N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 26
 

 

gestion du patrimoine immobilier de l’état

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul MATTEI

 

Député

____



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES ANALYSES Du RAPPORTEUR SPÉCIAL

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. l’évaluation des recettes du cas en 2021 est reconduite pour 2022

A. l’incertitude pesant sur le volume et la valeur des cessions immobilières explique le maintien de la prévision

B. un niveau de recettes qui nécessitera de puiser dans la trésorerie du cas pour financer ses dépenses

C. face à la raréfaction des biens facilement cessibles, les ressources du cas doivent être diversifiées

II. les crédits demandés témoignent d’une hausse importante des dépenses prévues pour 2022

A. l’augmentation des dépenses est le signe d’un retour à la normale du rythme des opérations immobilières

B. la contribution du cas à de grands projets structurants tire les dépenses vers le haut

C. l’évolution des travaux « du propriétaire » affecte peu l’équilibre du cas

III. le cas continue de n’occuper qu’une place mineure dans la politique immobilière de l’état

A. l’évolution de la politique immobilière de l’état peut laisser craindre une marginalisation accrue du cas

B. la mobilisation du foncier public ne doit pas tarir les ressources du cas

C. le CAS peut ACCOMPAGNER l’immobilier PUBLIC de demain

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.


—  1  —

   PRINCIPALES ANALYSES Du RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État mutualise les recettes provenant de ventes de biens immobiliers de l’État afin de financer des acquisitions et des opérations importantes, dites « du propriétaire ».

Le projet de loi de finances estime les recettes du CAS à 370 millions d’euros en 2022, dont les trois quarts devraient provenir du produit des cessions. Le quart restant correspond aux recettes issues des redevances domaniales et des loyers. Cette évaluation est identique à celle réalisée par la loi de finances pour 2021 en raison du report de projets de cession inaboutis au cours des années marquées par la crise sanitaire. De plus, l’estimation des ressources du CAS est un exercice difficile dans la mesure où il est rare de pouvoir anticiper le montant exact d’une vente et sa date d’encaissement.

Concernant les dépenses – portées par l’unique programme abondé Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État (n° 723) – il est demandé des crédits de paiement (CP) à hauteur de 420 millions d’euros et des autorisations d’engagement (AE) d’un montant de 370 millions d’euros. En conséquence, un solde négatif de 50 millions est à prévoir, ce qui impliquera la mobilisation de la trésorerie du CAS.

Les dépenses annoncées sont en hausse par rapport à ce que prévoyait la loi de finances pour 2021 (+ 85 millions d’euros en AE et + 145 millions d’euros en CP), en raison du nombre des opérations structurantes (acquisitions, constructions, agrandissements, remises à neuf) programmées. Le CAS participera ainsi à plusieurs grands projets immobiliers comme la rénovation des locaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (Quai d’Orsay XXI), l’aménagement du pôle d’excellence scientifique de Saclay, la restructuration du site de plusieurs opérateurs du ministère de la transition écologique à Saint-Mandé, la construction de la Cité du renseignement à Saint-Ouen ou encore les travaux du futur centre hospitalier universitaire (CHU) du Grand Paris-Nord.

Le rapporteur rappelle toutefois que le rôle joué par le CAS dans la politique immobilière de l’État demeure marginal. Il s’inquiète pour sa pérennité, compte tenu de la faiblesse structurelle de ses recettes, reposant essentiellement sur le rythme des cessions. Le rapporteur appelle à une diversification de ses sources de financement par le biais de valorisations alternatives des biens immobiliers. Dès lors, il considère que la mobilisation du foncier public pour le logement social ne doit pas tarir les maigres ressources du CAS.

 


DONNÉES CLÉS

répartition des recettes du cas en 2021 et 2022

Source : projet annuel de performances.

répartition des crédits de paiement du programme 723 pour 2022

Source : commission des finances.

répartition des crédits de paiement des principaux acteurs de la politique immobilière de l’état pour 2022

Source : commission des finances.

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État sert à mutualiser les recettes issues du produit des cessions de biens immobiliers et de celui des redevances domaniales et des loyers perçus par l’État. Il a été créé par l’article 47 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

Ces ressources permettent, en retour, au CAS de financer – ou de participer au financement – d’opérations immobilières structurantes (acquisition ou construction) et de travaux d’entretien dits « du propriétaire » (mise en conformité, réhabilitation, maintenance, contrôles et expertises…) pour le compte d’administrations occupantes (administrations centrales, services déconcentrés ou opérateurs).

Le projet de loi de finances pour 2022 évalue à 370 millions d’euros les recettes attendues par le CAS, constituées principalement du produit des ventes de biens bâtis ou fonciers appartenant à l’État. Cette estimation s’avère identique à celle réalisée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

En application de l’article 20 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État constitue une mission composée de deux programmes dont le responsable est le directeur de l’immobilier de l’État (DIE) du ministère de l’économie, des finances et de la relance :

– le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État ;

– le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État.

Le premier n’est plus abondé depuis 2018, le législateur ayant décidé que le CAS ne devait plus participer à la réduction de la dette publique ([1]) à compter de cette année-là. Le maintien de ce programme, qui n’est doté d’aucun crédit depuis quatre ans, permet de respecter formellement la prescription de l’article 7 de la LOLF selon laquelle une mission comprend au moins deux programmes.

Concernant le programme 723, le projet de loi de finances pour 2022 demande 370 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 420 millions d’euros de crédits de paiement (CP), ce qui représente une hausse respective de 29,8 % et de 52,7 % par rapport à la loi de finances pour 2021.

Compte tenu des prévisions de recettes, un déficit de 50 millions d’euros est anticipé pour la fin de l’exercice budgétaire, ce qui nécessitera de puiser d’autant dans la trésorerie du compte, qui s’élevait à 785,1 millions d’euros au 1er janvier 2021.

Plus que d’une hausse des dépenses, la demande de crédits pour 2022 est en réalité le signe d’un retour à la normale du rythme des opérations immobilières financées par le CAS après deux années marquées par les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’avancée des projets et la mise en vente des biens immobiliers. L’exécution partielle des crédits en 2021 laisse d’ailleurs entrevoir une situation financière plus dégradée que la loi de finances ne le prévoyait.

Par ailleurs, le CAS joue un rôle mineur dans l’ensemble de la politique immobilière de l’État dont il ne représente que 16 % de l’effort d’investissement annuel. L’essentiel des crédits consacrés à cette politique transversale sont, en effet, portés par les différents programmes des ministères.

Deux supports budgétaires spécifiques ont, de plus, accru la marginalisation du CAS au cours des dernières années : le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants de la mission Transformation et fonction publiques et le programme 362 Écologie du Plan de relance au travers de son volet dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État.

évolution des recettes et des dépenses du cas

(en millions d’euros)

 

LFI 2021

PLF 2022

Variation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État

0

0

0

0

-

-

P723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État

285

275

370

420

+ 30 %

+ 53 %

Recettes

370

370

-

Solde

-

+ 95

-

– 50

-

– 153 %

Source : projet annuel de performances.


I.   l’évaluation des recettes du cas en 2021 est reconduite pour 2022

Le projet de loi de finances pour 2022 évalue à 370 millions d’euros le montant des recettes susceptibles d’être perçues par le compte d’affectation spéciale (CAS). Ce montant est le même que celui anticipé par la loi de finances initiale (LFI) pour 2021 ([2]). Environ 70 % des recettes correspondent à l’encaissement des produits des cessions immobilières, ce qui était également le cas dans la prévision pour 2021.

