N° 292

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 27
 

 

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Mohamed LAQHILA

 

 

Député

____

 

 



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. les recettes prévues pour 2023 : le poids prépondérant des cessions

A. Les cesssions immobilières

1. Des prévisions obtenues après application d’un coefficient de pondération

2. Une illustration du caractère fluctuant des ventes : présentation des ventes réalisées au 1er semestre 2022

B. les redevances domaniales et loyers

II. des crédits demandés qui prennent en compte la possibilité DE moindres recettes et qui reposent sur une priorité donnée auX « dépenses du propriétaire »

A. La priorité donnée aux dépenses du propriétaire (actions 12, 13 et 14) pour 2023 et plus largement pour les 5 prochaines années

B. Le cas particulier de l’année 2022 : une hausse attendue en exécution des dépenses d’entretien du propriétaire, conséquence de l’appel à projets pour le financement de projets de réduction de la consommation d’énergie fossile

C. Les projets structurants prévus en 2023 financés avec des crédits du CAS

III. perspectives et éléments de vigilance

A. les difficultés structurelles du CAS

1. L’exercice difficile de la prévision et la mobilisation fréquente de la trésorerie

2. Des cessions immobilières converties pour 50 % en droit de tirage, mutualisées pour 50 % pour les dépenses du propriétaire

B. Le poids minime du cas dans les interventions de l’Etat, et les difficultés d’en faire l’outil budgétaire de la stratégie de l’Etat propriétaire

1. La contribution minime du CAS à la politique immobilière de l’État

2. Un caractère insoluble ?

C. présentation des premiers résultats du lancement de l’agence pour la gestion de l’immobilier de l’état

1. Une expérimentation lancée en 2021

2. Une démarche appuyée par les résultats de l’enquête de la DIE comparant les modèles de gestion de l’immobilier public en Europe

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 85 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


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PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

 

 Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État mutualise les recettes provenant de ventes de biens immobiliers de l’État afin de financer des acquisitions et des dépenses dites « du propriétaire ».

– Au-delà de la priorité donnée aux dépenses dites du propriétaire en 2023, le CAS contribuera à plusieurs grands projets immobiliers comme le projet PRISME de relogement de l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) à Palaiseau, le projet Quai d’Orsay XXI et le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique.

– L’excédent en exécution attendu en 2023 (340 millions de dépenses en CP pour 480 millions de recettes) ne doit pas faire oublier l’équilibre fragile du compte d’affection spécial, illustré par le déficit d’exécution de 2021 et celui attendu pour 2022. Le rythme et le volume d’encaissement des recettes peuvent s’avérer irréguliers et se traduire par une mobilisation de la trésorerie du CAS, le solde du compte s’établissant actuellement à 645,5 millions d’euros.

– La logique de fonctionnement du CAS, lequel est alimenté principalement par des recettes issues des produits de cessions d’actifs immobiliers, conduit à s’interroger sur sa soutenabilité à long terme. La dynamisation des autres recettes et la mobilisation de nouvelles ressources semblent incontournables.

– La structure du CAS et les règles budgétaires limitent le CAS à un rôle marginal dans la politique immobilière de l’État, soit seulement 3,6 % des 9,5 milliards d’euros de CP en faveur de la politique immobilière de l’État au sens du document de politique transversale pour 2023.

– Le rapporteur spécial salue les premiers résultats de l’expérimentation, lancée en 2021, au sujet de l’agence pour la gestion de l’immobilier de l’État, dans le prolongement des préconisations des comités interministériels de la transformation publique.

 

 

 


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits du CAS
Gestion du patrimoine immobilier de l’État

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2022

PLF 2023

Variation

LFI 2022

PLF 2023

Variation

11 – Opérations structurantes et cessions

210

310

+ 47,6 %

260

170

– 34,6 %

12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

21,9

16

– 26,9 %

21,9

19

– 13,2 %

13 – Maintenance

44,1

51

+ 15,6 %

47,5

45

+ 4,7 %

14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

89,6

103

+ 14,96 %

90,6

106

+ 17 %

Total programme 723

365,6

480

+ 31,3 %

415,6

340

– 18,2 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2023.

 

évolution des dépenses

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2023.

 


—  1  —

   INTRODUCTION

La mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État est constituée du compte d’affectation spéciale (CAS) du même nom.

Ce CAS, qui a été créé par l’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, a pour vocation de mutualiser les recettes issues du produit des cessions de biens immobiliers, des redevances domaniales et des loyers perçus par l’État. Ces ressources permettent au CAS de financer des opérations immobilières structurantes et des travaux d’entretien dits « du propriétaire » pour le compte d’administrations occupantes. « De cette manière, les ministères occupants sont assurés de se voir rétrocéder une part significative des produits de cessions, et, par là même, incités à restructurer le parc immobilier qu’ils occupent », relève la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2021. ([1])

Il comprend deux programmes dont le responsable est le directeur immobilier de l’État :

– le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État ;

– le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État, qui n’est plus abondé depuis 2018 après la décision du législateur de ne plus faire participer le CAS à la réduction de la dette publique à compter du 1er janvier 2018. Le maintien du programme 721 répond à la volonté de respecter formellement l’article 20 de la LOLF : selon cet article, un CAS est une mission au sens de l’article 7 de cette même loi, c’est-à-dire un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie, au nombre minimum de deux.

