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N° 4232

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE,
relative à la reconnaissance d’une « exception énergétique »
au sein de l’Union européenne

PAR M. Sébastien JUMEL,

Député

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 Voir les numéros : 4107 et 4217.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Un bilan décevant pour la libÉralisation du secteur de l’ÉLECTRICITÉ

A. La libÉralisation progressive du marché de l’ÉLECTRICITÉ

1. Les quatre grandes vagues de libéralisation du marché de l’électricité

a. La directive de 1996 : transparence comptable et début d’ouverture à la concurrence

b. La directive de 2003 : dissociation juridique et accélération de l’ouverture du marché

c. Le « troisième paquet énergie » de 2009 : approfondissement et levée des derniers obstacles au marché intérieur de l’électricité

d. La « quatrième paquet énergie » de 2019 : préservation de l’environnement et redéfinition des tarifs réglementés de vente (TRV)

2. Une spécificité française : la mise en place de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

a. Face à l’ouverture du marché à la concurrence, la Commission européenne a remis en cause les TRV de l’électricité

b. La création du mécanisme de l’ARENH par la loi « NOME » pour sauver les TRV

B. l’ouverture du secteur de l’ÉLECTRICITÉ à la concurrence s’est faite au dÉtriment du consommateur et des capacitÉs de production françaises

1. Sur le marché de la fourniture, une mise en concurrence complexe avec des effets sur les prix très mitigés, une baisse de la qualité de service et un risque d’instabilité pour la compétitivité des entreprises

2. L’ARENH, un mécanisme insatisfaisant qui pénalise l’ensemble de la production électrique française

II. la proposition de rÉsolution : reconnaÎtre à l’ÉLECTRICITÉ un statut spÉcifique au niveau europÉen, en dehors des rÈgles de la concurrence

A. la nÉcessitÉ d’une Évaluation des consÉquences de la libÉralisation du secteur de l’Énergie en europe

1. Un bilan nécessaire de la dérégulation du secteur de l’énergie en Europe

2. Un bilan d’autant plus important que le secteur de l’électricité est soumis à des échéances cruciales

B. la crÉation d’une « exception Électrique » au sein de l’union europÉenne

1. Sortir l’électricité d’un carcan concurrentiel inadapté

2. Une solution alternative : la création d’un service d’intérêt économique général « bas carbone »

III. la position de votre COMMISSION

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE 1 : liste des personnes auditionnÉes

ANNEXE 2 : liste des organismes sollicités par écrit


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   introduction

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la nationalisation des industries électriques et gazières a été mise en œuvre par Marcel Paul, ministre communiste de la production industrielle. La loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz crée Électricité de France (EDF) et Gaz de France, fleurons industriels nationaux. Ces entreprises sont alors en situation de monopole et permettent, grâce au savoir‑faire de leurs salariés et à leurs investissements dans de grands ouvrages électriques et gaziers notamment, de construire un modèle d’approvisionnement en énergie fiable et pilotable.

L’énergie a également été un moteur historique de la construction européenne. La mise en commun d’intérêts stratégiques avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (traité de Paris, 1951) est un moyen de sauvegarder la paix sur le continent. La création de la Communauté européenne de l’énergie atomique (traité Euratom, 1957) est quant à elle un vecteur stratégique de son indépendance énergétique.

Mais c’est rapidement l’instauration de la libre concurrence au sein de l’Union européenne qui devient prioritaire. L’énergie n’échappe pas à la règle et la libéralisation du secteur débute avec l’adoption des premières directives sectorielles en 1996. Concernant l’électricité, il s’agit d’ouvrir les activités de production et de fourniture à la concurrence. Toutefois, la réalisation de cet objectif a conduit à minorer l’importance de certaines questions inhérentes à cette libéralisation : comment garantir la sécurité d’approvisionnement face à la multiplication des acteurs ? Les bénéfices attendus pour le consommateur sont‑ils réels ? Quelles conséquences la libéralisation a-t-elle sur la qualité du tissu industriel d’un pays ?

Les réponses à ces questions semblent aujourd’hui pour le moins incertaines. La Commission européenne et le Gouvernement français sont en discussion depuis de nombreux mois pour réformer EDF, sans que les propositions avancées parviennent à convaincre. La juste rémunération de l’entreprise au travers de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et la préservation des concessions hydroélectriques françaises de la concurrence européenne sont au cœur des enjeux, alors que la production électrique française se compose à 70 % d’électricité d’origine nucléaire et à 13 % d’hydroélectricité.

La présente proposition de résolution, déposée en application des articles 88‑4 de la Constitution et 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale, propose d’engager une réflexion approfondie sur ces sujets. Premièrement, elle invite le Gouvernement à demander un bilan à la Commission européenne sur l’évaluation de la dérégulation du secteur de l’énergie en Europe. Deuxièmement, elle propose la création d’une « exception énergétique », et plus particulièrement d’une « exception électrique ». À l’instar du secteur culturel, qui jouit d’une « exception » reconnue, l’électricité n’est pas un bien comme les autres : bien de première nécessité, soumis à des obligations de service public, l’application des règles de la concurrence à son encontre doit faire l’objet d’aménagements. À l’heure des enjeux liés au changement climatique et compte tenu des imperfections du système actuel, il convient de redéfinir les priorités et le cadre juridique qui s’appliquent au secteur de l’électricité.

