N° 225

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 septembre 2022.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord relatif à la restructuration de la plate-forme douanière de Saint-Louis - Bâle sur l’autoroute A35, en France entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse,

PAR Mme Brigitte Klinkert

Députée

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 175


 


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SOMMAIRE

Pages

Introduction

I. La restructuration de la plateforme Saint-Louis – BȂle est un projet emblÉmatique de la qualitÉ de la coopÉration avec la Suisse

A. La coopÉration est d’ores et dÉjà trÈs intense en matiÈre commerciale et transfrontaliÈre

1. La coopération transfrontalière est dense mais complexe

2. L’importance des échanges commerciaux bénéficie en large partie aux régions frontalières

B. La croissance des flux de poids lourds justifie la restructuration de la plateforme Saint-Louis – BȂle, qui permet la rÉalisation des formalités douaniÈres

1. La plateforme Saint-Louis – Bâle est l’unique porte d’entrée au Nord de la Suisse pour le trafic de marchandises

2. La restructuration de la plateforme répond à des enjeux de sécurité routière, de fluidité du trafic et de qualité de l’air du secteur

II. L’accord dÉfinit le pÉrimÈtre et le montant des travaux nÉcessaires au rÉamÉnagement de la plateforme douaniÈre

A. La plupart des travaux, rÉalisÉs sur le territoire français, sont assurÉs par la partie française

1. La France réalise les travaux de grande ampleur

2. La maîtrise d’ouvrage et la propriété des infrastructures répondent au partage de la charge des travaux

B. Les travaux sont, pour l’essentiel, cofinancÉs À paritÉ entre la France et la Suisse

1. La ratification de l’accord conditionne le versement de la contribution financière suisse

2. Certains travaux complémentaires sont à la charge de chacune des parties

Conclusion

Examen en commission

Annexe 1 : texte adopté par la commission

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURe


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   Introduction

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la restructuration de la plateforme douanière de Saint-Louis – Bâle sur l’autoroute A35, en France, signé à Berne le 31 mars 2021.

Cet accord, qui prévoit le périmètre des travaux et les montants financiers nécessaires à la restructuration de cette plateforme douanière, est ciblé dans sa portée et technique dans son contenu, mais utile en ce qu’il contribuera à améliorer la fluidité du trafic à la frontière franco-suisse, à renforcer la sécurité sur l’A35 et, indirectement, à améliorer la qualité de l’air. En bénéficieront, ainsi, autant les transporteurs de poids lourds que les usagers de l’A35 et les populations riveraines.

Cet accord s’intègre évidemment dans une relation bien plus riche et bien plus dense entre la France et la Suisse. Du point de vue des liens humains, la première communauté française à l’étranger est en Suisse – 200 000 Français y résident – et 190 000 travailleurs transfrontaliers habitant en France s’y rendent quotidiennement pour le travail. Sur le plan économique, la Suisse est le 9e partenaire commercial de la France. Avec 570 kilomètres de frontières, nos deux pays partagent aussi des liens importants sur les plans historique, culturel et linguistique.

La qualité de l’entraide entre Paris et Berne n’est plus à démontrer. Au cours de la dernière décennie, la Suisse a fait d’importants progrès dans la lutte contre l’évasion fiscale, en actant la fin du secret bancaire, en s’alignant sur les standards internationaux et en appliquant l’échange automatique des renseignements bancaires sur les avoirs des citoyens français en Suisse. De nombreux accords, dans des domaines qui vont de la santé à l’instruction militaire, ont contribué à renforcer la coopération entre nos deux pays. Au plus fort de la pandémie de Covid-19, une centaine de patients français ont été accueillis dans des hôpitaux de la confédération helvétique. Enfin, sur l’Ukraine, la Suisse, malgré son statut de pays neutre, a repris l’intégralité des sanctions européennes à l’encontre de la Russie. À ce jour, elle a gelé 7 milliards d’euros d’avoirs russes et accueilli 70 000 Ukrainiens sur son territoire.

Les relations ont certes connu quelques à-coups récemment. Les autorités françaises ont pu éprouver une certaine déception à l’égard du choix suisse d’acquérir des avions de combat américains F-35 au détriment des Rafale français. Paris, comme d’autres capitales européennes, a aussi regretté le choix fait par Berne de rejeter l’accord-cadre institutionnel, un accord établissant un cadre de gouvernance pour les relations entre l’Union européenne et la Suisse qui était en négociation depuis de longues années.

Malgré ces difficultés, qui n’entachent pas fondamentalement la qualité de la relation bilatérale, l’accord dont le présent projet de loi autorise la ratification, même s’il traite d’un sujet technique et précis, est un exemple concret de la nécessité et de la réussite de la coopération entre nos deux pays, puisqu’il facilitera la circulation des personnes et les échanges commerciaux entre la France et la Suisse. Alors que les travaux de restructuration de la plateforme douanière de Saint-Louis – Bâle sont déjà engagés et qu’ils doivent aboutir en 2023, la ratification de cet accord est importante pour garantir le versement de la contribution financière suisse à ces travaux.

 


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I.   La restructuration de la plateforme Saint-Louis – BȂle est un projet emblÉmatique de la qualitÉ de la coopÉration avec la Suisse

A.   La coopÉration est d’ores et dÉjà trÈs intense en matiÈre commerciale et transfrontaliÈre

1.   La coopération transfrontalière est dense mais complexe

La coopération transfrontalière tient une place essentielle dans les relations franco-suisses.

La frontière franco-suisse est plus longue que la frontière franco-allemande et la coopération transfrontalière est sans doute plus dense qu’avec l’Allemagne. Dix cantons suisses sur vingt-six, représentant la moitié de la population helvétique, ont une frontière avec la France. De même, trois régions françaises, qui totalisent la moitié du volume du commerce bilatéral, sont frontalières de la confédération helvétique.

Chaque jour, 190 000 ressortissants français traversent la frontière pour aller travailler en Suisse, un chiffre qui pourrait encore s’accroître du fait de la baisse de la natalité helvétique.

