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N° 4500

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap,

 

 

Par M. Aurélien PRADIÉ,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 4423.

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

commentaire des articles

Article 1er Accès aux aides humaines prises en charge au titre de la prestation de compensation du handicap pour de nouveaux besoins

Article 2 Élargissement des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap

Article 3 Obligation de recevoir le demandeur en cas de refus d’attribution de la prestation de compensation du handicap

Article 4 Suppression de la majoration du plafond de cumul de l’allocation aux adultes handicapés et de la rémunération garantie en établissement et service d’aide par le travail lorsque le bénéficiaire est en couple

Article 5 Suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés et de la majoration de son plafonnement

Article 6 Article de coordination

Article 7 Maintien transitoire des modalités de calcul actuelles de l’allocation aux adultes handicapés

Article 8 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

annexe N° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

annexe N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR LORS D’UN DÉPLACEMENT

Annexe  3 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi


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Avant-propos

« Le handicap fait partie de la vie. Pourtant, à l’aube du vingt-et-unième siècle, cette réalité n’est toujours pas pleinement acceptée. [...] Notre ambition, c’est de faire progresser le respect des fragilités qui constituent l’essence et la richesse mêmes de l’humanité. C’est de rendre la Cité plus hospitalière. De dépasser la charité pour entrer, enfin, sur le terrain des droits égaux pour tous. »

Ce message, prononcé le 20 mai 2005 par le Président de la République Jacques Chirac à l’occasion des premiers États généraux du handicap, reflète l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ([1]). Il témoigne de la volonté très forte de faire de la défense des droits des personnes en situation de handicap un objectif majeur du quinquennat et de la cohésion républicaine.

Trente ans après la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées ([2]), le législateur avait souhaité, avec la loi du 11 février 2005, redéfinir la politique du handicap et faire de cette question une problématique non plus individuelle, mais collective. Parmi les principales avancées de ce texte, figure une nouvelle définition du handicap, intégrant toutes les formes de déficience (physique, mentale, sensorielle et cognitive) ; la reconnaissance d’un droit à la compensation des conséquences du handicap ainsi que d’un droit d’accès à tous les droits fondamentaux reconnus aux citoyens ; la mise en place, enfin, d’une nouvelle gouvernance, associant les personnes handicapées et leurs représentants.

Si la loi de 2005 a constitué un progrès majeur pour les personnes handicapées, leurs familles et pour les valeurs de la République, beaucoup reste à faire pour améliorer leur situation et assurer le respect de leurs droits.

La non prise en compte des handicaps psychiques, mentaux et cognitifs dans le dispositif de la prestation de compensation du handicap (PCH) est un sujet important et légitime de préoccupation. L’inadéquation des critères d’éligibilité à la prestation aux personnes vivant une altération de leurs fonctions mentales, psychiques ou cognitives et plus globalement, l’absence de prise en compte de leurs besoins spécifiques, conduisent à leur nier le droit à la compensation auxquels ils ont pourtant droit selon le code de l’action sociale et des familles. Cette injustice est considérable et doit être corrigée sans plus attendre.

Le mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), créée par la loi du 30 juin 1975 dans l’objectif de permettre un minimum de ressources aux personnes en situation de handicap est également particulièrement problématique. Fondé sur le foyer, ce mode de calcul entrave l’autonomie et la dignité des bénéficiaires, en les maintenant dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint. La déconjugalisation de l’AAH, revendication historique de l’ensemble des associations représentant les personnes en situation de handicap, a été portée par nos collègues Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), Yannick Favennec-Bécot (UDI et Indépendants) et Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine), ainsi que par le sénateur Philippe Moullier (Les Républicains), rapporteurs de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale ([3]) au Parlement. Cette proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre d’un vote rassemblant l’ensemble des groupes à l’exception de la majorité présidentielle, a néanmoins été vidée de son contenu par le Gouvernement lors de son examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le 17 juin 2021.

Seize ans plus tard, il nous faut rappeler les fondements de la loi du 11 février 2005 et avant elle, de celle du 30 juin 1975, dont les principes ne sont pas respectés, et nous assurer du respect de l’ensemble des droits qui y sont consacrés. C’est l’ambition de cette proposition de loi, qui garantit le droit à la compensation à toutes les personnes, quel que soit leur type de handicap et met fin à la prise en compte injustifiable des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH et ses modalités de plafonnement.

Aussi longtemps que demeure cette injustice, la Représentation nationale a le devoir de la corriger sans relâche et sans faiblir. La dignité et l’autonomie réelle des citoyens en situation de handicap sont un sujet majeur et prioritaire. Sur un tel enjeu de société et de justice sociale, les positions partisanes n’ont pas leur place. Le rassemblement et le courage de corriger ce qui doit l’être sont un impératif. Nous sommes à quelques mois du terme de notre mandature, ce texte est l’ultime possibilité de répondre à l’attente de plusieurs millions de nos concitoyens et de leurs familles. C’est le sens de cette proposition de loi et des mesures qu’elle comporte.

I.   Garantir L’ACCÈS À LA prestation de compensation du handicap aux personnes en situation de handicap Psychique, mental ou cognitif

A.   Un droit À la compensation au cœur du modÈle social français du handicap

● Introduit par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ([4]), le droit à la compensation des conséquences du handicap a été véritablement consacré par la loi du 11 février 2005 qui en a défini les contours. Ce droit à la compensation, qui relève de la solidarité nationale, est venu se substituer à l’approche de la réadaptation qui prévalait jusqu’alors, et repose sur l’idée que le handicap est une problématique collective et non seulement individuelle.

L’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles dispose ainsi que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie ». La compensation a pour objectif de permettre à la personne de faire face aux conséquences du handicap dans la vie quotidienne, en milieu ordinaire ou adapté.

Les besoins de la personne en situation de handicap sont évalués par une équipe pluridisciplinaire issue des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), chargée d’établir un plan personnalisé de compensation, devant être construit en association avec les personnes. La prestation de compensation du handicap (PCH), qui permet de prendre en charge des dépenses d’aide humaine, technique, d’aménagement du logement ou du véhicule, ou encore des aides animalières, constitue l’outil principal du droit à la compensation.

● La PCH tient une place singulière au sein des aides sociales à destination des personnes en situation de handicap. À la différence de l’AAH, il s’agit en effet d’une prestation individualisée et attribuée quasiment sans conditions de ressources. Fin 2018, le nombre de bénéficiaires de la PCH s’établissait à 314 900 et si l’on y ajoute le nombre de bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), ancêtre de la PCH, il atteint 373 110 ([5]). Les dépenses brutes de PCH et d’ACTP s’établissaient à 2,4 milliards d’euros en 2018.

B.   Un droit dont les personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou mental sont injustement privÉes

Selon le code de l’action sociale et des familles, le droit à la compensation des conséquences du handicap est reconnu à toute personne handicapée. Un des apports essentiels de la loi du 21 février 2005 a été de proposer une définition du handicap intégrant pour la première fois les différentes formes de déficience
– physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques – reconnues.

Définition du handicap selon l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles

Constitue ainsi un handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Or, on observe aujourd’hui un déficit majeur d’accès à la PCH et notamment à son volet « aide humaine » pour les personnes présentant des altérations de fonctions psychiques, mentales ou cognitives. Ajoutées à la prise en compte insatisfaisante des besoins spécifiques de ces personnes par la PCH, ces difficultés d’accès à la prestation sont contraires à l’intention du législateur en 2005 de faire du droit à la compensation un droit universel.

1.   Des critères d’éligibilité à la PCH inadaptés aux personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif

Un grand nombre de personnes en situation de handicap lié à une altération des fonctions mentales, cognitives ou psychiques ne peuvent pas bénéficier de la PCH et notamment de son volet « aide humaine ». S’il n’existe pas aujourd’hui, de données officielles sur le nombre de personnes porteuses de ce handicap à qui cette prestation est refusée, les remontées du terrain qui émanent des représentants associatifs, des usagers, des familles, des partenaires du secteur sanitaire, médico-social attestent que la PCH n’est quasiment jamais accordée à ces personnes. Selon le baromètre des aidants de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) publié en 2020, seules 7 % des personnes handicapées psychiques adultes ont accès à cette prestation.

● Cette situation s’explique par le fait que la PCH est attribuée en fonction de critères de handicap très restrictifs, qui excluent les handicaps psychiques, mentaux et cognitifs. En effet, selon l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles, qui constitue le référentiel d’accès à la PCH, seules sont éligibles à la PCH, les personnes ayant une difficulté absolue ou deux difficultés graves à réaliser quatre actes dits d’entretien personnel (toilette, alimentation, élimination, habillage) et/ou se mettant continuellement en danger à la suite de graves troubles du comportement.

Ces critères excluent par définition les personnes souffrant de handicap psychique, mental ou cognitif, relativement autonomes dans les actes d’entretien personnel et ne se mettant pas en danger quotidiennement. Lors de leur audition, les associations représentant les personnes en situation de handicap ont insisté sur le fait que les personnes porteuses de ce type de handicap parviennent généralement à effectuer ces actes essentiels de la vie quotidienne mais ne sont pas autonomes pour d’autres actions indispensables, comme se rendre chez le médecin ou prendre les transports en commun. Les personnes en situation de handicap rencontrées à l’occasion du déplacement du rapporteur à la maison départementale pour personnes handicapées (MDPH) de la Seine-et-Marne ont aussi décrit la problématique des handicaps dits « invisibles » comme les troubles cognitifs, particulièrement invalidants pour les personnes concernées mais rarement considérés comme donnant droit au volet « aides humaines » de la PCH.

Ces restrictions sont contraires à la loi du 11 février 2005 et à la volonté continue du législateur de n’exclure aucune forme de handicap. Elles relèvent seulement de critères établis par voie réglementaire. Chacun conviendra que la pratique réglementaire ne peut venir dénaturer la volonté législative.

 

Extrait du rapport pour la fin d’une discrimination dans l’accès à la prestation de compensation du handicap ([6]) : l’exemple de Fabienne

Dans le rapport, est évoqué le cas de Fabienne, âgée de 42 ans, en situation de handicap intellectuel, qui est autonome dans la plupart des actes de la vie quotidienne et ne bénéficie donc pas de la PCH. Elle a pourtant un besoin d’assistance important : par exemple, elle se trouve en grande difficulté si elle rencontre un imprévu sur son trajet (par exemple un retard de bus). Elle nécessite par ailleurs un véritable accompagnement à l’autonomie et à la vie sociale pour ne pas s’isoler et mettre en danger sa santé.

● Au-delà de la capacité à réaliser certains actes, l’attribution de la PCH repose également sur une évaluation du niveau de difficulté rencontré par les personnes : l’annexe 2-5 parle ainsi de difficultés « graves » ou « absolues ». Or, ces termes sont particulièrement inadaptés pour caractériser les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif, pour lesquelles le niveau de difficulté à réaliser certains actes ne peut pas toujours être objectivé.

Le flou quant aux critères d’accès à la PCH et en particulier à son volet « aide humaine » pour les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif engendre des divergences d’interprétation de l’annexe 2-5 selon les MDPH, conduisant à d’intolérables inégalités selon les territoires. C’est à la loi de garantir un cadre uniforme et égal pour tous.

2.   Des besoins non couverts par la prestation de compensation de handicap

Au caractère particulièrement restrictif des critères d’éligibilité à la PCH, s’ajoute une inadéquation des modalités de mise en œuvre de la prestation aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif.

En effet, ainsi que le rappelle le rapport du docteur Denis Leguay publié en juillet 2021 ([7]) (voir infra), les personnes connaissant une altération des fonctions mentales, psychiques ou cognitives nécessitent « une stimulation, une veille, une assistance ainsi qu’un accompagnement en soutien à l’autonomie » qui ne sont aujourd’hui pas prévus dans le cadre de la PCH. En effet, les modalités d’aide humaine reconnues dans le cadre de la PCH sont aujourd’hui centrées sur l’aide à la réalisation des actes d’entretien personnel et à la surveillance en cas de mise en danger du fait de troubles graves du comportement.

Mission confiée au docteur Denis Leguay, psychiatre et président de Santé mentale France, par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et le ministre des solidarités et de la santé

Cette mission, menée en collaboration avec de nombreuses associations représentant les personnes en situation de handicap, a été confiée au docteur Leguay le 13 mars 2020 et devait répondre à deux objectifs :

1. Proposer des solutions visant à améliorer l’accès à la PCH des personnes présentant des altérations de fonctions mentales, cognitives ou psychiques et spécialement à son élément « aide humaine ».

2. Proposer des adaptations des modalités de mise en œuvre de cette PCH pour mieux prendre en compte les besoins d’accompagnement de ces personnes en mettant à contribution l’ensemble des prestations et dispositifs existants.

La mission, qui a rendu ses conclusions le 28 juillet 2021, propose trois grandes modifications de l’annexe 2-5 :

-          l’introduction de trois nouveaux critères d’éligibilité dans le chapitre I : « Prendre soin de sa santé », « Effectuer les tâches uniques ou multiples de la vie quotidienne », « Gérer le stress et gérer son comportement, faire face à l’imprévu, à une crise, à la nouveauté ; »

-          l’introduction de la notion « d’assistance » à côté de la notion de « surveillance », comme modalité de réponse pour compenser les situations de handicap grâce à un accompagnement en soutien à l’autonomie ;

-          l’érection de tous les critères d’éligibilité à la PCH en critères d’éligibilité PCH/AAH pour casser le goulet d’étranglement de l’accès aux aides humaines qui se limitent actuellement aux activités liées à l’entretien personnel et au déplacement dans le logement.

Ces lacunes ont d’ailleurs été identifiées par le Gouvernement lui-même, alors que la lettre de mission adressée le 13 mars 2020 par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et le ministre des solidarités et de la santé au docteur Leguay relevait que « s’agissant du handicap psychique, des troubles du spectre autistique et plus largement des TND ([8]), il apparaît que l’absence de prise en compte des besoins de surveillance, de relance et guidance verbale, de stimulation et d’aide à la compréhension, ainsi que des besoins dans l’organisation de la vie sociale constitue un frein à l’accès à la prestation et contribue à un manque d’équité ».

3.   Une procédure d’attribution de moins en moins centrée sur la personne

Aux difficultés d’accès à la PCH et à l’inadaptation de cette prestation aux situations des personnes porteuses d’un handicap psychique, mental ou cognitif, s’ajoute une procédure d’évaluation et d’attribution de la prestation relevant de plus en plus d’une approche médicale et non sociale.

Les associations représentant les personnes en situation de handicap ont ainsi alerté le rapporteur sur le fait que les personnes ne sont plus qu’anecdotiquement entendues dans les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) pour défendre leurs projets de vie et leurs choix en matière de lieu de vie, d’accompagnement et de matériel. Dans sa contribution écrite transmise au rapporteur, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) déclare ainsi « la CNCDH a noté, par les rapports qui lui ont été faits par les associations, que le projet initial a perdu de son essence dans les rouages bureaucratiques de la gestion du handicap ».

C.   Des ConsÉquences dramatiques pour les personnes souffrant de ce type de handicap et leurs proches

● Les difficultés d’accès à la PCH des personnes en situation de handicap lié à des altérations des fonctions mentales, cognitives ou psychiques entravent considérablement leur capacité à accéder à l’autonomie, à s’intégrer dans la société et à mener une vie affective et familiale.

D’une part, l’accès à la PCH « aide humaine », qui sert notamment à rémunérer les auxiliaires de vie des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), constitue souvent un prérequis pour accéder aux habitats partagés ou à un logement individuel et s’y maintenir. En effet, nombre de personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou mental ne peuvent gérer adéquatement une vie isolée à domicile. Comme le souligne le rapport précité du docteur Denis Leguay, « les personnes affectées par ces troubles pourraient souvent vivre de manière autonome, mais le manque d’offre, d’assistance, de guidance, de veille et de sollicitude leur interdit bien souvent de sortir des institutions sanitaires ou médico-sociales qui les hébergent ».

D’autre part, l’aide humaine à la parentalité, dont peuvent bénéficier les personnes en situation de handicap depuis le 1er janvier 2021, est conditionnée à l’éligibilité à la PCH « aide humaine », ce qui exclut par définition les personnes en situation de handicap psychique, cognitif et mental. Cette disposition crée une inégalité intolérable entre les personnes selon leur type de handicap et entretient une situation dans laquelle nombre d’entre elles préfèrent renoncer à la parentalité.

● Dans ce contexte d’éloignement des personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif des dispositifs de compensation, ce sont les proches qui assurent les fonctions d’assistance et d’accompagnement dans les activités de la vie quotidienne. Or, ces missions constituent souvent une charge importante pour l’entourage, notamment pour les personnes âgées ou devant continuer de travailler. Pour l’ensemble des acteurs entendus dans le cadre des auditions, cette situation est à l’origine d’un épuisement et de risques psychiques courants chez les aidants familiaux.

Témoignage d’une mère de 77 ans au sujet des conséquences du rejet de la PCH pour son fils et pour elle-même :

« Conséquences du rejet pour mon fils : n’ayant pas d’hygiène de vie, la non-assistance a des conséquences sur sa santé : sa nourriture n’est pas équilibrée, son logement se transforme en taudis (vaisselle sale, non-gestion du frigidaire, linge sale, ménage non assuré, appartement non aéré etc.) En conséquence je me rends toutes les semaines à son domicile pour assurer un minimum d’hygiène au niveau de son appartement et de ses vêtements. J’ai bientôt 77 ans et cela devient fatigant pour moi et je pense que je ne pourrai pas assumer tout cela dans quelques années. »

Témoignage recueilli par l’UNAPEI et transmis dans la réponse au questionnaire du rapporteur.

● Enfin, cette absence d’assistance et d’accompagnement des personnes souffrant d’altération des fonctions psychiques, mentales ou cognitives génère de l’isolement et entretient voire même aggrave dans certains cas leurs pathologies. À l’inverse, les exemples d’accès aux aides humaines régulières ont confirmé leur contribution essentielle à l’amélioration de la vie des personnes, permise notamment par la stimulation quotidienne et la participation à la vie sociale.

D.   Une RÉforme indispensable de la prestation de compensation du handicap

1.   Une promesse non tenue

● L’inadéquation de la PCH à la spécificité des handicaps psychiques, cognitifs et mentaux est avérée depuis longtemps. Il s’agit pourtant d’un dévoiement de l’intention initiale du législateur de garantir un droit universel à la compensation, sans distinction quant à la nature du handicap.

● La réforme de la PCH et son adaptation aux personnes connaissant une altération des fonctions psychiques, cognitives ou mentales ont fait l’objet de promesses renouvelées depuis plusieurs années, et notamment depuis le début de ce quinquennat.

Faisant notamment suite aux conclusions du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’évolution de la PCH publié en novembre 2016 ([9]), le Gouvernement s’était engagé lors du Comité interministériel du handicap de décembre 2016 à améliorer cette prestation et à l’adapter à la spécificité du handicap psychique. La mesure 6.2 de ce comité vise ainsi à « prendre en compte les besoins liés au handicap psychique, cognitif ou mental dans les critères d’éligibilité à la PCH » et prévoit la création d’un groupe de travail dont l’objectif est « d’améliorer les critères d’accès à la PCH pour le handicap psychique, cognitif ou mental, afin de clarifier dans tous les textes et outils les modalités de prise en compte des besoins de stimulation ou de compréhension, et d’envisager la modification de l’annexe 2-5 du CASF » ([10]).

En 2017, l’engagement a été pris devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ([11]) de poursuivre les travaux pour mettre en œuvre les mesures du Comité interministériel du handicap (CIH), réviser l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles et le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (Geva), support de la démarche d’évaluation réalisée par les MDPH ([12]), afin que les altérations des fonctions mentales, cognitives, psychiques soient réellement prises en compte dans les textes réglementaires.

Particulièrement décevant, le décret du 2 mai 2017 modifiant le référentiel d’accès à la PCH ([13]) n’a pas modifié les critères d’éligibilité à la prestation, ni les critères d’éligibilité à son volet « aide humaine ». De même, malgré les préconisations en ce sens, le décret n’a pas ajouté la notion d’assistance aux modalités de l’aide humaine.

Le 11 février 2020, à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a lancé les travaux pour une « adaptation effective de la prestation de compensation du handicap au handicap psychique et aux troubles du neuro-développement. » Dans ce contexte, une mission a été confiée au docteur Denis Leguay en mars 2020 (voir supra) qui a formulé plusieurs recommandations et a même établi une proposition de modification de l’annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles.