Cette proposition de résolution a été examinée et rejetée par la commission des affaires européennes le 2 juin 2021. Une proposition de résolution européenne déposée par la présidente de ladite commission sur le même sujet, qui partage certains constats mais diverge quant au bien‑fondé de la libéralisation et aux solutions proposées, a été adoptée le même jour ([1]).

I.   Un bilan décevant pour la libÉralisation du secteur de l’ÉLECTRICITÉ

A.   La libÉralisation progressive du marché de l’ÉLECTRICITÉ

La libéralisation du secteur de l’électricité au sein de l’Union européenne (UE), opérée parallèlement à celle du gaz, a débuté au milieu des années 1990. Elle devait permettre la création d’un véritable « marché intérieur de l’énergie ».

Les objectifs de la politique européenne de l’énergie sont mentionnés à l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Elle vise :

« – à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ;

« – à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union ;

« – à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ;

« – à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques ».

Le secteur de l’électricité est composé de quatre grands types d’activités, qui ont été diversement concernés par la libéralisation. La production et la fourniture d’électricité, situées respectivement en amont et en aval du marché, sont désormais des activités concurrentielles, tandis que le transport et la distribution sont des activités régulées.

1.   Les quatre grandes vagues de libéralisation du marché de l’électricité

a.   La directive de 1996 : transparence comptable et début d’ouverture à la concurrence

La première directive de libéralisation date de 1996 ([2]) et a été transposée pour l’essentiel par la loi n° 2000‑108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

Il s’agissait alors d’initier le mouvement d’ouverture à la concurrence, comme cela est rappelé au quatrième considérant de la directive : « l’établissement du marché intérieur de l’électricité s’avère particulièrement important pour rationaliser la production, le transport et la distribution de l’électricité tout en renforçant la sécurité d’approvisionnement et la compétitivité de l’économie européenne et en respectant la protection de l’environnement ».

Cette directive a conduit à une première remise en cause du monopole d’EDF sur le marché électrique français. Elle impose, d’une part, une dissociation comptable entre les différentes activités propres au secteur de l’électricité, afin d’assurer une meilleure transparence et « d’éviter les discriminations, les subventions croisées et les distorsions de concurrence » ([3]). D’autre part, cette directive amorce l’ouverture à la concurrence des activités de production et de fourniture. Un calendrier échelonné de mise en concurrence pour les fournisseurs est mis en place pour les « clients éligibles », en l’occurrence les plus gros consommateurs d’électricité, sur une période de six ans. Corollaire de l’ouverture à la concurrence de la production, l’accès non discriminatoire au réseau de transport est garanti.

b.   La directive de 2003 : dissociation juridique et accélération de l’ouverture du marché

La directive de 2003 ([4]) vise, aux termes de son article 21, l’ouverture totale à la concurrence de la fourniture d’électricité au 1er juillet 2004 pour les clients professionnels et au 1er juillet 2007 pour les particuliers, tout en imposant une véritable dissociation juridique entre les différentes activités. EDF change dès lors de statut et devient une société anonyme ([5]). Deux filiales d’EDF sont créées :

– Réseau de transport d’électricité (RTE), en charge du transport d’électricité et qui devient une société anonyme ([6]) ;

– Électricité Réseau Distribution France (ERDF), devenue Enedis depuis 2016, société anonyme en charge de la distribution d’électricité ([7]).

c.   Le « troisième paquet énergie » de 2009 : approfondissement et levée des derniers obstacles au marché intérieur de l’électricité

La directive 2009/72/CE ([8]) constitue l’une des principales mesures du « troisième paquet énergie » pour le secteur de l’électricité. Elle a été transposée en droit français lors de la rédaction, par voie d’ordonnance, de la partie législative du code de l’énergie ([9]).

Face au constat du maintien d’obstacles à la libéralisation de la vente d’électricité, il s’agissait d’approfondir la séparation entre les activités régulées (transport et distribution) et celles ouvertes à la concurrence (production et fourniture), en imposant une dissociation de propriété entre les différents acteurs. Cet objectif s’est cependant heurté à une résistance importante de certains États membres, dont la France, qui souhaitaient conserver le modèle d’entreprise verticalement intégrée. Des aménagements ont donc été opérés : à la dissociation de propriété peut se substituer la notion de « gestionnaire de réseau ou de transport indépendant », moyennant des garanties d’indépendance renforcées.

d.   La « quatrième paquet énergie » de 2019 : préservation de l’environnement et redéfinition des tarifs réglementés de vente (TRV)

Le « quatrième paquet énergie » date de 2019 et a été baptisé « Une énergie propre pour tous les Européens ». Il a notamment vocation à promouvoir le développement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et des dispositifs d’autoconsommation. Sa transposition en droit français a été initiée avec la loi « énergie-climat » ([10]) et demeure en cours.

La directive 2019/944/CE ([11]) précise, par ailleurs, la compatibilité des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV) ([12]) avec le droit de l’Union européenne. Entièrement supprimés pour le secteur du gaz à compter du 1er juillet 2023, les TRV d’électricité restent autorisés mais sont assortis de conditions strictes et soumis à une réévaluation périodique, afin de juger de l’opportunité de leur maintien. Depuis le 1er janvier 2021, ils sont accessibles uniquement pour les consommateurs domestiques et les consommateurs non domestiques qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros.

