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N° 282

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de programmation des finances publiques
pour les années 2023 à 2027
(n° 272),

 

 

 

Par M. Jean-René CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Travaux de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques sur l’avis du Haut conseil relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Discussion générale

Examen des articles

Titre Ier Orientations pluriannuelles des finances publiques

Article 1er Approbation du rapport annexé

Chapitre Ier Le cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques

Article 2 Définition de l’objectif à moyen terme (OMT)  et de la trajectoire de solde structurel

Article 3 Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires

Article 4 Trajectoire d’effort structurel

Article 5 Mécanisme de correction

Article 6 Plancher annuel des mesures nouvelles afférentes  aux prélèvements obligatoires

Article 7 Encadrement dans la durée des dépenses fiscales

Après l’article 7

Article 8 Plafond des taxes affectées

Après l’article 8

Chapitre II Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales

Article 9 Objectif de dépenses de l’État

Article 10 Objectif d’exécution des schémas d’emplois pour la période 2023-2027

Article 11 Plafond des autorisations d’emplois pour le budget général et les opérateurs de l’État

Article additionnel après l’article 11 Évaluation des compétences des opérateurs de l’État

Article 12 Programmation du budget de l’État pour chaque mission  du budget général en crédits de paiement

Article 13 Montant maximal des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales pour la période 2023-2027

Article 14 Évolution du ratio entre les dépenses défavorables et les dépenses mixtes ou favorables

Article 15 Instrument de pilotage des dispositifs d’aides aux entreprises

Chapitre III Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales

Article 16 Objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement pour l’ensemble des collectivités locales

Article additionnel après l’article 16 Engagement des collectivités territoriales  dans une démarche de « budget vert »

Chapitre IV Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques de sécurité sociale

Article 17 Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)

Article 18 Encadrement des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et de l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

Article 19 Mise en réserve d’une fraction du montant de l’objectif national  des dépenses d’assurance maladie

Article 20 Instrument de pilotage des « niches sociales »

Titre II Dispositions relatives à la gestion des finances publiques  et à l’information et au contrôle du Parlement

Chapitre Ier Ensemble des administrations publiques

Article 21  Dispositif d’évaluation de la qualité de l’action publique

Chapitre II Administrations publiques centrales

Article 22 Interdiction faite aux organismes divers d’administration centrale  de contracter des emprunts d’une durée supérieure à un an

Chapitre III Administrations publiques locales

Article 23 Objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement par strates  de collectivités et suivi de la trajectoire

Chapitre IV Administrations de sécurité sociale

Article 24 Transmission par le Gouvernement de la décomposition du solde des administrations de sécurité sociale entre différentes catégories d’organismes

Chapitre V Autres dispositions

Article 25 Bilan annuel de la mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques

Article 26 Abrogation de dispositions de lois de programmation  des finances publiques antérieures


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   Introduction

 

Sixième projet de loi de programmation des finances publiques à être présenté au Parlement depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a introduit, à l’article 34, cette nouvelle catégorie de loi, le présent projet de loi est le premier à s’inscrire dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances tel que modifié par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

Il répond ainsi à de nouvelles exigences posées par le Parlement. En particulier, son article 1er prévoit l’approbation du rapport de présentation du cadrage macroéconomique, des perspectives en matière de finances publiques et des mesures destinées à garantir le respect de la programmation. Son article 3 fixe, notamment, l’évolution de l’agrégat des dépenses considérées comme des dépenses d’investissement, afin d’avoir une meilleure appréhension des dépenses d’avenir. Son article 12 détermine les plafonds de crédits pour les missions du budget général de l’État sur trois ans.

Le présent projet de loi a pour ambition de définir la trajectoire des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et d’assurer les moyens de son pilotage, dans un contexte économique incertain puisque la France, après avoir fait face à la crise sanitaire, est confrontée à des chocs économiques externes qui conduisent à des niveaux d’inflation qu’elle n’avait pas connus depuis ces 35 dernières années.

Cette trajectoire a pour objectif de réduire le déficit public de telle sorte qu’il soit inférieur à 3 % de la richesse nationale à l’horizon de 2027 et de diminuer, dès 2026, le ratio de la dette publique rapportée au PIB. Après s’être établi à 112,8 % en 2021, ce dernier atteindrait 111,7 % en 2025 avant de baisser pour atteindre 110,9 % en 2027. Elle a également pour but de financer la réalisation d’investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, soutenir la compétitivité des entreprises et atteindre le plein emploi.

Pour atteindre ces objectifs de maîtrise des finances publiques, le présent projet de loi propose des évolutions bienvenues en matière de bonne gestion comme le bornage systématique pour une durée de quatre ans des nouvelles niches fiscales (article 7) et sociales (article 20), le plafonnement de toutes les taxes affectées accompagné de la règle selon laquelle le montant de chaque plafond ne peut excéder 105 % du rendement attendu de l’imposition considérée (article 8), l’extension aux opérateurs de l’État du mécanisme d’abattement automatique de la vacance structurelle sous plafond d’autorisations d’emplois qui existe pour les emplois ministériels (article 11), le bornage systématique pour une durée de cinq ans au plus des mesures nouvelles ou prolongées d’aides aux entreprises – toute mesure d’extension ou de prolongation devant être accompagnée d’une évaluation du Gouvernement au Parlement –, le plafonnement des dépenses sociales au regard de l’ensemble des recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (article 20) et, enfin, la conduite systématique par les pouvoirs publics d’évaluations de la qualité de l’action publique portant sur les dépenses publiques, ainsi que sur les niches fiscales et sociales, ces évaluations devant conduire à des mesures d’amélioration (article 21).

Des mesures sont également prévues pour les collectivités territoriales, comme l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement de ces collectivités et de leurs établissements publics au niveau de l’inflation minorée de 0,5 point (article 16) et le suivi national spécifique des dépenses réelles de fonctionnement de chaque strate de collectivités territoriales, assorti d’un dispositif de retour individualisé – et le cas échéant de sanction – à l’objectif d’évolution pour celles ne respectant pas cet objectif quand leur strate ne le respecte pas (article 23).

Au-delà des moyens prévus au titre de la programmation du budget de l’État (article 12), le texte contient des mesures destinées à favoriser la transition écologique, comme la fixation d’un objectif de réduction de l’impact environnemental de ce budget qui consiste en l’amélioration de 10 % sur la période de programmation du ratio entre les dépenses défavorables à l’environnement et les dépenses favorables ou mixtes (article 14).

Au total, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 s’inscrit pleinement dans l’objectif, défini à l’article 34 de la Constitution, d’équilibre des comptes publics. Fixant l’objectif à moyen terme de solde des administrations publiques et les trajectoires de soldes convergeant vers cet objectif, il est également l’instrument de mise en œuvre des engagements pris par la France en matière d’encadrement budgétaire dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Ce texte constitue enfin la base de référence du Haut conseil des finances publiques pour rendre son avis sur les éventuels écarts entre l’exécution de l’année passée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques, à l’occasion du dépôt, au printemps, du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année.

Aussi, malgré les réserves qu’il a soulevées sur les hypothèses de construction du présent projet de loi, M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques, a-t-il souligné, lors de son audition du 28 septembre 2022, que « Sans loi de programmation, nous travaillons dans le vide. Dès lors, le Conseil constitutionnel et les institutions européennes pourraient estimer que, le Haut Conseil ne disposant pas des informations nécessaires à la production de ses avis, une partie substantielle des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale fait défaut », avant d’ajouter que « L’absence d’une telle loi poserait problème. Elle est nécessaire au bon déroulement du processus d’adoption des lois de finances, à l’information des autorités européennes, à la crédibilité de notre pays. C’est une ancre dont nous avons besoin. Qu’il y ait débat, je le conçois mais je le répète avec force, l’absence de LPFP ne serait pas anodine ».

Pour sa part, M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics a indiqué, lors de l’examen du texte en commission le 4 octobre 2022, que « la non-adoption du PLPFP pourrait entraîner un retard de versement, voire une amputation, des fonds européens du plan de relance – certains sont conditionnés à l’adoption par les différents États d’une loi de programmation des finances publiques ».

Malgré ces mises en garde, la commission des finances, après avoir adopté la quasi-totalité des articles du présent projet de loi – à l’exception de l’article 23 relatif à la fixation et au suivi d’un objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement par strates de collectivités territoriales –, a rejeté l’ensemble du texte.

 


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   Travaux de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Au cours de sa séance du lundi 26 septembre 2022, la commission a procédé à l’audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 272).

M. le président Éric Coquerel. Nous auditionnons Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué, chargé des comptes publics, au sujet du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, adoptés ce matin en Conseil des ministres. Même si nous avons déjà examiné un projet de loi de finances rectificative (PLFR), il s’agit du premier budget initial de ce quinquennat.

Nous entamons ainsi l’examen des textes budgétaires de l’automne, selon une séquence un peu exceptionnelle, puisque c’est la première fois depuis 2017 que le Gouvernement se livre à un exercice de programmation pluriannuelle. C’est aussi cet automne que nous inaugurons la plupart des innovations introduites par la réforme de la loi relative aux lois de finances (LOLF), promulguée le 28 décembre 2021.

Parmi ces innovations, on peut citer : dans l’article liminaire, la présentation des prévisions de dépenses en volume et en valeur, pour l’ensemble des administrations publiques et par sous-secteurs ; en première partie, l’introduction d’un article recensant la liste exhaustive des taxes affectées et leur éventuel plafond d’affectation, la présence de l’ensemble des mesures fiscales, quelle que soit l’année de leur effet sur le budget de l’État ainsi que la présentation des ressources et des dépenses en distinguant fonctionnement et investissement, dans l’article d’équilibre ; en seconde partie, deux nouveaux états annexés, l’un récapitulant l’ensemble des moyens par mission du budget général, l’autre énumérant l’intégralité des objectifs et indicateurs de performance des missions. Enfin, même si cela peut sembler plus anecdotique, les documents budgétaires sont désormais intégralement dématérialisés.

S’agissant du calendrier d’examen des textes que les ministres vont nous présenter, nous débuterons en commission par l’examen du projet de loi de programmation et de la première partie du PLF, dès mardi prochain, 4 octobre, puis le mercredi et le jeudi. Le délai de dépôt des amendements est fixé au vendredi qui précède, à 17 heures, ce qui laissera un peu plus de quatre jours.

En séance publique, après une discussion générale commune au projet de loi de programmation des finances publiques et au projet de loi de finances, nous commencerons par l’examen des articles du projet de loi de programmation, dès le lundi 10 octobre, puis nous poursuivrons avec l’examen de la première partie du PLF. Cette dernière discussion devrait s’achever le mercredi 19 octobre, avec le débat sur le prélèvement au profit de l’Union européenne, le vote solennel sur l’ensemble de la première partie devant avoir lieu le mardi suivant, après les questions au Gouvernement, en même temps que le vote solennel sur le projet de loi de programmation des finances publiques.

J’utilise le conditionnel pour le calendrier de la séance publique, à l’inverse du calendrier de la commission, car cela dépendra du tour que prendront les discussions et de ce que le Gouvernement pourrait décider de faire. La seule certitude que nous pouvons avoir, d’un point de vue procédural, c’est qu’il faut que la première partie du PLF soit adoptée avant que nous passions à l’examen de la seconde partie.

En commission, l’examen de cette seconde partie commencera le mercredi 19 octobre. Jusqu’au mercredi suivant, la commission se saisira successivement de toutes les missions, qui seront inscrites à l’ordre du jour de la séance publique à compter du jeudi 27 octobre et jusqu’au jeudi 10 novembre.

Il faudra également examiner en commission les articles non rattachés, le mercredi 2 novembre, en vue d’un passage en séance publique le lundi 14 novembre.

Le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2023 interviendrait, sous réserve de la tournure des débats, le mardi 15 novembre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis très heureux de vous retrouver, avec Gabriel Attal, pour vous présenter le premier budget de ce nouveau quinquennat et le sixième consécutif pour notre majorité et votre serviteur. Ce n’est pas un budget de rigueur, ni de facilité, mais un budget responsable et protecteur, dans des temps de grande incertitude, et un budget qui veut atteindre un juste équilibre entre la protection nécessaire de nos compatriotes et le rétablissement indispensable des finances publiques. Par ailleurs, c’est un budget qui tient la ligne économique qui a toujours été la nôtre depuis 2017 : le travail, sa juste rémunération, la croissance et l’investissement.

Ce budget, je l’ai dit, a été défini dans une période de très fortes incertitudes économiques. Je n’en citerai que quelques-unes : la poursuite de la guerre en Ukraine, dont l’issue est incertaine et qui a un impact majeur sur les prix de l’énergie, les difficultés économiques de beaucoup de partenaires, comme les États-Unis, la Chine, du fait de sa stratégie contre le covid, et l’Allemagne, mais je pense aussi aux mouvements politiques en Europe et à leur incidence éventuelle sur la zone euro.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler la résistance de l’économie française. Il a été dit que l’objectif de 2,3 % de croissance en 2022 ne pourrait pas être atteint, mais notre perspective de croissance est actuellement de 2,7 % pour cette année. La consommation des ménages a rebondi et l’emploi tient, de même que les investissements. Pour toutes ces raisons, malgré les incertitudes que j’ai rappelées, nous maintenons une prévision de croissance positive, de 1 %, en 2023.

Notre priorité absolue, dont vous parlent nos compatriotes dans vos circonscriptions et dont ils me parlent aussi lors de mes déplacements, c’est l’inflation. Elle est une menace directe pour les ménages les plus fragiles, pour les classes moyennes, pour les retraités qui ne peuvent pas augmenter leurs revenus, et c’est un facteur de désorganisation des chaînes de valeur, qui peut obliger certaines entreprises industrielles à réduire leur production, tout simplement parce que leur facture d’énergie est trop élevée, voire à délocaliser. Nous avons eu l’occasion vendredi dernier, en Haute-Savoie, avec certains d’entre vous, de vérifier à quel point l’augmentation des prix de l’énergie a un impact significatif sur les PME et notre tissu industriel.

Notre priorité absolue est de faire reculer l’inflation, qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, de l’ordre de 6 %, avant de revenir autour de 4 % dans le courant de l’année 2023. Nous comptons nous y employer, d’abord, en maintenant un bouclier énergétique qui constitue la singularité de la politique économique française. Nous sommes le seul pays de la zone euro à avoir adopté dès l’automne 2021, sur la proposition du Président de la République, un bouclier énergétique qui a maintenu les prix de l’électricité et du gaz à des niveaux raisonnables. En conséquence, nous avons le taux d’inflation le plus faible de la zone euro : nous n’atteignons pas les 8 % à 12 % que connaissent certains États membres. Nous avons pris la décision de maintenir ce bouclier énergétique. Les prix du gaz et de l’électricité augmenteront, c’est vrai, mais de seulement 15 % au début de l’année 2023, alors qu’ils auraient dû augmenter de plus de 100 %.

Nous maintenons cette protection, à la fois juste pour les ménages et efficace pour notre économie. Le coût net est de 16 milliards d’euros, 11 milliards pour le gaz et 5 milliards pour l’électricité. Ce coût serait plus de trois fois plus élevé si nous n’avions pas déjà un mécanisme de redistribution des rentes des énergéticiens. Nous ne voulons pas de nouveaux impôts, mais nous refusons catégoriquement les rentes. Des énergéticiens qui touchent des revenus exceptionnels, non parce qu’ils ont investi mais uniquement parce que les prix flambent, doivent reverser de tels bénéfices à la collectivité, et ils le font déjà. C’est ce qui nous permet de financer le bouclier énergétique. Je ne veux laisser aucun doute : nous ne sommes pas pour le laisser-faire ou le laisser-aller, ni pour des impôts supplémentaires, mais nous sommes contre les rentes et nous récupérons leur produit, notamment en ce qui concerne les énergéticiens, pour financer le bouclier énergétique. Je me réjouis que la Commission européenne ait repris à son compte ce mécanisme. C’est la preuve de sa justice et de son efficacité.

Protéger nos compatriotes contre l’inflation, c’est également protéger tous ceux qui travaillent et tous ceux qui paient des impôts. Nous avons pris la décision d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur le niveau de l’inflation, hors tabac, c’est-à-dire 5,4 %. Nous aurions pu indexer le barème sur les salaires, mais nous avons fait un autre choix et nous le revendiquons : nous évitons ainsi à tous ceux qui sont soumis à l’impôt sur le revenu de payer davantage. C’est le sens de ce choix stratégique. Très concrètement, le revenu disponible après impôt restera le même pour tous les ménages, même si les salaires augmentent. Ceux qui travaillent en seront donc récompensés, au lieu de subir une privation à cause de l’inflation.

Nous voulons également protéger les entreprises, conformément à la stratégie que nous avons toujours suivie. Nous avons refusé que la crise du covid et la récession brutale qui a suivi emportent des pans entiers de l’économie française et conduisent à des dizaines de milliers de faillites. Nous ne voulons pas que ce qui n’est pas arrivé pendant cette crise se produise en raison de l’inflation. Il faut protéger notre tissu industriel contre les ravages de la flambée des prix de l’électricité et du gaz. Les plus petites entreprises, qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et emploient moins de 10 salariés, sont protégées par les tarifs régulés de vente, dont la hausse sera limitée à 15 %. Pour toutes les autres entreprises, nous mettrons en place un guichet simplifié, pour des aides allant jusqu’à 2 millions d’euros, qui sera opérationnel le 3 octobre. Le précédent dispositif n’ayant pas fonctionné, nous l’avons corrigé et simplifié. Nous avons notamment retenu comme critère le fait d’avoir des bénéfices en baisse sur un mois, au lieu de trois précédemment, et nous avons aussi simplifié le critère portant sur le chiffre d’affaires.

Reste la question des entreprises exposées à la concurrence internationale et dont les factures d’énergie sont particulièrement élevées. Je reprends l’exemple des décolleteurs de la vallée de l’Arve, qui produisent notamment des pièces de moteurs automobiles : s’ils cherchent à faire passer des hausses de prix de 5, 10, 15 ou 20 % à cause de l’évolution du coût de l’électricité, les marchés chinois ou américains ne verront pas pourquoi ils devraient payer plus cher puisqu’ils ne connaissent pas d’augmentation du prix de l’énergie. Il faut protéger – c’est une priorité absolue – ces entreprises qui consomment beaucoup d’énergie et qui ne peuvent répercuter la hausse de son coût sur les prix, parce qu’elles sont exposées à la concurrence internationale. J’ai fait des propositions à la Commission européenne pour modifier le dispositif existant, car il est insuffisant et trop complexe.

J’ai ainsi demandé que le critère de la part de l’énergie dans le chiffre d’affaires, qui est actuellement de 3 %, soit revu à la baisse et que le calcul porte non pas sur l’année précédente mais sur l’année en cours. En effet, des entreprises pour lesquelles la part de l’énergie dans le chiffre d’affaires était de 1 % ou 2 % en 2021 ne seront pas concernées par le dispositif alors que cette part représentera 5 % ou 6 % en 2022. J’ai également demandé que le critère de baisse de l’EBITDA – le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement – sur trois mois soit supprimé. Cela n’a aucun sens, dans une entreprise industrielle, d’attendre que l’EBITDA soit négatif sur trois mois. Au bout d’un mois, en général, une entreprise industrielle est déjà en très grande difficulté. Enfin, j’ai demandé que le plafond des aides soit doublé, jusqu’à 100 millions d’euros, de façon à apporter les sommes nécessaires aux entreprises qui en ont le plus besoin et dont les factures d’énergie sont les plus importantes.

Nous connaîtrons les réponses de la Commission dans les prochains jours, mais je peux déjà vous dire que les modifications de ces règles relatives aux aides d’État, qui devaient intervenir le 1er janvier 2023, auront lieu en octobre de cette année, grâce à l’intervention de la France. C’est pourquoi nous avons recommandé à toutes les entreprises concernées, avec le Président de la République, de ne pas signer leurs contrats énergétiques pour l’année 2023, mais d’attendre que les nouvelles règles soient établies.

S’agissant des collectivités locales, je rappelle qu’un fonds de 430 millions d’euros a été mis en place grâce à la loi de finances rectificative pour 2022 (LFR 2022) et que 30 000 communes bénéficient du tarif réglementé et sont donc protégées par le bouclier tarifaire.

Dans ce budget, nous poursuivons aussi la transformation de notre économie pour atteindre les objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés, avec le Président de la République et la Première ministre : le plein emploi en 2027 et le passage sous le seuil de 3 % du déficit public. Pour cela, notre stratégie reste la même : le soutien à la croissance, la réduction des dépenses et les réformes de structure.

Le soutien à la croissance se voit dans la baisse des impôts de production que nous poursuivons. C’est la traduction d’une politique de l’offre qui vise tout simplement à permettre à notre tissu économique, notamment industriel, de se développer. Nous sommes la seule majorité depuis vingt-cinq ans à avoir engagé une baisse des impôts de production. Je considère que c’est indispensable pour accélérer la reconquête industrielle de la nation française. On ne peut pas y arriver quand les industries sont lestées d’un tel boulet. Nous avons réduit ces impôts de 10 milliards d’euros et nous les réduirons encore de 8 milliards, en deux fois, d’abord en 2023 puis en 2024, pour tenir compte de la situation des finances publiques. Nous vous proposons, pour garantir que la parole est tenue, d’inscrire cette trajectoire sur deux ans dans le PLF pour 2023.

Afin de soutenir la croissance, nous nous appuierons aussi sur l’innovation, notamment dans le cadre de France 2030. Nous avons ainsi inscrit 6 milliards d’euros d’engagements dans le budget pour 2023. Nous veillons à ce que cet environnement plus favorable et le financement de l’innovation se traduisent bien, concrètement, par des décisions de relocalisation de productions industrielles, de sites industriels et de chaînes de valeur dans notre pays. C’est ce que nous avons fait avec GlobalFoundries pour les semi-conducteurs à Crolles, avec STMicroelectronics, et c’est aussi ce que nous voulons obtenir de l’industrie automobile et d’autres secteurs industriels.

Le deuxième volet de notre stratégie de rétablissement des finances publiques est la réduction des dépenses. Le « quoi qu’il en coûte » était la bonne réponse face à l’effondrement de notre économie. Cela nous a évité des dizaines de milliers de faillites et une explosion du chômage, et a été, au bout du compte, moins coûteux que les dépenses qui auraient été nécessaires pour réparer les dégâts d’une crise économique majeure. Mais le « quoi qu’il en coûte » serait une faute économique en période d’inflation. Nous y avons donc mis fin, et nous ne le rétablirons pas, je ne veux laisser aucune ambiguïté sur ce point. Rétablir le « quoi qu’il en coûte » reviendrait tout simplement à alimenter l’incendie inflationniste. Il faut, au contraire, mettre en place des aides ciblées sur les secteurs, les personnes, les industries, les entreprises qui en ont le plus besoin. Nous avons donc mis fin aux crédits de relance et aux dispositifs d’urgence. Même si certains demandent parfois de rétablir des dispositifs globaux de ce type, nous ne le ferons pas : ce serait une faute économique. Par ailleurs, et Gabriel Attal aura l’occasion d’y revenir, la progression des dépenses publiques restera inférieure au rythme de l’inflation, preuve de notre détermination à contenir l’augmentation de la dépense publique.

Enfin, je veux là aussi être très clair, nous ne pourrons pas rétablir nos finances publiques, baisser la dette et réduire les déficits si, en plus de la croissance et de la réduction des dépenses, nous n’engageons pas des transformations structurelles, qui sont au cœur de ce que notre majorité a promis au peuple français. Nous poursuivrons donc la réforme de l’assurance chômage, à un moment où près de 400 000 emplois ne sont pas pourvus, et nous engagerons une réforme des retraites. Nous ne le ferons pas pour le plaisir de réformer les retraites, mais d’abord parce que cette réforme a été promise par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle et qu’elle fait donc partie du mandat confié, à lui et à cette majorité, par le peuple français.

J’ai toujours été convaincu qu’il valait mieux, en matière de politique, tenir ses promesses. Nous ne pouvons pas dire, six mois après les élections, que nous pourrions abandonner une promesse de campagne centrale, sur laquelle un débat a eu lieu. Malgré des controverses ou des critiques, parfois, ce débat a été tranché par le peuple souverain, qui s’est prononcé en faveur d’un candidat proposant une réforme des retraites, laquelle comportait une modification de l’âge légal de départ à la retraite et des critères de calcul. J’ai la conviction qu’il vaut mieux tenir parole.

Deux voies s’ouvrent à nous si nous voulons financer notre modèle de solidarité. Ce modèle, auquel nous sommes tous attachés, est généreux et efficace, mais il est coûteux et il faut bien le payer. Il y a deux manières de le faire : soit on augmente les impôts, ce qui n’a jamais été la voie choisie par la majorité, soit on s’appuie sur plus de recettes, plus de prospérité et plus de travail. C’est notre voie, et c’est ce qui nous amène à la réforme des retraites. Par ailleurs, je suis convaincu que l’on peut faire une réforme juste, responsable, dans des délais raisonnables, tout en arrivant à obtenir l’adhésion de nos compatriotes.

Enfin, ce budget reste fidèle à notre détermination à accélérer la transition écologique et énergétique. Je serai, comme toujours, honnête avec vous : nous pourrions certainement faire mieux, et il est évident que le budget est un peu déporté, dans un sens qui n’est pas celui que nous aurions souhaité, par les aides et les subventions destinées à nos compatriotes s’agissant du gaz et, en 2022, des carburants – c’était une nécessité face à la crise de l’inflation. Je voudrais souligner certaines décisions qui figurent dans ce budget et qui sont importantes pour accélérer le verdissement, même si je pense que nous devrons faire plus et mieux dans les mois qui viennent.

Le budget de MaPrimeRénov’ passera de 2 milliards d’euros à 2,5 milliards en 2023, ce qui constitue une augmentation très significative. Comme l’ont montré les dialogues de Bercy, lancés par le ministre des comptes publics, nous devrons travailler ensemble à une amélioration de l’efficacité de ce dispositif en passant de rénovations par gestes individuels à des rénovations globales. C’est un des débats intéressants que nous pouvons avoir dans le cadre de ce PLF. Nous prévoyons aussi 1,3 milliard d’euros pour le verdissement du parc automobile, dont la transformation sera ainsi accélérée, et nous déploierons un fonds vert pour les collectivités territoriales, créé à la demande de la Première ministre et doté de 1,5 milliard d’euros. Enfin, nous amorçons un virage radical en matière de garanties à l’export. Pour la première fois de son histoire, la France n’accordera plus aucune garantie en matière d’export à aucune énergie fossile, depuis l’exploration jusqu’au raffinage et en passant par le transport.

S’agissant des finances publiques, je rappelle que nous voulons tenir l’objectif de 5 % de déficit public et ramener la dette à un peu plus de 111 % du PIB à la fin de l’année 2023. Tout cela demandera de la fermeté, de la constance, mais aussi de l’imagination. Je remercie Daniel Labaronne et les parlementaires qui ont travaillé avec lui sur des propositions pour réduire la dépense publique. Toutes les propositions qui nous permettront de respecter nos engagements nationaux et européens seront les bienvenues.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Bruno Le Maire a rappelé les aléas auxquels nous faisons face, en matière géopolitique et économique. Si l’on ne fait pas de politique avec une boule de cristal, on peut en faire avec une boussole. La nôtre, depuis le début de ces crises, est la protection des Français. Le budget que nous vous présentons est ainsi un budget de protection.

Le premier axe de protection est d’aider les Français à faire face à l’urgence des fins de mois. Le bouclier tarifaire, détaillé par Bruno Le Maire, représente une des dépenses importantes du budget pour 2023. L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu est aussi une mesure forte pour la protection du pouvoir d’achat des Français. J’ai parfois entendu dire que c’était une mesure automatique, appliquée chaque année. Or ce n’est pas le cas : certaines années, le barème n’a pas été indexé sur l’inflation, notamment pour les revenus de 2011 et de 2012. Ensuite, face à un tel niveau d’inflation et compte tenu des implications pour les finances publiques, convenez que la question peut se poser. Très concrètement, plus de 6 milliards d’euros – j’avais annoncé 6,2 milliards, mais ce sera en réalité 6,4 milliards – ne seront pas prélevés sur les Français au titre de l’impôt sur le revenu.

Le deuxième axe de protection est la poursuite du réarmement des services régaliens. Nous prévoyons ainsi 3 milliards supplémentaires pour la défense, conformément à la loi de programmation militaire, et 1,4 milliard de plus pour le ministère de l’intérieur, suivant la trajectoire inscrite dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), ce qui signifie plus de moyens pour les équipements et les technologies numériques, pour renforcer la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique, mais aussi plus de moyens pour les douanes, auxquelles je suis très attaché, en tant que ministre de tutelle – les douaniers bénéficieront de 144 millions supplémentaires entre 2022 et 2025, pour renforcer les équipements mobiles et améliorer notre flotte aérienne et navale. Enfin, nous poursuivrons le renforcement des moyens du ministère de la justice : ils augmenteront de 8 % pour la troisième année consécutive.

Troisième axe de protection, nous préparons l’avenir, en faisant le pari de l’éducation, en gagnant la bataille du plein emploi et en accélérant la transition écologique. Nous prévoyons une augmentation de 3,7 milliards d’euros pour l’éducation. Comme nous nous y étions engagés dans le cadre de la campagne présidentielle, aucun enseignant ne gagnera moins de 2 000 euros net par mois à compter de la rentrée prochaine. Pour ce qui est de la bataille du plein emploi, nous nous sommes fixé pour objectif de la gagner à l’horizon 2027 : 6,7 milliards d’euros de crédits supplémentaires seront investis pour l’emploi et pour l’apprentissage, notamment en vue d’arriver à un million d’apprentis d’ici à 2027. Cette bataille, je le redis, nous ne la gagnerons pas par davantage de pression fiscale. C’est la raison pour laquelle nous avons d’ores et déjà rendu 54 milliards aux ménages et aux entreprises au cours des cinq dernières années. Nous allons continuer à baisser les impôts lorsqu’ils sont néfastes au développement économique de notre pays, en supprimant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Et puis, préparer l’avenir, c’est protéger la planète. Nous agissons, vous le savez, d’une manière résolue en ce sens. Outre le fonds de 1,5 milliard d’euros qui a été annoncé par la Première ministre, il y aura 500 millions d’euros de plus pour MaPrimeRénov’ et 250 millions supplémentaires pour le plan Vélo.

Le quatrième axe de protection consiste à protéger les comptes publics. Nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte » pour entrer dans le « combien ça coûte ». Un euro dépensé est un euro raisonné, évalué et utile à la protection des Français. Nous avons une trajectoire, fixée dans le cadre du programme de stabilité. Nous tiendrons l’objectif de 5 % de déficit l’an prochain, après avoir tenu l’objectif pour cette année. Je rappelle que le déficit était de près de 9 % en 2020 : nous l’avons ramené à 6,4 % en 2021, et il est de 5 % en 2022. Il sera, de même, de 5 % en 2023, et nous serons revenus sous les 3 % en 2027. Nous le ferons, comme Bruno Le Maire l’a dit, en suscitant de l’activité économique par des réformes ambitieuses qui permettent d’améliorer l’emploi dans notre pays – plus il y a de Français qui travaillent, plus les recettes sont élevées et moins il faut de dépenses de réparation pour accompagner des Français qui ne travaillent pas –, mais aussi en maîtrisant la dépense publique. Elle diminuera de 2,6 % en volume en 2023, et la part des dépenses publiques rapportée au PIB se réduira, puisqu’elle passera de 57,6 % à 56,6 % du PIB l’an prochain, puis à 53,8 % en 2027. Nous poursuivrons, par ailleurs, le travail d’évaluation de la qualité de la dépense publique. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit des outils supplémentaires : son article 7 vise à systématiser les évaluations des dépenses fiscales avant leur éventuelle reconduction. C’est un outil dont le Parlement devra pleinement se saisir : nous sommes tous responsables de nos finances publiques.

Répondre à l’urgence, financer l’essentiel, préparer l’avenir et tenir les comptes, voilà les quatre axes qui structurent notre action et la stratégie que nous vous proposons pour protéger les Français dans cette période exceptionnelle.

Nous avons parfaitement conscience que les défis sont immenses, et c’est précisément pour cela que nous devons inventer ensemble une nouvelle méthode : c’est ce que nous avons voulu en lançant les dialogues de Bercy. Nous verrons dans les prochaines semaines si les pistes que nous avons dessinées ensemble permettent d’enrichir le texte. Je ne minimise en rien nos désaccords sur le fond : il y aura toujours ceux qui veulent augmenter les impôts et ceux qui veulent les baisser. Mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord sur tout qu’on ne peut discuter de rien. Et ces réunions, qui ont duré plus de dix heures et auxquelles une grande partie d’entre vous étaient présents, ont montré que nous étions capables de nous parler, de travailler ensemble et d’identifier des propositions et des solutions au service des Français.

De fait, le texte qui vous est présenté n’est pas celui qui avait été prévu avant le lancement des dialogues de Bercy, et il sera encore enrichi par nos travaux. Toute une série de mesures ont été imaginées à la suite de nos échanges. Ainsi, nous avons décidé de suspendre l’application de l’actualisation des bases locatives, qui était critiquée de toutes parts ; accepté de revaloriser plus encore que prévu les crédits de MaPrimeRénov’ et engagé un travail de révision de son barème pour soutenir davantage les rénovations globales ; enrichi le paquet « collectivités locales », notamment en échelonnant sur deux ans la suppression de la CVAE et en décidant de la compenser par une fraction de TVA.

Caroline Cayeux et moi-même venons d’annoncer devant le Comité des finances locales que nous allons renforcer les dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) l’an prochain, à hauteur de 210 millions d’euros ; c’est encore une proposition qui avait été émise dans le cadre des dialogues de Bercy – j’en remercie Christine Pires Beaune. Autrement dit, nous garantissons la stabilité de la DGF au niveau non seulement national, comme nous le faisions depuis cinq ans, mais aussi individuel – pour chaque collectivité –, comme le souhaitait également Jean-René Cazeneuve, grâce à un abondement des dotations de péréquation : la péréquation ne se fera plus « sur le dos » de la dotation forfaitaire, donc de certaines collectivités.

Nous souhaitons poursuivre un travail aussi partenarial que possible, au service de la protection de nos concitoyens.

M. le président Éric Coquerel. Lors de la discussion sur le programme de stabilité, nous avions été quelques-uns à évoquer le caractère optimiste de certaines prévisions du Gouvernement ; Bruno Le Maire avait alors déclaré que nous étions dans le pic inflationniste et que celui-ci allait encore durer quelques semaines, voire quelques mois. Force est de constater, et le Gouvernement l’admet, que ses prévisions, de croissance comme d’inflation, étaient bel et bien optimistes.

Vous avez eu l’honnêteté de dire que la situation économique est très instable et incertaine. Mais votre prévision de croissance de 1 % pour 2023, au lieu de 1,4 % précédemment, est optimiste par rapport à celle de la Banque de France, qui varie entre 0,8 % et une croissance négative de 0,5 %, c’est-à-dire une récession. De même, votre prévision d’inflation pour 2023 est réévaluée à 4,2 % – au lieu de 3,2 % dans le programme de stabilité –, alors que, selon la Banque de France, elle sera de 4,7 % au minimum et pourra monter jusqu’à 6,9 %. Au total, et au regard de l’objectif des 5 % de déficit, vos prévisions sont tout aussi optimistes que celles de juillet dernier. Je ne dis pas cela pour le plaisir, mais au vu de la conjoncture internationale et de ses conséquences possibles.

Vous aviez annoncé une augmentation des dépenses publiques de 0,6 %, alors que la croissance tendancielle des dépenses publiques, c’est-à-dire le niveau de dépenses publiques correspondant aux besoins de la population compte tenu de son augmentation, est estimée par Bercy à 1,35 %. Nous avions alors dit que cela équivalait à une cure d’austérité inédite sous la Ve République. Vous parlez ce matin de 21,7 milliards d’euros de hausse ; j’aimerais d’ailleurs en connaître le détail, car, d’après le tableau retraçant les dépenses de l’État, j’aboutis à 14,5. Avec une inflation à 5,2 %, cela porterait la croissance de la dépense publique à 1 %, c’est-à-dire moins que la croissance tendancielle, mais plus que 0,6 %. En revanche, si on tient compte de la prévision d’inflation de la Banque de France, la hausse tombe à 0,5 %, ce qui complique encore plus la situation.

Si vous ne réduisez pas autant les dépenses publiques que vous l’annonciez cet été – mais c’est à confirmer –, vous continuez de revendiquer la maîtrise de ces dépenses. Or je ne suis pas d’accord – je l’ai dit à plusieurs reprises à Bruno Le Maire – pour considérer que le « quoi qu’il en coûte » est derrière nous. Tout dépend peut-être de la définition que l’on en donne : à mes yeux, il change de nature, pour nous permettre de faire face non plus au covid, mais aux détériorations dues au réchauffement climatique et que nous avons vues cet été – incendies, sécheresse, changements météorologiques – ou aux conséquences de la guerre en Ukraine. Autrement dit, votre budget ne tient pas assez compte des besoins de la population ni de l’intérêt général, du point de vue écologique et social. Parce que vous avez d’autres visées – la maîtrise des dépenses, la baisse des impôts –, vous laissez des urgences de côté.

Ainsi, vos mesures ne sont pas suffisantes pour maintenir, surtout au profit des plus défavorisés, un pouvoir d’achat qui, l’an prochain, diminuera de 1 % selon Rexecode et stagnera d’après la Banque de France. Pourtant, ce serait une façon de préserver la consommation populaire, qui est profitable pour l’économie. De même, en matière d’écologie, ce n’est pas avec MaPrimeRénov’, qui permet une rénovation partielle, que l’on sera à la hauteur du nombre annuel de rénovations complètes requis par la nécessaire bifurcation. Lors des dialogues de Bercy, vous en avez convenu, Bruno Le Maire, face à Eva Sas.

S’il y a urgence, il faut des recettes supplémentaires. Or vous avez dit en substance qu’il n’y aurait pas de dépenses en plus sans recettes correspondantes, à l’euro près. Cela ouvre le débat sur les baisses de recettes prévues dans le PLF.

D’abord, la suppression de 4 milliards d’euros de CVAE. Vous voyez dans celle-ci un boulet pour les entreprises. En fait, la CVAE aggrave les inégalités affectant la fiscalité des entreprises, puisque, aux deux tiers, elle bénéficie aux 10 000 plus grosses entreprises françaises. Ainsi, une entreprise qui a 2 millions de chiffre d’affaires et 550 000 euros de valeur ajoutée ne paie que 825 euros de CVAE chaque année. Mais, pour les collectivités, elle est remplacée par des impôts plus injustes : la TVA, impôt non proportionnel, mais aussi les taxes foncières, à taux unique.

Ensuite, la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus favorisés : était-elle urgente alors que nous avons besoin de recettes ?

En revanche, j’avais cru comprendre des dialogues de Bercy qu’il s’agissait de toucher à des niches fiscales dépourvues de rentabilité. Pourtant, au vu des quelques-unes qu’il tend à supprimer, le PLF n’est pas à la hauteur des enjeux. On aurait pu, par exemple, réviser le crédit d’impôt recherche (CIR).

Vous avez évoqué le débat qui s’engagera sur la taxation des superprofits ; je l’ai noté. Vous critiquez la rente, comme – je m’en réjouis – lors des dialogues de Bercy. Mais pourquoi n’appliquer ce raisonnement qu’aux énergéticiens ? D’autres entreprises constituent une rente, reversée en dividendes ; nous le soulignons, avec d’autres groupes, dans notre proposition de référendum d’initiative partagée. Voilà qui devrait nous fournir une piste de travail, d’autant qu’il sera difficile de s’attaquer à un seul secteur : cela pourrait être jugé anticonstitutionnel.

En ce qui concerne les retraites, nous verrons cette semaine ce qu’il en est. J’espère que le Gouvernement n’aura pas l’idée d’introduire la réforme des retraites dans un amendement au PLFSS ; je lui conseillerais d’y surseoir, que ce soit pour des questions de majorité à l’Assemblée ou en raison du risque de mouvement social. Mais c’est sous un autre angle que j’aborderai le sujet. Gabriel Attal a expliqué dans Le Journal du dimanche que la réforme était une manière de réduire les déficits et de pouvoir envisager des dépenses, par exemple au profit des enseignants. Je m’étonne que l’on puise pour cela dans le budget de la sécurité sociale, en l’occurrence celui des retraites, dans lequel les cotisations devraient permettre de s’assurer que les Français bénéficient d’une retraite. Il est de plus en plus fréquent que l’on fasse ainsi jouer aux comptes sociaux un autre rôle que le leur. Or, si on peut débattre de la manière de trouver l’argent permettant aux gens de partir à la retraite à un âge décent, je ne vois pas en quoi c’est aux retraites de compenser les déficits de l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En 2020, nous avions un budget du « quoi qu’il en coûte », pour faire face à une crise inédite ; en 2021, nous avions un budget de relance ; aujourd’hui, vous nous présentez un budget protecteur et volontariste.

Quatre axes définissent la politique budgétaire et économique de la majorité.

Premièrement, la protection et le soutien constant aux Français dans la crise, dès la fin 2021, et plus fortement encore en 2022, comme en témoignent aides directes, bouclier tarifaire et revalorisation des prestations sociales et du point d’indice. Vous proposez notamment de maintenir le bouclier tarifaire en 2023, en le complétant par un chèque énergie ciblant les ménages les plus fragiles, et de rendre 6,4 milliards aux ménages en revalorisant le barème de l’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, poursuivre la politique de l’offre par une nouvelle baisse des impôts de production, en faveur de l’attractivité de notre pays et du plein emploi. En deux ans, nous rendrons plus de 6 milliards à nos entreprises, notamment industrielles, dans la continuité d’une politique efficace depuis 2017 : enfin, la France est redevenue attractive pour les investissements et les emplois industriels et a fait refluer le chômage, rompant avec le chômage endémique dont ma génération entendait parler depuis sa jeunesse – désormais, c’est à une pénurie de main-d’œuvre que nous devons faire face. Oui, nous devons travailler plus pour sauvegarder notre système de retraite par répartition et créer des marges de manœuvre afin de financer de nouvelles politiques publiques. Ceux qui stigmatisent les entreprises, dénigrent la valeur travail, voire font l’apologie de la paresse portent une lourde responsabilité !

Troisièmement, poursuivre l’effort de financement de nos politiques prioritaires. En premier lieu, le Gouvernement propose de majorer les dépenses publiques relatives à l’éducation et à la formation : rémunération des enseignants, financement de l’apprentissage et de la formation continue. Ensuite, il s’agit de ne rien lâcher en matière de transition écologique et énergétique – je suis d’accord pour dire que nous n’en ferons jamais assez dans ce domaine. C’est le sens de l’ouverture de crédits relatifs à MaPrimeRénov’ et au plan d’investissement pour la France de 2030. Enfin, un réarmement régalien s’opère en faveur de nos armées et de nos forces de l’ordre.

Quatrièmement, l’engagement d’une trajectoire soutenable pour nos finances publiques. C’est l’objectif du PLF, mais aussi et surtout du projet de loi de programmation des finances publiques. Il faut, à moyen terme, entreprendre notre désendettement, ce qui passe par une trajectoire crédible et raisonnable en dépenses et par un déficit maîtrisé, inférieur à 3 % de notre richesse nationale en 2027. Il y faudra du courage et de la pédagogie, car des réformes seront nécessaires. Un coup d’œil chez nos voisins le montre aisément : la trajectoire proposée est très loin de l’austérité, comme d’une politique budgétaire sans cap ni maîtrise. Il nous faut absolument suivre cette ligne de crête ; soyons-en collectivement responsables.

J’en viens à mes questions.

L’avis du Haut Conseil des finances publiques nous interroge sur les moyens dont nous disposons pour mettre en œuvre le budget. Il juge notamment optimistes les hypothèses de croissance économique et de maîtrise de la dépense publique inhérentes à ce budget. J’y vois surtout une incitation à engager plus vite les réformes structurelles que nous défendons : la réforme des retraites, l’accompagnement des allocataires du RSA, la réforme de l’assurance chômage. Pouvez-vous préciser la manière dont ces réformes sont traduites dans les hypothèses du Gouvernement ?

Nous sommes tous soucieux du poids de la dette que nous transmettons aux générations futures. En 2023, la dette coûtera 51,7 milliards d’euros. Nous nous sommes engagés à maintenir le déficit sous la barre de 5 % du PIB cette même année. Dans le budget qui nous est présenté, le poids de la dette en pourcentage du PIB baisse ; c’est encourageant, mais quel engagement à la réduire, et à atteindre les 3 % d’ici à 2027, pouvons-nous donner aux générations qui nous suivent ?

L’année 2022 a été marquée par une très forte instabilité. Le contexte de crise a nécessité des dépenses imprévues, comme le bouclier énergétique, qui a protégé les Français de la hausse colossale des prix de l’énergie. Ces mesures d’urgence ont entraîné une augmentation de la dépense de près de 21 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Nous maintenons cependant résolument notre engagement à ramener la dépense publique à 53,2 % du PIB au cours du quinquennat. Le budget pour 2023 prévoit une baisse des dépenses de l’État et de ses opérateurs de 2,6 % en volume. Pouvez-vous préciser l’ampleur de la maîtrise de la dépense par sous-secteur d’administration publique ?

Entre 2012 et 2017, les dotations générales de fonctionnement aux collectivités territoriales ont drastiquement baissé. Depuis 2017, notre majorité soutient les collectivités et a augmenté leur niveau de dotation. Pendant la crise sanitaire, nous avons pris de nombreuses mesures afin de les aider et, dès cette année, nous leur avons apporté notre soutien dans le cadre du PLFR. La Banque postale vient d’annoncer que la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales ne devrait baisser que de 4 % en 2022, mais ce résultat encourageant peut cacher de très grandes disparités. Seriez-vous ouverts à un dispositif d’aide ciblée pour les collectivités les plus touchées ?

Vous proposez de reconduire le bouclier tarifaire, dispositif massif et efficace, en contenant à 15 % l’augmentation des prix de l’énergie. Pour les ménages les plus modestes, une revalorisation du montant du chèque énergie est envisagée. Pouvez-vous nous préciser par le biais de quel texte financier et à quelle hauteur ?

Enfin, monsieur le ministre de l’économie et des finances, pouvez-vous préciser le montant des reports de crédits de 2022 à 2023 ? Est-il possible qu’y figurent ceux destinés à protéger les entreprises dans le cadre du dispositif d’aide aux énergo-intensifs, qui, comme vous l’avez dit, n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à présent ? Quelles sont les perspectives d’une prolongation du mécanisme en 2023, au-delà des crédits votés en 2022 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. En ce qui concerne nos prévisions, monsieur le président, personne n’a la prétention de détenir la vérité révélée dans cette période de grande incertitude, et certainement pas moi. Je ne mésestime pas le risque que la situation en Ukraine et le contexte géopolitique se dégradent encore et que l’effet sur les prix de l’énergie en soit encore plus fort. Mais notre scénario central est une situation géopolitique stable et où le stockage à près de 100 % de nos réserves de gaz, la diversification des approvisionnements à laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois, le début de la sobriété énergétique et la réduction de la consommation devraient améliorer les choses sur le front de l’énergie.

Dans les prévisions de la Banque de France, le scénario central est une croissance à 0,5 % et il existe un autre scénario, à 0,8 %, se rapprochant du nôtre. Quant au scénario très négatif, il correspond à des conditions géopolitiques très dégradées, qui ne sont pas totalement improbables mais dont nous ne faisons pas, je le répète, notre scénario central. Voilà pourquoi je maintiens notre chiffre de croissance positif pour 2023.

Même chose pour l’inflation. J’avais dit qu’elle durerait quelques mois : oui, elle dure quelques mois à un niveau élevé. Pour la Banque de France, le référentiel est l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) européen ; si on retraduit ses chiffres selon l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’INSEE, qui fait référence pour le PLF pour 2023, on retombe bien sur les 4,2 % retenus par le Gouvernement.

En ce qui concerne le « quoi qu’il en coûte », j’assume nos divergences sur le fond. Nous ciblons de plus en plus les dispositifs. La remise sur le carburant, qui concernait tous nos compatriotes, se termine à la fin de 2022 : les 30 centimes d’euro de réduction à la pompe dont nous bénéficions tous dans les stations-service françaises ont vocation à disparaître. Nous nous réservons la possibilité, si jamais les prix du pétrole devaient flamber à nouveau, de recourir à des dispositifs – ils sont prêts – qui cibleront uniquement les personnes qui travaillent.

De même, les prix du gaz et de l’électricité avaient été respectivement gelés et plafonnés à une augmentation de 4 % ; cette fois, nous laissons passer une hausse, afin d’anticiper leur évolution. Car si l’inflation reflue progressivement en 2023, nous voulons éviter un effet de second tour qui ferait que la France serait rattrapée par la patrouille parce qu’elle n’aurait pas ajusté ses dispositifs. C’est très important, même si c’est compliqué à expliquer.

En revanche, oui, il faut plus d’investissement dans la transition écologique, et je suis tout à fait prêt à ce que l’on réfléchisse à des rénovations globales dans le cadre de MaPrimeRénov’. Mais c’est justement en réduisant la voilure des dispositifs de protection, pour cibler ceux qui en ont le plus besoin, que nous contribuerons à dégager des marges de manœuvre.

S’agissant des baisses de recettes, je veux être très précis à propos de nos choix, qui sont responsables. Nous avons décidé, en écoutant les avis du Haut Conseil, de procéder en deux fois pour mettre fin à la CVAE ; je l’ai moi-même proposé au Président de la République et à la Première ministre, pour tenir compte de la situation des finances publiques. C’est plus responsable. La suppression de la CVAE sera utile à l’industrie, bénéficiera à 75 % à des PME et soulagera tout le tissu productif français. En revanche, nous avons accepté de décaler d’un an les mesures relatives à la fiscalité des transmissions, car cet engagement présidentiel, qui sera tenu, n’est pas la priorité absolue en une période où nous voulons d’abord relancer l’activité économique et défendre notre tissu industriel.

Concernant enfin les niches fiscales, nous sommes d’accord, et je suis prêt à en reparler. Nous pouvons faire plus et mieux. Voilà près de six ans que nous essayons, et cela vaut le coup de continuer à tenter, car il existe des marges de manœuvre en la matière – même si je ne citerais pas en premier le CIR, bien que ce soit la plus grosse niche, car il est important pour l’innovation – pour faire des économies sans affecter notre croissance ni pénaliser les entreprises.

À propos de la taxation, nous ne voulons pas demander des impôts supplémentaires à des entreprises qui créent des emplois, redistribuent des salaires et paient des impôts à l’étranger – l’audition du dirigeant de Total était éclairante de ce point de vue. Nous voulons simplement prélever des rentes que nous trouvons indues afin de financer le bouclier énergétique.

Enfin, concernant les retraites, vous abordez un débat politique majeur. C’est un autre point d’accord que j’ai avec vous et avec Philippe Martinez – une fois n’est pas coutume : les personnes de plus de 55 ans, que je n’appellerai pas des seniors car je ne vois pas très bien ce qu’elles ont de senior, qui ont de l’expérience, des qualifications, un savoir-faire à transmettre, doivent pouvoir travailler plus longtemps. Or, quand on décale l’âge légal de départ, cela amène mécaniquement ces personnes à continuer de travailler. Le taux d’emploi des « seniors » est de plus de 70 % en Allemagne et dans d’autres pays européens, contre un peu moins de 54 % en France : il y a quelque chose qui cloche. Nous nous privons de compétences et de savoir-faire utiles au pays. C’est un débat de société qui mérite d’être ouvert.

Enfin, j’indiquerai simplement à M. Cazeneuve que la réforme des retraites, dont le corollaire serait l’augmentation du taux d’activité et des richesses supplémentaires, pourrait se traduire par un gain de 0,2 point de croissance.

Notre stratégie pour maîtriser les finances publiques repose sur la croissance, les réformes structurelles et la réduction des dépenses publiques. Enfin, 1,5 milliard d’euros de crédits seront reportés de 2022 à 2023 pour financer les dépenses des entreprises les plus exposées à la concurrence et dont les factures énergétiques sont les plus élevées.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il est important de maintenir la dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation. Un impôt dont l’essentiel de la population serait exonéré ne peut perdurer. Surtout, nous ne mettons pas fin à cet impôt pour avantager les 20 % de Français les plus riches, comme je l’entends très souvent, mais les 20 % les moins modestes, ceux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 29 000 euros par an.

Vous trouvez anormal que les bénéfices qui pourraient être retirés de la réforme des retraites financent l’éducation ou la transition écologique. Pourtant, c’est le contraire qui se produit aujourd’hui : l’argent que nous dépensons pour compenser des systèmes de retraite déficitaires manque à l’éducation ou à la transition écologique. Surtout, les moyens supplémentaires que dégagerait la réforme des retraites ne tiennent pas seulement aux économies réalisées mais aussi aux gains qui découleraient de la hausse du taux d’emploi – la hausse des cotisations mais aussi de la consommation améliorera les recettes fiscales.

Monsieur le rapporteur général, les dépenses de l’État baisseront de 2,6 % en volume. La dépense globale en volume diminuera de 1,5 % en 2023, dépenses d’urgence et de relance comprises. La baisse des dépenses de relance et d’urgence représente 8,8 milliards d’euros. Chaque ministère est invité à maîtriser ses dépenses, ce qui n’empêche pas d’augmenter les crédits lorsqu’il convient de financer des mesures prioritaires.

Concernant le budget de la sécurité sociale, les dépenses liées à la crise sanitaire devraient diminuer – ce qui améliorera le déficit de la sécurité sociale en 2023 par rapport à 2022. Le déficit de la branche maladie s’amoindrit grâce à la sortie de la phase aiguë de l’épidémie.

Quant aux collectivités locales, le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit de réduire leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 % en volume par an.

J’en viens aux reports de crédits. La prévision d’exécution permettra d’affiner les chiffres, en janvier et février. Nous souhaitons limiter le volume des reports par rapport aux dernières années. Ils avaient été très importants en plein cœur de la crise épidémique pour, « quoi qu’il en coûte », soutenir au mieux notre économie et nos concitoyens. Bien évidemment, les crédits destinés à financer les aides aux entreprises énergo-intensives qui n’auraient pas été utilisés en 2022 pourront être reportés en 2023. L’article 36 du projet de loi de finances prévoit une liste de programmes autorisés à dépasser la limite de report de 3 % prévue par l’article 15 de la loi organique relative aux lois de finances.

Pour ce qui est des collectivités locales, fin 2021, leur situation financière était très bonne. Ainsi, leur capacité d’autofinancement était supérieure à celle d’avant la pandémie et leur trésorerie comptait 15 milliards d’euros en plus, grâce à l’État qui a apporté un soutien direct à hauteur de 10 milliards d’euros aux collectivités ainsi qu’un soutien indirect tout aussi massif. Leur situation est plus floue en 2022. Les dépenses augmentent pour l’énergie, l’alimentation mais aussi les ressources humaines du fait de la hausse du point d’indice. En revanche, les recettes grossissent, elles aussi, grâce aux impôts fonciers et à la TVA. Nous avions annoncé aux collectivités locales – régions, départements, EPCI – une hausse de leurs recettes de 2,89 % pour l’année 2022. Les recettes de TVA étant plus importantes que prévu, la hausse des recettes est revalorisée à 9,6 %, plus du triple. Le 20 octobre, les régions, les départements et les EPCI recevront 2,5 milliards de plus qu’annoncé – un milliard pour les régions, un milliard pour les départements, 500 millions pour les EPCI. La fiscalité locale progresse aussi, en raison de l’inflation et de la décision de certaines collectivités de revaloriser leurs taux. Même si la capacité d’autofinancement s’est dégradée par rapport à 2021, elle reste supérieure à celle de fin 2019.

Cela ne veut pas dire que tout va bien pour tout le monde et nous devons poursuivre notre action. Bruno Le Maire agit au niveau européen pour « refroidir » les prix de l’énergie. Nous devrons également accompagner les collectivités les plus fragiles : c’est pour cette raison que vous avez voté cet été, à l’initiative de Christine Pires Beaune, une enveloppe de 430 millions destinée aux communes fragilisées par l’inflation. Le décret sortira dans les prochains jours et les premiers acomptes seront versés aux collectivités en novembre – 25 % des communes pourront en bénéficier. Ainsi, jusqu’à 70 % de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation et jusqu’à 50 % de la hausse des dépenses salariales seront compensées par l’État. Cela ne signifie pas que l’État pourra compenser, en toutes circonstances, les hausses de dépenses contraintes des collectivités locales. Nous n’en avons pas les moyens, aussi devons-nous accompagner celles qui sont le plus en difficulté.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce budget s’inscrit dans un contexte politique et économique inédit. Pour répondre à la singularité de la situation, vous avez convié les responsables parlementaires de tous les groupes aux dialogues de Bercy et nous vous en remercions. D’autre part, l’environnement international nous impose de relever des défis gigantesques – la crise énergétique nous le rappelle chaque jour.

Plusieurs solutions existent. Vous auriez pu aggraver l’endettement, augmenter les impôts ou diminuer les prestations. Vous avez préféré accroître le temps de travail en le rémunérant mieux tout en maîtrisant nos finances publiques, comme en témoigne votre projet de loi de finances. Vous avez également prévu de baisser massivement les impôts puisque plus de 6 milliards d’euros ne seront pas prélevés au titre de l’impôt sur le revenu.

Vous accordez la priorité au réarmement régalien de l’État et au financement des dépenses d’avenir – les professeurs de l’éducation nationale pourront ainsi gagner 2 000 euros dès le début de leur carrière.

Reconnaissons cependant que nos finances publiques sont dans un mauvais état. Si nous prévoyons de revenir sous la barre des 3 % de déficit en 2027, nous serons le dernier grand pays de la zone euro à y parvenir. Notre endettement approche les 3 000 milliards. C’est pour cette raison que vous avez décidé d’augmenter la quantité de travail, de réduire les impôts, de libérer l’activité tout en maîtrisant les finances publiques.

