N° 292

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 29
 

 

Investir pour la France de 2030

 

 

Rapporteur spécial : M. Damien MAUDET

 

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

le budget de la mission investir pour la France de 2030

I. LE PIA 3 : un dÉploiement en nette dÉcÉlÉration

A. Le programme 421 Soutien des progrÈs de l’enseignement et de la recherche

B. le programme 422 Valorisation de la recherche

C. le programme 423 AccÉlÉration de la modernisation des entreprises

II. France 2030 : une occasion manquée d’inventer un outil de planification écologique et démocratique

A. un plan à 54 milliards d’euros dépolitisé, conçu sans concertation démocratique et au profit d’un nombre restreint de bénéficiaires

1. Des ouvertures massives de crédits pour France 2030, sans aucune association du Parlement et des citoyens

a. Un nouveau plan créé sans concertation satisfaisante

b. Une déresponsabilisation et une dépolitisation à tous les niveaux

2. Un nombre restreint de bénéficiaires

a. Le privé au détriment du service public

b. Le tout technologique au détriment de l’humain

B. l’absence de planification et DE prise en compte de la sobriété

1. Un plan dépourvu d’approche systémique et des aides versées sans réelle conditionnalité

2. Des méthodes d’évaluation dont les modalités n’ont pas été suffisamment précisées

3. Une absence de réflexion sur les usages des technologies financées par France 2030

4. Des objectifs écologiques qui se traduisent par un solutionnisme technologique

C. Un montant de 5,7 milliards d’euros en crÉdits de paiement pour 2023

1. Le bilan de la première année d’exécution de France 2030

2. Des ouvertures en crédits de paiement en diminution sur le programme 424 Financement des investissements stratégiques

3. Une hausse de la dotation allouée au programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


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PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

La mission Investir pour la France de 2030 serait dotée de 262,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 6,1 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) en 2023.

Le budget de la mission s’inscrit dans le contexte du lancement de France 2030, annoncé par le Président de la République en octobre 2021, qui regroupe 34 milliards d’euros ouverts en AE par la loi de finances pour 2022 et 20 milliards d’euros alloués au PIA 4 en 2021. En 2023, 5,7 milliards d’euros en CP seraient plus spécifiquement alloués à France 2030, et 369,5 millions d’euros financeraient la poursuite des projets sélectionnés dans le cadre du PIA 3.

Structuré autour de 10 objectifs et de 5 leviers définis pour préparer la France aux défis de la prochaine décennie, France 2030 s’intègre à l’architecture du PIA 4, composé d’un volet dirigé, regroupant 22 stratégies d’accélération, et d’un volet structurel, tourné vers les acteurs de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation.

S’inscrivant dans la continuité du PIA, France 2030 présente toutefois des spécificités, en étant tourné vers la relocalisation des activités de production et la réindustrialisation du pays. 36,5 milliards d’euros ont été répartis entre les différents objectifs de France 2030 et 7,5 milliards d’euros ont été engagés au profit de 810 projets en 2022. Toutefois, plus de 17 milliards d’euros demeurent pour l’heure non affectés. La mise en œuvre de France 2030 apparaît ainsi moins rapide qu’anticipé. Contrairement à « l’esprit commando » souhaité par le Président de la République, France 2030 a été conçu autour d’une gouvernance enrichie de nombreux acteurs et de processus décisionnels alourdis.

Sans nier la nécessité de se doter d’outils de planification, le rapporteur spécial ne partage pas la philosophie qui a guidé la conception de France 2030. Créé sans aucune étude d’impact et dans des conditions qui demeurent opaques, ce plan a pour principal objectif le développement de nouvelles technologies dont il est supposé qu’elles permettront de répondre aux défis économiques et climatiques du pays. Cette ambition est contestable, d’autant plus qu’aucun débat démocratique n’a permis de définir collectivement l’usage qui pourrait être fait de ces innovations. De manière regrettable, la sobriété est la grande absente de France 2030.