2.   Une spécificité française : la mise en place de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

a.   Face à l’ouverture du marché à la concurrence, la Commission européenne a remis en cause les TRV de l’électricité

Pour la Commission européenne, afin d’assurer une véritable concurrence sur le marché de la fourniture d’électricité, il fallait que tous les opérateurs puissent avoir accès au marché de manière non discriminatoire. Or, EDF propose grâce à ses TRV des prix attractifs pour le consommateur en raison de la compétitivité de son parc nucléaire historique. Les coûts de production d’électricité à partir de ces centrales sont intéressants, les investissements fondateurs en la matière ayant été réalisés à partir des années 1960. À l’inverse, la formation des prix sur le marché de l’électricité prend en compte le coût marginal de production de la dernière unité de production appelée. Or les infrastructures sont sollicitées par ordre de coût marginal de production croissant, c’est-à-dire que les dernières unités appelées sont celles qui produisent l’électricité la plus chère. Les fournisseurs alternatifs avaient donc des difficultés à proposer des tarifs aussi compétitifs que les TRV d’EDF.

La Commission européenne y voyait une distorsion de concurrence en faveur de l’opérateur historique et menaçait de suppression les TRV d’électricité. Une procédure à l’encontre de la France au titre de la législation relative aux aides d’État a été engagée ([13]). C’est finalement la création de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique par la loi dite « NOME » en 2010 ([14]) qui a permis l’abandon de la procédure.

b.   La création du mécanisme de l’ARENH par la loi « NOME » pour sauver les TRV

Les objectifs et le fonctionnement de l’ARENH sont décrits à l’article L. 336‑1 du code de l’énergie. Il s’agit de permettre à l’ensemble des fournisseurs alternatifs d’accéder à la production d’électricité issue du parc nucléaire historique d’EDF, afin d’assurer une concurrence effective sur le marché de la fourniture et de proposer au consommateur des tarifs compétitifs. Les caractéristiques principales de l’ARENH sont les suivantes :

– le prix de l’ARENH est fixé par arrêté. Il est de 42 €/MWh depuis le 1er janvier 2012 et n’a jamais été réévalué depuis. Les mécanismes de fixation de son coût, décrits aux articles L. 337‑14 et suivants du code de l’énergie, doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’État qui n’a jamais été adopté ;

– le plafond maximal d’électricité d’origine nucléaire pouvant être cédée au titre de l’ARENH, initialement fixé à 100 térawattheures (TWh) par an, a été augmenté à 150 TWh annuels à compter du 1er janvier 2020 ([15]) ;

– l’ARENH est un mécanisme transitoire qui vise à stimuler la concurrence. L’article L. 336‑8 du code de l’énergie prévoit l’extinction de l’ARENH au 31 décembre 2025.

En contrepartie de l’ARENH, les fournisseurs d’électricité se sont vu imposer un mécanisme de capacité ([16]) pour permettre, selon l’exposé des motifs du projet de loi « NOME », « que tous les fournisseurs assument l’ensemble de leurs responsabilités industrielles et énergétiques vis-à-vis de leurs clients et ne se reposent pas sur une garantie de fourniture implicite de l’opérateur historique ». Il s’agit donc indirectement de les inciter à investir dans les moyens de production d’électricité. L’objectif est de faire contribuer les fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement d’électricité en leur imposant des capacités d’effacement et de mise à disposition de la production.

Enfin, pour satisfaire aux exigences de la Commission européenne, la loi « NOME » a également supprimé les TRV à destination des moyens et gros consommateurs (tarifs « jaune » et « vert ») ([17]) et n’a maintenu que les TRV à destination des professionnels souscrivant une puissance inférieure à un certain seuil et ceux à destination les particuliers (tarifs « bleus »). Le mode de calcul des TRV a également évolué : d’une approche essentiellement fondée sur les coûts de production, ce calcul se fait désormais selon la méthode plus complexe de l’« empilement des coûts ». Cela vise notamment à rendre les TRV « contestables », c’est‑à‑dire que les fournisseurs alternatifs puissent être en mesure de proposer des offres qui soient compétitives par rapport à ces tarifs régulés.

L’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectrique françaises

Les concessions hydroélectriques françaises sont soumises aux dispositions de la directive « Concessions » ([18]) et à celles de la directive « Services » ([19]), ce qui implique en particulier leur renouvellement selon des procédures de publicité et de mise en concurrence au niveau européen. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ([20]) a acté le principe de l’ouverture à la concurrence, tout en prévoyant de nombreux aménagements, comme la possibilité de regrouper plusieurs concessions situées dans une même vallée pour les renouvellements.

Aujourd’hui, l’opérateur historique détient environ 80 % des concessions hydroélectriques. En 2019, la France et sept autres États membres ([21]) ont fait l’objet d’une mise en demeure de la Commission européenne pour manquement au droit de l’UE en matière de renouvellement des concessions hydroélectriques. La France avait déjà fait l’objet d’une première mise en demeure en 2015. À noter qu’un tiers des concessions hydroélectriques françaises vont arriver à échéance en 2023, rendant cette situation d’autant plus problématique.