Concernant le budget vert, comment serait-il possible d’augmenter le volume des dépenses analysées dans le rapport relatif aux effets du budget général sur l’environnement ? Pourrait-il être étendu aux collectivités territoriales ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). À force d’écrire des romans ou d’être vous-même un personnage houellebecquien, je me demande, monsieur le ministre, si votre perception de la réalité et des fantasmes n’est pas gravement entamée. Vous vivez dans un monde qui semble contrôlé et vous donnez à l’irrationalité de votre politique un semblant de rationalité qui ne trompe personne. En vérité, quand on voit les hypothèses à partir desquelles votre politique se forme et les réponses que vous apportez, vous apparaissez comme le capitaine d’un navire pris dans la tempête, qui aurait perdu ses voiles et son gouvernail. L’horizon ne se dégagera pas de lui-même ! Il appartient aux hommes politiques et aux dirigeants de prendre leurs responsabilités et d’assumer des décisions qui cassent la fatalité.

Vous présentez un budget de soumission à la mondialisation, à l’inflation, à la guerre. Vous êtes victime d’un incendie que vous avez vous-même allumé mais que vous ne savez plus éteindre. Vous ne vous attaquez pas aux causes de l’inflation, en particulier de l’inflation énergétique. Votre bouclier tarifaire n’est rien de plus que la subvention de la spéculation par les contribuables. Vous financez par l’impôt des Français les marges ahurissantes, infondées, injustes, spéculatives des énergéticiens et vous présentez la récupération d’un surprofit qui n’aurait pas lieu d’être comme une action politique. Mais vous ne faites rien, à part rattraper un argent qui n’a jamais appartenu à ceux à qui vous le reprenez !

Vous prétendez chercher de l’argent mais il n’y a jamais eu autant de bénéfices qui devraient être taxés à leur juste proportion. Il faut rétablir la justice fiscale. Vous ne prenez aucune mesure pour soutenir les consommateurs de fioul comme si un drame social ne se jouait pas, en ce moment, en France ! Vous restez tout aussi passif face à la flambée du prix du bois alors que c’est votre gouvernement qui a incité les gens à se chauffer au bois. Ils ne s’en sortent plus ! Et je ne parle pas des sujets tabous ! Il ne faut pas toucher aux 26 milliards de l’Union européenne, ni au déficit public et encore moins à l’immigration ! Il est certain que, dès lors que vous sortez 100 milliards de dépenses publiques de l’action politique, vous ne pouvez que subir ! Les Français se demandent quand vous reprendrez le contrôle de la situation. Arrêtez de faire payer vos erreurs aux contribuables !

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Voilà un budget inquiétant : la hausse des prix est plus forte et la croissance plus faible que vous ne l’aviez prévu. Le Haut Conseil des finances publiques a confirmé la fragilité de vos chiffres. Vos discours ne sont guère plus rassurants : le 8 juin vous affirmiez que le pic de l’inflation avait été atteint avant de reconnaître, fin août, que la situation ne s’améliorerait pas avant 2023 ; M. Véran a même découvert que le pic s’était transformé en un « plateau haut de l’inflation ». Bref, vous vous êtes lourdement trompés !

La crise est-elle derrière ou devant nous ? Vous vouliez nous faire croire, cet été, qu’elle se terminerait bien vite et qu’il était inutile d’augmenter les salaires ou les minima sociaux parce qu’une prime suffirait largement. Il n’était pas davantage nécessaire, bien évidemment, de bloquer les prix ou de taxer les superprofits puisque cet enrichissement indécent n’était pas censé perdurer.

Or, à présent que la crise semble devant nous, qu’allez-vous faire ? Il faut soulager les classes populaires et moyennes, qui se saignent à la pompe et au supermarché. Les plus fortunés doivent contribuer au budget de la nation en s’acquittant de l’impôt sur la fortune, qu’il convient de rétablir. Sinon, expliquez-nous comment fonctionne ce ruissellement dont vous nous parlez tant ?

Si la crise est devant nous, nous avons impérativement besoin d’une taxe sur les superprofits, ne serait-ce que pour équilibrer les comptes de la nation, auxquels vous semblez attacher une certaine importance.

Si la crise est devant nous, mettrez-vous enfin entre parenthèses l’absurde objectif de réduire les déficits publics ? J’y vois, non pas une réforme structurelle mais la destruction de nos biens communs qui seuls nous permettent d’affronter les crises économique, écologique, sociale, sanitaire.

D’autres situations sont très préoccupantes. Je pense en particulier aux bailleurs sociaux. L’explosion des charges conduira à des situations dramatiques.

Quant à la réforme des retraites, je sais qu’il ne faut pas revenir sur une parole mais encore faut-il savoir de laquelle il s’agit. Le Président de la République ne nous expliquait-il pas en 2017 qu’il n’était pas nécessaire de reculer l’âge de départ à la retraire ? Il vaut mieux abandonner sa parole que les Français qui ont droit au respect et au repos.

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur Le Maire, vous êtes bien le seul à croire à votre scénario. Tous les instituts, le Haut Conseil des finances publiques en tête, considèrent que ces hypothèses sont improbables. Cela étant, en dépit de ces chiffres très optimistes, vous ne parvenez pas à réduire notre déficit puisque vous l’évaluez à 5 %, ce qui reste très élevé. Les taux augmentent et nous devrons emprunter 270 milliards pour financer le remboursement de la dette, probablement à 2,5 % – ce qui est bien supérieur au taux de la dette.

Vous faites de la maîtrise des dépenses publiques un totem. Or les dépenses courantes augmenteront de 62 milliards d’euros l’année prochaine. Pierre Moscovici considère que le redressement des comptes publics n’est pas assuré entre 2022 et 2023. Votre trajectoire suit celles des dépenses publiques du quinquennat précédent : 140 milliards en plus. Vous auriez pu fixer un nouveau cap, donner une nouvelle impulsion. Le « quoi qu’il en coûte » est loin d’être derrière nous. Votre présentation est décevante, inquiétante même.

Concernant le bouclier énergétique, son maintien serait ramené à 16 milliards d’euros grâce à la récupération par l’État d’une partie de la rente des énergéticiens. Pourriez-vous préciser ces chiffres ?

Mme Marina Ferrari (Dem). Ces deux textes ne sont pas placés sous le signe de la soumission ou de la victimisation mais de la responsabilité, de la stabilité et de la protection. Ils nous invitent à poursuivre la politique engagée depuis quelques années pour protéger les Français, accélérer la transition énergétique, valoriser les entreprises et favoriser le plein emploi. Les perspectives pour la croissance fin 2022 sont d’ailleurs encourageantes. Certaines pourraient la trouver insuffisante pour 2023 mais elle reste positive, ce qui est une prouesse dans le contexte actuel. J’y vois les fruits des mesures prises au cours du précédent quinquennat.

Ce PLF prévoit de renforcer les missions régaliennes de l’État. Des budgets importants sont alloués à la justice, la santé, la sécurité et l’éducation. Au-delà des mesures de protection des Français, de nombreux dispositifs permettront de lutter contre la grande pauvreté. Ainsi, la solidarité à la source est un chantier très attendu par les Français.

L’engagement de l’État envers les collectivités territoriales reste fort, comme en témoigne le maintien des dotations. L’évolution des dépenses de fonctionnement est limitée à un rythme inférieur de 0,5 point par rapport à l’inflation nationale.

Nous approuvons la suppression de la CVAE pour soutenir notre économie. Le fonds vert de 1,5 milliard d’euros permettra d’accompagner les collectivités locales dans la transition écologique mais nous nous demandons comment il s’articulera avec la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Espérons enfin que les collectivités locales retrouveront leur autonomie fiscale dans certains secteurs.

L’article 21 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit un dispositif pérenne d’évaluation de la qualité de l’action publique. Comment s’articulera-t-il avec le travail parlementaire ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Concernant les retraites, le débat n’a pas été tranché. J’ai voté pour Emmanuel Macron au deuxième tour, comme des millions de personnes, mais pas pour qu’il mène cette réforme des retraites. J’aurai d’ailleurs la bonté de ne pas vous rappeler le score du Président de la République au premier tour. Qu’est-ce qu’un délai raisonnable, monsieur le ministre ? Réformer les retraites en déposant un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale remplit-il ce critère ? Je suppose que vous avez chiffré cette réforme : vous fera-t-elle économiser plus ou moins de 8 milliards d’euros, qui correspondent à la suppression de la CVAE ?

S’agissant des entreprises électro-intensives et exportatrices, vous annoncez un rehaussement du plafond des aides jusqu’à 100 millions d’euros : vous engagez-vous à publier la liste des entreprises bénéficiaires ?

Le 30 juin 2023, le tarif réglementé prendra fin : que deviendra le bouclier tarifaire à partir du 1er juillet 2023 ?

L’article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit que les dépenses fiscales nouvellement créées devront être évaluées avant leur éventuelle reconduction. Pourriez-vous nous fournir les résultats précis de l’évaluation, en termes d’emplois, d’investissement, de relocalisation, de la suppression des 10 milliards de CVAE avant d’aller plus loin ?

Enfin, les collectivités territoriales sont des acteurs à part entière et protègent nos concitoyens au même titre que l’État. Nous n’approuvons pas la politique d’affaiblissement du budget de l’État que vous menez depuis cinq ans, après avoir supprimé 50 milliards de ressources, mais nous pourrions au moins nous entendre pour instaurer des dispositifs en faveur des collectivités. J’ai lu dans la presse qu’enfin, la dotation forfaitaire des communes ne serait plus écrêtée pour financer la progression des dotations de péréquation – dotation de solidarité urbaine ou dotation de solidarité rurale. Je suis prête à y travailler avec vous.

M. François Jolivet (HOR). Saluons tout d’abord les dialogues de Bercy qui sont une excellente initiative.

Ce PLF semble réussir à protéger le pouvoir d’achat des Français face à l’inflation tout en contenant la dette publique afin de ne pas compromettre les ressources des générations futures.

Les intervenants des dialogues de Bercy ont ciblé les critiques dont fait l’objet MaPrimRénov’, les bénéficiaires souhaitant des rénovations plus complètes. Que deviendra la démarche monogeste du changement de pompe à chaleur, destiné le plus souvent à changer les chaudières au fioul qui ne sont plus réparables ?

Vous prévoyez d’installer un fonds vert doté d’1,5 milliard pour accélérer la transition écologique dans les territoires. Quelles en seront les conditions d’accès ?

Le nouveau dispositif de l’assurance récolte prévoit de doubler le plafond de la taxe affectée au fonds national de gestion des risques agricoles. Quels en seront les montants et les conditions d’utilisation ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le cadre budgétaire que vous proposez n’est pas adapté à la situation. Vous prévoyez un déficit budgétaire à 5 % du PIB. Vous supprimez en deux étapes la CVAE, nous privant ainsi de 4 milliards de recettes fiscales. Vous refusez de taxer les surprofits alors que nous avons besoin de ressources pour financer les besoins sociaux non couverts, en particulier dans l’éducation nationale ou les hôpitaux. Ainsi, 150 lits sont encore fermés à l’hôpital Saint-Antoine en raison du manque d’infirmiers.

Vous dites ponctionner la rente des énergéticiens mais, pour le moment, seuls les producteurs d’énergies renouvelables reversent une partie de leur manne. Quelles mesures prendrez-vous pour que les producteurs d’énergie fossile contribuent à l’effort ?

L’enveloppe allouée à la transition écologique, notamment la rénovation thermique, est très insuffisante. Un homme politique doit tenir ses promesses, avez-vous dit. Où sont les 10 milliards par an annoncés à Aubervilliers, le 17 mars dernier, par le candidat Emmanuel Macron pour accompagner la transition écologique. En dehors de ceux du programme 145, les crédits affectés à l’écologie stagnent. Ils augmentent en apparence de 2,3 milliards mais ceux dédiés à l’écologie dans le plan de relance baissent de 2,1 milliards. Le budget de MaPrimRénov’ n’augmente que de 500 millions d’euros pour atteindre la modique somme de 2,5 milliards alors que la mission que vous avez confiée à Olivier Sichel, relative à la réhabilitation des logements privés, évalue les besoins entre 8,8 et 10 milliards par an. Vous annoncez le renforcement du dispositif de rénovation globale MaPrimRénov’Sérénité mais quel montant prévoyez-vous d’y affecter ?

M. Nicolas Sansu (GDR). Dans un contexte de crises majeures – guerre en Ukraine, crise sociale, crise climatique, crise démocratique –, vous faites une faute politique en restant dans le cadre des règles libérales européennes avec la réforme des retraites ou le massacre de l’assurance chômage. Les conséquences sont terribles pour les peuples qui se tournent, en désespoir de cause, vers les partis d’extrême droite, comme cela s’est produit chez nos voisins.

Le PLF pour 2023 confirme le désarmement fiscal en préférant l’impôt indirect à l’impôt direct, pourtant plus juste, ou l’impôt proportionnel à l’impôt progressif, en profitant de la richesse nationale pour rémunérer encore davantage le capital plutôt que le travail.

Vous ne tenez pas compte des crises qui nous assaillent. Où est le grand plan de transition écologique qui aurait dû échapper aux calculs de Maastricht ? Où est la grande réforme du marché de l’énergie qui verrait enfin naître un véritable service public de l’énergie, seul capable de mettre fin aux rentes insupportables ? Les 45 milliards déboursés pour financer le bouclier tarifaire se retrouveront dans les profits de Total demain. L’objectif doit être de casser la rente, pas seulement de la compenser. Les producteurs d’énergies renouvelables paient 19 milliards, la contribution au service public d’électricité (CSPE) 9 milliards et la compagnie nationale du Rhône un milliard, sur ces 45 milliards. La taxation des superprofits ne serait pas seulement une mesure de justice fiscale mais une nécessité. Vous avez tort de ne pas répondre à une situation exceptionnelle par des mesures exceptionnelles.

Enfin, où est le soutien aux collectivités territoriales ? Vos annonces sont indigentes. Les 430 millions issus de la LFR pour 2022 ne régleront rien pour 2022 ni pour 2023. Les tarifs réglementés de vente (TRV) ne s’appliquent plus qu’aux très petites communes. C’est une faute politique que d’abandonner les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui sont le creuset de notre République et de ses valeurs.

M. Charles de Courson (LIOT). Malgré un cadrage macroéconomique trop optimiste, le déficit effectif est stable à 5 %, niveau parmi les plus élevés de nos partenaires européens. Le poids de la dette publique est quasiment stable en 2023, et ce jusqu’en 2027, et le taux de prélèvements obligatoires, à 44,7 % du PIB, se situe à un niveau encore plus élevé qu’en 2021, où il était de 44,3 %. Cette situation s’explique par le fait qu’il n’y a pratiquement pas d’économies réelles. L’évolution des dépenses publiques n’est pas une baisse de 1,5 % en volume, comme M. le ministre Attal vient de l’indiquer, mais, d’après le Haut Conseil des finances publiques, une hausse de 0,7 %. Vous vous référez en effet à l’indice de la consommation plutôt qu’à l’indice des prix implicites du PIB, et avez baissé massivement les recettes – de 13,7 milliards, selon le Haut Conseil. Quel est le montant des économies prévues par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances ? Êtes-vous ouverts, comme vous l’avez indiqué dans le cadre des dialogues de Bercy, à d’éventuels amendements d’économies ?

S’agissant des mesures pour les ménages en matière d’énergie, vous persistez à prévoir des mesures générales et uniformes, mais M. Le Maire s’est déclaré tout à l’heure ouvert à une évolution. Êtes-vous favorables à des amendements qui permettraient de concentrer les aides sur ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin ?

Vous cassez le lien entre entreprises et collectivités territoriales en supprimant la CVAE en deux ans. Une solution pour la maintenir serait un dégrèvement, plutôt que le dispositif que vous nous proposez. Êtes-vous ouverts à un tel dégrèvement ?

Quel est le coût du nouveau décret pour les entreprises électro-intensives ?

Où en êtes-vous de l’éventuel prélèvement exceptionnel sur les bénéfices générés par les entreprises, notamment dans les domaines de l’énergie et des transports ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Lefèvre, oui nous travaillons à l’extension du budget vert, et tout ce qui permettra de l’étendre, de le développer ou de lui donner plus d’ampleur recevra un accueil favorable. Nous l’avons déjà étendu, pour 2023, à France 2030 et ses 30 milliards d’euros de crédits, aux transferts à l’Union européenne et aux dotations de soutien à l’investissement local. Certaines communes, y compris de très grandes, comme Paris, se sont déjà inscrites dans cette perspective du budget vert. C’est une dynamique qu’il faut encourager et développer.

Monsieur Tanguy, vous avez un rapport compliqué à la vérité. Vous parlez de soumission matin, midi et soir ; or, en la matière, vous en connaissez un rayon ! Soumission à Vladimir Poutine, à la Russie, à la violence de l’armée russe, refus des sanctions contre la Russie : en matière de soumission, vous parlez en expert.

Pour ce qui est de la justice fiscale, je rappelle que le seul État qui s’oppose à la mise en place d’un impôt minimum de 15 % pour éviter l’évasion et l’optimisation fiscales est la Hongrie de M. Orban, que Mme Le Pen soutient matin, midi et soir.

Quant au fioul, vous avez sans doute oublié que vous avez voté 230 millions de crédits de soutien aux ménages qui se chauffent avec ce combustible.

Avoir un rapport aussi compliqué à la vérité, c’est dommage pour un membre de la commission des finances !

Monsieur Guiraud, le plus difficile est devant nous, je l’ai dit au mois de juin ; je ne crois donc pas avoir trompé les Français sur la réalité de la situation économique ni sur la réponse que nous avons apportée. Nous sommes le seul pays de la zone euro qui a indexé sur l’inflation le salaire minimum, l’intégralité des prestations sociales et l’intégralité des retraites : protection. Le seul pays qui a mis en place un bouclier sur le gaz et sur l’énergie : protection. Le seul qui a instauré une remise sur le carburant : protection, encore, de nos compatriotes, notamment des plus modestes. Avec la remise supplémentaire de 20 centimes d’euro que nous avons obtenue de Total, le prix à la pompe affiche 50 centimes en moins ; nos compatriotes préfèrent que cette réduction aille dans leur poche plutôt que dans celle du Trésor public. Nous avons également obtenu des banques un plafonnement à 2 % des frais bancaires. Pour les plus modestes, nous avons obtenu que le niveau maximal de frais bancaires mensuels passe de 3 euros à 1 euro. Nous avons obtenu également un plafonnement de la part des assureurs et des remises de 750 euros par container pour les transporteurs maritimes.

Oui, nous nous sommes battus depuis des mois pour que la facture soit la moins lourde possible pour les classes moyennes et pour les ménages les plus modestes.

Pour ce qui est, enfin, des retraites, vous évoquez 2017, mais permettez-moi de vous rappeler que nous sommes en 2022, et que le Président de la République a gagné l’élection présidentielle. Lorsqu’il était candidat, il a présenté son projet, dans lequel se trouvait une réforme des retraites qui comportait une mesure d’âge à 65 ans et une accélération du nombre de trimestres à cotiser. Ayant gagné cette élection, le Président de la République est donc fondé à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été choisi par nos compatriotes.

Madame Louwagie, nous ne sommes pas les seuls à défendre cette prévision de croissance pour 2023, que le Haut Conseil lui-même dit ambitieuse, mais crédible. Depuis à peu près cinq ans qu’on me répète que toutes nos prévisions de croissance sont trop ambitieuses, je constate que la croissance française se tient, qu’elle est solide. Je crois dans les forces de la France et dans la capacité de l’économie française à dégager des marges de croissance, parce que nos entreprises continuent à investir, parce que nous voulons les protéger contre le risque énergétique, parce que nous avons préservé la demande et parce qu’un taux d’épargne qui reste élevé doit permettre, le cas échéant, de soutenir la demande.

Pour ce qui est, enfin, du gain que nous faisons sur les énergies renouvelables, si le bouclier énergétique représente bien 16 milliards d’euros, le gain lié aux ENR, les énergies renouvelables, est de 19 milliards d’euros pour 2023. À tous ceux qui diront que nous ne taxons pas assez, je ferai observer que 19 milliards d’euros, ce ne sont pas des clopinettes : c’est beaucoup d’argent pour financer notre modèle de protection, notre bouclier énergétique, qui résulte précisément du prélèvement sur les énergéticiens.

Madame Pires Beaune, vous n’avez pas eu la cruauté de rappeler le score d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, je l’aurai moi-même : il a obtenu 28 % – Anne Hidalgo, 1,7 % – et il a remporté le second tour de cette élection. Il me semble donc que l’un est mieux fondé que l’autre, en droit comme politiquement, à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été élu.

Quant aux entreprises bénéficiaires de la CVAE, il s’agit à 75 % de PME et à 25 % d’entreprises du secteur de l’industrie, c’est-à-dire beaucoup plus que les 11 % que représente l’industrie dans la richesse nationale. Il me semble donc qu’il s’agit d’une bonne mesure, puisqu’elle bénéficiera principalement aux entreprises industrielles.

Pour ce qui est, enfin, de la suppression des 10 milliards d’euros d’impôt de production, je constate que, pour la première fois depuis vingt ans, le solde net d’emplois industriels sur cinq ans est positif. Ce n’est pas un miracle – il ne s’agit que de 17 000 emplois, une fois prises en compte les destructions d’emplois liées à la crise du covid –, mais nous sommes dans la bonne direction. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous mettons fin à l’hémorragie de l’emploi industriel – plus d’un million d’emplois industriels détruits – et recréons enfin des emplois dans ce secteur. L’année dernière, on a ouvert plus de sites industriels qu’on n’en a fermés ; des investissements majeurs ont été faits, tel celui de Global Foundries à Crolles, près de Grenoble, avec STMicroelectronics, qui permet à notre pays d’être leader dans le domaine des semi-conducteurs. Quand on tient le bon bout, il ne faut pas le lâcher.

Je suis prêt à ce que nous rendions des comptes sur ces choix. S’il y avait eu des destructions d’emplois industriels par dizaines de milliers au cours des années passées, j’aurais bien été obligé de constater que ce n’était pas la bonne politique, mais dès lors que le solde est positif, je considère que nous sommes dans la bonne direction.

Par ailleurs, et je pense que vous partagez cette ambition, la reconquête industrielle n’est pas seulement un sujet économique. Certes, elle crée des emplois qualifiés et bien rémunérés, et permet de répondre aux attentes de nombreux jeunes, mais elle est aussi un enjeu politique, car l’industrie est une part de la culture économique française. De fait, l’hémorragie industrielle se traduit aussi par des désastres politiques. Reconquérir l’emploi industriel est donc pour moi une priorité vitale. Par respect pour la culture industrielle qui a toujours fait la force de notre nation, je ne ménagerai pas mes efforts : outre la baisse des impôts de production, nous ferons tout ce qui est nécessaire pour réussir cette reconquête, que ce soit en matière de formation, de qualification, de CFA, d’installation des usines ou d’accompagnement de ces dernières face à la transition énergétique et à l’augmentation des prix.

Madame Sas, je vous confirme que les recettes fiscales représentent 19 milliards d’euros et qu’elles s’appliquent principalement aux énergies renouvelables. C’est une question de justice. Durant des années, nous avons garanti aux énergéticiens – Total, Engie, EDF – un certain prix en échange de leurs investissements dans le solaire ou dans les éoliennes, parce qu’ils étaient coûteux et risqués. Des milliards d’euros ont ainsi financé le manque à gagner de ces énergéticiens, il est donc normal que, lorsque le prix de l’électricité explose bien au-dessus de ce prix garanti, ceux-ci nous reversent la différence. Elle représente près de 20 milliards d’euros de recettes, ce qui est considérable. Cette mesure est donc efficace et juste, car les énergéticiens n’ont fait aucun investissement de plus l’année où ils ont touché ces milliards de bénéfices ; ils ont bénéficié d’une rente et nous la récupérons.

Il y a là un vrai débat politique, tout à fait noble et intéressant, entre ceux qui veulent taxer toutes les entreprises qui font des bénéfices, sous couvert d’une « taxe sur les superprofits », et ceux qui veulent récupérer une rente. J’ai vu la proposition qui vise à taxer toutes les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et des bénéfices : cela s’appelle une taxe universelle sur toutes les entreprises et ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons récupérer les rentes. Nous sommes contre les rentes, les bénéfices indus et les profits que des entreprises peuvent faire alors qu’elles n’ont pas investi et ne font que bénéficier d’une explosion conjoncturelle des prix de l’électricité. Nous les taxons donc à hauteur de près de 20 milliards d’euros

Nous ne taxons pas la production d’énergie fossile tout simplement parce que la France ne produit plus ni gaz ni pétrole : il n’y a donc rien à taxer. On peut, en revanche, taxer le raffinage – il y a là une vraie question, sur la base de la proposition européenne, et nous aurons l’occasion d’en parler. Quant à la production de pétrole de Total, elle est taxée dans les pays de résidence : c’est le principe de l’établissement stable en matière fiscale, qu’il est bon de respecter.

Quant à la rénovation globale, ses coûts vertigineux en font un débat compliqué. Faut-il concentrer les aides sur un nombre plus restreint de personnes pour favoriser des rénovations globales, ou maintenir un dispositif très large qui donne lieu à plus de gestes individuels, ce qui soutient aussi les activités du bâtiment et l’emploi ? Nous sommes prêts à avoir ce débat car il est utile pour notre pays.

Monsieur Sansu, vous évoquez un désarmement fiscal, mais avec un taux de prélèvements obligatoires qui reste le deuxième de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on ne peut pas véritablement dire que ce soit le cas et je ne pense pas que ce soit la perception de nos contribuables.

Quant à la part de rémunération du capital et du travail, c’est une fierté française que nous soyons le pays développé qui a le mieux maintenu la part de rémunération du travail par rapport au capital, et nous avons tout intérêt à rester dans cette direction.

À propos de la réforme du marché européen de l’énergie, je vous confirme notre détermination, qui est celle du Président de la République, de la Première ministre et de toute la majorité, à porter ce débat. Voilà un an que nous demandons le découplage des prix du gaz et de l’électricité, car ce couplage est une aberration économique et environnementale. Je me suis entretenu au téléphone à plusieurs reprises à ce sujet avec mon homologue allemand, Robert Habeck, et nous continuerons à nous battre en ce sens. Cela me paraît absolument indispensable.

Enfin, monsieur de Courson, les amendements proposant des économies recevront, bien entendu, un accueil favorable de notre part.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Lefèvre, le budget vert sera présenté dans les prochains jours. Christophe Béchu, Caroline Cayeux et moi-même travaillons avec les associations d’élus à l’adoption d’un référentiel national de budget vert, ce qui nous permettra de faire la vérité quant au prix de ce budget pour l’État comme pour les collectivités locales. Bercy a connaissance de l’existence d’un tel budget dans une dizaine de collectivités, mais elles sont probablement beaucoup plus nombreuses à l’avoir adopté. C’est le cas, par exemple, d’Issy-les-Moulineaux – chez moi –, qui l’a fait très tôt. Il serait bon de systématiser cette pratique, avec un cadre global afin de parler de la même chose.

Madame Louwagie, le rythme de réduction de la dépense publique prévu par le programme de stabilité, qui s’inscrit très concrètement dans la loi de programmation des finances publique, est l’effort le plus soutenu depuis vingt ans – le rythme de réduction est deux fois supérieur à ce qu’il était durant le quinquennat précédent.

Vous critiquez la marche prévue pour l’année 2023, mais le total s’élève, pour tous les ministères, à 22 milliards d’euros – et non pas 62 milliards, comme je l’ai entendu dire. On peut critiquer ce projet, mais il faut alors nous dire quoi retirer. Les 3 milliards d’euros supplémentaires pour la défense, alors qu’il faut évidemment continuer à la réarmer ? Le 1,4 milliard destiné à nos forces de sécurité, nos forces de police ? Les 3,7 milliards pour l’éducation, qui nous permettent de revaloriser la rémunération des enseignants ? Les 6 milliards en plus pour le travail, qui nous permettent d’atteindre le chiffre d’un million d’apprentis ? Les budgets pour l’écologie, qui nous permettent d’accélérer la transition ? Il y a des choix à faire, mais je suis sûr que vous pourrez, dans le cadre du débat, porter des propositions d’économies structurelles et que nous travaillerons ensemble à cet objectif.

Madame Ferrari, l’article 21 de la loi de programmation des finances publiques fait suite immédiatement aux dialogues de Bercy. Durant la deuxième séance de ces dialogues, nous avons eu un débat assez vigoureux sur la question de la qualité de la dépense publique, dans lequel est intervenu M. Tanguy. A notamment été cité l’exemple des dépenses de logement – on dépense beaucoup plus en France pour le logement que chez nos voisins européens, pour une qualité qui n’est pas vraiment au rendez-vous. Je me suis déclaré très ouvert à l’idée d’inscrire, dans la partie consacrée à la gouvernance de la programmation des finances publiques, un dispositif permettant d’évaluer la qualité de la dépense publique. Nous avons donc intégré dans la LPFP une accroche permettant d’avoir ce débat au Parlement, afin d’enrichir le dispositif. Contrairement donc à ce qu’a pu dire M. Tanguy, les dialogues de Bercy n’étaient pas seulement de la « com’ ».

Nous proposons donc un cadre et, dans les débats parlementaires que nous aurons, d’établir ensemble une liste de politiques publiques nécessitant une évaluation qualitative de la dépense publique. Ces évaluations auront lieu durant l’hiver et les rapports seront remis concomitamment au dépôt du projet de loi de règlement pour alimenter les travaux du Printemps de l’évaluation, eux-mêmes pouvant ensuite alimenter le prochain PLF. Cet exercice, qui sera répété chaque année, pose une nouvelle brique de notre gouvernance des finances publiques.

Madame Pires Beaune, je suis très ouvert à ce que nous travaillions ensemble au dispositif que nous avons annoncé pour abonder les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale. Le rapporteur général voulait, lui aussi, proposer un mécanisme permettant de cibler cela le mieux possible.

Monsieur Jolivet, le fonds vert visera notamment à soutenir la performance environnementale des collectivités, en matière notamment de rénovation des bâtiments publics ou de modernisation de l’éclairage public, l’adaptation des territoires au changement climatique du point de vue des risques naturels et de la renaturation, et l’amélioration du cadre de vie. Il portera également à 150 millions d’euros le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité.

L’organisation de ce fonds vert relève des prérogatives de Christophe Béchu et de Caroline Cayeux – nous nous contentons, quant à nous, de le financer –, mais je puis au moins vous dire que le Gouvernement veut un dispositif simple et accessible aux petites collectivités. Nous avons retenu l’expérience des appels à projets qui sont multipliés, avec parfois un coût d’entrée très lourd pour de petites collectivités, et nous voulons déconcentrer au maximum les fonds et faire des préfets les interlocuteurs des collectivités. Tout cela est en train d’être défini par mes collègues Béchu et Cayeux.

Pour ce qui est de l’assurance récolte, le montant des crédits bruts budgétaires introduits sur le programme 149 de la mission Agriculture est de 256 millions d’euros au titre du PLF pour 2023. Le plafond de la taxe affectée au Fonds national de gestion des risques en agriculture, assise sur les cotisations d’assurance, est doublé, ce qui la porte à 120 millions. Avec les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, d’un montant de 184,5 millions d’euros, on atteint un chiffre total de 560 millions d’euros de soutien public pour la gestion des risques en 2023, destinés au subventionnement de l’assurance récolte et aux tâches de solidarité nationale. Ce soutien public doit ensuite passer à 600 millions d’euros en 2025. On voit que l’engagement du Président la République de soutenir nos agriculteurs soumis à des aléas climatiques majeurs est tenu.

Concernant MaPrimeRénov’, nous convenons tous qu’il faut recalibrer le soutien pour qu’il aille davantage aux rénovations globales. Alors que l’objectif initial était de rénover 80 000 passoires thermiques en 2021, 2 500 l’ont été : nous n’y sommes pas, et il faut avancer. Nous avons commencé à en parler dans le cadre des dialogues de Bercy et nous allons continuer à travailler ensemble pour mieux calibrer les aides.

Madame Sas, pour ce qui est du niveau de soutien de l’État pour le climat et la rénovation énergétique, je rappellerai l’analyse transmise par l’Institut de l’économie pour le climat, think tank indépendant régulièrement cité, notamment par les Verts : si on additionne les financements pour le climat, les dépenses budgétaires et fiscales et l’action des opérateurs publics et privés, on atteint un chiffre de près de 15 milliards d’euros, ce qui représente, pour la France, un étiage de dépenses acceptable et soutenable, mais il faut mieux centrer certaines aides, dont MaPrimeRénov’.

Monsieur Sansu, vous avez qualifié d’indigent notre soutien aux collectivités locales. Comme vous l’imaginez bien, je ne reprendrai pas ce terme à mon compte alors que 2,5 milliards d’euros de recettes de TVA supplémentaires vont arriver d’ici à la fin de l’année et que nous avons instauré un filet de sécurité de 430 millions d’euros sur 2022 – système que nous sommes disposés, si nécessaire, à rééditer pour 2023. En outre, je ne l’ai pas dit dans mon intervention liminaire mais les concours financiers de l’État aux collectivités locales en 2023 augmenteront de 1,1 milliard d’euros, tout comme le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), le prélèvement sur recettes de compensation à la suppression des impôts de production et plusieurs concours. Ajoutons à cela le fonds vert et l’abondement des dotations proposé par Mme Pires Beaune, que nous retenons pour un montant de 210 millions d’euros. Cela ne me semble pas du tout indigent, surtout dans le contexte de finances publiques que nous connaissons aujourd’hui.

Monsieur de Courson, nous sommes évidemment ouverts à des amendements et à des propositions d’économies. Quant à savoir pourquoi ne pas remplacer la suppression de la CVAE par un dégrèvement, c’est tout simplement parce que nous ne voulons pas continuer à faire vivre un impôt fantôme, qui mobilise des agents publics chargés de son calcul et impose des obligations déclaratives assez lourdes aux entreprises. Supprimer la CVAE, c’est supprimer de la pression fiscale pour les entreprises et supprimer des modalités et des charges administratives et déclaratives assez lourdes, pour leur simplifier la vie.

M. le président Éric Coquerel. Je précise, pour la qualité des arguments échangés dans notre débat, que la taxe sur les superprofits ou sur les bénéfices telle qu’elle a été proposée en vue d’un référendum d’initiative partagée porterait sur un seuil de bénéfices supérieur de 25 % à la moyenne de 2017-2019, ce qui correspond à peu près, sauf erreur de ma part, à la proposition de la Commission européenne pour les énergéticiens.

Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Dominique Da Silva. Nous soutenons, évidemment, le merveilleux cap du plein emploi fixé par le Président la République.

Avec l’ambition de dépasser le million de contrats d’alternance, comment appréhendez-vous le bon financement du coût des contrats avec les régions et avec France compétences, qui, après ce doublement du nombre d’apprentis – dont on ne peut du reste que se féliciter – accuse un déficit de près de 6 milliards d’euros ?

Les besoins en logements locatifs pour les salariés les plus modestes sont grands, et la mobilité dans le parc social fort nécessaire. Quelles orientations budgétaires ou pistes permettraient d’y répondre ?

M. Louis Margueritte. Ces textes sont résolument tournés vers l’avenir et allient protection du pouvoir d’achat des Français et réhabilitation de la valeur travail. Ils traduisent clairement l’engagement de l’État et de la majorité en termes de créations de postes : 1 547 équivalents temps plein (ETP) dans l’armée, 200 brigades de gendarmerie renforcées dans nos territoires,  une augmentation inédite dans la justice. C’est essentiel pour renforcer la présence de l’État dans nos territoires.

Le maintien de la trajectoire des dépenses publiques n’étant assurément pas un objectif absurde, pouvez-vous nous dire où se portent les efforts de la puissance publique en matière de réduction ou de moindre augmentation des effectifs de la fonction publique ?

M. David Amiel. Le bouclier tarifaire, dispositif unique en Europe, permet d’éviter des hausses qui, sans lui, seraient huit fois supérieures. Comme d’autres mesures, ce dispositif peut être financé, car la stratégie économique du Gouvernement est solide – ce qui se passe au Royaume-Uni suffit à rappeler que, quand on ne maîtrise pas son déficit public, l’impact sur le pouvoir d’achat de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation est délétère.

Les fortes incertitudes qui pèsent sur l’évolution du prix de gros et la fin, prévue en juillet, des tarifs réglementés de vente du gaz, auront-elles des conséquences sur le bouclier tarifaire en 2023 et sur son coût pour le budget ?

M. Charles Sitzenstuhl. Ce quinquennat coïncidera avec une remise à plat des règles budgétaires européennes, chantier très important demandé par la France depuis plusieurs années et confirmé par la présidente de la Commission européenne à Strasbourg, dans son discours sur l’état de l’Union.

Où en sont vos discussions à ce propos avec vos homologues au sein de l’Eurogroupe et du Conseil des affaires économiques et financières (ECOFIN) ? Quelles incidences sur les travaux de l’Assemblée nationale, en particulier de notre commission des finances, l’évolution des règles pourrait-elle avoir pour le quinquennat actuel ?

M. Michel Castellani. Monsieur le ministre j’appelle votre attention et celle du Gouvernement sur la nécessité d’adapter les mesures de soutien aux situations particulières des îles, des outre-mer et de certains territoires vulnérables. Je vous sais sensible à la question corse et à son caractère particulier. Nous discutons actuellement avec le Gouvernement et il ne faudrait surtout pas rater cette occasion.

J’ai défendu et je défendrai encore une série d’amendements qui vont dans le sens d’un soutien adapté aux territoires fragiles, ainsi qu’à l’économie et à la vie sociale de l’île. Je ne peux qu’espérer que cette demande ne reste pas lettre morte et, en particulier, que vous renonciez aux suppressions de certaines exonérations prévues à l’article 9, qui vont visiblement dans le mauvais sens.

Pour ce qui est de la question du carburant, il faut aller au bout de la mission de l’Autorité de la concurrence, réguler les prix finaux et empêcher la disparition du groupe Ferrandi, qui susciterait des problèmes sociaux et transformerait la structure, déjà cartellisée, en situation monopolistique, avec tous les aspects négatifs que cela comporterait.

Nous avons conscience de vos difficultés, mais nous attendons que vos services et vous-même interveniez pour plus de justice en direction des territoires les plus défavorisés et pour la Corse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Haut Conseil des finances publiques considère votre prévision de croissance de 1 % comme un peu ambitieuse, du moins peu réalisable. De fait, de nombreuses entreprises pratiquent aujourd’hui des arrêts de travail sur les chaînes de production en raison de la hausse du prix de l’énergie. Si ce phénomène se poursuit en 2023, la croissance en sera nécessairement affectée.

Je souhaiterais voir des simulations avec des progressions de taux d’intérêt au-delà des 2,5 % pratiqués actuellement par la banque centrale. Je ne pense pas que nous puissions avoir des garanties sur une stabilisation de ce taux : comment, alors, estimer l’éventuelle dérive ?

Mme Stella Dupont. Nous sommes tous très attachés à notre modèle social, qui vise à soutenir les plus fragiles. Je note, dans les crédits vous nous présentez, plus de 2 milliards d’euros supplémentaires pour la mission Solidarité en crédits de paiement, et un peu moins en autorisations d’engagement. La cohésion des territoires bénéficie d’une hausse de l’ordre de 700 millions d’euros, mais je m’étonne du recul de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement. Quelles sont les priorités qui guident l’action du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, et particulièrement en matière d’hébergement d’urgence ?

M. Franck Allisio. S’il y a un domaine qui se porte bien ces derniers mois, ce sont les recettes fiscales sur les ménages : plus 6 milliards d’euros de TVA par rapport à 2022, plus 4,5 milliards d’impôt sur le revenu. Cela fait du Gouvernement, à tout le moins, un profiteur de l’inflation, et de la France, l’éternel vice-champion du monde des impôts. Vous invoquerez votre effort en matière d’impôt sur le revenu, mais cet effort n’en est pas un, car c’est la non-indexation du barème de cet impôt qui eût été une véritable augmentation d’impôts déguisée. Parlant d’efforts, où en est le chèque alimentation que vous avez annoncé au mois de juin ?

S’agissant de la taxe foncière, le risque de flambée des valeurs locatives nécessite d’en prévoir le plafonnement, en le compensant toutefois, car il ne s’agit pas de le faire peser sur nos communes.

M. Philippe Lottiaux. On nous dit que la baisse de la CVAE sera compensée intégralement par la TVA et que la moyenne retenue sera celle de 2021-2022. Dans la mesure où le rendement de la CVAE a été moindre sur cette période, du fait d’un décalage des effets de la crise sanitaire, ne serait-il pas plus juste d’inclure le résultat de 2023 ? J’espère aussi que les EPCI, qui sont fortement impliqués dans le développement économique, profiteront de la nouvelle répartition du produit de la TVA et qu’on ne se retrouvera pas avec une énième dotation de compensation.

L’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques fixe une norme pour l’évolution des dépenses des collectivités territoriales. Il est bon qu’une perspective soit donnée, mais il est délicat, au regard de l’autonomie financière des collectivités, que tout écart soit assorti d’une punition. Il est aussi irréaliste de donner le même cadre à toutes les collectivités de France et de Navarre.

M. Fabrice Brun. La France connaît un déficit record, que vous avez encore creusé ces cinq dernières années en décidant de 140 milliards de dépenses ordinaires supplémentaires. La dette excessive, l’envolée de l’inflation et celle des taux à long terme forment une spirale infernale. Ce budget comporte-t-il des mesures de nature à l’enrayer ?

Vous venez d’évoquer, monsieur Le Maire, la suppression de niches fiscales. Pour la clarté de nos débats, pourriez-vous préciser quels dispositifs vous ciblez ?

M. Karim Ben Cheikh. Rapporteur spécial de la mission Action extérieure de l’État, je constate une légère augmentation des moyens budgétaires et humains du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale que celle-ci s’inscrit dans une vision pluriannuelle de réarmement de la diplomatie française ? Au vu des premiers éléments disponibles, il me semble que cette hausse n’est pas à la hauteur de l’urgence et des défis auxquels la France est confrontée.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 ne contient pas de mesure en faveur des Français installés à l’étranger, lesquels subissent depuis plusieurs mois la hausse du coût de la vie. Vous avez affirmé devant notre commission qu’une augmentation pérenne des moyens de l’État à destination de nos compatriotes établis hors de France était prévue. Est-ce toujours le cas ? Cette hausse s’intègre-t-elle dans une vision pluriannuelle ?

M. Michel Sala. Vous prônez un dialogue entre le Parlement et le Gouvernement avec de nouvelles méthodes, dont participent les dialogues de Bercy. Pourriez-vous indiquer les effets sur le budget que cette démarche a pu avoir – je n’en vois pas trace dans les réponses que vous avez apportées ?

La BCE a accordé 2 300 milliards de prêts aux banques pour relancer l’activité économique lors de la crise sanitaire, avec des taux allant jusqu’à moins 1 %. Le relèvement récent des taux à 0,75 % a entraîné des superprofits, estimés entre 24 et 31 milliards, pour les banques – lesquelles ne se hâtent pas de rembourser leurs emprunts. Le Gouvernement entend-il intervenir auprès des autorités européennes pour que cette situation indécente cesse immédiatement ?

M. le président Éric Coquerel. M. Tanguy souhaite faire un rappel au règlement ; je vais le lui accorder, non sans indiquer que cette procédure n’est pas d’usage en commission. La courtoisie de nos échanges, à laquelle je suis attaché, doit permettre de l’éviter.

M. Jean-Philippe Tanguy. Je n’ai d’autre choix que de faire ce rappel au règlement car M. Le Maire a gravement mis en cause, et même injurié, les élus du Rassemblement national en osant dire que nous étions soumis à la violence de l’armée russe.

Monsieur le ministre, vous avez le droit d’être ivre des mensonges et de la propagande d’État mais, en tant que ministre de la République, vous devez respecter les élus qui siègent ici, à quelque parti qu’ils appartiennent. Dans la mesure où vous n’avez aucun début de preuve de ce dont vous nous accusez, l’éthique républicaine vous impose de vous taire. Proférer de telles accusations est un poison pour la démocratie !

Nous ouvrirons sans hésiter nos cœurs et notre réalité. Ferez-vous de même dans le cadre de la commission d’enquête, dont nous demanderons prochainement la création, sur les ingérences étrangères et leur influence sur les décisions d’État ?

M. Le Maire, ministre. Je suis au regret de décevoir M. Tanguy, mais je ne me tairai pas. Je prends donc la parole.

Le sujet de la taxation, parfaitement légitime, nécessite de bien poser le débat. La NUPES propose de taxer toute entreprise dont le résultat fiscal de 2023 serait supérieur de 25 % à la moyenne des résultats 2017-2019. À mes yeux, cela ne revient pas à taxer les superprofits mais à taxer tous les profits de toutes les entreprises qui réussissent. La NUPES propose aussi que cette taxe soit imposée jusqu’en 2025, ce qui lui ôte tout caractère exceptionnel. Il s’agira d’une taxe permanente et je souhaite bien du courage à ceux qui voudront la supprimer après cette date. Derrière les mots de « taxation exceptionnelle des superprofits », qui sonnent bien, il y a donc une réalité, celle d’une taxation permanente des profits des entreprises.

La proposition de l’UE est très différente : il s’agit de taxer les entreprises d’un seul secteur, celui de l’énergie, dont le résultat d’une seule année, 2022, serait supérieur de 20 % à la moyenne des résultats 2019-2021, une période plus proche de la crise inflationniste.

M. Da Silva m’a interrogé sur le financement de l’apprentissage. Il est vrai que France compétences accuse un déficit de 6 milliards d’euros ; nous ferons des propositions dans le budget pour que la machine ralentisse et que l’argent soit destiné aux apprentis qui en ont le plus besoin. Olivier Dussopt s’exprimera sur le sujet.

Monsieur Amiel, je veux rassurer nos compatriotes qui s’inquiètent de la fin des TRV du gaz. Afin d’éviter tout risque de flambée des prix, le bouclier s’appuiera sur un indice de référence que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sera chargée de calculer.

J’ai présenté à nos partenaires des propositions concernant les règles budgétaires européennes, monsieur Sitzenstuhl. Ces règles communes, que l’évolution des situations politiques dans la zone euro rend plus nécessaires encore, doivent reposer sur trois principes. La différenciation, d’abord, puisqu’on ne saurait demander à un État dont la dette est de 158 % du PIB de la réduire à 60 % au même rythme qu’un autre dont la dette atteint 70 %. L’appropriation, ensuite : les États doivent faire eux-mêmes des propositions de réformes structurelles et de réduction des dépenses qui garantissent le retour du déficit sous les 3 %. Ainsi, lorsque nous proposons de réformer les retraites ou l’assurance chômage, nous traçons une trajectoire crédible de réduction des dépenses publiques. La responsabilisation, enfin : chaque État est comptable devant les autres membres car la zone euro, comme nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, nous protège.

Mme Dalloz a parlé de ces entreprises à qui il revient moins cher, compte tenu du coût de l’énergie, de ralentir de 20 % à 30 % leur production. Si nous nous battons autant pour faire baisser les prix de l’électricité et aider les entreprises énergo-intensives, c’est pour éviter qu’une crise économique ne vienne s’ajouter à la crise énergétique. Nous devons intervenir pour soutenir les entreprises et faire en sorte que les usines continuent de tourner à un rythme normal. J’attends des énergéticiens, que je recevrai avec Agnès Pannier-Runacher dans les prochains jours, un comportement exemplaire et solidaire vis-à-vis de leurs clients. Quand je les entends dire qu’ils anticipent un prix du mégawattheure de 250 euros et que, parallèlement, ils proposent aux entreprises des contrats à 400 ou 500 euros le mégawattheure, je me dis qu’il y a un problème.

Monsieur Allisio, l’État va mettre sur la table 50 milliards d’euros pour protéger nos compatriotes. Il ne me semble pas qu’il profite de l’inflation, mais qu’il protège de l’inflation !

M. Brun m’a demandé de préciser quels dispositifs seront concernés par la suppression des niches. Je n’ai pas d’a priori sur la question. M. Labaronne a fait des propositions ; si nous nous y mettons tous ensemble, nous parviendrons à supprimer un certain nombre de ces dépenses fiscales, que je considère effectivement comme inappropriées. Il est d’usage de dire que derrière chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie ; eh bien, cela ne doit pas empêcher la caravane du rétablissement des finances publiques de passer !

Je conclurai, monsieur Sala, en disant à quel point la concertation lancée par mon excellent collègue ministre délégué aux comptes publics est une initiative bonne et utile pour notre pays.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Margueritte, les créations d’emplois correspondent aux engagements pris pendant la campagne présidentielle. Le réarmement en matière de sécurité se poursuivra avec le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique d’ici à 2030. Cela passera à la fois par la création de 8 500 postes au cours du quinquennat, dont 3 000 dès l’année prochaine, par une réforme des horaires et rythmes de travail ainsi que par le transfert de certaines missions exercées par les forces de sécurité intérieure – transfert de malades, garde de bâtiments publics.

La Première ministre nous a fixé pour objectif la stabilité de l’emploi public sur la durée du quinquennat. Les ministères qui connaîtront une hausse de l’emploi public seront en nombre limité – je les ai déjà cités : la sécurité, les armées, la justice. Des efforts sont demandés à d’autres ministères. À Bercy, nous sommes bien placés pour le savoir puisque ce ministère supporte l’essentiel des efforts depuis vingt ans – 2 000 suppressions de postes par an en moyenne sous le précédent quinquennat. Notre ministère demeurera exemplaire mais les efforts seront poursuivis à un rythme moins soutenu afin de garantir le bon exercice de ses missions.

Dans certains ministères, notamment l’éducation nationale, les créations de postes seront moins importantes que par le passé – après le bond démographique, on attend 500 000 élèves de moins dans les cinq prochaines années. Pour continuer à améliorer le taux d’encadrement, il n’est pas nécessaire de créer autant de postes qu’auparavant.

La hausse que vous constatez dans le schéma d’emplois est aussi le résultat d’un effort de sincérité budgétaire : désormais, celui-ci comptabilise les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Dès lors que nous voulons remédier à la précarité qui caractérisait ces emplois, le fait de les intégrer au plafond d’emplois de l’État relève de la bonne gestion.

Monsieur Castellani, s’agissant de la Corse, des discussions importantes sont menées en ce moment par Gérald Darmanin. Nous apportons tout le soutien nécessaire sur les volets économique et fiscal. Une réunion doit se tenir fin octobre ou début novembre sur le sujet. Vous avez mentionné l’article 9, qui prévoit d’abroger l’exonération temporaire de l’impôt sur les sociétés en faveur des entreprises créées en Corse dans les secteurs de l’artisanat, de l’industrie, de l’hôtellerie, du bâtiment et des travaux publics. Je vous rassure, il ne s’agit que de nettoyer la législation fiscale en supprimant des dispositions devenues obsolètes. Nous tenons à votre disposition tous les documents permettant d’apaiser les éventuelles craintes des acteurs locaux sur ce point

Madame Dupont, notre stratégie pour lutter contre la pauvreté repose sur le retour à l’emploi. Le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans ; des millions de Français ont retrouvé un emploi sous le précédent quinquennat, ce qui leur a permis de sortir de la pauvreté.

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, les crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables progressent de 100 millions d’euros, afin de financer la revalorisation salariale des métiers de l’accompagnement social mais aussi le deuxième plan Logement d’abord qui favorise l’accès à un logement plutôt que le recours aux nuitées hôtelières. Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en hausse de 2,1 milliards d’euros, sous le double effet de la revalorisation des prestations sociales liée à l’inflation et de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) – important progrès auquel vous avez contribué et qui doit être appliqué au plus tard le 1er octobre 2023.

Monsieur Allisio, s’agissant d’un éventuel plafonnement de la taxe foncière, les impôts fonciers ont toujours varié au gré de l’inflation. Les associations d’élus locaux nous ont implorés de ne pas modifier la règle légale. Ce sujet suscite un débat au sein de la majorité et de l’opposition – lors des dialogues de Bercy, j’ai entendu Jean-René Cazeneuve et Charles de Courson. Celui-ci se poursuivra dans l’hémicycle. Je le répète, j’appelle les collectivités à modérer la hausse des taux de fiscalité locale afin de ne pas ruiner tous les efforts consentis en faveur du pouvoir d’achat des Français.

Certaines collectivités pourraient baisser leur taux pour compenser la revalorisation du coefficient des valeurs locatives cadastrales liée à l’inflation. Certains maires l’ont déjà annoncé.

Monsieur Lottiaux, s’agissant de la compensation de la CVAE, nous avons retenu une période de référence de trois ans car les résultats sur une année ne sont pas homogènes : alors que les recettes de CVAE au niveau national peuvent être très bonnes, celles de certaines collectivités peuvent connaître au même moment un point bas, et inversement. C’est une ressource très volatile. Je prends l’exemple d’une commune sur le territoire de laquelle se trouve une centrale nucléaire à l’arrêt pour cause de maintenance : à Civaux, les recettes passent de 3,8 millions d’euros cette année à 53 000 euros l’an prochain. La compensation telle que le prévoit le PLF apporte aux collectivités de la visibilité et leur assure que les recettes de CVAE ne baisseront pas. C’est une belle garantie que nous leur donnons.

Nous souhaitons que le lien avec le territoire et la dynamique des ressources soit maintenu. Un maire qui accueille des activités économiques sur son territoire doit pouvoir continuer à dire à ses administrés que c’est bon pour les recettes de la ville. Afin de conserver la territorialisation, nous avons donc proposé de nous appuyer sur la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui est déjà l’un des critères d’affectation de la CVAE. Lors des dialogues de Bercy, plusieurs interlocuteurs nous ont incités à ajouter d’autres critères. Nous sommes très ouverts aux propositions en la matière.

Non, la norme de dépenses qui est fixée aux collectivités locales ne remet pas en cause leur autonomie. Le Conseil constitutionnel a estimé que les contrats de Cahors, pourtant bien plus contraignants que les nouveaux pactes de confiance, ne portaient pas atteinte à cette dernière. En revanche, un mécanisme est prévu pour infléchir la trajectoire des dépenses en cas de dérapage afin d’en garantir la maîtrise. C’est normal. Contrairement à ce que vous prétendez, la norme ne sera pas la même pour tous. En cas de dérapage, le mécanisme de correction ne s’appliquera qu’aux communes dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros, ce qui vise les 500 plus grosses collectivités.

Monsieur Sala, s’agissant des évolutions consécutives aux dialogues de Bercy, je pense en avoir mentionné plusieurs depuis le début de l’audition. Je pense à la suspension de l’actualisation des bases locatives à la demande unanime des groupes. À rebours de notre objectif de redynamisation des centres-villes, à travers le plan Action cœur de ville notamment, elle avait pour effet d’accroître la fiscalité pour les commerces de centre-ville et de la diminuer pour les hypermarchés de la périphérie.

Nous accédons aux demandes qui ont été formulées en abondant de 210 millions d’euros les dotations de péréquation.

Des propositions ont été faites pour mieux protéger la forêt ; nous reprenons l’idée de sanctuariser les effectifs de l’Office national des forêts (ONF) alors que des suppressions de postes étaient prévues, celle d’une incitation fiscale à replanter pour les propriétaires de forêts ainsi que celle d’un fonds pour accompagner les communes forestières victimes de scolytes.

L’article 21 de la loi de programmation pour les finances publiques permettra d’organiser le débat sur la qualité de la dépense publique qui a été réclamé. Les dialogues de Bercy auront été utiles.

Monsieur Ben Cheikh, la mission Action extérieure de l’État bénéficie d’une hausse de crédits de 187 millions d’euros dont 63 millions concernent la masse salariale. Ils visent à financer les priorités définies en 2022, notamment l’immobilier, la sécurité ainsi que le renforcement de la diplomatie culturelle et d’influence – à hauteur de 47 millions d’euros. Les aides à la scolarité dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger sont maintenues. Après un renforcement des effectifs de l’administration centrale en 2022, le schéma d’emplois de la mission prévoit 100 ETP supplémentaires en 2023 afin d’accroître notre présence dans l’Indo-Pacifique – plusieurs nominations importantes ont été entérinées ce matin en Conseil des ministres – et notre capacité d’analyse politique dans les postes diplomatiques les plus exposés. La sécurisation des emprises diplomatiques, la cybersécurité et la lutte contre la manipulation de l’information bénéficient également de crédits supplémentaires.


Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques sur l’avis du Haut conseil relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Au cours de sa séance du mercredi 28 septembre 2022 au matin, la commission a procédé à l’audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 272).

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons aujourd’hui en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques M. Pierre Moscovici, afin qu’il nous présente deux avis qu’a rendus le Haut Conseil, l’un sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, l’autre sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

En ce qui concerne le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP), le Haut Conseil est chargé d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques et l’estimation de PIB potentiel, et d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif de moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

Pour ce qui est du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, l’avis du Haut Conseil porte sur les prévisions macroéconomiques qui les fondent, ainsi que sur la cohérence entre leur article liminaire et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation. Par ailleurs, et c’est une innovation de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qu’il est important de mentionner, le Haut Conseil doit donner son avis sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du PLF et du PLFSS.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, et non comme Premier président de la Cour des comptes, afin de vous présenter les principales conclusions de ces deux avis.

Mes propos seront sans doute assez proches de ceux qu’a tenus hier le gouverneur de la Banque de France, ce qui n’est guère surprenant de la part de deux représentants d’institutions dont les fonctions sont certes différentes mais les analyses souvent convergentes.

Nous sommes à un moment charnière pour nos finances publiques. Avec la crise sanitaire, celles-ci ont subi une détérioration inédite, en raison à la fois du repli de l’activité économique et des mesures de soutien d’urgence adoptées pour y faire face. Ces mesures dites du « quoi qu’il en coûte », la Cour ne les a jamais jugées négativement : elle les a soutenues, parce qu’elles étaient nécessaires. Elles ont préservé la situation des ménages et des entreprises et permis de maintenir la cohésion sociale. Elles ont rendu possible un rebond économique rapide et puissant en 2021. Cependant, revers de la médaille, nos niveaux de déficit et de dette sont très élevés et constituent, à nos yeux, des freins pour l’avenir.

Je dis souvent que je ne suis pas un ayatollah de la dette ou une Cassandre de l’austérité. Je suis toutefois convaincu qu’un pays endetté se prive des capacités d’investissement et des marges de manœuvre nécessaires pour préparer l’avenir. Or, notre environnement économique et géopolitique est incertain et la réponse aux défis de demain – transition énergétique, santé, éducation – mettra nécessairement les finances publiques à contribution. Autrement dit, nous avons besoin de ressources publiques importantes pour investir, et la dette réduit notre capacité à les déployer.