Dans une perspective pluriannuelle, l’hypothèse de recettes apparaît comme relativement basse. Au cours des dix dernières années, elles se sont, en moyenne, élevées à 500 millions d’euros. Toutefois, leur niveau fluctue nettement d’une année sur l’autre (730 millions d’euros en 2019 et 262 millions d’euros en 2020 par exemple), ce qui ne rend pas nécessairement pertinente une comparaison de long terme.

Le rapporteur estime que c’est la trésorerie du CAS qui doit être analysée avec attention, de l’état de celle-ci dépend sa capacité à financer des opérations importantes et donc sa pérennité comme outil de la politique immobilière de l’État. Il considère également que l’équilibre du compte ne peut essentiellement reposer sur le produit des cessions.

A.   l’incertitude pesant sur le volume et la valeur des cessions immobilières explique le maintien de la prévision

Parmi les 370 millions d’euros de recettes attendues pour 2022, 260 millions d’euros devraient correspondre à l’encaissement du produit de ventes de biens immobiliers.

Quant aux autres recettes prévisibles, elles sont constituées des redevances domaniales et des loyers perçus par l’État qui ne devraient représenter qu’un quart des revenus du CAS (90 millions d’euros). S’ajouteront également des versements du budget général ainsi que des fonds de concours (20 millions d’euros).

répartition des recettes du cas en 2021 et 2022

Source : projet annuel de performances.

Cette évaluation, ainsi que la répartition des différentes catégories de recettes, s’avèrent exactement les mêmes que celles réalisées par la LFI pour 2021. Si le montant des produits des redevances et loyers et les versements issus de fonds de concours ou du budget général sont, par nature, comparables d’une année sur l’autre, cette reconduction à l’identique des prévisions pour 2021 peut sembler plus surprenante pour le produit des cessions, par nature aléatoires.

D’après la direction de l’immobilier de l’État (DIE) du ministère de l’économie, des finances et de la relance, les recettes en provenance des ventes de biens immobiliers se décomposent en deux catégories :

– les cessions habituelles dites « socles » estimées à 160 millions d’euros ;

– les cessions exceptionnelles de biens à forte valeur patrimoniale autour d’une centaine de millions d’euros.

Le rapporteur constate aussi une baisse tendancielle du montant du produit des ventes à la prévision comme à l’exécution (à l’exception de l’année 2019 marquée par quelques cessions particulièrement importantes en valeur). Toutefois, l’écart observé entre la prévision et l’exécution au moment de la discussion des projets de loi de règlement est souvent important, ce qui démontre le caractère difficile de l’anticipation des recettes du CAS.

recettes du cas de 2018 à 2020

(en millions d’euros)

Recettes

2018

2019

2020

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Produit des cessions immobilières

491,7

255,7

– 236

320

613,3

293,3

280

157,5

– 122,5

Produit des redevances domaniales et des loyers

90

89,2

– 0,8

90

107,1

17,1

100

94,3

– 5,7

Versements du budget général

-

10,4

10,4

-

4,6

4,6

-

5,4

5,4

Fonds de concours

-

15,2

15,2

-

4,1

4,1

-

4,3

4,3

Total

581,7

370,5

 211,2

410

729,1

319,1

380

261,5

 118,5

Source : rapports annuels de performances (2018-2020)

De plus, la date d’encaissement constitue un aléa qui tend également à faire glisser d’une année sur l’autre les prévisions de recettes. La mise en vente d’un bien prévu en année N peut n’avoir un effet sur les revenus du CAS qu’en année N+1. Selon les chiffres fournis par la DIE ([3]), 61 % des cessions de biens prévus pour 2022 auraient dû avoir lieu en 2020 ou 2021.

Au cours du premier semestre de l’année 2021, 296 biens ont été cédés pour un montant total de 111 millions d’euros. D’ici la fin de l’année, 620 autres biens devraient être vendus pour une valeur agrégée de 103,8 millions d’euros.

répartition des cessions par ministère au premier semestre 2021

Ministère

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente

Transition écologique

180

18 704 843

Biens non affectés

38

2 167 808

Agriculture et alimentation

17

3 788 712

Armées

14

13 790 982

Justice

13

2 303 676

Économie, finances et relance

13

2 844 220

Enseignement supérieur, recherche et innovation

7

1 926 831

Éducation nationale

4

2 213 600

Intérieur

3

3 714 553

Travail, emploi et insertion

3

582 250

Solidarités et santé

2

25 100 000

Europe et affaires étrangères

1

3 685 000

Services du Premier ministre

1

30 150 000

Total général

296

110 972 475

Source : réponses au questionnaire

répartition des cessions par catégorie de bien au premier semestre 2021

Nature

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente

Terrains

175

9 949 861

Logements

46

23 587 674

Locaux d'activité

29

33 800 200

Infrastructures

24

2 478 859

Bureaux

22

41 155 881

Total général

296

110 972 475

Source : réponses au questionnaire

Parmi les bâtiments et les terrains déjà cédés en 2021, moins d’une dizaine concentre 70 % des produits. Les opérations les plus importantes sont la cession des droits réels, par le biais d’un bail emphytéotique, de l’hôtel de Grenelle dans le 7e arrondissement de Paris (30,15 millions d’euros) et la vente à la commune de Vichy (Allier) des thermes de la ville (25 millions d’euros).

cessions supérieures à 2 millions d’euros conclues depuis le 1er janvier 2021

Département

Commune

Ministère
occupant

Service occupant

Date de signature

Prix de cession

Paris

Paris 7e Arr.

Services du Premier ministre

Autres

04/02/2021

30 150 000 €

Allier

Vichy

Santé

Administration centrale

05/03/2021

25 000 000 €

Var

Saint-Tropez

Armées

Autres

26/02/2021

8 200 000 €

Charente-Maritime

La Rochelle

Transition écologique

Autres

07/01/2021

4 723 000 €

Danemark

Gentofte

Europe et affaires étrangères

Bien à l'étranger

01/01/2021

3 685 000 €

Maine-et-Loire

Angers

Intérieur

Gendarmerie Nationale

23/03/2021

3 080 000 €

Bas-Rhin

Strasbourg

Armées

Autres

18/02/2021

2 700 000 €

Source : réponses au questionnaire.

En 2022, c’est 741 biens qui devraient être mis en vente pour la somme globale de 286,6 millions d’euros. Les immeubles de bureaux représenteraient 16 % de ces cessions en volume mais 55 % en valeur.

répartition des cessions prévues en 2022 par ministère

Ministère

Nombre de biens à vendre

Valorisation estimée

Transition écologique

347

19 496 974

Biens non affectés

94

2 461 054

Armées

62

26 226 020

Agriculture et alimentation

53

5 792 109

Intérieur

42

44 548 986

Économie, finances et relance

47

16 876 174

Justice

19

3 376 242

Enseignement supérieur, recherche et innovation

18

30 681 467

Europe et affaires étrangères

13

7 839 648

Éducation nationale

12

9 952 224

Culture

10

86 742 400

Travail, emploi et insertion

9

4 648 046

Services du Premier ministre

8

25 927 540

Solidarités et santé

6

2 029 528

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

1

1 792

Total général

741

286 600 202

Source : réponses au questionnaire.

répartition des cessions prévues en 2022 par catégorie de bien

Nature

Nombre de biens à vendre

Valorisation pondérée*

Terrains

334

18 308 719

Logements

137

60 083 627

Bureaux

119

158 186 133

Infrastructures

79

9 089 028

Locaux d'activité

70

40 911 527

Culte et monuments

2

21 168

Total général

741

286 600 202

Source : réponses au questionnaire.