Ces promesses successives ont suscité une grande attente de la part des personnes en situation de handicap et leurs proches. L’annonce par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées de la mise en place de nouvelles expérimentations, par définition partielles et limitées, comme réponse aux conclusions du rapport Leguay, montre que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de l’urgence d’agir sur cette problématique.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

La présente proposition de loi a ainsi pour objet de garantir le droit à la compensation des conséquences du handicap aux personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou mental, conformément à l’esprit de la loi du 11 février 2005. Il est essentiel de redonner à la loi l’autorité qui est la sienne en réaffirmant les grands principes de la politique française du handicap définis en 2005 et auxquels le pouvoir réglementaire doit se conformer. La proposition de loi ambitionne aussi de fournir un cadre légal préalable à la modification de l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles, telle que recommandée notamment par le rapport du docteur Leguay.

L’article 1er de la proposition de loi vise à adapter les modalités de l’aide humaine de la PCH aux besoins spécifiques de ces personnes en affirmant que cette aide peut être affectée à des missions de surveillance et d’assistance, de soutien à l’autonomie globale et de participation à la vie sociale et citoyenne.

L’article 2 de la proposition de loi vise à élargir les critères d’accès à la PCH, et notamment au volet « aide humaine », aux personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif. Il prévoit en effet que cet accès est possible en cas d’altération des capacités, quelles qu’elles soient, et revient sur la nécessité de constater une difficulté « absolue », impropre à qualifier la situation des personnes dont le handicap n’est pas physique ou sensoriel.

Ces dispositions permettront d’adapter la PCH, outil principal du droit à la compensation, aux avancées de la recherche sur le handicap psychique, cognitif ou mental, dont la compréhension s’est substantiellement renforcée depuis la loi de 2005. Le fait de préciser, dans le code de la santé publique, la portée des critères d’éligibilité et des besoins couverts par la PCH permettra en outre de mettre fin aux fortes différences d’appréciation constatées selon les territoires.

L’article 3 de la proposition de loi vise enfin à humaniser la procédure d’attribution de la PCH, en prévoyant qu’un refus ne peut être opposé à la personne sans qu’elle ait été reçue par l’organisme à qui revient cette décision.

II.   reconnaÎtre enfin aux bÉnÉficiaires de l’allocation aux adultes handicapÉs une vÉritable autonomie

Les nombreuses difficultés posées par la prise en compte des revenus du conjoint dans le mode de calcul et de plafonnement de l’AAH font l’objet d’une large littérature. Il est néanmoins indispensable de rappeler les conséquences délétères de ce dispositif pour les personnes en situation de handicap, dans un contexte où la France est de plus en plus sommée de respecter ses engagements en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A.   Un mode de calcul qui contrevient À l’autonomie et À la dignitÉ des personnes

● Créée par la loi du 30 juin 1975, l’AAH est aujourd’hui versée à 1,2 million de personnes, ce qui représente une dépense d’environ 11 milliards d’euros pour le budget de l’État et fait de cette allocation la deuxième prestation de solidarité en France. L’AAH est versée par les MDPH et ouverte aux personnes handicapées de vingt ans ou plus résidant en France si leur taux d’incapacité est au moins égal à 80 % – on parle alors d’AAH dite « 1 » – ou entre 50 et 79 % mais assorti d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi » – on parle alors d’« AAH 2 ».

L’AAH a été créée dans l’objectif de garantir aux personnes en situation de handicap un niveau de ressources minimum leur permettant de subvenir à leurs besoins. Selon les mots de René Lenoir, lorsqu’il défendait en 1974 la mise en place de l’AAH devant l’Assemblée nationale, « la dignité de tout homme dépend de son degré d’autonomie, et l’autonomie suppose des ressources suffisantes ».

Pour rappel le montant de l’AAH est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de son conjoint, lesquels ne doivent pas dépasser un certain plafond. Or, ce plafond est déterminé en prenant en compte la situation familiale du bénéficiaire.

● Ce mode de calcul fondé sur le foyer constitue une entrave majeure à la reconnaissance d’une véritable autonomie pour les personnes en situation de handicap potentiellement bénéficiaires de cette allocation. Ces modalités d’attribution entretiennent une dépendance financière au conjoint difficile à vivre, les personnes en situation de handicap décrivant souvent le sentiment de devoir « quémander » pour tous les actes de la vie quotidienne, comme sortir boire un verre ou aller au cinéma. Le mode de calcul actuel, privant les personnes de ressources personnelles, favorise par ailleurs souvent chez elles un sentiment d’inutilité, une perte d’estime de soi et de dignité.

● La prise en compte des revenus du conjoint dans le mode de calcul et de plafonnement de l’AAH génère en outre des situations à la fois absurdes et inacceptables, où les personnes renoncent au couple ou préfèrent se cacher pour ne pas perdre le bénéfice de leur allocation. Il est probable que certaines personnes actives refusent par ailleurs de former un couple avec une personne en situation de handicap afin de ne pas l’avoir à charge financièrement. Les taux de célibat des personnes handicapées sont en effet bien supérieurs à ceux de la population générale : selon la direction générale de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), fin 2018, 72 % des allocataires de l’AAH vivaient seuls contre 23 % de la population âgée de 20 ans ou plus ([14]). Ce « prix de l’amour » est dénoncé de longue date par de nombreuses associations.

Dans ses modalités actuelles, l’AAH a par ailleurs des répercussions importantes sur la vie familiale des personnes en général. Elle crée en effet un risque de pauvreté supplémentaire pour les couples qui ne peuvent pas cumuler de revenus. Comme l’a rappelé la CNCDH, la pauvreté affecte également les enfants présents au foyer et entraîne des renoncements familiaux, comme le fait de devoir renoncer aux vacances, réduire le chauffage ou sauter des repas.

● Les modalités de calcul actuelles de l’AAH peuvent par ailleurs s’avérer dramatiques dans le cas de femmes victimes de violences de la part de leur conjoint. En effet, la situation de dépendance dans laquelle elles se trouvent favorise l’installation de relations d’emprise et peut constituer une désincitation à la séparation. Dans la mesure où elles ne disposent pas de ressources propres, il est en effet d’autant plus difficile pour ces femmes de s’extraire de situations d’abus. Or, il est avéré que les femmes en situation de handicap sont particulièrement sujettes aux violences conjugales, physiques ou sexuelles. Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 34 % des femmes en situation de handicap subissent ce type de violences, contre 19 % dans la population générale.

Le rapporteur souhaite alerter sur cette situation particulièrement préoccupante des femmes handicapées victimes de violence. En effet, comme l’a indiqué la CNCDH dans sa contribution écrite « L’enchâssement de dépendances matérielles, humaines et financières dans lequel se trouvent certaines des femmes bénéficiaires de l’AAH privées de leur allocation du fait des revenus de leur conjoint favorise les phénomènes d’emprise et constitue un terreau fertile à la violence conjugale [...] Il y a urgence sur ce point et on ne peut se contenter de dispositifs expérimentaux dans quelques départements qui interviennent trop tard, après que les violences ont été commises, alors que la déconjugalisation de l’AAH est une mesure préventive simple et disponible. »

B.   Un mode de calcul injustifiÉ, contraire aux engagements de la France en matiÈre de protection des droits de l’homme et des libertÉs fondamentales

1.   Une confusion sur la nature de la prestation

Certes, l’AAH constitue une aide de solidarité financière différentielle dégressive et financée par l’État, à l’instar d’autres minima sociaux comme le revenu de solidarité active (RSA). Il n’est pourtant pas possible de considérer cette prestation comme un « minima social comme les autres ».

L’AAH a en effet une vocation spécifique : ce sont les conséquences des déficiences et incapacités de la personne qui justifient l’accès à cette allocation et sa vulnérabilité sociale. À la différence du RSA, qui constitue un soutien ponctuel pour une personne en capacité de travailler, l’AAH entend répondre à la singularité du handicap et en particulier, à l’éloignement durable voire irréversible de l’emploi qu’il implique. La plupart des personnes bénéficiant de l’AAH se trouvent en effet souvent dans une situation pérenne, sans perspective d’amélioration : selon l’APF France handicap ([15]), 85 % des bénéficiaires renouvellent leur demande d’AAH.

La singularité de l’AAH a d’ailleurs été réaffirmée par le Président de la République lui-même qui a écarté cette allocation du chantier relatif à la mise en place d’un revenu universel d’activité (RUA) lors de la Conférence nationale du handicap de février 2020.

Il faut enfin rappeler que l’AAH est prévue par le code de la sécurité sociale et non celui de l’action sociale et des familles, et que son contentieux relève des juridictions de la sécurité sociale, et non de celles de l’aide sociale.

2.   Une violation des engagements de la France en matière de droits humains

Le maintien d’un mode de calcul fondé sur le foyer pour la principale allocation à destination des personnes en situation de handicap constitue une entrave aux engagements de la France en matière de droits de l’homme et libertés fondamentales qu’il n’est plus possible de tolérer.

La Défenseure des droits a été amenée à se prononcer plusieurs fois sur la question de la conjugalisation de l’AAH, notamment dans le cadre de son rapport sur la mise en œuvre de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) ratifiée par la France en 2010, où elle dénonce les freins à une vie de couple liés aux conditions d’attribution de l’AAH. Selon la Défenseure des droits, ce mode de calcul « pénalise les personnes handicapées qui souhaitent fonder une famille et va à l’encontre de l’article 23 de la convention » ([16]).

Ce constat est également celui de la CNCDH, autorité administrative indépendante qui assure auprès du Gouvernement et du Parlement, un rôle de conseil et de protection en matière de droits humains et alerte sur le fait que les droits à la dignité, à l’autonomie, à la liberté de faire ses propres choix, à la protection et à l’aide de l’État, tels qu’ils sont définis par la CIDPH, ne sont pas effectifs pour un nombre important de personnes en situation de handicap en France.

Cette situation est d’ailleurs problématique au regard des relations diplomatiques de la France et entrave la crédibilité de cette dernière dans son rôle de défense des droits humains. Lors des auditions de la France par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU du 18 au 23 août 2021, dans le cadre de l’examen du rapport de la France relatif à la mise en œuvre de la CIDPH, les experts ont dénoncé la conjugalisation de l’AAH. Dans ses observations finales, le Comité a souligné sa vive inquiétude face au mode de calcul de l’allocation et souligné les conséquences dramatiques qu’il pouvait comporter, notamment pour les femmes handicapées. Le Comité a enjoint la France à se mettre en conformité avec ses engagements en instaurant la déconjugalisation.

C.   une occasion À ne pas manquer

1.   Une attente très forte de la part des personnes en situation de handicap

La très forte mobilisation autour de la déconjugalisation de l’AAH témoigne de la nécessité d’une telle réforme, que défendent légitimement les associations de personnes en situation de handicap depuis longtemps.

Avant d’être portée par nos collègues Jeanine Dubié, Yannick Favennec‑Bécot et Stéphane Peu, cette mesure avait été proposée en 2018 par la sénatrice Laurence Cohen (Groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste) ([17]), puis en 2019 par la députée Marie‑George Buffet (groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ([18]), suscitant de nombreux espoirs chez les personnes handicapées et leurs proches. Le rapporteur tient à saluer la solidité de leur travail et de leurs propositions.

Dans le cadre de l’examen au Parlement de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, une pétition en faveur de la déconjugalisation publiée sur le site du Sénat, avait pour la première fois rassemblé plus de 100 000 signatures, chiffre jamais atteint pour ce type de pétitions. De nombreux rassemblements, dont le dernier a eu lieu le 16 septembre 2021, ont par ailleurs été organisés pour sensibiliser les pouvoirs publics à l’urgence de cette réforme.

La déconjugalisation de l’AAH mobilise bien au-delà des associations de personnes en situation de handicap et constitue aujourd’hui un véritable enjeu de société. L’importance de cette question dans le combat pour l’autonomie des personnes handicapées a notamment amené un collectif de chercheurs et d’universitaires à interpeller les décideurs politiques dans une tribune publiée en février 2021 dans le journal Le Monde ([19]). Les auteurs de cette tribune déplorent que le mode de calcul de l’AAH « produise des effets inverses à ceux souhaités par les dispositifs de protection sociale qui ne visent pas à l’entretien de la dépendance et à l’enfermement dans la pauvreté » et rappellent que la déconjugalisation de cette allocation constitue « le meilleur moyen de faire coïncider les intentions politiques – inlassablement répétées par tout le monde : favoriser l’autonomie des personnes handicapées – avec le fonctionnement réel des instruments de politique sociale mis en place ».

2.   Les dispositions de la proposition de loi

La présente proposition de loi vise à rendre effectif le droit à l’autonomie des personnes en situation de handicap en revenant sur la conjugalisation de l’AAH.

Les articles 4 à 6 permettent d’individualiser l’AAH en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul et le plafonnement de l’AAH. La déconjugalisation de l’AAH constitue une mesure de justice sociale qui ne posera aucune difficulté de mise en œuvre et ne demandera pas d’ajustements ultérieurs de règles de cumul, contrairement au mécanisme d’abattement prévu par le Gouvernement pour contourner le mécanisme de déconjugalisation ([20]). Elle comporte également l’avantage de faciliter la compréhension et l’estimation par les personnes handicapées de leur allocation, qui pose aujourd’hui particulièrement difficulté.

Afin d’éviter que la réforme ne fasse des perdants, l’article 7 de la proposition de loi reprend le mécanisme de « droit d’option » introduit par le Sénat à l’occasion de l’examen en première lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Ce dispositif permet aux bénéficiaires de l’AAH de continuer de bénéficier de l’AAH selon les modalités de calcul applicables aujourd’hui, durant une période de dix ans.


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   commentaire des articles

Article 1er
Accès aux aides humaines prises en charge au titre de la prestation de compensation du handicap pour de nouveaux besoins

Supprimé par la commission

Cet article vise à compléter le champ d’intervention des aides humaines prises en charge au titre de la compensation du handicap, en prévoyant trois nouveaux domaines : la surveillance et l’assistance, le soutien à l’autonomie globale et la participation à la vie sociale et citoyenne. L’objectif est de mieux répondre aux besoins des personnes vivant avec des altérations de fonctions mentales, psychiques et cognitives.

I.   le droit en vigueur

A.   La pch : outil principal du droit À la compensation

La prestation de compensation du handicap, créée par la loi du 11 février 2005, fait l’objet des articles L. 245-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF). Elle constitue l’outil principal du droit à la compensation du handicap, consacré à l’article L. 114-1-1 du CASF.

Les besoins de la personne en situation de handicap sont évalués par une équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), chargée d’établir un plan personnalisé de compensation. La PCH fait partie des réponses apportées au besoin de compensation, si la personne en situation de handicap remplit les critères d’éligibilité permettant à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), instance décisionnelle de la MDPH, de lui accorder cette aide. Elle prend la forme d’une aide financière destinée à rembourser les dépenses liées à la perte d’autonomie.

La PCH est financée par les départements, qui perçoivent un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Il s’agit, contrairement à l’AAH, d’une prestation individualisée, attribuée sans conditions de ressources, même si son montant varie en fonction de ces dernières ([21]).

B.   Une prestation qui peut notamment revÊtir la forme d’aides humaines

1.   Une prestation destinée à couvrir de nombreux besoins

La PCH est attribuée pour couvrir plusieurs types de besoins liés à la perte d’autonomie. Aux termes de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles, elle peut être attribuée pour couvrir cinq types de charges :

– les charges liées à un besoin d’aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux. Le décret du 31 décembre 2020 relatif à l’amélioration de la prestation de compensation du handicap ([22]) a introduit l’aide humaine à la parentalité, c’est-à-dire la possibilité de rémunérer un intervenant pour aider les personnes en situation de handicap dans les actes quotidiens pour élever leur enfant ;

La PCH parentalité

Introduite par le décret du 31 décembre 2020, la PCH parentalité se compose de deux aides :

-          l’aide humaine à la parentalité, qui permet à un parent en situation de handicap de solliciter une aide humaine pour l’aider à élever son enfant (par exemple dans la réalisation d’actes techniques, comme le fait de changer son enfant en toute sécurité) ;

-          l’aide technique à la parentalité, qui permet au parent de bénéficier du matériel adapté pour l’aider à s’occuper de son enfant (par exemple, une table à langer réglable et adaptée à un fauteuil roulant).

– les charges liées à un besoin d’aides techniques, relatives à l’achat ou à la location de matériel destiné à compenser le handicap (par exemple, un fauteuil roulant). Cette aide s’adresse notamment aux frais laissés à la charge de l’assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations remboursées par la Sécurité sociale ;

– les charges liées à l’aménagement du logement et du véhicule de la personne en situation de handicap ainsi qu’à d’éventuels surcoûts résultant de son transport ;

– des charges spécifiques (dépenses prévisibles et permanentes) ou exceptionnelles (dépenses ponctuelles), liées au handicap et non prises en compte par les autres éléments de la PCH (par exemple, l’entretien d’un fauteuil roulant ou les frais de réparation d’un lit médicalisé) ;

– les charges liées à l’attribution et à l’entretien d’aides animalières.

2.   Une prise en compte insuffisante des besoins des personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif

a.   Une place prépondérante des aides humaines prises en charge au titre de la PCH

L’article L. 245-4 du code de l’action sociale et des familles dispose que les aides humaines peuvent être apportées « à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective lui impose des frais supplémentaires ».

Parmi les aides proposées, l’aide humaine est l’élément de la PCH le plus attribué, notamment car elle s’adresse à la fois aux personnes à domicile et en établissement, quel que soit leur âge. La synthèse des rapports d’activité des MDPH pour l’année 2017 ([23]), publiée en décembre 2018, indique ainsi que les aides humaines ont représenté 48,4 % des montants attribués au titre de la PCH, contre 17 % pour les aides techniques et 14,2 % pour les aides accordées pour l’aménagement du logement, du véhicule et les surcoûts liés aux frais de transport. Les charges spécifiques et exceptionnelles représentent quant à elles 20,2 % des aides attribuées tandis que les aides animalières sont les plus rares (elles représentent 0,2 % des montants accordés).

Répartition en 2017 des éléments de la PCH accordés en volume (adultes et enfants confondus) sur un échantillon de 86 départements

Source : Enquête mensuelle PCH, CNSA, 2018.

b.   Une aide inadaptée aux personnes vivant une altération de leurs capacités psychiques, cognitives et mentales

● L’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles, qui constitue le référentiel pour l’accès à la PCH, précise que les besoins d’aides humaines peuvent être reconnus dans les quatre domaines suivants :

– les actes essentiels de l’existence ;

– la surveillance régulière ;

– les frais supplémentaires liés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective ;

– l’exercice de la parentalité.

Ce même texte dispose enfin que les besoins doivent être évalués de manière personnalisée et que doivent être pris en compte les facteurs qui limitent l’activité ou la participation (déficiences, incapacités, environnement), les facteurs qui les facilitent (capacités, compétences, environnement, notamment familial, aides) ainsi que le projet de vie exprimé par la personne.

● Les besoins pris en charge au titre de l’aide humaine de la PCH sont donc particulièrement restrictifs et apparaissent inadaptés à la situation particulière des personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif. En particulier, si la notion de « surveillance » est consacrée comme faisant partie intégrante des charges prises en compte au titre de l’aide humaine, l’annexe 2-5 ne prévoit pas la possibilité d’apporter aux personnes un soutien et une assistance pour conduire les actions de la vie quotidienne, pour lesquelles elles sont « théoriquement en capacité mais pratiquement difficilement capables », selon le rapport du docteur Leguay cité supra.

II.   Le droit proposÉ

● L’article 1er de la présente proposition de loi vise à proposer des adaptations aux modalités de mise en œuvre de la PCH pour mieux prendre en compte les besoins d’accompagnement des personnes vivant une altération de leurs capacités psychiques, mentales ou cognitives.

Cet article modifie le 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles en prévoyant que les aides humaines peuvent prendre trois nouvelles formes :

– la surveillance et l’assistance ;

– le soutien à l’autonomie globale ;

– la participation à la vie sociale et citoyenne.

● Cet article vise ainsi à répondre aux besoins des personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif en prévoyant un accompagnement spécifique à l’altération de leurs capacités. Il permet de consacrer les notions d’« assistance » et de « soutien à l’autonomie globale » absentes de l’annexe 2-5 et des articles L. 245-1 à L. 245-14 du CASF comme de nouvelles modalités d’aide humaine, différentes et complémentaires à la notion de surveillance. L’article 1er de la présente proposition de loi reconnaît par ailleurs effectivement la participation à la vie sociale comme un besoin identifié et pris en charge dans le cadre des aides attribuées au titre de la PCH.

