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N° 4335

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juillet 2021

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, EN NOUVELLE LECTURE,
 

relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (n° 4301)

PAR MM. Raphaël GAUVAIN et Loïc KERVRAN

Députés

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Voir les numéros :

Assemblée nationale :                                                                                      1re lecture : 4104, 4153, 4185 et T.A. 622.

  Commission mixte paritaire : 4333.

   Nouvelle lecture : 4301.

 Sénat : 1re lecture : 672, 694, 695, 685, 690 et T.A. 131 (2020-2021).

                Commission mixte paritaire : 762 et 763 (2020-2021).


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 5

examen deS ARTICLES

Article 1er bis (art. L. 226-1 du code de la sécurité intérieure) Renforcement de l’encadrement des périmètres de protection

Article 2 (art. L. 227-1 et L. 227-2 du code de la sécurité intérieure) Extension de la fermeture des lieux de culte à leurs locaux dépendants

Article 3 (art. L. 228-2, L. 228-4, L. 228-5 et L. 228-6 du code la sécurité intérieure) Ajustements du régime des MICAS

Article 4 bis (supprimé) (art. L. 229-2 du code de la sécurité intérieure) Anonymisation des témoins mentionnés sur la copie du procès-verbal des visites domiciliaires

Article 5 (art. 230-19, 706-16, 706-17, 706-22-1 du code de procédure pénale, art 706-25-16, 706-25-17, 706-25-18, 706-25-19, 706-25-20, 706-25-21, 706-25-22 et 706-25-23 [nouveaux] du même code) Création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

Article 6 (art. L. 3211-12-7 [nouveau] du code de la santé publique) Droit de communication aux préfets et aux services de renseignement des informations relatives aux soins psychiatriques sans consentement

Article 6 bis (art. L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure) Enrichissement du contenu du rapport annuel sur l’application des mesures administratives visant à lutter contre le terrorisme

Article 7 (art. L. 822-3, L. 822-4, L. 833-2, L. 854-6, L. 854-9, L. 833-6, L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, art. L. 135 S du livre des procédures fiscales, art. 48 et 49 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) Transmission de renseignements entre services et communication d’informations aux services de renseignement

Article 8 (art. L. 822-2 et L. 822-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Allongement de la durée de conservation des renseignements à des fins de recherche et de développement

Article 10 (art. L. 871-3, L. 871-6 et L. 871-7 du code de la sécurité intérieure) Élargissement du champ de réquisition des opérateurs de communications

Article 11 (art. L. 822-2 et L. 852-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Expérimentation d’une technique d’interception des communications satellitaires

Article 13 (art. L. 851-3 du code de la sécurité intérieure) Renforcement de l’encadrement de la mise en œuvre des algorithmes et extension de leur champ aux URL

Article 15 (art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) Modification du régime de conservation des données de connexion

Article 16 (art. L. 821-1, L. 821-5, L. 821-7, L. 833-9, L. 851-2, L. 851-3, L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code de la sécurité intérieure) Procédure de contrôle préalable à la mise en œuvre des techniques de renseignement sur le territoire national

Article 16 bis (art. L. 853-3 du code de la sécurité intérieure) Simplification de la procédure de maintenance et de retrait des dispositifs installés dans des domiciles

Article 17 (art. L. 706-105-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Communication d’information par les services judiciaires aux services de l’État exerçant des missions en matière de sécurité et de défense des systèmes d’informations et aux services de renseignement

Article 17 bis (art. 6 nonies de l’ordonnance n° 58-110) Renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement

Article 17 ter A (nouveau) (Article 154 de la loi n° 2001‑1275 du 28 décembre 2001) Présentation du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux aux présidents et rapporteurs généraux des commissions chargées des finances et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat

Article 19 (art. L. 212-3 du code du patrimoine) Accès aux archives publiques

Compte rendu des dÉbats


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Mesdames, Messieurs,

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 9 juillet 2021, n’a pas été en mesure de proposer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement ([1]).

La plupart des dispositions modifiées par le Sénat présentaient pourtant des divergences mineures et donc surmontables, à l’instar des quelques évolutions apportées aux articles encadrant les activités des services de renseignement, s’agissant de la restriction de l’utilisation de la technique d’interception satellitaire aux seuls services du premier cercle ou de l’introduction du caractère expérimental de l’extension des algorithmes aux URL. Cependant, un désaccord important subsistait quant à l’articulation des mesures prévues par les articles 3 et 5 relatives à la lutte antiterroriste, dans leur versant administratif et judiciaire. Les très nombreux échanges préparatoires avec nos collègues sénateurs ont échoué à parvenir à une solution de compromis, rendant ainsi nécessaire l’examen du projet de loi en nouvelle lecture.

Le Sénat a rejeté l’extension prévue par l’article 3 de la durée maximale des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) de douze à vingt-quatre mois, en dépit du caractère strictement délimité de ce dispositif : il ne vise à s’appliquer qu’aux personnes les plus dangereuses, c’est-à-dire celles qui ont été condamnées à des peines privatives de liberté d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste. Cette évolution apparaît indispensable afin de renforcer la surveillance, au cours des prochains mois et des prochaines années, des sortants de prison qui sont susceptibles de présenter des profils toujours extrêmement préoccupants et de constituer une menace réelle.

L’article 5 poursuit, selon sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, une finalité tout à fait différente. Il crée ainsi une mesure de sûreté dont l’objectif est de prévenir la récidive et de garantir la réinsertion des personnes condamnées pour certains actes de terrorisme, qui implique notamment une obligation de prise en charge sanitaire, sociale, éducative et psychologique. Ces obligations relèvent de la compétence du juge judiciaire et n’ont pas vocation à se confondre avec celles pouvant être prononcées dans le cadre des MICAS, au risque d’introduire une forme de désordre entre mesures administratives et mesures judiciaires. Le Sénat a fait le choix de réécrire l’article 5 afin d’étendre considérablement le champ des obligations prononcées dans le cadre de la mesure de sûreté, reprenant ainsi plusieurs mesures prévues par les MICAS, telles que l’interdiction de paraître dans certains lieux.

Plus qu’une seule mesure de réinsertion, les sénateurs ont donc choisi d’en faire une mesure de surveillance, malgré les risques opérationnels et constitutionnels que poserait une telle articulation avec les MICAS.

En conséquence, l’examen du projet de loi en nouvelle lecture a principalement permis à la commission des Lois de rétablir la rédaction des articles 3 et 5 telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, moyennant le maintien de quelques précisions et ajustements pertinents adoptés par le Sénat. Le texte adopté par la commission permet ainsi d’atteindre un double objectif d’équilibre juridique et d’efficacité opérationnelle, dans le but de renforcer durablement les moyens administratifs et judiciaires pouvant être mobilisés dans la lutte contre le terrorisme.


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examen deS ARTICLES

Chapitre Ier

Dispositions renforçant la prévention d’actes de terrorisme

Article 1er bis
(art. L. 226-1 du code de la sécurité intérieure)
Renforcement de l’encadrement des périmètres de protection

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article explicite le contrôle opéré par les officiers de police judiciaire sur les agents de sécurité privée intervenant au sein des périmètres de protection. S’agissant des lieux ([2]), il prévoit que les périmètres de protection préalablement institués ne peuvent être renouvelés qu’une seule fois par arrêté préfectoral.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Issu des travaux de la commission, le présent article modifie l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure conformément aux propositions émises par la présidente de la commission et le rapporteur dans le cadre du rapport d’application de la loi SILT rendu en décembre 2020.

D’une part, par un amendement cosigné par la présidente de la commission, M. Eric Ciotti (Les Républicains) et le rapporteur, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement, le quatrième alinéa de l’article L. 226-1 est modifié afin d’expliciter que le concours apporté par les agents de sécurité privée aux opérations de palpations, inspections et fouilles des bagages  s’effectue sous le contrôle effectif et continu des officiers de police judiciaire.

D’autre part, deux amendements identiques de la présidente de la Commission et du rapporteur ainsi que de M. Dimitri Houbron (Agir Ensemble) ayant recueilli un avis défavorable du Gouvernement ont été adoptés par la commission afin de préciser que les périmètres de protection de lieux ne peuvent être renouvelés qu’une seule fois.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements identiques des rapporteurs et du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain présentant un double objet. Premièrement, conformément à la réserve d’interprétation prononcée par le Conseil constitutionnel ([3]), il est rappelé que les vérifications effectuées au sein des périmètres de protection doivent se fonder sur des critères excluant toute discrimination.

Deuxièmement, la limitation à un seul renouvellement des périmètres de protection applicables aux seuls lieux exposés à un risque d’actes de terrorisme à raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation a été reformulée, de telle sorte que cette limitation s’étende également aux événements susceptibles de faire l’objet d’un périmètre de protection.