Les principales opérations, en valeur, concerneraient :

– des locaux du ministère de la culture situés dans les 1er et 2e arrondissements de Paris ([4]) ;

– le fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) relevant du ministère de l’intérieur ;

– un immeuble occupé par une partie des services du Premier ministre dans le 6e arrondissement de Paris ([5]) ;

– un bien à La Rochelle (Charente‑Maritime) affecté au ministère de l’économie, des finances et de la relance ;

– un bien à Arcachon (Gironde) relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

B.   un niveau de recettes qui nécessitera de puiser dans la trésorerie du cas pour financer ses dépenses

Au regard des crédits de paiement (CP) demandés pour les dépenses du programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État (420 millions d’euros), le solde annuel du CAS atteindrait – 50 millions d’euros avec une hypothèse de recettes de 370 millions d’euros. Pour 2021, la LFI prévoit, en revanche, un solde positif de 95 millions d’euros (370 millions d’euros de recettes pour 275 millions d’euros de CP).

prévision d’évolution du solde cumulé du cas en 2021 et 2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

En conséquence, la trésorerie du compte nécessitera d’être mobilisée à hauteur de 50 millions d’euros en 2022 si ces prévisions se confirmaient, montant qui reste en deçà de l’excédent attendu en 2021, ce qui permet de « lisser » les dépenses des deux années à recettes constantes.

C’est ainsi que les mauvais résultats de l’année 2020 (solde annuel de – 260 millions d’euros), en raison de la crise sanitaire, avaient pu être atténués par une trésorerie abondante laissée par les excédents exceptionnels de l’exercice 2019 (solde annuel de 343 millions d’euros) ([6]).

Au 1er janvier 2021, le solde cumulé du CAS s’établissait à 785,1 millions d’euros. Sur la base des hypothèses de recettes et de dépenses retenues en LFI pour 2021, le niveau de trésorerie devrait donc être de 880,1 millions d’euros au 31 décembre 2021 puis, compte tenu des prévisions du projet de loi de finances actuel, de 830,1 millions d’euros au 31 décembre 2022.

évolution du solde du cas depuis 2017

(en millions d’euros)

Source : commission des finances

Dans une perspective pluriannuelle, le solde cumulé se situerait alors dans une moyenne basse en comparaison des cinq dernières années exécutées (848,3 millions d’euros).

Le rapporteur rappelle toutefois que les prévisions pour 2021 restent à confirmer et que l’équilibre à long terme du CAS est structurellement fragile.

En effet, l’article 21 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». En conséquence, le CAS est tributaire des produits des cessions, des redevances et des loyers encaissés et ne peut donc financer ses déficits que par la mobilisation de sa trésorerie, c’est-à-dire des ressources non dépensées des exercices précédents.

Par ailleurs, il ressort des travaux du rapporteur que les prévisions de la LFI pour 2021 sont d’ores et déjà compromises.

En effet, les dépenses du programme 723 sont attendues en augmentation de 150 millions d’euros en CP sur l’année en raison du maintien du droit de tirage du ministère des armées sur le CAS. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, il avait été annoncé que la totalité des crédits relatifs aux dépenses immobilières serait supportée par les programmes de la mission Défense. Le renoncement à cette mesure a été acté par une concertation interministérielle au mois de mars.

Quant au rythme des cessions, il continue de subir les contrecoups de la crise sanitaire et, plus particulièrement, des dernières périodes de confinement (octobre-décembre 2020 et avril-mai 2021).

Au 31 août 2021, le solde annuel établi à titre provisoire atteignait – 15 millions d’euros et le solde cumulé 770,1 millions d’euros. De plus, la DIE rappelle qu’à ce stade de l’année « il est prématuré de dresser un bilan précis, car l’exécution de la programmation des ministères et des régions est en cours de réalisation et connaît traditionnellement une accélération sur la fin de l’année » ([7]).

Dans ce contexte, une diminution des réserves de trésorerie est donc anticipée. Le rapporteur estime que cette tendance à la baisse témoigne d’une dynamique de long terme.

Les biens immobiliers les plus « liquides » – c’est-à-dire les plus facilement cessibles – ont été vendus au cours des dernières années. À l’inverse, les plus complexes occupent une place de plus en plus importante au sein du stock géré par la DIE.

Le rapporteur note, à ce propos, une très nette dégradation de l’indicateur de performances du CAS.

Pour 2022, il est prévu que la valeur comptable nette des bureaux remis à la DIE depuis plus de trois ans représente 38 % de la valeur comptable nette de l’ensemble des bureaux remis alors que la cible est fixée à 19,5 % d’ici 2023 et que la prévision pour 2021 attendait un indicateur à 20,5 %.

part des bureaux remis au domaine depuis plus de 3 ans en valeur comptable

(en pourcentage de la valeur comptable de l’ensemble des bureaux remis au 31 décembre)

2017

2018

2019

2020

2021 (prévision)

2022 (prévision)

2023 (cible)

22,55

23

21,2

39,2

20,5

38

19,5

Source : projet annuel de performances (2022) et rapports annuels de performances (2017-2020).

À noter également que 86 % des biens dont la cession est envisagée en 2022 et qui devaient initialement être mis en vente en 2020 ou en 2021 « présentent une procédure de cession qualifiée de "difficile" voire "très difficile" au regard des caractéristiques des biens » ([8]). Cette complexité peut résulter de leur emplacement géographique, de leur état, des conditions d’accessibilité ou bien encore de la pollution.

C.   face à la raréfaction des biens facilement cessibles, les ressources du cas doivent être diversifiées

Suite au constat dressé ci-avant, le rapporteur considère qu’il est plus que jamais nécessaire de diversifier les ressources du CAS. Il estime que la stratégie du « tout-cession » n’aboutit qu’à une impasse.

Afin de respecter les prescriptions de la LOLF relatives aux comptes spéciaux, ces nouvelles recettes ne peuvent être issues que de l’exploitation des biens immobiliers remis à la DIE ([9]).

En conséquence, l’augmentation éventuelle des fonds de concours et des versements du budget général ne sauraient être une perspective. Ces derniers ne correspondent d’ailleurs qu’à des corrections techniques (remboursement au CAS de crédits avancés pour le compte d’autres programmes du budget général). Quant aux fonds de concours, ils trouvent leur origine dans l’utilisation de l’accord-cadre du service local du Domaine de Paris pour des missions d’assistance.

Le but est donc de trouver des modes alternatifs de valorisation de façon à accroître les autres types de ressources susceptibles d’être perçus par le CAS, comme les redevances et les loyers. Ces derniers proviennent des concessions ou autorisations de la compétence du directeur départemental des finances publiques (DDFiP), des concessions de logement dont l’État est propriétaire ou locataire ainsi que des locations d’immeubles du domaine privé de l’État.

Ils oscillent autour de 93 millions d’euros au cours des dernières années.

produit des redevances domaniales et des loyers depuis 2017

(en millions d’euros)

Année

Montant des redevances et loyers

Pourcentage des recettes

2017

86,3

19,9 %

2018

89,15

24,1%

2019

107,1

14,7%

2020

94,3

36,1%

2021 (prévision)

90

24,3 %

2022 (prévision)

90

24,3 %

Source : commission des finances

La variation de leur poids dans les ressources du CAS dépend des évolutions de la valeur globale des cessions. Ainsi, une hausse de leur part dans les ressources n’est pas synonyme de diversification mais, plutôt, de recul des produits de ventes de biens immobiliers.