L’article 1er vise à fixer dans la loi un cadre qui s’ouvre à ces nouveaux besoins. La définition précise de leurs modalités revient au pouvoir réglementaire.

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*     *

Article 2
Élargissement des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap

 

Supprimé par la commission

L’article 2 vise à garantir l’accès des personnes vivant une altération de leurs capacités psychiques, mentales ou cognitives à la PCH en élargissant les critères d’éligibilité à la prestation.

I.   Le droit existant

A.   des critÈRES d’ÉligibilitÉ reposant principalement sur le degrÉ d’altération des capacitÉs

● La décision d’attribuer la prestation de compensation du handicap (PCH) appartient à la CDAPH et repose sur trois critères :

– la résidence : le demandeur doit résider de manière stable et régulière sur le territoire français ;

– l’âge : la demande doit être faite avant 60 ans, mais il est possible de demander la PCH sans limite d’âge après 60 ans pour les personnes qui remplissaient déjà les conditions d’attribution de la prestation avant 60 ans ou pour les personnes continuant de travailler ([24]) ;

– le degré de handicap.

● S’agissant de ce dernier critère, l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles donne compétence au pouvoir réglementaire pour fixer les conditions dans lesquelles la PCH peut être accordée.

Les critères d’accès à la PCH sont fixés par l’annexe 2-5 du CASF qui prévoit que le bénéfice de la PCH est réservé aux personnes présentant une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux des dix-neuf activités listées dans l’annexe. Est qualifiée de difficulté grave, une situation dans laquelle l’activité est réalisée « difficilement et de façon altérée par rapport à l’activité habituellement réalisée » tandis qu’une difficulté absolue renvoie à une situation dans laquelle l’activité « ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris la stimulation, par la personne elle-même ». Les difficultés doivent être définitives ou d’une durée prévisible d’au moins un an.

B.   Un accÈs restreint aux aides humaines prises en charge au titre de la Prestation de compensation du handicap

● En sus des critères d’éligibilité à la PCH, des critères d’éligibilité à l’élément « aide humaine » de la prestation, plus restrictifs, sont définis par l’annexe 2-5 du CASF.

L’accès à la PCH aide humaine est ainsi subordonné :

– à la reconnaissance d’une difficulté absolue pour la réalisation d’un des actes ou d’une difficulté grave pour la réalisation de deux des actes d’entretien personnel – la toilette, l’habillage, l’alimentation et l’élimination – et de déplacement dans le logement ;

– à défaut, à la constatation que le temps d’aide nécessaire apporté par un aidant familial pour des actes relatifs à l’entretien personnel et le déplacement dans le logement ou au titre d’un besoin de surveillance atteint 45 minutes par jour.

● Ces critères, particulièrement restrictifs, ne prennent donc pas en compte les altérations des fonctions psychiques, mentales et cognitives. En effet, ces personnes sont relativement autonomes dans les actes d’entretien personnel et ne se mettent pas en danger quotidiennement en raison de troubles du comportement.

Dans son rapport de conclusion des travaux de la mission PCH cité supra, le docteur Denis Leguay évoque en particulier trois troubles fréquents chez les personnes en situation de handicap psychique, cognitif et mental, non reconnus comme critères d’éligibilité à la PCH : les troubles des fonctions exécutives, attentionnelles et mnésiques, les troubles de la métacognition et l’extrême vulnérabilité au stress et à l’imprévu.

II.   le droit proposÉ

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à définir de nouveaux critères d’éligibilité à la PCH, et notamment à son volet « aide humaine », afin de garantir son accès aux personnes atteintes d’un handicap psychique, mental ou cognitif.

Cet article prévoit en effet que la prestation de compensation du handicap, peut être affectée « en cas d’altération des capacités, même non absolue » aux charges liées à la couverture des besoins reconnus comme ouvrant droit à une compensation. Il vise ainsi à garantir l’accès à l’ensemble des aides – humaines, techniques, liées à l’aménagement du logement et du véhicule de la personne, ainsi qu’à d’éventuels surcoûts liés au transport, à des charges spécifiques ou exceptionnelles, à des aides animalières – aux personnes souffrant d’une altération de leurs capacités, qu’elles soient physiques (handicaps moteurs, handicaps visuels ou auditifs), psychiques, mentales ou cognitives. Par conséquent, cet article élargit significativement les critères d’éligibilité au volet « aide humaine » de la PCH, qui se limite actuellement aux capacités liées à l’entretien personnel et au déplacement dans le logement, caractéristiques des handicaps moteurs.

L’article 2 dispose par ailleurs que la PCH peut être attribuée en cas d’altération des capacités même « non absolue », écartant dès lors cette notion « d’absolu » qui repose sur une quantification du degré d’altération des capacités.

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Article 3
Obligation de recevoir le demandeur en cas de refus d’attribution de la prestation de compensation du handicap

 

Supprimé par la commission

Cet article prévoit l’obligation pour la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de recevoir le demandeur en cas de refus d’attribution de la PCH.

 

I.   Le droit existant

A.   LA PROCÉdure d’attribution de la pch

1.   Une décision revenant à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées

L’article L. 245-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que la prestation de compensation du handicap est accordée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) constituée au sein de la MDPH et qu’elle est servie par le département où le demandeur a son domicile de secours ou à défaut, où il réside. Cette commission prend les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne en matière d’attribution de prestations et d’orientation. Elle décide notamment de l’attribution ou non de la PCH.

La CDAPH comprend parmi ses membres des représentants du département, des services et des établissements publics de l’État, des organismes d’assurance maladie et de prestations familiales, des organisations syndicales, des associations de parents d’élèves, des représentants des personnes handicapées et de leurs familles, ainsi qu’un membre du conseil départemental consultatif des personnes handicapées.

2.   Une décision s’appuyant sur les travaux menés par une équipe pluridisciplinaire

● L’article L. 245-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les décisions de la CDAPH s’appuient sur une évaluation des besoins de compensation du demandeur et l’établissement d’un plan personnalisé de compensation, réalisés par une équipe pluridisciplinaire de la MDPH, sur la base du projet de vie de la personne et de références définies par voie réglementaire.

Une équipe pluridisciplinaire, composée de professionnels aux compétences diverses – par exemple des médecins, psychologues, ergothérapeutes, psychologues, mais également des professionnels du travail social, de l’accompagnement scolaire et de l’insertion professionnelle ([25]) – est en effet chargée d’évaluer les besoins de la personne. Cette évaluation consiste en une collecte d’informations, dans le cadre d’un échange avec la personne en situation de handicap ou son représentant légal, parfois en des demandes d’expertises spécifiques, en des visites à domicile ou dans l’établissement d’accueil. L’équipe pluridisciplinaire s’appuie sur le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (Geva), qui constitue la référence depuis 2008 et dont le périmètre comprend l’ensemble des champs de la vie des personnes (domaines professionnel, scolaire, médical, environnemental).

À la suite de cette évaluation, et en prenant en compte le projet de vie de la personne, l’équipe pluridisciplinaire construit un plan personnalisé de compensation proposant une réponse aux différents besoins de la personne. Le plan de compensation peut s’appuyer sur un plan d’accompagnement global, qui identifie les établissements, les services ou les dispositifs correspondant aux besoins de la personne en situation de handicap.

Le plan personnalisé de compensation est ensuite transmis pour avis à la personne en situation de handicap ou à son représentant légal, qui peuvent formuler des observations dans les quinze jours, puis soumis à la CDAPH pour décision. Les décisions de la CDAPH sont motivées et précisent la durée d’ouverture des droits.

B.   UN DROIT AU RECOURS GARANTI PAR LA LOI

Aux termes de l’article L. 245-2 du CASF, les décisions relatives à l’attribution de la PCH par la CDAPH peuvent faire l’objet d’un recours contentieux de la part du demandeur. Ce recours est porté, selon le cas, devant les tribunaux de grande instance ou les tribunaux judiciaires ([26]), ou devant les tribunaux administratifs.

Avant tout recours contentieux, les décisions de la CDAPH doivent néanmoins nécessairement faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) auprès de la CDAPH dans les deux mois suivant la notification de la décision contestée. L’absence de réponse dans les deux mois vaut refus de la demande.

C.   des garanties menacÉes

La procédure d’évaluation, d’attribution et de décision de la PCH renvoie donc à des règles strictes prévues dans le code de l’action sociale et des familles.

Or, certaines règles sont aujourd’hui remises en cause dans un contexte d’augmentation très importante des demandes adressées aux MDPH. C’est le constat que dresse la Cour des comptes au sujet notamment de l’allocation aux adultes handicapés dans un rapport publié en 2019 ([27]). La Cour déplore en effet que l’obligation d’entendre la personne ou de recueillir le maximum d’informations en se rendant par exemple sur le lieu de vie est de moins en moins respectée. Elle indique que « les MDPH ont réussi à faire face à l’augmentation massive des demandes qui leur sont adressées, et à l’exigence de réduction des délais de décision. Néanmoins, cette adaptation s’est faite en partie au prix de fortes concessions par rapport à l’esprit de la loi de 2005 en termes d’accueil personnalisé et d’analyse des situations des demandeurs. »

Par ailleurs, il apparaît que les décisions d’attribution de la PCH sont de moins en moins prises par la CDAPH mais par l’équipe pluridisciplinaire elle-même. Dans le même rapport, la Cour des comptes indique que la part des décisions « sur liste » dans le total des décisions rendues (dont les décisions concernant l’AAH) peut être estimée à 95 % au minimum, seules 5 % faisant l’objet d’une présentation et d’une discussion en séance. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) fait le même constat dans sa synthèse des rapports d’activité des MDPH pour 2016 en indiquant que « la présentation orale concerne une faible part des dossiers présentés. »

II.   Le droit proposÉ

L’article 3 de la présente proposition de loi prévoit l’obligation pour l’instance décisionnaire compétente en matière d’attribution de la PCH de recevoir le demandeur en cas du refus d’octroi de la prestation. Cet article prévoit la possibilité pour le demandeur d’être librement représenté pour cette audition.

Pour rappel, la loi prévoit déjà que la personne en situation de handicap est entendue dans le cadre du parcours d’évaluation de ses besoins mais cette mesure est dans les faits diversement appliquée (voir supra). L’article 3 réaffirme cette obligation, dans le cas où la demande de PCH serait refusée.

Cet article vise à humaniser la procédure d’attribution de la PCH et à garantir la tenue d’un échange réel, permettant notamment à la personne d’être informée de ses droits. L’article 3 ne prévoit l’obligation de recevoir la personne en situation de handicap que dans le cadre de l’attribution de la PCH, pour laquelle l’évaluation individuelle est indispensable pour établir le besoin de compensation. Une telle rencontre est par ailleurs particulièrement essentielle pour les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif, souvent marquées par de nombreuses vulnérabilités et particulièrement touchées par la problématique de l’isolement.

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Article 4
Suppression de la majoration du plafond de cumul de l’allocation aux adultes handicapés et de la rémunération garantie en établissement et service d’aide par le travail lorsque le bénéficiaire est en couple

 

Supprimé par la commission

Cet article vise à supprimer la majoration du plafond de cumul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la rémunération garantie pour les travailleurs en établissement ou service d’aide par le travail (Esat) applicable lorsque le bénéficiaire est en couple. Pour rappel, cet article figure dans la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale et a été voté sans modifications par l’Assemblée nationale et le Sénat en première lecture.

 

I.   Le droit en vigueur

L’article 4 modifie le dernier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, qui précise les conditions de versement de l’AAH lorsque la personne travaille dans un établissement ou service d’aide par le travail (Esat) et perçoit une rémunération garantie.

● Dans le cadre de la reconnaissance d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », assortie d’un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % constatée par la CDAPH, les personnes en situation de handicap ont la possibilité de travailler dans un Esat. Ce travail leur donne droit à une rémunération garantie, versée par l’établissement ou le service d’accueil.

La rémunération garantie dans un Esat

Aux termes de l’article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles, tout travailleur handicapé accueilli en Esat bénéficie d’un contrat de soutien et d’aide par le travail et a droit à une rémunération garantie versée par l’établissement ou le service d’accueil.

Pour une activité à caractère professionnel à temps complet, le montant de cette rémunération est compris entre 55,7 % et 110,7 % du salaire minimum de croissance (Smic). En cas d’activité à temps partiel, la rémunération est réduite proportionnellement à la durée de travail effectuée. La rémunération garantie se compose d’une part financée par l’Esat, qui ne peut être inférieure à 5 % du Smic, et d’une aide au poste financée par l’État, qui ne peut être supérieure à 50,7 % du Smic.

Au 31 décembre 2017, 98 108 allocataires de l’AAH travaillaient en Esat, soit 46 % des allocataires en emploi et 9 % de l’ensemble des allocataires de l’AAH-2 ([28]).

● Le versement de l’AAH à une personne handicapée travaillant dans un Esat est soumis à une condition de ressources, qui s’apprécie sur la base des revenus perçus pendant l’année civile de référence, soit l’avant-dernière année précédant la période de versement (2019 pour l’AAH en 2021). Les ressources prises en compte correspondent au total des revenus nets catégoriels retenus pour le calcul de l’impôt sur le revenu ([29]). Pour bénéficier de l’AAH, l’ensemble des autres ressources perçues par la personne durant l’année civile de référence doit être inférieur à un plafond égal à douze fois le montant de l’AAH au taux plein.

● Le cumul de l’AAH est en outre soumis à un plafond de ressources. Or, ce plafond varie en fonction du statut du bénéficiaire, mais également selon qu’il est marié, vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité (Pacs) et s’il a une ou plusieurs personnes à charge :

– le cumul de l’AAH et de la rémunération garantie ne peut excéder 100 % du Smic brut calculé sur la base d’un temps plein, soit 151,67 heures par mois. Lorsque la somme totale versée est supérieure à ce montant, l’allocation est réduite en conséquence ;

– ce plafond est majoré de 30 % lorsque le bénéficiaire est marié et non séparé ou lié par un Pacs. Il est majoré de 15 % lorsque l’allocataire a un enfant ou un ascendant à charge.

 

PLAFONDS DE CUMUL ENTRE AAH ET REVENUS D’ACTIVITÉ EN ESAT

Situation du travailleur en ESAT

Plafond de cumul applicable

Montant du plafond

Personne seule

100 % du SMIC brut (base de 151,7 heures par mois)

1 554,58 € par mois

Personne en couple

130 % du SMIC brut

1 787,77 € par mois

En couple avec personne à charge

145 % du SMIC brut

2 220,95 € par mois

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur la base du Smic brut mensuel au 1er janvier 2021 fixé par le décret n° 2020-1958 du 16 décembre 2020 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

Pour le calcul de l’AAH, il est enfin appliqué un abattement sur la rémunération garantie perçue par l’allocataire travaillant dans un Esat, comme le montre le tableau ci-dessous.

 

Part de la rémunération financée par l’ESAT (en % du SMIC)

Abattement applicable sur la rémunération versée par l’ESAT

De 5 à 10 %

3,5 %

De 10 à 15 %

4 %

De 15 à 20 %

4,5 %

De 20 à 50 %

5 %

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sur la base des dispositions prévues par l’article D. 821-10 du code de la sécurité sociale

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article supprime la majoration du plafond de cumul de l’AAH et de la rémunération garantie en Esat lorsque le bénéficiaire est marié, vit maritalement ou est lié par un Pacs.

Cette disposition complète l’article 5 de la présente proposition de loi, qui supprime la prise en compte des revenus du conjoint, concubin ou partenaire de Pacs dans le calcul et le plafonnement de l’AAH.

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Article 5
Suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés et de la majoration de son plafonnement

Supprimé par la commission

Cet article supprime la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), ainsi que la majoration du plafonnement de l’AAH applicable aux bénéficiaires qui sont mariés, vivent maritalement ou sont liés par un pacte civil de solidarité. Cet article reprend l’article 3 de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale tel que modifié et adopté par le Sénat en première lecture.

I.   Le droit en vigueuR

● L’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale reconnaît d’une part, la possibilité de cumul de l’AAH avec les ressources du bénéficiaire et s’il y a lieu, avec celles de son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs. Le calcul de l’AAH est fondé sur le foyer : son montant est ainsi calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de ceux de son conjoint, lorsqu’il est en couple.

La prise en compte des revenus pour le calcul de l’AAH

Les ressources prises en compte sont l’ensemble des revenus nets catégoriels de l’année N-2 (soit l’année 2018 pour les demandes effectuées en 2020). Il s’agit des revenus (salaires, revenus fonciers et mobiliers, bénéfices agricoles, etc.) diminués des charges (pensions alimentaires, frais d’accueil des personnes âgées, etc.) et abattements fiscaux (personne âgée de plus de 65 ans, personne invalide, etc.)

Les modalités de prise en compte des revenus dans le calcul de l’AAH varient en fonction du statut professionnel du demandeur (selon qu’il travaille en Esat, qu’il perçoit des revenus d’activité professionnelle ou qu’il n’exerce pas d’activité).

Certains revenus du bénéficiaire ou de son conjoint sont exclus de l’assiette des revenus pris en compte en raison de leur catégorie ou de la situation du demandeur ou du conjoint. En outre, des abattements sont appliqués sur certains revenus. En particulier, les revenus perçus par le conjoint ou le concubin font l’objet d’un abattement de 20 %, s’il n’est pas lui-même allocataire de l’AAH lorsqu’ils relèvent des catégories suivantes : revenus d’activités commerciales, artisanales, libérales ou agricoles ; traitements et salaires, pensions, rentes viagères à titre gratuit et rémunérations des gérants et associés de certaines sociétés ; certains bénéfices agricoles ; rémunération garantie perçue au titre d’une activité en Esat.

● Cet article prévoit d’autre part que ce cumul est limité par un plafond fixé par décret. Or, ce plafond varie selon que le bénéficiaire de l’AAH est marié, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité et selon qu’il a une ou plusieurs personnes à sa charge.

Lorsque le bénéficiaire de l’AAH est une personne seule et sans enfant à charge, il perçoit une allocation différentielle qui correspond à la différence entre ses ressources et le plafond de ressources, soit le montant maximum de l’allocation fixé aujourd’hui à 903,60 euros par mois.

Ce plafond est majoré selon la situation matrimoniale et familiale du bénéficiaire de l’AAH : il comprend l’ensemble des ressources des ménages affectées d’un coefficient multiplicateur de 1,81 pour les couples et une majoration de 0,5 par enfant. Ce plafond a fait l’objet de réductions successives depuis 2018. Alors que jusqu’au 31 octobre 2018, le plafond de ressources d’un couple comprenant un bénéficiaire de l’AAH était doublé, le coefficient multiplicateur a été abaissé à 1,89 au 1er novembre 2018, puis à 1,81 au 1er novembre 2019.

Aujourd’hui, les personnes mariées, pacsées ou en concubinage doivent ainsi avoir des ressources moins de 1,81 fois supérieures au plafond de ressources annuelles maximales pour une personne seule, de 10 843 euros (douze fois le montant de l’AAH à taux plein de 903,60 euros), soit 19 626 euros. Ces montants sont par ailleurs majorés d’un coefficient multiplicateur de 0,5 pour chaque enfant à charge, soit 5 421,60 euros (voir tableau infra).

Plafond de ressources annuelles en 2021

(en euros)

Nombre d’enfants à charge

Personne seule

Couple

0

10 843

19 626

1

16 265

25 048

2

21 686

30 469

3

27 108

35 891

4

32 530

41 313

 

Source : commission des affaires sociales d’après le décret n° 2021-527 du 29 avril 2021 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 5 supprime la mention, à l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, des revenus du conjoint, concubin ou partenaire d’un pacs. Il retire donc de la base de calcul de l’AAH, les ressources du conjoint demandeur de la prestation.

En outre, le présent article supprime la variation possible du plafond de cumul lorsque le bénéficiaire est marié, concubin ou lié par un pacs. Cet article ne revient néanmoins pas sur la majoration du plafond prévue pour les enfants à charge.

Les articles 4 et 5 de la présente proposition de loi permettent de répondre au problème de cohérence causé par la proposition portant diverses mesures de justice sociale telle qu’amendée par le Gouvernement. En effet, en revenant sur la déconjugalisation prévue à l’article 3 du texte, le Gouvernement a créé une incohérence juridique, à l’origine d’une différence de traitement entre bénéficiaires. En effet, l’article 2 de la proposition de loi, qui prévoit la suppression de la majoration du plafond de cumul de l’AAH avec la rémunération garantie pour les bénéficiaires en couple a été adopté conforme par le Sénat en première lecture. Cette situation crée une situation d’inégalité vis-à-vis des autres bénéficiaires de l’AAH, toujours soumis à la conjugalisation de l’allocation.