Dans ce contexte, vous avez à examiner le projet de loi de programmation des finances publiques, dont la vocation est de constituer une ancre pour notre trajectoire budgétaire au cours des prochaines années. Elle est l’occasion de se projeter sur le long terme en fixant des objectifs étayés par des réformes documentées et de préserver notre crédibilité, notamment vis-à-vis de nos partenaires européens. Vous avez souligné que c’était une des missions du Haut Conseil des finances publiques.

Certes, la crise sanitaire a conduit la Commission européenne à déclencher la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui autorise les membres de l’Union européenne à s’écarter, en raison de circonstances exceptionnelles, des exigences budgétaires normalement applicables – autrement dit, les règles sont suspendues. Mais n’oublions pas que cette clause devrait être désactivée en 2024 : nous ne sommes donc pas exonérés de bâtir une trajectoire de finances publiques soutenable et nous ne devons pas considérer que ces règles n’existent plus. Elles devront être réformées, et ce sera une excellente chose, mais nous avons besoin de règles ; ces traités continueront à s’appliquer.

Les deux avis du Haut Conseil s’inscrivent, pour la première fois, dans le cadre du nouveau mandat que le législateur a bien voulu lui confier lors de l’adoption de la loi organique du 28 décembre 2021, laquelle doit énormément aux travaux de votre commission. Désormais, non seulement le Haut Conseil est saisi des prévisions macroéconomiques, mais il doit apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Je m’en réjouis car je suis convaincu que le Haut Conseil peut ainsi mieux jouer son rôle, au service du Parlement et des citoyens. Nous travaillons avec vous, pour vous et pour les citoyens. Un Haut Conseil dont le mandat est étendu contribue davantage à votre information.

Permettez-moi de vous présenter d’abord notre avis sur les PLF et PLFSS pour l’année 2023, en commençant par un rapide retour sur la situation économique internationale, qui se rapprochera sans doute des analyses de la Banque de France.

L’environnement économique international s’assombrit. L’économie mondiale subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui se sont notamment traduites par de très fortes tensions sur les marchés des matières premières. Alors que le prix de certaines d’entre elles recule à mesure que les craintes de récession augmentent – le baril de Brent a ainsi retrouvé son prix de février, proche de 90 dollars – ceux du gaz et de l’électricité se sont envolés, poussés à la hausse par le risque d’une rupture complète d’approvisionnement en gaz russe. Les chaînes d’approvisionnement restent perturbées, notamment en raison des mesures de confinement régulièrement imposées en Chine, même si, progressivement, ces difficultés sont en voie d’atténuation.

L’ensemble des contraintes sur l’offre alimentent la hausse des coûts de production et, dans son sillage, celle des prix à la consommation. L’inflation atteint des niveaux très élevés : 8,3 % sur un an aux États-Unis, 9,1 % en zone euro, en août, ce qui conduit les banques centrales à relever à marche forcée leurs taux d’intérêt. Aux États-Unis, la réserve fédérale (Fed) a ainsi relevé de 300 points de base la fourchette de ses taux directeurs. De manière plus tardive et plus graduelle, la Banque centrale européenne (BCE) a tout de même augmenté ses taux de base de 125 points depuis le mois de juillet et a procédé le mois dernier à une hausse importante de 75 points de base. La BCE tout comme la Fed ont clairement annoncé leur volonté de poursuivre le cycle de resserrement monétaire au cours des prochains mois, dans le but de lutter contre l’inflation, conformément à leur mandat.

Le cumul de chocs extérieurs, le maintien de l’inflation à des niveaux élevés sous l’effet de la diffusion progressive des hausses des coûts de production, le durcissement des politiques monétaires engagées par les banques centrales, tout cela devrait peser sur l’activité mondiale au cours des prochains trimestres.

Au-delà des risques sanitaires qui n’ont pas totalement disparu, des incertitudes entourent les approvisionnements énergétiques des pays de la zone euro et les risques financiers se sont accrus. Les réglages de politique monétaire face à un choc inflationniste sont un art délicat. D’expérience, le soft landing, l’atterrissage en douceur des économies visé par les banques centrales, retenu dans les organisations internationales comme dans les prévisions du Gouvernement, est assez difficile à réussir.

Ne nous le cachons pas, le resserrement monétaire en cours comporte un risque de récession économique. Pour ma part, je pense plutôt que nous allons vers une croissance faible, mais ce risque est évoqué par plusieurs organisations internationales et hier encore par la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le président de la Fed a été clair sur ce sujet, même si la situation américaine n’est pas tout à fait comparable à la situation européenne.

Dans ce contexte, notre avis contient deux grands messages.

En premier lieu, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance retenu pour 2023 est un peu élevé. En revanche, il estime que les prévisions d’inflation – 4,2 % – et de masse salariale dans les branches marchandes – 5 % – sont plausibles.

En second lieu, le Haut Conseil estime que, bien que fondé sur des hypothèses un peu optimistes, le redressement des finances publiques prévu par le Gouvernement pour 2023 s’annonce lent et incertain. Selon une hypothèse optimiste du Gouvernement, le déficit budgétaire serait stable, l’amélioration du solde structurel très limitée et le ratio de dette quasi stable.

Entrons dans les détails.

Selon le scénario du Gouvernement, la croissance du PIB s’établirait à 2,7 % en 2022 et 1 % en 2023. Le Haut Conseil considère que l’hypothèse de croissance du Gouvernement pour 2022 est plausible, d’autant que les résultats sont plus favorables que prévu initialement. En revanche, pour 2023, elle s’écarte assez sensiblement de celle du consensus des prévisionnistes. Les instituts auditionnés par le Haut Conseil prévoient une croissance pour 2023 comprise entre 0 et 0,6 %, ce qui traduirait un net ralentissement, voire une baisse de l’activité au cours de l’hiver prochain, suivie d’un rebond très modéré. La prévision des économistes publiée dans le traditionnel Consensus Forecast de septembre affiche une forte baisse, à 0,6 %. Les dernières prévisions relatives à l’économie allemande, comme celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parues ce lundi, anticipent désormais une récession pour 2023 alors que le scénario international du Gouvernement prévoit une croissance de 0,8 % – or l’Allemagne est, de loin, notre principal partenaire.

Disons-le, la dégradation du contexte international risque de peser davantage sur les exportations françaises que ce qu’a prévu par le Gouvernement.

De plus, les hypothèses sur lesquelles sont construites les prévisions de consommation et d’investissement sont, à notre sens, fragiles, dans un contexte marqué par une inflation qui se maintiendrait à des niveaux élevés et des taux d’intérêt en forte hausse.

La prévision est aussi entourée d’aléas baissiers importants puisque le scénario du Gouvernement n’intègre pas de difficultés majeures en matière d’approvisionnement en gaz et en électricité, ni la perspective d’une récession qui pourrait résulter de tensions énergétiques ou d’un durcissement brutal des conditions financières.

Enfin, on ne peut pas totalement exclure des conditions sanitaires un peu moins favorables que prévu.

Par conséquent, le Haut Conseil considère que la prévision du Gouvernement à 1 % est pour le moins volontariste, voire un peu optimiste. Selon le Gouvernement, la moyenne annuelle de progression de l’indice des prix à la consommation serait de 5,3 % en 2022. Cette prévision proche du consensus des économistes est jugée crédible par le Haut Conseil. L’inflation attendue en 2023 est révisée en forte hausse, à 4,2 % de moyenne annuelle, contre 3,2 % dans le programme de stabilité que vous avez examiné il y a quelques mois.

Plusieurs facteurs continuent de jouer en sens contraire l’année prochaine. La hausse des prix devrait être soutenue par l’accélération des salaires, notamment dans les services, ainsi que par les hausses déjà décidées des prix du gaz et de l’électricité. À l’inverse, l’affaiblissement de la croissance mondiale pourrait conduire à un reflux rapide du cours des matières premières, et le tassement de la demande en France pourrait limiter la capacité des entreprises à répercuter des hausses de coûts dans les prix pratiqués.

Au total, en présence de facteurs à la hausse et à la baisse assez conséquents, nous estimons que cette prévision d’inflation est crédible. Le Haut Conseil considère également que la prévision de masse salariale et d’emploi pour 2022 et 2023 est plausible.

En résumé, nous considérons la prévision de croissance un peu élevée, la prévision d’inflation crédible, les prévisions d’emploi et de masse salariale plausibles.

J’en viens aux prévisions sur les finances publiques.

Le scénario du Gouvernement prévoit un solde public effectif de -5 points de PIB en 2022 et 2023, après -6,5 points en 2021.

En 2022, la prévision de recettes nous paraît un peu basse compte tenu des rentrées fiscales très positives observées et de l’évolution de la masse salariale. Autrement dit, la prévision de solde public à -5 points de PIB est un peu prudente et l’on pourrait avoir un déficit public légèrement inférieur.

Pour 2023, les prévisions sont très incertaines, comme l’est toujours la prévision du cadre macroéconomique. Les recettes pour 2023 pourraient pâtir de l’effet négatif d’une croissance moins forte que prévu mais bénéficier d’un effet de base des recettes pour 2022. Le niveau des dépenses publiques paraît très incertain, les risques étant plus orientés à la hausse qu’à la baisse, au regard de l’évolution de la crise énergétique mais aussi des potentialités de la situation sanitaire.

S’agissant des recettes, pour entrer dans le détail, le Gouvernement prévoit pour 2022 une très forte hausse des prélèvements obligatoires, de 7,8 %, qui les porterait à 1 194 milliards d’euros, montant qui pourrait même être dépassé au vu des rentrées fiscales disponibles jusqu’en juillet. En 2023, la prévision est de 1 234 milliards d’euros, soit 3,3 % de plus qu’en 2022. Cette prévision est inférieure de 4,6 % à la croissance du PIB en valeur, soit une élasticité inférieure à l’unité, due au net ralentissement de quelques grands impôts qu’attend le Gouvernement, ce qui nous paraît justifié. C’est le cas de l’impôt sur le revenu. La baisse du bénéfice fiscal des entreprises, prévue en 2022, se traduirait aussi en 2023 par une diminution significative des recettes de l’impôt sur les sociétés.

Bref, pour 2022 comme pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu. Les données sur les rentrées fiscales peuvent toutefois permettre d’envisager des recettes un peu plus élevées en 2022, tandis que pour 2023 les aléas sont plus équilibrés.

Pour ce qui est des dépenses, en 2022, les dépenses publiques hors crédits d’impôt devraient progresser de 4,2 % pour atteindre 57,6 points de PIB. Corrigées du déflateur du PIB, indice des prix pertinent pour l’analyse des finances publiques, elles progresseraient de 1,4 % en volume.

Cette croissance est très soutenue, en dépit du fort repli des dépenses de soutien face à la crise sanitaire – 15,9 milliards d’euros en 2022, après 61,6 milliards d’euros en 2021. Une fois neutralisées les dépenses liées à la crise sanitaire, les dépenses de relance et les mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, les dépenses publiques progresseraient de 3,5 %, déflatées par les prix du PIB.

En 2023, selon le Gouvernement, la dépense publique devrait progresser de 2,8 %, ce qui, avec une inflation élevée, devrait conduire à une baisse de la dépense publique en volume, de 0,8 % avec le déflateur du PIB. Ce recul s’explique toutefois essentiellement par le reflux des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et à la relance. Une fois ces dépenses neutralisées, la dépense publique progresserait de 0,7 % en volume.

Les dépenses dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) – 3,7% hors dépenses de la crise sanitaire – progresseraient plus rapidement qu’avant la crise sanitaire, tandis que, tirées par la hausse des crédits de plusieurs ministères – l’emploi, l’intérieur, la justice, la défense – les dépenses de l’État, sur le champ très large de la nouvelle norme qui en regroupe la très grande majorité, sont inscrites en hausse de 24 milliards d’euros. Les hypothèses de dépenses pour 2023 restent affectées par les incertitudes fortes relatives au coût des boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz, qui peuvent jouer à la hausse comme à la baisse.

Des risques de dépassement existent. En particulier, les dépenses dans le champ de l’ONDAM comprennent une provision de seulement un milliard d’euros pour les achats de vaccins et la campagne de tests au titre du covid-19. Cela suppose que les dépenses de tests soient divisées par vingt par rapport à 2021. D’après nous, cette provision risque de se révéler insuffisante. Espérons que le Gouvernement a raison, mais restons prudents.

Par ailleurs, le maintien d’une inflation élevée en 2023, pour la deuxième année consécutive, pourrait entraîner une hausse plus forte que prévu de certaines dépenses de fonctionnement, difficilement compressibles, ou d’investissement. La prévision suppose l’absence de revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

Aussi le Haut Conseil considère-t-il, au final, que certaines dépenses sont peut-être sous-estimées. La prévision de déficit pour 2023, à 5 points de PIB, semble par conséquent l’être un peu aussi, même si elle reste marquée par une grande incertitude. On pourrait donc avoir un déficit un peu inférieur en 2022 et un peu supérieur en 2023.

Le Gouvernement prévoit une baisse du ratio de l’aide publique en 2022 et plus marginalement en 2023. Toutefois, grâce à des facteurs temporaires, il serait assez stable et s’élèverait à 111,2 points de PIB en 2023.

L’analyse de la situation des finances publiques résultant de l’examen du Haut Conseil est sans ambiguïté. Les hypothèses sont un peu optimistes. Le Gouvernement prévoit pour 2023 une stabilité du déficit public effectif, une amélioration limitée du solde structurel, une quasi-stabilité du ratio de dette. Le redressement des finances publiques s’annonce lent et incertain en 2023.

Le Haut Conseil a également examiné le projet de loi de programmation des finances publiques. En ce domaine, trois missions nous incombent : apprécier l’estimation du PIB potentiel proposée par le Gouvernement ; les prévisions macroéconomiques associées à ce projet ; la cohérence de la programmation au regard de l’objectif d’équilibre structurel à moyen terme retenu par les engagements européens.

Le Haut Conseil considère que les hypothèses d’écart de production et les croissances potentielles retenues dans le projet de loi de programmation sont toutes deux optimistes. La croissance potentielle de l’économie serait ainsi, selon le Gouvernement, de 1,35 % par an pour la période 2022-2027. Cette hypothèse est proche de celles du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui sont légèrement inférieures, mais elle est nettement supérieure à celles de la Commission européenne et de l’OCDE, qui se situent plutôt autour de 1 %, comme d’ailleurs les travaux menés en interne par le Haut Conseil. Bref, 1,35 % est vraiment le taux le plus haut de toutes les estimations.

Sa réalisation suppose notamment que le net ralentissement de la population active prévu par l’INSEE sera plus que compensé par l’effet des réformes annoncées : réforme du revenu de solidarité active, réforme de l’assurance chômage, réforme de l’apprentissage, réforme des retraites, sur lesquelles le Gouvernement a fourni peu d’informations au Haut Conseil – ni les modalités ni le calendrier. Pour parvenir à 1,35 % de croissance potentielle avec le ralentissement démographique, il faudrait que ces réformes, qui ne produiront leurs effets que progressivement, soient toutes mises en œuvre très rapidement.

Par ailleurs, le Gouvernement estime que l’écart de production s’établirait en 2022 à -1,1 point de PIB, supposant que l’économie se situe dans un creux conjoncturel et qu’il existe un fort potentiel de rebond, résultat d’importantes capacités de production inutilisées qui permettraient à la croissance d’excéder fortement la croissance potentielle.

Là encore, nous pensons que cette estimation est optimiste. Elle se situe dans le bas de la fourchette des organisations internationales – notamment -0,4 point pour la Commission européenne ou -0,7 point pour le FMI. Elle n’est pas confirmée par les données d’enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Elle semble notamment incompatible avec les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises dans de nombreux secteurs de l’économie.

Avec ces estimations de croissance potentielle et d’écart de production, le scénario macroéconomique pour la période 2023-2027 est à nos yeux optimiste. J’ai déjà évoqué les prévisions pour 2023. Pour la période qui suit, de 2024 à 2027, le Gouvernement retient une croissance du PIB d’en moyenne 1,7 point par an. C’est possible. Cela suppose que plusieurs facteurs favorables soient réunis, dont une baisse rapide du taux d’épargne des ménages, qui n’est pas tout à fait garantie : les ménages peuvent puiser dans leur épargne pour maintenir leur consommation en dépit de l’inflation, mais ils peuvent aussi décider de maintenir durablement une épargne accrue – comportement malheureusement observé dans la période récente – dans un contexte géopolitique et sanitaire tendu.

La prévision du Gouvernement suppose également que, durant toute cette période, l’investissement des entreprises se maintienne à son niveau de 2020 à 2021, supérieur à celui atteint les vingt dernières années, alors même que les conditions de financement se durcissent du fait de la hausse des taux. C’est également possible.

En outre, dans le scénario du Gouvernement, le commerce extérieur contribuerait à la croissance grâce à des gains de parts de marché à l’exportation. C’est possible, mais cela suppose tout de même une rupture très forte avec la tendance des deux dernières décennies ; les derniers chiffres connus ne vont pas dans ce sens.

Enfin, le Gouvernement suppose que l’inflation se résorberait grâce à une remontée modérée des taux d’intérêt, alors même qu’il existe des incertitudes fortes sur ce point.

Au total, aucune des hypothèses prises isolément n’est totalement irréaliste. Toutes sont possibles, mais leur combinaison est le fait d’un cadrage d’ensemble optimiste. Disons qu’il n’est pas impossible que toutes les hypothèses favorables se réalisent en même temps.

Enfin, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la programmation au regard de l’objectif à moyen terme, d’une part, et vis-à-vis des engagements européens de la France d’autre part. Je rappelle que ces engagements résultent principalement du pacte de stabilité et de croissance et du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire signé en 2012.

Comme je l’ai dit, la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance a été déclenchée par la Commission européenne en mars 2020. Elle est applicable jusqu’à la fin de l’année 2023. Au-delà, le pacte de stabilité devrait retrouver son rôle. Or la trajectoire présentée s’écarte des engagements qui en découlent, à plusieurs égards.

Premièrement, le retour effectif du déficit sous les 3 % ne s’opère pas avant 2027.

Deuxièmement, la convergence vers l’objectif de moyen terme fixé à -0,4 point de PIB est lente et reportée après la période de programmation. En effet, le PLPFP estime le déficit structurel pour 2027 à 2,8 points, soit un écart de plus de 2 points.

Troisièmement, l’ajustement structurel prévu, c’est-à-dire l’amélioration du déficit structurel d’une année sur l’autre, est sensiblement inférieur à 0,5 point de PIB par an, ce qui n’est pas conforme aux règles actuellement applicables à la France.

Enfin, le ratio de dette publique s’infléchit seulement en fin de programmation, légèrement – à 110,9 points de PIB en 2027 – alors même que les hypothèses de croissance ne sont pas pessimistes et que l’évolution des taux d’intérêt est incertaine.

Cette trajectoire nous paraît peu ambitieuse : la plupart de nos partenaires vont plus vite s’agissant du retour sous les 3 % de déficit et de l’évolution du taux d’endettement, à en croire en tout cas les prévisions qu’ils affichent. Et pourtant, elle soulève des interrogations. Bien que l’ajustement structurel prévu soit très graduel, la trajectoire repose sur une quasi-stabilité en volume des dépenses publiques pour la période 2024-2027, soit une maîtrise nettement plus forte que pendant les deux dernières décennies et qui n’est pas, à ce stade, documentée. Les dépenses de l’État devraient reculer de 0,7 % en volume par an, en moyenne, ce qui suppose une forte baisse des crédits des ministères autres que ceux relevant de lois de programmation sectorielles – défense, sécurité intérieure, recherche – qui sont inscrits en forte hausse.

Les dépenses locales de fonctionnement devraient reculer de 0,5 point en volume par an, objectif plus ambitieux que celui retenu par la précédente loi de programmation. Le PLPFP suppose que les collectivités ne choisiront pas de tirer parti des marges financières qui en résulteront pour améliorer leurs dépenses d’investissement.

De plus, dans les prévisions du Gouvernement, la croissance de l’ONDAM serait moins rapide que celle du PIB, ce qui s’est très rarement produit par le passé et qui supposerait une action résolue pour freiner la dépense, dans le contexte haussier du vieillissement de la population et de progrès technique – action qui n’est pas non plus documentée dans les éléments transmis au Haut Conseil.

Enfin, du côté des recettes, la trajectoire suppose, entre autres, une réduction des niches fiscales et sociales, à laquelle la Cour des comptes appelle d’ailleurs très fortement, et une lutte efficace contre la fraude. Le total, qui doit dépasser 9 milliards d’euros, est crédible mais élevé au vu des résultats passés, et nécessitera une action très volontaire.

En définitive, le PLPFP encourt les mêmes réflexions que le Haut Conseil a formulées sur le programme de stabilité : c’est fragile, trop peu ambitieux et d’une crédibilité qui pourrait être plus forte.

Ni les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023 ni le projet de loi de programmation des finances publiques ne nous engagent donc dans la voie d’un redressement suffisant de nos finances publiques. Si nous avons à faire face à d’autres crises, il faut que nous nous y préparions. Avec une dette publique qui devrait dépasser 3 000 milliards d’euros d’ici à la fin de cette année, un contexte de taux d’intérêt différent, une charge pour le remboursement du service de la dette qui s’accroît fortement, nos marges de manœuvre et nos capacités d’action se réduisent déjà. Pourtant, nous avons besoin qu’elles s’accroissent face aux besoins considérables en investissements dont le pays peut légitimement réclamer la survenue.

De plus, ces résultats restent éloignés de nos engagements européens. La soutenabilité de nos finances publiques, mais aussi notre crédibilité et notre influence au sein de la zone euro, en sont affectées.

C’est pourquoi nous estimons qu’un programme d’économies plus solide et plus documenté, couplé à la recherche d’une plus grande qualité des dépenses, est tout à fait nécessaire.

M. le président Éric Coquerel. Commentant les éléments macroéconomiques que vous portez à notre connaissance, comme vous l’aviez déjà fait à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative, vous dites, non sans un certain sens de la litote, que les prévisions du Gouvernement vous paraissent optimistes, avec les conséquences qu’on peut imaginer sur l’élaboration du budget. Je vous remercie pour ces observations. Vos prévisions de cet été, à l’instar de celles du FMI, étaient plus réalistes que celles du Gouvernement dans son programme de stabilité. Depuis, ce dernier a d’ailleurs revu, à la baisse, ses estimations de croissance et, à la hausse, ses prévisions d’inflation.

Cela dit, j’aimerais engager avec vous un débat politique. Vous êtes dans votre rôle en relevant que le PLF et le PLFSS ne conduisent pas au redressement des comptes publics, avec un déficit autour de 3 % en 2027, mais vous avez aussi évoqué la nécessité de dégager des moyens pour la transition écologique, la santé, l’éducation. J’ai tendance à penser que plus on retarde les investissements nécessaires dans ces domaines, plus les différentes crises et situations d’urgence coûteront cher à l’État et à la collectivité. Pourtant, le Gouvernement assume et revendique le maintien d’une politique d’offre et de compétitivité. Hors inflation, la croissance des dépenses publiques proposée par le Gouvernement sera de 0,7 %, soit un niveau bien inférieur à la croissance tendancielle des dépenses, qui est de 1,35 % d’après Bercy même, et surtout inférieur à ce qui se faisait depuis une dizaine d’années – cette augmentation était en moyenne de 2 % sous François Hollande, et de 1 %, hors crise sanitaire, sous le premier mandat d’Emmanuel Macron. Et malgré cette baisse, eu égard à la situation économique, on sera loin du compte.

Dès lors, ne doit-on pas changer de paradigme ? La Banque de France et d’autres organismes évoquent un risque de récession aux niveaux national et international. Je rappelle que s’il n’y a pas eu de récession en France entre 2008 et 2012, ce n’est pas grâce au marché privé, qui était en décroissance, mais aux dépenses publiques, lesquelles sont aussi des recettes. Ne doit-on pas considérer les dépenses publiques, qui sont un investissement, qui font fonctionner la machine économique, qui rapportent des cotisations, comme un apport à l’économie qui est de nature à contrarier la récession ?

Dans une interview donnée au Point, vous dites fort justement que nous ne pouvons pas compter sur une croissance forte pour rétablir les finances publiques. Je suis d’accord avec vous. On peut d’ailleurs se demander si la croissance pour la croissance est nécessaire. Quoi qu’il en soit, il y a des gens qui voient croître leur richesse : chaque année, les dividendes et les profits explosent. Cela ne pose-t-il pas la question du partage des richesses en faveur des revenus du travail, qui produisent des cotisations – vous avez vous-même remarqué que le déficit de la sécurité sociale a été moins important que prévu grâce à l’augmentation de la masse salariale – et qui génèrent des ressources pour l’État ?

Vous dites aussi que tout euro de plus affecté à la charge de la dette est un euro en moins pour la transition écologique, la transition énergétique, la transition numérique et l’éducation. J’observe pour ma part que la charge de la dette est à peu près équivalente à la baisse annuelle des impôts des cinq dernières années. Ne pourrait-on donc pas dire la même chose de tout euro de plus affecté à la baisse de la fiscalité, d’autant plus si elle profite aux entreprises, sans conditions, par exemple avec la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ou aux plus riches de notre pays ? Cela n’entre pas en compte dans votre analyse. Que pensez-vous du fait que, en 2023, on continue à réduire le montant de la CVAE, à hauteur de 4 milliards d’euros, ce qui automatiquement pèsera sur le déficit ? Hier, le gouverneur de la Banque de France, s’il n’a certes pas acquiescé à toutes mes propositions économiques, s’est du moins clairement interrogé sur cette question des dépenses fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur le président du Haut Conseil, vous nous présentez deux avis aux tonalités assez différentes. À court terme, le projet de budget pour 2023 vous semble construit sur des bases réalistes, même si vous soulignez un aléa sur le volume de certaines dépenses et sur la croissance. À long terme, s’agissant du projet de loi de programmation des finances publiques, vous considérez la trajectoire proposée par le Gouvernement à la fois optimiste et peu ambitieuse.

Vous considérez que la croissance potentielle pour la période 2023-2027 est surestimée par le Gouvernement, parce que les efforts de réforme sont peu documentés. Je constate quand même que, s’agissant des retraites, le Gouvernement proposera prochainement des éléments, devant aboutir dès l’été 2023 ; pour ce qui est de l’assurance chômage, nous en discuterons la semaine prochaine en séance publique ; la réforme de l’apprentissage est prévue dès l’année 2023 ; les moyens sont mis pour l’accompagnement des allocataires du RSA vers leur retour à l’emploi. Toutes ces réformes sont lancées et, je suis d’accord avec vous, doivent être mises en œuvre rapidement.

Quand on établit une programmation, toutes les pièces du Meccano ne sont pas fournies. Mais le mandat précédent parle pour nous. Nous avons été capables de faire baisser le chômage de manière significative. Nous sommes donc crédibles dans notre projection de plein emploi à la fin du quinquennat. C’est un engagement, l’expression raisonnée et étayée d’un volontarisme politique.

Monsieur le président Coquerel, si les cotisations sont mieux rentrées en 2022, ce n’est pas l’effet du hasard : c’est probablement parce que notre politique de l’offre s’est traduite par une croissance des investissements des entreprises.

De ce point de vue, chacun, dans le débat public, peut considérer la trajectoire proposée comme peu ou trop ambitieuse. Chacun a ses référentiels pour en juger. Les observations du Haut Conseil des finances publiques enrichissent le débat public de façon argumentée. Je constate que, jusqu’à 2019-2020 et la crise sanitaire, cette majorité a suivi le chemin qu’elle avait fixé. Et, depuis 2020, dans les tempêtes successives qui ont frappé nos finances publiques, les résultats finaux ont été régulièrement meilleurs qu’attendu.

Je suis d’avis qu’il vaut mieux suivre une boussole montrant un chemin praticable que fixer une trajectoire clinquante mais inatteignable. Pour assurer la maîtrise de nos finances publiques, il faut fixer un chemin, avoir une boussole, dès lors qu’il est proposé de désendetter le pays et de revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB.

Les prévisions de croissance pour 2023 sont en baisse. Le Gouvernement a même dû procéder à un ajustement de la prévision à 1 %. Cette tendance baissière n’a-t-elle pas en partie pour origine une certaine sobriété de nos entreprises, voire des ménages, face à la hausse des prix de l’énergie, ce qui pourrait être bienvenu à certains égards mais plomberait l’activité économique ?

Les incertitudes pour 2023 résident dans le volume de dépenses rattachées au bouclier tarifaire. En la matière, tout ne dépend pas de la volatilité des prix : avec le jeu des compensations aux fournisseurs, estimées pour 2023 entre 19 et 20 milliards d’euros, des décaissements significatifs seront dus au titre des années 2021 et 2022, tandis que nous recevrons des versements de la part des producteurs d’électricité d’origine renouvelable. Avez-vous retracé l’ensemble de ces éléments par année de décaissement et de rattachement pour fonder votre avis sur les estimations du Gouvernement en dépenses ?

Quelles seraient les conséquences du rejet du projet de loi de programmation qui nous est soumis, s’agissant de nos engagements européens, de nos prêteurs et aussi des instances que vous présidez ? En matière de pilotage, de transparence et de visibilité vis-à-vis de nos partenaires, n’est-il pas risqué de ne pas approuver cette trajectoire, même si on peut la contester sur un certain nombre de points ?

La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a étendu les missions du Haut Conseil des finances publiques. Quelles observations pouvez-vous formuler au terme d’un premier exercice de ce nouveau mandat ?

Enfin, pour 2023, vous faites état de 0,2 % d’augmentation des prélèvements obligatoires liés aux mesures nouvelles. Pourtant, les baisses de l’impôt sur le revenu et de la CVAE me paraissent plutôt être de nature à faire baisser les prélèvements obligatoires.

M. le président Éric Coquerel. On peut se demander si, depuis deux ans, sous l’effet du covid, la politique conduite était vraiment celle de l’offre…

M. Pierre Moscovici. Monsieur le président, je n’irai pas sur le terrain politique où vous voulez m’entraîner. Non que je ne l’aie pas pratiqué, y compris dans cette salle, puisque j’y suis venu en tant que membre de cette commission, ministre des finances et Commissaire européen. Mais, et je le dis sans plaisanter, si je suis toujours le même homme, ma fonction est toute différente. Premier président de la Cour des comptes, je préside ès qualités le Haut Conseil des finances publiques. Or le Haut Conseil, ce n’est pas moi : c’est un collectif d’économistes, nommés par les autorités publiques compétentes de façon pluraliste, qui travaillent de manière objective. L’avis que je viens présenter ici retrace les réflexions de ce collectif. Comme tout travail humain, il est réfutable, discutable, questionnable, mais il faut le prendre ainsi, non comme un jugement de valeur. C’est ainsi que l’on peut travailler bien les uns avec les autres.

Monsieur le président Coquerel, les engagements européens sont ce qu’ils sont. Faisant partie de traités que la France a signés et ratifiés, qu’ils soient parfaits ou non, nous devons les appliquer – je considère moi-même qu’ils sont imparfaits. Le Haut Conseil comme la Cour des comptes estiment qu’il sera nécessaire de modifier nos règles, et la Commission européenne fera prochainement des propositions à ce sujet, mais que personne ne s’illusionne : il restera des règles. Il est plus que vraisemblable que la règle de 3 % demeurera, même si l’appréciation devra être nécessairement plus flexible. Par ailleurs, même une règle de dette modifiée impliquera des efforts plus importants pour ceux qui sont plus endettés que pour ceux qui le sont moins. Or dans la zone euro, nous faisons clairement partie des pays les plus endettés. Onze pays sont en dessous de 80 %, sept au-dessus de 100 %.

Attendez-vous donc à ce que ces règles réapparaissent, et à ce que la question de nos engagements européens revienne sur le tapis. C’est ce que fait déjà le Gouvernement, à raison, parce qu’il faut être crédibles vis-à-vis de nos partenaires au sein de la zone euro.

Je l’ai dit, je ne suis pas une Cassandre de la dette : toute dette n’est pas mauvaise. En revanche, j’insiste sur le fait que l’accroissement de la charge de la dette, qui est déjà en train de se produire en raison de l’indexation d’une partie de notre dette sur l’inflation et de la hausse des taux, est mauvais pour notre économie. C’est une situation que j’ai vécue comme ministre des finances et que je ne souhaite à aucun autre. Quand la charge de la dette atteint 50, puis 70 milliards d’euros, voire plus, elle devient le deuxième ou troisième poste de dépense de l’État. Ce sont autant d’euros immobilisés pour une dépense inutile, alors que nous avons besoin d’investissements pour l’avenir, nous avons besoin de dépenses publiques. Plus nous sommes endettés, moins nous avons de marge de manœuvre.

Monsieur le président, vous avez dit, dans un raccourci, que toute dépense publique est un investissement qui concourt à la croissance. Je ne peux pas vous suivre. Les dépenses publiques sont souvent des dépenses de fonctionnement et toutes ne concourent pas à la croissance. On n’observe nullement de lien direct entre la dépense publique et la croissance. Si c’était le cas, cela se saurait, dans notre histoire économique… Le Haut Conseil, comme la Cour des comptes dans un autre registre, souhaite qu’une analyse très rigoureuse de la qualité de la dépense publique soit effectuée. Il y a de bonnes dépenses publiques, il y a une bonne dette publique, et il y en a une mauvaise ; la distinction recoupe, en gros, celle entre investissement et fonctionnement. Soyons très attentifs à la sélection des dépenses.

Parmi les dépenses, il y a des niches sociales et fiscales qui représentent des montants considérables – respectivement 93 et 83 milliards d’euros. Il me semble que le gouverneur de la Banque de France a sur ce point la même position que la Cour des comptes : supprimer celles qui sont inutiles permet de retrouver des marges de manœuvre. Nous ne pouvons qu’encourager l’exécutif et le Parlement à aller dans ce sens.

Monsieur le rapporteur général, mon mandat m’interdit de vouloir faire preuve de volontarisme. Le Haut Conseil doit examiner le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses, en se fondant sur une analyse économique. Le rôle du politique est d’être volontariste. Le rôle du Haut Conseil est d’étayer cette volonté par des données qu’il croit objectives, qu’il soumet à votre réflexion. C’est pourquoi notre jugement est fondé sur le réalisme et non sur le volontarisme.

Il est quelque chose dont je peux donner crédit au Gouvernement, y compris au regard de ce que nous avons dit cet été. Nous pensons que les prévisions de croissance du PLPFP sont un peu optimistes, mais nous sommes obligés de constater que la croissance pour 2022 est plus forte que nous ne l’avions anticipé. C’est peut-être un fruit du volontarisme, mais on ne peut pas toujours fonctionner sur ce mode. En essayant de nous montrer réalistes, nous avons relevé une série d’hypothèses dont nous ne disons pas qu’elles sont impossibles mais qu’elles sont un peu optimistes par rapport au consensus, et que leur réunion devient, pour le coup, une anticipation très favorable.

Concernant le dernier quinquennat, et sans me prononcer sur l’économie, car le « quoi qu’il en coûte » a été totalement validé par la Cour des comptes qui, en l’occurrence, n’a pas du tout tenu un langage d’austérité, la période 2017-2022 ne s’est pas caractérisée par un redressement des finances publiques. Le redressement a été interrompu dès la fin 2018 et le volontarisme, pour le coup, a causé une augmentation de notre dépense publique et de notre dette qui nous place dans le groupe des pays moins favorisés.

Concernant la documentation des réformes, j’entends ce que vous dites et j’en prends note sans aucune forme de jugement. Pour notre part, nous auditionnons des instituts de prévision, les administrations, la Banque de France, puis nous travaillons sur les bases qu’ils fournissent. Et dans les documents que nous avons reçus d’eux, nous n’avons pas appris, par exemple, quand, comment et pour quel âge se ferait la réforme des retraites. Pour ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas dire que les réformes sont documentées : il faudrait que nous connaissions leur calendrier précis et leurs modalités pour pouvoir dire si elles tiennent la route et à quel montant elles se chiffrent. Pour que le scénario prévu fonctionne, il faudrait que ces réformes interviennent très vite et aient l’effet le plus rapide concrètement possible. Nous verrons si c’est le cas.

Pour ce qui est de la croissance potentielle, nous la jugeons surestimée non pas uniquement parce que les réformes ne sont pas documentées, mais aussi parce que le Gouvernement a revu à la hausse à la fois la contribution du facteur travail et celle du facteur capital. Or, sur ce dernier point, n’oublions pas que les conditions de financement se durcissent.

La hausse des prélèvements obligatoires en 2023 est due à l’augmentation des charges de service public de l’électricité, laquelle résulte elle-même des mesures prises par les producteurs d’énergie renouvelable, comptées en prélèvements obligatoires.

Sur les conséquences d’un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques, les appréciations juridiques peuvent diverger. Le secrétariat général du Gouvernement a la sienne, nous avons la nôtre, vous pouvez avoir la vôtre… cela mérite une expertise approfondie. Je vais donc exprimer un sentiment global.

Pour le fonctionnement du Haut Conseil, un rejet serait assurément un handicap très lourd, parce que nous avons besoin de nous arrimer à des ancres. Sans loi de programmation, nous travaillons dans le vide. Dès lors, le Conseil constitutionnel et les institutions européennes pourraient estimer que, dès lors que le Haut Conseil ne dispose pas des informations nécessaires à la production de ses avis, une partie substantielle des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale fait défaut. Avec la loi organique de 2012, que j’ai eu l’honneur de présenter à l’Assemblée comme ministre des finances, nous sommes une partie intégrante du processus d’adoption des lois de finances – ce tiers de confiance objectif qui rend des avis dont le Gouvernement et le Parlement peuvent se saisir.

Nous portons un regard positif sur les modifications du mandat du Haut Conseil, en particulier grâce au travail remarquable d’Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin, puisque cela nous permet d’aller plus loin dans l’appréciation réaliste des prévisions de recettes et de dépenses – quitte à provoquer le débat entre nous ! J’estime qu’il y a un chaînon manquant dans l’analyse de la soutenabilité de la dette : j’aurais aimé pouvoir y travailler de façon encore plus approfondie. Je ne renonce pas à espérer, durant ce mandat, une nouvelle extension du mandat du Haut Conseil. Je ne le dis pas par narcissisme bureaucratique, mais parce que je constate que, même si notre mandat et même nos moyens ont été étendus, nous pourrions faire encore mieux à votre service.

Dernière question : la baisse des impôts. Nous avons dit, dans un autre cadre, que les marges de manœuvre pour y parvenir étaient étroites. Quand la croissance est faible – même 1,7 % entre 2024 et 2027, ce n’est pas de nature à susciter des recettes aussi massives que celles de ces dernières années – quand les taux d’intérêt augmentent et quand les dépenses restent soutenues – même si les prévisions montrent une volonté de maîtrise de la dépense – une baisse des impôts se traduit nécessairement par un accroissement du déficit. Elle ne pourrait se faire, à notre sens, qu’avec des hausses concomitantes ou une maîtrise de la dépense accrue.

Voilà une réponse qui n’est pas politique à votre question, monsieur le président. À vous d’apprécier.

M. le président Éric Coquerel. J’ai entendu un appel à augmenter les moyens du Haut Conseil. C’est un appel à plus de dépense publique ! Combien avez-vous d’emplois à temps plein ?

M. Pierre Moscovici. Nous ne demandons pas grand-chose. Nous avons six emplois à temps plein. Au regard de la population, malgré les efforts qui ont été faits ces deux dernières années – nous en étions à trois ! – nous sommes encore les moins dotés de toute la zone euro. Nous travaillons toujours dans des conditions tendues, parce que nous sommes saisis très tard. Nous devons réaliser des études approfondies avec des équipes réduites et un mandat encore plus réduit.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Merci, monsieur le président, d’avoir rappelé la nécessité de la loi de programmation. Même si ses orientations ne sont pas partagées, elle sert de cadre de référence, nonobstant les discussions politiques que nous aurons sur le projet de budget.

Le Gouvernement a retenu la même croissance potentielle que dans la précédente loi de programmation mais avec des facteurs un peu différents. Il dit que la productivité globale est moins importante, et la contribution du facteur travail davantage. Vous jugez la prévision à 1,35 % optimiste, alors qu’elle est proche de celle du FMI et de l’OCDE. Pensez-vous que la crise sanitaire a accéléré la destruction des facteurs de production ? Faut-il accélérer les réformes favorisant le facteur travail, notamment la réforme des retraites ?

S’agissant de l’endettement, le Gouvernement a retenu un scénario de taux prudent, à 2,5 % à dix ans fin 2022, et 2,6 % fin 2023. Jugez-vous ce scénario crédible, dans un contexte où toute hausse des taux d’intérêt pérenne produirait un choc important pour notre endettement ?

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous partageons votre analyse sur la fragilité et le manque d’ambition du projet de loi de finances, notamment en matière de redressement de la dette publique.

Ma question concerne les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi), qui constituent 12 % de la dette française. Le taux d’inflation étant supérieur à 9 % au niveau européen, ces OATi ne risquent-elles pas de faire obstacle au rétablissement des finances publiques ? Jusqu’à présent, la situation était à peu près maîtrisée mais, face au risque de récession, les prévisions d’inflation pour l’année prochaine restent très incertaines.

Comme vous, nous considérons qu’une prévision de croissance potentielle à 1,35 % est optimiste. La situation financière est volatile, instable, l’inflation menace. On mise sur un taux d’inflation de 2,5 %. Une agence de notation donnera son avis en fin de semaine sur la dette française. Une convergence de risques ne pourrait-elle remettre en question l’ensemble des variables du projet de loi de programmation des finances publiques ? Et si toutes les variables doivent bouger, cette loi de programmation vous paraît-elle utile et fiable ?

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). En début de semaine, le Gouvernement nous a présenté ses prévisions budgétaires en contestant l’idée qu’il s’agirait d’un budget d’austérité. Or si l’on en croit le graphique que vous avez produit, il devrait s’agir du pire quinquennat d’austérité jamais observé depuis 2007. Cela pose le problème de la crédibilité économique des prédictions du Gouvernement et de leur acceptabilité sociale. Notre pays a-t-il déjà connu une telle cure d’austérité ?

Par ailleurs, vous avez relevé une contradiction dans les annonces du Gouvernement. Alors que l’inflation devrait s’établir autour de 4,2 %, un certain nombre de dépenses ne sont pas prévues dans le projet de budget, notamment la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Pouvez-vous nous confirmer que cette revalorisation n’apparaît pas dans les documents qui vous ont été transmis ?

En outre, dans votre avis rendu public au mois de juillet, vous avez relevé que les prélèvements assis sur les salaires pourraient être amoindris du fait d’un recours plus important que prévu de la part des entreprises à des instruments de rémunération exonérés de prélèvements, tels que la prime Macron. Pouvez-vous nous donner une estimation du manque à gagner pour 2022 ?

Enfin, sans vouloir vous entraîner sur le terrain politique, avez-vous un avis sur la taxation des superprofits en 2022 et 2023 ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Monsieur le président du Haut Conseil, j’ai beaucoup apprécié votre rappel de la nécessité de respecter les traités signés au niveau européen : c’est fondamental. Le retour du déficit public sous la barre des 3 %, au sens maastrichtien, me semble être de nature à garantir la crédibilité d’une nation.

Le solde public effectif est estimé à -5 points en 2022 et en 2023. Vous semblez considérer qu’il pourrait être un peu meilleur en 2022. Cela revient-il à dire que les choses se dégraderaient en 2023, puisque la prévision reste à -5 points ?

Peut-on parler de maîtrise de la dépense publique quand celle-ci augmente de 24 milliards d’euros ? Certes, elle progresse moins que l’inflation mais, au vu des prévisions de croissance du PIB et de l’inflation, la hausse demeure trop importante.

Dans les documents qui vous ont été transmis, les recettes tirées de la lutte contre la fraude sont évaluées à 9 milliards d’euros. S’agit-il d’une somme globale ou bien y a-t-il un distinguo entre la fraude sociale et la fraude fiscale ?

Enfin, la prévision de croissance du PIB a été fixée à 1 % en 2023. Celle du gouverneur de la Banque de France, que nous avons auditionné hier, est dans une fourchette entre -0,5 % et +0,8 %, ce qui est très large. La croissance ne risque-t-elle pas d’être affectée par l’arrêt partiel d’activité des entreprises électro-intensives ?

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Un train de mesures de soutien au pouvoir d’achat ainsi qu’un bouclier tarifaire ont été élaborés pour soutenir les ménages et l’économie. Je me réjouis que vous considériez que les prévisions pour 2022, à 2,7 % pour la croissance, 5,3 % pour l’inflation et 8 % pour la croissance de la masse salariale marchande, sont crédibles : cela atteste de l’utilité de ces mesures. Mais avez-vous pris en compte l’effet de levier qu’elles peuvent avoir dans vos analyses ?

Le projet de loi de finances pour 2023 est fondé sur des bases économiques plus stables. Le retour sous les 3 % du déficit public est projeté à l’horizon 2027. Quelles sont vos suggestions, dans le cadre des négociations européennes que la France devra mener avec ses partenaires, concernant les règles d’encadrement du déficit des États membres postérieures à la période de crise sanitaire ? Quels bons exemples avez-vous pu noter chez nos voisins européens ?

Enfin, en sortie de crise, il faut assurer sa capacité à faire face à une nouvelle période de difficultés. Alors que vous considérez que nous devrions être plus volontaristes dans la réduction de la dette publique et du déficit, existe-t-il ailleurs en Europe un mécanisme qui ait cet effet sans obérer la croissance et qu’il vous semblerait pertinent de transposer en droit français ?

M. Philippe Brun (SOC). Monsieur le président du Haut Conseil, merci pour votre présentation, que l’on pourrait qualifier de réquisitoire courtois contre le manque de sincérité du budget présenté par le Gouvernement. Selon vous, la prévision de croissance du PIB s’appuie sur des hypothèses très avantageuses et les effets attendus des réformes sont surestimés. Plus grave encore, ni les modalités, ni les conséquences, ni les calendriers de ces réformes ne sont documentés. Diriez-vous que ce projet de loi de finances est insincère ?

Vous avez dit qu’il n’y a pas de lien entre dépense publique et croissance. On constate quand même que les politiques d’austérité budgétaire aggravent le déficit et font chuter la croissance. Alors que 50 milliards d’euros de baisses d’impôts ont été concédés aux entreprises ces dernières années, ne pensez-vous pas que la croissance très faible des dépenses publiques fait courir un risque récessif ?

Enfin, alors que le Gouvernement indique attendre un rendement de 9,2 milliards d’euros de la réduction des niches fiscales et sociales, il ne prévoit de supprimer que six dépenses fiscales, dont cinq n’ont plus d’incidence budgétaire depuis plusieurs années. Ce manque de volonté politique est aberrant quand on sait que les dépenses fiscales ont coûté plus de 80 milliards d’euros à l’État en 2022. Quel regard porte le Haut Conseil sur le manque d’ambition de ce projet de budget en la matière ?

Mme Lise Magnier (HOR). Vous jugez la prévision de croissance du Gouvernement pour 2023 un peu élevée mais les prévisions d’inflation et de progression de la masse salariale dans les branches marchandes plausibles. Toutefois, vous relevez une sous-estimation de certaines dépenses, notamment celles de l’ONDAM ainsi que celles liées à la crise sanitaire. Selon vous, d’autres dépenses sont-elles sous-estimées ? Quel serait le volume prudentiel de ces dépenses à inscrire dans le PLF et le PLFSS pour 2023 ?

Concernant le projet de loi de programmation, vous indiquez que la trajectoire des dépenses publiques s’inscrira dans un contexte de hausse attendue des taux d’intérêt, qui pèsera de fait sur les charges financières dans le budget de l’État. Quelles sont vos prévisions en la matière d’ici à 2027 ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Vous estimez que le solde public pourrait être plus dégradé que ne le prévoit le Gouvernement, notamment du fait de la grande incertitude qui entoure les prix de l’énergie, ce qui participe à l’incertitude autour du redressement des finances publiques en 2023. La soutenabilité à moyen terme des finances publiques ne nécessite-t-elle pas de grands investissements visant à réduire notre forte dépendance aux énergies fossiles ? Quelles articulations vous semblent envisageables pour concilier la nécessité d’investir massivement en faveur de la transition écologique et la maîtrise des dépenses publiques, nécessaire au redressement de nos finances publiques ?

Au vu de votre grande expérience européenne, que pensez-vous d’un mécanisme européen permettant d’exclure du calcul des déficits publics les sommes empruntées par les États membres pour financer la transition écologique ?

Enfin, ne pensez-vous pas qu’il serait temps de renoncer définitivement aux indicateurs du PIB pour mesurer la croissance et de leur préférer des indicateurs sociaux et environnementaux tels que ceux adoptés par la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques et qui ne sont pas appliqués, ni dans la loi de règlement, ni dans le PLFR, ni dans vos rapports, ni dans le PLF pour 2023 ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Concernant la transition écologique, ne pensez-vous pas que les règles européennes sont caduques et qu’il faudrait sortir des critères de Maastricht les investissements qui lui sont nécessaires ?

S’agissant de la politique monétaire restrictive de la BCE, l’inflation en Europe ne semble pas être de source monétaire. La hausse des taux d’intérêt ne fait-elle pas courir le risque de freiner la croissance économique de notre pays ?

Vous avez jugé que les prévisions de croissance de l’ONDAM et des dépenses des collectivités territoriales étaient un peu faibles. Pouvez-vous nous apporter des précisions ? Je pense que vous avez raison : je ne vois pas comment nous pourrions tenir avec une croissance aussi faible, alors que de grands besoins sociaux s’exprimeront dans les territoires.

Enfin, ne pensez-vous pas qu’en cette période extrêmement difficile, il serait nécessaire de prévoir une taxation exceptionnelle des superprofits, comme vous avez su le faire vous-même à une autre époque ?

M. Michel Castellani (LIOT). Il n’y a pas trente-six solutions pour piloter un budget dans une conjoncture aussi difficile, marquée par l’endettement, l’augmentation des taux, la dégradation de la parité euro-dollar, le déficit commercial et les incertitudes sur la croissance : il faut soit baisser les dépenses, soit augmenter les recettes. C’est plus facile à dire qu’à faire : quel domaine choisir ? Faut-il se tourner, et comment, vers l’évitement fiscal et les paradis fiscaux, y compris au sein de l’Union européenne ?

Quant au projet de loi de programmation des finances publiques, il semble pour le moins paradoxal d’établir une trajectoire pour 2027 quand nous ne sommes même pas certains des prévisions pour l’an prochain. Nous allons discuter d’un texte qui est déjà dépassé avant même d’avoir été voté. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce sujet.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député Philippe Brun, je ne suis pas un procureur : je ne fais pas de réquisitoire. Les jugements sur la sincérité sont toujours dangereux. Porter une accusation sur la sincérité, c’est vraiment caractériser des manquements très graves. En l’occurrence, il ne s’agit absolument pas de cela : nous soulignons que le contexte est incertain et que la trajectoire peut être plus ambitieuse, mais nous ne nous prononçons en rien sur la sincérité du budget. Qu’on ne s’y méprenne pas. Le Haut Conseil n’est ni un juge, ni un acteur politique.

S’agissant de la croissance potentielle, nous estimons qu’elle demeure au-dessus du consensus : la prévision nous semble donc plutôt optimiste. Il demeure que la croissance potentielle doit être musclée. Nous devons tout faire pour l’augmenter. C’est une raison essentielle de mon plaidoyer pour le désendettement : plus nous aurons de ressources à affecter à de l’investissement, donc à de la bonne dépense publique, plus nous pourrons renforcer la croissance potentielle et la cohésion sociale, les deux allant de pair. Il y a des efforts à faire dans ce pays en faveur de la transition écologique, de la transition numérique, de l’innovation, de la recherche, de la santé – et je ne suis pas exhaustif. Mais, pour pouvoir investir, nous devons nous libérer du carcan de la dette, qui peut nous étrangler.

Nous ne sommes pas non plus une agence de notation, et nous ne sommes pas en train de pousser je ne sais quel cri d’alarme : ce n’est pas notre rôle. Le jugement que nous portons sur la dette française est qu’elle est tout à fait soutenable, mais qu’elle n’en est pas moins trop élevée au regard des marges de manœuvre dont nous avons besoin pour investir. Plus la charge augmente, moins nous aurons de marges de manœuvre.

La hausse des taux d’intérêt de la BCE ainsi que l’inflation conduisent à une hausse de la charge de la dette de 12 milliards d’euros en 2022, qui passe ainsi de 35 à 47 milliards. L’essentiel des emprunts étant contractés à long terme, ce sont les taux à long terme qui constituent le principal risque ; or ils ont déjà augmenté et cela commence à se voir dans la charge de la dette. En 2023, l’impact sera limité mais, à long terme, sur dix ans, cela représentera une hausse de 70 milliards d’euros si les taux se maintiennent à leur niveau actuel, sans monter davantage. On voit là encore toutes les conséquences d’un niveau de dette élevé et la nécessité de le faire baisser.

Les prévisions sur les taux d’intérêt sont très incertaines. Le Gouvernement prévoit une remontée limitée, avec une inflation qui retrouverait la cible de la BCE dès 2026, soit une combinaison d’hypothèses quelque peu surprenante. Le service de la dette va probablement augmenter, et peut-être plus que ce que prévoit le Gouvernement, mais nous n’en sommes absolument pas aux 100 milliards d’euros dont parlent certains. Il faudrait pour cela que la dépense explose et que les taux atteignent des niveaux invraisemblables ; le contexte serait tout autre. Mais il convient tout de même de maîtriser la dette : tel est mon message.

J’en viens aux OATi. La part des recettes indexées est supérieure au poids des OATi. Par un mécanisme stabilisant, les dépenses d’OATi baissent lorsque les recettes diminuent également. La Cour a remis, en février dernier, un rapport sur la gestion de la dette publique et l’efficience du financement de l’État par l’Agence France Trésor qui portait une appréciation plutôt positive. Les obligations indexées sur l’inflation pèsent inévitablement sur la charge de la dette ; néanmoins nous avons mesuré ce poids et il est moins élevé que dans d’autres pays. Globalement, la dette publique est plutôt bien gérée dans notre pays par l’Agence France Trésor, même si des améliorations peuvent toujours être apportées.

Monsieur Mauvieux, les députés ne sont pas obligés de s’accorder sur le projet de loi de programmation des finances publiques. En revanche, l’absence d’une telle loi poserait problème. Elle est nécessaire au bon déroulement du processus d’adoption des lois de finances, à l’information des autorités européennes, à la crédibilité de notre pays. C’est une ancre dont nous avons besoin. Qu’il y ait débat, je le conçois mais je le répète avec force, l’absence de LPFP ne serait pas anodine – jusqu’à quel point, je ne peux pas le dire et ce n’est pas à moi de le faire.

Monsieur Bompard, vous avez évoqué un quinquennat d’austérité. Je vous rappelle tout de même que les dépenses publiques initiales représentent 57,6 % du PIB, soit le niveau le plus élevé de toute l’OCDE.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). C’est le CICE !

M. Pierre Moscovici. Le CICE n’en est pas la cause principale.

L’extinction des mesures d’urgence et de relance, et probablement du bouclier tarifaire, fera baisser les dépenses publiques en milieu de quinquennat. Ensuite, de 2025 à 2027, une fois les effets de la baisse corrigés, la dépense publique déflatée par les prix du PIB – soit l’indicateur le plus pertinent en matière de finances publiques – augmenterait en moyenne de 0,6 point par an. Parler de quinquennat d’austérité ne me paraît donc pas justifié, si ces chiffres sont respectés. Ils sont au demeurant assez ambitieux en termes de maîtrise des dépenses : vous aurez à examiner dans les années qui viennent des budgets sans doute moins généreux que celui prévu pour 2023.

Pour aller plus loin, la dépense publique en elle-même n’est pas un facteur d’investissement ou de désinvestissement, ni de croissance ou de décroissance. Ce qui est essentiel, ce que nous devons tous garder à l’esprit, c’est la qualité de la dépense publique. La bonne dépense publique sert l’avenir, l’investissement, la croissance. Par exemple, il y a des besoins très importants en matière de transition écologique. En ce moment à Bruxelles, on débat de la possibilité d’exclure les dépenses qui y sont liées du calcul de la dette publique. Cette hypothèse me paraît plus plausible que celle de revenir sur la règle des 3 % de déficit. En tout état de cause, ce sont les dépenses de cette nature qu’il faudra privilégier. Mais pour ce faire, il faut maîtriser la dette, ce qui, à son tour, suppose de maîtriser d’autres dépenses.

Madame Dalloz, d’après le Haut Conseil, les déficits pour 2022 pourraient être légèrement inférieurs à 5 %, du fait de l’augmentation des recettes ; en revanche, ils pourraient être légèrement supérieurs en 2023 – dans les deux cas, de l’épaisseur du trait. En résumé, disons que nous prévoyons une stabilité, au mieux. La trajectoire de réduction pour ces deux années est donc modérée, ce qui reporte l’effort, plus accentué, sur les années suivantes.

Monsieur Mattei, les comparaisons sont utiles. L’objectif d’un déficit à 2,8 % en fin de période est peu ambitieux, sachant que la plupart de nos partenaires européens seront au-dessous de 3 % dès 2025. Il y a vraiment quelques efforts à faire.

S’agissant des dépenses fiscales, le projet de LPFP les établit à 9 milliards d’euros. Pourquoi pas ? Mais c’est optimiste et, si j’en crois les expériences passées, il faudra faire preuve de volontarisme. Les moyens envisagés pour y parvenir ne sont pas documentés.

Pour les collectivités locales, il est affiché une baisse en volume des dépenses de fonctionnement de 0,5 point. C’est possible, mais un peu ambitieux également. En outre, si l’objectif est atteint, à quoi seront affectées les marges de manœuvre dégagées ?

Pour l’ONDAM, il est prévu une croissance faible en volume – moins de 1 %. Des marges d’efficience existent, mais les mesures à prendre ne sont pas documentées. Par ailleurs, personne n’ignore les besoins à l’hôpital ou dans les EHPAD. Une fois encore, il faut raisonner à partir de la qualité de la dépense : la numérisation, l’organisation des soins de ville et des soins hospitaliers peuvent être source d’économies qui permettront de stabiliser les dépenses.