De surcroît, France 2030 ne se fonde pas sur une approche systémique. Les activités les plus rémunératrices sont favorisées, comme celles portant sur la conception et le recyclage de batteries électriques, tandis que d’autres secteurs de production sont délaissés et connaissent des destructions d’emplois sans bénéficier du concours de la puissance publique. Les critères définis pour allouer les aides versées au titre de France 2030 ne sont également pas satisfaisants. La création d’emplois stables n’est pas systématiquement exigée et les entreprises bénéficiaires ne sont pas soumises à un régime de conditionnalité encadrant l’ensemble de leurs activités.

De manière générale, France 2030 démontre que l’exigence de maîtrise de la dépense publique s’applique de manière variable selon qu’il s’agit de financer les services publics ou de subventionner des entreprises. Le rapporteur spécial considère à cet égard que la notion d’investissement d’avenir retenu dans le cadre de la mission Investir pour la France de 2030 est trop restrictive : l’hôpital, la politique de la petite enfance, les métiers du lien sont autant de domaines dans lesquels des investissements massifs sont nécessaires, et qui auraient mérité de figurer parmi les priorités de France 2030. 


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits de la mission Investir pour la France de 2030

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

421 – Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche

0

0

-

245

244

- 0,4 %

422 – Valorisation de la recherche

0

0

-

846

33

- 96,1 %

423 – Accélération de la modernisation des entreprises

0

0

-

418,5

92,5

- 77,9 %

424 – Financement des investissements stratégiques

27 998,3

0

- 100 %

4 078,3

3 485,0

- 14,5 %

425 – Financement structurel des écosystèmes d’innovation

6 011,0

262,5

- 95,6 %

1 415,8

2 233,1

+ 57,7 %

Total

34 009,3

262,5

-99,2 %

7 003,6

6 087,6

- 13,1 %

Source : projet annuel de performances.

 

Ventilation des crÉdits de FRance 2030 HORS PIA4 lors du lancement du plan

(en millions d’euros)

 

Enveloppe

Faire émerger en France d’ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets

1 000

Devenir le leader de l’hydrogène vert en 2030

2 300

Décarboner notre industrie

5 000

Produire en France, à l’horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides

2 600

Produire en France le premier avion bas-carbone

1 200

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

1 500

Produire en France au moins 20 biomédicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et créer les dispositifs médicaux de demain

2 950

Placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs

600

Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale

1 550

Investir le champ des fonds marins

300

Total « Objectifs »

19 000

Sécuriser l’accès aux matières premières

1 950

Sécuriser l’accès aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

5 550

Développer les talents en construisant les formations de demain

2 500

Capital-Innovation de rupture, start-up industrielles et accélération de la croissance

5 000

Total « Conditions de réalisation des objectifs »

15 000

Total France 2030

34 000

Source : commission des finances.

 

 

Évolution des crÉdits de paiement allouÉs au PIA 3 et à France 2030

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

 

 

Typologie des bÉnÉficiaires de France 2030 en 2022

Source : jaune budgétaire relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir.

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

 

La mission Investir pour la France de 2030, intitulée, jusqu’au 1er janvier 2022, Investissements d’avenir, a été créée par la loi de finances pour 2017 ([1]) pour porter les crédits alloués au troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3), doté de 10 milliards d’euros.

Elle était alors composée de trois programmes reflétant l’architecture du PIA 3, structuré de l’amont vers l’aval de la chaîne de valeur :

– le programme 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche ;

– le programme 422 Valorisation de la recherche ;

– le programme 423 Accélération de la modernisation des entreprises.

En 2021, le lancement du PIA 4, doté de 20 milliards d’euros au total, a conduit à modifier la maquette de la mission afin de l’adapter à la nouvelle architecture retenue pour ce nouveau volet du programme d’investissements d’avenir. Deux nouveaux programmes ont ainsi été créés :

– le programme 424 Financement des investissements stratégiques, qui porte le volet dit dirigé du PIA 4 ;

– le programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation, qui constitue le support budgétaire du volet dit structurel du PIA 4.