Comme l’a expliqué Mme Sophie Bel, sous-directrice de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, à l’occasion des auditions auxquelles a procédé la rapporteure, la coopération transfrontalière avec la Suisse concerne trois grands domaines : la coopération sanitaire, le transport et l’énergie ou l’environnement. Un accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière est ainsi entré en vigueur en 2019. La ratification du présent accord renforcera la coopération dans les transports. Sur l’environnement, des négociations sont en cours au sujet de la gouvernance du Rhône et du Doubs.

D’après la sous-directrice de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique, les différences dans les organisations administratives française et suisse rendent cependant la coopération transfrontalière complexe.

2.   L’importance des échanges commerciaux bénéficie en large partie aux régions frontalières

En 2021, le commerce franco-suisse de biens a représenté près de 32 milliards d’euros, ce qui fait de la France le cinquième partenaire commercial de la Suisse et de la Suisse le neuvième partenaire commercial de la France ([1]).

Les ventes de marchandises françaises vers la Suisse ont régulièrement progressé depuis 2010 pour atteindre un niveau record en 2019. Après une brusque contraction des flux en 2020 sous l’effet de la pandémie, le commerce bilatéral a été marqué par un fort rebond l’année dernière : les exportations françaises de biens vers la Suisse se sont élevées à 17 milliards d’euros et les importations françaises depuis la Suisse ont atteint 14,7 milliards d’euros. La France a ainsi dégagé un excédent commercial avec la Confédération helvétique de 2,3 milliards d’euros en 2021 ([2]).

Le commerce intra-branche représente une partie importante des échanges franco-suisses. Les deux pays échangent en effet des produits similaires, dans des domaines à forte valeur ajoutée, comme les produits pharmaceutiques, la haute joaillerie et la bijouterie, la cosmétique, les métaux non ferreux et l’électricité.

Avant la pandémie, les régions françaises frontalières de la Suisse représentaient près de la moitié des échanges commerciaux bilatéraux : 6,4 milliards d’euros pour la région Grand Est, 2,9 milliards d’euros pour la région Bourgogne-Franche-Comté et 5,9 milliards d’euros pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. La Suisse était respectivement le 5e partenaire commercial du Grand Est, le 4e partenaire de la région Bourgogne-Franche-Comté et le 6e partenaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les régions frontalières françaises constituent aussi des terrains d’accueil privilégiés pour les entreprises et les investissements suisses dans l’Hexagone.

B.   La croissance des flux de poids lourds justifie la restructuration de la plateforme Saint-Louis – BȂle, qui permet la rÉalisation des formalités douaniÈres

1.   La plateforme Saint-Louis – Bâle est l’unique porte d’entrée au Nord de la Suisse pour le trafic de marchandises

La Suisse est membre de l’espace Schengen depuis 2008 mais elle ne fait pas partie de l’union douanière entre les États membres de l’Union européenne. Si certains types de marchandises bénéficient de facilités douanières, les poids lourds qui franchissent la frontière helvétique sont soumis à la réalisation de formalités douanières telles que le dédouanement et la perception d’une redevance poids lourds.

Pour renforcer la coordination et l’efficacité des contrôles douaniers et favoriser la fluidité du trafic, la France et la Suisse généralisent progressivement la création, à leur frontière, de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) ([3]), qui permettent aux agents de chacun des deux pays frontaliers d’exercer leurs opérations de contrôle sur un point unique sur le territoire de l’un des deux États. Actuellement, il existe vingt-huit BCNJ entre la France et la Suisse ([4]), dont dix-neuf routiers, six ferroviaires, deux aéroportuaires et un pour le pacage ([5]).

Les échanges de marchandises entre la France et la Confédération helvétique s’effectuent majoritairement – aux deux tiers – par la route, devant les pipelines, le rail et le fluvial. Cinq points d’accès connectent le territoire suisse au réseau routier national français : Douane de Thônex-Valard (A411), Bardonex (A41), Jougne (RN57), Delle (RN1019) et Saint-Louis (A35). Parmi ces différents accès, la plateforme douanière de Saint-Louis – Bâle est l’unique porte d’entrée au Nord de la Suisse pour le trafic de marchandises, qui provient principalement des grands ports de la Manche et de la mer du Nord, dont Rotterdam, Anvers et Le Havre. Dédiée au trafic de poids lourds, dont elle assure le contrôle douanier, cette plateforme est soumise à des flux intensifs.

2.   La restructuration de la plateforme répond à des enjeux de sécurité routière, de fluidité du trafic et de qualité de l’air du secteur

Comme l’explique l’exposé des motifs du projet de loi, « l’infrastructure actuelle n'est plus en mesure de faire face aux flux croissants de poids lourds. Conçue pour 400 poids lourds par jour, la plate-forme en reçoit aujourd’hui 3 000 par jour en moyenne. »

L’engorgement qui en résulte entraîne :

– de longs temps de transit, qui varient selon la position de chaque camion dans la file d’attente, en raison des remontées de files de poids lourds sur l’A35 ;

– des stationnements dangereux sur les voies de la plateforme et une perturbation de la circulation sur l’A35 du fait des remontées de files de poids lourds. Ces files ont été à l’origine d’un accident mortel survenu le 13 mars 2017 ;

– une pollution de l’air liée aux émanations polluantes des véhicules à l’arrêt, même si l’administration ne dispose pas d’étude d’indicateurs de la qualité de l’air dans le secteur.

La restructuration de la plateforme douanière contribuera ainsi, comme le prévoit le préambule de l’accord, à « améliorer la sécurité des usagers de l’A35 » et à « améliorer la fluidité du trafic [et] indirectement, la qualité de l’air du secteur ».

Après une phase d’études lancée en 2008, un scénario de réaménagement de la plateforme, visant à corriger les dysfonctionnements constatés, a été validé en 2014 dans le cadre d’instances regroupant les différents services concernés des deux États et les élus locaux. L’aménagement prévoit notamment la réalisation d’un parking pour les opérations de dédouanement avec une gestion contrôlée des accès.

