N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 43
 

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

 

PARTICIPATION DE LA France AU DÉSENDETTEMENT
DE LA GRÈCE

 

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

 

Rapporteure spéciale : Mme ValÉrie RABAULT

 

Députée

____

 

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Principales observations de la rapporteure spÉciale

donnÉes clÉs

Introduction

I. Le compte d’affectation spÉciale Participations financiÈres de l’État (PFE)

A. Les dÉpenses

1. L’évolution des dépenses du compte en 2021 et 2022

a. L’exécution partielle de 2021

b. Les prévisions pour 2022

2. Un circuit budgétaire peu lisible qui remet en question l’intérêt du CAS

a. Le CAS n’a plus grand-chose à voir avec la politique de l’État actionnaire

b. Des informations budgétaires très lacunaires

3. L’échec du Fonds pour l’innovation et l’industrie

B. Les recettes

1. L’exécution partielle de 2021

2. Les prévisions pour 2022

3. Le solde serait excédentaire en 2021 et en 2022

C. La pertinence des donnÉes transmises au Parlement pour le vote du CAS PFE

II. Le compte d’affectation spÉciale Participation de la France au dÉsendettement de la GrÈce

A. Le CAS a vocation À rÉtrocéder À la GrÈce les intÉrÊts qu’elle a versÉs À la Banque de France

1. Un programme de 2,8 milliards d’euros en soutien au rétablissement des finances publiques de la Grèce

2. Un véhicule budgétaire dédié

B. L’exÉcution du compte n’a pas ÉtÉ conforme À l’échÉancier initial

1. Les recettes ont été en partie anticipées

a. Les recettes sur les obligations détenues en compte propre

b. Les recettes sur les titres SMP

2. Les dépenses ont été interrompues en 2015

a. La prévision budgétaire de 2012 prévoyait le reversement de 2,8 milliards d’euros d’intérêts

b. La suspension des rétrocessions en 2015 entraîne un déficit de reversements

3. Prévisions pour 2022

C. La restitution impÉrative des 925 millions d’euros restant d’intÉrÊts versÉs par la GrÈce

1. Les restitutions à la Grèce restent insuffisantes

2. Le solde de l’État a été amélioré au détriment de la Grèce

3. Le programme de restitution a un impact négatif sur le dividende de la Banque de France

III. Le compte de concours financiers Avances À divers services de l’État ou organismes gÉrant des services publics

A. Objet du compte

1. Principe

2. Fonctionnement

B. Le programme 821 Avances À l’Agence de services et de paiement, au titre du prÉfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

1. Objet

2. Exécution

C. Le programme 823 Avances À des organismes distincts de l’État et gÉrant des services publics

1. Objet

2. Exécution

a. Les avances

b. Les remboursements

D. Le programme 824 Avances À des services de l’État

1. Objet

2. Exécution

E. Le programme 825 Avances À l’ONIAM au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex

1. Objet

2. Exécution

F. PrÉvisions pour 2022

EXAMEN EN COMMISSION

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 92 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.


—  1  —

   Principales observations de la rapporteure spÉciale

Ce rapport porte sur deux comptes d’affectation spéciale et un compte de concours financiers et aborde, à ce titre, des problématiques variées.

À propos du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

● Le CAS Participations financières de l’État (PFE) contient, de plus en plus, d’opérations qui ne relèvent pas de la stratégie de l’État actionnaire.

Le CAS PFE est régi par l’article 21 de la LOLF qui dispose que « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l’État, à l’exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d’affectation spéciale ».

Or depuis la crise sanitaire, ce CAS a été utilisé par le Gouvernement pour des opérations qui ne relèvent pas strico sensu de la mission prévue par la LOLF :

– dans la LFR 2 pour 2020 et la LFR 1 pour 2021, deux programmes ont été créés pour alimenter le CAS : le programme 358 de la mission Plan d’urgence et le programme 367 de la mission Économie. Ces programmes ont pour vocation de financer des situations d’urgence.

– dans le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement propose d’utiliser le CAS pour porter les crédits dédiés à l’amortissement de la « dette Covid », qui abondent le compte depuis la mission Engagements financiers de l’État. Le CAS devient dès lors un véhicule de paiement, très éloigné de la mission que lui affecte la LOLF.

Dans l’esprit de la LOLF, le CAS PFE a été créé pour rendre lisible la stratégie de l’État en matière de participations. Le dévoiement croissant de ses missions au fil des ans rend illisible la stratégie de l’État investisseur.

L’étude des crédits demandés sur le CAS depuis le début de la crise, et de nouveau en 2022, n’a donc que peu à voir avec la politique de l’État actionnaire.

 Contrairement aux autres missions budgétaires, les crédits votés en loi de finances initiale sont purement indicatifs, ce qui ne permet pas au Parlement de jouer son rôle de décisionnaire en matière budgétaire.

Le Gouvernement justifie cette situation par la nécessité de conserver confidentielles des opérations. La rapporteure spéciale comprend cet argument, néanmoins elle observe que des axes stratégiques pourraient être soumis à l’approbation du Parlement, via le vote d’enveloppes de crédits fléchées.

Concrètement, pour 2022, les dépenses prévues sur le CAS en 2022 atteindraient 8,9 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros d’opérations en capital (investissement) et 1,9 milliard d’euros au profit de la Caisse de la dette publique (désendettement). Sur les 7 milliards d’euros d’opérations en capital, seuls 4,3 milliards d’euros sont explicités.

● L’information budgétaire est de plus en plus lacunaire.

– Ainsi, la rapporteure spéciale regrette également les difficultés de suivi de l’état de consommation de l’enveloppe exceptionnelle de 20 milliards d’euros ouverte en LFR 2 en 2020.

Ces crédits ont fait l’objet de reports massifs d’une année sur l’autre et d’annulations tout aussi importantes à l’occasion du décret d’avance du 19 mai 2021. Au sein de cette enveloppe, 3,9 milliards d’euros étaient disponibles mi-2021, qui financeraient des opérations fin 2021 et en 2022, sans que le Parlement dispose d’informations précises sur les opérations prévues.

– Les limites soulignées ci-dessus sont d’autant plus regrettables que l’information budgétaire est très lacunaire avec, en 2022, plus de 90 % des opérations d’urgence et de relance financées par le budget général qui ne sont pas détaillées au sein des documents budgétaires. En effet, alors que 4,6 milliards d’euros sont prévus, seuls 330 millions d’euros (7 %) sont identifiés : la doctrine d’utilisation des crédits du Fonds de transition pour les entreprises fragilisées par la crise (1,5 milliard) n’est pas précisée alors que, dans le même temps, plusieurs opérations encore confidentielles sont prévues pour un total de 2,8 milliards d’euros.

Aucun indicateur de performance n’est par ailleurs renseigné sur le programme 731, cœur du compte d’affectation spéciale. Ce n’est pas, non plus, le cas du programme 358. Quant au programme 367, il n’a même pas été doté d’un dispositif de performance.

● Le traitement des dividendes versés à l’État par les sociétés dont il est actionnaire complique la lisibilité de la lecture budgétaire. 

Les dividendes tirés des participations de l’État n’alimentent pas le CAS PFE, ce que la rapporteure spéciale regrette, comme elle l’a exprimé à chaque loi de finances depuis 2017. Concrètement, les dividendes versés sont inscrits au budget général de l’État et n’abondent pas le CAS PFE.

Depuis sa création en 2006 jusqu’à 2020, l’État a reçu, au budget général, 89,5 milliards d’euros de dividendes. Pour 2022, le niveau de dividendes versés par les sociétés non financières est attendu à 1,4 milliard d’euros, un niveau proche à l’avant-crise, après un point bas en 2020 (336 millions) d’euros et une remontée partielle en 2021.

La rapporteure spéciale préconise que les dividendes des sociétés dont l’État est actionnaire via l’Agence des Participations de l’État soient versés au CAS PFE et que chaque année, lors du débat budgétaire, le Parlement se prononce sur le montant de dividendes qui resterait au CAS PFE et celui qui serait transféré au budget général de l’État. Ceci aurait deux effets positifs : donner de la lisibilité financière au CAS PFE et redonner au Parlement son pouvoir en matière d’arbitrage budgétaire.

● Enfin, la rapporteure spéciale souhaite alerter plus fondamentalement sur la stratégie de l’État actionnaire.

– Elle observe tout d’abord un manque de réactivité face aux enjeux stratégiques de notre pays. Dans son rapport sur le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 publié en juillet 2021, la Cour des comptes a formulé un constat équivalent : elle y constate notamment que l’effort de la France « est moindre, dans l’absolu comme relativement, que celui consenti par d’autres pays européens aux moyens et au tissu scientifique comparables ».

Par exemple, la France ne dispose pas d’un levier équivalent à celui permis par la BARDA américaine (Biological Advanced Research and Developpment Authority) qui est une agence fédérale « chargée d’accompagner le développement de contremesures médicales dont le gouvernement estime avoir besoin » ([1]). La Cour souligne que « l’idée est de construire un écosystème d’innovation, piloté par l’industrie et les entrepreneurs, pour faire face aux grandes menaces sanitaires du pays. Ces dernières années, les budgets alloués étaient de 1,02 milliard de dollars US (2018), 1,27 milliard (2019), 1,6 milliard (2020) et la demande pour 2021 est de 1,4 milliard. Le portefeuille de projets soutenus par la BARDA contre la covid 19 est régulièrement mis à jour ».

Autre exemple : le CAS PFE ne contient aucune participation dans le domaine stratégique de la santé. Certes, des crédits sont ouverts sur le PIA4, pour un montant total de 875 millions d’euros, mais ils s’étendent sur une durée de six années (2021-2025), ce qui conduit à disposer en moyenne de 200 millions d’euros par an, ce qui est très en deçà des montants investis par les autres grandes nations économiques. Face à cette situation, le Gouvernement a fini par inclure le secteur de la santé dans le plan France 2030 annoncé par le Président de la République, sans qu’à ce stade la déclinaison en termes de crédit soit précisée.