La commission des Lois du Sénat a également adopté un amendement du groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants apportant une précision rédactionnelle relative au contrôle effectif des officiers de police judiciaire sur les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints intervenant au sein des périmètres de protection.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté un amendement des rapporteurs afin de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture s’agissant de la limitation à un renouvellement des périmètres de protection applicables aux seuls lieux.

En outre, la commission a décidé de maintenir la précision apportée par le Sénat relative au contrôle effectif des officiers de police judiciaire sur les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints. Cependant, la mention selon laquelle les vérifications effectuées au sein des périmètres de protection doivent se fonder sur des critères excluant toute discrimination n’apparaît pas opportune, laissant à penser, de façon erronée, que le droit actuel autoriserait ainsi de telles pratiques, ce qui justifie en conséquence la suppression de cet ajout.

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Article 2
(art. L. 227-1 et L. 227-2 du code de la sécurité intérieure)
Extension de la fermeture des lieux de culte à leurs locaux dépendants

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article autorise le préfet à prononcer la fermeture des locaux dépendant du lieu de culte faisant l’objet d’une mesure de fermeture sur le fondement de l’article L. 227-1 ([4]) du code de la sécurité intérieure dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés afin de rendre la mesure de fermeture du lieu de culte inopérante. La durée de la fermeture des locaux dépendants correspond à celle du lieu de culte et ne peut excéder six mois.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Concrétisant la proposition formulée par le rapport d’application de la loi SILT remis en décembre 2020, cet article a été adopté sans modification par l’Assemblée nationale.

2.   La position du Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs afin de substituer la notion de « locaux dépendants » par celle de « locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée […] qui accueillent habituellement des réunions publiques. »

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

Conformément à la rédaction retenue à l’article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 2 juillet dernier, la commission a rétabli la rédaction du présent article adopté en première lecture par l’Assemblée, afin de maintenir la notion de « locaux dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée ».

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Article 3
(art. L. 228-2, L. 228-4, L. 228-5 et L. 228-6 du code la sécurité intérieure)
Ajustements du régime des MICAS

Adopté par la commission avec modifications

Dans sa rédaction initiale, le présent article procède à six ajustements du régime des MICAS :

– il complète les articles L. 228-2 et L. 228-4 du code de la sécurité intérieure en imposant aux personnes faisant l’objet d’une MICAS de fournir un justificatif de domicile afin d’établir la preuve de leur lieu d’habitation et de son éventuel changement ;

– il supprime le caractère alternatif des obligations prévues par le 1° de l’article L. 228-2 relatives à l’interdiction de déplacement en dehors d’un périmètre déterminé et par le 3° de l’article L. 228-4 afférentes à l’interdiction de paraître dans un lieu déterminé ([5]) ;

– à titre dérogatoire, il ouvre la possibilité de prolonger à deux ans la durée maximale des MICAS. Cette prolongation demeure circonscrite au profil particulier des individus auxquels elle pourrait s’appliquer : seules les personnes condamnées à une peine privative de liberté non assortie du sursis d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste ([6]) ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale ont vocation à être concernées par cette extension ;

– il complète les articles L. 228-2, L. 228-4 et L. 228-5 afin de prévoir, dans l’hypothèse d’une saisine par une personne assujettie à une MICAS d’un tribunal territorialement incompétent, que le délai de jugement de 72 heures ne commence à courir qu’à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal administratif compétent pour statuer ;

– il prévoit explicitement que la définition des obligations imposées au titre des MICAS doit tenir compte des obligations déjà prescrites par l’autorité judiciaire ;

– il prévoit que les MICAS en cours à la date de promulgation de la présente loi et dont le terme survient moins de sept jours après la date de promulgation demeurent en vigueur sept jours supplémentaires à compter de celle-ci, dès lors que le ministre de l’Intérieur a procédé au plus tard le lendemain de la publication de la présente loi à la notification de leur renouvellement.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Outre plusieurs amendements rédactionnels adoptés lors de l’examen en commission et en séance, la commission a adopté deux amendements identiques de Mme Blandine Brocard (Mouvement démocrate et démocrates apparentés) et de M. Dimitri Houbron (Agir Ensemble) tendant à rappeler le caractère alternatif, et non cumulatif, de l’exigence par laquelle les MICAS peuvent faire l’objet d’un renouvellement. Celui-ci n’est autorisé qu’à la condition de faire valoir des éléments nouveaux ou complémentaires justifiant le maintien des MICAS.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs tendant, d’une part, à prévoir la seule justification du domicile par la personne faisant l’objet d’une MICAS, et non la fourniture d’un justificatif de domicile, et d’autre part, à supprimer l’extension à vingt-quatre mois de la durée maximale des MICAS.

À l’initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), la commission des Lois du Sénat a également précisé que la MICAS prononcée sur le fondement de l’article L. 228-5 du code de la sécurité intérieure doit tenir compte de la vie familiale de la personne concernée.

3.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Si la Commission a maintenu les précisions apportées par le Sénat relatives à la justification du domicile et à la prise en compte de la vie familiale de la personne faisant l’objet d’une MICAS prise sur le fondement de l’article L. 228-5, elle a adopté un amendement des rapporteurs de rédaction globale du présent article afin de rétablir la possibilité d’étendre la durée des MICAS à vingt-quatre mois pour les seules personnes condamnées à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste.

Strictement délimitée, cette extension apparaît indispensable afin de garantir l’efficacité de la surveillance des personnes sortant de prisons au cours des prochaines années, dont le profil présente toujours une menace réelle. L’amendement adopté par la Commission précise également qu’au-delà du douzième mois, chaque renouvellement de la MICAS, d’une durée maximale de trois mois pour les mesures prises sur le fondement de l’article L. 228-2 et de six mois pour les mesures prises sur le fondement des articles L. 228-4 et L. 228-5, est subordonné à l’exigence d’éléments nouveaux ou complémentaires.

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Article 4 bis (supprimé)
(art. L. 229-2 du code de la sécurité intérieure)
Anonymisation des témoins mentionnés sur la copie du procès-verbal des visites domiciliaires

Suppression maintenue par la commission

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Issu d’un amendement des rapporteurs adopté lors de l’examen en séance publique contre l’avis du Gouvernement, le présent article vise à garantir l’anonymat des témoins ayant assisté à une visite domiciliaire et dont le nom figure sur la copie du procès-verbal adressée à l’occupant des lieux.

Le troisième alinéa de l’article L. 229-2 du code de la sécurité intérieure prévoit qu’en l’absence de l’occupant des lieux, les agents chargés de la visite domiciliaire ne peuvent procéder à celle-ci qu’en présence de deux témoins. Le cas échéant, le procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération est signé par ces témoins. La copie du procès-verbal est ensuite remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’occupant des lieux ou à son représentant.

En pratique, l’identification des témoins par l’occupant des lieux soulève parfois certaines difficultés compte tenu de la crainte que celui-ci peut susciter au sein de son voisinage. Le présent amendement vise donc à garantir l’anonymat des témoins qui ont assisté à la visite domiciliaire et signé le procès-verbal correspondant.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs tendant à supprimer cet article, considérant que l’occupant des lieux ne disposera plus de moyens lui permettant de vérifier l’existence réelle des témoins présents, affectant l’exercice de leur droit au recours.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a maintenu la suppression de cet article.

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Article 5
(art. 230-19, 706-16, 706-17, 706-22-1 du code de procédure pénale, art 706-25-16, 706-25-17, 706-25-18, 706-25-19, 706-25-20, 706-25-21, 706-25-22 et 706-25-23 [nouveaux] du même code)
Création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

Adopté par la commission avec modifications

Dans sa version initiale, l’article 5 créé une nouvelle mesure de sûreté dont l’objectif est de prévenir la récidive et de garantir la réinsertion des personnes condamnées pour certains actes de terrorisme. Elle permet au tribunal de l’application des peines de Paris d’imposer à un détenu en fin de peine une ou plusieurs des six obligations figurant au nouvel article 706-25-16 du code de procédure pénale ([7]), dès lors qu’il présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Outre l’adoption de 17 amendements rédactionnels, la commission des Lois a procédé, en première lecture, à trois ajustements du texte : 

– par deux amendements identiques des rapporteurs et du groupe La République en Marche, elle a précisé que la prise en charge prévue dans le cadre de la mesure de sûreté pouvait être de nature psychiatrique ;

– par un amendement de MM. Dunoyer et Gomès, elle a complété l’alinéa 10 afin d’y inscrire que les éléments nouveaux et complémentaires permettant le renouvellement de la mesure doivent justifier précisément les raisons conduisant à solliciter ce renouvellement ;

– par trois amendements identiques des rapporteurs, du groupe La République en Marche et du groupe Agir ensemble, elle a aggravé les sanctions encourues en cas de violation des obligations imposées dans le cadre de la mesure de sûreté, portées à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

La disposition n’a pas été modifiée en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de rédaction globale de l’article 5, le distinguant considérablement du dispositif voté par l’Assemblée nationale.

