très importante. Si vous supprimez l’article 4 bis tel qu’il a été adopté par le Sénat, vous en arrivez de facto – ne tournons pas autour du pot – à légaliser la GPA de façon détournée.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Mais non !

Mme Emmanuelle Ménard. Mais si ! Permettre la transcription de jugements d’adoption étrangers revient à permettre le contournement de la loi française, qui prohibe tout recours à la GPA. Et ne nous accusez pas d’être des sans-cœur qui ne penseraient pas aux enfants issus d’une GPA !

Je rappelle que, même en l’absence de transcription, la filiation des enfants découlant de leur acte de naissance établi à l’étranger est reconnue en France, et l’a toujours été. Les parents, y compris les parents d’intention, exercent l’autorité parentale et sont les représentants légaux des enfants. À titre d’exemple, ils agissent en justice en leur nom. Comment le pourraient-ils si la filiation n’était pas établie ?

On s’abrite derrière des sigles. Or la GPA, je le rappelle, c’est le recours aux mères porteuses ; c’est la pratique intolérable qui consiste à louer le ventre d’une femme, que l’on a auparavant choisie sur un catalogue. L’interdiction doit être totale, afin de dissuader nos concitoyens de commander des GPA. Faciliter les démarches de régularisation, c’est, à terme, autoriser la pratique.

M. Pascal Brindeau. On dit qu’il ne faut pas pénaliser ces enfants en raison d’une décision prise par leurs parents contraire à l’option « morale » – c’est le terme que j’ai entendu – relative à la GPA. Certes, mais les parents ont pris cette responsabilité en toute connaissance de cause : ils savaient qu’en recourant à une GPA à l’étranger, ils se plaçaient dans une situation d’illégalité par rapport au droit français. Or nous ne pouvons pas balayer cela d’un revers de la main et considérer qu’il est nécessaire de trouver un dispositif, quel qu’il soit, pour permettre l’établissement de la filiation de manière définitive et totale, sans qu’on ait à en discuter.

C’est pourquoi le Sénat s’appuie sur l’adoption, et non sur la reconnaissance automatique de la filiation. C’est ce qui est le plus conforme à l’intérêt de l’enfant et à la volonté affichée par la majorité – le groupe La République en Marche et ceux qui le soutiennent – de ne pas ouvrir la voie à la GPA en France. Telle est la position que vous martelez, mais, à ce jour, vous n’avez pas apporté de garanties en ce sens en matière de droit de la filiation. Il faut trouver les voies et moyens d’y parvenir, nous ne disons rien d’autre.

La jurisprudence a effectivement tâtonné. La CEDH nous impose de prévoir un mode d’établissement de la filiation, mais ne nous impose pas de retenir tel ou tel mode, Mme la rapporteure l’a rappelé. Nous ne sommes donc pas obligés d’opter pour la reconnaissance automatique de la filiation.

Si nous adoptons la rédaction de l’article 4 bis proposée par le Sénat et la proposition de loi de Mme Limon, qui sont complémentaires, nous aurons sécurisé l’établissement de la filiation des enfants nés d’une GPA sans nous exposer au danger d’avoir à légaliser demain la GPA en France.

Mme Laurence Vanceunebrock. Madame la rapporteure, j’ai bien écouté les arguments que vous avez fournis à mon collègue Jean-Louis Touraine. Toutefois, il y a un sérieux problème de calendrier. On nous fait beaucoup de promesses en la matière, mais les échéances fixées ne sont jamais tenues. Nous n’avons aucune garantie, je le crains, concernant l’inscription de la proposition de loi de Mme Limon à l’ordre du jour du Sénat. Qui plus est, nous ne connaissons pas sa position sur ce texte. Nous ignorons donc quel sera le résultat de l’examen par le Sénat.

Si nous allons dans le sens des souhaits de l’opposition, nous risquons de laisser encore des enfants sur le bord du chemin, ce que nous voulons précisément éviter. J’espère que plusieurs d’entre nous soutiendront les amendements de suppression, afin d’éviter de tels désagréments.

Mme Monique Limon. Je vous remercie pour les explications que vous nous avez apportées, madame la rapporteure. Ce qui m’anime depuis de nombreuses années, comme vous toutes et tous, c’est l’intérêt des enfants, de tous les enfants.

Pour garder une cohérence à la proposition de loi visant à réformer l’adoption, que j’ai présentée, je souhaite vraiment qu’on y traite aussi de la situation des enfants issus d’une GPA. La GPA n’est absolument pas l’objet du texte ; celui-ci vise à améliorer le sort des enfants, en favorisant l’accès à l’adoption pour les enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, mais aussi en permettant aux enfants qui vivent en France avec des parents d’intention d’avoir un statut, une situation égale à celle de tous les enfants de France.

Je souhaite vraiment que l’examen de la proposition de loi arrive à son terme. J’ai eu dernièrement l’assurance qu’elle serait examinée par le Sénat à l’automne. Le Gouvernement pourra le confirmer en séance publique, mais je tenais à vous le dire aujourd’hui. Je crois à cette perspective, et j’espère beaucoup pour tous ces enfants.

Mme Aurore Bergé. Je soutiens les positions exprimées par Mme la rapporteure et par ma collègue Monique Limon, dont nous connaissons l’engagement et le travail sur la question de l’adoption. Le Gouvernement s’est engagé à ce que sa proposition de loi soit examinée par le Sénat dès cet automne. Il importe avant tout que le texte revienne à l’Assemblée, après avoir fait l’objet d’un débat et d’un vote au Sénat, quel que soit le sens de ce vote.

Vous l’avez dit, madame la rapporteure, nous avons besoin d’un dispositif d’ensemble. C’est pourquoi le groupe La République en Marche a déposé des amendements visant à rétablir la version équilibrée adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Ainsi, il n’y aura pas d’ambiguïté quant à nos intentions à propos de la GPA : il n’a jamais été question de la légaliser dans notre pays, en aucune manière et en aucun cas ; ni le Président de la République, ni le Gouvernement, ni la majorité ne l’ont envisagé.

Par ailleurs, il ne faut pas laisser sans solution, dans une indifférence qui serait insupportable, les enfants issus d’une GPA, qui n’ont pas choisi la manière dont ils sont venus au monde. Nous devons respecter les obligations conventionnelles qui sont les nôtres ; la France ne peut s’en exonérer.

Il nous paraît sain de préserver cet équilibre. Nous pourrons ensuite, lorsque nous examinerons la proposition de loi de Mme Limon, apprécier la question de manière plus large.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS396 de M. Jacques Marilossian et CS1011 de Mme Aurore Bergé.

M. Jacques Marilossian. Il s’agit de rétablir la rédaction de l’article 4 bis adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Avis favorable, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment. La rédaction de l’article 4 bis retenue par le Sénat ne me semble pas du tout opportune, notamment pour l’avenir, d’autant qu’elle introduirait dans le code civil des stéréotypes de genre : elle fait référence à une mère « autre que celle qui a accouché » et à « deux pères ». Je préfère la formulation « au regard de la loi française », qui est moins discriminatoire.

La commission adopte les amendements identiques.

L’article 4 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les amendements s’y rapportant tombent.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous allons suspendre notre réunion quelques instants à l’occasion du changement de rapporteur.

La réunion est suspendue de dix heures vingt-cinq à dix heures trente-cinq.

titre II

promouvoir LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN

Chapitre Ier
Conforter la solidarité dans le cadre du don d’organes, de tissus et de cellules

Article 6
Extension du bénéfice d’un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en l’absence d’autre alternative thérapeutique

Amendements de suppression CS156 de M. Patrick Hetzel, CS288 de M. Xavier Breton, CS585 de Mme Annie Genevard, CS673 de Mme Anne-Laure Blin, CS845 de Mme Emmanuelle Ménard et CS975 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer l’article 6. L’extension des possibilités de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques n’est pas opportune, car elle ne serait pas conforme à l’objectif de protection de la personne des majeurs protégés. Cette protection est pourtant garantie par l’article 415 du code civil. Compte tenu de leur moindre capacité de discernement, les majeurs protégés devraient faire l’objet d’une protection supplémentaire.

Mme Emmanuelle Ménard. L’article 6 prévoit d’étendre les possibilités de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur les mineurs et sur les majeurs protégés. Selon moi, ce n’est pas du tout souhaitable, car ce serait contraire à l’objectif de protection consacré par l’article 415 du code civil. Celui-ci dispose : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »

Compte tenu de leur moindre capacité de discernement, les majeurs protégés devraient faire l’objet d’un surcroît de protection. L’article 6 contrevient à l’article 415 du code civil. Il convient de supprimer.

M. Julien Ravier. Les majeurs protégés ont vraiment besoin d’un surcroît de protection. Il ne nous paraît donc pas opportun d’étendre les possibilités de prélèvement de cellules souches sur ces personnes. On doit à la fois mieux les protéger et mieux concevoir les techniques de prélèvement.

M. Gérard Leseul, rapporteur. L’article 6 a pour objet de développer le don de cellules souches hématopoïétiques dans le cadre intrafamilial.

Pour mémoire, les mineurs peuvent déjà donner des cellules souches, notamment à leurs frères ou sœurs. En outre, seul le don des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications apportées par l’article 6. L’ouverture de ce don au bénéfice des parents est très encadrée ; le projet de loi prévoit des garanties très importantes en la matière.

En supprimant l’article, vous reviendriez aussi – mais peut-être est-ce votre objectif – sur les évolutions positives relatives aux majeurs protégés, que vous avez évoqués.

En cohérence avec le droit civil et les évolutions prévues par l’article 7 du projet de loi, les procédures seront allégées lorsque les majeurs protégés sont aptes à exprimer leur consentement. Une distinction est désormais opérée entre les majeurs protégés avec représentation relative à la personne et les autres, considérés comme aptes à exprimer leur consentement.

Je suis défavorable aux amendements de suppression. Dans tous les cas, le refus du majeur protégé continuera à faire obstacle au prélèvement.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1036 du rapporteur.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Il vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première puis en deuxième lecture. Il s’agit de revenir sur l’abaissement à 16 ans de l’âge à partir duquel un mineur peut consentir lui-même au prélèvement de cellules souches hématopoïétiques. Cette disposition a été introduite par le Sénat.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

 

Article 7
Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans l’exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1035 du rapporteur.

Amendements identiques CS724 de M. Bastien Lachaud et CS1017 de M. Marc Delatte.

Mme Danièle Obono. L’article 7 permet à des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation d’exprimer leur consentement au don d’organes, de tissus ou de cellules. Permettre ce don de leur vivant tout en l’interdisant une fois qu’elles sont décédées n’a, selon nous, pas de sens.

Les personnes qui ne font pas l’objet d’une mesure de protection peuvent, après leur décès, faire don de leurs organes, tissus ou cellules. Si le respect de la personne décédée est évidemment une préoccupation majeure, aucune distinction ne devrait être faite dans la mort entre les personnes ayant fait l’objet d’une mesure de protection juridique et les autres. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 5 et 6.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Le consentement au don d’organes après la mort obéit à la règle du consentement présumé : tous ceux qui n’ont pas dit qu’ils ne souhaitaient pas donner leurs organes sont considérés comme donneurs. Il s’agit du principe cardinal en matière de droit du don.

Le projet de loi interdit aux majeurs protégés avec représentation relative à la personne de donner leurs organes de leur vivant – alors qu’il étend cette faculté à tous les autres majeurs protégés. Il s’agit en effet des personnes protégées les plus vulnérables, dont on estime qu’elles ne sont malheureusement pas, ou plus, en mesure de décider pour elles-mêmes et, donc, de consentir.

Le Sénat a adopté un amendement visant à ne pas appliquer le droit commun du prélèvement post mortem aux majeurs faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation relative à la personne. Par cohérence avec ce qui a été décidé pour le don de leur vivant, on doit considérer que leur consentement éclairé ne peut pas être présumé après leur mort et qu’effectuer des prélèvements dans ces conditions ne serait pas respectueux de leur personne.

J’estime que nous devons mettre le consentement au cœur de toutes nos réflexions et aller au bout de cette démarche. Si l’on considère qu’une personne n’est pas apte à consentir de son vivant, comment pourrait-on présumer son consentement après sa mort ? Je suis donc très défavorable à ces amendements.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 7 ainsi modifié.

 

Chapitre Ier bis
Conforter la solidarité dans le cadre du don du sang

Article 7 bis
Levée partielle de l’interdiction du don du sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans

Amendements identiques CS1037 du rapporteur et CS562 de Mme Sylvia Pinel.

M. Gérard Leseul, rapporteur. L’amendement a pour objet de rétablir le principe de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle des donneurs, adopté par la commission spéciale de l’Assemblée nationale en deuxième lecture, avec l’appui de collègues de la majorité comme de l’opposition. Il s’agit d’uniformiser les règles applicables aux donneurs de sang et à inscrire dans la loi un droit identique pour tous, car c’est bien la pratique, et non l’orientation, sexuelle qui constitue un risque, en particulier de transmission du VIH.

Lors de la deuxième lecture, le Gouvernement avait écouté ces arguments sans les entendre entièrement : la disposition qu’il avait introduite en séance est insuffisante. Tout d’abord, en nuançant l’affirmation selon laquelle « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle », elle envoie un signal ambigu. Ensuite, elle n’apporte rien par rapport au droit en vigueur.

Mme Sylvia Pinel. Effectivement, en deuxième lecture, la commission spéciale avait adopté une proposition transpartisane, que le Gouvernement avait modifiée en séance et qui visait le don du sang pour les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes. À ce jour, selon l’arrêté du 17 décembre 2019 en vigueur, ces personnes peuvent donner leur sang si elles n’ont pas eu de relation sexuelle entre hommes au cours des quatre derniers mois. En revanche, le don de plasma leur est ouvert dans les mêmes conditions que pour les autres donneurs.

Si nous convenons que la rédaction actuelle de l’article 7 bis est préférable aux dispositions en vigueur, puisqu’elle ouvre la voie à une révision régulière des critères de sélection, en rétablissant la version initialement adoptée par la commission, l’amendement permettrait, lui, d’acter dans la loi la fin de ce traitement discriminatoire.

Mme Annie Genevard. Dans les associations de donneurs de sang, les avis sont partagés. Pour ma part, je ne fonde pas mon interrogation sur l’aspect de la non-discrimination – évidemment, nous ne voulons pas de discrimination en fonction de l’orientation sexuelle –, mais j’ai été troublée par le doute qu’avait exprimé Mme Buzyn au nom du Gouvernement. Ce doute doit-il être balayé en vertu du principe de non-discrimination, alors même qu’il a été exprimé par un médecin ? N’est-il pas plus prudent de s’abstenir ?

Mme Aurore Bergé. Les deux ministres de la santé, Agnès Buzyn puis Olivier Véran, se sont largement exprimés sur ce sujet – le député Olivier Véran en avait d’ailleurs fait un de ses combats. Pour autant, il a considéré, comme Agnès Buzyn, qu’il ne fallait pas que la loi change, se conformant au point de vue émis par certaines associations.

L’association AIDES, par exemple, que l’on ne peut pas soupçonner d’être opposée à la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, notamment en raison de l’orientation sexuelle, estimait ainsi que poser par principe dans la loi que le type de partenaires et leur nombre ne peuvent être une source d’enjeu de sécurité sanitaire est un non-sens, non seulement au regard de l’histoire, mais aussi du point de vue scientifique, et témoigne d’une méconnaissance du droit actuel. Elle considère donc que l’on prendrait un risque sanitaire en retirant de la loi ce type de critère. Dès lors que les associations particulièrement engagées sur le sujet et les ministres de la santé nous interpellent, il est sage de maintenir la disposition telle qu’elle a été votée au Sénat, avec l’avis du Gouvernement.

Le don de sang n’est pas un droit, c’est une nécessité qui est justifiée pour protéger tant le donneur que le receveur. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe MODEM avait majoritairement soutenu la rédaction adoptée en deuxième lecture. Il est temps de sortir de cette discrimination infondée, et les réserves ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il s’agit d’offrir aux homosexuels la possibilité de donner leur sang dans les mêmes conditions que les hétérosexuels.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Je partage votre analyse : les réserves ne sont pas à la hauteur des enjeux. Dans plusieurs pays, il n’existe aucune discrimination parmi les donneurs de sang. Vos interrogations, vos doutes sont légitimes, madame Genevard, mais le sur-risque est infime, d’autant que chaque poche de sang est traitée.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS847 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendement CS1012 de M. Marc Delatte.

Mme Aurore Bergé. Les travaux de la commission du Sénat ont abouti à l’adoption de l’article 7 bis, qui autorise le don de sang des mineurs âgés de plus de 17 ans et des personnes majeures protégées, hormis celles faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. L’amendement vise à rétablir le principe d’interdiction du don de sang des mineurs : l’ouverture n’est pas souhaitable en considération de la sécurité des jeunes donneurs.

Par ailleurs, l’amendement réaffirme la compétence du ministre chargé de la santé pour fixer les critères de sélection. En matière de don de sang, les enjeux de sécurité sanitaire doivent toujours prévaloir.

M. Gérard Leseul, rapporteur. La mesure ouvrant le don de sang aux mineurs de plus de 17 ans reprend une disposition de la proposition de loi visant à la consolidation du modèle français du don du sang de notre collègue Damien Abad, que l’Assemblée nationale a adoptée à l’unanimité en octobre 2018. Elle avait toutefois été supprimée en deuxième lecture du présent projet de loi, au vu des éléments donnés par le ministre. L’ouverture pose en effet des questions tant juridiques et pratiques que de sécurité sanitaire pour les donneurs. Sagesse.

M. Patrick Hetzel. Les amendements suivants, qui tomberont si celui-ci est adopté, visent à supprimer les alinéas 7 et 8. En France, le don se fonde sur le principe du volontariat. Pour qu’il devienne possible pour les mineurs de plus de 17 ans, il faudrait introduire dans le processus la personne qui exerce l’autorité parentale – ce serait complexifier le dispositif et le fragiliser. C’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression des alinéas 7 et 8.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques CS102 de M. Thibault Bazin, CS157 de M. Patrick Hetzel, CS289 de M. Xavier Breton, CS674 de Mme Anne-Laure Blin et CS976 de M. Philippe Gosselin tombent.

La commission adopte l’article 7 bis ainsi modifié.

 

Chapitre Ier ter
Encadrer les conditions de dons de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche

Article 7 ter
Don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1038 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS103 de M. Thibault Bazin.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1039 du rapporteur.

Amendement CS725 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’ajouter un alinéa précisant que « Les établissements de santé, de formation ou de recherche s’engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés. »

En 2020 a été révélée la façon dont l’université Paris-Descartes traitait les corps : laissés à pourrir, rongés par les souris au point que certains ont dû être incinérés sans avoir pu être disséqués, les corps étaient empilés les uns sur les autres, sans aucune dignité, en contravention à toute règle éthique.

Il faut garantir aux personnes faisant don de leur corps à la science ou à la recherche médicale que celui-ci sera traité avec respect. C’est le minimum, mais il semble nécessaire de le rappeler étant donné l’expérience récente.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Comment ne pas être d’accord avec vous ? Le respect du corps humain est le premier principe formulé par l’article 16‑1 du code civil. Il ne cesse pas avec la mort. L’amendement est donc largement satisfait par un principe plus général et plus fort, ancré dans le code civil. Il s’applique, bien évidemment, aux centres du don du corps, même s’il apparaît qu’il n’a pas été respecté à l’université Paris-Descartes.

L’article 7 ter vise davantage à garantir l’application pratique de ce principe fondamental par des centres du don du corps. Nous avons d’ailleurs adopté en deuxième lecture un amendement permettant de le renforcer, en précisant notamment les modalités de restitution des cendres. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. L’amendement soulève un vrai problème. S’il n’est pas adopté, il conviendra de le déposer en séance pour interroger le ministre sur les modalités de contrôle. Après les insuffisances et les manquements graves qui ont été constatés, il importe que le Gouvernement s’engage pour que ces contrôles soient effectifs, et que de telles situations ne se reproduisent pas.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 7 ter modifié.

 

titre iii

appuyer LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES

Article 11
Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

Amendement CS1042 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le présent amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 11, afin de procéder à plusieurs évolutions : supprimer la mention selon laquelle aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique ; préciser le périmètre des dispositifs visés, en indiquant qu’il concerne des données algorithmiques dont l’apprentissage a été réalisé à partir de données massives ; maintenir l’obligation d’informer le patient avant l’utilisation d’un traitement algorithmique ; prévoir que les informations utiles relatives au recours à un traitement algorithmique, les données du patient utilisées dans ce cadre et les résultats qui en sont issus sont accessibles aux professionnels de santé concernés ; renvoyer à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin de fixer les types de traitements entrant dans le champ de cet article.

M. Patrick Hetzel. Lors de leur audition, les représentants de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ont relevé que le texte ne précise pas le moment où l’information doit être délivrée au patient : avant ou après l’usage du traitement ou au moment de la communication des résultats ?

En toute logique, le principe de transparence devrait conduire à une information préalable. C’est d’ailleurs l’esprit du code de la santé publique, qui dispose qu’un patient prend les décisions concernant sa santé en détenant toutes les informations utiles. En matière d’information des personnes, on sait que le moment de la communication des résultats est crucial et que le contexte qui l’entoure est susceptible d’affecter la perception du patient. Pouvez-vous répondre aux interrogations formulées légitimement par la CNIL sur ce sujet sensible ?

M. Philippe Berta, rapporteur. L’article 11 a pour vocation de maintenir une information au préalable du patient qui serait concerné par l’utilisation d’un traitement algorithmique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS545 de M. Guillaume Chiche, CS104 de M. Thibault Bazin, CS726 de Mme Danièle Obono, CS418 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CS105 de M. Thibault Bazin et CS547 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Article 12
Encadrement du recours aux techniques d’imagerie cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière d’assurance

Amendements identiques CS873 du rapporteur et CS1013 de M. Marc Delatte.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit de rétablir l’article 12 dans sa rédaction issue de la deuxième lecture de notre assemblée, afin d’interdire le recours à des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle dans le domaine de l’expertise judiciaire, par exemple en matière de détection de mensonges, celui-ci n’étant pas exempt de risques.

Mme Aurore Bergé. Comme le rapporteur, monsieur Delatte souhaite que soit rétablie l’interdiction expresse de l’usage de la seule imagerie par résonance magnétique fonctionnelle à des fins judiciaires.

M. Patrick Hetzel. Comment pouvez-vous inférer que ces techniques seront utilisées à des fins judiciaires ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Je n’ai rien inféré du tout ; simplement, l’écrire permet de redoubler de précaution et d’écarter le risque d’une utilisation à ces fins.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 12 ainsi modifié.

titre iv

SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

Chapitre Ier
Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Avant l’article 14

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS57 de Mme Emmanuelle Ménard et CS9, CS10, CS11 et CS7 de Mme Marie-France Lorho.

Article 14
Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Amendements de suppression CS6 de Mme Marie-France Lorho, CS106 de M. Thibault Bazin, CS158 de M. Patrick Hetzel, CS290 de M. Xavier Breton et CS775 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Toute atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine est condamnée par l’article 16-4 du code civil. L’amendement vise à le faire respecter, en revenant sur la possibilité de mener des recherches sur les cellules souches embryonnaires et l’embryon humain. Dans certains pays, la recherche sur l’embryon humain est interdite. L’Irlande, notamment, l’a rendue inconstitutionnelle, au nom du droit à la vie. Cette législation de bon sens pourrait nous inspirer.

Mme Annie Genevard. Nous avions indiqué précédemment que tout ce qui relevait de la procréation médicalement assistée (PMA) ou de son élargissement n’était pas un sujet strictement bioéthique. Avec l’article 14, qui traite de la recherche sur l’embryon, nous entrons véritablement dans la dimension bioéthique du présent projet de loi.

M. Bazin souhaite rappeler que l’interdiction des recherches sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires est un principe qui nous est cher et que nous voulons le défendre. Alors que le législateur l’avait décidé en 1994, 2004 et 2011, le gouvernement socialiste l’a supprimé en 2013, à la faveur d’une loi adoptée sans respect des règles applicables aux lois de bioéthique. Nous demandons donc la suppression de l’article 14.

M. Patrick Hetzel. L’article 14 opère une distinction entre les recherches sur les embryons humains et celles sur les cellules souches embryonnaires, de manière à faire passer ces dernières du régime actuel d’autorisation encadrée à celui de la simple déclaration à l’Agence de la biomédecine. Déclarer ou attendre de recevoir une autorisation n’est pas de même nature. Si une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain, le législateur ne peut pas oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction.

Nous proposons de supprimer l’article 14, car il nous engagerait dans une libéralisation des recherches. L’absence de dispositif d’autorisation préalable et de contrôle revenant à l’Agence de la biomédecine, risquerait de produire un effet de cliquet et un effet domino. Nous ne le souhaitons pas, car c’est contraire au principe de contrôle en matière d’éthique.