La rapporteure spéciale rappelle, enfin, l’échec que constitue le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I), dont la création justifiait pourtant la privatisation du groupe Aéroport de Paris. La crise sanitaire a empêché d’alimenter le F2I avec le produit de ces cessions, qui ont été interrompues. Le Fonds relève d’une mécanique budgétaire complexe, peu lisible et qui constitue une débudgétisation manifeste. Il n’a pas permis de dégager les ressources récurrentes pour le financement de l’innovation, alors même que le plan France 2030 doit se déployer dans les prochaines années.

Aussi, l’expérience de la crise doit conduire à la suppression du F2I et à l’abandon du projet de cession des parts de l’État dans le groupe Aéroports de Paris.

– En matière de choix stratégique, la rapporteure spéciale estime qu’un débat parlementaire devrait être organisé sur l’énergie au regard des enjeux de transition énergétique et de souveraineté énergétique. À ce jour, la participation de l’État dans EDF représente 46 % de la valeur du portefeuille coté de l’APE, sans que pour autant le Parlement ne soit saisi du projet de réforme du groupe.

– En matière de valorisation, la valeur du portefeuille est estimée à 124,8 milliards d’euros au 30 juin 2021 : la partie cotée du portefeuille s’est redressée, pour retrouver un niveau proche de celui d’avant-crise autour de 70 milliards d’euros. La valeur du non coté est estimée à 54,5 milliards d’euros.

À propos du compte d’affectation spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce.

Le plan de désendettement de la Grèce a prévu un mécanisme de rétrocession des intérêts qui s’est traduit, en France, par la création du CAS. En résumé, la Grèce paie des intérêts sur la dette qu’elle a souscrite, et dans le cadre d’un accord qu’elle a signé avec les États membres de la zone euro, ces derniers lui rétrocèdent le montant des intérêts qu’elle a versés. Cette rétrocession a été interrompue en 2015 au motif que la Grèce n’aurait pas rempli les engagements qu’elle a pris en contrepartie de la rétrocession proposée. En 2018, les États membres de la zone euro ont décidé de rétablir la rétrocession, qui a repris à partir de 2019. À ce jour, la France n’a pas totalement rétrocédé les intérêts qu’elle a perçus au titre des programmes d’aide à la Grèce – de même que les autres pays de la zone euro, l’Eurogroupe ayant exclu de procéder à l’ensemble de cette rétrocession.

Pour 2022, les décaissements prévus depuis le CAS sont de 98,9 millions euros. Ceci serait insuffisant, dans la mesure où 925 millions d’euros resteraient à reverser à la Grèce. La rapporteure spéciale appelle à procéder au reversement de cette somme, qui a permis d’améliorer le solde du budget de l’État de façon indue.

À propos du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Les restrictions sanitaires ont justifié la mise en place d’importantes mesures d’aide au profit du service de contrôle de la navigation aérienne avec, au total, 1 250 millions d’euros d’avances accordées. Le PLF 2022 prévoit de nouvelles avances au profit du budget annexe Contrôle et exploitations aériens (BACEA), dont la dette atteindrait 3,4 milliards d’euros à la fin de l’année 2022, contre 667,4 millions fin 2019.

La rapporteure spéciale considère qu’une réflexion devra être menée sur une trajectoire de désendettement du BACEA une fois la crise passée.


—  1  —

  donnÉes clÉs

Soldes reportÉs au 31 dÉcembre 2020

(en millions d’euros)

Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

2 455,1

Compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce

1 009,1

Compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

– 4 420,0

Source : loi de règlement pour 2019.

 

PrÉvisions 2022 du Compte d’affectation spÉciale
Participations financiÈres de l’État

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

8 932,1

8 925,1

0

Source : PAP.

 

PrÉvisions 2022 du Compte d’affectation spÉciale
Participation de la France au dÉsendettement de la grÈce

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

0

98,9

– 98,9

Source : PAP.

 

PrÉvisions 2022 du Compte d’affectation spÉciale
avances À divers services de l’État ou organismes gÉrant des services publics

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

10 561,7

11 056,4

– 494,7

Source : PAP.

 

 

 


—  1  —

   Introduction

Le présent rapport porte sur trois comptes spéciaux dont deux comptes d’affectation spéciale et un compte de concours financiers.

Parmi ceux-ci, le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (ci-après « CAS PFE ») est, de loin, celui dont l’enjeu financier est le plus important. Il constitue le véhicule budgétaire qui donne les moyens financiers à l’État de prendre des participations dans des entreprises.

Le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce (ci-après « CAS Grèce ») constitue le véhicule budgétaire permettant de reverser à l’État grec les intérêts perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce adopté le 21 juillet 2011.

Enfin, le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (ci-après « CCF Avances ») retrace les avances accordées par l’État à diverses entités publiques.

Les différentes catégories de comptes spéciaux

Les comptes spéciaux sont une exception au principe d’universalité du budget qui prohibe l’affectation d’une recette déterminée à une dépense déterminée. Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs. Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée et sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche.

Les soldes des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Le solde reporté ou cumulé correspond au solde du compte spécial depuis sa création, après déduction des montants non reportés par les lois de règlement. Contrairement à un CCF, le solde reporté d’un CAS ne peut jamais être négatif en application du II de l’article 21 de la LOLF. Le report du solde ne signifie pas que la trésorerie est disponible. Juridiquement, le report permet seulement que les autorisations budgétaires de dépenses accordées aux différents comptes en lois de finances puissent excéder les recettes à hauteur du niveau du report.

Le solde annuel correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l’année. Le solde annuel d’un CAS peut être déficitaire dès lors que le solde reporté demeure positif. Le solde d’un CCF peut toujours être négatif.

I.   Le compte d’affectation spÉciale Participations financiÈres de l’État (PFE)

Le CAS PFE est l’un des deux comptes d’affectation spéciale dont l’existence est expressément prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), avec le CAS Pensions.

Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001
relative aux lois de finances (extrait)

« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l’État, à l’exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d’affectation spéciale. »

Les recettes issues des produits de cession de participations sont ainsi affectées prioritairement aux dépenses nécessitées par les investissements en capital dans diverses sociétés et organismes. Le CAS PFE peut également être alimenté par des versements du budget général et participer au désendettement de l’État ou d’établissements publics.


ExÉcution du CAS PFE depuis sa crÉation

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Solde reporté

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendet-
tement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,5*

210,5

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,5

3 897

2008

2 080,0

0

2 080,0

1 623,7

141,0

1 764,7

315,3

4 212,3

2009

514,2

2 940,0

3 454,2

1 796,8

0

1 796,8

1 657,4

5 869,7

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

0

6 710,4

– 3 727,1

2 142,6

2011

634,6

0

634,7

716,2

0

716,2

– 81,6

2 061

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

– 494,0

1 567

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,8

2 786,8

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,7

5 785,7

1 500,0

7 285,7

– 418,0

2 368,8

2015

2 645,6

804,3

3 449,8

2 619,4

800,0

3 419,4

30,4

2 399,2

2016

2 741,9

2 538,7

5 280,6

4 004,9

0

4 004,9

1 275,7

3 674,9

2017

6 410,8

1 500,8

7 911,6

8 562,9

100,0

8 662,9

– 751,2

2 923,7

2018

1 850,9

760,8

2 611,7

3 891,9

100,0

3 991,9

– 1 380,2

1 543,5

2019

2 452,3

362,8

2 815,1

1 122,1

0

1 122,1

1 693

3 236,5

2020

1 524,1

9 395,5

10 919,6

11 701,1

0,0

11 701,1

– 781,5

2 455

2006-2020

51 523,0

43 211,7

94 734,7

86 312,6

6 167,3

92 479,9

2 455*

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le résultat présenté sur le solde peut ne pas correspondre à la différence entre les recettes et les dépenses annuelles.

* dont 200,3 millions au titre du report de l’ancien compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés.

Source : d’après les lois de règlement.

Le solde reporté du CAS PFE était de 2,5 milliards d’euros au 31 décembre 2020. Selon la rapporteure spéciale, d’un point de vue économique, ce solde devrait intégrer les dividendes de l’ensemble des participations de l’État afin de donner une vision juste de la rentabilité du compte pour l’État. Ce n’est pas le cas puisque, par application de la LOLF, les dividendes sont exclus du solde : ils constituent des recettes non fiscales du budget général.

Si on intégrait les dividendes versés par ces participations, dont l’exécution est retracée dans l’annexe Développement des opérations constatées au budget général à la loi de règlement, on obtiendrait la vision économique présentée dans le tableau ci-dessous.

prÉsentation alternative du CAS PFE depuis sa crÉation

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Solde théorique (**)

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendet-
tement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,6*

8 681

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,6

11 815

2008

2 080

0

2 080

1 623,7

141

1 764,7

315,3

8 661

2009

514,2

2 940

3 454,2

1 796,8

0

1 796,8

1 657,4

6 886

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

0

6 710,4

– 3 727,1

3 643

2011

634,6

0

634,6

716,2

0

716,2

-81,6

7 142

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

– 494

3 820

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,9

6 996

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,6

5 785,7

1 500

7 285,7

– 418,1

5 525

2015

2 645,6

804,3

3 449,9

2 619,4

800

3 419,4

30,5

4 995

2016

2 741,9

2 538,7

5 280,6

4 004,9

0

4 004,9

1 275,7

5 009

2017

6 410,8

1 500,8

7 911,6

8 562,9

100

8 662,9

– 751,3

4 113

2018

1 850,9

760,8

2 611,7

3 891,9

100

3 991,9

– 1 380,2

3 662

2019

2 452,3

362,8

2 815,1

1 122,1

0

1 122,1

1 693

7 352

2020

1 524,1

9 395,5

10 919,6

11 701,1

0,0

11 701,1

– 781,5

3 649

2006-2020

51 523,0

43 211,7

94 734,7

86 312,6

6 167,3

92 479,9

2 455*

91 949

* dont 200,3 millions au titre du report de l’ancien compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

** Estimations réalisées par la rapporteure spéciale calculées en intégrant les dividendes versés, retraités hors contribution de la Caisse des dépôts équivalente à l’IS.