D’une part, l’autorité judiciaire habilitée à prononcer la mesure judiciaire n’est plus le juge d’application des peines de Paris, mais la juridiction régionale de la rétention de sûreté, après avis du juge de l’application des peines. Vos rapporteurs considèrent néanmoins que ce dernier demeure le mieux habilité à prononcer ce type de mesure ;

D’autre part, la version issue du Sénat comprend de nombreuses obligations concernant tant la réinsertion des sortants de prison que la surveillance de ces individus. Ces obligations de déclinent en deux paliers : les premières peuvent être prononcées immédiatement par la juridiction tandis que les secondes, plus attentatoires aux libertés, ne peuvent l’être que lorsque les premières obligations s’avèrent insuffisantes, par une décision spécialement motivée.    

Obligations susceptibles d’être imposées au titre de la mesure judiciaire

Obligations

Rédaction Assemblée nationale

Rédaction Sénat

Accompagnement socio-judiciaire

Répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation désigné

X

X

Recevoir les visites du service pénitentiaire d’insertion et de probation et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d’existence et de l’exécution de ses obligations

X

X

Respecter les conditions  d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté

X

X

Emploi

Prévenir le service pénitentiaire d’insertion et de probation  de ses changements d’emploi

 

X

Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines
pour tout changement d’emploi ou de résidence, lorsque ce changement
est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations

 

X

Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle

X

X

Ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs

X

X

Résidence

Prévenir le service pénitentiaire d’insertion et de probation  de ses changements de résidence  ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour

 

X

Obtenir l’autorisation préalable  du juge de l’application des peines
pour tout changement d’emploi  ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle  à l’exécution de ses obligations

 

X

Établir sa résidence en un lieu déterminé

X

X
(2e palier)

Contrôle des déplacements

Informer préalablement  le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger

 

X

Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger

 

X
(2e palier)

Interdiction de paraître ou de fréquenter certains lieux

S’abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux  ou toute zone spécialement désignés

 

X
(2e palier)

Contrôle de fréquentation des personnes

Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l’infraction 

 

X

S’abstenir d’entrer en relation  avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs,  à l’exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction

 

X

Port d’arme

Ne pas détenir ou porter une arme

 

X

Vos rapporteurs estiment que certaines de ces obligations entraînent un cumul avec les mesures administratives pouvant être prises au titre des MICAS, ce qui fragilise la constitutionnalité de l’article adopté par le Sénat.

Conséquence liée à son caractère plus restrictif, la durée de la mesure judiciaire votée par le Sénat est plus courte. Elle est ainsi de deux ans (pour un mineur) ou trois ans (pour un majeur) lorsque l’individu a été condamné à une peine de prison de moins de dix ans, et de trois ou cinq ans pour une condamnation supérieure.

En outre, le renouvellement de la mesure judiciaire n’est plus conditionné à l’existence « d’éléments nouveaux ou complémentaires qui le justifient précisément », mais dépend de la production d’ « éléments actuels et circonstanciés ».

Or, cette nouvelle rédaction, justifiée par le Sénat par sa volonté d’emprunter une expression habituellement utilisée en matière judiciaire, ne tire pas les enseignements de la censure, par le Conseil constitutionnel, de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine ([8]).

En séance publique, seul un amendement de coordination des rapporteurs a été voté.

3.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a adopté un amendement de rédaction globale des rapporteurs revenant à la rédaction de l’article 5 issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture.

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Article 6
(art. L. 3211-12-7 [nouveau] du code de la santé publique)
Droit de communication aux préfets et aux services de renseignement des informations relatives aux soins psychiatriques sans consentement

Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 permet la communication aux préfets et à certains services de renseignement des informations, consignées dans le fichier HOPSYWEB, relatives aux soins psychiatriques sans consentement imposés aux personnes représentant une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics à raison de leur radicalisation à caractère terroriste.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Dans sa rédaction issue des travaux de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, l’article 6 crée une nouvelle dérogation au secret médical au bénéfice du préfet de département et, à Paris, du préfet de police, et des services de renseignement du premier et du deuxième cercle, qui peuvent se voir communiquer les informations strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions dans le cadre des procédures d’admission en soins psychiatriques sans consentement portées à la connaissance du préfet du lieu d’hospitalisation.

En séance publique, l’Assemblée nationale a souhaité, par deux amendements identiques des rapporteurs et du groupe La République en Marche, assortir cet échange d’informations d’une garantie supplémentaire en limitant leur étendue aux seules données d’identification de la personne et aux données relatives à sa situation administrative.

2.   La position du Sénat en première lecture

Par un amendement des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé la possibilité, pour les services de renseignement, d’être destinataires des informations pouvant faire l’objet d’un partage au titre de cet article.

Le Sénat est revenu sur cette suppression en séance publique par un amendement du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants rétablissant cette faculté, mais la restreignant néanmoins, s’agissant des services de renseignement du second cercle, à ceux exerçant une activité de renseignement à titre principal.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté l’article, modifié par un amendement rédactionnel des rapporteurs.

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Article 6 bis
(art. L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure)
Enrichissement du contenu du rapport annuel sur l’application des mesures administratives visant à lutter contre le terrorisme

Adopté par la commission sans modification

L’article 6 bis, introduit en commission des Lois de l’Assemblée nationale par un amendement des députés Yaël Braun-Pivet, Eric Ciotti et Raphaël Gauvain, modifie l’article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit notamment la remise annuelle au Parlement d’un rapport relatif aux mesures prises au titre de la loi SILT ([9]).

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Disposition issue des travaux de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, l’article 6 bis élargit le périmètre du rapport visé à l’article 22-10-1 du code de la sécurité intérieure, celui-ci devant à l’avenir intégrer des éléments sur l’application « des autres mesures administratives prises en vertu du présent titre et des dispositifs judiciaires préventifs pouvant être mis en œuvre aux fins de lutter contre le terrorisme ».

Ainsi, outre les mesures administratives créées par la loi SILT, les contrôles administratifs des retours sur le territoire, les interdictions de sortie du territoire et les mesures de gel des fonds et ressources économiques devront désormais faire l’objet de développements dans le rapport annuel. Il en est de même pour la nouvelle mesure judiciaire créée par l’article 5.

L’article 6 bis n’a pas été modifié en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

Le Sénat n’a réalisé aucune modification de fond de cet article, qui a néanmoins fait l’objet d’un amendement rédactionnel du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants en commission des Lois.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté l’article sans modification.

 

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Chapitre II

Dispositions relatives au renseignement

Article 7
(art. L. 822-3, L. 822-4, L. 833-2, L. 854-6, L. 854-9, L. 833-6, L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, art. L. 135 S du livre des procédures fiscales, art. 48 et 49 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978)
Transmission de renseignements entre services et communication d’informations aux services de renseignement

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 autorise les services de renseignement, pour le seul exercice de leurs missions, à transcrire ou extraire des renseignements utiles à une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil. Il permet de transmettre une information à un autre service et habilite les autorités administratives à transmettre toute information aux services de renseignement lorsqu’elle est strictement nécessaire à l’exercice des missions du service destinataire.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En commission des Lois, outre douze amendements rédactionnels présentés par les rapporteurs, la commission a également adopté un amendement identique des rapporteurs et du groupe Agir ensemble précisant qu’une autorité administrative refusant de transmettre une information au service de renseignement la sollicitant à cette fin doit nécessairement justifier son refus.

Les dispositions de cet article n’ont pas évolué en séance publique, l’Assemblée nationale ayant simplement adopté un amendement rédactionnel des rapporteurs.

2.   La position du Sénat en première lecture

Cet article a fait l’objet de deux amendements de nature rédactionnelle des rapporteurs, l’un en commission des Lois, l’autre en séance publique.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission des Lois a adopté cet article, modifié par quatre amendements des rapporteurs, dont trois rédactionnels.

Le quatrième amendement apporte des garanties supplémentaires au partage d’informations des autorités administratives aux services de renseignement, tirant ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2021 ([10]) :

– il supprime la possibilité ouverte aux administrations de transmettre des informations à ces services de leur seule initiative ;

– il encadre la transmission de données sensibles en excluant la possibilité de transmettre toute donnée de nature générique ;

– il renforce les exigences de traçabilité pour l’ensemble de ces communications, chaque transmission devant être inscrite dans les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par les autorités administratives, au sein desquels doivent également être précisés la date et la finalité de la transmission, la nature des données transmises et les services destinataires.