M. Xavier Breton. On constate un assouplissement progressif du cadre législatif et réglementaire d’utilisation des cellules souches embryonnaires, qui vise à lever toutes les contraintes. Pourtant, toute cellule souche embryonnaire provient d’une destruction de l’embryon. Il y a d’autres moyens de faire des recherches : l’exemple de l’Irlande le montre. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 14.

Mme Annie Genevard. Le projet de loi prévoit de dissocier les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires du régime applicable aux embryons humains. Nous considérons la distinction comme fallacieuse puisque les cellules souches embryonnaires sont nécessairement obtenues à partir de la destruction d’un embryon humain. À ce titre, dans son arrêt Brüstle du 15 octobre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne avait décidé qu’une invention réalisée à partir d’une lignée de cellules souches embryonnaires ne pouvait donner lieu à la délivrance d’un brevet, car elle portait atteinte à la dignité de la personne humaine.

M. Philippe Berta, rapporteur. J’ignore si nous attaquons la partie plus bioéthique du texte, mais nous entrons du moins dans la partie plus scientifique. Mme Genevard m’ayant reproché de tenir un discours trop scientifique lors de l’une des lectures, je m’efforcerai de me contenir.

L’article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur les embryons et celui des recherches effectuées sur des cellules souches embryonnaires. Soit les recherches portent sur un embryon destiné à naître, et elles sont à visée diagnostique, par exemple un diagnostic préimplantatoire (DPI) ; soit les recherches portent sur des embryons non destinés à naître, des embryons surnuméraires, pour lesquels les couples peuvent faire le choix de la destruction ou d’un don à la recherche – dans ce cas, ils sont maintenus en congélation pendant dix ans au maximum, puis détruits.

La large majorité des embryons qui sont donnés à la recherche par les couples vont à la destruction sans jamais passer par la recherche. L’appel à embryon surnuméraire à des fins de recherche ne répond finalement qu’à la nécessité de rétablir les lignes souches assez régulièrement – une fois par an, voire moins souvent. À force d’être multipliées et mises à croître, les cellules souches embryonnaires dégénèrent. Pour continuer à avoir un état souche de ces cellules, il faut parfois retourner à l’embryon. Les mêmes lignées de cellules souches embryonnaires circulent depuis des années dans les quelques laboratoires habilités en France – ils sont moins d’une dizaine – et font l’objet d’échanges internationaux, dûment contrôlés par l’Agence de la biomédecine.

Les enjeux et les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes pour les recherches sur les embryons et pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. C’est pourquoi le projet de loi prévoit que les premières sont soumises à autorisation de l’Agence de la biomédecine, tandis que les secondes font l’objet d’une simple déclaration auprès de celle-ci.

Les cellules souches dont il est question n’ont aucune capacité à donner un embryon : elles ne sont pas totipotentes, c’est-à-dire capables de redonner un individu. Ce sont des cellules souches pluripotentes, capables de donner un certain type de cellules et, à terme, de tissu. Le distinguo est important.

Quant à la recherche sur l’embryon, elle porte sur des embryons qui n’ont pas vocation à naître et ne font aucunement l’objet d’un projet parental. Ils doivent être détruits après leur utilisation à des fins de recherche.

L’enjeu du projet de loi est de mieux définir et encadrer ces recherches. Nous ne devons pas nous priver des progrès majeurs de la thérapie cellulaire, une notion que certains d’entre vous récusent. Les mois passant, ces progrès explosent. Un grand plan pour la bioproduction des biothérapies, l’Alliance France Bioproduction, sera d’ailleurs officialisé début juillet. Plus de 3 000 exemples d’applications et essais cliniques de thérapies géniques et thérapies cellulaires sont en cours à travers le monde. Il serait vraiment dommage que la France renonce à de telles thérapies, qui pourraient concerner 3 millions d’enfants atteints de maladies rares. Un Français sur vingt est touché par une maladie rare, majoritairement génétique, dont 80 % d’enfants – en tant que président du groupe d’études parlementaires sur le sujet, je m’y intéresse tout particulièrement.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS159 de M. Patrick Hetzel, CS291 de M. Xavier Breton et CS780 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons que les recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines soient suspendues pendant un an, le temps que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dresse un bilan de quinze années de recherches dans ces domaines, de manière que nous puissions avoir le recul nécessaire. Un tel bilan serait d’autant plus pertinent que, s’agissant des articles du projet de loi strictement relatifs à la bioéthique, l’étude d’impact est extrêmement faible. Il pourrait notamment nous éclairer sur les controverses portant sur le point de savoir lequel des différents dispositifs de recherche – cellules totipotentes, cellules pluripotentes, cellules souches pluripotentes induites (IPS)… – est le plus pertinent.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, en rappelant que 3 millions d’enfants sont atteints de maladies rares, vous laissez à penser que, du fait de nos prises de position, nous serions indifférents à leur sort. Bien entendu, nous voulons, comme vous, que la recherche progresse et que ces maladies puissent être traitées. Mais nous estimons que des précautions éthiques doivent être prises dès lors que l’on touche aux embryons et aux cellules souches embryonnaires. C’est pourquoi il ne nous paraît pas souhaitable d’affaiblir, comme vous le proposez, la protection de ces dernières. Par ailleurs, il convient de dresser des bilans réguliers des recherches effectuées dans ces domaines, ce qui suppose de suspendre les travaux, le temps d’évaluer leurs apports exacts. L’évaluation est insuffisante, en France.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ma réponse portera sur les différents amendements de rédaction globale de l’article 14.

Tout d’abord, certains d’entre eux font référence à « l’homme et la femme qui forment le couple » ; une telle rédaction est en contradiction avec ce que nous venons de voter et les rendrait inopérants.

Ensuite, nous avons assisté, en moins de dix mois, à l’occasion de la pandémie, à une innovation de rupture fondamentale dans le domaine de la vaccination, voire dans celui du traitement du cancer. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de suspendre les recherches pendant un an : la compétition internationale est telle qu’il nous serait impossible de rattraper le retard pris.

D’autres amendements tendent à rétablir le régime d’autorisation pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Encore une fois, ces cellules, qui se caractérisent par leur pluripotence, ne sont pas des embryons ; elles n’ont pas non plus la capacité de le devenir. Il n’y a donc aucune raison de continuer de les soumettre à un régime identique à celui qui s’applique à ces derniers. Tout l’intérêt de l’article 14 est précisément de différencier les statuts juridiques des recherches portant respectivement sur les uns et sur les autres. Le projet de loi permet avant tout de mettre en cohérence le droit existant en matière de recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

Enfin, il me semble avoir expliqué l’utilité et l’importance cruciale de ces cellules pour la recherche. Demain matin, se tient le congrès des 320 associations de l’Alliance maladies rares, qui aura pour thème « Thérapies géniques et thérapies cellulaires ». Vous y êtes bien entendu invités ! Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS107 de M. Thibault Bazin, CS160 de M. Patrick Hetzel, CS292 de M. Xavier Breton et CS783 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il faut être très clair : les thérapies géniques doivent être distinguées des thérapies cellulaires.

Le Journal officiel nous apprend qu’au mois de mars dernier, l’autorisation a été donnée de mener des recherches sur 200 embryons humains. Je ne suis donc pas certain de la validité de l’argument selon lequel il faut desserrer l’étau au motif que les autorisations seraient très rares. Par ailleurs, à ce jour, à ma connaissance, un seul essai clinique, dirigé par Mme Monville, est mené sur des cellules souches embryonnaires humaines, et l’on n’a pas encore pu mesurer quel serait l’impact de ces travaux. Enfin, par rapport à quoi la suspension des recherches nous ferait-elle prendre du retard ? Aux États-Unis, par exemple, certains travaux portant sur des éléments viraux ont été suspendus à la suite de la pandémie parce qu’on estime ne pas avoir de recul suffisant sur les techniques utilisées.

Notre objectif est de veiller au respect de l’esprit des lois de bioéthique, dont l’objet est bien de prévoir des garde-fous. Où sont-ils ? L’éthique à la française doit continuer à être montrée en exemple.

M. Philippe Berta, rapporteur. La dichotomie que vous établissez entre thérapie génique et thérapie cellulaire n’existe pas. Si certaines thérapies géniques recourent directement à des vectorisations virales, la plupart d’entre elles consistent à sélectionner une cellule et à corriger le gène impliqué dans la pathologie avant de la réimplanter en tant qu’agent thérapeutique. Par ailleurs, votre allusion aux recherches américaines en virologie n’a guère de rapport avec le sujet de notre discussion. Néanmoins, je le précise, en France, et c’est une chance, l’ensemble des recherches dont nous parlons ce matin sont menées au sein d’organismes publics – Centre national de la recherche scientifique, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Institut Pasteur… – et sont donc soumises à un contrôle très strict, et tant mieux ! J’ai toute confiance dans l’Agence de la biomédecine. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS108 de M. Thibault Bazin, CS161 de M. Patrick Hetzel, CS293 de M. Xavier Breton, CS785 de Mme Anne-Laure Blin et CS988 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous venez de plaider en faveur du contrôle exercé par l’Agence de la biomédecine, mais le projet de loi tend à sortir les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines du régime actuel en substituant aux autorisations de simples déclarations. Quant à ma comparaison avec les recherches en virologie, elle visait simplement à illustrer le fait qu’on juge parfois utile de suspendre certaines recherches scientifiques pour prendre le recul nécessaire – et je parle là de grands pays dont on ne peut pas dire qu’ils soient en retard dans le domaine de la recherche. Je peux entendre que vous ne partagiez pas notre point de vue, mais il est légitime de soulever la question.

J’ajoute qu’au Japon, les recherches ont été orientées vers les cellules IPS, qui permettent d’éviter la destruction de nouveaux embryons. C’est un choix intéressant du point de vue éthique. Du reste, Mme Buzyn, qui avait affirmé dans un premier temps que l’embryon était un amas de cellules, était ensuite revenue sur sa déclaration, estimant qu’il importait de prendre certaines précautions dès lors que des travaux portaient sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui nécessitent la destruction d’embryons.

M. Philippe Berta, rapporteur. La collectivité scientifique ne travaille pas seule dans son coin : les questions éthiques font l’objet de réunions très régulières à l’échelle nationale, européenne et mondiale. On se souvient, par exemple, qu’à la fin des années 1970, le traité d’Asilomar avait interrompu les recherches en biologie moléculaire après qu’eut été découverte la possibilité de recombiner les ADN de deux espèces différentes. Et ces derniers mois, de nombreuses réunions ont porté sur la technique révolutionnaire des ciseaux moléculaires, pour laquelle la Française Emmanuelle Charpentier a obtenu le prix Nobel l’an dernier. Ne vous inquiétez donc pas !

Quant aux cellules IPS, elles offrent certes des perspectives très intéressantes mais, à ce jour, elles ne sont pas encore, hélas ! une solution de remplacement, ne serait-ce que parce que, produites à partir d’une cellule d’adulte dans laquelle on injecte quatre gènes, dont c-Myc, qui est l’un des plus puissants gènes du cancer, elles présentent un risque de cancérisation. En outre, on ne dispose pas encore de toutes les études qui permettent de comparer l’état d’une cellule souche embryonnaire – dont on aimerait bien se passer – avec celui d’une cellule IPS. Or, pour réaliser ces travaux de comparaison, il faut pouvoir recourir aux deux types de cellules. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS162 de M. Patrick Hetzel, CS294 de M. Xavier Breton, CS678 de Mme Anne-Laure Blin et CS977 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Une précision, monsieur le rapporteur : la thérapie génique consiste à modifier un ou plusieurs gènes alors que la thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules souches – c’est du moins ce que j’ai retenu de mes échanges avec les professeurs Fischer et Munnich.

M. Philippe Berta, rapporteur. La thérapie génique consiste à apporter, soit un gène qui fait défaut, soit un gène qui corrige un défaut. Pour apporter le gène dans le tissu ou l’organe concerné, on peut recourir à la voie virale, en utilisant des adénovirus désarmés, ou modifier la cellule pour la réinjecter – cette dernière technique étant d’ailleurs celle qui est utilisée dans la plupart des traitements du cancer. Les deux thérapies sont ainsi très fréquemment associées. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS109 de M. Thibault Bazin, CS163 de M. Patrick Hetzel, CS295 de M. Xavier Breton, CS681 de Mme Anne-Laure Blin et CS978 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de réécrire le I de l’article 14, qui tend à autoriser certaines recherches sans prendre en compte les risques qu’elles pourraient présenter pour la descendance.

M. Philippe Berta, rapporteur. La rédaction de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 était très ambiguë, comme l’a relevé le Conseil d’État. Il y a deux régimes juridiques distincts : celui des recherches portant sur des embryons à naître – qui impliquent la personne et doivent avoir pour motifs le bénéfice de l’embryon et la protection de la santé de la femme – et celui des recherches portant sur des embryons qui ne naîtront pas. Il fallait séparer très clairement ces deux régimes. Ainsi les dispositions sur les recherches portant sur l’embryon figurent-elles désormais à deux endroits distincts pour éviter toute confusion.

Par ailleurs, vous proposez de préciser que « ces recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon humain » et qu’elles « sont menées au bénéfice de celui-ci ». Sur ce point, les amendements sont satisfaits par le texte. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS110 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Il convient, pour des raisons éthiques, de circonscrire les potentielles recherches sur l’embryon humain destiné à être implanté.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le cadre des recherches sur les embryons menées lors d’une PMA est bien celui des recherches impliquant la personne. Ce cadre semble tout à fait adapté et cohérent avec les précédentes dispositions législatives, notamment celles de la loi de modernisation de notre système de santé. Nos chercheurs agissent de manière responsable. Bien entendu, ces recherches ne portent pas atteinte au développement de l’embryon et permettent d’accroître les chances de succès de la PMA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS510 de Mme Annie Genevard et CS1018 de M. Julien Aubert.

Mme Annie Genevard. Il s’agit d’interdire la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous voulez mettre un terme à des centaines de recherches en cours. Je ne peux évidemment pas vous suivre : notre priorité est la santé publique. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS59 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CS167 de M. Patrick Hetzel, CS299 de M. Xavier Breton et CS694 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune).

Mme Emmanuelle Ménard. Il ne me semble pas souhaitable d’affaiblir, comme cela est proposé à l’article 14, la protection qui entoure la recherche sur les cellules souches embryonnaires, car des garde-fous sont nécessaires.

Monsieur le rapporteur, thérapie génique et thérapie cellulaire sont intimement liées, avez-vous dit, l’une étant utilisée dans le cadre de l’autre. Il me semblait pourtant qu’elles étaient très différentes et que la recherche sur l’embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires concernait exclusivement la thérapie cellulaire. Or il semble que la thérapie cellulaire utilisant les cellules souches embryonnaires n’ait pas fait ses preuves, puisqu’elle n’aurait obtenu aucun résultat. Dès lors, pourquoi vouloir absolument faciliter la recherche sur ce type de cellules en affaiblissant le régime de protection qui l’entoure ?

M. Patrick Hetzel. L’une des questions fondamentales est de savoir s’il existe d’autres pistes de recherche afin d’éviter à tout prix la chosification des embryons ou des cellules souches embryonnaires humaines. Monsieur le rapporteur, le risque de cancérisation que vous avez évoqué à propos des thérapies cellulaires ne concerne pas exclusivement les IPS : le problème est le même, semble-t-il, si l’on travaille sur des cellules souches embryonnaires humaines. L’apport de ces dernières par rapport aux IPS n’est donc pas un argument.

M. Philippe Berta, rapporteur. Deux exemples d’utilisation de thérapies cellulaires avec cellules souches embryonnaires : l’infarctus, dans les zones infarcies du cœur, où les résultats sont éloquents – je renvoie aux travaux pionniers du professeur Menasché – et la chorée de Huntington, pour laquelle nous connaissons le dysfonctionnement du gène qui la cause, la huntingtine. Il faut donc à la fois injecter le gène correcteur et faire en sorte que les cellules souches embryonnaires puissent remplacer les cellules mortes, par exemple celles de l’hippocampe afin d’endiguer la dégénérescence des neurones. La thérapie est forcément double, à la fois génique et cellulaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Mme Annie Genevard. Serait-il possible aux services de l’Assemblée de mettre en ligne les articles sur Eloi dès leur vote, de manière à ce que nous puissions déposer à temps nos amendements pour la discussion en séance publique ?

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le délai de dépôt sera reporté, vraisemblablement à samedi midi, compte tenu de la durée de nos travaux. Nous attendons une réponse officielle. Les services mettent en ligne les articles dès qu’ils le peuvent et font le maximum mais ils sont très sollicités.

Mme Annie Genevard. Je les remercie pour leur célérité, qui nous sera précieuse, ainsi qu’à nos collaborateurs.

Amendement CS58 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 5 exclut la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines du périmètre de la loi sur la recherche sur l’embryon.

Il convient de rappeler que ces cellules sont issues de la masse interne de l’embryon de quatre ou cinq jours. Leur extraction d’un embryon humain implique donc inévitablement la destruction de celui-ci. L’utilisation de lignées de cellules embryonnaires dans le cadre de protocoles de recherche a donc pour préalable la destruction d’embryons humains. Il convient d’être particulièrement vigilant sur ces utilisations.

Puisque la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines présente, me semble-t-il, les mêmes enjeux éthiques que la recherche sur l’embryon, je ne comprends pas ce qui justifie deux régimes de recherche ou de déclaration différents.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous souhaitons en effet distinguer juridiquement les deux « modèles ». Les cellules souches embryonnaires proviennent de la masse interne de l’embryon mais, dans la quasi-totalité des cas, le travail s’effectue sur des souches établies dans tel ou tel laboratoire ou transférées après autorisation de l’ABM ; ce n’est que dans une proportion infinitésimale que l’on a recours à l’embryon afin d’établir de nouvelles lignées, lorsque les cellules perdent leurs caractéristiques souches, après plusieurs années. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS8 et CS13 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements identiques CS113 de M. Thibault Bazin, CS168 de M. Patrick Hetzel, CS300 de M. Xavier Breton et CS695 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Dans un souci de transparence, le bien-fondé scientifique et médical de la recherche doit être prouvé et rendu intelligible par tous les acteurs du processus d’autorisation du protocole de recherche, a fortiori lorsque les recherches sont menées sur fonds publics au sein d’organismes publics.

J’entends bien les incertitudes inhérentes à la recherche fondamentale mais nous devons connaître les orientations de cette dernière. Les demandes d’autorisation, de ce point de vue, sont parfois lacunaires.

M. Philippe Berta, rapporteur. La loi ne doit jamais être trop bavarde. Les protocoles de recherches soumis à autorisation ou à déclaration sont très rigoureux. La pertinence scientifique, la finalité médicale, l’absence d’autres alternatives doivent être démontrés – faute de quoi les projets ne seront pas retenus –, dans le cadre, bien sûr, du respect des principes fondamentaux attachés à la recherche sur l’embryon. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS169 de M. Patrick Hetzel, CS301 de M. Xavier Breton, CS697 de Mme Anne-Laure Blin et CS980 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Le prérequis d’une expérimentation animale avant l’expérimentation humaine doit être inscrit dans la loi.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par le troisième critère de vérification de l’ABM : « En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains ». Malheureusement, ce sera parfois le cas faute de correspondances entre les modèles embryonnaires. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS12 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements identiques CS171 de M. Patrick Hetzel, CS303 de M. Xavier Breton, CS701 de Mme Anne-Laure Blin et CS982 de M. Philippe Gosselin, et amendements identiques CS170 de M. Patrick Hetzel, CS302 de M. Xavier Breton et CS699 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Je propose de compléter l’alinéa 7 en indiquant que les recherches doivent être susceptibles de « permettre des progrès thérapeutiques majeurs », ce qui revient à en connaître les attendus, même si j’entends les contraintes de la recherche fondamentale. Il me paraît nécessaire d’inscrire une telle précision dans la loi, des travaux effectués à partir de cellules souches embryonnaires humaines ayant débouché sur des impasses, comme l’a fait remarquer le professeur Menasché lui-même.

Mme Annie Genevard. La formule « finalité médicale » manque de précision et nous avons en effet besoin d’être plus ambitieux.

La loi de bioéthique de 2004 n’avait pas autorisé la recherche sur les embryons. Néanmoins, un moratoire instituant un cadre dérogatoire de cinq ans avait été prévu pour autoriser les projets de recherche s’ils apportaient des progrès thérapeutiques majeurs. Entre 2004 et 2011, soixante projets ont été autorisés sans que, au bout du compte, des progrès thérapeutiques majeurs aient été accomplis, en France ou ailleurs. D’où la loi de bioéthique de 2011, maintenant l’interdiction des recherches embryonnaires, avec une dérogation pour les embryons surnuméraires sous réserve de l’accord du couple. On le voit, la question demeure fondamentale.

M. Patrick Hetzel. Je propose, en repli, de préciser que ces recherches permettent « des progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables ». Ne soyons pas naïfs : la dimension médicale est parfois un simple prétexte pour certains chercheurs.

M. Philippe Berta, rapporteur. Personne ne fait de la recherche sous des prétextes. Ce sont des objectifs qui sont visés.

La formule « finalité médicale » a été adoptée après dix ans de discussions, à la suite d’un rapport de l’OPECST soulignant la nature restrictive du caractère thérapeutique, lequel pouvait faire obstacle à la recherche fondamentale. En outre, il ne faut pas laisser croire que des progrès thérapeutiques seront nécessairement au rendez-vous alors que de nombreux espoirs peuvent être déçus. Ne faisons pas trop rêver les gens… Enfin, le critère thérapeutique ne permet pas d’inclure d’autres activités médicales, comme, par exemple, le diagnostic ou la prévention. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS478 de M. Thibault Bazin et CS761 de M. Julien Ravier.

M. Patrick Hetzel. Il convient de limiter la recherche sur des embryons aux seules perspectives médicales. La simple « connaissance de la biologie humaine », si elle n’a pas d’intérêt médical, ne doit pas primer sur une vision éthique de l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. La rédaction du Sénat, qui inclut également la possibilité de viser à l’« amélioration de la connaissance de la biologie humaine », me semble appropriée. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS407 de M. Patrick Hetzel, CS412 de M. Xavier Breton, CS420 de Mme Emmanuelle Ménard, CS628 de Mme Agnès Thill, CS704 de Mme Anne-Laure Blin et CS983 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il convient de supprimer la fin de l’alinéa 7 relative à l’« amélioration de la connaissance de la biologie humaine ».

La modification, pour la quatrième fois en dix ans, des textes concernant la recherche sur l’embryon humain ne s’impose pas. Cet ajout effectué en deuxième lecture au Sénat consiste à rendre possible la recherche fondamentale sur l’embryon humain pour la pure connaissance, sans finalité thérapeutique, et donc à le priver de la protection adéquate exigée par la convention d’Oviedo.

L’embryologie se passe de l’embryon humain depuis de nombreuses années, notre connaissance du développement embryonnaire ayant été acquise grâce notamment à la recherche sur l’embryon animal. John Gurdon, prix Nobel de physiologie et de médecine en 2012, leader en embryologie du développement, a réalisé tous ses travaux à partir d’embryons d’amphibiens. Le spectre peut être sans doute un peu plus large que ne le laisse accroire un certain discours.

Mme Emmanuelle Ménard. Le Sénat a en effet souhaité élargir les conditions pour autoriser la recherche afin d’« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Nous devons faire preuve de prudence tant une telle amplitude peut laisser la porte ouverte à un libéralisme de plus en plus grand alors que, au contraire, un plus grand contrôle s’impose.

Mme Annie Genevard. M. le rapporteur est dans son rôle lorsqu’il met en avant les arguments scientifiques, mais nous discutons d’une loi de bioéthique et il ne parle jamais d’éthique !

M. Patrick Hetzel. La création de modèles embryonnaires à usage scientifique ne doit pas être une façon de contourner la convention internationale d’Oviedo. Nous devons veiller, en tant que législateurs, aux dimensions à la fois scientifiques et éthiques, donc, revoir la rédaction de cet alinéa 7 sénatorial.

M. Philippe Berta, rapporteur. Est-ce moi, madame Genevard, qui évoque des travaux menés sur des embryons d’amphibiens, plus précisément, sur le crapaud africain Xenopus laevis, par notre ami Gurdon dans les années 1970 pour comprendre la division des cellules ? Je suis donc obligé de parler de science tant le niveau scientifique des amendements de M. Bazin est de plus en plus élevé !