Source : d’après les lois de règlement.

Sur la période 2006-2020, on peut évaluer à 91,9 milliards d’euros l’amélioration du solde budgétaire de l’État permise par les dividendes perçus par l’État et par les opérations nettes du CAS PFE.

En comparant les montants versés au CAS PFE par le budget général aux montants de dividendes versés au budget général, on constate que le différentiel est largement positif puisque sur la période 2006-2020, le CAS PFE a contribué en net pour 49,8 milliards d’euros au solde budgétaire.


Relations financières entre budget général et CAS PFE
(DONT solde des dividendes) depuis sa crÉation

(en millions d’euros)

Année

Versement du budget général au CAS PFE

Produit des participations (dividendes et opérations provenant des titres du CAS PFE) versé au budget général

Différentiel*

2006

0

8 681

8 681

2007

0

11 815

11 815

2008

0

8 661

8 661

2009

2 940

6 886

3 946

2010

2 449

3 643

1 194

2011

0

7 142

7 142

2012

9 108

3 820

– 5 289

2013

8 341

6 996

– 1 345

2014

5 011

5 525

514

2015

804

4 995

4 191

2016

2 539

5 009

2 470

2017

1 501

4 113

2 612

2018

761

3 662

2 901

2019

363

7 352

6 989

2020

8 304

3 649

– 4 655

2006-2020

42 121

91 949

49 828

* Si le différentiel est positif, le CAS PFE verse plus au budget général qu’il ne reçoit.

Source : calculs de la rapporteure spéciale.

A.   Les dÉpenses

Le CAS PFE comprend deux programmes, l’un consacré à l’investissement et l’autre au désendettement. Ainsi :

– le programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État porte les crédits afférents aux opérations d’investissement de l’État relatives à ses participations financières. Ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale (sauf lorsque l’opération n’aurait pas pu être effectuée par un investisseur avisé) ; en effet, la perte de ressources budgétaires est compensée par l’acquisition d’un actif au bilan de l’État ;

– le programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État porte traditionnelle des crédits destinés à la Caisse de la dette publique ou au désendettement d’établissements publics ; là encore, ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale puisqu’elles éteignent un passif. Le PLF 2022 prévoit de faire transiter les crédits dédiés à l’amortissement de la dette Covid sur ce programme.

Ces dépenses sont évaluées de façon conventionnelle en loi de finances initiale, afin de ne pas donner d’indications aux marchés sur les acquisitions envisagées.

1.   L’évolution des dépenses du compte en 2021 et 2022

a.   L’exécution partielle de 2021

Les dépenses étaient prévues à 13,3 milliards d’euros par la loi de finances initiale pour 2021. À ce montant s’ajoutent les 2 milliards d’euros ouverts par la première loi de finances rectificative pour 2021 sur un nouveau programme 367 de la mission Économie, destiné à financer des opérations sur le compte.

Au 30 septembre 2021, les dépenses du compte atteignent 4,2 milliards d’euros.

DÉpenses EcutÉes au 30 septembre 2021

(en millions d’euros)

Société/programme

Objet

Montant

Opérations relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE)

Areva SA

Achat de 31 698 333 actions Orano SA

719

Air France KLM

Augmentation de capital

593

Areva SA

Achat de 12 121 953 actions Orano SA à la société Areva SA

275

Areva SA

Achat de 10 566 111 actions Orano à la société Areva SA

225

Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) SA

Souscription par l’État à l’augmentation de capital du LFB le 4 mai 2021 dans le cadre de la restructuration du LFB

210

LFB SA

1er et 2ème versements au titre de la tranche F de l’avance en compte courant d’actionnaire consentie le 17 mai 2019

47

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

21e et 22ème libérations au titre de la souscription au capital de 2015 de la SLI.

37

Bpifrance Investissement

Appel de tranche initiale du Fonds d’avenir Automobile n° 2 (FAA2) (Opération Relance)

31,5

Radio France

Augmentation de capital

18,5

France Télévisions

Augmentation de capital

15

Opérations hors du périmètre de l’APE

Agence française de développement (AFD)

Dotation en capital

1 420

CDC/EPIC Bpifrance/Ademe

Versement au titre des opérations en fonds propres dans le cadre du 3ème Programme d’investissements d’avenir pour les actions « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition », « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs », « Multicap Croissance n° 2 », « Grands Défis », « Projets industriels d’avenir ».

450

Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD)

3ème versement au titre de la souscription en 2019 à l’augmentation générale et à l’augmentation sélective de capital de 2018

46,5

Société financière internationale

1ère libération après la souscription de la France, le 4 mars 2021, à l’augmentation générale de capital 2018 de la Société financière internationale

44

Banque africaine de développement

1ère libération après la souscription de la France à une nouvelle augmentation générale de capital de la Banque africaine de développement

28

Bpifrance Investissement

Premier appel de fonds (tranche initiale) du Fonds de fonds France Relance État-régions (FFRER)

15

Bpifrance Investissement

Versement au titre du 6ème appel de fonds du Fonds Definvest

10

Fonds Aéro Ace Partenaires

3ème appel de fonds du compartiment Support du Fonds (deuxième tranche différée)

3

Campus Cyber

Augmentation de capital

3,5

Fonds Aéro Ace Partenaires

2ème appel de fonds du Compartiment Plateforme du Fonds (première tranche différée)

2,5

Banque ouest-africaine de développement

7ème libération de l’augmentation de capital de 2010

0,5

Total

4 195

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Selon les réponses obtenues par la rapporteure spéciale, plusieurs autres opérations de dépenses devraient être effectuées entre le 30 septembre 2021 et la fin de l’année 2021. Elles sont mentionnées dans le tableau ci-après.

Au total, 8 013 millions d’euros d’opérations en capital sont prévus sur l’année 2021.


DÉpenses pvues du 30 septembre 2021 au 31 dÉcembre 2021

(en millions d’euros)

Société/programme

Objet

Montant

Opérations relevant des mesures d’urgence et de relance

 

Opération confidentielle

1 500

Fonds de transition

1er abondement du Fonds destiné au financement en quasi-fonds propres de certaines entreprises de taille significative touchées par la crise

300

Fonds France nucléaire

Souscription à la 1ère tranche du Fonds France nucléaire

50

Fonds Ace Aéro Partenaires

Versement au Fonds Ace Aéro Partenaires

40

Fonds France Relance État-régions

Appels de fonds

50

Sous-total des mesures d’urgence

1 890

Opérations hors mesures d’urgence et de relance

Opérations relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE)

Areva SA

Finalisation des opérations de rachat de titres ORANO à AREVA

563

– 

Opération confidentielle

900

Bpifrance

Rachat des dividendes en titres EDF à l’ÉPIC Bpifrance

148

LFB SA

Augmentation de capital du LFB

100

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

Versement de deux libérations dans le cadre de la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la SLI

84

EDF

Paiement de la taxe sur les transactions financières en cas de rachat de dividendes en titres EDF

1

CGMF

Nouvelle libération au titre de l’augmentation de capital souscrite par l’état le 1er décembre 2017

2

Opérations hors du périmètre de l’APE

Bpifrance Investissement

Deux nouveaux appels de fonds au titre du Fonds France Relance État-Régions (FFRER)

50

Programmes d’investissement d’avenir

Versement aux programmes d’investissement d’avenir

50

Fonds Definvest

1ère libération des fonds au titre de la souscription de l’État au fonds

30

Société interaméricaine d’investissement

Poursuite de la recapitalisation

0,4

Sous-total des opérations hors mesures d’urgence

1 928

Total des opérations

3 818

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

b.   Les prévisions pour 2022

Les dépenses prévues sur le CAS en 2022 atteindraient 8,9 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros d’opérations en capital (investissement) et 1,9 milliard d’euros au profit de la Caisse de la dette publique (désendettement).

i.   Les opérations en capital : 7,1 milliards d’euros en 2022

Les opérations en capital prévues en 2022 atteindraient 7,1 milliards d’euros. Parmi celles-ci, 4,3 milliards sont déjà connues et détaillées dans le tableau ci-dessous et 2,8 milliards ne font pas l’objet de précisions au sein des documents budgétaires.

Opérations prÉvues en 2022

(en millions d’euros)

Société/programme

Objet

Montant

Opérations relevant des mesures d’urgence et de relance

Fonds de transition

2ème abondement du Fonds de transition destiné au financement en quasi-fonds propres de certaines entreprises de taille significative touchées par la crise

1 500

Fonds France nucléaire

Souscription à la 2ème tranche du Fonds France nucléaire

100

Fonds Ace Aéro Partenaires

Versement au Fonds Ace Aéro Partenaires

50

Fonds d’avenir automobile n° 2

Versement au Fonds d’avenir automobile n° 2

30

Bpifrance Investissement

Abondement du Fonds de fonds France Relance État-régions

150

Sous-total des mesures d’urgence et de relance

1 830

Opérations hors mesures d’urgence et de relance

Opérations relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE)

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

Souscription au capital

230

Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologies (LFB)

Augmentation de capital

100

Audiovisuel public

Financement des plans de transformation de France Télévisions et de Radio France

100

EPIC Monnaie de Paris

Renforcement des fonds propres

10

Areva

Complément de prix au titre d’opérations d’acquisition de titres Orano

62

Opérations hors du périmètre de l’APE

Banques multilatérales de développement

Souscription à l’augmentation de capital de la Banque ouest-africaine de développement, de la Société interaméricaine d’investissement, de la Banque de développement des États d’Afrique centrale, de la Banque africaine de développement, de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et de la Société financière internationale

131

Agence française de développement (AFD)

Renforcement des fonds propres de l’AFD

190

PIA 3

Investissements en fonds propres

1 620

Fonds Definvest

Appels de fonds

55

Sous-total des opérations hors mesures d’urgence et de relance

2 498

Total des opérations

4 328

Les opérations présentées ci-dessus sont déjà identifiées pour 2022. D’autres sont également prévues pour un total de 2,8 milliards d’euros, mais ne sont pas encore détaillées par les documents budgétaires :

– des opérations financées sur l’enveloppe exceptionnelle ouverte en LFR 2 pour 2020, destinées à soutenir les entreprises jugées stratégiques mais fragilisées par la crise sanitaire (1,5 milliard d’euros) ;

– de nouvelles opérations en capital qui restent, à la date d’écriture du présent rapport, confidentielles (1,3 milliard d’euros).

ii.   La contribution au désendettement mobilisée pour l’amortissement de la « dette covid »

Le programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État était destiné, à l’origine, à retracer les contributions au désendettement public à partir de la valorisation des participations financières de l’État.