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Article 8
(art. L. 822-2 et L. 822-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Allongement de la durée de conservation des renseignements à des fins de recherche et de développement

Adopté par la commission sans modification

L’article 8 permet aux services de renseignement du « premier cercle » et au Groupement interministériel de contrôle, à des fins de recherche et développement, de conserver les données recueillies par des techniques de renseignement pour une durée allant jusqu’à cinq ans. Les paramètres techniques de ces programmes, ainsi que toute évolution substantielle, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable du Premier ministre délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, la commission a adopté un amendement rédactionnel des rapporteurs ainsi que trois amendements identiques des rapporteurs, du groupe Agir ensemble et de M. Jacques, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, étendant à 120 jours la durée de conservation des données récupérées à partir de dispositifs de captation de paroles, afin d’aligner cette durée sur celle des images et permettre ainsi l’exploitation de vidéos pendant trois mois.

En séance publique, l’Assemblée nationale a voté deux amendements identiques des rapporteurs et du groupe La République en Marche permettant à la direction générale de l’armement du ministère des armées de prêter son concours aux agents des services spécialisés de renseignement de ce ministère, au titre des programmes de recherche que ces services seront autorisés à mettre en œuvre.

2.   La position du Sénat en première lecture

Cette disposition a fait l’objet de deux modifications en commission des lois :

– les rapporteurs ont souhaité préciser que les agents de la direction générale de l’armement habilités accèdent aux données exploitées dans le cadre des programmes de R&D uniquement lorsqu’ils se situent dans les locaux des services de renseignement autorisés à mettre en œuvre ces programmes ;

– par un amendement du groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants, la commission des Lois a complété les prérogatives de la CNCTR au titre de cet article : la CNCTR peut ainsi adresser au Premier ministre une recommandation tendant non seulement à la suspension d’un programme de recherche – ce qui était déjà prévu dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale – mais également à son interruption. L’amendement voté prévoit également que cette recommandation peut lui être adressée à tout moment.

Le Sénat n’a pas modifié cet article en séance publique.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 10
(art. L. 871-3, L. 871-6 et L. 871-7 du code de la sécurité intérieure)
Élargissement du champ de réquisition des opérateurs de communications

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à étendre les possibilités de requérir l’assistance des opérateurs de communications électroniques et des fournisseurs d’accès à Internet afin de mettre en œuvre des techniques de renseignement décidées par l’autorité administrative et des interceptions de correspondances ordonnées par l’autorité judiciaire.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

L’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

2.   La position du Sénat en première lecture

À l’initiative des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de nature rédactionnelle.

3.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a maintenu la précision rédactionnelle apportée par le Sénat et adopté cet article sans modification.

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Article 11
(art. L. 822-2 et L. 852-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Expérimentation d’une technique d’interception des communications satellitaires

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article définit le cadre de mise en œuvre d’une technique expérimentale de captation des communications satellitaires sur le territoire national.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Outre un amendement rédactionnel des rapporteurs, la Commission a adopté un amendement des rapporteurs tendant à préciser que seuls les services de renseignement du premier cercle ([11]) et certains services du second cercle, désignés, à raison des missions qu’ils exercent, par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNCTR, pourront utiliser cette technique d’interception.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements identiques présentés par les rapporteurs et la commission des affaires étrangères et de la défense afin de restreindre le recours à cette technique aux seuls services de renseignement du premier cercle.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté un amendement des rapporteurs afin de rétablir la possibilité ouverte à certains services de renseignement du second cercle désignés, à raison des missions qu’ils exercent, par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNCTR, à recourir à cette technique.

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Article 13
(art. L. 851-3 du code de la sécurité intérieure)
Renforcement de l’encadrement de la mise en œuvre des algorithmes et extension de leur champ aux URL

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise, d’une part, à renforcer l’encadrement de la mise en œuvre des algorithmes régie par l’article L. 851-3 dont l’application a été pérennisée par l’article 12 du projet de loi adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le S              énat et d’autre part, à étendre leur champ aux URL.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Outre deux amendements rédactionnels des rapporteurs, la Commission a adopté un amendement des rapporteurs qui prévoit la remise au Parlement au plus tard le 31 juillet 2024 d’un rapport sur l’application des dispositions prévues par l’article L. 851‑3 du code de la sécurité intérieure tel qu’il résulte des modifications apportées par le présent article.

Lors de l’examen en séance publique, l’Assemblée nationale a également adopté un amendement rédactionnel de Mme Aude Bono-Vandorme (LaREM).

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs afin de prévoir que l’extension des algorithmes aux URL s’effectue à titre expérimental, jusqu’au 31 juillet 2025.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

Considérant la nécessité de garantir la pérennité de l’extension envisagée, la commission a rétabli la rédaction du présent article adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en supprimant le caractère expérimental de l’extension des algorithmes aux URL introduit par le Sénat.

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Article 15
(art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004)
Modification du régime de conservation des données de connexion

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à tirer les conséquences de la décision rendue par le Conseil d’État le 21 avril 2021 French Data Network et autres s’agissant des règles applicables aux opérateurs de communications, fournisseurs d’accès et hébergeurs en matière de conservation des données de connexion.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

À l’initiative des rapporteurs, cinq amendements de nature rédactionnelle et de coordination ont été adoptés lors de l’examen en commission et en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

Outre un amendement de nature rédactionnelle et de coordination des rapporteurs adopté lors de l’examen en commission, le Sénat a adopté deux amendements identiques des rapporteurs et du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain suivant l’avis favorable du Gouvernement afin d’étendre le champ de la procédure d’injonction de conservation rapide des données à des fins de délinquance grave ([12]).

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

Outre trois amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission a également adopté un amendement des rapporteurs afin de simplifier et de clarifier l’application de la procédure de conservation rapide des données.

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Article 16
(art. L. 821-1, L. 821-5, L. 821-7, L. 833-9, L. 851-2, L. 851-3, L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code de la sécurité intérieure)
Procédure de contrôle préalable à la mise en œuvre des techniques de renseignement sur le territoire national

Adopté par la commission sans modification

L’article 16 renforce le contrôle préalable de la CNCTR pour l’ensemble des techniques de renseignement sur le territoire national en conférant un effet contraignant à ses avis, tout en ménageant une exception en cas d’urgence.

Ainsi, lorsqu’une autorisation a été délivrée après avis défavorable de la CNCTR, le Conseil d’État est immédiatement saisi par le président de cette commission ou par l’un de ses membres originaires du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Il statue dans un délai de 24 heures. La décision d’autorisation ne peut être exécutée tant que le Conseil d’État n’a pas rendu sa décision. Toutefois, lorsque l’urgence est dûment justifiée, et si le Premier ministre en a ordonné la mise en œuvre immédiate, la décision d’autorisation peut être exécutée sans attendre celle du Conseil d’État.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

La commission des Lois a modifié à la marge cet article, en ne votant qu’un amendement rédactionnel des rapporteurs. Il n’a pas fait l’objet d’amendements en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

L’article 16 n’a fait l’objet d’aucun amendement en commission des Lois. En revanche, par un amendement du groupe Socialiste, écologiste et républicain, le Sénat a souhaité prévoir que le Conseil d’État puisse annuler l’autorisation délivrée par le Premier ministre et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés lorsque l’urgence n’est finalement pas caractérisée.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 16 bis
(art. L. 853-3 du code de la sécurité intérieure)
Simplification de la procédure de maintenance et de retrait des dispositifs installés dans des domiciles

Adopté par la commission avec modifications

L’article 16 bis modifie l’article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure afin de simplifier la procédure de maintenance et de retrait des dispositifs installés dans des lieux d’habitation ou lorsqu’ils concernent une technique de recueil de données informatiques.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

L’article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que l’introduction d’agents des services de renseignement dans un lieu d’habitation afin d’y installer, utiliser ou retirer certains dispositifs de surveillance ([13]) fait l’objet d’une autorisation du Premier ministre, rendue après avis de la CNCTR en formation collégiale ([14]).

Introduit par trois amendements identiques des rapporteurs, du groupe Agir ensemble ainsi que de M. Jacques, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, l’article 16 bis prévoit que cet avis pourra être rendu par le Président de la CNCTR ou par l’un des quatre de ses membres issus du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Cet article n’a pas été modifié en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

Par un amendement des rapporteurs, la commission des Lois a inscrit dans l’article une obligation d’information de la formation plénière de la CNCTR pour tout avis rendu relatif à une opération de maintenance ou de retrait des dispositifs placés dans des lieux d’habitation.

Aucun amendement n’a été adopté en séance publique.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel des rapporteurs.

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Article 17
(art. L. 706-105-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Communication d’information par les services judiciaires aux services de l’État exerçant des missions en matière de sécurité et de défense des systèmes d’informations et aux services de renseignement

 Adopté par la commission avec modifications

L’article 17 permet la communication, par le procureur de la République de Paris ou par le juge d’instruction, d’informations issues de procédures judiciaires en matière de lutte contre la cybercriminalité et la criminalité organisée d’une très grande complexité ([15]). Ces éléments peuvent être transmis, soit aux services de l’État exerçant des missions de sécurité et de défense des systèmes d’information (cybercriminalité), soit aux services de renseignement du premier cercle (criminalité organisée). Les destinataires de ces informations sont tenus au secret professionnel.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Cet article a fait l’objet de quatre amendements rédactionnels des rapporteurs en commission des Lois et n’a pas été amendé en séance publique.