Le projet de loi de finances évalue les recettes du CAS à 480 millions d’euros en 2023, soit une progression de près de 30 % par rapport à 2022, dont près des trois quarts devraient provenir du produit de cessions. Le tiers restant correspond aux recettes issues des redevances et des loyers. Cette prévision tient compte du report de projets de cession n’ayant pas pu avoir lieu en 2022. Les dépenses prévues s’élèvent à 340 millions d’euros, afin de tenir compte d’éventuelles moindres recettes.

Le rapporteur spécial présente également ici des éléments de perspective dont il faudra tenir compte pour les prochains exercices, dont la question de la soutenabilité du CAS à long terme eu égard à sa structure de financement portée jusqu’ici essentiellement par les recettes des cessions immobilières.

Il relève également que la structure du CAS et les règles budgétaires limitent celui-ci à un rôle marginal dans la politique immobilière de l’État, soit seulement 3,6 % des 9,5 milliards d’euros de CP en faveur de la politique immobilière de l’État au sens du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2023. L’essentiel des crédits consacrés à cette politique transversale sont, en effet, portés par les différents programmes des ministères.

Le rapporteur spécial salue les premiers résultats de l’expérimentation ayant lancé en 2021 l’agence pour la gestion de l’immobilier de l’État (AGILE), dans le prolongement des préconisations des comités interministériels de la transformation publique. Les résultats de l’évaluation menée par la direction de l’immobilier de l’État (DIE) avec le soutien de la commission européenne confirment, aux yeux du rapporteur spécial, l’utilité pour l’État de se doter à terme d’un outil opérationnel pour l’étude, la conduite des opérations et les relations avec les administrations occupantes.

évolution des recettes et des dépenses du cas

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Variation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État

0

0

0

0

-

-

P723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État

365,6

415,6

480

340

+ 31,3

– 18,2

Recettes

 

 

 

Solde

365,6

415,6

480

340

+ 31,3

– 18,2

Source : projet annuel de performances.

 

 


—  1  —

I.   les recettes prévues pour 2023 : le poids prépondérant des cessions

L’annexe au projet de loi de finances fait état des recettes prévisionnelles suivantes :

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Variation

Produits des cessions immobilières

280

370*

+ 32,1 %

Produits des redevances domaniales

90

110

+ 22,2 %

Total des recettes

370

480

+ 29,7 %

* Le produit des cessions des biens immobiliers de l’État ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État est évalué à 350 millions d’euros. Les fonds de concours et les versements du budget général, positionnés sur cette même ligne 1, sont estimés à 20 millions d’euros.

Annexe au projet de loi de finances pour 2023 et commission des finances.

Dans le prolongement de la recommandation du Conseil de l’immobilier de l’État dans son avis du 6 février 2020 ([2]), ces prévisions de recettes s’inscrivent dans un état prévisionnel des moyens et des besoins de financement du CAS pour les cinq prochaines années, qui a été établi par la direction de l’immobilier de l’État (DIE). Les hypothèses retenues seraient celles d’un « encaissement moyen sur [les 5 prochaines années] de 340 millions d’euros (210 millions d’euros de cessions, 110 millions d’euros de redevances, 20 millions d’euros de fonds de concours et versements du budget général). » ([3])

A.   Les cesssions immobilières

En 2023, les produits des cessions immobilières représenteraient 72,9 % des recettes.

1.   Des prévisions obtenues après application d’un coefficient de pondération

Le montant estimé des biens à vendre en 2023 est de 234,2 millions d’euros. Cette valorisation est obtenue après l’application d’une pondération tenant compte des difficultés d’encaissement et des décotes possibles.

La moyenne de 210 millions d’euros sur les 5 prochaines années se répartirait entre 150/160 millions d’euros de cessions nombreuses et de montant relativement modeste (moyenne constatée sur les trois derniers exercices), et de 50/60 millions d’euros de cessions plus rares mais conséquentes, lissées sur les cinq ans.

D’après la DIE, le « pic » attendu en 2023 correspond à la vente attendue de deux biens parisiens évalués, de manière prudente, à 140 millions d’euros. Les procédures de cession étant en cours, la date d’encaissement est incertaine et pourrait s’échelonner entre 2022 et 2023. Le rapporteur spécial rappelle à cet égard que le montant global prévisionnel pour 2023 représente la somme du montant de chaque acte, quelle que soit la date d’encaissement pour l’État (qui peut s’échelonner sur plusieurs années).

Les 556 biens à vendre en 2023 sont principalement des terrains (231), des logements (129) et des bureaux (100). Les bureaux représenteraient à eux seuls 144,3 millions d’euros, soit 61,6 % du montant attendu.

Le tableau suivant fait état de la forte représentation du ministère de l’Écologie parmi les ministères concernés.

Répartition des biens à vendre en 2023, par ministère occupant :

Ministère

Nombre de biens à vendre

Valorisation pondérée*

(en euros)

Écologie

217

13 304 100

Agriculture

77

5 991 665

Biens non affectés

58

936 957

Armées

52

20 197 102

Intérieur

34

43 155 953

Budget

28

48 665 540

Justice

21

3 782 498

Éducation nationale

19

12 265 973

Enseignement supérieur

13

22 432 034

Économie

12

3 565 774

Travail

10

1 788 592

Culture

10

38 967 746

Services du Premier ministre

2

8 536 360

Affaires étrangères

2

10 400 000

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative : santé

1

183 120

Total général

556

234 173 415

*Pondération en fonction de la difficulté de cession et d’application d’un taux de décote théorique dans le cadre des biens relevant du comité interministériel pour le développement de l’offre de logements (CIDOL).