En deuxième lecture, j’avais supprimé ce que votre collègue Les Républicains du Sénat, Corinne Imbert, vient de réintroduire. Finalement, je lui donne raison lorsqu’elle déclare que « toute recherche sur l’embryon participe potentiellement de l’ambition de réaliser des progrès médicaux sans qu’il puisse être démontré avec précision et ab initio l’intérêt d’une recherche fondamentale en termes thérapeutiques. » De fait, il ne faut pas s’imaginer que c’est en travaillant sur le cancer qu’on va le soigner. C’est bien plutôt en élevant les connaissances globales, transdisciplinaires, que l’on pourrait espérer, un jour, guérir, par exemple les cancers. L’objectif premier est toujours l’augmentation de notre niveau de connaissances, avant d’en tirer d’éventuelles applications, d’ailleurs sans garantie aucune – c’est ce qui distingue recherches fondamentale et appliquée. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS494 de Mme Agnès Thill, amendements identiques CS172 de M. Patrick Hetzel, CS304 de M. Xavier Breton et CS702 de Mme Anne-Laure Blin, amendement CS495 de Mme Agnès Thill (discussion commune).

M. Pascal Brindeau. Il convient d’encadrer strictement l’autorisation et la réalisation des recherches sur embryon afin de préserver ce fondement du modèle bioéthique français qu’est le principe de précaution, en complétement l’alinéa 7 par une référence à « un impératif thérapeutique absolu ».

M. Patrick Hetzel. Ne fait-on pas « trop rêver les gens » avec la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui est bien loin de pouvoir sauver des patients ? La « finalité médicale » est une formule suffisamment évasive pour que les chercheurs aient les coudées franches. Or il convient de trouver un équilibre entre la recherche fondamentale et l’effectivité des progrès. La recherche vise à améliorer le niveau des connaissances mais aussi la vie des gens.

Mme Annie Genevard. Cette recherche d’un équilibre est en effet souhaitable et s’inscrit dans la philosophie de ce texte. Or nous avons insuffisamment évoqué les autres solutions possibles. C’est pourquoi les recherches doivent être subordonnées à « un impératif thérapeutique absolu pour lequel aucune solution alternative n’est connue ». Que pensez-vous donc de ces alternatives, monsieur le rapporteur ?

M. Pascal Brindeau. Personne ne souhaite opposer recherche fondamentale et appliquée à vocation thérapeutique. Nous savons que la première fait progresser le niveau global des connaissances lesquelles, parfois, peuvent être appliquées sur un plan médical et thérapeutique. Seulement, outre que la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires est très particulière, les procédures de déclaration et d’autorisation ont été libéralisées. Vous comprendrez donc que nombre d’entre nous s’inquiètent des dérives qui peuvent exister à l’étranger et qui, par capillarité, peuvent remettre en cause notre modèle bioéthique tel qu’il s’est constitué depuis des dizaines d’années.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je souscris à vos propos, monsieur Brindeau. Je pense, par exemple, au chercheur chinois qui a voulu rendre des jumelles résistantes au sida : c’était tout simplement du délire. Heureusement, il a été mis au ban de la société scientifique et il est désormais en prison. Mais nous ne pouvons pas, hélas ! contrôler ce qui se fait en Chine, même si je serais curieux de savoir ce qui se fait dans les laboratoires de Wuhan…

Monsieur Hetzel, j’ai le sentiment que vous êtes en train d’évoluer. Vous êtes parti d’une exigence thérapeutique absolue et vous semblez désormais reconnaître que le fait d’imposer une visée thérapeutique serait inopérant. On ne peut jamais garantir qu’une recherche va conduire à une thérapeutique. C’est toujours un espoir, mais ce serait une folie de vouloir en faire une certitude.

Madame Genevard, si une alternative existe, l’Agence de la biomédecine ne donnera pas son autorisation : c’est aussi simple que cela. Il faut prouver qu’il n’y a pas d’alternative pour être autorisé à utiliser des cellules embryonnaires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS114 de M. Thibault Bazin, CS173 de M. Patrick Hetzel, CS305 de M. Xavier Breton et CS706 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu’il faudra prouver l’absence d’alternative. Il me semble que la rédaction adoptée dans la loi de 2011 était plus explicite et garantissait mieux ce cadre. Nous proposons donc de la rétablir en rédigeant ainsi la fin de l’alinéa 8 : « il est expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ; ».

M. Philippe Berta, rapporteur. Je répète que pour obtenir l’autorisation de passer à un modèle embryonnaire humain, le chercheur devra faire la démonstration qu’il n’y a pas d’alternative et qu’il est déjà passé par les modèles animaux – lesquels sont rarement conclusifs, a fortiori si l’on a une visée thérapeutique. Vos amendements me semblent donc satisfaits. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS509 de Mme Annie Genevard et CS1006 de M. Julien Aubert.

Amendement CS60 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’article L. 2141-8 du code de la santé publique dispose qu’« un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles ». Il convient de le rappeler ici, alors que l’article L. 2151-5, correspondant aux modalités d’autorisation de la recherche sur l’embryon, est totalement refondu.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’article L. 2141-8 du code de la santé publique concerne les embryons conçus dans le cadre d’une PMA et nous parlons ici des embryons utilisés dans le cadre de la recherche. Or il existe une interdiction générale de création d’embryon dans ce cadre – j’aurai l’occasion d’y revenir. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS61 de Mme Emmanuelle Ménard, CS174 de M. Patrick Hetzel, CS306 de M. Xavier Breton et CS707 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’encadrer encore davantage la recherche sur l’embryon humain. Parce qu’il n’est pas un simple objet de laboratoire, des protections particulières lui sont accordées. Il convient de lui en assurer davantage et d’inscrire cela dans le code de la santé publique.

M. Patrick Hetzel. Il faut absolument nous assurer que ce que nous inscrivons dans la loi ne peut constituer un contournement de la convention d’Oviedo.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous proposez d’ajouter un critère supplémentaire : l’intégrité de l’embryon. La ficelle est un peu grosse ! Vous savez bien qu’en prélevant des cellules souches sur des embryons surnuméraires, on les détruit. Voter ces amendements reviendrait donc à interdire purement et simplement la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS115 de M. Thibault Bazin.

Amendements identiques CS175 de M. Patrick Hetzel, CS307 de M. Xavier Breton et CS708 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 9, l’alinéa suivant : « Aucune recherche sur l’embryon humain ne peut être autorisée pour l’exécution de travaux de recherche portant sur la modélisation des pathologies et sur le criblage des molécules. »

En admettant que l’on puisse autoriser les recherches sur l’embryon humain lorsqu’elles sont « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs » ou lorsqu’elles ont une « finalité médicale », il faut définir ce que l’on entend par « médical ». Il ne saurait être question d’autoriser la recherche sur l’embryon humain pour la recherche pharmaceutique et d’utiliser des cellules embryonnaires dans ce but. Quant aux techniques d’AMP, leur amélioration peut résulter de la recherche sur les cellules souches animales sans que l’on ait besoin de recourir aux cellules souches embryonnaires humaines. Il faut donc exclure totalement ces recherches.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des embryons qui présentent de graves anomalies génétiques. L’étude des cellules souches porteuses de mutations doit d’abord nous permettre de comprendre ce qui ne marche pas : c’est ce qui relève de la recherche fondamentale. Mais il y a un continuum et on passe à la recherche appliquée en essayant de corriger ce qui ne marche pas, afin de lutter contre certaines pathologies. Or cela peut passer par le criblage de certaines molécules. Vos amendements nous priveraient de cette opportunité : j’y suis donc défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS63 de Mme Emmanuelle Ménard et CS117 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Emmanuelle Ménard. L’embryon est la forme la plus jeune de l’être humain. À ce titre, il doit être protégé. Sa dignité ne saurait être conditionnée à l’existence d’un projet parental : il a une dignité propre.

M. Patrick Hetzel. Nous proposons de rédiger l’alinéa 10 de la manière suivante : « Le fait que l’embryon humain fasse ou non l’objet d’un projet parental ne conditionne pas le respect dû à sa dignité et à son intégrité physique. »

À travers cet amendement, notre collègue Thibaut Bazin pose des questions essentielles. Est-ce qu’un embryon qui fait l’objet d’un projet parental a plus de valeur qu’un autre embryon ? L’absence de projet parental enlèverait-elle à l’embryon son humanité ? Chaque embryon n’est-il pas un être en devenir, unique et donc irremplaçable ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour revenir un peu en arrière, vous avez dit, monsieur Hetzel, que l’on pourrait s’en tenir aux modèles animaux. Mais c’est impossible pour les recherches sur la stérilité, car certains de ses facteurs sont propres à l’espèce humaine : ils sont liés à certaines activités ou codés par certains gènes. J’ai moi-même travaillé sur les facteurs de fertilité portés par le chromosome Y et, malheureusement, ce type de recherche ne peut se faire que chez l’homme.

Madame Ménard, les embryons ne sont pas revêtus de la personnalité morale mais ils n’en sont pas moins appréhendés comme des personnes humaines potentielles, à qui nous devons effectivement le respect. C’est pourquoi le législateur a encadré les recherches qui portent sur eux en interdisant certaines finalités, sans pour autant interdire toutes les recherches.

Rappelons enfin que l’embryon, dans le cadre des recherches, est détruit au bout de quatorze jours – c’est la durée qu’a retenue le Sénat. On ne peut donc pas l’appréhender comme une personne.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS116 de M. Thibault Bazin, CS176 de M. Patrick Hetzel, CS308 de M. Xavier Breton, CS710 de Mme Anne-Laure Blin et CS984 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de revenir à une rédaction antérieure de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, qui prévoit que le consentement du couple fait l’objet d’une vérification.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vos amendements sont déjà satisfaits. La rédaction du II de l’article L. 2151-5 a été modifiée par l’article 16 du projet de loi adopté conforme en deuxième lecture par nos collègues sénateurs. Les conditions relatives à l’absence de projet parental, à l’information portant sur les autres finalités assignées à l’embryon, au consentement et au délai de réflexion demeurent, mais de manière plus implicite. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS62 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendements identiques CS408 de M. Patrick Hetzel, CS413 de M. Xavier Breton, CS511 de M. Thibault Bazin, CS675 de Mme Emmanuelle Ménard et CS721 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de vérifier le consentement des parents dont l’embryon va être utilisé. Cette exigence de vérification semble essentielle pour respecter la volonté des parents et assurer un encadrement de la recherche digne de ce nom.

L’Agence de la biomédecine délivre depuis quelque temps des autorisations de recherche qui utilisent 40, 50, voire 200 embryons humains. Compte tenu du volume important d’embryons humains utilisés pour la recherche, et donc détruits, il est primordial de s’assurer que les parents ont bien donné leur consentement.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de reprendre l’actuelle rédaction de l’alinéa 6 de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique pour s’assurer du consentement des parents à donner leurs embryons conçus in vitro.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les modalités de recueil du consentement sont prévues par le texte. Il va de soi que les embryons destinés à la recherche ne peuvent l’être qu’après le recueil du consentement.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS64 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il importe de préciser les conditions du recueil du consentement. Le fait de proposer un embryon à la recherche doit faire l’objet d’une acceptation venant des deux membres du couple.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’article 16, qui réécrit globalement l’article L. 2141-4 du code de la santé publique

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS177 de M. Patrick Hetzel, CS309 de M. Xavier Breton, CS713 de Mme Anne-Laure Blin et CS985 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Afin de protéger la liberté de choix des individus au sein du couple et d’éviter que l’un des deux membres ne s’exprime à la place de l’autre, nous proposons de compléter l’alinéa 10 par la phrase suivante : « Aucune autorisation ne peut être donnée si l’un des deux membres du couple ne donne pas son consentement exprès. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l’article 16, qui a été adopté conforme par le Sénat. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS178 de M. Patrick Hetzel, CS310 de M. Xavier Breton et CS719 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’améliorer la qualité de l’information donnée au patient en complétant l’alinéa 10 par la phrase suivante : « Dans le cas où les deux membres du couple ou le membre survivant consentent à ce que leurs embryons humains surnuméraires fassent l’objet de recherches, ils sont informés de la nature des recherches projetées afin de leur permettre de donner un consentement libre et éclairé. »

M. Philippe Berta, rapporteur. La fin du projet parental modifie la destination de l’embryon, dont le destin ne concerne plus le couple, le membre survivant ou la femme seule ; il concerne désormais le chercheur.

Il peut s’écouler beaucoup de temps, plusieurs années, entre le moment où l’embryon est donné à la recherche et celui où il fait effectivement l’objet d’une recherche. Dans ces conditions, il est difficile de donner d’emblée des indications sur la nature des recherches qui seront faites ; et il est tout aussi difficile de recontacter les personnes a posteriori.

Enfin, un embryon donné à la recherche ne fait pas nécessairement l’objet d’une recherche ; c’est même le cas le plus fréquent. La rédaction que vous proposez est inopérante, car elle ne prévoit pas ce cas de figure.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS65 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il serait intéressant que la décision de l’Agence de la biomédecine, en plus de l’avis de son conseil d’orientation, soit motivée, afin que soit démontrée la pertinence d’une recherche sur l’embryon.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’Agence doit motiver, c’est-à-dire justifier, les décisions individuelles défavorables ou dérogatoires. Autrement dit, elle doit motiver son refus, non son autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1022 du rapporteur.

Amendements identiques CS179 de M. Patrick Hetzel et CS311 de M. Xavier Breton, amendements identiques CS66 de Mme Emmanuelle Ménard et CS722 de Mme Anne-Laure Blin et amendement CS118 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Si un projet de recherche viole la loi, le règlement ou les conditions de l’autorisation, on ne peut se contenter de suspendre les travaux : il faut sanctionner les chercheurs et leur retirer sans délai l’autorisation qui leur a été accordée. Se contenter de suspendre la recherche, c’est rester dans un entre-deux.

Mme Emmanuelle Ménard. Si l’Agence de la biomédecine découvre des violations de prescriptions législatives ou réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, elle doit immédiatement retirer cette autorisation, et non se contenter d’émettre des recommandations.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous revenez à la charge pour envisager d’emblée le retrait de l’autorisation de recherche plutôt que sa suspension. Or celle‑ci est nécessaire pour diligenter des inspections, vérifier le respect du droit et garantir le respect du principe du contradictoire ; le retrait pourra intervenir dans un deuxième temps. Ces deux phases sont tout à fait nécessaires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS67 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose que tout organisme suspectant un laboratoire de pratiquer des manipulations sur des embryons humains non autorisées par l’Agence de la biomédecine puisse saisir celle-ci afin qu’elle procède à une inspection. Elle vérifiera que les recherches respectent bien le cadre légal.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ce dispositif ne me semble ni utile ni opérationnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS120 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Notre collègue Thibault Bazin demande la suppression de l’alinéa 15 et pose la question suivante : tout ce qui devient techniquement possible doit-il être autorisé ?

La conservation des embryons in vitro est autorisée jusqu’au quatorzième jour. Depuis que la France a rendu possible la recherche sur l’embryon, il est d’usage de ne pas conserver les embryons au-delà du septième jour de leur développement, qui correspondait, jusqu’à très récemment, à la faisabilité technique. Or, en 2016, deux équipes, l’une aux États-Unis, l’autre au Royaume-Uni, ont réussi à maintenir en vie des embryons jusqu’à leur quatorzième jour de développement. Devenue techniquement possible, la conservation des embryons jusqu’au quatorzième jour est-elle éthique ? Ne doit-on pas poser au délai de conservation une limite éthique indépendante de ce que permet la technique ? Certains scientifiques étrangers proposent déjà une extension jusqu’au vingt-huitième jour.

Les équipes citées plus haut n’étaient pas tenues de respecter la convention d’Oviedo, mais les chercheurs basés en France le sont, puisque la France a ratifié cette convention par la dernière loi de bioéthique de 2011. Et son article 18 garantit « une protection adéquate de l’embryon humain ».

M. Philippe Berta, rapporteur. Supprimer l’alinéa 15 reviendrait à supprimer, premièrement, l’interdiction de transférer les embryons sur lesquels une recherche a été conduite et, deuxièmement, toute fixation d’un délai maximal pour les embryons sur lesquels une recherche est conduite. Bref, supprimer cet alinéa, c’est mettre fin à l’encadrement de la recherche sur les embryons. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS68 de Mme Emmanuelle Ménard, CS119 de M. Thibault Bazin, CS180 de M. Patrick Hetzel, CS312 de M. Xavier Breton, CS516 de Mme Annie Genevard, CS723 de Mme Anne-Laure Blin et CS762 de M. Julien Ravier.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet article autorise la manipulation sur l’embryon humain jusqu’au quatorzième jour après la fécondation, contre sept jours à l’heure actuelle. Nous proposons de conserver le délai actuel de sept jours.

L’allongement de la durée de culture des embryons in vitro est fondé sur la seule faisabilité technique, sans considération des enjeux éthiques. Cette proposition est née parce que, depuis peu, les scientifiques savent conserver l’embryon in vitro en vie jusqu’à son quatorzième jour de développement. Or ce mode de raisonnement pose un certain nombre de questions. Quand on saura maintenir l’embryon en vie jusqu’à son vingt-huitième, son trentième ou son cent cinquantième jour, s’autorisera-t-on à faire des recherches sur une durée aussi longue ?

M. Patrick Hetzel. Nous souhaitons également nous en tenir au délai de sept jours, prévu par la législation actuelle. Certains chercheurs souhaitent porter la durée de culture des embryons in vitro de sept à quatorze jours, parce que c’est techniquement possible. Mais est-ce souhaitable ?

Dans le rapport des États généraux de la bioéthique de juin 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a noté que 92,3 % de nos concitoyens étaient opposés à l’allongement de la durée de culture des embryons in vitro. Le CCNE réfute l’argument selon lequel il faudrait autoriser une recherche en France, sous prétexte qu’elle est déjà autorisée à l’étranger ou qu’elle est techniquement possible. Le Conseil d’État, quant à lui, ne se prononce pas sur la durée de conservation elle-même – sept ou quatorze jours –, mais il estime nécessaire de fixer dans le droit positif une durée maximale de culture in vitro, considérant que c’est pleinement le rôle du législateur. Cette extension du délai ne risque-t-elle pas, à terme, de nous mener vers l’expérimentation de l’utérus artificiel ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour l’instant, le délai maximal de culture des embryons est seulement soumis à l’appréciation de l’Agence de la biomédecine et il pourrait toujours faire l’objet de recours contentieux. Il y a eu de longs débats pour savoir s’il fallait retenir une durée de sept, quatorze, voire vingt et un jours. Ce qui est primordial, en tout cas, c’est de fixer une limite dans la loi. C’est une garantie supplémentaire d’encadrement.

La question d’un possible allongement du délai s’explique par les progrès techniques réalisés dans la culture des embryons. Plusieurs raisons ont conduit à choisir quatorze jours.

D’abord, cette limite a été reconnue comme acceptable, parce qu’elle correspond au début de la différenciation de l’embryon et à l’apparition du système nerveux : à quatorze jours, la masse cellulaire interne de l’embryon conduit à l’apparition de trois feuillets, l’ectoderme, l’endoderme et le mésoderme. La limite de quatorze jours est retenue dans la quasi-totalité des autres pays.

Cette extension va permettre de conduire de nouvelles recherches pour mieux connaître non seulement le développement de l’embryon, mais aussi sa nidation, autrement dit son implantation dans la paroi utérine – étape très importante car tout se joue là, et les défauts d’implantation sont cause de nombreuses stérilités. Il s’agit également de comprendre la contribution de tel ou tel gène au développement harmonieux de l’embryon. Nous espérons que ces recherches fondamentales sur les phases initiales du développement embryonnaire trouveront des applications thérapeutiques.

En fixant la limite à quatorze jours, nous avons trouvé un équilibre qui a été accepté par tous, y compris au niveau international. Je suis donc défavorable aux amendements visant à réduire ou à allonger ce délai.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS517 de Mme Annie Genevard.

M. Patrick Hetzel. Il convient d’interdire explicitement la possibilité de mener des recherches sur des gamètes ou des embryons destinés à se développer pour donner naissance à un enfant. De telles recherches, qualifiées par Jean-François Mattei d’« essais d’homme », se heurtent autant au principe de dignité qu’à l’interdiction de créer des embryons pour la recherche prononcée par la convention d’Oviedo.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le débat sur cette question a déjà eu lieu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS181 de M. Patrick Hetzel, CS313 de M. Xavier Breton et CS728 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’insérer, après l’alinéa 15, un alinéa ainsi libellé : « À titre exceptionnel, des études sur les embryons humains visant notamment à développer les soins au bénéfice de l’embryon et à améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l’embryon humain peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. » Il convient de replacer ces dispositions parmi celles se rapportant à la recherche sur l’embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires humaines.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il n’est question dans le texte que des recherches sur des embryons qui ne sont pas destinés à naître. Vos amendements introduiraient donc une ambiguïté. Du reste, ils sont déjà satisfaits par le premier alinéa de l’article 14, qui identifie au sein d’un nouvel article du code de la santé publique le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Ces dernières relèvent en effet du régime des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) nécessitant une autorisation de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et le suivi d’un comité de protection des personnes (CPP). Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS69 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendements identiques CS182 de M. Patrick Hetzel, CS314 de M. Xavier Breton et CS729 de Mme Anne-Laure Blin et CS986 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’âge moyen de la première grossesse est passé, en quelques décennies, de 24 ans à plus de 28 ans. Or les chances de grossesse ont tendance à s’amenuiser à chaque cycle. Il est donc indispensable que la recherche porte aussi sur la mise au point de thérapies de restauration de la fertilité. Tel est l’objet de ces amendements. En outre, restaurer la fertilité devrait permettre de faire diminuer le recours à la PMA.

M. Philippe Berta, rapporteur. Puisqu’il est question de fertilité, vous me permettrez d’avoir une pensée pour le professeur Bernard Jégou, décédé il y a quelques semaines. La recherche française dans le domaine de la fertilité a perdu avec lui l’un de ses principaux acteurs. Nous l’avions auditionné à plusieurs reprises.

Il n’est pas nécessaire d’inscrire explicitement ici une référence aux recherches concernant la fertilité : ce domaine est déjà inclus dans le projet de loi. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS121 de M. Thibault Bazin, CS518 de Mme Annie Genevard et CS1007 de M. Julien Aubert.

Amendements identiques CS689 de Mme Anne-Laure Blin, CS165 de M. Patrick Hetzel, CS297 de M. Xavier Breton et CS979 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Les recherches dont nous parlons – qu’il s’agisse de la modification des gamètes destinés à devenir un embryon ou de celle d’un embryon destiné à être implanté – pourraient conduire dans quelques années à la naissance de bébés génétiquement modifiés par des techniques de FIV. Au regard des enjeux, la France est en droit de savoir quels travaux ont été menés sur les gamètes ou les embryons depuis cinq ans. Nous proposons donc de mettre en place une mission d’information ayant pour objet de faire un état des lieux des recherches menées depuis 2016. Les amendements disposent par ailleurs : « Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont, le temps de cette mission d’information, suspendues pour une durée de trois ans ».

M. Philippe Berta, rapporteur. Le nouvel article L. 2141-3-1 du code de la santé publique précise qu’aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise. Nous ne marchons pas sur la tête : il est totalement exclu de faire des bébés génétiquement modifiés. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS70 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je vous avoue que je n’ai pas beaucoup d’espoir de voir cet amendement adopté, puisqu’il vise à supprimer les alinéas 18 à 28, à propos desquels M. le rapporteur nous a déjà répondu en partie.

Ces alinéas organisent la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Dans ce type de recherche, on manipule ce qui constitue la plus jeune forme de l’être humain, puisque l’on extrait ces cellules d’un embryon. Or il existe une solution alternative à l’usage des cellules souches embryonnaires humaines, ne posant de surcroît aucun problème éthique : c’est la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites, définies à l’article 15.

J’ai bien entendu vos propos concernant celles-ci, monsieur le rapporteur, mais je suis troublée par vos arguments qui tendaient à montrer leur efficacité moindre. Or les Japonais utilisent les IPS avec efficacité ; ils mènent déjà des essais cliniques. Ils sont donc très en avance par rapport à nous. Cela veut-il dire que nous ne savons pas utiliser les IPS ? Dans ce cas, il faudrait mettre un peu plus d’énergie et d’ambition dans ce domaine. Ou bien choisissons-nous en quelque sorte la voie de la facilité, parce qu’il est plus commode de travailler avec des cellules souches embryonnaires ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Ne vous inquiétez pas, tous nos scientifiques impliqués dans ce domaine travaillent indifféremment, et de manière parallèle, sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules IPS. Je ne vois pas de retard particulier de notre pays dans ce domaine. Par ailleurs, à ma connaissance, les essais cliniques menés par les Japonais n’ont pas abouti à grand-chose pour l’instant.