Dans le cadre des discussions entre le Gouvernement français et la Commission européenne sur la réforme d’EDF, l’hypothèse du recours à la « quasi-régie » ([22]), ou contrat « in house », a été avancée ([23]) par la France pour préserver ses concessions hydroélectriques d’une mise en concurrence. La quasi-régie consiste en un contrat entre un pouvoir adjudicateur et une personne morale, de droit public ou de droit privé, sur laquelle le premier exerce un contrôle « analogue à celui qu’il exercerait sur ses propres services ».

B.   l’ouverture du secteur de l’ÉLECTRICITÉ à la concurrence s’est faite au dÉtriment du consommateur et des capacitÉs de production françaises

1.   Sur le marché de la fourniture, une mise en concurrence complexe avec des effets sur les prix très mitigés, une baisse de la qualité de service et un risque d’instabilité pour la compétitivité des entreprises

L’ouverture du marché de l’électricité n’a pas conduit à une baisse significative des prix pour le consommateur. La libéralisation a certes permis d’augmenter le nombre de fournisseurs d’électricité sur le marché. Au 31 décembre 2020, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) recensait un peu moins d’une cinquantaine de fournisseurs nationaux d’électricité en France, hors fournisseurs historiques ([24]). Mais selon une étude de l’Insee de 2019, la part des dépenses d’électricité dans les dépenses totales des ménages en énergie, hors carburant, est passée de 23,3 % en 1959 à 56,7 % en 2016 ([25]). Si la hausse des prix depuis les années 2010 serait liée pour grande partie à la hausse de la fiscalité sur l’électricité, l’étude indique que la stabilité des prix de l’électricité entre 1986 et 2007 s’explique par le développement du nucléaire, qui permet de rendre le pays moins dépendant des fluctuations de prix des énergies fossiles.

Ces données montrent que la hausse des prix de l’électricité n’est pas uniquement due à la libéralisation mais aussi à d’autres paramètres tels que la fiscalité. À l’inverse, elles ne semblent pas attester d’une baisse significative des prix grâce à l’achèvement du marché de l’énergie européen. De manière plus générale, l’absence de stabilité des prix pénalise les consommateurs, qu’ils soient particuliers ou industriels. Le CLEEE ([26]), auditionné par votre rapporteur, a souligné cette difficulté qui a des conséquences défavorables à l’électricité sur les choix énergétiques au sein des entreprises.

L’évolution des TRV d’électricité à la suite de la libéralisation du secteur suscite également des interrogations. Comme en attestent les données ci‑dessous, les TRV d’électricité ont subi une légère tendance à la hausse depuis l’entrée en vigueur de la loi « NOME ».

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L’objectif recherché par la méthode de fixation du coût des TRV a changé en substance. Depuis la loi « NOME », « il ne s’agit plus de faire bénéficier le consommateur final des coûts de production d’EDF, en vue de contenir les prix, mais de permettre aux concurrents de proposer des offres au moins aussi attractives que les offres au TRV » ([27]). Les fournisseurs alternatifs ont déposé plusieurs recours contentieux à ce sujet. L’Autorité de la concurrence a eu l’occasion d’alerter sur ce changement de nature des TRV : « La hausse des tarifs du fait du rationnement de l’électricité nucléaire pour les clients d’EDF apparaît ainsi comme contraire à la volonté exprimée du Parlement de proposer des tarifs réglementés qui permettent de restituer aux consommateurs le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire historique » ([28]).

L’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) juge que « la compétition tarifaire entre les opérateurs est (…) modeste et décevante », estimant que la réduction permise par la libéralisation du marché de l’électricité est de l’ordre de 6 % à 7 % pour les fournisseurs alternatifs par rapport aux TRV, taxes et abonnements compris ([29]). Cette libéralisation a par ailleurs conduit à des pratiques de démarchage commercial agressives de la part des fournisseurs alternatifs afin de se maintenir sur le marché. Ce phénomène est régulièrement dénoncé par les associations de consommateurs. Il est également constaté pour certains fournisseurs une dégradation de la qualité du service client. Le rapport d’activité 2020 du médiateur national de l’énergie est à cet égard particulièrement éclairant. Il précise que les litiges entre les clients et les fournisseurs sont en hausse de 19 % en un an et concernent particulièrement les fournisseurs alternatifs. Sur les 27 203 litiges reçus par le médiateur, environ 10 % concernent de mauvaises pratiques commerciales.

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Source : Médiateur de l’énergie, rapport d’activité 2020

 

La libéralisation du secteur de l’énergie a également conduit à favoriser une plus grande instabilité des prix. Cette dimension volatile des prix, si elle n’a pas directement impacté les entreprises considérées comme électrointensives en raison d’une régulation plus protectrice à leur égard, semble avoir porté préjudice à des entreprises de moyenne envergure, comme l’a rappelé le CLEEE lors des auditions, notamment concernant les projets de transition énergétique que cellesci pourraient engager.