Source : questionnaire budgétaire.

2.   Une illustration du caractère fluctuant des ventes : présentation des ventes réalisées au 1er semestre 2022

À titre de comparaison, au 1er juillet 2022, 271 biens avaient été cédés depuis le 1er janvier 2022. Le montant total des produits de cessions (somme des prix de vente mentionnés dans les actes de vente) s’élevant à près de 64 millions d’euros, la cession de 733 biens était encore attendue en 2022.

D’après la DIE, « la cession de 42 % de ces biens était initialement attendue en 2020 ou en 2021 » ce qui illustre le caractère difficile de la prévision.

Répartition des biens cédés, par ministère occupant
depuis le 1er janvier 2022 :

Ministère

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente (en euros)

Écologie

111

6 097 362

Biens non affectés

73

1 707 302

Agriculture

22

5 016 959

Armées

18

8 827 328

Budget

16

14 744 871

Intérieur

9

3 478 461

Affaires étrangères

5

4 340 153

Justice

5

1 121 713

Enseignement supérieur

5

1 726 700

Travail

3

850 000

Éducation nationale

2

15 601

Culture

1

16 020 000

Santé

1

1 300

Total général

271

63 947 750

Source : questionnaire budgétaire.

Répartition des biens cédés, par nature de bien, depuis le 1er janvier 2022 :

Nature

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente (en euros)

Terrains

158

25 364 684

Logements

42

18 837 075

Bureaux

28

15 458 015

Infrastructures

28

2 518 447

Locaux d'activité

13

1 062 644

Culte et monuments

2

706 885

Total général

271

63 947 750

Source : questionnaire budgétaire.

Cessions supérieures à 2 millions d’euros
conclues pendant le premier semestre 2022

Département

Commune

Ministère occupant

Service occupant

Date de signature

Prix de cession
(en euros)

Loire-Atlantique

Nantes

Culture

Autres

7 mars 2022

16 020 000

Charente-Maritime

La Rochelle

Budget

Autres

7 juin 2022

7 250 000

Pyrénées-Atlantiques

Saint-Jean-de-Luz

Armées

Autres

12 janvier 2022

6 000 000

Seine-et-Marne

Champs-sur-Marne

Budget

Administration centrale

24 mars 2022

3 572 000

Source : questionnaire budgétaire.

 

 

 

 

B.   les redevances domaniales et loyers

Les recettes de redevance domaniale (qui correspondent à une indemnisation versée en contrepartie d’une occupation privative du domaine de l’État) et les loyers proviennent des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire et des locations d'immeubles de son domaine privé, des redevances et les loyers des domaines public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

Le produit des redevances domaniales et des loyers est estimé à 110 millions d’euros en 2023, dont 10 millions d’euros de redevances et de loyers des domaines public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire ([4]).

Il s’agit également du montant prévisionnel retenu pour la période 2023-2027. Ce montant est en hausse par rapport à l’exécution 2021 (103 millions d’euros), au prévisionnel 2022 (90 millions d’euros) et aux estimations de l’exécution 2022 (95 millions d’euros), dans le prolongement des mesures de redynamisation des redevances domaniales parmi lesquelles le développement de panneaux photovoltaïques. Cette politique de dynamisation est présentée dans l’encart ci-dessous.

« Depuis 2016, la DIE a entrepris une politique de dynamisation des redevances de manière à valoriser le Domaine de l’État. Cette dynamisation constitue un enjeu majeur pour assurer la préservation des intérêts financiers de l’État et la valorisation de son patrimoine immobilier. Le chantier d’accompagnement des gestionnaires du Domaine par la DIE et de mutualisation des bonnes pratiques a nécessité la mobilisation et la collaboration de l’ensemble des acteurs intéressés, avec la DIE et le réseau des services locaux du Domaine.

« Cette démarche s’est notamment appuyée sur la mise en place, en avril 2018, d’une nomenclature-barème dénommée « AMBRE » (Aide à la modernisation des barèmes portant sur les redevances de l’État). Cette nomenclature permet la fixation de montants dynamiques de redevances domaniales qui prennent en compte les avantages de toutes natures que procure le bien.

« Chaque année, est prévue une réunion à l’échelon régional entre les services locaux du Domaine et les gestionnaires du Domaine, pour renforcer les relations entre les divers acteurs. Elle a également pour intérêt de mettre en synergie les compétences de chaque service de l’État dans le cadre de la mise œuvre de l’ordonnance du 19 avril 2017 qui a porté notamment sur l’occupation privative du Domaine public.

« La revalorisation des redevances domaniales se fait notamment par une meilleure valorisation des points hauts ainsi que des terrains devenus inutiles (antennes mobiles, panneaux photovoltaïques). Cette démarche s’articule avec les engagements du Gouvernement en faveur d’une meilleure couverture numérique des territoires et du développement de l’énergie solaire. À ce titre, le ministère des armées met en œuvre de nombreux projets solaires sur l’ensemble du territoire national dans le cadre du plan gouvernemental dénommé « Place au soleil ».