Au total, en incluant les possibilités de stationnement sur la bretelle d’accès depuis l’autoroute, le projet permettra un stockage de 209 équivalents poids lourds, ce qui représente une augmentation de près de 50 % par rapport à la situation antérieure. D’après M. Stanislas de Romémont, adjoint au sous-directeur du pilotage de l’entretien et de l’exploitation du réseau routier national non concédé au ministère de la transition écologique, l’augmentation des capacités de stationnement cumulée à la réorganisation des différents flux de poids lourds permettra « une réduction du temps d’attente [des poids lourds] de l’ordre de 50 % ». En revanche, l’administration n’a pas été en mesure de communiquer à la rapporteure une mesure de la capacité d’accueil journalière de poids lourds par la plateforme dans la configuration qui suivra son réaménagement.

Pour cette raison, la rapporteure a demandé si le redimensionnement de la plateforme suffirait à absorber, non seulement le trafic actuel – 3 000 poids lourds par jour –, mais aussi le trafic tel qu’il pourrait croître ces prochaines années, compte tenu du risque, en cas de sous-dimensionnement, qu’il faille envisager de nouveaux travaux dans un futur proche. L’adjoint au sous-directeur du pilotage de l’entretien et de l’exploitation du réseau routier national non concédé au ministère de la transition écologique a reconnu qu’« il aurait fallu aller plus loin » mais qu’« on est allé au maximum de ce qu’on pouvait faire au niveau des emprises dans une zone urbanisée ».

 


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II.   L’accord dÉfinit le pÉrimÈtre et le montant des travaux nÉcessaires au rÉamÉnagement de la plateforme douaniÈre

A.   La plupart des travaux, rÉalisÉs sur le territoire français, sont assurÉs par la partie française

1.   La France réalise les travaux de grande ampleur

L’article 1er de l’accord signé le 31 mars 2021 se contente de préciser l’objet de celui-ci, à savoir la restructuration de la plateforme douanière de Saint-Louis – Bâle.

L’article 2 dispose que la plupart des travaux nécessaires à la restructuration de la plateforme douanière, située sur le territoire français, seront entrepris par la partie française. Ces travaux font l’objet d’une énumération précise. Ils incluent la réalisation des voiries, du parking pour les opérations de dédouanement, d’un chemin piétonnier, des réseaux, de la signalisation et des dispositifs d’éclairage de la plateforme douanière. D’après les réponses écrites fournies par l’administration à la rapporteure, ces travaux sont bien engagés et devraient s’achever début 2023.

La partie française s’engage également, dans cet article, à réaliser les travaux de rétablissement de voirie et de réparation du pont franchissant l’autoroute A35 qui concernent, non pas la plateforme douanière elle-même, mais l’accès à celle-ci.

La partie suisse est quant à elle chargée de travaux de moindre ampleur, qui se limitent à la construction de trois cabines hautes pour la perception de la redevance sur le trafic des poids lourds.

2.   La maîtrise d’ouvrage et la propriété des infrastructures répondent au partage de la charge des travaux

Compte tenu du partage des responsabilités ainsi fixé, l’article 3 stipule que la maîtrise d’ouvrage est assurée par le gestionnaire d’infrastructure français, à l’exception des travaux relatifs aux trois cabines hautes qui sont assurés par la direction des douanes suisses. En France, la maîtrise d’ouvrage a été confiée à la collectivité européenne d’Alsace.

En complément, l’article 7 prévoit que les travaux réalisés sur le territoire français sont soumis à la réglementation applicable en France.

L’article 6 énonce que la gestion du trafic routier pendant les travaux est naturellement assurée par le gestionnaire d’infrastructure français.

De façon logique, en vertu de l’article 3, le gestionnaire d’infrastructure français est propriétaire des ouvrages et des équipements réalisés sur le territoire français, à l’exception des trois cabines hautes réalisées par la Confédération suisse.

B.   Les travaux sont, pour l’essentiel, cofinancÉs À paritÉ entre la France et la Suisse

1.   La ratification de l’accord conditionne le versement de la contribution financière suisse

Du fait du caractère transfrontalier du projet, la France a sollicité fin 2014 une participation au financement auprès de la Confédération suisse via l’Office fédéral des routes (OFROU) ([6]), reproduisant le schéma adopté pour l’aménagement de la plateforme douanière germano-suisse de Weil-am-Rhein sur l’autoroute A5, cofinancé à parts égales par chacune des deux parties. La partie suisse, représentée par l’OFROU, s’est ainsi engagée par courrier daté du 26 novembre 2018 à participer à l’opération de restructuration de la plateforme à hauteur de 50 %.

Comme le rappelle l’étude d’impact annexée au projet de loi, l’avant-projet de l’opération de la plateforme douanière de Saint-Louis – Bâle a été validé par l’État à un coût de 10,33 millions d’euros toutes taxes comprises (TTC). Les parties étant convenues que les études et les travaux déjà réalisés restaient à la charge exclusive de la France, les travaux constituant l’assiette d’un cofinancement franco-suisse représentent un coût de 7,1 millions d’euros. S’agissant de la partie française, le financement est réparti à parité entre l’État et les collectivités territoriales et, au sein des collectivités territoriales, à parité entre la région Grand Est et la collectivité européenne d’Alsace.

S’agissant de la partie suisse, l’article 4 prévoit que celle-ci « participe à hauteur de la moitié de l’estimation du coût des travaux de restructuration de la plate-forme douanière de Saint-Louis - Bâle, objets du 1 de l’article 2, dans la limite d’une participation de 3 858 250,00 euros TTC, tenant compte d’une marge de 10 % sur l’estimation du coût des travaux, afin de couvrir les éventuelles dépenses supplémentaires qui pourraient survenir en cours de réalisation. »

Cet article de l’accord détaille les coûts prévisionnels dans le tableau suivant.

COÛTS PRÉVISIONNELS* DE LA RESTRUCTURATION
DE LA PLATEFORME DOUANIÈRE

Source : Article 4 de l’accord.

