—  1  —

N° 4861

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à interdire le glyphosate (n° 4745).

PAR M. Loïc Prud’homme

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 4745.


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique (art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate

TRAVAUX DE LA COMMISSION


—  1  —

 

INTRODUCTION

 

Voici plus de quatre ans, le Président de la République assignait au Gouvernement un objectif de santé publique : celui de « prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Le constat est clair : malgré les déclarations très volontaristes de la plus haute autorité du pays, la lutte contre ce pesticide marque aujourd’hui le pas en France et les résultats obtenus ne correspondent pas aux positions prises sur la scène européenne.

Ainsi que le montrent les données publiques les plus récentes, les ventes de glyphosate connaissent une résurgence assez spectaculaire : après une baisse très sensible constatée en 2019 (- 37 %), elles progressent de 23 % et s’établissent à un niveau proche de celui constaté en 2013 (soit 8 644 tonnes vendues en 2020 contre 8 673 tonnes) ; la consommation moyenne sur les trois dernières années apparaît stable, ce qui tend à démontrer la place prise dans certains usages agricoles.

De fait, il ressort d’une étude conjointe de l’université de Louvain, et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) publiée en mai 2020 qu’en Europe, la France s’impose comme la principale utilisatrice de glyphosate ([1]) : sa consommation représentait 19 % du glyphosate pulvérisé dans l’Union européenne, devant la Pologne (14 %), l’Allemagne (10 %) ou l’Italie (8 %) pour la période 2017-2019.

Or, la dangerosité potentielle des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate ne fait plus guère de doute.

Fondé sur l’analyse de 5 300 documents de la littérature scientifique internationale publiée depuis 2013 par un groupe d’experts multidisciplinaire, le récent rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ([2]) établit l’existence de multiples corrélations ou liens de causalité entre l’exposition au pesticide et le développement de pathologies cancéreuses. Il confirme en particulier le lien entre le glyphosate et le lymphome non hominien (LNH), mis en exergue par les travaux consolidés par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 2015.

 

Impact du glyphosate sur la santé humaine selon la littérature scientifique analysée par l’INSERM

 

« Concernant l’herbicide glyphosate, l’expertise a conclu à l’existence d’un risque accru de LNH avec une présomption moyenne de lien. D’autres sur-risques sont évoqués pour le myélome multiple et les leucémies, mais les résultats sont moins solides (présomption faible). Une analyse des études toxicologiques montre que les essais de mutagénicité sur le glyphosate sont plutôt négatifs, alors que les essais de génotoxicité sont plutôt positifs, ce qui est cohérent avec l’induction d’un stress oxydant.

« Les études de cancérogenèse expérimentale chez les rongeurs montrent des excès de cas, mais ne sont pas convergentes. Elles observent des tumeurs différentes, pour les mâles ou les femelles, qui ne se produisent qu’à des doses très élevées et uniquement sur certaines lignées.

« D’autres mécanismes de toxicité (effets intergénérationnels, perturbation du microbiote...) sont évoqués qu’il serait intéressant de considérer dans les procédures d’évaluation réglementaire. »

Source : INSERM, Résumé du rapport Pesticides et effets sur la santé : nouvelles données, juin 2021 (https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-06/inserm-expertisecollective-pesticides2021-resume.pdf).

Dès lors, il importe que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités en prenant les mesures nécessaires à la protection des populations et des agriculteurs.

Or, l’action de l’État se borne aujourd’hui à la mise en œuvre d’une stratégie de sortie du glyphosate très progressive. En pratique, en dehors des restrictions édictées par le législateur, elle demeure conditionnée par de savants arbitrages fondamentalement motivés par la volonté de ne pas laisser les agriculteurs sans alternative. Il s’agit là de la conséquence la plus éclatante d’une agriculture « biberonnée » au glyphosate, suivant le mot employé par notre collègue Bénédicte Taurine au terme de l’état des lieux réalisés en 2019 ([3]).

On ne saurait aujourd’hui se satisfaire d’une telle démarche car elle ne répond pas ou mal aux enjeux de sécurité sanitaire. En outre, elle se révèle très en deçà de l’opposition manifestée par la France en 2017 face à la Commission européenne, lors du renouvellement de l’approbation du glyphosate à l’échelle de l’Union européenne.

Par comparaison, d’autres États membres semblent pouvoir se positionner à l’avant-garde de ce combat. Il en va ainsi du Luxembourg qui, depuis le 1er janvier 2021 et moyennant la réalisation accélérée d’un plan en trois étapes ([4]), a banni toute utilisation de produits phytosanitaires sur son sol. L’usage du glyphosate fait l’objet d’interdictions partielles dans d’autres États membres de l’Union européenne à l’instar de la République tchèque (depuis 2019) ou de l’Italie (avec depuis 2016, une interdiction dans les zones fréquentées par la population). Il convient par ailleurs de rappeler qu’à l’automne 2019, l’Allemagne avait annoncé un plan de protection des insectes, dont un volet impliquait la sortie complète du glyphosate d’ici à 2023.

En 2022, l’Union européenne devra à nouveau se prononcer sur le renouvellement éventuel de l’approbation donnée à l’usage du glyphosate il y a cinq ans. Alors qu’elle va assumer la présidence du Conseil européen et du Conseil des ministres de l’Union au premier semestre de cette année, nul ne comprendrait que la France ne montre pas l’exemple.

Chacun connaît les termes de l’équation et en soi, l’interdiction ne constitue pas une idée iconoclaste. Au cours des trois années qui viennent de s’écouler, les Assemblées ont en effet été saisies de dispositifs qui poursuivaient un objectif similaire. Tel était par exemple l’objet de la proposition de loi de notre collègue Bénédicte Taurine – examinée en 2019 par l’Assemblée nationale ([5]). Mais il convient également de citer les amendements au projet de loi « EGALIM » ([6]) défendus par les membres du groupe la France insoumise, ainsi que par nos collègues Delphine Batho et François-Michel Lambert. L’ensemble de ces initiatives parlementaires ont été rejetées par le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale au motif que l’abandon du glyphosate ne pouvait être concevable sans produits ou pratiques de substitution.

Dans une certaine mesure, nous y sommes ! Les travaux réalisés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’INRAe montrent que suivant les usages, des alternatives non chimiques existent. Aussi, chacun peut attendre des pouvoirs publics qu’ils mettent leurs actes en cohérence avec leurs engagements.

C’est en tout cas dans cet esprit de cohérence, et surtout dans un souci de protection immédiate de la santé publique, que les auteurs de la présente proposition de loi, dont votre rapporteur, demandent au Parlement d’interdire l’usage du glyphosate en France.


—  1  —

 

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
(art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate

1.   L’état du droit

Le glyphosate désigne un produit chimique désherbant total foliaire systémique ([7]). Originellement produit et commercialisé par le seul groupe Monsanto sous la marque « Roundup », l’herbicide est aujourd’hui fabriqué et proposé à la vente par un grand nombre d’entreprises, en conséquence de l’expiration du brevet au début des années 2000. Depuis le 1er janvier 2017, son utilisation par les collectivités dans les espaces ouverts au public en France est interdite. Elle demeure autorisée pour les usages agricoles.

La présente proposition de loi porte interdiction de l’usage de tout produit phytopharmaceutique incluant cette substance. Aussi les conditions de sa mise en œuvre doivent être appréciées à l’aune des dispositions de droit européen, ainsi que des mesures prises à l’échelle nationale afin de développer des alternatives à son utilisation.

a.   Un usage des produits phytopharmaceutiques comportant du glyphosate relevant du droit européen mais aussi de la responsabilité nationale

● La possibilité d’utiliser des produits phytopharmaceutiques comportant du glyphosate découle, en premier lieu, du cadre posé par le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 ([8]).

Suivant la définition consacrée en droit européen ([9]), les « produits phytopharmaceutiques » désignent des préparations et des substances destinées à :

– protéger les végétaux et les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l’action de ces derniers ;

– exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ;

– assurer la conservation des produits végétaux, autres que les agents conservateurs ;

– détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables ;

– freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux.

En application du règlement précité du 21 octobre 2009, il appartient à la Commission européenne d’approuver ou d’interdire l’usage à l’échelle de l’Union d’une substance active contenue dans un produit phytosanitaire.

La procédure comporte le dépôt d’une demande par le producteur de la substance auprès de l’autorité administrative désignée par  « l’État rapporteur » ([10]) chargé d’instruire le dossier tendant à l’approbation du produit et sa commercialisation. La Commission européenne se prononce par un règlement d’application ([11]). Ainsi, l’approbation de l’usage du glyphosate résulte aujourd’hui du règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission du 12 décembre 2017 ([12]).

Cette décision doit s’appuyer sur les conclusions rendues par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à propos des résultats de l’examen réalisé par l’État membre rapporteur. Les investigations visent à mesurer l’éventuelle toxicité et dangerosité de la substance.

En outre, le règlement précité du 21 octobre 2009 encadre le pouvoir d’appréciation de la Commission européenne en subordonnant l’approbation des produits phytopharmaceutiques au respect de plusieurs critères stricts, relatifs à l’efficacité des substances tendant à prévenir des impacts nocifs sur la santé humaine, la faune et la flore ([13]).

L’approbation donnée par la Commission européenne à l’usage d’une substance active demeure valable pour la durée fixée par le règlement, qui ne peut excéder dix ans ([14]). S’agissant des substances à faible risque, la durée de validité de l’approbation est portée à quinze ans et est même illimitée pour les substances de base ([15]).

Le règlement précité du 21 octobre 2009 prévoit qu’en cas de renouvellement, l’approbation vaut pour une nouvelle durée ne pouvant être supérieure à quinze ans ([16]). Par dérogation, cette durée est ramenée à cinq ans en cas de renouvellement de l’approbation de substances utilisées face à un danger phytosanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens disponibles.

Les critères d’approbation des produits phytopharmaceutiques fixés par le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009

 

Aux termes de l’article 4 (paragraphe 3) du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, l’usage d’un produit phytopharmaceutique peut être approuvé par la Commission européenne s’il remplit les conditions suivantes :

a) il est suffisamment efficace ;

b) il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (compte tenu des substances résultant du traitement de l’eau), des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité, sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ;

c) il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ;

d) il ne provoque ni souffrances, ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ;

e) il n’a pas d’effet inacceptable sur l’environnement […].

Le règlement précité du 21 octobre 2009 habilite la Commission européenne à réaliser un nouvel examen et, le cas échéant, à retirer à tout moment l’approbation donnée à l’usage d’une substance active, au vu de l’évolution des connaissances scientifiques et des données de contrôle. Le retrait de l’approbation constitue une obligation dès lors que les critères relatifs à l’efficacité et à l’innocuité du produit n’apparaissent plus remplis ([17]). La procédure peut être engagée de la propre initiative de la Commission européenne ou sur la demande d’un État membre.

En second lieu, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives approuvées par la Commission européenne demeure subordonnée à la délivrance par les États membres d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), dans les conditions fixées par le règlement précité du 21 octobre 2009 ([18]). Les entreprises fabriquant les substances doivent déposer une demande en ce sens auprès d’un État membre.

L’annexe I au règlement distingue trois zones géographiques au sein desquelles les États partagent leurs informations, évaluent et, le cas échéant, autorisent la mise sur le marché des produits. L’évaluation réalisée par un État vaut dans les autres pays de la zone. Les autorisations délivrées bénéficient d’une reconnaissance mutuelle ([19]).

Toutefois, l’article 36 du règlement européen ménage la faculté pour un État membre de refuser sur son territoire national l’autorisation d’un produit « en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, si [un État] est fondé à considérer que le produit présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement ».

Lorsque la mise en place de mesures nationales d’atténuation des risques ne permet pas de répondre aux préoccupations d’un État membre liées à la santé humaine ou animale ou à l’environnement, un État membre peut refuser l’autorisation du produit phytopharmaceutique sur son territoire si, en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement.

Le règlement précité du 21 octobre 2009 exige une évaluation scientifique préalable permettant de s’assurer que les produits phytopharmaceutiques respectent des critères garantissant l’innocuité de leur composition et de leurs conditions d’usage. L’autorisation de mise sur le marché suppose ainsi l’approbation des substances actives contenues, ainsi que l’absence « d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ni d’effet inacceptable sur les plantes ou l’environnement et ne pas provoquer de souffrances ni de douleurs inutiles chez les animaux vertébrés » ([20]). Elle prend par ailleurs en considération l’efficacité des produits pour l’usage demandé.

Les AMM délivrées par les États membres fixent leur période d’application. Il résulte néanmoins des dispositions du règlement européen du 21 octobre 2009 que leur durée de validité ne peut excéder dix ans. Elle doit correspondre à la période couverte par le règlement d’approbation adoptée par la Commission européenne.