La vocation initiale de ce programme serait quelque peu modifiée en 2022. Initialement, ce programme contribue au remboursement de la dette de l’État, en utilisant des recettes de cession. Or du fait de la crise sanitaire et des difficultés économiques qui en ont résulté, l’État n’a opéré aucune cession, ce que la rapporteure spéciale juge pertinent. Par ailleurs, elle observe que le Référendum d’Initiative Partagée (RIP), qu’elle a lancé avec 247 autres parlementaires, a permis de retarder de 9 mois, puis d’annuler la privatisation des Aéroports de Paris (ADP) autorisée par la loi Pacte.

Par conséquent, aucune recette ne permet de contribuer à la réduction de la dette de l’État. Néanmoins, le Gouvernement a annoncé sa volonté d’afficher une trajectoire d’amortissement de la « dette covid » dès 2022 en affectant une fraction des recettes fiscales à l’amortissement de cette dette, évaluée à 165 milliards d’euros, à la Caisse de la dette publique.

Pour y parvenir, il propose, via ce projet de loi de finances pour 2022, d’utiliser ce programme pour y faire transiter une partie des recettes qui résulteraient de la croissance spontanée des prélèvements obligatoires provenant d’un rebond de la croissance économique, et d’utiliser ces recettes pour réduire la dette de l’État. Concrètement, 6 % de la croissance spontanée des prélèvements obligatoires entre l’année concernée et l’année 2020 serait utilisée chaque année pour rembourser la dette publique, jusqu’à atteindre le montant de la dette issue de la crise sanitaire. La rapporteure spéciale considère que cette technique conduit à un dévoiement de l’objet du programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État, tel que défini au moment de la création du CAS par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

La vocation initiale de ce programme serait quelque peu modifiée en 2022. La crise économique et sanitaire a mis fin aux cessions prévues – notamment celles autorisées par la loi Pacte ([2]), ce dont la rapporteure spéciale s’est réjouie.

Le Gouvernement a néanmoins annoncé sa volonté d’afficher une trajectoire d’amortissement de la « dette covid » dès 2022 en affectant une fraction des recettes fiscales à l’amortissement de cette dette, évaluée à 165 milliards d’euros, à la Caisse de la dette publique.

Concrètement, 6 % de la croissance spontanée des prélèvements obligatoires entre l’année concernée et l’année 2020 serait utilisée chaque année pour rembourser la dette publique, jusqu’à atteindre le montant de la dette issue de la crise sanitaire.

Ainsi, 1 885 millions d’euros seraient consacrés à l’amortissement de cette dette en 2022.

2.   Un circuit budgétaire peu lisible qui remet en question l’intérêt du CAS

  1. Le CAS n’a plus grand-chose à voir avec la politique de l’État actionnaire

Depuis le début de la crise financière, les opérations de cession de participation ont été interrompues : le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État est, depuis, essentiellement alimenté par le budget général.

Des programmes spécifiques ont ainsi été créés afin d’alimenter le CAS : le programme 358 de la mission Plan d’urgence, sur lequel la deuxième loi de finances pour 2020 a ouvert 20 milliards d’euros. Plus récemment, la première loi de finances rectificative pour 2021 a créé le programme 367 au sein de la mission Économie pour prendre le relais du programme 358 alors que la mission Plan d’urgence a vocation à disparaître.

Le fonctionnement actuel du CAS

Dans le cas de figure décrit ci-dessus, la réalisation d’une opération sur le capital d’une entreprise n’a pas d’effet sur le solde du CAS, dans la mesure où les recettes enregistrées sont égales aux dépenses. Habituellement, ce sont plutôt les opérations de cessions qui alimentent les recettes du compte.

On s’éloigne donc du fonctionnement classique du CAS, qui perd son intérêt s’il ne sert plus que de véhicule aux prises de participations financées depuis le budget général :

– en 2019, les versements du budget général ne représentaient que 13 % des recettes du compte ;

– en 2022, ces versements représenteraient plus 98 % des recettes du compte.

Le CAS a, en effet, toujours servi de vecteur à la réalisation d’opérations en capital financées par le budget général ; ces opérations ont néanmoins pris une part prépondérante dans le circuit budgétaire du compte depuis le début de la crise.

Cette situation est encore renforcée par le fait que le CAS sert également, à partir de 2022, de véhicule pour l’amortissement de la « dette Covid ». Ainsi, 1,9 milliard d’euros seront versés au CAS en 2022 depuis le programme 369 de la mission Engagements financiers de l’État avant reversement à la Caisse de la dette publique.

Alors que le CAS a été créé afin de retracer les opérations de cessions et d’acquisition sur les participations publiques, justifiant l’existence d’un compte spécial qui apportait de la lisibilité aux actions de l’État actionnaire, l’étude des crédits en 2022 n’a donc que peu à voir avec la politique de l’État actionnaire.

  1. Des informations budgétaires très lacunaires

i.   Le suivi des enveloppes exceptionnelles de prises de participation est complexe…

● Ainsi qu’il a été présenté plus haut, les programmes 358 de la mission Plan d’urgence et 367 de la mission Économie financent des opérations d’urgence et de relance sur le CAS PFE.

Le programme 358 de la mission Plan d’urgence a été doté de 20 milliards d’euros par la 2e LFR pour 2020. Sur cette enveloppe, 8,3 milliards d’euros ont été consommés en 2020, au profit de la SNCF avec la souscription à une augmentation de capital pour 4,1 milliards d’euros, d’Air France pour une avance d’actionnaire de 3 milliards, d’EDF pour la souscription à 1 milliard, enfin d’Océanes et du Fonds Ace Aéro Partenaires pour 150 millions d’euros.

En PLF 2022, aucun crédit n’est demandé sur le programme 358. La première LFR pour 2021 a en effet créé un nouveau programme 367 au sein de la mission Économie afin d’abonder le CAS. Il a vocation à prendre le relais du programme 358 en finançant des opérations qui ne pourront pas être financées avec les fonds restants sur ce programme.

● Des reports massifs d’une année sur l’autre, les participations financières constituant par ailleurs une variable d’ajustement.

Sur l’enveloppe de 20 milliards du programme 358, 11,7 milliards ont été reportés en 2021. Le décret d’avance du 19 mai 2021 en a annulé 7,2 milliards d’euros. En 2021, 0,6 milliard d’euros supplémentaires ont été déboursés sur l’enveloppe. Il restait ainsi, au total, 3,9 milliards d’euros disponibles à la mi-2021.

Sur les 3,9 milliards restants mi-2021, 1,9 milliard serait décaissé d’ici la fin 2021, dont une « opération secrète » de 1,5 milliard d’euros selon les réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Évolution de l’enveloppe des 20 milliards d’euros de participations

(en milliards d’euros)

Ouvertures LFR 2 2020

Conso. 2020

Reports sur 2021

Annulations 2021

Conso. 2021

Disponible mi-2021

20

– 8,3

11,7

– 7,2

– 0,6

3,9

Consommés fin 2021

Disponibles 2022

 

 

 

 

– 1,9

2,0

 

 

 

 

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire de la rapporteure.

Par ailleurs, sur le programme 367 de la mission Économie, 2 milliards d’euros ont été ouverts par la 1ère LFR pour 2021. 1 milliard serait consommé d’ici la fin 2021, le reste étant reporté en 2022. Dans les deux cas, l’opération financée est présentée comme « confidentielle » au sein des documents budgétaires.

● Les opérations financées en 2022 par le programme 358 de la mission Plan d’urgence atteindraient 1,6 milliard d’euros :

– 2e abondement du fonds de transition destiné au financement en quasi-fonds propres de certaines entreprises de taille significative touchées par la crise (1,5 milliard d’euros). La doctrine d’emploi du fonds de transition n’est cependant pas précisée au sein des documents budgétaires, alors que l’abondement est très significatif en 2022 ;

– souscription à la deuxième tranche du fonds France nucléaire (50 millions) ;

– versement à Ace Aéro Partenaires de 50 millions, à la suite de la souscription de l’État au fonds à hauteur de 150 millions en 2020 (l’État ayant versé, pour le moment, 12,4 millions d’euros au fonds) ;

– versement au fonds d’avenir automobile n° 2 de 30 millions.

Le projet annuel de performances indique également que 1,5 milliard d’euros sont prévus en recettes du compte en 2022 pour une opération confidentielle, financée sur les crédits du programme 358.

Au total, 3,1 milliards d’euros seraient ainsi versés au CAS depuis le programme 358 en 2022 alors même que le tableau ci-dessus indique que seuls 2,0 milliards d’euros resteraient disponibles sur l’enveloppe initiale au début de l’année. L’utilisation des crédits d’urgence sur les participations de l’État apparaît, dès lors, opaque et peu lisible pour les parlementaires.

ii.   … d’autant que le dispositif de performances est inexistant

L’analyse des documents budgétaires et des données transmises à la rapporteure spéciale indique que, en 2022, plus de 90 % des opérations d’urgence et de relance financées par le budget général seraient non détaillées par les documents budgétaires, que les opérations soient déclarées confidentielles ou que leur doctrine d’emploi ne soit pas précisée – comme c’est le cas pour le fonds de transition à destination des entreprises.