Quant à la taxe sur les superprofits, ce n’est pas le rôle du Haut Conseil que de porter un regard sur des décisions politiques qui appartiennent au Parlement et au Gouvernement. Notre mission consiste à apprécier le réalisme des recettes et des dépenses. En tout état de cause, les prélèvements doivent être évalués à l’aune de l’équilibre des finances publiques.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux autres questions.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Si j’étais un peu taquin avec Mme Dalloz, je lui rappellerais, s’agissant de l’importance de respecter les engagements budgétaires pris auprès de la Commission européenne, qu’une procédure de déficit excessif avait été engagée contre la France en 2009, époque à laquelle son parti était aux manettes.

On dit souvent que les fortes divergences entre États membres en matière de dette et de déficits publics ne sont pas soutenables à long terme pour la zone euro ; pourtant, la dernière crise a démontré sa robustesse. Qu’en pensez-vous ?

Mme Véronique Louwagie (LR). S’agissant de la réforme des retraites, vous avez souligné le manque d’informations sur les pistes envisagées par le Gouvernement.

À vous entendre, si la réforme ne modifie pas l’âge de départ à la retraite, il faudra baisser les pensions ou augmenter les cotisations. Est-ce à dire qu’à vos yeux, le seul levier est l’âge de départ et non le nombre de trimestres ?

M. Fabien Di Filippo (LR). On ne peut pas se voiler la face sur l’évolution actuelle des taux d’intérêt : ils sont passés de 0 à 2,5 %.

Vous avez souligné les incertitudes de la conjoncture de l’année dernière, en particulier pour les entreprises. La charge des intérêts deviendra quoi qu’il arrive le premier poste du budget de l’État. Avez-vous évalué les conséquences de cette évolution sur l’action publique ? À quelle échéance interviendra-t-elle si rien n’est fait pour l’enrayer ?

Le Haut Conseil a-t-il déjà essayé de chiffrer le coût des structures bureaucratiques et technocratiques que sont les agences, autorités, médiateurs et autres organismes parapublics ? A-t-il étudié des pistes d’économies ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur le président du Haut Conseil, M. Mauvieux n’a pas mis en doute l’utilité des lois de programmation en général, il a estimé que les incertitudes pesant sur les hypothèses rendaient caduque celle qui nous est soumise. Vous n’avez pas répondu non plus à sa question sur les bons du Trésor indexés sur l’inflation.

Comment expliquez-vous que l’énorme masse d’argent public qui est dépensée ait un effet de levier aussi faible sur la croissance du PIB ? N’est-ce pas le signe d’une fuite en avant dans des dépenses de fonctionnement stériles et non d’investissement ?

M. Emeric Salmon (RN). Vous avez fait de la guerre en Ukraine la principale cause de l’inflation. Or les graphiques montrent que le phénomène est antérieur – probablement lié au covid. Si l’on en croit les derniers projets de lois de finances, le Gouvernement ne subit-il pas les crises plus qu’il n’imprime sa marque à l’économie de notre pays ?

M. Fabrice Brun (LR). Nous avons compris en filigrane de vos propos que, comme nous, vous êtes inquiet, tant du niveau stratosphérique de la dette publique et de l’inflation que de la remontée des taux d’intérêt et des obligations d’État.

Devant le mur de la dette, la France accélère encore, en empruntant la somme colossale de 270 milliards d’euros sur les marchés à des taux proches de 2,5 %. On sait qu’une hausse de 1 point des taux d’intérêt se traduit par un surcoût de 39 milliards d’euros sur dix ans. Quelles sont les projections du Haut Conseil en matière d’évolution de la charge de la dette entre 2023 et 2027 ? Le point de départ en 2023 devrait être a minima de 17 milliards d’euros, soit déjà deux fois le budget du ministère de la justice.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Vous avez fait part de votre avis sur l’austérité mais vous n’avez pas répondu complètement à la question posée par Manuel Bompard, qui s’appuyait sur le graphique montrant le taux de croissance en volume de la dépense publique pour les cinq années à venir : avez-vous connaissance d’une situation similaire par le passé ?

M. Pierre Moscovici. Le service de la dette va probablement augmenter. Le Gouvernement prévoit dans le projet de loi de programmation une hausse de près de 20 milliards d’euros entre 2022 et 2027, pour atteindre environ 60 milliards, et peut-être même un peu plus si l’augmentation des taux d’intérêt s’avérait plus importante. La Cour des comptes a déjà alerté sur ce risque sans être totalement écoutée, je le crains. Cela rend d’autant plus important de faire baisser notre ratio de dette, je ne cesse de le répéter.

S’agissant du graphique, je ne dispose pas d’historique mais je vais faire appel à ma mémoire politique. Un taux de croissance de 0,6 point en volume s’est déjà vu mais cela reste ambitieux en effet. Il faut toujours faire des comparaisons, et considérer aussi le point de départ : nous sortons d’une situation exceptionnelle où, covid aidant, nous avons crevé tous les plafonds, ce qui justifie aujourd’hui un rattrapage. Oui, des efforts importants sont demandés mais la situation n’est pas inédite.

En ce qui concerne les divergences au sein de la zone euro, il n’y a pas, selon moi, de problème de soutenabilité de notre dette aujourd’hui. La zone euro a connu ces dernières années une situation très particulière – une crise mondiale, une pandémie et une réponse collective. Nous revenons progressivement, et c’est tant mieux, à une situation normale, dans laquelle la convergence est très importante et ne doit pas être négligée. La Commission et les marchés reprennent leurs réflexes : ce qu’ils observent, ce n’est pas le niveau, mais la pente de la dette. Dès lors, nous devons leur envoyer des signaux. Nous ne pouvons pas être soumis à un règlement de copropriété et agir chacun dans notre coin. Dans un régime normal, il faut s’efforcer de limiter les divergences. La France peut et doit faire un peu plus en la matière.

Madame Louwagie, je ne me prononce pas sur le choix entre trimestres de cotisations et âge : in fine, c’est tout de même l’âge de départ à la retraite qui recule. Il me semble que, objectivement, toutes les études s’accordent sur l’existence d’un problème de financement des retraites. Pour le résoudre, les leviers sont connus : la hausse des cotisations, la baisse des pensions ou la variation de l’âge. À mes yeux, la réforme est plus sociale qu’antisociale. En effet, ne rien faire tout de suite imposerait d’agir sur les autres paramètres : la hausse des cotisations, qui sont déjà très élevées, ou la baisse des pensions, qui serait dramatique alors que les injustices sont déjà criantes. Voilà mon raisonnement, mais c’est aux responsables politiques qu’il appartient de se prononcer.

L’évaluation des dépenses des agences n’est pas de la compétence du Haut Conseil ; la Cour des comptes le fait à l’occasion. Contrairement à votre impression, les dépenses diminuent depuis quelques années. En tout cas, ce n’est certainement pas la source des économies massives dont nous avons besoin, pas davantage que ne le serait la baisse des salaires de la haute fonction publique.

Monsieur Tanguy, je crois avoir répondu très sérieusement à la question de M. Mauvieux relative aux OATi. Votre collègue n’a d’ailleurs pas dit que la loi de programmation actuelle était caduque, pour une raison simple : elle n’a pas encore été votée ! Pour ma part, je répète qu’une loi de programmation des finances publiques est nécessaire pour la crédibilité de notre pays.

Monsieur Brun, vous avez évoqué mon « inquiétude ». Je ne veux pas tenir de propos exagérément émotionnels : je suis là pour parler d’un certain nombre de réalités, et c’est ensuite à vous, mesdames et messieurs les députés, dans votre diversité, de vous prononcer sur les projets que vous soumet le Gouvernement. Je réitère mon sentiment : nous avons besoin d’une loi de programmation, même si le projet qui vous est présenté pourrait être plus ambitieux, car c’est une ancre, un repère de travail indispensable à tous. Quant aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023, nous avons également formulé nos avis : à vous de vous en saisir. J’ai noté la différence entre le volontarisme et le réalisme, mais on peut être d’autant plus volontaire qu’on se base sur des hypothèses réalistes.


Discussion générale

Au cours de sa séance du mardi 4 octobre 2022 au matin, la commission a procédé à l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 272).

M. le président Éric Coquerel. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2003 à 2027, ainsi que celui de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Pour des raisons réglementaires, le délai de dépôt des amendements est fixé à jeudi dix-sept heures mais cela pourra évoluer en fonction de la durée des débats.

Notre ordre du jour est chargé et il faudrait que nous parvenions à achever l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023 jeudi 6 octobre au soir. Les années précédentes, nous disposions de six séances pour examiner ce texte. Cette année, neuf séances doivent nous permettre d’examiner le projet de loi de programmation, le rapport de la mission flash, très attendu, sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels pendant la crise, et la première partie du PLF. Je vous invite donc à faire preuve de concision. Nous ferons malgré tout en sorte que le débat puisse avoir lieu.

Nous avons commencé nos travaux lundi dernier, le 26 septembre, jour de la présentation des projets de loi en conseil des ministres, en auditionnant MM. les ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal, puis les avons poursuivis mercredi 28 septembre, en entendant le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), M. Pierre Moscovici, sur les deux avis qu’il a rendus.

L’audition du gouverneur de la Banque de France, ainsi que celle de plusieurs associations de collectivités locales, pourront également servir lors des débats sur le projet de loi de programmation et le PLF.

Soixante-douze amendements ont été déposés en commission sur le projet de loi de programmation et seuls sept ont été déclarés irrecevables en raison de la méconnaissance des exigences de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).

Le projet de loi de programmation n’étant pas un projet de loi de finances, les amendements adoptés en commission seront directement intégrés au texte débattu en séance publique. C’est sans doute pourquoi M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, est présent lors des débats en commission. C’est son droit le plus incontestable et je l’accueille volontiers. Si ce droit est fréquemment mis en œuvre dans d’autres commissions permanentes, c’est beaucoup moins habituel dans notre commission.

Depuis que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a créé la nouvelle catégorie des lois de programmation des finances publiques (LPFP), le Parlement a examiné cinq lois de programmation en 2008, 2010, 2012, 2014 et 2017. Plusieurs ministres de l’économie et des finances ont honoré la commission de leur présence : M. François Baroin, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, et M. Pierre Moscovici, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Vous avez raison, depuis la création de cette catégorie de lois, plusieurs ministres des finances, mais aussi du budget, ont été présents en commission pour l’examen des textes. Il me semble notamment, monsieur le président, que ce fut le cas d’un de mes prédécesseurs, M. Gérald Darmanin, en 2017.

L’audition du 26 septembre, à laquelle j’ai participé avec Bruno Le Maire, nous a surtout permis d’évoquer le PLF pour 2023 et il me semblait important de dire quelques mots du projet de loi de programmation pour les finances publiques, qui vient traduire le cap que nous avons fixé afin de ramener le déficit public sous la barre des 3 % d’ici la fin du quinquennat et de stabiliser notre endettement public à partir de 2026.

L’objectif des 3 % est important : il ne s’agit ni d’un totem ni d’un diktat, comme on peut l’entendre, mais du ratio à partir duquel nous commençons à rembourser notre dette, enjeu d’importance si nous ne voulons pas la léguer, ainsi que des impôts, aux générations futures.

Nous avons réalisé cet exercice de programmation dans un environnement particulièrement instable. En outre, il n’existe jamais de certitude absolue en matière de prévisions. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour considérer que notre pays n’a pas besoin d’une trajectoire. Celle que nous vous présentons n’est pas un plan d’austérité, comme on l’entend parfois. Il s’agit simplement de fixer un cadre pour éviter les dérapages. Atteindre un tel objectif suppose de partager le même sentiment de responsabilité vis-à-vis de notre pays, de sa crédibilité, de sa capacité à tenir ses comptes, de son indépendance. Atteindre un tel objectif suppose aussi de répartir l’effort entre les administrations publiques, l’État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de ce débat et lors de l’examen du PLF et du PLFSS.

Il s’agit également de poursuivre une trajectoire de réduction des déficits pour honorer notre dette, la stabiliser en 2026 et la rembourser en 2027. En outre, il s’agit d’une exigence européenne : la non-adoption du PLPFP pourrait entraîner un retard de versement, voire une amputation, des fonds européens du plan de relance – certains sont conditionnés à l’adoption par les différents États d’une loi de programmation des finances publiques. Enfin, le président Pierre Moscovici l’a rappelé, le HCFP s’appuie sur la loi de programmation des finances publiques dans le cadre de sa mission d’évaluation.

J’ai évidemment conscience des réserves formulées par le Haut Conseil. L’hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an de 2022 à 2027 s’appuie sur les réformes structurelles que nous allons mettre en œuvre après qu’elles aient été débattues largement par le Parlement : réforme des retraites, du RSA, poursuite de la réforme de l’assurance chômage, amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, élargissement au lycée professionnel du succès de l’apprentissage, mise en place du service public de la petite enfance, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), plans d’investissement, programme d’investissements d’avenir (PIA), plans France relance et France 2030.

La croissance potentielle n’est donc rien d’autre que le reflet de notre capacité collective à agir et à réformer le pays. Sans nier les difficultés, j’aimerais que nous ayons confiance en cette capacité collective à relever les défis : le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans, le taux de chômage des jeunes, au plus bas depuis quarante ans, le taux d’emploi au plus haut depuis qu’il est mesuré. Nous pouvons aller plus loin grâce aux réformes structurelles que nous vous proposerons.

Le rythme de rétablissement des finances publiques nous semble parfaitement adapté. Nous ne voulons pas répéter les erreurs commises en 2011-2012, avec une action procyclique, une consolidation trop rapide cassant la croissance et générant plus de dépenses qu’elle ne permet d’économies.

Certains considèrent qu’avec cette loi de programmation, nous défendrions une forme d’austérité, quand d’autres estiment que nous n’allons pas assez vite dans la consolidation des comptes. C’est la preuve d’une stratégie équilibrée, et de notre capacité à susciter l’activité économique.

Cette trajectoire, c’est aussi un contrat que le Gouvernement passe avec le Parlement – et donc avec les Français. Il s’agit de partager un cap pour mieux piloter les finances publiques et s’assurer que les lois de finances annuelles s’inscrivent dans la trajectoire dans laquelle le Gouvernement s’est engagé. La nouvelle version de la Lolf, issue de la révision dite Woerth-Saint-Martin, initiative parlementaire, a renforcé la portée de la loi de programmation pluriannuelle. Désormais, en amont du dépôt du projet de loi de finances de l’année, le Gouvernement doit justifier devant le Haut Conseil des finances publiques les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle de la LPFP.

Alors que le Parlement a, à juste titre, œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, il serait pour le moins baroque qu’il se prive de cet important instrument. Si nous voulons passer du « quoi qu’il en coûte », au « combien ça coûte ? », nous devons renforcer la capacité du Parlement à évaluer les dispositifs. Cela ressort également des dialogues de Bercy.

C’est pourquoi l’article 7 du projet de loi prévoit le bornage à quatre ans des dépenses fiscales. Son article 15 dispose que les créations, extensions ou prolongations d’un dispositif d’aide aux entreprises instauré après le 1er janvier 2023 ne sont applicables que pour une durée précisée par le texte qui les institue, et pour un maximum de cinq ans. Cet article prévoit aussi la remise systématique d’une évaluation. L’article 21 dispose que les conclusions des évaluations de la qualité de l’action publique sont transmises au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année – cette disposition est directement issue de nos échanges lors des dialogues de Bercy et nous travaillerons ensemble afin de donner un maximum de consistance à cette possibilité nouvelle.

Certes, nous pouvons avoir des divergences sur les paramètres, mais nous devrions tous être d’accord sur le fait que la sixième puissance mondiale ne peut se dérober à ses obligations de sérieux budgétaire, ainsi que de planification et de prévision de sa trajectoire de finances publiques, matérialisées par ce texte.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En préambule, je reviendrai sur l’utilité d’une loi de programmation des finances publiques. Même si nous ne sommes pas d’accord sur tous les chiffres, pourquoi faut-il la voter ? Parce que c’est une déclinaison indispensable de nos engagements budgétaires internationaux et de l’objectif constitutionnel d’équilibre des comptes publics.

Le premier article de la Lolf réformée est clair : la LPFP est l’instrument de mise en œuvre des engagements internationaux de la France ; c’est François Hollande qui a mené à son terme le processus de ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) en 2012. La LPFP constitue également la référence du Haut Conseil des finances publiques pour rendre son avis identifiant les écarts importants entre l’exécution de l’année passée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la LPFP. Elle indique l’ampleur et le calendrier des mesures de correction mises en œuvre en cas d’écarts importants. Elle indique aussi les conditions de prise en compte des circonstances exceptionnelles ouvrant la faculté de s’écarter temporairement des trajectoires fixées.

La loi de programmation fixe les objectifs à moyen terme de chacune des administrations publiques, dans le respect d’un objectif global d’équilibre des comptes des administrations publiques. C’est un des apports importants de la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy en 2008.

À ceux qui seraient tentés de minimiser l’importance des lois de programmation, rappelons qu’il s’agit d’un texte précieux comprenant de nombreuses dispositions, pour la plupart issues de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, votée par une grande partie des forces politiques qui composent l’Assemblée nationale et le Sénat : effort structurel, objectif en pourcentage d’évolution des dépenses en volume et prévision en milliards d’euros des dépenses en valeur pour toutes les administrations publiques (APU). La LPFP peut aussi comporter des orientations pluriannuelles relatives à l’encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l’endettement de tout ou partie des administrations publiques.

Le ministre a raison, le Parlement aurait tort de se priver d’un instrument de contrôle. Ce thermomètre, sur cinq ans, nous permet de mieux évaluer l’action du Gouvernement. Pourquoi y renoncer ?

La loi de programmation, ce sont également des éléments de bonne gestion des finances publiques qui nous permettent de préparer le Printemps de l’évaluation. Le présent projet de loi comporte de nombreuses dispositions intéressantes : le bornage systématique pour une durée de quatre ans des nouvelles niches fiscales afin de les évaluer ; le principe du plafonnement de toutes les taxes affectées afin de les contrôler ; une règle d’amélioration de 10 % sur la période de programmation du ratio entre dépenses défavorables à l’environnement et dépenses favorables ou mixtes ; le bornage systématique pour une durée de cinq ans au plus des mesures nouvelles ou prolongées d’aides aux entreprises, afin de ne pas proroger une mesure sans l’évaluer ; la conduite systématique par les pouvoirs publics d’évaluations de la qualité de l’action publique portant sur les dépenses publiques, à l’article 21.

Enfin, je conclus en vous rappelant que la loi de programmation n’est pas une loi de finances. Je comprends les enjeux politiques qui s’attachent à une loi de finances, et je respecte les positions exprimées par les uns et les autres en fonction de leur appartenance politique, mais les mêmes règles ne s’appliquent pas ici : nous sommes devant une loi utile pour notre pays, et utile pour le Parlement.

M. le président Éric Coquerel. La presse s’est fait l’écho des craintes du Gouvernement que le présent projet de loi ne soit pas adopté, l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution ne pouvant être utilisé qu’une seule fois par session.

Ce texte me pose problème pour deux raisons : il reprend les prévisions annuelles du programme de stabilité, que nous avions critiquées, estimant qu’elles étaient trop optimistes. Depuis, elles ont d’ailleurs été rectifiées – on est passé de 1,4 % de croissance à 1 %, et de 3,2 % d’inflation à 4,2 %. Ces prévisions restent très optimistes par rapport à celles de nombreux instituts, ou de la Banque de France. Or de telles prévisions ont des conséquences sur les dépenses publiques – supplémentaires – et interrogent sur la soutenabilité des prévisions pour arriver à 3 % de déficit public en 2027.

En outre, le problème est plus global. Dans les cinq ans à venir, on nous propose de revenir à une forme de normalité, et donc à une politique de l’offre et de la compétitivité. Pourtant, pendant le covid, comme d’ailleurs très souvent lors des crises, le système néolibéral a dû s’inspirer de politiques de la demande pour amortir la crise car les politiques de l’offre ne tiennent pas la rampe. La gestion de la crise a été d’autant plus difficile que les baisses de dépenses publiques, notamment dans le secteur de la santé, avaient préalablement affaibli les hôpitaux.

Les crises sont-elles derrière nous ? Rien n’est moins sûr, s’agissant par exemple de la question écologique. La France est un des quatre pays dont les gaz à effet de serre diminuent le moins, avec les États-Unis. Comment alors atteindre l’objectif de hausse maximale des températures de 1,5 ° ? Pourtant, n’y a-t-il pas urgence ? L’État ne devrait-il pas réaliser les investissements nécessaires à la bifurcation écologique ? Je pourrais poser les mêmes questions en matière sociale. Est-il bien raisonnable de revenir à la règle absolue des 3 % ? La seule option sera alors de baisser les dépenses publiques puisqu’on baisse les impôts. Un tel choix rendra la puissance publique incapable d’aborder ces crises, voire de les amortir.

Ce que vous proposez répond peut-être, sur le papier, aux codes de la politique néolibérale, mais cela ne répond pas aux besoins de la population. L’intérêt général, c’est que la puissance publique soit capable d’intervenir.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). La loi de programmation est un instrument important pour le Parlement. Face aux défis auxquels nous sommes confrontés en matière de finances publiques, plusieurs options s’offrent à nous : on peut nier la contrainte de finances publiques et augmenter l’endettement, au motif que nous n’aurons pas à payer notre dette ; on peut réduire le filet de protection qu’on doit aux Français pour qu’ils affrontent mieux l’inflation ; on peut augmenter les impôts. Nous avons fait le choix du sérieux en conjuguant la maîtrise des dépenses publiques – leur hausse est la plus faible depuis les vingt dernières années –, la baisse des impôts pour encourager l’activité et la protection des Français face à l’inflation. Le présent projet de loi, accusé de laxisme, fait au contraire preuve de sérieux. Que ceux qui pensent que nous sommes trop dépensiers nous disent quelles dépenses ils souhaitent supprimer ! Faut-il toucher à la baisse de l’impôt sur le revenu de 6 milliards d’euros ? Faut-il revenir sur la limitation de la hausse des prix du gaz et l’électricité pour tous les Français ?

Ce texte ne met pas non plus en musique une politique d’austérité : comment peut-on parler d’austérité dans un pays dont l’endettement s’élève à 3 000 milliards d’euros et qui va emprunter 270 milliards d’euros sur les marchés financiers l’an prochain ?

Être sérieux, c’est faire le choix de la modération des dépenses afin de respecter nos engagements européens et revenir sous la barre des 3 % de déficit public en 2027.

M. Philippe Lottiaux (RN). Ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil du programme de stabilité, sur lequel nous avions déjà émis des critiques, et nous laisse donc très sceptiques. C’est avant tout un exercice obligé pour passer sous les fourches caudines de l’Union européenne et cela traduit, une fois de plus, notre perte de souveraineté. En outre, il s’appuie sur des hypothèses extrêmement optimistes qui laissent dubitatifs de nombreux spécialistes et institutions.

Il ne fait pas sensiblement évoluer l’état très dégradé des finances publiques : le taux de prélèvements obligatoires est au plus haut alors que les services publics essentiels ne se sont jamais portés aussi mal. La charge de la dette explose – + 600 milliards d’euros dont un tiers seulement est dû au covid – et on parle à peine de stabilisation en 2026.

Cette trajectoire est d’autant plus incertaine que les taux d’intérêt et d’inflation sont en hausse, en partie du fait de choix politiques et stratégiques extrêmement critiquables, notamment en matière d’énergie.

Enfin, vous ne prenez absolument pas en compte l’importante fragilité de nombreuses entreprises, qui risquent de disparaître à court terme dans de nombreux secteurs, y compris celui du bâtiment.

Vous faites également peser les errements de l’État sur les collectivités territoriales, dont les moyens, en euros constants, vont baisser sur la période puisque l’article 13 dispose que la somme des concours de l’État ne va augmenter que de 2,7 % sur cinq ans. L’article 23 prévoit des contraintes contraires au principe de décentralisation, en stigmatisant d’éventuels mauvais élèves alors que l’objectif d’évolution est identique pour tous les types de collectivités, ce qui est injuste et irréaliste.

Enfin, si vous vous gargarisez de réformes, vous ne faites pas celles qui permettraient de redresser les finances de notre pays en renonçant immédiatement à une mondialisation mortifère pour retrouver notre souveraineté, en renonçant à une politique d’immigration dispendieuse et en renonçant à lutter réellement contre la fraude fiscale, et surtout sociale.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il est assez rare qu’un ministre assiste à l’examen de tels projets de loi. Je ne sais pas si c’est un honneur, ou le signe d’une certaine fébrilité.

Certes, il n’existe aucune certitude quand on élabore des trajectoires, surtout dans un contexte de crise. Mais, depuis juillet, le Haut Conseil des finances publiques estime que vos perspectives de croissance et d’inflation sont trop optimistes. Il ajoute « une croissance moins élevée remettrait en cause la réalisation de ces objectifs ». Or il s’avère que la croissance est moins élevée. Vous ne pouvez fixer des objectifs aussi ambitieux quand vos perspectives de croissance ne sont pas les bonnes !

Pour savoir si la politique menée est une politique d’austérité, il faut analyser les besoins réels du pays : si vous augmentez le budget de l’Éducation nationale de 0,5 % alors qu’il y a 100 % d’élèves en plus, cela ne répond pas aux besoins. J’ai pris un chiffre farfelu, et on va me le reprocher. Un autre exemple, donc : de 2013 à 2019, les lits en réanimation ont augmenté de 0,17 % par an. En valeur absolue, c’est une hausse, mais c’est dix fois moins que la hausse des effectifs des personnes âgées – qui représentent deux tiers des malades en réanimation. Il s’agit donc d’une politique d’austérité.

Le Haut Conseil des finances publiques souligne que vos hypothèses de croissance comprennent une prévision d’augmentation de l’offre de travail liée à des annonces de réformes, parmi lesquelles la réforme des retraites ou celle de l’assurance chômage, dont l’impact paraît nettement surestimé. Vos réformes visent seulement à faire payer la crise aux Français, mais elles n’arriveront pas à résorber le déficit de l’État.

Mme Véronique Louwagie (LR). Vous nous proposez, en partant d’un déficit de 5 % en 2023, d’aboutir à un déficit de 3 % en 2027. Les hypothèses que vous retenez sont très optimistes et les temps fort incertains, d’autant que d’ici à 2027, la dette, en valeur absolue, aura augmenté de 200 milliards. Pour nous, cela ne va pas assez vite ; d’autres pays atteindront les 3 % en 2025. Vous évoquez les réformes structurelles – retraites, RSA, assurance chômage –, mais comme le dit le HCFP, il n’existe pas de documentation précise sur leur mise en œuvre.

Par ailleurs, la situation des collectivités territoriales, visées aux articles 13 et 23, nous inquiète. La réduction des dépenses de 0,5 point au-dessous du niveau de l’inflation et le fait de s’engager sur une période de cinq ans peuvent être difficiles. Et si vous demandez des efforts aux Français et aux collectivités territoriales, l’État, lui, ne participe pas assez. Vous avez parlé de thermomètre, monsieur le rapporteur général ? Encore faut-il situer le bon niveau de température !

M. Mohamed Laqhila (Dem). Ce projet de loi, en étant le premier à intégrer les dispositions de la loi organique Woerth Saint-Martin, concourt au renforcement de la lisibilité et de la qualité de l’information apportée aux parlementaires. Il nous donne un avertissement, mais aussi plusieurs motifs d’espoir et de satisfaction.

L’avertissement, d’abord : à politique inchangée, nous aurions des difficultés à combler à moyen terme le déficit public ; la dette atteindrait alors 115 % du PIB, ce qui obérerait toute capacité à répondre aux crises futures. La capacité d’un pays à se financer et à agir repose sur la soutenabilité de sa dette. Or nous avons vu ces derniers jours combien cette confiance peut être éphémère, même dans un grand pays développé.

Les motifs d’espoir, ensuite, puisque ce texte trace une trajectoire claire pour l’ensemble des administrations publiques. À ceux qui lui reprochent un manque d’ambition, je dis que nous pourrons trouver d’autres leviers, dans le cadre de l’examen des lois de finance, pour réduire plus vite le déficit structurel. Cependant, nous ne souhaitons pas renouveler l’expérience d’une consolidation budgétaire trop rapide, telle celle de 2010-2014 qui avait tué la reprise économique.

Par son équilibre, ce texte laisse une marge de sécurité pour répondre à une conjoncture moins bonne qu’anticipé ou à des décisions politiques que prendrait le Parlement. Il propose aussi des règles qui garantissent une meilleure gestion des finances publiques dans l’ensemble des administrations publiques.

La volonté de limiter les crédits d’impôts dans le temps – que nous pourrions accompagner d’une évaluation systématique – et l’objectif de réduire de 10 % les dépenses classées comme nocives dans le budget vert sont des motifs de satisfaction. Cet effort doit s’accompagner d’un renforcement de la budgétisation verte par l’État et les autres administrations publiques. Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera ce projet de loi.

M. Philippe Brun (SOC). Ce projet de loi de programmation est la traduction d’une analyse économique sur laquelle nous divergeons : vous pensez que la crise est derrière, nous pensons qu’elle est devant nous. Regardez les chiffres de cet automne : augmentation de 69 % du nombre de défaillances d’entreprises par rapport à l’année dernière, multiplication par 15 des prix de l’énergie pour certaines entreprises, augmentation des licenciements économiques. Après deux ans de « congélation », la « décongélation » de notre économie entraîne des difficultés et impose des efforts nouveaux. Il n’est pas question de mettre fin au plan de relance ou de limiter notre ambition en termes d’investissements publics, mais au contraire d’alléger le rythme de réduction des dépenses publiques.

Nous sommes en désaccord également sur les mesures – réforme des retraites, gel des dotations aux collectivités – qu’intègre ce projet de loi. Nous ne pouvons accepter la trajectoire récessive que vous nous proposez. Je ne comprends ni les appels à la responsabilité ni la menace, brandie par le ministre, d’une cessation éventuelle du versement des fonds européens. L’article 8 du TSCG prévoit que si un pays ne se conforme pas à la loi de programmation, l’article 260 du TFUE permet l’établissement de sanctions. Mais, chers collègues, nous n’avons jamais respecté la loi de programmation. Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur l’utilité d’un tel outil : une loi jamais respectée, dont la cohérence ne soucie personne et au contenu peu utile pour le travail des parlementaires.

Mme Lise Magnier (HOR). Il s’agit d’un texte sérieux et crédible. L’objectif d’un retour sous les 3 % de déficit public à l’horizon 2027 nous semble tout autant nécessaire qu’atteignable. Nous entendons çà et là que le rétablissement des comptes publics n’irait pas assez vite et ne serait pas assez fort ; au lieu de se fixer des objectifs dont nous savons pertinemment qu’ils ne seront jamais tenus, il nous appartient de chercher, collectivement, à respecter la trajectoire claire et réaliste présentée par le Gouvernement.

La priorité sera donc de respecter cette loi de programmation dans les cinq ans qui viennent. Nous souscrivons pleinement au principe selon lequel toutes les composantes des administrations publiques – l’État et ses opérateurs, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale – doivent participer au rétablissement des comptes. Mais il faut être clair sur la méthode, basée sur la concertation, la réciprocité et la juste contribution. Les collectivités locales doivent être écoutées et soutenues, dans le cadre d’un dialogue franc et direct. Les efforts qui leur sont demandés doivent être observés, dans les mêmes proportions, par l’État. Dans la mesure où ce sont l’État et les organismes de sécurité sociale qui pèsent le plus dans le déficit public et l’endettement, les efforts doivent être majoritairement de leur fait. Le groupe Horizon votera ce projet de loi.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’objectif de réduction du déficit en deçà des 3 % du PIB à l’horizon 2027 associé à la baisse des impôts – après la suppression de la redevance audiovisuelle, celle de la CVAE nous prive de 8 milliards de recettes fiscales – ne permet pas d’assurer le financement de nos besoins.

Je pense en particulier à l’hôpital : le sous-objectif Établissements de santé de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) est fixé à 4,1 % 2023, à 2,9 % en 2024 et à 2,8 % en 2025. Je pense aussi au financement de la transition écologique. En 2023, les dépenses de la mission Écologie, hors programme 345, stagnent. La hausse proposée ne fait que compenser la baisse des crédits de l’écologie portés au plan de relance ; les crédits pour 2024 et 2025 n’augmentent que de 100 millions en 2024 et de 200 millions en 2025. Ce n’est pas à la hauteur du défi auquel nous sommes confrontés. Nous avons besoin d’investir maintenant pour l’atténuation et l’adaptation. Nous vous proposerons de sortir ces investissements du calcul des 3 % de déficit. Il manque environ de 25 milliards par an pour la transition écologique !

Nous vous ferons des propositions pour adapter le cadre qui est imposé aux collectivités locales à l’article 23. Il ne leur permet pas de financer correctement les services publics de proximité et la transition écologique. Or non seulement elles font face à la flambée des prix d’énergie mais elles sont aussi le fer de lance de l’investissement dans la transition écologique.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je comprends bien que vous rechigniez, monsieur le ministre, à dire qu’il s’agit d’un projet de loi de finances, car le Gouvernement ne peut recourir qu’une fois à la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3 pour ce type de texte !

Il manque à ce projet de loi de programmation des finances publiques un « chapeau » : celui du programme de stabilité. Vos recettes libérales ne marchent pas. La réforme de l’assurance chômage ne fonctionnera pas, puisque, comme l’a montré hier la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 25 à 42 % des allocataires ne font pas valoir leurs droits. La réforme des retraites ne fonctionnera pas davantage puisqu’on sait très bien que, pour bien des métiers, les gens n’iront pas jusqu’à 65 ans. Pendant ce temps, les superpatrimoines n’ont jamais été aussi élevés.

Oui, la France est un grand pays. Mais le risque est de ne toucher à rien, ni au marché de l’énergie et à la spéculation scandaleuse, que l’État compense en partie, ni à l’architecture fiscale. Les prélèvements obligatoires, ce n’est pas un gros mot : tout dépend de leur contenu. Je rappelle que, mis à part les 12 % pris en charge par l’État, les dépenses de santé entrent dans les prélèvements obligatoires, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis où elles relèvent du secteur privé. Ce serait une erreur fondamentale que de ne pas faire une planification écologique hors dette de Maastricht. Si nous continuons ainsi, nous foncerons dans le mur de la dette. Il aurait fallu prendre un autre chemin que celui de cette trajectoire-camisole.

Être sérieux, ce n’est pas avoir 10 millions de pauvres ; être sérieux, ce n’est pas poursuivre la baisse du nombre de lits d’hôpital ; être sérieux, ce n’est pas peser sur les capacités des collectivités locales !

M. Charles de Courson (LIOT). Voici donc la sixième loi de programmation des finances publiques de ces treize dernières années – soit une durée de vie moyenne dépassant à peine les deux ans. Compte tenu des grandes incertitudes qui planent, je pense que c’est une erreur de choisir un horizon à cinq ans alors que la loi organique permettait de faire une prévision à trois ans.

Pourquoi les lois de programmation des finances publiques sont-elles presque toutes devenues obsolètes dès la deuxième année de leur application ? C’est parce qu’on a toujours retenu des taux de croissance excessifs – ici, 1,35 %, alors que la Commission table sur 1,1 %. Rappelons d’ailleurs qu’il y a cinq ans, M. Lemaire expliquait que le taux de croissance structurelle allait augmenter de 2,5 %...

La trajectoire qui nous est proposée manque singulièrement d’ambition – entre nous soit dit, un déficit représentant 3 % du PIB est excessif quand le taux de croissance potentiel est de 1,1 % ; on peut le réduire à 1 ou 2 % du PIB, ce qui correspond peu ou prou aux investissements publics. L’Espagne et l’Italie, elles, atteindraient les 3 % dès 2025. Pourquoi ce décrochage français ? Il résulte, là encore, d’un niveau élevé de dépenses publiques – il faut dire que la France, dans ce domaine, est médaille d’argent de l’Union européenne et qu’elle devrait le rester.

Outre le fait que les prévisions sont fondées sur des réformes aux contours incertains, le texte témoigne d’une défiance à l’égard des collectivités territoriales. Pourtant, celles-ci ne posent pourtant pas de problème pour l’équilibre des finances publiques et elles ne contribuent pas à creuser la dette. En l’état actuel du texte, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre ce texte.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.


—  1  —

   Examen des articles

Titre Ier
Orientations pluriannuelles des finances publiques

Article 1er
Approbation du rapport annexé

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article approuve le rapport annexé au projet de loi.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 1 E de la loi organique du 1er août 2021 relative aux lois de finances (LOLF), prévoit qu’un rapport est annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donne lieu à approbation du Parlement.

Ce rapport, qui peut faire l’objet d’amendements, décrit le cadrage macroéconomique, les perspectives en matière de finances publiques et les mesures de nature à garantir le respect de la programmation.

Le tableau suivant récapitule les principaux éléments du cadrage macroéconomique contenu dans le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques.

Principales hypothèses du scénario macroéconomique 2022-2027

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Croissance en volume du produit intérieur brut (PIB)

2,7

1,0

1,6

1,7

1,7

1,8

Déflateur de PIB

2,8

3,6

2,4

1,8

1,6

1,6

Indice des prix à la consommation hors tabac

5,4

4,3

3,0

2,1

1,75

1,75

Masse salariale privée

8,6

5,0

3,9

3,6

3,4

3,4

Croissance potentielle

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

PIB potentiel en milliards d’euros 2010

2 390

2 422

2 454

2 488

2 521

2 555

Écart de production en % du PIB potentiel

– 1,1

– 1,4

– 1,2

– 0,8

– 0,5

0,0

Taux courts (BTF 3 mois) en %

1,2

2,1

2,3

2,4

2,5

2,6

Taux longs (OAT à 10 ans) en %

2,5

2,6

2,7

2,8

2,9

3,0

Source : rapport annexé au présent projet de loi.

Le présent article tend à l’approbation dudit rapport annexé.

Le scénario macroéconomique qu’il contient postule une croissance robuste en sortie de crise, repartant à la hausse après un point bas à 1 % prévu en 2023. Il postule un retour de l’inflation à ses niveaux de long-terme à partir de 2026.

Les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production sont supérieures à celles de la Commission européenne. Le Gouvernement estime ainsi la croissance potentielle à 1,35 % sur la période 2018-2020 au lieu de 1,1 % pour la Commission européenne. Cette différence tient notamment au fait que le Gouvernement estime que la productivité globale des facteurs (PGF) a subi un choc temporaire en niveau du fait de la crise sanitaire, tandis que la Commission européenne considère que la croissance potentielle en a été affectée sur une période longue.

La croissance en volume effective du PIB serait donc supérieure à la croissance potentielle sur la période de programmation, ce qui conduit à une hypothèse de fermeture de l’écart de production en 2027, du fait de la disparition progressive anticipée des contraintes liées à la crise sanitaire et au conflit en Ukraine.

Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a estimé, conformément à ses observations formulées sur le programme de stabilité 2022-2027, que les hypothèses d’écart de production en 2022 comme de croissance potentielle sur 2022-2027 sont optimistes. Il considère que ce niveau de croissance potentielle « suppose des effets importants et immédiats de réformes (du revenu de solidarité active, des retraites, de l’assurance-chômage, de l’apprentissage…) dont ni les modalités, ni les impacts, ni le calendrier ne sont documentés » à la date de l’avis.

Contenu du rapport annexé au projet de loi de programmation

(article 1 E de la loi organique relative aux lois de finances)

Un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation par le Parlement indique :

1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation ;

2° Une présentation, pour l’ensemble de la période de la programmation, des principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A, compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme. Cette présentation retrace notamment leur nature, leur montant et leurs effets attendus ;

3° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs, exprimées en valeur et selon les conventions de la comptabilité nationale ;

4° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, une évaluation minimaliste, moyenne et maximaliste de l’évolution des taux d’intérêt et de son impact sur les comptes de l’État ;

5° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l’estimation des dépenses d’assurance vieillesse et des dépenses d’allocations familiales ;

6° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage, exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;

7° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ;

8° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l’article 1er B, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année ;

9° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/ UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l’objectif à moyen terme au regard de ces projections ;

10° Le montant et la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel ;

11° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er A de la présente loi organique, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ;

12° Les hypothèses de produit intérieur brut et de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

13° Les hypothèses ayant permis l’estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, notamment les hypothèses d’élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

14° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné à l’article 1er A.

Ce rapport présente également la situation de la France, par rapport aux autres États membres de l’Union européenne, au regard des objectifs stratégiques européens.

*

*     *

Amendement CF49 de M. Stéphane Peu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Il est pour le moins bizarre de diminuer de manière drastique les crédits du sport juste après les Jeux olympiques alors que c’est un moment où le sport pour tous devrait être favorisé. Nous avons voulu souligner ce point en proposant d’augmenter les crédits, sans toutefois oublier que la Cour des comptes a démontré l’inefficacité, pour ne pas dire autre chose, de l’Agence nationale du sport (ANS).

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur Sansu, si j’étais taquin, je vous dirais qu’avoir une trajectoire permet à ses opposants de la critiquer. Je répète que ce projet de loi n’est pas, aux termes de la Constitution, un projet de loi de finances.

Sur la programmation, il s’agit d’une baisse en trompe-l’œil puisque nous ne proposons qu’un retour à la normale après un surinvestissement dû aux Jeux olympiques. Je signale que le programme Jeunesse et vie associative est en augmentation continue.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er non modifié.

*

*     *

Chapitre Ier
Le cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques

Article 2
Définition de l’objectif à moyen terme (OMT)
et de la trajectoire de solde structurel

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe un objectif à moyen terme (OMT) de déficit structurel de 0,4 % du produit intérieur brut (PIB) potentiel. Il détermine également une trajectoire de déficit structurel en pourcentage de PIB potentiel pour les années 2022 à 2027 : 4,2 % en 2022, 4,0 % en 2023, 3,7 % en 2024, 3,4 % en 2025, 3,1 % en 2026 et 2,8 % en 2027.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 1 A de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), reprenant l’article 1er de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques désormais abrogée, dispose que « dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012 » et qu’elle « détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité précité, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques ».

Le présent article (alinéa 1) fixe un objectif de moyen terme (OMT) de – 0,4 % du PIB potentiel.

Il fixe également (alinéa 2) une trajectoire d’évolution du solde structurel pour les années de la programmation.

Évolution du solde structurel

(en % de PIB potentiel)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

– 4,2

– 4,0

– 3,7

– 3,4

– 3,1

– 2,8

Ajustement structurel

0,9

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

Source : présent article.

Notions de solde structurel et d’objectif à moyen terme

Le solde structurel est le solde corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit de la composante du solde public qui est indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle du déficit est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période de reprise de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le déficit structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres.

Les États membres de l’Union européenne doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT) d’équilibre des comptes publics en application de l’article 3 du TSCG. Cet objectif est réputé atteint si le déficit structurel est inférieur à 0,5 % du produit intérieur brut potentiel.

Si l’OMT fixé est conforme aux engagements européens de la France, il n’est pas prévu que celui-ci soit atteint durant les années de la programmation. En effet, le solde structurel serait encore de – 2,8 % du PIB potentiel en 2027 pour un OMT de – 0,4 %, identique à celui prévu par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022.

L’article 3 du TSCG prévoit que les États procèdent à « une convergence rapide » vers l’OMT. Après une réduction importante du déficit structurel en 2022, la trajectoire d’ajustement accélèrerait légèrement après 2023, passant de 0,2 à 0,3 point de PIB potentiel chaque année.

L’OMT et la trajectoire de solde structurel ainsi définis font l’objet d’un suivi en exécution.

Aux termes des dispositions figurant désormais au chapitre VI de la LOLF, le HCFP a pour mission de donner un avis sur les articles liminaires des projets de loi de finances et des projets de lois de finances rectificatives « au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ».

Par ailleurs, en présence d’un écart important entre l’objectif et la réalisation de solde structurel, un mécanisme de correction peut être déclenché dans les conditions prévues par l’article 62 de la LOLF et par l’article 5 du présent projet de loi de programmation.

Le Gouvernement peut demander au HCFP de constater l’existence de circonstances exceptionnelles, définies à l’article 3 du TSCG comme faisant référence à des « faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l’écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ».

Le HCFP a considéré que ces circonstances étaient réunies en 2020, puis en 2021, ce qui a empêché le déclenchement du mécanisme de correction. Dans son avis relatif au solde structurel présenté dans le projet de loi de règlement de 2021, il a cependant rappelé que le pilotage des finances publiques nécessite que la clause des circonstances exceptionnelles ne s’applique pas de manière permanente ([1]).

On peut relever un consensus sur une nécessaire réforme des règles budgétaires européennes, justifiée par la difficulté à définir et mesurer le solde structurel et donc à en faire un instrument pertinent de pilotage des politiques budgétaires. L’idée de simplification fait consensus, mais ses modalités sont discutées ; une piste d’évolution pourrait être de retenir une règle opérationnelle en dépense permettant un pilotage du taux d’endettement ([2]).

*

*     *

Amendements de suppression CF24 de M. Éric Coquerel et CF32 de M. Nicolas Sansu.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Beaucoup, au sein de la commission des finances, constatent que les prévisions de croissance et d’inflation ne sont pas bonnes et que, dès lors, l’exécution des objectifs sera insincère.

Ce que nous avons constaté, c’est que lorsque le secteur privé s’effondre en période de crise, l’État intervient pour le faire tenir. Cet été, nous n’étions pas d’accord pour des mesures et des aides ponctuelles car nous voyions bien que la crise allait durablement s’installer. Or on nous dit ici qu’il va falloir réduire de manière drastique les dépenses, qu’il y aura de moins en moins d’aides publiques alors que la crise s’installe. En fin de compte, vous n’obtiendrez pas la réduction des dépenses publiques car l’État devra intervenir pour éviter que le secteur privé ne coule.

Nous vous proposons de supprimer cet article d’austérité. Je le répète, l’austérité, ce n’est pas le fait de proposer des budgets en réduction par rapport à l’année précédente, c’est de ne plus répondre aux besoins de la population, alors qu’ils sont en augmentation.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Nous sommes fermement opposés à la logique de programmation des finances publiques. La loi de programmation précédente a été un échec particulièrement cinglant : la crise du covid, le mouvement des gilets jaunes, l’inflation vous ont obligés à consentir quelques ajustements. Pourquoi les différentes lois de programmation ont-elles été des échecs, que le rapport Arthuis ou celui de la Cour des comptes ont acté ? Ce n’est pas par manque de volonté politique : les gouvernements étaient tous empreints de la logique néolibérale de réduction des dépenses publiques. C’est parce que ces lois se sont révélées inapplicables. Il est en effet impossible de prévoir à quel niveau sera le déficit public dans trois ans lorsque le contexte socio-économique est aussi instable et que l’État doit jouer son rôle de stabilisateur. Vous pensez que les besoins peuvent s’adapter aux prévisions, mais c’est bien le contraire. La logique de la programmation est à l’opposé de celle de la planification, plus vertueuse, car elle permet d’appréhender le temps ; oscillant entre coups de rabot, mesures antisociales et hausse mécanique des dépenses, elle ne peut être qu’un échec.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Au moins les choses sont claires, vous êtes contre la programmation. Quand un pays veut innover, quand un pays veut investir, quand un pays veut soutenir sa recherche, quand un pays veut renforcer sa défense, il est évident qu’il doit se doter d’une loi de programmation. Vous ne pouvez pas dire aux services publics, aux administrations, aux politiques publiques le 31 décembre ce qu’ils devront faire le 1er janvier.

Certains, ici ont l’air de savoir ce qu’il va se passer : je leur demande de m’écrire dès maintenant pour me dire quand la guerre en Ukraine cessera ou quand le prix du gaz baissera. Nous évoluons dans un contexte particulièrement difficile qui nous oblige à faire des hypothèses. Vous nous expliquez maintenant ce qu’il va se passer en nous disant que nous nous sommes trompés ? Désolé, je n’achète pas ! Il y a six mois, vous étiez les mêmes à critiquer notre trajectoire pour 2022. Eh bien, nous avons fait mieux que prévu, avec une croissance de 2,7 % !

M. Philippe Brun (SOC). Tout le monde est d’accord pour dire que jamais une seule loi de programmation n’a été respectée. Mais on nous explique que c’est très important pour la crédibilité financière de la France au niveau mondial. Que je sache, la note de la France n’a pas été spectaculairement dégradée lorsque la loi de règlement n’a pas été adoptée…

Si nous ne respectons pas les lois de programmation, c’est parce qu’elles sont systématiquement fondées sur des hypothèses irréalistes. Par ailleurs, pour qu’une loi de programmation fonctionne, il faut que le Gouvernement sache où il va : lors du dernier quinquennat, le Président de la République voulait sortir du nucléaire, puis il a changé d’avis. La programmation, et les investissements qui vont avec, doivent donc suivre le cerveau du Président. Les événements exceptionnels que nous vivons imposent aussi une modification des objectifs financiers. Nos collègues du groupe GDR ont donc raison de demander le bilan de ce système que nous avons adopté en 2008, puis modifié en 2012, ainsi qu’une évaluation de l’utilité des rapports du HCFP. Le groupe Socialistes et apparentés votera la suppression de cet article.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous pouvons débattre du niveau de cet objectif, mais ce que vous souhaitez, c’est supprimer toute référence à cet objectif de moyen terme. En rejetant ainsi la programmation, vous rendez le texte inconstitutionnel : il s’agit en effet d’une obligation qui figure parmi nos engagements européens. Philippe Brun a expliqué que le non-respect de cette obligation n’aurait aucun impact. Je rappelle que, dans le plan national de relance et de résilience (PNRR) que la France a présenté à l’Union européenne, nous nous sommes engagés à nous doter d’une loi de programmation des finances publiques. Si nous n’adoptions pas ce texte, nous pourrions être confrontés à un retard très important dans le versement des fonds du plan de relance européen, voire à la cessation du versement d’une partie de ces fonds. Nous devons avoir cela à l’esprit.

La commission rejette les amendements de suppression.

Amendement CF3 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Nous voulons justement un débat sur le niveau du solde structurel. Dans la note du HCFP, il est dit que ce projet de loi est basé sur trois hypothèses favorables : que les ménages se désengagent de l’épargne ; que l’investissement des entreprises se maintienne à un niveau élevé ; que la contribution du commerce extérieur soit positive. Permettez-nous d’avoir des doutes sérieux sur la possibilité que ces trois critères soient réunis pendant les cinq prochaines années !

Nous proposons de réduire le solde structurel de 0,3 point chaque année, ce qui reviendrait à baisser les dépenses de 20 milliards sur la période 2023-2026. Vous invitez l’ensemble des Français à la sobriété énergétique. Le groupe Les Républicains demande que l’État fasse preuve d’une sobriété bureaucratique !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nul ne prétend que la crise est derrière nous, bien au contraire, et l’inflation ne baissera probablement qu’après un pic qui devrait se situer au début de l’année prochaine. Il nous paraît donc important de continuer à soutenir le pouvoir d’achat des ménages – notamment grâce au bouclier tarifaire et à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation – mais aussi la compétitivité des entreprises, lesquelles souffriront en effet beaucoup en 2023.

Je suis d’accord quant à la nécessité d’une réflexion collective sur les moyens permettant de faire diminuer plus rapidement notre dette et notre déficit structurel mais ce que vous proposez ne le permettrait pas, notre trajectoire prévoyant du reste, en pourcentage de PIB, une diminution de la dette et des prélèvements obligatoires.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Nos collègues Les Républicains ont raison de soulever un tel problème.

Je l’ai dit : la France ne peut pas se payer un déficit supérieur à 1,3 % ou 1,5 % ce qui signifie, d’une part, qu’il faut arrêter de baisser les recettes – nous n’avons pas le premier sou pour supprimer la CVAE et la redevance audiovisuelle – et, d’autre part, faire des économies structurelles. Or, dans le texte, la réforme des retraites est évoquée en une ligne ! À combien s’élèvera le montant annuel des économies réalisées à partir de cette éventuelle réforme ?

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement a le mérite de nous rappeler que la loi de programmation ne respecte même pas le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dont l’article 3 dispose que le déficit structurel annuel des APU ne doit pas être supérieur à 0,5 % du PIB en euros courants et l’article 4, que si la dette publique est supérieure à 60 % du PIB, le pays défaillant s’engage à réduire son déficit au rythme d’un vingtième par an, ce dont nous serions d’ailleurs encore très loin même avec l’adoption de cet amendement. Dans ces conditions, notre débat sur la nécessité d’être crédibles et sur l’importance de la programmation des finances publiques ou de la pluriannualité est complètement dépassé !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons en faveur de cet amendement, qui devrait être consensuel. Nous savons tous, en effet, que la France est suradministrée, que la mauvaise dépense publique gêne un grand nombre de fonctionnaires eux-mêmes, mais aussi nos PME et nos forces vives.

Par ailleurs, j’ai proposé la création d’une mission d’information pour évaluer le coût de toutes ces agences, laquelle pourrait nous permettre de travailler ensemble à la réalisation d’économies utiles, sans risque pour le pouvoir d’achat.

Je ne comprends pas que la majorité ne soutienne pas cet amendement raisonnable et précis, qui s’inscrit de surcroît dans l’esprit des « Dialogues de Bercy ».

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il est en effet intéressant en ce qu’il pointe l’hypertrophie d’un certain nombre d’agences et d’opérateurs. Nous serons tous d’accord pour engager un travail à ce propos mais il n’est pas possible de proposer 20 milliards d’économies dans la loi de programmation en remettant en cause l’ajustement structurel présenté par le Gouvernement, ce qui implique de ne pas accorder de crédit au taux de croissance prévu non plus qu’aux réformes proposées et aux capacités de résilience de notre économie.

M. de Courson juge qu’il faut cesser de diminuer les recettes, or, grâce à la baisse, ces dernières années, de plus de 50 milliards des prélèvements obligatoires, les recettes ont été supérieures aux prévisions, chaque année, pour une raison simple : la diminution des impôts relance l’activité et donc la rentrée de recettes fiscales et sociales dans les caisses de l’État et de la sécurité sociale.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Nous voterons évidemment contre cet amendement : dans les conditions actuelles, 20 milliards d’économies supplémentaires, ce sont des infirmières en moins dans les hôpitaux, des enseignants en moins devant les élèves et des moyens en moins pour les collectivités territoriales, déjà à l’os.

Nous reconnaissons bien là l’atavisme de la droite, qui consiste à vouloir diminuer les dépenses publiques et à ne jamais le faire lorsqu’elle est au pouvoir.

Les propos de M. de Courson sont parfaitement sensés : nous n’avons pas les moyens de diminuer les recettes de l’État. La CVAE devrait être maintenue afin de dégager 4 milliards pour nos collectivités.

Mme Véronique Louwagie (LR). Il n’est pas question, ainsi, de brider la croissance ou de remettre en cause les réformes dont M. Lefèvre a fait état. Il ne s’agit pas non plus de faire en sorte que les infirmières ou les enseignants soient moins nombreux. Ce qui s’impose, c’est une grande simplification au service des citoyens, comme le grand débat national en avait d’ailleurs pointé la nécessité.

Voilà quelques mois, qui a dit que la France avait un État « bedonnant et malvoyant » ? Le Président de la République. Je vous propose que l’État soit désormais élancé et clairvoyant !

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part annuelle des coûts de production des services publics par rapport au PIB s’élève en France à 27 % contre 23,6 % en moyenne, ce qui représente 84 milliards. Nous vous proposons d’économiser un quart de cette somme.

Enfin, je rappelle qu’en octobre 2021, des députés de la majorité ont déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à reconnaître, prévenir et lutter contre les risques d’épuisement administratif des Français.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous ne sommes pas d’accord.

Parmi les 483 opérateurs de l’État, lesquels sont inutiles, alors que nombre d’entre eux connaissent déjà de grandes difficultés pour remplir leur mission ? Est-ce l’Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ? Est-ce le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), dont nous aurons encore plus besoin qu’avant ? Est-ce Météo-France ? Il ne faut pas réduire la voilure mais, au contraire, l’augmenter !

Si l’organisation est trop complexe, je suis favorable à une forme de centralisation mais, selon l’exposé des motifs de cet amendement, il conviendrait aussi de réduire « le nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales ». Nous considérons, quant à nous, que la politique de la nation suppose des gens, dans les ministères, pour être appliquée. Dans les administrations centrales, nous avons besoin de gens qui « savent tenir la baraque » ! Il n’y a pas trop de fonctionnaires en leur sein lorsqu’il s’agit de travailler à la transition écologique ! Les agences, les administrations centrales sont à l’os !

Je le dis à mes collègues LR et RN : si vous voulez défendre la souveraineté nationale et des politiques efficaces, il n’est pas possible de se satisfaire d’un tel amendement.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Ce débat est intéressant mais rappelez-vous ce qui s’est passé entre 2010 et 2014 : la consolidation trop rapide des dépenses a nui à la reprise économique.

De plus, il convient de faire montre de vigilance avec des amendements à 20 milliards ! Oui à la discussion, mais encore faut-il que le PLF et le PLFSS suivent !

M. le président Éric Coquerel. Lorsque l’on veut affaiblir la fonction publique et l’État, c’est par ce type d’amendement que l’on commence. Je me souviens du « dégraissage du mammouth » à l’époque de la gauche plurielle. Que s’est-il passé ensuite ? Moins d’enseignants à peu près à tous les niveaux. On évoque cette représentation démagogique et dangereuse du fonctionnaire bureaucrate et tatillon alors que nous avons plus que jamais besoin de l’État !

Comment laisser penser qu’il y aurait une multitude d’opérateurs et d’agences inutiles alors que chaque rapporteur spécial est confronté aux difficultés que rencontrent ces derniers pour accomplir leur mission, faute de moyens ?

Les administrations centrales servent à flécher et à contrôler les dispositions prises par l’État. La suppression de fonctionnaires, comme ce fut le cas au sein du ministère de la transition écologique, transforme l’administration en guichet qui se contente de percevoir et de distribuer l’argent – ce qui peut d’ailleurs contribuer à expliquer les difficultés rencontrées par MaPrimeRénov’.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Certains, plutôt à gauche, considèrent qu’aucun effort ne s’impose en matière de simplification et de réduction des effectifs, là où elles sont possibles. Tel n’est pas notre cas. Je tiens à ce propos à rendre hommage au travail accompli par Guillaume Kasbarian, rapporteur de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap), qui a permis la suppression d’une cinquantaine d’opérateurs et de comités. Depuis 2009, un tiers des opérateurs a été supprimé.