Les redevances domaniales constituent des recettes non fiscales correspondant aux indemnisations versées en contrepartie d’une occupation privative du domaine public ou privé de l’État. Elles sont généralement composées d’une part fixe – calculée sur la valeur d’usage de l’emplacement – et, en présence d’une activité économique, d’une part variable – fonction des avantages retirés par l’occupant et du degré d’utilisation du domaine.

redevances domaniales supérieures à 500 000 euros en 2020

(en millions d’euros)

Montant annuel

Lieu

Nature du bien

Titre d’occupation

Occupant

2,1

Cannes (Alpes-Maritimes)

sous encorbellement

transfert de gestion

commune de Cannes

1,97

Toulon (Var)

terrain

convention d’occupation temporaire

SA Naval Group

1,9

Vichy (Allier)

ensemble immobilier

concession immobilière

SA Compagnie fermière de Vichy

1,1

Chatou (Yvelines)

terrain

convention d’occupation temporaire

SA EDF

1,1

Paris (16e)

bâtiment

bail ordinaire

chambre de commerce internationale

0,99

Cannes (Alpes-Maritimes)

plage

concession de plage

commune de Cannes

0,71

Brest (Finistère)

bâtiment

autorisation d’occupation temporaire

SA Naval Group

0,65

Istres (Bouches-du-Rhône)

terrain et bâtiment

autorisation d’occupation temporaire

SA Dassault Aviation

0,57

Dieppe (Seine-Maritime)

terrain et ouvrage de rejet d’eau

autorisation d’occupation temporaire

centrale nucléaire de Penly

Source : document de politique transversale Politique immobilière de l’État.

Quant aux loyers, ils sont acquittés par un agent public lorsqu’un logement de fonction est mis à sa disposition (conventions d’occupation précaire simples ou avec astreinte).

La dynamisation de ces ressources est un objectif fixé par le 2e comité interministériel de transformation publique (CITP) du 29 octobre 2018. Ses traductions concrètes sont encore en cours d’élaboration puisqu’un chef de mission a été désigné en janvier 2019 pour expertiser l’amélioration de la valorisation locative des biens inutiles aux besoins de l’État. Confiée à M. Jean-Marc Delion, elle a recommandé la création d’une agence de l’immobilier de l’État (AGILE) sous la forme d’une entreprise publique, recommandation suivie par le Gouvernement et en cours d’expérimentation et de constitution à partir d’une entreprise publique préexistante : la société de valorisation foncière et immobilière (SOFAVIM).

À ce stade, l’AGILE se concentre sur le développement, pour le compte de l’État, de la production d’énergie solaire sur des terrains publics inutilisés (délaissés routiers et surfaces polluées) avec l’installation de panneaux photovoltaïques dans le but parallèle de valoriser les biens de l’État et de contribuer à la transition énergétique. D’ici 2029, ces fermes solaires cédées à des développeurs industriels permettront la production de 1,6 gigawattheures (GWh), soit l’équivalent de la consommation annuelle de 334 000 foyers permettant d’éviter l’émission de 760 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2).

Dans ce même esprit, un protocole expérimental a été signé avec une société spécialisée dans l’implantation de pylônes destinés à héberger des antennes-relais dans le but d’assurer une meilleure couverture numérique du territoire et de diversifier la valorisation des biens de l’État, notamment ceux devenus inutiles ou difficilement cessibles.

Les baux emphytéotiques constituent un autre mode alternatif à la cession des biens. Ils constituent des cessions de droits immobiliers de longue durée par l’État qui délivre au preneur un titre constitutif de droits réels. Pendant la durée du titre, l’État reste propriétaire, le preneur ne peut céder le bien. Au terme du bail, l’État devient propriétaire des immeubles éventuellement édifiés sur la parcelle louée. Ils sont particulièrement pertinents pour conserver la propriété de biens d’une valeur patrimoniale exceptionnelle.

Le rapporteur appelle à poursuivre cet effort de diversification des ressources du CAS, condition de sa pérennité.

Il constate que ces efforts témoignent d’une gestion modernisée de l’actif de l’État basée, non pas sur la perspective de liquidation, mais sur un arbitrage permanent entre le maintien ou la sortie du domaine public selon l’utilité du bien, sa valeur à long terme, sa situation géographique ou encore son intérêt particulier.

Le rapporteur invite la DIE à davantage contractualiser les baux afin de garantir une utilisation conforme des biens immobiliers et d’encourager la sous-location, sous réserve que celle-ci soit sécurisée.

II.   les crédits demandés témoignent d’une hausse importante des dépenses prévues pour 2022

Pour 2022, 370 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 420 millions d’euros de crédits de paiement (CP) sont demandés pour le compte d’affectation spéciale (CAS).

Le projet de loi de finances prévoit ainsi, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021 ([10]), une augmentation de 30 % en AE et de 53 % en CP des moyens du programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État, unique support budgétaire du CAS. En effet, le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État n’est plus abondé depuis 2018 (cf. infra).

Dans une perspective pluriannuelle, le niveau de crédits demandés se situe dans la moyenne des dépenses du CAS depuis une dizaine d’années.

évolution des dépenses en dix ans

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Le financement d’opérations structurantes représente plus de la moitié des crédits demandés. En CP, elles devraient plus que doubler en 2022 en raison du retour à la normale du rythme des travaux menés par la direction de l’immobilier de l’État après la crise sanitaire.

crédits des actions du programme 723

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2021

PLF 2022

Variation

LFI 2021

PLF 2022

Variation

11 Opérations structurantes et cessions

145

210

+ 45 %

110

260

+ 136 %

12 Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

18,7

21,9

+ 17 %

20,7

21,9

+ 6 %

13 Maintenance

41

48,5

+ 18 %

46

47,5

+ 3 %

14 Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

80,3

89,6

+ 12 %

98,3

90,6

– 8 %

Total programme 723

285

370

+ 30 %

275

420

+ 53 %

Source : projet annuel de performances.

A.   l’augmentation des dépenses est le signe d’un retour à la normale du rythme des opérations immobilières

Le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État regroupe la totalité des crédits du CAS. Grâce aux recettes issues des produits des cessions, des redevances et des loyers (cf. supra), il permet de financement d’opérations structurantes (acquisitions, constructions, travaux préalables aux cessions…) et de dépenses dits « du propriétaire », c’est-à-dire des travaux qui, dans une location de droit commun, seraient de la responsabilité exclusive du bailleur.

Le CAS ne compte qu’un seul programme abondé depuis 2018. L’article 42 de la loi de finances pour 2017 ([11]) a prévu que « les produits de cessions de biens immeubles de l’État et les droits à caractère immobilier ne participent pas à la contribution au désendettement » à compter de 2018. Cette disposition suivait une recommandation formulée par la Cour des comptes ([12]) et par le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) visant à « donner un nouveau souffle à la politique immobilière [de l’État] » en lui donnant davantage de moyens. Elle s’inscrivait dans la continuité de la création de la direction de l’immobilier de l’État, sous l’autorité du directeur général des finances publiques (DGFiP), en remplacement du service France Domaine ([13]).

De 2006, année de création du CAS, à 2017, 970 millions d’euros de recettes avaient été consacrés à la diminution de la dette publique, ce qui représente une moyenne de près de 81 millions d’euros de crédits inscrits sur le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État.

Son maintien dans la nomenclature budgétaire du CAS permet de respecter formellement la prescription de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([14]) selon laquelle une mission ([15]) comporte au moins deux programmes. Si cette situation rend impossible tout amendement du Parlement visant à transférer des crédits entre les deux programmes, le rapporteur n’est pas pour autant favorable à l’idée de scinder en deux le support restant du budget du CAS car cela compromettrait une gestion souple de l’exécution des crédits par la DIE, souplesse d’autant plus nécessaire que le rythme d’encaissement des recettes et d’engagement des dépenses est, par nature, difficilement prévisible en matière d’immobilier.