Il convient par ailleurs de noter que, en 2022, aucun indicateur de performance du programme 731, cœur du CAS Participations financières de l’État, n’est renseigné pour 2022. C’est n’est pas non plus le cas pour le programme 358 de la mission Plan d’urgence. Le programme 367 n’est, quant à lui, même pas doté d’indicateurs de performance.

Autant il est compréhensible, en temps normal, que les opérations anticipées par l’État actionnaires ne soient pas détaillées pour ne pas influencer les marchés, autant il est peu compréhensible que pratiquement aucune information ne soit transmise au Parlement sur des crédits ouverts, pour l’essentiel, sur le budget général.

La rapporteure spéciale déplore le peu d’informations transmises à la représentation nationale à propos des enveloppes exceptionnelles qu’il lui est demandé de voter depuis le début de la crise sanitaire et, encore une fois, en 2022.

3.   L’échec du Fonds pour l’innovation et l’industrie

La présentation par le Président de la République, le 12 octobre 2021, du plan « France 2030 » appelle l’attention sur un autre outil de financement de l’innovation, le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I).

Le F2I a été créé au 1er janvier 2018 afin de renforcer le financement public récurrent de l’innovation « de rupture ». Il a été constitué à partir d’une enveloppe de 10 milliards d’euros en numéraire (1,6 milliard d’euros) et en titres EDF et Thalès (8,4 milliards d’euros). Par la suite, 1,9 milliard d’euros ont été versés au fonds en numéraire à partir des recettes tirées de la privatisation de la Française des jeux. Au total, avant le déclenchement de la crise sanitaire qui a suspendu les opérations liées à la constitution du F2I, le fonds était constitué de 3,5 milliards d’euros placés en numéraire et 6,5 milliards sous forme de titres.

La dotation devait permettre de dégager, chaque année, 250 millions d’euros pour le financement de l’innovation. Cette situation devait rester temporaire, le fonds ayant vocation à être alimenté entièrement en numéraire à la suite des opérations de privatisation décidées par la loi Pacte ([3]).

La rapporteure spéciale a déjà eu l’occasion de souligner les limites d’un tel outil.

Le circuit choisi est, en premier lieu, particulièrement complexe et s’apparente à une débudgétisation. Le F2I est un fonds sans personnalité juridique, difficile à suivre dans les documents budgétaires à la disposition du public et des parlementaires. Par ailleurs, le schéma retenu implique de nombreuses opérations, dont une importante cession de titres ADP, dont la valorisation est incertaine – comme l’illustre son évolution depuis le début de la crise. La Cour des comptes, enfin, considère que le F2I constitue une « mécanique budgétaire inutilement complexe et injustifiée, alors que ce dispositif de soutien à l’innovation pourrait trouver sa place dans le budget général » ([4]).

En deuxième lieu, l’interruption des opérations de cession n’a pas permis au fond d’atteindre le format prévu. Les opérations de cession des titres ADP détenus par l’État, autorisées par la loi Pacte, ont été interrompues par le déclenchement d’un référendum d’initiative partagée (RIP), conformément aux alinéas 3 à 7 de l’article 11 de la Constitution.

Enfin, le F2I n’a pas atteint ses objectifs pour le financement de l’innovation. Sur la période 2018-2020, alors que le fonds a bénéficié de 662,7 millions d’euros de recettes, les décaissements se sont élevés à 295,9 millions d’euros – alors même que le financement annuel de l’innovation devait atteindre 250 millions d’euros par an, dont 750 millions sur la période 2018-2020 ([5]). Ainsi, au total, le financement de l’innovation n’atteint qu’un tiers du montant prévu.

La question se pose donc du maintien du F2I alors que le plan France 2030 doit se déployer dans les prochaines années. Au regard des critiques énoncées ci-dessus, la rapporteure spéciale milite pour la suppression du F2I et l’abandon de la privatisation du groupe ADP.

B.   Les recettes

Traditionnellement, le CAS PFE est alimenté en recettes par les produits de cession de participations, cotées ou non, ainsi que par des versements du budget général. Depuis la suspension des opérations de cession avec le déclenchement de la crise sanitaire, le compte est essentiellement abondé par le budget général.

Au 31 août 2021, les participations cotées de l’État détenues par l’APE étaient valorisées à près de 70 milliards d’euros. Leur valeur se redresse après un creux enregistré au cours de l’année 2020 (54,2 milliards d’euros au 31 août 2020).

Participations cotÉes de l’État au 31 AOûT 2021

Société

% de participation
de l’État

Valeur de la participation de l’État

(en millions d’euros)

Performance depuis le 31 décembre 2020 (en %)

ADP

50,63

4 983

– 6,28

Airbus

10,92

9 931

28,87

Air France-KLM

28,60

725

– 22,95

EDF

83,77

30 354

– 11,01

Engie

23,64

6 984

– 3,10

Eramet

25,47

468

60,18

FDJ

20,46

1 712

17,11

Orange

13,39

3 427

– 1,17

Renault

15,01

1 396

– 12,05

Safran

11,23

5 099

– 8,36

Thalès

25,68

4 709

14,74

Total

69 787

 1,11

Source : Agence des participations de l’État.

  1. L’exécution partielle de 2021

Les recettes du CAS PFE étaient prévues à 12,8 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2021. Au sein de cette somme, les versements du budget général devaient atteindre 12,7 milliards d’euros.

Aussi, depuis le début de la crise sanitaire et la suspension des opérations de cessions, le CAS PFE agit, de plus en plus, comme un simple vecteur pour les prises de participation financées par le budget général de l’État.


Recettes EcutÉes au 30 septembre 2021

(en euros)

Société/programme

Objet

Montant

Opérations relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE)

Budget général (P. 367)

Abondement pour le financement d’opérations patrimoniales envisagées en 2021

1 000

Budget général : Abondement (P. 358)

Abondement pour la 1ère augmentation de capital d’Air France KLM (Opération COVID)

517

Budget général : Abondement (P. 358)

Abondement à l’occasion de la 1ère souscription au Fonds d’Avenir Automobile 2 (opération Relance)

105

Naval Group

Remboursement de l’avance en compte courant d’actionnaire accordée le 16 juin 2020

77

Agence France Presse

Remboursement du prêt accordé en 2011

20

Consortium de réalisation (CDR)

Complément de prix suite à la cession de 1 480 799 actions de la Nouvelle société de réalisation de défaisance (NSRD) en 2018

6,5

SOFRESA

Boni de liquidation

0,1

Opérations hors du périmètre de l’APE

Budget général (P. 365)

Abondement pour la dotation en capital de l’Agence française de développement (AFD)

1 420

Budget général (P. 422 et 423)

Abondement par le SGPI en vue du financement des Programmes d’investissement d’Avenir (PIA 3) / Programmes 422 « Valorisation de la Recherche » et 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

450

EPIC Bpifrance/CDC/ANRU

Différents retours sur investissements au titre des PIA 1 et 2

228

Mécanisme européen de stabilité

Indemnisation de 276 parts libérées transférées à la Slovaquie dans le cadre de l’entrée de la Slovaquie au capital du MES

28

Bpifrance Investissement

Diverses distributions de Fonds divers (31ème à 39ème distribution du FNA, 56ème à 60ème distribution du FFT3, 67ème distribution du FPCR)

42

Budget général (P. 363)

Abondement pour le paiement du premier appel de fonds du Fonds de Fonds France Relance État-Régions

15

Budget général (P. 144)

Abondement du Ministère de la Défense sur le CAS PFE afin que soit effectué un nouveau versement au Fonds DEFINVEST.

10

Total

3 918

Source : réponse du gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

D’ici la fin de l’année, la prévision de recettes atteint par ailleurs 2 milliards d’euros – incluant, pour l’essentiel, une opération encore confidentielle de 1 500 millions d’euros –, portant le total des recettes versées au compte en 2021 à 5 918 millions d’euros.

Avec le report du solde comptable du CAS de 2020 (2 455 millions d’euros), le montant total des recettes du compte atteindrait 8 373 millions d’euros en 2021.

  1. Les prévisions pour 2022

De même qu’en 2021, les recettes prévues en 2022 sur le CAS PFE proviendraient, pour l’essentiel, de versements du budget général de l’État.

Évolution des prévisions de recettes du CAS PFE

(en millions d’euros)

Type de recette

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Produit des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement

9 619

0

0

Reversement de produits, sous toutes formes, résultant des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement par l’État

0

0

0

Reversement de dotations en capital et de produits de réduction de capital ou de liquidation

0

0

19

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

0

77

0

Remboursement de créances liées à d’autres investissements, de l’État, de nature patrimoniale

20

20

160

Versement du budget général

361

13 909

8 753

Total

10 000

14 006

8 932

Source : projets annuels de performances.

  1. Le solde serait excédentaire en 2021 et en 2022

Le solde du CAS PFE serait faiblement excédentaire en 2021, de 361 millions d’euros, en raison d’un solde reporté plus élevé que le solde annuel.

SOLDE prévisionnel du CAS PFE pour 2021

(en millions d’euros)

 

Dépenses prévues

Recettes prévues

Solde annuel

Solde reporté

Solde final

2021

8 012

5 918

– 2 094

2 455

361

Source : commission des finances d’après réponses au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

Après un exercice à l’équilibre en 2022, le solde du CAS PFE resterait faiblement excédentaire fin 2022, avec également 361 millions d’euros.