Néanmoins, ce ne sont pas des économies de 20 milliards qui résulteraient de l’adoption de cet amendement. Une réduction annuelle du déficit du solde structurel de 0,3 point, en plus des mesures que nous proposons, entraînerait en effet une diminution des dépenses de 40 milliards sur un PIB de 3 200 milliards prévu en 2027, 1 point de PIB représentant 32 milliards. Y parviendra-t-on en triant parmi les opérateurs, lorsque l’on sait que la moitié d’entre eux relève de l’enseignement supérieur et de la recherche – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), universités, instituts régionaux d’administration (IRA), écoles d’ingénieurs ?

Des efforts peuvent être réalisés dans les administrations centrales s’agissant du nombre de fonctionnaires mais je ne suis pas sûr que cela suffise, à moins de tailler brutalement dans le vif de services publics essentiels.

Le rythme que nous avons fixé nous permettra de revenir sous le seuil des 3 % de déficit en 2027. Des efforts seront certes nécessaires mais les ordres de grandeur de cet amendement ne nous semblent pas raisonnables. Il n’est pas question de mener une politique d’austérité brutale qui génèrerait un déficit conjoncturel.

Enfin, nous savons tous depuis la campagne présidentielle que la réforme des retraites permettra d’économiser environ 8 milliards bruts à l’horizon de 2027, compte non tenu des mesures d’accompagnement – carrières longues, pénibilité, minimum contributif. J’ajoute que selon la direction générale du Trésor, le surcroît des recettes fiscales et sociales, à l’horizon de 2027, s’élèverait entre 15 et 20 milliards en raison de l’amélioration du taux d’emploi et que 400 000 emplois seraient créés.

La commission rejette l’amendement CF3.

Elle adopte l’article 2 non modifié.

*

*     *

 


Article 3
Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article détermine, pour l’ensemble des administrations publiques et pour chaque sous-secteur d’administration, une trajectoire de déficit public en pourcentage du PIB pour les années 2023 à 2027.

Pour l’ensemble des administrations publiques, cette trajectoire est la suivante : 5,0 % en 2022 puis en 2023, 4,5 % en 2024, 4,0 % en 2025, 3,4 % en 2026 et 2,9 % en 2027.

Il présente également, pour l’ensemble des administrations publiques, la décomposition de cette trajectoire entre composante structurelle, conjoncturelle et mesures poncutelles et temporaires.

La dépense publique et les prélèvements obligatoires sont présentés en pourcentage du PIB. L’article présente également un objectif de dépense publique en milliards d’euros et un pourcentage d’évolution annuelle, qui sont déclinés par sous-secteur.

Il détermine enfin une trajectoire de dette publique en pourcentage du PIB pour les années 2022 à 2027.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Les articles 1 A et 1 B de la loi organique du 1er août 2021 relative aux lois de finances prévoient que la loi de programmation des finances publiques détermine :

– les calculs permettant le passage des soldes structurels aux soldes effectifs annuels ;

– la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques ;

– un objectif annuel, exprimé en volume, d’évolution des dépenses des administrations publiques et une prévision, exprimée en milliards d’euros courants, de ces dépenses en valeur. Ces données sont déclinées par sous-secteur d’administrations publiques ;

– une prévision d’évolution en volume et une prévision en milliards d’euros courants du montant des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement.

Le présent article fixe les cibles de solde effectif ainsi que leur décomposition par composante et par sous-secteur d’administration.

dÉcomposItion du solde public par composante
et trajectoire de dette publique

(en % de PIB, sauf indication contraire)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde conjoncturel

– 0,6

– 0,8

– 0,7

– 0,5

– 0,3

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires*

– 0,1

– 0,2

– 0,1

– 0,1

0,0

0,0

Solde structurel*

– 4,2

– 4,0

– 3,7

– 3,4

– 3,1

– 2,8

Solde effectif (1+2+3)

 5,0

 5,0

 4,5

 4,0

 3,4

 2,9

Dette

111,5

111,2

111,3

111,7

111,6

110,9

* En % de PIB potentiel.

Source : présent article.

Le déficit public serait stabilisé en 2023 à 5 % du PIB. Il décroîtrait ensuite progressivement de 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et 2025 sous l’effet de l’amélioration conjointe des soldes structurel et conjoncturel.

L’écart de production se refermerait progressivement jusqu’à la fin de la période de programmation, avec un solde conjoncturel nul en 2027. Inversement, le solde structurel serait encore de – 2,8 % du PIB potentiel en 2022. L’OMT de – 0,4 % serait donc loin d’être atteint à la fin du quinquennat.

Quant à la dette publique, après une légère diminution (– 0,3 point de PIB en 2023), elle augmenterait faiblement jusqu’en 2025 avant de refluer au cours des deux dernières années de programmation pour atteindre un endettement de 110,9 % du PIB en 2027. Les variations anticipées demeurent faibles : moins de 1 point de PIB chaque année et sur l’ensemble de la période.

dÉcomposItion du solde public par sous-secteur d’administration

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

                                Toutes administrations publiques

Solde effectif (en % du PIB)

– 5,0

– 5,0

– 4,5

– 4,0

– 3,4

– 2,9

Dépense publique (hors CI, en Md€)

1 522

1 564

1 600

1 637

1 669

1 709

Dépense publique (hors CI) en % du PIB

57,6

56,6

55,6

55,0

54,3

53,8

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%)

– 1,1

– 1,5

– 0,6

0,3

0,2

0,6

Administrations publiques centrales

 

 

 

Solde en % du PIB

– 5,4

– 5,6

– 5,2

– 4,7

– 4,5

– 4,3

Dépense publique (hors CI, en Md€)

629

636

637

643

655

675

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%)

0,0

– 2,6

– 2,5

– 1,1

 0,4

1,6

Administrations publiques locales

 

 

 

Solde en % du PIB

0,0

-0,1

– 0,1

0,0

0,2

0,5

Dépense publique (hors CI, en Md€)

295

305

314

322

323

326

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%)

0,1

– 0,6

0,1

0,4

– 1,3

– 1,1

Administrations de sécurité sociales

 

 

 

Solde en % du PIB

0,5

0,8

0,8

0,7

0,8

1,0

Dépense publique (hors CI, en Md€)

700

721

747

772

792

811

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%)

– 2,6

– 1,0

0,5

1,2

0,7

0,6

Source : présent article.

Au terme de la période de programmation, soit en 2027, les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de sécurité sociale (ASSO) seraient excédentaires, respectivement de 0,5 et de 1 % du PIB. L’État et les autres administrations publiques centrales demeureraient en déficit de 4,3 % du PIB.

La dépense publique en volume diminuerait jusqu’en 2024, du fait notamment de la contraction des dépenses des APUC en 2023 et 2024. Elle redeviendrait positive en fin de période de programmation, sous l’effet de la dynamique d’augmentation de la dépense des APUC comme des ASSO. Toutes administrations publiques confondues, elle atteindrait 1 709 milliards d’euros courants en 2027.

Le présent article détaille, au sein de la dépense publique, l’agrégat des dépenses d’investissement au sens des articles 1 A et 1 E de la LOLF, considérées comme telle « compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme ». Elles incluent, d’une part, les crédits budgétaires programmés sur la mission Investir pour la France de 2030 et, d’autre part, les crédits correspondant à titre prévisionnel à des « dépenses d’investissement » au sens de l’article 5 de la LOLF, soit les crédits dits de « titre 5 » dans la nomenclature des charges budgétaires ([3]). Ces dépenses, qui représenteraient 35 milliards d’euros en fin de période de programmation, font également l’objet d’un indicateur de suivi en volume.

*

*     *

Amendement de suppression CF33 de M. Nicolas Sansu. 

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). La déclinaison par administration publique de la baisse des déficits proposée par le Gouvernement est inégalitaire et inadéquate aux besoins : beaucoup d’efforts sont demandés aux collectivités territoriales, pas mal le sont à la sécurité sociale et peu à l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Dans quels domaines l’État doit-il faire plus d’efforts ?

Un travail exceptionnel a été accompli par la quasi-totalité des groupes politiques lors de la précédente législature afin de parvenir à cette nomenclature par administration publique. Avant, nous ne disposions pas de telles informations ! Un amendement pour les supprimer, si vous me permettez la formule, c’est un peu « rock’n’roll ».

Par ailleurs, l’évolution des dépenses publiques en volume figurant au tableau que vous voulez supprimer montre que la baisse des dépenses de l’État est deux fois plus forte que celles des administrations locales.

Ne cassons pas le thermomètre : nous avons besoin d’une telle visibilité. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement, qui contredit les propos précédents de M. Sansu sur l’amendement CF3 : d’une part, l’État central ne doit pas faire d’économie, d’autre part, il n’en fait pas assez par rapport aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale.

De plus, comment la gauche peut-elle toujours vouloir dépenser plus, sans distinguer les bonnes dépenses des mauvaises, étant entendu qu’avec un déficit de 150 milliards, chaque dépense supplémentaire implique d’emprunter sur les marchés financiers, donc, d’enrichir votre pire ennemi qu’est la finance ? Je ne comprends pas, mais je suis loin d’être le seul.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Parfois, on ne comprend que ce que l’on veut comprendre.

Les désaccords sont profonds, malgré le vernis social dont certains se parent. Donnez-nous les manettes cinq minutes et vous verrez que l’on changera cette méthode qui consiste à emprunter sur les marchés financiers ! En période de crise, seule la puissance publique permet de maintenir à flot l’État, les citoyens et… les entreprises privées, TPE et PME. Il faut rompre avec de tels dogmes !

Je suis satisfait de constater que le RN se plie aux objectifs de l’Union européenne. L’ambiance a bien changé, depuis quelques temps…

Nous avons besoin d’investissements publics ! Ce ne sont pas des gros mots ! Faute de tels investissements, vous en serez réduits à proposer des mesures ponctuelles pour que l’économie ne s’effondre pas.

À la fin, c’est toujours le même chantage qui revient : on nous dira que, de toute façon, les dettes sont trop importantes. Cette fois, néanmoins, nous n’aurons pas voulu d’une telle dette, nous ne l’aurons pas maîtrisée et nous ne l’aurons pas anticipée.

La commission rejette l’amendement de suppression.

Elle adopte l’article 3 non modifié.

*

*     *

Article 4
Trajectoire d’effort structurel

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe un objectif d’effort structurel pour les années 2022 à 2027 en points de PIB potentiel : – 0,2 point en 2022, 1,3 point en 2023, 0,3 point en 2024, 0,4 point en 2025, 0,5 point en 2026 et 0,3 point en 2027.

Cet objectif est décomposé en mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et en effort en dépenses y compris crédits d’impôts.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 1 A de la loi organique du 1er août 2021 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que la loi de programmation des finances publiques « détermine l’effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation ».

Notion d’effort structurel

La notion d’effort structurel doit être distinguée de celle d’ajustement structurel.

L’ajustement structurel correspond à la variation du solde structurel.

Selon l’article 1 A de la LOLF, l’« effort structurel est défini comme l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel ».

Autrement dit, l’effort structurel correspond à la composante discrétionnaire de l’ajustement structurel, c’est-à-dire la variation de la position budgétaire résultant des facteurs dont les pouvoirs publics ont la maîtrise. Il peut s’agir soit d’une modification des prélèvements obligatoires (effort en recettes), soit d’économies (effort en dépenses). Contrairement aux taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, l’indication fournie n’est pas brouillée par les évolutions du PIB.

L’effort structurel permet donc de porter un regard plus précis sur l’« effort » budgétaire effectivement prévu ou réalisé, écartant les effets des évolutions conjoncturelles et ceux liés à l’élasticité des prélèvements obligatoires et des autres recettes.

Certes, les engagements européens de la France issus du TSCG et du pacte de stabilité et de croissance (PSC), portent sur l’ajustement structurel et aucunement sur l’effort structurel sous-jacent. Pour autant, l’ajustement structurel est en grande partie déterminé par l’effort structurel. Cet indicateur est donc également suivi par les instances européennes.

Le présent article fixe l’objectif d’effort structurel pour l’ensemble des administrations publiques, et le décompose en mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires et en effort en dépenses. Les crédits d’impôts, qui faisaient l’objet d’une présentation distincte dans la précédente loi de programmation, sont intégrés à cet effort en dépenses.

Décomposition de l’effort structurel

(en points de PIB potentiel)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

– 4,2

– 4,0

– 3,7

– 3,4

– 3,1

– 2,8

Ajustement structurel

0,9

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

Effort structurel

– 0,2

1,3

0,3

0,4

0,5

0,3

Dont :

 

Contribution des mesures nouvelles en PO

 0,3

0,0

 0,5

 0,1

0,0

0,0

Effort en dépenses (y compris crédits d’impôts)

0,1

1,3

0,8

0,5

0,5

0,3

Source : présent article.

L’effort structurel prévu, négatif en 2022, serait important en 2023 (1,3 point de PIB potentiel) avant de se maintenir entre 0,3 et 0,5 point jusqu’à la fin de la période de programmation. L’ajustement structurel demeure faible en 2023 du fait d’une importante variation non-discrétionnaire du solde structurel (– 1,1 point de PIB potentiel), puis se stabiliserait à 0,3 point par an.

Ce tableau illustre le choix du Gouvernement de faire porter l’effort structurel sur la dépense publique. L’effort structurel reposerait en effet sur un effort en dépenses de 1,3 point du PIB potentiel en 2023, de 0,8 point en 2024, de 0,5 point en 2025 et 2026, puis de 0,3 point en 2027.

En revanche, la réalisation de l’effort structurel ne reposerait pas sur les prélèvements obligatoires (PO). Après une baisse en 2022, la contribution des PO au solde structurel serait neutre en 2023 et en fin de période, mais négative en 2024 et 2025.

*

*     *

Amendement de suppression CF34 de M. Nicolas Sansu. 

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). L’amélioration du solde structurel se fonde sur la diminution des dépenses publiques et non sur les prélèvements obligatoires, dont la baisse est une erreur fondamentale. Nous aurons l’occasion de débattre de leur niveau mais, aussi, de leur nature – je songe en particulier aux niches fiscales et sociales dont la remise en cause, sans augmenter le niveau de ces derniers, permettrait d’orienter différemment les dépenses publiques, notamment en faveur de la transition écologique ou des collectivités territoriales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces dépenses visent à protéger les Français et à favoriser le pouvoir d’achat des ménages. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement de suppression.

Elle adopte l’article 4 non modifié.

*

*     *

Article 5
Mécanisme de correction

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise les modalités d’application du mécanisme de correction prévu par l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Il prévoit que les mesures de correction envisagées doivent permettre de retourner à la trajectoire de solde structurel en cas d’écart important dans un délai maximal de deux ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle les écarts ont été constatés.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 62 de la LOLF définit le mécanisme de correction à mettre en œuvre dès lors qu’un écart important est identifié par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) en matière de solde structurel par rapport aux orientations pluriannuelles de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques.

Le présent article prévoit un retour à la trajectoire de solde structurel dans un délai maximal de deux ans en cas de déclenchement du mécanisme de correction.

I.   Le mécanisme de correction prévu en cas d’écarts importants

Le mécanisme de correction prévu par la LOLF peut être déclenché lorsque des écarts importants sont constatés entre le solde structurel constaté au titre de l’année échue et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques.

En application de ce dispositif, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend, en vue du dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec la trajectoire de solde structurel – dirigée vers l’atteinte de l’objectif de moyen terme (OMT) au sens du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) – définie dans la loi de programmation des finances publiques.

Aux termes du II l’article 62 de la LOLF auquel renvoie le présent article pour sa définition, un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives. Ces écarts correspondent aux seuils fixés par le six pack ([4]) dans le cadre du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) européen.

Aux termes du présent article, le Gouvernement doit, lors de l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes au Parlement :

–  exposer les raisons de l’écart important ainsi constaté, dans le cadre d’une évaluation prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse de l’effort structurel sous-jacent ;

– indiquer les mesures de correction envisagées, dont il est tenu compte au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées à l’article 3 du TSCG et conduisant à s’écarter de l’OMT ou de la trajectoire d’ajustement. Les circonstances exceptionnelles sont constatées par le HCFP dans son avis rendu public et joint au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année.

Le présent article prévoit que les obligations prévues dans le cadre du mécanisme de correction ne s’appliquent pas tant que le HCFP, ayant précédemment constaté l’existence de circonstances exceptionnelles de nature à justifier les écarts, ne constate pas que les conditions cessent d’être réunies. Cette levée explicite de la clause des circonstances exceptionnelles intervient sur demande du Gouvernement ou dans l’avis sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année.

II.   La précision du délai de deux ans

Le TSCG prévoit, outre l’obligation d’assurer une « convergence rapide » vers l’OMT, que le mécanisme de correction prévu au niveau national comporte l’obligation de « mettre en œuvre des mesures visant à corriger [les écarts importants] sur une période déterminée ». Cette période n’est pas prévue dans la LOLF.

Le présent article précise, à l’instar du délai prévu dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, que les mesures de correction envisagées doivent permettre de retourner à la trajectoire de solde structurel dans un délai maximal de deux ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle les écarts ont été constatés. Ceci signifie qu’un écart important constaté, au titre de l’année N, au cours de l’année N + 1, devrait être corrigé avant la fin de l’année N + 3.

*

*     *

La commission adopte l’article 5 non modifié.

*

*     *

Article 6
Plancher annuel des mesures nouvelles afférentes
aux prélèvements obligatoires

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour la période 2023-2027, un plancher de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires. Il prévoit que les mesures nouvelles ne doivent pas conduire à une baisse des prélèvements obligatoires de plus de 7 milliards d’euros en 2023, plus de 5 milliards d’euros en 2024, et plus de 1,5 milliards d’euros par an pour 2025 à 2027.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article fixe, pour chaque année de la période 2023-2027, un plancher de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, et ce à compter du 1er juillet 2022 – soit à partir du début de la XVIe législature.

La trajectoire des mesures nouvelles au sens du présent article permet donc de suivre l’évolution des prélèvements obligatoires strictement imputables aux décisions prises sous l’actuelle législature.

Plancher annuel de l’incidence budgétaire des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

(en milliards d’euros courants)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de l’ensemble des mesures

– 7

– 5

– 1,5

– 1,5

– 1,5

Dont incidence relative aux dépenses fiscales

– 1

0

0

0

0

Dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicable aux cotisations sociales

– 1

0

0

0

0

Source : présent article.

Ces montants sont systématiquement négatifs ; ils permettent ainsi de réduire les prélèvements obligatoires dans une certaine mesure.

Plus particulièrement, les mesures de dépenses fiscales et les mesures relatives aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales font l’objet d’un plancher annuel spécifique, respectivement de – 1 milliard d’euros en 2023, puis de 0 milliard d’euros pour le reste de la période de programmation. Aucune mesure nouvelle relevant de ces catégories ne devrait être prise si son incidence budgétaire est négative.

Le but de cet objectif est d’empêcher une dégradation trop importante du solde public par des mesures en prélèvements obligatoires ayant des incidences allant au-delà de l’objectif fixé.

Autrement dit, en 2023, les mesures nouvelles ne doivent pas conduire à une baisse des prélèvements obligatoires de plus de 7 milliards d’euros.

Toutefois, cet objectif exclut l’impact des mesures prises par les collectivités territoriales – hausses de taux et exonérations d’impôts locaux – et par les organismes gérés par les partenaires sociaux et relevant du champ des administrations publiques – assurance chômage et régimes gérés par les partenaires sociaux comme les régimes complémentaires d’assurance vieillesse.

*

*     *

La commission adopte l’article 6 non modifié.

*

*     *

Article 7
Encadrement dans la durée des dépenses fiscales

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe une durée maximale d’application de quatre ans pour les dépenses fiscales créées à compter du 1er janvier 2023, lorsqu’elles ont un caractère incitatif ou constituent une aide sectorielle. Les prorogations de dépenses fiscales sont également limitées à une période maximale de quatre ans.

Position de la commission des finances

La commission a conditionné la prorogation des dépenses fiscales à la réalisation d’une évaluation, par le Gouvernement, des principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et précisant l’efficacité et le coût de la mesure.

I.   Un encadrement progressif des dépenses fiscales

A.   Les dépenses fiscales diminuent les recettes fiscales d’environ 90 milliards d’euros par an

1.   Définition

Les dépenses fiscales sont définies comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’estàdire des principes généraux du droit fiscal français. » ([5])

La notion repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe plusieurs types de dispositifs ([6]). L’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales du Rapporteur général Joël Giraud a notamment mis en évidence le caractère flou et variable du périmètre des dépenses fiscales en raison de l’évolution dans le temps de la norme fiscale ([7]).

2.   Enjeu budgétaire

L’enjeu budgétaire des dépenses fiscales a été mis en lumière par un rapport du Conseil des impôts dès 1979. Ainsi, depuis 1980, le projet de loi de finances comprend chaque année un rapport sur les dépenses fiscales et depuis 2005 chaque projet annuel de performances présente les dépenses fiscales qui lui sont liées, de manière à rendre compte de l’ensemble des moyens contribuant à l’atteinte de ses objectifs.

Il est dénombré 465 dépenses fiscales pour un coût global de 89 milliards dans le tome 2 de l’annexe Évaluation des voies et moyens au projet de loi de finances pour 2023.

Les 12 dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules plus de 50 % du total.

LES 10 DÉPENSES FISCALES LES PLUS COÛTEUSES EN 2023

(en milliards d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d'impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

7,9

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

7,1

Taux de 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que les travaux de rénovation énergétiques soumis au taux de 5,5 % en application de l’article 278-0 bis A du CGI, portant sur les logements achevés depuis plus de deux ans

4,5

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

4,4

Taux de TVA de 10 % sur les ventes à consommer sur place

4,2

Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires

3,8

Taux de TVA en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion

3,5

Exonération des sommes versées aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs ou obligatoires

2,1

Taux de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés

2,0

Exonération des heures supplémentaires

1,9

Exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant

1,8

Réduction d’impôt au titre des dons

1,7

Source : projet de loi de finances pour 2023, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 2.

Cet enjeu budgétaire est d’autant plus prégnant que les instruments de pilotage prévus dans les précédentes LPFP (voir infra) n’ont pas permis d’enrayer la progression du coût des dépenses fiscales.

En effet, si la transformation progressive du CICE en allègements de charges depuis 2019 fait apparaître une baisse du coût des dépenses fiscales, les dépenses fiscales hors CICE sont en hausse de 10 milliards d’euros en dix ans.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES DEPUIS 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022 *

2023*

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

78,3

85,1

87,6

93,4

99,0

99,9

92,7

89,6

94,2

89,1

Source : annexes aux PLF.

*Les données présentées pour les années 2022 et 2023 sont des prévisions.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES HORS CICE DEPUIS 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022*

2023*

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

71,9

72,7

74,7

77,1

79,6

80,7

84,2

82,7

88,0

88,1

Source : commission des finances.

*Les données présentées pour les années 2022 et 2023 sont des prévisions.

B.   Les dispositifs de plafonnement des dépenses fiscales mis en place par les précédentes LPFP

● L’article 14 de la LPFP 2012-2017 avait mis en place un plafonnement du montant des dépenses fiscales à 70,8 milliards d’euros. Celui-ci n’a pas été respecté, les dépenses fiscales s’étant élevées à 72,1 milliards d’euros en 2013 et 78,8 milliards d’euros en 2014.

● L’article 19 de la LPFP 2014-2019 avait également prévu un montant plafond par année de dépenses fiscales qui n’a pas non plus été respecté ([8]). Par ailleurs, l’article 21 de cette loi de programmation avait établi pour la première fois un principe de bornage dans le temps des dépenses fiscales en prévoyant que les créations et extensions de dépenses fiscales devaient être réexaminées au plus tard trois ans après la date de leur entrée en vigueur.

● L’article 20 de la LPFP 2018-2022 a fixé un objectif pluriannuel d’évolution des dépenses fiscales, exprimé en pourcentage, défini comme le rapport entre, d’une part, le coût annuel des dépenses fiscales (numérateur) et, d’autre part, la somme des recettes fiscales nettes du budget général et des dépenses fiscales (dénominateur). À la différence des précédentes LPFP, le plafond a été fixé en pourcentage d’un agrégat et non plus en valeur. Le plafond pouvait ainsi évoluer proportionnellement à l’évolution des recettes ce qui permettait de tenir compte de l’inflation et de la croissance économique.

Méthode de calcul du ratio de dépenses fiscales

Le ratio de dépenses fiscales se calcule de la manière suivante.

Au numérateur figure le coût des dépenses fiscales présenté en détail dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances.

Au dénominateur figurent les recettes fiscales nettes du budget général telles qu’elles figurent à l’article d’équilibre du projet de loi de finances ainsi que les dépenses fiscales.

La LPFP a prévu une trajectoire de baisse du plafond des dépenses fiscales sur la durée de la programmation : 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022.

RATIO DE DÉPENSES FISCALES AU SENS DE LA LOI DE PROGRAMMATION
DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2018 À 2022

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

(prévision actualisée)

Coût des dépenses fiscales

(numérateur)

93,4

99,0

99,9

92,7

89,6

91,4

Recettes fiscales nettes + coût des dépenses fiscales (dénominateur)

93,4 + 295,6

= 389,0

99 + 295,4

= 394,4

99,9 + 281,3 = 381,2

92,7 + 256,0 = 348,7

89,6 + 295,7 = 385,3

94,2 + 315,0 = 383,4

Ratio numérateur/dénominateur

24 %

25,1 %

26,2 %

26,6 %

23 %

23 %

Ratio maximum LPFP

28 %

28 %

27 %

26 %

25 %

Source : commission des finances.

La Cour des comptes a émis plusieurs critiques sur cet instrument de pilotage des dépenses fiscales :

– elle a mis en évidence, d’une part, le caractère inopérant du plafonnement dont le niveau est supérieur au coût estimé des dépenses fiscales en 2018, ce qui a contribué à faciliter le respect de la trajectoire fixée ([9]) ;

– elle a remis en question, d’autre part, la construction de l’indicateur qui fait intervenir le montant des dépenses fiscales au numérateur et au dénominateur de telle sorte qu’une augmentation des dépenses fiscales n’a qu’une incidence limitée sur le respect du plafond ([10]).

L’article 20 de la LPFP 2018-2022 a également porté de trois à quatre années, à compter du 1er janvier 2018, la durée maximale des créations et extensions de dépenses fiscales.

C.   un effort de rationalisation et d’évaluation des dépenses fiscales depuis 2018

1.   Des travaux réalisés dans les lois de finances

Depuis 2018, le Gouvernement et le Parlement se sont engagés dans un travail de rationalisation des dépenses fiscales qui s’est traduit par la suppression de soixante-dix dépenses fiscales inefficientes, le bornage de dix dépenses fiscales et la production de seize rapports d’évaluation de dépenses fiscales ([11]).

Ce travail s’est notamment appuyé sur le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) qui a préconisé la mise en œuvre d’un programme pluriannuel d’évaluation portant sur les mesures dont le coût est supérieur à 100 millions d’euros ([12]).

L’adoption d’une proposition de résolution en juin 2019 ([13]) traduisant le souhait des parlementaires d’une meilleure information sur les dépenses fiscales et la mise en évidence dans l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales du Rapporteur général Joël Giraud ([14]) des lacunes des informations disponibles en la matière ont mis en évidence la nécessité de renforcer les efforts en matière d’évaluation et de bornage des dépenses fiscales mais aussi d’identification des dépenses fiscales inefficientes.

2.   Le renforcement des informations relatives aux dépenses fiscales par la loi organique

L’article 25 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques renforce l’information disponible sur les dépenses fiscales en prévoyant, qu’à compter du projet de loi de finances pour 2023, le tome 2 des Évaluations des voies et moyens présente :

– l’évaluation de leur montant et le nombre de leurs bénéficiaires ;

– la liste de celles qui feront l’objet d'une évaluation dans l’année ;

– pour chaque mission, l’évaluation de l'écart entre le montant exécuté au titre d'une année et la prévision correspondant à cette année inscrite dans le projet de loi de finances ainsi que les éléments d'explication de cet écart ;

– la présentation, par mission, du ratio entre le montant prévisionnel des dépenses fiscales et le montant des crédits budgétaires.

Le tableau ci-dessous présente le ratio entre, d’une part, le coût des dépenses fiscales rattachées à une mission (au nominateur) et, d’autre part, le coût total des dépenses fiscales et des crédits budgétaires rattachés à la mission (au dénominateur).

ratio entre le montant des dépenses fiscales
et le montant des crédits budgétaires par mission

Mission

Coût 2023

Nombre

Crédits de paiement (hors titre 2) PLF 2023

ratio ( %)

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 461

32

2 890

46 %

Aide publique au développement

2

1

5 762

0 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

649

5

1 929

25 %

Avances à l’audiovisuel public

0

2

3 794

0 %

Cohésion des territoires

15 919

88

17 835

47 %

Culture

865

24

3 002

22 %

Défense

88

6

30 700

0 %

Direction de l’action du Gouvernement

2

2

588

0 %

Écologie, développement et mobilité durables

7 807

68

24 548

24 %

Économie

9 874

69

2 963

77 %

Engagements financiers de l’État

5 789

26

60 189

9 %

Enseignement scolaire

220

1

6 134

3 %

Gestion des finances publiques

218

2

1 995

10 %

Justice

14

5

4 884

0 %

Médias, livre et industries culturelles

1 137

14

705

62 %

Outre-mer

7 090

30

2 292

76 %

Recherche et enseignement supérieur

8 186

12

30 132

21 %

Santé

1 092

9

3 366

24 %

Sécurités

78

4

3 607

2 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

11 502

29

29 525

28 %

Sport, jeunesse et vie associative

3 450

17

1 658

68 %

Travail et emploi

12 635

19

20 294

38 %

Total

89 078

465

 

 

Source : projet de loi de finances pour 2023, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 2.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article prévoit que, lorsqu’elles ont un caractère incitatif ou constituent une aide sectorielle, les dépenses fiscales créées à compter du 1er janvier 2023, ont un délai d’application maximum de quatre ans, précisé dans le texte qui les institue.

De plus, elles ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de quatre ans.

Cet article s’inscrit dans la continuité des dispositions en vigueur dans les deux lois de programmation précédente (voir supra) qui prévoient, depuis 2014, des modalités de bornage dans le temps des dépenses fiscales nouvellement créées ou faisant l’objet d’une extension. Il renforce ce bornage en prévoyant que les prorogations de dépenses fiscales sont également concernées par cette durée d’application limitée à 4 ans.

Ainsi, le présent article ne prévoit aucune modalité de plafonnement des dépenses fiscales comme c’est le cas en LPFP 2018-2022 mais concentre son action sur la nécessité d’évaluer régulièrement les dépenses fiscales.

En effet, dans la mesure où elles constituent des exceptions aux principes généraux du droit fiscal français et qu’elles ont un impact budgétaire effectif, les dépenses fiscales doivent se justifier par des objectifs rationnels et atteindre ceux‑ci de manière efficiente, ce qui suppose de les évaluer régulièrement. Le bornage dans le temps des dépenses fiscales créées ou renouvelées permet de fixer une échéance d’évaluation à l’approche de la date d’extinction du dispositif pour justifier la pertinence de reconduire cette dépense. Il renforce donc à la fois l’information du Parlement et la portée de l’autorisation budgétaire donnée par celui-ci, en lui permettant de statuer par un vote, tous les quatre ans, sur l’opportunité de maintenir certains dispositifs fiscaux dérogatoires.

*

*     *

Amendements CF6 de M. Joël Giraud et CF41 de M. Daniel Labaronne (discussion commune). 

M. Joël Giraud (RE). Dans le rapport d’information de 2019 sur l’application des mesures fiscales, j’avais proposé de borner à une durée maximale de quatre ans l’ensemble des dépenses fiscales afin de pouvoir les évaluer et, le cas échéant, de les proroger. C’est ce que je propose à nouveau.

M. Daniel Labaronne (RE). Je propose quant à moi d’être plus restrictif et de les borner à trois ans.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je salue cette volonté de bornage du stock, effective sur le flux depuis 2012, mais cela me paraît trop chronophage et pas très crédible avec un stock de 350 dépenses fiscales.

Je vous propose un retrait de vos amendements afin que vous puissiez mieux les calibrer en vue de la séance publique.

Les amendements CF6 et CF41 sont successivement retirés.

Amendement CF51 de M. Joël Giraud

M. Joël Giraud (RE). Il convient de rendre obligatoire une évaluation des dépenses fiscales lors de leur prorogation, notamment afin de favoriser l’information du Parlement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF51.

Elle adopte l’article 7 modifié.

*

*     *

Après l’article 7

Amendement CF54 de M. Mathieu Lefèvre. 

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le Parlement connaît désormais la part des dépenses fiscales pour chaque mission budgétaire. Celle-ci peut représenter jusqu’à 60 ou 70 % des crédits.

Dans un souci de rationalisation, l’amendement vise à réduire de 10 % le ratio entre les dépenses fiscales et les dépenses du budget général au terme de la loi de programmation.

On dit souvent de prendre garde au chien qui se cache dans chaque niche, prêt à mordre mais les niches sont d’abord la conséquence d’impôts trop élevés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage l’objectif d’une baisse du ratio. Néanmoins, l’objectif de 10 % me semble trop élevé. Je vous invite à retirer votre amendement pour travailler sur une solution intermédiaire en vue de la séance publique.

L’amendement CF54 est retiré.

*

*     *

Article 8
Plafond des taxes affectées

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réaffirme le principe de plafonnement des taxes affectées à des personnes morales autres que les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale.

Cet article reprend également la disposition, introduite en 2018, relative à la limite des plafonds pouvant être fixée à chaque taxe affectée à des personnes morales autres que les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les organismes de sécurité sociale.

Il est à nouveau proposé que chaque plafond ne puisse être fixé à un niveau supérieur à 5 % au produit prévisionnel de la taxe concernée.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   l’État du droit

A.   Les dISPOSITIONS DES LOIS ORDINAIRES

 La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a inclus les taxes affectées plafonnées dans le périmètre de la norme de dépenses de l’État en valeur, que ces taxes soient nouvelles ou existantes ([15]). Cette disposition a eu pour effet de supprimer, du point de vue des normes de dépenses, toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées.

Cette loi de programmation a également prévu une trajectoire de réduction annuelle du produit des impositions de toutes natures sous plafond ([16]).

 La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019  a confirmé l’inclusion des taxes affectées plafonnées dans le périmètre de la norme de dépenses de l’État et prévu une nouvelle trajectoire de réduction annuelle de la somme des plafonds des taxes affectées ([17]).

Par ailleurs, la loi de programmation 2014-2019 a soumis le maintien ou la création de taxes affectées, à compter du 1er janvier 2016, à des tiers « autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale », au respect de l’un des trois critères suivants :

– « la ressource est en relation avec le service rendu par l’affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s’apprécier sur des bases objectives », correspondant à une logique économique de redevance ;

– « la ressource finance, au sein d’un secteur d’activité ou d’une profession, des actions d’intérêt commun », c’est-à-dire qu’elle représente un prélèvement sectoriel ;

– « la ressource alimente des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières », soit une contribution à caractère assurantiel.

Elle a également posé trois principes :

– un principe de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les EPCI et les organismes de sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2016 ;

– un principe de compensation en vertu duquel toute nouvelle affectation doit être accompagnée, au sein du même champ ministériel, de la suppression de taxes affectées d’un rendement équivalent ;

– un principe d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017, à défaut une justification devant être prévue en loi de finances initiale ([18]).

Les deux derniers principes n’ont pas fait l’objet d’une application concrète.

 L’article 18 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 reprend les trois critères énoncés ci-dessus, en précisant, pour le premier d’entre eux, que « la ressource résulte d’un service rendu par l’affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s’apprécier sur des bases objectives ».

Cet article réaffirme le principe de plafonnement de ces taxes. En revanche, les principes de compensation et d’affectation ou de réaffectation sont abandonnés.

Il prévoit également une limite supérieure au niveau du plafond établi pour chacune des taxes, fixée à 105 % du rendement de l’imposition par la documentation budgétaire pour l’année considérée.

Il s’agit ainsi de déterminer un plafond réaliste compte tenu du produit attendu de la taxe, de telle sorte que ce produit puisse approcher, voire dépasser le plafond, et ne pas en être trop éloigné et donc priver d’utilité la fixation d’un plafond.

La fixation d’un plafond élevé et déconnecté du rendement attendu de l’imposition pose en effet plusieurs difficultés :

— l’affectataire peut bénéficier de ressources supplémentaires en fonction de la dynamique de l’assiette, alors même que l’objet du plafonnement est justement d’éviter que les recettes de l’opérateur ne soient décorrélées de ses besoins réels et des dépenses prévues en amont ;

— un tel plafond peut être diminué sans aucun effort d’économies réelles de la part de l’affectataire. Dans la mesure où les plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([19]) sont pris en compte dans la norme de dépenses, une réduction du plafond est assimilée à une baisse des dépenses alors même qu’il peut s’agir d’une modification du plafond sans conséquence concrète ni sur les ressources dont dispose effectivement l’affectataire, ni sur ses dépenses ;

— cette situation prive de toute portée pratique le dispositif en ne permettant pas au Parlement d’appréhender, à travers le niveau du plafond, les ressources réelles dont bénéficie l’opérateur, de façon comparable aux ressources issues d’une subvention.

B.   Les DISPOSITIONS ORGANIQUES

Deux modifications organiques relatives aux taxes affectées sont intervenues en 2021.

L’article 3 de la loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques a modifié les critères prévus à l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) relatif au principe de l’affectation des taxes affectées ([20]).

Cet article prévoit qu’en dehors des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, les tiers ne pourront bénéficier d’une fiscalité affectée qu’à la double condition de disposer de la personnalité morale – ce qui exclut la possibilité d’affecter une taxe à un fonds sans personnalité juridique – et qu’il existe un lien entre la taxe affectée considérée et la mission de service public confiée au tiers. De plus, pour ces tiers, l’affectation d’une taxe ne sera plus possible que par l’adoption d’une disposition en loi de finances alors que la création d’une taxe affectée était jusqu’alors possible dans une loi ordinaire. Ces dispositions nouvelles n’entreront en vigueur qu’à partir des lois de finances concernant l’année 2025.

En outre, l’article 15 de la loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques a modifié la présentation des taxes affectées dans les lois de finances. En effet, le 5° bis du I de l’article 34 de la LOLF prévoit désormais que chaque loi de finances initiale expose, dans sa première partie, sous forme de liste l’ensemble des taxes affectées et leur rendement prévisionnel. De plus, la loi de finances « décide, le cas échéant, l’attribution, totale ou partielle » du produit d’une taxe affectée à l’État que ces taxes fassent l’objet d’un plafonnement ou non. Cette formulation a pour objet de permettre que l’ensemble des opérations actuellement réalisées par modification du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 puissent être réalisées en modifiant un tableau inséré dans chaque projet de loi de finances.

II.   le dispositif proposé

● Le premier alinéa du présent article a pour objet d’affirmer, à nouveau, le principe d’un plafonnement des taxes affectées afin que la fraction du produit de la taxe supérieure à ce plafond fasse l’objet d’un versement au budget de l’État.

La rédaction de cet alinéa diffère légèrement de celle de figurant à l’article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Cette dernière prévoyait que toute dérogation au plafonnement devait être justifiée dans l’annexe mentionnée au IV de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Le présent article exige toujours qu’une justification soit apportée à l’absence de plafonnement mais sans préciser de quelle manière.

● Le deuxième alinéa du présent article propose d’inscrire, à nouveau, dans le droit positif le principe d’un encadrement du niveau des plafonds des taxes affectées afin que ces derniers n’excèdent pas de plus de 5 % le rendement de la taxe affectée auquel chacun est afférent.

Le rendement de la taxe affectée est inscrit à l’annexe prévue au 4° de l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances qui évalue le montant prévisionnel de chaque recette.

Cette même annexe contient, en particulier, la liste des taxes affectées et l’évaluation de leur montant dans un chapitre appelé « Produit des impôts affectés à des personnes morales autres que l’État » ([21]).

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*     *

Amendement CF58 de M. Mathieu Lefèvre. 

M. Mathieu Lefèvre (RE). Depuis la loi de finances pour 2012, les taxes affectées font l’objet d’un plafonnement. L’amendement vise à supprimer les possibilités de dérogation à ce principe.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends l’objectif que vous recherchez. Toutefois, je suis sceptique sur l’interdiction faite à un tiers de percevoir une taxe affectée sans limitation quand bien même le plafond serait proche du rendement envisagé.

Il n’est pas souhaitable de modifier l’encadrement juridique des taxes affectées avant l’entrée en vigueur, prévue lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, des dispositions de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qui doivent réduire leur nombre.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur Lefèvre, le taux de prélèvements obligatoires n’a pas baissé depuis 2017. L’amendement est sympathique – il augmente de 8 milliards d’euros les recettes fiscales – mais il n’a aucune portée puisque l’échéance fixée est lointaine. C’est dans le projet de loi de finances qu’il faut s’attaquer aux dépenses fiscales et pas seulement à quelques-unes – depuis des années, nous nous cassons les dents en suivant cette voie. L’objectif d’une réduction globale de 5 % des dépenses fiscales me semble raisonnable, à charge pour le Gouvernement d’appliquer cette baisse à chaque niche pour tenir les chiens. J’ai déposé un amendement en ce sens.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je retire l’amendement dont je reconnais la sévérité.

L’amendement CF58 est retiré, de même que l’amendement CF59.

La commission adopte l’article 8 non modifié.

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Après l’article 8

Amendements identiques CF8 de M. Michel Castellani et CF23 de M. Mohamed Laqhila. 

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement vise à inscrire dans la future loi de programmation sur l’énergie et le climat une trajectoire des finances publiques en matière de climat et de biodiversité. Pour atteindre nos objectifs dans ces domaines, notre économie nécessite une transformation profonde.

Les financements dédiés au climat et à la biodiversité sont encore insuffisants et leur pérennité n’est pas assurée. Il est essentiel de renforcer la crédibilité de la transition écologique en lui garantissant des moyens, quelles que soient les circonstances, et de la visibilité afin de limiter les incertitudes qui freinent la construction du modèle économique que nous appelons de nos vœux.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Alors que nous nous apprêtons à adopter le troisième budget vert, la définition d’une trajectoire des finances publiques en matière de climat et de biodiversité semble bienvenue.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis ennuyé. Je partage totalement l’objectif d’améliorer la visibilité en matière de transition écologique. Je rappelle toutefois l’existence d’un rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État qui comporte trois parties : le budget vert ; la consolidation des financements publics et privés en faveur de la transition écologique ; le panorama des ressources publiques et de la fiscalité à caractère environnemental.

La future loi de programmation est-elle le bon outil pour atteindre vos objectifs et contribuer à la planification ? Ce type de texte donne de la visibilité mais est dépourvu de caractère contraignant, à la différence des lois de finances.

Je vous suggère de retirer les amendements et je me tiens à votre disposition pour travailler en vue de la séance publique sur ce point.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Pendant la campagne électorale, le Président de la République a annoncé 50 milliards d’euros sur cinq ans d’investissements dans la transition écologique. Or nous n’en trouvons trace ni dans les documents adressés à la Commission européenne ni dans les textes que nous examinons.

Si la loi de programmation n’est pas contraignante, quel est l’intérêt d’en débattre ? Il est aussi nécessaire de fixer une trajectoire en matière de transition écologique que pour les finances publiques. Un effort de planification des investissements similaire se justifie pleinement.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous nous accordons sur l’objectif d’une planification des investissements nécessaires à la transition écologique.

Doit-on inscrire dans la LPFP une injonction à adopter une loi de programmation sur le climat ? D’abord, sur le plan juridique, une telle injonction à l’égard du législateur pose problème. Ensuite, la mission Écologie, développement et mobilité durables donne déjà des indications sur la trajectoire. Toutefois, je suis prêt à travailler avec vous sur des outils donnant une plus grande visibilité en complément du budget vert.

La commission rejette l’amendement CF8, l’amendement CF23 ayant été retiré.

Amendements identiques CF7 de M. Michel Castellani, CF22 de M. Mohamed Laqhila et CF29 de Mme Charlotte Leduc, amendement CF67 de Mme Julie Laernoes (discussion commune). 

M. Michel Castellani (LIOT). L’idée est la même que dans le précédent amendement, donc l’issue du vote le sera aussi certainement.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je retire l’amendement.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). L’amendement vise à instituer une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition écologique.

Nos objectifs en matière climatique exigent une transformation profonde de notre économie que nous devons programmer et accompagner pour la réussir.

Le président de la République s’est engagé à instaurer une programmation des investissements, secteur par secteur, territoire par territoire. C’est l’occasion d’honorer ses engagements et de définir la trajectoire des finances publiques pour les secteurs clefs de la transition, les moyens des opérateurs publics, les aides aux collectivités territoriales et aux ménages, les objectifs de réduction des dépenses publiques néfastes pour le climat et la biodiversité ainsi que le verdissement des différentes catégories de dépenses – dotations de l’État aux collectivités, soutien aux entreprises, et aide publique au développement.

Ce texte a vocation à renforcer la crédibilité de la transition écologique mais surtout à aider l’État et les acteurs concernés à se projeter dans l’avenir.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Pour atteindre nos objectifs en matière d’adaptation au changement climatique, le budget vert et les autres documents d’information sont bienvenus mais il est indispensable d’adresser un signal au monde économique sur les investissements et la trajectoire planifiés.

À titre d’exemple, nombre de ministres ont souligné que le secteur de la rénovation énergétique et thermique des bâtiments n’était pas prêt pour donner corps aux investissements envisagés. Sans planification ni programmation des investissements en lien avec les acteurs concernés, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il y a un paradoxe à, d’un côté, refuser de voter le projet de LPFP, qui prévoit des investissements verts ainsi que, dans l’article 14, une amélioration de 10 % du ratio entre dépenses favorables et défavorables à l’environnement, et, de l’autre, à réclamer une loi de programmation des finances publiques en matière de climat et de biodiversité.

Je le répète, nous partageons la préoccupation d’une meilleure visibilité en matière de transition écologique. Nous devons étudier comment la LPFP et la loi de programmation sur l’énergie et le climat peuvent y répondre. Je doute de l’utilité d’un outil législatif supplémentaire.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le budget vert ne répond pas à l’objectif de visibilité et ne concerne qu’une faible part des dépenses.

Vos ambitions en matière de planification écologique relèvent à ce stade de la communication. En effet, vous refusez l’outil concret que nous vous proposons pour la mettre en œuvre.

Enfin, j’espère que la loi de programmation sur l’énergie et le climat comportera un volet financier. On ne peut pas clamer sans cesse l’importance de la transition écologique et ne jamais allouer les moyens nécessaires pour la mener à bien. Preuve de votre double discours, les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables ne sont pas au rendez-vous.

M. Alexandre Holroyd (RE). Le Graal en matière de transition écologique est de prendre en considération la dimension écologique dans toute trajectoire financière et non de séparer les deux. C’est le sens du Pacte vert européen et du budget vert. Ce dernier peut sans doute être amélioré, il est d’ailleurs envisagé de l’étendre progressivement aux recettes.

L’article 14 est une excellente illustration de la méthode que nous devons privilégier. Il est paradoxal de refuser un texte dont les dispositions satisfont vos préoccupations.

La commission rejette les amendements CF7, CF22, CF29 et CF67.

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Chapitre II
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales

Article 9
Objectif de dépenses de l’État

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article instaure une nouvelle norme de dépenses pour l’État et en établit la définition. Le « périmètre des dépenses de l’État » vient remplacer deux normes introduites par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, à savoir la norme de dépenses pilotables et l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE).

Défini en milliards d’euros courants, l’objectif d’évolution de ce périmètre est le suivant : 480 milliards d’euros en 2023, 485 milliards d’euros en 2024, 496 milliards d’euros en 2025, 501 milliards d’euros en 2026 et 509 milliards d’euros en 2027.

Le présent article prévoit, en complément, que le Gouvernement joint, chaque année, à l’exposé des motifs du projet de loi de finances une présentation précise et détaillée du périmètre des dépenses de l’État.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   l’État du droit

● Après une décennie au cours de laquelle le pilotage des finances publiques a été enrichi par la définition de périmètres de dépenses dont l’État cherchait à contenir l’évolution en volume ou en valeur, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a précisément défini deux agrégats distincts, également appelés normes de dépenses ([22]) :

– la norme hors charge de la dette et pensions (appelée souvent « norme en valeur » par référence à la cible d’une évolution nulle en valeur sur ce périmètre fixée en 2011), comprenant les dépenses nettes du budget général hors fonds de concours et attributions de produits, charge de la dette et contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions ; les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l’Union européenne ; et les impôts et taxes affectées faisant l’objet d’un plafonnement ;

– la norme y compris charge de la dette et pensions (appelée souvent « norme en volume » par référence à la cible d’une évolution nulle en volume sur ce périmètre en 2011), incluant la charge de la dette de l’État et les contributions au CAS Pensions de l’État et des opérateurs.

Les articles 7 et 8 de la loi de programmation précitée définissaient la trajectoire d’évolution de ces deux agrégats pour les années 2014 à 2017. 

● La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a remplacé ce dispositif par deux nouveaux objectifs de dépenses de l’État ([23]) :

○ la norme de dépenses pilotables de l’État, qui recouvre :

– les dépenses du budget général hors les missions Remboursements et dégrèvements et Investissements d’avenir, la charge de la dette et la contribution au CAS Pensions ;

– les plafonds des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale ;

– les budgets annexes hors contributions au CAS Pensions ;

– les dépenses des comptes d’affectation spéciale hors Pensions, Participations financières de l’État et hors programmes de désendettement, ou portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers ;

– le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

○ l’objectif de dépenses totales de l’État, qui comprend, outre l’agrégat précédent :

– les dépenses d’investissement d’avenir et celles liées à la charge de la dette ;

– les prélèvements sur recettes à destination de l’Union européenne et des collectivités territoriales, ainsi que la fraction de taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane ;

– le CAS Pensions et les programmes des comptes spéciaux portant à titre principal des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers.

L’article 9 de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 définissait pour les deux agrégats de dépenses de l’État les trajectoires d’évolution suivante.

objectifs de dÉpenses de l’État

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Norme de dépenses pilotables de l’État inscrites en LPFP

256,9

258,7

259,7

261,6

263,6

Objectif de dépenses totales de l’État

inscrites en LPFP

423,9

430,9

436,2

440,7

448,4

ODETE exécuté

425,4

431,3

490,5

529

-

Source : loi n° 201832 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et lois de règlement des comptes et d’approbation des comptes des années 2018, 2019 et 2020 et projet de loi de règlement et d’approbation des comptes pour 2021.

Ces deux nouveaux agrégats de dépenses résultaient d’une recommandation exprimée par la Cour des comptes en mai 2016 ([24]). Celle-ci avait proposé de distinguer une norme globale d’évolution des dépenses de l’État permettant d’appréhender l’ensemble des dépenses et une norme de gestion plus directement destinée à la maîtrise des dépenses par les gestionnaires publics.

Si la logique de ces deux agrégats est incontestable, leur mise en œuvre s’est heurtée à des difficultés. Ainsi, leur définition nécessite des retraitements complexes, ce qui les rend difficilement intelligibles et appréhendables.

II.   le dispositif pRoposé

Le présent article propose à nouveau un changement dans la définition de la norme de dépenses de l’État. Le pilotage pluriannuel de la dépense publique se fondera sur une unique norme appelée « périmètre des dépenses de l’État » qui aura un champ plus large que la norme des dépenses pilotables.

Le I du présent article précise que cette nouvelle norme comprend :

– les crédits du budget général hors contribution au CAS Pensions, c’est-à-dire la totalité des missions budgétaires (à l’exception de la mission Remboursements et dégrèvements, des programmes 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État, 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État et 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid19) ;

– les taxes affectées plafonnées à des tiers autres que les collectivités territoriales, leurs établissements et la sécurité sociale ;

– les budgets annexes ;

– les dépenses des comptes d’affectation spéciale, hors CAS Désendettement de l’État, CAS Participations financières de l’État et CAS Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ;

– les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne ;

– le retraitement de flux internes au budget de l’État.

L’objectif de cette nouvelle norme est d’assurer le suivi de la dépense de l’État sur un périmètre unique et plus exhaustif que la norme des dépenses pilotables.

Il s’agit ainsi de faire entrer la quasi-totalité des dépenses de l’État dans le champ des dépenses pour lesquelles le Gouvernement se fixe un objectif de maîtrise et de pilotage.

Cette nouvelle norme permet également, indirectement, de suivre la dépense des opérateurs et établissements constituant le champ des ODAC. En effet, la plupart de ces opérateurs disposent de ressources issues de subventions venant du budget général ou de la fiscalité affectée.

Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne intègrent aussi le périmètre des dépenses de l’État, alors qu’ils n’étaient pas compris dans la norme de dépenses pilotables. Il s’agit de prendre en compte la dynamique de ces contributions de l’État dans le pilotage d’ensemble de la dépense publique.

Cette nouvelle norme se distingue de l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) en ce qu’elle n’intègre pas la charge de la dette et le CAS Pensions.

Le II du présent article établit l’objectif d’évolution de la nouvelle norme de dépenses comme suit :

PÉriMÈTRE des dÉpenses de l’État

(en milliards d’euros courants)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Norme de dépenses pilotables de l’État

480

485

496

501

509

Évolution

-

+ 1 %

+ 2,2 %

+ 1 %

+ 1,6%

Source : présent projet de loi

L’augmentation totale sur cinq ans de cette norme de dépenses serait de 29 milliards d’euros.

Le projet de loi de finances pour l’année 2023 a réalisé une estimation rétrospective des dépenses de l’État en 2022 et en 2021 comprises dans ce nouveau périmètre. En 2022, les dépenses incluses dans le périmètre se seraient élevées à 490 milliards d’euros en incluant le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public et en incluant l’ensemble des dépenses autorisées par la loi de finances rectificative pour 2022, contre 480 milliards d’euros en 2023. Selon ce même nouveau périmètre, les dépenses de l’État ont été de 484 milliards d’euros en 2021.

Le III du présent article ajoute une disposition relative aux lois de finances initiale. Celles-ci devront, dans leur exposé des motifs, présenter de façon précise et détaillée le périmètre des dépenses de l’État. C’est le cas dans le projet de loi de finances pour 2023 ([25]).

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*     *

La commission adopte l’article 9 non modifié.

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Article 10
Objectif d’exécution des schémas d’emplois pour la période 2023-2027

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article détermine un objectif d’évolution de l’emploi pour l’État et ses opérateurs pour les années 2023 à 2027. Exprimé en équivalents temps plein, l’objectif visé sur cette période est la stabilité des schémas d’emploi. 

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   l’État du droit

Le terme de schéma d’emplois est utilisé dans les documents budgétaires pour désigner le nombre et l’organisation des emplois par ministère pour une année. Les ministères, en concertation avec la direction du budget, établissent ces schémas de manière à estimer l’enveloppe des crédits de personnel nécessaires et les plafonds d’emplois proposés dans le projet de loi de finances de l’année. Traduisant l’évolution nette des effectifs d’une année sur l’autre, ils sont exprimés en équivalents temps plein (ETP), alors que les plafonds d’emplois le sont en équivalents temps plein travaillés (ETPT).

La distinction entre les ETP et les ETPT

Les équivalents temps plein (ETP) correspondent aux effectifs physiques, c’est-à-dire aux agents rémunérés, corrigés de la quotité de temps travaillé. Ils ne tiennent pas compte de la durée d’emploi sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 % (quotité de travail : 70 %) correspond à 0,7 ETP, qu’il ait travaillé 8 ou 12 mois dans l’année.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents (temps plein, temps partiel, etc.) et la période d’activité sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 %, qui a travaillé du 1er juillet au 31 décembre correspond à 0,35 ETPT (1 × 0,7 × 6 mois/12 mois = 0,35 ETPT).

Les consommations d’emplois et les plafonds des autorisations d’emplois sont exprimés en ETPT. À l’inverse, les schémas d’emplois sont exprimés en ETP.

Ainsi, les schémas d’emplois traduisent les flux d’entrées et de sorties, tandis que les plafonds d’emplois illustrent le stock d’emplois.

N.B. : depuis l’exercice 2015, les modalités de décompte des emplois sont homogènes entre l’État et ses opérateurs : la fixation d’un plafond d’emplois en ETPT et une trajectoire de schémas d’emplois en ETP.

Tandis que le Parlement approuve le plafond des autorisations d’emploi de l’État et de ses opérateurs en loi de finances initiales, la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année établit au travers des rapports annuels de performances et éventuellement en annexe du projet de loi les schémas d’emploi exécutés de l’année considérée.

L’article 10 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoyait que l’exécution des schémas d’emplois sur la période allant de 2018 à 2022 se traduirait par une réduction du plafond d’emplois de l’État et des opérateurs de 50 000 ETPT. Fin 2019, cet objectif de réduction a été revu à la baisse lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020, avec une diminution de 10 500 ETPT entre 2018 et 2022.

II.   Le Dispositif PROPOSÉ

Le présent article propose un nouvel objectif qui porte, non plus sur les plafonds d’emplois mais sur les schémas d’emplois de l’État et de ses opérateurs, qui doivent viser la stabilité globale des emplois exprimés en équivalents temps plein sur l’ensemble de la période de programmation.

Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2022 ([26]), le ministre délégué chargé des comptes publics a ainsi indiqué que les créations d’emploi pour certains ministères (sécurité, armées et justice) seraient compensées par des suppressions de postes dans d’autres ministères dans le souci de la « stabilité de l’emploi public sur la durée du quinquennat ».

Par conséquent, alors que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un schéma d’emploi de + 8 960 ETP pour les ministères et de + 1 804 ETP pour les opérateurs, ces ouvertures de postes devront être compensées par des schémas d’emploi négatifs à l’occasion des prochains exercices budgétaires.

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Amendement de suppression CF25 de M. David Guiraud.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Cet amendement vise à contester l’objectif absurde de stabilité des schémas d’emploi de 2022 à 2027 que fixe l’article. Pas un fonctionnaire de plus n’est prévu d’ici à 2027 alors que les services publics sont déjà dans un état de détresse absolue, en particulier dans les territoires ruraux et les quartiers populaires – fermetures de services d’urgence, salles de classe surchargées, accès aux droits toujours plus restreint.