Les États membres peuvent retirer ou modifier des autorisations de mise sur le marché. Le règlement européen organise une procédure analogue à celle de l’approbation des substances actives. En application de son article 44, peuvent constituer un motif de retrait ou de modification des AMM :

– le non-respect des critères requis pour la mise sur le marché des produits sanitaires ;

– des informations fausses ou trompeuses fournies au sujet des faits étayant l’autorisation accordée ;

– l’absence d’une condition figurant dans l’autorisation de mise sur le marché ;

– la possibilité de modifier les conditions d’emploi et les quantités utilisées, compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques ;

– le non-respect des obligations découlant du règlement européen par le titulaire de l’autorisation.

En cas de retrait, de modification ou de non-renouvellement d’une autorisation de mise sur le marché, l’article 46 du règlement précité du 21 octobre 2009 reconnaît expressément aux États membres concernés la possibilité d’accorder « un délai de grâce pour l’élimination, le stockage, la mise sur le marché et l’utilisation des stocks existants ». Si la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement ne motive pas la décision, le délai accordé ne peut excéder six mois pour la vente et la distribution et un an pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants.

● Le maintien ou le non-renouvellement de l’approbation donnée à l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate fait aujourd’hui l’objet d’un nouvel examen par les institutions de l’Union européenne en vue d’une décision en décembre 2022.

La procédure s’inscrit dans la perspective de l’expiration du règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission du 12 décembre 2017 prévue en décembre 2022. Son engagement résulte du dépôt, en 2019, d’une demande de renouvellement de l’approbation de l’utilisation du glyphosate au-delà de ce terme par un groupe de sociétés dénommé « Glyphosate Renewal Group » ([21]).

La Commission européenne a confié la réalisation de l’évaluation initiale à un groupe de quatre États membres rapporteurs ([22]) : la France, la Hongrie, les Pays‑Bas et la Suède. Les conclusions de leurs travaux ont été transmises le 10 août 2021 à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ([23]), ainsi qu’à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ([24]). Dans le cadre du règlement précité du 21 octobre 2009, la mission de l’EFSA consiste à évaluer les risques que l’exposition aux produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate pourrait présenter pour les êtres humains, les animaux et l’environnement. Par ailleurs, il appartient à l’ECHA de procéder à l’examen de la classification du glyphosate, conformément au règlement de l’Union européenne relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage ([25]).

Du 24 septembre au 22 novembre 2021, les deux autorités ont organisé des consultations publiques portant sur le rapport d’évaluation de renouvellement (RAR), ainsi que sur le rapport de classification harmonisée et l’étiquetage (CLH) du glyphosate ([26]). Elles visaient à permettre à l’ensemble des parties intéressées de soumettre des observations, informations, données ou études pertinentes afin d’étayer l’évaluation réalisée par les États membres, la Commission et les agences européennes. L’ANSES est chargée par exemple de l’évaluation des données éco-toxicologiques.

L’ECHA et l’EFSA doivent rendre un avis avant le second semestre 2022, afin que la Commission européenne et les États membres se prononcent sur le retrait, la modification ou le non-renouvellement de l’approbation du glyphosate, au plus tard le 15 décembre 2022.

b.   Une politique française qui favorise une sortie très progressive de l’usage des produits phytopharmaceutiques comportant du glyphosate

L’encadrement de l’usage des produits phytopharmaceutiques en général procède aujourd’hui des dispositions du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime consacrée à « [l]a protection des végétaux ». Les articles L. 253-7 et L. 253-8 de ce code déterminent les conditions d’emploi et les interdictions de produits phytopharmaceutiques. L’ensemble de ces dispositions organisent un régime de police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Le I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime reconnaît ainsi à l’autorité administrative la prérogative, « dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, [de] prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention [des produits phytopharmaceutiques] et des semences traitées par ces produits ».

● L’évolution de la législation et de la réglementation en la matière se caractérise par une restriction croissante des usages autorisés pour les collectivités publiques et les particuliers.  En conséquence des modifications apportées depuis 2014, font désormais l’objet d’une interdiction :

– l’usage des produits phytopharmaceutiques dans l’entretien des espaces verts, de forêts et de promenades ouverts au public par les personnes publiques (État, régions, communes, départements, groupements et établissements publics propriétaires d’un domaine public ou privé), à compter du 1er janvier 2017, en vertu du II de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime ([27]) ;

– la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de ces produits pour un usage non professionnel – par les particuliers – depuis le 1er janvier 2019 (article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime) ;

– la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques (article L. 253-8 du code rural et de la pêche) ;

– l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances et des semences traitées avec ces produits (II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) : le code rural et de la pêche maritime renvoie à un décret le soin de préciser les substances faisant l’objet de cette interdiction ; à titre dérogatoire et dans les conditions précisées par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement ([28]), la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 ([29]) permet d’autoriser, jusqu’au
1er juillet 2023, l’emploi de semences traitées avec des substances actives de la famille des néonicotinoïdes dont l’application est interdite en vertu du droit de l’Union européenne ou du code rural et de la pêche maritime ;

– à compter du 1er janvier 2022, la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime).

En outre, la loi précitée du 14 décembre 2020 impose la prise de mesures de protection, en cas d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments. Aux termes du III de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime, ces mesures doivent prendre en considération notamment, « les techniques et matériels d’application employés », et être « adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire ».

Toutefois, en conséquence de la loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 ([30]), l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime admet un assouplissement de l’interdiction de l’usage de ces produits lorsque ce dernier apparaît nécessaire face à un danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique.

Par ailleurs, la politique de l’État relative à l’usage des produits phytopharmaceutiques comporte l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action national depuis 2011 ([31]). Suivant l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche, l’objet de ce document est de fixer :

– les objectifs quantitatifs, les cibles, les mesures et calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et l’environnement ;

– les mesures de mobilisation de la recherche en vue de développer des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques ;

– les mesures encourageant l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et les méthodes ou techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

● En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate, il n’existe à ce jour aucune mesure spécifique d’interdiction ou d’encadrement en droit français.

D’un strict point de vue juridique et institutionnel, la mise en œuvre du plan de sortie du glyphosate lancé en juin 2018 à la suite des annonces du Président de la République a donné lieu à la nomination d’un coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et du plan d’actions sur les produits pharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides. Depuis sa nomination le 1er décembre 2018, cette fonction est assumée par le préfet Pierre-Étienne Bisch.

En dehors des restrictions édictées par la loi et des aides à la transition apportées aux utilisateurs, la stratégie française de sortie du glyphosate repose aujourd’hui pour l’essentiel sur le non-renouvellement ou la modification des autorisations de mise sur le marché délivrées par l’ANSES.

Ainsi que le rappelle le dernier rapport de la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate créée par l’Assemblée nationale ([32]), l’Agence s’est vu confier en novembre 2018 un travail d’évaluation tendant au réexamen des AMM accordées au regard de l’existence d’alternatives non chimiques au glyphosate pour ses quatre principaux usages : la viticulture, l’arboriculture fruitière, les grandes cultures et la forêt.

L’Agence s’appuie sur les dispositions du paragraphe 2 du I de l’article 50 du règlement précité du 21 octobre 2009 pour ne pas délivrer ou renouveler une autorisation en fonction de la disponibilité de produits ou de pratiques d’usage courant offrant une telle alternative. Au plan scientifique, elle fonde ainsi ses décisions sur un arbitrage qui intègre deux considérations : d’une part, l’évaluation des procédés et produits permettant d’atteindre des résultats comparables à ceux obtenus avec les produits phytosanitaires comportant du glyphosate ; d’autre part, la mesure des inconvénients pratiques (du point de vue des besoins agronomiques, d’équipement, de disponibilité de main-d’œuvre et de temps de travail, d’efficacité et de risque, etc.) et économiques des alternatives. Il en résulte des décisions prises au cas par cas, suivant les usages agricoles et au gré du dépôt des demandes d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation de mise sur le marché.

D’après la position exprimée à la fin du mois de juillet 2020 par son directeur général, M. Roger Genet ([33]), l’ANSES n’entend pas modifier des autorisations de mise sur le marché délivrées en 2020 d’ici à ce que l’Union européenne se prononce sur le maintien ou le non-renouvellement de l’approbation donnée à l’usage des produits phytopharmaceutiques comportant du glyphosate. En outre, elle consent un délai de grâce de douze mois à compter du retrait d’une AMM, délai qui permet de poursuivre la vente des produits pendant six mois et l’utilisation du terrain pour six mois supplémentaires. En conséquence, cette dernière devait demeurer possible jusqu’en octobre 2021.

Il ressort également de l’audition de M. Genet par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate que « [p]our les restrictions d’usage, aucun délai ne s’applique mais les metteurs sur le marché auront six mois pour modifier les étiquetages. Ces restrictions ne s’appliqueront donc, vraisemblablement, qu’à partir d’avril 2021 ».

Évolution des autorisations de mise sur le marché des produits comportant du glyphosate entre 2018 et 2020

 

D’après le décompte établi par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, le nombre des produits autorisés formulés à base de glyphosate est passé de 201 à la fin de l’exercice 2018 (dont 189 faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché) à 69 produits devant faire l’objet d’une nouvelle autorisation à la fin 2019 ([34]). L’ANSES a refusé de renouveler 36 AMM en raison de données manquantes dans les dossiers de renouvellement déposés par les demandeurs ; 8 produits ont été retirés du marché du fait de l’interdiction de l’usage du glyphosate pour les particuliers. En juillet 2020, 29 AMM étaient en cours d’évaluation scientifique en vue de leur réexamen, auxquelles s’ajoutaient 9 nouvelles demandes d’AMM (7 nouvelles et 2 redéposées à la suite du retrait prononcé en décembre 2019).

À l’automne 2020, sur les 25 demandes de renouvellement d’AMM restantes, 21 étaient effectivement en cours de réévaluation car un produit correspondait à un produit de revente et 3 à des produits de  commerce parallèle ([35]). Le 30 septembre 2020, l’ANSES a rendu 9 décisions sur des demandes de nouvelles autorisations de mise sur le marché et de renouvellement, dont :

– 5 décisions favorables (3 sur des renouvellements d’autorisations et 2 sur de nouvelles demandes avec des restrictions d’usage) ;

– 4 décisions défavorables (dont 3 sur des réexamens et un refus de nouvelle AMM).

Source : second rapport de la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate.

2.   L’article unique de la proposition de loi

Le présent article vise à mettre un terme à l’usage des produits du glyphosate en France. À cet effet, l’article unique de la proposition de loi complète les dispositions de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime par l’ajout d’un V portant interdiction de l’usage des produits phytopharmaceutiques qui contiennent cette substance active.

a.   Une interdiction circonscrite mais rigoureuse des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate

● Par comparaison au IV de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, le deuxième alinéa du présent article ne proscrit pas la production, le stockage et la circulation des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. Toutefois, il ne s’agit là que d’une différence formelle tenant à la rédaction de l’article car l’exposé des motifs établit que le champ de l’interdiction couvre la vente et l’usage.

Le dispositif parait de nature à satisfaire aux exigences affirmées par le Conseil constitutionnel dans la décision rendue le 31 janvier 2020, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’usage des néonicotinoïdes ([36]). Il ressort de ses attendus qu’une mesure interdisant la vente d’un produit peut être considérée conforme à la Constitution sous réserve d’une proportionnalité entre l’atteinte à la liberté d’entreprendre et les buts poursuivis.

En l’espèce, la proposition de loi ne fait obstacle ni à l’exportation, ni au transit de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate sur le territoire national. Son dispositif exclut l’usage de substances dont de nombreuses études démontrent aujourd’hui les dangers aux plans sanitaire et environnemental. En conséquence, on peut estimer que ce dernier établit « une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d’entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de la santé ».

● Par ailleurs, la proposition de loi s’inscrit dans le cadre fixé par le règlement précité (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. En pratique, l’interdiction qu’elle édicte ne contrevient pas à la liberté de circulation des produits autorisés par la Commission européenne et bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché délivré par un ou plusieurs autres États membres. Elle ne préjuge pas non plus de l’issue des discussions relatives au renouvellement de l’autorisation de l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate à compter de 2022.

● Quoique la proposition de loi ne comporte pas de disposition expresse, le non-respect de l’interdiction de l’usage des produits phytopharmaceutiques comportant du glyphosate expose à des sanctions pénales.

En effet, l’article L. 253-8 figure parmi les articles du code rural et de la pêche maritime dont la violation peut entraîner l’application de dispositions prévues à la section 9 du chapitre III du titre V du livre II dudit code.  En l’espèce, le 3° de l’article L. 253-17 du code rural et de la pêche maritime punit de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros « [l]e fait d’utiliser un produit visé à l’article L. 253-1 ou des semences traitées par ces produits en ne respectant pas des conditions d’utilisation conformes aux dispositions de l’article 55 du règlement (CE) n° 1107/2009, ou en méconnaissance des dispositions des articles L. 253-7, L. 253-7-1 ou L. 253-8 ou des dispositions prises pour leur application ». Le montant de l’amendement peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.

b.   Un dispositif destiné à assurer sans délai la protection des populations contre un risque sanitaire identifié

● En l’état, le deuxième alinéa de l’article unique ne détermine pas expressément les conditions d’entrée en vigueur de la proposition de loi. Par comparaison au texte soumis à l’Assemblée nationale par notre collègue Bénédicte Taurine ([37]), il ne fixe pas, en particulier la date à laquelle le principe qu’il édicte acquérait un caractère opposable.