SOLDE prévisionnel du CAS PFE pour 2022

(en millions d’euros)

 

Dépenses prévues

Recettes prévues

Solde annuel

Solde reporté

Solde final

2022

8 932

8 932

0

361

361

Source : commission des finances d’après réponses au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

C.   La pertinence des donnÉes transmises au Parlement pour le vote du CAS PFE

Chaque année, le Parlement est amené à se prononcer lors de la discussion du projet de loi de finances initiale sur le niveau de dépenses et de recettes prévisionnelles du CAS PFE. Or comme indiqué ci-dessus, la rapporteure spéciale estime que le niveau de dépenses et de recettes du CAS PFE inscrit au projet de loi de finances initiale est insuffisamment documenté, ce qui ne permet pas un vote éclairé.

Le tableau ci-dessous présente une comparaison des montants prévisionnels votés et des montants exécutés.

Comparaison des prÉvisions et de l’eXÉcution des recettes
et des dÉpenses du CAS PFE

(en millions d’euros)

 

Dépenses votées

Recettes votées

Dépenses exécutées

Recettes exécutées

2007

5 000

5 000

4 039

7 725

2008

5 000

5 000

1 765

2 080

2009

5 000

5 000

1 797

3 455

2010

5 000

5 000

6 710

2 983

2011

5 000

5 000

716

635

2012

5 000

5 000

10 223

9 729

2013

13 140

13 140

9 872

11 092

2014

10 012

10 012

7 286

6 868

2015

5 000

5 000

3 419

3 450

2016

4 679

4 679

4 005

5 281

2017

6 500

5 000

8 663

7 912

2018

5 000

5 000

3 992

2 612

2019

10 000

10 000

1 122

2 815

2020

12 180

12 180

11 701

10 920

2021

12 810

13 325

8 012*

5 918*

2022

8 932

8 932

 

 

* prévisions d’exécution, hors cession de FDJ.

Source : projets de loi de finances initiale et lois de règlement.

La rapporteure spéciale souligne que cette comparaison montre :

– que pendant de nombreuses années, un montant de 5 ou 10 milliards d’euros a été inscrit dans les projets de loi de finances sans que cela ne corresponde à des ordres de grandeur réalistes sur le montant des opérations prévisibles ;

– que ces montants ont pu être sous exécutés ou sur exécutés dans des proportions importantes, sans la moindre validation parlementaire.

La rapporteure spéciale conclut que le vote du budget du CAS PFE, repose sur des montants prévisionnels pour lesquels peu d’informations sont transmises au Parlement, et qu’ils n’intègrent pas de manière précise un niveau de risque potentiel de non-réalisation.

Elle relève que ce niveau de risque budgétaire pour les finances de l’État ne peut être appréhendé de manière rigoureuse et efficace par le Parlement du fait du peu d’informations dont dispose ce dernier. Elle considère donc que le vote du CAS PFE relève d’une forme de « blanc-seing » donné au Gouvernement et estime donc que le processus budgétaire sur cette mission devrait être revu.

II.   Le compte d’affectation spÉciale Participation de la France au dÉsendettement de la GrÈce

Le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce – ci-après CAS Grèce – a été créé par l’article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

A.   Le CAS a vocation À rÉtrocéder À la GrÈce les intÉrÊts qu’elle a versÉs À la Banque de France

Le plan de désendettement de la Grèce a prévu un mécanisme de rétrocession des intérêts qui s’est traduit, en France, par la création du CAS. En résumé, la Grèce paie des intérêts sur la dette qu’elle a souscrite, et dans le cadre d’un accord qu’elle a signé avec les États membres de la zone euro, ces derniers lui rétrocèdent le montant des intérêts qu’elle a versés. Cette rétrocession a été interrompue en 2015 au motif que la Grèce n’aurait pas rempli les engagements qu’elle a pris en contrepartie de la rétrocession proposée. En 2018, les États membres de la zone euro ont décidé de rétablir la rétrocession, qui a repris à partir de 2019. À ce jour, la France n’a pas totalement rétrocédé les intérêts qu’elle a perçus au titre des programmes d’aide à la Grèce – de même que les autres pays de la zone euro, l’Eurogroupe ayant exclu de procéder à l’ensemble de cette rétrocession.

  1. Un programme de 2,8 milliards d’euros en soutien au rétablissement des finances publiques de la Grèce

Le 20 février 2012, les États membres de la zone euro s’étaient engagés dans le cadre de l’Eurogroupe à restituer à la Grèce les intérêts que cette dernière verse au titre de certaines dettes détenues en compte propre par les banques centrales nationales de la zone. La quote-part de la Banque de France était de 754,3 millions d’euros (pour un montant total du programme européen de 4 milliards d’euros).

Le 26 novembre 2012, un nouvel accord de l’Eurogroupe a étendu le programme de restitution des intérêts à d’autres titres de la dette publique grecque, c’est-à-dire sur les obligations souveraines grecques acquises dans le cadre du Securities market program (SMP) – le programme d’achat d’obligations souveraines mis en œuvre par l’Eurosystème à compter de 2010. La quote-part de la Banque de France était de 2,06 milliards d’euros (pour un montant total du programme européen de 9,9 milliards d’euros).

Au total, la France s’était donc engagée à restituer à la Grèce 2,81 milliards d’euros pour l’aider à rétablir ses comptes publics.

chronique initiale des décaissements prévisionnels

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Compte propre

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

5,8

0

0

0

0

0

754,3

SMP

0

450

399

309

233

183

148

118

86

35

27

26

22

24

2 060

Total

198,7

599

500,8

432,5

325,6

239

167,3

125,7

91,8

35

27

26

22

24

2 814,3

Source : projet annuel de performances.

  1. Un véhicule budgétaire dédié

Le CAS Grèce constitue le véhicule budgétaire permettant de transférer à l’État grec les revenus d’intérêts perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce.

Ce compte retrace, en recettes, le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle a perçus sur les titres grecs.

Il retrace, en dépenses, les versements de la France à l’État grec au sein du programme 795 Versement de la France au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs.

À noter enfin qu’en raison de la nature particulière de ce compte d’affectation spéciale, qui tient lieu de simple canal budgétaire entre la Banque de France et l’État grec, aucun dispositif de mesure de la performance ne lui est associé.

B.   L’exÉcution du compte n’a pas ÉtÉ conforme À l’échÉancier initial

L’exécution du compte n’a pas suivi fidèlement le calendrier de restitution des intérêts tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses.

1.   Les recettes ont été en partie anticipées

Les recettes relatives au premier accord ont été anticipées par rapport aux dates de restitution effectives à la Grèce. Les recettes relatives au second accord suivent en revanche le calendrier de restitution à la Grèce des intérêts.

  1. Les recettes sur les obligations détenues en compte propre

Par convention signée le 3 mai 2012 avec le ministre de l’économie et des finances, la Banque de France s’est engagée à verser la somme de 754,3 millions d’euros à l’État. Il s’agit de la quote-part française des 4 milliards d’euros que les États de la zone euro s’étaient engagés à restituer à la Grèce. Cette somme a été intégralement versée en 2012 et 2013.

Le compte n’enregistre donc plus de recettes à ce titre depuis 2014. Seul le programme SMP continue donc à donner lieu à la perception de recettes pour le compte d’affectation spéciale.

  1. Les recettes sur les titres SMP

Une convention en date du 26 juin 2013 a été adoptée entre la Banque de France et l’État afin d’organiser le transfert des produits des titres acquis dans le cadre du programme SMP. Il est ainsi prévu que le versement de la Banque de France couvre exactement, chaque année, la dépense du compte, soit 2,06 milliards d’euros répartis chaque année jusqu’en 2025 selon la chronique des décaissements prévisionnels.

Les versements continuent mais se sont progressivement réduits, comme l’illustre le tableau ci-dessous, conformément à la prévision budgétaire initiale de 2012. Un avenant à la convention de 2013, précitée, a précisé les montants versés par la Banque de France à l’État via le présent CAS.

En 2022, aucune recette n’est prévue sur le compte. L’ensemble des recettes enregistrées sur le compte depuis sa création atteindront ainsi, comme en 2021, 2,8 milliards d’euros.

prÉvision de recettes actualisÉe sur la pÉriode 2012-2022 relative au CAS PARTICIPATION DE LA France AU DésendeTtement de la grÈce

(en millions d’euros)

Année

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

2013

555,6

450,0

1 005,6

2014

0

399,0

399,0

2015

0

309,0

309,0

2016

0

233,0

233,0

2017

0

183,0

183,0

2018

0

148,0

148,0

2019

0

116,92

116,92

2020

0

84,08

84,08

2021

0

132,77

132,77

2022

0

0

0

2012-2021

754,3

2 055,77

2 810,07

Source : projet annuel de performances.

2.   Les dépenses ont été interrompues en 2015

La prévision initiale de décaissement au profit de la Grèce a été interrompue.

  1. La prévision budgétaire de 2012 prévoyait le reversement de 2,8 milliards d’euros d’intérêts

Les dépenses devaient suivre le calendrier de reversements prévus par les deux accords de restitution des intérêts. Une partie des recettes ayant été anticipée, le solde du compte devait suivre une chronique budgétaire dégressive jusqu’en 2020.

prévision budgétaire initiale sur la période 2012-2020 relative au CAS PARTICIPATION DE LA France AU DésendeTtement de la grèce

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Solde annuel

Solde cumulé

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

198,7

0

198,7

0

0

2013

555,6

450

1 005,6

149

450

599

+ 406,6

+ 406,6

2014

0

399

399

101,8

399

500,8

 101,8

+ 304,8

2015

0

309

309

123,5

309

432,5

 123,5

+ 181,3

2016

0

233

233

92,6

233

325,6

 92,6

+ 88,8

2017

0

183

183

56

183

239

 56,0

+ 32,8

2018

0

148

148

19,3

148

167,3

 19,3

+ 13,5

2019

0

118

118

7,7

118

125,7

 7,7

+ 5,8

2020

0

86

86

5,8

86

91,8

 5,8

0

2012-2020

754,3

1 926

2 680,3

754,4

1 926

2 680,3

0

Source : Gouvernement.