La mission Investissements d’avenir a enfin connu une troisième évolution majeure en 2022 avec la création de France 2030. Ce plan d’investissement, annoncé par le Président de la République le 12 octobre 2021, s’est concrétisé avec l’adoption, en première lecture du projet de loi de finances pour 2022 à l’Assemblée nationale, d’un amendement présenté par le Gouvernement abondant les deux programmes portant les crédits du PIA 4 de 34 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 3,5 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Par suite, le PIA 4 a été intégré à France 2030, qui constitue désormais un unique plan d’investissement doté de 54 milliards d’euros au total.

Le rapporteur spécial partage une partie de la philosophie qui a guidé la conception de France 2030, celle de la planification et de l’interventionnisme de l’État. Il regrette toutefois que ce plan n’ait pas bénéficié d’une approche systémique.

France 2030 laisse ainsi le champ libre aux entreprises pour développer des technologies rémunératrices, sans proposer un nouveau modèle de consommation compatible avec la transition écologique et sans associer la société civile. De plus, ce programme d’investissement a été conçu sans tenir compte de la cohérence d’ensemble de notre tissu industriel : ainsi, le Gouvernement peut un jour se féliciter de l’ouverture d’une usine de batteries électriques, et ignorer le lendemain la fermeture d’une fonderie d’aluminium, tout aussi essentielle pour construire des voitures électriques ou hybrides.

Ce plan nous conduit à nous poser une question collective : quelle France voulons-nous pour 2030 ? Le Président de la République et le Gouvernement semblent avoir tout misé sur les technologies de rupture et oublié la question de la sobriété. Pourtant, aucune technologie n’est en elle-même écologique si nous ne réfléchissons pas aux usages qui en seront faits.

En définitive, France 2030 est un plan bâti de manière opaque et dont la mise en œuvre est extrêmement centralisée. Il a été créé sans étude d’impact, alors qu’il engage la France pour les dix prochaines années, voire au-delà. Il démontre que plusieurs dizaines de milliards d’euros d’argent public peuvent être engagés sans difficulté, alors que les aides à domicile sont toujours rémunérées 682 euros en moyenne, que les pompiers manquent de moyens et que l’hôpital sert de variable d’ajustement pour contenir le déficit public.

 


   le budget de la mission investir pour la France de 2030

En 2023, la mission Investir pour la France de 2030 serait dotée de 262,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 6,09 milliards d’euros en CP.

Les AE diminueraient de 99,2 % par rapport à 2022, ce qui s’explique par l’ouverture de l’intégralité des autorisations d’engagement nécessaires à la mise en œuvre du plan France 2030 – soit 34 milliards d’euros – par la loi de finances pour 2022. L’enveloppe demandée en 2023 se justifie par la rebudgétisation du fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) dont les intérêts devaient initialement concourir au financement du PIA 4 ([2]).

Les crédits de paiement (CP) diminueraient quant à eux 13,1 % (– 916 millions d’euros) par rapport à 2022. Cette baisse résulterait de la décélération du PIA 3, qui entamera en 2023 sa sixième année de déploiement. 

Évolution des crÉdits de la mission Investir pour la France de 2030 en 2023

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

421 – Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche

0,0

0,0

-

245,0

244,0

- 0,4 %

422 – Valorisation de la recherche

0,0

0,0

-

846,0

33,0

- 96,1 %

423 – Accélération de la modernisation des entreprises

0,0

0,0

-

418,5

92,5

- 77,9 %

424 – Financement des investissements stratégiques

27 998,3

0,0

- 100 %

4 078,3

3 485,0

- 14,5 %

425 – Financement structurel des écosystèmes d’innovation

6 011,0

262,5

- 95,6 %

1 415,8

2 233,1

+ 57,7 %

Total

34 009,3

262,5

- 99,2 %

7 003,6

6 087,6

- 13,1 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

En 2023, les trois programmes portant les crédits du PIA 3 seraient dotés de 369,5 millions d’euros. Ces crédits seraient en baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2022 (– 75,5 %). Les crédits alloués aux deux programmes portant France 2030 – en comprenant les crédits initialement alloués au PIA 4 – s’élèveraient quant à eux à 5,7 milliards d’euros et progresseraient de 224 millions d’euros par rapport à 2022 (+ 4,1 %).