Nous espérons améliorer la production des cellules IPS pour éviter l’ajout des quatre gènes, dont on ne connaît pas très bien le devenir : une fois qu’ils ont été injectés dans la cellule, ils s’intègrent de manière totalement aléatoire au génome, car il s’agit d’ADN et non pas d’ARN – remarque qui me permet, au passage, de couper court aux faux débats concernant la vaccination par ARN. Nous souhaitons tous pouvoir nous passer des cellules souches embryonnaires. Ne nous méprenons pas, si nous y avons recours, ce n’est pas par facilité : cultiver des cellules souches embryonnaires n’a rien de simple. Nous préférerions travailler à partir d’IPS. Toutefois, en l’état actuel de l’art, nous sommes obligés de mener les deux stratégies de front.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS71 de Mme Emmanuelle Ménard et CS222 de M. Thibault Bazin.

Amendements identiques CS183 de M. Patrick Hetzel, CS220 de M. Thibault Bazin, CS315 de M. Xavier Breton, CS732 de Mme Anne-Laure Blin et CS990 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’article 14 procède à une dissociation des régimes applicables à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. Le présent amendement entend maintenir le régime commun, reposant sur une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.

En définitive, il ressort des propos de M. le rapporteur que les choses se passent plutôt bien, et le Journal officiel publie régulièrement des autorisations. On a donc du mal à comprendre en quoi le changement proposé est nécessaire. Il serait pertinent de maintenir une autorisation dans les deux cas. Qui plus est, une simple déclaration irait dans le sens du moins-disant éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous n’allons pas refaire le débat. Je persiste à considérer que les contraintes éthiques liées à l’embryon ne sont pas du tout les mêmes que celles concernant les cellules souches, et qu’il était donc important d’établir une distinction, avec, dans un cas, une déclaration et, dans l’autre, une autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, il reste 357 amendements en discussion. Nous reprendrons leur examen cet après-midi

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15 heures ([7])

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Gérard Leseul, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique.

Chapitre Ier
Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Article 14 (suite)
Différenciation des régimes juridiques d’autorisation s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires

Amendements identiques CS72 de Mme Emmanuelle Ménard et CS221 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Puisqu’un embryon humain ne peut être utilisé à des fins commerciales ou industrielles en application de l’article L. 2141-8 du code de la santé publique, il devrait en être de même pour ses cellules souches. Il convient donc de faire référence à cette interdiction relative aux cellules souches embryonnaires humaines.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS223 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de substituer, à l’alinéa 20, au mot « peut » celui de « doit ». Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, il convient que le régime qui les encadre ne fasse pas échec à l’article L. 2151-5 du code de la santé publique relatif à la recherche sur l’embryon humain, en le privant de sa portée.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’emploi du verbe « pouvoir » convient à l’encadrement des recherches prévu par cet alinéa. La rédaction actuelle semble d’ailleurs plus appropriée en ce qu’elle ne pose pas seulement une règle de principe mais bien un principe et son application opérationnelle. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS224 de M. Thibault Bazin.

Mme Annie Genevard. Il semble possible de résoudre une partie du conflit éthique et de satisfaire les besoins des chercheurs en prévoyant que la recherche porte uniquement sur les lignées de cellules souches existantes en France ou à l’étranger, à partir de la promulgation de la nouvelle loi de bioéthique. C’est d’ailleurs ce que préconisaient le Conseil d’État, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et la mission d’information parlementaire.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’importation des cellules souches est encadrée par l’article L. 2151-6 du code de la santé publique qui dispose que l’importation de cellules souches embryonnaires aux fins de recherche est soumise à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine. Cette autorisation ne peut être accordée que si ces cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil.

La recherche, surtout quand elle reste au stade fondamental, prend rapidement une dimension internationale, du fait des nombreuses collaborations internationales qu’elle suscite. C’est en permettant l’accès à des lignées cellulaires entre des laboratoires français et étrangers que nous réduirons l’utilisation d’embryons destinés à la recherche. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS73 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’importation de cellules souches embryonnaires humaines est, en effet, soumise à autorisation préalable de l’ABM mais la législation des pays d’où sont importées les lignées de cellules souches embryonnaires est souvent beaucoup plus permissive que la législation française. Pour cette raison, il nous semble opportun d’interdire l’importation de ces lignées, sauf à prendre le risque de contrevenir aux principes éthiques posés par le législateur français.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS185 de M. Patrick Hetzel, CS317 de M. Xavier Breton, CS735 de Mme Anne-Laure Blin, et amendement CS226 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Un des problèmes éthiques de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines réside dans la destruction de l’embryon humain dont elles sont extraites. Ce problème éthique peut être résolu en partie par la possibilité de rechercher exclusivement sur les lignées de cellules souches existantes.

Il semble possible de résoudre une partie de ce conflit éthique et de satisfaire les besoins des chercheurs en prévoyant que la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines porte uniquement sur les lignées de cellules souches existantes en France ou à l’étranger, à partir de la promulgation de la nouvelle loi de bioéthique. C’est d’ailleurs ce que préconisaient le Conseil d’État, l’OPECST et la mission d’information parlementaire dans leurs rapports préparatoires.

L’amendement tend, par conséquent, à réécrire l’alinéa 22.

Mme Annie Genevard. Si vous avez bien pris toutes les précautions nécessaires, monsieur le rapporteur, pourquoi ces organismes se montrent-ils encore si réservés ? Quelles garanties prévoyez-vous ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous souhaitons tous réduire au maximum l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines. Hélas, les cellules souches perdent une partie de leurs propriétés tout au long de leur existence, aussi ne faut-il pas interdire la conduite de recherches sur des cellules nouvellement dérivées. D’ailleurs, nous avons aussi besoin d’un étalon de référence en se réservant la possibilité d’effectuer une comparaison à partir de cellules souches nouvellement dérivées.

Le dispositif prévu à l’article 14 me semble équilibré. Surtout, rappelons que la communauté scientifique française est responsable. Faisons lui confiance, d’autant plus que les divers comités d’éthique contrôlent leur travail. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS227 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 22 : « La dérivation de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires est interdite. »

Que répondez-vous, monsieur le rapporteur, à ces organismes qui estiment que les chercheurs ont déjà de quoi faire avec les lignées dont ils disposent ? Pourquoi ne pas l’écrire clairement dans la loi, dès lors que le principe de la révision des lois de bioéthique nous offrira la possibilité de modifier cette disposition, le cas échéant.

M. Philippe Berta, rapporteur. J’espère que, lors de la prochaine révision de la loi de bioéthique, nous aurons découvert des cellules souches induites à phénotype équivalent aux cellules souches embryonnaires. Hélas, pour l’heure, je ne saurais en interdire le recours pour la recherche française, au service de la santé de demain. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS187 de M. Patrick Hetzel, CS319 de M. Xavier Breton, CS737 de Mme Anne-Laure Blin, et amendement CS225 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. La recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines peut se concentrer exclusivement sur les lignées existantes et déjà établies en France ou à l’étranger. Je vous propose par conséquent d’insérer, après l’alinéa 22, l’alinéa suivant : « La liste des lignées de cellules souches embryonnaires humaines dérivées en France ou susceptibles d’être importées de l’étranger, existantes au jour de la promulgation de la loi relative à la bioéthique, et sur lesquelles des recherches peuvent être menées en France, dans le respect des principes éthiques des articles 16 à 16-8 du code civil, est établie par décret du ministère de la recherche. » Cette rédaction, en impliquant l’exécutif, permettrait d’accélérer la procédure.

M. Philippe Berta, rapporteur. C’est toujours possible mais cela n’est pas utile et nous devrons tout de même conserver la possibilité d’un étalon de référence à partir de cellules souches nouvellement dérivées. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS188 de M. Patrick Hetzel, CS320 de M. Xavier Breton et CS738 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 23 par les deux phrases suivantes : « Le produit d’obtention de l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement au plus tard le septième jour après leur constitution. »

Dès lors que les cellules souches sont issues d’un embryon humain, il convient d’appliquer le régime commun de sept jours pour la durée de conservation.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il n’a jamais été question de créer des embryons de novo. Cette méthode permet uniquement d’obtenir des modèles cellulaires dits embryoïdes qui permettent d’étudier in vitro les mécanismes du développement embryonnaire précoce. Ces modèles embryoïdes ne sont pas des embryons ! Ils servent à fabriquer des organoïdes, à constituer des morceaux d’intestins ou de poumons. Ils se sont révélés très utiles durant la pandémie pour comprendre la stratégie virale.

Par ailleurs, il est rigoureusement interdit de créer des embryons à des fins de recherche. Avis défavorable à ces amendements inutiles.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS164 de M. Patrick Hetzel, CS296 de M. Xavier Breton et CS685 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. À partir de cellules souches embryonnaires ou de la dérivation de cellules somatiques dites IPS, il serait possible de fabriquer de manière artificielle in vitro des gamètes.

L’exposé des motifs précise que la recherche sur les cellules souches n’est pas exempte d’interrogations éthiques lorsqu’il s’agit d’envisager de les différencier en gamètes.

L’article 16-4 du code civil dispose que nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. L’article 16-2 rappelle que le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits du corps humain.

Or, les gamètes sont des cellules particulières, obtenues après un long processus dans les gonades, permettant la réalisation, à partir de cellules précurseurs, du phénomène de méiose, permettant un brassage génétique favorable à l’espèce humaine ainsi que le passage de quarante-six à vingt-trois chromosomes.

Il convient donc de rappeler l’interdiction d’un processus qui intègre une maturation et une méiose artificielles aboutissant à la création artificielle de gamètes.

Je vous propose d’ajouter l’alinéa suivant après l’alinéa 23 : « La création de gamète à partir de cellules souches embryonnaires ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite. »

Mme Annie Genevard. Le développement des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites fait courir le risque de la fabrication de gamètes ou d’embryons artificiels. Selon une étude publiée le 11 juin 2020 dans la prestigieuse revue Nature, la fabrication de gastruloïdes humains, des embryons synthétiques ou artificiels, conçus à partir de cellules IPS, est possible. De telles perspectives conduisent à remettre profondément en cause la nature de l’espèce humaine. En effet, elles ouvriraient la voie à l’autoreproduction, à la fabrication d’enfants sans gamètes. Le principe de la protection de l’intégrité de l’espèce humaine, posé au premier alinéa de l’article 16-4 du code civil et la nécessité de conserver à l’espèce humaine le caractère sexué de sa reproduction, imposent d’interdire ce type de pratique en insérant un nouvel alinéa à ces dispositions.

Vous nous répondrez, monsieur le rapporteur, que la recherche française, consciente de ces risques, ne s’aventurera jamais dans ces voies périlleuses. Pourquoi ne pas l’écrire, dans ce cas ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces amendements sont incohérents à la fois avec le texte et avec les modifications adoptées par les membres du groupe Les Républicains au Sénat.

Ils poseraient problème dans les recherches portant sur la gamétogénèse et nuiraient à la compréhension des mécanismes qui peuvent bloquer la méiose. Or, Mme Ménard l’a rappelé, les phénomènes d’infertilité concernent un couple sur six. Il ne faudrait pas entraver la possibilité de mener in vitro les principales étapes de la spermatogénèse et de l’ovogénèse, et ainsi comprendre l’infertilité. Je pense que vous approuverez cet argument.

Toutefois, vous avez raison, des questions éthiques se posent et c’est pour cette raison que, aussi bien pour les cellules souches embryonnaires, visées à l’article 14 que pour les cellules souches pluripotentes induites, à l’article 15, la différenciation en gamètes est soumise à un régime d’encadrement spécial, à savoir une déclaration obligatoire à l’Agence de la biomédecine et un système de contrôle, notamment par l’avis public du conseil d’orientation de l’Agence. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS184 de M. Patrick Hetzel, CS316 de M. Xavier Breton et CS734 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Récemment, en Grande-Bretagne, des chercheurs n’ont pas nommé « embryons » les structures qu’ils avaient obtenues afin d’échapper au cadre légal de la recherche sur l’embryon humain. Dans la revue Cell Stem Cell, ces chercheurs britanniques ont annoncé, en 2021, être parvenus à créer des embryons humains à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Dans leur laboratoire d’Exeter, ils ont mis en culture ces cellules souches par grappe et introduit deux molécules pour influencer leur développement. En trois jours, les cellules souches étaient organisées en blastocyste, stade atteint par un embryon humain environ six jours après la fécondation. L’embryon créé en laboratoire « possédait les mêmes gènes actifs qu’un embryon naturel, ce qui laisse supposer que la poursuite de son évolution serait possible », estiment les chercheurs.

Il y a un mois, la même équipe publiait un article décrivant la flexibilité du développement embryonnaire, les chercheurs étant parvenus à observer la régénération de certains tissus au sein d’un embryon humain.

Monsieur le rapporteur, ces recherches respectent-elles les principes éthiques de la loi ? La rédaction actuelle du texte n’autoriserait-elle pas de telles dérives si nos chercheurs procédaient comme les chercheurs britanniques ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne cautionne pas ces pratiques. Je connais bien la perfide Albion pour y avoir poursuivi mes études quelques années : les chercheurs échappent partiellement à nos règles éthiques, notamment parce que l’essentiel de leurs recherches sur la reproduction reçoivent des financements privés. Les Anglais ne se gênent pas pour mener, au sein de cliniques privées, des recherches qui seraient interdites en France. Si le financement avait été public, celles-ci n’auraient sans doute pas été autorisées.

Cependant, vos amendements ne sont pas compatibles avec le texte. Surtout, ils entrent en contradiction avec ceux que les collègues sénateurs de votre groupe ont votés.

Enfin, le pas est grand entre l’expérience que vous avez citée – au passage la revue Cell Stem Cell ne saurait être comparée à Nature – et nos études portant sur la compréhension de la gamétogénèse et des mécanismes qui peuvent bloquer la fertilité. Il est indispensable de pouvoir continuer à mener in vitro les principales étapes de la spermatogénèse et de l’ovogénèse pour comprendre les causes de l’infertilité. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS409 de M. Patrick Hetzel, CS414 de M. Xavier Breton, CS421 de Mme Emmanuelle Ménard, CS512 de M. Thibault Bazin, CS740 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer les mots « ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine », à l’alinéa 24.

Il n’est pas nécessaire de modifier pour la quatrième fois en dix ans la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines. Cet ajout effectué en deuxième lecture au Sénat consiste à rendre possible la recherche fondamentale sur l’embryon humain et ses cellules souches pour la pure connaissance, sans finalité thérapeutique, et donc à priver l’embryon humain de la protection adéquate exigée par la convention d’Oviedo.

Mme Emmanuelle Ménard. Par l’alinéa 24, vous confirmez la possibilité d’utiliser des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires pour améliorer la connaissance de la biologie humaine, ce qui pose des questions éthiques. Cet alinéa est contraire à la convention d’Oviedo.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons déjà évoqué ce sujet à l'alinéa 7. Cet ajout a été fait par le Sénat à l’initiative de la rapporteure du groupe Les Républicains, Corinne Imbert.

Je l’avais d’abord supprimé en commission en deuxième lecture, mais cela a de nouveau été ajouté et il me semble finalement que nous pouvons intégrer ce critère sans prendre de risques particuliers. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

(Présidence de Mme Monique Limon, vice-présidente de la commission spéciale.)

Amendements identiques CS228 de M. Thibault Bazin, CS189 de M. Patrick Hetzel, CS321 de M. Xavier Breton, CS739 de Mme Anne-Laure Blin et amendement CS229 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Actuellement, les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines sont soumises au respect de quatre conditions. L’alinéa 26 relatif exclusivement à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en rappelle trois d’entre elles et fait l’impasse sur la quatrième, celle qui subordonne l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines à l’absence d’alternative scientifique. Aucune raison éthique ou juridique ne peut justifier d’exempter la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines de la condition protectrice primordiale qui consiste à privilégier les autres moyens de recherche existants avant d’utiliser l’embryon humain et ses cellules souches.

Cette condition découle de l’article 16 du code civil, d’ordre public, qui dispose que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie.

Ce principe de base oblige à privilégier les alternatives à la manipulation et la destruction d’embryons humains.

Nous vous proposons donc d’insérer à l’alinéa 24, après le mot « établie », les mots « si, en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Vos amendements visent à réintroduire dans le nouveau régime de déclaration des protocoles de recherche sur des cellules souches embryonnaires la condition tenant à l'absence de solution alternative, alors que l'article 14 adapte justement le régime juridique des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires selon leurs différences de nature et d'enjeux éthiques respectifs que ces recherches impliquent.

Je ne vais pas le répéter mais il ne s'agit pas des mêmes enjeux, les cellules souches embryonnaires ne constituant pas un organisme en développement.

Par ailleurs, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites ne sont pas considérées comme alternatives mais bien comme complémentaires. Nous ne pouvons pas aujourd'hui faire les mêmes recherches avec ces deux types de cellules souches.

Pour ces différentes raisons, juridiques, éthiques et pragmatiques, ces amendements sont inopérants puisque coexistent deux régimes juridiques de recherche, l’un relatif à l’embryon et l’autre à la cellule souche. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS74 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La France recourt plus souvent aux cellules souches embryonnaires qu’aux cellules souches pluripotentes induites. Or une dépêche de l’Agence France Presse annonçait, en mars 2021, que des scientifiques avaient généré des structures embryonnaires humaines à un stade précoce afin de faire progresser la recherche sur les fausses couches et la malformation physique des fœtus. C’est extrêmement intéressant. Ces travaux ont été menés par deux équipes différentes de chercheurs, au Texas et en Australie. Les chercheurs ne sont pas passés par la fusion des gamètes. L’équipe de Jun Wu, chercheur à l’université du Texas, a utilisé des cellules souches dérivées d’embryons humains et des cellules pluripotentes induites tandis que l’équipe australienne a eu recours à des cellules de peau adultes. Ces deux équipes sont arrivées au même résultat : les cellules se sont progressivement organisées pour reproduire les trois structures composant les blastocystes humains.

Si on utilise des cellules qui ne seraient pas des cellules embryonnaires humaines, parviendra-t-on au même résultat ? Dans ce cas, ne pourrait-on privilégier le recours à des cellules IPS, voire des cellules de peau adultes ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Je n’ai pas lu cette publication, madame Ménard – je dois reconnaître que cela n’a jamais été mon champ d’activité principal. Mais c’est vrai que c’est très intéressant.

Il reste qu’il s’agit une publication princeps et il faudra encore des années avant qu’on aboutisse à des conclusions définitives. J’espère que celles-ci iront dans le sens que nous souhaitons tous deux, à savoir qu’on arrivera un jour à remplacer les cellules souches embryonnaires humaines par les cellules IPS.

Le problème, c’est qu’on ne maîtrise pas encore l’innocuité de ces dernières. C’est pourquoi il faut accumuler les travaux afin d’établir un comparatif moléculaire et être certain qu’on obtiendra, dans les deux cas, exactement la même chose. Attendons donc la suite – mais je peux vous garantir, pour avoir été scientifique dans une vie antérieure, que cela prendra des années. C’est dommage, mais c’est ainsi !

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS230 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous dites qu’il est hors de question de créer des embryons humains en laboratoire. Dont acte. Néanmoins, on crée déjà des entités embryonnaires en laboratoire sans passer par la fusion de gamètes : c’est notamment le cas de ces chercheurs qui viennent de créer des blastoïdes ou de ceux qui, en Grande-Bretagne, travaillent à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Les entités obtenues ne sont plus distinguables des embryons humains au stade du blastocyste, c’est-à-dire au bout de six jours.

Dès lors que ces entités ont un développement identique à celui de l’embryon humain, ne faudrait-il pas qu’elles bénéficient de la même protection que celui-ci ? La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, à laquelle faisait référence Annie Genevard ce matin, semble aller dans ce sens, à travers l’arrêt Brüstle contre Greenpeace. Il y a là, nous semble-t-il, un véritable enjeu éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis un peu perdu… N’examinons-nous pas l’amendement CS230 qui porte sur la modélisation de pathologies et le criblage de molécules ?

Je suis néanmoins prêt à répondre à la question posée. L’objectif des recherches que vous évoquez sur les gastruloïdes est la production d’organoïdes, et certainement pas celle d’embryons. Il s’agit d’un outil qui va probablement s’avérer fondamental dans les mois et les années à venir, et je pense que l’on peut s’en réjouir, car cela permettra d’éviter des expérimentations animales. On est à des années-lumière de l’embryon.

Avis défavorable sur l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS78 de Mme Emmanuelle Ménard et CS233 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Ces amendements tendent à supprimer l’alinéa 25, qui autorise, d’une part, la différenciation de cellules souches embryonnaires en gamètes, c’est-à-dire la création de gamètes artificiels, d’autre part, l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, ce qui permet la création d’un ensemble qui ressemble à un embryon. Cela est contraire à l’article 18 de la convention d’Oviedo,

M. Patrick Hetzel. Voici ce que dit la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt Brüstle contre Greenpeace, auquel nous sommes plusieurs à avoir fait référence : « La notion d’“embryon humain” […] doit être comprise largement. Dans ce sens, tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un “embryon humain” […] dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain. »

Il s’agit là d’une décision de nature juridique. Or, à travers ce projet de loi relatif à la bioéthique, nous sommes en train de créer du droit. Ne devrions-nous pas tirer les conclusions de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne fais pas la même lecture que vous de cet alinéa. Actuellement, rien dans la loi n’empêche d’effectuer n’importe quel type de recherche sur les cellules souches, qu’elles soient embryonnaires ou IPS, y compris la constitution de gamètes. L’objectif de la présente disposition est de doter l’Agence de la biomédecine d’outils lui permettant d’exercer une faculté d’opposition afin qu’elle puisse mieux encadrer ces recherches. On va donc vers plus d’éthique.

Cela ne remet pas en cause, bien au contraire, le principe d’interdiction de création d’embryons à des fins de recherche, et cela quel qu’en soit le moyen.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS75 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 25.

La création de gamètes et d’embryons synthétiques doit être interdite, tout comme l’insertion de cellules souches embryonnaires ou de cellules IPS dans un embryon animal. Il s’agit de respecter la dignité humaine, et aussi celle des animaux.

Parce que cette autorisation ouvre une boîte de Pandore dont nous ne connaissons pas les conséquences, il convient d’empêcher que de telles recherches aient lieu sur le sol français.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Je le répète : de grands principes éthiques encadrent ces différents types de recherches. Il est interdit de créer un embryon à des fins de recherche ; il est interdit de transférer un embryon humain à des fins de gestation ; la limite du développement est fixée à quatorze jours.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS77 de Mme Emmanuelle Ménard, CS410 de M. Patrick Hetzel, CS415 de M. Xavier Breton, CS513 de M. Thibault Bazin et CS770 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. L’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires permet la création d’un ensemble qui ressemble à un embryon. Cela revient à créer un embryon à des fins de recherche, ce qui est interdit par l’article 18 de la convention d’Oviedo.

J’entends ce que vous dites sur l’interdiction de créer de tels embryons, monsieur le rapporteur, mais les deux équipes que je mentionnais tout à l’heure, l’une du Texas, l’autre d’Australie, sont arrivées, en utilisant des procédés différents, au même résultat : les cellules se sont progressivement organisées pour reproduire les trois structures composant les blastocystes humains. Autrement dit, par l’agrégation de cellules embryonnaires, IPS ou adultes, et de cellules souches extra-embryonnaires, les scientifiques arrivent aujourd’hui à créer des embryons humains qui se développent jusqu’au dixième, voire jusqu’au quatorzième jour. Il s’agit bien là de création d’embryons humains pour la recherche.

Je ne dis pas que c’est le cas en France, mais je pense qu’on est à la limite de l’interdit. Ce qui m’inquiète, c’est que pour expliquer la limite du développement au quatorzième jour, vous avez dit : « Puisqu’on sait aller jusque-là, autant en profiter pour étudier au maximum ». Si l’objectif peut être louable, je crains qu’à force de repousser les limites, on ne repousse aussi les règles éthiques, qui ne sont pas toujours négociables.

M. Patrick Hetzel. Sur les questions de bioéthique, nécessairement, on se pose des questions et l’on doute. Dans des travaux récents, certains juristes ont abordé la question des embryoïdes – sous un angle juridique, bien entendu. Et ils nous mettent en garde, en disant que nous risquons d’aller non pas vers un mieux-disant éthique, comme vous l’affirmez, monsieur le rapporteur, mais vers un moins-disant, dans la mesure où le développement des embryoïdes va précisément permettre de contourner l’interdit de créer des embryons à des fins de recherche. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, lever ces doutes ?