Les opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program (SMP) sont équilibrées chaque année en recettes et en dépenses et n’ont pas donc pas d’impact sur le solde du compte. En revanche, le solde annuel du compte varie en fonction des opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre.

Comme prévu, le solde a été excédentaire en 2013 à hauteur de 406,6 millions d’euros compte tenu du versement anticipé de la Banque de France des 754 millions d’euros prévus jusqu’en 2020, et du décaissement de 347,7 millions d’euros au titre des années 2012 et 2013.

Le solde annuel devait, de façon mécanique, se dégrader de 2014 à 2020 à raison des décaissements successifs au titre du reversement des revenus tirés des obligations détenues pour compte propre. En conséquence, le solde annuel du CAS Grèce, nul en 2012, puis positif en 2013 pour 406,6 millions d’euros, aurait dû être négatif sur la période 2014-2020.

  1. La suspension des rétrocessions en 2015 entraîne un déficit de reversements

Toutefois, le dispositif de rétrocession a été mis en pause avec l’arrêt du deuxième programme d’assistance financière à la Grèce (communiqué de l’Eurogroupe du 27 juin 2015). Auparavant, en l’absence de conclusions de la 5e revue du second programme d’assistance financière, la rétrocession à la Grèce des profits SMP au titre de l’année 2014 avait déjà été suspendue.

Les versements en dépenses prévus pour 2015 (432,5 millions d’euros), pour 2016 (325,6 millions d’euros), pour 2017 (239 millions d’euros) et pour 2018 (167,3 millions d’euros) n’ont donc pas été réalisés en raison de la suspension du dispositif. Le versement annuel à la Grèce sur le compte bloqué pour le service de la dette était en effet conditionné au respect par l’État grec de ses engagements dans le cadre de son programme d’assistance financière.

Ainsi, les exercices 2015 à 2018 se sont caractérisés par une consommation nulle de crédits. Le compte affiche, depuis un très fort excédent budgétaire alors qu’il devrait être déficitaire, selon les prévisions de la loi de finances de 2012. Ainsi, en 2018, seuls 1,3 milliard d’euros avaient été rétrocédés à la Grèce, alors même que la Banque de France avait déjà reversé les intérêts perçus à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Le dispositif de rétrocession a été réactivé par l’accord de l’Eurogroupe du 22 juin 2018. Cet accord prévoit de reprendre les versements au titre des intérêts versés à partir de l’année 2017, à la fois pour les obligations détenues en compte propre et pour les obligations du programme SMP.

Les versements seraient faits depuis le compte dédié du Mécanisme européen de stabilité (MES) par tranches d’égal montant, sous réserve que la Grèce remplisse bien les conditions fixées sur la période post-programme. La mise en œuvre de ces conditions est vérifiée dans le cadre du régime de surveillance renforcée qui s’applique à la Grèce depuis le 31 août 2018.

3.   Prévisions pour 2022

Les rétrocessions à la Grèce se poursuivraient en 2022.

ExÉcution budgÉtaire du CAS PARTICIPATION DE LA France
AU DésendeTtement de la grÈce depuis sa crÉation

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Solde annuel

Solde cumulé

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

198,7

0

198,7

0

0

2013

555,6

450,0

1 005,6

149,0

450,0

599,0

406,6

406,6

2014

0

399,0

399,0

101,8

399,0

500,8

– 101,8

304,8

2015

0

309,0

309,0

0

0

0

309

613,8

2016

0

233,0

233,0

0

0

0

233

846,8

2017

0

183,0

183,0

0

0

0

183

1 029,8

2018

0

148,0

148,0

0

0

0

148

1 177,8

2019

0

116,9

116,9

30

181,9

211,9

– 95

1 082,8

2020

0

84,1

84,1

0

157,8

157,8

– 73,7

1 009,1

2021 (p)

0

132,77

132,77

 

117,95

117,95

14,82

1 023,92

2022 (p)

0

0

0

0

98,9

98,9

– 98,9

925,02

2012-2022

754,3

2 055,77

2 810,07

479,5

1 405,55

1 885,05

925,02

Source : RAP 2012-2020.

Le CAS ne percevrait plus de recettes de la Banque de France en 2022, celle-ci ayant reversé l’ensemble des intérêts prévus. Dès lors, en 2022, le solde cumulé du compte diminuerait de près de 100 millions d’euros, pour atteindre 925 millions d’euros au total.

C.   La restitution impÉrative des 925 millions d’euros restant d’intÉrÊts versÉs par la GrÈce

La rapporteure spéciale a plusieurs observations à formuler. La restitution des intérêts à la Grèce reste insuffisante. Ce compte a permis à l’État d’améliorer son solde budgétaire au détriment de la Grèce et il présente également un impact sur le dividende de la Banque de France.

  1. Les restitutions à la Grèce restent insuffisantes

Le dispositif de rétrocession des intérêts a été réactivé par l’accord de l’Eurogroupe du 22 juin 2018.

Certes, la reprise des versements suspendus en 2015 et 2016 a été exclue. Mais le communiqué de l’Eurogroupe prévoit de rétrocéder à la Grèce les intérêts courants à partir de l’année 2017.

En 2018 et en 2019, faute de notification du MES, aucune restitution n’a eu lieu. En 2020, les restitutions reprennent bien, à un rythme toutefois très lent, tandis que le CAS connaît un excédent budgétaire de plus d’un milliard d’euros.

En effet, comme exposé plus haut, la Banque de France doit rétrocéder au compte 2,81 milliards d’euros au total au titre des intérêts qu’elle a touchés sur les titres grecs (aux termes de deux conventions signées le 3 mai 2012 et le 26 juin 2013). Cette rétrocession est complète à partir de l’exercice 2021.

Sur ce total, 1,885 milliard d’euros auront été versés à la Grèce à fin 2022 ; 925 millions d’euros restant à rembourser au regard des engagements pris en 2012. Or, l’échéancier actuel établi à la suite de la réactivation du mécanisme de rétrocession ne prévoit pas de rétrocession de ce solde.

La rapporteure considère que la Grèce a vocation à toucher l’intégralité des reversements promis en 2012. Un accord devra être trouvé au sein de l’Eurogroupe afin de décider la restitution des montants restants.

  1. Le solde de l’État a été amélioré au détriment de la Grèce

La rapporteure spéciale relève que la Banque de France a versé l’ensemble de sa contribution de 2,8 milliards d’euros au CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce en 2021.

Or, fin 2022, seul 1,9 milliard d’euros évoqué supra aura été reversé à la Grèce. Cela signifie que la mise en œuvre du programme a permis d’améliorer le solde budgétaire de l’État de plus de 900 millions d’euros au détriment des finances publiques grecques.

 

  1. Le programme de restitution a un impact négatif sur le dividende de la Banque de France

Les versements annuels retracés en recettes sur le compte se font comptablement en affectation du résultat de la Banque de France, et sont donc susceptibles d’avoir un impact négatif sur le dividende qu’elle verse à l’État. Le chiffrage précis de cet impact se heurte à l’impossibilité de savoir si la Grèce aurait été en mesure d’honorer ses engagements en l’absence du soutien des pays de la zone euro, dont ce programme fait partie.


III.   Le compte de concours financiers Avances À divers services de l’État ou organismes gÉrant des services publics

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics – ci-après CCF Avances – retrace les avances accordées par l’État à des entités publiques sous statuts divers (services de l’État, établissements publics, sociétés d’économie mixte, etc.).

Les recettes et les dépenses budgétaires du compte ne sont pas des recettes et des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles sont comptabilisées comme des opérations financières car elles sont neutres au plan patrimonial : un décaissement (dépense budgétaire) donne lieu à la constatation d’une créance (avance) tandis qu’un encaissement (recette budgétaire) donne lieu à l’extinction d’une créance (remboursement).

Les opérations du CCF Avances n’ont donc pas d’impact sur le déficit public au sens de la comptabilité nationale.

A.   Objet du compte

Le compte de concours financiers retrace des avances de nature variée.

  1. Principe

Le CCF Avances a été créé par l’article 46 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

La création de ce compte résulte directement de l’article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Aux termes de cet article, les avances doivent respecter deux principes :

– la neutralité budgétaire pour l’État qui passe par l’application d’un taux d’intérêt de l’avance au moins égal au taux d’intérêt du titre de l’État de maturité équivalente ;

– une durée déterminée.

Le respect de ces deux principes doit garantir que lesdites avances ne deviennent pas des subventions qui ne diraient pas leur nom. En principe, les avances ne peuvent donc être consenties que si la ressource financière permettant son remboursement est certaine.

Article 24 de la LOLF

« Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

« Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

« Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’État.

« Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

« Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l’objet, selon la situation du débiteur :

« – soit d’une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

« – soit d’une décision de rééchelonnement faisant l’objet d’une publication au Journal officiel ;

« – soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d’une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l’exercice dans les conditions prévues à l’article 37. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général. »

  1. Fonctionnement

Le compte retrace, en dépenses, l’octroi d’avances :

– à l’Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821) ;

– aux organismes distincts de l’État et gérant des services publics (programme 823), tels que les établissements publics nationaux, les services concédés, les sociétés d’économie mixte, les organismes divers de caractère social ;

– aux services de l’État (programme 824), tels que les budgets annexes, les services autonomes de l’État, les services nationalisés ;

– à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825) ;

– aux exploitants d’aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité (nouveau programme 826) ;

– et à Île-de-France Mobilités et les autres autorités organisatrices de la mobilité (programmes 827 et 828).

Parallèlement, le compte retrace en recettes le remboursement des avances. Les intérêts perçus sur ces avances sont, en revanche, affectés au budget général.

Le solde cumulé du compte depuis sa création est structurellement déficitaire, pour un montant qui atteint – 4 420 millions d’euros au 31 décembre 2020.

B.   Le programme 821 Avances À l’Agence de services et de paiement, au titre du prÉfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

Le préfinancement des subventions européennes au titre de la politique agricole commune (PAC) représente les principales dépenses du compte.