 

 

Évolution des crédits de paiement allouÉs au PIA 3 et à France 2030

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

I.   LE PIA 3 : un dÉploiement en nette dÉcÉlÉration  

Le programme d’investissements d’avenir (PIA) a été créé par l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Structuré suivant les recommandations formulées par la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard ([3]), il a pour objectif d’investir de manière exceptionnelle et ciblée sur des projets structurants et innovants, au-delà des politiques publiques mises en œuvre par les ministères.

Les PIA 1 et PIA 2 ont pris la forme de crédits ouverts sur des « programmes éphémères » au sein des différentes missions du budget de l’État (supprimés l’année suivant celle de leur création). La gestion des fonds du PIA a par ailleurs été confiée à des établissements publics et des sociétés dans lesquelles l’État détient la majorité du capital ou des droits de vote, qualifiés d’opérateurs.

Afin de répondre aux critiques formulées par la Cour des comptes et le Parlement concernant les modalités de gestion extrabudgétaire de ces crédits, le PIA 3 a fait l’objet d’une budgétisation sur une mission pérenne, la mission Investissements d’avenir. La loi de finances pour 2017 l’a ainsi doté de 10 milliards d’euros en AE.

Le PIA 3 entamera en 2023 sa sixième année de déploiement. En 2022, 79 % des AE ont été couvertes par des CP ouverts progressivement par les lois de finances des années 2018 et suivantes :

État d’avancement de la mise en œuvre du PIA 3

(en millions d’euros)

Programmes du PIA 3

AE ouvertes (y compris crédits redéployés en provenance des PIA 1 et 2)

Montant des CP ouverts 2018-2022

Taux des engagements couverts par des crédits de paiement

Programme 421

2 369,0

1 034

43,6 %

Programme 422

3 484,8

3 066,1

88,0 %

Programme 423

4 456,6

4 007,3

89,9 %

Total

10 310,4

8 107,4

78,6 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Ce taux s’élèverait à 82,2 % en 2023. Après une phase de montée en charge au cours des années 2018 à 2021, le PIA 3 décélère depuis 2022 : le rythme d’ouverture des crédits de paiement, ayant atteint près de 2 milliards d’euros en 2020, atteindrait 369,5 millions d’euros en 2023.

Rythme d’ouverture des crédits du PIA 3 par programme

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) justifie la baisse importante du montant des crédits demandés sur les trois programmes du PIA 3 par le fait que la majorité de ses crédits auront été versés en 2023. Plus spécifiquement, si des crédits en subventions et en fonds propres doivent être versés en 2023, il restera, pour les années suivantes et jusqu’en 2028, principalement des CP à ouvrir sur les programmes 421 et 422 en dotations décennales. Par ailleurs, le PIA 4 et France 2030 ont pris le relais de plusieurs actions lancées dans le cadre du PIA 3.

Toutefois, le montant des crédits demandés en 2023 demeure en-deçà des prévisions d’ouverture mentionnées par le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

PrÉvisions d’ouverture des CP du PIA 3 et CP effectivement demandÉs en 2023

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

La consommation des crédits budgétaires de la mission doit également être distinguée de la gestion opérationnelle du PIA. Cette dernière fait référence aux processus permettant de sélectionner les projets et de verser les fonds du PIA aux bénéficiaires finaux. Plusieurs étapes peuvent être identifiées :

– l’engagement des crédits, qui correspond à la décision formulée par la Première ministre de financer un projet ;

– la contractualisation, qui correspond à la signature d’un contrat entre l’opérateur et chaque bénéficiaire d’un financement ;

– le décaissement des crédits, qui correspond au versement par les opérateurs des fonds sur le compte des bénéficiaires finaux.