En conséquence et conformément aux principes généraux du droit, l’interdiction de l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate s’appliquerait dès le lendemain de la publication au Journal officiel du texte promulgué. Le choix d’une entrée en vigueur immédiate répond à deux motifs : en premier lieu, ne pas différer davantage la mise en œuvre d’une mesure d’indispensable au plan sanitaire ; en second lieu, donner aux pouvoirs publics les moyens d’affirmer la position de la France dans les négociations à venir, alors que l’Union européenne doit de nouveau examiner en 2022 l’opportunité du renouvellement de l’autorisation relative à l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant des glyphosates.

● L’alinéa 2 de l’article unique dispose que la proposition de loi s’applique sur l’ensemble du territoire national.

Compte des principes constitutionnels relatifs à l’application des lois et règlements, l’interdiction de l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate vaut pour la métropole et la collectivité de Corse. En vertu du principe d’identité législatif, la proposition de loi présente également un caractère exécutoire dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, à savoir : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

En revanche, conformément au principe de spécialité législative, l’application de la proposition de loi dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution demeure tributaire du statut de chaque territoire. Compte tenu de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités, Le présent texte ne présente pas ainsi de caractère exécutoire en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

● Le troisième alinéa de l’article unique renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’apporter les précisions nécessaires à la mise en œuvre de l’interdiction qu’elle consacre.

Une telle disposition habilite seulement le pouvoir réglementaire à prendre les mesures complémentaires et pratiques que pourrait exiger à l’exécution de la loi. Dans cette optique, les précisions évoquées par la proposition de loi pourraient consister à désigner les substances entrant dans son champ d’application au regard notamment de la diversité et des conditions d’usage des produits phytopharmaceutiques actuellement présents sur le territoire national. La proposition de loi peut également offrir une base légale à la définition de mesures transitoires, telles que les modalités de retrait des circuits commerciaux ou de destruction des produits.

En revanche, conformément aux objectifs exprimés dans l’exposé des motifs, le renvoi au décret en Conseil d’État ne constitue pas le fondement d’une quelconque dérogation à l’interdiction générale prononcée par le législateur. La proposition de loi définissant les termes essentiels de l’interdiction qu’elle édicte, elle n’autorise pas le pouvoir réglementaire à en écarter l’application pour certains produits phytosanitaires ou à fixer une date d’entrée en vigueur postérieure à sa publication.

3.   La position de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a supprimé l’article unique de la proposition de loi, en conséquence de l’adoption d’un amendement présenté par M. Jean-Baptiste Moreau et des membres du groupe La République en Marche ;

Du point de vue des auteurs de cet amendement, l'interdiction du glyphosate en l’absence de produits de substitution pour l’ensemble des usages agricoles pourrait contribuer à fragiliser l’agriculture française. Ils estiment que par son caractère général et indifférencié, une telle mesure de principe engendrerait des coûts disproportionnés alors que l’ANSES a déjà prononcé l’interdiction ou restreint certains usages du glyphosate lorsqu’il existait des alternatives. Dans cette optique, il conviendrait de considérer la baisse très sensible de la consommation des substances les plus préoccupantes et les progrès enregistrés grâce aux efforts et à la conscience des agriculteurs.

 

 

 

 

 


—  1  —

 

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 5 janvier 2022, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à interdire le glyphosate (n° 4745) (M. Loïc Prud’homme, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Je profite de ce jour de reprise des travaux de la commission des affaires économiques pour vous souhaiter une excellente année 2022. Je vous souhaite du plaisir, du bonheur, du succès – même si nos intérêts électoraux ne sont pas alignés – et, je le dis en réaction aux propos d’un collègue à ma droite, même si je ne sais pas à quoi il faisait référence – pas trop d’emmerdements (Rires). Nous poursuivrons, j’en suis persuadé, notre travail avec bienveillance, compétence et efficacité. L’agenda de notre commission est encore très chargé en janvier et février et la fin de la législature mobilisera nos énergies. Nous aurons l’occasion d’en parler avec les membres du bureau lors d’une réunion prévue le mercredi 19 janvier.

Le président Richard Ferrand – auquel nous souhaitons un prompt rétablissement – et les questeurs nous ont demandé d’exercer une vigilance accrue en raison du contexte sanitaire. Nos réunions du mois de janvier auront lieu en présentiel car elles portent sur l’examen de textes législatifs et les procédures de vote requièrent notre présence. Seule l’audition de M. Thierry Breton, prévue le 11 janvier prochain conjointement avec la commission des affaires européennes, est prévue en visioconférence. Pour ces réunions, la jauge des présents n’a pas été rétablie. Il nous est demandé de respecter des distances adéquates entre les députés. Je vous demande donc de vous répartir dans l’ensemble de la salle.

Nous avons le plaisir d’accueillir deux membres du groupe La France insoumise, qui ne sont pas membres de notre commission, mais qui viennent rapporter deux propositions de loi inscrites dans la niche de leur groupe : M. Loïc Prud’homme pour la proposition de loi n° 4745 visant à interdire le glyphosate en France et M. Ugo Bernalicis pour la proposition de loi n° 4743 visant au blocage des prix. Elles seront discutées en séance le jeudi 13 janvier prochain.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. J’ai l’honneur de soumettre à la commission des affaires économiques une nouvelle proposition de loi visant à interdire le glyphosate en France.

Mon propos n’est pas ici de mettre en cause une profession, celle des agriculteurs, qui a payé – et paye encore – le lourd tribut d’un modèle à bout de souffle, le modèle productiviste. Il s’agit de donner à l’État les moyens de prendre sans délai les mesures de santé publique et environnementale qu’exige une menace sanitaire et écologique réelle pour la population. Sortons des postures et des éléments de langage ! Nul ne peut aujourd’hui contester que la lutte contre le glyphosate marque le pas. J’en veux pour preuve la remontée assez spectaculaire des ventes de cet herbicide : après une baisse de 37 % constatée en 2019, elles progressent de 23 % en 2020, année au cours de laquelle les quantités vendues en France se sont élevées à 8 644 tonnes – soit un niveau proche de celui constaté en 2013. La France, dont la consommation représente 19 % du glyphosate pulvérisé dans l’Union européenne, s’impose comme la principale utilisatrice du glyphosate, alors que, à bien des égards, les dangers de ce pesticide ne sont plus à démontrer.

Dans un rapport publié en juin 2021 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), un groupe pluridisciplinaire d’experts a analysé 5 300 documents de la littérature scientifique internationale publiée depuis 2013. Cette relecture critique établit l’existence de multiples corrélations ou liens de causalité entre l’exposition au glyphosate et le développement de pathologies cancéreuses. Elle confirme en particulier le lien, déjà avéré par le rapport de l’INSERM de 2013, entre le glyphosate et le lymphome non hodgkinien. Il n’est donc plus temps de débattre stérilement mais d’agir !

Voici plus de quatre ans, le Président de la République avait demandé au Gouvernement de « prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Le chiffre des ventes que j’évoquais tout à l’heure en atteste : une telle démarche, placée sous les auspices d’une transition vers l’agroécologie, montre ses limites car les résultats obtenus s’avèrent sans rapport avec les engagements pris. Je le répète : je n’incrimine pas les agriculteurs car, en réalité, la persistance de l’usage du glyphosate révèle la dépendance à un système qui nuit à leurs intérêts fondamentaux. En revanche, nous, parlementaires, devons[TA1]-nous interroger sur l’efficacité de la stratégie de sortie du glyphosate que mène l’État.

Depuis trois ans, les pouvoirs publics ont édicté quelques restrictions à l’usage des produits phytosanitaires. En revanche, pour ce qui concerne le glyphosate, la politique de l’État se résume en un mot : procrastination !

Les travaux réalisés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) depuis 2018 et ceux de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) révèlent qu’il existe des produits non chimiques ou des pratiques agronomiques susceptibles de remplacer le glyphosate pour ses quatre principaux usages : la viticulture, l’arboriculture fruitière, les grandes cultures et la forêt. Je ne fais ici que me référer aux travaux dont faisait état, en décembre 2020, le rapport de la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. À sa lecture, il apparaît que les conclusions de l’ANSES ne relèvent pas de l’acte militant puisqu’elles résultent de la prise en compte de deux éléments : d’une part, l’évaluation des procédés et produits permettant d’atteindre des résultats comparables à ceux obtenus avec les produits phytosanitaires comportant du glyphosate ; d’autre part, la mesure des inconvénients économiques et pratiques des alternatives, en ce qui concerne les besoins agronomiques, d’équipement, de disponibilité de main-d’œuvre, de temps de travail, d’efficacité ou encore de risque.

Dans ces conditions, l’interdiction du glyphosate ne saurait être considérée comme une perspective peu crédible ! Je rappelle que 55 000 agriculteurs bio se passent complètement de ce pesticide. La preuve par l’exemple est irréfutable et ceux qui n’ont que le mot compétitivité à la bouche doivent se rendre à l’évidence de l’efficacité économique des alternatives au glyphosate. Par ailleurs, d’autres États européens prennent des mesures qui concourent de manière concrète à la réalisation de cet objectif d’intérêt commun. Il en va ainsi du Luxembourg qui, depuis le 1er janvier 2021, a interdit toute utilisation de produits phytosanitaires sur son sol. L’usage du glyphosate fait l’objet d’interdictions partielles dans d’autres États membres de l’Union européenne à l’instar de la République tchèque, depuis 2019, ou de l’Italie, depuis 2016. Je tiens à rappeler qu’à l’automne 2019, l’Allemagne avait annoncé un plan de protection des insectes, dont un volet impliquait la sortie complète du glyphosate d’ici à 2023.

Les termes du problème sont donc connus. À présent, il appartient aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités en joignant le geste à la parole. La protection de la santé publique et de l’environnement nous oblige tous. Qu’attendons-nous ?

En décembre 2022, l’Union européenne se prononcera à nouveau sur le maintien de l’approbation donnée à l’usage du glyphosate. En 2017, notre pays s’était opposé au renouvellement du règlement d’exécution présenté par la Commission européenne. Alors que la France va assumer, tout au long du premier semestre, la présidence du Conseil européen et du Conseil des ministres de l’Union, nul ne comprendrait que notre pays ne montre pas l’exemple en mettant son droit en conformité avec ses positions avant-gardistes.

Dans cette démarche de cohérence et de crédibilité, le Parlement doit prendre toute sa part. En trois ans, les assemblées ont été saisies de dispositifs qui, plus que bien des discours, pouvaient faire avancer ce dossier. Je pense bien évidemment à la proposition de loi de notre collègue Bénédicte Taurine, examinée en 2019 par l’Assemblée nationale. Mais il convient également de citer les amendements au projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« loi EGALIM ») en 2018, défendus par les membres du groupe de La France insoumise, ainsi que par nos collègues Delphine Batho et François-Michel Lambert. L’ensemble de ces initiatives parlementaires a été rejeté par le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale. À l’époque, des observateurs ont parlé de renoncement.

En conclusion, j’aimerais rappeler une formule fameuse : « l’art de gouverner ne consiste pas à rendre souhaitable ce qui est possible. Il consiste à rendre possible ce qui est souhaitable ». Je vous invite donc à rendre possible la sortie du glyphosate en votant ce texte.

M. Jean-Baptiste Moreau (LaREM). La France insoumise remet encore une fois sur le tapis le sujet de la suppression du glyphosate. Elle risque d’être déçue. La ligne de la majorité, qui a été réaffirmée hier par le Président de la République dans une interview dans Le Parisien, est claire et n’a pas bougé : pas d’interdiction sans solution. Le groupe La République en marche présentera donc un amendement de suppression de l’article unique de cette proposition de loi.

Si nous ne pouvons que partager l’ambition en faveur de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, nous nous opposons à une suppression pure et simple du glyphosate qui entraînerait de facto de lourdes conséquences pour le monde agricole. Notre position n’a pas changé mais les choses ont évolué. Les ventes de substances les plus préoccupantes – cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR 1) –, ont été réduites de 93 % par rapport à 2017. Les ventes cumulées des produits CMR 1 et 2, les deux classes de molécules les plus toxiques, ont baissé de 37 % entre 2017 et 2020. J’ai mené pendant deux ans, notamment avec mes collègues Julien Dive et Jean-Luc Fugit, un travail parlementaire de fond sur la stratégie de sortie du glyphosate – travail auquel vous avez, monsieur Prud’homme, assidûment participé. La conclusion que nous portions était claire : pas d’interdiction de l’utilisation en l’absence d’une alternative à la fois économiquement viable et techniquement efficace.

La proposition de loi ne prévoit aucun accompagnement, ni aucune solution ou précision sur la manière de financer les conséquences de l’interdiction du glyphosate, qui ne manquera pas – comme nous l’avions déjà souligné dans notre rapport publié l’an dernier – d’entraîner des surcoûts variables mais certains, en fonction des filières et des pratiques culturales. Elle se traduira par le besoin de recourir à une main d’œuvre supplémentaire et par la nécessité d’acquérir de nouveaux équipements. Les différents textes que cette commission a examinés depuis le début de la législature montrent à quel point la question du financement est complexe dans le secteur agricole. Votre proposition de loi conduirait de nombreux agriculteurs dans une impasse financière, alors même que leur situation économique reste une des plus fragiles de notre pays.

Si certains usages peuvent faire l’objet d’alternatives – comme dans le cas de l’arboriculture, pour laquelle l’ANSES a conclu que le traitement en inter-rang était possible sans glyphosate et a donc interdit son usage –, d’autres cultures, comme la vigne, ne permettent pas le remplacement du glyphosate sous le rang. Ainsi, promouvoir une directive unique comme le fait cette proposition de loi apparaît clairement comme une méconnaissance de la complexité et de l’hétérogénéité de l’agronomie et de ses particularismes. Quand on sait que la moitié des agriculteurs partiront à la retraite d’ici quatre ans et que la souveraineté alimentaire et agricole demeure un enjeu central, une interdiction pure et dure n’entraînera que davantage de difficultés pour les agriculteurs et pour tout un secteur en proie à la fois aux conséquences dramatiques du changement climatique et aux injonctions idéologiques contradictoires permanentes.

Vous ne prenez pas un instant en considération les efforts consentis par les agriculteurs, grâce auxquels les ventes de produits phytosanitaires en 2019 et 2020 ont été les plus faibles enregistrées au cours des dix dernières années. La sortie des produits les plus dangereux a été largement encouragée par notre majorité, notamment grâce à la séparation de la vente et du conseil sur les produits phytosanitaires – une mesure permise par la loi EGALIM, dont j’ai été le rapporteur –, grâce à la mise en place en 2020 d’une stratégie de déploiement du biocontrôle pour faciliter l’accès aux marchés et grâce à un soutien massif aux investissements pour le déploiement des solutions alternatives aux produits phytosanitaires. Sur ce dernier point, je rappelle que France Relance a consacré 245 millions d’euros au renouvellement des équipements ou à l’achat d’équipements de substitution – crédits qui ont été épuisés en trois semaines en janvier dernier. Le plan France 2030 prévoit 600 millions d’euros sur le volet troisième révolution agricole, pour financer la recherche et le développement des entreprises créant des solutions favorisant la transition agroécologique. Enfin, un crédit d’impôt d’un montant de 2 500 euros a été mis en place pour toutes les entreprises agricoles de cultures permanentes qui n’ont pas utilisé de produit phytosanitaire à base de glyphosate au cours de l’année. N’oublions pas que c’est sous cette législature que les surfaces en bio ont doublé et que le nombre d’exploitations certifiées haute valeur environnementale (HVE) est en forte hausse, passé de 789 en 2017 à de plus de 14 000 au 1er janvier 2021.

Notre majorité fait le choix de l’accompagnement plutôt que celui de l’interdiction sans solution. Nous faisons également le choix des alternatives, en sachant que l’agronomie et la recherche s’inscrivent dans le temps long – l’ingénieur agronome que je suis le sait parfaitement. Il serait irresponsable d’interdire le glyphosate au regard des fortes disparités européennes que cela pourrait entraîner. Il est temps d’arrêter notre folie de la surtransposition permanente. À l’heure actuelle, dans l’Union européenne, seul le Luxembourg – qui n’est pas une grande puissance agricole – interdit le glyphosate. Le Sri Lanka, qui a interdit tous les produits phytosanitaires, a dû rétropédaler car il n’arrivait plus à garantir son autosuffisance alimentaire. Je souhaite que notre pays continue à jouer le rôle de locomotive et de repère pour la transition agroécologique européenne, notamment grâce à l’engagement du Président de la République et du ministre de l’agriculture.

M. Julien Dive (LR). Tout est parti d’un tweet du Président de la République en novembre 2017 annonçant l’interdiction du glyphosate en France au plus tard en 2021. Faire le buzz par des déclarations hâtives, sans recul sans doute semble être une habitude fâcheuse du Président. Qu’est-ce qui a suivi ? Depuis 2017, l’agribashing s’est accentué, avec l’idée pour certains que les agriculteurs sont des pollueurs. Certains citoyens et militants considèrent que les agriculteurs ne font pas assez d’efforts. Ceux qui, ici ou ailleurs, les côtoient au quotidien, savent qu’ils sont engagés depuis de nombreuses années dans la voie de la transition agricole, que ce soit par des actions, par des avancées législatives, par la conscience collective ou par les moyens techniques mis en œuvre. Tous les agriculteurs, sans exception, ont bien conscience que leur outil de travail, c’est la terre et qu’ils sont la réponse aussi aux enjeux environnementaux. Les agriculteurs, qui ont à nouveau été pointés du doigt, s’en sont émus, d’autant plus que nous connaissons leur difficulté à obtenir une juste rémunération de leur travail – les débats lors de l’examen du projet de loi EGALIM et de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs nous l’ont rappelé.

Le glyphosate a fait l’objet de plusieurs travaux parlementaires : les débats autour d’amendements sur le glyphosate lors de la proposition de loi précitée, une proposition de loi de Mme Taurine et une mission d’information menée pendant deux ans par Jean-Baptiste Moreau, Jean-Luc Fugit et moi-même. Cette mission a réalisé un travail de fond objectif, dans le respect des différentes opinions, et tous les acteurs concernés ont été reçus – scientifiques, représentants de filières, acteurs de la transition agroécologique et ministères avec d’ailleurs à leur tête des ministres différents.

Le groupe Les Républicains a toujours été opposé à toute surtransposition de normes et force est de constater que ce sujet reste d’actualité, comme le montrent les zones de non-traitement. Nous sommes également opposés à toute interdiction sans alternative. C’était d’ailleurs une des conclusions du rapport de la mission parlementaire menée entre 2018 et 2020. Enfin, nous sommes opposés à toute distorsion de concurrence au sein de l’Union européenne, et l’interdiction du glyphosate accentuera ces distorsions.

Depuis 2017, la profession a réalisé des avancées – comme vient de le rappeler notre collègue Jean-Baptiste Moreau – : de nombreux agriculteurs se sont engagés dans la certification haute valeur environnementale ; le nombre de surfaces agricoles en bio a doublé et l’usage du glyphosate a été réduit dans certaines situations, grandes parcelles et inter-rang par exemple, ainsi que le recommandait l’ANSES et le rapport de notre mission parlementaire. Il n’en reste pas moins que des situations d’impasse demeurent : vignes en coteaux ou agriculture de conservation des sols, dont les techniques particulières demandent un couvert végétal et un traitement avant de semer. Tout cela, nous l’avons indiqué dans le cadre de nos travaux.

Je regrette, monsieur le rapporteur, que votre proposition ne comporte qu’un seul article visant à interdire le glyphosate et ne prévoie aucune solution pour nos agriculteurs, aucun moyen d’accompagnement, aucune étude d’impact ni aucune référence au travail parlementaire mené sur ce sujet. En conséquence, les députés du groupe Les Républicains voteront contre cette proposition de loi.

Mme Marguerite Deprez-Audebert (MoDem). Notre volonté commune de préparer la sortie du glyphosate ne fait pas débat et le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés partage l’objectif de réduire progressivement l’utilisation du glyphosate avant d’y mettre fin. Néanmoins, nous considérons que l’interdiction immédiate prise dans un cadre purement national, comme le propose ce texte, n’est pas une solution adéquate pour répondre à ce défi sanitaire, agricole, environnemental et économique. Au contraire, il est nécessaire d’avancer avec pragmatisme mais aussi avec honnêteté vis-à-vis des citoyens et des agriculteurs. Être honnête, c’est reconnaître que pour l’instant, nous ne disposons pas d’alternatives pérennes et satisfaisantes au glyphosate qui permettraient de répondre aux nombreux enjeux auxquels est confronté le secteur agricole en France. En effet, les impacts de cette interdiction immédiate seraient nombreux sur la productivité de notre modèle agricole, et donc sur la souveraineté alimentaire, ainsi que sur la viabilité des exploitations agricoles. L’interdiction du glyphosate engendrerait des coûts considérables, entre 50 et 150 euros supplémentaires par hectare. S’y ajoute, comme l’a souligné le Président de la République, l’enjeu de la concurrence équitable, qui serait remise en question pour nos agriculteurs vis-à-vis des autres producteurs européens en cas de sortie immédiate et unilatérale du glyphosate. Ce sont aussi les raisons pour lesquelles l’objectif formulé par le Président de la République de mettre fin à l’utilisation du glyphosate en 2021 n’a pu être tenu. Mais nous y travaillons à l’échelle nationale et européenne.

Les nombreuses difficultés ne nous ont pas empêché de limiter l’utilisation du glyphosate en France, faisant de notre pays l’un des États les plus ambitieux en la matière. Depuis janvier 2017, le glyphosate est interdit dans les espaces publics et son utilisation par les particuliers l’est aussi depuis 2019. À l’échelle européenne, n’oublions pas que c’est la France qui s’est mobilisée pour que l’autorisation du glyphosate soit renouvelée pour une durée de cinq ans, et non de dix comme le prévoyait initialement la Commission européenne.

En outre, concernant la consommation de produits phytosanitaires en général, nos actions portent leurs fruits. Leur utilisation a diminué de 20 % en 2020 par rapport à la période 2012-2017. Par ailleurs, l’utilisation des substances les plus préoccupantes, relevant de la catégorie CMR 1, a baissé de 93 % entre 2016 et 2020. Les plans France Relance et France 2030 viennent également s’ajouter à nos efforts en prévoyant des investissements massifs afin de soutenir le déploiement d’alternatives au glyphosate, de développer davantage la transition agro-écologique et de réduire les autorisations de mise sur le marché (AMM) de nombreux produits utilisant du glyphosate.

Nous ne nions pas l’ampleur du défi : les quantités de glyphosate vendues ont augmenté entre 2019 et 2020, malgré une baisse significative l’année précédente. Nous avons aussi décidé l’an dernier de limiter l’utilisation du glyphosate aux seuls cas où il n’y aurait aucune alternative. Toutefois, les effets chiffrés de cette décision ne pourront être observés qu’en 2022. Par conséquent, au lieu de voter une interdiction immédiate et sans concertation avec nos partenaires, nous souhaitons intensifier les efforts de développement et de recherche afin de développer des alternatives fiables permettant le remplacement du glyphosate. De plus, il est nécessaire de trouver une solution européenne, et ce, avant la fin de l’année, lorsqu’une nouvelle décision devra être prise à l’échelle de l’Union sur l’éventuelle prolongation de la licence autorisant l’utilisation du glyphosate. La France devra peser de tout son poids pendant sa présidence du Conseil de l’Union européenne pour trouver une solution permettant de respecter l’équilibre entre, d’une part, la protection de l’environnement et de la santé et, d’autre part, la préservation de la compétitivité de notre modèle agricole.

M. Jean-Hugues Ratenon (FI). Cette proposition de loi est bienvenue car elle rappelle que le Président de la République n’a pas traduit ses annonces en mesures concrètes. En effet, le 27 novembre 2017, à la suite du renouvellement de l’autorisation de commercialisation du glyphosate par l’Union européenne, M. Emmanuel Macron s’exprimait publiquement à ce sujet. Je cite : « J’ai demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans. » Nous sommes le 5 janvier 2022, soit plus de trois ans plus tard, et l’interdiction du glyphosate n’a toujours pas eu lieu. C’est pour cette raison que le groupe parlementaire La France insoumise a déposé cette proposition de loi visant à interdire la vente comme l’usage du glyphosate.

L’absence d’interdiction du glyphosate, pourtant promise par M. Emmanuel Macron, n’est qu’un exemple qui témoigne de son inaction. Rien que sur les questions agricoles et alimentaires, la liste des échecs et des renoncements du Président de la République et de son gouvernement est longue. On peut notamment citer la réintroduction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, le refus d’interdire les fermes usines ou encore la création de la cellule Déméter de la gendarmerie, chargée de lutter contre les militants dénonçant l’agribashing et la maltraitance des animaux.

Cette proposition de loi est également bienvenue car elle permettra à la France d’être exemplaire à l’échelle européenne. En effet, la France pourra soutenir une position ambitieuse alors qu’elle préside le Conseil de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2022 et que d’ici la fin de cette année, l’Union européenne doit de nouveau statuer sur la prolongation pour cinq ans de l’autorisation du glyphosate.

Surtout, cette proposition de loi permettra de mettre fin à l’utilisation du glyphosate, dont le risque est avéré pour la santé et l’environnement. Depuis 2015, le glyphosate est reconnu comme cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), par le biais du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Pourtant, le glyphosate n’est toujours pas interdit par l’Union européenne ou par la France.

Nous refusons qu’il rejoigne la sinistre liste des scandales d’État, à l’instar du chlordécone, pesticide utilisé massivement dans les bananeraies des Antilles de 1972 à 1993. Bien que parfaitement averti des conséquences terribles de ce produit, puisque l’OMS l’avait classé comme pesticide hautement toxique dès 1979, l’État français a privilégié l’économie sur la santé. Pendant des décennies, le chlordécone a infiltré les sols et a pollué durablement l’eau. Il continue de rendre malades les populations antillaises, puisqu’il est la cause de nombreux problèmes sanitaires, comme les cancers de la prostate – dont les Antillais détiennent le record.

Enfin, cette proposition de loi est bienvenue car nous savons qu’il existe des alternatives aux pesticides et à ce modèle agroindustriel à bout de souffle, dont le glyphosate est le symbole. Dans un rapport publié en décembre 2017, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), devenu INRAe, a confirmé la performance économique de l’agriculture biologique. Elle est davantage rémunératrice pour les paysans et permettra de créer des milliers d’emplois, tout en protégeant la biodiversité.

Pour l’ensemble de ces raisons, je soutiendrai cette proposition de loi.

M. Dominique Potier (SOC). Depuis trente ans, je mène un combat politique pour une sortie effective des pesticides. Je l’ai commencée comme militant associatif et paysan, et je l’ai poursuivi comme élu local, en tant que président de communauté de communes puis de pays, et, finalement, à l’Assemblée nationale. Cela pourra paraître paradoxal mais ma position et celle du groupe socialiste sera – du moins au stade de la Commission – de s’abstenir. Je veux expliquer ici que l’on peut être engagé dans le combat contre les pesticides sans nécessairement  emprunter la voie que propose M. Loïc Prud’homme.

D’abord, il nous faut un horizon. Cet horizon, c’est d’abord celui de l’étude Agrimonde-Terra, menée par une vingtaine d’organisations à l’échelle mondiale, qui conclut que l’agroécologie est la solution pour nourrir le monde. C’est aussi celui fixé par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui montre que l’Europe peut sortir des pesticides en trente ans et se nourrir avec des modes de consommation adaptés, tout en continuant à avoir des échanges équilibrés avec la Méditerranée, et notamment avec le Maghreb. C’est enfin l’engagement de l’INRAE vers l’objectif zéro pesticide. Ce programme de recherche, ouvert il y a maintenant deux ans, mené par un institut scientifique majeur et fierté de la France, montre que cet objectif est crédible et accessible.

À la suite de ma nomination par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault comme parlementaire en mission, j’ai émis des recommandations pour le plan Écophyto II. La critique principale que j’adresse au gouvernement actuel, c’est que ce plan n’a pas été mis en œuvre. Il a été planté, en le maintenant au stade léthargique pendant cinq ans. L’exemple le plus patent est celui des néonicotinoïdes. J’ai demandé au ministre de l’agriculture les procès-verbaux des réunions organisées dans le cadre du plan Écophyto, qui montrent qu’il existe des moyens pour sortir des néonicotinoïdes. On n’a pas travaillé sur ce sujet, ni sur celui de l’agroécologie, ce qui a conduit il y a quelques mois au rétablissement en séance publique, de façon honteuse, de l’autorisation de pesticides néonicotinoïdes. Autre exemple, celui du renforcement des certificats d’économie de produits phytosanitaires. Dans le cadre de la loi EGALIM, le Gouvernement est revenu sur les sanctions attachées à ces certificats, de façon insidieuse et avec un manque de respect total pour le Parlement, alors que tous les instituts de recherche et toutes les filières professionnelles admettent qu’il s’agit d’une des modalités les plus efficaces de sortie des pesticides.

En matière de sortie des pesticides, cette législature n’a été qu’une législature de la parole ! Je le regrette profondément. Les voies que nous devons suivre sont celles qui associent le privé et le public, la recherche et l’action, le monde professionnel, la démocratie et la science. Ainsi, l’amendement que nous avions présenté il y a quatre ans, prévoyant des moyens pour la phytopharmacovigilance, a permis d’organiser la sortie du métam-sodium et de trente autres produits.

Nous nous abstiendrons aujourd’hui sur cette proposition de loi parce que je pense profondément que ce n’est pas au Parlement de statuer sur les questions de molécules et de produits. Le faire serait une profonde régression démocratique. Je refuse la dictature du marché tout autant que je refuse celle de l’opinion. Le Parlement doit fixer aux institutions qu’il a créées pour cela – je pense à l’ANSES ou à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – des objectifs clairs en matière de santé publique et leur garantir les moyens de leur indépendance totale par rapport à tout lobbying, tout en s’assurant de leur capacité à accompagner publiquement la mise en œuvre des alternatives sur le terrain. C’est cela la voient démocratique que nous devons suivre ! J’en veux pour preuve la question des néonicotinoïdes.  Suivre la voie démagogique d’une interdiction brutale du glyphosate aboutirait à le remplacer par trois molécules plus cancérigènes. Nous nous abstiendrons donc au nom de la santé publique, de l’agroécologie et de notre vision d’une alimentation saine pour tous et de la santé des sols et des hommes.

M. Antoine Herth (Agir ens). Monsieur Prud’homme, j’ai décortiqué votre rapport. Il m’a surpris puisque vous avez choisi d’abandonner la rhétorique habituelle de La France insoumise : pas de dénonciation de Monsanto – qui d’ailleurs n’existe plus –, des OGM ou des affres du capitalisme sauvage. Je n’y ai pas trouvé non plus de remise en question de l’économie de marché ou de l’Union européenne, en particulier de l’EFSA, ni de critique de l’organisation du service de l’État, en particulier de l’ANSES. Votre rapport n’a donc rien de révolutionnaire, ni de décroissant et m’en deviendrait presque sympathique.

J’ai surtout trouvé votre rapport, et les explications qu’il contient, très clair et je vous en félicite. Vous y présentez de façon pédagogique le cadre législatif existant sur l’autorisation et la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. J’ai essayé pendant des années dans l’hémicycle de vous convaincre. J’ai l’impression donc d’avoir servi un peu à quelque chose, au moins sur ce point-là.

Quelques points pourraient en revanche être améliorés.

Vous écrivez qu’aucune mesure nationale n’a été prise, tout en rappelant – et c’est contradictoire – que sur 201 produits contenant du glyphosate, 69 détiennent encore aujourd’hui une AMM. En réalité, le processus de sortie du glyphosate est donc déjà largement engagé puisque deux tiers des autorisations de mise sur le marché ont été retirés. Vous critiquez entre les lignes le délai de grâce accordé aux industriels. Nous avons déjà eu ce débat lors du vote sur la loi « climat et résilience », en particulier sur les produits réfrigérants utilisés par les fabricants de réfrigérateurs. Autre regret, vous faites référence aux travaux de votre collègue Bénédicte Taurine et à ceux de nos collègues sur la mission d’information sur la sortie du glyphosate. En revanche, rien sur la mission d’information commune sur le glyphosate qui avait été présidée en début de législature par notre collègue Élisabeth Toutut-Picard. Son travail a posé les bases d’une meilleure compréhension des problèmes auxquels nous devons faire face, tels que l’impact sur les systèmes de production, notamment sur les techniques culturales simplifiées, ou la réduction des gaz à effet de serre. Il aurait été intéressant d’avoir les chiffres les plus récents des ventes de glyphosate en France en 2021 mais peut-être les obtiendrons nous avant le débat en séance publique.

Votre rapport contient une inexactitude. Vous affirmez que le Luxembourg a interdit l’ensemble des produits phytopharmaceutiques sur son territoire. C’est faux : l’interdiction ne concerne que le glyphosate.

Enfin, le titre de votre proposition de loi vise à interdire le glyphosate, alors que vous savez très bien que la France n’a pas la compétence juridique d’interdire la molécule du glyphosate. Elle ne peut que légiférer sur les usages qui en sont faits sur son territoire, en raison des particularités locales et sectorielles.

Vous comprendrez donc qu’il y a encore de la marge avant que je ne vote une proposition de loi présentée par La France insoumise.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Les regards sont aujourd’hui tournés principalement vers le glyphosate et les néonicotinoïdes, mais cette affaire du glyphosate est l’arbre qui cache la forêt car le débat, à l’échelle de la France et de l’Union européenne, doit porter sur la transition de l’agriculture vers des pratiques plus responsables. Et ce débat vaut pour tous les herbicides, tous les désherbants, tous les fongicides et tous les insecticides, c’est-à-dire tous les produits composés de molécules de synthèse ayant des effets connus ou inconnus sur la santé humaine, animale et végétale. Dans ce débat, la déclaration malencontreuse du Président de la République a fait du mal – c’est assez répétitif... Si, lors de l’examen du projet de loi EGALIM, on avait demandé au ministre de l’agriculture sa position sur l’interdiction de ces substances, il n’aurait certainement pas annoncé une échéance de trois ans.

Les meilleures alternatives aux produits de synthèse sont celles de l’agroécologie, qui est défendue depuis une dizaine d’années dans notre dans notre pays, avec la certification de haute valeur environnementale, l’agriculture de conservation des sols ou l’agriculture biologique.

Il faut être très attentifs à notre agriculture et à nos agriculteurs et au devenir des 28 millions d’hectares de surface agricole utile. On constate en effet actuellement une diminution de certaines productions, je pense particulièrement à l’élevage, et à une inflation du prix de certaines matières premières. Comment expliquer que le prix du beurre augmente alors que la production laitière est un domaine d’excellence de la France ?

Il est facile de proposer dans un article unique la suppression d’un produit classé comme probablement cancérigène, sans proposer d’alternative. Hier soir, le restaurant de l’Assemblée nationale proposait du raisin, qui ne venait certainement pas d’Agen, mais plus probablement du Chili ou du Venezuela. Personne ne s’est demandé si ce raisin contenait des produits dangereux.

Je siège sur les bancs de cette assemblée depuis un certain nombre d’années et je ne peux pas m’empêcher de penser à Mme Barbara Pompili. Je la crois sincère dans son engagement et je me souviens de ses déclarations répétées contre le glyphosate, contre les néonicotinoïdes ou contre le nucléaire. Maintenant qu’elle est aux responsabilités, elle a dû ravaler son chapeau, sa cravate et le reste en déclarant qu’il faut donner le temps nécessaire à la transition.

Il nous faut avoir en ligne de mire les efforts faits par l’agriculture française et la réflexion qui doit être menée à l’échelle de l’Union européenne. Le groupe UDI-I ne soutiendra donc pas cette proposition de loi.

M. Olivier Falorni (LT). Le Gouvernement aura profité des fêtes de fin d’année pour remettre à l’honneur les produits phytopharmaceutiques. Le 27 décembre dernier, le ministère de l’agriculture a présenté un projet d’arrêté autorisant à nouveau l’utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes. Pourtant, on nous avait juré que ceux-ci ne seraient réutilisés qu’en ultime recours. Ainsi, ce qui devait être une exception redevient la règle, et les promesses présidentielles de réduire notre dépendance aux produits phytosanitaires sont de nouveau oubliées. Nous ne sommes pas vraiment surpris puisque nous avons tous en tête le précédent du glyphosate.

Souvenez-vous : le 27 novembre 2017, le chef de l’État demandait au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans les trois années suivantes. Prenant le Président au mot, j’avais déposé avec des collègues, en 2018, une proposition de loi visant à interdire l’usage des produits phytopharmaceutiques à base de glyphosate. À l’époque, nous nous alarmions de la hausse continue de l’usage de ce pesticide et nous souhaitions accélérer le calendrier de la majorité. Je n’imaginais pas pour autant que, moins de deux ans après la déclaration du Président, le Gouvernement renoncerait à cette mesure.

Certes, des avancées ont eu lieu. En 2020, les ventes de ces substances ont reculé de 20 % par rapport à la moyenne de 2012-2017, mais cette dynamique à première vue encourageante camoufle une réalité beaucoup plus inquiétante. La consommation globale de glyphosate reste stable. Elle est ainsi remontée à 8 644 tonnes en 2020, quantité similaire à celle utilisée dans les années 2015, 2016 et 2017. On nous promet aujourd’hui une diminution à la suite des nouvelles restrictions d’usage mises en place par l’ANSES, mais les résultats tardent à se concrétiser et pendant ce temps, le glyphosate continue d’empoisonner ses utilisateurs. Faut-il le rappeler, les agriculteurs sont les premières victimes de cet herbicide, qui est un cancérigène probable selon le CIRC qui est une agence de l’Organisation mondiale de la Santé. La nature est l’autre victime de ce produit. La pollution des produits phytopharmaceutiques et celle du glyphosate en particulier appauvrit les sols et la biodiversité. Quant aux cours d’eau, ils sont massivement contaminés depuis de nombreuses années.

Il y a urgence à mettre fin aux effets délétères de cette molécule. C’était la promesse du président Emmanuel Macron mais il y a renoncé. Je suis, à titre personnel, convaincu que seule une interdiction stricte y parviendra. Les alternatives techniques existent, à condition que l’on ait la réelle volonté, et tout l’enjeu aujourd’hui est d’accompagner les exploitants agricoles dans leur transition. Je souscris donc au principe développé par cette proposition de loi.

M. André Chassaigne (GDR). Les députés communistes sont engagés sans ambiguïté dans la transformation agroécologique de notre agriculture, qui exige une réduction très importante de l’usage des intrants et des produits phytosanitaires pour l’ensemble des productions agricoles – en commençant par les molécules qui se révèlent les plus dangereuses ou ayant le plus d’impact pour la santé, la biodiversité et l’environnement, comme le sont les herbicides à base de glyphosate, qui sont au cœur de notre système de production.

Pour autant, nous aurions tort de laisser croire que nous réglerions à bon compte le problème global de l’utilisation des produits phytosanitaires en interdisant simplement par la loi l’utilisation de cette molécule. L’ampleur du défi agronomique est d’un tout autre niveau. Cette proposition de loi visant à interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate renvoie d’ailleurs au décret les modalités d’application de cette interdiction, ce qui démontre toute la difficulté de vouloir légiférer en une phrase sur un débat complexe, qui doit prendre en compte tous les facteurs et toutes les difficultés qu’une telle interdiction va poser.

Après les envolées présidentielles de 2017, le Gouvernement a dû miser sur une stratégie de sortie progressive du glyphosate, assortie de dispositifs d’aides – qui demeurent très insuffisants – en direction des agriculteurs. On ne peut cependant pas légiférer pour faire de l’affichage en simple réaction aux tergiversations et insuffisances de la majorité sur ce sujet. Il faudrait légiférer sur les effets de verrouillage sociotechnique qui maintiennent les agriculteurs dans une relation de dépendance à l’égard des industriels, sur les moyens et outils pour sortir de systèmes spécialisés et territorialisés, et sur les conditions économiques et techniques nécessaires à chaque producteur pour accompagner dans la durée la transformation globale de son système de production.

Le résultat peu probant, voire l’échec, des politiques de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires invitent ainsi à une certaine circonspection dans un contexte d’aggravation des conditions de la concurrence, de dégradation du revenu et d’absence d’une volonté européenne d’accélérer la transition agroécologique dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) comme dans celui des plans stratégiques nationaux.

Les travaux d’expertise, notamment ceux confiés à l’INRAe, visant à fournir à l’ANSES des éléments pour arbitrer sur la liste des retraits du glyphosate pour chaque type de culture, démontrent que des impasses techniques subsistent. Le lien extrêmement étroit entre travail du sol et recours au glyphosate pour les grandes cultures est un sujet particulièrement sensible. Moins travailler le sol entraîne un recours au glyphosate, même minime, en interculture. Or, moins travailler le sol participe à la conservation de ses qualités agronomiques et au stockage de matière organique et de carbone.

Les principales alternatives techniques identifiées par l’INRAe pour limiter drastiquement ou se passer totalement du glyphosate en grandes cultures passent par un travail du sol renforcé ou des labours plus fréquents. Le problème central, c’est la difficulté à concilier stockage de carbone et régénération des sols agricoles sur les surfaces de grandes cultures, puisqu’il faut labourer plus pour se passer des outils chimiques. Plus de passages mécaniques, c’est plus de charges de mécanisation et plus de carburant, et donc globalement, plus d’émissions de CO2.

Comme le soulignent de nombreuses études scientifiques, la problématique est plus complexe et évidemment beaucoup moins populaire qu’une simple inscription immédiate d’une interdiction d’usage dans le code rural. Tout en soutenant l’objectif – que nous partageons tous – d’arriver le plus rapidement possible à l’interdiction du glyphosate au niveau européen, le groupe GDR s’abstiendra de façon responsable sur ce texte.

Mme Delphine Batho. Le renoncement à l’interdiction du glyphosate est évidemment un symbole important de l’échec du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière d’écologie, ainsi que de ses renoncements. On apprend ce matin dans Le Parisien que l’erreur aurait été d’avoir annoncé la sortie du glyphosate, et non de ne pas avoir mis en œuvre cette sortie.

Nos collègues de la majorité disent que des avancées ont été réalisées. C’est totalement faux ! La quantité de glyphosate utilisée en 2020 est la même qu’en 2017. Vous nous dîtes qu’il n’y a pas d’alternative au glyphosate. C’est faux ! Vous nous dîtes qu’il n’y a pas urgence pour le vivant et pour la santé. Je le dis avec respect pour MM. André Chassaigne ou Dominique Potier, qui nous parlent d’une sortie lente sur plusieurs années : nous sommes dans une situation d’urgence absolue d’extinction du vivant aujourd’hui, alors que le glyphosate détruit massivement la faune et la flore. On nous dit encore que l’interdiction doit se faire au niveau européen et non au niveau français. C’est faux ! La France était un des pays rapporteurs chargés de nourrir le dossier sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, qui va être examiné en 2022. Qu’a fait la France ? Des manœuvres, caractérisées par des conflits d’intérêts et par le non-respect des règles de déontologie, ont eu lieu au sein de l’ANSES, au point que le CIRC a été mis en demeure par l’ANSES de collaborer avec Bayer Monsanto. Dans un tel contexte, le CIRC s’est retiré de la procédure et a refusé de mener les travaux scientifiques qui lui ont été demandés.

Si je vous disais que 99 % des études scientifiques indépendantes faites sur la covid-19 sont écartées du processus des décisions publiques, vous crieriez au scandale démocratique et scientifique. C’est pourtant ce qui se passe pour le glyphosate. Je voterai donc cette proposition de loi.

Malheureusement, il n’y a pas de séance de rattrapage du débat autour de l’amendement que j’avais présenté dans l’hémicycle au moment du vote de la loi EGALIM lequel, je le rappelle, n’a été rejetée qu’à une poignée de voix. Je me réjouis que cette proposition de loi soit mise à l’ordre du jour car elle a au moins pour vertu pédagogique de montrer les véritables clivages autour de l’écologie.

M. Dino Cinieri. Nous voulons tous un pays plus vert, plus sain et plus écologique. Malheureusement, tout n’est pas toujours aussi simple et la bonne volonté et les bons sentiments ne suffisent pas pour protéger les cultures agricoles. En matière de produits phytosanitaires, la France va bien au-delà des normes européennes. Pourtant, nos supermarchés sont inondés de produits qui ne respectent pas les exigences auxquelles les producteurs français sont soumis. Les consommateurs ne sont donc pas mieux protégés. L’accord économique et commercial global (AECG) n’est malheureusement qu’un exemple parmi d’autres.

Il convient de trouver un juste équilibre, car tous les agriculteurs, quelle que soit la taille de leurs exploitations et leur mode de production, doivent lutter contre les parasites et les mauvaises herbes et encadrer les espèces invasives. Ils doivent assurer la rentabilité de leur exploitation dans un contexte de forts aléas climatiques. Le département de la Loire a ainsi connu des épisodes de sécheresse et de grêle au cours des derniers mois. Les agriculteurs ont besoin de solutions techniques, de stabilité réglementaire et de conditions de production comparables à celles des autres producteurs européens.

Oui à la protection de l’environnement, mais pas au détriment de nos agriculteurs ! C’est pourquoi j’estime que la trajectoire de sortie du glyphosate doit s’accompagner d’une harmonisation européenne des normes et de solutions de substitution financière accessibles.

M. Cédric Villani. Les débats ardus sur le glyphosate ne sont que le cas le plus visible du sujet bien plus vaste des procédures d’évaluation des pesticides par les agences internationales. Régulièrement sur la sellette, ces procédures engendrent toujours d’intenses suspicions sur les pratiques des grandes entreprises et sur l’indépendance des agences. Après tout, l’OMS a reconnu en 2000, dans un volumineux rapport, avoir été flouée des décennies durant par l’action cynique et coordonnée des marchands de cigarettes. On ne peut donc exclure de telles actions de la part d’autres puissants secteurs industriels. La colossale méta-analyse indépendante de l’INSERM, fondée sur plus de 5 000 études, conclut à la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et plusieurs lourdes pathologies. Pour le cas particulier du glyphosate, elle réévalue de faible à moyenne la présomption de risque accru de lymphome non-hodgkinien.

Dans un rapport transpartisan de 2019, dont notre collègue Philippe Bolo était l’un des rapporteurs, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) émettait des recommandations pour augmenter la confiance dans les agences européennes, telles que la mise à jour régulière des lignes directrices d’évaluation. Cela vaut pour les risques sanitaires mais aussi environnementaux – à plus forte raison dans le contexte actuel d’effondrement cataclysmique de la biodiversité qui touche les abeilles – mais aussi tous les insectes. Les chiffres sont terribles : jusqu’à deux tiers de biomasse perdue en seulement une douzaine d’années dans certains territoires voisins. C’est le thème d’une note très documentée de l’OPECST, présentée récemment par la sénatrice de l’Union centriste Annick Jacquemet, qui rappelait, entre autres causes, le rôle majeur des pesticides dans ce déclin effrayant pour l’avenir de la planète.

Dans cette situation de crise, l’EFSA a proposé dès 2012 une réévaluation très soignée de ses procédures, en particulier pour évaluer l’effet chronique des pesticides. Or, voilà dix ans que les États membres bloquent cette mise à jour. Un rapport de 2017 signé d’ingénieurs travaillant pour tous les plus grands groupes mondiaux de pesticides nous éclaire sur cet immobilisme. Il conclut que rien que pour les abeilles, ces règles mèneraient à bannir quelque 80 % des usages actuels de pesticides et en déduit que les nouvelles règles seraient inappropriées. J’en conclus que ce sont les produits qui sont inappropriés !

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi de notre collègue Prud’homme, que je soutiendrai à titre personnel, doit être considérée comme un appel vers des mesures bien plus fortes : révision des règles d’évaluation européennes et interdiction d’une grande majorité des pesticides actuellement utilisés. Certes, ce bouleversement de l’agriculture sera extraordinairement difficile à réaliser, mais nous ne pouvons continuer à détourner le regard de la catastrophe qui se rapproche de nous.

M. Jean-Pierre Vigier. Sur un sujet aussi sensible, il convient d’être clair. L’agriculture française est une richesse et elle respecte globalement notre environnement. De nombreux agriculteurs sont à l’origine de procédés innovants et d’initiatives s’inscrivant dans le cadre de la transition écologique. Plutôt que d’adopter une position de principe déconnectée des réalités du terrain, il faut réfléchir aux conditions de sortie progressive du glyphosate, en termes de produits de substitution et en termes de coûts, pour ne pas pénaliser encore davantage les agriculteurs.

Il faudrait adopter le même raisonnement pour tous les produits importés en France qui ne respectent pas nos normes. Je prendrais l’exemple de la lentille du Canada, qui est vendue en France alors que d’énormes quantités de glyphosate sont utilisées pour sa culture. Dans un contexte tendu, la France ne peut imposer de nouvelles exigences normatives susceptibles de mettre ses agriculteurs dans une situation de désavantage comparatif. Qu’en pensez-vous et que proposez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Ugo Bernalicis. Nous nous focalisons aujourd’hui sur le glyphosate, puisque le Président de la République avait lui-même centré le débat sur ce produit et qu’il s’agit bien ici de mettre le pied dans la porte. Mais notre réflexion sur la question de l’usage des produits phytosanitaires est bien plus large.

Notre collègue de la majorité a parlé d’injonctions idéologiques contradictoires. Parlait-il du Président de la République et de son fameux « en même temps » en la matière ? En même temps, sortir du glyphosate et en même temps y rester. En même temps, dire que nous ne pourrons en sortir que si des solutions alternatives existent et en même temps ne travailler à aucune solution alternative…

Lors du débat sur le projet de loi autorisant de nouveau les néonicotinoïdes, nous avons vu que la baisse de production de betterave a surtout eu un impact sur la capacité à exporter du sucre et non sur notre autosuffisance – ce qui invalide les discours de la majorité sur la souveraineté alimentaire. Dans l’intervalle, nous avons constaté que la production des petites parcelles qui avaient fait leur conversion en bio avait moins souffert que les grandes parcelles utilisant des phytosanitaires.

J’ai entendu nos collègues de la majorité dire que c’est sous cette législature que les surfaces en bio ont doublé. C’est vrai, mais rappelons que nous sommes passés de 5 % à 10 % des surfaces agricoles utiles. Bravo ! Est-ce vraiment grâce à vous ? Non. C’est grâce au choix des consommateurs, qui a rendu les productions bio plus rentables.

Oui, nous pouvons faire différemment. Notre collègue Prud’homme en fera la démonstration dans les réponses qu’il vous apportera.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas du tout votre approche, ni sur le fond, ni sur la forme. Sur la forme, c’est dévaloriser le travail de l’Assemblée nationale que de penser qu’on peut apporter une réponse à des questions complexes, telles que l’écroulement de la biodiversité ou la rémunération des agriculteurs, par une proposition de loi à article unique. Ces sujets doivent être abordés de façon multifactorielle et non symbolique.

La méthode à suivre doit s’appuyer sur une approche européenne, pour éviter les distorsions de concurrence – je sais que ce n’est pas un sujet qui vous fait vibrer – mais aussi pour garantir l’efficacité de l’action des États à l’échelle d’un continent, qui sera peut-être un précurseur en la matière.

J’ai lu dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi un plaidoyer à charge contre l’agriculture française, alors que les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés et non stigmatisés. Je récuse votre méthode. Le Gouvernement, malgré ce qu’a pu dire Mme Delphine Batho, a pris des mesures qui ont permis la diminution de l’utilisation de glyphosate et de l’ensemble des produits phytosanitaires et l’augmentation des surfaces en agriculture biologique. Il faut accompagner et non pas stigmatiser !

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Monsieur Moreau, vous avez parlé des lourdes conséquences qu’entraînerait l’interdiction du glyphosate, mais vous ne les avez pas détaillées. Je me permets de citer vos propos. Ceux que vous avez tenus en séance publique le 21 février 2019 : « Au nom du principe de précaution, il faut interdire le glyphosate, et nous le ferons, tous ensemble, de manière coordonnée et en bonne intelligence. Ce sont les paysans qui sont les principaux exposés […]. Madame la rapporteure, vous jugez vous-même dans votre rapport que le délai de trois ans est suffisant pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique et trouver des alternatives au glyphosate pour les 10 % d’usage restants. Nous aussi, députés de la majorité, en sommes persuadés. Dans trois ans, nous aurons trouvé des solutions pour la très grande majorité des cultures. Dans trois ans, nous interdirons le glyphosate […]. » Cher Jean-Baptiste Moreau, je vous propose donc de mettre vos actes en cohérence avec vos propos et de soutenir cette proposition de loi.

Certains d’entre vous ont répété qu’il n’y aurait pas d’alternatives et que la question économique devrait prendre le pas sur tout le reste. Les alternatives existent, vous les connaissez, vous les avez parfois même citées. Des rapports de l’INRAE démontrent que la modification des pratiques culturales permet de se passer de ces pesticides et 55 000 agriculteurs bio s’en passent, parfois depuis toujours, tout en atteignant une performance agronomique et financière à la hauteur. Les revenus dégagés par ces pratiques sont aujourd’hui supérieurs au revenu paysan. L’arbitrage que vous proposez entre santé, environnement et revenu paysan aboutit à n’avoir ni protection de l’environnement, ni santé pour nos concitoyens, ni amélioration du revenu paysan.

Monsieur Dive, vous avez évoqué la mission commune sur le glyphosate qui a auditionné toutes les parties prenantes et a réalisé un travail exhaustif. Je me rappelle très bien – puisque j’ai assisté à l’ensemble des travaux – de l’audition du président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), qui avait démontré de manière à la fois claire et technique que les pratiques agronomiques offraient des alternatives fiables dans la majorité des usages. Faire croire qu’il n’existe pas d’alternatives relève donc de la malhonnêteté intellectuelle.

Nous ne remplacerons pas le glyphosate par une autre molécule car ce n’est pas souhaitable. Nous le remplacerons par des pratiques agronomiques déjà existantes, pratiques qui font appel à l’intelligence des agriculteurs, à leur savoir-faire et à leur savoir académique.

Sur la question de la surtransposition, je vous rappelle que les prérogatives des États membres de l’Union européenne sont bien de statuer sur les autorisations de mise sur le marché des formulations commerciales.

Monsieur Herth, j’ai bien compris que c’était la forme qui vous empêchait d’être insoumis. Comme elle est corrigée, vous vous rallierez à nos positions. J’en suis ravi car cela nous permettra d’avancer sur la sortie du glyphosate.

Certains d’entre vous ont reproché à notre proposition de loi de ne pas prévoir de dispositifs d’accompagnement mais ceux-ci existent déjà et la proposition de loi ne prévoit pas de les supprimer ou de les réduire. Cet argument est donc nul et non avenu.

En ce qui concerne la nécessité d’une sortie rapide du glyphosate, je reprendrai les arguments de Delphine Batho. Monsieur Potier, vous nous dites que cette sortie est possible dans trente ans, mais cela fait trente ans qu’on nous annonce une sortie dans trente ans ! Vous soutenez par ailleurs que ce n’est pas au législateur de décider et qu’il faut s’en remettre aux autorités sanitaires. La décision de sortie est pourtant éminemment politique. Cher Dominique, que faisons-nous ici ? N’appartient-il pas aux décideurs politiques de définir la trajectoire de la production alimentaire de notre pays ? Si vous renoncez, nous ne nous renonçons pas et je vous invite à vous libérer de ce carcan qui vous est insupportable en ne vous représentant pas en 2022.

Monsieur Falorni, le glyphosate contribue massivement à la pollution des eaux – sujet sur lequel la France est régulièrement épinglée. J’ajoute que la détection de ses métabolites n’est pas suffisamment prise en compte par les systèmes de surveillance et que la qualité de l’eau peut s’en trouver surévaluée.

Cher Président Chassaigne, le décret prévu par cette proposition de loi permettra de mener des discussions avec les parties prenantes afin de définir les modalités fines de sortie. Je suis d’accord avec vous sur les verrouillages sociotechniques qui nous bloquent depuis de nombreuses années. Ils empêchent les professionnels –qui sont tous de bonnes volontés – de changer leurs pratiques. Pour faire sauter ces verrous, il nous faut un levier le plus long possible : c’est l’objet de cette proposition de loi. Pour juguler les adventices, il faut effectivement plus de travail du sol qui entraîne une augmentation de la consommation de carburant et donc des émissions de CO2. Je me souviens d’une audition menée dans le cadre de la mission d’information commune auprès de viticulteurs. Je les avais interrogés sur le bilan carbone de la production des pesticides. L’un d’eux avait levé les bras au ciel en s’exclamant : « Si on doit tout compter, on ne va pas y arriver ! ». Oui, il faut tout compter, et notamment les importantes émissions de CO2 de la production de pesticides, afin de pouvoir peser les deux côtés de la balance. L’argument de la consommation de carburants est fallacieux et un peu facile.

Monsieur Villani, il y a effectivement un souci concernant l’évaluation des pesticides. Au niveau européen, les dossiers d’évaluation de demande d’autorisation de substances actives sont soumis uniquement par les pétitionnaires, c’est-à-dire les industriels qui veulent commercialiser des molécules sur le marché. On comprend donc pourquoi, comme l’a rappelé Mme Delphine Batho, 99 % des études sont mises sous le tapis pour ne présenter que le 1 % les plus favorables. Il y a là un réel problème de conflit d’intérêts et de neutralité. Cela a été relevé. L’EFSA a essayé de corriger ces pratiques mais nous sommes encore bien loin d’un système parfait. Ce problème de neutralité et de conflit d’intérêts se retrouve au niveau des agences nationales, puisqu’elles se basent sur les mêmes dossiers et qu’elles n’ont pas les moyens de réaliser des études de toxicité de long terme des formulations commerciales. Pour sortir de cette impasse, il faut donc armer la recherche publique pour qu’elle puisse mener des contre-expertises et des études indépendantes, en imposant aux industriels de l’agrochimie de joindre à leur dossier un gros chèque pour financer les études nécessaires à l’évaluation à court, moyen et long terme.

Monsieur Vigier, le dumping social et environnemental est aussi une de mes préoccupations et l’Assemblée nationale doit légiférer pour que le grand déménagement du monde ne se fasse pas au détriment de nos producteurs et de nos agriculteurs. J’ai assisté récemment à une conférence de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. Son président y avait fait état de ses positions en faveur du protectionnisme. Le ministre de l’agriculture, ne voulant pas prononcer le mot de protectionnisme, qui est sans doute un gros mot dans sa bouche, avait parlé de « clause miroir ». Il ne faut pas nous prendre pour des lapins de six semaines : nous ne mangerons pas les lentilles canadiennes au glyphosate et nous protégerons les lentilles françaises. Nous sommes d’accord, Monsieur Vigier, là-dessus. Le protectionnisme ne doit pas être un sujet tabou, pas plus que notre capacité à légiférer sur des sujets tels que ceux-là.

Monsieur Turquois, je ne suis pas surpris par votre position. Nous avons fréquenté les mêmes commissions où nous avons discuté de l’approche multifactorielle. Vous reconnaissez que la protection de la biodiversité est nécessaire. J’attends que vous nous présentiez une proposition de lois qui permettent d’embrasser la complexité de ces questions avec votre regard et votre expertise particulière. Amendez ! Sous-amendez ! Vous ne pouvez pas vous contenter d’invalider une proposition de loi au prétexte qu’elle n’a pas la même approche initiale que la vôtre. L’amour, c’est bien, les preuves d’amour, c’est mieux ! Si vous aimez la biodiversité, donnez-en des preuves. Proposez des textes qui correspondent à votre approche. Je ne prétends pas détenir la vérité et je sais aussi amender les choses sur la forme et sur le fond.

 

 

Article unique

 

 

La commission examine l’amendement CE1 de M. Jean-Baptiste Moreau et de plusieurs des membres du groupe La République en marche.

M. Jean-Baptiste Moreau. Le présent amendement, que j’ai déposé au nom du groupe La République en Marche, vise à supprimer l’article unique de la proposition de loi.

M. le rapporteur m’a fait l’honneur de citer mes propos. Je ne renie absolument rien de ce que j’ai dit mais, contrairement à lui, je ne suis pas un dogme absolu et je sais écouter les gens concernés par les sujets, faire face au réel et adapter ma position à la réalité du terrain, au lieu de rester dans un « y a qu’à, faut qu’on » difficilement conciliable avec cette science excessivement complexe qu’est l’agronomie.

Notre majorité assume le choix qu’elle a fait du pragmatisme, c’est-à-dire de ne pas interdire sans solution de remplacement. Vous m’expliquerez par exemple comment vous éliminez une plante vivace comme le liseron, qui se multiplie au fur et à mesure des interventions mécaniques et qu’aucun herbicide hormis le glyphosate n’est capable de détruire. Le président Chassaigne a bien expliqué combien l’agronomie est complexe. On peut dire certaines choses ici mais, quand on est sur le terrain, il en va tout autrement.

Depuis cinq ans, en effet, la France est la locomotive européenne sur le sujet. Elle s’est opposée au renouvellement pour dix ans du glyphosate, entraînant certains pays. La stratégie de sortie du glyphosate ne peut s’envisager qu’au niveau européen : la mener uniquement au niveau français aurait pour conséquence de faire disparaître l’agriculture française, tout simplement ! Si elle mourrait, nous n’aurions pas beaucoup amélioré l’environnement puisque nous serions obligés d’importer des produits cultivés selon des normes que nous ne maîtrisons pas.

Pour toutes ces raisons, il faut supprimer l’article unique.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Dogme pour dogme – chacun le sien, cher collègue Moreau –, mon avis est évidemment défavorable car l’amendement vise à supprimer l’article unique, donc la proposition de loi. Ses auteurs tirent argument d’une prétendue absence de solutions de remplacement, ce qui aurait des effets désastreux sur notre agriculture. Or, certains travaux de l’ANSES et de l’INRAe démontrent qu’il existe des pratiques et des produits non chimiques susceptibles de remplacer le glyphosate dans ses usages.

Dès lors, on ne peut plus – comme le font le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale depuis trois ans – se retrancher derrière des obstacles techniques ou économiques afin de justifier le maintien d’une substance dont les dangers ne font plus aucun doute parmi les scientifiques. Les parlementaires qui ont signé l’amendement ne peuvent pas davantage contester les limites que rencontre une politique consistant à ne pas renouveler les AMM ou d’en restreindre le champ. Comme l’indique l’état des travaux sur la proposition de loi, les ventes de glyphosate sont à nouveau en hausse. Le niveau de consommation moyenne n’a pas faibli en trois ans et demeure comparable à celui de 2013. Dans ces conditions, les pouvoirs publics ne peuvent s’en tenir aux avancées très lentes d’une transition remise aux calendes grecques.

La position dogmatique sur laquelle vous vous arc-boutez et que vous ressassez ne tient compte ni des risques sanitaires et environnementaux que comporte l’usage du glyphosate, ni des perspectives qu’ouvrent les avancées de l’agronomie, qui n’est certes pas une science facile. L’expertise des agriculteurs est à la hauteur de ces défis.

Cette position se révèle d’autant plus incompréhensible qu’elle ne correspond ni aux engagements pris par le Président de la République, ni à la voie que défendait la France en 2017 face à la Commission européenne. Le refus de l’interdiction du glyphosate confine à de l’attentisme – j’ai parlé de procrastination. Il faudra que l’on nous explique pourquoi d’autres États européens s’engagent résolument pour en bannir l’usage. Je souhaiterais aussi comprendre pourquoi certains membres éminents de cette assemblée semblent repousser aux calendes grecques cette échéance, alors que la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate se montrait nettement moins pessimiste. Son rapport suggérait en effet une possibilité de sortie dans des délais bien plus raisonnables.

Adopter l’amendement serait un nouveau renoncement, voire une faute. Mon avis est donc défavorable.

M. Dominique Potier. Je veux redire à M. Loïc Prud’homme et à Mme Delphine Batho, notamment, que je ne suis pas fondé à recevoir des leçons de radicalité sur les questions relatives aux pesticides. Depuis trente ans, comme praticien, je fais partie de ces paysans bios qui se passent du glyphosate, ce qui signifie beaucoup de sueur, de poussière, de mécanique, de travail, et je veux leur rendre hommage. Comme élu, je représente un territoire où nous avons fait en sorte que près d’un quart des exploitations et 80 % du vignoble soient bios. Pas de leçon de radicalité !

L’IDDRI indique que trente ans sont nécessaires pour sortir de l’ensemble des pesticides – et non du seul totem du glyphosate –, défendre le revenu des paysans et nourrir l’Europe, et qu’il ne faut pas tarder une seconde. Je suis de ce combat, avec responsabilité, et mon boulot de réformiste est d’y arriver.

Enfin, je répète cet argument, qui n’est pas entendu : dans les démocraties modernes, le Parlement ne légifère pas sur l’émotion, ni sur les médicaments ou la phytopharmacie. Il confie à des agences les moyens éthiques, scientifiques et humains d’accomplir leur œuvre, au nom de la démocratie.

Mme Delphine Batho. Je m’oppose à l’amendement. Il ne s’agit pas d’une question d’émotion, ni d’un débat sur la radicalité. Le sujet est plutôt celui du film Don’t look up : Déni cosmique : doit-on prendre des décisions sur une base obscurantiste, en faisant fi des réalités, des constats scientifiques sur la santé ou de l’effondrement du vivant, quand 80 % des insectes et un tiers des oiseaux des champs ont disparu ? Peut-on faire semblant que tout cela n’existe pas et que le débat ne concerne que les activités humaines, indépendamment de la terre, dont dépendent pourtant nos conditions d’existence ?

Peut-on continuer à scier la branche sur laquelle on est assis ? La réponse est non ! Peut-on changer de modèle agricole ? La réponse est oui ! Tous les jours, dans ma circonscription, des conversions à l’agriculture biologique sont décidées. Elles se font en trois ou cinq ans, en améliorant le revenu des agricultrices et des agriculteurs. C’est donc possible ! Arrêtons de dire que c’est impossible et qu’il faut trente ans !

J’assume parfaitement d’avoir rejoint le combat des écologistes et d’avoir quitté le groupe socialiste, lorsque ses membres ont refusé de signer mon amendement visant à interdire le glyphosate.

M. Fabien Di Filippo. Depuis une trentaine d’années, les plus gros efforts consentis ont été réalisés par les agriculteurs, mais pas sous la contrainte ! Aujourd’hui, dans une exploitation, tout est mesuré, tracé – les produits phytosanitaires sont chers, les agriculteurs ne les utilisent pas par plaisir. Les efforts qu’ils ont réalisés sont vraiment impressionnants.

Par ailleurs, une interdiction franco-française n’a aucun intérêt car elle n’aurait aucun impact. Notre production a tendance à laisser la place à davantage d’importations. S’agissant des produits agricoles de base, la balance commerciale se réduit, ce qui est inquiétant. Plus vous adoptez une démarche contraignante, sans concertation avec les agriculteurs, plus vous provoquez l’augmentation des importations de produits cultivés dans des conditions sanitaires bien plus dégradées. Vous pénalisez donc le consommateur français, et perdez la maîtrise de la qualité de ce que nous mangeons. Cela semble vraiment contre-productif.

M. André Chassaigne. Certaines caricatures sont extrêmement désagréables, voire blessantes. Je connais des agriculteurs attachés à l’agriculture de conservation des sols avec semis direct sous couvert, qui sont très attentifs aux questions environnementales, ils considèrent que la biodiversité passe aussi par les organismes du sol. Avec leurs techniques, le sol revit : ils le montrent concrètement, lorsqu’on les accompagne sur le terrain. Ce ne sont pas des assassins ! Je le dis clairement.

Pourtant, avec cette conscience des exigences environnementales, ils nous disent que, pour conduire une telle culture, où le sol est déterminant, ils sont obligés d’ajouter une petite dose de glyphosate, dans l’attente de produits de substitution. Sans elle, ils devraient abandonner leurs pratiques et, de nouveau, labourer, assécher le sol et le faire mourir, alors que ce n’est bien entendu pas leur objectif.

Il ne faut donc pas être caricatural : soyons prudents, circonspects et respectons ceux qui font des efforts de culture !

M. Antoine Herth. J’ai écouté ce débat, qui est de très bonne qualité : même si nos avis divergent, ils sont exprimés de façon construite et argumentée. Le groupe Agir ensemble votera l’amendement du groupe La République en marche. Nous avons mis quatre ans pour trouver la bonne trajectoire afin de traiter la question du glyphosate, au bon rythme, avec la bonne méthode, avec un partenariat et une discussion avec les parties prenantes, comme vous le souhaitez. Le moment n’est pas venu d’en dévier.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. En cohérence avec notre intervention liminaire, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera l’amendement de suppression. Nous sommes dans une démarche responsable et globale de transition et de construction, non dans une démarche radicale. Si la France doit être proactive, la solution n’est pas nationale : elle est européenne.

Mme Delphine Batho. L’agriculture de conservation des sols ne peut servir de cache-sexe à la masse des usages du glyphosate. Sans refaire le débat passé, nous étions prêts à envisager un calendrier différent pour cette pratique.

Personne n’a traité qui que ce soit d’assassin – et surtout pas les agriculteurs et agricultrices. L’Assemblée nationale discute des règles que les pouvoirs publics prévoient : ce ne sont pas les agricultrices et les agriculteurs, mais l’Assemblée et l’Europe, qui décident si le glyphosate, qui est un produit dangereux, est autorisé ou non. Il ne doit pas y avoir de faux débats sur ce sujet.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne comprends pas pourquoi toute discussion doit être portée à des paroxysmes tels que l’on ne peut plus se parler. Si des gens en traitent d’autres d’assassins, c’est fini, on ne peut plus rien faire. Tel n’est pas le sujet.

Le Parlement incarne la tierce partie de toutes les discussions de la Nation. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours pensé que des accords, même signés entre des syndicats de patrons et de salariés ou acceptés par des syndicats d’ouvriers, ne suffisent pas à forcer ma décision, parce que nous représentons la société, le peuple dans son ensemble. Que les paysans soient capables de dire ce qui est bon pour eux voire ce qui est bon pour tous, est une chose. Mais c’est à nous, et à personne d’autre, de dire ce qui est bon pour tous. L’empoisonnement des sols est un fait ; celui de toutes les eaux du pays, aussi. Nous avons tenu les mêmes raisonnements absurdes avec le chlordécone, jusqu’à ce que 90 % de la population concernée soit affectée.

Enfin, l’agriculture a toujours été une pratique en évolution. Certains modèles agricoles, que l’on croyait très performants, se sont pourtant condamnés. L’agriculture de l’Égypte antique, par exemple, est morte du système de canalisations qui était l’objet de sa réussite – cela est expliqué très clairement dans le livre de M. Dufumier.

Le moment est venu de rectifier les pratiques agricoles. Ne faisons pas un procès en sorcellerie à ceux qui veulent changer cette attitude, d’autant que nous sommes certains de la responsabilité de l’alimentation dans des maladies récurrentes et des facteurs de comorbidité aggravant d’autres maladies. Telle est la situation ! On essaye de la corriger ; ce n’est pas la peine de monter dans les tours et d’en faire une immense guerre civile. Ce n’est pas le sujet.

M. le président Roland Lescure. En effet, la guerre civile n’est pas dans les habitudes de la commission des affaires économiques…

M. Jean-Baptiste Moreau. Les usages où des solutions de remplacement existent ont déjà été supprimés par la majorité et le Gouvernement. L’ANSES a ainsi retiré plusieurs AMM, interdisant certains usages, parce qu’il existe des solutions de remplacement économiquement et techniquement viables. Les moyennes d’utilisation sont à appréhender sur plusieurs années : une moyenne sur une année ne veut en effet rien dire car il existe des différences d’usage d’une année à l’autre, selon les conditions climatiques et agronomiques.

Les usages des produits phytosanitaires les plus dangereux sont en baisse, grâce à l’action des agriculteurs. Conscients des demandes des consommateurs, ceux-ci s’y adaptent mais il faut leur en laisser le temps. Je le redis, l’agronomie ne se marie pas avec les « y a qu’à, faut qu’on ».

 

La commission adopte l’amendement CE1. En conséquence, l’article unique est supprimé.

 

La commission ayant supprimé l’article unique de la proposition de loi, l’ensemble du texte est rejeté.

 

M. le président Roland Lescure.  Le texte qui sera soumis à l’Assemblée lors de l’examen en séance publique sera donc le texte initial de la proposition de loi du groupe La France insoumise.

 

 


([1]) Université catholique de Louvain, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Endure diversifying trop protection, A survey on the uses of glyphosate in European countries, mai 2020, p. 23, https://edepot.wur.nl/522852.

([2]) Institut national de la santé et de la recherche médicale, Pesticides et effets sur la santé – Nouvelles données, juin 2021, https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-07/inserm-expertisecollective-pesticides2021-rapportcomplet-0.pdf.

([3]) Rapport n° 1677 – Rapport de Mme Bénédicte Taurine sur la proposition de loi de Mme Bénédicte Taurine et plusieurs de ses collègues demandant l’interdiction du glyphosate (1560), janvier 2019, pp. 9-10.

([4]) L’interdiction de l’usage du glyphosate a été précédée par : un retrait de l’autorisation de mise sur le marché le 1er février 2020 ; un délai d’écoulement des stocks jusqu’au 30 juin 2020 et un délai de grâce pour l’utilisation des produits jusqu’au 31 décembre 2020. Ainsi que le souligne le second rapport de la mission d’information commune sur la stratégie de sortie du glyphosate, un soutien financier important était prévu, avec une prime allant de 30 à 100 euros par hectare selon les types de cultures (30 euros pour les terres arables, 50 euros pour les terres viticoles et 100 euros pour l’arboriculture fruitière), ainsi qu’une prime additionnelle de 500 à 550 euros par hectare pour les viticulteurs s’engageant à bannir tout emploi d’herbicides dans leur vignoble. Cf. rapport d’information (n° 3696) déposé en application de l’article 145 du Règlement par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate et présenté par MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2020, pp. 81-82.

([5]) Proposition de loi n° 1560 – Proposition de loi de Mme Bénédicte Taurine demandant l’interdiction du glyphosate, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 janvier 2019

([6]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

([7]) En conséquence de ces deux propriétés, le glyphosate agit sur un mécanisme que tous les végétaux possèdent pour fonctionner : il bloque la chaîne de synthèse des précurseurs d’acides aminés essentiels pour le fonctionnement de la plante, notamment pour la photosynthèse et il peut se déplacer dans la totalité du système de la plante, des tissus, jusqu’aux racines (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-glyphosate).

([8]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([9]) Article 2 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([10]) En France, l’autorité administrative compétente est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

([11]) Articles 13 et 79 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([12]) Règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission du 12 décembre 2017 renouvelant l’approbation de la substance active «glyphosate» conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission.

([13]) Article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([14]) Article 5 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([15]) Articles 22 et 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([16]) Article 15 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([17]) Article 21 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([18]) Articles 28 à 32 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([19]) Article 40 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([20]) Article 29 du règlement (CE) n° 1107/2009 précité.

([21]) https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/glyphosate.

([22]) Appelé Assessment Group of Glyphosate  (AGG).

([23]) Pour European Safe Food Authority.

([24]) Pour European Chemicals Industry (ECA).

([25]) Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006.

([26]) D’après les informations publiées sur le site de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, 416 contributions ont été recueillies dans l’Union européenne et hors de l’Union.

([27]) Tel que modifié par la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national et par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([28]) Après avis du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques institués par le II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.

([29]) Loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

([30]) Loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du bio contrôle.

([31]) La création du plan d’action national résulte de l’ordonnance n° 2011-840 du 15 juillet 2011 relative à la mise en conformité des dispositions nationales avec le droit de l’Union européenne sur la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

([32]) Rapport d’information (n° 3696) déposé en application de l’article 145 du Règlement par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate et présenté par MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2020, pp. 35-38.

([33]) Op. cit. p. 38.

([34]) D’après les données dont fait état le rapport de la mission d’information commune, 132 autorisations n’auraient pas donné lieu à une demande de renouvellement.

([35]) Sur les 21 dossiers à évaluer (renouvellement), 8 relevaient de la France, État membre rapporteur de la zone Sud de l’Union européenne, et 13 relevaient d’autres États membres de la même zone Sud (dont 2 en Grèce, 8 en Italie et 3 en Espagne).

([36]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes.

([37]) Proposition de loi (n° 1560) de Mme Bénédicte Taurine demandant l’interdiction du glyphosate, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 janvier 2019. La proposition de loi prévoyait une entrée en vigueur de l’usage des produits pharmaceutiques contenant du glyphosate à compter du 27 novembre 2020.


[TA1]Insécable, svp