Malgré la croissance prévisible des besoins pour faire face aux défis de la planification écologique, de la rénovation énergétique des bâtiments, de la remise à niveau de notre système de santé et de la réparation du tissu social, le Gouvernement propose pour seul horizon l’agonie des services publics, et ce avec une certaine malhonnêteté puisqu’il annonce 11 000 créations d’emplois en 2023, ce qui paraît pour le moins contradictoire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les uns nous reprochent un budget d’austérité, les autres un excès de dépenses. La stabilité des effectifs traduit l’équilibre que nous essayons de trouver.

Vous avez raison, dans certains domaines, le nombre de fonctionnaires devra augmenter pour répondre aux urgences et assurer de nouvelles missions. Mais, dans d’autres domaines, on peut envisager une baisse des effectifs. Ainsi, lorsqu’à la fin du quinquennat, le nombre d’enfants scolarisés aura diminué de 500 000, faudra-t-il autant de professeurs qu’aujourd’hui ? Il est sans doute possible tout en augmentant le ratio par élève – ce que nous faisons depuis cinq ans – d’abaisser légèrement le nombre d’enseignants à la fin de la période.

En outre, des gains de productivité sont possibles dans des services où les tâches ont été automatisées ou dématérialisées. Avis défavorable.

M. Christian Baptiste (SOC). Selon Aristote, le fait de traiter des situations inégales de manière égale est la meilleure façon d’accroître les inégalités.

Au sein de la République, en particulier en outre-mer, certaines situations sont plus compliquées que d’autres. Le maintien des effectifs d’enseignants, en dépit de la baisse du nombre d’élèves, permettra une meilleure prise en charge de ces deniers dans les zones en grande difficulté, notamment celles qui accueillent des enfants de nationalité étrangère.

La commission rejette l’amendement de suppression.

Amendement CF44 de M. Daniel Labaronne. 

M. Daniel Labaronne (RE). L’amendement vise à fixer un objectif plus ambitieux de réduction des effectifs des opérateurs de l’État – 5 % –, notamment grâce à la fusion d’opérateurs redondants.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous demande de retirer l’amendement car l’objectif me semble un peu trop agressif.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez refusé, avec des arguments spécieux, l’amendement consensuel de Mme Louwagie qui était précis tant dans ses objectifs que dans les modalités de réduction de dépenses stériles et contre-productives.

Là vous proposez un amendement qui est exactement ce qu’il ne faut pas faire – vous l’avez reconnu précédemment – : le coup de rabot aveugle. Votre position est incompréhensible.

Mme Véronique Louwagie (LR). Comme vous nous y invitez, monsieur le rapporteur général, nous nous sommes appuyés, pour rédiger notre amendement, sur un rapport de la mission d’évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs dont Lise Magnier et Jean-Paul Mattei étaient les rapporteurs. Il y était proposé de renforcer la fiabilité de la fonction financière en fluidifiant le fonctionnement des organes délibérants et en réduisant les plafonds d’emplois des opérateurs lorsque les emplois vacants dépassaient un certain pourcentage des emplois autorisés.

L’amendement CF44 est retiré.

La commission adopte l’article 10 non modifié.

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*     *

Article 11
Plafond des autorisations d’emplois pour le budget général
et les opérateurs de l’État

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe à, au maximum, 1 % l’augmentation autorisée entre le plafond des autorisations d’emplois par ministère figurant en loi de finances initiale et la consommation d’emplois de la dernière année exécutée connue.

Une norme équivalente est prise pour les opérateurs de l’État, dont le plafond des autorisations d’emplois voté en loi de finances initiale ne peut pas augmenter de plus de 5 % par rapport à la consommation de la dernière année exécutée connue.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   l’État du droit

L’article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe un objectif sous forme de plafond afin de contenir l’augmentation du plafond des autorisations d’emplois par ministère et, ainsi, limiter la croissance des effectifs exprimés équivalents temps plein travaillés (ETPT) et rapprocher l’exécution de l’autorisation donnée en loi de finances initiale ([27]).

Il prévoit ainsi que le plafond des autorisations d’emplois voté en loi de finances initiale, par ministère, ne peut excéder de plus de 1 % la dernière consommation d’emplois constatée connue, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois intervenus ou prévus depuis l’année d’exécution et des éventuelles mesures de transfert entre ministères ou des mesures de périmètre entre l’État et d’autres entités (établissements publics, collectivités, etc.).

Il avait en effet pu être constaté que l’écart entre les plafonds d’emplois votés en loi de finances initiale et les niveaux d’exécution pouvait être important. Cet écart brouille la compréhension de l’évolution des effectifs au sein de la fonction publique de l’État. Une évolution d’au plus 1 % entre la dernière exécution connue en équivalents temps plein travaillé (ETPT) et le plafond des autorisations d’emplois inscrit dans la loi de finances initiale doit permettre de garantir une corrélation entre le niveau de chaque plafond d’emplois et la consommation réelle de ces derniers.

Il s’agit de limiter la vacance sous plafond, soit l’écart entre les plafonds votés par le Parlement et la consommation effective des emplois.

II.   Le dispositif PROPOSÉ

Le I du présent article se propose d’inscrire à nouveau, pour la période de programmation 2023-2027, un objectif d’évolution du plafond des autorisations d’emplois – par ministère sur le périmètre du budget général et par budget annexe – de telle manière que le plafond voté en loi de finances initiale ne soit pas supérieur de 1 % à la consommation des emplois constatée dans la dernière loi de règlement du budget et d’approbation des comptes connue. L’objectif de vacance sous plafond reste donc le même que dans la précédente loi de programmation des finances publiques.

La dernière consommation d’emplois constatée est celle déterminée dans la dernière loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année. Il s’agira donc normalement de la consommation des emplois de l’avant dernière année précédant celle pour laquelle la loi de finances initiale est établie.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’avait pas fixé une règle équivalente pour les opérateurs de l’État. C’est ce que s’emploie à faire le II du présent article ([28]). L’objectif d’évolution du plafond d’autorisations d’emplois des opérateurs de l’État est déterminé de telle manière que le plafond voté en loi de finances initiale ne soit pas supérieur de 5 % à la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement du budget et d’approbation des comptes connue ([29]). Cette nouvelle disposition s’articule donc avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit que la seconde partie de la loi de finances initiale doit comporter le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État ([30]).

La Cour des comptes, dans son rapport remis en janvier 2021 au Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, avait souligné que l’introduction d’une norme de vacance sous plafond serait utile pour les opérateurs de l’État comme elle l’est pour les ministères ([31]).

Pour rappel, l’évolution des plafonds d’emplois des opérateurs de l’État autorisés en loi de finances initiales depuis 2018 s’établit comme suit.

Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

(en ETPT)

Mission de rattachement

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

Écart
2018-2022

Action extérieure de l’État

6 765

6 530

6 324

6 253

6 253

- 512

Administration générale et territoriale de l’État

443

358

355

361

361

- 82

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14 340

14 003

13 882

13 720

13 459

- 881

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1 327

1 317

1 278

1 228

1 205

- 122

Cohésion des territoires

379

281

639

661

716

337

Culture

14 361

14 461

15 483

16 530

16 525

2 164

Défense

6 603

6 564

6 937

6 981

11 835

5 232

Direction de l’action du Gouvernement

597

597

592

516

504

-93

Écologie, développement et mobilité durables

19 791

19 578

19 312

19 158

19 309

- 482

Économie

2 591

2 563

2 496

2 533

2 485

- 106

Enseignement scolaire

3 359

3 276

3 183

3 048

3 023

- 336

Immigration, asile et intégration

1 879

1 984

2 173

2 171

2 190

311

Justice

580

617

625

673

691

111

Médias, livre et industries culturelles

3 023

3 004

3 102

3 098

3 121

98

Outre-mer

127

127

127

127

127

0

Recherche et enseignement supérieur

259 376

259 387

259 762

259 825

256 489

- 2 887

Régimes sociaux et de retraite

319

307

294

293

293

- 26

Santé

1 658

1 624

134

131

131

- 1 527

Sécurités

267

279

293

299

299

32

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 368

8 198

8 027

8 319

8 278

- 90

Sport, jeunesse et vie associative

580

657

692

732

762

182

Travail et emploi

55 558

54 089

54 445

56 563

56 056

498

Transformation et fonction publiques

1 328

1 195

1 106

1 080

1 100

- 228

Contrôle et exploitation aériens

812

812

805

805

795

- 17

Contrôle de la circulation et du stationnement routier

41

41

47

47

47

6

Total

404 472

401 849

402 113

405 152

406 054

+ 1 582

Source : lois de finances initiales pour 2018 à 2022.

Il ressort de ces données qu’au cours des cinq dernières années les plafonds des emplois des opérateurs ont progressé de 0,4 %.

Cette augmentation très modérée masque le problème de la vacance d’emplois, l’exécution en termes de consommation d’emplois apparaissant, pour certains opérateurs depuis plusieurs années déjà, bien en deçà de l’autorisation votée en loi de finances initiale. La sous-consommation des autorisations d’emplois votées en loi de finances peut être considérée comme structurelle pour certains opérateurs. En fixant un objectif de vacance sous plafond qui ne peut être supérieur à 5 %, le législateur financier sera amené à examiner les schémas d’emplois des opérateurs et à ajuster, le cas échéant, l’autorisation budgétaire.

Ainsi, pour la dernière année pour laquelle le calcul a été effectué, la loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2019 indique que le plafond d’autorisations d’emplois était au final pour 2019 de 401 613 ETPT ([32]). Le rapport de la Cour des comptes précité permet d’estimer entre 20 000 à 21 000 la différence avec la consommation d’emplois effective exprimée en ETPT, soit environ 5 % des effectifs ([33]).

Il apparaît utile de connaître l’exécution en termes d’équivalents temps plein travaillés tant pour les ministères que pour les opérateurs de l’État, afin que les plafonds des autorisations d’emplois soient d’année en année établis au plus près des besoins effectifs.

Ces objectifs permettent, en encadrant l’évolution du plafond des autorisations d’emplois, de disposer d’une meilleure prévisibilité de la masse salariale de l’État.

*

*     *

Amendement CF55 de M. Charles Sitzenstuhl.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Inspiré par le rapport de la Cour des comptes et les travaux précités de la mission d’évaluation, l’amendement vise à substituer au taux de 5 % celui de 3 % de la consommation d’emplois constatée dans la loi de règlement pour déterminer le plafond d’emplois des opérateurs pour l’année suivante.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le passage à 3 % me semble un peu brutal. Je propose de revoir l’amendement en vue de la séance pour décaler à la fin de la période la réalisation d’un tel objectif.

L’amendement CF55 est retiré.

La commission adopte l’article 11 non modifié.

*

*     *

Article additionnel après l’article 11
Évaluation des compétences des opérateurs de l’État

Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du groupe Renaissance, cet article prévoit la remise, par le Gouvernement, au Parlement d’une évaluation des compétences des opérateurs de l’État.

Afin que le Parlement puisse disposer d’une vision d’ensemble des opérateurs de l’État ([34]) – au nombre de 437 –, de leurs ressources et de leurs effectifs, le Gouvernement joint au projet de loi de finances initiale, une annexe informative sur les opérateurs de l’État depuis 2007. Dans son rapport intitulé Les relations entre l’État et ses opérateurs de janvier 2021, la Cour des comptes a préconisé d’enrichir les informations contenues dans ce « jaune » budgétaire.

Le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er septembre 2023, une évaluation des compétences des opérateurs de l’État, qui recense les doublons et chevauchements de compétences qui peuvent exister entre les opérateurs de l’État, ainsi qu’entre les opérateurs de l’État et l’État et les opérateurs de l’État et les collectivités territoriales.

Cette évaluation doit, en outre, proposer des regroupements entre les opérateurs ainsi qu’une étude sur l’opportunité de généraliser les contrats d’objectifs et de performance (COP) à l’ensemble des opérateurs ou par catégories d’opérateurs.

*

*     *

Amendement CF56 de M. Charles Sitzenstuhl.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). S’agissant des opérateurs de l’État, nous disposons de nombreuses évaluations sectorielles et d’informations utiles dans le jaune budgétaire mais il manque des travaux sur leurs compétences et leurs missions.

L’amendement vise à demander au Gouvernement un état des lieux des doublons et enchevêtrements de compétences entre les opérateurs de l’État, entre les opérateurs et l’État, ainsi qu’entre les opérateurs et les collectivités territoriales. Le rapport, attendu au plus tard pour le 1er septembre 2023, servira de base à des propositions de rapprochement entre les opérateurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est une bonne pratique qui nous permettra de prendre de bonnes décisions. Avis favorable.

M. Philippe Brun (SOC). Je salue la volonté de la majorité de travailler sur cette question et d’envisager une réduction du nombre d’opérateurs. Je suis favorable à ce que le jaune relatif aux organismes divers d’administration centrale (Odac), actuellement incomplet, comporte une information plus détaillée – en cela, cet amendement va dans le bon sens mais la meilleure manière d’éviter les dérives, en termes de dépenses, est d’arrêter de créer de telles structures. Or, ces cinq dernières années, nous avons été champions du monde en matière de création d’opérateurs. Le dernier annoncé est France Travail ; auparavant, nous avons eu l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l’Agence de l’innovation de défense (AID), le secrétariat général pour l’investissement (SGPI)… Je ne vois pas de volonté claire de la majorité de cesser ses effets d’annonce en créant des agences performatives. À vous entendre, on réduit le chômage en créant France Travail, on résout le problème de l’absence de planification en créant un haut-commissariat au plan… Tout cela ne fonctionne pas.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Le rapport de M. Mattei et de Mme Magnier ainsi que l’étude de la Cour des comptes ont montré une baisse tendancielle du nombre d’opérateurs depuis plusieurs années. Nous sommes donc sur la bonne trajectoire. Certes, nous pouvons encore améliorer les choses, mais les opérateurs créés lors du quinquennat précédent étaient en réalité souvent issus de fusions ou de rapprochements entre opérateurs existants.

Monsieur le président, monsieur Guiraud, j’ai été assez étonné par votre plaidoyer en faveur des opérateurs et des agences, car je me souviens d’avoir appris en cours d’économie que le concept d’agencification de l’État venait du new public management. Il est savoureux de constater qu’en 2022, la gauche antilibérale défend la création d’opérateurs de l’État – je me demande bien pourquoi…

M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivrons ce débat en séance !

La commission adopte l’amendement CF56.

*

*     *

Article 12
Programmation du budget de l’État pour chaque mission
du budget général en crédits de paiement

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l’État pour le triennal 2023-2025.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Conformément au 5° de l’article 1er B de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([35]), le présent article fixe les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l’État pour le triennal 2023-2025.

Le présent article fixe une programmation triennale des crédits originale au regard de celle adoptée dans les précédentes lois de programmation des finances publiques : concernant les missions finançant des crédits destinés au règlement de charges de la dette ou d’autres crédits évaluatifs ([36]), il fixe des plafonds de crédits pour la totalité de la mission et isole les programmes portant des crédits évaluatifs. Par ailleurs, les crédits continuent d’être présentés hors contribution du budget général au compte d’affectation spéciale Pensions et hors la mission Remboursements et dégrèvements.

Les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général augmenteraient de 42,6 milliards d’euros entre le niveau fixé en loi de finances initiale pour 2022 – retraité au format 2023 – et 2025, soit une augmentation de 12,2 % en trois ans.

Corrigés de la charge de la dette et des crédits évaluatifs, les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général augmenteraient de 18,9 milliards d’euros entre le niveau fixé en loi de finances initiale pour 2022 – retraité au format 2023 – et 2025, soit une augmentation de 8 % en trois ans.

À titre de comparaison, la précédente loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoyait une augmentation des crédits de 12,8 milliards d’euros entre le niveau fixé en loi de finances initiale pour 2017 – retraité au format 2018 – et 2020, soit une augmentation de 5,4 % en trois ans.


plafonds de crÉdits de paiement du budget gÉnÉral

(en milliards d’euros, à périmètre constant)

Crédits de paiement

LFI 2022

LFI 2022 Format 2023

2023

2024

2025

Écart 2025 / LFI 2022 format 2023

Action extérieure de l’État

2,9

2,9

3,1

3,1

3,1

+ 0,2

Administration générale et territoriale de l’État

3,6

3,6

3,7

4,1

4,5

+ 0,9

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,8

3,1

3,6

3,6

3,6

+ 0,5

Aide publique au développement

5,1

5,1

5,9

6,3

7,0

+ 1,9

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2,1

2,1

1,9

1,9

1,8

– 0,3

Cohésion des territoires

17,2

17,2

17,8

18,3

18,5

+ 1,3

Conseil et contrôle de l’État

0,6

0,6

0,7

0,7

0,7

+ 0,1

Crédits non répartis

0,5

0,5

1,9

0,9

1,4

+ 0,9

Culture

3,3

3,3

3,5

3,6

3,7

+ 0,4

Défense

40,9

40,9

43,9

47,0

50,0

+ 9,1

Direction de l’action du Gouvernement

0,9

0,9

0,9

0,9

0,9

+ 0,0

Écologie, développement et mobilité durables

20,4

20,6

26,5

24,6

24,6

+ 4,0

dont programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

0,8

0,8

0,9

0,8

0,7

– 0,1

dont programme 345 Service public de l’énergie

8,4

8,4

12,0

10,0

10,0

+ 1,6

Écologie, développement et mobilité durables hors programmes 345 et 355

11,1

11,3

13,6

13,7

13,9

+ 2,6

Économie

3,8

4,1

3,7

4,0

4,2

+ 0,1

Engagements financiers de l’État

44,3

44,3

60,2

55,4

58,8

+ 14,5

dont programmes 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État et 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la COVID-19

40,5

40,5

57,4

53,4

57,4

+ 16,9

Engagements financiers de l’État hors programmes 117 et 369

3,8

3,8

2,8

2,0

1,4

– 2,4

Enseignement scolaire

56,5

56,5

60,2

62,0

62,8

+ 6,3

Gestion des finances publiques

7,4

7,4

8,0

8,0

8,1

+ 0,7

Immigration, asile et intégration

1,9

1,9

2,0

2,1

2,1

+ 0,2

Investir pour la France de 2030

7,0

7,0

6,1

7,1

8,5

+ 1,5

Justice

8,9

8,9

9,6

10,1

10,7

+ 1,8

Médias, livre et industries culturelles

0,7

0,7

0,7

0,7

0,7

+ 0,0

Outre-mer

2,4

2,1

2,4

2,5

2,5

+ 0,4

Plan de relance

13,0

13,0

4,4

2,5

0,6

– 12,4

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0,2

0,2

– 0,2

Pouvoirs publics

1,0

1,0

1,1

1,1

1,1

+ 0,1

Recherche et enseignement supérieur

29,0

29,1

30,6

31,3

31,9

+ 2,8

Régimes sociaux et de retraite

6,1

6,0

6,1

6,2

6,3

+ 0,3

Relations avec les collectivités territoriales

4,3

4,3

4,4

4,3

4,2

– 0,1

Santé

1,3

1,3

3,4

2,6

2,1

+ 0,8

dont programme 379 Compensations à la Sécurité sociale (FRR et dons de vaccins)

1,9

1,0

0,5

+ 0,5

Santé hors programme 379

1,3

1,3

1,4

1,5

1,6

+ 0,3

Sécurités

14,7

14,7

15,8

16,3

16,8

+ 2,1

Solidarité, insertion et égalité des chances

27,6

27,7

29,8

30,3

31,1

+ 3,4

Sport, jeunesse et vie associative

1,7

1,7

1,8

1,6

1,5

– 0,2

Transformation et fonction publiques

0,8

0,8

1,1

0,8

0,6

– 0,2

Travail et emploi

14,5

14,5

20,7

16,9

16,2

+ 1,7

Total

347,4

348,0

385,5

380,8

390,6

+ 42,6

Total hors programmes portants des crédits évaluatifs

297,6

298,2

313,2

315,4

322,0

+ 23,8

Source : commission des finances, à partir des données du présent article.

L’évolution des plafonds de crédits des missions du budget général serait la suivante par rapport à la loi de finances pour 2022, au format 2023 :

– les crédits alloués à vingt-cinq missions seraient en augmentation, pour un montant de 56,0 milliards d’euros ;

– les crédits alloués à six missions seraient en diminution, pour un montant de 13,4 milliards d’euros ;

– les crédits des missions Direction de l’action du Gouvernement et Médias, livre et industries culturelles seraient stables.

Le présent article traduit les choix du Gouvernement, avec une augmentation significative des crédits budgétaires consacrés à l’investissement public notamment dans la transition écologique (Écologie, développement et mobilité durables, Investir pour la France de 2030) ou concernant le pôle régalien (Défense, Justice, Sécurités), à l’enseignement (Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur) et à l’emploi et à la solidarité nationale (Solidarité, insertion et égalité des chances, Travail et emploi, Cohésion des territoires).

Un nombre mesuré de missions budgétaires porterait l’effort budgétaire au cours des trois dernières années du quinquennat : Relations avec les collectivités territoriales, Sport, jeunesse et vie associative, Transformation et fonction publiques et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

*

*     *

La commission adopte l’article 12 non modifié.

*

*     *

Article 13
Montant maximal des concours financiers de l’État
aux collectivités territoriales pour la période 2023-2027

Résumé du dispositif proposé

Cet article évalue les concours financiers de l’État aux collectivités pour les années 2023 à 2027. Ils sont prévus en légère progression en valeur sur la période.

Il prévoit également le périmètre des concours « plafonnés ». Le FCTVA en est exclu, mais la fraction de TVA affectée aux régions en remplacement de la DGF est incluse.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

Les concours financiers de l’État aux collectivités sont définis par l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022. Ils comprennent en 2022 :

 les prélèvements sur recettes (PSR) de l’État au profit des collectivités pour 43,1 milliards d’euros ;

 les dotations budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) pour 4,9 milliards d’euros ;

 la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) transférée aux régions à compter de 2018 pour remplacer leur DGF, pour 4,7 milliards d’euros.

Les concours financiers de l’État représentent ainsi en 2022 un montant de 52,7 milliards d’euros.

Composition des concours financiers de l’État
aux collectivités territoriales en 2022

(en milliards d’euros)

Source : DGCL, Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2022.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue le principal concours financier que l’État verse aux collectivités territoriales (environ 50 % de l’ensemble).

En 2021, les concours financiers représentent 21 % des recettes de fonctionnement du bloc communal (24,48 milliards d’euros), 15 % de celles des départements (10,21 milliards d’euros) et 7 % de celles des régions (2,21 milliards d’euros).

Recettes de fonctionnement des collectivités en 2021

(en milliards d’euros)

Source : données observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL).

L’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 prévoyait une quasi-stabilité en valeur des concours financiers de l’État aux collectivités sur la durée de la période.

Évolution programmée des concours financiers de l’état
aux collectivités territoriales

 (en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

Taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,12

4,23

4,36

4,50

4,66

Autres concours

38,37

38,14

38,12

38,10

38,10

Source : LPFP 2018-2022.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le FCTVA et la TVA affectée aux régions ont été extraits de l’enveloppe des concours « plafonnés » (qui correspond à la ligne « autres concours »), en raison de leur dynamisme (lié à l’investissement des collectivités pour le FCTVA et à la croissance de l’économie pour le rendement de la TVA). Le dynamisme spécifique de ces concours, qui peut être supérieur aux prévisions, risquait de réduire les montants disponibles pour le reste des concours au sein de l’enveloppe des concours financiers, celle-ci étant prévue comme stable sur la période.

Évolution constatée des concours financiers de l’état
aux collectivités territoriales

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

(exécution)

2019

(exécution)

2020

(exécution)

2021

(LFI)

2022

(PLF)

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,21

49,03

50,44

51,9

52,4

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

5,52

5,95

6,4

6,54

6,5

Taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,2

4,29

4,02

4,29

4,67

Source : transferts financiers de l’État aux collectivités (2022).

On constate donc chaque année un écart avec la programmation, lié au dynamisme de certains concours, qui n’est pas entièrement compensé par la baisse corrélative d’autres concours (la minoration des « variables d’ajustement » est ainsi en baisse continue sur la période : elle passe de 293 millions d’euros en 2018 à 50 millions d’euros en 2022).

En outre, une conjoncture exceptionnelle a suscité la création de concours « hors enveloppe », notamment :

– dans le cadre de la crise sanitaire, le « filet de sécurité » sur les recettes du bloc communal par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (216 millions d’euros en 2020 et 57 millions en 2021) ;

– la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) « exceptionnelle » pour 950 millions d’euros en AE sur 2020-2021, sur la mission RCT ;

– le concours exceptionnel de l’État pour l’achat de masques par les collectivités (prise en charge de 50 % du coût des masques achetés entre le 13 avril et le 1er juin 2020, à hauteur de 228 millions d’euros).

Il en est de même pour le PSR de compensation de la hausse de certaines dépenses liées à l’inflation prévu par la loi de finances rectificative pour 2022.

D’autres éléments ont affecté la pertinence et le suivi de la programmation. La crise sanitaire a réduit le montant de la fraction de TVA des régions. Parallèlement, d’autres concours ont été créés par exemple pour compenser la baisse de recettes fiscales. Ainsi, la division par deux des valeurs locatives des locaux industriels a été compensée, par la loi de finances pour 2021, par un PSR de 3,3 milliards d’euros. Enfin, des mesures de périmètre peuvent affecter les concours de l’État, comme cela a été le cas, par exemple, pour la DGF.

La trajectoire établie par la loi de programmation 2018-2022 s’est donc révélée peu pertinente pour suivre l’évolution des concours financiers de l’État.

II.   le Dispositif proposÉ

Le I du présent article propose une évaluation des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales sur la période 2023 à 2027.

Évolution programmÉe des concours financiers de l’état aux collectivités territoriales

(en milliards d’euros courants)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

53,15

53,31

53,89

54,37

54,57

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

6,70

7

7,30

7,50

7,40

Autres concours

46,45

46,31

46,59

46,87

47,17

Source : présent projet de loi de programmation.

Comme pour la précédente trajectoire, le II du présent article prévoit que le périmètre des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ainsi évalués est constitué :

– des PSR ;

– des crédits de la mission RCT, mais à l’exclusion des crédits de paiement liés aux autorisations d’engagement ouvertes dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (cela exclut la « DSIL exceptionnelle » notamment) ;

– de la fraction de TVA affectée aux régions en remplacement de leur DGF.

Le III du présent article pose le principe du plafonnement (à périmètre constant) des concours selon la programmation présentée dans le tableau précédent, en excluant uniquement le FCTVA de ce principe de plafonnement. La fraction de TVA aux régions est ainsi incluse dans l’enveloppe plafonnée, qui correspond à la ligne « Autres concours » du tableau.

Au total, cet article reconduit le principe de « l’enveloppe normée » qui a pour objet de contenir le montant des concours de l’État aux collectivités territoriales, dans un objectif de maîtrise des comptes publics.

*

*     *

La commission adopte l’article 13 non modifié.

*

*     *

Article 14
Évolution du ratio entre les dépenses défavorables
et les dépenses mixtes ou favorables

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoit que le ratio entre les dépenses défavorables à l’environnement, telles que définies par le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État annexé à chaque projet de loi de finances depuis celui pour 2021, et les dépenses considérées comme favorables et mixtes au sens de ce même rapport, diminue de 10 % entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cette article sans modification.

I.   Le « Budget vert »

Avec la prise en compte croissante de l’effet de l’activité humaine sur le réchauffement climatique, plusieurs travaux récents ([37]) ont mis en lumière la nécessité de rendre plus lisibles les financements publics affectés à la transition écologique et d’évaluer l’impact des dépenses publiques sur l’environnement. S’inspirant de ces initiatives, la France a été le premier pays à réaliser en 2020 une évaluation environnementale à l’échelle de tout un budget national.

A.   Méthodologie retenue

Un rapport sur « l’impact environnemental du budget », prévu par le 6° de l’article 179 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, s’est ainsi substitué au rapport annuel sur le « Financement de la transition écologique ».

Ce rapport, annexé à chaque projet de loi de finances depuis celui pour l’année 2021, intègre dans sa première partie une budgétisation environnementale de l’État, appelée « budget vert ». Elle présente l’impact des crédits budgétaires et des dépenses fiscales inscrits dans le projet de loi de finances selon une démarche de cotation menée sur la base de la méthodologie présentée par une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable ([38]). Les résultats sont présentés par mission budgétaire et au niveau agrégé.

Les dépenses, y compris les dépenses fiscales, sont donc notées entre  1 et 3, selon leur impact sur les six axes environnementaux suivants : la lutte contre le changement climatique ; l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques naturels ; la gestion de la ressource en eau ; la transition vers l’économie circulaire, la gestion des déchets et la prévention des risques technologiques ; la lutte contre les pollutions ; la biodiversité et la gestion durable des espaces naturels, agricoles et sylvicoles.

Les dépenses favorables à l’environnement (dites « vertes ») sont celles dont tous les axes sont cotés favorablement ou favorablement et neutres. Elles recouvrent trois types de dépenses :

– les dépenses ayant un objectif environnemental principal ou participant directement à la production d’un bien ou service environnemental (note 3) ;

– les dépenses sans objectif environnemental mais ayant un impact indirect avéré (note 2) ;

– les dépenses favorables mais à l’impact controversé en présence notamment d’effets de court terme favorables pouvant présenter un risque de verrouillage technologique à long terme (note 1).

Les dépenses mixtes sont les dépenses qui comprennent des axes cotés favorablement et d’autres défavorablement ou neutres. Elles n’ont pas d’effet significatif sur l’environnement.

Les dépenses défavorables (dites « brunes ») sont celles dont tous les axes sont cotés défavorablement ou défavorablement et neutres (note de – 1). Ces dépenses constituent une atteinte directe à l’environnement ou incitent à des comportements défavorables.

La cotation du budget est réalisée, d’une part, à compter du PLF 2023 pour les dépenses qu’il propose d’ouvrir, sur le nouveau périmètre des dépenses de l’État prévu à l’article 9 du présent projet de loi de programmation, étant entendu que les résultats des années précédentes seront retraités pour rendre l’ensemble de la trajectoire comparable.

Ainsi, ce périmètre comprend : les crédits du budget général hors dépenses de contribution aux pensions civiles et militaires, charge de la dette, amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 et remboursements et dégrèvements, les impositions de toutes natures plafonnées, les budgets annexes, les dépenses des comptes d’affectation spéciale en dehors des comptes Désendettement de l’État, Participations financières de l’État et Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions, les dépenses du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et les retraitements de flux internes au budget de l’État.

Contrairement au périmètre utilisé jusqu’en 2022, cette nouvelle norme n’intègre donc pas les crédits consacrés aux pensions civiles et militaires, à la charge de la dette, et à l’amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19.

D’autre part, l’ensemble des dépenses fiscales fait l’objet d’une cotation (94,2 milliards d’euros en 2022).

La deuxième partie du rapport porte sur l’ensemble des instruments de financement mobilisés en faveur de la transition écologique et la troisième partie dresse le panorama des ressources publiques et de la fiscalité à caractère environnementale.

B.   évolution des résultats obtenus

La deuxième édition du budget vert ([39]) présentait les résultats suivants : sur les 586,6 milliards d’euros de dépenses budgétaires et fiscales évaluées pour l’année 2022, 53,4 milliards d’euros de dépenses (au sens large) non neutres avaient été comptabilisés, soit 9 % d’entre elles, dont 42,7 milliards d’euros étaient au moins une fois favorables à l’environnement.

Les dépenses vertes représentaient 38,2 milliards d’euros et avaient augmenté depuis 2020 (+ 29 %) – évolution portée par les crédits du plan de relance notamment pour l’accompagnement de la transition énergétique –, tandis que les dépenses mixtes (4,5 milliards d’euros) et brunes (10,8 milliards d’euros) restaient stables sur la période 2020-2022.

D’après les informations données par le Gouvernement au rapporteur général, à la suite du retraitement des données mentionné supra, le budget vert présente les résultats suivants pour l’année 2022 :

– 38,3 milliards d’euros de dépenses favorables à l’environnement ;

– 10,7 milliards d’euros de dépenses défavorables à l’environnement ;

– 1,9 milliard d’euros de dépenses mixtes.

En 2023, compte tenu des mesures mises en place par les pouvoirs publics pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte de forte inflation, notamment des produits énergétiques, l’évolution est moins favorable.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article fixe une trajectoire de baisse 10 % du ratio entre, d’une part, les dépenses défavorables à l’environnement et, d’autre part, les dépenses dont l’impact est favorable et mixte sur l’environnement, entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027.

D’après les informations données par le Gouvernement au Rapporteur général, le ratio de référence pour la loi de finances initiale pour 2022 s’établit à 0,27.

Calcul du ratio

Dépenses favorables (10 730 495 000) / dépenses vertes (38 265 917 393) + dépenses mixtes (1 888 186 649)

soit 10 730 495 000 / 40 154 104 042 = 0,267

Une baisse de 10 % du ratio de référence implique d’atteindre un ratio égal à 0,24. Il suppose donc, toutes choses égales par ailleurs :

– une hausse d’environ 4,5 milliards d’euros des dépenses favorables ou mixtes en 2027 par rapport à 2022 (si les dépenses brunes restent stables) ;

– une baisse d’environ 1 milliard d’euros des dépenses brunes en 2027 par rapport à 2022 (si les dépenses favorables ou mixtes restent stables).

Cet encadrement vient poursuivre les efforts du Gouvernement en matière d’identification des dépenses ayant un impact sur l’environnement et de réduction de l’impact environnemental négatif du budget de l’État. Il renforce la portée du budget vert qui définit et classe les catégories de dépenses utilisées pour cette nouvelle règle de gouvernance budgétaire.

L’indicateur retenu permet d’encourager à la fois la diminution des dépenses brunes en agissant sur le numérateur et l’augmentation des dépenses vertes ou mixtes en agissant sur le dénominateur. L’exposé des motifs précise que l’objectif premier de cette trajectoire est la diminution des dépenses de l’État défavorables à l’environnement.

Il est important de souligner que l’année de référence retenue, soit la loi de finances initiale pour l’année 2022, est une année dont les résultats obtenus sont particulièrement bons grâce aux crédits du plan de relance. Elle n’intègre pas les dépenses brunes liées au coût du bouclier tarifaire, à la remise à la pompe ou à l’aide aux entreprises énergo-intensives puisque les crédits afférents à ces dépenses ont été ouverts au cours de l’année 2022.

Les moins bons résultats enregistrés en 2023 et le caractère non pérenne de certaines dépenses vertes du plan de relance impliquent d’accentuer l’effort les années suivantes pour respecter la trajectoire de baisse fixée par le présent article.

La trajectoire prévue par le présent article ne comporte pas de jalon annuel, ce qui signifie que l’atteinte de l’objectif ne pourra être appréciée qu’en 2027. L’évaluation préalable précise cependant que ce ratio sera renseigné chaque année dans les documents budgétaires.

L’impact budgétaire de cette disposition peut être neutre si des dépenses favorables ou mixtes nouvelles remplacent strictement des dépenses défavorables à l’environnement qui seraient supprimées sur la période 2023-2027.

*

*     *

Amendement CF53 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd (RE). L’article 14, qui prévoit de réduire de 10 % le ratio entre dépenses brunes et dépenses vertes par rapport au budget 2022, prend en compte le bouclier tarifaire. Nous proposons de préserver l’ambition de l’article en excluant des calculs les dépenses relatives à ce bouclier, dont il faut bien garder à l’esprit qu’il est limité dans le temps.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage votre objectif, mais il me semble que votre amendement est satisfait. Peut-être le ministre pourra-t-il nous le confirmer.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’entends parfaitement votre préoccupation, qui est effectivement satisfaite puisque la loi de finances pour 2022 intégrait uniquement la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et ne prévoyait donc pas encore de crédits budgétaires au titre du bouclier tarifaire.

L’amendement CF53 est retiré.

La commission adopte l’article 14 non modifié.

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*     *

Article 15
Instrument de pilotage des dispositifs d’aides aux entreprises

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe une durée maximale de cinq ans pour l’application des créations et extensions d’aides aux entreprises à compter du 1er janvier 2023. Il prévoit que le Gouvernement présente une évaluation de chaque dispositif d’aide avant son extension ou sa prolongation.

Position de la commission des finances

La commission a abaissé la durée maximale de cinq à trois ans.

Les aides aux entreprises constituent un périmètre dépourvu de définition législative. Elles recouvrent les dépenses fiscales et budgétaires accordées au bénéfice des entreprises, sans faire l’objet, à ce jour, de recensement précis de la part du Gouvernement.

Les dépenses fiscales nouvellement créées font l’objet de l’article 7 du présent projet de loi, qui propose qu’elles soient bornées dans le temps pour quatre ans, prorogeables pour une période maximale de quatre ans. Selon le ministère chargé des comptes publics, cette disposition concernerait, en tout état de cause, les aides aux entreprises visées par le présent article prenant la forme de dépenses fiscales.

Le présent article vise à introduire une mesure de pilotage des nouvelles aides créées au bénéfice des entreprises. Toute aide faisant l’objet d’une création ou d’une prolongation à partir du 1er janvier 2023 le sera pour une durée maximale de cinq ans.

Par ailleurs, les extensions ou prolongations intervenant après la même date devront faire l’objet d’une évaluation préalable par le Gouvernement, présentée au Parlement au plus tard le 1er avril de l’année au cours de laquelle le dispositif d’aide est censé prendre fin. Cette évaluation doit présenter les bénéficiaires de la mesure et évaluer son efficacité, ainsi que son coût. Ce suivi systématique doit contribuer à rationaliser les aides accordées aux entreprises.

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*     *

Amendements CF46 de M. Daniel Labaronne et CF52 de M. Joël Giraud (discussion commune).

M. Daniel Labaronne (RE). L’amendement CF46 tend à limiter de manière plus stricte les aides économiques visant à soutenir un secteur d’activité en fixant la durée de tout dispositif de ce type à trois ans.

M. Joël Giraud (RE). L’amendement CF52 vise le même objectif mais sa rédaction est plus synthétique. Comme M. Labaronne en est également signataire, je ne doute pas que, quel que soit le choix qui sera fait, il sera heureux.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je préfère l’amendement CF52, auquel je donne un avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF52, l’amendement CF46 ayant été retiré.

Amendement CF75 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne (RE). Il s’agit là encore de borner de manière plus stricte les aides économiques visant à soutenir un secteur d’activité en fixant la durée de tout dispositif de ce type à trois ans et en conditionnant toute extension supplémentaire à une évaluation prouvant l’opportunité de ce prolongement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous n’avons aucune idée du stock de mesures en vigueur ; le vote d’une telle disposition nécessiterait donc un travail préparatoire très important. Par ailleurs, cela créerait une certaine insécurité pour les entreprises, qui ont au contraire besoin de visibilité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF75.

Elle adopte l’article 15 modifié.

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*     *

Chapitre III
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales

Article 16
Objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement
pour l’ensemble des collectivités locales

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoit un objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement pour l’ensemble des collectivités sur la période 2023-2027. La trajectoire correspond à l’inflation anticipée, minorée de 0,5 point chaque année. Elle équivaut donc à une baisse en volume des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des collectivités de 0,5 % par an.

Position de la commission des finances

La commission a ajouté que les collectivités contribuent à l’effort de maîtrise de la dépense publique « en tenant compte de l’évolution de leurs recettes sur la période couverte par la loi de programmation ».

I.   L’état du droit

1.   Les règles fondamentales de comptabilité locale

La tenue d’un débat d’orientation budgétaire dans les deux mois précédant le vote du budget local est obligatoire, sauf pour les communes de moins de 3 500 habitants ([40]). Il permet d’informer l’assemblée délibérante sur la situation financière de la collectivité et de présenter les grandes orientations pour l’année à venir.

Les finances publiques locales sont régies par une « règle d’or » ([41]) qui garantit :

– le vote à l’équilibre de la section de fonctionnement et de la section d’investissement ;

– le recours à l’emprunt pour le seul financement des dépenses d’investissements (hors remboursement des emprunts) ;

– le remboursement des emprunts par des ressources propres : excédent de la section de fonctionnement (autofinancement) ou ressources propres de la section d’investissement.

Pour autant, une progression que l’on peut juger « excessive » des dépenses de fonctionnement est possible, notamment si un fort dynamisme des ressources (par exemple fiscales) la rend possible. Une progression élevée des dépenses de fonctionnement réduit l’autofinancement, et donc soit réduit l’investissement, soit conduit la collectivité à augmenter le recours à l’emprunt. Avec près de 287 milliards de dépenses en 2021, les collectivités doivent s’inscrire dans l’objectif national de maîtrise des dépenses publiques pour que celui‑ci soit crédible.

À noter que les comptes locaux comportent un budget principal, ainsi que des budgets annexes. Ces derniers sont votés par l’organe délibérant de la collectivité parallèlement au budget principal et retracent les opérations budgétaires de certains services publics locaux dépourvus de personnalité juridique : régie simple ou régie dotée de l’autonomie financière (si la régie est dotée de la personnalité morale, il s’agit d’un établissement public local doté alors d’un organe délibérant qui vote un budget autonome). Les budgets annexes constituent une dérogation aux principes d’universalité et d’unité budgétaire et permettent :

– de suivre l’exploitation directe d’un service public à caractère industriel et commercial (SPIC) et de fixer un tarif en lien avec les coûts (budget annexe obligatoire). C’est le principe « l’eau paie l’eau » ;

– ou de suivre les coûts d’un service public administratif (SPA), comme un théâtre ou une cantine scolaire (budget annexe facultatif).

2.   L’objectif d’évolution de la dépense locale (ODEDEL)

L’article 11 de la LPFP pour les années 2014 à 2019 avait posé un objectif d’évolution de la dépense locale (ODEDEL), visant à associer les collectivités territoriales au redressement des comptes publics. Il était alors décliné en un objectif global (fonctionnement et investissement), d’une part, et un sous‑objectif d’évolution de la seule dépense de fonctionnement, d’autre part.

ODEDEL de la LPFP 2014-2019 fixÉ et exÉcutÉ

Année

2014

2015

2016

2017

ODEDEL (dépenses totales hors remboursement de la dette, budgets principaux)

1,2 %

0,5 %

1,9 %

2,0 %

Exécution

-0,1 %

-0,7 %

-0,6 %

2,7 %

Source : Bilan de l’exécution de l’ODEDEL présenté au Comité des finances locales le 6 septembre 2022, direction du budget.

Pour préserver la dépense d’investissement local, l’article 13 de la LPFP 2018‑2022 a recentré l’ODEDEL sur un objectif d’évolution des seules dépenses réelles de fonctionnement à 1,2 % par an en valeur. Cet objectif a été respecté sur la période.

Objectif d’Évolution des dÉpenses de fonctionnement
fixÉ par la LPFP 2018-2022 (base 100 en 2017) et exÉcution

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement (budgets principaux et budgets annexes)

101,2

102,4

103,6

104,9

106,2

Exécution

100,4

101,9

102,1

104,7

-

Variation annuelle

+0 ,4 %

+ 1,5 %

+ 0,1 %

+ 2,6 %

-

Source : Bilan de l’exécution de l’ODEDEL présenté au Comité des finances locales le 6 septembre 2022, direction du budget.

L’objectif fixé à + 1,2 % a été respecté en 2018 (+ 0,4 % par rapport à 2017), en 2020 (+ 0,1 % par rapport à 2019) et, en moyenne, entre 2017 et 2021 (taux de croissance annuel moyen de + 1,2 %). La variation annuelle a toutefois été supérieure à la cible en 2021 (+ 2,6 % par rapport à 2020) et en 2019 (+ 1,5 % par rapport à 2018).

Si les DRF des groupements à fiscalité propre (GFP) ont fortement augmenté entre 2017 et 2021, celles des communes, des départements et des régions sont restées en deçà de la trajectoire de référence.

ExÉcution de l’ODEDEL de la LPFP 2018-2022 par catÉgories de collectivitÉs

C:\Users\Banduze\Desktop\ODEDEL.bmp

Source : Bilan de l’exécution de l’ODEDEL présenté au Comité des finances locales le 6 septembre 2022, direction du budget.

L’article 13 de la LPFP 2018‑2022 avait aussi fixé un objectif de réduction annuelle du besoin de financement de 2,6 milliards d’euros, soit une réduction de 13 milliards d’euros sur la période.

Le besoin de financement correspond à l’excédent des dépenses d’investissement sur les ressources d’investissement, c’est-à-dire au volume des emprunts à contracter pour financer de nouveaux investissements, qui vient accroître l’endettement. La réduction du besoin de financement peut résulter d’une baisse de l’investissement ou d’une hausse de l’autofinancement, c’est-à-dire de l’excédent de la section de fonctionnement. L’objectif portant sur le besoin de financement était donc cohérent avec la baisse attendue des dépenses de fonctionnement : il visait à maîtriser l’endettement sans affecter l’investissement.

OBJECTIF D’ÉVOLUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT des collectivitÉs
fixÉ par la LPFP 2018-2022

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Réduction annuelle du besoin de financement

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

Réduction cumulée du besoin de financement

– 2,6

– 5,2

– 7,8

– 10,4

– 13

Exécution annuelle

–- 0,6

0,5

4,0

– 2,5

-

Source : Bilan de l’exécution de l’ODEDEL présenté au Comité des finances locales le 6 septembre 2022, direction du budget.

Le besoin de financement a baissé de 2,5 milliards d’euros en 2021, soit un niveau proche de l’objectif de réduction fixé par la LPFP. Les emprunts souscrits par les collectivités locales ont en effet diminué en 2021 (16,2 milliards d’euros) par rapport à 2020 (18,3 milliards d’euros) alors que les remboursements d’emprunts ont été stables (+ 0,2 %, à 14,2 milliards d’euros), leur capacité d’autofinancement étant en forte progression (+ 19,3 % en 2021 par rapport à 2020). La cible fixée par la LPFP n’a en revanche été atteinte aucune des années entre 2018 et 2020.

Plus précisément, l’évolution du besoin de financement a été hétérogène selon les strates de collectivités. Contrairement à celui des communes, le besoin de financement des départements et des régions a fortement progressé en 2020, puis diminué en 2021.

ExÉcution de l’objectif d’Évolution du besoin de financement
de la LPFP 2018-2022 par catÉgories de collectivitÉs

(en millions d’euros)

C:\Users\Banduze\Desktop\ODEDEL.bmp

Source : Bilan de l’exécution de l’ODEDEL présenté au Comité des finances locales le 6 septembre 2022, direction du budget.

L’article 29 de la même LPFP avait renforcé ce double objectif par un ensemble de contrats conclus entre l’État et les 321 plus grandes collectivités (contrats dits « de Cahors »). Ces contrats déclinaient l’objectif national de progression des dépenses de fonctionnement (budget principal et budgets annexes) au niveau de chaque collectivité concernée.

II.   le Dispositif proposÉ

Le présent article reconduit l’objectif d’évolution des DRF de l’ensemble des collectivités qui figurait dans la LPFP 2018-2022. Toutefois, plutôt qu’être fixe à 1,2 % par an, il sera évolutif : il prévoit une limitation de la hausse des DRF au niveau du taux d’inflation anticipé lors de chacune des années 2023 à 2027, minoré de 0,5 point. Cet objectif tient donc compte de la reprise de l’inflation constatée en 2022 et des prévisions actuelles pour les années suivantes jusqu’à 2027.


Objectif d’Évolution des dÉpenses de fonctionnement

(en pourcentages)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses de fonctionnement

3,8

2,5

1,6

1,3

1,3

Source : présent projet de loi de programmation.

Cela aboutirait à une baisse annuelle en volume de 0,5 % des DRF.

Cet objectif est complété par le dispositif prévu à l’article 23 du présent projet de loi de programmation qui le décline pour chaque strate de collectivités locales.

*

*     *

Amendements de suppression CF26 de Mme Charlotte Leduc et CF35 de M. Nicolas Sansu.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). En pleine crise énergétique, il ne nous paraît pas opportun de demander aux collectivités de réduire ou de contenir leurs dépenses de fonctionnement. Comme leur nom l’indique, celles-ci permettent aux collectivités de fonctionner, donc de payer notamment l’électricité, le chauffage, les cantines scolaires… Si nous leur demandons de limiter leurs dépenses de fonctionnement, les collectivités devront ponctionner leurs dépenses d’investissement, et nous affaiblirons alors le premier investisseur du pays.

Je m’exprime avec un peu de colère car je viens de recevoir, par texto, des nouvelles d’un lycée qui demande depuis plusieurs années des conseillers principaux d’éducation (CPE) – je rappelle que la rémunération des personnels non enseignants est imputée sur les dépenses de fonctionnement des établissements scolaires. Ce matin, des élèves sont arrivés avec des machettes mais il n’y avait pas assez de personnel encadrant pour gérer la situation. Je veux bien que l’on parle de l’insécurité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur les chaînes d’information en continu, mais voilà une conséquence concrète de la réduction des dépenses de fonctionnement.

Nous savons très bien quelles seront les dépenses de fonctionnement rognées. Je pense notamment à l’aide sociale à l’enfance : des gamins seront abandonnés de plus en plus tôt, avec un suivi insuffisant. Un très grand nombre de ces jeunes laissés sur le côté finiront SDF. C’est pourquoi nous sommes radicalement opposés à l’article 16.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Nous refusons également la baisse réelle des dépenses de fonctionnement des collectivités – je parle de baisse réelle car l’augmentation autorisée sera inférieure à l’inflation. Cette logique de baisse des dépenses de fonctionnement, déjà expérimentée au travers des « contrats de Cahors », s’est avérée particulièrement délétère. Avec l’article 16 et l’article 23 instituant les contrats de confiance, vous allez affaiblir un peu plus les collectivités, qui subissent déjà de plein fouet l’explosion des coûts de l’énergie et supporteront peut-être aussi de futures hausses du point d’indice au vu de l’inflation prévue en 2023. Pour atteindre vos objectifs budgétaires, vous demandez trop d’efforts à nos collectivités. Ce n’est pas acceptable. Nous demandons donc la suppression de la trajectoire proposée.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il faut essayer d’être le plus objectif possible pour prendre la bonne décision.

Contrairement à ce que je viens d’entendre, l’article 16 ne prévoit pas une baisse des dépenses de fonctionnement mais une moindre hausse de ces dépenses.

Lorsqu’une collectivité contraint légèrement ses dépenses de fonctionnement, elle augmente sa capacité d’autofinancement et donc ses possibilités d’investissement. Ainsi, les contrats de Cahors ont effectivement permis de faire progresser les dépenses de fonctionnement un peu moins vite que l’inflation, et l’impact a été tout à fait positif puisque les investissements des collectivités ont augmenté de façon significative – les chiffres sont disponibles dans les rapports de la Cour des comptes et de la Banque postale.

Certes, les contrats de Cahors ont été très critiqués, mais ce que nous prévoyons aujourd’hui n’a rien à voir – nous en reparlerons lorsque nous aborderons l’article 23. En réalité, la question fondamentale est la suivante : les collectivités territoriales doivent-elles participer au redressement de nos finances publiques sur cinq ans ? Toutes les associations répondent par l’affirmative : elles veulent participer à l’« effort de guerre », si vous me permettez l’expression. En ont-elles la possibilité ? Je le crois. Je vous renvoie aux chiffres très objectifs communiqués par les instituts, par la Cour des comptes et par le Comité des finances locales (CFL) présidé par André Laignel : la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales a atteint en 2021 le niveau record de 40 milliards d’euros. La baisse anticipée pour 2022 est de 4 %, selon les chiffres de la Banque postale : aussi les collectivités devraient-elles avoir, à la fin de l’année, une capacité d’autofinancement légèrement inférieure à 40 millions d’euros.

La situation sera-t-elle difficile pour les collectivités territoriales l’année prochaine ? Oui, et elle le sera aussi pour l’État français, pour les entreprises et pour tout le monde. Il faut partager cet effort entre les différentes administrations – c’est une question de responsabilité. L’effort de 0,5 point peut vous paraître important, mais il me semble équilibré et les collectivités elles-mêmes y sont prêtes.

M. le président Éric Coquerel. Il est un peu téméraire d’affirmer que la quasi-totalité des associations auditionnées étaient favorables à une augmentation de leurs dépenses de fonctionnement inférieure de 0,5 point au niveau de l’inflation. C’est plutôt l’inverse qu’elles nous ont dit, quelles que soient leurs tendances politiques.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’article 16 fixe l’objectif de maîtrise de la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités pour les années 2023 à 2027, tandis que l’article 23 décline le mécanisme qui permet de garantir cette maîtrise.

Le fait de fixer un objectif est-il nouveau ? Non : de telles trajectoires étaient déjà tracées dans les lois de programmation précédentes. L’objectif d’évolution de la dépense locale (Odedel) existe depuis 2015, et nous avons d’ailleurs constaté qu’il a été respecté par les collectivités.

Certaines interventions que je viens d’entendre m’ont donné le sentiment que les collectivités ne seraient pas du tout conscientes de la nécessité de maîtriser la progression des dépenses de fonctionnement. Nous avons pourtant rencontré, avec Christophe Béchu et Caroline Cayeux, l’ensemble des associations d’élus pour échanger sur cette question, et toutes nous ont dit qu’elles étaient conscientes de cette nécessité, ne serait-ce que pour garder des marges de manœuvre pour investir, dans les années qui viennent, et opérer la transition écologique.

L’article 16 vise non pas à baisser les dépenses, comme je l’ai entendu, mais à maîtriser la progression des dépenses. Les collectivités locales dépenseront 31 milliards d’euros de plus au cours des cinq années à venir. Certes, cette augmentation sera en dessous du niveau de l’inflation, mais toutes les dépenses des collectivités ne seront pas touchées par cette dernière. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen du PLF : les dépenses d’énergie représentent 2 % du budget total des collectivités. La règle prévue pour ces dernières est d’ailleurs du même ordre que celle prévue pour l’État dans le projet de loi de programmation.

Certaines associations d’élus ont déclaré que cet objectif leur semblait atteignable. Je vous renvoie, monsieur le président, au communiqué de presse publié par Départements de France et son président, M. François Sauvadet : l’association « s’accorde sur la nécessité de travailler ensemble à une trajectoire de maîtrise des dépenses publiques qui relève pour l’essentiel de l’État et de diminuer les dépenses de 0,5 % par rapport à l’inflation prévisionnelle ». Elle explique ensuite qu’il faut évidemment tenir compte d’un certain nombre de dépenses non pilotables par les départements – nous en débattrons lors de l’examen des prochains amendements, qui évoqueront notamment la question des allocations individuelles de solidarité (AIS). Les collectivités sont donc parfaitement lucides et responsables.

L’investissement des collectivités est préservé. Ainsi, le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est passé de 5,7 milliards d’euros en 2017 à 6,7 milliards cette année ; on prévoit même 7,4 milliards en 2027.

En somme, l’article 16 vise à réitérer un objectif qui avait déjà été fixé et respecté par les collectivités locales, qui a fait ses preuves et qui est un gage de responsabilité collective pour la maîtrise de la progression de nos dépenses. Le mécanisme utilisé ne sera évoqué qu’à l’article 23, de même que le débat sur les contrats de Cahors.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je suis d’accord avec le rapporteur général : il faut être objectif et éviter de mélanger des situations très différentes. On compare des régions avec des communes, des départements avec des intercommunalités… Le ministre lui-même vient d’affirmer que les dépenses d’énergie représentaient 2 % du budget des collectivités ; or certaines communes se trouvent privées de bouclier tarifaire parce que leurs dépenses de fonctionnement dépassent 2 millions d’euros ou parce qu’elles emploient plus de dix collaborateurs.

Par ailleurs, ne sous-estimons pas les effets de l’inflation sur les rémunérations, les tarifs de l’énergie et le coût des travaux, qui compliqueront de plus en plus le bouclage des budgets au cours des prochaines années.

Lorsque vous mettez en avant la nécessité de faire participer les collectivités au redressement de nos finances publiques, vous ne tenez pas compte du fait que celles-ci sont tenues de présenter un budget en équilibre. Elles ne participent donc jamais à la dérive de nos comptes publics, contrairement à l’État qui, cette année encore, va devoir financer 158 milliards d’euros de déficit et, en comptant les refinancements, 270 milliards d’euros de dette.

Les collectivités du bloc communal, en particulier les intercommunalités, vont se trouver en grande difficulté pour investir, ce qui se répercutera sur notre cadre de vie, les services publics, le secteur du bâtiment et, plus généralement, notre économie. Ces collectivités ne sont absolument pas aidées ni protégées. Je ne dis pas qu’il faut subventionner à 100 % leurs dépenses d’énergie, mais qu’il faut davantage leur donner les moyens d’investir, par exemple, pour acquérir une souveraineté locale et atteindre l’autosuffisance en matière énergétique.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je partage en grande partie les propos de M. Di Filippo quant à l’hétérogénéité des collectivités territoriales, tant dans leur strate que dans leur niveau – régions, départements, bloc communal. L’étude de la Banque postale citée par notre rapporteur général prédit justement une baisse de la capacité d’autofinancement, notamment du bloc communal, qui subit le plus l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation – on voit bien les difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les cantines scolaires. Il ne faut donc pas mettre toutes les collectivités dans le même panier.

Nous avons adopté un dispositif de filet de sécurité qui s’appuie sur la baisse de la capacité d’autofinancement des collectivités. Même si je le considère comme inopérant, il montre bien que vous avez anticipé cette tendance. Qui dit baisse de la capacité d’autofinancement dit baisse des investissements, dans les deux à trois années à venir, ce qui est dramatique tant pour l’emploi local que pour notre capacité à répondre aux défis énergétiques, écologiques et sociaux. Nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce qui se passe dans les collectivités.

Enfin, monsieur le ministre, vous mettez en avant une déclaration de M. Sauvadet, mais neuf associations du bloc communal – l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Association des maires de l’Île-de-France (Amif), l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’Association des petites villes de France (APVF), Villes de France, l’Association des maires ville et banlieue de France, Intercommunalités de France, France urbaine et l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) – viennent de lancer un appel commun pour vous demander une compensation de la hausse des prix des énergies et, plus généralement, de l’inflation. Nous ne pouvons y rester sourds. Pourquoi ne pas créer une dotation d’autofinancement fondée sur le principe de péréquation verticale ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le fardeau de l’inflation doit évidemment être partagé. Le ministre et le rapporteur général l’ont dit : l’État ne peut pas assumer seul et compenser à l’euro près l’ensemble des coûts liés à l’inflation supportés par les collectivités et les entreprises. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’État ne doit pas aller au secours des plus petites collectivités, notamment, qui se trouvent en difficulté du fait de dépenses qu’elles ne peuvent assumer. C’est tout le sens de l’action que nous avons menée l’été dernier, avec le rapporteur général, en créant un filet de sécurité de 430 millions d’euros qui sera opérationnel dans les prochains jours et en compensant intégralement la revalorisation du RSA pour les départements.