Si toutes les AE ouvertes au titre du PIA 3 ont été consommées depuis 2020, 7,3 milliards d’euros avaient été engagés, 6,5 milliards d’euros avaient été contractualisés et 2,7 milliards d’euros avaient été décaissés en juin 2022.

A.   Le programme 421 Soutien des progrÈs de l’enseignement et de la recherche 

Les crédits du programme 421 contribuent au renforcement du potentiel de recherche français et soutiennent les établissements d’enseignement supérieur souhaitant expérimenter de nouveaux modes d’organisation et portant des initiatives de formation innovantes.

Ce programme finance des projets désormais bien intégrés dans le paysage de la recherche française : les initiatives d’excellence (IDEX) les laboratoires d’excellence (LABEX) ou encore les équipements d’excellence (EQUIPEX).

Au total, les AE consommées sur le programme 421 s’élèvent à 2,4 milliards d’euros. En 2023, les crédits de paiement demandés sur ce même programme s’élèveraient à 244 millions d’euros, soit un montant stable par rapport aux crédits ouverts en 2022.

Les appels à projets publiés pour l’ensemble des actions du programme ont été clôturés. Les crédits demandés en 2023 ont donc pour objet de financer la poursuite des projets qui ont été sélectionnés.

Évolution des crÉdits du programme 421

(en millions d’euros)

 

AE au 30 juin 2022

CP LFI 2022

CP PLF 2023

01  Nouveaux cursus à l’université

280

25

25

02  Programmes prioritaires de recherche

310

45

27

03  Équipements structurants pour la recherche

434

45

67

04  Soutien des Grandes universités de recherche

670

70

90

05  Constitution d’Écoles universitaires de recherche

300

30

15

06  Création expérimentale de "sociétés universitaires et scientifiques"

80

0

0

07  Territoires d’innovation pédagogique

295

30

20

Total

2 369

245

244

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Les crédits inscrits sur les actions du programme prennent principalement la forme de dotations décennales. Leur montant s’élève, après prise en compte des redéploiements réalisés depuis 2018, à 1,75 milliard d’euros sur toute la durée de déploiement du PIA 3. Le programme est également composé de 541 millions d’euros en subventions et de 80 millions d’euros de dépenses de fonctionnement. Ces dernières correspondent à des crédits transitant par le compte d’affectation spécial Participations financières de l’État.

La part importante de dotations décennales sur le programme 421 explique la relative stabilité des ouvertures de crédits qui sont demandées sur celui-ci chaque année.

Sur l’action Nouveaux cursus à l’université, deux vagues d’appels à projets avaient été lancées en 2017 et 2018 pour financer les projets menés par les établissements d’enseignement supérieur souhaitant diversifier leur offre de formation. 36 projets ont été sélectionnés et sont financés au moyen de dotations décennales, dont le montant annuel atteint 25 millions d’euros.

Cette action a également servi de support pour le lancement de l’appel à projets (AAP) « Hybridation des formations de l’enseignement supérieur », qui avait pour objectif de répondre aux difficultés posées par la crise sanitaire et de favoriser le développement de modes d’enseignement en distanciel. 21,7 millions d’euros ont été alloués à 15 projets, dont le terme s’échelonne entre juillet et novembre 2022.

En 2023, 27 millions seraient ouverts pour financer les programmes prioritaires de recherche (PPR) en dotations décennales. Les appels à projets ont tous été clôturés après le lancement d’une dernière vague consacrée à la sélection de projets portant sur l’autonomie, le vieillissement et les situations de handicap en mars 2021.