2.   L’ARENH, un mécanisme insatisfaisant qui pénalise l’ensemble de la production électrique française

L’évolution de la demande d’ARENH depuis sa mise en place ainsi que le relèvement du plafond à 150 TWh par an montrent que les fournisseurs alternatifs se sont bien approprié le dispositif. Les fournisseurs alternatifs tendent parfois à demander davantage d’ARENH que leurs besoins lorsque son prix est plus intéressant que le prix de l’électricité sur les marchés de gros. Le surplus peut être revendu à profit sur les marchés, ce qui conduit in fine à pénaliser l’opérateur historique, malgré l’existence de compléments de prix pour atténuer les effets d’une telle pratique. À l’inverse, durant la crise sanitaire de 2020, les prix du marché de gros ont fortement diminué du fait de la baisse de consommation d’électricité, ce qui a conduit certains fournisseurs alternatifs à demander la suspension de leur livraison d’ARENH pour cause de force majeure ([30]).

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Source : CRE

La mise en place de l’ARENH devait également inciter les fournisseurs alternatifs à investir dans les moyens de production d’électricité. Force est de constater un échec sur ce point. Alors qu’ils tirent profit de l’ARENH, les fournisseurs alternatifs n’ont en revanche pas massivement investi dans de nouvelles capacités de production. Cela peut s’expliquer par l’état des technologies et de l’innovation : il est complexe de trouver des sources de production aussi compétitives et pilotables que le nucléaire et dont les investissements seraient rentables à court terme. Il n’existe pas non plus à ce jour de solutions de stockage de l’électricité à grande échelle.

Mais ce sont surtout les capacités d’investissement d’EDF qui pâtissent du mécanisme de l’ARENH tel qu’il existe aujourd’hui. C’est un mécanisme asymétrique, qui ne garantit qu’un prix de vente « plafond ». Lorsque les prix de l’électricité sur les marchés de gros sont élevés, les fournisseurs alternatifs demandent davantage d’ARENH. En revanche, lorsque les prix sur le marché sont bas, les fournisseurs demandent moins d’ARENH et EDF s’en retrouve pénalisée. Les imperfections de l’ARENH, et en particulier l’absence de réévaluation de son prix, sont pour partie responsables de la situation financière délicate d’EDF. Au 31 décembre 2020, l’endettement financier net de l’entreprise s’établissait à 42,3 milliards d’euros. Aucune réévaluation de l’ARENH n’a été décidée depuis 2012, de peur que la Commission européenne ne sanctionne la France pour entrave à la concurrence.

EDF a pourtant crucialement besoin de ces capacités d’investissement, en particulier pour entretenir et moderniser son parc nucléaire et développer ses capacités de production d’électricité d’origine renouvelable. Ce parc nucléaire historique profite à l’ensemble des fournisseurs alternatifs et représente encore plus de 70 % de la production d’électricité française. Ce sont également la qualité de l’emploi et les compétences des salariés d’EDF qui risquent, à terme, d’être menacées. Ces problématiques ressortent de la lecture du rapport remis par M. Jean‑Martin Folz au président-directeur général d’EDF sur la construction de l’EPR de Flamanville en 2019. Ce rapport souligne, par exemple, de multiples délégations de maîtrises d’œuvre sur le chantier, ce qui en a complexifié l’accomplissement, ainsi que des pénuries de main-d’œuvre sur des postes particulièrement importants, tel que celui de soudeur. Concernant le tissu industriel de la « filière nucléaire », l’auteur du rapport constate qu’« un effort de reconstitution et de maintien de ses compétences doit être engagé : celui-ci doit faire l’objet d’une véritable politique industrielle que seul peut conduire le groupe EDF ». Une situation financière délicate s’est traduite par une perte de savoir‑faire et de compétences, notamment au travers de plusieurs phénomènes de « stop and go » dans la politique salariale d’EDF. Depuis la mise en place de l’ARENH, l’entreprise a conduit plusieurs plans d’économies et de réduction de la masse salariale : par exemple, entre 2016 et 2019, EDF a engagé deux plans de ce type en annonçant la suppression de 5 900 postes.

La situation du secteur de l’électricité en France et de l’entreprise EDF en particulier plaide donc en faveur d’un examen des conséquences des politiques de libéralisation du secteur de l’énergie et de l’adoption d’un statut spécifique à l’électricité au niveau de l’Union européenne.

II.   la proposition de rÉsolution : reconnaÎtre à l’ÉLECTRICITÉ un statut spÉcifique au niveau europÉen, en dehors des rÈgles de la concurrence

A.   la nÉcessitÉ d’une Évaluation des consÉquences de la libÉralisation du secteur de l’Énergie en europe

1.   Un bilan nécessaire de la dérégulation du secteur de l’énergie en Europe

Au regard des premiers effets mitigés de la libéralisation du secteur de l’électricité sur les marchés de la production et de la fourniture, particulièrement au regard des bénéfices retirés par le consommateur et de la situation d’EDF, un bilan d’ensemble des effets de la dérégulation est nécessaire ([31]). La présente proposition de résolution européenne invite donc le Gouvernement à demander à la Commission européenne un tel bilan.

Cette évaluation est d’autant plus bienvenue que des négociations sont en cours entre le Gouvernement français et la Commission européenne sur l’avenir de l’entreprise EDF, au regard notamment des difficultés posées par le mécanisme de l’ARENH et par l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques. Le projet de restructuration d’EDF, d’abord baptisé « Hercule », puis « Grand EDF », ne convainc pas quant à son opportunité et à ses conséquences. L’apport d’éléments précis sur les résultats des politiques menées en la matière par la Commission européenne ces vingt‑cinq dernières années permettrait d’éclairer le débat et d’associer l’ensemble des parties prenantes à la réflexion.