« En outre, la DIE a ouvert au public en juin 2021 un nouveau service, le site des locations immobilières de l’État (https ://locations.immobilier-etat.gouv.fr/). Conçu et réalisé par la DIE, en lien avec le ministère des armées et le ministère de la transition écologique, ce nouveau service a pour objectif d’optimiser et de moderniser l’activité de « location des biens immobiliers de l’État et de ses établissements publics. En facilitant la consultation des annonces par le public, le site des locations immobilières de l’État permet aux services de l’État et aux établissements publics nationaux de mettre en œuvre les mesures de publicité et de sélection préalables à la délivrance des titres d’occupation du domaine, de manière alternative ou complémentaire aux autres mesures de publicité. »

Source : document de politique transversale pour 2023.

produit des redevances domaniales et des loyers depuis 2017

(en millions d’euros)

Année

Montant des redevances et loyers

Pourcentage des recettes

2017

86,3

19,9 %

2018

89,15

24,1 %

2019

107,1

14,7 %

2020

94,3

36,1 %

2021

103

31 %

2022 (prévision LFI)

90

24,3 %

2023 (prévision PLF)

110

22,9 %*

* Part en recul eu égard aux « cessions exceptionnelles » attendues en 2023.

Source : commission des finances.

redevances domaniales supérieures à 500 000 euros en 2021

(en millions d’euros)

Montant annuel

Lieu

Nature du bien

Titre d’occupation

Occupant

2,4

Toulon (Var)

terrain

convention d’occupation temporaire

SA Naval Group

1,9

Vichy (Allier)

ensemble immobilier

concession immobilière

SA Compagnie fermière de Vichy

1,3

Cannes (Alpes-Maritimes)

Plage

Concession de plage

Commune de Cannes

1,1

Chatou (Yvelines)

terrain

convention d’occupation temporaire

SA EDF

1,1

Paris (16e)

bâtiment

bail ordinaire

chambre de commerce internationale

0,71

Brest (Finistère)

bâtiment

autorisation d’occupation temporaire

SA Naval Group

0,65

Istres (Bouches-du-Rhône)

terrain et bâtiment

autorisation d’occupation temporaire

SA Dassault Aviation

0,57

Dieppe (Seine-Maritime)

terrain et ouvrage de rejet d’eau

autorisation d’occupation temporaire

centrale nucléaire de Penly

Source : document de politique transversale Politique immobilière de l’État pour 2022.

 

principales redevances domaniales
encaissées (flux) sur le budget général en 2021

En millions d’euros

Type

Montant

Mines, hydrocarbures

13,1

Cultures marines

6,3

Droits de passage exploitants télécoms

1,5

Énergie hydraulique

162,9

Cours d’eau

2,6

Personnels de l’État logés sur le domaine privé

1,3

Source : document de politique transversale pour 2023.


II.   des crédits demandés qui prennent en compte la possibilité DE moindres recettes et qui reposent sur une priorité donnée auX « dépenses du propriétaire »

Les AE du CAS seraient en hausse de 31,3 %, tandis que les CP seraient en baisse de 18,2 %, s’établissant à 340 millions d’euros. D’après la DIE, il s’agit de « tenir compte d’éventuelles moindres recettes », eu égard à la part prépondérante des cessions de biens immobiliers dans les crédits du CAS.

Évolution des crÉdits du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2022

PLF 2023

Variation

LFI 2022

PLF 2023

Variation

11 – Opérations structurantes et cessions

210

310

+ 47,6 %

260

170

– 34,6 %

12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

21,9

16

– 26,9 %

21,9

19

– 13,2 %

13 – Maintenance

44,1

51

+ 15,6 %

47,5

45

+ 4,7 %

14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

89,6

103

+ 14,96 %

90,6

106

   + 17 %

Total programme 723

365,6

480

+ 31,3 %

415,6

340

– 18,2 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2023.

Le rapporteur spécial rappelle ici que dépenses du CAS se répartissent entre :

– les « opérations structurantes », dont les crédits sont portés par l’action 11 « Opérations structurantes et cessions ». Il s’agit des travaux de remise à neuf, de restructuration ou d’agrandissement et, de manière plus générale, de ceux qui visent, par des modifications structurelles, à en améliorer le potentiel de services, donc la valeur vénale, ainsi que des frais accessoires directement liés à la cession d’un bien (organisation matérielle, expertises techniques, honoraires etc.) ;

– et les dépenses dites « d’entretien du propriétaire », également appelé entretien « lourd » qui comprennent les contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics (action 12) ; la maintenance à la charge du propriétaire ([5]) (action 13) les dépenses de gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état ([6]) (action 14).

Les dépenses prévues pour 2023 s’inscrivent, d’après la DIE, dans l’état prévisionnel des moyens et de besoins de financement pour les cinq prochaines années évoqué plus haut :

– pour les dépenses « entretien du propriétaire » il est prévu de porter progressivement les AE à 200 millions d’euros, soit 170 millions d’euros en 2023, 185 millions d’euros en 2024 et 200 millions d’euros à partir de 2025 ;

– pour les dépenses « projets immobiliers », les AE devraient atteindre 170 millions d’euros en 2023, 155 millions d’euros en 2024 et 140 millions d’euros à partir de 2025.

Selon la DIE, ces deux postes représenteraient ainsi progressivement « un total de 340 millions d’euros de consommation d’AE, plafond au-delà duquel, selon les projections statistiques, les plafonds de CP ne seraient plus respectés en 2023-2027 (340 millions d’euros) et les ressources seraient insuffisantes. La programmation présentée en tendanciel étant financée pour 2023-2027 par les prévisions de recettes à hauteur de 340 millions d’euros, le niveau prévisionnel de consommation de CP permet ainsi de maintenir une stabilité du solde comptable du CAS en cumul au terme des 5 années. » ([7])

A.   La priorité donnée aux dépenses du propriétaire (actions 12, 13 et 14) pour 2023 et plus largement pour les 5 prochaines années

La DIE indique que « les prévisions de dépenses [pour 2023] reposent sur la priorisation des dépenses dites « d’entretien du propriétaire » des immeubles de bureau », qui atteindraient 170 millions d’euros en AE, comme indiqué dans le paragraphe précédent.