Mme Annie Genevard. La tâche que nous avons à accomplir est de rechercher sans cesse l’équilibre entre les avantages d’une recherche la plus fructueuse possible sur le plan thérapeutique et le respect des bornes qu’il convient de poser. Les interrogations soulevées à travers ces amendements n’appellent pas qu’une réponse scientifique ; elles attendent aussi une réponse éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous allez un peu vite en besogne… Les gastruloïdes – ou les embryoïdes, peu importe le nom qu’on leur donne – sont loin d’être des embryons ! Il s’agit de modèles qui n’ont aucune possibilité évolutive, qui restent difficiles à comprendre – des études récentes montrent qu’on y trouve des cellules dont on ne sait pas très bien d’où elles viennent – et qui permettent d’acquérir de nouvelles connaissances sur les processus biophysiques, sur les processus d’auto-organisation de la gastrulation dans les premières étapes de la vie. Il serait dommageable de se passer de telles sources de progrès scientifiques et médicaux. Nous devrions plutôt soutenir collectivement ce type de recherches qui permettent de ne plus travailler sur de vrais embryons, en étudiant des phases très importantes sur des structures qui, je le répète, n’ont aucune capacité à devenir des embryons. Avis défavorable.

Mme Annie Genevard. Et la Cour de justice, alors ? Elle ne comprend rien ?

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS1021 du rapporteur et CS1014 de M. Marc Delatte.

M. Philippe Berta, rapporteur. Mon amendement vise un double objectif.

D’une part, il rétablit l’avis obligatoire du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine en cas d’opposition aux recherches nécessitant l’adjonction de cellules souches embryonnaires dans un embryon animal, dans la logique de l’amendement proposé à l’article 17 et afin de donner la possibilité de réaliser ce type de recherche – ce que le Sénat avait supprimé.

D’autre part, il élargit le champ de la disposition en vue de soumettre aussi à l’avis du conseil d’orientation de l’Agence toute opposition à un projet de modélisation du développement embryonnaire, quelle que soit la technique utilisée. Cela permettra d’encadrer la création de modèles embryoïdes non seulement par l’agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, mais aussi par de nouvelles techniques apparues tout récemment – notamment celles dont il vient d’être question.

Pourquoi modifier l’article dans ce sens ?

D’abord, ces deux types de recherches ouvrent des voies très prometteuses ; les interdire aux chercheurs français reviendrait à exclure toute possibilité d’avancée dans ce domaine.

Ensuite, ne pas les mentionner dans cet alinéa conduirait non pas à interdire quoi que ce soit, mais à ne plus leur appliquer l’encadrement renforcé prévu pour les recherches hautement sensibles. Ce serait moins-disant sur le plan éthique, ce qui ne me semble pas souhaitable.

M. Marc Delatte. Nous comprenons les inquiétudes que soulève la recherche sur l’embryon et c’est pourquoi mon amendement tend à restaurer le régime déclaratif renforcé incluant un avis du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. Il faut le rappeler, il n’est pas question d’autoriser la création d’embryons de novo ; c’est un interdit éthique. La France a ratifié la convention d’Oviedo et son article 18. Mais réimplanter un embryon qui était destiné à la recherche est un autre interdit éthique.

Mme Annie Genevard. Nous traitons bien là de ce que le commun des mortels appelle des « chimères », monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Ça, c’est un terme pour ceux qui croient aux sirènes et aux centaures. Vous pouvez l’utiliser, mais il n’est pas très approprié.

Mme Annie Genevard. Le terme n’est peut-être pas très approprié, mais il est parlant. Je pense que chacun aura compris de quoi il retourne, sans qu’il soit besoin de se référer à la mythologie grecque : il s’agit de mêler des cellules humaines et des cellules animales. Pardonnez-moi si les termes que j’utilise ne sont pas scientifiques, mais ils expriment l’effroi que j’éprouve à la perspective de tels dispositifs, et cela quelle que soit leur utilité. La fin ne justifie pas toujours les moyens.

Il a été dit par des scientifiques – notamment, je crois, lors des auditions – qu’on n’était pas sûr que si l’on implante plus de 30 % de cellules humaines, il ne se développe pas une conscience humaine. On franchit là la barrière des espèces ! Cela vous fait sourire, chers collègues, mais je vous assure que vous êtes bien les seuls, car l’opinion publique – qui n’a certes pas l’esprit aussi scientifique que vous – comprend bien ce qui est en jeu.

De surcroît, il a été dit aussi qu’on ne savait pas maîtriser la migration de cellules. Il me semble que dans le doute, mieux vaut s’abstenir de prendre de telles dispositions, qui sont potentiellement porteuses de dérives éthiques gravissimes.

M. Patrick Hetzel. Si le Sénat a décidé de supprimer cette disposition, c’est en raison de considérations juridiques et bioéthiques. N’êtes-vous pas effrayés par les perspectives vertigineuses ouvertes par de telles manipulations du vivant, que l’on engage sans savoir si l’on pourra ensuite y mettre un terme ? Je me demande si le rôle d’une loi de bioéthique n’est pas précisément de se doter de garde-fous et de faire valoir, en la matière, le principe de précaution. Les répercussions potentielles d’une telle disposition ne sont pas minces ; elle peut avoir des conséquences y compris sur le patrimoine génétique de l’humanité. Il serait plus prudent d’en rester à la rédaction du Sénat – à moins que vous ne nous convainquiez que votre rédaction comporte des garde-fous.

M. Pascal Brindeau. Tout l’enjeu de ce débat sur le « mélange » de cellules souches humaines et de cellules animales est de trouver le point d’équilibre entre, d’une part, les grandes avancées qu’engendre potentiellement la recherche scientifique, notamment en matière thérapeutique et médicale – certaines grandes découvertes ont été permises par la transgression des principes établis, que l’on a su dépasser pour le meilleur –, et, d’autre part, les barrières éthiques qui doivent rester infranchissables car elles engagent la conception que nous avons de notre propre civilisation et de notre rapport à la nature. Les débats toujours plus intenses que nous avons sur la condition animale, sur la protection de l’environnement, sur la sauvegarde de la planète etc. nous amènent à nous demander quelle est la place de l’homme dans tout cela – l’environnement, l’écosystème, la planète – et quel est notre rapport à l’animal.

On voit bien qu’il y a là un point de rupture. Certains estiment qu’on est en train d’aller au-delà de la transgression nécessaire aux progrès de la médecine. D’autres, dont vous êtes, monsieur le rapporteur, considèrent qu’il ne s’agit que d’une étape, qui est encadrée et maîtrisée – de fait, il y a des garde-fous. Cela nous ramène au débat que nous avions ce matin sur une autre question : si nous sommes capables en France de garantir un certain nombre de garde-fous, parce que la recherche est publique, nous ignorons ce que peuvent faire les autres.

Mme Emmanuelle Ménard. Quand on parle du présent projet de loi avec nos concitoyens, trois sujets reviennent systématiquement – beaucoup d’autres étant jugés trop compliqués. Il s’agit de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, qui soulève la question de la place du père ; de l’établissement du lien de filiation et de la levée de l’anonymat ; des chimères animal-homme. Dans l’esprit des Français, la possibilité d’introduire une part de cellules humaines dans un embryon animal fait problème ; cela renvoie vraiment à la figure de l’apprenti sorcier.

On ne peut pas balayer d’un revers de la main ces réticences. Il faut en la matière légiférer « avec une main tremblante », pour reprendre une expression en vogue dans l’hémicycle – je préfère pour ma part parler de principe de précaution. Sur ce sujet éthique par excellence, celui-ci doit être la règle. Les protocoles de recherche doivent être rigoureusement contrôlés, et pas seulement par des instances scientifiques. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à ce qu’une information soit publiée au Journal officiel. Il importe que le grand public soit pleinement rassuré.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS190 de M. Patrick Hetzel, CS232 de M. Thibault Bazin, CS322 de M. Xavier Breton et CS742 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 25 revient à autoriser la création sans conditions de gamètes artificiels à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Nous souhaiterions que ce soit davantage encadré.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable : je considère au contraire que l’alinéa 25 crée le cadre juridique qui faisait jusqu’alors défaut.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS191 de M. Patrick Hetzel, CS231 de M. Thibault Bazin, CS323 de M. Xavier Breton, CS769 de Mme Anne-Laure Blin et CS987 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 25 tend en réalité à soustraire au contrôle de l’Agence de la biomédecine les recherches visant à différencier les cellules souches embryonnaires en gamètes, l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle. Nous considérons qu’il convient de rétablir le pouvoir de décision et de contrôle de l’Agence sur les recherches de ce type, car elles portent sur des questions extrêmement sensibles du point de vue éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avec ces « chimères », on a un peu l’impression d’ouvrir la boîte à fantasmes ! Pourtant – le professeur Eliaou pourra vous le confirmer –, ce n’est pas nouveau. De quoi s’agit-il ? D’introduire dans des tissus extra-embryonnaires animaux des cellules souches humaines, et cela pour deux raisons. D’abord, et ce sont mes collègues chercheurs qui travaillent dessus qui me l’ont dit, on a besoin de cet environnement extra-embryonnaire pour nourrir les cellules souches et tester leur qualité. Ensuite, l’une des finalités de ces recherches est la production d’organes pour l’homme. On utilise pour cela des miniporcs humanisés ; en effet, le porc a un système immunitaire remarquablement proche du nôtre, et c’est très probablement pour cette raison que dans certaines religions, il est interdit d’en manger : les virus passent très facilement du porc à l’homme. L’objectif est en particulier de produire des cœurs : il y a une longue liste de personnes en attente de transplantation – il serait bon de penser un peu à elles. Une autre approche très prometteuse, c’est la production d’îlots de Langerhans, voire, à terme, de pancréas, pour les personnes qui souffrent de diabète de type 1 et qui sont au quotidien « sous perfusion » d’insuline – ce qui, comme chacun le sait, n’est pas de nature à leur assurer une grande longévité. Ces recherches, cela fait des décennies qu’on en parle et nous pouvons tous, je crois, en souhaiter le succès. Ce que nous souhaitons faire ici, c’est précisément fournir le cadre juridique qui leur manquait.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS79 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Hasard du calendrier ? Deux équipes, l’une française, conduite par le professeur Savatier, l’autre sino-américaine, ont cultivé durant trois à dix-neuf jours des embryons de macaques dans lesquels ils avaient ajouté des cellules humaines. Les résultats de leurs travaux ont été publiés en début d’année : le 12 janvier pour l’équipe française et le 15 avril pour l’équipe sino-américaine. Des chercheurs ont donc introduit des cellules IPS, des cellules adultes reprogrammées, dans des embryons de macaques. C’est une réalité, et non de la science-fiction.

Je souhaiterais que l’on revienne sur le plan juridique, et rappeler les craintes du Conseil d’État sur les chimères animal-homme : une nouvelle zoonose ; une migration de cellules humaines vers le cerveau de l’animal ; une éventuelle apparence humaine.

Les chimères issues de deux espèces animales apparemment ne fonctionnent pas. Les chimères porc-singe, par exemple, ont échoué. Pourquoi vouloir rendre possible des chimères animal-homme ? Vous dites que c’est pour produire des cœurs, mais ne peut-on pas faire ces recherches sur l’animal ? Il me semble que les êtres humains et les cellules souches embryonnaires n’ont pas à être utilisés pour des expérimentations qui relèvent, je le répète, du domaine de l’apprenti sorcier.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous avez raison, il n’y a pas d’angoisse à avoir car la barrière d’espèce est infranchissable. Ne mélangeons pas les chimères homme-animal et animal-homme. Il n’a jamais été question et il ne sera jamais question de mettre des cellules animales dans un fonds embryonnaire humain. Je n’en vois pas l’intérêt.

J’ai précisé les objectifs auxquels se limite le souhait de chimérisme. Il y a eu des exemples de succès : l’une des plus brillantes chercheuses des dernières décennies, le professeur Nicole Le Douarin, membre de l’Académie des sciences, est parvenue à créer des hybrides caille-poulet. Je vous rassure, cela n’est jamais allé beaucoup plus loin.

Quant à l’amendement, je lui donne un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS76 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendement CS80 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 135 rectifié quater de M. de Legge, visant à préciser que les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète issu du même procédé ou obtenu par don. Rappeler cet interdit dans la nouvelle rédaction de l’article L. 2151-6 du code de la santé publique n’est pas superfétatoire, bien au contraire.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’alinéa 23, qui a été ajouté par le Sénat et que nous entendons conserver dans le texte. Je vous suggère donc de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS676 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise à supprimer l’alinéa 26. L’Agence de la biomédecine doit se prononcer sur tous les protocoles de recherche. Il est difficilement compréhensible que son silence implique autorisation à l’expiration d’un certain délai. Il est ici question de toutes les recherches sur les cellules souches embryonnaires, qui concernent notamment la possibilité de créer des gamètes artificiels via la différenciation de cellules souches embryonnaires en gamètes ou, en procédant à l’agrégation des cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, de créer des ensembles qui ressemblent à des embryons. Compte tenu des enjeux éthiques de ces recherches, l’Agence de la biomédecine doit se prononcer sur l’ensemble des projets de recherche, non se taire, silence valant acceptation.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous êtes en train de remettre en cause nos débats des heures précédentes, entre le régime déclaratif et le régime d’autorisation. Il n’y a pas de logique d’autorisation pour ces recherches. C’est le sens même de l’article 14. En revanche, il y a une obligation de déclaration auprès de l’agence. Le dispositif nous paraît équilibré et pertinent. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1023 du rapporteur.

Amendement CS235 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. Il vise à supprimer l’alinéa 29. Depuis 2004, il revient à l’Agence de la biomédecine d’autoriser les importations de lignées de cellules souches embryonnaires sur lesquelles une recherche sera menée en France. L’alinéa 29 prévoit que, lors d’une demande d’importation, l’ABM n’ait plus à vérifier elle-même que les cellules souches embryonnaires aient été obtenues dans le respect des principes éthiques exigés par la France. Il prévoit que seule la présentation d’une attestation par le demandeur de l’autorisation d’importation fasse foi et conduise à une autorisation de l’ABM. L’assouplissement supprime un garde-fou dans les importations de cellules souches embryonnaires. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous n’avons pas la même interprétation. L’alinéa 29 modifie le régime de contrôle des importations de cellules souches embryonnaires humaines. Le principe de l’autorisation par l’Agence de la biomédecine demeure cependant. Avec l’alinéa, une attestation de l’obtention de ces cellules souches, conformément aux principes fondamentaux du code civil, pourra être exigée. L’Agence disposera ainsi d’un document opposable, qui lui permettra d’améliorer sa capacité de contrôle.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS497 de Mme Agnès Thill.

M. Pascal Brindeau. Le présent amendement vise à maintenir le régime actuel d’autorisation de l’Agence de la biomédecine, par opposition à une simple déclaration, pour l’importation et l’exportation de cellules souches embryonnaires aux fins de recherche. Il complète le dispositif en subordonnant à la condition de la participation d’un organisme de recherche français au programme de recherche international quand il s’agit d’exportation desdites cellules souches.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre dispositif semble ne pas correspondre à l’exposé des motifs. Sur le fond, s’agissant de l’application d’un régime d’autorisation, ma réponse n’a pas varié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS498 de Mme Agnès Thill.

M. Pascal Brindeau. Dans le même esprit, l’amendement vise à maintenir un système d’autorisation, non de déclaration, pour l’importation de cellules souches aux fins de recherche. C’est une forme d’amendement de repli.

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, je donne un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS192 de M. Patrick Hetzel, CS234 de M. Thibault Bazin, CS324 de M. Xavier Breton, CS771 de Mme Anne-Laure Blin et CS989 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il est étonnant de voir que de nombreuses autorisations d’importation délivrées par l’Agence de la biomédecine portent sur des lignées de cellules souches qui proviennent des États-Unis, d’Israël ou d’Angleterre. Ces pays, qui ont refusé de signer la convention d’Oviedo, ont une législation relative aux recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur l’embryon moins-disante en termes d’éthique que le nôtre. Ils ne présentent pas le même niveau de garantie que la France, signataire de la convention d’Oviedo. Ils ne sont pas en mesure de garantir la protection adéquate, l’interdiction de constitution d’embryons aux fins de recherche ou le consentement du couple géniteur, des éléments qu’exigent les articles 13 et 18 de la convention. Pour le permettre, la France doit autoriser des implantations de lignées en provenance de pays qui ont les mêmes exigences qu’elle, non de pays qui ont des législations permissives en la matière.

C’est pourquoi il faut limiter l’importation de cellules souches embryonnaires en provenance de pays qui ne sont pas signataires de la convention d’Oviedo, sans quoi, il y aurait une forme d’asymétrie.

M. Xavier Breton. Dans la lignée de l’amendement CS192, les amendements CS234, CS324, CS771 et CS989 alertent sur le risque de moins-disant ou de dumping éthique entre les États. La France ne doit pas s’inscrire dans une baisse de l’exigence éthique. Il existait une exception française en matière de bioéthique. Elle se traduisait par la convention d’Oviedo, qui avait pour exigence d’être partagée entre les États. Nous ne devons pas entrer dans la logique de certains pays comme les États-Unis, Israël, l’Angleterre, où il existe d’importants intérêts privés dans le domaine de la recherche. C’est pourquoi nous proposons d’interdire l’importation de cellules souches embryonnaires, issues de pays n’ayant pas signé la convention d’Oviedo, qui est protectrice en matière d’éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ma réponse avait déjà été donnée en première et deuxième lecture : on peut être signataire de la convention d’Oviedo, et ne pas produire de cellules souches dans le respect des principes éthiques du droit français. Inversement, on peut être issu d’un pays qui n’a pas signé la convention, et respecter les principes éthiques du droit français. La rédaction du projet de loi est la plus appropriée car elle fixe des critères bien identifiés. Je vous propose de retirer vos amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS677 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendement CS81 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CS81 vise à supprimer les alinéas 32 à 37, qui sont contraires à la convention d’Oviedo.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CS236 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Le projet de loi prévoyait initialement de conditionner la conservation des embryons et des cellules souches embryonnaires humaines à la délivrance d’une autorisation de l’Agence de la biomédecine. Prétextant une instabilité juridique, des chercheurs auditionnés par la commission spéciale ont demandé que ces autorisations ne soient plus soumises à la délivrance d’une autorisation préalable de l’agence. L’alinéa 36, issu d’un amendement adopté en commission, a pour objet de soumettre la conservation des embryons et des cellules souches embryonnaires à une simple déclaration à l’Agence de la biomédecine. Il n’existe pourtant aucune instabilité juridique pour ceux qui respectent la loi.

En conséquence, il convient de supprimer l’alinéa 36 et de soumettre les décisions de conservation des embryons et des cellules souches embryonnaires humaines à la procédure d’autorisation de l’Agence de la biomédecine, telle qu’elle est prévue aujourd’hui par le code de la santé publique.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement viendrait rétablir le mécanisme d’autorisation pour la conservation des cellules souches embryonnaires, alors que la commission spéciale avait adopté cette modification en première lecture. Le dispositif n’a posé aucune difficulté en séance à l’Assemblée ainsi qu’en commission et en séance au Sénat. Nous resterons donc sur les positions que nous avions alors établies. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS500 de Mme Agnès Thill.

M. Pascal Brindeau. Plutôt qu’un régime d’autorisation, il convient d’établir un régime de déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine pour les organismes qui souhaitent assurer, à des fins de recherche, la conservation de cellules souches embryonnaires. Je souhaiterais aussi m’assurer que les organismes dont il est question pourraient être à la fois publics et privés.

M. Philippe Berta, rapporteur. Dans notre pays, il y a une loi et une seule. Elle s’applique à tous, que l’organisme soit public ou privé. L’amendement entraînerait un retour au système d’autorisation, alors que l’article 14 instaure un régime déclaratif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS501 de Mme Agnès Thill.

M. Pascal Brindeau. Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : la loi est la même pour tous les organismes, qu’ils soient publics ou privés. Nous le rappelons souvent, la recherche française est publique. Toutefois, des opérateurs privés interviennent dans l’environnement. C’est la raison pour laquelle, dans ce cas, le régime d’autorisation est plus protecteur, afin d’éviter certaines dérives, car ces organismes privés peuvent être à capitaux français, mixtes ou internationaux. Un tel pare-feu supplémentaire est souhaitable : c’est l’objet de l’amendement.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne connais pas d’acteurs privés dans le secteur. Je maintiens l’avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS1024 et CS1025 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS502 de Mme Agnès Thill.

Amendement CS237 de M. Thibault Bazin.

M. Xavier Breton. La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines pose des questions éthiques. Il est donc nécessaire que l’Agence de la biomédecine fasse une instruction en amont sur les protocoles de recherche portant sur ces cellules. Ces autorisations sont des actes administratifs, qui seraient publiés au Journal officiel, comme c’est le cas pour les recherches sur l’embryon humain.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 14 modifié.

Article 15
Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Amendement de suppression CS239 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. L’article 15 est relatif aux cellules souches pluripotentes induites, dites IPS, qui sont une solution de remplacement éthique efficace des cellules souches embryonnaires humaines. Il est regrettable que, dans le projet de loi, leur utilisation soit uniquement envisagée pour une manipulation qui n’est pas éthique, à savoir la création de gamètes artificiels. La technique, une fois éprouvée, pourrait permettre de créer des spermatozoïdes et des ovules à partir de cellules de peau. Certaines personnes pourraient même devenir parents sans le savoir, selon l’exposé des motifs de M. Bazin. Il convient donc d’interdire la création de gamètes artificiels à partir de cellules IPS.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous avons rappelé ce matin la nature et l’origine des cellules souches pluripotentes induites. À ce jour, aucun texte n’encadre les recherches réalisées sur ces cellules, qui peuvent aussi soulever des enjeux éthiques. C’est pourquoi, à l'heure actuelle, il n'est pas possible de supprimer l’article 15, qui vise à appliquer le même régime de déclaration à l’Agence de la biomédecine que celui instauré pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires, en espérant qu’un type cellulaire permette un jour d’effacer l’autre. Il semble important que ces deux types de cellules bénéficient de la même couverture juridique. J’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement de suppression.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS194 de M. Patrick Hetzel, CS326 de M. Xavier Breton et CS787 de Mme Anne-Laure Blin.

Amendement CS82 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Vous voulez traiter dans un même chapitre la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines, et la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites, les fameuses cellules IPS. Or ces deux recherches n’ont pas le même enjeu éthique. Dans le premier cas, il s’agit de manipuler la forme la plus jeune de l’être humain. Dans l’autre, ce sont des cellules souches pluripotentes induites dont l’obtention ne pose aucun problème éthique. Elles sont obtenues par reprogrammation génétique de cellules somatiques adultes différenciées – cellules de peau, d’œil, notamment. Placer ces deux types de recherches dans un même titre entraîne une confusion. Créer un titre spécifique pour les cellules IPS serait souhaitable.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’origine des cellules n’est en effet pas comparable. On peut qualifier les cellules IPS du terme fourre-tout d’organisme génétiquement modifié (OGM), d’autant qu’elles sont modifiées notamment avec un oncogène de type c-myc, ce qui n’est pas anodin. Il est question non des origines mais d’encadrer les applications de la même façon. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS195 de M. Patrick Hetzel, CS240 de M. Thibault Bazin, CS327 de M. Xavier Breton, CS520 de Mme Annie Genevard, CS790 de Mme Anne-Laure Blin et CS993 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’article 15 a été partiellement réécrit par le Sénat, qui a procédé à la suppression de toute référence à des recherches consistant à insérer des cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal, en cohérence avec l’article 17, qui interdit désormais la création d’embryons chimériques.

Les amendements visent à compléter son alinéa 3, en y ajoutant la phrase suivante : « Les cellules souches pluripotentes induites sont utilisées pour la recherche pharmacologique. » La recherche pharmacologique a en effet pour principal objectif la mise au point de médicaments. Elle consiste notamment à cribler des molécules, à modéliser des pathologies et à tester la toxicité des médicaments. Il est acté de façon consensuelle que, pour la recherche de l’industrie pharmaceutique, les cellules souches embryonnaires humaines peuvent être remplacées. Selon l’Académie nationale de médecine, l’Agence de la biomédecine et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), les cellules IPS sont utilisées dans la recherche pharmacologique avec la même efficacité que les cellules souches embryonnaires humaines. Elles peuvent même présenter des avantages dans certains cas, comme l’explique l’Agence de la biomédecine. Si elles peuvent remplacer les cellules souches embryonnaires pour la recherche pharmacologique, pourquoi ne pas les privilégier ?

M. Philippe Berta, rapporteur. J’ignore ce qu’est une « recherche pharmacologique » – le terme englobe tellement de choses ! Vous faites sûrement allusion à des screenings de molécules. En tout état de cause, ces amendements sont satisfaits par le droit actuel. Il ne semble pas utile de mentionner de nouveaux éléments. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale.)