2.   La position du Sénat en première lecture

Lors de l’examen du texte en commission, un amendement rédactionnel des sénateurs du groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants a été voté. La disposition n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article avec un amendement rédactionnel des rapporteurs.

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Article 17 bis
(art. 6 nonies de l’ordonnance n° 58-110)
Renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement

 Adopté par la commission avec modifications

L’article 17 bis modifie l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 ([16]) relatif à la délégation parlementaire au renseignement afin d’en accroître les pouvoirs :

– il complète les missions de la délégation en prévoyant qu’elle assure un suivi des enjeux d’actualité en matière de renseignement ;

– il la rend destinataire, chaque semestre, de la liste des rapports de l’inspection des services de renseignement et des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement relevant de leur compétence, produits au cours du semestre, et prévoit qu’elle peut solliciter communication au Premier ministre de ces documents ou de tout autre document, information ou élément d’appréciation nécessaires à l’accomplissement de sa mission, dans la limite du besoin d’en connaître ;

– il étend la liste des personnes pouvant être entendues par la délégation en y intégrant celles exerçant des fonctions de direction au sein des services de renseignement ;

– enfin, il prévoit que le coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme peut présenter chaque année à la délégation le plan national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Introduit par deux amendements identiques cosignés par les quatre membres de la délégation parlementaire au renseignement pour l’Assemblée nationale ([17]) et par M. Jacques, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, l’article 17 bis a fait l’objet d’un amendement de M. Éric Pauget et des membres du groupe Les Républicains en séance publique complétant les missions de la délégation, celle-ci étant désormais chargée de suivre les défis futurs en matière de renseignement.

2.   La position du Sénat en première lecture

Par deux amendements identiques des rapporteurs et de M. Olivier Cigolotti au nom de la commission des affaires étrangères, le Sénat a modifié cet article en commission des Lois afin de préciser que les recommandations et observations faites par la délégation au Président de la République et au Premier ministre sont ne sont pas « transmises » au président de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais seulement « présentées », afin de garantir le secret de la défense nationale.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article avec deux amendements rédactionnels des rapporteurs.

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Article 17 ter A (nouveau)
(Article 154 de la loi n° 2001‑1275 du 28 décembre 2001)
Présentation du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux aux présidents et rapporteurs généraux des commissions chargées des finances et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat

Adopté par la commission sans modification

L’article 17 ter A modifie l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 afin d’y inscrire que le rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux n’est plus remis, mais est présenté aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat. Les exemplaires de ce rapport demeureront cependant à la disposition de ces autorités si elles en font la demande.

1.   Une disposition instaurée par le Sénat en première lecture

Créée par l’article 154 de la loi de finances pour 2002, la commission de vérification des fonds spéciaux est aujourd’hui composée de deux députés et deux sénateurs membres de la délégation parlementaire au renseignement ([18]). Elle est chargée du contrôle des fonds utilisés par les services de renseignement dans le cadre d’opérations secrètes échappant par nature aux règles de transparence imposées aux crédits budgétaires.

La commission rédige chaque année un rapport relatif à l’utilisation de ces fonds, qu’elle transmet aux autres membres de la délégation au renseignement. Le président de cette délégation remet ensuite ce rapport aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’article 17 ter A prévoit que ce rapport n’est plus transmis, mais présenté. Cette modification se justifie par l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1271 du 2 décembre 2019 relatif aux modalités de classification et de protection du secret de la défense nationale, qui a substitué un système à deux niveaux de classification au système antérieur à trois niveaux, supprimant ainsi le niveau « confidentiel-défense ». Ainsi, les rapports de la commission de vérification des fonds spéciaux seront désormais classifiés au niveau « secret-défense », ce qui impose des conditions de diffusion plus strictes ([19]).

Introduit en commission des Lois du Sénat par deux amendements identiques des rapporteurs et de M. Olivier Cigolotti au nom de la commission des affaires étrangères, l’article 17 ter A n’a pas fait l’objet de modifications en séance publique.

2.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article sans modification.

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Chapitre IV

Dispositions relatives aux archives intéressant la défense nationale

Article 19
(art. L. 212-3 du code du patrimoine)
Accès aux archives publiques

Adopté par la commission sans modification

L’article 19 modifie l’article L. 213-2 du code du patrimoine afin d’y inscrire un principe de déclassification automatique des documents intéressant la défense nationale à l’échéance du délai de cinquante ans prévu au même article, tout en autorisant le prolongement de ce délai pour certains de ces documents dont il dresse une liste exhaustive ([20]).

1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Outre cinq amendements rédactionnels des rapporteurs, la Commission a adopté cinq amendements identiques ([21]) précisant que les documents pouvant faire l’objet d’une exception au droit de communication sont uniquement ceux pour lesquels cette publication porterait atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée.

En séance publique, l’Assemblée nationale a procédé à plusieurs modifications de cet article :

– par un amendement des rapporteurs, sous-amendé par les groupes La République en Marche, Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés et Agir ensemble, elle a précisé que les restrictions de communication des documents des services de renseignement du second cercle ne concernent pas l’ensemble de ces services, mais uniquement ceux inscrits sur une liste établie par un décret en Conseil d’État, en tenant compte des missions de ces services ;

– par trois amendements identiques des rapporteurs, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et de M. Villani, l’Assemblée nationale a inscrit à l’alinéa 15 que les documents ne faisant plus l’objet d’une classification sont également concernés par la clause dérogatoire prévue par le présent alinéa, qui prévoit que les dispositions de l’article 19 ne s’appliquent pas aux documents n’ayant pas fait l’objet d’une mesure de classification et pour lesquels le délai de 50 ans prévu avant leur libre communication a expiré avant l’entrée en vigueur de l’article ;

– par sept amendements identiques des rapporteurs, des groupes La République en Marche, Agir ensemble, Socialistes et apparentés et de la Gauche démocrate et républicaine, de M. Fuchs et de Mme Cariou, elle a également complété cette clause dérogatoire afin d’exclure du dispositif de l’article 19 l’ensemble des documents ayant fait l’objet d’une ouverture anticipée de fonds d’archives publiques.

2.   La position du Sénat en première lecture

La commission des Lois du Sénat a apporté trois modifications à l’article 19 :

– par un amendement des rapporteurs, la commission a restreint la protection des documents relatifs aux procédures opérationnelles et aux capacités techniques des services de renseignement à ceux qui révèlent une nouvelle information. Les documents visés doivent ainsi révéler des procédures opérationnelles et capacités techniques, et non plus seulement les concerner ;

– par quatre amendements identiques de Mmes Benbassa, Delattre et Morin-Desailly et de M. Sueur, elle a souhaité inscrire que seuls les services de renseignement de second cercle qui exercent une mission de renseignement à titre principal sont susceptibles de bénéficier de l’allongement exceptionnel des délais de non-communicabilité des documents révélant leurs procédures opérationnelles, la liste de ces services étant précisée par décret ; 

– enfin, par un amendement de M. Ouzoulias au nom de la commission des affaires culturelles, la commission des Lois a créé un nouvel article L. 213-3-1 au sein du code du patrimoine posant pour oblig              ation, à l’endroit des services d’archives, d’informer les usagers par tout moyen approprié des délais de communicabilité des archives qu’ils conservent et de la faculté de demander un accès anticipé à ces archives.

Seul un amendement rédactionnel des rapporteurs a été adopté en séance publique.

3.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission a adopté cet article sans modification.

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   Compte rendu des dÉbats

Lors de sa réunion du lundi 12 juillet 2021, la Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement  (n° 4301) (MM. Raphaël Gauvain et Loïc Kervran, rapporteurs).

Lien vidéo : http://assnat.fr/jEqKr8

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, la commission mixte paritaire (CMP) de vendredi dernier s’étant conclue défavorablement en raison d’une différence d’appréciation sur le suivi des sortants de prison ayant été condamnés pour des faits de terrorisme. Dix-sept articles ont néanmoins été adoptés conformes par le Sénat ; il n’en reste donc que dix-neuf en discussion. Une cinquantaine d’amendements ont été déposés, essentiellement par les rapporteurs.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Nous nous sommes en effet concertés très longuement avec nos collègues sénateurs pour essayer d’aboutir à une position commune, malheureusement sans succès. La CMP a échoué sur l’articulation entre l’article 3 et l’article 5. Sénateurs et députés visent pourtant le même objectif : nous sommes tous persuadés qu’il est nécessaire de définir un cadre législatif beaucoup plus strict pour résoudre le problème des personnes qui sortent de prison après avoir été condamnées pour actes de terrorisme – aujourd’hui, elles ne font pas l’objet d’un accompagnement ou d’un suivi spécifique.