Il est absolument faux de parler de baisse des dépenses de fonctionnement. L’inflation est prévue à 4,3 % ; si l’on retire 0,5 point, cela fait 3,8 %. Les dépenses de fonctionnement des collectivités continueront donc à augmenter. Ne dites pas, monsieur Guiraud, que ce budget permettra aux élèves de rentrer dans les écoles avec des machettes !

Il faut enfin souligner que l’État maintient à des niveaux historiquement hauts l’ensemble des dotations destinées aux collectivités en faveur de l’investissement et de la transition énergétique, notamment. La dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) sont maintenues à plus de 2 milliards d’euros, tandis que le nouveau fonds pour accélérer la transition écologique des collectivités sera doté de 1,5 milliard d’euros. Essayons donc d’être un peu moins caricaturaux !

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nous ne sommes certes pas élus dans les mêmes territoires, mais il est des endroits où ce que décrit M. Guiraud ne relève pas de la caricature. Dans ma circonscription, les systèmes sanitaire, médico-social et scolaire sont en train de s’effondrer. Un animateur s’est fait poignarder par un jeune dans un centre d’éducation spécialisée parce qu’il n’y a plus assez de personnel et qu’il doit gérer seul une classe de trente élèves. Nous recevons dans nos permanences des gens qui viennent nous raconter tout cela. Excusez-nous de décrire la réalité de certains territoires difficiles ! La France est hétérogène : toutes les collectivités ne sont pas les mêmes, et elles ne souffrent pas toutes du même taux de chômage – il est de 29 % chez moi.

Je ne sais pas quels représentants des collectivités vous avez rencontrés mais, de notre côté, nous constatons que vos réformes ne suscitent pas l’enthousiasme. Les élus de toutes les collectivités de Seine-Maritime, réunis il y a deux jours, nous ont dit qu’ils étaient terrifiés et qu’ils avaient déjà fait tous les efforts possible pour être plus économes. On commence à leur prendre le strict nécessaire dont ils ont besoin pour exercer leurs missions de plus en plus nombreuses. André Laignel, vice-président de l’AMF, a même rebaptisé votre contrat de confiance « contrat de méfiance ».

Pour respecter les exigences gouvernementales, les collectivités devraient économiser 1 milliard d’euros en 2023, 2 milliards en 2024, 3 milliards en 2025, 4 milliards en 2026 et 6 milliards en 2027. Vous voyez bien que cela ne tient pas ! Les élus de toutes les collectivités, de gauche comme de droite, disent qu’ils ont peur de votre réforme. Ce discours n’est pas celui de gauchistes qui exagèrent, mais celui de maires ruraux appartenant à tous les partis, même de droite.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Nous aurons sans doute en séance un débat important au sujet des collectivités territoriales, qui sont des acteurs économiques au même titre que les entreprises et les ménages. L’inflation qui pèse sur les ménages et les entreprises affecte évidemment aussi les collectivités – je dirais même qu’elle les affecte encore plus, parce que le panier des maires est plus important que celui des ménages. M. Lefèvre le sait très bien.

En 2014, j’avais soutenu la mise à contribution des collectivités dans le cadre de l’effort de redressement des comptes publics, mais j’avais combattu la pratique malheureuse du coup de rabot uniforme. En effet, tout le monde l’a dit ce matin, il y a une très grande hétérogénéité entre les différentes catégories de collectivités et à l’intérieur même de ces catégories. La situation n’est pas du tout la même d’une région à l’autre ou d’un département à l’autre ; il en est de même au sein du bloc communal. Méfiez-vous des moyennes qui, s’agissant de collectivités locales, ne veulent absolument rien dire.

Vous vous félicitez que le pacte de Cahors ait été respecté. Il l’a été, en effet, y compris par les nombreuses collectivités qui n’y étaient pas soumises. Cela montre bien que les élus locaux ne sont pas hors sol et qu’ils ont tout à fait conscience de la situation. Depuis des années, ils s’acharnent à tenter de maîtriser leurs dépenses publiques tout en maniant le levier fiscal, lorsqu’ils en disposent encore, avec parcimonie.

M. Kévin Mauvieux (RN). On parle toujours de mesures de bon sens. Or le fait de mettre dans le même panier l’ensemble des collectivités territoriales, l’ensemble des mairies de France, et de considérer qu’elles doivent toutes participer au désendettement de l’État est totalement hors sol. Il est vrai que certaines communes se portent plutôt bien financièrement, souvent parce qu’elles ont des projets dont elles anticipent la mise en œuvre, en milieu rural, malgré l’absence de soutien – elles s’autofinancent. D’autres communes, en revanche, se portent très mal. Quoi qu’il en soit, il est inadmissible de taper encore une fois sur les mairies, qui tentent de préserver un équilibre budgétaire très précaire. Elles subissent un élargissement continu de leurs compétences, sans que les financements suivent forcément, ainsi que la hausse des tarifs des énergies. Certes, ce poste de dépenses n’est pas le plus important dans un budget municipal, mais il explose, surtout pour certaines toutes petites communes qui ont du mal à faire face à cette situation. L’État s’endette du fait de sa mauvaise gestion : il doit donc résorber sa dette tout seul.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis d’accord avec beaucoup de choses qui ont été dites.

En effet, monsieur Di Filippo, les situations sont très différentes ; c’est pourquoi l’article 23 n’assigne pas un objectif individualisé à chaque collectivité, contrairement à ce que faisaient les contrats de Cahors. Nous sommes donc obligés de donner des moyennes. Personne ne dit que toutes les collectivités territoriales se portent bien ! Nous savons que certaines d’entre elles se trouvent en grande difficulté, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous votons chaque année des mesures spécifiques pour les aider – nous le ferons encore cette année, s’agissant en particulier du bouclier énergétique.

Nous ne diminuons pas les recettes des collectivités territoriales. Les plus importantes sont la TVA, à hauteur de 48 milliards d’euros, et la taxe foncière, à hauteur de 40 milliards. La première augmentera l’année prochaine de 5 %, soit 2,5 milliards de recettes de plus pour les collectivités, tandis que la seconde progressera de 7 %, soit 2,8 milliards. Rien que pour ces deux recettes, les collectivités bénéficieront donc l’année prochaine de 5,3 millions d’euros supplémentaires – et c’est tant mieux. Nous essayons simplement de faire en sorte que leurs dépenses de fonctionnement augmentent un peu moins afin que leurs investissements restent plus importants.

Les dépenses des collectivités territoriales s’élèvent à 300 milliards d’euros par an, à comparer aux 500 milliards du budget général de l’État. Les ordres de grandeur sont assez proches. Nous ne pouvons donc pas définir une trajectoire d’assainissement de nos finances publiques sans y associer, d’une manière ou d’une autre, les collectivités territoriales qui, une fois de plus, partagent notre objectif.

La commission rejette les amendements de suppression.

Amendement CF60 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit de faire en sorte que l’objectif de maîtrise des dépenses des collectivités tienne compte de l’évolution de leurs recettes.

Monsieur Mauvieux, 28 000 communes sont aujourd’hui couvertes par les tarifs réglementés de l’électricité et du gaz : elles ne subiront donc qu’une augmentation limitée à 15 %.

Madame Pires Beaune, les dépenses d’énergies représentent 2 % du budget des collectivités, contre 9 % pour les ménages.

Enfin, je rappelle à tous ceux qui pensent que l’État serait un mauvais payeur ou un mauvais compensateur de dépenses transférées que les recettes de TVA augmenteront de 2,1 milliards d’euros en octobre.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas certain de la valeur normative de cet amendement. Sagesse.

La commission adopte l’amendement CF60.

L’amendement CF47 de M. Daniel Labaronne est retiré.

Amendement CF14 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement proposé par l’association France urbaine vise à alléger l’effort des collectivités tout en maintenant une trajectoire de réduction de la dépense. Il s’agit de positionner le curseur de sorte à dégager un solde structurel positif sans contrecarrer l’effort d’investissement des collectivités ni demander à ces dernières d’infléchir leurs dépenses à un rythme plus important que dans la précédente loi de programmation.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF14.

Elle adopte l’article 16 modifié.

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Article additionnel après l’article 16
Engagement des collectivités territoriales
dans une démarche de « budget vert »

Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du rapporteur général, cet article prévoit que les collectivités territoriales s’engagent, à compter de 2023, dans une démarche de « budget vert ».

Depuis le PLF pour 2021, est joint au projet de loi de finances un rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État. Sa première partie présente l’impact environnemental des crédits budgétaires et des dépenses fiscales (c’est le « budget vert » proprement dit). Sa deuxième partie offre une vision consolidée des financements publics et privés mobilisés en faveur de la transition écologique et sa troisième partie présente les ressources publiques et la fiscalité à caractère environnemental.

Le présent article propose que les collectivités territoriales, à l’instar de l’État, s’engagent dans une démarche de « budget vert », afin de permettre un véritable suivi, au niveau national, de l’ensemble des dépenses publiques ayant un impact favorable ou défavorable sur l’environnement.

À cet effet, il prévoit tout d’abord que les collectivités territoriales et groupements dont les dépenses totales au titre de l’année 2022 sont supérieures à 50 millions d’euros s’engagent, à compter de 2023, dans une démarche de budget vert, selon des modalités définies dans le cadre d’une concertation entre l’État et les collectivités territoriales.

Le champ des dépenses concernées pourrait ainsi inclure les dépenses d’investissement qui contribuent le plus au « verdissement » de la dépense (par des investissements en faveur de la transition écologique).

Le présent article prévoit ensuite qu’à compter de 2024 le budget de ces collectivités comporte une annexe qui présente l’ensemble des dépenses selon leur caractère favorable, défavorable ou neutre sur l’environnement.

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Amendement CF77 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La France est le premier pays à s’être doté d’un budget vert. Pour la visibilité de l’action publique, il convient que les collectivités territoriales disposent aussi de cet outil. Elles sont d’ailleurs nombreuses à s’être déjà engagées dans cette démarche de budgétisation verte.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes favorables à l’esprit de cet amendement. Nous rappelons l’insuffisance du budget vert présenté aujourd’hui par l’État.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). On explique aux collectivités locales qu’il faut faire des efforts pour réduire leurs dépenses en fonctionnement, donc rogner sur les effectifs de fonctionnaires, tout en leur donnant des missions supplémentaires. Nous nous abstiendrons.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Seules les collectivités dont les dépenses totales sont supérieures à 50 millions d’euros sont concernées. Il ne s’agit que de concrétiser une démarche dans laquelle la plupart sont déjà engagées car elles sont motrices dans le domaine de la transition écologique. Nous n’imposons rien ; il leur reviendra de déterminer une nomenclature commune.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les 50 millions recouvrent-ils aussi le budget annexe, et aussi bien les dépenses de fonctionnement que d’investissement ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’apporterai cette précision en séance.

La commission adopte l’amendement CF77.

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Chapitre IV
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques de sécurité sociale

Article 17
Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article fixe l’objectif de dépenses des ROBSS à un niveau équivalent à 21,8 % du PIB pour les années 2023, 2024 et 2025. Il fixe également le niveau maximal de l’ONDAM à 244,1 milliards d’euros en 2023, 249,7 milliards d’euros en 2024 et 256,4 milliards d’euros en 2025, ainsi que les taux d’évolution maximaux de ses sous-objectifs pour les mêmes années.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article avec deux modifications rédactionnelles.

I.   l’État du droit

En application du 3° de l’article 1er B de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([42]), les lois de programmation des finances publiques déterminent « l’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ainsi que l'objectif national de dépenses d’assurance maladie de l'ensemble de ces régimes et le taux d'évolution de ses sous-objectifs ».

Sur ce fondement, le présent article détermine le niveau maximal de l’objectif de dépenses des ROBSS et du FSV pour les années 2023 à 2025, ainsi que le plafond de l’ONDAM et les taux d’évolution maximaux de ses sous-objectifs pour les mêmes années.

A.   l’objectif de dépenses des Régimes obligatoire de base de sécurité sociale (robss)

Les ROBSS regroupent les différents régimes obligatoires de sécurité sociale, chargés de couvrir les assurés contre les différents risques (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, famille et désormais autonomie).

Le plus important de ces ROBSS est le régime général des salariés du privé, qui couvre 88 % de la population française. Toutefois, les ROBSS constituent un ensemble plus large que le seul régime général. Il existe aux côtés de ce dernier d’autres ROBSS : le régime agricole qui couvre les exploitants et les salariés agricoles, et les différents régimes spéciaux (celui des fonctionnaires, de la SNCF, d’EDF et de GDF, des clercs de notaires, des mines, des cultes, ou encore des marins).

Les ROBSS sont compris au sein de l’ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO). Ces dernières englobent les ROBSS, mais également les régimes de retraite complémentaire (principalement l’AGIRC-ARRCO), l’assurance chômage, les organismes concourant au financement des ROBSS (par exemple, la caisse d’amortissement de la dette sociale) et le service public hospitalier.

L’objectif de dépenses annuel des ROBSS, ainsi que les mesures ayant un effet sur leurs dépenses, trouvent leur place dans les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) ([43]). Dans une approche pluriannuelle, les lois de programmation des finances publiques déterminent en la matière un objectif triennal.

● L’article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP 2018-2022) a fixé pour les années 2018 à 2020 le niveau maximal, en volume et – de manière inédite – en part du PIB, de l’objectif de dépenses des ROBSS.

VALEURs ET PARTs MAXIMALES dans le pib
DE L’objectif de dÉpenses des robss fixÉ par la LPFP 2018-2022

(en milliards d’euros et en pourcentage)

 

2018

2019

2020

En % du PIB

21,2

21,0

20,8

En milliards d'euros courants

497,7

508,1

519,1

Évolution annuelle

 

2,1 %

2,2 %

Source : article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et commission des finances.

Note : la ligne « Évolution annuelle » ne figure pas dans l’article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le législateur prévoyait une augmentation en volume des dépenses des ROBSS (+ 4,3 % sur la période), et une légère diminution de leur poids rapporté au PIB (– 0,4 point de pourcentage sur la période, pour atteindre 20,8 % du PIB en 2020).

● Si les dépenses des ROBSS pour 2018 et 2019 se sont révélées assez proches des objectifs fixés en LPFP, l’incidence de la crise sanitaire de la Covid-19 a fortement pesé sur les dépenses des régimes obligatoires dès 2020.

dÉpenses des rÉgimes obligatoires de base
de sÉcurité sociale entre 2018 et 2020

 

2018

2019

2020

En % du PIB (en euros courants)

21,2

21,0

23,3

En milliards d’euros

499,5

509,3

536,6

Évolution annuelle

 

2,0 %

5,4 %

Source : commission des finances à partir de l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et des comptes de la Nation de l’INSEE pour les années 2018 à 2020.

Ainsi, en 2020, les dépenses des ROBSS ont atteint 536,6 milliards d’euros, dépassant de 17,5 milliards d’euros l’objectif de dépenses fixés en LPFP, et ont cru de 5,4 % par rapport à 2019, contre une prévision de 2,2 %.

La crise sanitaire, et par conséquent l’augmentation massive des dépenses des branches maladies des régimes obligatoires de base, qui sont passées de 218,1 milliards d’euros à 240,2 milliards d’euros entre 2019 et 2020 (+ 10,1 %) explique la majeure partie de ce dépassement.

Les effets de la crise sanitaire se sont maintenus au cours des exercices 2021 et 2022, pour lesquels la LPFP 2018-2022 ne fixait pas d’objectif de dépenses. Ainsi, les dépenses des ROBSS ont atteint 567 milliards d’euros en 2021, en hausse de 5,7 % par rapport à 2020, et les prévisions non-définitives font état pour l’année 2022 de 589,3 milliards d’euros de dépenses ([44]), en hausse de 3,9 % par rapport à 2021.

B.   L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ondam) et ses sous-objectifs

L’ONDAM, instauré par la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, est un objectif de dépenses de santé, composé de plusieurs sous-objectifs ([45]) : dépenses de soins de ville, dépenses relatives aux établissements de santé, dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées, dépenses relatives aux établissements et services pour personne handicapées, dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement, et les autres prises en charge (dotations à des établissements spécifiques dont ceux spécialisés en addictologie, soins des Français à l’étranger…).

L’ensemble des ROBSS sont intégrés dans le calcul de l’ONDAM et son périmètre est interbranches : il excède le périmètre strict de la branche maladie, pour inclure également des dépenses relevant de la branche AT-MP et les dépenses de la branche autonomie s’agissant du financement des établissements médico-sociaux. A contrario, l’ONDAM n’inclut pas l’intégralité des dépenses de la branche maladie (il exclut par exemple les prestations en espèces maternité et invalidité).

● L’article 12 de la LPFP 2018-2022 a fixé les plafonds de l’ONDAM, à périmètre constant et en milliards d’euros, pour les années 2018 à 2020. Cette loi ne fixe pas, en revanche, de plafond d’évolution des sous-objectifs de l’ONDAM (la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, alors en vigueur, ne l’exigeait pas).

plafond de l’ondam fixÉ en LPFP 2018-2022 pour les annÉes 2018 à 2020

(en milliards d’euros courants)

 

2018

2019

2020

En milliards d'euros

195,2

199,7

204,3

Évolution annuelle

 

2,3 %

2,3 %

Source : article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Note : la ligne « Évolution annuelle » ne figure pas dans l’article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le législateur prévoyait une hausse de 4,7 % de l’ONDAM sur la période, et un rythme de croissance annuelle de 2,3 %.

Les LFSS pour 2018 et 2019 ont fixé des niveaux d’ONDAM proches des plafonds déterminés en LPFP (respectivement 195,2 milliards d’euros et 200,3 milliards d’euros). Les dépenses effectivement enregistrées dans le périmètre de l’ONDAM ont atteint 195,2 milliards d’euros en 2018 et 200,2 milliards d’euros en 2019, un niveau identique à la prévision et proche de la prévision pluriannuelle.

● Si la LFSS pour 2020, promulguée avant le déclenchement de la crise sanitaire, s’inscrivait dans le sillage de la programmation, avec un ONDAM prévu de 205,6 milliards d’euros, les dépenses relevant de l’ONDAM ont finalement atteint 219,4 milliards d’euros en 2020, supérieur de 6,6 % à l’ONDAM fixé en LFSS pour 2020 et de 9,4 % par rapport à 2019. Cette croissance massive s’explique par les surcoûts engendrés par la crise sanitaire (18,3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, et dans une moindre mesure, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, par les premiers effets du « Ségur de la santé »).

Évolution de l’ONDAM de 2012 À 2022

(en milliards d’euros)

 

ONDAM voté

(4ème partie de la LFSS
pour l’année n)

ONDAM rectifié
(2ème partie de la LFSS
pour l’année n + 1)

ONDAM constaté

(1ère partie de la LFSS
pour l’année n + 2)

2012

171,2

170,8

170,1

2013

175,4

174,8

173,8

2014

179,1

178,3

178,0

2015

182,3

181,9

181,8

2016

185,2

185,2

185,1

2017

190,7

190,7

190,7

2018

195,2

195,4

195,2

2019

200,3

200,4

200,2

2020

205,6

218,9

219,4

2021

225,4

238,8

240,1

2022

236,8

245,9

s. o.

Source : commission des finances d’après les LFSS pour les années 2012 à 2022 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Note : la circonstance que des montants identiques puissent apparaître pour le même exercice tient à des modifications concernant les sous-objectifs de l’ONDAM ; l’exercice 2014 a également vu l’adoption d’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) prévoyant un ONDAM de 178,3 milliards d’euros.

Les montants en italique figurent dans le PLFSS pour 2023, et n’ont donc pas encore été adoptés par le législateur.

L’ONDAM pour 2021 confirme cette tendance haussière : fixé à 225,4 en LFSS pour 2021 et rectifié à 238,8 milliards d’euros en LFSS pour 2022, il a finalement été exécuté à hauteur de 240,1 milliards d’euros. Le comité d’alerte de l’ONDAM a en effet rehaussé dès son avis de juin 2021 les prévisions de dépense, soulignant l’impossibilité de respecter les objectifs fixés ([46]), en raison des surcoûts engendrés par les vagues successives de Covid-19, et plus particulièrement les dépenses de dépistage (4,9 milliards d’euros) et de vaccination (4,6 milliards d’euros).

L’ONDAM pour 2022 a été fixé à 236,8 milliards d’euros, et est révisé dans le PLFSS pour 2023 pour atteindre 245,9 milliards d’euros. La crise sanitaire, et plus particulièrement la cinquième vague épidémique, explique cette rectification à la hausse de l’ONDAM.


dÉpenses constatÉes relevant du champ de l’ondam entre 2012 et 2021

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances à partir des lois de financement de la sécurité de 2018 à 2022 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Ainsi, entre 2018 et 2021, les dépenses relevant du champ de l’ONDAM ont cru de 23 %, contre une croissance de 12,1 % entre 2012 et 2017. Les effets de la crise sanitaire et l’entrée en vigueur progressive des mesures de revalorisation du « Ségur de la santé » se traduisent dans la croissance soutenue des dépenses relevant du champ de l’ONDAM au cours des trois dernières années.

II.   le dispositif proposé

A.   l’objectif de dépenses des Régimes obligatoire de base de sécurité sociale

Le projet de loi de programmation des finances publiques fixe un objectif de dépenses des ROBSS, en euros et en pourcentage du PIB, pour la période triennale allant de 2023 à 2025. L’objectif fixé en volume est de 601,8 milliards d’euros en 2023, 627,3 milliards d’euros en 2024 et 650,3 milliards d’euros en 2025.

objectif de dÉpenses des robss et du fsv proposÉ par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2023 à 2027

(en pourcentages et en milliards d’euros courants)

ROBSS et FSV

2023

2024

2025

En % du PIB

21,8

21,8

21,8

En milliards d’euros courants

601,8

627,3

650,3

Évolution annuelle

 

4,2 %

3,7 %

Source : article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et commission des finances.

Note : la ligne « Évolution annuelle » ne figure pas dans l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Rapporté au PIB, lui aussi en augmentation au cours de la période ([47]), ces dépenses devraient représenter 21,8 % de la richesse nationale au cours des trois années considérées.

La progression proposée du niveau de dépenses maximales des ROBSS sur la période est de 8 %, tandis que la dernière LPFP proposait une évolution de l’ordre de 4 % sur trois ans. Le rythme annuel de progression des dépenses des ROBSS est également plus rapide que celui qui avait été fixé par la LPLF précédente (2,1 % entre 2018 et 2019 et 2,2 % entre 2019 et 2020).

La branche vieillesse, et dans une moindre mesure la branche famille, expliquent la part la plus importante de cette progression.

prÉvision des dÉpenses des branches des rÉgimes obligatoires de base

(en milliards d’euros et en pourcentages)

 

2023

2025

Évolution en pourcentage entre 2023 et 2025

Évolution en volume entre 2023 et 2025

Maladie

238,3

249,4

4,7 %

+ 11,1

ATMP

14,8

15,5

4,7 %

+ 0,7

Famille

55,3

59,8

8,1 %

+ 4,5

Vieillesse

273,3

303,3

11,0 %

+ 30

Autonomie

37,3

40,5

8,6 %

+ 3,2

Source : commission des finances à partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

La croissance de l’objectif de dépenses des ROBSS au cours de la période et comparativement à la période précédente doit cependant être nuancée par deux éléments :

– au contraire de la précédente, cette programmation inclut l’objectif de dépenses du fonds de solidarité vieillesse (FSV, qui assure le financement d’avantages vieillesse à caractère non contributifs), dont les dépenses sont estimées à 19,3 milliards d’euros en 2023, 19,7 milliards d’euros en 2024 et 20 milliards d’euros en 2025 ([48])  ;

– l’inflation, si elle devait ralentir, se maintiendrait à un niveau élevé au cours des prochaines années (4,3 % en 2023, 3 % en 2024, 2,1 % en 2025, d’après le scénario de finances publiques sous-jacent au présent projet de loi de programmation des finances publiques). Ainsi, l’augmentation réelle de l’objectif de dépenses des ROBSS serait proche de 1,2 % en 2024 et 1,6 % en 2025. Ces estimations sont toutefois à considérer avec prudence, au regard de l’incertitude qui pèse sur les niveaux d’inflation des mois et années à venir.

B.   L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ondam) et ses sous-objectifs

● Le projet de loi de programmation fixe un plafond pour les dépenses relevant du champ de l’ONDAM pour les années 2023, 2024 et 2025. L’ONDAM devrait atteindre un niveau maximal de 244,1 milliards d’euros en 2023, de 249,7 millions d’euros en 2024 et de 256,4 milliards d’euros en 2025.

plafond de l’ondam proposÉ par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

(en milliards d’euros courants et en pourcentages)

 

2023

2024

2025

En milliards d’euros

244,1

249,7

256,4

Évolution annuelle

 

2,3 %

2,7 %

2,7 %

Source : article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et commission des finances.

Note : la ligne « Évolution annuelle » ne figure pas dans l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

La croissance proposée du plafond de l’ONDAM atteint 5 % entre 2023 et 2025, contre une évolution de 4,7 % prévue entre 2018 et 2020 dans la LPFP pour 2018 à 2022. Le rythme annuel de croissance resterait compris entre 2,3 % et 2,7 %, proche du rythme de croissance annuelle de 2,3 % prévu dans le cadre de la dernière LPFP.

Les rythmes de croissance annuelle prévus par le projet de loi de programmation sont en revanche nettement inférieurs aux rythmes de croissance annuelle observés depuis 2020 (9,6 % en 2020 et 9,4 % en 2021), témoignant de la diminution puis de la suppression attendues des dispositifs de crise.

● Enfin, le présent article fixe les taux maximaux d’évolution annuelle des sous-objectifs de l’ONDAM.

taux maximaux d’évolution annuelle des sous-objectifs de l’ondam proposÉs par le projet de loi de programmation des finances publiques

(en pourcentage)

Sous-objectifs ONDAM

2023

2024

2025

Soins de ville

2,9 %

2,3 %

2,3 %

Établissements de santé

4,1 %

2,9 %

2,8 %

Établissements et services pour personnes âgées

5,1 %

4,8 %

4,8 %

Établissements et services pour personnes handicapées

5,2 %

3,1 %

3,1 %

Fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement

1,7 %

2,0 %

2,0 %

Autres prises en charge

3,9 %

3,2 %

3,2 %

Source : article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

L’année 2023 se caractérise par des taux de croissance des sous-objectifs toujours importants, compris entre 1,7 % et 5,2 %. Ils témoignant des effets de l’inflation sur les dépenses des établissements de santé, des établissements et services pour personnes âgées, et des établissements et services pour personnes handicapées, ainsi que des effets du « Ségur de la santé ».

Les taux d’évolution devraient ensuite fléchir, pour se stabiliser à des niveaux moindres et plus homogènes en 2024 et 2025 (entre 2 % et 4,8 %).

*

*     *

Amendements de suppression CF17 de M. Éric Coquerel et CF36 de M. Nicolas Sansu.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Alors que l’été a été terrible pour les soignants, qu’on a vu des services d’urgences fermer, un système de santé sous l’eau, cet article prévoit de réduire encore l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). À la lecture de ce projet de loi, on a le sentiment que le Covid n’a pas existé, que les urgences n’ont pas connu de crise… on croit rêver ! Rappelons que, depuis 2017, on a déjà économisé 11 milliards et fermé 21 000 lits.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Aujourd’hui, 12 % des Français n’ont pas de médecin traitant, des services hospitaliers sont au bord de la rupture, le vieillissement de la population entraîne une augmentation des besoins en matière de prévention et de soins médico-sociaux. L’Ondam ne reflète pas du tout les exigences qui s’imposeront dans les années à venir.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La suppression de cet article ne serait pas une bonne chose puisqu’il découle d’une obligation de la loi organique. Ne pas inclure les dépenses de santé dans la loi de programmation n’aurait pas plus de sens, compte tenu de leur poids dans les finances publiques. Je vous invite donc, plutôt, à proposer d’autres chiffres – ce projet de loi de programmation est là, aussi, pour être contesté.

Avec la crise sanitaire, l’évolution de l’Ondam a été de + 9,4 % en 2020 et de + 8,7 % en 2021. Elle a été fixée à + 5,4 % cette année, ce qui est logique compte tenu du reflux de la pandémie. Une augmentation de 3,7 %, comme elle est prévue pour 2023, demeure très significative.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Tous les ans, on explique qu’il faut augmenter les dépenses de sécurité sociale. La commission des comptes de la sécurité sociale estime que, pour répondre à la stricte évolution naturelle, l’Ondam devrait évoluer de + 4 %. Vous proposez une hausse de 3,7 % seulement. Expliquez donc aux Français que vous exercez encore des restrictions budgétaires sur l’hôpital !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Rappelons que l’Ondam, entre 2012 et 2017 a connu des augmentations parfois inférieures à + 2 %. Cette hausse de 3,7 % permettra de financer à la fois le plan « hôpital » et le plan « urgences ». Cette majorité, comme nulle autre auparavant, a investi dans l’hôpital public – 13 milliards, auxquels il faut ajouter 7 milliards pour les rémunérations.

La commission rejette les amendements de suppression.

Elle adopte les amendements rédactionnels CF71 et CF72 du rapporteur général.

La commission adopte l’article 17 modifié.

*

*     *

Article 18
Encadrement des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires
de base de la sécurité sociale et de l’établissement de retraite additionnelle
de la fonction publique

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article fixe un objectif de stabilisation à périmètre constant, en valeur et en moyenne au cours de la période allant de 2023 à 2027, des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale. Les dépenses de gestion administrative de l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) sont également soumises à cet encadrement.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le premier alinéa de l’article 1er D de la LOLF dispose que « la loi de programmation des finances publiques peut comporter des règles relatives à la gestion des finances publiques ne relevant pas du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à l’information et au contrôle du Parlement sur cette gestion ; ces règles peuvent en particulier avoir pour objet d'encadrer les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l’endettement de tout ou partie des administrations publiques ».

C’est sur ce fondement que reposent les articles 18, 19 et 20 du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027.

Le premier de ces articles vise l’encadrement des dépenses de gestion administratives, dont l’évolution est déterminée par les conventions d’objectifs et de gestion (COG), l’outil de performance et de pilotage des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale. Les dépenses de gestion faisaient déjà l’objet d’un encadrement dans la loi de programmation n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

A.   Les conventions d’objectif et de gestion : un outil de pilotage aux effets significatifs

L’État et les caisses nationales des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) concluent à échéance régulière des conventions d’objectifs et de gestion (COG), instituées par les ordonnances du 24 avril 1996.

Les ROBSS comprennent le régime général des salariés du privé, dont les différents risques sont gérés par des caisses nationales dédiées et leurs réseaux locaux, mais également le régime agricole géré par la MSA et les différents régimes spéciaux (des fonctionnaires, de la SNCF, d’EDF et de GDF, des clercs de notaires, des mines, des cultes, ou encore des marins).

1.   Un outil de performance et de programmation budgétaire

De manière pluriannuelle, les COG comprennent des engagements réciproques et dégagent des axes progression et des objectifs concernant divers domaines. Parmi ces derniers figurent la performance, la relation avec les assurés et les cotisants, l’action sociale, la gestion des ressources humaines ou encore la numérisation.

Ces objectifs s’accompagnent systématiquement d’une programmation budgétaire contraignante, via le pilotage des dépenses dites à caractère limitatif. Ces dépenses regroupent les dépenses de personnel, les autres dépenses de fonctionnement (dépenses de gestion courante et dépenses de fonctionnement informatique) et les dépenses d’investissement. Leur montant est arrêté pour chacune des caisses et pour chaque exercice par les COG.

Ces dépenses à caractère limitatif s’opposent aux dépenses à caractère évaluatif, dont les montants sont arrêtés de manière indicative pour chaque exercice budgétaire et peuvent être ajustés dans le cadre des budgets annuels successifs (il s’agit par exemple des dotations aux amortissements, de charges exceptionnelles, ou encore de la contribution au financement des juridictions sociales).

2.   Un bilan satisfaisant des COG arrivant à expiration

La sixième génération des COG des caisses des branches du régime général arrive à expiration à la fin de l’année 2022 : sont concernées la COG de la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), de la caisse nationale d’assurance maladie accidents du travail et maladies professionnelles (CNAM AT-MP), de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et de l’Urssaf caisse nationale (anciennement agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS).

D’autres COG ont déjà expiré, et ont, pour certaines, été prolongées. À ce titre, la COG de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) a fait l’objet d’un avenant de prolongation en 2021 afin qu’elle puisse être renégociée en amont des COG du régime général ([49]). La nouvelle COG n’a pas été signée à ce stade.

Les caisses des régimes spéciaux sont également tenues de conclure une COG. Par conséquent, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG), la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CNASSM), la caisse de retraite du personnel de la RATP (CRP RATP), la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRP SNCF) et l’établissement national des invalides de la marine (ENIM) ont conclu des COG avec l’État au cours des dernières années.

les cog en cours et les dernières cog expirÉes conclues entre L’État et les caisses nationales de sécurité sociale

Source :  annexe 2 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Note : la MSA a signé une COG pour la période 2021-2025, la CAMIEG a signé une COG pour la période 2022-2026, la CRPCEN a signé une COG pour la période 2021-2025, la CANSSM a signé une COG pour la période 2022-2024, la CRP RATP a signé une COG pour la période 2022-2026, la CPRP SCNF a signé une COG pour les années 2019-2023, l’ENIM a signé une COG pour les années 2022-2026, l’EN3S a signé une COG pour les années 2022-2026.

L’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) – soit l’établissement public à caractère administratif en charge de la gestion du régime public de retraite additionnel obligatoire des fonctionnaires, aussi appelée « retraite additionnelle » – conclut également des COG avec l’État, la dernière en date couvrant la période 2022-2026.

En 2020, les dépenses à caractère limitatif des régimes obligatoire de base, y compris les dépenses d’investissement, représentaient 11,46 milliards d’euros, dont 8,84 milliards d’euros de dépenses de personnel.

Les COG successives ont permis une maîtrise des dépenses de gestion administrative : les dépenses à caractère limitatif, hors investissement, du régime général (qui représente 87 % des dépenses des caisses) ont diminué de 8,76 % entre 2013 et 2019 ([50]). Si le niveau des économies est hétérogène entre les caisses, la baisse générale des dépenses de gestion traduit les économies permises par les COG 2014-2017, puis par les COG 2018-2022.

Si une nouvelle hausse des dépenses de fonctionnement est observée en 2020 (+ 12 % pour le régime général), elle s’explique par les dépenses exceptionnelles engendrées par la crise de la Covid-19 (dont des compléments de rémunération et des recrutements d’agents en CDD pour assurer la mise en place des dispositifs de contact tracing).

Les dépenses de personnel constituent plus des deux tiers des dépenses de fonctionnement des caisses, qui délivrent un service aux assurés et ont à ce titre besoin de personnels nombreux. En raison de la prééminence des dépenses de personnel, les COG font de la maitrise de la masse salariale un axe majeur de régulation des dépenses, via le contrôle de l’évolution des effectifs et l’encadrement de l’évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP). Au total, entre 2004 et 2020, le nombre d’ETP moyen annuel du régime général est passé de 166 643 à 147 332.

Au-delà des aspects budgétaires, les COG ont permis la mise en œuvre de mesures de performance, de numérisation, de simplification et d’amélioration du service rendu, qui se traduit par l’indicateur de satisfaction des assurés : pour la CNAM par exemple, il est passé de 79,7 % en 2016 à 86,7 % en 2020.

B.   Les dispositions relatives aux COG dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

L’article 14 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoyait que les dépenses de gestion administrative exécutée dans le cadre des COG par les régimes obligatoires de sécurité sociale et par l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique devaient diminuer d’au moins 1,5 % en moyenne annuelle sur la période 2015-2022, à périmètre constant.

II.   le dispositif proposÉ

Le présent article prévoit que les dépenses de gestion administratives prévues par les COG signées à compter du 1er octobre 2022 entre l’État et les régimes obligatoires de sécurité sociale et de l’ERAFP sont stables sur la période allant de 2023 à 2027.

Il précise que ces dépenses doivent être stables sur la période à deux égards : à la fois en valeur – les dépenses de gestion seront évaluées à prix courants, et intègreront donc les effets de l’inflation – et en moyenne – si des évolutions sont possibles d’une année à l’autre, elles doivent se compenser sur la période.

Si cet article prolonge l’encadrement des dépenses de gestion des régimes obligatoires de sécurité sociale, il tient compte des efforts déjà réalisés par les caisses au cours des dernières années. Il s’avère donc moins contraignant que celui fixé lors de la précédente LPFP, qui fixait un objectif de réduction des dépenses en valeur.

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*     *

La commission adopte l’article 18 non modifié.

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Article 19
Mise en réserve d’une fraction du montant de l’objectif national
des dépenses d’assurance maladie

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoit qu’au début de chaque exercice de la programmation soit mise en réserve une fraction d’au moins 0,3 % du montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article avec une modification rédactionnelle.

I.   L’État du droit

Instrument de précaution, la mise en réserve concerne l’ONDAM depuis plus de dix exercices.

A.   La notion de mise en rÉserve

Alors que la LOLF fait référence, en son article 51, à la technique dite de la « mise en réserve » ([51]), sans toutefois la définir, il n’en est nullement fait mention dans la LOLFSS.

La doctrine indique qu’elle « consiste à geler et donc à rendre indisponible, dès le début de la gestion, une fraction des crédits ouverts […] », avec pour but de « faire face aux besoins de la régulation […] ainsi qu’aux imprévus et aléas de gestion », étant entendu que « les crédits qui sont mis en réserve ont vocation soit à être annulés pour financer des dépenses nouvelles ou imprévues, soit à être débloqués et rendus disponibles » pour l’ordonnateur concerné, de sorte que « la réserve de précaution est utilisée essentiellement pour prévenir la détérioration du solde » ([52]).

La Cour des comptes préconise une mobilisation plus importante de ce levier à l’échelle de la branche maladie : elle jugeait il y a un an que « les mises en réserve conservatoires de dépenses devraient être réparties sur l’ensemble des segments de l’offre de soins et correspondre à des dépenses qu’il est effectivement possible d’annuler ou de reporter » ([53]).

B.   Son application À l’ONDAM

Depuis son introduction par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la mise en réserve d’une fraction de l’ONDAM est reconduite par chaque loi de programmation, mais cet encadrement est, en pratique, demeuré relatif.

1.   Un principe affirmé de longue date par les LPFP

Parmi les quatre dispositions de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 que l’article 36 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’a pas abrogées figure le II de son article 12, aux termes duquel « à compter du 1er janvier 2015, une fraction représentant au moins 0,3 % du montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale […] est mise en réserve au début de chaque exercice ».

Le droit en vigueur est plus ambitieux que ses états antérieurs : certes, le III de l’article 8 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ([54]) puis le III de l’article 10 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ([55]) prévoyaient déjà une mise en réserve « ne p[ouvant] être inférieur[e] à 0,3 % » ou « représentant au moins 0,3 % » de l’ONDAM, mais ils appliquaient ce taux à « une partie des dotations relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ».

2.   Une mise en œuvre en partie théorique concernant la branche maladie

Avec une portée nécessairement moins forte pour les dépenses de la LFSS que pour celles de la loi de finances, la mise en réserve d’une partie de l’ONDAM n’a jusqu’à présent fait l’objet que d’une information partielle du Parlement.

● D’une part, les 1° à 3° de l’article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale disposent que la LFSS « fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base ; fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, ceux du régime général, ainsi que, le cas échéant, leurs sous-objectifs […] ; fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs » ([56]).

Ainsi, le montant des crédits inscrits dans la LFSS présente un caractère indicatif et non limitatif, l’essentiel des charges correspondant à des prestations dites de guichet, auxquelles les assurés ont droit.

Par conséquent, si l’application d’une mise en réserve à l’ONDAM a bien pour effet de rendre indisponibles certaines sommes en début d’exercice et donc de fournir une ressource de trésorerie en cas de dégel sans avoir à mobiliser ni prélèvement obligatoire, ni emprunt, ni transfert de crédits entre branches ou organismes, elle n’empêche pas, contrairement à ce que l’on observe avec le cadre comptable en vigueur pour l’État, de consommer voire de dépasser les sommes ouvertes, car elles n’ont pas de plafond. Il revient dans ce dernier cas à la LFSS suivante de prévoir un financement pour ces charges supplémentaires.

● D’autre part, en vertu du 7° du III de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, est jointe au PLFSS une annexe devant « précis[er] le périmètre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et sa décomposition en sous-objectifs […] et fourni[r] fournit des éléments précis sur l’exécution de l’objectif national au cours de l’exercice clos et de l’exercice en cours ainsi que sur les modalités de construction de l’objectif pour l’année à venir en détaillant, le cas échéant, les mesures correctrices envisagées ».

Peu de détails y figurent néanmoins sur la mise en réserve initiale de l’ONDAM ou sur les raisons et l’emploi de son éventuel dégel :

– l’annexe VII au PLFSS pour 2018 évoque uniquement la « mobilisation » de sommes ayant été mises en réserve par le fonds d’intervention régional (FIR) et certains opérateurs de l’assurance maladie, sans préciser ni s’il s’agit de la précaution générale instituée par la LPFP ou de dispositifs spécifiques à ces enveloppes, ni les montants en question ;

– l’annexe VII au PLFSS pour 2019, qui est la plus riche en informations de la précédente législature, revient sur les exercices 2017 et 2018 en indiquant le choix de « maintenir un gel de 180 millions d’euros sur les mises en réserve ainsi qu’à annuler 20 millions d’euros de dotations » concernant le sous-objectif des établissements de santé à la fin du premier et de l’utilisation de 105 millions d’euros isolés par précaution sur cette même ligne afin de réduire de 560 à 455 millions d’euros le dépassement du sous-objectif des soins de ville à la fin du second, avant de faire référence, pour 2019, à la mise en réserve d’un « montant au moins égal à 0,3 % de l’ONDAM voté (601 millions d’euros) », dont 120 millions d’euros positionnés sur les soins de ville ;

– l’annexe VII au PLFSS pour 2020 indique que « conformément à la disposition de la loi de programmation des dépenses publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022, des mises en réserve, pour un montant au moins égal à 0,3 % de l’ONDAM voté (616 millions d’euros a minima), seront effectuées » ;

– les annexes VII aux PLFSS pour 2021 et 2022 sont muettes à ce propos.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article propose que fasse l’objet d’une mise en réserve chaque année, « une fraction représentant au moins 0,3 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ». Son exposé indique que ce taux « [s’]applique à chaque sous-objectif de l’ONDAM ».

Grâce aux projections relatives, d’une part, au taux d’évolution de l’ONDAM et à son montant en euros courants fournies pour les exercices 2023 à 2025 par le II de l’article 17 et, d’autre part, aux sous-objectifs figurant au III du même article, il est possible de simuler l’incidence minimale de cette mise en réserve.


Simulation de l’incidence minimale de la mise en rÉserve
prévue pour l’ONDAM de 2023 À 2025

(en milliards d’euros)

 

2023

2024

2025

Soins de ville

0,31

0,32

0,33

Établissements de santé

0,30

0,31

0,32

Établissements et services pour personnes âgées

0,05

0,05

0,05

Établissements et services pour personnes handicapées

0,04

0,05

0,05

Fonds d’intervention régional et soutien à l’investissement

0,02

0,02

0,02

Autres prises en charge

0,01

0,01

0,01

ONDAM agrégé

Montant prévisionnel

Mise en réserve de 0,3 %


244,1
0,73


249,7
0,75


256,4
0,77

Source : PLFSS pour 2023 ; projet de LPFP pour les années 2023 à 2027.

Une mise en réserve minimale de 0,3 % de l’ONDAM permettrait ainsi d’isoler plus de 700 millions d’euros par an, dont plus de 300 millions d’euros pour les dépenses de soins de ville et autant pour celles assumées par les hôpitaux.

Il s’agit donc d’un levier non négligeable sous réserve qu’il soit accompagné d’un enrichissement de l’information du Parlement sur sa mise en œuvre.

*

*     *

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF69 du rapporteur général.

Elle adopte l’article 19 modifié.

*

*     *


Article 20
Instrument de pilotage des « niches sociales »

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article reconduit le dispositif de plafonnement des niches sociales prévu par la LPFP 2018-2022. Ainsi, le montant annuel des niches sociales est fixé à 14 % d’un agrégat défini comme la somme des recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement et des exonérations de cotisations non compensées par crédits budgétaires.

Le présent article reconduit également la durée maximale de trois ans pour l’application des créations et extensions de dépenses sociales à compter du 1er janvier 2023. De plus, il étend ce bornage dans le temps aux prorogations des niches sociales.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet amendement sans modification.

I.   Le droit existant

1.   Les « niches sociales »

Le concept de « niches sociales » a été défini plus récemment que celui des dépenses fiscales.

Depuis 2006, elles ont fait l’objet, en application du 5° du III de l’article L.O. 111‑4 du code de la sécurité sociale, de l’annexe V du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Cette annexe est codifiée, depuis la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, à l’article L.O 111-4-4 du code de la sécurité sociale. La loi organique définit les niches sociales comme l’ensemble des « mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l’assiette ou d’abattement sur l’assiette de ces cotisations et contributions ».

Elles sont évaluées à 72,1 milliards d’euros pour 2022 ([57]).

2.   Le précédent instrument de pilotage des « niches sociales »

● L’article 20 de la LPFP 2014-2019 avait créé un objectif de stabilisation en valeur à compter du 1er janvier 2015 du montant annuel des « niches sociales », hors allégements généraux. Cet objectif n’a pas été atteint : le montant annuel des exonérations ciblées a progressé, passant de 7,2 milliards d’euros en 2015 à 7,4 milliards d’euros en 2016. Cet article prévoyait, en outre, une durée bornée d’application de trois années pour toutes les niches sociales instituées ou étendues à compter du 1er janvier 2015.

● L’article 21 de la LPFP 2018-2022 a institué un plafond de « niches sociales », exprimé en pourcentage des recettes. Ce ratio, fixé à 14 %, est déterminé par le rapport entre :

– au numérateur, les « niches sociales » qui englobent le montant annuel des exonérations et abattements d’assiette ainsi que des réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (y compris donc les allégements généraux) ;

– au dénominateur, le total des recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement (en pratique, uniquement le Fonds de solidarité vieillesse) et des exonérations de cotisations sociales non compensées par des crédits budgétaires.

Il est important de souligner que le plafond retenu en 2018 était très supérieur au ratio constaté en 2018, compte tenu des incertitudes relatives aux conséquences de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements de cotisations.

montant des exonÉrations et Ratio des niches sociales

 

2018

2019

2020

2021

2022

Allègements généraux

32,4

52,8*

47,1

50,8

54,9

Exonérations ciblées compensées

6,3

5,8

5,6

5,9

6,1

Exonérations exceptionnelles COVID

 

-

1,3

2,2

0,4

Aide au paiement COVID

 

-

1,7

1,8

0

Exonérations ciblées non compensées

0,8

2,1

1,9

2,1

2,3

Exemption d’assiette

7,6

7,6

8,3

8,7

8,9

Total des exonérations

47,3

68,4

65,8

71,5

72,6

Recettes

498,4

508,0

497,2

529,3

547,2

Ratio des niches sociales

9,5 %

13,4 %

13,2 %

13,5 %

13,3 %

*L’augmentation observée en 2019 est essentiellement due à la transformation du CICE en allègements de cotisations.

Source : annexes V aux projets de loi de financement de la sécurité sociale 2020 à 2022.

Si la Cour des comptes a mis en évidence le caractère inopérant de ce plafond, dont le niveau est supérieur à celui observé en 2019 après transformation du CICE ([58]) (+0,6 point) en allègements de cotisations pérennes, il est important de souligner que le Gouvernement et sa majorité ont respecté ce ratio, même en tenant compte des mesures exceptionnelles d’exonérations et d’aides au paiement mises en place dans le cadre de la crise sanitaire.

De plus, l’article 21 de la LPFP 2018-2022 reconduisait la mesure de bornage de trois ans de toutes les niches sociales instituées ou étendues à compter du 1er janvier 2018.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article prévoit, pour chacune des années de la période 2023-2027, la reconduction du plafond des niches sociales, au même niveau fixé à 14 % du total des recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement et des exonérations de cotisations sociales non compensées par crédits budgétaires.

En outre, l’article prévoit, comme la précédente LPFP, une durée maximale de trois années pour toutes les niches sociales instituées ou étendues à compter du 1er janvier 2023. Il renforce la portée de ce bornage en l’étendant aux prorogations de niches sociales qui interviennent après le 1er janvier 2023.

Cette mesure de bornage permettra donc au Parlement de statuer par un vote, tous les trois ans, sur l’opportunité de maintenir chaque niche sociale. Cette disposition s’articule ainsi pleinement avec le renforcement du contrôle de ces niches sociales, porté par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale qui a prévu, à son article 2, la remise d’une annexe au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale évaluant une fois tous les trois ans l’efficacité de chaque niche sociale au regard des objectifs poursuivis ([59]).

*

*     *

Amendements CF48 de M. Daniel Labaronne et CF64 de M. Joël Giraud (discussion commune).

M. Daniel Labaronne (RE). Nous proposons de borner les dépenses sociales visant à soutenir un secteur d’activité en fixant la durée des dispositifs à trois ans et en conditionnant leur prorogation à une évaluation.

M. Joël Giraud (RE). Dans le même esprit, nous proposons de rendre obligatoire l’évaluation des dépenses fiscales lors de leur prorogation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est une tâche monumentale que vous proposez, monsieur Labaronne, et que nous serions incapables d’effectuer aujourd’hui. Votre amendement, monsieur Giraud, est satisfait. Retrait.

Les amendements CF48 et CF64 sont retirés.

Amendement CF74 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne (RE). Nous proposons que toute nouvelle dépense sociale soit évaluée.

Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement CF74 est retiré.

La commission adopte l’article 20 non modifié.

*

*     *

Titre II
Dispositions relatives à la gestion des finances publiques
et à l’information et au contrôle du Parlement

Chapitre Ier
Ensemble des administrations publiques

Article 21
Dispositif d’évaluation de la qualité de l’action publique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la création d’un nouveau cadre d’évaluation de la qualité de l’action publique. Il est proposé la conduite de travaux d’évaluation dont les conclusions seraient rendues au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année, afin d’éclairer, le cas échéant à l’occasion du printemps de l’évaluation, la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article après avoir précisé que ces évaluations dressent la liste des doublons de compétences et de missions entre les administrations publiques.

I.   l’état du droit

A.   L’évaluation des politiques publiques dans la LOLF et le printemps de l’évaluation à l’Assemblée nationale

Déclinant l’article 24 de la Constitution qui prévoit que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques, l’article 57 de la LOLF dispose que l’évaluation de toute question relative aux finances publiques relève, comme le contrôle de l’exécution des lois de finances, des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat. Ce faisant, la LOLF ouvre l’évaluation à la totalité des politiques budgétaires et fiscales. 

En pratique, sous la XVème législature, la commission des finances de l’Assemblée nationale a initié en 2018 le « printemps de l’évaluation », un temps annuel de convergence des travaux d’évaluation des politiques publiques.

Dans le cadre d’un programme d’évaluation débattu et adopté en début d’année par la commission des finances de l’Assemblée nationale, les rapporteurs spéciaux procèdent aux enquêtes et auditions qu’ils considèrent nécessaires. Certaines des restitutions effectuées en commission des finances sont examinées en séance publique au cours d’une semaine de contrôle pendant laquelle, classiquement, est examiné le projet de loi de règlement des comptes relatifs à l’exercice précédent.

L’article 146-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale dispose au demeurant que la Conférence des présidents peut décider qu’une semaine de contrôle « est consacrée prioritairement au contrôle de l’exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ».

Dans le cadre de son Plan national de relance et de résilience (PNRR), la France s’est engagée à suivre la mise en œuvre des mesures qu’il contient, via plusieurs indicateurs qualitatifs (jalons) ou quantitatifs (cibles) dont l’atteinte conditionne le versement des fonds européens. La France s’est donc également engagée au niveau européen, à évaluer ses politiques publiques de relance.

B.   L’efficacité du dispositif actuel d’évaluation de la qualité de l’action publique

Dans son rapport de synthèse de l’édition 2021 du printemps de l’évaluation ([60]), M. Éric Woerth, président de la commission des finances, proposait notamment de :

– circonscrire les thèmes d’évaluation et leur nombre pour permettre un examen approfondi par les commissions d’évaluation des politiques publiques (CEPP) ;

– veiller à ce que la problématique traitée soit effectivement financière pour ne pas empiéter sur les prérogatives des commissions permanentes compétentes ;

– revenir au dispositif imaginé initialement et appliqué les deux premières années (2018 et 2019) qui demandait aux rapporteurs spéciaux de préparer des propositions de résolution dont certaines étaient inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée.

En tout état de cause, le printemps de l’évaluation a permis de rassembler des travaux de contrôle et d’évaluation souvent dispersés et ponctuels, dans le cadre d’une procédure mobilisant le Gouvernement.

II.   le Dispositif proposé

A.   Un nouveau cadre d’évaluation de la qualité de la dépense publique

Le présent article propose la création d’un nouveau cadre d’évaluation de la qualité de l’action publique par la mise en œuvre de travaux d’évaluation dont les conclusions seraient rendues au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année, conformément aux engagements européens pris par la France dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR).

L’article prévoit que ces évaluations portent sur :

– l’ensemble des dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de fonds publics ;

– les crédits d’impôts, les dépenses fiscales et les exonérations ou abattements d’assiette et les réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement.

L’objectif poursuivi est d’offrir un cadre général en réponse aux nombreuses demandes des parlementaires émises à l’occasion des « dialogues de Bercy » de septembre 2022 s’agissant d’une revue systématique des dépenses et politiques publiques et d’alimenter notamment le printemps de l’évaluation – pour in fine contribuer à la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Selon le rapport annexé au présent projet de loi de programmation, le dispositif repose sur l’association avec le Parlement et une pleine articulation avec la procédure budgétaire. Les évaluations doivent être suivies de mesures concrètes, sur la base d’un programme de travail annuel présenté au Parlement.

B.   L’impact juridique et budgétaire 

Lors de son audition le 26 septembre dernier par la commission des finances, le ministre chargé des comptes publics, a défini cet article comme une « accroche » inscrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, destinée à nourrir le débat parlementaire sur la qualité de la dépense publique et à établir une liste de politiques publiques à évaluer dans ce cadre.

Ce dispositif, dont l’articulation avec le printemps de l’évaluation reste à préciser, traduit la volonté du Gouvernement de travailler avec le Parlement à l’amélioration des politiques budgétaires et fiscales, de débattre de la qualité de l’action publique et de prendre des mesures basées sur les résultats de ces travaux d’évaluation.

*

*     *

Amendement CF12 de M. Charles Sitzenstuhl.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Les évaluations doivent dresser la liste des doublons de compétences et de missions entre les administrations publiques. C’est un débat que nous avons déjà eu ; si nous souhaitons améliorer l’efficacité de la dépense publique, nous devons disposer d’un état des lieux, à tous les niveaux, qui nous permette d’y voir plus clair.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre proposition fait sans doute doublon avec ce qui est contenu dans la loi, mais son objectif est louable. Avis favorable.

M. Philippe Brun (SOC). Sans adhérer à l’exposé des motifs qui l’accompagne, les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront en faveur de cet amendement. Quand on tient au service public, on sait qu’il est nécessaire de faire des économies en supprimant les doublons de compétences et de missions ; le Parlement doit disposer d’informations en ce sens.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Si vous cherchez une dépense publique inefficace, visez le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : 20 milliards ont été dépensés, 100 000 emplois ont été créés.

Vous devez prendre conscience que lorsque vous parlez de dépenses publiques inefficaces, en laissant croire qu’elles ont été réalisées en pure perte, vous renvoyez une image désastreuse de leur propre travail à toutes ces personnes qui s’échinent pour l’intérêt général. Ce discours infuse ; je le trouve regrettable. Les amendements de ce type ne visent jamais un secteur en particulier car vous n’aimez pas nommer les choses. Mais lorsque vous travaillez sur des rapports spéciaux, vous constatez bien qu’il manque de l’argent, que ce soit pour les opérateurs de l’État, les ministères ou les administrations centrales.

La commission adopte l’amendement CF12.

Elle adopte l’article 21 modifié.

*

*     *

Chapitre II
Administrations publiques centrales

Article 22
Interdiction faite aux organismes divers d’administration centrale
de contracter des emprunts d’une durée supérieure à un an

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réitère l’interdiction, pour les organismes divers d’administration centrale (ODAC), de contracter des emprunts de plus de douze mois. La Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS) est ajoutée à la liste des organismes bénéficiant d’une dérogation à cette interdiction.

La Banque de développement du Conseil de l’Europe est ajoutée aux organismes prêteurs, auprès desquels les emprunts contractés n’entrent pas dans le champ de l’interdiction.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article réitère l’interdiction faite aux organismes divers d’administration centrale (ODAC) d’émettre des titres d’emprunt ou de contracter un emprunt bancaire pour une durée supérieure à douze mois sur la période de programmation. Il précise et élargit les exceptions à cette interdiction.

Ce type d’article relève d’un encadrement des règles de l’endettement et peut figurer à ce titre dans une loi de programmation des finances publiques conformément à l’article 1 D de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Le présent article se substitue à l’article 12 de la LPFP pour les années 2011 à 2014, qui est abrogé par l’article 26 du présent projet de loi de programmation.

I.   l’iNSCRIPTION DE LA Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (sagess) PARMI LES EXCEPTIONS À L’INTERDICTION D’EMPRUNTER DES ODAC

La Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS), créée par la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988, a pour objet de constituer et conserver des stocks stratégiques de produits pétroliers.

Sa mission participe de la sécurisation de l’approvisionnement en produits pétroliers, désormais encadrée, au niveau européen, par la directive 2009/119/CE du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut ou de produits pétroliers.

Le présent article réitère le dispositif de l’article 12 de la LPFP pour les années 2011 à 2014. Il interdit le recours à l’emprunt pour une durée supérieure à douze mois aux administrations publiques centrales, à l’exception de l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l’État, auxquels s’ajoute désormais la SAGESS. L’objectif de cette disposition est de limiter les sources d’endettement des ODAC, qui empruntent à un taux plus élevé que l’État, dans un souci de pilotage efficient des finances publiques.