La DREES estime le coût annuel de la déconjugalisation de l’AAH à 560 millions d’euros. En ajoutant le mécanisme transitoire proposé à l’article 7, l’ensemble de la réforme devrait représenter un coût annuel d’environ 700 millions d’euros.

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Article 6
Article de coordination

Supprimé par la commission

Cet article est un article de coordination, qui tire les conséquences des modifications apportées par la présente proposition de loi aux articles L. 821-1 et L. 821-3 du code de la sécurité sociale. Il permet d’inscrire ces modifications dans l’article L. 244-1 du code de l’action sociale et des familles.

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Article 7
Maintien transitoire des modalités de calcul actuelles de l’allocation aux adultes handicapés

Supprimé par la commission

Cet article vise à permettre aux bénéficiaires de l’AAH perdants de la déconjugalisation de continuer à percevoir pendant dix ans l’allocation selon les règles de calcul applicables aujourd’hui.

Introduit en commission des affaires sociales au Sénat, il figurait dans la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale adoptée en première lecture par le Sénat, mais a été supprimé lors de l’examen en deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale.

Selon les estimations réalisées par la DREES, la déconjugalisation de l’AAH bénéficiera à la grande majorité des ménages. En effet, 196 000 d’entre eux devraient sortir gagnants de la réforme, qui représenterait pour eux un gain moyen de 300 euros mensuels.

D’après la DREES, la déconjugalisation de l’AAH ferait néanmoins 44 000 ménages perdants, parmi lesquels 21 % perdraient purement et simplement le bénéfice de l’allocation.

Le présent article vise donc à répondre à cette difficulté et prévoit un mécanisme de transition pour les bénéficiaires de l’AAH qui seraient perdants de cette réforme. Tant qu’elles y sont éligibles, les personnes affectées par la déconjugalisation de l’AAH pourront ainsi continuer à bénéficier de l’allocation selon les modalités de calcul actuelles et ce, jusqu’au 31 décembre 2031.

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Article 8
Gage financier

Réjeté par la commission

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation des pertes de recettes et des charges qui résulteraient, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, de l’adoption des articles 1er à 7 de la présente proposition de loi.

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—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

 

Lors de sa première réunion du mercredi 29 septembre 2021, la commission a examiné la proposition de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap (n° 4423) (M. Aurélien Pradié, rapporteur) ([30]).

M. Aurélien Pradié, rapporteur. « Tout l’enjeu est de faire du handicap, qui est une réalité de la vie, une réalité pleinement reconnue par la société. Répondre à l’exigence fondamentale d’égalité des chances et de dignité doit être l’ambition de la République. » Ces mots fixaient un cap qui transforma profondément la société. Ce sont les mots que le président Jacques Chirac prononçait en février 2005, quelques jours après l’adoption de la loi du 11 février. Cette loi est une grande loi de la République. Elle fut courageuse et dépassa les questions strictement institutionnelles, budgétaires et techniques pour franchir une grande étape.

La proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter ce matin au nom de mon groupe politique n’a pas l’ampleur de la loi de 2005 mais elle en a l’ambition de justice sociale et de transformation profonde de notre société.

Le chemin vers l’égalité des droits pour les personnes en situation de handicap est long et laborieux. Ce serait mentir de dire qu’aujourd’hui, aucune injustice ne demeure. Pour plusieurs formes de handicap, les injustices sont bien réelles, qu’il s’agisse de mener une vie conjugale, d’accéder à l’école ou aux loisirs. Nous les connaissons tous et, depuis des années parfois, les solutions sont connues et partagées par tous. Malgré cela, elles restent souvent des promesses, sans acte. Aussi longtemps qu’une personne en situation de handicap subira une injustice liée à son handicap, aussi longtemps notre devoir de député, de l’opposition comme de la majorité, sera de nous mobiliser. Sans relâche, sans faiblesse, sans nous chercher des excuses souvent confortables pour repousser l’action à plus tard. La vie de millions de nos concitoyens en situation de handicap n’est pas confortable. Elle ne peut pas attendre. La seule ambition de notre proposition de loi est d’améliorer la vie de ces femmes et de ces hommes qui attendent et espèrent beaucoup de notre travail.

Avant de détailler les mesures, je veux vous dire très sincèrement dans quel état d’esprit mon groupe et moi-même abordons ce texte.

La cause du handicap est fondatrice de mon engagement politique. C’est également le cas de plusieurs d’entre nous ici. C’est cette histoire qui m’a poussé, en 2018, à porter une première proposition de loi pour tenter d’améliorer le sort des enfants scolarisés en situation de handicap et des femmes et des hommes qui les accompagnent au sein de l’école. J’ai gardé, comme beaucoup d’entre nous, de la majorité comme de l’opposition, un souvenir douloureux de la manière dont ce texte avait été rejeté brutalement, sans débat. Il était, pour mon groupe politique et moi-même, essentiel d’y revenir avec un esprit différent, pour faire avancer la cause.

Cette proposition de loi trouve sa place dans la journée réservée au groupe Les Républicains. Gagnons du temps et soyons directs. Il y a deux manières d’aborder une proposition venue d’un groupe parlementaire d’opposition. La première consiste à en faire un temps de friction politique, de débat stérile entre opposition et majorité. Vous savez faire ; moi aussi. Nous avons déjà eu cette expérience. C’était le 11 octobre 2018. Notre texte en faveur de l’inclusion des enfants en situation de handicap au sein de l’école de la République avait été rejeté sans ménagement par la majorité. Chacun se souvient du retentissement particulièrement négatif de cet épisode. Ce fut un échec cuisant pour la majorité comme pour l’opposition. Personne, je pense, n’a envie qu’il se reproduise, surtout pas moi. En tant que rapporteur, je consacrerai toutes mes forces à convaincre ceux qui ne le seraient pas encore de soutenir les propositions d’amélioration de notre texte, d’où qu’elles viennent, et à rassembler celles et ceux qui veulent faire progresser la cause du handicap.

Nous avons déjà fait l’expérience de propositions de loi venues de l’opposition et adoptées sur tous les bancs de notre assemblée. Ce fut notamment le cas de celle destinée à lutter contre les violences conjugales. Ce texte nous a rendu fiers collectivement et il n’appartient désormais pas plus à l’opposition qu’à la majorité. Il a fait avancer la société, c’est l’essentiel.

L’opposition pourrait faire le choix de la polémique pour la polémique. Nous ne le ferons pas. La majorité pourrait décider le rejet aveugle du texte sans proposition alternative ni argument solide. Vous ne le ferez pas, je crois, car vous savez que certains sujets méritent bien plus que des oppositions brutales et des réflexes politiciens.

Pour préparer notre proposition de loi, nous avons auditionné plus de vingt acteurs, durant plus de vingt-cinq heures. Un déplacement d’une délégation de députés en Seine‑et‑Marne, auquel vous étiez tous conviés, nous a permis d’échanger avec les élus départementaux, les professionnels des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des personnes en situation de handicap. Nous n’avons rien laissé au hasard et plusieurs de mes amendements témoigneront de notre volonté de perfectionner notre texte pour le rendre plus efficace.

Trois chantiers nous apparaissent aujourd’hui prioritaires.

Le premier est celui de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous avons, à ce sujet, avec plusieurs députés de la majorité, un désaccord de fond. Le mode de calcul et de plafonnement de cette allocation entrave significativement l’autonomie des personnes, en les maintenant dans une dépendance financière injuste et inacceptable vis-à-vis de leur conjoint. Cette dépendance est particulièrement difficile à vivre. Elle fait naître chez les personnes un sentiment d’inutilité, de dépendance et de perte de dignité. Ce mode de calcul absurde entraîne souvent un « prix de l’amour » insupportable pour les personnes en situation de handicap. Nombre d’entre elles refusent ainsi de se mettre en couple ou de vivre avec leur conjoint pour ne pas perdre leur allocation ou la voir diminuer. Qui peut accepter une telle situation contraire à nos principes républicains ?

En maintenant un mode de calcul et de plafonnement de l’AAH fondé sur les revenus du foyer, la France viole ses engagements en matière de défense des droits humains. C’est ce que nous a rappelé hier la Défenseure des droits, mais ce sont aussi les observations du comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, devant lequel la France a été auditionnée du 18 au 23 août dernier : le comité a recommandé à la France de réformer la réglementation de l’AAH.

Cette question est portée légitimement, et depuis longtemps, par les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent. Elle a fait l’objet d’un travail acharné de notre collègue Marie-George Buffet, qui fut rapporteure de textes examinés en 2018 et 2019, de nos collègues Jeanine Dubié, Yannick Favennec-Bécot ou Stéphane Peu à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre d’un vote qui a rassemblé l’ensemble des groupes à l’exception de la majorité présidentielle, a été vidée de son contenu par un amendement du Gouvernement repris dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

Cette proposition de loi vise à rappeler l’impérieuse nécessité de ne pas abandonner ce combat fondamental. C’est l’objet des articles 4 à 7. Aussi longtemps que demeurera cette honteuse injustice, nous devrons la porter dans le débat public sans jamais faiblir.

Le deuxième chantier est celui de l’élargissement et de la modernisation de la prestation de compensation du handicap (PCH). Nous avons, en ce domaine, oppositions et majorité présidentielle confondues, un terrain de rassemblement. Nous sommes d’accord sur le constat : le dispositif ne remplit plus ses objectifs, définis dans la loi du 11 février 2005. Celle-ci consacre, en son article 11, un droit à la compensation des conséquences du handicap, quels que soient l’origine et la nature de la déficience, l’âge ou le mode de vie de la personne handicapée. Ce droit est désormais inscrit à l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles. Or les personnes qui présentent des altérations de leurs fonctions psychiques, mentales ou cognitives accèdent difficilement à la PCH, notamment au volet relatif à l’aide humaine.

Cette situation particulièrement regrettable s’explique d’abord par des critères d’éligibilité trop stricts et inadaptés aux personnes en situation de handicap psychique. Seules sont éligibles à la PCH les personnes ayant une difficulté absolue ou deux difficultés graves à réaliser quatre actes dits d’entretien personnel – toilette, alimentation, élimination, habillage – ou se mettant continuellement en danger à la suite de graves troubles du comportement. Ces critères excluent par définition les personnes souffrant d’un handicap psychique, mental ou cognitif, relativement autonomes dans les actes d’entretien personnel et ne se mettant pas en danger quotidiennement. Au-delà de la capacité à réaliser certains actes, l’attribution de la PCH repose également sur une évaluation du niveau de difficulté rencontré par les personnes : les textes mentionnent ainsi des difficultés graves ou absolues. Or ces termes sont inadaptés pour caractériser les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif, car le niveau de difficulté pour accomplir certains actes ne peut pas toujours être défini objectivement. Ces restrictions sont contraires à la loi du 11 février 2005 et relèvent uniquement de critères établis par voie réglementaire. Chacun conviendra que la pratique réglementaire ne saurait dénaturer la volonté du législateur.

Les besoins de compensation qui pourraient être pris en charge au titre de la PCH sont, eux aussi, peu adaptés à la spécificité des handicaps psychiques. L’inadéquation de la PCH, en particulier son volet relatif aux aides humaines, aux personnes en situation de handicap psychique est largement constaté, en particulier par le docteur Leguay, président de Santé mentale France, à qui la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et le ministre des solidarités et de la santé ont commandé un rapport sur l’adaptation de la PCH aux handicaps psychiques.

La réforme de cette prestation représente un engagement de longue date de ce Gouvernement. En 2017, l’engagement a été pris devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) de poursuivre les travaux pour exécuter les mesures du comité interministériel du handicap, en particulier l’évolution de la PCH. Le Président de la République lui-même a lancé le 11 février 2020, lors de la conférence nationale du handicap, des travaux pour adapter la PCH au handicap psychique et aux troubles du neuro-développement. Tout le monde partage le constat. Un an plus tard, il est temps de passer des paroles aux actes.

Nous avons l’ambition, par ce texte, de garantir aux personnes porteuses d’un handicap psychique, mental ou cognitif, le droit à la compensation qui leur est reconnu par le code de l’action sociale et des familles. L’article 1er de notre texte vise à adapter les modalités de l’aide humaine de la PCH aux besoins spécifiques de ces personnes, en précisant que cette aide peut être affectée à des missions de surveillance et d’assistance, de soutien à l’autonomie globale et de participation à la vie sociale et citoyenne.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit d’élargir les critères d’accès à la PCH, notamment au volet relatif à l’aide humaine, aux personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif. Il vise à rendre possible cet accès en cas d’altération des capacités, quelles qu’elles soient, et à revenir sur la nécessité de constater une difficulté absolue, impropre à qualifier la situation des personnes dont le handicap n’est pas physique ou sensoriel.

Enfin, le troisième et dernier chantier est celui de l’humanisation des procédures d’attribution de la PCH. Ce sujet n’est pas anodin. Dans un rapport, la Cour des comptes précise que la part des décisions sur liste, dans le total des décisions rendues, peut être estimée à 95 % au minimum, seules 5 % faisant l’objet d’une présentation et d’une discussion en séance de la MDPH. Cela signifie que, pour 95 % des décisions, la commission compétente prend une décision qui engage la vie des personnes, sans jamais les avoir rencontrées. Ce sujet est majeur. Il nourrit de profondes incompréhensions et rompt la confiance. Tous les acteurs, y compris au sein des MDPH, le regrettent. Il revient à la loi de rappeler qu’il est prioritaire d’évaluer personnellement les besoins d’une personne. L’article 3 de ce texte prévoit ainsi de garantir à la personne ou à son représentant d’être entendue avant tout refus d’attribution de la PCH. Une telle rencontre est essentielle pour les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif.

Aussi longtemps que demeurent ces injustices, la représentation nationale a le devoir de les corriger sans relâche et sans faiblir. La dignité et l’autonomie réelle des citoyens en situation de handicap sont deux enjeux majeurs et prioritaires pour notre société. La justice sociale ne saurait souffrir des positions partisanes. Nous voici arrivés à quelques mois du terme de notre mandat. Ce texte vous offre l’ultime moyen de répondre à l’attente de plusieurs millions de nos concitoyens et de leurs familles. Nous n’avons pas le droit de les décevoir.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour (LaREM). Nous partageons tous les mêmes ambitions pour les personnes en situation de handicap. Seuls des désaccords de moyens nous opposent. Depuis 2017, le Gouvernement et sa majorité ont fait du handicap l’une de leurs priorités. Nous n’avons jamais fait autant pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap et transformer notre société pour qu’elle devienne plus inclusive.

L’accès à la PCH peut être compliqué et les disparités entre les territoires persistent, nous le savons. C’est pourquoi la majorité a soutenu d’importantes avancées comme l’intégration des aides à la parentalité dans la PCH, la création de droits à vie lorsque le handicap est irréversible et la suppression de la barrière d’âge de 75 ans.

Deux chantiers sont en cours. La définition du cadre d’une PCH adaptée à la surdicécité ainsi que le déploiement d’une étude action relative à l’amélioration de la compensation pour les personnes en situation de handicap psychique, mental ou cognitif, ou souffrant de troubles du neurodéveloppement. Elle associe toutes les parties prenantes au premier rang desquels les départements et constitue un préalable à toute modification des critères d’éligibilité.

Sans refaire les débats autour de la déconjugalisation de l’AAH, rappelons que notre groupe n’a pas l’ambition de remettre en question notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité nationale et familiale ; il entend bien l’améliorer. Le PLF 2022 prévoit d’instaurer un abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint d’un bénéficiaire de l’AAH qui permettra à 60 % des bénéficiaires de percevoir cette allocation à taux plein contre 45 % aujourd’hui, à partir du 1er janvier 2022. C’est un gain moyen de 110 euros par mois pour 120 000 bénéficiaires. Durant le quinquennat, la dépense totale pour l’AAH aura progressé de plus de 25 % – c’est historique.

Nous ne pouvons régler des questions aussi fondamentales en quelques heures, mais nous pouvons adopter des solutions concrètes pour rendre le système plus juste et équitable. Concernant la PCH, nous devons encore écouter les acteurs, les collectivités et les personnes concernées, identifier les dysfonctionnements, étudier les conséquences des mesures envisagées. Il ne suffit pas de déclarer que l’on veut améliorer la situation pour changer le monde. C’est cette vision pragmatique que nous défendons. Hélas ! elle manque cruellement à votre proposition de loi, aussi notre groupe ne la votera-t-il pas.

M. Stéphane Viry (LR). Je salue le travail clair, légitime et engagé d’Aurélien Pradié, qui nous offre, par cette proposition de loi, l’occasion d’améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Ce texte est parti d’une réalité : la France se retrouve dans une impasse et n’est plus en mesure d’apporter à ces hommes et ces femmes le soutien dont ils ont besoin. Il a le mérite de proposer des réponses concrètes et de s’inscrire dans une philosophie politique d’humanité.

Concernant la PCH, il est évident qu’il faut couvrir de nouveaux besoins et lever les difficultés auxquelles sont confrontées certaines personnes pour y accéder. Nous devons réformer le système sans délai. Qu’attendons-nous pour agir ?

Pour ce qui est de l’AAH, la situation est intenable et nous devrons en débattre tant que cette injustice perdurera. Il est injustifiable de tenir compte des revenus du compagnon pour verser cette prestation puisque cette allocation vise, précisément, à rendre la personne concernée plus autonome.

Une chance nous avait été offerte en juin 2021. Hélas ! le texte avait été souillé et vidé de sa substance par le Gouvernement. Aujourd’hui, nous devons avancer résolument.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour évoque un désaccord en termes de moyens mais, à l’heure où le Président déploie des crédits pour satisfaire des intérêts catégoriels, comment ne pas défendre des solutions pour des personnes handicapées ?

Il serait inconcevable de renoncer au progrès que permettrait cet excellent texte.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce texte vise à réformer deux outils majeurs de la politique du handicap de notre pays : la PCH et l’AAH. Concernant cette dernière, le rapporteur reprend une proposition discutée de nombreuses fois par notre assemblée, notamment en juin dernier, celle de la déconjugalisation de l’allocation. La position de notre groupe n’a pas varié : l’AAH, en tant que minimum social, doit être conditionnée à la solidarité entre époux ou concubins, reconnue en droit civil et principe général d’attribution des différentes allocations de solidarité.

Nous nous opposerons aux articles qui visent à mettre fin à la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH pour privilégier l’option retenue lors du dernier débat à ce sujet : l’introduction d’un abattement forfaitaire de 5 000 euros. Elle permet notamment aux bénéficiaires de l’AAH, dont le conjoint est rémunéré au SMIC, de conserver l’allocation à taux plein.

Ce dispositif, qui bénéficiera à 120 000 personnes, sera introduit dans le PLF 2022. Il entrera en vigueur dès janvier et, contrairement à la déconjugalisation, ne fera aucun perdant.

Le texte prévoit également d’élargir l’accès à la PCH pour troubles neurologiques et psychiques, et d’étendre aux notions d’assistance et de soutien à l’autonomie globale le référentiel de la prestation. Ces propositions ont des limites. Elles font fi des compétences des départements, gestionnaires et financeurs de la PCH. Elles ne présentent aucun chiffrage et apparaissent trop larges et mal définies pour être opérantes.

Notre groupe est très sensible au sujet du handicap. À titre personnel, j’ai accompagné de nombreuses personnes dans leurs démarches. Elles sont lourdes et nécessitent, à chaque fois, que l’on agisse avec méthode, sans démagogie, en associant étroitement le conseil départemental et ses services. Nous ne pouvons aborder cette politique par des incantations législatives. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas l’adoption de ce texte.

Mme Gisèle Biémouret (SOC). Notre commission examine à nouveau, cette fois à l’initiative de nos collègues Les Républicains, le sujet de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Le 17 juin dernier, en séance publique, le Gouvernement rejetait à nouveau la demande que ne soit pas prise en compte les revenus du conjoint pour calculer l’AAH, confirmant ainsi le décalage entre le discours et les actes, davantage destinés à réduire la dépense publique qu’à émanciper les personnes en situation de handicap.