Nous divergeons, en revanche, sur le système à adopter. L’Assemblée nationale, suivant en cela ce que proposait le Gouvernement dans le projet de loi initial, avait opté pour des mesures administratives plus contraignantes en augmentant de douze à vingt-quatre mois la durée des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) et ouvrant en parallèle la possibilité de saisir le juge judiciaire pour faire de la réinsertion. Le Sénat souhaitait, quant à lui, établir la prééminence du juge judiciaire pour les mesures de suivi comme pour celles de réinsertion. Nous ne pouvions trouver un compromis sur ce point : il fallait trancher ; à défaut, le risque constitutionnel eût été trop grand. Les sénateurs n’ont pas cédé, et c’est pourquoi le texte revient devant notre assemblée. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant essentiellement à rétablir l’équilibre que nous avions trouvé en première lecture, la volonté d’affirmer la prééminence de l’action administrative et des MICAS étant partagée par plusieurs groupes d’opposition, qui la considèrent comme plus efficace.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Cette nouvelle lecture pourrait donner à un observateur non averti l’impression qu’il existe un profond désaccord entre les deux chambres sur le contenu du projet de loi. Or, du moins pour ce qui concerne les dispositions relatives au renseignement et les articles 7 à 29, les divergences, peu nombreuses, étaient tout à fait surmontables. Ma collègue Agnès Canayer et moi étions d’ailleurs parvenus à un accord sur l’ensemble de ces articles. Cette convergence de vues s’inscrit dans le droit fil de l’adoption à une très large majorité du projet de loi en première lecture par l’Assemblée nationale, ce texte ayant reçu le soutien d’un large spectre politique, s’étendant du groupe Socialistes et apparentés au groupe Les Républicains. Elle est aussi bien dans l’esprit des travaux de la délégation parlementaire au renseignement, organisme bicaméral et transpartisan auquel j’appartiens et qui, sur ces sujets, met un point d’honneur à bannir tout comportement politicien. Elle est enfin conforme à l’esprit de responsabilité qui anime les parlementaires de tous bancs lorsqu’il s’agit de protéger notre nation et nos concitoyens.

C’est dans ce même esprit que je vous propose d’aborder cette nouvelle lecture. Dans bien des cas, je vous proposerai de conserver les améliorations que le Sénat a apportées. Il en sera ainsi, à l’article 8, de l’ouverture d’une possibilité de recherche et développement sur la base de données issues des techniques de renseignement ; de même à l’article 19 portant sur les archives intéressant la défense nationale. Parce qu’il faut d’un mal faire un bien, je profiterai aussi de cette opportunité qui nous est offerte de nous pencher à nouveau sur le texte pour vous proposer de rétablir le caractère pérenne et non expérimental des algorithmes, d’apporter un certain nombre de corrections de forme sur certains articles et, s’agissant de la transmission d’informations par des autorités administratives à des services de renseignement, de nous conformer à une décision récente du Conseil constitutionnel.

La représentation nationale s’honore de remettre régulièrement l’ouvrage sur le métier en matière de lutte contre le terrorisme et de renseignement, afin de mieux protéger les Français et de nous adapter sans relâche aux évolutions des technologies, du droit et des menaces. Je ne doute pas que la proximité de notre fête nationale contribuera à créer un esprit de concorde pour que nous puissions mettre la touche finale à ce texte si important pour notre pays et pour nos concitoyens.

M. Pacôme Rupin. Nous sommes tous ici conscients, je crois, de l’importance de ce texte qui doit donner à la France des outils pour lutter contre le terrorisme. L’objectif du groupe La République en Marche, pour cette nouvelle lecture, est de rétablir certains des dispositifs que nous avions adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale tout en conservant les apports du Sénat que nous jugerons bénéfiques – les deux rapporteurs ont souligné la volonté de travail en commun des deux chambres sur cette question.

Si la CMP n’a pas été conclusive, c’est en raison de la divergence qui est apparue entre les sénateurs et nous sur les MICAS. Nous avions décidé qu’à titre dérogatoire et dans des cas très particuliers, la durée maximale de celles-ci pourrait être portée de douze à vingt-quatre mois, afin de surveiller des individus sortis de prison et condamnés pour terrorisme, à l’issue de renouvellements n’excédant pas trois mois et soumis à justification. Le Sénat a supprimé cette possibilité. Nous souhaitons la rétablir.

M. Philippe Latombe. Depuis 2017, nous avons accompli de grandes avancées en matière de sécurité. Elles nous ont permis de renforcer notre arsenal de lutte contre le terrorisme, quitte à adapter certaines dispositions – ce que nous n’aurions pas envisagé dans d’autres circonstances. Nous avons toujours fait preuve de pragmatisme pour adapter le droit à la réalité des menaces qui pèsent sur nos concitoyens.

C’est dans ce même esprit de réalisme que nous avions adopté en première lecture le texte que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture. Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés se réjouit que nous ayons pu trouver de nombreux points d’accord avec nos collègues sénateurs. Nous avons ainsi pu aboutir à un consensus sur la pérennisation de nombreuses mesures en expérimentation depuis la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, et qui ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité, puisqu’elles ont contribué à déjouer près de trente-six attentats depuis 2017. De surcroît, la bonne application qu’en ont fait les services de l’État a confirmé leur caractère proportionné. Elles n’ont que rarement fait l’objet de recours en justice et très peu ont été sanctionnées.

Au cours de l’examen du texte, des divergences sont cependant apparues avec le Sénat. Celui-ci a tenu à supprimer le prolongement de la durée des MICAS pour les sortants de prison condamnés pour terrorisme, et cela afin d’assurer la constitutionnalité du dispositif – je rappelle, à cet égard, que le groupe Dem avait déposé en première lecture un amendement visant à améliorer la rédaction du projet de loi en créant une nouvelle catégorie de mesures de sûreté afin de préserver la constitutionnalité du dispositif. Les objectifs de la mesure sont néanmoins clairs et se fondent sur des éléments de nature à caractériser l’importance de la menace. De plus, la durée maximale de douze mois constitue un obstacle à la mise en œuvre d’un suivi efficace des profils les plus dangereux. Aussi voulons-nous croire en la capacité du Gouvernement à défendre ses dispositions si elles venaient à être contestées devant le Conseil constitutionnel.

Nous soutiendrons également l’amendement visant à rétablir la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée, la nouvelle version comportant, selon nous, un risque d’inconstitutionnalité beaucoup trop grand et étant en contradiction avec le nouveau régime des MICAS que nous souhaitons voir adopter.

Je ne doute pas que, malgré les désaccords constatés en CMP, nous saurons adopter un texte équilibré, prenant aussi en compte certaines remarques des sénateurs. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés n’a pas souhaité déposer d’amendement et votera pour le texte tel que nous le proposeront les rapporteurs.

Mme Marietta Karamanli. La pérennisation des dispositifs de la loi SILT de 2017, adoptés à titre expérimental, privera le Parlement de la possibilité d’évaluer régulièrement leur utilisation afin de décider souverainement de les maintenir ou de les supprimer.

Nous sommes favorables aux mesures de surveillance administrative, mais elles sont suffisamment attentatoires aux libertés fondamentales pour demeurer expérimentales, afin de ne les maintenir qu’autant que nécessaire. En CMP, l’introduction d’une mesure de réinsertion sociale antiterroriste, destinée à surmonter la censure du Conseil constitutionnel relative aux mesures de sûreté, a été évoquée. Selon nous, elle soulève des questions.

En outre, de nombreuses dispositions nouvelles, comme l’échange de données entre services, la recherche sur les algorithmes ou l’interception satellitaire présentent de sérieuses difficultés eu égard au respect des droits fondamentaux.

En CMP, nous avons également échangé avec le rapporteur sur l’article 19. Nous souhaitons des avancées, à la suite de ce qu’ont proposé nos collègues du Sénat. Nous y serons attentifs.

Enfin, nous regrettons que les questions soulevées par des juristes, des professionnels de plusieurs organisations nationales et internationales ou par le Conseil constitutionnel ne soient pas prises en compte dans la rédaction actuelle du texte. Nos amendements viseront à l’améliorer, en commission comme en séance.

M. Vincent Ledoux. Toute amélioration du droit et des moyens dévolus à la lutte contre le terrorisme constitue un surcroît de protection pour nos concitoyens. Il n’y a pas de liberté possible et durable sans sécurité et sûreté maximales. La menace terroriste est grande, à la mesure des déséquilibres que connaît le monde et qui déstabilisent les démocraties. Le groupe Agir ensemble soutient toutes les mesures qui vont dans le sens de cette lutte.

Plus de quatre-vingts amendements ont été adoptés. L’un en particulier, issu du travail des trois groupes de la majorité, permettra l’aggravation des peines encourues en cas de violation des obligations des mesures de sûreté que crée l’article 5. La peine sera la même que celle encourue en cas de violation d’une MICAS – non plus un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, mais trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Notre groupe se réjouit aussi de l’introduction par voie d’amendement, à l’Assemblée nationale, de l’article 17 bis, qui permet d’élargir les missions et les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, laquelle accomplit un travail fondamental pour notre démocratie.