* Limités à l’assiette de cofinancement franco-suisse.

D’après les réponses fournies par l’administration à la rapporteure, s’il demeure des incertitudes liées à l’inachèvement des travaux, aucun dérapage budgétaire n’est à déplorer par rapport à ce qui est prévu dans l’accord. Le coût total actualisé du projet de restructuration est estimé à 10,21 millions d’euros, ce qui est en deçà du coût prévisionnel qui était fixé à 10,33 millions d’euros, sans tenir compte de la marge de 10 %.

COÛTS ACTUALISÉS* DE LA RESTRUCTURATION
DE LA PLATEFORME DOUANIÈRE

 

Estimations actualisées
en M€ TTC

Études, DET, Contrôle

1

Phase A (bretelle)

2,52

Phase B1

3,20

Phase B2

2,30

Phase C

0,95

Signalisation Dynamique aubettes

0,24

Montant Total arrondi

10,21

Source : Réponses écrites fournies par l’administration.

* En intégrant les coûts restés à la charge exclusive de la France.

L’article 5 de l’accord signé le 31 mars 2021 définit les modalités de versement de la participation financière suisse. L’OFROU suisse effectuera un premier versement de 10 % de la participation prévisionnelle suisse, soit 350 750 euros TTC, un mois après la date d’entrée en vigueur de l’accord. Il prévoit en outre un versement annuel de la participation suisse, réalisé au 30 avril de chaque année, sur la base des dépenses réelles toutes taxes comprises constatées par le maître d’ouvrage des travaux au cours de l’année civile échue. Le versement suisse est donc conditionné à la ratification de l’accord dont est saisie l’Assemblée nationale.

2.   Certains travaux complémentaires sont à la charge de chacune des parties

Par dérogation au principe de cofinancement, l’article 4 prévoit que les travaux complémentaires évoqués à l’article 2 sont financés par chacune des parties.

Ainsi, les travaux situés en dehors du périmètre de la plateforme, à savoir le rétablissement de la voirie et la réparation du pont franchissant l’autoroute française A35, « respectivement réalisés pour un montant de 2 515 794 euros TTC et estimés à 518 000 euros TTC », sont de la responsabilité de la partie française et relèvent du programme d’entretien des ouvrages d’art du réseau routier national concédé.

De même, la Confédération suisse finance intégralement les travaux de construction des trois cabines hautes, d’installation d’un portique en amont de ces trois nouvelles cabines et de mise en place des installations nécessaires à la perception de la redevance sur le trafic des poids lourds objets du 3) de l’article 2 de l’accord.

 

 


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   Conclusion

La rapporteure de la commission des affaires étrangères appelle l’Assemblée nationale à autoriser la ratification de l’accord relatif à la restructuration de la plateforme Saint-Louis – Bâle, compte tenu des bénéfices attendus en matière de fluidité et de sécurité du trafic routier. Elle demeure néanmoins interpellée par la durée nécessaire pour faire aboutir ce projet : entre le lancement des premières études en 2008 et la date prévue pour l’achèvement des travaux en 2023, il se sera écoulé dix-sept années.

La validation du scénario final de réaménagement de la plateforme n’est intervenue qu’en 2014. D’après le ministère de la transition écologique, ce délai tient à la durée des négociations impliquant des acteurs multiples – gendarmerie, douanes, direction interdépartementale des routes et les autorités équivalentes du côté suisse –, à la forte attention des riverains relayée par les élus locaux, qui a donné lieu à une concertation importante, à la durée des études nécessaires pour une prise en compte globale des dysfonctionnements de la plateforme et de son environnement contraint, à la lourdeur de l’opération et au temps pris par les arbitrages.

Mais au-delà du projet urbanistique, les délais les plus longs sont liés à la négociation de l’accord. Sept ans se sont écoulés entre la sollicitation de la Confédération suisse pour une participation au financement du réaménagement de la plateforme fin 2014 et la signature de l’accord par les ambassadeurs, le 31 mars 2021.

Un accord intergouvernemental était-il vraiment nécessaire ? La Suisse s’était engagée par courrier, dès 2018, à participer financièrement à l’opération de restructuration de la plateforme douanière à hauteur de 50 % et elle avait accepté de renoncer à la clause de réciprocité initialement souhaitée. Ce courrier n’aurait-il pas pu suffire ?

L’accord signé le 31 mars 2021 engageant les finances de l’État, le Secrétariat général du Gouvernement a estimé qu’il relevait de l’article 53 de la Constitution et devait, à ce titre, recevoir une autorisation parlementaire.

Tant la France que la Suisse auraient préféré un délai plus court entre la signature de l’accord et sa ratification. La Confédération helvétique, qui dispose d’une procédure simplifiée, sans passage devant le Parlement, pour approuver ce type d’accords à la portée essentiellement technique, l’a ratifié moins d’un mois après sa signature. La procédure en France sera sans conteste plus longue, de sorte qu’il ne serait pas inutile de réfléchir sur le périmètre des accords qui doivent recevoir une autorisation parlementaire.


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   Examen en commission

Le mercredi 14 septembre 2022, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la restructuration de la plate-forme douanière de Saint-Louis - Bâle sur l’autoroute A35, en France entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la restructuration de la plateforme douanière de Saint-Louis - Bâle sur l’autoroute A35, en France, entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse.

À titre liminaire, je soulignerai que la France et la Suisse partagent une frontière longue de 570 kilomètres et que la ville de Bâle est la seule porte d’entrée, au Nord de la Suisse, pour le trafic de marchandises, lesquelles proviennent principalement des grands ports de la Manche et de la mer du Nord.

La plateforme douanière de Saint-Louis - Bâle, située à l’Est de l’autoroute A35, dans le département du Haut-Rhin, est dédiée au trafic de poids-lourds et permet d’accomplir les formalités douanières exigées pour le trafic routier de marchandises. L’infrastructure actuelle, datant des années 1990, n’est plus en mesure de faire face aux flux croissants de poids-lourds. Sa restructuration est impérative pour garantir la fluidité et la sécurité du trafic.