Amendements identiques CS196 de M. Patrick Hetzel, CS328 de M. Xavier Breton et CS791 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Les présents amendements visent également à compléter l’article 15, après l’alinéa 3, car la recherche sur les cellules souches n’est pas exempte d’interrogations éthiques lorsqu’il s’agit de différencier ces cellules en gamètes. Ils entendent soumettre les recherches à une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’interdiction que vous proposez semble aller un peu loin, et contribuerait à brider la recherche. Or il faut favoriser la recherche sur les gamètes en vue, par exemple, de restaurer la fertilité des couples. La création d’embryons à des fins de recherche est interdite, y compris à partir de gamètes artificiels ou non. Le transfert à des fins de gestation l’est aussi. Quant à la limite de développement de l’embryon, elle reste fixée à quatorze jours. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS197 de M. Patrick Hetzel, CS329 de M. Xavier Breton et CS794 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Les amendements ont pour objet d’ajouter, après l’alinéa 3, la phrase suivante : « En aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés ou fécondables. » C’est une autre manière de traiter la question.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’avis reste défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS84 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 9. La différenciation des cellules souches en gamètes permet de créer des gamètes artificiels. Quant à l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, ou modèles embryonnaires à usage scientifique (MEUS), elle permet la création d’un ensemble qui ressemble à un embryon. Cela pourrait engendrer un changement de civilisation et de mode de conception des animaux, comme des enfants.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ce que vous proposez reviendrait à supprimer l’encadrement de la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites. On viderait ainsi l’article 15 de sa substance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS85 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement de repli vise à substituer aux alinéas 4 à 9 une nouvelle rédaction, qui tend au même but.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’avis reste défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS524 de Mme Annie Genevard.

Amendements identiques CS198 de M. Patrick Hetzel, CS330 de M. Xavier Breton et CS795 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 4 revient à autoriser la création de gamètes artificiels à partir de cellules souches pluripotentes induites. Une telle création n’a jamais été autorisée en France. Elle a des conséquences qui peuvent être vertigineuses d’un point de vue éthique, entraînant notamment dans certains cas la création d’embryons pour la recherche. Vous direz que c’est interdit, mais cela va parfois mieux en l’écrivant précisément. Pour cette raison, les amendements visent à supprimer les alinéas 4 à 7.

Par ailleurs, M. le rapporteur a mentionné que des perspectives de production d’organes pourraient être ouvertes. Le chercheur Pierre Savatier ne voit pas comment cela pourrait déboucher. Certes, une chose qui n'est pas possible aujourd’hui pourra l’être demain, mais, si les chercheurs qui ont travaillé sur ces questions sont à ce point dubitatifs, on peut s’interroger sur votre volonté de persévérer dans cette direction.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je n’ouvrirai pas un débat scientifique. J’en serais incapable sur ces thématiques. Vous donnez l’avis d’un de mes collègues ; je pourrais trouver des avis contraires. Encore une fois, l’article 15 n’a d’autre but que d’encadrer l’utilisation des cellules pluripotentes induites. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS241 de M. Thibault Bazin et CS353 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendements CS199 de M. Patrick Hetzel, CS331 de M. Xavier Breton et CS798 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Les présents amendements visent à substituer à l’alinéa 4 les mots « :  les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites humaines ayant pour objet » les mots « ce protocole ne peut être entrepris sans autorisation de l’Agence de la biomédecine. Ce protocole ne peut être autorisé que s’il a pour objet : ».

L’alinéa 4 revient à autoriser la création sans condition, à partir de cellules souches pluripotentes induites, de gamètes artificiels. Ces manipulations contournent l’interdit de créer des embryons pour la recherche. Certains juristes spécialistes du droit de la bioéthique nous alertent sur le risque de moins-disant éthique, puisqu’il y a contournement des règles éditées par la convention d’Oviedo. On procédera autrement mais pour le même résultat. Surtout, à partir du sixième jour, ces embryoïdes seront de même nature.

M. Philippe Berta, rapporteur. Vous proposez de dissocier les régimes qui s’appliqueraient aux cellules souches, d’un côté, aux cellules IPS, de l’autre. Or elles doivent être soumises, l’une et l’autre, à la même réglementation, au même régime qui est celui de la déclaration. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS422 de M. Patrick Hetzel, CS423 de M. Xavier Breton, CS514 de M. Thibault Bazin, CS679 de Mme Emmanuelle Ménard, CS802 de Mme Anne-Laure Blin et CS995 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Je n’arrive pas à avoir une réponse à la question du moins-disant éthique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je me suis déjà beaucoup exprimé sur l’intérêt de créer ce type de modèles. Faute d’argument supplémentaire, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1028 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Cet amendement poursuit un double objectif. D’une part, il rétablit l’obligation de déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine pour les recherches visant à l’adjonction de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal, dans la logique de l’amendement que je proposerai à l’article 17. D’autre part, il soumet à cette obligation de déclaration les recherches ayant pour objet un projet de modélisation du développement embryonnaire, quelle que soit la technique utilisée.

Il y a deux raisons à cela. D’abord, ces deux types de recherches ouvrent des voies très prometteuses, et les interdire aux chercheurs français reviendrait à exclure toute avancée dans ce domaine. Ensuite, supprimer la mention de ces recherches dans cet alinéa ne conduit pas à interdire quoi que ce soit, mais simplement à écarter l’encadrement renforcé qui est prévu pour les recherches hautement sensibles, ce qui serait un recul et ne me semble pas souhaitable.

M. Xavier Breton. Nous nous opposerons à cet amendement car nous condamnons ces recherches dont on ne connaît pas bien les conséquences. Beaucoup de questions sont soulevées, qui ont été évoquées tout à l’heure et qui reçoivent peu de réponses.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS242 de M. Thibault Bazin et CS83 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).

M. Xavier Breton. L’alinéa 4 de l’article 15 revient à autoriser la création sans condition, à partir de cellules souches pluripotentes induites, de gamètes artificiels. L’amendement CS242 vous propose de circonscrire la recherche et de revenir au principe d’autorisation plutôt que de déclaration.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est vraiment indispensable de revenir au régime d’autorisation.

M. Philippe Berta, rapporteur. Même réponse que précédemment : notre souci est de maintenir un régime identique pour les deux types cellulaires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS200 de M. Patrick Hetzel, CS243 de M. Thibault Bazin, CS332 de M. Xavier Breton, CS521 de Mme Annie Genevard, CS800 de Mme Anne-Laure Blin, CS994 de M. Philippe Gosselin et CS1019 de M. Julien Aubert.

M. Patrick Hetzel. L’article 15 entend renforcer l’encadrement de certaines recherches conduites sur des cellules souches pluripotentes induites. Ces cellules, issues d’une découverte scientifique réalisée en 2007, sont « fabriquées » en laboratoire à partir de cellules adultes reprogrammées par le biais de l’injection de gènes spécifiques.

Le caractère pluripotent de ces cellules soulève toutefois des questions éthiques délicates, en particulier si les recherches conduisent à différencier ces cellules en gamètes et à les agréger avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, de manière à constituer des organismes dont la structure se rapproche de celle d’un embryon ou à les insérer dans un embryon. Si de telles recherches ne sont pas encore techniquement réalisables aujourd’hui, il apparaît vraisemblable qu’elles le soient dans un avenir proche.

Au regard des enjeux que cela soulève, en termes de risques de création d’embryons hybrides « humain-animal » mais aussi de bien-être animal, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches pluripotentes induites et autorise expressément leur mise en œuvre.

Nous souhaitons donc soumettre ces recherches à une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine. Je ne vois pas quel problème cela poserait à une équipe de chercheurs. Il s’agit simplement d’une garantie : pourquoi vous y opposeriez-vous, si ce n’est pour aller vers un moins-disant éthique ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Encore une fois, nous souhaitons des régimes identiques. Le régime d’autorisation que vous défendez risquerait de freiner toute la recherche sur les cellules IPS, ce qui me semble en contradiction avec ce que nous souhaitons tous. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1026 du rapporteur.

Amendements identiques CS803 de Mme Anne-Laure Blin, CS424 de M. Patrick Hetzel, CS425 de M. Xavier Breton et CS479 de M. Thibault Bazin, et amendement CS354 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. En quoi un régime d’autorisation serait-il de nature à retarder les recherches ? Cela ne retarde rien du tout. Certes cela crée un plus grand formalisme, mais ce formalisme est une garantie pour la collectivité. Nous, le législateur, nous exprimons au nom de la collectivité ; nous voulons faire au mieux, dans l’intérêt général. On est allé jusqu’à constitutionnaliser le principe de précaution : pourquoi, sur des sujets si sensibles, en faites-vous fi aussi aisément ? Je reste persuadé que si nous n’infléchissons pas les choses, nous allons vers une moins-value éthique évidente.

M. Xavier Breton. Nos amendements identiques visent à compléter l’alinéa 4 par la phrase suivante : « Les gamètes obtenus à partir de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don, pour concevoir un embryon ».

Il est effectivement possible de créer des gamètes artificiels à partir de cellules IPS. Ces cellules ne sont pas des cellules embryonnaires, mais des cellules adultes somatiques. Cette recherche nouvelle n’est pas interdite mais soumise à déclaration à l’Agence de la biomédecine – et non pas à autorisation.

La méiose naturelle est un phénomène lent et complexe. Une « méiose » induite pourrait introduire des remaniements génétiques anormaux, difficiles à anticiper et impossibles à vérifier si le gamète doit être utilisé en fécondation.

Il est donc essentiel de préciser qu’en aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés pour concevoir un embryon.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement en discussion commune vise à compléter l’alinéa 4 par une phrase qui avait été retenue par le Sénat, selon laquelle les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don.

Si cette précision paraît redondante à la majorité de la commission spéciale, il ne me semble pour ma part pas superfétatoire de rappeler qu’il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne vois aucune raison scientifique, en tout cas à ce stade, pour différencier les régimes applicables aux deux types de cellules. Par ailleurs, l’interdiction de création d’embryons humains est rigoureuse et définitive. Ce qui vous fait peur, ce sont les éventuels gamètes qui pourraient être produits à partir de ces cellules IPS, mais ils ne pourront certes pas être utilisés pour créer un embryon. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS352 et CS356 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Puisqu’un embryon humain ne peut être utilisé à des fins commerciales ou industrielles en application de l’article L. 2141‑8 du code de la santé publique, il doit en être de même pour ses cellules souches. Il convient de faire figurer cette interdiction noir sur blanc.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS519 et CS525 de Mme Annie Genevard.

M. Xavier Breton. Le premier de ces amendements tend à préciser explicitement qu’en aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés ou fécondables.

M. Patrick Hetzel. Le second vise à rappeler l’interdiction d’un processus intégrant une maturation et une méiose artificielles aboutissant à la création artificielle de gamètes.

M. Philippe Berta, rapporteur. Ces deux amendements ont été déjà discutés sous une autre forme. Je reste sur mes positions : avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle rejette également l’amendement CS357 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendements CS1029 du rapporteur et CS358 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).

M. Philippe Berta, rapporteur. Mon amendement propose de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture s’agissant des peines encourues en cas de manquement aux règles régissant la recherche sur les cellules souches embryonnaires ou sur les cellules IPS. En effet les peines initialement prévues, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, apparaissent équilibrées et suffisamment dissuasives. La peine de quatre ans d’emprisonnement votée par le Sénat, elle, ne figure pas dans l’échelle des peines délictuelles prévues par l’article 131‑4 du code pénal.

Mme Emmanuelle Ménard. Au contraire du rapporteur, je propose d’augmenter les sanctions. Que les recherches menées en dehors du cadre légal sur des cellules souches embryonnaires soient punies de la même façon que des recherches illégales sur des cellules IPS est tout de même surprenant. En effet, la fabrication de cellules souches embryonnaires humaines nécessite une destruction d’embryon. Ce n’est donc pas le même enjeu.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Mes collègues ne sont pas des délinquants, il n’y a jamais eu de problèmes de ce type dans notre métier. Pour en avoir discuté, les peines proposées sont déjà très lourdes à leurs yeux.

La commission adopte l’amendement CS1029.

En conséquence, l’amendement CS358 tombe.

La commission adopte l’article 15 modifié.

 

 

Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique

 

Article 17
Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale

Amendements de suppression CS201 de M. Patrick Hetzel, CS333 de M. Xavier Breton, CS816 de Mme Anne-Laure Blin et CS999 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’article 17 soulève la question très sensible de la modification du génome d’embryons. Nous proposons de le supprimer.

Dans son étude de 2018 sur la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d’État identifie dans ce domaine trois risques importants. Le premier est le risque de susciter une nouvelle zoonose. Alors que nous sommes encore en pleine pandémie, on peut s’interroger sérieusement sur cette question des infections qui se transmettraient des animaux vertébrés à l’homme et éventuellement inversement. Le deuxième est le risque de représentation humaine chez l’animal si ce dernier devait acquérir des aspects visibles ou des attributs propres à l’humain. Le dernier est le risque de conscience humaine chez l’animal, si l’injection de cellules pluripotentes humaines produisait des résultats collatéraux induisant des modifications chez l’animal dans le sens d’une conscience ayant des caractéristiques humaines.

Je ne fais là que citer le Conseil d’État, qui envoie donc des signaux d’alerte forts. Les questions qui en résultent sont les suivantes : Où doit se situer la frontière homme-animal ? Y a-t-il un seuil à partir duquel la nature de l’animal change ? Y a-t-il potentiellement violation de l’ordre de la nature lorsque l’on procède de cette sorte ? Il s’agit de véritables questions bioéthiques, et nous pensons que nous devons nous montrer d’une prudence extrême.

M. Xavier Breton. Nous sommes plusieurs à partager ces interrogations.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avant tout, je dois redire que la communauté scientifique de ce pays ne joue pas aux apprentis sorciers. Son objet est de comprendre, pour ensuite soigner. Soyez aussi convaincus que mes collègues chercheurs n’ignorent rien des problèmes éthiques associés à leurs recherches, et qu’ils y portent toute l’attention nécessaire. Et si d’aventure ce n’était pas le cas, nombre d’institutions sont là pour surveiller leur activité – peut-être trop régulièrement d’ailleurs au vu de la paperasserie requise.

Supprimer l'article 17 conduirait à empêcher deux choses que je pense fondamentales.

La première est la possibilité d’adjoindre des cellules humaines à des embryons animaux. Ces recherches présentent un grand intérêt et font l'objet d'un flou juridique souligné tant dans l'étude du Conseil d'État que dans le rapport de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. L'article 17, prenant en compte ces conclusions convergentes, vise à sécuriser les recherches portant sur l'embryon animal tout en maintenant l'interdit portant sur les chimères humain-animal.

Pourquoi avons-nous besoin de ces recherches ? L’idée est bien sûr de faire progresser le champ des connaissances et le champ des thérapies. Les recherches sur ce que l'on appelle les chimères animal-homme sont extrêmement prometteuses. Certaines expériences pourraient permettre d'importants progrès, s’agissant par exemple des cellules pancréatiques chez la souris ou encore des cœurs humanisés chez les porcs – et nous connaissons la pénurie de greffons dans notre pays.

Ce qui m’amène à une précision à propos du péril zoonotique dont fait mention M. Hetzel : n’imaginez pas que ce sont des mini-porcs élevés en plein milieu d’un champ breton ! Il s’agit bien d’animaux de laboratoire, de niveau P3, qui vivent dans des conditions complètement aseptiques et ne risquent pas grand-chose sur le plan bactérien ou viral.

La deuxième chose à ne pas empêcher est la possibilité de recourir aux techniques de modification ciblée du génome des embryons humains faisant l'objet d'une recherche. La rédaction de l'article 17 permet justement de sécuriser les recherches effectuées dans un cadre in vitro impliquant une modification du génome. Bien sûr, ces recherches demeurent rigoureusement interdites dans le cadre de procréation médicalement assistée.

Pourquoi avons-nous besoin de ces recherches ? Parce que l'édition du génome, et donc cette fameuse technique de CRISPR dont tout le monde a entendu parler, présente un intérêt scientifique majeur. Sont concernés bien sûr des embryons non implantables dans l'utérus et destinés à être détruits.

Cette évolution permettrait aux chercheurs français de prendre part au développement de nouvelles thérapies dans un contexte de forte concurrence mondiale – 3 millions d’individus sont concernés en France, 30 millions en Europe. Nous devons absolument revitaliser notre recherche dans ce secteur. Il est temps de reprendre notre place dans le concert mondial, puisque la France, qui était troisième puissance dans le secteur il y a encore une dizaine d’années, est aujourd’hui au huitième rang. Les compétences scientifiques amont existent, il faut les aider, les maintenir, les développer, et ensuite beaucoup travailler sur la chaîne de valorisation ultérieure, jusqu’aux essais cliniques.

Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ces amendements de suppression sont motivés par des risques liés à des pratiques qui sont justement formellement interdites par l’article 17. On peut y lire textuellement l’interdiction de modifier le génome d’un embryon humain, et l’interdiction de création d’embryons chimériques lorsqu’elle résulte de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces, ou de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites humaines. Je ne vois donc pas de raison de supprimer cet article.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS202 de M. Patrick Hetzel, CS334 de M. Xavier Breton et CS819 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous avez tenté de caricaturer mes propos en parlant des porcs dans les champs. Là n’est pas la question. Il est tout à fait normal qu’un chercheur veuille aller plus loin : c’est son métier, c’est son ADN que de repousser les limites et d’acquérir de nouvelles connaissances. Mais nous avons un équilibre à trouver : si le chercheur doit pouvoir chercher, le législateur, lui, doit se poser la question des lignes rouges. C’est d’ailleurs la raison d’être de tous les travaux en matière de bioéthique : trouver le bon emplacement des lignes rouges.

À cet égard, le travail envisagé par les chercheurs autour de l’utilisation d’éléments génétiques provenant à la fois de l’animal et de l’humain pose à l’évidence des questions en chaîne. Celles que j’ai citées sont formulées par le Conseil d’État, qui fait état de risques importants.

Nous devons veiller, et c’est l’objet des présents amendements, à nous montrer très précis, pour éviter les dérives. Il ne s’agit pas d’une logique de défiance vis-à-vis des chercheurs : on comprendra aisément que le législateur, même s’il fait confiance, prévoie des dispositifs de contrôle. La loi sert à cela, et l’Agence de la biomédecine aussi.

M. Xavier Breton. La réponse du rapporteur montre que nous avons des conceptions vraiment différentes de la façon dont la recherche doit être traitée et de ses liens avec la loi.

Il nous dit que la communauté scientifique ne joue pas les apprentis sorciers. Dont acte. Il n’est pas question pour nous d’accuser ou de faire un procès d’intention, mais d’établir une régulation. Il peut s’agit soit d’une autorégulation, qui se fait de manière un peu utilitariste – certains pays occidentaux sont dans cette logique – soit d’une régulation qui se fait par la loi, dans le cadre d’un dialogue entre scientifiques et non-scientifiques – car il est important de ne pas laisser les scientifiques définir seuls le cadre de leurs recherches.

Il faut avancer avec prudence sur ces questions, en permettant que ces recherches aient lieu, mais en réaffirmant aussi certains principes éthiques. On voit bien que la logique de votre texte consiste à assouplir les choses au maximum, à lever les barrières. Nos amendements ne doivent pas être vus comme des freins, mais comme une précaution qui doit être prise si l’on veut rester dans la logique d’exigence éthique qui fait l’honneur de notre pays.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je n’enlèverais pas un mot de ce qui vient d’être dit : je suis entièrement d’accord. Mais il se trouve que les structures éthiques de notre pays ne sont pas aux mains des scientifiques. Ils y sont même ultra-minoritaires, et c’est bien qu’il en soit ainsi : on y trouve aussi des religieux, des juristes, des médecins…

Si je défends l’article 17 contre vos amendements, c’est justement pour que les cadres soient bien définis. Ne dites pas que je fais confiance aux seuls scientifiques pour tout décider, ce n’est pas vrai. Je fais aussi confiance aux agences de régulation – à l’Agence de la biomédecine, qui fait remarquablement son travail et qui à mon sens, depuis sa création, n’a jamais failli. Je reste donc sur ma position. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS400 de M. Patrick Hetzel, CS402 de M. Xavier Breton, CS480 de M. Thibault Bazin, CS680 de Mme Emmanuelle Ménard, CS763 de M. Julien Ravier et CS805 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’interdiction de créer des embryons pour la recherche doit concerner tous les embryons, quel que soit leur mode d’obtention. Certains travaux conduisent à l’obtention de modèles du type gastruloïde. Or ces modèles scientifiques, qui peuvent être constitués par l’agrégation de cellules pluripotentes humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra‑embryonnaires, sont utilisés pour étudier les mécanismes de développement précoce. Préciser, comme le fait l’alinéa 2, que l’embryon doit résulter d’une fusion de gamètes permet de contourner l’interdiction posée par l’article L. 2151‑2 du code de la santé publique et par l’article 18 de la convention d’Oviedo. Il convient donc de supprimer cette disposition.

J’en profite pour répondre à Mme de Vaucouleurs, qui m’assure que l’article 17 présente toutes les garanties souhaitables : il se trouve que M. Berta lui-même va défendre d’ici peu un amendement qui va supprimer la moitié de l’article ! Peut-être eussiez-vous eu raison autrement, mais ce n’est plus le cas.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est vrai que cet alinéa 2 pose problème.

L’actuel premier alinéa de l’article L. 2151‑2 du code de la santé publique dispose que « La conception in vitro d’embryon ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite. »

La modification que vous voulez introduire va relativiser cette interdiction absolue de créer des embryons pour la recherche : seuls les embryons humains par fusion de gamètes à des fins de recherche resteront interdits. Autrement dit, les embryons humains obtenus différemment pourraient être utilisés. Limiter le champ de l’interdiction démontre en réalité qu’on sait très bien créer des embryons pour la recherche autrement.

Avec cette modification, vous entendez contourner l’interdiction pourtant claire de l’article 18 de la convention d’Oviedo, qui dispose dans son alinéa 2 que « La constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite. » L’interdit doit rester absolu en la matière.

M. Philippe Berta, rapporteur. La précision que vous voulez supprimer permet de rappeler que, par définition, un embryon humain est le résultat de la fusion de gamètes humains et que l’interdiction posée par l’article L. 2151-2 du code de la santé publique et par l’article 18 de la convention d’Oviedo ne vise nullement ces modèles.

Cette précision ayant été ajoutée à mon initiative en séance en deuxième lecture, je ne suis pas favorable à sa suppression. Il me semble en effet souhaitable qu’il n’y ait aucune confusion possible avec les travaux conduisant à l’obtention de modèles du type gastruloïde, lesquels permettent aux chercheurs d’étudier les mécanismes de développement précoce. Il n’y a pas matière à les confondre avec des embryons : ce ne sont pas des embryons, ce sont des modèles du niveau de la gastrula, une étape très précoce de la vie embryonnaire, qui finissent par s’effondrer sur eux-mêmes.

Ces recherches sur les gastruloïdes existent. Elles ont déjà largement montré leur utilité, et vont continuer. Il me paraît donc nécessaire de bien préciser notre droit afin qu’aucun doute ne subsiste.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS203 de M. Patrick Hetzel, CS335 de M. Xavier Breton, CS808 de Mme Anne-Laure Blin et CS996 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Les alinéas 3 à 7 de l’article 17 emportent la suppression du second alinéa de l’article L. 2151‑2 du code de la santé publique, selon lequel « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». La fin de cette interdiction signifie a contrario que les chercheurs pourront créer en laboratoire des embryons transgéniques et chimériques.

Il convient de s’interroger sur les motivations de la suppression de cet interdit fondateur du droit français de la bioéthique. Comme l’a souligné le Conseil d’État, l’interdiction de créer des embryons transgéniques « se heurte désormais à l’évolution des techniques ». On en revient toujours au même débat : tout ce qui est possible techniquement doit-il juridiquement être rendu possible ? Dès lors qu’on assignerait pour seule fonction aux lois de bioéthique de mettre le droit en conformité avec les techniques, on enlèverait tout intérêt à leur existence. Ce serait une vision intégralement scientiste des choses. C’est justement ce que nous devons éviter pour garder un certain recul. Je sais que toute la pensée du chercheur est fondée sur un tel recul face à ses travaux, mais le juriste, et notamment le législateur, doit aussi savoir placer des garde-fous. Et il n’est pas possible que les garde-fous soient constitués uniquement de ce que la technique rend possible.

M. Philippe Berta, rapporteur. Encore une fois, je ne peux être que d’accord : il faut articuler le binôme complexe entre scientifiques et juristes, il faut contrôler l’activité scientifique, il ne faut pas se contenter de dire que puisque cela existe, on laisse faire. C’est pour cela que j’insiste sur l’importance de l’article 17 pour maintenir un cadre bien précis. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS1027 du rapporteur et CS1015 de M. Marc Delatte, et sous-amendements CS1217, CS1218, CS1219 et CS1216 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je me réjouis que la deuxième lecture ait permis à l’Assemblée et au Sénat de se mettre d’accord sur la rédaction du 1° du I de l’article, et sur le II. Toutefois, un désaccord important demeure quant au 2° du I, portant sur l’interdiction des chimères.

Les sénateurs ont souhaité interdire toute création d’embryons chimériques. Cela me semble disproportionné, et en inadéquation avec les réalités de la recherche aujourd’hui. C’est pourquoi je propose de rétablir la rédaction adoptée par la commission spéciale et par l’Assemblée en deuxième lecture.