Elles se décomposent ainsi :

répartition des catégories de dépense au sein des travaux du propriétaire

Source : commission des finances.

Les « dépenses du propriétaire » relèvent de l’axe 3 « Préserver la valeur du patrimoine de l’État par un entretien régulier des biens immobiliers » de la politique immobilière de l’État, présentée dans le document de politique transversale.

« Au sein du CAS immobilier qui porte les moyens budgétaires de financement interministériel de la politique immobilière de l’État, les ministères et les préfectures de région disposent chacun d’un budget opérationnel de programme (BOP) pour la programmation et le financement des dépenses d’entretien du propriétaire et de projets immobiliers éligibles.

« Un très large pouvoir de décision est laissé aux ministères et aux préfectures de région dans le cadre fixé chaque année par le directeur de l’immobilier de l’État. Au niveau déconcentré, cette forte autonomie s’inscrit dans le cadre de la déconcentration. »

Source : document de politique transversale pour 2023.

B.   Le cas particulier de l’année 2022 : une hausse attendue en exécution des dépenses d’entretien du propriétaire, conséquence de l’appel à projets pour le financement de projets de réduction de la consommation d’énergie fossile

D’après les informations communiquées par la DIE, les consommations de crédits d’entretien du propriétaire se présentent en 2022 à un niveau supérieur à celui de 2021, tant pour les BOP ministériels que les BOP régionaux.

Cette tendance, déjà constatée au cours des années précédentes, est renforcée de manière exceptionnelle en 2022 par le lancement par la DIE « d’un appel à projets pour le financement de projets de réduction de la consommation d’énergie fossile des bâtiments de l’État ou de ses établissements publics en prévision de l’hiver 2022/2023 » présenté ci-dessous.

Présentation de l’appel à projets « Résilience »

« Cet appel à projets lancé courant 2022 et doté d’une enveloppe budgétaire spécifique de 50 millions d’euros d’AE sur l’année 2022, doit permettre de réduire à très court terme la dépendance aux énergies fossiles importées du parc immobilier de l’État, et de manière corrélée contribuer à l’amélioration de sa performance environnementale.

« Il s’inscrit également dans le respect des dispositions du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire (dit « décret tertiaire »), du décret n° 2020-887 du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur (dit décret « BACS »), ainsi qu’aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Il trouve à s’appliquer dans le cadre défini par la feuille de route pour la transition énergétique pour les bâtiments de l’État impulsée par la direction de l’immobilier de l’État dans le cadre de la conférence nationale de l’immobilier public (CNIP) dédiée à la transition énergétique.

« L’appel à projets a permis de sélectionner et de financer environ 850 opérations qui proposaient une réduction de la consommation d’énergie fossile au sein des bâtiments dès l’hiver 2022-2023. La réduction de la consommation d’énergies fossiles (gaz ou fioul) sera directe ou indirecte (électricité en raison de la présence de gaz dans le mix électrique, réseaux de chaleur urbain utilisant du gaz, etc.). »

Source : questionnaire budgétaire.

Le rapporteur spécial relève que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion, dit « collectif budgétaire de fin d’année », prévoit un abondement supplémentaire à hauteur de 80 millions d’euros en AE et 40 millions d’euros en CP, signe du succès de cette opération.

C.   Les projets structurants prévus en 2023 financés avec des crédits du CAS

Les principales opérations immobilières devant être financées en 2023 sur le CAS s’inscrivent toutes dans une problématique pluriannuelle. Il s’agit :

– du projet PRISME de relogement de l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) à Palaiseau, pour un coût total de 162 millions d’euros HT, dont 66,6 millions euros de versements sur 2023 et 2024. L’échéancier initial prévoyant un financement à hauteur de 19,2 millions d’euros en AE et CP pourrait être réaménagé, en fonction de l’avancée des travaux et du besoin réel de financements ;

– du projet Quai d’Orsay XXI (ministère de l’Europe et des affaires étrangères), qui porte des opérations visant à rénover et moderniser les différents sites du ministère, ainsi qu’à accompagner le regroupement des directions en pôles stratégiques. Le montant financé serait de 70 millions d’euros en AE en 2023 (engagement des marchés), un montant faible en CP étant à prévoir eu égard à la période de début de travaux ;

– du projet de Saint-Mandé, mené par le ministère de la transition écologique, de restructuration du site qui accueille déjà l’institut géographique national (IGN), Météo France, le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), et bientôt le nouveau siège de l’office français de la biodiversité (OFB). Sont prévus 43,4 millions d’euros en AE et 160 000 euros en CP.

III.   perspectives et éléments de vigilance

Selon la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2021, « la logique du fonctionnement du CAS tend à atteindre sa limite depuis plusieurs années, ce qui a pour effet de contraindre sa participation à la politique immobilière de l’État, qu’il incarne sur le plan interministériel », ce qui est pour le rapporteur spécial la conséquence de la structure même du CAS.

Par ailleurs, les premiers résultats de l’expérimentation ayant mis en place une Agence pour la gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) vont pour lui dans le sens d’une meilleure gestion.