Signé à Berne le 31 mars 2021, l’accord dont il est demandé à notre assemblée d’autoriser l’approbation définit le périmètre et le montant des travaux décidés à cet effet, cofinancés à parité entre la France et la Suisse. Il précise en outre les travaux complémentaires réalisés et financés spécifiquement par chacune des parties.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. En vertu de l’article 53 de la Constitution, qui confère au Parlement le pouvoir d’autoriser la ratification de certains accords internationaux, notre commission examine régulièrement des accords d’importance majeure : ce fut le cas, il y a quelques années, de l’accord de libre-échange avec le Canada, dit CETA, et, il y a quelques mois, de celui autorisant l’élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande.

L’accord dont nous sommes saisis aujourd’hui ne présente pas la même ampleur. S’il est incontestablement utile, sa portée est beaucoup plus restreinte et son contenu technique. Son objet est de fixer le périmètre et le montant des travaux nécessaires à la restructuration de la plateforme douanière de Saint-Louis - Bâle, à la frontière avec la Suisse.

Cet accord est néanmoins intéressant si on le situe dans le cadre général des relations entre les deux pays. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, nous partageons une frontière de 570 kilomètres avec la Suisse et les échanges humains et économiques y sont incessants. Ce sont 190 000 ressortissants français qui, chaque jour, traversent la frontière pour aller travailler en Suisse. S’est mise en place une coopération transfrontalière qui concerne plusieurs grands domaines, dont la santé, l’environnement et les transports. La relation commerciale entre nos deux pays est en outre particulièrement intense : les échanges avec la Suisse s’élevaient l’année dernière à 32 milliards d’euros, ce qui en fait notre neuvième partenaire commercial. Les trois régions françaises frontalières, le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté et l’Auvergne-Rhône-Alpes, concentrent la moitié de ce commerce bilatéral. Enfin, fait suffisamment rare pour être mentionné, la France dégage un excédent commercial structurel avec la Suisse.

La Suisse est membre de l’espace Schengen mais pas de l’union douanière entre les États membres de l’Union européenne. En conséquence, les échanges de marchandises entre la France et la Suisse font l’objet d’un contrôle douanier.

Comme deux-tiers des échanges de marchandises se font par la voie routière, la frontière est soumise à un intense trafic de poids-lourds. Parmi les cinq principaux points d’accès qui connectent le territoire suisse à notre réseau routier national, la plateforme douanière de Saint-Louis - Bâle est l’unique point d’entrée au Nord de la Suisse pour le trafic de marchandises. Elle est empruntée chaque jour par environ 3 000 poids-lourds chargés de marchandises en provenance des grands ports de la Manche et de la mer du Nord, dont Rotterdam, Anvers et Le Havre. Son importance est donc grande.

Comme le souligne l’exposé des motifs, les difficultés proviennent du fait que l’infrastructure actuelle n’est plus en mesure de faire face aux flux croissants de poids-lourds : conçue pour 400 véhicules par jour, la plateforme en reçoit aujourd’hui 3 000 en moyenne. L’engorgement qui en résulte se traduit par de longues files d’attente sur l’autoroute A35, ce qui suscite trois types de problèmes : un transit d’une durée particulièrement longue pour les camions ; une situation dangereuse sur l’autoroute, comme le montre l’accident mortel qui a eu lieu en 2017 ; une pollution de l’air liée aux émanations des véhicules à l’arrêt.

Un projet de réaménagement de la plateforme a donc vu le jour afin – selon les termes du préambule de l’accord – d’améliorer tout à la fois la sécurité des usagers de l’A35, la fluidité du trafic et, indirectement, la qualité de l’air.

Au total, selon les estimations dont dispose l’administration, ce chantier permettra une augmentation de 50 % des capacités de stationnement et une réduction du même ordre du temps d’attente.

Cela sera-t-il suffisant, vu que le trafic de poids-lourds a été multiplié par sept sur la plateforme au cours des trente dernières années et qu’il pourrait croître davantage ? On peut en douter et craindre qu’il faille, dans un avenir proche, envisager de nouveaux travaux. Mais, comme le disent les techniciens, « on est allé au maximum de ce qu’on pouvait faire au niveau des emprises dans une zone urbanisée ».

Pourquoi a-t-il été nécessaire de conclure un accord avec la Suisse ? Parce que cette plateforme permet de réaliser des contrôles douaniers aussi bien suisses que français.

L’accord a deux objets. Le premier est de définir le périmètre des travaux nécessaires et la responsabilité qui revient à chaque partie. Comme la plateforme est située sur le territoire français, l’accord prévoit que l’essentiel des travaux – le rétablissement des voiries, la réalisation du parking, les dispositifs de signalisation et d’éclairage – seront réalisés par la partie française. Le chantier est déjà bien engagé et son aboutissement est prévu au début de 2023. Le deuxième objet est de fixer les modalités de financement. La France et la Suisse se sont entendues pour prendre en charge à parité le coût des travaux, qui est d’environ 7 millions d’euros, aucun dérapage budgétaire n’étant à déplorer à ce jour. Toutefois, la Suisse ne versera sa contribution à la France qu’après la ratification de la convention. C’est pourquoi j’appelle notre commission à voter en faveur de celle-ci.

Pour conclure, je souhaite partager avec vous une réflexion que m’a inspirée l’examen de cet accord. Il aura fallu sept ans de négociations pour le conclure. Avant qu’il n’entre formellement en vigueur, il faut encore que le Parlement en autorise la ratification. La Suisse, qui dispose d’une procédure simplifiée pour approuver ce type d’accords, à la portée essentiellement technique, a pu le ratifier moins d’un mois après sa signature. N’aurions-nous pas intérêt à nous doter d’une procédure similaire ?