Persister dans ce refus serait une erreur politique du Gouvernement et de la majorité. Tout d’abord, vous sous-estimez les effets de cette mesure, ressentie comme une profonde humiliation par nos concitoyens souffrant d’un handicap en ce qu’elle les maintient dans la dépendance de l’autre. Cette dépendance est une atteinte à leur dignité et peut être préjudiciable dans certains contextes, notamment en cas de violences conjugales. Ensuite, cette revendication de longue date est devenue un enjeu sociétal et de justice sociale, qui dépasse les clivages traditionnels politiques et rassemble largement dans l’ensemble de la société. En témoignent la récente mobilisation, à l’appel de vingt-deux grandes organisations et associations, ou encore le soutien de la Défenseure des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et du comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, qui a recommandé à l’État français, le 14 septembre, de déconjugaliser cette allocation. Le refus d’individualiser l’AAH, notamment en raison du coût, pose la question des fondements de notre solidarité nationale, en particulier de la place que nous accordons aux personnes en situation de handicap et de l’importance que nous attachons à leur permettre de vivre dignement, indépendamment de leur conjoint.

Hélas ! à en juger par les amendements de suppression déposés par nos collègues de la majorité, nous resterons, aujourd’hui encore, au stade du dialogue de sourds. C’est fort dommage pour un débat qui mérite mieux que des positions dogmatiques sur un « quoi qu’il en coûte » à géométrie variable.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Quelques semaines après l’examen de la proposition de loi rapportée par nos collègues Jeanine Dubié et Stéphane Peu, notre commission est à nouveau amenée à se prononcer sur un texte relatif aux prestations sociales destinées aux personnes en situation de handicap. Cette proposition de loi s’articule autour de deux propositions majeures : la déconjugalisation de l’AAH et l’extension du champ des bénéficiaires de la PCH aux personnes souffrant de troubles neurologique ou psychologiques.

Concernant la déconjugalisation de l’AAH, notre position n’a pas varié depuis juin. L’AAH n’est pas un minimum social comme les autres mais une prestation individuelle à l’émancipation qui devrait, à ce titre, s’appréhender au regard de la situation du seul bénéficiaire et non de son foyer. Nous voterons donc les articles de ce texte qui vont dans ce sens.

S’agissant de l’extension du bénéfice de la PCH aux personnes atteintes de troubles neurologiques ou psychiatriques, si nous n’y sommes pas opposés par principe, nous restons réservés quant à la méthode. Le texte vise en effet à étendre aux notions d’assistance et de soutien à l’autonomie globale le référentiel prévu pour l’instruction des demandes de PCH. Ces deux notions, qui n’ont pas vocation à être définies par la loi, sont difficilement opérationnelles pour l’évaluation des dossiers par les MDPH. Pour avoir présidé une MDPH, je tiens d’ailleurs à saluer le travail réalisé par les salariés de ces structures.

Par ailleurs, cette proposition de loi, qui n’est pas chiffrée, fait fi de toute considération financière et prévoit une compensation par l’État du surcoût engendré par les départements. Demandez aux départements ce qu’ils pensent de cette compensation s’agissant du revenu de solidarité active (RSA) !

Notre groupe s’opposera donc aux articles qui prévoient d’étendre la PCH. Si une refonte de cette prestation est indispensable, elle doit se construire avec les départements.

Mme Valérie Six (UDI-I). Je vous remercie au nom de mon groupe, monsieur le rapporteur, de remettre à l’ordre du jour de votre niche parlementaire et de notre commission une proposition de loi pour davantage de justice sociale en faveur des personnes en situation de handicap. C’est un texte important, dont des mesures ont déjà été défendues dans de précédentes propositions de loi, en particulier celle de M. Yannick Favennec-Bécot.

L’AAH n’est pas une allocation comme les autres. Elle a vocation à assurer l’indépendance d’une personne en situation de handicap. C’est d’ailleurs le sens du rapport de la Défenseure des droits : les personnes handicapées doivent pouvoir être indépendantes financièrement. Il convient donc d’exclure les ressources du conjoint du mode de calcul des allocations accordées au titre du handicap.

Nous aurions pu franchir un grand pas en juin dernier, mais la majorité a préféré modifier les règles de l’abattement sur les revenus du conjoint bénéficiaire. On peut y voir une certaine amélioration par rapport à la situation actuelle, notamment pour les couples dans lesquels le conjoint perçoit des revenus inférieurs ou égaux au SMIC, mais le dispositif proposé ne répond pas à l’aspiration très forte à l’autonomie personnelle exprimée par les associations de personnes handicapées. C’est pourquoi, sans vouloir remettre en cause notre attachement à la solidarité familiale, nous soutiendrons cette mesure.

Concernant l’élargissement de l’accès à la PCH, nous souhaiterions que le rapporteur précise les conséquences financières sur la dépense assurée par les conseils départementaux et la compensation attendue.

M. Adrien Quatennens (FI). Je remercie, à mon tour, M. Aurélien Pradié pour cette proposition de loi qui nous permet de réparer un affront considérable. Certains députés de la majorité se refusent à refaire le débat de la déconjugalisation. Au contraire, saisissons cette occasion, car nous ne manquons pas de témoignages, tous plus bouleversants les uns que les autres, de personnes qui, plus peut-être que de leur handicap, souffrent de voir contester celui‑ci à cause leur amour. Certains feignent de ne pas être en couple pour ne pas perdre leur allocation ; d’autres envisagent sérieusement de quitter leur conjoint pour la percevoir. On parle d’un revenu minimal d’existence pour compenser l’incapacité totale ou partielle de travailler.

Le plus abject apparaît lorsque l’on confronte votre décision de ne pas déconjugaliser à votre bilan. Vous êtes la majorité qui, en un quinquennat, a permis de doubler le patrimoine des cinq cents familles les plus riches. Vous avez accordé 38 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches de ce pays. De l’autre main, vous avez supprimé 5 euros de l’aide personnalisée au logement, augmenté la contribution sociale généralisée pour les retraités, refusé le RSA aux jeunes en pleine crise pandémique et rejeté l’individualisation de l’AAH. C’est dégoûtant ! Il y en a des paquets pour les plus riches, mais vous êtes aux abonnés absents quand il s’agit simplement de soulager le quotidien des plus démunis, pour leur permettre de vivre dignement. Vous êtes même capables de leur grignoter quelques euros.

Beaucoup de gens suivent nos débats, car ils sont atteints dans leur chair par vos décisions. Cette proposition de loi nous permettrait de réparer cet affront.

Mme Jeanine Dubié (LT). Je remercie Aurélien Pradié et le groupe Les Républicains d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de leur niche. Ainsi, nous pouvons débattre à nouveau de dispositions attendues depuis des années par les personnes en situation de handicap.

Améliorer l’accès à la PCH est une condition indispensable au maintien à domicile et au soutien à l’autonomie des personnes en situation de handicap. En janvier 2020, nous adoptions déjà des mesures pour améliorer l’accès à la PCH, comme la suppression de la limite d’âge à 75 ans, mais beaucoup restait à faire. Ce texte permet de répondre à certaines attentes, notamment en ouvrant le bénéfice de la PCH aux personnes souffrant d’une altération de leurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques, et en couvrant des besoins liés à la participation à la vie sociale. Je regrette néanmoins que nous ne puissions débattre, dans ce cadre, de la suppression de la barrière d’âge à 60 ans pour bénéficier de la PCH ou de son report à 65 ans, mes amendements ayant été jugés irrecevables. Ces propositions sont pourtant inscrites dans la loi depuis 2005, mais le décret n’a jamais été publié.

Concernant la déconjugalisation de l’AAH, je me réjouis que ce combat continue d’être mené au sein de notre assemblée. Cette disposition était au cœur d’une de mes propositions de loi ; reprise au Sénat par le groupe Les Républicains, puis par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, elle devient notre proposition. Il est urgent de mettre un terme à ce mode de calcul absurde et injuste. L’AAH n’est pas un minimum social ; c’est une prestation à vocation spéciale, qui dépend de la branche famille de la sécurité sociale, accordée à des personnes à qui l’on a reconnu un taux d’incapacité à exercer une activité partielle ou totale et dont la situation n’est pas susceptible d’évoluer. La situation financière du conjoint ne devrait donc pas emporter de conséquence pour son attribution.

Cet été, le comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies a fermement appelé la France à déconjugaliser l’AAH pour ne plus entraver l’autonomie et la liberté des personnes handicapées. En proposant une réforme inscrite dans le PLF 2022, le Gouvernement et sa majorité choisissent d’apporter une réponse froide, technocratique, strictement financière et bien en deçà des attentes des personnes concernées. Pour toutes ces raisons, notre groupe soutiendra cette proposition de loi.

M. Bernard Perrut. S’il y a un enseignement que nous pourrions tirer de la crise sanitaire, c’est bien celui de l’urgence à davantage de justice sociale.

Nous avons à cœur d’accompagner le handicap, comme en témoignent les lois de 1975 ou de 2005. Nous ne pouvons nous satisfaire de votre réponse, alors qu’il y a urgence à proposer des mesures concrètes en faveur des plus fragiles d’entre nous, avec l’ambition d’améliorer leur quotidien. Les différentes aides publiques ne permettent pas toujours aux personnes touchées par le handicap de vivre dans la dignité. Plus que les autres, elles sont exposées à la pauvreté ; la moitié d’entre elles a un niveau de vie inférieur à 1 540 euros par mois, soit près de 200 euros de moins qu’une personne valide. D’ailleurs, elles cumulent les difficultés, car leur invalidité les empêche souvent de s’intégrer durablement dans le monde du travail. Nous faisons pire aujourd’hui en leur demandant de troquer un éventuel bonheur conjugal contre le maintien de l’AAH. Certaines femmes handicapées, victimes de violences, privées de l’AAH, se retrouvent dépendantes des revenus de leur conjoint. Il est temps de garantir l’autonomie financière à ces personnes.

Le même esprit de justice sociale anime les dispositions relatives à la PCH. Les difficultés d’accès à cette prestation des personnes en situation de handicap du fait de l’altération de leurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques, entravent leur capacité à accéder à l’autonomie, à s’intégrer dans la société et à mener une vie affective et familiale. Il s’agit d’un dévoiement de l’intention initiale du législateur de garantir un droit universel à la compensation, sans distinction de la nature du handicap. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi qui vise à apporter des réponses concrètes aux attentes des personnes en situation de handicap et des associations qui les défendent.

M. Guillaume Chiche. Je soutiendrai cette proposition de loi. Le 21 septembre, nous étions tous mobilisés dans nos circonscriptions pour célébrer la journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer. Nombreux sont ceux qui nous ont demandé d’étendre le bénéfice de la PCH.

S’agissant de la déconjugalisation de l’AAH, il est essentiel de ne plus opposer une situation de handicap à une vie de famille. L’AAH n’est pas un minimum social comme les autres puisqu’elle vise à corriger une situation dans laquelle les personnes porteuses d’un handicap ne peuvent mener pleinement leur vie. Cette prestation permet de combler, en quelque sorte, le retard que la société accumule envers ces personnes. Il est insupportable d’annoncer à ces personnes qu’elles seront dans une situation encore plus précaire parce qu’elles vivent en couple. Le 17 juin, en séance publique, le Gouvernement a eu recours au vote bloqué pour empêcher la représentation nationale d’adopter le principe de l’individualisation de l’AAH. Aujourd’hui, un amendement de suppression est déposé par la majorité à chaque article de cette proposition de loi. Où est la logique constructive ? Les personnes en situation de handicap valent mieux que cela.

M. le rapporteur. Personne n’ignore la matière dont nous traitons, l’une des plus humaines et des plus sensibles. Dans ce type de débat, des arguments expéditifs, sans autre objet que de ne pas prendre de décision, n’ont pas leur place. J’invite chacun à faire preuve d’une rigueur absolue et à ne pas se chercher continuellement des excuses pour ne pas agir. Je ne le ferai pas et je ne pense pas que les députés de la majorité aient davantage de raison d’agir ainsi.

Par ailleurs, sur ce sujet, un peu d’humilité collective ne nous fera pas de mal. Si je partage certains de vos propos, madame Cloarec-Le Nabour, l’un d’entre eux est factuellement faux : cette majorité n’est pas celle qui a fait le plus dans le domaine du handicap. Il se trouve qu’en la matière, le chemin a commencé en 1975. La loi de 2005 a poursuivi dans la même direction.

Ce texte a eu le courage de définir et de nommer spécifiquement les handicaps. Nous n’aurions pas le courage politique de présenter une telle loi aujourd’hui – le débat autour de la PCH le prouve. Une pudeur excessive conduit certains à considérer qu’il ne faut pas définir le handicap dans la loi. Or c’est exactement ce qu’a fait la loi de 2005, et c’est précisément pour cela qu’elle a représenté une révolution. Ceux qui étaient députés à l’époque se souviennent que le cœur du débat était déjà de savoir s’il fallait nommer les formes de handicap. Si les parlementaires et le gouvernement de l’époque, par faiblesse ou par lâcheté, avaient refusé de le faire, cette loi n’aurait pas transformé la société comme elle l’a fait.

Depuis 2005, sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, des avancées ont aussi eu lieu, avec notamment la création, dans les écoles, des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS). S’agissant de la question du handicap, l’histoire est donc longue, et elle n’a pas commencé en 2017.

En ce qui concerne l’AAH, plus j’entends les arguments de la majorité, plus je me dis qu’il y a là un point de désaccord fondamental et de principe. Adrien Quatennens a raison de rappeler l’humiliation dont peut être porteur le message consistant à vouloir régler par des moyens exclusivement fiscaux et techniques ce qui est au contraire une question de principe, à savoir que l’on ne saurait pénaliser une femme ou un homme en situation de handicap au motif qu’il vit en couple. Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées avait même avancé un argument invraisemblable, que je suis heureux de ne plus entendre : selon elle, on ne pouvait pas avancer vers la déconjugalisation de l’AAH parce que les logiciels ne le permettaient pas.

Je me réjouis de constater que le débat sur la question a progressé. Mon groupe et moi-même assumons totalement de la mettre à nouveau sur la table. Le rôle de notre assemblée est de débattre, particulièrement lorsqu’une injustice aussi grande que celle-ci demeure. Nous assumons de ne pas escamoter le débat, de ne pas faire passer par pertes et profits un sujet aussi essentiel. Nous avons donc décidé d’inscrire cette disposition dans le texte. Nous pensons qu’elle n’est pas contestable sur le principe et qu’il est urgent de la mettre en œuvre.

S’agissant de la PCH, vous vous trompez lorsque vous indiquez qu’il est hasardeux, maladroit, voire risqué d’indiquer dans la loi le périmètre du handicap. La loi de 2005 a donné du handicap la définition suivante : « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Aucune autre loi de la République n’est allée aussi loin dans cette définition. Les mots que nous utilisons pour élargir le périmètre de la PCH figurent déjà dans la loi de 2005. Il est donc faux de dire que nous prenons un risque inconsidéré. C’est même le contraire, car nous faisons avancer les choses. Nous ne pourrons pas faire évoluer le périmètre de la prestation de compensation du handicap si nous ne nommons pas directement les handicaps dans la loi.

Il n’en demeure pas moins que nous laissons toute latitude au pouvoir réglementaire pour définir les modalités d’application de la prestation de compensation du handicap, à l’image de ce qui a été fait dans l’annexe 2-5. En aucun cas nous ne neutralisons le pouvoir réglementaire. Nous précisons simplement que, par principe, désormais, des personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou neurologique pourront entrer dans le périmètre de la prestation de compensation du handicap, libre ensuite au pouvoir réglementaire d’en définir les détails.

À vous entendre, nous avancerions à marche forcée et de manière précipitée. Or, dès le lendemain du vote de la loi de 2005, il a été question d’élargir le périmètre de la prestation de compensation du handicap : le débat a commencé en 2006. Depuis lors, les majorités se sont succédé et de nombreuses missions ont été confiées aux uns et aux autres. On n’a cessé de tourner autour du pot : par pure lâcheté politique, la question n’a jamais été remise à l’ordre du jour. Récemment encore, la mission confiée au professeur Leguay est parvenue, au terme de plusieurs mois de travail et d’approfondissement, à des conclusions qui sont exactement celles de notre proposition de loi – l’expression que nous utilisons pour définir l’extension de la PCH est au mot près celle que le professeur Leguay a proposée au Gouvernement. Je rappelle aussi que le gouvernement d’Édouard Philippe s’était engagé à revoir le périmètre de la PCH, comme nous le proposons. Le Président de la République s’y était également engagé, dans des termes qui sont exactement ceux que nous utilisons, puisqu’il avait évoqué une adaptation effective de la PCH aux handicaps psychiques et aux troubles du neurodéveloppement.

Autrement dit, notre proposition de loi ne vient pas de nulle part : nous avons repris et traduit l’ensemble des travaux des professionnels et des engagements politiques qui ont été pris devant les Français, notamment par le Président de la République.

En ce qui concerne le coût et l’impact de la mesure, il est assez difficile de préciser le nombre de bénéficiaires supplémentaires. Néanmoins, le travail des associations, notamment, permet d’évaluer ce nombre à 60 000 personnes environ. Je précise, à cet égard, que nous étendons le périmètre de l’accès à l’aide humaine et non celui de la PCH dans son intégralité, ce qui limite le champ d’application du dispositif. L’idée selon laquelle la disposition créerait un appel d’air considérable est donc fausse : le nombre de bénéficiaires supplémentaires est tout à fait supportable sur le plan budgétaire. Il est également à la même hauteur que les dispositions fiscales que le Gouvernement propose de prendre en matière d’allocation aux adultes handicapés.

Durant quinze jours, nous avons mené de nombreuses auditions
– vingt‑deux heures au total –, et lundi nous étions en Seine-et-Marne. Vous étiez d’ailleurs toutes et tous invités à participer à ces travaux. Ceux d’entre vous qui l’ont fait – ils étaient rares – ont constaté qu’aucun des acteurs que nous avons auditionnés, y compris les MDPH, n’a contesté le bénéfice du texte et la possibilité de le mettre en application.

Je suis prêt à travailler avec vous et avec le Gouvernement, que j’ai d’ailleurs sollicité en ce sens, sur le périmètre et l’impact de la proposition. Nous voulons nous assurer que les moyens attribués par l’État aux départements permettront d’absorber l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Dès le début du travail sur cette proposition de loi, j’ai d’ailleurs pris l’attache du Gouvernement pour lui faire savoir que nous étions déterminés à faire aboutir la réforme de l’AAH et que, s’agissant de la PCH, nous avions un point d’accord ; je n’imagine pas que des arguties partisanes nous empêchent d’avancer sur la question, dans la mesure où tout le monde est d’accord.

Monsieur Turquois, vous avez évoqué les perdants et les gagnants de la déconjugalisation de l’AAH. Je n’y reviens pas, car l’article 7 s’adresse précisément à ceux qui perdraient à cause du dispositif. Ils sont d’ailleurs nettement moins nombreux que les gagnants.

Vous avez parlé d’« incantation législative ». Si, en 2005, il ne s’était pas trouvé des femmes et des hommes pour se livrer à des incantations législatives, les choses n’auraient pas avancé comme elles l’ont fait. Il ne s’agit pas d’incantations législatives : ce sont des mots, inscrits dans la loi, qui changent la vie de nos concitoyens. C’est ce que la loi de 2005 a fait et c’est aussi l’ambition de notre proposition de loi.

Par ailleurs, je vous ai indiqué dans quel état d’esprit j’entendais travailler. Je conteste fermement le mot « démagogie ». Pour ma part, je ne considère pas que vous êtes cynique ; ne me considérez donc pas comme un démagogue. Les deux mesures que nous proposons ne font aucune place à la démagogie. Elles sont attendues par des millions de nos concitoyens et, vous le savez au fond de vous‑même, elles sont largement défendables sur le principe.

Je sais l’engagement de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, depuis l’origine, en faveur de l’évolution de la PCH et de l’AAH. Je les remercie d’avoir contribué utilement à la préparation du texte.

Je sais également l’engagement de nos collègues du groupe Agir ensemble en faveur de la déconjugalisation de l’AAH. Ils n’en ont jamais démordu. En ce qui concerne l’élargissement de la PCH, je répète que l’impact est tout à fait supportable et que c’est effectivement dans la loi qu’il faut inscrire la disposition. Je suis prêt, sur ce point, à retravailler avec les uns et les autres d’ici à la séance, dès lors qu’il s’agit d’améliorer le texte et non de le déconstruire.

Monsieur Quatennens, si nous ne sommes pas d’accord sur tout, le sentiment d’humiliation que vous avez pointé me paraît être un élément majeur. Il ne s’agit pas d’un sentiment, d’ailleurs : chacun doit bien mesurer à quel point nos propos, nos actes ou notre incapacité à agir peuvent en effet représenter une humiliation pour plusieurs de milliers de nos concitoyens.