Un bilan de la dérégulation du secteur de l’énergie dans son ensemble permettrait également de mettre en avant les caractéristiques propres au secteur de l’électricité, qui nécessitent une protection particulière. L’électricité jouit en effet d’un statut paradoxal. Elle subit le jeu de la concurrence, tout en étant soumise à des obligations de service public. Contrairement aux autres sources d’énergie, l’électricité se distingue par son caractère de produit de première nécessité ([32]), qui emporte des obligations en termes de sécurité d’approvisionnement, de lutte contre le réchauffement climatique ou encore de lutte contre la précarité énergétique. La directive 96/92/CE, dans son treizième considérant, reconnaissait déjà la possibilité d’imposer de telles sujétions : « considérant que, pour certains États membres, l’imposition d’obligations de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de l’environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne peut pas nécessairement garantir ».

Le service public de l’électricité est même reconnu par le droit européen comme étant un service universel. Selon l’article 27 de la directive (UE) 2019/944, « Les États membres veillent à ce que tous les clients résidentiels et, lorsqu’ils le jugent approprié, les petites entreprises bénéficient d’un service universel, à savoir le droit d’être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d’une qualité définie, et ce à des prix compétitifs, aisément et clairement comparables, transparents et non discriminatoires ».

2.   Un bilan d’autant plus important que le secteur de l’électricité est soumis à des échéances cruciales

Les enjeux juridiques et politiques autour de l’électricité sont particulièrement d’actualité, tant au niveau français qu’au niveau européen.

Au niveau français, le mécanisme de l’ARENH est censé arriver à échéance en 2025 et environ un tiers des concessions hydroélectriques doivent normalement être renouvelées en 2023. De nombreux acteurs plaident, d’une part, pour une réforme de l’ARENH et, d’autre part, pour préserver les concessions hydroélectriques de la concurrence européenne.

Une menace pèse également sur les TRV d’électricité. L’article 5 de la directive (UE) 2019/44 rappelle que les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d’électricité « sont limitées dans le temps » ([33]). Les États membres qui ont recours à ce type de tarifs doivent présenter des rapports à la Commission européenne, au 1er janvier 2022 et au 1er janvier 2025, justifiant de leur maintien au regard du développement de la concurrence. La Commission européenne doit elle-même procéder à un bilan de ce type de tarifs avant le 31 décembre 2025 et l’assortir, s’il y a lieu, d’une proposition législative qui « peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ».

Au niveau de l’Union européenne, c’est la sécurité d’approvisionnement, inscrite comme l’un des grands objectifs de la politique énergétique de l’UE à l’article 194 du TFUE, qui pourrait être rapidement soumise à des tensions. Certains pays européens font actuellement le choix de sortir du nucléaire. Le programme Energiewende en Allemagne prévoit cette sortie à l’horizon 2022, tandis que la Belgique s’est fixé le même objectif pour l’année 2025. La France prévoit de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025 ([34]). L’énergie nucléaire fait pourtant partie des sources de production décarbonées, pilotables et non intermittentes garantissant une importante sécurité d’approvisionnement.

Dans une récente note d’analyse ([35]), France Stratégie alerte sur les capacités du système électrique européen à faire face à la consommation en électricité à l’horizon 2035, compte tenu de cette baisse attendue des moyens de production pilotables. La demande d’électricité est pourtant amenée à croître dans les années qui viennent : elle s’établirait à 54 % de la demande finale en 2050, contre 25 % aujourd’hui. Il est également rappelé que la Californie, qui a rapidement libéralisé son secteur de l’électricité tout en assurant la promotion des énergies renouvelables, a dû faire face à de multiples défauts d’approvisionnement électrique.

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Au sein du système d’interconnexion européen, l’électricité nucléaire française joue un rôle central dans la sécurité d’approvisionnement. Déjà exportatrice nette d’électricité, l’importance de la France au sein des réseaux européens est amenée à s’accroître. La note d’analyse de France Stratégie cite à l’appui de ce constat une déclaration révélatrice du ministère fédéral de l’économie et de l’énergie allemand : « La capacité des centrales nucléaires en Allemagne peut diminuer d’autant dans la mesure où le marché allemand de l’électricité dispose de la capacité des centrales françaises grâce aux interconnecteurs transfrontaliers en place ». Cette note d’analyse déplore la faiblesse du débat public autour de ces questions ainsi que le manque de coordination entre les politiques gouvernementales des États membres.

B.   la crÉation d’une « exception Électrique » au sein de l’union europÉenne

1.   Sortir l’électricité d’un carcan concurrentiel inadapté

Compte tenu du statut spécifique de l’électricité et de la nécessité particulièrement d’actualité de disposer d’un système énergétique fiable, respectueux de l’environnement et bénéfique pour les consommateurs, la présente proposition de résolution souhaite sortir l’électricité des règles européennes de la concurrence auxquelles elle est actuellement soumise.