Mme Olga Givernet (RE). Le présent accord peut paraître technique et limité à un territoire, mais il témoigne d’une réalité que nous vivons, nous, frontaliers, au quotidien – je peux en témoigner, en tant que députée de l’Ain. Vous l’avez souligné, madame la rapporteure, la coopération franco-suisse intervient dans plusieurs domaines, dont la santé et les transports ; c’est ce qui fait de cet espace un véritable bassin de vie. Il importe donc que les travaux progressent aussi vite que possible, même si la continuité urbaine entre Bâle et Mulhouse peut susciter des difficultés. L’accord doit être ratifié dans des délais raisonnables afin que les crédits correspondants soient débloqués, la Suisse participant au financement des travaux aussi du côté français.

Je rappelle que la Suisse a quitté la table des négociations avec l’Union européenne. Il serait bon d’y remédier. La France gagnerait à ce que ces négociations aboutissent. Il reste en effet d’autres questions importantes à régler, comme le télétravail des frontaliers ou les accords sanitaires transfrontaliers. La ratification du présent accord devrait être l’occasion de souligner la diversité des sujets liés à la coopération entre nos deux pays.

M. Joris Hébrard (RN). Si ce projet de loi est de bon sens et purement technique – notre groupe votera en sa faveur –, il n’en soulève pas moins quelques questions. Ainsi, l’accord définit le périmètre, le montant et la clé de répartition des travaux, mais il n’en précise pas l’horizon, ni le terme. Un planning, même approximatif, n’aurait pas nui à la bonne information du législateur.

On peut en outre se demander, au vu de l’historique du dossier, qui remonte à la fin des années 2000, si la situation de référence, donc le calibrage de la restructuration, est adaptée à l’activité routière actuelle et à celle des années à venir. J’espère que c’est le cas mais une confirmation serait bienvenue, d’autant que l’étude d’impact indique que l’infrastructure actuelle était déjà obsolète quinze ans après sa réalisation.

Cela m’amène à faire une digression sur la lenteur des pouvoirs publics quand il s’agit de réaliser des travaux de ce type – une réalité que les élus locaux connaissent bien. Il serait temps que, dans un souci d’économie et d’efficacité et en vue d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, l’État simplifie les procédures de réalisation des infrastructures routières. Aujourd’hui, le temps que tout soit terminé du point de vue réglementaire, le monde a changé !

Nous pourrions en profiter aussi pour demander aux Suisses des conseils en matière de protectionnisme économique et territorial… Ils ont l’air de s’y connaître !

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Je souhaite appeler votre attention sur l’objectif affiché d’améliorer la qualité de l’air en fluidifiant le trafic à la plateforme douanière. Bien que ce soit plus que souhaitable dans le contexte d’urgence climatique, il ne s’agit que d’un pansement vu les risques que font courir les émissions de CO2 sur l’environnement et la santé. En 2019, le transport, en particulier routier, était le secteur d’activité le plus polluant, représentant 31 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Celles-ci constituent un réel danger pour l’ensemble de la population, puisque, selon une étude de Santé publique France, 48 000 décès prématurés par an sont imputables à la pollution de l’air extérieur. Il est donc nécessaire de trouver d’autres solutions, comme le développement du fret ferroviaire, que recommande l’Agence européenne pour l’environnement. Des mesures sont-elles prévues afin de mettre le projet de restructuration de la plateforme en cohérence avec les impératifs de l’action climatique ?

En outre, dans leur souci d’optimisation de la plateforme douanière, le projet de loi et l’accord négligent un élément central : les personnels douaniers, dont les compétences et l’action sont essentielles au bon fonctionnement du dispositif. Tous les travaux de restructuration de la plateforme ne sauraient contrecarrer les effets destructeurs des politiques menées à l’encontre des douanes ces dernières années. Le secteur est soumis à d’incessantes réformes depuis 2002, notamment le transfert des missions fiscales de la direction générale des douanes et droits indirects vers d’autres entités du ministère de l’économie ; on se prive ainsi de l’expertise de personnels spécialisés. Cela se traduit aussi et surtout par des suppressions d’emploi massives : selon les syndicats, en l’espace de vingt ans, près de 6 000 postes ont disparu.

La plateforme de Saint-Louis - Bâle n’est pas épargnée. Elle est en sous-effectif permanent depuis des années. Les personnels dénoncent des conditions de travail et d’accueil des usagers déplorables, ainsi qu’un manque criant d’équipements et de ressources lié à un défaut de financement par l’État. Cela empêche les personnels de mener à bien leurs missions, notamment le ciblage et le contrôle des marchandises, alors même que les enjeux de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en Suisse restent importants. La restructuration de la plateforme ne pourra se faire en dépit et aux dépens des personnels douaniers. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de leur garantir des conditions de travail décentes ?

Eu égard aux effets positifs que la restructuration de la plateforme aura sur la sécurité routière, la fluidité du trafic et la qualité de l’air, le groupe LFI-NUPES votera en faveur de la ratification de l’accord mais il appelle à une vigilance renforcée, afin d’agir en profondeur sur les problématiques environnementales, fiscales et sociales que je viens de mentionner.

Mme Laurence Vichnievsky (DEM). Nous pouvons nous féliciter que la France et la Suisse aient trouvé un accord équilibré, dont l’objet principal est de fluidifier le transport de marchandises entre des territoires de plus en plus connectés. La plateforme douanière de Saint-Louis - Bâle, principale porte d’entrée en Suisse de marchandises en provenance des grands ports d’Europe du Nord, a vu le nombre de passages de camions augmenter dans des proportions comparables à celles de l’accroissement du commerce mondial ; les équipements de 1990 ne convenaient donc plus. Au-delà de la nécessaire amélioration des conditions de circulation, c’est la qualité de vie des riverains qui est en jeu.