Madame Dubié, je salue votre travail de longue date sur ces questions, et votre présence continue et méthodique à l’ensemble des auditions. Sur beaucoup de sujets, nous avons constaté que cette proposition de loi permettait d’avancer.

Je déposerai plusieurs amendements en vue du débat en séance publique. Les auditions, notamment, nous ont permis de corriger un certain nombre de détails du texte. C’est le processus normal pour une proposition de loi examinée dans le cadre d’une niche : après son dépôt elle fait l’objet d’auditions, puis passe en commission et, enfin, est présentée en séance. Il est donc fréquent – je l’ai déjà fait moi-même pour les deux autres textes que j’ai défendus – que le rapporteur corrige sur certains points la rédaction initiale de sa proposition de loi, car il n’avait pas vu certains problèmes. Ainsi, je vous proposerai plusieurs amendements visant à circonscrire les problèmes que pourrait poser le texte et à affiner le dispositif. Je le ferai par souci de rigueur et parce que je considère que le texte doit aboutir.

Un mot, pour finir, sur la méthode employée. Comme je l’ai dit au Gouvernement avant-hier, le procédé qui consiste à supprimer un par un, méthodiquement, tous les articles d’une proposition de loi est une erreur s’agissant d’une question aussi essentielle. Je ne sais pas si c’est une erreur politique
– chacun assume sa stratégie –, mais je sais que c’est une erreur parlementaire. Il y a quelques années, nous avons déjà fait l’expérience d’un texte sur le handicap ayant été rejeté sans débat. Si votre stratégie consiste à aborder la séance en supprimant les articles un à un, vous aurez à assumer une grande responsabilité. Le débat est toujours nécessaire, et plusieurs possibilités s’offrent à vous : vous pouvez amender le texte autant que vous le souhaitez ou voter contre la proposition de loi. Mais la méthode qui consiste à saboter un texte en en supprimant méthodiquement tous les articles, y compris ceux qui sont purement rédactionnels et de coordination, est une sale méthode – je le dis comme je le pense. J’espère que, d’ici à la séance, grâce à mes efforts et aux vôtres, nous serons davantage à la hauteur de l’enjeu qui nous attend.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Accès aux aides humaines prises en charge au titre de la prestation de compensation du handicap

Amendement de suppression AS4 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Il s’agit effectivement d’un amendement de suppression, comme les groupes d’opposition en ont déposé tant depuis quatre ans et demi.

Depuis 2017, nous avons soutenu de nombreuses avancées concernant le champ de la PCH, mais les deux notions que l’article 1er vise à ajouter, à savoir l’assistance et le soutien à l’autonomie globale, nous semblent trop vastes et mal définies. Elles pourraient étendre l’éligibilité de l’aide humaine au-delà des seules personnes en situation de handicap psychique, mental, cognitif ou avec des troubles du neurodéveloppement, captant ainsi les ressources affectées à l’accompagnement au profit d’autres publics.

De plus, ces notions ne seraient pas opérationnelles lors de l’évaluation des dossiers par les MDPH. La complexité qu’elles induiraient aurait certainement un impact sur la durée de traitement de ces dossiers, déjà très longue.

Par ailleurs, vous proposez de passer par la loi plutôt que par le règlement. Or, lors de son audition, le professeur Leguay a déclaré qu’il n’était pas impératif d’emprunter la voie législative.

Enfin, selon nous, il faut vérifier au préalable l’effectivité des critères proposés et leur incidence sur l’accès à la PCH. Il y a un enjeu de formation ; c’est d’ailleurs l’objet de la recherche-action qui va être menée dans trois départements, à l’initiative de la secrétaire d’État Sophie Cluzel, et qui vise à améliorer concrètement la compensation pour faire en sorte qu’elle soit adaptée aux besoins spécifiques d’accompagnement que présentent les personnes concernées.

M. le rapporteur. Il s’agit, dans cet article, d’élargir l’accès à la PCH, ce qui n’est pas un sujet drôle. Vous avez choisi de supprimer purement et simplement l’article, alors qu’il y avait matière à corriger et améliorer. Vous auriez pu également voter contre la mesure. Selon moi, cette méthode n’est pas celle à suivre pour travailler sur un tel sujet.

Nous nous sommes, nous aussi, demandé s’il fallait passer par la loi ou par le règlement. Mais la loi de 2005, qui a défini le handicap et a permis d’opérer une révolution, est bien une loi et non une disposition réglementaire. La pudeur, en la matière, est donc infondée : c’est à la loi de nommer les choses pour permettre des avancées. C’était vrai en 2005, ça l’est aussi aujourd’hui s’agissant de l’extension du périmètre de la PCH.

En ce qui concerne le caractère vague des notions que nous proposons d’inscrire dans la loi, l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles comporte des termes qui ne sont pas particulièrement précis – il y est question de « vie en société », de l’« environnement » de la personne, des fonctions « sensorielles » de cette dernière, et de « trouble de santé invalidant ». Or cette rédaction issue de la loi de 2005 a permis d’ouvrir un certain nombre de prestations.

Les termes que nous utilisons sont les mêmes que ceux du Président de la République, qui n’emploie jamais les mots au hasard. Le professeur Leguay, lui aussi, a recommandé dans son rapport l’emploi de ces expressions – il évoque notamment « l’assistance comme une modalité nouvelle d’aide humaine ». Nous reprenons mot pour mot ces expressions dans la proposition de loi, justement parce qu’elles ont fait l’objet d’un travail approfondi.

Pour en revenir à la loi et au règlement, un nombre considérable de dispositions d’application de la PCH relèvent seulement du niveau réglementaire et restreignent la portée de la loi de 2005, quand elles ne sont pas en contradiction pure et simple avec les principes posés par celle-ci, du fait de son imprécision sur certains points. Il faut que la loi fixe de nouveau le cap.

Vous avez parlé de recherches-actions. Je ne sais pas de quoi il s’agit. Peut-être ces recherches vous rassurent-elles, mais elles n’apportent aucune réponse à nos concitoyens. Quoi qu’il en soit, depuis 2006, tout le monde travaille sur la PCH. Nous n’avons pas choisi par hasard d’aborder la question lors de cette niche parlementaire. Nous aurions pu verser dans l’« incantation législative » en nous concentrant sur d’autres aspects du handicap totalement dépourvus de caractère opérationnel. Cela aurait relevé du pur affichage politique, comme cela arrive parfois lors des niches parlementaires. Mais nous avons opté pour un sujet sur lequel, à l’issue de quinze ans de travail, tout le monde était d’accord. Nous avons repris les mots des professionnels et des praticiens, ainsi que ceux des responsables politiques, qui, depuis des années, disent vouloir avancer sur la question. Aussitôt après avoir déposé la proposition de loi, j’ai pris contact avec tous les groupes politiques pour essayer de dépasser les clivages habituels, car je suis convaincu que nous pouvons sortir par le haut de ce débat et faire avancer la cause. Je sais que, dans certains groupes, des collègues ne m’aiment pas. Il se trouve que, parfois, c’est réciproque... Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici d’amour, il s’agit de méthode et de priorité.

La priorité est d’avancer. Je formule donc la proposition suivante : d’ici à la séance, j’invite celles et ceux qui le souhaitent à déposer des amendements, de manière que nous puissions examiner ensemble les aspects qui les inquiètent, car certains d’entre eux peuvent m’inquiéter moi aussi. Ainsi, même si le texte comporte des points de désaccord, notamment s’agissant de l’AAH, il permettra d’apporter une réponse sur un sujet aussi majeur que celui de la PCH.

M. Nicolas Turquois. Il ne s’agit pas de vous aimer ou de ne pas vous aimer, monsieur le rapporteur : vous êtes un élu de la République et, en tant que tel, vous êtes absolument respectable. Il a pu m’arriver, du reste, de partager certaines de vos positions.

En l’occurrence, je maintiens l’expression « incantation législative », aussi bien en raison du calendrier que de la rédaction que vous proposez. Le handicap est un sujet lourd. De nombreuses mesures ont été prises, mais il reste énormément à faire, je vous rejoins sur ce point, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des MDPH et la manière dont elles instruisent les dossiers, qui est source de complexité et d’incompréhension pour la plupart des familles concernées. Toutefois, vous proposez de compléter l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles par les mots : « notamment, de surveillance et d’assistance, de soutien à l’autonomie globale et de participation à la vie sociale et citoyenne ». Or ces éléments sont déjà pris en compte dans la définition actuelle. Celle-ci mentionne des chargées liées « à un besoin d’aides humaines », ce qui peut recouvrir, pour certaines MDPH, l’accompagnement, l’assistance et la surveillance. Les termes que vous proposez d’ajouter sont donc quasiment superfétatoires. Vous risquez même de réduire le champ d’application du dispositif. Pour ces raisons, je voterai contre l’article 1er.

Mme Jeanine Dubié. Vous venez de le dire, monsieur Turquois, l’appréciation varie selon les MDPH. Tout le problème est là. Inscrire cette disposition dans la loi permettra d’éviter les interprétations à travers des circulaires ou des annexes. Votre propos démontre donc l’intérêt de l’article.

M. Stéphane Viry. Si cette disposition relève non pas du domaine de la loi mais de celui du règlement, pourquoi le Gouvernement ne la prend-il pas immédiatement ?

La vraie question est la suivante : est-il juste que certaines personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou mental soient privées de la PCH ? Si l’on répond non, si l’on considère que les jeunes autistes ou les personnes atteintes par les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson doivent pouvoir bénéficier de cette prestation, alors il importe d’avancer, que ce soit par la voie réglementaire – mais alors il faut le faire immédiatement – ou par la voie législative.

À travers cet amendement, vous envoyez à ces hommes et à ces femmes en situation de handicap le message que vous les écartez du bénéfice de ce mécanisme de solidarité nationale. C’est terrible ! À cela, l’exposé sommaire ajoute l’indignité, car vous vous donnez un satisfecit pour votre action.

Mme Véronique Hammerer. Vous nous proposez d’agir maintenant. Or des mesures vont être prises, bien entendu. Comme vous l’a précisé Mme Cloarec‑Le Nabour, Mme la secrétaire d’État a demandé un rapport et va travailler sur la question avec les départements.

À ce propos, l’Assemblée des départements de France (ADF) n’a même pas été auditionnée, alors que les départements sont au cœur du sujet.

M. le rapporteur. Si !

Mme Véronique Hammerer. Dans ce cas, c’est une erreur de ma part.

Mme Dubié parlait de froideur technocratique. Je ne pense pas être faite de ce bois‑là. Quoi qu’il en soit, en tant que législateur, chacun d’entre nous a la responsabilité de s’assurer que les propositions de loi qu’il dépose sont fondées sur des données fiables. Or, dans votre rapport, vous écrivez qu’un grand nombre de personnes en situation de handicap présentant des altérations des fonctions mentales ne peuvent pas bénéficier de la PCH, voire que la prestation n’est quasiment jamais accordée, tout en concédant qu’il n’existe pas de données officielles. Autrement dit, on ne sait pas combien de personnes sont concernées.

Le rapport est, par ailleurs, très riche et, une fois encore, nous ne sommes pas opposés sur le fond à ce que vous proposez, mais on ne saurait aborder la question sans disposer de données fiables, sans évaluation et surtout sans partage avec les partenaires concernés, notamment les départements. Il faut évaluer plus précisément la situation, travailler dans le cadre de recherches-actions – méthode dont je vous rappelle à mon tour l’existence.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Certes, la loi de 2005 a fait avancer la législation, mais si elle avait permis de faire progresser les droits réels, nous n’aurions pas été contraints d’ouvrir autant de chantiers que nous l’avons fait depuis quatre ans et demi.

Le Gouvernement a consacré 52 milliards d’euros aux personnes en situation de handicap. Que ce soit en matière de citoyenneté, d’accompagnement des projets parentaux, de reconnaissance des aidants, d’accessibilité des établissements recevant du public, des transports et des logements, de simplification ou encore d’accès aux droits, à la formation et à l’emploi, jamais de tels progrès n’avaient été enregistrés. Entre 2005 et 2017, quoi que vous en disiez, il ne s’était pas passé grand-chose ; les chiffres sont têtus.

M. Boris Vallaud. Je soutiens la proposition de M. Pradié, qui représenterait un progrès pour ceux de nos concitoyens qui sont atteints d’un handicap psychique : l’éligibilité à la PCH ne serait plus laissée à l’appréciation des MDPH, par nature contingente – parfois même divergente.

Vous dites qu’il n’y a pas suffisamment de données, mais, hier soir, vous nous avez fait voter un projet de loi de ratification d’une ordonnance relative aux travailleurs indépendants des plateformes alors que vous n’étiez pas capables de nous donner le nombre de personnes concernées : c’était le grand flou. En l’occurrence, dans nos territoires, nous constatons tous qu’il y a un problème s’agissant de l’attribution de la PCH, et nous vous proposons un progrès. Nous ne comprenons pas que vous ne partagiez ni le sentiment qu’il y a urgence à agir ni l’ambition dont la proposition est porteuse.

Quel que soit le sujet, il y a toujours un rapport en préparation ; le Gouvernement a toujours déjà tout fait ou va tout faire. Là, nous vous mettons au pied du mur, nous vous demandons de consentir à ce qui constituerait un progrès. La disposition est attendue par les familles, qui nous interpellent régulièrement à ce propos.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement AS11 du rapporteur tombe.

Article 2 : Élargissement des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap

Amendement de suppression AS5 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. La PCH est attribuée lorsqu’une personne rencontre une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité importante du quotidien ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités importantes.

L’article 2 ouvrirait le bénéfice de la PCH « en cas d’altération des capacités, même non absolue ». Au-delà de l’aspect légistique, qui pose à nouveau question – la définition de ces notions relève du domaine réglementaire –, la rédaction proposée pourrait conduire à ouvrir largement l’accès à la prestation de compensation du handicap dans tous ses volets, puisqu’il suffirait de justifier d’une seule altération non absolue des capacités pour en demander le bénéfice.

La disposition remettrait ainsi en cause l’ensemble du cadre existant ainsi que les travaux menés en liaison avec les personnes concernées et leurs représentants pour définir des critères objectifs, à même de déterminer la perte d’autonomie et la compensation nécessaire. Elle pourrait également avoir un impact financier massif sur la dépense assumée par les conseils départementaux.

M. le rapporteur. Une fois encore, de manière particulièrement constructive, vous avez donc fait le choix de supprimer purement et simplement un article alors que vous pouviez voter contre ou l’amender autant que vous le souhaitiez. C’est une sale méthode, qui ne nous permettra pas d’avancer intelligemment.

Par ailleurs, votre présentation de l’amendement comporte une erreur montrant une méconnaissance des textes. Vous dites que supprimer la condition d’incapacité absolue ouvrirait trop largement l’accès à la PCH. Or l’annexe 2-5 précise que pour bénéficier de la prestation, il faut présenter soit une difficulté absolue pour la réalisation de l’une des activités énumérées, soit une difficulté grave pour la réalisation de deux de ces activités. Vous avez raison, le sujet est suffisamment important pour que nous soyons rigoureux – cela vaut pour moi comme pour vous.

Pour quelles raisons souhaitons-nous supprimer le terme « absolu » ? Dans la définition du handicap donnée par la loi de 2005, jamais il n’est question des notions d’absolu ou de grave. Que vous le vouliez ou non, elle est la loi fondatrice, celle qui a profondément restructuré l’accompagnement des personnes handicapées dans notre pays ; celle sans laquelle nous ne parlerions pas aujourd’hui d’AAH, ni de PCH, ni de l’accompagnement des enfants en situation de handicap à l’école ; celle qui a le plus profondément révolutionné notre société en matière de handicap. Tout ce qui a suivi, y compris depuis 2017, relève d’ajustements, certes utiles. La loi de 2005, donc, précise que toute personne en situation de handicap peut bénéficier des dispositifs d’accompagnement, sans jamais faire référence aux notions d’absolu ou de grave. Ce sont les dispositions réglementaires qui sont venues atténuer la portée de la loi et même la contredire. Voilà pourquoi nous devons aujourd’hui supprimer le terme d’absolu, qui ne convient pas, tout en conservant le critère de double gravité pour conditionner l’accès à la PCH.

Il y a une autre raison : le critère de la difficulté absolue ne convient pas aux handicaps cognitifs et psychiques – il est déjà parfois discutable pour les handicaps physiques. Il serait logique, après avoir étendu la PCH aux maladies psychiques, de faire sauter ce verrou qui n’a pas lieu d’exister pour celles-ci.

Contrairement à ce que j’ai entendu, nous n’ouvrons pas toutes les vannes : le critère de gravité est maintenu. Nous ne modifions aucunement le filtrage actuel, mais nous permettons aux personnes atteintes de maladies psychiques de voir leurs difficultés évaluées pour bénéficier de la PCH.

Enfin, nous renvoyons aux dispositions réglementaires. Ce sont elles qui définiront les modalités d’examen des situations.

Si les disparités entre les départements, qui ont été à juste titre soulignées, sont si fortes, c’est bien parce que la loi n’a pas suffisamment défini les contours des évaluations. La refondation du cadre législatif permettra d’assurer d’une MDPH à une autre, d’un département à un autre, une parfaite égalité des droits.

Quant aux chiffres dont vous vous inquiétez, madame la députée, il est utile de lire la page 8 du rapport jusqu’à la fin : il y est indiqué – c’est le seul chiffre dont disposons – que 7 % seulement des malades psychiques ont accès à l’aide humaine. Nous savons tous pourquoi nous n’avons pas accès à des chiffres officiels : parce que l’État français n’a jamais organisé la remontée des données. Les MDPH aujourd’hui ne disposent pas de logiciels leur permettant de compiler les données, sans doute parce qu’il est des chiffres que nous ne voulons pas voir. Cela nous a été dit au cours des auditions et je le mentionnerai dans le rapport, on peut estimer à 60 000 le nombre de nouveaux bénéficiaires de la PCH dans son volet aide humaine – on parle là de quelques heures complémentaires d’accompagnement, et non d’une refonte totale de l’architecture de la PCH. Voilà pourquoi, je le répète, l’impact budgétaire de la mesure est bien moindre que celui de la mesure fiscale que vous proposez en ce qui concerne l’AAH.

L’ADF nous a adressé une réponse très claire dans laquelle elle convenait, en accord avec les MDPH, du besoin d’accompagnement et d’assistance à la vie sociale et citoyenne. Toutefois, il appartient, selon elle, à l’État d’en assurer le financement. Je doute que la secrétaire d’État ou les membres du Gouvernement se présentent devant nous, la semaine prochaine, en nous expliquant qu’il est impossible de trouver dans le budget les moyens d’apporter une réponse aux personnes en situation de handicap. Entre deux distributions massives aux uns et aux autres, on doit pouvoir financer quelques heures d’accompagnement à la vie sociale pour 60 000 de nos concitoyens en situation de handicap.

M. Nicolas Turquois. L’attribution des PCH varie en effet d’un département à l’autre et il faut y remédier. Mme Cluzel a l’intention de rencontrer le nouveau président de l’ADF et d’évoquer le sujet avec lui. On ne peut pas, d’un côté, reprocher à l’État des mesures centralisatrices qui portent atteinte à l’indépendance des collectivités et, de l’autre, s’offusquer lorsqu’il n’en prend pas. Puisque vous comptez de nombreux amis présidents de conseils départementaux, je vous invite à travailler avec eux à harmoniser les conditions d’attribution de la PCH.

Dans l’article 2, vous complétez la définition du handicap en ajoutant l’altération même non absolue des capacités. Pour ce faire, vous modifiez l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles. Or celui-ci concerne les moyens susceptibles d’être mobilisés par l’intermédiaire de la PCH. La définition du handicap, elle, relève de l’article L. 245-1.

L’article choisi pour insérer la nouvelle définition étant erroné, je suis favorable à la suppression de l’article 2 par l’amendement de ma collègue.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je suis heureux d’entendre que le rapporteur a consulté les présidents de conseils départementaux, lesquels sont favorables à la mesure mais refusent de la financer.

M. le rapporteur. Monsieur Turquois, vous commettez une erreur sur la place de la mesure dans le code de l’action sociale et des familles. C’est bien l’article L. 245-3 qui définit les besoins.

Je veux lever une incompréhension : nous cherchons à élargir la liste des besoins qui sont pris en considération pour la fixation de la PCH, pas la définition de la PCH elle-même. C’est la raison pour laquelle l’impact de la mesure est beaucoup plus supportable que vous ne l’imaginez.