  1. Objet

L’essentiel des crédits du CCF Avances porte sur le programme 821 Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Ce programme permet le préfinancement des aides de la PAC dans l’attente de leur remboursement par l’Union européenne.

Les dépenses du programme sont donc les avances aux agriculteurs des aides de la PAC, effectuées via l’Agence de services et de paiement (ASP) et les recettes constituent les remboursements de l’Union européenne.

  1. Exécution

L’ASP rembourse chaque année l’intégralité des avances au cours de l’exercice pendant lequel les avances lui sont versées : le programme 821 sert donc strictement de ligne de trésorerie. En conséquence, la recette prévisionnelle inscrite en loi de finances initiale est toujours égale au montant des crédits ouverts.

En exécution, cet équilibre est également constaté, mais les crédits consommés et les recettes perçues sont généralement plus faibles : afin que les avances versées permettent le financement exact de l’ASP au titre des aides de la PAC, une marge de sécurité est prévue pour garantir la continuité du paiement des aides agricoles.

En 2022, le montant des crédits serait de 10 milliards d’euros, montant stable par rapport à 2020 et 2021.


C.   Le programme 823 Avances À des organismes distincts de l’État et gÉrant des services publics

Le programme 823 doit permettre à l’État d’octroyer des avances à divers organismes distincts de l’État et gérant des services publics.

  1. Objet

Le programme 823 Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics a pour objet de répondre soit à des besoins de trésorerie ponctuels, soit à des situations d’urgence pour assurer la continuité de l’action publique ou pour mettre en œuvre de façon accélérée une mesure de politique publique.

Des avances à moyen terme peuvent également être accordées à des organismes divers d’administration centrale (ODAC), ces derniers n’ayant pas le droit de s’endetter auprès d’un établissement de crédit par application de l’article 12 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques.

Article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation
des finances publiques pour les années 2011 à 2014, premier alinéa

« Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d’un établissement de crédit ou d’une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux en vigueur, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l’État. Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s’applique cette interdiction. »

  1. Exécution

Grâce aux réponses apportées par le Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale, des informations sur l’exécution 2021 sont d’ores et déjà disponibles pour ce programme.

  1. Les avances

Au 15 septembre 2021, trois avances ont été accordées pour un total de 105,6 millions d’euros, au profit de France Agrimer, de l’Agence des services et de paiement et de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

D’ici la fin de l’année, une avance de 4 millions d’euros doit également être accordée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) afin de soutenir les établissements du réseau dans un contexte de crise sanitaire.

  1. Les remboursements

Au 15 septembre 2021, deux bénéficiaires d’avance avaient effectué un remboursement : la chambre de commerce et d’industrie de Guyane a remboursé 0,23 million d’euros des 5,2 millions d’euros accordés en 2015, et devrait rembourser 0,1 million d’euros supplémentaires d’ici la fin de l’année., et France Télévisions pour un total de 20 millions d’euros.

La loi de finances initiale pour 2021 prévoit, en outre, des remboursements de trois autres bénéficiaires d’ici le 31 décembre 2021 :

– un remboursement total de 24,8 millions d’euros de la part de l’AEFE ;

– un remboursement de 3,8 millions d’euros de la part de la Cité de la musique ;

– un remboursement de 140,3 millions d’euros de France Agrimer.

D.   Le programme 824 Avances À des services de l’État

Le programme 824 permet l’octroi d’avances à des services distincts de l’État comme les budgets annexes, les services autonomes de l’État ou les services nationalisés.

  1. Objet

Ce programme retrace en réalité la ligne des avances et remboursements du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA).

Pendant plusieurs années, le BACEA a utilisé cette ligne d’avance comme une ligne d’endettement. Cette situation a été vivement critiquée par la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire pour l’exercice 2015 : le recours au compte d’avances afin de financer le déséquilibre financier structurel du BACEA est en effet un contournement de l’objet du CCF Avances ([6]). Les avances du Trésor doivent permettre de financer des objets précis et ponctuels et être remboursés à brève échéance.

Le Gouvernement a pris note de ces critiques et le BACEA, avant le déclenchement de la crise sanitaire, avait amorcé son désendettement du stock d’avances consenties par le CCF Avances, grâce à la recherche d’économies structurelles et au dynamisme de ses recettes.

  1. Exécution

En LFI 2020, le montant de l’avance au BACEA était ainsi prévu à 50 millions d’euros, alors que les remboursements devaient s’élever à 122 millions d’euros. Néanmoins, la crise sanitaire et l’effondrement du trafic aérien ont rendu nécessaire la réactivation du mécanisme d’avances au BACEA.

Depuis le début de la crise, le budget annexe a bénéficié de 1 250 millions d’euros d’avances, enveloppe sur laquelle il avait effectivement reçu 800 millions d’euros au 15 septembre 2021.

Le PLF pour 2022 prévoit de nouvelles avances au BACEA pour un total de 707 millions d’euros. Aussi, fin 2022, la dette du budget annexe s’élèverait à 3,4 milliards d’euros, contre 667,4 millions fin 2019.

La rapporteure spéciale considère qu’une réflexion devra être menée sur la trajectoire de désendettement du budget annexe une fois la crise passée.

STOCK DES AVANCES AU BACEA AU 31 DÉCEMBRE DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

Année

Stock au 31 décembre

2007

408,2

2008

487,2

2009

733,5

2010

902,6

2011

1 010,3

2012

1 138,2

2013

1 217,1

2014

1 281,5

2015

1 215,2

2016

1 100,9

2017

977,9

2018

805,1

2019

667,4

2020

1 811,1

2021 (prévision)

2 649,8

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Trois autres programmes ont été créés sur le compte afin de financer des avances à différents organismes dans le cadre des mesures d’urgence : le programme 826 Avances aux exploitants d’aéroports touchés par la crise du covid19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité, le programme 827 Avances remboursables destinées à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l’épidémie de la covid-19 et le programme 828 Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité à la suite des conséquences de l’épidémie de la covid-19. Aucun de ces programmes n’est doté de crédit par le projet de loi de finances pour 2022.

E.   Le programme 825 Avances À l’ONIAM au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex

Le programme a été créé par la loi de finances rectificative pour 2011 afin de créer un mécanisme spécifique de solidarité nationale destiné aux victimes du Médiator.

  1. Objet

Ce programme a vocation à permettre une indemnisation rapide, en cas de condamnation judiciaire, des victimes du Benfluorex, molécule du médicament commercialisé par les laboratoires Servier sous le nom de Mediator. Jusqu’à présent, les Laboratoires Servier ont indemnisé l’ensemble des victimes. Dès lors, l’ONIAM ne s’est pas substitué aux Laboratoires Servier et n’a sollicité aucune avance. Il s’ensuit que les crédits du programme n’ont pas à ce stade été mobilisés.

Toutefois, en 2017, les Laboratoires Servier ont refusé de payer les indemnisations versées en substitution pour deux dossiers. L’ONIAM a alors procédé à une assignation des Laboratoires Servier devant les juridictions sur ces deux dossiers. Dans ce contexte, et bien qu’à ce stade aucune demande d’avance n’ait été exprimée par l’ONIAM, le montant de crédits ouverts sur ce programme a été reconduit depuis 2018 et désormais fixé, y compris en 2021, à un niveau de 15 millions d’euros par précaution, dans l’hypothèse où de nouveaux refus d’indemnisation interviendraient.

À noter que les avances accordées à l’ONIAM sont retracées dans un programme budgétaire dédié car cet organisme bénéficie d’avances alors que le caractère certain de la ressource destinée à son financement fait défaut (les ressources de l’ONIAM permettant le remboursement de ces avances doivent, en effet, provenir du résultat des actions récursoires qu’il engage).

  1. Exécution

Les crédits de précaution ouverts au titre de ce programme n’ont pas été consommés en 2020 et ne devraient pas l’être en 2021, car aucune demande d’indemnisation des victimes du Benfluorex n’a été instruite. En 2022, les crédits du programme sont reconduits à leur niveau habituel de 15 millions d’euros.

Depuis la mise en place du compte d’avance, aucun tirage n’a été nécessaire sur les 15 millions d’euros prévus chaque année en loi de finances initiale.

F.   PrÉvisions pour 2022

Pour 2022, il est prévu, pour l’ensemble du compte, des recettes de 10,6 milliards d’euros et des dépenses de 11,1 milliards d’euros, aboutissant à un solde négatif de 494,7 millions d’euros. Autrement dit, le montant des remboursements d’avances devrait être légèrement inférieur au montant des avances consenties pendant l’exercice, ce qui détériore d’autant le solde budgétaire de l’État.

PrÉvision d’Équilibre du ccf Avances en 2022

(en millions d’euros)

Programme

Dépenses

(avances)

Recettes (remboursement)

Solde

821 – ASP pour PAC

10 000

10 000

0

823 – Organismes distincts

334,4

224,8

 109,6

824 – Autres services et BA

707,0

321,9

 385,1

825 – ONIAM

15

15

0

Total

11 056,4

10 561,7

 494,7

Source : commission des finances, d’après PAP.


— 1 —

 

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du jeudi 22 octobre, la commission a examiné les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu de cette réunion sera disponible prochainement sur le site de l’Assemblée nationale.

Après des avis de sagesse de la rapporteure spéciale sur les comptes d’affectation spéciale et un avis favorable sur le compte de concours financier, la commission a adopté les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services, sans modification.

 

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*     *

 


([1]) Cour des comptes, Le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, 29 juillet 2021.

([2]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([3]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([4]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2018, mai 2019.

([5]) Cour des comptes, Les aides publiques à l’innovation des entreprises, communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2021.

([6]) Le recours aux avances se justifie toujours dans l’absolu, notamment pour concourir au financement des investissements du BACEA, en complément de l’autofinancement dégagé par le produit des redevances. Le moindre coût de la substitution des avances du Trésor aux emprunts bancaires est un élément qu’il convient, en particulier, de prendre en compte.