L’autoroute A35, l’un des axes principaux du commerce le long du Rhin, cause des désagréments aussi bien en matière de sécurité que de pollution. Ces nuisances sont d’autant plus regrettables qu’elles sont dues en partie au report de trafic, du fait de l’existence d’une écotaxe sur l’autoroute allemande. L’instauration d’une taxe poids-lourds, à partir de 2024, par la collectivité européenne d’Alsace aura des conséquences sur lesquelles on peut aussi s’interroger. Il serait intéressant que la France et la Suisse travaillent sur le report d’une partie des flux de marchandises vers le rail, un domaine dans lequel nos voisins helvètes sont très en avance.

Notre groupe soutient pleinement ce projet d’accord, qui améliorera les conditions de vie de nos concitoyens résidant à la frontière suisse.

M. Alain David (SOC). Je vous remercie, madame la rapporteure, pour cet exposé limpide qui éclaire nos réflexions sur un sujet très ciblé et technique. Cet accord contribuera à améliorer la fluidité et la sécurité du trafic, ainsi que la qualité de l’air, sur l’A35. Il acte également la juste participation financière de notre voisin, ce dont on peut se féliciter. Notre groupe approuve ce projet.

Ce type de textes offre l’occasion d’aborder des questions plus larges concernant les relations bilatérales. Quant aux délais de ratification, j’entends vos arguments. Néanmoins, nous tenons au processus français, bien que plus long et laborieux, car il garantit la souveraineté du Parlement et le rôle de notre commission.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Je tiens à remercier Brigitte Klinkert pour le rapport très instructif qu’elle a rédigé sur un texte technique et néanmoins essentiel pour les usagers et les riverains de cette plateforme. L’accord franco-suisse renforce la coopération dans les transports et en matière douanière ; il garantit aussi le versement de la participation suisse aux travaux, qui représentent environ 7 millions d’euros. La maîtrise d’ouvrage est assurée par la collectivité européenne d’Alsace, laquelle travaille à l’instauration d’une écotaxe qui devrait rééquilibrer le trafic dans la vallée rhénane.

Sur ce site majeur de jonction entre réseaux français et suisses, les travaux devraient réduire de moitié le temps d’attente, améliorer la qualité de l’air et renforcer la sécurité des usagers – rappelons que 200 000 Français vivent en Suisse et que 190 000 autres sont des travailleurs transfrontaliers. Cette plateforme douanière, qui accueille les flux de marchandises provenant des ports belges et néerlandais, est le seul point reliant notre réseau routier au nord de la Suisse. Comme à Lauterbourg, Scheibenhard ou Beinheim, au Nord de l’Alsace, les infrastructures à l’entrée de notre pays sont aussi l’image de la France.

Je partage le questionnement de la rapporteure sur la procédure et le périmètre des accords nécessitant une autorisation parlementaire. Notre groupe soutiendra pourtant ce texte, aboutissement d’un processus engagé depuis la réalisation des premières études en 2008.

M. Bertrand Pancher (LIOT). Notre groupe est évidemment favorable à la coopération transfrontalière entre la France et la Suisse et à cet accord, qui devrait permettre de fluidifier le trafic et d’améliorer ainsi la sécurité routière et la qualité de l’air.

Je rappelle que les routes alsaciennes sont surchargées depuis l’établissement outre-Rhin, en 2005, d’une taxe sur les poids-lourds. Je voudrais insister sur l’erreur, je dirais même la grave faute politique, qui a conduit une ancienne majorité à revenir sur l’instauration de cette taxe en France, une des grandes avancées du Grenelle de l’environnement. Ce simple coup de tête de Ségolène Royal s’est conclu par un scandale financier puisque la France s’est retrouvée avec une ardoise de 1 milliard d’euros ! Quelle folie !

Le président de la collectivité européenne d’Alsace a annoncé en mars la mise en place d’une taxe poids-lourds pour rééquilibrer les flux Nord-Sud entre l’Allemagne et l’Alsace. Nous nous en réjouissons, estimant qu’il s’agit là d’un outil autonome fiscal et de préservation environnementale qui est indispensable pour donner aux exécutifs locaux une base différenciée s’ils le souhaitent. Nous espérons que cet impôt, vert et juste, sera à nouveau généralisé dans notre pays.

M. Bruno Fuchs. Les Allemands, eux, ont réussi à régler la question depuis longtemps et ils n’ont pas ces problèmes d’embouteillages ; je considère, comme mes collègues, que les lenteurs administratives et les délais imposés par nos procédures de décision entravent la vie quotidienne de nos concitoyens. Car il ne s’agit pas seulement des marchandises mais aussi de la liberté de déplacement des Français qui se rendent en Suisse – 30 000 y travaillent. Ils doivent parfois patienter une heure sur l’autoroute et leur sécurité est en jeu puisque certains empruntent la bande d’arrêt d’urgence. Nous devons trancher au plus vite et approuver la ratification de cet accord, même si – le processus est quelque peu étrange – les travaux ont déjà commencé.

Par ailleurs, cette opération n’aura d’effet que si elle s’accompagne d’autres aménagements. Les liaisons ferroviaires avec l’aéroport de Bâle-Mulhouse doivent être plus fluides, la deuxième tranche de la ligne à grande vitesse doit être achevée et il faut accélérer le ferroutage. Les Suisses doivent également élargir les horaires d’ouverture des bureaux de dédouanement car les camions stationnent dès le dimanche soir sur l’autoroute. Enfin, la collectivité européenne d’Alsace doit instaurer au plus vite la taxe poids-lourds pour rééquilibrer le trafic routier.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Une inquiétude m’est venue en écoutant votre exposé, madame la rapporteure. L’augmentation du trafic routier est vraisemblablement appelée à se poursuivre ; si les nouvelles infrastructures devaient s’avérer insuffisantes, et dans la mesure où l’emprise foncière est limitée, comment pourra-t-on réaliser d’autres travaux ? Je crains que l’on ne soit tenté de refaire, ailleurs, quelque chose de complètement différent.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Madame Givernet, le Conseil fédéral suisse a fini par constater, après des années de négociations, qu’il n’y avait pas de majorité en faveur de l’accord-cadre institutionnel avec l’Union européenne, qui portait sur de nombreux sujets, très concrets, tels que la libre circulation des personnes et le régime des travailleurs détachés. Il sera difficile de remettre ce projet sur les rails mais il ressort de mes auditions, notamment celle de l’ambassadeur de Suisse à Paris, que nos voisins souhaiteraient avancer. Même si l’Union européenne reste prudente à cet égard, nous devrons remettre l’ouvrage sur le métier : des centaines de milliers de frontaliers sont concernés.