A.   les difficultés structurelles du CAS

1.   L’exercice difficile de la prévision et la mobilisation fréquente de la trésorerie

L’estimation des ressources du CAS est un exercice difficile eu égard à la forte volatilité des cessions et dans la mesure où il est rare de pouvoir anticiper le montant exact d’une vente et sa date d’encaissement.

La structure même des recettes du CAS, le volume d’encaissement des recettes, en particulier les recettes de cessions, qui sont prépondérantes, pouvant s’avérer irrégulier, suppose pour celui-ci de toujours disposer d’un minimum de trésorerie.

Le rapporteur spécial rappelle à cet égard que la trésorerie du CAS a été mobilisée à plusieurs reprises depuis 2017 dans des situations de déséquilibre entre recettes et dépenses, comme le retrace le graphique suivant.

Evolution de la trésorerie du CAS depuis 2015
ainsi que les prévisions pour 2022

Source : questionnaire budgétaire.

 

 

 

 

 

Il présente également les éléments suivants fournis par la DIE.

« Depuis 2018, le responsable de programme a systématiquement recherché une situation optimale de la trésorerie du CAS. En effet, nonobstant le dispositif des droits de tirage, il s’agit d’utiliser les recettes encaissées sur le CAS immobilier pour financer des opérations immobilières et l’entretien du patrimoine de l'État, afin de disposer d’un environnement immobilier adéquat et répondant aux normes de la politique immobilière de l'État (y compris la composante de transition écologique). Ainsi, la DIE s’est engagée depuis 2018 dans l’optimisation de la gestion de la trésorerie du CAS de manière à favoriser la dépense d’investissement, et en particulier l’entretien du propriétaire.

« Le responsable de programme recherche ainsi en permanence le maintien d’un équilibre de la trésorerie du CAS en agissant à la fois sur le volet des recettes et sur celui des dépenses : il doit assurer la durabilité de la ressource, poursuivre la valorisation du parc de l’État tout en favorisant au maximum la réalisation d’opérations structurantes et d’entretien.

(…)

«  Les projets immobiliers structurants, financés à partir des droits de tirage des ministères et des préfets de région, peuvent être programmés dès lors que le plafond de trésorerie du CAS l’autorise, en fonction des recettes effectivement encaissées. »

Source : questionnaire budgétaire.

2.   Des cessions immobilières converties pour 50 % en droit de tirage, mutualisées pour 50 % pour les dépenses du propriétaire

Les cessions immobilières devraient représenter en 2023 72,9 % des recettes du CAS. Cela rend l’équilibre à long terme du CAS structurellement fragile, eu égard à la raréfaction des biens « liquides » et cessibles.

Dans sa note d’exécution budgétaire pour 2021, la Cour des comptes constate par exemple une progression du nombre des biens cédés par rapport à 2020 (687 soit + 21 % par rapport à 2020) mais des recettes stables (164,8 millions d’euros en 2021 contre 157,5 millions d’euros). Pour la Cour « cette situation d’ensemble s’explique par la raréfaction des biens attractifs au fur et à mesure des cessions depuis 2006. La DIE considère ainsi que près des trois quarts des 1 861 biens immobiliers déclarés inutiles et remis aux Domaines fin 2021 sont « Difficiles » ou « Très difficiles » à céder, ce qui l’oblige à rechercher des modalités de valorisation alternatives. »

Les tableaux ci-après présentent une évolution du nombre de biens cédés et une évolution de la valeur des biens cédés globalement à la baisse.

Évolution du nombre de biens cédés entre 2014 et 2021

Source : document de politique transversale pour 2023.

évolution du produit des cessions constatées
dans les actes entre 2014 et 2021

Source : document de politique transversale pour 2023.

Il convient également de rappeler que chaque cession :

– est convertie pour moitié, en « droit de tirage » pour le financement de projets immobiliers ;

– est pour l’autre moitié, mutualisée pour les dépenses d’entretien « du propriétaire » portées par le CAS.

Des dérogations ont été introduites en faveur du ministère des armées, prenant en compte le caractère de ressources exceptionnelles des cessions immobilières dans les lois de programmation militaire pour 2009-2014 et 2014-2019.

Cette exception mise à part, cela signifie que la moitié du produit des cessions immobilières contribue à l’entretien « du propriétaire », modèle économique qui interroge.

Eu égard aux prescriptions de la LOLF relatives aux comptes spéciaux, qui limitent les ressources susceptibles d’être perçues par le CAS, le rapporteur spécial qualifie la recherche d’une diversification des sources de financement, par le biais de valorisations alternatives des biens immobiliers, d’indispensable.

Il fait ici état de la nouvelle stratégie patrimoniale lancée par la direction de l’immobilier de l’État tendant à améliorer la valorisation locative des biens inutilisés tout en dynamisant la politique de cession par un recours à des outils numériques modernisés, dont il conviendra de suivre les effets.

B.   Le poids minime du cas dans les interventions de l’Etat, et les difficultés d’en faire l’outil budgétaire de la stratégie de l’Etat propriétaire

1.   La contribution minime du CAS à la politique immobilière de l’État

La dépense d’investissement en matière immobilière est aujourd’hui éclatée entre de multiples programmes budgétaires différents. Le programme 723, attaché au CAS immobilier, ne représente qu’une part minime des dépenses immobilières de l’État. L’essentiel des crédits consacrés à cette politique transversale sont, en effet, portés par les différents programmes des ministères. Selon les crédits prévus par le PLF 2023, le CAS ne devrait porter en 2023 que 4,3 % des AE et 3,6 % des CP de la politique immobilière de l’État, répartie sur 62 programmes. ([8])

La marginalisation a été accrue ces dernières années par le recours à deux programmes fortement dotés en crédits, le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants de la mission Transformation et fonction publiques, renommé Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs à l’occasion du PLF 2022, présenté ci-après, et le programme 362 Écologie du Plan de relance au travers de son volet dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État.