Le rapporteur constate que la suppression de cette participation financière du CAS à la soutenabilité des finances publiques n’a pas eu pour conséquence d’accroître les dépenses. En effet, le niveau moyen de prévision et d’exécution des crédits est actuellement comparable à ce qu’il était jusqu’en 2017, voire en légère diminution.

niveau moyen des dépenses du programme 723

(en millions d’euros)

Période

Montant annuel moyen

2006-2017

466,33

2017-2022

416,60

Source : commission des finances.

Avec 370 millions d’euros en AE et 420 millions d’euros en CP, les crédits demandés pour 2022 sont donc du même ordre de grandeur que la moyenne annuelle des dépenses. L’augmentation sensible de 30 % des AE et de 53 % des CP révèle, en réalité, le faible niveau de financement du CAS en 2021.

L’année 2022 marque donc un retour à la normale après une période de crise sanitaire s’étant étalée sur les exercices 2020 et 2021 et qui avait vu les projets en cours être interrompus et les nouveaux être reportés.

Comme évoqué ci-avant, l’exécution des crédits au cours de la première partie de l’année 2021 laisse penser que le réalisé sera supérieur au prévisionnel. Au 31 août, les AE étaient engagées à hauteur de 82 % du montant ouvert en LFI et les CP décaissés à hauteur de 81 %. De plus, une accélération de l’exécution budgétaire est, comme chaque année, attendue en fin d’exercice.

consommation des projets immobiliers et entretien du propriétaire
des bop ministériels

(en euros)

Source : réponses au questionnaire.

consommation des projets immobiliers et entretien du propriétaire
des bop régionaux

(en euros)

Source : réponses au questionnaire.

Les profils de consommation sont très différents entre les administrations occupantes, qu’elles relèvent de budgets opérationnels de programme (BOP) ministériels ou de BOP régionaux. Les ministères engagent et payent principalement des projets immobiliers tandis que les préfectures de région consacrent leurs dépenses à l’entretien « du propriétaire ».

Enfin, l’absence de corrélation entre les AE et CP s’explique par la nature même des dépenses immobilières, caractérisées par un décalage dans le temps important entre leur engagement, leur liquidation et leur paiement.

 

B.   la contribution du cas à de grands projets structurants tire les dépenses vers le haut

En valeur, le programme 723 finance principalement des opérations structurantes. Elles correspondent aux acquisitions et aux constructions ainsi qu’aux dépenses préalables aux cessions (travaux, expertises, honoraires…).

Pour 2022, 210 millions d’euros d’AE et 260 millions d’euros de CP sont demandés pour cette catégorie d’opérations. Leur augmentation est très importante par rapport à la prévision faite par la LFI pour 2021 : + 45 % en AE et + 136 % en CP.

Ces crédits représentent 57 % des AE et 62 % des CP de l’ensemble du programme et donc du CAS.

répartition des crédits de paiement du programme 723 pour 2022

Source : commission des finances.

Les trois quarts des CP sont composés de dépenses d’investissement (titre 5 au sens de la LOLF) et ont donc pour effet d’accroître l’actif du bilan de l’État (acquisitions, constructions, restructurations, réhabilitations…). Ce sont ces crédits qui expliquent le dynamisme annoncé des dépenses du CAS pour 2022. Ils comptent pour 72 % de la hausse demandée.

 

 

 

 

 

évolution des crédits de paiement de l’action opérations structurantes

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Les nouvelles opérations les plus importantes à financer en 2022 sont principalement concentrées en Île-de-France et concernent des BOP ministériels. La plus onéreuse concerne la participation du CAS au projet « Quai d’Orsay XXI » qui devrait mobiliser 56,4 millions d’euros en AE soit le quart du budget dédié aux opérations structurantes.

En pratique, le lancement du projet « Quai d’Orsay XXI » se décline en 24 opérations concernant des sites du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) à Paris mais aussi à Nantes. La réalisation des travaux afférents devrait durer jusqu’en 2025. Ils visent à rénover et moderniser plusieurs implantations du MEAE afin de permettre le regroupement de ses directions en pôles stratégiques :

– pôle politique au quai d’Orsay (Paris, 7e arrondissement) ;

– pôle administratif et économique rue de la Convention (Paris, 15e) ;

– pôle numérique et support à Nantes (Loire‑Atlantique) ;

– pôle logistique et archives à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

S’il est vrai que le projet « Quai d’Orsay XXI » intègre les décisions de transferts d’effectifs de l’étranger vers la France et de Paris vers Nantes prises dans le cadre respectif des réformes des réseaux de l’État à l’étranger (RREE) et de l’organisation territoriale de l’État (OTE), le rapporteur s’interroge sur la présence de certains services au centre de Paris dans des biens immobiliers qui coûtent cher. Il note que ces projets n’ont pas été révisés à l’aune du développement du télétravail et de la déconcentration administrative dans les territoires.

Un autre quart des AE du programme 723 concerne la participation à deux chantiers d’envergure en périphérie parisienne : l’aménagement du pôle de Saclay et la restructuration de sites d’opérateurs du ministère de la transition écologique (MTE) à Saint-Mandé.

Environ 30 millions d’euros seront engagés pour les opérations immobilières du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) au plateau de Saclay, situé à cheval entre les départements des Yvelines et de l’Essonne. Le projet vise à regrouper des organismes de recherche, des grandes écoles, des universités et des entreprises privées pour créer un pôle d’excellence scientifique et technique (cluster économique) de dimension internationale.

Quant au projet du MTE à Saint-Mandé (Val-de-Marne), financé à hauteur de 29 millions d’euros par le CAS, il consiste en une restructuration des locaux de plusieurs opérateurs du ministère : l’institut géographique national (IGN), Météo-France et le service hydrographique et océanographique de la Marine nationale (SHOM). Les opérations doivent aboutir à la destruction d’un bâtiment, la rénovation de trois biens et la construction du nouveau siège de l’office français de la biodiversité (OFB).

Enfin, l’année 2022 verra également des opérations plus anciennes se poursuivre et entraîner des engagements de dépenses et des décaissements pour le programme 723 :

– la cité du renseignement à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) pour accueillir l’ensemble des services de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) du ministère de l’intérieur pour laquelle un marché de démolition et plusieurs marchés de prestations intellectuelles seront financés par le CAS ;

– la remise à niveau du parc immobilier de l’État à l’étranger pour le MEAE et, plus particulièrement, la construction de nouvelles ambassades à Doha (Qatar), Libreville (Gabon) et à Séoul (Corée du Sud) ;

– le projet de centre hospitalier universitaire (CHU) de « dernière génération » du Grand Paris-Nord (GPN) porté par le MESRI qui se poursuivra jusqu’en 2027 en reprenant notamment les activités médico-chirurgicales des hôpitaux Bichat-Claude Bernard et Beaujon et l’unité de formation et de recherche (UFR) en santé de l’université de Paris-Diderot (Paris-VII) ;

– les travaux structurants du ministère de l’économie, des finances et de la relance sur le site de Bercy afin d’adapter les installations techniques aux usages actuels.

 

C.   l’évolution des travaux « du propriétaire » affecte peu l’équilibre du cas

Le CAS, au travers du programme 723, permet également le financement de travaux « à la charge du propriétaire ». Cette expression permet de distinguer les opérations correspondant à celles qui seraient à la charge exclusive d’un bailleur, dans le cadre d’une location de droit commun, de celles qui relèverait du locataire (aménagement, petites réparations, entretien courant).

Le CAS, au travers de son programme 723, est donc compétent pour le financement de travaux correspondant :

– aux contrôles réglementaires, expertises, audits et diagnostics ;

– à la maintenance préventive et corrective ;

– à la réhabilitation, mise en conformité, remise en état et au gros entretien.