La liste des organismes faisant l’objet de cette interdiction est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget. Cet arrêté reprend les entités classées comme ODAC par l’Insee.

La SAGESS a été classée dans la catégorie des ODAC par l’INSEE en 2014, en se fondant sur le contrôle de cette entité par l’État et sur le caractère non-marchand de son activité. Par un arrêté du 4 septembre 2018 du ministre de l’action et des comptes publics, la SAGESS a été inscrite sur la liste des ODAC ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d’émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée, en application de l’article 12 de la LPFP 2011-2014.

La conséquence de cette inscription est l’obligation pour la SAGESS de refinancer sa dette par des cessions de stock ou des billets de trésorerie à court-terme, déstabilisant son modèle économique. Cela l’expose en particulier aux remontées anticipées de taux directeurs.

Saisi par la SAGESS, le juge administratif a annulé l’inscription de la SAGESS sur la liste des ODAC soumis à l’interdiction d’emprunts instaurée par l’article 12 de la LPFP 2011-2014 ([61]). En conséquence, le présent article inscrit dans la loi au bénéfice de la SAGESS l’exception à l’interdiction d’emprunt portant sur les ODAC.

II.   l’Ajout d’une exemption des organismes prêteurs

L’article 8 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 avait modifié l’article 12 de la LPFP 2011-2014, en disposant que l’interdiction d’emprunt « ne s'applique pas aux emprunts contractés auprès de la Banque européenne d’investissement ».

Le présent article inclut la Banque de développement du Conseil de l’Europe dans le champ des organismes auprès desquels l’interdiction d’emprunter ne s’applique pas. Il s’agit d’une banque multilatérale de développement disposant d’une expertise dans le financement de projets sociaux et offrant des conditions financières avantageuses ; aussi, un traitement différencié avec la Banque européenne d’investissement (BEI) n’apparaît pas justifié.

*

*     *

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai une question qui porte sur le champ de l’article. Réseau ferré de France (RFF), qui a été reclassé parmi les organismes divers d’administration centrale (Odac), est-il concerné ? Jusqu’à preuve du contraire, ses investissements nécessitent de contracter de nombreux emprunts.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. RFF est devenu SNCF Réseau, une société anonyme. Il n’entre donc pas dans le champ de cet article.

La commission adopte l’article 22 non modifié.

*

*     *

Chapitre III
Administrations publiques locales

Article 23
Objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement par strates
de collectivités et suivi de la trajectoire

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit un nouveau mécanisme d’encadrement des dépenses locales de fonctionnement pour la période de programmation 2023-2027. Il est constitué d’un objectif national fondé sur l’inflation anticipée chacune des années de la programmation et minorée de 0,5 point, l’objectif étant suivi au niveau de chaque strate de collectivités : régions, départements et bloc communal.

En cas de dépassement global au niveau d’une strate, un dialogue s’instaurera entre le préfet et les collectivités responsables du dépassement, qui aboutira à un accord de retour à la trajectoire, assorti de reprises financières en cas de nouveau dépassement.

L’application de cet article doit faire l’objet d’une évaluation d’étape en 2025 et d’un bilan en 2027.

Position de la commission des finances

Avant de rejeter l’article, la commission a adopté :

– trois amendements identiques visant à minorer l’objectif des dépenses d’allocations individuelles de solidarité (revenu de solidarité active, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap) ;

– deux amendements visant à supprimer le dispositif de suivi de l’objectif par strate et les mécanismes de sanction.

I.   L’état du droit

L’article 29 de la LPFP 2018‑2022 a assorti l’objectif de progression des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) de 1,2 % par an d’un mécanisme de contractualisation entre l’État et les 321 plus grandes collectivités (budgets principaux). Cette démarche a été engagée lors de la conférence nationale des territoires (CNT) du 14 décembre 2017 à Cahors (d’où la désignation de « contrats de Cahors »). En contrepartie de l’effort demandé, l’État garantissait la prévisibilité et la stabilité de ses concours financiers aux collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel a estimé que l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques justifiait ces mesures d’encadrement et que le dispositif contractuel prévu à l’article 29 ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités ([62]).

Afin de tenir compte des spécificités locales (dynamisme démographique, revenu moyen par habitant et efforts passés de maîtrise des dépenses), l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement pouvait faire l’objet d’une modulation et varier de + 0,75 % à + 1,65 %.

Les préfets ont négocié la signature des contrats avant le 30 juin 2018. Ils ont notifié un taux annuel d’évolution des DRF (pouvant aussi être modulé) à celles des collectivités concernées qui ont refusé de signer les contrats.

Les collectivités qui ne respectaient pas leur objectif de dépenses fixé dans le contrat se voyaient appliquer une reprise financière dont le montant était égal à 75 % de l’écart constaté (ou à 100 % de l’écart pour les collectivités qui, entrant dans le champ du dispositif, avaient refusé de signer un contrat). Cette reprise devait être réalisée par un prélèvement sur les douzièmes de fiscalité (ou sur les versements de la fraction de TVA affectée aux régions). Le montant de cette reprise était plafonné à 2 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF) du budget principal de l’année.

Sur les 321 collectivités concernées, 228 ont décidé de s’engager, soit 71 % d’entre elles. 92 collectivités non‑signataires se sont vu notifier par arrêté préfectoral une trajectoire d’évolution maximale de leurs dépenses de fonctionnement. 17 collectivités non concernées ont signé volontairement un contrat.

Taux de signature des contrats de Cahors par catégorie de collectivités

 

Ensemble

Régions

Départements

EPCI

Communes

Nombre de contrats signés

228

9

45

54

120

Part des collectivités signataires dans le total des collectivités concernées

71 %

53 %

46 %

87 %

83 %

Source : Transferts financiers de l’État aux collectivités 2022 (direction du budget).

Les collectivités ont globalement respecté l’objectif d’évolution des DRF pour les années 2018 et 2019.

ExÉcution de l’objectif de dÉpenses de fonctionnement en 2018 et 2019

 

2018

2019

Collectivités concernées par Cahors

– 0,2

+ 0,8

Ensemble des collectivités

+ 0,3

+ 1,3

Source : Transferts financiers de l’État aux collectivités 2022 (direction du budget).

Plus précisément, sur les 338 collectivités concernées par le dispositif, 327 d’entre elles ont respecté leur objectif de maîtrise d’évolution des dépenses de fonctionnement en 2018 et 319 en 2019. À l’issue des procédures contradictoires engagées par les préfets sur la base des dépassements constatés, 12 collectivités se sont trouvées en situation de dépassement en 2018 pour 25 millions d’euros, et 14 en 2019 pour 76 millions d’euros.

L’article 12 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a suspendu en 2020, pour toutes les catégories de collectivités, le dispositif de reprise financière prévu en cas de dépassement de la cible de dépense, afin de tenir compte de la nécessité pour les collectivités, dans le contexte de la crise sanitaire et économique, d’assumer des dépenses urgentes pour aider leur population ou soutenir les entreprises.

La modération de la hausse des dépenses de fonctionnement combinée au maintien des dotations de l’État a permis aux collectivités de renforcer leur capacité d’autofinancement. L’épargne brute des 321 collectivités concernées par les « contrats de Cahors » est passée de 18,7 milliards d’euros en 2017 à 22,3 milliards d’euros en 2019, soit une augmentation de 3,6 milliards d’euros. Les marges financières ainsi dégagées ont contribué à ce que les collectivités entrent dans la crise sanitaire fortes d’une situation financière solide.

Écart entre l’augmentation cible et l’augmentation exÉcutÉe
des DRF des 321 collectivitÉs (2017-2020)

 

Taux cible

Taux exécuté

Communes

+ 3,7 %

– 1,0 %

EPCI à fiscalité propre

+ 3,8 %

+ 4,3 %

Départements

+ 3,7 %

+ 2,0 %

Régions

+ 3,6 %

+ 1,2 %

321 Collectivités

+ 3,6 %

+ 1,4 %

Source : Transferts financiers de l’État aux collectivités 2022 (direction du budget).

Le bilan de la contractualisation apparaît donc positif. Il convient désormais de définir pour les prochaines années un nouveau cadre de dialogue financier entre l’État et les collectivités, respectant l’autonomie financière des collectivités mais cohérent avec l’objectif – au moins aussi pertinent qu’en 2017 – de maîtrise des comptes publics.

II.   le Dispositif proposÉ

Le présent article propose un nouveau mécanisme d’encadrement des DRF, plus souple que les contrats de Cahors, fondé sur un objectif par strates de collectivités plutôt qu’une contractualisation individuelle.

Le I prévoit donc qu’entre 2023 et 2027, chaque catégorie de collectivités et d’EPCI fait l’objet d’un suivi spécifique de l’objectif prévu à l’article 14 (progression en valeur des DRF limitée au niveau du taux d’inflation minoré de 0,5 point, c’est-à-dire baisse annuelle en volume des DRF de 0,5 %).

Le champ d’application concerne les « grandes collectivités » : régions ([63]), départements ([64]), et communes et EPCI dont les DRF 2022 (budgets principaux) sont supérieures à 40 millions d’euros, soit environ 500 collectivités, qui représentent 65 % des DRF de l’ensemble des collectivités.

L’objectif par strate est fixé annuellement sur le fondement de l’hypothèse d’inflation (IPC hors tabac associé au PLF de l’année), par arrêté conjoint des ministres des collectivités et du budget. L’hypothèse peut être réévaluée en cours d’année.

Le II précise la définition comptable des DRF.

Le A du III expose le mécanisme de suivi de l’objectif. À compter de 2023, s’il est constaté un écart entre l’objectif d’une strate et ses DRF exécutées, celles des collectivités (ou EPCI) de cette strate pour lesquelles est constaté un tel écart se voient privées de l’octroi de certaines dotations d’investissement de l’État (dotation de soutien à l’investissement local – DSIL, dotation politique de la ville – DPV, dotation de soutien à l’investissement départemental – DSID et « fonds de transition écologique » créé par la loi de finances pour 2023). Le rapporteur général relève qu’aucune sanction n’est ici prévue pour les régions.

Dans le cas où, pour la catégorie concernée, il s‘avère finalement que l’augmentation des DRF est inférieure à l’inflation constatée minorée de 0,5 point, la sanction ne s’applique pas (l’objectif étant fixé par rapport à une hypothèse d’inflation, l’inflation constatée a posteriori peut être supérieure).

Le B du III ajoute que dans le cas où cette sanction est bien appliquée, le préfet conclut un « accord de retour à la trajectoire » avec chacune des collectivités sanctionnées. L’accord doit résulter d’un « dialogue » avec le préfet.

Le C du III précise le contenu de cet accord. L’accord court jusqu’à l’exercice 2027 inclut. Il fixe un objectif d’évolution des DRF sur la base de l’objectif annuel applicable. Cet objectif peut être modulé à la hausse ou à la baisse en tendant compte de trois critères, dans la limite maximale de 0,15 point chacun : la population, le revenu moyen par habitant et l’évolution des DRF de la collectivité entre 2019 et 2021.

Concrètement, une collectivité se voyant dans l’obligation de passer un tel accord pourrait se voir assigner un objectif individuel de l’inflation minorée jusqu’à 0,55 point, si :

– sa population a connu entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023 une évolution annuelle supérieure d’au moins 0,75 point à la moyenne nationale ;

– son revenu moyen par habitant est inférieur de plus de 15 % au revenu moyen par habitant de l’ensemble des collectivités ou, pour les communes et EPCI, la proportion de population résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville est supérieure à 25 % ;

– ses DRF ont connu une évolution inférieure d’au moins 1,5 point à l’évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie entre 2019 et 2021.

Ce sont les mêmes paramètres et la même amplitude de modulation que pour les contrats de Cahors.

Il intègre aussi un objectif d’amélioration du besoin de financement ([65]), ainsi qu’un objectif d’amélioration de la durée de désendettement ([66]) selon la catégorie concernée ([67]).

Le IV prévoit le cas où la collectivité ne respecte pas l’objectif fixé dans l’accord de retour à la trajectoire : une reprise financière serait appliquée. Elle serait égale à 75 % de l’écart constaté et plafonnée à 2 % des RRF. Le montant de la reprise peut aussi être proposé par le préfet et la collectivité peut répondre par des observations dans un délai d’un mois. La collectivité est exonérée de la reprise si sa catégorie respecte finalement l’objectif national.

Le V précise qu’une collectivité concernée par le dispositif, mais qui a refusé de signé un accord de retour à la trajectoire, se voit notifier un niveau maximal annuel de DRF calqué sur l’objectif national appliquer une reprise de 100 % en cas de dépassement de ce niveau maximal. La reprise est cependant toujours plafonnée à 2 % des RRF et la collectivité peut aussi être exonérée en cas de respect de l’objectif national par sa catégorie.

Les paramètres des reprises (75 % ou 100 % de l’écart, plafond à 2 % des RRF pour éviter de mettre en difficulté la collectivité) avaient déjà été utilisés pour les contrats de Cahors.

Enfin, le VI dispose que le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’étape sur l’application du présent article au plus tard le 1er septembre 2025 et un rapport de bilan au plus tard le 1er septembre 2027.

*

*     *

Amendements de suppression CF19 de M. Charles de Courson, CF28 de M. David Guiraud, CF37 de M. Nicolas Sansu et CF65 de Mme Julie Laernoes.

M. Charles de Courson (LIOT). L’étude d’impact explique que le Gouvernement, après avoir hésité à renouveler le pacte de Cahors, a finalement opté pour un dispositif « assoupli ». L’évaluation qui a été faite du pacte de Cahors semble tout à fait inexacte puisqu’il apparaît que les dépenses de la centaine de collectivités qui ont refusé de contractualiser ont finalement moins augmenté que celles des collectivités qui ont signé le pacte. Autant vous dire que le pacte de Cahors, suspendu depuis trois ans, est un échec.

Eh bien, chers collègues, je prends le pari que le dispositif prévu par l’article 23 sera aussi un échec. D’abord, il ne s’appliquera qu’à partir de 2024, car l’année de référence sera 2023. Ensuite, et toujours dans l’esprit du pacte de Cahors, les collectivités qui ne respecteront pas le taux directeur fixé dans la loi de finances pour le bloc auquel elles appartiennent devront s’engager dans un processus de discussions avec le préfet. Ce processus devra se conclure par un accord de retour à la trajectoire, qui, s’il n’est pas respecté, débouchera sur le versement d’un différentiel.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Les collectivités ne sont pas responsables de la situation et nous nous opposons fermement à ce que leur soit imposé un nouveau mécanisme de limitation des dépenses de fonctionnement. Alors que le pacte de Cahors ne concernait que les collectivités dont le budget était supérieur à 60 millions – soit 321 collectivités –, l’article 23 vise les collectivités dont le budget dépasse 40 millions – soit 500 collectivités.

Les dépenses de fonctionnement ne sont pas des dépenses inutiles : elles permettent de faire fonctionner les services publics locaux, à un moment où la crise exacerbe les besoins en matière de solidarité. Vous allez mettre les collectivités en difficulté, alors qu’elles le sont déjà grandement.

Enfin, la mise à l’écart des représentants des collectivités est inacceptable : le projet de loi n’a pas été soumis pour avis au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) alors qu’il s’agit d’une obligation légale. Le Gouvernement se permet ainsi d’enfreindre la loi pour imposer des mesures d’austérité. 

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Contrairement à ce que le rapporteur général a laissé entendre, les collectivités, dont nous avons reçu les représentants la semaine dernière, désapprouvent ce nouveau dispositif qui les pénalisera en cas de non-respect de leurs engagements. Elles sont très inquiètes des difficultés de gestion auxquelles elles devront faire face demain, avec la hausse des coûts de l’énergie et la crise économique, qui pousse déjà nombre de nos concitoyens à venir frapper à la porte des centres communaux d’action sociale (CCAS).

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Pourquoi prévoir des garde-fous et imposer une évolution des dépenses inférieure à l’inflation alors que les collectivités ne sont pas responsables du déficit public ? Depuis 2014, elles ont déjà contribué au remboursement de la dette, à hauteur de 46 milliards – 42 milliards de baisses de dotation globale de fonctionnement et 4 milliards de gel de la dotation depuis 2018. Ces contraintes ont été sans effet sur le redressement des comptes publics, puisque le déficit de l’État est resté, en 2019, au même niveau qu’en 2014.

Les soldes d’exécution des collectivités sont proches de zéro, la règle d’or oblige les collectivités territoriales à équilibrer dépenses et recettes de fonctionnement et à couvrir le remboursement des emprunts passés. Au niveau national, la dette des collectivités ne représente que 8 % de la dette publique ; au niveau européen, les budgets locaux sont vertueux au regard des critères de Maastricht. Fin 2020, la dette des administrations publiques locales était inférieure à la moyenne européenne.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Non, les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation ; l’État non plus. Il faut comprendre que c’est la crise, et la Russie, qui sont responsables de ce qui se passe aujourd’hui. Nous faisons face à une situation dramatique, qui entraîne des dépenses exceptionnelles et nous force à rétablir notre trajectoire.

Ne considérez-vous pas que tout le monde doive tendre vers cet objectif partagé de rétablissement des finances publiques ? Si ce ne sont pas les collectivités publiques qui réduisent leurs dépenses en direction des services publics, alors l’État le fera, et les investissements seront moindres. Si vous ne prenez pas dans la poche de Pierre, il faut que Paul paye davantage. Il n’y a pas de miracle !

Effectivement, on a pris le contre-pied du pacte de Cahors, puisque les collectivités concernées pouvaient refuser de contractualiser. Comme on ne voulait pas d’objectifs individualisés, il a été décidé, après de nombreuses discussions interministérielles et avec les associations d’élus, qu’un objectif collectif serait fixé par catégorie. Il sera revisité chaque année en fonction de l’inflation. Si l’objectif n’est pas atteint en 2024, on entrera alors dans une logique d’objectifs individualisés, qui seront mesurés l’année suivante. Le processus, qui accorde du temps aux collectivités, n’est pas du tout coercitif mais collaboratif.

M. le président Éric Coquerel. Depuis ce matin, on nous explique que les lois de programmation reposent sur des estimations, raison pour laquelle la plupart d’entre elles ne sont plus appliquées au bout de deux ans. Je remarque, et me réjouis, que l’État peut, en fonction de la situation économique, s’exonérer assez facilement des règles – notamment de la règle d’or européenne. Il est pour le moins paradoxal qu’il impose aux collectivités une loi d’airain, pour cinq ans et en fonction de prévisions discutables, avec à la clé, l’exclusion de l’octroi de dotations. Je comprends que les collectivités trouvent cette mesure à la fois inique et brutale, sans considération pour les efforts qu’elles ont déjà consentis.

M. Charles de Courson (LIOT). L’objectif est de ramener le déficit public à 3 %. Or les collectivités territoriales ne sont absolument pas responsables du déficit public : l’étude d’impact montre qu’en 2022, avec des dépenses s’établissant à 11,2 % du PIB et des recettes à 11,1 % ; elles étaient quasiment à l’équilibre. En 2023-2024, les prévisions laissent apparaître un différentiel équivalant à 0,1 % du PIB – l’épaisseur du trait –, soit 2 milliards. En 2025-2027, les recettes excéderaient les dépenses, ce qui est totalement irréaliste car dans ce cas, on fait en sorte de les baisser.

En matière de dette publique, je rappelle que la dette des administrations publiques locales (Apul), estimée à 9,4 % du PIB en 2022, est en baisse constante puisqu’elle était de 9,8 % en 2021 et qu’elle sera de 9,1 % en 2023.

Le budget des collectivités est tout à fait équilibré et les excédents de fonctionnement qu’elles dégagent permettent de financer les investissements. Par ailleurs, les prévisions montrent qu’elles se désendettent. Fichons-leur donc la paix !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Les dépenses des collectivités représentent tout de même 300 milliards. Il y a une question de proportionnalité évidente. Loin d’une mise sous tutelle, monsieur de Courson, ou même d’une contractualisation, le mécanisme de reprise qui est proposé ne concerne que les plus grandes collectivités, un an après, et sur la base des résultats constatés. Enfin, il ne nous paraît pas absurde que les dépenses de fonctionnement augmentent un tout petit peu moins que l’inflation. L’État s’applique, contrairement à ce qui a été dit, une règle plus sévère.

La commission rejette les amendements de suppression.

Amendement CF11 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Couson (LIOT). La provocation permettant parfois de se faire mieux entendre, je propose d’octroyer à ce dispositif le nom de « pacte de défiance ».

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Se défier des collectivités, monsieur de Courson, c’est baisser drastiquement les dotations de 11 milliards, comme l’a fait la gauche entre 2014 et 2017, avec des conséquences colossales sur l’investissement ! Nous faisons exactement le contraire : nous maintenons les dotations en fixant un objectif collectif, non contraignant. Nous avons confiance dans les collectivités territoriales, qui sont des partenaires.

M. Philippe Brun (SOC). Nous soutiendrons cet amendement, évidemment symbolique. Je tiens à souligner que la réduction drastique, entre 2015 et 2017, était le fait du ministre des finances d’alors, président de la République aujourd’hui. (Protestations.)

M. Mathieu Lefèvre (RE). Vous pouvez essayer de faire croire tout à n’importe qui, monsieur Brun, mais c’est votre groupe qui a voté ces lois de finances !

La commission rejette l’amendement CF11.

Amendement CF9 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). L’article prévoit, en cas de non-respect des contraintes, l’exclusion de l’octroi de plusieurs dotations, de nouveaux fonds verts et la possibilité pour l’État d’appliquer une reprise financière. Cette nouvelle réduction de l’autonomie financière des collectivités s’inscrit dans une logique centralisatrice, uniformisatrice, quand les différences entre les territoires, tant en matière économique, sociale ou géographique, sont immenses. Avec ce dispositif, proposé sans qu’il y ait eu de concertation avec les élus, ce texte va dans le mauvais sens. Compte tenu de la situation sociale et économique désastreuse de la Corse, je demande que la collectivité de Corse soit exclue du champ de l’article.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il n’y a pas de raison particulière d’exclure un territoire.

M. Michel Castellani (LIOT). Vous n’êtes pas observateur !

La commission rejette l’amendement CF9.

Amendements identiques CF13 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF15 de M. Philippe Brun et CF30 de Mme Francesca Pasquini.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Qu’on impose aux départements une maîtrise drastique de leurs dépenses de fonctionnement, en leur demandant de les réduire à hauteur de – 0,5 % par rapport à l’inflation est une chose. C’en est une autre que d’inclure les dépenses d’accompagnement social dans le champ des dépenses réelles de fonctionnement.

En effet, les départements n’ont aucune maîtrise sur l’évolution des allocations individuelles de solidarité (AIS) – revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d’autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH) –, qui peuvent augmenter fortement après plusieurs défaillances d’entreprises, par exemple. Les départements doivent donc faire avec des dépenses contraintes, l’augmentation du point d’indice ou encore les revalorisations décidées lors du Ségur.

M. Philippe Brun (SOC). Il faut évidemment exclure de la trajectoire de réduction de la dépense les AIS, qui représentent 30 % des dépenses de fonctionnement des départements. Au-delà, c’est la question de la renationalisation du RSA qui se pose, car quel intérêt cela a-t-il que l’allocation soit versée par le département ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Comme l’ont dit mes collègues, le projet de loi prévoit de faire évoluer les dépenses des collectivités locales à un niveau inférieur de 0,5 % à l’inflation. Or, si les départements se sentent prêts à consentir des efforts supplémentaires malgré l’état de leurs finances publiques, ils nous ont néanmoins fait remonter leur profonde inquiétude face à une partie du dispositif qui leur paraît profondément injuste. En l’état du texte, les allocations individuelles de solidarité, comme le RSA ou l’APA, dont les montants sont fixés par l’État, sont en effet incluses dans le périmètre des dépenses. Or, comme vous l’avez dit, ces allocations représentent 30 % du budget de fonctionnement d’un département et ne sont, par définition, pas pilotables. Nous demandons donc au Gouvernement d’exclure les AIS du périmètre retenu.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je précise tout d’abord que les départements peuvent, s’ils ne veulent pas supporter le risque, demander une recentralisation du RSA. Par ailleurs, lorsque les recettes sont très dynamiques et que les AIS baissent, comme c’est actuellement le cas, les départements en profitent en termes de risque. Enfin, les amendements seront satisfaits par voie réglementaire, comme le précisera le ministre. C’est une raison supplémentaire de voter la loi de programmation des finances publiques.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons échangé pendant des heures à propos de ce dispositif avec Christophe Béchu, Caroline Cayeux et des associations d’élus, dont certaines – comme Assemblée des départements de France ou Intercommunalités de France – ont d’ailleurs reconnu, dans des communiqués de presses publics, que ce dispositif constituait une avancée majeure par rapport aux contrats de Cahors. M. François Sauvadet et M. Sébastien Martin, qui président respectivement les deux associations que je viens de citer et qui ne sont ni l’un ni l’autre des soutiens officiels du Gouvernement, ont tous deux salué ce dispositif en se félicitant que nous n’ayons pas repris les contrats de Cahors. De fait, dans son communiqué, Assemblée des départements de France fait état d’une inquiétude quant à la prise en compte des AIS dans les dépenses de fonctionnement relevant de ce mécanisme.

J’ai confirmé personnellement au président Sauvadet que les dépenses d’AIS seraient retirées des dépenses de fonctionnement prises en compte. C’est pour moi une évidence, car ces dépenses ne sont pas pilotables – on ne choisit pas combien on aura de bénéficiaire du RSA dans son département, même si on peut avoir une action volontariste en matière d’insertion. Il s’agit en effet de dépenses « de guichet ». Du reste, un retrait était déjà prévu dans le cadre des contrats de Cahors pour les AIS, notamment pour le RSA. Les dépenses qui seront retirées de ce mécanisme feront l’objet d’un décret, la voie réglementaire devant nous éviter le risque d’en oublier certaines. On peut ainsi imaginer que les fonds européens destinés aux régions n’aient pas vocation à relever de ce mécanisme, de même que d’autres dépenses dont la concertation avec les associations d’élus fera peut-être apparaître qu’il vaut mieux les retirer. Si, en effet, nous figeons une liste dans le texte de loi, cette liste risque de devenir exclusive d’autres dépenses que nous pourrions vouloir retirer.

Je prends donc devant vous l’engagement, en réponse aux amendements présentés et à une revendication portée par la majorité, que ces dépenses seront bien retraitées dans le cadre du texte réglementaire.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je préfère de beaucoup la réponse de M. le ministre à celle du rapporteur général. En effet, dire, en quelque sorte, que les collectivités ont bénéficié de bonifications en termes d’AIS, c’est méconnaître la différenciation de nos départements. Quand la population est vieillissante, les dépenses d’APA explosent nécessairement.

Monsieur le ministre, si vous vous engagez – en séance publique, bien sûr, car nous ne sommes ici qu’en commission, et c’est le compte rendu de la séance publié au Journal officiel qui fait foi ! – à mettre en œuvre cette mesure en défalquant ces éléments, il n’y a plus d’ambiguïté. Je maintiens cependant mon amendement, afin de pouvoir le déposer à nouveau en séance.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). C’est certes en séance qu’il conviendra de prendre un tel engagement mais, en réalité, rien n’est dit, car on n’évoque jusqu’à présent qu’une petite liste de deux éléments. Nous attendrons donc que la liste nous soit présentée en séance pour nous prononcer sur ce dispositif, que nous rejetons a priori.

La commission adopte les amendements identiques CF13, CF15 et CF30.

Amendements CF2 de M. Philippe Lottiaux, CF40 de Mme Francesca Pasquini, CF38 et CF39 de M. Nicolas Sansu (discussion commune).

M. Philippe Lottiaux (RN). Cet amendement, qui s’apparente à l’amendement de suppression de l’article qu’a défendu M. de Courson, est moins gourmand, car j’ai conservé les I et II : dès lors que nous avons fixé un objectif à l’article 16 et qu’on indique comment mesurer les résultats, pourquoi pas ?

En revanche, l’amendement tend à supprimer toutes les dispositions contraignantes, qui prévoient des punitions. Je ne reprendrai pas tous les arguments exposés, mais si ce dispositif est moins contraignant que les contrats de Cahors, il n’est pas justifié pour autant, les collectivités n’étant pas responsables des situations budgétaires actuelles. Il n’est pas non plus réaliste, car de nombreuses collectivités connaîtront des dépenses en très forte hausse. Enfin, il est contraire à certains principes de la décentralisation.

En outre, et cela n’a pas été souligné jusqu’ici, ce dispositif contraignant est très infantilisant. Ayant été pendant de nombreuses années directeur général de collectivités, je sais que lorsqu’une collectivité peut ne pas augmenter les dépenses de fonctionnement, elle ne les augmente pas, car ce n’est pas par plaisir qu’elle le fait. Si les dépenses augmentent d’un taux supérieur au taux fixé, c’est parce qu’on n’a pas eu le choix, en raison de contraintes et d’impondérables. Les collectivités n’attendent pas que l’État leur dise de dépenser moins !

L’État joue ici un peu au Père Fouettard des collectivités, et ce n’est pas son rôle : d’où cette proposition de supprimer tous les dispositifs contraignants.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Face au Père Fouettard, notre groupe porte le même amendement. Les dépenses des collectivités ne sont pas un problème pour les comptes de la nation et celles des administrations publiques locales sont parmi les plus basses d’Europe. Elles représentent en effet 19 % de la dépense publique en 2020, pour une moyenne européenne de 31 %. En Allemagne, en Espagne, en Belgique et en Suède, elles sont deux fois plus élevées. Pourtant, les collectivités territoriales françaises assurent 70 % du total des investissements publics. Or, dans un contexte d’inflation, la tendance à la réduction des capacités d’investissement des collectivités locales, et plus particulièrement du bloc communal, dans l’offre de services à la population s’aggravera en 2023.

Les collectivités ne peuvent plus être une variable d’ajustement pour réduire le déficit public ou pour financer des mesures fiscales ou une politique de suppression des impôts décidées par l’État et destinées à une minorité, comme la suppression de l’ISF, l’impôt de la solidarité sur la fortune, de la TH, la taxe d’habitation, et de la CVAE, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, ou comme le taux de la flat tax et la décision de ne pas instaurer de taxe sur les superprofits.

Afin de mener l’indispensable transition écologique, les collectivités auront besoin de marges de manœuvre budgétaires. Nous demandons donc au Gouvernement de renoncer à l’imposition des nouvelles contraintes qui ont été évoquées à plusieurs titres et qui font obstacle à l’autonomie des collectivités locales.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je présenterai conjointement les amendements CF38 et CF39. Avec le premier, nous nous opposons au mécanisme d’ajustement prévu par le texte de l’article 23 dans ses alinéas 9 à 24. Ce mécanisme n’a en effet pas de sens car il procède par strates et catégories. L’amendement CF39 vise, quant à lui, le mécanisme de sanctions qui porte d’abord, je le rappelle, sur le soutien à l’investissement, ce qui est une hérésie totale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Quand on demande aux collectivités territoriales une modération de l’accroissement de leurs dépenses de fonctionnement, cela se traduit par une meilleure capacité d’épargne brute ou d’épargne nette, et donc par une augmentation des investissements. Il ne s’agit donc pas de leur prendre de l’argent, mais d’être un peu plus regardant sur leurs dépenses de fonctionnement pour favoriser l’investissement dont nous avons besoin aujourd’hui et pour les prochaines années.

Par ailleurs, dire que l’État fait tout mal et que les collectivités territoriales font tout bien fait exprime une agressivité envers l’État que je ne comprends pas. En effet, les transferts réalisés chaque année de l’État vers les collectivités territoriales s’élèvent à 105 milliards d’euros, tandis que le prélèvement sur recettes qui va de l’État vers les collectivités est de 45 milliards – c’est un ordre de grandeur, qui n’est peut-être pas tout à fait précis. Les comptes de l’État et des collectivités sont certes différents, mais ils sont très imbriqués. Vous objectez que chaque euro qui manque aux collectivités territoriale les empêche d’assumer certains services publics, et vous avez raison, mais chaque euro qui manque à l’État l’empêche lui aussi d’assurer certains investissements pour certains services publics : c’est aussi simple que cela.

L’article 23 vise donc à trouver l’équilibre entre l’effort qui doit être fait par l’État et celui qui est demandé aux collectivités territoriales, le premier étant, sur la période, deux fois plus important que le second. Ce dernier est tout relatif : il n’y a pas de baisse des dépenses des collectivités, ni de leurs recettes. Les chiffres que je vous ai donnés pour les projections de la TVA et de la taxe foncière sont en très forte augmentation, et on n’y touchera pas. Les collectivités territoriales n’ont pas moins de moyens, mais elles devront seulement opérer un focus sur les investissements. Avis défavorable, donc.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Notre philosophie, que nous avons déjà exposée aux associations d’élus, avec lesquelles nous avons beaucoup travaillé ces dernières semaines, est que nous voulons tous favoriser l’investissement, notamment en faveur de la transition écologique. L’investissement passe évidemment par l’État, mais il passe aussi beaucoup par les collectivités locales. La question est de savoir comment nous donner les marges de manœuvre permettant les investissements nécessaires. Si nous ne sommes pas capables de matérialiser, sur les cinq ans qui viennent, une maîtrise collective de la progression de nos dépenses de fonctionnement, nous nous exposons à une augmentation, voire à une explosion, de nos taux d’intérêt, qui pénalisera tout le monde, y compris les collectivités locales, en termes de capacité à emprunter pour investir.

Nous avons tous – État et collectivités locales – un intérêt commun à maîtriser la progression de nos dépenses de fonctionnement et à contenir autant que possible les taux d’intérêt pour conserver des marges qui nous permettent d’emprunter pour investir lorsque c’est nécessaire.

Toutes les associations d’élus ont souscrit avec nous à ce diagnostic et à cet objectif, certaines soutenant plus directement le mécanisme que nous instaurons, notamment Assemblée des départements de France et Intercommunalités de France – je vous renvoie à leurs communiqués de presse à ce propos. D’autres associations n’ont pas soutenu le mécanisme, mais au moins le constat qu’il fallait maîtriser la progression des dépenses de fonctionnement. Je parle bien de progression car, avec le mécanisme proposé, les collectivités locales dépenseront, durant ce quinquennat, 31 milliards d’euros de plus qu’aujourd’hui : il n’est pas question de dire qu’elles vont réduire leurs dépenses !

Ce mécanisme, salué par la majorité des associations, tourne la page des contrats de Cahors créés au début du précédent quinquennat, qui ont été ressentis comme vexatoires, comme une forme de mise sous tutelle. Nous faisons le pari de la confiance : vous avez fixé un objectif de dépenses pour les collectivités locales qui est le même que celui que nous instaurons pour l’État. Je suis convaincu que les collectivités locales feront, comme l’État, les efforts nécessaires pour le tenir.

Il faut toutefois prévoir un dispositif pour le cas où cet objectif ne serait pas tenu. Nous avons beaucoup discuté à ce propos avec les collectivités locales et les associations d’élus, en vue de dessiner le dispositif qui serait le plus acceptable pour les deux associations d’élus que j’ai évoquées et qui ont soutenu dispositif, et le moins critiquable pour les autres. À la différence de ce que prévoyaient les contrats de Cahors, nous n’avons pas fixé pour 320 collectivités une norme de dépenses qu’elles sont obligées de respecter sous peine de nous voir piocher dans leurs comptes. Charles de Courson a rappelé que 100 collectivités n’avaient pas signé les contrats de Cahors, mais sans dire que l’État les signait pour elles, ce qui précisément a été ressenti comme vexatoire. De fait, si elles ne respectaient pas la règle fixée, elles s’exposaient à une reprise sur leur dotation, au même titre que celles qui avaient signé.

Dans le dispositif proposé, un objectif global a été fixé : s’il est tenu, il ne se passe rien. Si tel n’est pas le cas, on examine la situation des collectivités ayant plus de 40 millions d’euros de budget, c’est-à-dire les 500 plus grandes, les autres n’étant pas concernées. Une discussion s’engage alors avec l’État pour analyser les conditions qui ont conduit à ce résultat, car des éléments imprévus ont pu entraîner ce dépassement, et il ne s’agit pas pour l’État de manier le bâton ou la matraque – j’ai d’ailleurs annoncé que certaines dépenses seraient retraitées d’emblée. On détermine ensuite avec le représentant de l’État une trajectoire de retour vers l’objectif initial. Je le répète : même si elles ne soutiennent pas toutes le dispositif, les associations d’élus ont reconnu qu’il ne s’agissait pas là des contrats de Cahors.

Si nous voulons disposer de marges de manœuvre pour investir, nous devons être crédibles quant à notre capacité à maîtriser la progression de nos dépenses. J’entends beaucoup de discours sur ce thème, mais il importe que les discours soient suivis d’effet.

M. Charles de Courson (LIOT). Si beaucoup de collectivités ont signé le pacte de Cahors, c’est parce qu’en cas de dépassement, celles qui avaient signé se voyaient prélever 75 % seulement de la dérive, au lieu de 100 % pour celles qui n’avaient pas signé. Dans mon conseil départemental, où je n’ai pas réussi, à une très courte majorité, à faire voter contre la signature de ce pacte, tous mes collègues, de tous bords, reconnaissent avoir fait une erreur en le signant. Mais enterrons le pacte de Cahors, qui n’a servi à rien : jamais un sou n’a été reversé !

Quant aux dispositions de l’article 23, elles n’auront pas plus d’effets. Nous avons voté majoritairement l’amendement Dalloz – et les identiques –, qui est plein de bon sens. Dans la Marne, l’un des départements gérés avec le plus de rigueur – j’y suis conseiller départemental depuis 37 ans –, sur 500 millions de budget de fonctionnement, les AIS, y compris l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, que Mme Dalloz a oublié de citer, représentent 70 % des dépenses de fonctionnement. Autant vous dire que, pour ce qui est hors dépenses de fonctionnement, nous serrons depuis longtemps les boulons, et réduisons même les montants. Nous n’avons donc pas besoin de l’article 23.

Monsieur rapporteur général, je crois me souvenir que vous avez été élu local : vous savez donc parfaitement qu’on n’a pas eu besoin d’expliquer aux élus locaux que s’ils laissent filer les dépenses de fonctionnement, ils feront moins d’investissement. Il est inutile d’avoir fait Polytechnique ou l’ENA pour le comprendre : tous les gens de bon sens le savent !

Il serait bon de voter ces amendements, qui videraient totalement l’article 23, le rendant ainsi purement déclaratif –  ce que, d’ailleurs, il finira par être.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Monsieur le ministre vous avez déclaré que toutes les collectivités étaient favorables à la méthode, même si elles ne l’étaient pas nécessairement toutes à ce pacte de confiance. Il doit cependant y avoir quelques exceptions, car cela ne s’applique pas à celles du département dont je suis élue, où elles sont toutes opposées à ce dispositif.

Par ailleurs, l’alinéa 32 de l’article 23 dispose que « ces collectivités et établissements se voient appliquer une reprise financière si l’évolution de leurs dépenses annuelles réelles de fonctionnement dépasse le niveau annuel arrêté par le représentant de l’État. Le montant de cette reprise est égal à 100 % du dépassement constaté. » Vous pouvez donc parler de rapport de confiance, mais la sanction est malgré tout de 100 % du dépassement.

Enfin, si les contrats de Cahors n’ont pas été conclus sur la base de la confiance, ceux-ci le seront, comme cela a déjà été dit, sur celle de la méfiance.

La commission rejette l’amendement CF2, puis adopte successivement les amendements CF40 et CF38.

En conséquence, les amendements CF39, CF16, CF4, CF10, CF18 et CF17 tombent.

Amendement CF5 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à neutraliser les effets du relèvement du point d’indice de 3,5 % en année pleine pour le calcul du respect de la trajectoire de dépenses des collectivités.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF5.

Amendement CF50 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Cet amendement tend à éviter un effet de bord de la régulation des dépenses locales que cette LPFP met en place. La forte implication des élus écologistes dans de nombreux conseils municipaux nous pousse en effet à insister pour éviter une régulation mal taillée. Selon notre lecture du dispositif, les collectivités qui seraient sous la moyenne des indicateurs de leur catégorie de collectivités en 2022 seraient sanctionnées même si elles parvenaient dès 2023 à mettre en place un budget satisfaisant aux nouvelles normes. L’amendement prévoit donc d’organiser un mécanisme plus adapté propre à assurer une année 2023 de transition qui laisse davantage la part au dialogue et à une mise en route moins déséquilibrée du mécanisme projeté.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis assez surpris, car nous avons supprimé le mécanisme de reprise et je ne vois donc pas comment cet amendement peut s’insérer, mais c’est une remarque formelle.

J’aurais été assez favorable à cette mesure, car il est intelligent de prendre en compte l’ensemble des dépenses, mais il faudra retravailler l’amendement à tête reposée avant l’examen du texte en séance publique. J’en demande donc le retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je le maintiens, mais le retravaillerai pour la séance.

La commission rejette l’amendement CF50.

Amendement CF66 Mme Julie Laernoes.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les collectivités ont un rôle primordial à jouer dans la transition énergétique. Avec leurs différents niveaux de compétences, elles possèdent de puissants leviers d’action pour initier et coordonner les projets de transition énergétique. Elles doivent donc pouvoir investir massivement dans les prochaines années pour accélérer la transition – la crise énergétique nous le rappelle. À l’image de la suspension du pacte de Cahors durant la crise sanitaire, la transition énergétique nécessiterait donc une réforme des contraintes imposées aux collectivités en matière financière. Pour faciliter ces investissements, libérer le recours à l’emprunt pour les collectives apparaît ainsi comme indispensable. Nous proposons donc d’exclure les emprunts pour la transition énergétique des objectifs d’amélioration de la durée de désendettement prévus dans l’accord de retour à la trajectoire des finances publiques des collectivités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’argument est, là aussi, formel, mais en ne votant pas la limitation des dépenses de fonctionnement, vous avez de facto baissé le potentiel d’investissement des collectivités territoriales. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF66.

Amendement CF76 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet amendement tend à préciser que le rapport sur la mise en œuvre du dispositif est annuel.

M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit d’un amendement intéressant, qui démontrera que tout cela ne sert à rien. Il conviendrait cependant de substituer à l’année 2023 l’année 2024, car les remontées des comptes administratifs 2023 n’interviendront qu’en mars 2024.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur de Courson, j’examinerai votre proposition en vue de la séance publique. Pour l’heure, je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement CF76.

Elle rejette ensuite l’article 23.

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*     *

Chapitre IV
Administrations de sécurité sociale

Article 24
Transmission par le Gouvernement de la décomposition du solde des administrations de sécurité sociale entre différentes catégories d’organismes

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoit la transmission annuelle au Parlement de la décomposition du solde des administrations de sécurité sociale entre les régimes et organismes relevant de la loi de financement de la sécurité sociale et d’autres organismes sociaux.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article dans une rédaction avançant au premier mardi d’octobre la transmission des informations qu’il prévoit, précisant qu’elles sont exprimées en points de PIB et en valeur et opérant une modification rédactionnelle.

I.   L’État du droit

Sur le champ des administrations de sécurité sociale, dont il convient de rappeler la définition, la dernière LPFP prévoit déjà la transmission par le Gouvernement, au début de chaque autonome budgétaire, des données sur la ventilation du solde entre les régimes de base et d’autres composantes.

A.   Le pÉrimÈtre des administrations de sÉcuritÉ sociale

● Issu de la comptabilité européenne, l’agrégat des ASSO a récemment vu son statut consolidé par la révision de la LOLFSS.

Les administrations de sécurité sociale (ASSO) sont l’un des quatre sous-secteurs d’administration publique (APU) du système européen des comptes nationaux ([68]), tenu à jour par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT).

Elles regroupent deux catégories :

– les régimes de sécurité sociale, qui en « couvrant l’ensemble de la collectivité ou d’importantes parties de celle-ci et qui sont imposés, contrôlés et financés par les administrations publiques », constituent le volet public de l’assurance sociale ([69]), au sein desquels la nomenclature française distingue les ROBSS, les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires (AGIRC-ARRCO, IRCANTEC, etc.) et l’assurance chômage (UNÉDIC) ;

– les organismes dépendant des assurances sociales (ODASS), comprenant les hôpitaux publics, les hôpitaux privés participant au service public hospitalier et des satellites très variés d’un pays à l’autre, avec en France, par exemple, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV) ou encore le fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Une liste des ROBSS est dressée par le Gouvernement dans un document triennal. Sa dernière version, annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, mentionne vingt-neuf régimes.

Outre le régime général pour la plupart des risques couvrant les salariés, indépendants, fonctionnaires et contractuels de la fonction publique d’État, les principaux ROBSS sont ceux de la Mutualité sociale agricole (MSA), de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière (CNRACL), de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), les régimes spéciaux de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ou encore la nouvelle branche relative à la dépendance ([70]) gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Certains autres ROBSS sont éteints, c’est-à-dire n’accueillent plus de nouveaux assurés.

● Issu de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le nouvel article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale dispose que « dans son article liminaire ([71]), la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale ».

D’après l’article liminaire du PLFSS pour 2023, les ASSO connaîtraient un résultat positif à hauteur de 0,5 point de PIB en 2022 puis de 0,8 point de PIB en 2023. Le rapport annexé au projet de LPFP prolonge la prévision.

Le rapporteur général estime utile d’exprimer ces données en valeur (ci-dessous en euros courants aux prix de 2022), de sorte que l’excédent passerait de 12,3 milliards d’euros en 2022 à 29,6 milliards d’euros en 2027.

Prévisions de recettes, de dÉpenses et de solde des ASSO pour 2022 À 2027

(en points de PIB ; valeur en milliards d’euros courants en base 2022)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

 

PIB

Val.

PIB

Val.

PIB

Val.

PIB

Val.

PIB

Val.

PIB

Val.

Recettes

27,0

664,7

26,9

743,2

26,8

752,3

26,7

762,2

26,6

772,3

26,5

783,2

Dépenses

26,5

652,4

26,1

721,1

26,0

729,8

25,9

739,4

25,8

749,0

25,5

753,7

Solde

+ 0,5

12,3

+ 0,8

+ 22,1

+ 0,8

22,5

+ 0,7

20,0

+ 0,8

23,2

+ 1,0

29,6

Source : PLFSS pour 2023 ; exposé des motifs du PLF pour 2023 ; rapport annexé au projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 ; commission des finances (conversions).

L’exposé des motifs de l’article liminaire du PLFSS souligne que « les excédents de la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – qui correspondent à l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base (18,6 milliards d’euros en 2022) – contribuent largement au solde positif de l’ensemble de ce secteur » pour les deux exercices qu’il aborde.

B.   Une disposition reconduite

L’article 28 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 prévoit que le Gouvernement remette chaque année un tel rapport au Parlement. Depuis son entrée en vigueur, ce document n’a toutefois jamais été enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale ni à la commission des finances.

II.   Le dispositif proposÉ

Identique dans sa rédaction à l’article 28, précité, de la loi encadrant la période de programmation qui s’achève fin 2022, le présent projet de loi prévoit la transmission par le Gouvernement au Parlement, chaque année avant le 15 octobre, de la décomposition du solde des ASSO entre les agrégats suivants :

– les ROBSS ;

– les organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

– les autres régimes d’assurance sociale ;

– les autres ODASS.

Le rapporteur général estime que ces informations particulièrement opportunes pourraient connaître deux aménagements : d’une part, elles gagneraient à être remises au plus tard le premier mardi d’octobre, afin de correspondre parfaitement au calendrier de dépôt du PLF et du PLFSS et de permettre leur appropriation par les membres du Parlement avant leur examen ; d’autre part, elles pourraient être exprimées à la fois en points de produit intérieur brut (PIB) et en milliards d’euros courants – en cohérence avec les unités retenues désormais pour certaines orientations pluriannuelles et prévisions mentionnées aux articles 1er A, 1er B, 1er H et 1er I de la LOLF.

Les projections du projet de LPFP et de son rapport annexé montrent qu’à l’exception des ROBSS, la plupart des composantes des ASSO sont en excédent.

La principale explication est que les apurements réalisés par la CADES diminuent son passif.

Par ailleurs, certains régimes spéciaux ont, par construction, des recettes égales à leurs dépenses, comme celui porté par le compte d’affectation spéciale Pensions ou ceux auxquels l’État verse une subvention d’équilibre – l’effet sur le solde étant alors positif pour les ASSO mais négatif pour les APUC – et d’importantes caisses de retraite complémentaire possèdent des réserves dont la mobilisation permet, à charges inchangées, de consolider le résultat.

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*     *

Amendement CF70 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet amendement vise à avancer la date de remise du rapport et précise que la décomposition sera exprimée en volume et en valeur.

La commission adopte l’amendement CF70.

Elle adopte l’article 24 modifié.

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*     *

 

Chapitre V
Autres dispositions

Article 25
Bilan annuel de la mise en œuvre de la loi
de programmation des finances publiques

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la transmission, par le Gouvernement, d’un bilan annuel des lois de programmation des finances publiques en vigueur à l’occasion du dépôt de projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, qui se substitue à la loi de règlement.  

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 32 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022, qui prévoit la transmission chaque année, par le Gouvernement, d’un bilan de sa mise en œuvre, ainsi qu’une justification des éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le programme de stabilité les plus récents et la LPFP 2018-2022, est abrogé par l’article 26 du présent projet de loi.

Aussi, le présent article prévoit-il la transmission chaque année d’un bilan de la mise en œuvre de la présente loi de programmation ainsi que des articles des LPFP antérieures qui resteraient en vigueur ([72]).

Ce bilan serait rendu public en même temps que le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année.

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*     *

La commission adopte l’article 25 non modifié.

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Article 26
Abrogation de dispositions de lois de programmation
des finances publiques antérieures

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article abroge des dispositions de plusieurs lois de programmation des finances publiques (LPFP) antérieures encore en vigueur. En particulier, la LPFP pour les années 2018 à 2022 est entièrement abrogée.

Position de la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Les orientations prévues par le présent projet de loi se substituent à celles de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le présent article abroge les dispositions suivantes encore en vigueur des lois antérieures de programmation des finances publiques :

– les dispositions en vigueur de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ([73]) ;

– l’article 20 de la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ([74]) ;

– les articles 12, 26, 28, 30 et 32 de la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ([75]) ;

– l’intégralité de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([76]).

Seuls deux articles issus respectivement des lois de programmation pour les années 2012 à 2017 et 2014 à 2019 resteraient en vigueur.


Dispositions maintenues deS précédentes lois de programmation des finances publiques

Dispositions

Contenu

Article 17 de la LPFP 2012-2017

Évaluation socio-économique préalable des investissements civils financés par l’État, les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire.

Article 34 de la LPFP 2014-2019 

Interdiction du recours au crédit-bail pour les administrations publiques centrales.

Source : présent article.

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*     *

La commission adopte l’article 26 non modifié.

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*     *

Elle rejette ensuite l’ensemble du projet de loi.

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*     *

 


([1]) Avis n° HCFP-2022-1 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2021, 24 juin 2022.

([2]) Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur la révision des règles budgétaires européennes, n° 4990, par Mme Caroline Janvier, 2 février 2022.

([3]) Ces dépenses sont détaillées dans le rapport annexé au présent projet de loi.

([4]) Article 6 du Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([5]) Définition figurant dans le tome II Dépenses fiscales des Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances.

([6]) Réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû), crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une dépense budgétaire en direction du contribuable concerné), exonérations déductions, taux ou tarifs réduits, amortissements, abattements, dégrèvements.

([7]) M. Joël Giraud, Rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019, pages 47-114.

([8]) Les dépenses fiscales se sont élevées à 93,4 milliards d’euros en 2017 alors que le plafond était fixé à 86 milliards d’euros.

([9]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2018, mai 2019 et Cour des comptes, Le budget de l’État en 2021, juin 2022.

([10]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019, mai 2020.

([11]) Le lecteur est invité à se référer au commentaire de l’article 9 du projet de loi de finances pour 2023 pour de plus amples informations.

([12]) IGF, Dépenses fiscales et sociales, juin 2019.

([13]) Résolution pour le renforcement du pilotage et de l’évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, Assemblée nationale, XVe législature, T.A. n° 292, 19 juin 2019.

([14]) M. Joël Giraud, Rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019, pages 47-114.

([15]) Article 6 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

([16]) Article 8 de la même loi.

([17]) Article 8 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([18]) Article 16 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([19]) Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([20]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([21]) Tome I du fascicule voies et moyens « les évaluations de recettes », en application du 1° de l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances.

([22]) Article 8 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([23]) Loi  n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([24]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2015 Résultats et gestion, mai 2016, pages 141 et suivantes.

([25]) Présentation détaillée au 1. De l’annexe, intitulé « La nouvelle définition du périmètre des dépenses de l’État ».

([26]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et le projet de loi de finances pour 2023, lundi 26 septembre 2022, séance de 15 heures (compte rendu).

([27] Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([28]) Le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs est fixé chaque année par la loi de finances depuis 2009 conformément à l’article 64 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([29]) Cette consommation est détaillée dans les rapports annuels de performances joints au projet de loi de règlement et d’approbation des comptes.

([30]) Article 5 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([31]) « Les relations entre l’État et ses opérateurs », Cour des comptes. Rapport demandé par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, janvier 2021.

([32]) La différence entre l’autorisation votée en loi de finances initiale et le nombre donné dans la loi de règlement des comptes pour 2019 résulte de l’article 9 de la loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

([33]) Cour des comptes, rapport précité, p. 54.

([34]) La loi organique relatives aux lois de finances définit ces opérateurs comme des « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public ».

([35]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([36]) Voir l’article 15 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([37]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.

([38]) Notamment, l’initiative collaborative de Paris sur les budgets verts (« Paris Collaborative on Green Budgeting »), lancée en décembre 2017 par l’OCDE, la France et le Mexique au One Planet Summit.

([39]) Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, septembre 2021 (lien).

([40]) Article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([41]) Article L. 1612-14 du CGCT.

([42]) Créé lors de la révision du cadre organique résultant de l’adoption de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, cet article reprend des dispositions présentes auparavant à l’article 2 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([43]) Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

([44]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([45]) La dernière phrase du 3° de l’article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale prévoit pour sa part que « le nombre de sous-objectifs [de l’ONDAM] ne peut être inférieur à trois », leur détermination relevant du seul Gouvernement.

([46]) Avis du comité d’alerte de l’ONDAM n° 2021-2 sur le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, 1er juin 2021.

([47]) La croissance du PIB est estimée à 1,6 % en 2023, 1,6 % en 2024 et 1,7 % en 2025 d’après les hypothèses du scénario macroéconomique 2022-2027contenues dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

([48]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.  

([49]) Annexe 2 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([50]) Annexe 2 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([51]) Sans en définir le principe ni les modalités concernant les comptes de l’État, la LOLF prévoit au 4° bis de son article 51 qu’est joint au PLF « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres », tandis que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique indique simplement au 1° de son article 67 que « par ministère il est établi un document de répartition initiale des crédits et des emplois qui présente pour chaque programme : la répartition entre les budgets opérationnels de programme des crédits ouverts en loi de finances initiale, nets de la réserve mise en œuvre en application de l’article 51 [de la LOLF, précité] » et au 3° du III de son article 91 que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel vise « le caractère soutenable de la répartition de la mise en réserve ».

([52]) M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, Finances publiques (18ème éd.), L.G.D.J., septembre 2019.

([53]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des LFSS, 5 octobre 2021.

([54]) Abrogé par le I de l’article 22 de la LPFP pour les années 2012 à 2017.

([55]) Abrogé par l’article 35 de la LPFP pour les années 2014 à 2019.

([56]) Ces dispositions formaient le D du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale avant l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux LFSS.

([57])  Annexe V au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([58]) Cour des comptes, rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre II « Les niches sociales : des dispositifs dynamiques et insuffisamment encadrés, une rationalisation à engager», octobre 2019, pages 112 et 113.

([59]) Cette disposition est codifiée à l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale. Elle prévoit que l’annexe au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année précédente présente l'évaluation de l’efficacité des niches sociales « au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d’entre elles. Chaque mesure doit faire l'objet d’une évaluation une fois tous les trois ans ».

([60]) Rapport d’information n° 4403 déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le printemps de l’évaluation et présenté par M. Éric Woerth, intitulé « L’évaluation des politiques publiques 2021 », Assemblée nationale, XVe législature, 21 juillet 2021.

([61]) Conseil d’État, 1er avril 2022, n° 443924.

([62])  Décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018.

([63]) Y compris la Corse, la Guyane, la Martinique et Mayotte.

([64]) Y compris la Métropole de Lyon.

([65]) Le besoin de financement correspond au recours à l’emprunt.

([66]) Notion fréquemment utilisée pour apprécier la situation financière d’une collectivité : c’est la durée nécessaire au désendettement si tout l’autofinancement (excédent de la section de fonctionnement) était consacré au remboursement de la dette.

([67]) Cet objectif d’amélioration de la durée de désendettement concernerait seulement les régions qui ont une durée de désendettement supérieure à 9 ans, les départements qui ont une durée de désendettement supérieure à 10 ans et les communes et EPCI qui ont une durée de désendettement supérieure à 12 ans.

([68]) Règlement n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013.

([69]) Dans son Guide pratique sur le système européen des comptes 2010 du 4 décembre 2013, la Commission européenne définit l’assurance sociale comme les « régimes dans lesquels les participants sont obligés de souscrire une assurance, ou incités à le faire, par un tiers en vue de se prémunir contre certains risques sociaux ou certaines situations qui peuvent affecter négativement leur bien-être ou celui des personnes à leur charge ». Son volet privé se répartit entre des prestations fournies par l’employeur, le secteur de l’assurance, celui des fonds de pension ou enfin des institutions sans but lucratif au service des ménages.

([70]) Article 2 de la loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie ; articles 3 et 5 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie ; articles 32 à 34 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([71]) La loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021, précitée, a inséré dans un nouvel article 1er H de la LOLF le périmètre de l’article liminaire des textes financiers autres que la LFSS de l’année.

([72]) Les articles 17 de la LPFP 2012-2017 et 34 de la LPFP 2014-2019 resteraient en vigueur en cas d’adoption de la présente loi de programmation (voir commentaire de l’article 26 infra).  

([73]) Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

([74]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

([75]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([76]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.