De la même manière, les crédits ouverts sur les actions Constitution d’écoles universitaires de recherche et Soutien des grandes universités de recherche, respectivement consacrées au financement des écoles universitaires de recherche, des IDEX et des « initiatives science-innovation-territoire-économie » (ISITE) suivent leur trajectoire en dotations décennales, avec un montant de 90 millions d’euros et de 15 millions d’euros.

Les équipements structurants de recherche bénéficieraient quant à eux de 67 millions d’euros pour poursuivre les décaissements réalisés au profit des porteurs de projet. Ces crédits permettront notamment de financer le projet « Collecteur et analyse de données », doté de 80 millions d’euros au total, qui porte sur la collecte de données génomiques.

15 millions d’euros sont par ailleurs demandés sur l’action Territoires d’innovation pédagogique. Cette dernière porte notamment les crédits alloués aux territoires numériques éducatifs, visant à former les professeurs et parents aux enjeux du numérique et équiper les élèves scolarisés dans des territoires en état de fracture numérique. Elle finance également les campus connectés, dont la capacité devrait permettre d’accueillir 5 000 étudiants par an.

En revanche, l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires de recherche ne serait pas dotée de crédits en 2023. L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) ouvert en 2018 pour financer les projets de certains établissements d’enseignement supérieur souhaitant expérimenter de nouveaux modes de gestion n’avait pas donné lieu à suffisamment de candidatures, si bien que le SGPI avait envisagé de réorienter le contenu de cette action. Toutefois, deux projets ont finalement été sélectionnés et seront financés à hauteur de 10 millions d’euros, qui seront ouverts par redéploiement à la fin de l’année 2022.

Pour les années suivantes, il resterait 1,3 milliard d’euros à ouvrir pour couvrir l’intégralité des AE ouvertes sur ce programme.

Trajectoire pluriannuelle du programme 421

(en millions d’euros)

 

CP PLF 2023

CP 2024

CP 2025

CP 2026

CP 2027

CP 2028 et années suivantes

Programme 421

244

267

251

220

205

148

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Les indicateurs de performance du programme 421 montrent que les résultats obtenus en matière d’innovation pédagogique et de recherche sont mitigés.

La part totale des élèves et étudiants impliqués dans des projets financés par le PIA par rapport à la population totale étudiante ne s’élève ainsi qu’à 2,3 % en 2021 et ne devrait pas dépasser 10 % en 2023. Le SGPI indique toutefois que la population concernée aurait vocation à augmenter significativement jusqu’en 2025 jusqu’à atteindre 20 %, en raison de la montée en charge des campus connectés et des campus des métiers et des qualifications d’excellence (CMQ).

Par ailleurs, les dix universités françaises les mieux classées en 2010 dans le classement de l’université de Leiden ont régressé dans ce même classement et étaient situées en moyenne à la 122ème place en 2021, contre la 115ème place en 2018.

B.   le programme 422 Valorisation de la recherche

 Le programme 422 serait doté de 33 millions d’euros en CP en 2023. Ces crédits diminueraient de 813 millions d’euros par rapport à 2022 (– 96,1 %).

Évolution des crédits du programme 422

 

AE au 30 juin 2022

CP LFI 2022

CP PLF 2023

01  Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

1

0

02  Fonds national post-maturation Frontier venture

500

0

0

03  Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition (DTIGA) - Volet Démonstrateurs

650

155

0

03  DTIGA - volet Nucléaire de demain

619

84

0

03  DTIGA - volet territoires d’innovation de grande ambition

511

70

20

04  Nouveaux écosystèmes d’innovation (IHU 2)

65

14

0

04  Nouveaux écosystèmes d’innovation (Expérimentations FNV)

30

70

0

05  Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants (ADEIP) - RHU 2

147

15

8

05  ADEIP - Accélération des SATT

200

237

0

05  ADEIP - Transports et mobilité durable

125

0

5

05  ADEIP - Technologies numériques (Nano 2022 et Calcul intensif)

390

50

0

05  ADEIP - Nano 2017

98

150

0

Total

3 485

846

33

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Ce programme finance principalement les structures favorisant les transferts de technologie entre les acteurs académiques et les entreprises, qu’il s’agisse par exemple des instituts hospitalo-universitaires (IHU) ou des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). Ce programme porte également les crédits des actions du PIA consacrés au financement de projets d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