Pour la réalisation de ces opérations, 160 millions d’euros sont demandés en AE et en CP par le projet de loi de finances pour 2022. Par rapport à la LFI pour 2021, les AE sont en augmentation de 14 % tandis que les CP reculent de 3 %, signe d’un effet différé de la crise sanitaire (contraction des engagements de dépenses en 2020 et donc réduction des prévisions d’exécution en 2021 et 2022).

répartition des catégories de dépense au sein des travaux du propriétaire

Source : commission des finances.

Les travaux de réhabilitation, de mise en conformité ou de remise en état représentent plus de la moitié des dépenses d’entretien « du propriétaire » supportées par le CAS (89,6 millions d’euros en AE et 90,6 millions d’euros en CP).

 

 

 

Ces dépenses sont désormais cotées dans le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État annexé au projet de loi de finances, dit annexe « budget vert », ce qui n’était pas le cas dans le précédent. Elles font l’objet « d’une quote-part de 15 % favorable sur l’axe "atténuation climat" et sont cotées neutres sur les cinq autres axes » ([16]). En effet, les travaux de gros entretien sont réalisés dans une optique écologique dans la mesure où la DIE oriente les porteurs de projets vers l’utilisation de solutions économes en consommation d’énergie ou de recours à des matériaux durables. Ils assurent la pérennité d’un bâtiment public sur le long terme.

Ces travaux « lourds » se distinguent des opérations structurantes (cf. supra) dans la mesure où ils ont pour but de restaurer le potentiel des bâtiments et de leurs équipements. Parmi eux, la mise en conformité avec les réglementations en vigueur occupe une place importante.

En termes d’enjeu de politique publique, le rapporteur se réjouit de la participation du CAS aux travaux d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Les agendas d’accessibilité programmée (« Ad’ap »), instaurés par l’ordonnance du 26 septembre 2014 ([17]) et son décret d’application du 5 novembre de la même année ([18]), visent à remplir les objectifs fixés par la loi n° 2005‑102 du 12 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ils prennent la forme de plans d’action définis au niveau des administrations centrales ou des services déconcentrés.

La transition écologique est un autre objectif poursuivi par les travaux de mise aux normes. Il faut rappeler que le parc immobilier de l’État représente près de 100 millions de mètres carrés (m2) et 191 000 bâtiments ([19]). Sa rénovation énergétique constitue donc un enjeu de taille pour l’environnement mais aussi pour les usagers des services publics et les agents de l’administration en ce qu’elle permet une modernisation des lieux de vie collectifs et des espaces de travail.

La réduction de l’empreinte écologique des biens immobiliers de l’État est une obligation posée par le décret du 13 juillet 2019 ([20]) pris en application de la loi ELAN du 23 novembre 2018 ([21]). Elle implique de diminuer de 60 % la consommation des bâtiments de plus de 1 000 m2 de surface à l’horizon de 2050 par rapport à la consommation de 2010.

Le rapporteur considère que les moyens limités du CAS ne lui permettent pas de jouer un rôle à la hauteur des enjeux en ce domaine, d’autant plus que le Plan de relance, au travers de son programme 362 Écologie, finance un vaste plan de rénovation énergétique des bâtiments publics à hauteur de 2,7 milliards d’euros.

Toutefois, ces projets financés par le Plan de relance ne correspondent pas à des travaux lourds ou structurants, comme l’a constaté le rapporteur au cours de ses travaux de contrôle et d’évaluation au printemps 2021 ([22]), et ne s’inscrivent pas dans un horizon de long terme de transformation décisive.

III.   le cas continue de n’occuper qu’une place mineure dans la politique immobilière de l’état

La politique immobilière de l’État est transversale de nature. Aucune mission du budget général ne comprend l’ensemble des programmes concourant à cette politique publique. Les crédits consacrés aux dépenses immobilières d’un ministère font d’ailleurs rarement l’objet d’un seul support budgétaire et se trouvent souvent mêlés à d’autres dépenses de fonctionnement ou d’investissement au sein d’un ou de plusieurs programmes.

Si le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État occupe une place à part dans la mesure où il permet de mutualiser le produit de cessions, principalement, mais aussi de redevances et de loyers dans le but de financer des opérations structurantes ou bien des dépenses d’entretien « du propriétaire », il n’en demeure pas moins un outil mineur de la politique immobilière de l’État, eu égard à son budget. Sa marginalisation a d’ailleurs eu tendance à s’accroître au cours des dernières années en raison de la « concurrence » d’autres programmes emblématiques de cette politique transversale, voués à la rénovation des cités administratives et à la rénovation énergétique (Plan de relance).

Conscient des limites inhérentes du CAS, du fait de sa nature juridique, le rapporteur n’en demeure pas moins inquiet de cette évolution. Il estime que l’idée de lui faire supporter le financement de politiques de logement social serait un dévoiement et menacerait sérieusement sa pérennité.

Plus généralement, ce compte spécial doit prendre une part active dans l’élaboration de l’immobilier public de demain et saisir, à ce titre, l’opportunité que constitue la réflexion engendrée par la crise sanitaire sur les usages des bâtiments publics par les agents et pour les usagers.

A.   l’évolution de la politique immobilière de l’état peut laisser craindre une marginalisation accrue du cas

La politique immobilière de l’État est financée par 9,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 8,8 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) ([23]), en tenant compte des demandes du projet de loi de finances pour 2022. Ces crédits sont dispersés dans 46 programmes du budget de l’État.

Le CAS ne représente donc que 3,9 % des AE et 4,8 % des CP consacrés à la politique immobilière.

répartition des crédits de paiement des principaux acteurs de la politique immobilière de l’état pour 2022

Source : commission des finances.

Cette marginalisation n’est pas récente mais elle est accrue par deux programmes fortement dotés en crédits et concourant de manière emblématique à la politique immobilière de l’État :

 le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants de la mission Transformation et fonction publiques dont les crédits demandés s’élèvent 266 millions d’euros en CP sur une enveloppe initiale de 1 milliard d’euros en AE fixée en lois de finances pour 2018, 2019 et 2020 ([24]) ;

– le programme 362 Écologie de la mission Plan de relance qui devrait consacrer 729 millions d’euros en CP à la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État en 2022 au sein d’une enveloppe initiale de 2,7 milliards d’euros en AE prévue par la loi de finances pour 2021 ([25]).

 

La rénovation des cités administratives fait l’objet d’un programme spécifique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les montants en jeu – 1 milliard d’euros engagés – nécessitent un financement du budget général, les seules recettes mutualisées du CAS – 370 millions d’euros en loi de finances pour 2021 et dans le projet de loi de finances pour 2022 – ne sauraient être suffisantes pour des opérations simultanées d’une telle ampleur. Enfin, le Gouvernement avait souhaité assortir ces travaux d’objectifs de performances spécifiques : économie d’énergie attendue, optimisation de la surface occupée et efficience des projets financés.

Quant aux projets de rénovation énergétique des bâtiments publics financés par le Plan de relance, ils sont supportés par une partie des crédits du programme 362 Écologie : 2,7 milliards d’euros sur les 18,3 budgétés pour 2021, soit 14,8 %. Ils ont été sélectionnés à l’issue d’un appel à projet particulièrement rapide de septembre à décembre 2020, ce dont le rapporteur s’était alors inquiété.