Cette rédaction pose l’interdiction des chimères homme-animal et permet, pour des activités de recherche encadrées par les articles 14 et 15, de modifier le génome d’un embryon humain non destiné à être transféré et d’expérimenter l’adjonction de cellules humaines à un embryon animal.

Dans les deux cas, il s’agit de recherches extrêmement prometteuses qui nous permettront de mieux comprendre le développement embryonnaire précoce et l’origine de certaines maladies génétiques, et ainsi d’envisager de nouveaux traitements. Dans les deux cas aussi, des questions éthiques se posent. C’est pour cela que nous sommes là – pour poser des limites, pour prévoir un encadrement, pour protéger la société tout en préservant notre recherche. Et c’est ce que propose ce projet de loi, puisque ces recherches seront encadrées par les mécanismes prévus aux articles 14 et 15.

En cohérence avec le dispositif d’ensemble, je vous propose donc de rétablir la rédaction que nous avions votée en deuxième lecture.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sous-amendement CS1217 vise à insérer la précision suivante après l’alinéa 2 : « toute intervention ayant pour objet de modifier le génome d’un embryon humain est interdite ». Même si elle s’opère dans le silence d’un laboratoire, il s’agit d’une manipulation extrêmement grave de l’humain, qui peut aboutir à modifier le patrimoine génétique de l’humanité, même sans implantation. La responsabilité des chercheurs est immense : accepter les manipulations génétiques en recherche fondamentale revient à cautionner les mêmes pratiques pour la recherche clinique de demain.

Le sous-amendement CS1218 vise à maintenir l’interdiction de créer des chimères animal-homme et homme-animal. Un embryon animal modifié par l’adjonction de cellules humaines pourrait éventuellement donner naissance à un animal chimère. Cette manipulation brouille la frontière entre l’espèce humaine et l’espèce animale. Elle pose la question de la manipulation du vivant et de l’apparition d’une conscience humaine chez l’animal. Ce dernier risque a été identifié par le Conseil d’État dans son rapport rédigé à l’occasion de cette révision de la loi de bioéthique.

Le sous-amendement CS1219 vise à supprimer le mot « humain » afin de rétablir l’interdiction des chimères animal-homme.

Le sous-amendement CS1216 vise à compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « L’implantation d’embryons transgéniques ou d’embryons génétiquement modifiés ou de chimères animal-homme ou homme-animal est interdite. »

M. Philippe Berta, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de M. Delatte, identique au mien.

Madame Ménard, votre sous-amendement CS1217 vise à interdire la modification du génome d’un embryon humain. Or l’édition du génome présente un intérêt scientifique majeur, celui de reproduire des pathologies. En outre, cela concerne les embryons non implantables dans l’utérus et destinés à être détruits.

Le sous-amendement CS1218 précise que l’implantation des embryons modifiés est interdite. C’est déjà le cas et votre rédaction ne s’insère pas correctement dans la phrase.

Avec le sous-amendement CS1219, vous voulez interdire les chimères animal-homme, quand l’objectif de mon amendement est de les autoriser compte tenu de leur intérêt pour les recherches scientifiques et médicales.

Le sous-amendement CS1216 précise que l’implantation d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. C’est déjà le cas. En outre, votre amendement est contradictoire avec le reste du projet de loi.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CS682 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques CS166 de M. Patrick Hetzel, CS298 de M. Xavier Breton, CS691 de Mme Anne-Laure Blin et CS981 de M. Philippe Gosselin, ainsi que l’amendement CS684 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Amendements identiques CS112 de M. Thibault Bazin, CS206 de M. Patrick Hetzel, CS338 de M. Xavier Breton, CS812 de Mme Anne-Laure Blin et CS997 de M. Philipe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’alinéa 1er de l’article L. 2151-2 du code de la santé publique et l’alinéa 2 de l’article 18 de la Convention pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, dite Convention d’Oviedo, interdisent la création d’embryons pour la recherche. Dans le cadre des États généraux de la bioéthique, la quasi-totalité des citoyens se sont également exprimés contre et leur position est exposée dans le rapport du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).

Créer des embryons pour la recherche finaliserait la transformation de l’embryon en matériau de laboratoire, stade ultime de la chosification de l’embryon. Comme le souligne le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, cela « conduit à passer d’une conception opportuniste – il existe des embryons surnuméraires que l’on utilise au lieu de les détruire – à un niveau supérieur : celui d’une conception utilitariste qui conduit à considérer l’embryon comme une chose ».

Même si aucune instance française ne recommande de lever l’interdit de créer des embryons pour la recherche, une infime partie de la communauté scientifique souhaite contourner cet interdit en créant des modèles embryonnaires, par l’agrégation de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires. Puisqu’ils ont un développement cellulaire identique à celui des embryons humains, ces modèles doivent être considérés comme des embryons. C’est d’ailleurs la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Il convient d’interdire leur création dès lors qu’une telle manipulation aboutit indirectement à violer l’interdit de créer des embryons pour la recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Les gastruloïdes constituent un type d’organoïdes cultivés à partir de cellules souches pluripotentes humaines, qui récapitulent les premiers stades du développement embryonnaire. Il s’agit en quelque sorte d’artefacts qui n’ont pas les mêmes caractéristiques que celles des embryons, n’ont pas la capacité de devenir un embryon et ne sont donc pas concernés par les mêmes enjeux éthiques.

Ce sont simplement des pseudo-embryons non viables : les structures finissent par s’écrouler sur elles-mêmes, et mourir, au bout de quelques jours. Une analyse génétique de ces gastruloïdes a révélé que les cellules qui les constituent auraient fini par se différencier pour former les muscles du torse et du cœur, entre autres, mais pas de système nerveux ou de cerveau.

Vous pouvez donc être rassurés quant à l’utilisation de ces types de modèles scientifiques, particulièrement utiles à la recherche et dont la création et l’utilisation sont désormais encadrées par la loi.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS111 de M. Thibault Bazin, CS204 de M. Patrick Hetzel, CS336 de M. Xavier Breton et CS809 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Après l’alinéa 7, l’amendement CS204 vise à préciser que la différenciation de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites en gamètes est interdite, afin d’éviter les risques de contournements opportunistes de la législation.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous sommes d’accord, monsieur Hetzel, et c’est pourquoi, tant pour les cellules souches embryonnaires à l’article 14 que pour les cellules souches pluripotentes induites à l’article 15, la différenciation en gamètes fait l’objet d’un régime d’encadrement spécial avec une déclaration obligatoire à l’Agence de la biomédecine, l’ABM, et un système de contrôle, notamment par l’avis public du conseil d’orientation de l’Agence. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS205 de M. Patrick Hetzel, CS337 de M. Xavier Breton et CS810 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’interdire toute pratique eugénique, en apportant des garanties.

M. Philippe Berta, rapporteur. Encore une fois, nous sommes d’accord. Le principe d’interdiction de création d’un embryon par fusion de gamètes est général, quelle que soit l’origine des gamètes. La précision que vous proposez est donc inutile.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS207 de M. Patrick Hetzel, CS339 de M. Xavier Breton, CS813 de Mme Anne-Laure Blin et CS998 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’autorisation de recherches sur les caractères génétiques d’une personne contredit l’interdiction des pratiques eugéniques posée à l’article 16-4 du code civil.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 2 de l’article 16-4 du code civil qui dispose que « toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite ». En outre, le dernier alinéa de l’article 16-4 dispose que « sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ».

Enfin, votre amendement me semble dangereux car il nous prive de la possibilité de bénéficier de la thérapie génique. Pour vous convaincre, je peux vous présenter les vertus de cette dernière sur l’amyotrophie spinale par exemple.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS208 de M. Patrick Hetzel, CS340 de M. Xavier Breton, CS359 de Mme Emmanuelle Ménard et CS815 de Mme Anne-Laure Blin.

Elle adopte l’article 17 modifié.

(Suspension de la réunion de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures quarante-cinq.)

TITRE V
POURSUIVRE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE

Chapitre Ier
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Article 19
Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer l’information de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques

Amendement CS244 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. Aucun acte médical ni traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. Cet amendement prévoit qu’une information doit être donnée tout au long des différentes étapes du dépistage prénatal afin que la femme enceinte y consente en toute connaissance de cause.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Votre demande est satisfaite par les dispositions prévues au II de l’article L. 2131-1 et par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS14 de Mme Marie-France Lorho, CS360 de Mme Emmanuelle Ménard, CS452 de M. Patrick Hetzel, CS467 de M. Xavier Breton et CS822 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. L’enfant à naître concerne ses deux parents. Je ne comprends donc pas pourquoi le projet de loi dispose que la mère choisit, ou non, d’informer l’autre membre du couple à la suite d’un diagnostic prénatal qui établirait que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse. Les deux parents sont en droit de connaitre les résultats de ces examens.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un sujet d’une extrême sensibilité. Alors que nous avons longuement débattu du projet parental, je trouve assez paradoxal d’en faire fi en l’espèce, en présumant que le sujet ne concerne que la femme qui porte l’enfant, alors qu’il concerne clairement les deux membres du couple, s’il y a couple.

M. Xavier Breton. L’état de santé du fœtus concerne les deux parents. Il est normal qu’ils reçoivent, tous les deux, l’information et qu’elle ne soit pas réservée à mère enceinte.

M. Jean-François Eliaou. À la suite de nos débats de première lecture, la commission a fait ce choix, sur la proposition de M. Bazin et la mienne. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS15 de Mme Marie-France Lorho, CS362 de Mme Emmanuelle Ménard, CS453 de M. Patrick Hetzel, CS468 de M. Xavier Breton et CS824 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. J’avoue que je ne comprends pas : vous évoquez à longueur de temps le parent d’intention et, là, il n’a plus son mot à dire, seule la mère qui porte l’enfant étant décisionnaire des éventuelles suites à donner. Pourtant, le deuxième parent, quel qu’il soit, est concerné par cette grossesse et doit être informé.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le précédent. À partir du moment où il y a couple, il est incompréhensible de créer une telle asymétrie, d’autant que beaucoup ici revendiquent l’institutionnalisation de ce couple.

M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, nous avons besoin d’une réponse de fond. Pourquoi octroyer un tel « privilège » à la mère enceinte ?

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je rappelle qu’il s’agit d’une rédaction issue de la première lecture, à l’initiative de monsieur Bazin et de moi-même, qui visait certaines situations dans lesquelles la mère se retrouve seule à décider. La modification proposée par vos amendements risquerait de paralyser toute décision de l’équipe médicale.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la notion de couple ou de projet parental puisque nous précisons que le conjoint est informé si la mère le souhaite, ce qui est très souvent le cas, mais de permettre à la mère d’être prise en charge dans des situations difficiles. Disons-le franchement, bien souvent, à l’annonce de pathologies, l’homme – extrêmement courageux – s’en va, incapable d’assumer et la femme se retrouve seule.

Il s’agit d’une demande des associations et des professionnels de santé. Ils ne veulent pas exclure le père, mais simplement pouvoir prendre en charge la femme quand le conjoint a disparu.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS17 de Mme Marie-France Lorho et CS686 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le rapporteur, vous dites que la femme est bien souvent seule à décider. Mais en supprimant l’obligation d’informer le conjoint, vous faites peser la responsabilité de la décision sur ses épaules. Parfois, vous avez raison, cela peut être plus facile pour la femme mais, parfois, c’est aussi difficile…

L’amendement CS686 vise à remplacer « fœtus » par « enfant à naître » afin d’ajouter un peu d’humanité à ce texte.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Certes, cela fait peser une responsabilité sur la femme mais, d’une part, ces situations sont rares, d’autre part, il faut éviter de paralyser le système – il s’agit d’expériences vécues. Je suis défavorable à ces deux amendements car il est important d’informer les parents des possibilités de soin sur le fœtus. C’est l’objet de la médecine fœtale, par définition.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1055 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS245 de M. Thibault Bazin.

Amendement CS361 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La suspicion d’un handicap est douloureuse et anxiogène pour des parents. Il convient de les entourer non pas seulement en leur proposant une liste, parfois impersonnelle, d’associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients et de leur famille, mais aussi les guides d’accompagnement préparés par ces associations.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable pour des raisons déjà évoquées en deuxième lecture. En outre, la finalité de cet article n’est pas d’aboutir à la naissance d’enfants atteints de pathologies, la médecine fœtale s’attachant à les traiter avant leur éventuelle apparition à la naissance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS209 de M. Patrick Hetzel, CS246 de M. Thibault Bazin, CS341 de M. Xavier Breton, CS542 de Mme Annie Genevard, CS825 de Mme Anne-Laure Blin et CS1000 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Pour les parents, l’annonce que la fin de la grossesse peut se terminer par la naissance d’un enfant en situation de handicap entraîne certaines questions ainsi qu’une grande détresse. Bien souvent, ils ne savent pas comment réagir. Pour qu’ils puissent envisager le handicap autrement que comme une « anomalie » pour l’enfant et un « poids » pour la famille, il faut des moyens et des personnes qui leur permettront d’obtenir des réponses à leurs questions pour les aider à former un choix éclairé. C’est pourquoi nous souhaitons compléter l’alinéa 7 par un nouvel alinéa.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je partage votre volonté d’une société inclusive. Il faut que les parents, dans la peine, puissent recevoir des informations sur les caractéristiques de la maladie suspectée, sa prise en charge, son évolution, etc. Toutefois, ce n’est pas le rôle des médecins mais des associations. C’est pourquoi je suis défavorable à vos amendements.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS18 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements identiques CS19 de Mme Marie-France Lorho, CS403 de Mme Emmanuelle Ménard, CS454 de M. Patrick Hetzel, CS469 de M. Xavier Breton et CS829 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est indispensable que les deux parents, et non la seule mère, soient informés des découvertes génétiques incidentes dans le cadre du diagnostic prénatal.

M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, vous plaidez pour que les associations informent les parents, mais l’information ne serait-elle pas plus systématique si elle était réalisée par le médecin ? Quelles sont les associations concernées ? Enfin, comment diffuseront-elles cette information ?

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Monsieur Breton, l’article dispose qu’une liste des associations spécialisées agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée est proposée aux parents. Certes, il ne s’agit que d’une proposition, mais on ne peut obliger ces derniers à être pris en charge contre leur volonté.

S’agissant des amendements, la situation est simple puisqu’on est dans le cadre du diagnostic prénatal, processus médical comportant des prélèvements, des examens d’imagerie et génétiques. À l’occasion de ces examens, il arrive que l’on découvre une autre pathologie, ce qu’on appelle découverte incidente. Bien sûr, le couple, ou la femme seule, a le droit de s’opposer à ces investigations. Mais, si ce n’est pas le cas et qu’on fait des découvertes incidentes à cette occasion, on doit pouvoir l’annoncer à la femme.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS211 de M. Patrick Hetzel, CS247 de M. Thibault Bazin, CS343 de M. Xavier Breton, CS827 de Mme Anne-Laure Blin et CS1001 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Après l’annonce des résultats du diagnostic prénatal, il est nécessaire de laisser un temps de réflexion à la femme enceinte. C’est pourquoi je propose de compléter l’alinéa 10 pour prévoir un délai d’une semaine avant qu’elle ne décide d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. Cela me semble plus protecteur et de nature à permettre un meilleur accompagnement, même si je sais que certains ont développé des arguments contraires.

M. Xavier Breton. Je partage les interrogations de notre collègue Patrick Hetzel, et ce quel que soit le choix fait ensuite de poursuivre ou d’interrompre la grossesse : l’annonce produit souvent un effet de sidération ou de déni, et certaines décisions peuvent être prises sous le coup de l’émotion. Des risques de pression de la part de l’entourage existent également, y compris au cours de la semaine de réflexion. Le temps permet néanmoins de s’organiser et de trouver, s’il y a vraiment des pressions fortes, une écoute attentive afin d’opérer ensuite un choix de la manière la plus réfléchie possible.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je souhaite que nous ayons ce débat à l’article 20. Pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas mélanger la médecine fœtale, qui a un but réparateur, et la finalité, qui semble inéluctable dans vos – ou dans nos – esprits et qui ne doit pas l’être, à savoir l’interruption médicale de grossesse (IMG). Tout ne finit par celle-ci. Il est très important que l’article 19 concerne les aspects préventif et curatif, et pas l’avortement : c’est symbolique, peut-être philosophique, mais surtout très important pour l’économie générale du texte. Je souhaite donc le retrait des amendements. À défaut, mon avis serait défavorable.

M. Patrick Hetzel. Cet argument peut être entendu, ce qui justifie le retrait des amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS210 de M. Patrick Hetzel, CS342 de M. Xavier Breton et CS831 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Selon l’alinéa 3 de l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique, « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. » L’amendement prévoit donc qu’une information soit donnée tout au long du processus, de telle sorte que la femme enceinte puisse y consentir en toute connaissance de cause : il vise à préserver et à garantir en quelque sorte son information, faute de quoi on court le risque que son consentement ne soit pas libre et éclairé.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Votre proposition est doublement satisfaite aux articles L. 2131-1, qui prévoit de façon expresse qu’« une information loyale, claire et adaptée » doit être fournie, et L. 1110-4. Il ne semble donc pas utile de le rappeler ici : avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1056 du rapporteur.

Amendements identiques CS20 de Mme Marie-France Lorho, CS363 de Mme Emmanuelle Ménard, CS455 de M. Patrick Hetzel, CS470 de M. Xavier Breton et CS832 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer les alinéas 13 et 14 : les modalités d’information de l’autre membre du couple n’ont aucune raison d’être fixées par décret en Conseil d’État.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CS368 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il tend à supprimer les alinéas 15 à 20, qui confient au ministre chargé de la santé la détermination par arrêté des recommandations supplémentaires en matière de bonnes pratiques relatives au diagnostic préimplantatoires ainsi que les critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte des caractéristiques génétiques fœtales, celles relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale et celles relatives aux modalités de réalisation des examens d’imagerie concourant au diagnostic prénatal. Les parlementaires seraient ainsi dépossédés d’une question très importante puisque, si le diagnostic prénatal peut être l’occasion de soutenir des parents attendant un enfant atteint d’un handicap, il peut aussi permettre une politique eugénique. Pour l’éviter, il faut évidemment que le Parlement puisse s’exprimer.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable car cette disposition est bien d’ordre réglementaire. Nous cadrons dans la loi les grandes orientations, et il revient ensuite au Conseil d’État de prendre de telles décisions. Enfin, le contrôle parlementaire est assuré par la révision périodique des lois de bioéthique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1043 du rapporteur.

Amendements identiques CS411 de M. Patrick Hetzel, CS416 de M. Xavier Breton, CS515 de M. Thibault Bazin, CS572 de Mme Annie Genevard, CS687 de Mme Emmanuelle Ménard et CS834 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’article L. 2131‑1 du code de la santé publique concernant exclusivement le diagnostic prénatal, il vous est proposé de supprimer ici la référence au diagnostic préimplantatoire, qui ne présente aucune nécessité et avait été supprimée en première lecture à l’Assemblée nationale, de mémoire à l’initiative du rapporteur. Cela rendrait le texte plus lisible.

M. Xavier Breton. Effectivement, cela serait plus lisible : l’article 19 bis A traitant du diagnostic préimplantatoire, le faire figurer ici entraînerait plus de confusion qu’autre chose.

Mme Emmanuelle Ménard. Effectivement, le diagnostic préimplantatoire n’a absolument rien à faire dans un chapitre qui traite du diagnostic prénatal.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis d’accord, mais je me suis renseigné : en fait, un centre de diagnostic préimplantatoire est toujours adossé à un centre de diagnostic prénatal et les deux sont liés. Il existe donc une vraie cohérence, les recommandations d’un centre pratiquant les deux activités devant également être prises dans leur ensemble. J’émets donc un avis de sagesse car, même si cette mention ne semble pas cohérente, elle traduit sans doute le souci de précision juridique de nos collègues sénateurs.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS212 de M. Patrick Hetzel, CS248 de M. Thibault Bazin, CS344 de M. Xavier Breton, CS546 de Mme Annie Genevard, CS835 de Mme Anne-Laure Blin et CS1002 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 19 : « Toute nouvelle technique d’examen de biologie médicale en vue d’établir un diagnostic prénatal fait l’objet d’une autorisation législative. » En effet, la responsabilité de la mise en place des techniques de diagnostic en population générale ne peut être laissée à la seule appréciation des autorités administratives.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Les amendements soulèvent une difficulté : on l’a vu avec la pandémie de coronavirus, on ne peut pas réunir le Parlement à chaque fois que sont mis en circulation des tests génétiques ou biologiques. Je fais confiance à la grande rigueur de nos autorités sanitaires. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Article 19 quater : Réalisation en première intention d’un examen des caractéristiques génétiques chez le nouveau-né dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche d’anomalies génétiques

Amendements de suppression CS213 de M. Patrick Hetzel, CS249 de M. Thibault Bazin, CS345 de M. Xavier Breton, CS371 de Mme Emmanuelle Ménard, CS573 de Mme Annie Genevard et CS837 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’article ouvre la possibilité de tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal. Ces tests ne peuvent être prescrits que lorsqu’ils ont une utilité clinique et le seul fait qu’ils soient disponibles et réalisables ne justifie ni leur prescription ni leur réalisation. Il est fondamental de maintenir la souplesse du dispositif actuel, qui peut évoluer en fonction des avancées scientifiques et des possibilités thérapeutiques.

M. Xavier Breton. Beaucoup de questions se posent, notamment à propos de l’utilisation des données issues de ces tests, des conditions de leur utilisation, de leur stockage et de leur diffusion. Nous avons besoin d’un système beaucoup plus encadré que celui qui est prévu : c’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements. Le dépistage néonatal existe déjà et nous avons tous, députés, sénateurs et Gouvernement, beaucoup travaillé à une rédaction qui me semble équilibrée et à laquelle il ne faut pas toucher.

Les alinéas 2 et 3 opèrent un assouplissement, au premier chef parce que le dispositif ne prend pas en compte la technique biologique, qui peut être enzymatique pour la mucoviscidose, et qui pourra être demain génétique, donc moins onéreuse, ce qui irait dans le sens d’une facilitation du dépistage. Certaines pathologies sont et seront systématiquement dépistées dans ce cadre, en particulier la drépanocytose, grâce à des techniques génétiques.

L’article encadre également la possibilité de dépister des maladies à venir, comme l’amyotrophie spinale, sur laquelle une expérimentation est menée.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS417 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il s’agit de prévoir la révision périodique de la liste des maladies donnant lieu à un dépistage néonatal.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis défavorable, toujours afin de conserver la rédaction très équilibrée de l’article. La Haute Autorité de santé (HAS) expérimente actuellement dans l’ouest de la France le dépistage néonatal de l’amyotrophie spinale qui sera vraisemblablement inscrite sur la liste des pathologies que l’on pourra ainsi détecter si les parents le demandent ou en raison d’un risque populationnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement rédactionnel CS1044 du rapporteur.

M. Jean-Louis Touraine. Même s’il est rédactionnel, cet amendement mérite réflexion. Dans un très respectable souci littéraire, notre rapporteur fait à raison la chasse aux adverbes superfétatoires, toutefois la suppression de « systématiquement » est significative.

Cet adverbe visait à indiquer que tous les examens néonataux – ils ne sont pas très nombreux, la France étant un des pays développés qui en fait le moins – portant sur toutes les maladies dont la liste était établie devaient être pratiqués sur tous les nouveau-nés. Il n’est donc pas redondant mais destiné à signifier que ne pas les pratiquer est une erreur.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Mon cher collègue, il est proposé de supprimer « systématiquement » car il est un peu redondant d’écrire que « Le dépistage néonatal est systématiquement proposé aux titulaires de l’autorité parentale de tous les nouveau-nés […] ». Je suis néanmoins d’accord : d’un point de vue médical, parler d’examen « systématique » n’a pas la même signification que dans le langage courant.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de précision CS1046 du rapporteur.

Amendement rédactionnel CS1045 du rapporteur, faisant l’objet du sous-amendement CS1658 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. L’expression « fixées par » paraît préférable à « énumérées dans », puisque les autorités « fixent » la liste des maladies concernées.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1047 du rapporteur.

Elle adopte l’article 19 quater modifié.

Article 20 : Suppression de l’obligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse et encadrement de la réduction embryonnaire

Amendements de suppression CS21 de Mme Marie-France Lorho, CS214 de M. Patrick Hetzel, CS346 de M. Xavier Breton, CS377 de Mme Emmanuelle Ménard, CS842 de Mme Anne-Laure Blin et CS1004 de M. Philippe Gosselin.

M. Xavier Breton. Il est essentiel de maintenir la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine avant la pratique d’une IMG et de supprimer la possibilité d’une réduction embryonnaire dans la mesure où l’IVG est autorisée.