Les rapporteurs l’ont rappelé, il perdure des points de désaccord entre les deux chambres, qui portent principalement, aux articles 3 et 5, sur les modalités de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sortant de détention. Nos deux assemblées s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’assurer un suivi effectif de ces personnes. C’est sur la façon de procéder que le bât blesse.

À l’article 3, pour ce qui concerne la pérennisation des MICAS ainsi que la possibilité d’étendre leur durée maximale d’un an à deux ans, un amendement des rapporteurs visera à conserver les modifications apportées par le Sénat, s’agissant, d’une part, de la précision relative à la justification de domicile, et, d’autre part, de la prise en compte de la vie familiale de la personne, dans le cadre de l’interdiction de se trouver en relation, directe ou indirecte, avec certaines personnes nommément désignées.

L’amendement rétablira aussi la possibilité, supprimée par le Sénat, d’étendre la durée maximale des MICAS à vingt-quatre mois pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour les infractions à caractère terroriste. Notre groupe soutiendra l’amendement, car cette mesure éprouvée, efficace, peut être prise de manière rapide et sous le contrôle du juge administratif.

Le Sénat proposait de limiter la durée de la surveillance administrative à un an, tout en renforçant les dispositifs de la mesure de sûreté introduite à l’article 5. Mme la présidente l’a rappelé en CMP, nous ne pouvons souscrire à la rédaction de l’article 5 telle que proposée par le Sénat, car elle implique des mesures de surveillance judiciaire beaucoup trop contraignantes, plus nombreuses que celles votées et censurées en 2020. Si le doute est autorisé quant à la censure de la durée de deux ans pour les MICAS, il semble qu’il n’en existe aucun s’agissant de la rédaction de l’article 5 proposée par les sénateurs.

C’est pourquoi nous voterons l’amendement de rétablissement de l’article 5 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui instaure une nouvelle mesure de sûreté, dont l’objectif est de prévenir la récidive et de garantir la réinsertion des personnes condamnées pour certains actes de terrorisme. L’équilibre est difficile, mais il peut être trouvé. Je ne doute pas que nous y parvenions ensemble, car la sagesse réside dans cette noble assemblée.

Chapitre Ier

Dispositions renforçant la prévention d’actes de terrorisme

Article 1er bis (art. L. 226-1 du code de la sécurité intérieure) : Renforcement de l’encadrement des périmètres de protection

Amendement CL31 des rapporteurs.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Il vise à rétablir la rédaction de l’article 1er bis, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale s’agissant des périmètres de protection et de leur renouvellement. L’arrêté ne peut être renouvelé qu’une fois pour les lieux ; pour les événements, les sénateurs avaient également proposé un renouvellement unique. Nous proposons de le supprimer, et de rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er bis ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 227-1 et L. 227-2 du code de la sécurité intérieure) : Extension de la fermeture des lieux de culte à leurs locaux dépendants

Amendements identiques CL32 des rapporteurs et CL22 de M. Fabien Matras, et amendement CL21 de M. Fabien Matras (discussion commune).

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. L’amendement CL32 vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture s’agissant des locaux dépendants des lieux de culte.

M. Fabien Matras. La précision apportée par le Sénat ne semble pas pertinente, en ce qu’elle limite la portée de l’article.

L’amendement CL21 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 228-2, L. 228-4, L. 228-5 et L. 228-6 du code de la sécurité intérieure) : Ajustements du régime des MICAS

Amendement CL33 rectifié des rapporteurs.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. L’amendement rétablit la possibilité, supprimée par le Sénat, d’étendre la durée maximale des MICAS à vingt-quatre mois. Il conserve des précisions rédactionnelles que le Sénat avait apportées.

Mme Marietta Karamanli. J’avais deux amendements à suivre, qui tomberont du fait de l’adoption de celui-ci. Le premier visait à renforcer les garanties prévues par la loi dans les cas où une mesure d’interdiction de se déplacer dans certains lieux serait prononcée. Par ailleurs, s’agissant de la vie familiale et professionnelle, le mot « respecter », choisi par les sénateurs, semble préférable. Le second tendait à maintenir les principes fondamentaux de notre État de droit, et de ne pas prolonger les MICAS au-delà de douze mois.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Article 4 bis

La commission maintient la suppression de l’article 4 bis.

Article 5 (art. 706-25-16, 706-25-17, 706-25-18, 706-25-19, 706-25-20, 706-25-21 et 706-25-22 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

Amendement de suppression CL24 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. L’article 5 reprend les dispositions de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, que le Conseil constitutionnel a censurées dans sa décision du 7 août 2020. Nous l’avons indiqué lors de la première lecture, instaurer une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste ne nous convient pas. La suppression de l’article est justifiée par notre souci que les dispositions ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales. Elles ne peuvent pallier le manque de moyens matériels et humains qui ont été évoqués à plusieurs reprises lors de l’examen du texte.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Le texte voté en première lecture vise à donner un cadre juridique aux sortants de prison. Il s’appuie sur deux jambes : l’article 3, qui permet d’appliquer rapidement les mesures de suivi des sortants de prison, et l’article 5 qui prévoit une intervention judiciaire, pour offrir un suivi socio-judiciaire aux personnes qui sortent de prison. Vous auriez pu nous suivre sur ce point.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL34 des rapporteurs.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le Sénat avait introduit une mesure judiciaire comportant des obligations relatives aussi bien au suivi qu’à la réinsertion des sortants de prison. L’amendement rétablit la rédaction de l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL13, CL14, CL15 et CL16 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Article 6 (art. L. 3211-12-7 [nouveau] du code de la santé publique) : Droit de communication aux préfets et aux services de renseignement des informations relatives aux soins psychiatriques sans consentement

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL35 des rapporteurs.

Elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

Article 6 bis (art. L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure) : Enrichissement du contenu du rapport annuel sur l’application des mesures administratives visant à lutter contre le terrorisme

La commission adopte l’article 6 bis non modifié.

Chapitre II

Dispositions relatives au renseignement

Article 7 (art. L. 822-3, L. 822-4, L. 833-2, L. 854-6, L. 854-9, L. 833-6, L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, art. L. 135 S du livre des procédures fiscales, art. 48 et 49 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) : Transmission de renseignements entre services et communication d’informations aux services de renseignement

Amendement CL25 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. La disposition est certes utile, mais elle confère aux autorités administratives le pouvoir d’évaluer ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement des missions de services de renseignement. Cela laisse songeur : la probabilité est grande de voir des autorités administratives communiquer trop largement, au risque de déborder les services destinataires. Pour cette raison, nous proposons d’ajouter à l’alinéa 8 les mots « à la condition que ces renseignements relèvent des intérêts fondamentaux de la Nation », afin de circonscrire le dispositif.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà eu cet échange, à la fois en commission et en séance. L’amendement est satisfait par l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure. Par ailleurs, je proposerai une nouvelle rédaction de l’article 7, qui prend en compte la décision du Conseil constitutionnel sur les échanges entre autorités administratives et services de renseignement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL50, CL51 et CL52 des rapporteurs.

Amendement CL56 des rapporteurs.

M. Loïc Kervran, rapporteur. L’amendement renforce et sécurise le dispositif sur le plan constitutionnel pour ce qui concerne les échanges avec les administrations, tirant les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2021 (n° 2021-924 QPC). Il supprime la possibilité pour les autorités administratives de transmettre des informations aux services de renseignement à leur seule initiative, hormis dans le cadre d’un partenariat ou en application d’une instruction ou d’une circulaire de politique publique. L’amendement encadre également la transmission des données dites sensibles, en excluant la possibilité de transmettre des données génétiques. Il renforce aussi l’exigence de traçabilité pour ces transmissions.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. L. 822-2 et L. 822-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Allongement de la durée de conservation des renseignements à des fins de recherche et de développement

Amendement de suppression CL26 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. L’article prévoit la conservation de données pour des travaux de recherche et développement. En dépit des garanties prévues, il est toujours impossible de garantir un cloisonnement parfait des données informatiques, lesquelles peuvent toujours faire l’objet d’un piratage. Une telle expérimentation est donc susceptible de donner lieu à des détournements. Pour rappel, la Cour européenne des droits de l’homme considère que « le simple fait de mémoriser des données relatives à la vie privée d’un individu constitue une ingérence au sens de l’article 8 […] » de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Avis défavorable. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer à quel point cet article était important d’un point de vue opérationnel, dans la mesure où il va renforcer l’efficience des services, du point de vue des libertés publiques, étant donné que l’on pourra mieux isoler les données personnelles intéressant réellement les services, et du point de vue de la construction de la souveraineté française, puisque nous pourrons développer nos propres outils sans avoir recours à des achats à l’étranger.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL28 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à  expérimenter l’article 8 pour une durée de deux ans.