Les 4 214 dossiers retenus correspondent, en réalité, à une multitude d’opérations facilement réalisables, autrement dit « à gains rapides ». Plus de la moitié ont un coût unitaire estimé à moins de 100 000 euros. Les opérations de rénovation globale ou de réhabilitation lourde ne concernent finalement qu’une centaine de projets pour un montant global de 600 millions d’euros. À l’issue de ses travaux de contrôle et d’évaluation au printemps 2021, le rapporteur estimait que « l’effort était bienvenu mais insuffisant au regard des enjeux et des perspectives de long terme » ([26]). D’après lui, le Plan de relance a surtout servi à financer des travaux trop onéreux pour être portés par les programmes ministériels et pas assez importants pour être pris en charge par le CAS ou bien le programme 348 Rénovation des cités administratives.

Si le CAS occupe une place marginale dans l’ensemble des dépenses consacrées à la politique immobilière de l’État, il faut néanmoins rappeler que le CAS supportait 16 % de l’effort d’investissement en 2020, en ne prenant en compte que les dépenses de titre 5 au sens de la LOLF ([27]), c’est-à-dire l’ensemble des opérations visant à accroître l’actif du bilan comptable de l’État (acquisitions, constructions, restructurations, réhabilitations…). Cette part est nettement supérieure à celle qu’il représente dans l’ensemble des dépenses immobilières, toutes finalités confondues mais n’en demeure pas moins révélatrice de sa marginalisation relative.

 

 

part du cas dans l’effort d’investissement de l’état

(en millions d’euros)

Source : document de politique transversale Politique immobilière de l’État.

La part que représentent les dépenses de titre 5 du CAS au regard de l’ensemble de l’effort d’investissement varie considérablement d’une administration occupante à une autre en fonction des opérations menées par chaque ministère, signe que le compte spécial ne joue finalement qu’un rôle d’appui pour des projets dont il ne fait que compléter le financement.

part du cas dans les dépenses d’investissement des ministères

(en euros)

Ministère

Dépenses du CAS
(Titre V investissements)

Dépenses « de propriétaire » de l’État

Pourcentage des dépenses du CAS

Europe et affaires étrangères

27 160 224

44 348 632

61 %

Agriculture et alimentation

1 931 575

3 802 089

51 %

Armées

69 511 567

912 348 858

8 %

Culture

1 605 668

48 913 278

3 %

Économie, finance et relance

11 653 783

70 708 119

16 %

Éducation nationale

898 514

63 020 095

1 %

Enseignement supérieur, recherche et innovation

25 274 930

30 928 006

82 %

Intérieur

117 630 233

345 573 041

34 %

Justice

3 135 791

373 756 463

1 %

Services du premier Ministre

3 371 021

12 338 634

27 %

Ministères sociaux (travail, solidarités, cohésion des territoires)

74 321

1 194 450

6 %

Transition écologique

6 450 196

26 698 240

24 %

Régions (interministériel)

40 666 641

 

 

Total

309 364 463

1 933 629 905

16 %

Source : réponses au questionnaire.

 

Le rapporteur en veut pour preuve le rôle dévolu à la direction de l’immobilier de l’État dans le pilotage des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) au niveau de chaque administration centrale. Il estime en effet qu’il existe un décalage entre le rôle théorique du représentant de l’État-propriétaire et sa contribution réelle dans l’élaboration de ces documents de planification. Il appelle à doter la DIE de la légitimité, des moyens et des compétences pour conduire les opérations immobilières.

De manière générale, il apparaît nécessaire de sortir le CAS de son ornière. Compte tenu des limites imposées à sa condition de compte spécial par la LOLF (opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières en relation directe avec les dépenses concernées), cette montée en puissance ne pourra passer que par une diversification de ses ressources (cf. supra).

Le rapporteur n’est toutefois pas favorable à la concentration des moyens de l’État-propriétaire dans un seul support budgétaire. Cette idée relève en effet d’une construction intellectuelle selon laquelle il y aurait un dédoublement virtuel de l’État entre un « propriétaire », incarné par la DIE et donc le ministère de l’économie, des finances et de la relance, et des administrations occupantes « locataires » (administrations centrales, services déconcentrés, opérateurs…). Les opérations d’entretien « du propriétaire » et les opérations structurantes ne peuvent être confiées à un seul responsable de programme.

B.   la mobilisation du foncier public ne doit pas tarir les ressources du cas

Comme il a été dit, le CAS sert à mutualiser les recettes issues des produits des cessions de biens bâtis ou fonciers appartenant à l’État. Ces ressources permettent, en retour, de financer des opérations structurantes ou bien des travaux à la charge « du propriétaire ». Dans ces conditions, il convient d’accroître ses revenus et non de les diminuer.

Pourtant, plusieurs dispositifs permettent de céder des biens fonciers en deçà de leur prix du marché.

C’est le cas de la décote « Duflot », par allusion aux dispositions de l’article 3 de la loi n° 2013‑61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public et au renforcement des obligations de production de logement social. Elle permet à l’État de vendre des biens devenus inutiles à l’exercice de missions de service public à un prix inférieur à sa valeur de façon à faciliter la construction de logements sociaux.

Ce dispositif a été appliqué pour la cession de 126 terrains sur lesquels environ 8 800 logements sociaux ont été construits. Il a représenté un manque à gagner de 232 millions d’euros de 2013 à 2020 avec un taux de décote moyen de 60 % mais qui a pu atteindre 82 % en 2020 avec un coût moyen par logement construit de 43 500 euros pour le CAS. Pour 2022, l’impact de ce type de cessions ne peut être apprécié avec fiabilité selon la DIE.

application de la décote « duflot »

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Nombre de terrains

12

21

34

21

18

13

6

Coût (en millions d’euros)

27,8

49,9

29,8

29,5

70,7

17,7

5

Taux moyen

55,8 %

67,4 %

46,3 %

74 %

66,7 %

43,9 %

81,6 %

Source : projet annuel de performances et document de politique transversale Politique immobilière de l’État

Depuis 2019, un mécanisme de plafonnement permet toutefois d’éviter des décotes disproportionnées. Il a été introduit par un amendement du rapporteur en loi de finances pour 2019 ([28]).

Dans cet esprit, l’article R. 3211‑15‑1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) ([29]) prévoit une limite au taux de décote en fonction du coût moyen du logement social lorsqu’il existe déjà des réserves foncières ou des biens susceptibles d’être utilisés pour réaliser le programme de construction.

Aucune cession n’est, pour l’instant, entrée dans le cadre de ce mécanisme depuis son entrée en vigueur. Il convient de rappeler que le taux de décote dépend fortement des caractéristiques d’une opération : valeur du bien, mixité sociale, coût de construction, zone géographique, etc. Le rapporteur souligne le manque de transparence du dispositif.

À ce dispositif s’ajoute également la possibilité pour l’État de céder pour un euro symbolique (décote de 100 %) d’anciens terrains militaires aux communes ou à leurs groupements, introduite en loi de finances pour 2009 et reconduite en loi de finances pour 2015 ([30]). Le coût de ces facilités s’est élevé à 296 millions d’euros depuis 2009.

Plus récemment, une commission sur la relance durable de la construction de logement a été mise en place par le Premier ministre (mai 2021). Présidée par M. François Rebsamen, maire de Dijon, elle a rendu son premier rapport portant sur le diagnostic et les mesures phares le 22 septembre 2021.

Notant les « multiples obstacles pratiques à une mobilisation efficace du foncier public en faveur du logement », notamment en raison des délais entre l’identification d’une disponibilité prochaine et sa cession effective, la commission suggère « d’instituer un mécanisme de péréquation au sein du compte d’affectation spéciale "Gestion du patrimoine immobilier de l’État" de façon à ce que le coût global des décotes [Duflot] soit réparti sur l’ensemble des affectataires ».

Le rapporteur estime que cette idée irait à l’encontre des efforts menés pour assurer la pérennité du CAS. Une péréquation aurait, de plus, pour effet de mobiliser les budgets opérationnels de programme (BOP) alloués aux services déconcentrés pour compenser ceux des administrations centrales.