Mme Emmanuelle Ménard. L’avortement restant un choix difficile pour la plupart des femmes, je ne pense pas utile d’en créer un nouveau type appelé « interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple ». Par ailleurs, il est essentiel de maintenir le délai de réflexion d’une semaine avant la pratique de l’IMG : nous allons en débattre, le rapporteur l’a indiqué.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements car la suppression de l’article, qui porte sur le délai de réflexion et sur l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple, que l’on appelait avant réduction embryonnaire, ne me paraît pas du tout opportune. Grâce à une rédaction intelligible, cet article encadre, de façon extrêmement précise et avec des délais clairs, tous les cas dans lesquels intervient une interruption volontaire de grossesse médicale en raison d’un risque soit pour la mère, soit pour l’enfant, ou pour une réduction.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1051 du rapporteur.

Amendement CS372 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’interruption volontaire de grossesse serait autorisée s’« il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic […] ».

Cette formulation, introduite depuis maintenant vingt ans, me semble un peu maladroite et ouvre malheureusement la porte à des abus, puisque tout enfant à naître atteint d’une telle affection, par exemple de trisomie 21, pourrait être supprimé. Or nous avons tous en tête les fortes mobilisations de parents qui considèrent ce genre de disposition comme une insulte à la vie de leurs enfants et à eux-mêmes en tant que parents : la différence ne doit pas être considérée comme un danger.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement. Vous souhaitez supprimer toute possibilité de réaliser une interruption médicale de grossesse en cas de pathologie fœtale et obliger les femmes concernées à aller au bout de leur grossesse et à accoucher d’un enfant qui ne sera pas forcément viable, car il n’y a pas que la trisomie 21. En outre, il est très important que ces femmes soient libres d’aller ou non jusqu’à ce terme. Il faut donc en rester à cette rédaction à laquelle nous avons tous participé.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS456 de M. Patrick Hetzel, CS471 de M. Xavier Breton et CS838 de Mme Anne-Laure Blin, et amendement CS373 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Emmanuel Sapin, professeur du centre hospitalier universitaire de Dijon, spécialiste de chirurgie fœtale, indiquait dans une tribune : « Pour prendre conscience de la réalité de la réalité de la vie humaine des tout-petits nés à l’âge de développement concerné par l’amendement, j’invite les députés à venir dans un service de réanimation néonatale. » Il cherchait à sensibiliser au fait que les médecins réanimateurs néonataux et les infirmières puéricultrices consacrent leur vie et leur attention à ces petits bébés qui peuvent être nés dans des conditions très difficiles.

La rédaction actuelle – « il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit » – est un peu troublante car le mot probabilité est ambigu. C’est pourquoi je propose qu’on lui substitue « [s’il] est avéré que l’enfant à naître est ». Il est en effet nécessaire que l’équipe soit assurée de l’existence d’une affection reconnue comme incurable au moment du diagnostic, sans quoi cette rédaction peut vouloir dire que le diagnostic n’est pas certain.

M. Xavier Breton. Effectivement, la « forte probabilité » laisse une marge d’appréciation alors qu’écrire « est avéré » éviterait certaines décisions, puisque des examens peuvent indiquer une forte probabilité et être par la suite démentis. Il faut que les bases de notre législation soient beaucoup plus solides.

Mme Emmanuelle Ménard. Employer les mots : « un risque avéré » serait plus judicieux pour préserver la vie d’embryons qui pourraient avoir été dépistés trop rapidement comme atteints d’une affection d’une particulière gravité.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Mon avis est défavorable car l’adjectif « avéré » impose une obligation de résultat, qui peut donner lieu à des contentieux, alors que l’un des principes de la médecine est l’obligation de moyens : tout mettre en œuvre pour aboutir au diagnostic, avec une forte probabilité. Nous sommes très forts, nous médecins, mais nous ne pouvons pas donner à chaque fois un diagnostic à 100 %, et tout acte médical, d’imagerie ou de diagnostic comporte une marge d’incertitude.

Encore une fois, c’est un colloque singulier entre la patiente, le couple et le médecin, sur la base de documents remis, de propositions d’actes, d’évaluation de la marge d’erreur et de la probabilité d’une pathologie sur la base de pourcentages. C’est ce que l’on fait depuis de nombreuses années en France et c’est beaucoup mieux adapté que la formulation que vous proposez.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS730 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Il s’agit de rétablir la version initiale qui permet d'inclure la notion de détresse psychosociale, ce qui nous semble plus clair, et d'éviter des situations dramatiques.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Je suis favorable à la rédaction du Sénat, qui a supprimé cette mention. Selon le dernier rapport annuel des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, en 2018, les détresses psychologiques sans anomalie fœtale ont représenté 24,2 % des attestations de particulière gravité délivrées pour une IMG pour motif maternel, et les troubles psychiatriques 7 %.

Dans 30 % des cas donc, une telle détresse est déjà couverte, c’est-à-dire que l’on propose une IMG aux femmes qui présentent des troubles psychologiques ou psychiatriques. En outre, l’IMG d’indication maternelle implique une prise en compte des causes psychologiques et psychosociales.

S’il est vrai qu’il y a des disparités sur le territoire, cet amendement n’y changerait rien car c’est surtout un travail de formation qui doit être accompli afin de pas laisser sans solution des femmes en détresse psychologiques, que ce soit ou non pour des raisons sociales.

Enfin, pourquoi ne mentionner que ce seul motif d’IMG ? Comment définir exactement cette détresse psychosociale ? À l’opposé de l’objectif poursuivi, l’amendement réduirait les possibilités de proposer une IMG aux femmes présentant des problèmes psychologiques ou psychiatriques.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1052 du rapporteur.

Amendement CS374 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CS215 de M. Patrick Hetzel, CS347 de M. Xavier Breton, CS503 de Mme Agnès Thill, CS764 de M. Julien Ravier, CS839 de Mme Anne-Laure Blin et CS1003 de M. Philippe Gosselin, et amendement CS250 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Emmanuelle Ménard. Le choix de la mère attendant un enfant potentiellement atteint d’un handicap doit évidemment être libre et sans contrainte : c’est pourquoi je propose de rétablir, hors urgence médicale, un délai d’au moins sept jours de réflexion avant qu’elle prenne la décision d’interrompre ou non sa grossesse, comme le prévoit l’actuel article L. 2213‑1 du code de la santé publique.

M. Xavier Breton. Les amendements CS347, CS839 et CS1003 ont pour objet de maintenir un délai de réflexion d’une semaine avant la pratique d’une IMG, afin d’éviter que des pressions et l’émotion prennent le dessus.

M. Pascal Brindeau. L’amendement CS503 poursuit le même objectif : permettre une décision libre et éclairée, accompagnée d’ailleurs par les équipes pluridisciplinaires. Cela suppose que toutes les informations nécessaires ont été fournies à la femme placée devant ce choix et qu’elle dispose du délai de réflexion nécessaire.

M. Xavier Breton. L’amendement CS250 vise à maintenir la proposition systématique d’un délai de réflexion d’une semaine.

Dans son avis du 18 juillet 2019 sur le projet de loi, le Conseil d’État « regrette la suppression de ces dispositions qui se bornaient à imposer au médecin de proposer à la femme enceinte un délai de réflexion que cette dernière n’était pas tenue d’observer. Il aurait préféré que la disposition législative maintienne l’obligation de proposer un délai de réflexion sans nécessairement fixer la durée minimale de celui-ci. »

Notre proposition est donc largement partagée.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Lorsqu’une IMG est envisagée, la prise en charge resserrée de la femme, et le cas échéant de son conjoint, conduit à organiser un colloque singulier qui n’est jamais une démarche la pressant de faire part de sa décision. Dans tous les cas de figure, il est toujours possible de demander un délai de réflexion ; et c’est la décision du patient qui s’impose, même en cas d’urgence vitale. Il s’agit d’une prise en charge, pas d’une prison.

Je vais retourner l’argument développé précédemment par M. Breton, sans esprit de provocation. D’une certaine manière, n’est-il pas infantilisant d’imposer un délai de réflexion, en sous-entendant que l’intéressée n’aurait pas consacré le temps nécessaire à une telle décision ?

Le délai de huit jours l’éloigne de la prise en charge médicale et permet l’exercice de pressions, pas forcément positives. Familiales, professionnelles ou sociétales, elles peuvent par exemple lui enjoindre de garder un enfant, alors qu’elle ne le veut pas. Je suis donc réticent à la laisser seule face à tout cela.

Enfin, dans la réalité les résultats d’analyses s’accumulent progressivement et ils ne sont de toute manière jamais donnés en bloc à la patiente, au risque de la déstabiliser. Le dialogue avec le médecin est par définition un processus évolutif, et il est donc difficile de déterminer le point de départ d’un délai.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS375 de Mme Emmanuelle Ménard, CS 457 de M. Patrick Hetzel, CS472 de M. Xavier Breton et CS841 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est proposé de supprimer l’alinéa 5, qui crée en quelque sorte un nouveau type d’avortement : l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple.

Ce dispositif porte le risque de dérives. Il est à craindre que le cadre légal ne soit pas respecté et qu’il y ait des avortements de confort – sans connotation péjorative – car une grossesse multiple peut effrayer.

D’un point de vue juridique, pourquoi faudrait-il créer un nouveau type d’avortement, alors que les conditions qui l’autorisent figurent déjà dans le code de la santé publique ?

Quid du ressenti des enfants issus des embryons survivants ? Quid du préjudice moral des parents ayant demandé cet avortement ? Ces questions demeurent sans réponse.

M. Xavier Breton. En réponse aux amendements précédents, le rapporteur a évoqué les pressions qui s’exercent sur la femme enceinte en choisissant – c’est révélateur – un exemple où on la pousse à garder l’enfant. L’on sait que des pressions peuvent aussi être exercées en sens inverse, pour inciter à avorter une femme qui désire garder son enfant. Tous les cas possibles doivent être mentionnés.

L’argument du caractère infantilisant d’un délai n’est pas recevable. Sans que la situation soit comparable, le droit fiscal et celui de consommation comprennent de nombreux délais, et l’on n’estime pas pour autant que le contribuable ou le consommateur sont de ce fait infantilisés.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Cet article ne crée pas un nouveau type d’avortement. Au contraire, il procède à l’encadrement d’une pratique médicale existante, appelée précédemment « réduction embryonnaire » et désormais « interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple ».

La clarification et la sécurisation juridiques apportées par l’article 20 sont absolument fondamentales.

L’objectif médical de telles interventions n’est pas d’interrompre une grossesse gémellaire, Madame Ménard, mais bien de traiter des grossesses multiples présentant des risques, pour la mère, mais aussi pour la croissance fœtale. Bien entendu, on ne choisit pas le ou les embryons qui font l’objet de l’IMG. Avis défavorable.

Monsieur Breton, les pressions peuvent en effet s’exercer dans un sens comme dans l’autre. Et plutôt que d’évoquer une infantilisation, gardons à l’esprit que le dialogue entre le médecin et sa patiente est un processus progressif qui dure plusieurs jours.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS376 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission adopte l’article 20 modifié.

Article 22 : Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement d’une fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés

Amendements identiques CS33 de Mme Marie-France Lorho, CS216 de M. Patrick Hetzel, CS251 de M. Thibault Bazin, CS 348 de M. Xavier Breton, CS405 de Mme Emmanuelle Ménard et CS844 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Xavier Breton. Il n’est pas concevable que les gamètes antérieurement conservés puissent être utilisés après le changement de sexe d’une personne. Le permettre conduirait à des situations complètement ubuesques. Je fais allusion aux débats d’hier, où beaucoup d’entre nous étaient perdus entre les différentes combinaisons possibles.

Selon l’état civil, une personne est d’un sexe ou d’un autre. Il faut conserver des critères objectifs pour pouvoir continuer à parler un langage commun.

Mme Emmanuelle Ménard. Il paraît de bon sens qu’une personne qui décide de changer de sexe abandonne ses gamètes liés à son ancienne identité. Faute de quoi on entendra parler des pères qui accouchent et des spermatozoïdes de la mère, ce qui est un peu compliqué à concevoir.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Lors des deux premières lectures, le Gouvernement et moi-même avons expliqué que le changement de sexe n’empêchait pas de conserver ses gamètes. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS378 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendements identiques CS1053 du rapporteur, CS364 de M. Patrick Hetzel, CS365 de M. Xavier Breton, CS846 de Mme Anne-Laure Blin et CS1016 de M. Marc Delatte.

M. Patrick Hetzel. L’absence de réponse écrite qui vaut confirmation, ce n’est plus du consentement. Il convient de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale lors des deux premières lectures.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis favorable, bien entendu.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS379 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en cas d’absence de réponse de la personne majeure durant cinq années consécutives, au lieu de dix.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1057 du rapporteur et CS1050 de M. Marc Delatte.

M. Marc Delatte. Cet amendement propose notamment de ramener le délai en cas d’absence de réponse à dix ans, au lieu de vingt, pour les personnes mineures au moment du prélèvement opéré dans le cadre d’une préservation de la fertilité.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Avis favorable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1048 du rapporteur.

Amendement CS733 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Il vise à s’assurer que les personnes ayant modifié la mention de leur sexe à l’état civil ne seront pas empêchées par des comportements discriminatoires de réutiliser leurs gamètes.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’alinéa 7 de cet article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 22 modifié.

Chapitre II
Optimiser l’organisation des soins

Article 23
Élargissement des missions des conseillers en génétique

Amendement CS381 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Une prescription médicale est préférable pour des examens de caractéristiques génétiques. Les découvertes obtenues sans avoir été prescrites pourraient être psychologiquement difficiles à supporter. Les examens de caractéristiques génétiques ne doivent pas être banalisés.

Ces examens sans prescription médicale posent aussi la question de leur coût pour la sécurité sociale.

Vous allez sans doute objecter qu’ils sont tellement généralisés sans prescription médicale qu’il sera difficile de revenir en arrière.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Les conseilleurs en génétique n’interviennent pas sans prescription médicale ; ils sont placés sous l’autorité d’un médecin généticien, dont les prescriptions sont remboursées.

Après avoir auditionné les représentants des généticiens et ceux des conseillers en génétique, je pense que la rédaction proposée par le Sénat est équilibrée et couvre l’ensemble des situations. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1049 du rapporteur.

Elle adopte l’article 23 modifié.

 

TITRE VI
ASSURER UNE GOUVERNANCE BIOÉTHIQUE ADAPTÉE AU RYTHME DES AVANCÉES RAPIDES DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES

Article 29
Élargissement des missions du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé

Amendement CS389 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Pour que le CCNE soit vraiment une institution indépendante, il faut que son président ne soit pas choisi par le Président de la République mais élu démocratiquement par le Parlement, ou par une commission de celui-ci.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Le rôle du Parlement est de voter la loi, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques, mais pas d’élire les présidents d’autorités administratives indépendantes. D’ailleurs, personne ne remet en question l’indépendance de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou de l’Autorité des marchés financiers (AMF) au motif que leur président est nommé par le Président de la République. Ce n’est pas le mode de désignation de son président qui détermine le caractère indépendant de l’organe ; en l’occurrence, le CCNE tient son indépendance de l’article L. 1412-1 du code de la santé publique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS872 de la rapporteure et CS736 de M. Bastien Lachaud.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. L’amendement a pour objet de rétablir la version adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture s’agissant de la composition du CCNE.

Afin de remettre le patient au cœur du système de santé, il apparaît pleinement justifié que les représentants d’associations puissent siéger au sein du CCNE en leur qualité et non en tant que personnalités qualifiées choisies sur proposition des ministres. C’est pourquoi il est proposé d’inclure six représentants d’associations de personnes malades et d’usagers du système de santé, d’associations de personnes handicapées, d’associations familiales et d’associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes. Le nombre de membres du comité serait ainsi porté de trente-neuf à quarante-cinq, sans compter son président.

Mme Danièle Obono. Les débats récents au sujet de la démocratie sanitaire, et de la démocratie tout court, montrent que les associations représentant les personnes malades, les usagers du système de santé et les personnes handicapées, ainsi que les associations familiales et celles œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes ont toute leur place au sein du CCNE.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS218 de M. Patrick Hetzel, CS350 de M. Xavier Breton et CS849 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Afin de s’assurer de la pluralité des organismes représentés, il paraît légitime de préciser de nouveau dans le code de la santé publique la liste des quinze ministres chargés de nommer les personnalités qualifiées membres du CCNE.

Si je vous rejoins pleinement sur les rôles respectifs du Parlement et du pouvoir exécutif, je pense que nous sommes dans notre rôle en précisant quels sont les ministres qui procèdent aux désignations. L’inscription de cette liste dans la loi a contribué à l’indépendance et à la pluralité du comité, et elle est une forme de garde-fou.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Avis défavorable. Il convient de préserver une certaine souplesse. En outre, le nouveau dispositif fixant par décret la liste des ministres concernés permet de s’assurer du respect du principe de parité dans les nominations.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS743 de M. Philippe Berta, CS219 de M. Patrick Hetzel, CS351 de M. Xavier Breton et CS850 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La liste des organismes des secteurs de la recherche et de la santé représentés au sein du CCNE relevait jusqu’à présent du domaine de la loi.

L’amendement vise à conserver la possibilité pour le Parlement de se prononcer sur la composition de la liste des organismes représentés, afin d’assurer la représentation de la recherche française dans sa pluralité.

M. Patrick Hetzel. L’amendement prolonge celui que j’ai précédemment défendu.

Il s’agit cette fois d’inscrire dans la loi la liste des organismes représentés au CCNE – l’Académie des sciences, l’Académie nationale de médecine, le Collège de France et l’institut Pasteur –, ainsi que celle des organismes auxquels sont rattachés les chercheurs qui y sont nommés.

J’entends bien l’argument légitime de la parité, mais elle peut être atteinte tout en s’assurant du respect de l’objectif de diversité. Le nombre total de membres concernés le permet ; il suffit en pratique de recommander aux organismes concernés de désigner soit un homme, soit une femme, tout cela relevant d’un travail interministériel parfaitement réalisable.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Il faut préserver la souplesse nécessaire pour l’élaboration de cette liste, d’autant que la représentation d’un nouvel organisme pourrait être ultérieurement nécessaire. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 29 modifié.

Article 30
Évolution des compétences et de la composition des organes de l’Agence de la biomédecine

Amendement CS744 de M. Philippe Berta.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement vise à placer l’ABM sous la double tutelle du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la recherche. En effet, le champ de compétences de cet établissement public est directement lié aux prérogatives du ministre de la recherche. Il apparaît donc pertinent que celui-ci soit associé aux activités de contrôle réglementaire de l’agence.

La gestion interministérielle est un gage d’efficacité. Comme l’a démontré la crise du covid-19, chaque jour compte lorsqu’il s’agit de mettre en place des procédures.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. L’ABM intervient principalement dans le domaine du prélèvement et de la greffe d’organes et de tissus, ainsi que dans celui de l’AMP. Pour cela, elle est en contact permanent avec les établissements de santé ; il est donc plus logique que sa tutelle soit assurée par le ministre de la santé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS444 de M. Patrick Hetzel, CS459 de M. Xavier Breton, CS600 de Mme Anne-Laure Blin et CS955 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. L’évaluation réalisée par l’ABM doit prendre en compte les résultats des études et recherches médicales et scientifiques menées à l’étranger sur les risques spécifiques induits par l’utilisation des techniques d’AMP.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. L’article L. 1418-1 du code de la santé publique dispose que l’ABM prévoit la publication régulière des résultats de chaque centre d’AMP, selon une méthodologie prenant en compte notamment les caractéristiques de la patientèle, en particulier l’âge des femmes.

Les travaux de l’ABM s’appuient bien entendu sur l’ensemble des données de recherches disponibles, mais la précision méthodologique que vous souhaitez ajouter n’est pas nécessaire pour ce rapport. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CS445 de M. Patrick Hetzel, CS460 de M. Xavier Breton, CS601 de Mme Anne-Laure Blin et CS956 de M. Philippe Gosselin, puis les amendements identiques CS446 de M. Patrick Hetzel et CS461 de M. Xavier Breton, ainsi que les amendements identiques CS602 de Mme Anne-Laure Blin et CS957 de M. Philippe Gosselin.

Amendement CS252 de M. Thibault Bazin.

M. Patrick Hetzel. L’entrée d’associations non agréées au sein des instances de gouvernance de l’ABM ne doit pas se faire au détriment de la représentation des usagers par les associations agréées. Afin de renforcer la démocratie sanitaire au sein de l’agence, il est proposé de préciser de manière explicite que les représentants des associations agréés d’usagers participent à l’ensemble de ses travaux.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Le projet de loi élargit en effet le spectre des associations représentées au sein des instances et travaux de l’ABM. L’objectif poursuivi est bien, en plus des associations agrées déjà présentes, d’assurer la représentation d’associations non agréés de malades, de promotion du don, de donneurs et d’associations œuvrant dans les champs de compétence de l’agence, afin d’enrichir la réflexion.

En revanche, imposer la participation des associations agréées à l’ensemble des travaux de l’ABM n’est ni justifié ni opérationnel, et cela présente le risque de la paralyser. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1054 de la rapporteure.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Cet amendement a pour objet de rétablir la mission de l’ABM en matière d’information dans le domaine des neurosciences. Le Parlement a besoin de ces précieuses informations, car nous pourrions être amenés à légiférer sur ces questions dans les prochaines années.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS871 de la rapporteure

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Il tend à supprimer la disposition réintroduite par le Sénat selon laquelle le rapport annuel de l’Agence de la biomédecine comporte une analyse des décisions d’opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites. Il rétablit ainsi le texte issu de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS254 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’étendre le champ des missions de l’Agence de la biomédecine en y incluant l’intelligence artificielle, puisque celle-ci contribue de plus en plus à la biomédecine.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Il est exact que nous avons besoin d’informations et d’expertises concernant l’intelligence artificielle. Mais l’ABM n’est pas le bon organisme pour les fournir, car elle ne dispose pas des compétences le lui permettant. La mesure étendrait excessivement son champ d’intervention, sans être fructueuse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS253 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel. Toujours afin de renforcer la démocratie sanitaire au sein de l’Agence, il est proposé de préciser explicitement que les représentants des associations agréées d’usagers participent à ses travaux.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Même avis défavorable qu’à l’amendement CS252, qui visait le même objectif.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 30 modifié.

TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES

Article 31
Habilitations à légiférer par voie d’ordonnance

Amendements identiques CS458 de M. Patrick Hetzel, CS473 de M. Xavier Breton, CS851 de Mme Anne-Laure Blin et CS1005 de M. Philippe Gosselin.

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement ne saurait ajouter par voie d’ordonnance des dispositions aux livres II à IV de la cinquième partie du code de la santé publique, car le Parlement est compétent pour procéder à ces modifications législatives. Il ne s’agit pas de refuser toute ordonnance, mais le Parlement ne doit pas se dessaisir de ses compétences s’agissant de questions comme celle-là. Tel est le sens de ces amendements.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Le sujet des ordonnances étant sensible au Parlement, je prendrai le temps d’expliciter mon avis défavorable.

Vous souhaitez supprimer l’article 31, qui vise à permettre au Gouvernement, grâce à quatre habilitations distinctes, de prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin d’adapter pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française les dispositions de la présente loi ainsi que celles des ordonnances destinées à mettre en conformité le code de la santé publique avec plusieurs règlements européens ; de modifier le code de la santé publique en vue de l’entrée en application des règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ; de rendre la législation en matière de médicaments cohérente avec le règlement européen sur les médicaments de thérapie innovante ; enfin, d’assurer la cohérence des textes issus de la présente loi. Chacune de ses ordonnances a son importance.

Pour vous rassurer, je vous rappelle que le législateur doit ensuite adopter une loi de ratification de l’ordonnance ; il n’est donc pas du tout dessaisi du sujet.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS870 de la rapporteure

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Il a pour objet de rétablir l’alinéa 8 dans sa version initiale, déjà confortée à deux reprises par notre assemblée. La disposition que nous voulons réintroduire est nécessaire, mais très technique ; elle est prévue par le droit européen. Je répète que la ratification de l’ordonnance dépend d’une loi, ce qui garantit que le législateur n’est pas dessaisi de la question.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 31 modifié.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 


([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10855767_60b68224882be.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-nouvelle-lecture-1-juin-2021

([3]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10858690_60b7294db5ef0.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juin-2021

([4]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10864500_60b77d7cdabbe.commission-speciale-bioethique--projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juin-2021

([5]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10870262_60b7d3e42f857.commission-speciale-chargee-d-examiner-le-projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-2-juin-2021

([6]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10873359_60b87c02acde6.commission-speciale-chargee-d-examiner-le-projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-3-juin-2021

([7]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10879210_60b8cfd4cbb34.commission-speciale-chargee-d-examiner-le-projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique-suite-3-juin-2021