M. Loïc Kervran, rapporteur. La souveraineté ne s’expérimente pas.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 8 non modifié.

Article 10 (art. L. 871-3, L. 871-6 et L. 871-7 du code de la sécurité intérieure) : Élargissement du champ de réquisition des opérateurs de communications

La commission adopte l’article 10 non modifié.

Article 11 (art. L. 822-2 et L. 852-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Expérimentation d’une technique d’interception des communications satellitaires

Amendement CL36 du rapporteur.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Il rétablit la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement et l’article 11 est ainsi rédigé.

Article 13 (art. L. 851-3 du code de la sécurité intérieure) : Renforcement de l’encadrement de la mise en œuvre des algorithmes et extension de leur champ aux URL

Amendement CL37 du rapporteur.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Il s’agit également de revenir à la rédaction initiale.

La commission adopte l’amendement et l’article 13 est ainsi rédigé.

Article 15 (art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) : Modification du régime de conservation des données de connexion

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL38 du rapporteur.

Amendement CL55 du rapporteur.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Le Sénat a créé deux régimes distincts d’accès aux données de connexion, ce qui était une source potentielle de confusion et d’illisibilité du dispositif. Nous proposons de ne garder qu’une seule procédure et de rétablir le champ d’application de la procédure d’injonction de conservation rapide à l’ensemble des données de connexion.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL39 et CL40 du rapporteur.

La commission adopte l’article 15 modifié.

Article 16 (art. L. 821-1, L. 821-5, L. 821-7, L. 833-9, L. 851-2, L. 851-3, L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code de la sécurité intérieure) : Procédure de contrôle préalable à la mise en œuvre des techniques de renseignement sur le territoire national

Amendements CL29 et CL30 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Ces deux amendements visent à renforcer les garanties prévues en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État. Il nous semble impératif qu’une autorité indépendante permette à l’autorité politique d’utiliser de telles techniques de collecte de données.

M. Loïc Kervran, rapporteur. Avis défavorable. La Cour de justice de l’Union européenne prévoit déjà une procédure d’urgence. Quant à la conformité de l’avis d’une autorité indépendante, le texte prévoit que le Premier ministre ne pourra plus mettre en œuvre une technique de renseignement, après un avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), à moins de passer par une procédure devant le Conseil d’État.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 16 non modifié.

Article 16 bis

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL41 du rapporteur.

Elle adopte l’article 16 bis ainsi modifié.

Article 17

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL42 du rapporteur.

Elle adopte l’article 17 ainsi modifié.

Article 17 bis

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL43 et CL44 du rapporteur.

Elle adopte l’article 17 bis modifié.

Article 17 ter A

La commission adopte l’article 17 ter A non modifié.

Article 19

Amendements CL48 et CL47 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. L’amendement CL48 vise à remplacer les alinéas 5 à 10. L’article supprime l’obligation de déclassification des archives classées « secret défense » de plus de cinquante ans et organise dans le même temps un allongement inédit des délais de communication de certaines archives publiques, au motif mensonger de la nécessaire articulation du code du patrimoine avec le code pénal. Ce qui était présenté comme un équilibre a été remis en cause par le Conseil d’État dans son arrêt du 2 juillet 2021, qui a déclaré illégale et annulé la procédure de déclassification des archives « secret défense » de plus de cinquante ans. La loi du 15 juillet 2008 relative aux archives nous semblait suffisamment équilibrée. Cet amendement, qui a été défendu par les sénateurs, devrait retenir toute votre attention.

L’amendement CL47, de repli, vise à préserver l’accès aux archives publiques, en s’appuyant sur le travail des sénateurs et la direction du service interministériel des archives de France, qui affirme que les catégories prévues aux huitième et neuvième alinéas de l’article 19 « ne visent pas les documents faisant état du renseignement recueilli par ces services, mais bien uniquement ceux qui décrivent les méthodes permettant ce recueil, dès lors qu’elles n’auraient pas été révélées et qu’elles seraient toujours opérationnelles ».

Cette précision est très importante, mais elle procède, en l’état actuel du texte, d’une interprétation quelque peu audacieuse de ces deux alinéas : il paraît difficile de penser que les documents qui « révèlent les procédures opérationnelles » se réduisent en réalité aux documents qui « décrivent les méthodes » de ces procédures. C’est pourquoi nous suggérons d’inscrire dans le texte les termes exacts de l’interprétation proposée par le service interministériel des archives de France.

M. Loïc Kervran, rapporteur. L’article 19 est celui que nous avons le plus amendé depuis le début de l’examen. Nous l’avons aussi beaucoup précisé. Je considère que nous avons atteint un équilibre – nous étions d’ailleurs d’accord avec le Sénat sur cette rédaction. Cette loi sur les archives est une loi de progrès qui lève une réelle ambiguïté. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 19 non modifié.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (n° 4301), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


([1])              17 articles ont été adoptés sans modification par le Sénat le 30 juin dernier.

([2])              Le premier alinéa de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieur prévoit que des périmètres de protection peuvent être institués afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation.

([3])              Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, paragraphe 33.

([4])              Il s’agit des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes.

([5])              Conformément à la préconisation émise par le rapport de Mme Yaël Braun-Pivet et MM. Raphaël Gauvain et Eric Ciotti sur la mise en œuvre des articles 1er à 4 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, décembre 2020.

([6])              Articles L. 421-1 à L. 421-6 du code pénal.

([7])              Suivre une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté ; exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; interdire de se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ; communiquer au service pénitentiaire d’insertion et de probation les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d’existence et de l’exécution de ses obligations ; répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation ; astreindre à établir sa résidence en un lieu déterminé.

([8])              Cons., const., décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020. Le paragraphe 19 de cette décision relève que « les renouvellements de la mesure de sûreté peuvent être décidés aux mêmes conditions que la décision initiale, sans qu’il soit exigé que la dangerosité de la personne soit corroborée par des éléments nouveaux ou complémentaires. » 

([9])              Il s’agit plus précisément des mesures prises par le Gouvernement concernant les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les MICAS et les visites et saisies prévus par les chapitres VI à IX du titre II du code de la sécurité intérieure, consacré à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. 

([10])              Cons. const., décision n° 2021-924 QPC.

([11])              Il s’agit de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), de la direction du renseignement militaire (DRM), de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), du service à compétence nationale dénommé « direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières » (DNDRED) et du service à compétence nationale dénommé « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (TRACFIN).

([12])              La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne visait que les seules fins de prévention et de répression de la criminalité grave.

([13])              Il s’agit des dispositifs suivants : balisage, captation de paroles et d’images, recueil et captation de données informatiques.  

([14])              La CNCTR peut siéger en deux formations collégiales : la formation plénière, qui comprend tous les membres de la commission, ou la formation restreinte, qui comprend les deux membres du Conseil d’État, les deux magistrats de la Cour de cassation et la personnalité qualifiée.

([15])              Sont concernés le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains, les infractions relatives aux armes et produits explosifs ainsi que le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger.

([16])              Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

([17])              Mmes François Dumas et Yaël Braun-Pivet, MM. Loïc Kervran et Claude de Ganay.

([18])              La commission est actuellement présidée par votre rapporteur, M. Loïc Kervran, et compte parmi ses autres membres Mme Agnès Canayer (sénatrice) et MM. Yannick Vaugrenard (sénateur) et Claude de Ganay (député).

([19]) Ces conditions sont détaillées dans l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale (« IGI 1300 »).

([20])              Il s’agit, dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, et sous réserve que leur communication  porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée, des documents relatifs :

 – aux caractéristiques techniques des installations militaires, des installations et ouvrages nucléaires civils, des barrages hydrauliques de grande hauteur, des locaux des missions diplomatiques et consulaires françaises et des installations utilisées pour la détention des personnes, jusqu’à la date, constatée par un acte publié, de fin de l’affectation à ces usages de ces infrastructures ou d’infrastructures présentant des caractéristiques similaires ;

– à la conception technique et aux procédures d’emploi de certains types de matériels de guerre et matériels assimilés désignés par un arrêté du ministre de la défense révisé chaque année, jusqu’à la fin de leur emploi ;

– aux procédures opérationnelles et aux capacités techniques des services de renseignement du premier cercle et du second cercle au regard de leurs missions, par décret en Conseil d’État, jusqu’à la date de la perte de leur valeur opérationnelle ;

– à l’organisation, la mise en œuvre et la protection des moyens de la dissuasion nucléaire, jusqu’à la date de la perte de leur valeur opérationnelle.

([21])              Le premier était proposé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le second par M. Gouffier-Cha, le troisième par Mme Forteza, le quatrième par le groupe Socialistes et apparentés et le dernier par M. Villani, Mmes Cariou, Bagarry et Gaillot et MM. Julien-Laferrière, Orphelin et Taché.