C.   le CAS peut ACCOMPAGNER l’immobilier PUBLIC de demain

Dans son rapport sur le projet de loi de règlement de l’année 2019 ([31]), le rapporteur recommandait de « mener une réflexion globale sur les usages du patrimoine immobilier de l’État à la lumière des changements de pratiques qui se sont faits jour durant la crise sanitaire, dans la perspective d’une rationalisation des emprises et d’une diminution des surfaces utilisées, notamment dans les centres-villes ». Il faisait alors allusion au développement du télétravail ainsi qu’à la dématérialisation des procédures administratives et des contacts entre les agents et les usagers des services publics.

La crise sanitaire consécutive à la pandémie de Covid-19 n’a pas été, en elle-même, un déclencheur de ces réflexions mais elle en a sensiblement accéléré le questionnement. L’État doit donc s’interroger sur la manière de construire un immobilier tertiaire public plus flexible, plus résilient et plus adaptable aux diversités de situation du travail.

Le rapporteur se réjouit de la concertation menée par la DIE sur « l’immobilier de demain ». À son issue, un rapport a été rendu public en juin 2021. Il dresse le constat de l’inadaptation de l’immobilier public aux nouveaux besoins (diffusion du télétravail mais aussi fortes exigences en matière de qualité de vie au travail) du fait d’un encadrement qui repose sur le contrôle et la présence physique, de l’insuffisance des outils numériques ou encore du cloisonnement des espaces de travail.

L’impact concret de ces réflexions sur la politique immobilière de l’État aboutira à rechercher l’optimisation des surfaces. Le développement des nouveaux modes de travail au sein d’un parc immobilier qui évolue lentement nécessite d’abord de réaménager les espaces existants.

Le rapporteur note que l’ambition du « moins de mètres carrés » (densification) ne sera pas concurrencée par le « mieux de mètres carrés » dans la mesure où le processus de dématérialisation libérera des espaces. Les nouveaux modes de gestion documentaire (doctrine du « zéro papier ») qui se traduit par la réduction des surfaces dédiés à l’archivage est, à cet égard, éloquent.

Il est indéniable que le CAS, par sa participation au financement des opérations structurantes et à l’entretien lourd des bâtiments publics, jouera un rôle clé dans l’effort d’investissement de l’État dans l’immobilier public de demain.

Le rapporteur estime que des objectifs chiffrés et des indicateurs de performance pertinents, au regard de ces nouveaux enjeux de la politique immobilière de l’État, sont à construire.

En effet, les indicateurs renseignés dans les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances et aux projets de lois de règlement, qu’il s’agisse de ceux du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ou ceux de la politique transversale concernée, tendent à se focaliser sur l’occupation des surfaces au niveau des postes de travail ou sur le coût budgétaire de l’entretien immobilier.

Cette évolution majeure des ambitions de la politique immobilière est concomitante de la transition écologique actuellement à l’œuvre. Au cours de ses travaux de contrôle et d’évaluation au printemps 2021, le rapporteur a pu rappeler à quel point la rénovation énergétique constitue un enjeu majeur pour les biens immobiliers de l’État.

Le Plan de relance permettra de faire un pas important – quoiqu’insuffisant dans une perspective de long terme – dans cette direction. Le rapporteur regrette qu’un horizon de cinquante ans ne soit pas retenu pour les projets à mener.

Le chantier de la rénovation énergétique devra, dans un tout premier temps, relever le défi de la pénurie des matières premières et de la hausse des coûts des consommations intermédiaires. Si le calendrier de la mise en œuvre des projets retenus pour bénéficier des financements du Plan de relance ne pose actuellement pas de difficultés, un dérapage de leur coût peut être craint.

À noter également le risque que l’offre privée ne soit pas en mesure de répondre à la demande publique. En effet, le lancement simultané sur tout le territoire de plus de 4 000 projets de rénovation énergétique qui s’ajoutent aux autres travaux immobiliers que mènent les administrations centrales ou les services déconcentrés avec leurs propres crédits, ceux du CAS ou encore ceux du programme dédié à la rénovation des cités administratives sollicite de manière très importante le tissu économique local des petites et moyennes entreprises (PME) spécialisées dans le secteur du bâtiment. Cette demande publique s’ajoute également à une hausse importante de la demande privée du fait, là aussi, du Plan de relance (MaPrimeRénov’, bonus écologiques, primes à la conversion…).

C’est pourquoi une médiation a été mise en place dans la filière du bâtiment et des travaux publics (BTP) afin d’améliorer l’échange d’informations mensuelles entre la DIE et les organisations professionnelles sur les projets conduits, de manière à ce que les entreprises potentiellement intéressées soient candidates aux marchés publics.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 22 octobre 2021, à 9 heures 30, la commission des finances a examiné les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

Conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission.

 

 

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– M. Alain Resplandy‑Bernard, directeur de l’immobilier de l’État ;

– M. Alain Josserand, chef du bureau du financement et de l’inventaire immobilier.


([1]) Article 42 de la loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([2]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([3]) Réponses au questionnaire.

([4]) Rue des Pyramides, rue Louvois, rue de Richelieu et rue Colbert.

([5]) Rue du Cherche-Midi.

([6]) Vente de l’îlot Saint-Germain, de l’hôtel de Seignelay et des anciens locaux de l’école normale supérieure (ENS) de Cachan.

([7]) Réponses au questionnaire.

([8]) Réponses au questionnaire.

([9]) Si l’article 21 prévoit que « recettes peuvent être complétées par des versements du budget général », ces derniers ne peuvent pas dépasser « 10 % des crédits initiaux », soit, dans le cas du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, 42 millions d’euros en 2022.

([10]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([11]) Loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([12]) Cour des comptes, référé n° 71427 relatif au premier bilan de la politique immobilière de l’État, 30 décembre 2014 (rendu public le 19 mars 2015).

([13]) Décret n° 2016‑1234 du 19 septembre 2016 modifiant le décret n° 2008‑3120 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques et portant création d’une direction de l’immobilier de l’État.

([14]) Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([15]) Un compte spécial constitue une mission et ses crédits sont spécialisés par programme (article 20 de la LOLF).

([16]) Les cinq axes de cotation du « budget vert » sont : l’atténuation climat, l’adaptation climat, l’eau, les déchets, les pollutions et la biodiversité.

([17]) Ordonnance n° 2014‑1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

([18]) Décret n° 2014‑1327 du 5 novembre 2014 relatif à l’agenda d’accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public.

([19]) Document de politique transversale Politique immobilière de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2022.

([20]) Décret n° 2019‑771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

([21]) Article 175 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

([22]) Rapport spécial n° 27 de M. Jean-Paul Mattei sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État annexé au rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([23]) Source : document de politique transversale Politique immobilière de l’État

([24]) 20 millions d’euros d’AE par la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, 900 millions d’euros d’AE par la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et 80 millions d’euros d’AE par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([25]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.  

([26]) Rapport spécial n° 27 de M. Jean-Paul Mattei sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État annexé au rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([27]) « Les dépenses d’investissement comprennent les dépenses pour immobilisations corporelles de l’État et les dépenses pour immobilisations incorporelles de l’État » (article 5 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances).

([28]) Article 274 de la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([29]) Décret n° 2019‑1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l’article L. 3211‑7 du code général de la propriété des personnes publiques.

([30]) Article 67 de la loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 et article 39 de la loi n° 2014‑1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([31]) Rapport spécial n° 27 de M. Jean-Paul Mattei sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État annexé au rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 par M. Laurent Saint‑Martin, rapporteur général (27 mai 2020).