Alors que l’électricité participe à l’accomplissement de missions de service public, les textes européens en font un service parmi d’autres. Ne plus mettre la concurrence au cœur de la réglementation relative au secteur de l’électricité permettrait aux États membres de retrouver des marges de manœuvre économiques et stratégiques. Si l’article 107 du TFUE relatif aux aides d’État ([36]) ne trouvait plus à s’appliquer en ce domaine, il serait possible aux gouvernants de soutenir certains dispositifs permettant d’assurer les investissements nécessaires à la sécurité d’approvisionnement du pays et à l’accomplissement de missions de service public sans être sanctionnés. Il serait également plus aisé de réévaluer le prix de l’ARENH et de fixer des TRV reflétant véritablement les coûts de production de l’électricité pour EDF.

Certains aménagements au regard du droit européen de la concurrence existent déjà en matière énergétique. Les réseaux de transport et de distribution d’électricité sont considérés comme des infrastructures essentielles et les entreprises qui les exploitent jouissent donc d’une situation de monopole naturel. Il serait en effet économiquement inefficace de construire plusieurs réseaux de transport et de distribution d’électricité parallèles. De la même manière, il existe en France divers systèmes de soutien public à la production d’énergies renouvelables, lorsque les objectifs fixés en la matière par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne sont pas atteints (obligations d’achat, compléments de rémunération, etc.).

La directive « Concessions » nécessite aussi une exception d’application concernant le secteur de l’hydroélectricité. Son ouverture à la concurrence européenne entraînerait davantage de risques que de bénéfices. Le réseau hydroélectrique français permet de disposer d’une énergie renouvelable pilotable, pouvant aisément être mobilisée en période de pointe. Il est également un élément clé de la sécurité du système électrique, puisqu’il existe des synergies entre le nucléaire et l’hydroélectricité. Les barrages peuvent, par exemple, être utilisés par EDF pour réguler le refroidissement des centrales nucléaires situées en bord de cours d’eau.

2.   Une solution alternative : la création d’un service d’intérêt économique général « bas carbone »

Il pourrait être envisagé de créer un service économique d’intérêt général (SIEG) « bas carbone » applicable à la production d’électricité.

La notion de SIEG est définie à l’article 106 du TFUE. Trois critères doivent être remplis pour qualifier une activité de SIEG : l’existence d’une activité économique, d’une mission d’intérêt général et d’un lien avec la puissance publique. La Commission européenne a également précisé que ce sont des activités qui ne seraient pas exécutées en l’absence d’une intervention de l’État, ou bien exécutées dans des conditions non satisfaisantes ([37]). Cela implique donc une défaillance de marché. Les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider quelles activités sur leur territoire sont constitutives d’un SIEG, la Commission européenne sanctionnant uniquement les erreurs manifestes d’appréciation. La reconnaissance d’un tel statut permet certains aménagements quant à la possibilité pour l’État de mettre en place des dispositifs de soutien aux entreprises concernées.

Le secteur de l’électricité n’est d’ailleurs pas étranger à cette notion. L’activité de distribution d’électricité a déjà été reconnue par la jurisprudence comme étant un SIEG ([38]). L’article 9 de la directive (UE) 2019/944 fait également référence à la notion d’intérêt économique général : « les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique, l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables et la protection du climat ».

À la lumière des obligations de service public applicables à l’électricité, un SIEG « bas carbone » de production d’électricité nucléaire et d’origine renouvelable pourrait être reconnu s’agissant d’EDF. Une telle activité remplit les trois critères de qualification d’un SIEG soulignés par la Commission européenne :

1)     Il s’agit bien d’une activité économique.

2)     L’existence d’une mission d’intérêt général découle des obligations de service public applicables au secteur de l’électricité telles que définies aux articles L. 121‑1 et suivants du code de l’énergie. En particulier, la mission d’un développement équilibré de l’approvisionnement en électricité et celle de réalisation des objectifs définis par la PPE ([39]) concernent plus spécifiquement la production d’électricité :

– l’électricité d’origine nucléaire et celle d’origine hydraulique sont un facteur indispensable à la sécurité d’approvisionnement du pays ;

– les sources d’électricité « bas carbone », dont le nucléaire fait partie, contribuent à la lutte contre le changement climatique.

3)     Ces obligations de service public applicables au secteur de l’électricité permettent également de retenir l’existence d’un lien avec la puissance publique.

Les fortes réserves émises quant à la réussite de la libéralisation du secteur de l’électricité abondent par ailleurs dans le sens de l’existence d’une défaillance de marché.

La constitution d’un SIEG « bas carbone » permettrait à l’État d’intervenir plus aisément pour compenser les charges de service public qui incombent notamment à EDF. La jurisprudence européenne sur les aides d’État versées en compensation d’obligations de service public autorise le versement de telles aides pour les SIEG si quatre critères sont réunis ([40]) :

– les obligations de service public de l’entreprise bénéficiaire doivent être clairement définies ;

– les paramètres servant de base au calcul de l’aide doivent être définis à l’avance, de manière objective et transparente ;

– la compensation accordée doit être proportionnée à ce qui est nécessaire pour couvrir les obligations de service public ;

– le calcul de la compensation doit s’appuyer sur les coûts qui incomberaient à une entreprise fonctionnant de manière normale sur le marché.