Nous ajoutons l’assistance et l’accompagnement à la vie sociale et citoyenne aux besoins auxquels la PCH peut être affectée. Il s’agit d’une modification modeste afin d’éviter de déstructurer totalement la PCH tout en apportant une réponse à un besoin très spécifique.

Nous avons inscrit la mesure au bon endroit, là où l’impact sera le moins massif, mais le plus adapté aux personnes en situation de handicap notamment psychique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement AS12 du rapporteur tombe.

Article 3 : Obligation de recevoir le demandeur en cas de refus d’attribution de la prestation de compensation du handicap

Amendement de suppression AS6 de Mme Christine Cloarec Le Nabour

M. Thierry Michels. Je salue votre intérêt, en cette dernière année de mandat, pour les personnes en situation de handicap. Nous ne sommes jamais trop nombreux en commission des affaires sociales pour défendre leurs droits et œuvrer à la société inclusive que nous appelons tous de nos vœux. Néanmoins, la solution que vous préconisez va à l’encontre de l’intérêt des personnes handicapées.

L’article 3 prévoit l’obligation d’un entretien préalable à un refus de PCH. À moyens constants, cette disposition risque d’allonger significativement les délais d’instruction sans améliorer la prise en compte des besoins des personnes. En outre, l’article est déjà satisfait : en cas de refus d’attribution de la PCH, un tiers conciliateur intervient pour accompagner le demandeur et trouver la meilleure solution.

Depuis le début du quinquennat, la majorité présidentielle s’attache à améliorer l’accès effectif à leurs droits des personnes en situation de handicap
– elle en a fait l’une des grandes causes du quinquennat. Concrètement, c’est la revalorisation de l’AAH de 100 euros par mois, qui représente 2 milliards d’euros supplémentaires au titre de la solidarité ; l’attribution, depuis 2019, de droits à vie, qui contribue à éviter l’engorgement des MDPH et surtout à rendre aux personnes la dignité que nous leur devons, pour en finir avec l’humiliation dont vous parliez, monsieur le rapporteur ; le renforcement de l’accompagnement des personnes handicapées par le réseau des communautés 360, qui a montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire et dont les moyens seront renforcés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Enfin, n’oublions pas le rôle essentiel des départements, chefs de file de l’action sociale dans le pays. En 2021, 25 millions d’euros ont été octroyés aux MDPH pour améliorer le service rendu aux personnes handicapées et combattre les inégalités de traitement entre les territoires, où les délais pour l’attribution de la PCH varient de 2,2 à 11,1 mois, selon le dernier baromètre des MDPH. J’espère que votre département, le Lot, monsieur le rapporteur, dirigé par la gauche, saura s’emparer des moyens qui lui sont donnés, tout comme son voisin, l’Aveyron, dirigé par la droite, car les données qui s’y rapportent ne sont pas disponibles dans le baromètre. Personne n’a donc de leçon à donner ; nous avons tous à nous améliorer – mais comment le faire en l’absence d’éléments de référence ?

L’amélioration des droits effectifs des personnes handicapées pour une société inclusive, voilà le combat que nous devons mener sur tous les bancs, un combat qui se gagne chaque jour sur le terrain. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe LaREM demande la suppression de l’article 3.

M. le rapporteur. Vous saluez avec raison le fait que nous nous attachions à la question du handicap au terme de la législature. Quant à moi, je rappelle que c’est sur ce même sujet que portait la première proposition de loi déposée par les membres du groupe Les Républicains dès leur arrivée à l’Assemblée nationale. Nous n’avons donc pas attendu, comme vous semblez le sous-entendre, la fin du mandat pour nous y intéresser.

Comment pouvez-vous dire qu’iraient à l’encontre des intérêts des personnes en situation de handicap la déconjugalisation de l’AAH, alors qu’elle mettrait fin à une dépendance insupportable vis-à-vis de leur conjoint ? l’extension de la PCH à des malades psychiques qui sont aujourd’hui exclus de l’aide humaine ? le fait d’être reçu dans une MDPH, d’être personnellement évalué autrement que sur dossier ? Vous vous trompez, c’est tout l’inverse. Toutes les mesures que nous proposons vont dans le sens de la citoyenneté, de la dignité et de la reconnaissance des personnes en situation de handicap.

L’article 3 est important, plus qu’on ne l’imagine. D’abord, 95 % des dossiers déposés auprès des MDPH – je ne peux pas prendre l’exemple de départements présidés par La République en Marche puisqu’il n’y en a pas – sont examinés sur liste. Vous avez peut‑être siégé dans une MDPH ; je l’ai fait pendant sept ans et je sais ce que signifie l’examen sur liste : c’est une liste que l’on aperçoit à peine, sur la base de laquelle des décisions engageant la vie de nos concitoyens sont prises. Cette situation n’est pas satisfaisante pour nous, parce qu’elle est contraire à la loi de 2005 ; elle ne l’est pas pour les personnes en situation de handicap parce qu’elle crée, même quand la décision prise est légitime, une incompréhension et un divorce entre l’administration et le citoyen ; elle ne l’est pas non plus pour les MDPH.

Nous avons rencontré, lundi, la directrice et l’ensemble des acteurs de la MDPH de Seine-et-Marne, y compris les équipes chargées de l’instruction des dossiers. Tous ont reconnu que la situation, liée à l’explosion des charges des MDPH, n’était pas satisfaisante. Ils ont ajouté un élément essentiel : depuis quelques années, le taux de recours explose. Le recours est l’une des deux voies pour contester la décision une fois qu’elle est prise. L’autre, la conciliation, est désormais rarement utilisée. Dans un cas de recours sur deux, parce que la personne est entendue et apporte des éléments qu’elle n’a pas pu présenter dans le dossier, la décision est modifiée. En recevant les personnes en situation de handicap faisant une demande de PCH – pas pour l’ensemble des dossiers –, les MDPH gagneraient du temps et s’épargneraient des recours qui sont aujourd’hui responsables de leur engorgement.

Afin de faciliter l’accès aux droits, je déposerai en vue de la séance publique un amendement visant à imposer l’audition de la personne au moins une fois dans l’ensemble du parcours d’évaluation, pas seulement devant les décisionnaires de la commission départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. La personne pourrait être représentée à cette occasion. Elle pourrait formellement refuser d’être entendue – la loi serait alors respectée et le dossier pourrait être traité. Il faut forcer la rencontre avec la personne parce qu’elle est déterminante, y compris pour éviter les recours. La rédaction de l’article sera donc améliorée en ce sens.

Pourquoi une telle proposition dans le cadre de l’extension de la PCH aux maladies psychiques ? Parce que s’il y a une fragilité qui ne peut pas être appréciée sur dossier, c’est bien la maladie psychique. Dans ces situations, on ne peut pas évaluer sur dossier les besoins d’assistance ; il faut rencontrer la personne dans son environnement. L’amélioration du traitement des dossiers et l’humanisation de la procédure en MDPH s’inscrivent dans la logique de l’extension du périmètre de la PCH à de nouvelles formes de handicap et de la suppression du caractère absolu dans les critères d’évaluation. Les trois articles sont absolument cohérents et complémentaires. Voilà pourquoi je regrette à nouveau l’amendement de suppression brutal et, à mon sens, peu constructif.

M. Nicolas Turquois. Sur le fond, je partage votre souhait que les demandeurs soient entendus. C’est une remarque qui nous est souvent faite : les demandeurs ou leurs parents éprouvent de l’incompréhension face à la décision de refus. Cependant, vous introduisez la disposition dans l’article L. 245-1 alors que celle-ci relève de l’instruction du dossier, dont traite l’article L. 245-2. Je m’interroge donc grandement sur le sérieux avec lequel ont été rédigés les différents articles. Je suis favorable à l’amendement de suppression.

M. Stéphane Viry. Nous sommes défavorables aux amendements de suppression, même si nous sommes prêts à les étudier avec toute l’attention nécessaire dans un débat contradictoire. Toutefois, entre l’attaque ad hominem contre le rapporteur par un collègue de la majorité au détour de la présentation d’un amendement et Nicolas Turquois qui, malgré son accord sur le fond, vient expliquer aux administrateurs qu’ils ne savent pas faire leur travail, quelque chose ne tourne pas rond. Il y a manifestement une volonté de bloquer le débat.

Pourtant, l’article 3 constitue à mes yeux le cœur de la proposition de loi. Instiller de l’humanité dans un traitement qui, du fait du nombre de dossiers et de la complexité qu’ils génèrent, est devenu bureaucratique, permet tout simplement aux hommes et aux femmes éligibles à la PCH de faire valoir leurs droits. L’article 3 n’est rien d’autre que cela. Je suis surpris des arguties auxquelles vous recourez pour vous opposer à notre volonté de faire de la politique avec humanité et d’améliorer des situations individuelles. Nous voterons contre l’amendement de suppression.

Mme Jeanine Dubié. À mon tour, je veux souligner l’importance de cet article. J’ai découvert avec stupéfaction, lors des auditions, qu’il n’y avait quasiment plus de rencontre physique avec la personne au moment de l’instruction des dossiers de PCH. C’est hallucinant ! Il faut voir la personne dans son environnement, car celui-ci peut aggraver la situation lorsqu’il n’est pas adapté au handicap – des travaux sont parfois nécessaires dans l’appartement. La situation ne peut véritablement être évaluée qu’en rencontrant l’intéressé. Du fait de la dématérialisation, la gestion des prestations d’accompagnement, qui suppose des liens avec la personne pour comprendre ses difficultés, est devenue purement administrative. On ne s’intéresse pas à l’usage qui sera fait de la prestation ni à la manière dont la personne sera accompagnée.

J’encourage nos collègues de la majorité à y réfléchir. Il est regrettable que l’amendement du rapporteur, qui améliorait la rédaction initiale, aille tomber, car il est indispensable que la personne demandeuse rencontre un travailleur social et lui explique sa situation.

Mme Caroline Fiat. J’appuie les propos de Stéphane Viry sur les attaques ad hominem. Le rapporteur a été, dès le début de la législature, rapporteur d’une autre proposition de loi sur les personnes en situation de handicap. Pour lancer des attaques, mieux vaut être bien renseigné.

L’article 3 est très important. Depuis tout à l’heure, on nous explique qu’il faut attendre le rapport commandé par la ministre, attendre plus d’informations, que la ministre « va essayer de faire quelque chose ». Mais combien de rapports ont été remis depuis le début du quinquennat ? Cela n’a pas empêché l’enterrement de la loi sur le grand âge et l’autonomie. Pourquoi attendre encore ? Les informations sont disponibles : vous en trouverez beaucoup dans le rapport d’information relatif à l’organisation de la santé mentale, qui a été rendu en 2019. Il en ressort la nécessité de rencontres physiques pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Arrêtons de stigmatiser ces personnes, de les mettre de côté. Il faut les rencontrer, voir l’environnement dans lequel elles vivent.

Je vous invite à ne pas supprimer l’article 3, ô combien important pour permettre aux personnes en situation de handicap de vivre dignement dans notre pays en 2021.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Vous déplorez la confiscation du débat du fait des amendements de suppression, mais depuis une demi-heure, nous débattons de chacun d’entre eux.

Nous ne sommes pas en désaccord avec vous sur le constat, bien au contraire : oui, il faut plus d’humanité. J’ai rendu un rapport au Premier ministre sur la juste prestation pour des prestations et un accompagnement ajustés, qui abordait l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Mais là n’est pas le sujet. Présidente d’une mission locale, je crois davantage à ce que je vois sur le terrain et à ce que me disent les conseillers en insertion qu’à ce que prévoient les textes. Une recherche-action est lancée dans trois départements, qui sera l’occasion de coconstruire avec les départements et les personnes en situation de handicap. Nous ne faisons pas le même choix que vous, nous préférons le pragmatisme.

M. Boris Vallaud. Les politiques publiques sont définies partout sauf à l’Assemblée nationale. Vous « concertez » avec tout le monde – vous n’avez que ce mot à la bouche – sauf avec les représentants de la nation. C’est tout de même un problème grave, au moment où prospère et s’emballe partout la défiance vis-à-vis des représentants politiques. Vous devriez y songer.

En effet, la loi prévoit déjà que la personne en situation de handicap est entendue dans le cadre du parcours d’évaluation de ses besoins. La modification aussi modeste soit-elle – elle ne concerne que les cas de refus – me paraît néanmoins absolument essentielle. Il est question ici de handicap, mais on rencontre tous les jours, dans tous les domaines, des Daniel Blake aux prises avec une administration à laquelle ils ne comprennent rien – ce qui n’est pas le fait des fonctionnaires mais, précisément, de la façon dont le législateur conçoit les dispositifs. La relation humaine est essentielle. Que ce soit dans les services publics ou dans l’économie, il faudra revenir sur la dématérialisation dans un certain nombre de cas.

L’article 3 va dans le bon sens. Le supprimer en jurant vos grands dieux que vous faites le même diagnostic est d’une incongruité incroyable et d’une violence terrible pour celles et ceux qui attendent des progrès en cette matière.

M. le rapporteur. Monsieur Turquois, vous n’avez pas à douter de mon sérieux puisque j’ai déposé, après l’amendement fallacieux de suppression, un amendement visant à substituer à l’article L. 245-1 l’article L. 245-2. Puisque vous approuvez le constat, et dès lors que j’ai corrigé la référence au code de l’action sociale et des familles, vous voilà pleinement rassuré sur le sérieux et l’opportunité d’une telle disposition.

L’amendement corrige la rédaction initiale sur d’autres points, notamment en supprimant le terme de « décisionnaires » qui me paraît imprécis et en le remplaçant par la formule « entendu au cours du parcours d’évaluation de ses besoins », ce qui laisse une latitude plus grande.

Enfin, il est utile de coconstruire. Vous pouvez aussi coconstruire avec les députés de l’opposition. Cela fonctionne plutôt bien, même à l’Assemblée nationale.

Vous êtes d’accord avec nos constats ; nous avons des solutions à vous proposer. Je ne comprends pas ce qui vous empêche à ce point de passer des rapports aux actes. D’autant que Boris Vallaud l’a parfaitement dit, nous sommes très modestes : l’obligation d’être entendu est circonscrite aux situations de refus, ce qui représente un volume très faible, souvent les cas les plus difficiles, et permet d’éviter les voies de recours qui ne sont pas des plus confortables pour les MDPH. Aucun des arguments, que j’ai écoutés avec attention et sérénité, ne me fait comprendre que vous avez une raison valable de vous opposer à cette disposition.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement AS13 du rapporteur tombe.

Après l’article 3

Amendement AS14 du rapporteur

M. Aurélien Pradié. Ce sera donc le seul article à ne pas faire l’objet d’un amendement de suppression ; j’ai pu, en tant que rapporteur, déposer l’amendement visant à le créer après que vous avez déposé vos amendements de suppression.

L’article additionnel porte sur un sujet majeur sur lequel notre collègue Vallaud avait travaillé : la criante injustice d’accès à la PCH pour les enfants. Aujourd’hui, l’accès à la PCH est conditionné à l’éligibilité à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Il s’agit d’une incohérence totale. Depuis près de dix ans, les rapports se sont succédé et l’anomalie est régulièrement dénoncée. Par le passé, un secrétaire d’État chargé de l’enfance avait reconnu la nécessité d’apporter une solution. Voilà tant d’années que nous tournons autour du pot !

Faute de pouvoir contourner l’article 40, je ne peux pas proposer, comme je le souhaitais, de décorréler l’accès à la PCH pour les enfants de l’AEEH. L’objet de l’amendement est donc de demander un rapport sur le sujet débouchant sur des solutions efficaces dès l’année prochaine.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Le comité stratégique que vous évoquez dans l’amendement est en effet chargé de proposer, d’une part, des adaptations du droit à la compensation du handicap aux spécificités des besoins des enfants et, d’autre part, des évolutions des modes de transport des personnes handicapées, intégrant tous les types de mobilité et assurant une gestion logistique et financière intégrée. Il a été créé par décret le 29 juin 2021 et la désignation de ses membres doit être achevée avant la fin du mois d’octobre. Il est donc très prématuré de demander un bilan de son action. Laissez-lui le temps de s’installer et d’intégrer l’ensemble des partenaires, notamment les conseils départementaux, sur les questions essentielles que sont les besoins des enfants en matière de compensation et les évolutions des modes de transport des personnes. Nous voterons donc contre l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Suppression de la majoration du plafond de cumul de l’allocation aux adultes handicapés et de la rémunération garantie en établissement et service d’aide par le travail lorsque le bénéficiaire est en couple

Amendement AS7 de Mme Christine Cloarec Le Nabour

Mme Véronique Hammerer. L’article 4, qui supprime la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, relance le débat de fond que nous avions eu au mois de juin s’agissant de l’individualisation d’un minimum social. Dans une société reposant sur la solidarité nationale et aspirant à être plus inclusive, l’individualisation touche aux domaines, non seulement politiques et philosophiques, mais aussi techniques ; elle bouleverse autant notre modèle de société que l’organisation des opérateurs ; elle transforme notre rapport à l’individu, à son autonomie financière, à ses droits et devoirs ainsi qu’aux aides qu’il perçoit.

Bien sûr, notre majorité ne considère pas l’allocation comme un minimum social comme les autres. C’est la raison pour laquelle elle a été attentive aux alertes émises sur le terrain par les associations. Lors de la deuxième lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, nous avons apporté une solution concrète en modifiant le système de prise en compte des revenus du conjoint. Comme nous nous y étions engagés, le PLF 2022 traduit, dans son article 43, cette réforme qui permet d’accroître le nombre de bénéficiaires inactifs de l’AAH. Ce sont ainsi près de 120 000 ménages qui verront leur AAH augmenter. Concrètement, les bénéficiaires inactifs dont le conjoint est payé au SMIC, c’est-à-dire 1 230 euros, pourront bénéficier d’une AAH à taux plein, alors que dans le système actuel, ils ne peuvent la conserver.

De son côté, la déconjugalisation ferait 44 000 perdants : 21 % des allocataires perdraient le bénéfice de l’AAH avec la prise d’une activité professionnelle. Je donne à nouveau l’exemple de Clément, bénéficiaire de l’AAH, en situation de handicap, qui gagne 1 800 euros par mois, et dont la conjointe, Stéphanie, à temps partiel, gagne 800 euros. Avec notre réforme, Clément maintient ses revenus ; avec la déconjugalisation, il perd 370 euros. Voilà des faits. Je sais bien que dans l’article 7, vous maintenez le bénéfice de l’allocation pendant dix ans.

Il est bon de défendre une idée, mais il faut qu’elle puisse s’appliquer sur le plan technique. En tant que législateurs, nous avons une responsabilité en la matière. Nous avons un désaccord philosophique et conceptuel sur l’article 4. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons sa suppression.

M. le rapporteur. Sur cet article, comme sur tous les autres, vous avez donc fait le choix de l’amendement de suppression. Je le répète, vous auriez pu corriger, autant de fois que vous le voulez ; vous auriez pu voter pour, vous abstenir ou voter contre. Mais vous avez choisi ce que je considère comme une sale méthode : supprimer purement et simplement l’article – je le répéterai jusqu’au dernier article. Nous avons une divergence sur ce point.

Au sein même de la majorité, groupe majoritaire compris, il existe des divergences. Lorsque l’on provoque l’opposition de tous les groupes politiques et d’une partie de sa propre famille politique, c’est peut-être que l’on ne détient pas la vérité. Je sais la discipline qui règne au sein de votre groupe politique – elle est heureuse et louable –, mais lorsque celle-ci vient à se fissurer, c’est peut-être que la question mérite d’être posée et qu’un peu de doute serait bienvenu.

Nous parlons d’une question de principe. La responsabilité technique que vous ne cessez de mettre en avant ne doit pas servir à cacher une lâcheté politique. La responsabilité technique incombe à nous tous. Sur le plan technique, la déconjugalisation de l’AAH est tout à fait faisable. Sur le plan juridique, elle est aussi parfaitement fondée puisque l’AAH n’est pas un minimum social au sens du code de l’action sociale et des familles ; elle relève de la solidarité. D’ailleurs, les voies de recours en matière d’AAH ne sont pas celles qui sont prévues pour les minima sociaux. C’est bien la preuve que, dans l’esprit du législateur, l’une et l’autre relèvent de deux champs différents.