Présentation du programme 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs

(anciennement appelé Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants)

« Au sein de la mission Transformation et fonction publiques, le programme 348 a été créé par la loi de finances initiale pour 2018 et placé sous la responsabilité du directeur de l’immobilier de l’État, pour financer la rénovation des cités administratives. Doté d’un milliard d’euros sur cinq ans, il contribue à :

« • accélérer la transition écologique et réduire les consommations d’énergie ;

« • répondre à des objectifs liés aux conditions de travail, à l’accueil du public, à l’optimisation et la mutualisation des locaux, à la réduction des dépenses d’entretien correctif et au développement d’une politique préventive d’entretien plus économique sur la durée.

« Il s’agit de lutter contre l’obsolescence, en définissant des remises à niveau cohérentes sur le plan technique et en termes de stratégie patrimoniale, par des restructurations immobilières, des acquisitions ou reconstructions de bâtiments, ainsi que des travaux lourds relevant du propriétaire, notamment de rénovation énergétique, dans les cités administratives de l’État. »

Source : document de politique transversale pour 2023.

2.   Un caractère insoluble ?

L’avis du Conseil de l’immobilier de l’État du 6 février 2020 préconisait notamment de « faire du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État l’outil budgétaire de la stratégie de l’État propriétaire en amendant les pratiques dérogatoires et en mutualisant recettes et dépenses. »

La DIE constate toutefois que « malgré la diversification et la pérennisation de ses ressources et sauf à modifier la LOLF pour introduire de nouveaux mécanismes relatifs aux comptes spéciaux, le CAS ne peut (…) devenir l’unique support budgétaire des dépenses immobilières de l’État propriétaire.

« En effet, la LOLF exclut l’affectation d’une recette à une dépense en application du principe d’universalité budgétaire rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982. La LOLF autorise néanmoins quelques exceptions limitativement énumérées. Il s’agit notamment des comptes d’affectations spéciaux. Pour le CAS immobilier en particulier, des recettes provenant du patrimoine immobilier de l'État (produits de cession, redevances domaniales principalement) financent des dépenses relatives au patrimoine immobilier de l'État. Naturellement, ces dépenses sont limitées aux recettes encaissées.

« Or, faire du CAS immobilier l’unique support budgétaire des dépenses de l'État propriétaire conduirait à élargir l’assiette des recettes, probablement en affectant des ressources fiscales aux dépenses immobilières. Il s’agirait alors d’une exception aux principes posés par la LOLF dont une éventuelle modification sur ce point pourrait encourir la censure du juge constitutionnel. » ([9])

Pour la DIE, « pour disposer d’un outil budgétaire unique de la stratégie de l'État propriétaire, la solution optimale semble être la création d’un programme unique regroupant l’ensemble des crédits actuellement dispersés entre de multiples programmes. »

Le programme 723 demeurerait néanmoins en complément, « car la vertu du CAS est d’inciter à l’optimisation et à la densification des bâtiments de l'État en permettant un retour sur cessions au profit des services occupants sous la forme de droits de tirage. Dans cette optique, il conviendrait effectivement de mettre fin aux dérogations sur les taux de retour, dont plusieurs sont de nature législative ce qui suppose qu’il appartient au Parlement d’y mettre fin. » ([10])

C.   présentation des premiers résultats du lancement de l’agence pour la gestion de l’immobilier de l’état

1.   Une expérimentation lancée en 2021

L’Agence pour la gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) a été créée au printemps 2021, dans le cadre d’une expérimentation menée dans l’objectif de répondre aux préconisations des comités interministériels de la transformation publique (CITP) et aux objectifs de la politique immobilière de l’État (PIE).

D’après la DIE, « en proposant une gestion professionnalisée des bâtiments, AGILE a pour objectif d’améliorer le confort et le bien-être des services occupants et des usagers, de veiller au respect de la réglementation et des engagements contractuels en veillant à valoriser la qualité des bâtiments. »

Présentation de l’Agence pour la gestion de l’immobilier de l’État (AGILE)

« AGILE fournit des prestations de pilotage aux maîtres d’ouvrage publics dans les domaines de l’entretien-maintenance, de la valorisation énergétique (photovoltaïque), mais également, en tant que de besoin, en conduite d’opérations.

« Un premier point d’étape, co-construit avec l’ensemble des parties prenantes, est prévu fin 2022, afin d’évaluer les freins et leviers qui auront été identifiés dans les régions-pilotes depuis le lancement de l’expérimentation.

« Ce retour d’expérience sera partagé avec le CIE. Il peut d’ores et déjà être souligné qu’en dépit de cette contrainte de durée, soulignée avec force par le CIE dans son avis du 27 mai 2021 (la durée d’une expérimentation de 18 mois étant peu compatible avec le temps des projets immobiliers, plutôt de l’ordre de 3 ans), ce premier bilan devrait permettre de dégager quelques axes de réflexions, et d’en appréhender les points principaux. »

Source : questionnaire budgétaire.

2.   Une démarche appuyée par les résultats de l’enquête de la DIE comparant les modèles de gestion de l’immobilier public en Europe

La mise en place d’AGILE résonne avec l’enquête menée par la DIE, avec le soutien financier de la Commission européenne, sur les modèles de gestion immobilières dans l’Union européenne.