Dans le respect cette jurisprudence, l’État pourrait mettre en place des mécanismes de soutien à la production d’électricité « bas carbone », lorsque cela est justifié par des obligations de service public. En particulier, un tel dispositif pourrait trouver à s’appliquer dans le cadre d’un mécanisme de l’ARENH réformé. Son prix pourrait être réévalué à la hausse. Lorsque les prix sur les marchés de gros seraient inférieurs au prix de l’ARENH, l’État pourrait compenser la différence à EDF. L’opérateur historique retrouverait ainsi des marges de manœuvre financières pour investir dans des capacités de production décarbonées et vitales pour la sécurité d’approvisionnement de l’ensemble du réseau électrique européen.

III.   la position de votre COMMISSION

La commission des affaires économiques a rejeté l’article unique de la proposition de résolution.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 9 juin 2021, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de résolution européenne relative la reconnaissance d’une « exception énergétique » au sein de l’Union Européenne (n° 4107), sur le rapport de M. Sébastien Jumel.

La commission des affaires économiques a rejeté l’article unique de la proposition de résolution.

Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/ZYYi11.

 

 

 

 

 

 


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ANNEXE 1 : liste des personnes auditionnÉes

Par ordre chronologique

Table ronde d’organisations syndicales :

–  Confédération française démocratique du travail (CFDT) : M. Christophe Béguinet

–  Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE‑CGC) : M. Alexandre Grillat, secrétaire national CFE Énergies

–  Confédération générale du travail (CGT) : Mme Karine Granger, conseillère Énergies FNME‑CGT

–  Force ouvrière (FO) : M. Jacky Chorin, secrétaire fédéral FO Énergie et Mines

Électricité de France (EDF) * :

M. Bernard Le Thiec, directeur des affaires publiques

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (CLEEE) * :

M. Frank Roubanovitch, président

Consommation logement cadre de vie (CLCV) * :

M. François Carlier, délégué général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

ANNEXE 2 : liste des organismes sollicités par écrit

Par ordre chronologique

Ministère de l’économie, des finances et de la relance

 

Commission de régulation de l’énergie


([1]) Proposition de résolution européenne sur l’évolution du cadre juridique européen applicable à la production d’électricité, déposée le 3 juin 2021 (n° 4219).

([2]) Directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité

([3]) Article 14 de la directive 96/92/CE

([4]) Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE

([5]) Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. EDF était auparavant un établissement public industriel et commercial (EPIC).

([6]) Loi n° 2004‑503 du 9 août 2004 précitée

([7]) Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie

([8]) Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE

([9]) Ordonnance n° 2011‑504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie

([10]) Loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

([11]) Directive 2019/944 du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019 concernant de règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE

([12]) Les tarifs réglementés de vente (TRV) sont des tarifs administrés, qui visaient initialement à protéger le consommateur de tarifs prohibitifs, tout en permettant à EDF de couvrir ses coûts de production.

([13]) Lettre de la Commission européenne à la France du 13 juin 2007, JO C 164 du 18/07/2007

([14]) Loi n° 2010‑1488 du 7 décembre 2020 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité

([15]) Article L. 336-2 du code de l’énergie

([16]) Article 6 de la loi n° 2010‑1488 du 7 décembre 2010 précitée

([17]) Article 14 de la loi n° 2010‑1488 du 7 décembre 2010 précitée

([18]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et de Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession

([19]) Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur

([20]) Loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

([21]) Les autres États membres concernés sont l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède.

([22]) Articles L. 2511‑1 et suivants du code de la commande publique

([23]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, devant les commissions des affaires économiques et du développement durable de l’Assemblée nationale le 4 février 2021

([24]) Observatoire de la CRE, Les marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel, 4e trimestre 2020

([25]) INSEE, Les dépenses des Français en électricité depuis 1960, n° 1746, avril 2019

([26]) Association de grands consommateurs industriels et tertiaires français d’électricité et de gaz

([27]) Marie Lamoureux, Droit de l’énergie, Précis Domat, LGDJ, 2020

([28]) Autorité de la concurrence, Avis 19-A-07 du 25 mars 2019 relatif à la fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité

([29]) Plaidoyer de la CLCV pour un retour au monopole, dossier de presse, mars 2021

([30]) EDF avait en conséquence résilié les contrats de livraison d’ARENH de certains fournisseurs alternatifs, ce qui avait provoqué plusieurs recours contentieux. La Cour d’appel de Paris a finalement donné raison à EDF sur ce sujet : Cour d’appel de Paris, 19 novembre 2020, SA Électricité de France c/ SA Total Direct Énergie, n° RG 20/10012.

([31]) Un rapport sur le sujet a été commandé et publié par la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP-EPSU) : L’échec de la libéralisation de l’énergie, Vera Weghmann, Université de Greenwich, juillet 2019

([32]) Article L. 121-1 code de l’énergie

([33]) La directive s’appuie notamment sur la jurisprudence « Federutility » de la CJUE : CJUE, 20 avril 2010, aff. C-265/08, Federutility.

([34]) Article L. 100‑4 du code de l’énergie

([35]) France Stratégie, Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ?, n° 99, janvier 2021

([36]) Le 1. de cet article dispose que « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

([37]) Commission européenne, Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de « marchés publics » et de « marché intérieur », 29 avril 2013, SWD(2013) 53 final/2

([38]) CJCE, 27 avril 1994, aff. n° 393/92, Commune d’Almelo

([39]) Articles L. 121­‑2 et L. 121‑3 du code de l’énergie

([40]) CJUE, 24 juillet 2003, aff. n° C‑280/00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg contre Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH.