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N° 4967

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n° 4830)

 

 

 

 

 

 

M. Richard Ramos

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 4830.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. nitrates ET nitrites : des ADDITIFS dangereUX, SANS BÉNÉFICE POUR la sÉcuritÉ microbiologique des produits de charcuterie

A. dES SUBSTANCES DONT l’usage soulÈve des problÈmes de santÉ publique qui plaident en faveur de leur interdiction

1. Les additifs nitrés accentuent l’effet promoteur du cancer, en particulier colorectal, lié à la consommation de charcuterie

2. Le risque sanitaire inhérent aux additifs nitrés pèse inégalement sur les catégories sociales suivant la consommation de charcuterie

B. DES CONTRAINTES SANITAIREs TELLES QUE La résurgence du botulisme : un alibi ne justifiant pas l’usage des additifs

II. LA SORTIE des additifs nitrÉs : une dÉmarche demandÉe par les citoyens, engagÉe par lA FILIÈRE, MAIS QUI exige un soutien public

A. des enjeux identifiÉs pour les consommateurs et par les acteurs de la filiÈre des produits de charcuterie

B. une transition À mÉnager au regard de la place prise par les nitrates et nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er (Art. L. 1322-15 [nouveau] du code de la santé publique) Interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie

Article 2  Réduction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie durant la période de transition précédant leur interdiction

Article 3 Suspension de la fourniture de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés dans la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social

Article 4 (article L. 511-13 du code de la consommation) Pouvoir des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas de non-respect de l’interdiction créée par l’article 1er

Article 5 Obligations d’étiquetage dans la période transitoire avant interdiction

Article 6 Information sanitaire dans les supports publicitaires ou de promotion en faveur des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés

Article 7 Création d’un fonds de transition

Article 8 Gage

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes

 

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. nitrates ET nitrites : des ADDITIFS dangereUX, SANS BÉNÉFICE POUR la sÉcuritÉ microbiologique des produits de charcuterie

A. dES SUBSTANCES DONT l’usage soulÈve des problÈmes de santÉ publique qui plaident en faveur de leur interdiction

1. Les additifs nitrés accentuent l’effet promoteur du cancer, en particulier colorectal, lié à la consommation de charcuterie

2. Le risque sanitaire inhérent aux additifs nitrés pèse inégalement sur les catégories sociales suivant la consommation de charcuterie

B. DES CONTRAINTES SANITAIREs TELLES QUE La résurgence du botulisme : un alibi ne justifiant pas l’usage des additifs

II. LA SORTIE des additifs nitrÉs : une dÉmarche demandÉe par les citoyens, engagÉe par lA FILIÈRE, MAIS QUI exige un soutien public

A. des enjeux identifiÉs pour les consommateurs et par les acteurs de la filiÈre des produits de charcuterie

B. une transition À mÉnager au regard de la place prise par les nitrates et nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er (Art. L. 1322-15 [nouveau] du code de la santé publique) Interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie

Article 2  Réduction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie durant la période de transition précédant leur interdiction

Article 3 Suspension de la fourniture de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés dans la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social

Article 4 (article L. 511-13 du code de la consommation) Pouvoir des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas de non-respect de l’interdiction créée par l’article 1er

Article 5 Obligations d’étiquetage dans la période transitoire avant interdiction

Article 6 Information sanitaire dans les supports publicitaires ou de promotion en faveur des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés

Article 7 Création d’un fonds de transition

Article 8 Gage

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes


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   introduction

La présente proposition de loi marque l’aboutissement des travaux menés par M. Richard Ramos (MODEM) et Mmes Barbara Bessot-Ballot (LREM) et Michèle Crouzet (MODEM) dans le cadre de la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités ([1]). Créée au sein de la commission des affaires économiques, la mission visait déterminer les risques que peut comporter l’emploi d’additifs nitrités dans la confection des produits de charcuterie. Il s’agissait alors d’apporter des réponses aux questions soulevées à l’occasion de l’examen de deux initiatives parlementaires :

– un amendement défendu par votre Rapporteur en octobre 2019, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), prévoyant la mise en place d’une taxe de 0,1 centime par kilo de charcuterie contenant des sels nitrités ([2]) : adopté par la commission des affaires sociales, cet amendement avait été rejeté en séance, avec un avis défavorable de la ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn ;

– un amendement du même auteur, discuté dans le cadre de l’examen, le 27 novembre 2019, de la proposition de loi « relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires » dont Mme Barbara Bessot-Ballot était la rapporteure, visant à garantir un étiquetage des produits de charcuterie avec la mention : « contient du sel nitrité » ([3]).

Dans le cadre de la discussion de ce second amendement, le Président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. Roland Lescure, avait appuyé la demande de retrait de cet amendement formulé par la Rapporteure, suggérant de mener des travaux approfondis au sein de la commission : « Il est temps d’avancer de manière formelle sur ces questions en commission des affaires économiques (…) Vous pourrez ainsi faire aboutir votre travail sur un sujet qui vous est cher et qui, depuis quelques mois, grâce à vous, m’est cher également. » ([4])

Au terme des travaux réalisés de février 2020 à janvier 2021 et après avoir entendu plus de 70 personnes en audition, les Rapporteurs de la mission avaient conclu à la nécessité de mesures législatives qui interdiraient progressivement l’emploi des additifs nitrés et des bouillons de légumes naturellement riches en nitrate dans la fabrication des produits de charcuterie.

La présente proposition de loi vise à traduire ses préconisations en actes. Elle reprend le dispositif de la proposition de loi n° 3683 que les Rapporteurs avaient déposée le 14 décembre 2020 ([5]) et que les aléas du calendrier parlementaire n’ont pas permis de discuter.

Le propos n’est pas ici de méconnaître les efforts fournis et les progrès accomplis par les professionnels de la filière. Comme l’ont souligné les travaux de la mission d’information, on assiste, depuis 2016, à une réduction constante des quantités de nitrite et de nitrates ajoutés employés dans les différentes recettes de charcuterie ; les acteurs du secteur développent de nombreuses gammes de produits dépourvus de ces additifs. En soi, de telles actions témoignent d’une réelle prise de conscience quant aux risques qui entourent l’utilisation de ces substances.

Toutefois, la dangerosité des additifs à base de nitrate et de nitrites ne fait plus guère de doutes. Aussi les sept articles de la proposition de loi poursuivent deux objectifs fondamentaux : en premier lieu, écarter l’usage de substances qui ne constituent en rien un élément indispensable à la fabrication et à la commercialisation de produits de charcuterie mais font peser sur la santé humaine des dangers inacceptables ; en second lieu, organiser une transition nécessaire, au regard des coûts que ne manquera pas d’engendrer l’évolution des modes de production.

Face à un problème sanitaire non dénué d’enjeux économiques, le présent texte ne se borne à graver dans le marbre de la loi une interdiction de principe : il établit les conditions pratiques d’une sortie ordonnée des additifs nitrités, par une entrée en vigueur échelonnée et, à titre transitoire, la création d’un instrument de soutien financier des producteurs et des obligations relatives à l’information des consommateurs. Ce faisant, il entend tirer les leçons de l’expérience et donner à l’État les moyens de prendre les mesures de santé publique qu’exige la protection des populations, en particulier les moins favorisées. Ainsi, il participe du combat pour l’accès de tous à une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, conformément à la volonté exprimée par le législateur aux termes de la loi dite « ÉGALIM » ([6]).  Il offre un ensemble cohérent destiné à permettre un passage progressif, soutenu par les pouvoirs publics et tenant compte de la situation des professionnels, de la production charcutière française vers le « zéro nitrite ».

I.   nitrates ET nitrites : des ADDITIFS dangereUX, SANS BÉNÉFICE POUR la sÉcuritÉ microbiologique des produits de charcuterie

Les nitrates et nitrites désignent des dérivés de l’azote utilisés en tant qu’additifs dans la confection de certains produits alimentaires transformés. En raison de propriétés utiles à la conservation et à la tenue des aliments, ils font l’objet d’un large usage, notamment dans la fabrication des produits de charcuterie. Si l’on ne dispose pas de statistiques précises, les données de la base Open Food Facts permettent d’estimer que 76 % des articles vendus dans la grande distribution contiennent ou peuvent contenir des nitrates ou des nitrites.

L’usage du nitrate et des nitrites dans les produits de charcuterie

À ce jour, il n’existe pas de statistiques permettant d’établir, famille de produits par famille de produits, le pourcentage de ces produits contenant des additifs à base de nitrate ou de  nitrites. En revanche, en s’appuyant sur les données disponibles dans la base Open Food Facts qui recense plus de 732 000 produits, il est possible d’estimer le nombre de produits recélant des additifs nitrés sur l’ensemble des 19 710 produits de charcuterie référencés  [7]) :

– 11 961 produits référencés contiennent du nitrite de sodium (E250) ;

– 2 778 produits référencés contiennent du nitrate de potassium (E252) ;

– 5 produits référencés contiennent du nitrite de potassium (E249) ;

– 294 produits référencés contiennent du nitrate de sodium (E251).

Source : mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire.

Ainsi que le rappellent les travaux de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, le recours à des additifs dans la fabrication des produits de charcuterie constitue une pratique finalement récente dont la généralisation a toujours donné lieu à controverse. Le dernier état des connaissances scientifiques confirme aujourd’hui les préventions que leur autorisation pouvait susciter d’un point de vue sanitaire car il permet de mesurer plus précisément les risques inhérents à la consommation de produits transformés.

Ces constats appellent une action résolue des pouvoirs publics, l’usage des nitrates et nitrites soulevant des problèmes de santé publique sans présenter un caractère indispensable dans la fabrication des produits de charcuterie.

 

A.   dES SUBSTANCES DONT l’usage soulÈve des problÈmes de santÉ publique qui plaident en faveur de leur interdiction

L’emploi des nitrates et des nitrites dans la fabrication de la charcuterie se révèle problématique à deux titres : d’une part, son rôle dans le développement de pathologies cancéreuses ; d’autre part, les inégalités de santé entre catégories sociales qu’il peut conduire à accentuer.

1.   Les additifs nitrés accentuent l’effet promoteur du cancer, en particulier colorectal, lié à la consommation de charcuterie

Le caractère cancérogène de la charcuterie suscite désormais le consensus au sein de la communauté scientifique. Depuis 2015, à l’instar d’autres viandes transformées, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) range la charcuterie dans la catégorie des cancérogènes avérés (groupe 1 : « cancérogènes certains pour l’homme »). Les nitrites et les nitrates ingérés dans des conditions favorables à la nitrosation endogène sont classés comme probablement cancérogènes pour l’homme par la même organisation (groupe 2A). L’apparition de composés dits « NOC » : nitrosamines, nitrosamides, S-nitrosothiols et surtout fer nitrosylé du fait de la réaction des nitrites dans l’organisme accentue le caractère cancérogène de la charcuterie.

Une telle conclusion corrobore les travaux du World Cancer Research Fund (WCRF) et de l’American Institute for Cancer Research (AICR) qui, dès 2011, indiquaient que la consommation de charcuterie augmentait de manière convaincante le risque de cancer colorectal. Elle a été reprise par ces deux instituts américains dans le cadre du Continus Update Project (CUP) de 2017 ([8]). Le lien entre cancer et consommation de charcuterie est donc fermement établi.

Selon le rapport du CIRC et de l’Institut national du cancer (INCa) paru en 2018, la consommation de viandes et de charcuteries en France pour l’année 2015 a contribué à près de 5 600 nouveaux cas de cancers colorectaux (1,6 % de l’ensemble des cas de cancer). La consommation de charcuteries a ainsi contribué à plus de 4 380 cas de cancer (500 cas de cancer de l’estomac et 3 880 de cancer colorectal) ([9]).

Des études scientifiques menées en France ou à l’étranger ([10]) établissent une corrélation entre charcuterie nitrée et développement du cancer colorectal. Il en va ainsi de celle réalisée par l’équipe « Prévention, promotion de la cancérogénèse par l’alimentation » de l’unité mixte de recherche du centre INRAE de Toulouse (Toxalim), conduite par le professeur Denis Corpet puis par le docteur Fabrice Pierre. Les travaux menés dans le cadre de ce projet de recherche apportent ainsi la preuve au plan expérimental que la consommation de charcuterie contenant des additifs nitrés favorisent davantage la survenue du cancer colorectal. En effet, ils mettent en lumière deux mécanismes majeurs à l’origine de la toxicité des charcuteries, dont notamment la voie du nitroso‑hème (fer héminique avec un NO fixé). Au niveau de l’intestin ([11]) ([12]), en conséquence de l’interaction avec le fer héminique, les nitrites participent à la formation de composés NOC, réaction de nitrosylation, avec la formation de fer nitrosylé (FeNO).

Certes, des incertitudes subsistent quant au ressort et à l’ampleur des interactions susceptibles de conférer un caractère cancérigène aux produits de charcuterie contenant des additifs nitrés. On pourra trouver une illustration de ces incertitudes dans les divergences ayant pu opposer encore récemment le Danemark à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à propos de la formation de nitrosamines volatiles et non volatiles.

Les controverses à propos de la formation de nitrosamines volatiles et non volatiles

L’EFSA a reconnu un manque d’études permettant d’évaluer notamment « la conversion du nitrate en nitrite dans la salive humaine, la production de méthémoglobine qui en résulte et les conséquences sur la formation de nitrosamine dans les produits alimentaires auxquels des nitrites ont été ajoutés » ([13]).

La validité de ces conclusions est remise en cause par le Danemark : « Le Danemark considère que le risque posé par l’utilisation des quantités de nitrites autorisées par le règlement (CE) no 1333/2008 ([14]) renvoie en particulier à l’augmentation du risque de formation de nitrosamines. Contrairement à l’avis récent de l’EFSA, le Danemark considère que la formation de nitrosamines volatiles et non volatiles dépend de la quantité de nitrites ajoutée, alors que l’EFSA reconnaît uniquement le lien dans le second cas. Il a été prouvé scientifiquement que de nombreuses nitrosamines volatiles sont cancérigènes et génotoxiques et les études épidémiologiques les plus récentes se réfèrent au lien entre la consommation de produits à base de viande et le développement de différentes formes de cancer» ([15]).

Source : mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire.

2.   Le risque sanitaire inhérent aux additifs nitrés pèse inégalement sur les catégories sociales suivant la consommation de charcuterie

De manière générale, ni les doses journalières admissibles (DJA) fixées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ([16]), ni les recommandations de Santé Publique France en matière de consommation de charcuterie ne constituent des garanties suffisantes pour préserver la santé des consommateurs.

De fait, il s’avère que les recommandations de Santé Publique France ne sont pas respectées par une majorité de Français : 63 % des personnes âgées de 18 à 54 ans dépassent les quantités de charcuterie maximales recommandées ([17]). La consommation moyenne de charcuterie en France s’élève à 27 grammes par jour, soit 189 grammes par semaine, avec des consommations différenciées en fonction du sexe : 146 grammes par semaine en moyenne chez les femmes et 239 grammes par semaine en moyenne chez les hommes ([18]).

Ces moyennes dissimulent d’assez grandes disparités. En pratique, la consommation de charcuterie varie en fonction des catégories socioéconomiques : une famille « modeste » achète en un an deux fois plus de charcuterie en libre-service qu’une famille « aisée » (26 kg contre 12 kg). Les différences se révèlent particulièrement marquées pour le jambon cuit, les lardons, les pâtés et le saucisson sec ([19]), soit des produits contenant presque systématiquement des additifs nitrés.

LA CONSOMMATION DE CHARCUTERIE SELON LA CLASSE SOCIO-Économique

(en kilogramme par ménage acheteur et par an)

Source : IFIP-Institut du porc d’après TNS (mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire)

En outre, les travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ([20]) soulignent que la corrélation entre la consommation de charcuterie et le niveau socio-économique vaut tout particulièrement pour les adolescents : « Chez les adolescents, c’est essentiellement la consommation de charcuterie qui est plus élevée lorsque le niveau socio-économique est plus bas : ceux vivant dans un foyer de niveau socio-économique bas en consomment en moyenne entre 28 et 32 g/j (selon la variable de niveau socio-économique considérée), tandis que ceux vivant dans un foyer de niveau socio-économique élevé en consomment entre 22 et 25 g/j. L’écart le plus important est observé avec le niveau d’études du représentant (22 vs 29 g/j) ».

Or, les études dont la mission d’information avait pu avoir connaissance montrent qu’au plan statistique, il existe un lien de probabilité forte entre l’appartenance à des catégories socio-économiques modestes et le pronostic des cancers colorectaux ([21]).

Cette association doit être mise en rapport avec les conclusions de l’EFSA établissant que certaines populations se trouvaient exposées à des quantités de nitrites et de nitrates supérieures à celles recommandées : pour les enfants dont le régime alimentaire est riche en aliments contenant ces additifs, l’exposition à ces substances excède les limites considérées comme sûres ([22]).

B.   DES CONTRAINTES SANITAIREs TELLES QUE La résurgence du botulisme : un alibi ne justifiant pas l’usage des additifs

Le botulisme désigne une affection neurologique grave provoquée par une toxine très puissante produite par la bactérie Clostridium botulinum. Celle-ci se développe notamment dans les aliments mal conservés et la maladie résulte généralement d’une intoxication alimentaire. Sur les sept types de botulisme connus aujourd’hui, quatre peuvent affecter l’homme (les types A, B, E et, plus rarement, F). Si les cas apparaissent rares, la mortalité reste élevée en cas de diagnostic et de traitement tardifs.

Depuis longtemps, les défenseurs du recours aux additifs nitrés invoquent la menace d’une résurgence du botulisme. Or, ainsi qu’en attestent les travaux de la mission d’information, rien n’indique que l’usage des nitrates et nitrites constitue un élément nécessaire de la fabrication des produits de charcuterie, en raison de la protection apportée face à ce risque.

D’une part, il s’avère que le recul du botulisme en France ne constitue pas nécessairement la conséquence d’un recours accru aux nitrates et aux nitrites dans la production alimentaire. Le graphique ci-dessous n’établit aucune corrélation entre l’autorisation du nitrate en 1912, puis des sels nitrités en 1965 et une baisse du nombre de cas recensés. En réalité, la quasi-éradication de la maladie résulte plus vraisemblablement de l’amélioration des conditions sanitaires et des protocoles d’hygiène dans l’ensemble de la chaîne de production, de l’abattoir à la distribution.

On notera du reste qu’en conformité avec le droit européen, le Danemark autorise des doses maximales de nitrites et de nitrates très inférieures à la réglementation européenne sans qu’une telle mesure ne s’accompagne d’une résurgence du botulisme.

Nombre de cas annuels de botulisme humain en France entre 1875 et 2016

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Source : Christine Rasetti-Escargueil et al. « Human Botulism in France, 1875–2016 », Toxins, mai 2020

D’autre part, pratiquement tous les cas de botulisme récemment recensés sur le territoire national par Santé Publique France s’expliquent par la consommation de charcuteries familiales produites dans des conditions de fabrication et d’hygiène sans rapport avec les exigences que suivent les professionnels, y compris les artisans. Ainsi, sur la période 2013‑2016, seuls trente‑six foyers de botulisme alimentaires ont été confirmés et deux décès ont été enregistrés en lien avec une intoxication botulique ([23]).

En outre, l’expérience récente montre que les industriels et coopératives disposent aujourd’hui de procédés leur permettant de fabriquer en toute sécurité des produits de charcuterie sans recourir aux additifs nitrités.

Le consortium des jambons de Parme a le premier montré l’exemple qui, dès 1993, a formellement interdit l’utilisation de nitrite et de nitrate dans la conception de ces produits. Or, en vingt-huit ans, alors que les sociétés de consortium produisent entre huit et neuf millions de jambons crus chaque année, aucun cas de botulisme résultant de la consommation de ces produits n’est à déplorer ([24]). On soulignera également que sur le marché français, le développement de gammes de produits de charcuterie sans nitrates n’a entraîné, depuis 2017, aucun incident sanitaire susceptible de justifier un retour aux procédés antérieurs.

Par ailleurs, les travaux de la mission d’information tendent à rendre compte d’un changement des perceptions quant à l’usage des additifs dans la fabrication des produits de charcuterie. Ainsi, l’École nationale des industries du lait et de la viande (ENILV) d’Aurillac favorise depuis plus de vingt ans le développement de formations privilégiant des pratiques alternatives. Elles se trouvent à l’origine de la création de plus de 400 ateliers artisanaux de transformation qui font appel aux méthodes traditionnelles de fabrication de charcuterie sans nitrites sur l’ensemble du territoire français.

II.   LA SORTIE des additifs nitrÉs : une dÉmarche demandÉe par les citoyens, engagÉe par lA FILIÈRE, MAIS QUI exige un soutien public

S’il soulève d’abord des problèmes de santé publique, l’usage des nitrates et des nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie doit être appréhendé également comme un sujet d’intérêt social et économique. De manière très concrète, la place prise par ce procédé touche à des habitudes de consommation, ainsi qu’à des cultures professionnelles. Dès lors, le débat relatif à leur interdiction ne saurait négliger deux considérations essentielles : d’une part, l’acceptabilité d’une telle mesure pour l’opinion publique et les professionnels ; d’autre part, ses impacts économiques.

A.   des enjeux identifiÉs pour les consommateurs et par les acteurs de la filiÈre des produits de charcuterie

À bien des égards, l’attention portée à l’usage des additifs à base de nitrate et de nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie manifeste deux aspirations nouvelles dans la société civile : d’une part, le besoin de transparence quant à la qualité et à la provenance des aliments ; d’autre part, l’envie de consommer des produits plus naturels. S’il ne fait pas nécessairement l’objet d’exigences unanimement partagées parmi les consommateurs, le sujet constitue désormais un thème de débat dans l’opinion publique. En atteste notamment la pétition lancée en 2019 par Foodwatch, Yuka et la Ligue contre le cancer qui demande l’interdiction des additifs E249 (nitrite de potassium), E 250 (nitrite de sodium), E251 (nitrate de sodium) et E252 (nitrate de potassium). Cette pétition avait recueilli, à la mi-janvier 2022, plus de 362 762 signatures ([25]).

Pour sa part, la profession elle-même entreprend de renouveler ses procédés et se fixe à elles-mêmes de nouvelles exigences dans la fabrication de produits de charcuterie.

Dans la rédaction en vigueur depuis juillet 2016, le code des usages de la charcuterie ([26]) fixe ainsi la dose des additifs nitrés à un niveau inférieur de 20 % par rapport à celui autorisé par le règlement européen (CE) n° 1333/2008 du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires. La nouvelle version du code validée en 2020 prévoit quant à elle une nouvelle baisse de 20 % en moyenne des teneurs en nitrites.

Comme précédemment indiqué, les opérateurs de la filière des produits de charcuterie tendent par ailleurs, depuis plusieurs années, à développer une offre d’articles dépourvus de nitrate et de nitrite. Herta, Fleury Michon, Brocéliande, Madrange (groupe Cooperl), Salaisons Roches Blanches, André Bazin, les marques distributeurs des différentes enseignes ont ainsi mis au cours des trois dernières années des produits sans nitrite sur le marché, dans des volumes qui ne cessent de croître. Le distributeur Biocoop s’est d’ailleurs engagé à proposer à ses clients un rayon charcuterie totalement exempt d’additifs nitrés d’ici 2022, tant en ce qui concerne les produits de marque distributeur (MDD) que ceux des marques nationales ([27]).

L’émergence d’une offre de jambons cuits sans nitrite

novembre 2016 : Fleury Michon lance un jambon blanc sans conservateur ajouté. Si aucun sel nitrité n’a été ajouté lors de sa fabrication (par le biais des additifs E249 ou E250), ce jambon contient cependant du nitrite d’origine végétale, obtenu par l’ajout d’un jus concentré de céleri à haute teneur en nitrate et de ferments destinés à transformer ce nitrate en nitrite. D’autres marques lancent des gammes reposant sur le même procédé, en utilisant des jus ou bouillons nitratés. Mais en septembre 2018, la Commission européenne indique que « la Commission a été alertée à propos du procédé qui consiste à employer des extraits végétaux pour servir d’additif, sans qu’ils soient identifiés comme tels et consulte le comité d’experts concerné qui confirme que les charcuteries produites en employant cette technique ne peuvent continuer à être présentées comme sans nitrite ajouté ». La DGCCRF demande alors aux charcutiers qui utilisent ces extraits nitratés, en étiquetant leurs produits « sans nitrites ajoutés » de signaler la présence de nitrites afin de ne pas tromper le consommateur. La plupart des fabricants (dont Fleury Michon) ont dès lors cessé de recourir à ce procédé.

février 2017 : Herta lance « Le Bon Paris au torchon conservation sans nitrite ». La conservation repose sur des polyphénols (extraits végétaux antioxydants). Le site internet du fabriquant indique : « La mise au point de cette nouvelle recette et de ce nouveau procédé de fabrication pour le Bon Paris® Conservation sans nitrite est le fruit de cinq années d’essais et de tests réalisés par notre département R&D en collaboration avec le centre de recherche de Nestlé et des laboratoires indépendants ». Le jambon ainsi produit est de couleur rose.

octobre 2017 : « Ensemble », marque du réseau Biocoop met en vente un jambon blanc sans sel nitrité, après avoir lancé cinq ans auparavant un rôti de porc sans sel nitrité, retiré des rayons car n’ayant pas rencontré le succès commercial escompté, à cause de sa couleur pâle.

mai 2018 : la marque Monique Ranou (filiale charcuterie du groupe Les Mousquetaires) commercialise un jambon blanc sans nitrite.

mars 2019 : Fleury Michon, après l’échec de 2016, lance une gamme véritablement sans nitrite, composée de cinq références, dont une de jambon bio, une de blanc de poulet et une de dinde. Ce jambon de couleur grise ou beige est étiqueté « Zéro nitrite » et le packaging met en avant le date limite de consommation plus précoce.

octobre 2019 : Leclerc commercialise un jambon blanc sans nitrite sous la marque Tradilège

avril 2020 : Brocéliande (marque du groupe Cooperl) met en vente le « Jambon gris bien élevé ».

septembre 2020 : Herta lance un jambon sans nitrite au sein de sa gamme « - 25 % de sel », démontrant ainsi la possibilité de supprimer les additifs nitrés tout en réduisant la teneur en sel.

octobre 2020 :

- Madrange (marque du groupe Cooperl) lance à son tour une gamme de jambon blanc sans nitrite ;

- Carrefour annonce le lancement d’une gamme de charcuterie sans nitrite.

- Herta recense 39 références dans sa gamme sans nitrite.

Source : mission d’information sur l’usage des sels nitrés dans l’industrie agroalimentaire

 

En soi, l’exigence croissante des normes adoptées par les professionnels témoignent d’une véritable prise de conscience. Néanmoins, les travaux de la mission d’information donnaient également à penser que le développement d’une gamme de produits de charcuterie sans nitrate ou nitrite s’inscrit dans une stratégie de segmentation du marché : les producteurs industriels et des distributeurs s’efforcent de satisfaire une catégorie de consommateurs exigeants, sensibilisés aux questions sanitaires et dotés d’un fort pouvoir d’achat. De fait, les articles dépourvus de nitrates et de nitrites ne représenteraient qu’entre 3 % et 5 % des produits commercialisés ([28]).

À l’évidence, les enjeux sanitaires, sociaux et éthiques qui entourent l’usage des additifs à base de nitrates et de nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie ne sauraient trouver de réponse satisfaisante dans l’émergence d’un marché de niche. Il importe d’accélérer le mouvement, notamment afin de favoriser l’accès de tous à une alimentation saine.

B.   une transition À mÉnager au regard de la place prise par les nitrates et nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie

Ainsi que l’ont démontré les travaux de la mission d’information, l’usage des additifs à base de nitrate et de nitrite dans la fabrication des produits de charcuterie répond fondamentalement à des objectifs de rentabilité.

En premier lieu, il s’agit de produire aisément et à bas coût. En pratique, l’usage des sels nitrés tend à réduire certaines contraintes de fabrication. Il en va ainsi des exigences entourant la durée de maturation de la viande pour ce qui concerne les charcuteries dites « crues » (telles que les jambons de pays ou le saucisson) : en l’occurrence, les additifs permettent aux producteurs de donner aux produits une teinte rouge séduisante pour le consommateur dans des délais plus resserrés que ceux rendus nécessaires par des procédés traditionnels. S’agissant de la charcuterie cuite ou étuvée, les nitrites offrent également la possibilité d’une coloration sélective qui correspond aux attentes du consommateur contemporain : la couenne du jambon, comme le gras des lardons, restent blancs, ce qui participe à l’agrément visuel du produit. Le procédé se révèle également peu cher en comparaison à d’autres colorants (piment, safran, cochenille) ([29]).

En outre, les nitrites peuvent offrir des facilités du point de vue de la sécurité sanitaire du processus de fabrication. Ils permettent aux producteurs de se montrer moins exigeant sur l’origine de la viande alors que les procédés plus traditionnels impliquent une plus grande vigilance sur la matière première. Compte tenu de leur propriété antiseptique, leur emploi dispense les industriels de la nécessité d’assurer la réfrigération complète des usines et simplifie les manipulations.

En second lieu, les nitrates et les nitrites présentent l’intérêt de faciliter la conservation des produits. En pratique, les charcuteries nitrées se caractérisent par une date limite de consommation (DLC) plus longue que celle des produits qui en sont dénués. Les additifs favorisent également la conservation des qualités visuelles et gustatives du produit : en pratique, les nitrites exercent un effet antioxygène sur les graisses qui protège les produits du rancissement ; en prévenant ainsi l’apparition d’une âcreté, ils prolongent ainsi la stabilité du goût du produit pendant plusieurs semaines.

Dès lors – au moins dans premier temps –, une interdiction de l’usage des nitrates et nitrites ne peut demeurer sans conséquences sur les conditions de fabrication et de commercialisation des produits de charcuterie.

Ainsi que l’analysait le rapport de la mission d’information, une telle mesure pose nécessairement la question d’une évolution de l’appareil de production. Elle implique ainsi vraisemblablement une adaptation des procédés employés, avec notamment des protocoles d’hygiène renforcés, des temps de cuisson ou de séchage plus longs pouvant rendre nécessaires une évolution des outils de transformation. Comme l’ont relevé les Rapporteurs au terme de leurs travaux, chez Fleury Michon, l’application d’une date limite de consommation plus restreinte pour le jambon « Zéro nitrite » oblige par exemple à produire tous les jours, en moindre quantité, en commençant par ce produit pour éviter les risques de contamination croisée. Une augmentation des coûts de production, variables en fonction des entreprises et de leur organisation, peut ainsi être constatée.

En outre, le développement de substituts aux nitrites nécessite des dépenses de recherche, ainsi que le montre l’exemple donné par Herta qui voulait Certains producteurs, pour éviter le raccourcissement de la DLC.

Par ailleurs, les caractéristiques des charcuteries sans nitrite peuvent entraîner une augmentation plus indirectes des coûts pour les producteurs, compte tenu notamment :

– de la probabilité de pertes de produits plus importantes, du fait de leur dégradation plus rapide en l’absence de l’absence de conservateur, en sus du sel ;

– d’une augmentation possible des articles non vendables, en conséquence de leur aspect, le sel nitrité contribuant à donner une meilleure tenue aux produits ;

– d’une baisse des rendements, le sel nitrité contribuant à la rétention d’eau à hauteur de 5 %.

En soi, la suppression des nitrates et des nitrites dans la fabrication des produits de charcuterie ne soulève pas des obstacles insurmontables aux plans technique et économique. Toutefois, les évolutions et les coûts qu’implique une telle mesure justifient que tout en prenant une décision de santé publique, l’État ménage une transition et accompagne la filière dans un changement décisif.


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   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
(Art. L. 1322-15 [nouveau] du code de la santé publique)
Interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie

1.   État du droit

En leur qualité de conservateurs et d’antioxydants, les additifs à base de nitrate et de nitrite se rangent dans la catégorie des additifs alimentaires. En conséquence, leur condition d’emploi procèdent des dispositions du règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires ([30]). Celui-ci établit les produits autorisés tandis que son annexe II détermine les doses maximales qui peuvent être appliquées dans les produits carnés. Le nitrite de potassium (E249), le nitrite de sodium (E250), le nitrate de sodium (E251) et le nitrate de potassium (E252) relèvent de ce cadre juridique.

En vertu de l’annexe II au règlement précité, le seuil maximal autorisé pour l’incorporation de nitrite dans les produits de charcuterie s’élève en l’occurrence à :

 150 mg/kg pour les produits à base de viande (seuil de principe) ;

 100 mg/kg pour les produits à base de viande traités thermiquement et stérilisés (par exception).

Ces seuils constituent des plafonds : ils n’interdisent en rien aux États membres de prendre des dispositions nationales plus restrictives, sous réserve d’une notification à la Commissions européenne et de son accord, matérialisé par une décision. Dans ce cadre, les États membres peuvent interdire l’usage d’additifs alimentaires ou fixer des seuils inférieurs à ceux prévus par le règlement européen.

Ainsi, la législation danoise limite à 60 milligrammes par kilo(mg/kg) la quantité maximale de nitrites pouvant être utilisés dans la fabrication des viandes carnées. Comme le montre le tableau ci-après, cette norme s’applique à l’ensemble des produits, qu’ils fassent ou non l’objet d’un traitement thermique. Par exception, un seuil de 150 mg/kg est admis pour les jambons traditionnels et les produits connexes.

Quantités maximales de nitrites ajoutées prévues par la législation danoise

Source : décision (UE) 2018/702 de la Commission du 8 mai 2018 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande

Au-delà, le Danemark se distingue des autres États membres par une approche plus suspicieuse quant à l’impact des additifs alimentaires.

La position du Danemark sur l’usage des nitrites

En 2007, le Royaume de Danemark a notifié à la Commission européenne ses dispositions nationales sur l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande, contenues dans le règlement danois n° 22 du 11 janvier 2005 relatif aux additifs alimentaires. Tous les trois ans, la Commission réévalue la situation, sur la base des éléments transmis par le Danemark, et approuve ces dispositions, plus restrictives que celles prévues par le règlement européen. La Commission indique arbitrer entre deux enjeux de santé publique : les risques de cancer induits par la présence de nitrites et nitrates dans les charcuteries et les risques de résurgence du botulisme : « Les nitrites sont utilisés dans la viande et les produits à base de viande depuis plusieurs décennies, notamment pour garantir, conjointement avec d’autres facteurs, la conservation et la sécurité microbiologique des produits à base de viande, en particulier des produits de charcuterie et de salaison, en empêchant, entre autres, la multipli­cation de la bactérie Clostridium botulinum, responsable du botulisme, maladie potentiellement mortelle. Dans le même temps, il est reconnu que la présence de nitrites dans les produits à base de viande peut conduire à la formation de nitrosamines, dont l’effet cancérigène est avéré. La législation dans ce domaine doit donc trouver un juste équilibre tenant compte, d’une part, du risque de formation de nitrosamines dû à la présence de nitrites dans les produits à base de viande et, d’autre part, des effets protecteurs des nitrites contre la multiplication des bactéries, en particulier celles responsables du botulisme » ([31]).

Le Danemark conteste notamment certains points de la réévaluation des risques attachés aux nitrites et nitrates dans l’alimentation de Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ([32])  : « Le Danemark considère que le risque posé par l’utilisation des quantités de nitrites autorisées par le règlement (CE) n° 1333/2008 renvoie en particulier à l’augmentation du risque de formation de nitrosamines. Contrairement à l’avis récent de l’EFSA, le Danemark considère que la formation de nitrosamines volatiles et non volatiles dépend de la quantité de nitrites ajoutée, alors que l’EFSA reconnaît uniquement le lien dans le second cas. Il a été prouvé scientifiquement que de nombreuses nitrosamines volatiles sont cancérigènes et génotoxiques et les études épidémiologiques les plus récentes se réfèrent au lien entre la consommation de produits à base de viande et le développement de différentes formes de cancer. Cet élément plaide pour les restrictions relatives à l’utilisation de nitrites comme additifs. Le Danemark souligne également que la marge jusqu’à la DJA n’est pas très large pour les jeunes enfants, qui sont les plus exposés aux nitrites parmi la population danoise, compte tenu des doses ingérées » ([33]).

Source : mission d’information sur les sels nitrés dans l’industrie agroalimentaire.

Outre les prescriptions de la réglementation européenne, les seuils applicables en France découlent du code des usages de la charcuterie.

Ce document ne revêt pas une portée réglementaire : il constitue une norme convenue entre professionnels dans le cadre d’une concertation menée sous l’égide de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viande (FICT), de la Confédération nationale des charcutiers- traiteurs (CNCT) et l’Institut du porc (IFIP). Néanmoins, il fait l’objet d’une validation de la part de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et sert de référence, pour les contrôles administratifs, afin de s’assurer du caractère loyal et marchand des produits concernés.

En 2016, puis en 2020, les révisions du code des usages de la charcuterie ont entériné des baisses assez significatives des quantités de nitrites et de nitrates ajoutées aux différentes recettes. Ainsi que le montre le tableau ci-après, le Code prévoit des seuils inférieurs à la réglementation européenne.

 

 

 

 

 

 

 


Quantités de nitrite et de nitrate admises dans les différents produits de charcuterie selon le Code des usages de la charcuterie modifié en 2020

Source : document transmis par la FICT à la mission d’information sur les sels nitrités de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale

 

2.   Les dispositions de la proposition de loi

● Le I de l’article 1er (alinéas 1 à 5) complète le titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique consacrée à la « Sécurité sanitaire des eaux et des aliments », par la création d’un chapitre II ter formé d’un article unique : le nouvel article L. 1322-15.

Cette disposition vise à exclure la consommation en France de charcuterie contenant des additifs nitrés. À cet effet, elle pose le principe d’une interdiction générale de la production, de l’importation ou de la mise sur le marché des produits à base de viande dont la fabrication fait appel à l’usage :

 du nitrite de potassium (E249) ;

 du nitrite de sodium (E250) ;

 du nitrate de sodium (E251) ;

 du nitrate de potassium (E252).

Le nouvel article L. 1322-15 exclut également la consommation de produits contenant des extraits végétaux riches en nitrates. Entrent ainsi dans le champ de la prohibition qu’il édicte le bouillon ou le jus concentré de légumes naturellement riches en nitrate (céleri, épinards, laitue, blettes, notamment) qui, au contact de la viande, se transforment en nitrite sous l’action de ferments ajoutés intentionnellement ou lors de la digestion.

On notera en revanche que l’adoption de la proposition de loi par le Parlement n’aboutirait pas à l’interdiction de la production sur le territoire national à des fins d’exportation.

L’article 1er de la proposition de loi organise une entrée en vigueur différenciée de l’interdiction des additifs nitrés en fonction de la nature des produits de charcuterie. En l’occurrence, la prohibition qu’il prévoit s’applique :

       à compter du 1er janvier 2023 pour les produits de charcuterie à base de viande non traités thermiquement, c’est-à-dire les produits salés ou saumurés crus, ainsi que les produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière ;

       à compter du 1er janvier 2025, pour les produits de charcuterie à base de viande traités thermiquement, ainsi que pour les produits dont la fabrication comporte l’usage d’additifs nitrés et des bouillons riches de légumes riches en nitrate.

La première catégorie correspond notamment : aux pièces et morceaux crus (notamment noix, palette, speck, lard de jambon, poitrine fumée, bacon et filet de bacon, lard paysan, ventrèche, lard maigre, jambon de Vendée, jambon cru fumé d’Alsace, noix fumée d’Alsace, etc.) ; aux pièces et morceaux secs (notamment noix sèche, coppa, spalla, lonzo, filet de porc séché, carré de porc séché, jambon cru, jambon de pays, jambon sec, bresaola, pastrami) ; aux saucisses et saucissons crus, à cuire ou secs ([34]).

La catégorie des produits de charcuterie à base de viande traités thermiquement comprend pour sa part : les pièces et morceaux cuits (jambon cuit, épaule cuite, rôti cuit, jambonneau, jarret cuit, confits de volaille, rillons et rillauds, persillés, viandes en gelée, etc.) ; les saucisses et saucissons cuits (saucisse de Franfort ou Mortadelle, par exemple) ([35]); les pâtés, galantines et ballotines, rillettes, produits à base de tête, andouilles et andouillettes, tripes ([36]) et pieds, boudins noirs et conserves à base de viande bovine (corned beef dans sa gelée, par exemple).

Ce faisant, la proposition de loi reprend la classification européenne issue des dispositions du règlement européen précité du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires. Le choix d’une date d’entrée en vigueur différente de l’interdiction s’efforce de tenir compte des contraintes de production propres à chacun de ces produits.

À ces conditions, le nouvel article L. 1322-15 que la proposition de loi prévoit d’insérer dans le code de la santé publique parait satisfaire l’ensemble des critères de la jurisprudence forgée par le Conseil constitutionnel :

– le dispositif prévoit un délai raisonnable d’adaptation des acteurs aux nouvelles contraintes de production, conformément à l’exigence énoncée par le Conseil dans une décision du 31 janvier 2021 relative à l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques ([37]) ;

–  l’interdiction de la production, de l’importation et de la mise sur le marché des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés peut être considérée comme ne portant pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre dès lors que leur consommation peut comporter des effets graves pour la santé humaine et que la mesure répond à l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé ([38]).

● Le II de l’article 1er de la proposition de loi (alinéa 6) demande au Gouvernement de réaliser une évaluation des effets économiques de l’interdiction de l’interdiction des additifs nitrés et des bouillons riches en nitrate.

À cet effet, le texte prévoit la remise au Parlement d’un rapport avant le 1er janvier 2025. Compte tenu du calendrier établi par la proposition de loi, ce bilan ne pourra nécessairement porter que sur les conséquences de l’interdiction applicable aux produits de charcuterie à base de viande non traités thermiquement.

3.   La position de la commission des affaires économiques

En adoptant un amendement CE25 du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur, la commission a remplacé l’intégralité des dispositions initiales de l’article 1er de la proposition de loi organisant l’interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie consommés en France.

Le nouveau dispositif fait obligation au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport d’évaluation ayant deux objets :

– en premier lieu, tirer les conclusions de l’avis attendu de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur les risques associés à l’ingestion d’additifs nitrés en matière de santé publique ;

– en second lieu, et si nécessaire, décrire les dispositifs d’accompagnement mis en place pour préserver l’activité économique et la compétitivité de la filière de production et de transformation de viande et de charcuterie.

Par le vote d’un sous-amendement CE35 du rapporteur, la commission a étendu le champ du rapport à l’ensemble des additifs nitrés utilisés contenus dans les produits de charcuterie. En effet, l’adjectif « nitrités » initialement retenu par l’amendement du Gouvernement comportait l’inconvénient d’exclure du champ de l’évaluation les additifs à base de nitrate.

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Article 2
Réduction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie durant la période de transition précédant leur interdiction

 

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi vise à ménager une transition dans la perspective de l’entrée en vigueur de l’interdiction de production, d’importation et de mise sur le marché de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés.

En effet, le texte impose une réduction progressive de leur quantité en fixant des seuils distincts suivant la nature de l’additifs. Cette obligation vaut jusqu’au terme des échéances prévues pour les produits de charcuterie à base de viande non traitées thermiquement (soit le 1er janvier 2023 en application du I de l’article) et pour ceux à base de viande traitées thermiquement (soit le 1er janvier 2025, ainsi que le rappelle le II de l’article).

Pour les deux catégories, l’article plafonne ainsi la quantité d’additifs pouvant être utilisée à :

–  à 60 mg/kg au total pour le nitrite de sodium et le nitrite de potassium ;

–  à 120 mg/kg pour le nitrate de sodium et le nitrate de potassium.

Ces valeurs correspondent à des seuils aussi exigeants que ceux fixés par la législation danoise.

Les I et II de l’article 2 de la proposition de loi ménagent la possibilité d’édicter, par décret, des exceptions à l’application de la norme admise. Toutefois, la proposition de loi tend à borner strictement la capacité d’appréciation du pouvoir réglementaire en lui imposant de tenir notamment compte « d’éventuelles impossibilités techniques ou de risques avérés pour la santé humaine ne pouvant être maîtrisés par d’autres moyens ».

En l’état du texte, les obligations fixées par l’article 2 entreront en vigueur dès la promulgation de la loi.

2.   La position de la commission des affaires économiques

En votant en faveur de l’amendement CE26 du Gouvernement qui a recueilli l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté une nouvelle rédaction de l’article 2 de la proposition de loi.

Cette réécriture globale substitue aux dispositions initiales du texte un dispositif qui charge le pouvoir réglementaire de fixer par décret une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés. Il ouvre également la possibilité de prévoir des exceptions aux doses maximales autorisées, en cas d’éventuelle impossibilité technique ou de risques avérés pour la santé humaine ne pouvant être maîtrisés par d’autres moyens.

Dans ce cadre, le pouvoir réglementaire se voit également habilité à fixer le cas échéant une liste et un calendrier de produits soumis à une interdiction de commercialisation de produits incorporant des additifs nitrités.

Ainsi rédigé, l’article 2 renvoie l’ensemble de ces mesures à la publication d’un décret dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi. Celui-ci nécessite un avis de l’ANSES et le respect des conditions prévues à l’article 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du                           28 janvier 2022 ([39]) établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. En l’occurrence, le règlement reconnaît aux États membres la compétence pour adopter des mesures conservatoires à l’égard de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux susceptibles de créer un risque sérieux pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. L’exercice de droit suppose néanmoins deux conditions préalables :

–  que la Commission européenne n’ait pas pris les dispositions exigées par la situation après saisine d’un État membre ;

– que l’État membre concerné ait informé les autres États membres et la Commission.

 Par l’adoption d’un sous-amendement CE36 présenté par le rapporteur, la commission a entendu préciser que l’article 2 s’appliquait aux produits de charcuterie contenant des additifs « nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine ».

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Article 3
Suspension de la fourniture de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés dans la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 de la proposition de loi vise à imposer expressément dans la restauration collective publique ou semi-publique le respect de la trajectoire de réduction de la quantité des additifs nitrés admise pour les produits de charcuterie consommés en France.

À cet effet, le texte suspend la consommation au sein de structures assumant un tel service de produits contenant :

– plus de 60 mg/kg pour les nitrites de potassium et nitrite de sodium ;

– plus de120 mg/kg pour les nitrates de sodium et nitrate de potassium.

Ces valeurs correspondent aux plafonds fixés par l’article 2 de la proposition de loi pour les produits de charcuterie à base de viande non traitées thermiquement et traitées thermiquement. La mesure porte également sur les produits dont la fabrication fait appel à des bouillons de légumes naturellement riches en nitrates.

L’obligation s’applique à compter du 1er septembre 2023 et jusqu’à l’entrée en vigueur des interdictions édictées par l’article 1er de la proposition de loi.  Cette date vise à donner aux structures le temps nécessaire à l’adaptation de leur offre. La suspension prévue intervient à mi-chemin de la trajectoire assignée par la proposition de loi.

La mesure vaut pour les établissements de restauration collective scolaires, hospitaliers, pénitentiaires et du secteur médico-social. Entrent ainsi potentiellement dans son champ d’application :

– des personnes morales publiques et privées responsables de la restauration scolaire, de la maternelle au lycée ;

– des personnes morales publiques et privées responsables des structures publiques ou privées de restauration collective des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires ; la restauration médico-sociale correspond à celle de l’ensemble des établissements médico-sociaux accueillant des enfants handicapés, des adultes handicapés, des personnes rencontrant des difficultés spécifiques, des personnes âgées ou des personnes âgées dépendantes.

En cela, l’article 3 de la proposition de loi établit un dispositif assez similaire à celui de l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime. Cet article codifié, récemment étoffé par la loi « climat et résilience » ([40]), assigne à certaines catégories de gestionnaires, publics et privés, de services de restauration collective des obligations et des objectifs quant aux caractéristiques et à la qualité des produits entrant dans la composition des repas servis.

2.   La position de la commission des affaires économiques

En adoptant l’amendement CE 27 du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur, la commission a procédé à une réécriture globale de l’article 3 de la proposition de loi : celle-ci aboutit au remplacement de l’ensemble des dispositions initiales relatives à la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social.

En premier lieu, le nouveau dispositif pose le principe de la mise en place par décret d’un étiquetage spécifique pour les produits de charcuterie contenant des additifs nitrés. En second lieu, il confère au pouvoir réglementaire la faculté de définir par le même procédé les conditions particulières de publicité applicables à ces produits. Par ailleurs, il prévoit la publication du décret nécessaire dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi et tend à subordonner l’intervention de ce décret à un avis préalable de l’ANSES.

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Article 4
(article L. 511-13 du code de la consommation)
Pouvoir des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas de non-respect de l’interdiction créée par l’article 1er

1.   L’état du droit

Le livre V du code de la consommation détermine les pouvoirs accordés aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour rechercher et constatés les infractions et manquements commis en violation des règles fixées par ce code.

Au sein de la section 1 du livre V, l’article L. 511-3 dispose ainsi que « les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées à la présente section dans les conditions définies par celles-ci ». Au sein de la sous-section 3 « Conformité, sécurité et valorisation des produits et services » de cette même section, l’article L. 511-13 dresse la liste des infractions figurant dans d’autres codes et lois que le code de la consommation que ces agents sont habilités à rechercher et à constater. Leur compétence porte notamment sur :

– le contrôle des modes de valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer prévus au titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime (signes d’identification de la qualité et de l’origine, mentions valorisante, etc.) ;

– les produits à risque destinés aux consommateurs visés au chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement ;

– les infractions en lien avec la commercialisation, la production ou la détention de marchandises présentées sous une marque contrefaite (art. L. 716-9, L. 716-10 et L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle) ;

– l’obligation d’employer la langue française dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances (art. 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française) ;

– les infractions aux dispositions de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires ([41]) ;

– les infractions assimilées au recel, en l’occurrence la non-tenue d’un registre indiquant la nature, les caractéristiques, la provenance, le mode de règlement de l’objet et contenant une description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange par une personne dont l’activité professionnelle comporte la vente d’objets mobiliers usagés ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou en font le commerce (art. 321-7 et 321-8 du code pénal).

En cas d’infraction constatée, dans le cadre des dispositions du livre V du code de la consommation :

 les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent enjoindre aux professionnels de cesser tout agissement illicite (article L. 521-2) ;

– l’autorité administrative peut ordonner par arrêté la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction des produits litigieux (article L. 521-7) ;

– il est possible de sanctionner pénalement la violation des interdictions en application de l’article L. 532-3 du code de la consommation qui dispose : « Le fait de ne pas exécuter les mesures ordonnées en application des articles L. 521-4 à L. 521-16 et L. 521-19 à L. 521-22 est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté à 30 000 euros lorsque les produits ou services concernés par ces mesures présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs ».

2.   Les dispositions de la proposition de loi.

L’article 4 de la proposition de loi habilite les agents accordés aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à rechercher et constater les infractions à l’interdiction de produire, importer ou mettre sur le marché des produits de charcuterie contenant des additifs à base de nitrate ou de nitrite.

À cet effet, il modifie l’article L. 511-13 du code de la consommation de sorte à inclure, parmi les dispositions légales dont le contrôle incombe aux agents, le chapitre II ter inséré dans le de la santé publique par la proposition de loi.

En conséquence, les dispositions du livre V du code de la consommation trouvent à s’appliquer, notamment les articles L. 521-2 et L. 521-7. La non‑ exécution des mesures ordonnées dans le cadre de l’article L. 521-7 serait puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros dans la mesure où les produits concernés sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs (art. L. 532-3).

3.   La position de la commission des affaires économiques

Par l’adoption d’un amendement du Gouvernement (amendement CE28) ayant recueilli l’avis favorable du rapporteur, la commission a supprimé l’article 4 de la proposition de loi. Ce faisant, elle a tiré les conséquences de la réécriture de l’article 1er du texte qui, dans sa rédaction initiale, établissait l’interdiction de produire, d’importer ou de mettre sur le marché des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés. Dès lors que la proposition de loi ne prévoit plus d’infraction nouvelle susceptible de relever de la compétence des agents de la DGCCRF, l’article 4 ne présente plus d’utilité.

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Article 5
Obligations d’étiquetage dans la période transitoire avant interdiction

1.   État du droit

Le règlement (UE) n° 1169/2011 ([42]) dit « INCO » impose que les denrées alimentaires présentées à la vente – qu’elles soient préemballées ou non – fassent l’objet d’un étiquetage qui comporte un certain nombre d’informations et de mentions obligatoires.

Concernant les produits alimentaires préemballés, la liste des mentions obligatoires sur l’emballage, énoncées par l’article 9, du règlement comprend :

– la dénomination de vente qui définit le produit ;

– l’origine du produit ([43]), si son omission risque d’induire le consommateur en erreur ; concernant la viande, l’indication de l’origine est obligatoire, pour les viandes préemballées des espèces porcine, ovine, caprine, ainsi que pour la volaille : doivent figurer les lieux d’élevage et d’abattage tandis que le lieu de naissance de l’animal peut être mentionné de façon volontaire. Ces trois mentions sont obligatoires pour la viande bovine, qu’elle soit ou non préemballée. La mention de l’origine signifie que les lieux de naissance, d’élevage et d’abattage sont situés dans le même pays ;

– la liste des ingrédients qui doivent figurer sur l’emballage par ordre d’importance pondérale décroissante (y compris les additifs et les arômes) ; les ingrédients allergènes doivent être mentionnés ;

– la quantité de certains ingrédients, par exemple ceux mis en valeur sur l’étiquetage ou dans la dénomination de vente ;

– la quantité nette du produit en volume (pour un produit liquide) ou en masse (pour d’autres produits) ;

– la date limite de consommation (DLC) pour les denrées périssables du point de vue microbiologique, exprimée sous la forme « à consommer jusqu’au...» ou, pour les autres produits, la date de durabilité minimale (DDM), exprimée sous la forme « à consommer de préférence avant ... ». Ces mentions doivent figurer en toutes lettres ;

– le titre alcoométrique volumique acquis pour les boissons titrant plus de 1,2 % d’alcool en volume ;

– l’identification de l’opérateur sous le nom duquel la denrée est commercialisée : il doit être implanté dans l’Union européenne ; si le conditionnement du produit est opéré par un prestataire, les coordonnées du centre d’emballage apparaissent alors sur l’étiquetage, précédées de la mention « EMB » ;

– le numéro du lot de fabrication, indiqué sous une forme libre (exemple : lot 0607), à des fins de traçabilité ;

– le mode d’emploi, dès lors que celui-ci est nécessaire et/ou ses conditions de conservation spécifiques ;

– la déclaration nutritionnelle.

S’agissant des denrées alimentaires non-préemballées, le règlement européen prescrit l’apposition d’une affichette (ou un écriteau) à proximité du produit proposé à la vente qui mentionne :

– la dénomination de vente ;

– la présence d’allergènes (le cas échéant) ;

– l’état physique du produit (exemple : décongelé) ;

– pour la viande bovine, les lieux de naissance, d’élevage et d’abattage : la mention de l’origine, signifie que les lieux de naissance, d’élevage et d’abattage sont situés dans le même pays.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 5 vise à sensibiliser les consommateurs quant à la présence d’additifs nitrités dans les produits de charcuterie et quant aux risques inhérents à leur consommation, dans la période précédant l’entrée en vigueur des interdictions édictées par la proposition de loi.

● À cette fin, le I et le II de l’article imposent que l’étiquetage des produits qui relèvent du champ de la proposition de loi comporte une mention obligation obligatoire constituée de deux éléments :

– d’une part, une indication sur la composition du produit suivant laquelle il « contient des nitrites ou des nitrates ajoutés », ainsi que leur quantité (à titre facultatif) : la proposition de loi vise expressément les additifs de synthèse précédemment cités à l’article 1er et les concentrés de légumes naturellement riches en nitrate ;

– d’autre part, un message d’ordre sanitaire attirant l’attention du consommateur sur le fait que la présence d’additifs nitrés peut « favoriser les cancers colorectaux ».

Cette obligation s’applique indifféremment aux produits de charcuterie à base de viandes non traitées thermiquement (I de l’article) ou à base de viandes traitées thermiquement (II de l’article). Elle ne vaut qu’à titre transitoire, jusqu’aux dates d’entrée en vigueur de l’interdiction générale instaurée pour chacune de ces deux catégories.

La proposition de loi ne précise pas qui pourrait en être le débiteur. Toutefois, au vu des prescriptions du règlement européen précité du
25 octobre 2011, il parait logique que le respect des prescriptions relatives à l’étiquetage incombe soit à l’exploitant sous le nom ou la raison sociale duquel la denrée alimentaire est commercialisée, soit à l’importateur sur le marché de l’Union européenne, si ledit exploitant n’est pas établi dans l’Union.

En soi, le dispositif proposé par l’article 5 de la proposition de loi peut évoquer d’autres règles tendant à améliorer l’information sur des produits de consommation courante. Ainsi, la mention relative au risque de développer un cancer colorectal s’apparente, par exemple, au message à caractère sanitaire préconisant l’absence de consommation d’alcool par les femmes enceintes sur les unités de conditionnement des boissons alcoolisées ([44]).

Par ailleurs, il parait ne pas contrevenir au cadre fixé par le droit européen dans la mesure où le règlement « INCO » admet la possibilité de mesures nationales répondant à certains objectifs d’intérêt général.

En l’occurrence, l’article 39 du règlement reconnaît aux États membres, sous réserve d’une notification à la Commission européenne, la capacité d’adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires, pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires, justifiées par au moins une des raisons suivantes :

– la protection de la santé publique ;

– la protection des consommateurs ;

– la répression des tromperies ;

– la protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d’origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale.

Cependant, l’article précise que « les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance ». En outre, il leur impose d’apporter la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information.

● Le III de l’article 5 renvoie à un décret afin de préciser les conditions d’application du dispositif. Cette disposition n’habilite pas le pouvoir réglementaire à établir des exceptions ou à différer l’entrée en vigueur des prescriptions de la proposition de loi relatives à l’étiquetage des produits de charcuterie.

3.   La position de la commission des affaires économiques

À l’initiative du Gouvernement (amendement CE29) et avec l’avis favorable du rapporteur, la commission a supprimé l’article 5 de la proposition de loi, en conséquence de la réécriture de l’article 3 du texte. Dans sa nouvelle rédaction, celui-ci pose en effet le principe de la mise en place d’un étiquetage spécifique pour les produits contenant des additifs nitrés, dont les modalités résulteront d’un décret. Dès lors, l’article 5 n’a plus de raison d’être.

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Article 6
Information sanitaire dans les supports publicitaires ou de promotion en faveur des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 6 de la proposition de loi impose que tout message à visée publicitaire ou promotionnelle en faveur de produits de charcuterie contenant des additifs à base de nitrate ou de nitrite comporte une information sanitaire. Entrent dans son champ d’application les produits dont la composition intègre les additifs mentionnés à l’article 1er de la proposition de loi.  

L’obligation établie par le texte ne s’applique que pendant la période précédant l’entrée en vigueur de l’interdiction générale prévue à l’article 1er. Elle vaut pour deux types de supports et moyens de communication s’adressant au public :

– les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés : la proposition de loi précise que la disposition concerne les messages émis et diffusés à partir du territoire français ou reçus sur le territoire national ;

– les imprimés et publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits.

La proposition de loi ne détermine pas expressément quel pourrait être le contenu du message sanitaire qui doit les accompagner. Néanmoins, il parait cohérent que celle-ci apporte les mêmes informations que celles mentionnées sur l’étiquetage prévu pendant la phase de transition.

Du reste, le dispositif de cet article s’inspire de celui de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique, lequel dispose que « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire ».

Notons enfin que la proposition de loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser par décret les modalités d’application de l’article.

2.   La position de la commission des affaires économiques

Par l’adoption d’un amendement du Gouvernement ayant reçu l’avis favorable du rapporteur (amendement CE30), la commission a supprimé l’article 6 de la proposition de loi, en considération de la réécriture de l’article 3. Tel que remanié à l’issue de ses travaux, celui-ci accorde en effet au pouvoir réglementaire la faculté de définir par décret les conditions particulières de publicité pour les produits de charcuterie qui contiennent des additifs nitrés. En conséquence, l’article 6 pouvait revêtir un caractère redondant.  

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Article 7
Création d’un fonds de transition

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 7 de la proposition de loi prévoit la création d’un fonds destiné à accompagner la transition de la filière vers une charcuterie sans nitrites, ni nitrates ajoutés.

● Sur un plan formel, le dispositif établi par l’alinéa 1 s’inspire de la rédaction de l’article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 ([45]) qui définissait le champ d’intervention du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) et en confiait la gestion à l’Agence de services et de paiement. En application de l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime, l’Agence possède le statut d’établissement public administratif placé sous la tutelle de l’État. Sa mission consiste à assurer la gestion administrative et financière d’aides publiques. À ce titre, elle peut instruire les demandes d’aides, vérifier leur éligibilité, contrôler le respect des engagements pris par les bénéficiaires, exécuter les paiements, le recouvrement et l’apurement des indus et exercer toute autre activité nécessaire à la bonne gestion des aides publiques.

Le fonds prévu par la proposition de loi, vise à soutenir le financement de la mise au point de procédés adéquats et de l’acquisition ou l’adaptation d’outils permettant la production de charcuterie sans recours aux additifs mentionnés à l’article 1er, à savoir : le nitrite de potassium (E249) ; le nitrite de sodium (E250) ; le nitrate de sodium (E251) ; le nitrate de potassium (E252) et le nitrite ajouté au moyen d’extraits végétaux riche en nitrates.

L’article 7 destine expressément les aides concourant à ces objectifs aux entreprises du secteur de la boucherie-charcuterie et de la charcuterie-traiteur. Ces catégories sont assimilables à celles de la « préparation de produits à base de viande » dans la nomenclature d’activités françaises (NAF) dont le code est 10.13, en particulier aux sous-classes 10.13A « préparation industrielle de produits à base de viande » et 10.13B « charcuterie ».

Par ailleurs, la proposition de loi dispose que les aides sont attribuées en priorité aux microentreprises et aux petites et moyennes entreprises (PME) mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, texte précisé par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008. Il s’agit respectivement :

– des entreprises dont l’effectif est inférieur à 10 personnes et dont le chiffre d’affaires ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros ;

– des entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

Il s’agit de remédier aux difficultés particulières que pourraient rencontrer les petites et moyennes entreprises dans la phase de transition, au regard des coûts inhérents à l’évolution des modes de production et de commercialisation. Ce faisant, la proposition de loi poursuit un objectif identifié par la mission d’information sur l’usage des sels nitrés dans l’agroalimentaire : organiser un accompagnement de la sortie du tout nitrite dans la production de produits de charcuterie.  

On notera d’ailleurs que les dispositions de l’article 7 ne bornent pas l’existence du fonds de soutien créé à la période séparant la date de l’entrée en vigueur de la proposition de loi de la date l’interdiction des additifs nitrés dans la production de charcuterie en France.  

● Le second alinéa renvoie à un décret le soin de préciser les modalités d’application du présent article.

2.   La position de la commission des affaires économiques

Par l’adoption d’un amendement CE31 du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable du rapporteur, la commission a supprimé l’article 7 de la proposition de loi, en tenant compte des modifications apportées aux articles 1er à 3 du texte initial.

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Article 8
Gage

1.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article a pour objet de compenser les charges publiques nouvelles créées par la proposition de loi. Dans le cadre fixé par l’article 40 de la Constitution, il prévoit la création, à due concurrence, d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac (articles 575 et 575 A du code général des impôts).

2.   La position de la commission des affaires économiques

Par l’adoption de l’amendement CE32 du Gouvernement, la commission a supprimé l’article 8 de la proposition de loi. Le Gouvernement a ainsi levé le gage qui figurait dans le texte initial afin de compenser les éventuelles charges publiques entraînées par son application.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 26 janvier 2022, la commission a examiné, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n° 4830) (M. Richard Ramos, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, Mon cher Richard Ramos, il nous appartient d’examiner ce matin une proposition de loi qui a été longuement préparée. Si j’osais, je dirais qu’elle a pris le temps d’arriver à maturation, de s’affiner, un peu comme un bon jambon dans un séchoir (Sourires). Il s’agit bien évidemment de la proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, déposée et rapportée par notre collègue Richard Ramos et portée par le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés (MODEM) – dont je salue le président qui prend goût aux réunions de la commission des affaires économiques, M. Mignola.

Il s’agit là d’un sujet dont notre collègue se préoccupe depuis longtemps, avec beaucoup de persévérance. Durant les débats en séance sur la proposition de loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, je m’étais d’ailleurs personnellement engagé à lui confier une mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, dont il nous avait présenté les travaux, avec ses deux corapporteures – Mmes Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet, qui sont présentes – il y a juste un an, le 13 janvier 2021. Quelques mois plus tard, ces travaux ont débouché sur une proposition de loi inscrite qui sera examinée au cours de la séance publique réservée à l’examen des textes présentés par le groupe MODEM, le jeudi 3 février.

Le président de ce groupe, M. Patrick Mignola, a demandé que cette proposition de loi soit examinée selon la procédure de législation en commission (PLEC). Cette procédure, introduite par la réforme du Règlement de 2019, trouve ainsi sa deuxième application devant notre commission, quelques jours après l’examen de la proposition de loi sur l’aménagement du Rhône. Elle a peu d’effets sur l’examen en commission, si ce n’est que la présence du Gouvernement est de droit : je salue donc la présence parmi nous de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Je rappelle qu’aucun amendement ne pourra être déposé en séance publique, sauf pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination ou corriger une erreur matérielle ou sauf si, à l’issue de l’examen de ce texte par notre commission, dans un délai de quarante-huit heures après la mise en ligne du texte adopté, le Gouvernement, un président de groupe ou moi-même demandais le retour à la procédure ordinaire. Je précise enfin qu’après une discussion générale sans doute un peu dense, nous aurons à examiner dix-neuf amendements.

M. Richard Ramos, rapporteur. Je suis fier de défendre la proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, aboutissement d’un long travail que nous avons mené avec mes collègues Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet, que je remercie chaleureusement pour leur soutien sans faille à cette cause si juste. Je remercie également l’ensemble des députés de tous bords politiques qui nous ont soutenu dans cette démarche.

Cette proposition de loi est le fruit de rencontres et de riches débats, ainsi que d’une profonde réflexion sur la dangerosité des additifs nitrés lorsqu’ils sont associés à des produits de charcuterie. Elle vise à élaborer un calendrier de sortie des additifs nitrés dans la charcuterie, ces poisons que certains industriels continuent d’incorporer dans leurs produits. Soyons toujours au combat, ne lâchons jamais et défendons toujours les Françaises et les Français, principalement les plus pauvres, contre le fléau de la malbouffe !

En 2020, dans le cadre de la mission d’information sur les nitrites dans l’industrie agroalimentaire, nous avons procédé à pas moins de trente-huit auditions de spécialistes du sujet – experts scientifiques, distributeurs, petits et des gros industriels, charcutiers – ce qui représente des centaines d’heures d’écoute. Du regretté Axel Kahn, ancien président de la Ligue contre le cancer – dont je salue la mémoire en tant que grand défenseur de cette cause –, à Guillaume Coudray, grand spécialiste international du sujet, en passant par Emmanuel Commault, président‑directeur général de la Cooperl, Arnaud de Belloy, président-directeur général d’Herta, Benoit Martin, co-fondateur de Yuka, Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), Bernard Vallat, président de la Fédération française des industriels charcutiers (FICT), Karine Jacquemart et Camille Dorioz, de Foodwatch, nous les avons tous écoutés et interrogés.

À l’issue de ces auditions et de la rédaction de notre rapport, nous avons acquis la conviction que les additifs nitrés associés à la charcuterie tuent. Nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer. Lors de son audition à l’Assemblée nationale, le 3 mars 2020, Bernard Vallat, président de la FICT, a avoué que les nitrites dans la charcuterie étaient responsables d’au moins 1 200 décès en France ! Il a avoué devant la Représentation nationale que les produits nitrés, qu’il défend, donnent la mort… Nous en étions sidérés !

Mes chers collègues, posons-nous cette simple question : devons-nous continuer à autoriser l’ajout des additifs E249, E250, E251 et E252 dans les charcuteries françaises alors qu’en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – voulu par le général de Gaulle –, a pu s’appuyer sur des preuves scientifiques suffisantes pour classer la charcuterie comme cancérigène avéré dans le cancer colorectal ? Pourquoi, alors que les scientifiques attribuent ce caractère cancérigène aux nitrites et nitrates ajoutés, les industriels les utilisent-ils ? Parce qu’ils conservent mieux les produits, accélèrent le processus de maturation et donnent cette fameuse couleur rose au jambon – couleur non naturelle, d’ailleurs, puisqu’on parle de « jambon blanc ».

L’éminent professeur Denis Corpet, fondateur, en 1993, de l’équipe « Alimentation et cancers » à l’école vétérinaire de Toulouse, puis chef d’équipe au sein du laboratoire Toxalim de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe), aujourd’hui dirigée par l’excellent Fabrice Pierre, ont indiqué dans leurs réponses écrites à notre mission d’information : « J’ai l’intime conviction que le nitrosohème et les composés nnitrosés sont les principaux acteurs de la cancérogénicité des charcuteries […] Si on supprime les nitrites d’un jambon expérimental, on réduit très fortement la formation de nitroso-hème dans l’intestin, et aussi l’effet pro-cancer de ce jambon chez le rat ».

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d’ailleurs ajouté, dans son évaluation de juin 2017 sur les niveaux de sécurité des nitrites et nitrates ajoutés aux aliments, le risque suivant : « Le nitrite dans les aliments, et le nitrate converti en nitrite dans le corps humain peut aussi contribuer à la formation d’un groupe de composés connus sous le nom de nitrosamines, dont certains sont cancérigènes ».

Face à ces certitudes scientifiques, certains industriels et leurs lobbyistes agitent encore des peurs. Consommer de la charcuterie sans additifs nitrés serait, selon eux, prendre le risque d’être infecté par le botulisme, la salmonellose ou la listeria. Seulement voilà, les ventes de charcuterie sans nitrite augmentent d’année en année : elles pèsent désormais 6,8 % des volumes de jambon cuit en supermarchés et en charcuterie. Des millions de tranches de jambon, de saucisses knacks, de saucissons, de pâtés fabriqués sans nitrite ni nitrate sont vendus sans qu’un seul mort du botulisme, de la salmonelle ou de la listeria ait été déploré. Où sont les chiffres ? Cette expérience grandeur nature vaut bien toutes les expériences avec des rats de laboratoire. Où sont les preuves ? Il n’y en a pas ! Aucun industriel fabriquant des charcuteries sans nitrite, aucun distributeur, aucun charcutier ne prendrait le risque de vendre ces produits s’ils n’étaient pas certains de leur fiabilité sanitaire. C’est du bon sens !

À de multiples reprises, nous avons posé la question aux industriels, petits et grands. Tous nous ont répondu la même chose : sur toutes leurs nouvelles gammes sans nitrite, il n’y a pas eu une seule alerte de risque sanitaire. Ils l’ont affirmé d’une voix unanime : le sans nitrate ni nitrite, les industriels, tout comme les petits charcutiers, savent faire !

Dans ce combat, la Représentation nationale aurait beaucoup apprécié d’avoir l’avis de l’ANSES, qui avait été saisie le 29 juin 2020 par trois ministères. Malheureusement, nous ne l’avons pas eu : alors qu’on l’attendait pour juillet 2021, sa remise a été repoussée à septembre puis à juin 2022, soit deux ans après la saisine. Un expert a démissionné. L’ANSES n’a pas facilité le travail des ministres et des députés. Lors des auditions, j’avais déploré qu’un député n’ait pas confiance en cette agence. Mais les faits sont là, j’avais malheureusement raison.

Les consommateurs n’ont-ils pas le droit de connaître la dangerosité des additifs nitrés dans la charcuterie au travers du travail d’une agence payée avec de l’argent public ? Je demande à Roger Genet, directeur général, en qui j’ai toute confiance, de renouer un lien de confiance entre l’Assemblée nationale et son institution.

La défense d’une alimentation plus saine, plus sûre, accessible aux plus pauvres est le combat sans couleur politique, ni calcul électoral que je mène depuis de nombreuses années : il est celui d’élus comme vous tous qui pensent que leur fonction est de protéger la population française et notamment les plus humbles. Nous ne pouvons nous résoudre à voir des millions de produits de charcuterie « piquousés » d’additifs nitrés empoisonner les Français sans rien faire. Nous ne pouvons nous résoudre à avoir en France deux alimentations : l’une pour les riches, qui auraient les moyens d’acheter plus cher du jambon non nitrité, et une pour les pauvres, qui auraient le droit de prendre le risque de crever.

Sur ce sujet, la France doit montrer la voie à l’Europe, tout comme elle l’a fait en interdisant le dioxyde de titane, le E171. Faisons de même avec ces dangereux additifs que sont les nitrites et nitrates : soyons collectivement courageux et interdisons-les dans la charcuterie ! Accompagnons les producteurs dans l’évolution de leurs pratiques ; ne craignons pas de transformer notre exceptionnelle filière charcutière. Les consommateurs demandent une alimentation saine et une gastronomie fiable.

Nous ne présenterions pas cette proposition de loi si nous n’étions pas convaincus qu’une charcuterie sans nitrite est possible, car nos cochons élevés en France sont d’une exceptionnelle qualité. Pour le constater, il suffit de descendre au supermarché ou chez son charcutier. Je vous demande aujourd’hui de faire le bon choix. À l’heure où les questions de santé publique sont au cœur de nos débats, continuons à manger de la bonne cochonnaille et supprimons progressivement la cochonnerie !

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je salue le travail de fond accompli au sein de la mission d’information par Barbara Bessot Ballot, Michèle Crouzet et Richard Ramos, dont l’engagement au service de l’alimentation des Français, de la lutte contre les inégalités nutritionnelles et de l’éducation à l’alimentation est sans faille. Je salue également la mémoire d’Axel Kahn, avec lequel j’ai eu la chance d’échanger à de nombreuses reprises, notamment au sujet de ces additifs nitrés.

Le sujet qui nous réunit est absolument majeur car il touche à l’alimentation de nos concitoyens, à la nutrition et plus largement à la demande sociétale d’une alimentation de qualité à laquelle le Gouvernement comme le Parlement doivent répondre. Il est aussi complexe, en témoignent les nombreux rapports et avis dont il a fait l’objet, dont certains ont été cités par le rapporteur. Il doit donc être appréhendé avec méthode.

Les quantités maximales d’additifs nitrés ont été encadrées au fil des années. Tout d’abord, par la Commission européenne, notamment sur la base des travaux scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA,) qui a fixé des quantités de consommation s’agissant des produits de viande transformée traditionnels et non traditionnels. Son dernier avis de 2017 ne les remet d’ailleurs pas en cause.

Les connaissances scientifiques évoluent, et l’impact de ces additifs nitrés et les risques associés sont de plus en plus étudiés. Ainsi, une étude du CIRC émettait, en 2018, l’hypothèse de potentiels effets de ces composés nitrés utilisés dans les viandes sur la formation de cancers colorectaux, du fait d’interactions avec certains composants de l’intestin, suite à l’oxydation des nitrites. Parallèlement, les professionnels du secteur ont de plus en plus répondu à la demande des consommateurs – je tiens à le souligner – en développant des produits, notamment des jambons, sans ajout de nitrite. Une dynamique a été créée depuis lors qu’illustrent les chiffres de consommation rappelés par le rapporteur.

Tous ces éléments font la complexité du sujet, sur lequel trois positions peuvent être prises : la première voie est celle de l’interdiction, immédiate ou différée de quelques années, soutenue par ceux qui sont convaincus de la dangerosité des additifs nitrés, point de vue parfaitement légitime ; la deuxième voie possible est le statu quo, défendu par ceux qui pensent, avec ou sans support scientifique, qu’il n’existe aucun danger pour la santé humaine ou que l’interdiction des additifs nitrés ferait courir un plus grand risque sanitaire, y compris par rapport à d’autres impacts ou à d’autres pathologies ; la troisième voie – qui est la mienne et que je défends –, est l’attente humblement d’un avis scientifique indépendant pour éclairer les choix.

Il ne s’agit en aucun cas d’éluder le sujet – M. le rapporteur peut témoigner que nous avons eu de nombreux échanges pendant de longs mois. Ma méthode repose sur la science et la raison, et j’aborde tous les sujets avec beaucoup de pragmatisme, sans exception. Cette méthode, l’ANSES nous permet de l’appliquer, grâce à son statut d’autorité scientifique indépendante de très haut niveau et à son mode de fonctionnement solide. Je veux ici saluer son directeur.

Dès juin 2020, à la suite des nouvelles études menées par le CIRC, nous l’avons saisie, avec mes collègues de la santé et de l’économie, afin de statuer sur quatre questions :

– quels sont les moyens d’établir les situations dans lesquelles une diminution des taux de nitrite et de nitrate présents dans les denrées est susceptible d’accroître de manière significative les risques liés à la prolifération de bactéries pathogènes dans certains aliments ?

– quels leviers d’action permettant de diminuer l’exposition globale par ingestion des consommateurs aux nitrites et aux nitrates, quelle que soit leur origine, peut-on recenser ?

– de nouvelles connaissances scientifiques sont-elles susceptibles de lever les incertitudes sur les mécanismes de transformation des nitrates et des nitrites dans l’organisme et dans les denrées alimentaires ?

– les connaissances scientifiques sont-elles susceptibles de mieux caractériser le lien entre cancérogenèse chez les hommes et chez les femmes et apport de fer héminique associé aux nitrites au travers de la consommation de produits carnés ?

Ces questions sont très claires et de nature à éclairer la décision publique, qu’elle soit législative ou réglementaire.

Vous avez raison Monsieur le rapporteur : notre position aurait été beaucoup plus confortable ce matin si cet avis avait été rendu selon le calendrier fixé initialement. Force est de constater que cela n’a pas été possible. L’ANSES l’a annoncé pour la fin du premier semestre 2022.  Je souhaite que cela aille le plus vite possible et que les délais soient respectés.

Notre responsabilité politique est de nous positionner avec l’éclairage des enseignements scientifiques. Il ne s’agit en aucun cas de se défausser : si l’avis de l’ANSES démontre qu’il faut revoir la consommation d’additifs nitrés dans la charcuterie, nous n’hésiterons pas. Nous mobiliserons tous les outils à notre disposition – sur le plan réglementaire, au niveau national comme européen – pour prendre les mesures qui s’imposent, comme nous avons su le faire sur l’additif E171, le diméthoate, utilisé, par exemple, pour traiter des cerises importées. Nous veillerons à accompagner la filière pour que nulle entreprise ne soit laissée au bord du chemin et pour que nos produits, qui font la fierté de nos terroirs, continuent de pouvoir se développer.

Il s’agit de ne rien exclure ni préempter, mais d’avancer avec détermination en suivant cette méthode de prendre des décisions fondées sur la science. J’ai donc l’honneur de présenter, au nom du Gouvernement, quatre amendements de fond.

Le premier est une mesure de transparence vis-à-vis du Parlement, avec la présentation des conclusions tirées du rapport attendu de l’ANSES, dès lors que celui-ci aura été rendu.

Le deuxième permettra de fixer un cadre très clair afin de pouvoir avancer rapidement une fois ce rapport rendu. Il prévoit des dispositions relatives à l’utilisation, à la consommation mais aussi à la commercialisation des produits contenant des additifs nitrés que le Gouvernement pourra mettre en œuvre dès lors qu’il disposera de l’avis de l’ANSES.

Le troisième amendement est une mesure d’engagement vis-à-vis du rapporteur sur la question de l’étiquetage.

Enfin, un dernier amendement portera sur le titre de la proposition de loi, en conformité avec la philosophie de ce que je viens de vous présenter.

Le rapporteur a déposé des sous-amendements à ces amendements du Gouvernement, auxquels je donnerai quasi systématiquement un avis favorable, en gage de la collaboration réalisée entre nous et d’une confiance partagée après de longs mois de travaux.

M. Stéphane Travert (LaREM). Je veux d’abord saluer la constance de l’engagement de notre collègue Richard Ramos en faveur d’une nourriture saine et durable. Il défend avec talent et conviction les valeurs de la gastronomie française.

Il s’agit d’un sujet important, que nous devons traiter avec une méthode qui permette de trouver un chemin en nous appuyant sur la science. En juin 2020, les ministres de la santé et de l’agriculture ont saisi l’ANSES – une agence de très haut niveau scientifique – afin d’obtenir une évaluation des effets des nitrites : son rapport n’est pas encore rendu. L’Agence a constitué un groupe d’experts qui a défini trois axes de travail : la maîtrise des risques microbiologiques dans les viandes transformées, les niveaux d’exposition aux nitrites des consommateurs et l’état de la connaissance sur la toxicité de ces composés et de leurs dérivés.

Depuis plusieurs années, les acteurs de la filière des produits charcutiers encouragent les entreprises à réduire l’usage des nitrites. Ainsi plusieurs marques commercialisent-elles aujourd’hui des gammes de produits zéro nitrite produites, à partir d’extraits de bouillon ou de végétaux.

Les députés du groupe La République en Marche sont, bien évidemment, complètement d’accord avec l’objectif de santé publique poursuivie par notre collègue. Ils considèrent cependant que mettre en œuvre les dispositions de la proposition de loi avant d’avoir reçu les conclusions de l’ANSES ne serait pas aujourd’hui satisfaisant.

Par ailleurs, une interdiction au 1er janvier 2023, sans coordination préalable avec la Commission européenne, pourrait aussi poser un problème de conformité avec le droit européen.

Nous soutiendrons les quelques modifications nécessaires pour pouvoir voter ce texte : l’entrée en vigueur des mesures après la remise du rapport de l’ANSES, sous réserve que ses conclusions établissent un risque avéré pour la santé de nos concitoyens.

Mme Anne-Laure Blin (LR). L’utilisation de nitrites pour la fabrication de charcuterie et de salaisons est une pratique ancestrale, y compris dans le cadre de la production artisanale. Elle a pour fonction la conservation de la viande mais répond également à un enjeu sanitaire.

Les additifs nitrés dans des produits destinés à la consommation humaine sont aujourd’hui autorisés par l’Union européenne à titre de protection contre certaines toxicologies. Le règlement européen de 2021 va même plus loin puisqu’il confirme leur utilisation y compris dans les produits bios. Dans les discussions en cours au niveau européen, aucune interdiction générale n’est envisagée par la Commission européenne ou par les États membres. Certains comme l’Italie ou l’Allemagne les rendent même obligatoires dans le jambon cuit.

Indéniablement, les professionnels français font aujourd’hui des efforts : ils ont déjà réduit volontairement les seuils de nitrites de 40 % par rapport à la réglementation européenne. Ils font d’ailleurs figure d’exemple au niveau européen.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué vouloir mettre en œuvre votre proposition de loi dès la sortie du rapport de l’ANSES. Je m’étonne de la teneur et de la forme de vos propos introductifs, qui pourraient faire craindre à nos artisans charcutiers que le principe de précaution ne devienne un principe d’interdiction générale. L’ANSES ne s’est pas encore exprimée que vous voudriez interdire purement et simplement les nitrites et réduire les normes qui leur sont applicables, alors que la dangerosité de leur consommation est encore en discussion.

Pour répondre aux attentes des consommateurs, certaines grandes entreprises ont, au prix d’investissements importants, réussi à se passer des nitrites. Toutefois, une interdiction générale en mettrait indéniablement d’autres en difficulté, parmi lesquelles des entreprises artisanales qui conservent et mettent en œuvre plus de 450 recettes de notre patrimoine national. Ces recettes régionales pourraient ne plus être fabriquées si votre principe d’interdiction était adopté.

Qu’il y ait un risque d’intoxication alimentaire ou un risque lié à la consommation de sel, s’il est avéré pour le consommateur, l’ANSES ne manquera pas de le signaler. Les consommateurs sont en droit d’attendre la transparence sur les produits qu’ils sont amenés à consommer. Les problèmes que vous évoquez, certes d’actualité, méritent d’être abordés avec sagesse et prudence. Il convient donc d’attendre l’avis de l’ANSES sur cette importante question des additifs nitrés, de façon à avoir un débat serein, apaisé et non stigmatisant pour l’ensemble des parties prenantes.

Mme Michèle Crouzet (Dem). Ce texte est le fruit d’un travail conduit pendant de longs mois avec l’ensemble des acteurs concernés. Il est né de la volonté partagée d’assurer l’accès à une meilleure alimentation, moins transformée, et de donner une meilleure information aux consommateurs. Les mesures que nous proposons visent à protéger les Français contre le risque de développer des cancers qui pourraient être liés à la consommation de viande rouge et de viande transformée à l’aide d’additifs nitrés. Ces conservateurs chimiques permettent d’accélérer et de simplifier la fabrication de la charcuterie, mais aussi d’en allonger la durée de conservation et d’en favoriser la commercialisation, notamment grâce à la couleur rose qu’ils donnent au jambon, par exemple.

Le débat sur les conséquences des additifs nitrés sur la santé humaine a émergé dans la société depuis de nombreuses années. En 2015, à la suite de multiples études, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la consommation de viande transformée comme cancérogène pour l’homme et celle de viande rouge comme probablement cancérigène. Début 2020 a été constituée une mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, dont je fus membre aux côtés de Richard Ramos et de Barbara Bessot Ballot. Nous avons mené ensemble plus de quarante auditions.

Ces différentes études ont été accompagnées d’une réelle prise de conscience de la part des consommateurs, qui ont exprimé de nouvelles exigences, encore renforcées par l’apparition de nouvelles sources d’information et d’outils d’accompagnement de l’acte d’achat. De nombreux producteurs, industriels et artisans ont d’ores et déjà enclenché une transition, en faisant évoluer leurs modes de fabrication de manière à cesser de recourir aux additifs nitrés.

Soyons clairs : il s’agit non pas de suivre une dérive hygiéniste sécuritaire consistant à interdire l’ensemble des produits dangereux pour la santé, mais bien d’assurer à tous l’accès à une alimentation de qualité. Par cette proposition de loi, nous souhaitons apporter une réponse à la prise de conscience que j’évoquais, sans que cela se fasse au détriment des ménages les plus modestes, avec le développement d’une alimentation à deux vitesses.

Si l’adaptation des modes de production vers le sans nitrite est techniquement faisable, elle nécessite de lourds investissements, que nous ne minimisons pas. Cela ne doit pas mettre en péril la survie des petites structures.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que des interrogations scientifiques demeurent, la décision publique doit être aussi éclairée que possible. À ce titre, la publication du rapport de l’ANSES, tant attendu, d’ici à juin 2022, apportera des réponses claires – en tout cas, nous l’espérons. Au vu de ce rapport, une trajectoire de baisse de la dose maximale d’incorporation d’additifs nitrés sera fixée, et une liste de produits soumis à une interdiction stricte pourra être établie. Au-delà de la limitation ou de l’interdiction par la loi, l’intérêt de ce texte est d’apporter des outils supplémentaires aux consommateurs, avec la mise en œuvre d’un étiquetage scientifique et l’ajout de messages dans les publicités.

Pour terminer, je voudrais souligner et saluer la capacité d’écoute du Gouvernement et la qualité du dialogue que nous avons noué avec lui.

Vous l’aurez compris, le groupe MoDem s’engage fortement en faveur de ce texte et je le soutiendrai. Nous souhaitons également souligner la volonté et la pugnacité dont a fait preuve notre rapporteur.

M. Dominique Potier (SOC). Je salue la combativité de notre collègue et ami Richard Ramos. Soit dit en passant, Monsieur le ministre, vous n’avez pas le monopole de la troisième voie : c’est celle dans laquelle le groupe Socialistes et apparentés s’est engagé spontanément et sans que nous nous soyons concertés.

Je voudrais, pour commencer, réaffirmer trois convictions profondes.

D’abord, le pouvoir d’alerte des citoyens – et a fortiori celui des députés – est important, notamment dans le domaine sanitaire ; il doit être indéfectiblement protégé.

Nous nous retrouvons également autour des enjeux concernant la santé et l’alimentation. À cet égard, l’approche « Une seule santé » est l’un des horizons politiques et scientifiques de sortie de la crise pandémique les plus heureux. Il s’agira, dans le monde d’après, de travailler en faveur d’une santé globale : santé des sols, des hommes et des animaux.

Enfin, nous sommes d’accord avec vous pour insister sur la dimension sociale de la question : si l’on fait preuve de lâcheté, les personnes les plus défavorisées culturellement, économiquement et socialement risquent de se retrouver à la merci du marché, en l’occurrence d’une offre dégradant leur santé.

En revanche, pour notre part, nous sommes partisans d’une démocratie éclairée et nous affirmons, une fois encore, le double refus d’une dictature du marché – celle des puissances de l’argent et de tous les lobbyings que celui-ci est susceptible de créer – et d’une dictature de l’opinion. L’une comme l’autre seraient une régression de la démocratie dans ses fondements les plus précieux. Ce sont la science, la raison et la démocratie qui permettent de progresser. Il existe des institutions permettant de réconcilier science et démocratie, notamment l’ANSES. Peu importe qui les a créées car sur ce point il y a un continuum entre la gauche et la droite. Sous la précédente législature, nous avons renforcé les pouvoirs de l’ANSES en déplafonnant ses ressources et ses moyens. En effet, du fait du dogme libéral consistant à circonscrire les ressources des agences, l’ANSES n’était pas en mesure de répondre à la demande d’expertise française à l’international. Nous avons également inventé des processus tels que la surveillance, après l’autorisation de mise sur le marché (AMM), des produits phytopharmaceutiques. Cela permet, après la délivrance de l’AMM, d’observer ce qui se passe dans la vraie vie – c’est exactement ce que l’on est en train de faire avec le présent texte. Nous avons aussi donné les moyens à l’ANSES de se renforcer sur le plan éthique et déontologique, pour éviter les conflits d’intérêts.

C’est précisément parce que nous sommes profondément attachés aux institutions permettant de réconcilier science et démocratie que nous considérons que l’EFSA pose problème : l’organisme manque de moyens pour développer une expertise propre et est dépendant des lobbies. J’invite M. le ministre à poser à tout le moins, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, la question d’une réforme structurelle de cette agence.

L’ANSES a pour mission d’étudier l’ensemble des risques toxicologiques que présente la charcuterie, au-delà de ceux qui ont été évoqués. Elle aborde également la question de l’exposome. Ce concept assez récent, élaboré par Christopher Wild, qui a été intégré notamment par le CIRC, consiste à mesurer l’ensemble des expositions à des facteurs de risque, du début à la fin de la vie. En l’occurrence, la charcuterie représenterait une part minime de l’exposition aux nitrites. Enfin, l’ANSES établit le lien entre la prévalence des cancers et l’exposition aux nitrites, conformément à la démarche scientifique.

Nous nous apprêtions à refuser de participer au vote sur ce texte – comme nous l’avions fait sur la proposition de loi visant à interdire le glyphosate –, car nous considérions qu’il n’appartenait pas l’Assemblée nationale de trancher cette question. Toutefois, les amendements proposés permettent de sortir du débat par le haut, en instaurant une transition – attendue – destinée à réconcilier économie et santé. Nous nous y rallierons donc.

M. Antoine Herth (Agir ens). En m’inspirant de Jean Giraudoux, je pourrais dire : « La guerre du saucisson n’aura pas lieu ». Quoique… Cette proposition de loi visant à interdire les nitrites a tout de la bombe à la nitroglycérine. Je vois déjà de nombreux collègues se lever pour défendre les produits charcutiers traditionnels de leur département. Je pourrais le faire pour la charcuterie alsacienne. Cela n’enlève rien à la valeur votre engagement, Monsieur le rapporteur. Voilà longtemps que vous défendez cette position sur la question, et vous avez mené avec d’autres collègues des travaux sur l’impact des nitrites sur la santé.

Je vous rejoins quand vous dites que nos agriculteurs font des produits d’excellente qualité. Lorsqu’on parle de malbouffe, on oublie souvent que les produits agricoles sont transformés, et c’est précisément la question de la transformation qui est au cœur de nos discussions.

Le débat qui a fait suite à la mission d’information de notre commission a attiré mon attention sur la progression du sans nitrite. Lorsque je fais mes courses, je constate, dans les rayons, que certains produits présentent cette mention. Cela montre que nos travaux participent d’une forme de pédagogie vis-à-vis de l’opinion publique.  Il est important d’en faire la publicité.

Toutefois, Monsieur Ramos, nous vous connaissons aussi pour avoir le verbe haut. J’ai entendu tout à l’heure prononcer le mot « poison ». Dosis sola facit venenum (seule la dose fait le poison), disait déjà Paracelse. C’est pour cette raison qu’il faut pousser plus loin les études scientifiques, et c’est tout l’intérêt du rapport que doit fournir l’ANSES. J’ai moi‑même écrit une note pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) relative aux enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge. Je rappelle que le programme national nutrition santé fixe une consommation maximale de 150 grammes de charcuterie par semaine pour éviter les effets indésirables, notamment les cancers colorectaux.

Le texte pose aussi une question philosophique : à quel moment la loi doit-elle se substituer à la responsabilité individuelle ? Des efforts de pédagogie importants ont déjà été réalisés en direction du consommateur, en matière d’affichage et d’information. Faut-il aller plus loin et interdire certains produits ? Le groupe Agir ensemble, comme la plupart de ceux qui sont ici réunis – en premier le groupe MoDem –, considère que le point d’arrivée proposé par le Gouvernement à travers ses amendements est satisfaisant. Vous pourrez vous targuer, Monsieur Ramos, d’avoir fait bouger les lignes en mettant les pieds dans le plat ! (Sourires)

M. André Villiers (UDI-I). Nous reconnaissons la persévérance du rapporteur, son engagement passionné et sincère contre les nitrites et en faveur d’une alimentation plus saine – je salue également le rapport rédigé avec Michèle Crouzet et Barbara Bessot Ballot consacré à cette question.

Si les additifs nitrés sont dangereux pour la santé, ils doivent être supprimés ou remplacés par d’autres produits ou techniques. Le consensus scientifique sur la question est-il suffisamment large pour que nous puissions légiférer ? C’est un point central pour nous. Nous attendons toujours l’avis de l’ANSES. Ce retard est dommageable. Nous aimerions en connaître les raisons.

Ce sont souvent les personnes les moins favorisées qui consomment le plus les produits visés. Si la dangerosité de ces derniers était confirmée, ces consommateurs subiraient alors une double peine, et il conviendrait de les protéger.

La filière française du porc, particulièrement concentrée en Bretagne – mais elle est aussi présente dans l’Yonne –, connaît de graves difficultés, avec la chute des cours et la remontée en puissance des cheptels chinois. Ne risque-t-on pas de l’affaiblir plus encore en prononçant une interdiction trop rapide ? Comme pour les produits phytosanitaires, il serait inconcevable d’interdire l’utilisation de ces produits dans l’industrie agroalimentaire française tout en continuant à importer des aliments qui en contiennent – je pense aux lentilles du Canada.

Le texte fixe également des seuils, ce qui relève plutôt du niveau réglementaire. Ne vaudrait-il pas mieux laisser la possibilité au pouvoir exécutif d’adapter les dispositions, si nécessaire, sans qu’il faille repasser par la loi ?

Si nous partageons l’objectif consistant à promouvoir une alimentation plus saine, nous nous interrogeons sur la pertinence du dispositif proposé. Toutefois, nous attendons de voir quelle sera l’issue des débats car de nouvelles rédactions ont été annoncées.

Même si la proposition de loi prévoit des mesures transitoires et d’adaptation, il ne nous paraît pas pertinent de légiférer sans bénéficier de l’éclairage de l’ANSES. Comme, par ailleurs, le texte a peu de chances d’être examiné au Sénat avant la suspension des travaux parlementaires, nous le comprenons plutôt comme un appel à agir sur la question des nitrites, ainsi que des adjuvants de toute nature. L’utilisation du polyphosphate de sodium permet – autre exemple – de vendre l’eau au prix du cochon. C’est à un débat de santé publique que nous invite le rapporteur au sujet des nitrates et des nitrites.

Quels sont les effets cancérogènes d’une consommation excessive de produits de charcuterie ? L’Organisation mondiale de la santé classe les nitrites et les nitrates comme cancérogènes probables. Selon l’ANSES, la consommation de charcuterie reste supérieure à ce qu’elle préconise, de 25 grammes par jour. L’évaluation du rapport bénéfices-risques doit tenir compte de l’incertitude scientifique qui subsiste autour de la question. Ce n’est pas parce que l’on éprouve des difficultés à expliquer un problème que celui-ci n’existe pas. Mais le doute doit-il conduire à appliquer le principe de précaution ? Vous avez acquis la conviction qu’un danger existe, Monsieur le rapporteur, mais cela suffit-il ?

Mon groupe est partagé entre un a priori favorable au principe et à l’esprit du texte et une abstention positive. Comme vous, Monsieur le ministre, nous considérons qu’il faut avoir un avis scientifique. Quand celui-ci arrivera-t-il donc ? La pandémie nous a pourtant habitués à la célérité des avis de la communauté scientifique.

M. Olivier Falorni (LT). Je salue l’engagement et le travail remarquable de Richard Ramos, ainsi que le rapport rédigé avec Michèle Crouzet et Barbara Bessot Ballot.

La charcuterie est un grand classique de l’alimentation des Français – deux sur trois déclarent d’ailleurs qu’ils ne pourraient pas s’en passer. Mais cette appétence est loin d’être un blanc-seing : les consommateurs sont plus regardants sur ce qu’ils mangent, ils veulent désormais une charcuterie plus naturelle, sans additifs et avec une faible teneur en nitrites. Si vous me permettez la formule – qui semble parfaitement appropriée ce matin – il ne faut pas prendre les Français pour des jambons ! Leurs attentes sont fortes et légitimes, notamment en ce qui concerne les sels nitrités. Des études scientifiques menées en France et à l’étranger établissent une corrélation entre la consommation de charcuterie nitrée et le développement de cancers colorectaux. C’est pourquoi nous partageons votre volonté de limiter l’usage de ces produits dans la charcuterie.

Je reconnais les efforts faits par la profession pour limiter l’usage de ces additifs. À deux reprises, les charcutiers français ont décidé de réduire de 20 % la teneur maximale de nitrites dans les produits. Cet effort est tout à fait louable mais, au regard des enjeux sanitaires, je suis convaincu de la nécessité d’aller plus loin, d’autant que des solutions alternatives existent et que le développement d’une gamme de produits de charcuterie sans nitrite n’a entraîné aucun incident sanitaire depuis 2017.

Le Gouvernement propose de mettre en place une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrités, qui serait fixée par décret. Cela va dans le bon sens, même si force est de reconnaître que l’ambition est moindre par rapport au texte initial de la proposition de loi, et que la nature de cette trajectoire est encore trop floue. Nous espérons que celle-ci sera dictée par les recommandations des agences de santé. À ce titre, je regrette à mon tour vivement que nous ne disposions toujours pas des résultats de l’étude de l’ANSES, promis initialement pour avril 2021. Clairement, il n’est pas normal que la publication du rapport ait été repoussée à deux reprises et que nous devions de nouveau discuter du sujet sans disposer de ces éléments.

Un mot également concernant les mesures d’accompagnement de la filière dans ce qui constitue une mutation importante. Il est difficile de changer les pratiques, notamment lorsqu’elles sont ancrées depuis des années et que la transition vers un nouveau modèle de production représente un surcoût. C’est pourquoi je suis favorable à l’article 7, qui institue un fonds de transition permettant aux professionnels de financer la mise en œuvre de procédés de fabrication adéquats et l’adaptation de leurs outils de production. C’est une solution plus concrète et tangible qu’un hypothétique rapport sur les dispositifs d’accompagnement mis en place pour préserver l’activité économique et la compétitivité de la filière, tel que le propose le Gouvernement.

Il est nécessaire de garantir à nos concitoyens l’accès à une nourriture saine et de qualité. Ce combat passe par un contrôle plus étroit des aliments et des produits qui les composent. N’oublions pas pour autant le rôle de l’éducation nutritionnelle ! Limiter les effets de la charcuterie sur la santé suppose avant tout une consommation raisonnable. C’est pour cela qu’il est essentiel d’avoir été sensibilisé à ces questions.

Monsieur le rapporteur, nous soutiendrons votre texte parce que comme vous, nous voulons défendre la cochonnaille et combattre la cochonnerie.

M. Sébastien Jumel (GDR). J’aime bien Richard Ramos : c’est un député honnête, sincère, engagé et indépendant dans sa manière d’être. On ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas être soucieux du commerce de proximité et de l’artisanat, qui ont été au cœur de son combat.

Ce qui lui est proposé, c’est de « mettre un frein à l’immobilisme », selon la fameuse formule de Raymond Barre, reprise par Coluche. On lui demande d’attendre alors qu’il s’agit d’un sujet de santé publique important. Pour moi, qui ne suis pas un libéral, la fonction de la loi est de protéger nos concitoyens, notamment les plus modestes, les plus faibles, les plus fragiles. Force est de constater que, pour ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche, la question de la malbouffe ne se pose pas. Les autres, dont la consommation est guidée par le pouvoir d’achat, sont contraints de manger de la cochonnerie – pas par choix mais par nécessité et faute de solution alternative. C’est la raison pour laquelle ce texte, qui propose d’épargner à nos concitoyens les plus fragiles la consommation de produits nuisant à leur santé, me paraît être de bon sens. Du reste, les industriels eux-mêmes – qui se font du beurre sur le dos des agriculteurs qui font des produits de qualité – développent déjà des produits sans nitrite : c’est la démonstration que c’est possible, qu’il y a là un marché pour ceux qui en ont les moyens et prennent soin de leur santé.

Le risque sanitaire est de plus en plus démontré : les additifs nitrés sont des vecteurs de développement de cancers colorectaux. Il est vrai que l’on attend toujours l’avis de l’ANSES. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrivait Rabelais ; mais l’inverse est tout aussi vrai. En l’occurrence, il existe une conscience collective, et le Gouvernement doit exiger des agences sanitaires qu’elles remettent des rapports pour éclairer la Représentation nationale dans un délai compatible avec le bien-être de la population, ainsi qu’avec l’impérieuse nécessité de continuer à accompagner nos producteurs. Ces derniers font des produits de bonne qualité, mais qui sont dénaturés par les industriels, lesquels font des marges colossales sur le dos des producteurs et des consommateurs. Tel est, depuis le début, le combat de Richard Ramos au sein de cette commission : trouver le juste équilibre entre des prix rémunérateurs pour ceux qui nourrissent notre pays et des produits de qualité pour ceux qui font ce pays.

Nous souscrivons donc à l’esprit et à la lettre de cette proposition de loi. Nous examinerons avec attention et pragmatisme les amendements du Gouvernement, et soutiendrons les mesures qui font consensus et sont de nature à faire bouger les lignes. Sur le terrain, je suis aux côtés des producteurs laitiers du pays de Bray, face aux industriels – Danone, pour ne pas le citer –, et je vois à quel point il est compliqué pour ceux qui nourrissent le pays d’obtenir la juste rémunération de leur travail. Notre feuille de route, y compris en cette fin de législature, doit consister à adopter une loi qui rééquilibre les rapports de force entre les industriels et les producteurs, tout en prenant soin des consommateurs.

M. Cédric Villani. Lors de la présentation devant cette commission de l’excellent rapport de nos collègues Bessot Ballot, Crouzet et Ramos sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, j’avais salué le volet technique de leur travail pour sa rigueur dans le maniement des probabilités et des risques, pour sa prise en compte de résultats récents dans le domaine de la recherche biomédicale, et pour la façon dont il interrogeait sans complaisance les pratiques économiques, et conciliait les préoccupations sanitaires, sociales, artisanales et gastronomiques.

En prévision de cette réunion, en accord avec le président Lescure, j’ai demandé au secrétariat scientifique de l’OPECST d’effectuer une recension critique des éléments techniques de ce dossier. Je tiens cette synthèse à votre disposition. Je me contenterai ici de rappeler quelques-uns de ses éléments majeurs.

Les sels nitrités sont utilisés dans plusieurs buts en charcuterie. Ils accélèrent la dessiccation, renforcent la conservation, neutralisent des toxines dangereuses comme la toxine botulique. Ils transforment aussi l’aspect de la viande dite rouge, colorant par exemple en rose le jambon, lequel est naturellement blanc. L’intérêt économique de tous ces effets n’est pas contesté. Il est également avéré que de nombreuses marques de charcuterie, comme Herta ou Fleury Michon et bien d’autres aujourd’hui, proposent des gammes dites sans nitrite, vocable qui regroupe toute une panoplie de recettes sans sels nitrités et visant plutôt une clientèle aisée.

Restent deux interrogations de nature scientifique. Premièrement, ces additifs ont-ils un effet cancérigène ? La question ici n’est pas l’effet cancérigène des sels nitrités purs, comme le nitrate de sodium, mais bien des composés qui en sont issus, à savoir les nitrosamines, obtenues soit par la transformation ou la préparation des aliments, soit au cours de la digestion, ou encore l’hème nitrosylé, obtenu à partir de l’hème de la viande, contenant du fer. L’effet cancérigène de la viande transformée – en particulier le cancer colorectal – est établi depuis 2015. Plus précisément, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la viande transformée comme cancérigène à coup sûr et la viande rouge comme probablement cancérigène. Le CIRC écrit que la consommation de 50 grammes de viande transformée ou de 100 grammes de viande rouge augmente le risque relatif de cancer du côlon de 18 %. Bien sûr, c’est affaire de risque et de dose, comme le rappelait notre collègue Antoine Herth qui a travaillé sur la question dans le cadre d’une note de l’OPECST. L’incertitude demeurant sur la mesure du risque associé à la viande rouge en général ne change rien à l’impact avéré de la viande transformée, ce qui a mené des cancérologues respectés, entendus par la commission, à prendre résolument parti contre l’usage des sels nitrités.

La deuxième question est de savoir si l’on peut se passer des sels nitrités sans pour autant courir des risques sanitaires. Force est de reconnaître que la littérature scientifique est difficile à analyser, du fait de la difficulté intrinsèque d’analyse du sujet, mais aussi des conflits d’intérêts, du manque de transparence des recettes et de la diversité des produits. Si pour le jambon de Parme, par exemple, la recette est claire et bien établie, pour d’autres produits c’est plus controversé. Nous en sommes réduits à nous tourner vers les industriels eux-mêmes, qui garantissent la sûreté de leurs gammes dites sans nitrite. Une chose est sûre, et le rapport le disait clairement : les gammes sans nitrite n’ont pas causé d’intoxications notables. Aucun effet n’a été observé, par exemple, sur le botulisme.

Ces gammes représenteraient 3 % à 5 % du marché. C’est peu et beaucoup : peu en proportion, ce qui rend difficile d’apprécier une éventuelle variation des cas de cancer en rapport avec ce régime, mais beaucoup en nombre de produits vendus, qui se comptent en milliers de tonnes par an rien qu’en France, sans qu’on ait recensé de cas de toxine botulique liés à la consommation de ces produits. Pour rappel, la toxine botulique est aujourd’hui rarissime : on parle de dix à vingt intoxications par an en France, essentiellement liées à des préparations artisanales, et d’un décès tous les trois ans en moyenne.

Sur ces différents aspects, il n’y a rien à redire ni à ajouter au rapport de nos collègues. Pour affiner les connaissances sur ce sujet hautement technique et biaisé par de multiples conflits d’intérêts, l’étude promise par l’ANSES, tant attendue, sera attentivement scrutée. Les préconisations de l’OPECST relatives au renforcement de l’indépendance et des moyens des agences d’évaluation, formulées dans un rapport cosigné par notre collègue Philippe Bolo, s’appliquent pleinement ici.

Pour l’heure, les éléments déjà établis m’apparaissent suffisants pour que, en tant que simple député et non en tant que président de l’OPECST, je soutienne résolument la proposition de loi de Richard Ramos, tant pour son volet scientifique que pour son volet social.

Mme Muriel Roques-Étienne. Pas plus tard que jeudi dernier, je me suis rendue dans une entreprise de ma circonscription, à Alban, spécialisée dans la production de charcuterie du Tarn et de l’Aveyron – je n’oublie pas non plus, bien entendu, la charcuterie de Lacaune. L’est du Tarn, dans ses monts et vallées, est un territoire où le bien-vivre se conjugue avec le bien-manger.

À travers cette jolie balade tarnaise, Monsieur le rapporteur, je veux vous parler de traditions et de dynamique économique dans les territoires, sans ignorer, bien sûr, que le bien‑manger est une préoccupation pour nous tous. L’industrie agroalimentaire joue un rôle prépondérant dans le Tarn, et c’est la voix de ces petits acteurs économiques de terrain que je souhaite porter ici. Outre des échanges sur les difficultés rencontrées par le secteur, il a été question assez rapidement de votre proposition de loi.

Avant tout, je puis vous assurer de la volonté de ces entreprises d’offrir une haute qualité nutritionnelle à nos concitoyens. Nous partageons tous la volonté sur ces bancs d’améliorer sans cesse la qualité des produits consommés et de réduire leur impact potentiel sur la santé publique et l’environnement, et beaucoup a déjà été fait dans ce domaine au cours des cinq dernières années. Je me dois néanmoins de souligner quelques écueils de la proposition de loi.

Les nitrates sont déjà présents dans l’environnement, par exemple dans l’eau et les légumes. La littérature scientifique témoigne de la place de ces additifs dans la prévention des infections toxiques, comme la toxine botulique, les salmonelles et les listeria, sans pour autant nier que la réaction des nitrites avec les protéines de la viande est suspectée par l’OMS d’être cancérogène. Toutefois, l’heure est encore à la recherche. Les amendements du Gouvernement confortent notre volonté d’agir en responsabilité et dès lors que nous disposerons de données exhaustives.

La recherche doit également continuer de se pencher sur des solutions alternatives connues tout aussi efficaces – lesquelles, pour l’instant, n’existent pas, notamment pour la charcuterie sèche, énormément produite dans mon territoire. L’industrie, de son côté, est déjà à la tâche et mène une réflexion sur d’autres procédés permettant de garantir la sécurité alimentaire et la conservation. Notre rôle est d’accompagner ces changements de pratiques à court et moyen termes.

Je soutiendrai le texte dans la mesure où il sera équilibré par les amendements du Gouvernement, ce qui nous permettra, à terme, de prendre des décisions éclairées et non pas empressées.

M. Jacques Cattin. Avec toute l’estime que nous avons pour vous, nous avons du mal à vous suivre, Monsieur le rapporteur, vous qui défendez les produits du terroir français comme le camembert authentique au lait cru ! Votre initiative pénalise les boucheries charcuteries artisanales et familiales de proximité face aux grands groupes industriels – ceux‑ci sont les seuls, au prix d’investissements très importants, à avoir pu élaborer des recettes sans nitrite. Alors que l’heure est au produire et consommer français, cette proposition de loi favorisera l’importation de charcuterie étrangère, notamment d’Allemagne et d’Italie. Nous plaidons pour un débat serein et non précipité : il nous faut pour cela attendre l’avis éminent de l’ANSES, comme le proposent Monsieur le ministre et plusieurs orateurs des groupes.

Mme Barbara Bessot Ballot. J’ai eu l’occasion de participer à plusieurs missions au cours de ce mandat mais celle que nous avons conduite avec Richard Ramos, parce qu’elle portait sur l’alimentation au quotidien, s’est révélée particulièrement riche et punchy. Grâce aux questions, toujours directes et sans concession, du rapporteur, nous avons appris beaucoup de chose. Nous avons ainsi appris que c’est la multiplication des abattoirs qui, en faisant passer le nombre de germes de 10 millions à 500 000, a mis un terme au botulisme : c’est alors que l’utilisation des sels nitrités aurait dû être remise en question. Par ailleurs, il s’est avéré que les sels nitrités sont principalement utilisés sur les viandes de mauvaise qualité et demeurent inutiles lorsque la viande est de bonne qualité. Or, depuis la loi EGALIM, l’alimentation saine et de qualité est plébiscitée.

Il est hors de question de mettre à mal la filière et de placer nos producteurs en situation de concurrence avec les industries étrangères. Soyons méthodiques et attendons l’avis du juge de paix : l’ANSES. N’oublions pas que l’alimentation étant notre première médecine, les industriels doivent se considérer comme des pharmaciens et veiller à la santé des consommateurs. Travaillons avec les filières, mettons-nous autour de la table, cela nous permettra de sortir renforcés !

M. Jean-Pierre Vigier. L’adoption en l’état de cette proposition de loi serait un coup de massue pour toute la filière de la charcuterie. Je rappelle qu’elle a déjà réduit de 40 % les taux maximaux de nitrites autorisés par la réglementation européenne ! Surtout, il nous faut disposer – vous l’avez souligné, Monsieur le ministre – d’éléments factuels et scientifiques sûrs. Le rapport de l’ANSES, qui devrait être publié d’ici à quelques mois, doit servir de base de travail et être étudié très attentivement. Si des mesures devaient être prises, il faudrait accompagner, dans la durée, les professionnels du secteur afin qu’ils trouvent des solutions alternatives dans une perspective de sécurité sanitaire. Enfin, imposer une nouvelle contrainte franco-française pose problème lorsqu’on sait que l’utilisation de ces additifs est autorisée, voire obligatoire, chez nos voisins, comme l’Allemagne ou l’Italie. Ne brûlons pas les étapes et prenons les bonnes mesures nécessaires pour toute la filière sur la base de l’avis de l’ANSES !

Mme Delphine Batho. Je veux saluer la constance de Richard Ramos dans ce combat qui nous est commun. La lutte contre la malbouffe est une question de santé publique, de justice sociale et un enjeu pour l’avenir du modèle agricole. Je soutiens pleinement ce texte dont j’ai été co-signataire dans une version antérieure.

Nous nous trouvons pris ici face à un mécanisme bien connu, cousu de fil blanc : alors qu’une majorité d’idées, au-delà des clivages politiques, se dégage à l’Assemblée nationale pour mener une lutte nécessaire, le Gouvernement temporise et saisit l’ANSES ; celle-ci met six mois pour réunir un groupe de travail ; au bout d’un an, celui-ci n’a toujours pas rendu son rapport, des experts ont démissionné et des questions déontologiques se posent. Cette situation, que nous avons déjà rencontrée dans d’autres dossiers, comme celui sur les pesticides, est parfaitement anormale – elle soulève des questions que nous ne traiterons pas ici.

Je remercie notre collègue Cédric Villani d’avoir rappelé que les données scientifiques existent, qu’il n’est pas nécessaire de reporter la décision et que l’interdiction de ces additifs ne mène pas à une impasse technique. Enfin, il est anormal que les produits sans additif soient plus chers que les produits avec additifs de la malbouffe !

M. Éric Bothorel. Au regard de l’objectif de santé publique, il serait disproportionné d’instaurer une régulation au nom du principe de précaution, sans attendre les conclusions de l’ANSES sur les effets néfastes potentiels des nitrites, attendues pour la fin du premier semestre. Il est urgent d’attendre : ne légiférons pas à la hâte, au détriment de la filière porcine !

J’entends parler de « malbouffe »… J’avoue être surpris car la production agricole française se démarque de ses voisins par sa qualité et des prix de vente aux consommateurs raisonnables. Ce système économique n’est pas sans revers, particulièrement pour les producteurs. Ceux-ci font face à une nouvelle crise dont je rappelle les facteurs : avec l’augmentation du prix du carburant et de l’alimentation, les coûts de production ont explosé ; les coopératives et la grande distribution ne cessent de tirer les prix vers le bas ; les exportations sont à l’arrêt mais l’Europe continue de surproduire ; les éleveurs français vendent à perte et beaucoup font face à des niveaux d’endettement rarement atteints. Rappelons-nous l’engagement que nous avons pris envers l’agroalimentaire lors de l’adoption de la loi EGALIM 2 : tout faire pour que ceux qui nous nourrissent parviennent à vivre de leur travail.

Interdire les nitrites entraînerait une hausse des coûts de transformation, qui serait répercutée sur le prix d’achat aux éleveurs. Cette mesure priverait les éleveurs de leurs moyens de subsistance et empêcherait les foyers à faibles revenus de consommer de la viande. Au rapporteur, qui se demande si nous sommes prêts à voir coexister une alimentation pour les riches, composée de jambon sans nitrite, et une alimentation pour les pauvres, avec du jambon moins cher à produire, je répondrai, en toute amitié : sommes-nous prêts à nous passer des éleveurs porcins ?

Avant l’interdiction, il est préférable de viser la transition. Il est pour l’heure impossible de produire de la charcuterie sans nitrite à bas coût. Il ne peut y avoir de montée en gamme sans augmentation des prix. Le jambon pas cher est un mythe !

En outre, cette proposition de loi prématurée ne s’inscrit pas dans une dynamique européenne : le jambon aux nitrites restera présent dans nos assiettes, et ce sont les producteurs étrangers qui en tireront les bénéfices. Et comme chacun y va de sa formule, je conclurai ainsi : pas de cochon breton, pas de salaison !

M. Julien Dive. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord sur un point : pas d’interdiction sans solution. Il est crucial de se poser la question des solutions alternatives – c’est un sujet crucial ! Mais dire qu’un jambon sans nitrite est un jambon sans additif est faux. Si nous faisons le choix de nous affranchir des sels nitrités, il nous faudra nous interroger sur les effets sanitaires des autres additifs et sur la nocivité éventuelle des solutions employées par les industriels français et étrangers. Monsieur le ministre, avez-vous des éléments à nous soumettre qui pourraient faire avancer le débat sur ce point ?

M. Richard Ramos, rapporteur. Lorsqu’on défend une cause depuis longtemps, on est passionné et impatient. Merci d’avoir replacé ce texte dans le juste cours des choses !

Mme Blin, vos interrogations sont légitimes. Monsieur Vigier, je connais bien le Loiret et la gastronomie de votre terroir.  Je me réjouis que les charcutiers de Langeac et de Chanteuges aient cessé d’importer le porc polonais et travaillent désormais le porc français, sans nitrite. De telles initiatives émergent, partout en France.

Autrefois, les riches mangeaient de la viande, les pauvres, des légumes ; aujourd’hui, c’est l’inverse et les études montrent que ce sont les gens les plus humbles qui se situent au‑dessus des seuils de consommation recommandée. Attention donc aux moyennes qui ne rendent pas compte de la réalité.

Dominique Potier nous a rappelé le lien entre science et démocratie. Notre chance a été de pouvoir veiller à cet équilibre avec Julien Denormandie. Je suis parmi ceux, et Sébastien Jumel l’a rappelé, qui pensent que la loi doit protéger. Si des associations, comme la Ligue contre le cancer, des ONG ou des applications, comme Yuka, s’avèrent plus efficaces et rapides que les représentants de la Nation dans cette mission de protection, alors la démocratie se trouvera en danger, les gens n’iront plus aux urnes. Nous devons anticiper la demande démocratique, en lien avec tous les acteurs (industriels, ONG, etc.).

Nous avons eu conscience, en travaillant sur ce texte, que nous touchions à un pan du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, le « repas gastronomique des Français ». Il ne s’agit pas de grands chefs, mais du quotidien de nos concitoyens. La question n’est pas de savoir si on peut manger du caviar quand on n’en a pas les moyens, mais si les représentants de la Nation protègent leurs concitoyens lorsque ces derniers, sans trop y réfléchir, achètent un produit au supermarché.

Julien Dive a soulevé une question très intéressante, que le rapport a cherché à traiter : les solutions alternatives pourraient-elles être plus dangereuses ? Nous avons regardé les autorisations européennes de mise sur le marché, nous avons vu que des coquins qui avaient tenté de substituer des bouillons, interdits par la législation ont été rattrapés par la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les produits de substitution mis sur le marché ont été agréés, au niveau national et européen.

Tant qu’on ne sait pas, on ne voit pas : ce fut le cas de nos grands-parents, qui vivaient dans des maisons amiantées. C’est pareil pour l’alimentation. Grâce à la science, nous trouverons des solutions, mais c’est en se préoccupant des plus faibles, aux pouvoirs d’achat les moins élevés, que nous faisons en sorte que toute la société soit gagnante.

M. Julien Denormandie, ministre. Le débat suscite beaucoup d’interrogations, toutes aussi légitimes les unes que les autres. À ceux qui pensent que nous venons d’enclencher une dynamique contre la charcuterie, je répondrai qu’on aurait tort de reprocher au rapporteur de ne pas soutenir les produits des terroirs et de manquer d’amour pour l’alimentation qu’il a chevillé au corps depuis de très nombreuses années… Je dois ici saluer le travail des artisans, des charcutiers transformateurs, chacun des acteurs de cette filière, un fleuron français qui fait partie de notre identité.

Vous êtes plusieurs à avoir rappelé, comme M. Bothorel, les difficultés auxquelles doit faire face la production française. La meilleure façon de soutenir les éleveurs est de faire le choix du bleu, blanc, rouge et de la fabrication sur notre territoire. En aucun cas ce texte n’a pour objet de stigmatiser cette filière ; il vise, au contraire, à saluer le travail des charcutiers, producteurs et transformateurs et à les accompagner dans cette transition.

Nous devons avoir pour la France une ambition « nutritionnelle ». J’emploie à dessein ce terme – dont je regrette qu’il ne figure pas dans l’intitulé du ministère que j’ai l’honneur de diriger. Si nous voulons conduire des politiques publiques qui touchent nos citoyens, nous devons faire en sorte que la nutrition soit de très grande qualité, permise par une alimentation de très grande qualité, elle-même rendue possible par une agriculture de très grande qualité. L’un des drames de notre société, d’ailleurs, c’est que la valeur nutritionnelle, auprès de nos concitoyens, s’effrite progressivement.

Ce sujet ne doit pas être abordé uniquement sous l’angle de la production : il doit être traité aussi au niveau de la commercialisation. Sans cela, les importations viendront se substituer aux charcuteries françaises avec nitrites et une alimentation à deux vitesses s’instaurera. C’est le sens de certains amendements présentés par le Gouvernement.

Un large consensus semble se dégager sur la méthode que nous proposons. Je ne prétends pas, Monsieur Potier, avoir le monopole de la troisième voie mais vous me connaissez, je fonctionne ainsi depuis ma prise de fonctions. C’est un drame du débat public de ne pas prendre des décisions fondées sur la science et de ne pas lui accorder suffisamment la place qu’elle mérite. J’assume parfaitement de suivre une méthode qui ne préempte rien et permet d’avancer résolument sans éluder les enjeux.  Nous avons la chance de disposer d’une institution, l’ANSES, créée en 2010. Utilisons-la !

Madame la ministre Batho, j’ai été profondément choqué par vos propos. Vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement d’empêcher ceux qui le veulent d’avancer et de renvoyer à chaque fois vers l’ANSES. Vous ne pouvez pas davantage insinuer qu’il existerait des problèmes de déontologie au sein de l’ANSES.

Mme Delphine Batho. Je n’insinue pas, j’affirme !

M. Julien Denormandie, ministre. Vous avez été ministre de la République…

Mme Delphine Batho. Justement !

M. Julien Denormandie, ministre. … et avez fondé pendant plusieurs années vos décisions sur l’ANSES. Il est grave de nourir la suspicion sur une autorité indépendante, définie comme telle par la loi ! Dans ce cas, usez de votre pouvoir parlementaire pour aller enquêter !

Mme Delphine Batho. Je l’ai fait.

M. Julien Denormandie, ministre. Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main l’évaluation par l’ANSES en expliquant qu’il s’agit là d’une stratégie du Gouvernement pour éluder la question. Bien au contraire, nous avons choisi ce chemin scientifique, que beaucoup d’entre vous ont appelé de leurs vœux, sans préempter ni en rabattre sur nos ambitions.

Mme Delphine Batho. L’ANSES n’est pas une autorité indépendante mais un établissement public, dont la tutelle relève, en effet notamment, du ministère de l’écologie. Ce n’est pas la première fois que je tiens de tels propos. Par ailleurs, j’ai usé de mes prérogatives parlementaires pour poser la question du respect par l’ANSES de ses propres règles de déontologie, notamment dans un dossier que vous connaissez bien qui s’appelle le glyphosate.

 

Article 1er (Art. L. 1322-15 [nouveau] du code de la santé publique) : Interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie

 

Amendement CE25 du Gouvernement et sous-amendement CE35 de M. Richard Ramos.

M. Julien Denormandie, ministre. Cette nouvelle rédaction de l’article décrit la feuille de route du Gouvernement, dès lors qu’il disposera de l’avis de l’ANSES.

M. Richard Ramos, rapporteur. Nous proposons de substituer au mot « nitrités » les mots « nitrés dans la charcuterie », pour rester dans le cadre de ce texte.

Mme Barbara Bessot Ballot. Rappelons que nous devons à l’ANSES l’interdiction du bisphénol A, en 2010, ainsi que du dioxyde de titane – que la France était d’ailleurs l’un des premiers pays au monde à bannir. Cela me donne toute confiance en cette agence et nous devons avancer dans cette voie.

La commission adopte le sous-amendement CE35.

Elle adopte l’amendement CE25 sous-amendé avec l’avis favorable du rapporteur et l’article 1er est ainsi rédigé.

 

Article 2 : Réduction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie durant la période de transition précédant leur interdiction

 

Amendement CE26 du Gouvernement et sous-amendements CE36 et CE37 de M. Richard Ramos.

M. Julien Denormandie, ministre. Cette nouvelle rédaction prévoit qu’un décret fixe une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrités et peut prévoir des exceptions à ces doses maximales. Après avis de l’ANSES, il peut aussi fixer une liste de produits soumis à une interdiction de commercialisation.

M. Richard Ramos, rapporteur. Le sous-amendement CE36 vise à préciser la rédaction de l’article, en ajoutant notamment après le mot « additifs » les termes « nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine ». En outre, il supprime la référence aux exceptions aux doses maximales, la prise de décision en fonction des conclusions du rapport de l’ANSES sécurisant d’ores et déjà le dispositif.

Je propose, avec le sous-amendement CE37, de remplacer les mots « peut aussi fixer » par les mots « fixe aussi ». Cela obligera le Gouvernement à débattre à nouveau de cette question avec les parlementaires. Il s’agit d’une proposition de loi et il est bon que le Parlement obtienne des assurances.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis favorable sur le sous‑amendement CE36 ; avis défavorable sur le CE37. D’un point de vue légistique, la rédaction prévoyant que « le décret peut aussi fixer » des interdictions est préférable à celle prévoyant que « le décret fixe » des interdictions éventuelles, car cette dernière obligerait, dans tous les cas, à prendre un décret.

La commission adopte le sous-amendement CE36 et rejette le sousamendement CE37.

Elle adopte l’amendement sous-amendé avec l’avis favorable du rapporteur et l’article 2 est ainsi rédigé.

 

Article 3 : Suspension de la fourniture de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés dans la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social

Amendement CE27 du Gouvernement et sous-amendement CE34 de M. Richard Ramos.

M. Julien Denormandie, ministre. Cette nouvelle rédaction prévoit les dispositions relatives à l’étiquetage des produits contenant des additifs nitrés. Avis favorable sur le sous‑amendement.

M. Richard Ramos, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement.

La commission adopte le sous-amendement CE34.

Elle adopte l’amendement CE27 sous-amendé avec l’avis favorable du rapporteur et l’article 3 est ainsi rédigé.

 

Article 4 (article L. 511-13 du code de la consommation) : Pouvoir des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas de non-respect de l’interdiction créée par l’article 1er

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement de suppression CE28 du Gouvernement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

 

Article 5 : Obligations d’étiquetage dans la période transitoire avant interdiction

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement de suppression CE29 du Gouvernement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

 

Article 6 : Information sanitaire dans les supports publicitaires ou de promotion en faveur des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement de suppression CE30 du Gouvernement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

 

Article 7 : Création d’un fonds de transition

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement de suppression CE31 du Gouvernement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

 

Après l’article 7

 

À la demande du rapporteur, l’amendement CE22 de M. Philippe Huppé est retiré.

Article 8 : Gage

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CE32 du Gouvernement.

 

Titre

 

Amendement CE24 du Gouvernement et sous-amendement CE38 de M. Richard Ramos.

M. Julien Denormandie, ministre. Je propose, comme le suggère le rapporteur dans son sous-amendement, d’intituler comme suit le texte : « proposition de loi relative à la consommation de produits concernant des additifs nitrés. » Il convient en effet de parler, plutôt que d’utilisation, de consommation. Il s’agit d’une mention très importante pour lutter contre les inégalités alimentaires.

M. Richard Ramos. C’est bien à partir du consommateur – du consomm’acteur – qu’on doit déterminer ce qui doit être produit. Ce que je défends depuis vingt ans, c’est que le mouvement doit se faire depuis la fourchette, jusqu’à la fourche.

La commission adopte le sous-amendement CE38.

Elle adopte l’amendement CE24 sous-amendé.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


—  1  —

 

   Liste des personnes auditionnÉes

L’examen de cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des travaux de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire composée de Mmes Barbara Bessot-Ballot et Michèle Crouzet et de votre Rapporteur, dont le rapport a été adopté par la commission des affaires économiques le 13 janvier 2021. Votre Rapporteur n’a pas jugé nécessaire de mener des auditions spécifiques dans le cadre de cette proposition de loi et s’est appuyé sur les auditions conduites dans le cadre de la mission d’information, dont la liste figure ci-après (par ordre chronologique).

ANIA *

M. Antoine Quentin, directeur

Mme Victoire Perrin, responsable des affaires publiques

Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) *

M. Bernard Vallat, président

M. Fabien Castanier, délégué général

M. Thierry Gregori, directeur des affaires scientifiques et réglementaires

Société André Bazin

M. Guillaume Wagner, directeur général adjoint

M. Mathieu Boisson, directeur développement produit

HERTA *

M. Arnaud de Belloy, président-directeur général

Mme Laurence Enault, directeur R&D

M. Fabio Brusa, responsable communication externe

École Nationale des Industries du Lait et des Viandes (ENILV) d’Aurillac

M. Yves Arnaud, professeur de transformation de la viande

Mme Noémie Calais, éleveuse et productrice de charcuteries fermières (Gers)

Salaisons du Terroir (Somme)

M. Didier Hue, président-directeur général

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale

M. Emmanuel Koen, adjoint au sous-directeur

Mme Zoé Bedouin-Ben Aya, inspectrice

Lobbying et Stratégies *

M. Thierry Coste, président de Lobbying et Stratégies

M. Adrien van de Wiele, adjoint du président

Super U *

Mme Sylvie Vaissaire, directrice qualité

M. Marc Gunther, directeur conception production produits U

M. Philippe Gigleux, chargé de mission auprès de la présidence

Les Mousquetaires *

M. Frédéric Thuillier, directeur des affaires publiques du Groupement Les Mousquetaires

M. Christophe Bonno, directeur relations institutionnelles agricoles du Groupement

Direction générale de la santé (DGS)

M. Jean-Christophe Comboroure, chef du bureau Alimentation et Nutrition

Mme Isabelle de Guido, adjointe au Chef du bureau Alimentation et Nutrition

Mme Mélanie Picherot, chargée du dossier « Sécurité sanitaire des aliments »

Foodwatch France *

Mme Karine Jacquemart, directrice

M. Camille Dorioz, responsable de campagnes

M. Guillaume Coudray, auteur et réalisateur de films documentaires

Fleury Michon *

M. Billy Salha, directeur général

Mme Barbara Bidan, directrice santé et alimentation durable

E. Leclerc *

Mme Laetitia Magré, vice-présidente du Mouvement E.Leclerc et présidente de la commission Qualité et développement durable

M. Frédéric Gheeraert, directeur général de la Scamark

M. Alex Joannis, directeur général de Kermené

M. Alexandre Tuaillon, chargé de mission auprès du Président du Mouvement E.Leclerc

Table ronde réunissant des scientifiques :

M. Axel Kahn, directeur de recherche émérite à l’INSERM et ancien directeur de l’institut Cochin, président du Comité d’éthique commun de l’INRAe, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), président de la Ligue contre le cancer.

M. Norbert Ifrah, cancérologue, professeur d’Université, ancien chef du service d’hématologie du centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, président de l’Institut national du cancer (INCa) ;

Mme Océane Martin, maître de conférences en microbiologie clinique à l’Université de Bordeaux, membre de l’unité INSERM U1053-UMR Bariton (Bordeaux Research in Transactional Oncology) ;

M. Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille et président du conseil scientifique de la FICT ;

M. Denis Corpet, directeur de recherche émérite à l’INRAe), président du sous-groupe d’expert « mécanismes de la cancérogénèse » (Monographie « Viandes rouges et viandes transformées » du CIRC, 2015) ;

M. Fabrice Pierre, directeur de recherche à l’INRAe, responsable de l’équipe « Prévention, promotion de la cancérogénèse par l’alimentation » ;

Sciences Po

M. Daniel Benamouzig, sociologue, titulaire de la chaire « santé » à Sciences Po et directeur de recherche au CNRS

M. Joan Cortinas Munoz, chercheur au Centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences Po

Salaisons Roches Blanches

M. Stéphane Malandain, président-directeur général

Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO)

Mme Marie Guittard, directrice générale

Cooperl

M. Emmanuel Commault, directeur général

Fédération du commerce et de la distribution (FCD) *

Mme Émilie Tafournel, directrice qualité

M. Hugues Beyler, directeur « agriculture et filières »

Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES)

M. Gérard Lasfargues, directeur général délégué, Pôle Sciences pour l’expertise

M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques

Mme Irène Margaritis, Chef de l’unité de l’évaluation des risques liés à la nutrition

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Sarclay *

M. Jérôme Santolini, chercheur en biochimie, responsable du laboratoire « Stress oxydant et détoxication »

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

UFC-Que Choisir

M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation et nutrition

Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN)

Mme Mathilde Touvier, directrice

École hôtelière de Lausanne (EHL)

M. Fabien Pairon, Senior Lecturer Practical Arts

M. David Garbous, ancien directeur marketing et communication de Fleury Michon

INAPORC *

M. Guillaume Roué, président

M. Didier Delzescaux, directeur

M. Fabien Verliat, chargé de mission R&D

Mme Dominique Parent-Massin, professeur d’université honoraire en toxicologie alimentaire, présidente d’honneur de la Société Française de Toxicologie

Réseau français des instituts techniques de l’agro-alimentaire (ACTIA)

M. Didier Majou, directeur général

M. Pierre Degonde, directeur du cabinet de conseil Euralia *

SYNPA (Syndicat national des producteurs d’additifs et ingrédients) *

Mme Mélanie Le Plaine-Mileur, secrétaire générale

Mme Véronique Zuliani, présidente du groupe de travail « microorganismes »

BIOCOOP *

M. Pierrick De Ronne, président

Mme Hélène Person, responsable marques et innovation de l’offre

YUKA

M. Benoît Martin, cofondateur

Confédération Nationale des Charcutiers Traiteurs et Traiteurs (CNCT) *

M. Joël Mauvigney, président

Mme Élisabeth de Castro, déléguée générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Rapport n° 3731 rapport d’information - Rapport d’information de M. Richard Ramos, Mme Barbara Bessot Ballot et Mme Michèle Crouzet déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des affaires économiques, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire.

([2]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2296/AN/705.

([3]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2441/AN/26.

([4]) Compte-rendu de la séance du 4 décembre 2019, consultable en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200092.asp#P1950427.

([5]) Proposition de loi (n° 3683) relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans  les produits de charcuterie, présentée par M . Richard Ramos, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Michèle Crouzet et les membres du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés.  

([6]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([7]) Cette catégorie regroupe : les terrines de bison, les terrines de boudin, les terrines de sanglier, la coppa, les terrines de poulet, les andouilles, les terrines de campagne, les saucissons, les terrines de canard, les jambons, les terrines de foie, les terrines de faisan, la porchetta, les rillettes de viande, les terrines de volailles, les charcuteries à teneur réduite en sel, les terrines de lapin, les rillettes pur porc, les saucisses, les mousses salées, les boudins, les charcuteries à cuire, les charcuteries cuites, les fricadelles, les terrines au bleu d’Auvergne, les terrines au Roquefort, les terrines de cerf et les terrines de chevreuil.

([8]) https://www.wcrf.org/dietandcancer/exposures/meat-fish-dairy.

([9]) Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), « Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine », 2018, consultable en ligne : https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_report.pdf.

([10]) Notamment : Cross et al., « A large prospective study of meat consumption and colorectal cancer risk : an investigation of potential mechanisms underlying this association », Cancer Res, 2010. 70(6): 2406-14 et William Crowe et al., « A Review of the In Vivo Evidence Investigating the Role of Nitrite Exposure from Processed Meat Consumption in the Development of Colorectal Cancer », Nutrients, nov. 2019.

([11]) Bastide NM, Pierre FH, Corpet DE. Heme iron from meat and risk of colorectal cancer: a meta-analysis and a review of the mechanisms involved. Cancer Prev Res (Phila). 2011 Feb; 4(2) : 177-84.

([12]) Cross AJ, Pollock JR, Bingham SA. Haem, Not protein or inorganic iron, is responsible for endogenous intestinal N-nitrosation arising from red meat. Cancer Res.2003 May 15; 63(10): 2358-60.

([13]) Ces propos sont ceux du professeur Maged Younes, membre du groupe scientifique de l’EFSA sur les additifs alimentaires et les sources de nutriments ajoutés aux aliments et président du groupe de travail chargé de ces travaux de réévaluation, cités dans le communiqué de presse de l’EFSA du 15 juin 2017, consultable en ligne : https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/170615-0.  

([14]) Règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires.

([15]) Décision (UE) 2018/702 de la Commission européenne du 8 mai 2018 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande (point 39).

([16]) En juin 2017, l’EFSA a publié deux avis scientifiques sur la réévaluation des nitrites et des nitrates ajoutés aux aliments, estimant, d’une part, que les DJA fixées par l’ancien comité scientifique pour l’alimentation humaine (CSAH) de la Commission européenne en 1997 constituaient une protection adéquate pour la santé humaine en ce qui concerne les nitrates, avec une DJA fixée à 3,7 milligrammes par kilogramme de poids corporel par jour (mg/kg pc/jour) et décidant, d’autre part, de relever la DJA pour les nitrites à 0,07 kilogramme de poids corporel par jour (mg/kg pc/jour) contre 0,06 mg/kg pc/jour fixée en 1997.

([17]) Torres MJ, Salanave B, Verdot C, Deschamps V., Adéquation aux nouvelles recommandations alimentaires des adultes âgés de 18 à 54 ans vivant en France. Étude Esteban 2014-2016. Volet Nutrition – Surveillance épidémiologique. Saint-Maurice : Santé publique France ; 2019.

([18]) Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), 2014.

([19]) Vincent Legendre, Les consommateurs de porc frais et de charcuterie : qui sont-ils ? Éclairage sociologique, TechniPorc, volume 31, n° 4, 2018.

([20]) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Avis relatif aux disparités socioéconomiques et aux apports nutritionnels et alimentaires des enfants et adolescents, 17 décembre 2012, https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2012sa0085Ra.pdf.

([21]) Emmanuel Mitry et Bernard Rachet, Pronostic des cancers colorectaux et inégalités socio-économiques, Gastroentérologie clinique et biologique, vol. 30, n° 4, 2006

([22]) Résumé de l’évaluation de l’EFSA en 2017, consultable en ligne : https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/corporate_publications/files/nitrates-nitrites-170614-FR.pdf

([23]) Christelle Mazuet, Nathalie Jourdan-Da Silva, Christine Legeay, Jean Sautereau, Michel R. Popof, « Le botulisme humain en France, 2013-2015 », octobre 2017, file:///C:/Users/dboucher/AppData/Local/Temp/41414_13651-ps.pdf

([24]) Voir : Guillaume Coudray, Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison, chapitre 9, La Découverte, 2016.

([25]) D’après les chiffres de participation indiqués sur le site de l’organisation Food watch : https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/alimentation-et-sante/additifs/petition-stop-aux-nitrites-ajoutes-dans-notre-alimentation/.

([26]) Le code des usages de la charcuterie fixe notamment les limites nutritionnelles en matière grasse et lipides pour plusieurs familles de produits, les restrictions de l’emploi d’additifs pour les produits supérieurs ainsi que des nitrites et nitrates pour toutes les dénominations et traduit les évolutions réglementaires sur l’étiquetage et les additifs.

([27]) Audition publique de M. Pierrick de Ronne, président de Biocoop et de Mme Hélène Person, responsable innovation et Marques chez Biocoop, le 27 novembre 2020 par la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire

([28]) Marie-Josée Cougard, Pourquoi charcutiers et associations s’affrontent sur la question des nitrites dans le jambon, CQFD, les Echos.fr, 25 juin 2021, https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/huit-questions-sur-les-nitrites-dans-le-jambon-1326921.

([29]) Guillaume Coudray, Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison, chapitre 1, Les additifs miracles, 2016.

([30]) La version consolidée est consultable en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:02008R1333-20201028&from=EN#tocId45.

 

([31]) Point 9 de la décision (UE) 2018/702 de la Commission du 8 mai 2018 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande.

([32]) EFSA, Re-evaluation of potassium nitrite (E 249) and sodium nitrite (E 250) as food additives et Re-evaluation of sodium nitrate (E 251) and potassium nitrate (E 252) as food additives, 15 juin 2017. Voir : https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/170615-0.

([33]) Point 39 de la décision (UE) 2018/702 précitée.  

([34]) Ces différentes catégories correspondent à la classification du Code des usages qui classe les produits de charcuterie en seize « familles technologiques ».

([35]) Ces différentes catégories correspondent à la classification du Code des usages qui classe les produits de charcuterie en seize « familles technologiques ».

([36]) Le Code des usages 2020 prévoit déjà que les additifs nitrés ne peuvent être utilisés dans le confection de boudins blancs et de tripes.

([37]) Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes, considérant n° 11 : « En second lieu, en différant au 1er janvier 2022 l’entrée en vigueur de l’interdiction de production, de stockage ou de circulation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées, le législateur a laissé aux entreprises qui y seront soumises un délai d’un peu plus de trois ans pour adapter en conséquence leur activité ».

([38]) Voir notamment :  décision n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015, Association Plastics Europe [Suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du Bisphénol A], considérants n° 6 et 7 ; décision n° 2016‑737 DC du 4 août 2016, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages [sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes] ; Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes [sur l’interdiction de certains produits phytosanitaires].

([39])  Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2022 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

([40]) Article 257 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([41]) Modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A 

([42]) Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n° 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n°  608/2004 de la Commission.

([43]) Cette notion est précisée par le règlement d’exécution (UE) 2018/775 de la Commission du 28 mai 2018 portant modalités d’application de l’article 26, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, pour ce qui est des règles d’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance de l’ingrédient primaire d’une denrée alimentaire.

([44]) Arrêté du 2 octobre 2006 relatif aux modalités d’inscription du message à caractère sanitaire préconisant l’absence de consommation d’alcool par les femmes enceintes sur les unités de conditionnement des boissons alcoolisées.

([45]) Loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social.