La question de la santé est évidemment prioritaire. Des avancées doivent avoir lieu sur le plan transfrontalier. En la matière, je saisis cette occasion de remercier la Suisse, au nom de la commission, d’avoir accueilli des patients atteints par le Covid au printemps 2020, ce qui a permis de soulager nos hôpitaux.

Monsieur Hébrard, la date de la fin des travaux n’avait pas à être mentionnée dans l’accord qui nous est soumis. Les chiffres retenus datent non de 2008, année où les premières études ont été lancées, mais de 2014. S’agissant des délais, je ne jette la pierre à personne. Les négociations ont impliqué de multiples acteurs : la gendarmerie, les douanes, la direction interdépartementale des routes et les autorités équivalentes du côté suisse. Par ailleurs, les riverains et les élus locaux ont été très attentifs à la question – c’était très bien ainsi –, et une concertation importante a eu lieu. Le délai tient aussi à la durée des études : il fallait prendre en considération, de la manière la plus globale possible, les dysfonctionnements de la plateforme actuelle et son environnement, très contraint en raison d’une urbanisation très forte. La lourdeur de l’opération et les arbitrages qui devaient intervenir tant du côté français que du côté suisse ont également joué. Le plus long, néanmoins, fut la négociation, en tant que telle, de l’accord : sept ans se sont écoulés entre la sollicitation d’une participation de la Confédération suisse au financement du réaménagement de la plateforme et la signature du texte.

Le fret ferroviaire, qui a notamment été évoqué par Mme Leboucher, devra bien sûr être développé, ne serait-ce qu’en raison des enjeux climatiques. Dans le couloir rhénan, le trafic ferroviaire est essentiellement Nord-Sud. On voit très peu de poids lourds sur les routes et les autoroutes en Suisse : ils circulent sur des trains. Nous devons travailler ensemble sur cette question, en examinant les problèmes techniques que cela soulèverait, liés notamment à l’écartement des rails et au relief – s’il n’y a pas aujourd’hui de trafic ferroviaire Est-Ouest, c’est bien pour cette raison. Le report modal, sur le transport ferroviaire, est la seule solution d’avenir, à moyen et à long terme.

L’accord vise à moderniser la plateforme, grâce à de nouvelles technologies, pour améliorer l’accueil des poids-lourds, faciliter toutes les formalités douanières et donner en conséquence de meilleures conditions de travail aux personnes œuvrant sur place.

Madame Vichnievsky, l’un des buts du texte est effectivement d’améliorer la qualité de vie des riverains, en particulier la qualité de l’air. L’A35 est un axe routier très emprunté par les poids-lourds. Depuis que l’Allemagne a instauré une taxe sur les poids lourds circulant sur les autoroutes, il y a plus de dix ans, un report très important du trafic vers l’Alsace s’est produit. La loi relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace permet donc la création d’une taxe sur les poids lourds. Le travail qui est en cours devrait aboutir en 2024. Cela permettra peut-être aussi d’améliorer la situation entre Saint-Louis et Bâle.

Des bénéfices importants sont attendus, grâce au présent accord, en ce qui concerne non seulement la fluidité et la sécurité du trafic routier mais aussi sur le plan climatique et en matière de pollution. La fin des travaux est prévue, je l’ai dit, pour 2023. Il faut penser dès à présent à la suite, avec les Suisses et également avec les Allemands.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci pour votre présentation de ce texte qui, sous des dehors techniques, touche à des problèmes centraux pour l’aménagement du territoire, l’aménagement de l’Europe et les rapports entre la France, l’Allemagne et la Suisse.

*

Article unique : Autorisation de l’approbation de l’accord relatif à la restructuration de la plate-forme douanière de Saint-Louis - Bâle sur l’autoroute A35, en France, entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 


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   Annexe 1 : texte adopté par la commission

 

Article unique

(Non modifié)

 

Est autorisée l’approbation de l’accord relatif à la restructuration de la plate-forme douanière de Saint-Louis - Bâle sur l’autoroute A35, en France entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, signé à Berne le 31 mars 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 175)

 


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   ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR
LA RAPPORTEURe

 

Mme Sophie BEL, sous-directrice de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, Mme Claire GIROIR et M. Pierre DOUSSET, conseillers juridiques à la mission des accords et traités ;

M. Stanislas de ROMÉMONT, adjoint au sous-directeur du pilotage de l'entretien et de l'exploitation du réseau routier national non concédé et de l'information routière au ministère de la Transition écologique ;

S.E. M. Roberto BALZARETTI, ambassadeur de Suisse en France.

 

    


([1]) « Les échanges commerciaux bilatéraux France-Suisse », article rédigé par la DG Trésor, 21 avril 2022, accessible à travers ce lien.

([2]) La Suisse représente notre premier excédent commercial bilatéral pour les services.

([3]) Sur la base de la convention entre la France et la Suisse relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route du 28 septembre 1960.

([4])  À titre de comparaison, il existe quarante-deux BCNJ entre la France et l’Allemagne, vingt-huit avec la Belgique, dix avec l’Italie et treize avec l’Espagne. Le BCNJ est donc un outil largement utilisé pour la réalisation des contrôles frontaliers.

([5]) Le pacage correspond au terrain sur lequel un éleveur fait paître son bétail. Il peut arriver, par exemple, lors d’une transhumance en zone frontalière, qu’un troupeau se déplace du territoire suisse au territoire français. Le BCNJ doit permettre de faciliter la réalisation des formalités relatives à ces mouvements de bétail.

([6]) L’OFROU est l’autorité suisse compétente pour l’infrastructure routière et le trafic individuel. Il dépend du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).