La conjugalisation de l’AAH pose des problèmes très douloureux. Dans nos circonscriptions, nous voyons de nombreux cas – un seul suffirait à nous convaincre d’avancer – de personnes en situation de handicap qui refusent de s’installer avec leur conjoint parce que demain elles seraient perdantes au regard de l’AAH. La France est systématiquement rappelée à l’ordre par les autorités internationales à ce sujet. Nous sommes l’un des rares pays d’Europe dans lequel cette injustice demeure. Si tous les autres pays ont accepté d’individualiser l’allocation, c’est sûrement pour une question de principe et parce que c’est tout à fait faisable. Nous assumons de porter une nouvelle fois ce débat sur le devant de la scène et nous le ferons tant que le problème n’aura pas été résolu. Nous pouvons être en désaccord sur le fond ; chacun d’entre nous doit l’assumer.

Vous savez comme moi que les derniers débats à ce sujet ont été douloureux, non seulement pour des raisons d’ordre politique et médiatique, mais aussi en raison de l’argument qui a été avancé par Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées devant la représentation nationale, en séance publique : le logiciel n’est pas adapté pour traiter la question – je reprends strictement son argument.

Par ailleurs, penser que des mesures d’adaptation, telles que celles que vous envisagez d’introduire par le PLFSS 2022, peuvent compenser une injustice de principe, c’est faire erreur, car il s’agit d’un sujet de principe fondamental, touchant au respect de nos concitoyens et à l’organisation de la société.

Dernier argument parmi ceux que je ne peux entendre : dans une situation de handicap, la solidarité familiale devrait primer. Il n’est pas nécessaire de solliciter la solidarité familiale dans un couple lorsque l’un de ses membres perçoit l’AAH, ni de demander à son conjoint plus encore que ce qu’il fait déjà ! L’idée qu’il reviendrait au conjoint d’assumer la charge, et par là la mise sous dépendance de la personne en situation de handicap, est absolument insupportable. Dans le cas très singulier des femmes victimes de violences conjugales, qui sont nombreuses parmi celles en situation de handicap, cette dépendance est encore plus insupportable que les violences qu’elles subissent quotidiennement.

Vous avancez qu’il y aurait des perdants. Il y a bien quelques perdants identifiés, mais ils sont dans des situations très particulières. En réalité, la réforme que je propose ferait 196 000 gagnants, sans parler du gain au regard des grands principes de la République – ils ont leur importance lorsqu’on débat de la loi à l’Assemblée nationale. Les 44 000 perdants identifiés sont repêchés par l’article 7, de sorte que la proposition de loi ne fait aucun perdant. Elle ne fait d’ailleurs aucun gagnant non plus, car la question n’est pas là. Il s’agit de faire en sorte que celles et ceux qui sont en situation de handicap bénéficient de la solidarité nationale. Je récuse les termes de gagnants et de perdants, car quiconque dispose de quelques centaines d’euros par mois pour vivre en situation de handicap doit juste recevoir de la République une marque de solidarité bien nécessaire.

M. Nicolas Turquois. Si je désapprouvais les trois premiers articles de votre proposition de loi sur la forme, je pouvais partager le constat que la PCH présente un problème au regard de son homogénéité et de son périmètre. En revanche, je suis totalement opposé à la philosophie qui prévaut à partir de l’article 4, visant à la déconjugalisation de l’AAH.

Nous avons, en France, un principe fort de solidarité familiale, qui régit l’attribution des diverses allocations de solidarité. Ce principe ne doit pas être amoindri à l’épreuve du handicap. Le remettre en cause, alors même que votre groupe politique est très attaché à la notion de famille, pourrait entraîner la remise en cause de l’attribution de nombreuses autres allocations de solidarité. Vous risquez donc de fragiliser un système social dont vous êtes, au sein de votre groupe, le premier à dire qu’il est trop généreux. Déconjugaliser l’attribution des allocations de solidarité aurait des conséquences financières autrement plus lourdes que celles que vous déplorez à longueur de questions au Gouvernement.

Je suis absolument opposé à la déconjugalisation de l’AAH. Si nécessaire, il faut la compenser, et c’est l’objet de l’abattement forfaitaire sur les ressources du conjoint, qui a été introduit en juin dernier. Je voterai l’amendement de suppression de l’article.

Mme Jeanine Dubié. Il ne faut pas confondre solidarité familiale et conjugalisation des allocations de solidarité. La solidarité familiale s’exprime en effet dans le cadre des principes de l’aide sociale, qui fondent le code de l’action sociale et des familles. Elle inclut l’obligation alimentaire, le recours sur succession, voire la clause de retour à meilleure fortune. Or l’AAH ne relève pas du code de l’action sociale et des familles, mais du code de la sécurité sociale. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, il s’agit d’un contentieux distinct. Il faut arrêter de répéter bêtement des choses qui ne sont pas vraies ! L’AAH n’est pas un minimum social. Je vous invite à consulter le site du ministère des solidarités et de la santé : il y est bien indiqué que l’AAH est une prestation familiale à vocation spéciale.

Nous voulons déconjugaliser l’AAH pour mettre fin à la dépendance financière de la personne handicapée à son conjoint. C’est là le sujet et vous ne voulez pas l’entendre, en dépit même du rapport publié au mois de juillet par le comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies et enjoignant à la France de réformer sa réglementation pour séparer le revenu des personnes handicapées de celui de leur conjoint. Les choses sont claires !

Je remettrai le couvert lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique. En tout cas, arrêtez de dire des choses qui ne sont ni vraies ni vérifiées. Au demeurant, je rappelle que notre législation ne comporte aucune définition du minimum social. Aucune !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Monsieur le rapporteur, vous avez longuement expliqué que vous souhaitiez humblement apporter des solutions sur lesquelles vous souhaitiez parvenir à un consensus. Je suis donc un peu surpris que vous fassiez de la politique, en disant en substance que les oppositions et une partie de la majorité sont d’accord avec vous. J’avais retenu de nos échanges que vous ne souhaitiez pas faire de ce texte un sujet politique.

Mme Caroline Fiat. À l’évidence, il s’agit d’un sujet politique. Lorsque nous débattons d’un sujet transpartisan, que, sur tous les bancs dont ceux de la majorité, nous sommes d’accord, et qu’associations et usagers le sont aussi, il faut le dire. Il ne s’agit pas de la lubie d’un groupe ou d’un individu ; la majorité des Français s’accorde à ce sujet. Le rappeler est une démarche politique. Nous avons tous été alertés par les associations et les usagers.

Il faut arrêter de tout confondre. L’AAH n’est pas un minimum social, c’est une modalité de la solidarité nationale. Certains, pour ne pas en perdre le bénéfice, ne se mettent pas en couple ou déclarent vivre en colocation. Voilà où nous en sommes ! Des gens ne peuvent pas vivre librement leur histoire d’amour pour ne pas perdre le bénéfice de l’AAH !

Mme Monique Limon. Ça suffit !

Mme Caroline Fiat. Vivre librement son histoire d’amour est un droit, percevoir l’AAH aussi ! Les handicapés n’ont pas à demander l’aumône, ils n’ont pas choisi leur handicap ! La solidarité nationale leur ouvre un droit, dans le cadre du plan de financement de la sécurité sociale. Donnons-leur ce droit sans aller mettre notre nez dans les revenus du conjoint ou de la conjointe.

M. Boris Vallaud. Pour enfoncer le clou, je dirai que la majorité et le Gouvernement sont seuls dans cette affaire. Chacun comprend que tout cela est très injuste. Le handicap est personnel, et non partagé dans le couple. Il s’agit d’assurer l’autonomie du conjoint en situation de handicap. Il ne s’agit pas d’un minimum social tenant compte des revenus du ménage, mais de la compensation d’un handicap, dont je répète qu’il est personnel. La déconjugalisation de l’AAH est une mesure de justice et de bon sens, dont de moins en moins de gens comprennent que vous refusiez de la prendre, chers collègues de la majorité. Nous voterons contre l’amendement de suppression de l’article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Après l’article 4

Amendement AS3 de Mme Sabine Rubin.

M. Jean-Hugues Ratenon. La situation sanitaire démontre que les personnes handicapées sont plus isolées que les autres. Elles souffrent davantage de la crise, notamment de l’augmentation des prix et de la baisse du pouvoir d’achat. Il est heureux que l’AAH ait augmenté pour les bénéficiaires vivant seuls et ne disposant d’aucune autre ressource. Elle n’en demeure pas moins inférieure au seuil de pauvreté.

Par cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport sur l’augmentation de l’AAH au niveau du SMIC, voire plus. Il est difficile d’accepter l’idée que l’État maintienne volontairement des gens en situation de pauvreté. Il est urgent d’assurer la justice sociale, en rendant à ces personnes du pouvoir d’achat et aussi un peu de bien-être à travers l’augmentation de l’AAH.

Les membres du groupe La France insoumise proposent la création d’un revenu d’existence égal au salaire minimum qui, de manière cohérente avec le présent texte, doit être déconnecté des revenus du conjoint ou de la conjointe.

M. le rapporteur. Je partage votre analyse sur la proximité entre précarité et situation de handicap, sur laquelle nous devons être vigilants. Je ne suis pas certain que l’augmentation de l’AAH au niveau du SMIC soit la solution du problème. Toutefois, notre assemblée semble avoir acquis une culture des rapports qui m’amène à émettre un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés et de la majoration de son plafonnement

Amendement AS8 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Véronique Hammerer. Pour les raisons exposées lors de l’examen de l’article 4, nous demandons la suppression de l’article 5.

M. le rapporteur. Vous auriez pu corriger et amender le texte, et ainsi contribuer utilement à la discussion. Vous avez préféré déposer, sur cet article comme sur les autres, un amendement de suppression – je le dirai jusqu’au dernier article.

Nous n’allons pas rouvrir le débat que nous venons d’avoir et que nous aurons sans doute à nouveau en séance publique. Nous sommes favorables, par principe, à la déconjugalisation de l’AAH ; vous ne l’êtes pas. Nous sommes en désaccord sur ce point.

M. Isaac-Sibille a prêté à certains de mes propos une intention politicienne. Il me semble avoir veillé d’emblée à avancer des propositions aussi constructives et rigoureusement élaborées que possible. J’ai aussi dit ma conviction que nous pouvions nous retrouver s’agissant de la PCH, sur laquelle nous dressons un constat partagé, mais que nous avions un désaccord de fond et de principe sur l’AAH et sa déconjugalisation, qui n’est pas grave en lui‑même mais mérite un débat serein.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Article 6 : Article de coordination

Amendement AS9 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Véronique Hammerer. Nous souhaitons supprimer l’article 6, qui permet d’inscrire les modifications prévues aux articles 4 et 5 dans le code de l’action sociale et des familles.

M. le rapporteur. J’observe que votre méthode de suppression des articles vaut même pour les articles de coordination. Vous sortez l’artillerie lourde pour des sujets qui mériteraient une autre approche. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7 : Maintien transitoire des modalités de calcul actuelles de l’allocation aux adultes handicapés

Amendement AS10 de Mme Christine Cloarec-Le Nabour.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. L’article 7 reprend les dispositions adoptées par le Sénat lors de la première lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Il crée un droit d’option d’une durée de dix ans, pendant laquelle les bénéficiaires de l’AAH peuvent opter pour sa déconjugalisation.

Celle-ci aurait pour conséquence de favoriser les couples les plus aisés qui, grâce au mode de calcul fondé sur les seules ressources de la personne en situation de handicap, auraient le droit de percevoir l’AAH. Comme l’indique le rapport du Sénat sur la proposition de loi précitée, elle ferait 44 000 perdants. Il s’agit pour l’essentiel de couples formés d’un bénéficiaire de l’AAH qui travaille et d’un actif à faible revenu. La déconjugalisation est donc une mesure antiredistributive.

En outre, un tel droit d’option est source de complexité pour les bénéficiaires de l’AAH en cas d’évolution de leur situation familiale, dont ce système à double vitesse ne tient pas compte. Il en résultera une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de l’AAH et les nouveaux entrants, ce qui est contraire au principe de justice sociale.

Enfin, la mise en œuvre opérationnelle d’un tel système, en l’absence de concertation avec les caisses d’allocations familiales et les acteurs concernés sur sa faisabilité, est très incertaine.

Nous voterons donc la suppression de l’article.

M. le rapporteur. L’argument selon lequel la déconjugalisation de l’AAH ferait massivement des perdants n’est pas tenable. La réalité a été identifiée avec sérieux. Sans parler de perdants ou de gagnants, la déconjugalisation de l’AAH permettrait à 200 000 personnes d’être traitées avec davantage de justice. Pour les 44 000 personnes qui seraient désavantagées, l’article 7 offre une solution de transition. Notre démarche est cohérente : sur le principe, nous voulons une meilleure justice, et nous trouvons une solution pour la période de transition.

Mme Cloarec-Le Nabour critiquait à l’instant la déconjugalisation comme une mesure antiredistributive. Il ne faut pas tout mélanger. La question de l’AAH n’a rien à voir avec celle de la redistribution, qui relève de dispositions fiscales. Il s’agit d’une notion tout à fait inadaptée pour aborder la question de la déconjugalisation de l’AAH.

L’article 7 est cohérent avec le principe de la déconjugalisation que nous défendons. Il permet de trouver une solution pour celles et ceux qu’elle pourrait léser. C’est la suite logique des dispositions que nous avons présentées tout à l’heure. Je remarque encore que vous opposez un amendement de suppression brutale.

M. Nicolas Turquois. Je concède au rapporteur que l’article 7 est cohérent avec sa philosophie, mais nous ne la partageons pas. Nous sommes attachés à la pérennité de notre système social, qui est l’un des plus généreux au monde. Celle-ci pourrait être remise en cause par l’adoption du principe de déconjugalisation. Nous sommes donc opposés à tous les articles procédant de cette philosophie.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8 : Gage financier

La commission rejette l’article 8.

L’ensemble des articles et des amendements portant articles additionnels ayant été supprimés ou rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre travail. Il y a une divergence entre vous et la majorité. À ce propos, j’aimerais remettre l’église au centre du village. Vous avez qualifié les amendements de suppression de « fallacieux », évoquant une « sale méthode ».

M. le rapporteur. Je l’assume !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Certes, leur adoption ne vous réjouit pas. Toutefois, sachez que tous les groupes utilisent cette méthode, même sur des textes issus de la majorité.

M. le rapporteur. Jamais sur tous les articles !

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés ou rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la Commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


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   annexe N° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

     Table ronde :

– Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) – Mme Roselyne Touroude, vice‑présidente

– Autisme France – Mme Danièle Langloys, présidente

 Handéo – M. Cyril Desjeux, directeur scientifique

– Union nationale des associations de parents, et amis de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) (*) – M. Luc Gateau, président, et Mme Annelise Garzuel, responsable du plaidoyer national

     Audition commune :

– APF France handicap (*)Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale chargée de la compensation, de l’autonomie, de l’accès aux droits et des MDPH

– Collectif handicaps – M. Stéphane Lenoir, coordinateur

     Audition commune :

– Association « Le prix de l’amour » – Mme Anne-Cécile Mouget, sociologue, membre du collectif, chargée de mission au secrétariat de la CNCDH, M. Kevin Polisano, Mme Emmanuelle Kristensen et Mme Stessie Francomme, membres du collectif

– Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – Mme Bernadette Pilloy, présidente du Conseil français des personnes handicapées pour les affaires européennes et internationales (CFHE), membre de la CNCDH

     Pr Pierre-Yves Baudot, professeur de sociologie à l’Université Paris‑Dauphine

     Dr Denis Leguay, psychiatre hospitalier, président de Santé mentale France et rédacteur du rapport sur la prestation de compensation du handicap, remis le 28 juillet 2021 à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Mme Sophie Cluzel, et au ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran

     Mme Claire Hédon, défenseure des droits, Mme George Pau-Langevin, adjointe de la Défenseure des droits, en charge de la lutte contre les discriminations, Mme Fabienne Jegu, conseillère handicap, et Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   annexe N° 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR LORS D’UN DÉPLACEMENT

Déplacement à la maison départementale des personnes handicapées de Seine-et-Marne (MDPH 77) – lundi 27 septembre 2021

  M. Jean-François Parigi, président du conseil départemental de SeineetMarne, Mme Anne Gbiorczyk, vice-présidente du conseil départemental en charge de l’enfance, de la famille et de la présence médicale, M. Bernard Cozic, vice-président du conseil départemental en charge des solidarités, Mme Sophie Feltrin, directrice d’Hand-Aura (association porteuse du PCPE et de la communauté 360 covid), M. Dominique Chapron, président de l’ADAPEI, Mme Gaëlle ChoquerMarchand, directrice de la caisse d’allocations familiales, un usager bénéficiaire de la PCH, un pair-aidant, Mme Armelle Rousselot, directrice de la MDPH 77, M. Jean-Yves Coudray, directeur de l’autonomie du conseil départemental, et M. Jean-Luc Lods, directeur général des solidarités

 

 


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Annexe N° 3 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 245-3

2

Code de l’action sociale et des familles

L. 245-3

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 245-1

4

Code de la sécurité sociale

L. 821-1

5

Code de la sécurité sociale

L. 821-3

6

Code de l’action sociale et des familles

L. 244-1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

([2]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([3]) Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, n° 2550, déposée par Mme Jeanine Dubié et plusieurs de ses collègues le 30 décembre 2019.

([4]) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([5]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), La prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), 2021.

([6]) Pour la fin d’une discrimination dans l’accès à la prestation du handicap, rapport de synthèse pour un décret d’adaptation du référentiel d’accès à la PCH pour les personnes en situation de handicap du fait d’altérations des fonctions mentales, cognitives, psychiques, Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Autisme France, Hyper Supers TDAH France, Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (NAPPEZ), mai 2021.

([7]) Mission PCH, rapport du 28 juillet 2021 remis par le docteur Denis Leguay à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Mme Sophie Cluzel, et au ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran.

([8]) Troubles du neuro-développement.

([9]) Évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH), M. Daudé, H. Mauss, S. Paul (IGAS), 2016.

([10]) Relevé de décisions du Comité interministériel du handicap du 2 décembre 2016 : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2016/12/cih_2016_-_releve_de_decisions_et_mesures.odt

([11]) Créé par la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, le CNCPH est une instance consultative ayant pour mission d’assurer la participation des personnes en situation de handicap à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les concernant.

([12]) Qui constitue la référence depuis 2008 et dont le périmètre comprend l’ensemble des champs de la vie des personnes (domaines professionnel, scolaire, médical, environnemental...).

([13]) Décret n° 2017-708 du 2 mai 2017 modifiant le référentiel d’accès à la prestation de compensation fixé à l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles.

([14])  Minima sociaux et prestations sociales, éditions 2020, DRESS : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Fiche%2028%20-%20L%E2%80%99allocation%20aux%20adultes%20handicap%C3%A9s%20%28AAH%29.pdf

([15]) Dans sa réponse au questionnaire transmis par le rapporteur.

([16]) Relatif au respect du domicile et de la famille.

([17]) À l’occasion de l’examen de la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, dont elle était rapporteure, rejetée en séance publique par le Sénat le 24 octobre 2018.

([18]) Rapporteure de la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, rejetée en séance publique par l’Assemblée nationale le 7 mars 2019.

([19]) « La conjugalisation du calcul de l’Allocation adulte handicapé produit des effets inverses à ceux souhaités », tribune publiée le 17 juin 2021 dans le journal Le Monde.

([20]) Ce mécanisme a été inscrit dans la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

([21]) Le taux de prise en charge passe de 100 % à 80 % si les revenus annuels de la personne sont supérieurs à deux fois le montant de la majoration pour tierce personne, soit 27 033,84 euros en 2021.

([22]) Décret n° 2020-1826 du 31 décembre 2020 relatif à l’amélioration de la prestation de compensation du handicap.

([23]) 2017 : Le réseau des MDPH, acteur de son évolution. Synthèse des rapports d’activité 2017 des maisons départementales des personnes handicapées.

([24]) La loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap a mis fin à la barrière d’âge de 75 ans.

([25]) La composition de cette équipe varie en fonction de la nature des besoins ou du handicap de la personne concernée.

([26]) Il s’agit de la nouvelle juridiction issue de la fusion, depuis le 1er janvier 2020, des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance.

([27]) Cour des comptes, « L’allocation aux adultes handicapés », novembre 2019 :

https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-11/20191125-rapport-allocations-adultes-handicapes.pdf

([28]) Cour des comptes, « L’allocation aux adultes handicapés », novembre 2019.

([29]) Certains revenus peuvent néanmoins être exclus du calcul des ressources en raison de la situation du bénéficiaire ou de son conjoint.

([30]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11227111_615413bf987d2.commission-des-affaires-sociales--examen-de-diverses-propositions-de-loi-29-septembre-2021