Cette étude, qui a été menée auprès d’une vingtaine de pays, présente un état des lieux des pratiques et des choix politiques en matière d’immobilier public dans l’Union européenne, avec l’appui du réseau européen Pure-net regroupant l’ensemble des agences immobilières nationales et les ministères responsables de l’immobilier public.

D’après la DIE, « le fait générateur de ces travaux était (…) de rechercher les voies d’amélioration du modèle français de gestion immobilière, à travers une étude comparative sur l’immobilier public européen, financée par l’Union européenne. »

L’étude identifie, même si les organisations administratives sont très diverses, de nombreux points de convergence :

Points communs identifiés par l’étude

« –  des priorités stratégiques convergentes : gagner en efficience sur la gestion de l’immobilier public, moderniser le parc, réduire les coûts pour les finances publiques, s’adapter au changement climatique, améliorer les services rendus aux usagers et agents,

« –  et des difficultés bien souvent partagées : difficulté à recenser le patrimoine de manière exhaustive et à obtenir une vision globale, moindre priorité accordée à l’immobilier par rapport aux autres politiques publiques, existence de lourdeurs administratives spécifiques au secteur public, utilisateurs publics non sensibilisés aux coûts de gestion de l’immobilier. »

Source : questionnaire budgétaire.

Les résultats de l’étude tendent à confirmer, pour le rapporteur spécial, les orientations de l’expérimentation de l’agence AGILE.

« À l’instar de la France, la priorité des politiques publiques immobilières des pays européens depuis 10 à 15 ans a été d’augmenter l’efficience du parc immobilier public pour optimiser les coûts. Pour ce faire, les États européens ont généralement réorganisé leur fonction immobilière autour d’un ou deux grands acteurs de référence, avec souvent, la création et l'utilisation d'agences publiques.

« Ces agences semi-autonomes ont leur propre compte de résultat, sont dans une relation client-fournisseur avec les administrations occupantes et jouent fréquemment le rôle de foncière publique en détenant les actifs immobiliers. La plupart des pays ont instauré des systèmes de loyers, loyers calculés selon les pays soit à partir des loyers de marché soit à partir des coûts de l’agence.

« Ces loyers, qui contrairement à l’expérience française des loyers budgétaires ne sont pas un simple jeu d’écriture comptable, incitent les utilisateurs (ministères, préfectures, agences gouvernementales, etc.) à rationaliser leur empreinte immobilière et viennent financer l’entretien des actifs immobiliers par l’agence.

« En contrepartie, l’agence est tenue d’atteindre un certain niveau de satisfaction des utilisateurs. »

Source : questionnaire budgétaire.

Interrogée par le rapporteur spécial sur les suites pouvant être données à cette étude, la DIE a communiqué les éléments suivants.

« Ce benchmark européen nourrit les réflexions de la DIE sur des possibles réformes structurelles :

« – L'utilité pour l’immobilier de l’Etat de se doter d'un outil opérationnel sous contrôle de l'Etat pour l'étude et la conduite d'opérations, le développement du photovoltaïque et la gestion performante de sites multi-occupants, ce qui vient renforcer la pertinence de l'expérimentation en cours de l'AGILE (agence de gestion de l'immobilier de l'Etat),

« – La nécessité d'une cohérence de l'action de l'Etat en matière de gestion et développement des compétences RH dédiées à l'immobilier public,

« – Une indispensable prise en compte, dans les futurs espaces de travail et dans les lieux de services publics, de la satisfaction des utilisateurs (usagés et agents) tout en profitant des leviers liés aux nouveaux usages (télétravail, espaces partagés, etc.),

« – La mise en œuvre d'investissements structurants pour assurer une adaptation du parc aux enjeux de consommations énergétiques et de baisse des émissions carbone. »

Source : document de politique transversale pour 2023.

Pour le rapporteur spécial, il y aurait une grande utilité, pour le pilotage de l’immobilité de l’État, de se doter d'un outil opérationnel pour l'étude et la conduite d'opérations, la relation avec les administrations « occupantes » et la gestion de sites dits « multi-occupants », ce qui tendrait à élargir les compétences de l'Agence de gestion de l'immobilier de l'État.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 25 octobre 2022, la commission des finances a examiné les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.

Conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » sans modification.

 

 

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

● Direction de l’immobilier de l’État (DIE) :

– M. Alain Resplandy‑Bernard, directeur

 

 

 

 

 

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([1]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire – exercice 2021.

https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/NEB-2021-Gestion-patrimoine-immobilier-Etat.pdf

([2]) https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cie/publications/avis/Cie-2020-04-CAS.pdf?v=1647352915

([3]) Source : questionnaire budgétaire.

([4]) L’article 93 de la LFI pour 2019 a prévu l’extension des recettes du CAS aux redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

([5]) La maintenance à la charge du propriétaire a pour objet de préserver ou de restaurer le fonctionnement normal d’un immeuble et de ses équipements. Elle recouvre des travaux de moindre importance, de nature préventive ou corrective.

([6]) Cette catégorie de dépenses correspond aux travaux significatifs réalisés sur le bâti et les équipements qui ont pour but de restaurer le potentiel de services de ces derniers, mais pas de l’augmenter contrairement aux opérations structurantes.

([7]) Source : questionnaire budgétaire.

([8]) Source : document de politique transversale pour 2023.

([9]) Questionnaire budgétaire.

([10]) Questionnaire budgétaire.