La plupart des actions du programme ne seraient pas dotées de crédits en 2023. Pour certaines d’entre elles, cela tient au fait que les enveloppes ayant été souscrites ont été intégralement consommées ; c’est notamment le cas pour le fonds « French tech accélération », ayant pour objet d’investir dans des accélérateurs de start-up. Dans certains cas, comme pour le fonds national post-maturation « Frontier venture », l’absence d’ouverture de crédits s’explique par le fait que l’échéancier de versement des tranches de participation défini par la convention passée entre l’État et Bpifrance ne prévoit pas de versement en 2023.

Les crédits dont l’ouverture est demandée en 2023 permettraient de poursuivre, à hauteur de 20 millions d’euros, le financement des projets sélectionnés dans le cadre du volet « territoires d’innovation » de l’action Territoires d’innovation de grande ambition (TIGA).

Par ailleurs, 13 millions d’euros seraient ouverts sur l’action Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants, à hauteur de 8 millions d’euros au titre des dotations décennales versées dans le cadre du volet « Recherche hospitalo-universitaire 2 » et à hauteur de 5 millions d’euros en subvention au titre de son volet « Transports et mobilité durables ».

Au total, 3,5 milliards d’euros ont été ouverts en AE sur ce programme et 40 % des crédits ont fait l’objet d’un décaissement. 418,7 millions d’euros restent à ouvrir en CP pour consommer l’ensemble des enveloppes qui avaient été prévues en 2017.

Trajectoire pluriannuelle du programme 422

(en millions d’euros)

 

CP PLF 2023

CP 2024

CP 2025

CP 2026

CP 2027

CP 2028 et années suivantes

Programme 422

33

243

103

36,6

3,2

0

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

C.   le programme 423 AccÉlÉration de la modernisation des entreprises

Les CP du programme 423 s’élèveraient à 92,5 millions d’euros en 2023 et seraient en baisse de 326 millions d’euros par rapport à 2022 (– 77,9 %). Les crédits de ce programme ont pour objet de soutenir l’adaptation des entreprises aux mutations de l’environnement économique et de renforcer leur compétitivité.

Le montant des AE consommées sur le programme 423 s’élève à 4,5 milliards d’euros : elles ont été couvertes par des CP à hauteur de 4 milliards d’euros en 2022 (89,9 %).

Évolution des crÉdits du programme 423

(en millions d’euros)

 

AE au 30 juin 2022

CP LFI 2022

CP PLF 2023

01 – Soutien à l’innovation collaborative (PSPC)

600

91

43

02 – Accompagnement et transformation des filières

1506

170

50

03 – Industries du futur (développement de l’offre)

0

0

0

04 – Adaptation et qualification de la main d’œuvre (Ingénierie de formation)

167

58

0

04 – Adaptation et qualification de la main d’œuvre (French tech tickets)

26

0

0

05 – Concours d’innovation

403

0

0

06 – Fonds national d’amorçage 2

500

150

0

07 – Fonds à l’internationalisation des PME

4

0

0

08 – Multi-cap-croissance 2 (MC3)

600

0

0

09 – Grands défis  (French Tech Souveraineté)

150

0

0

09 – Grands défis (soutien à des opérations en fonds propres hors norme)

500

0

0

Total

4 456

469

93

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Comme pour le programme 422, la plupart des actions du programme 423 ne seraient pas dotées de crédits en 2023. Cela se justifie par le fait que :

– pour certaines actions la prévision des décaissements ne nécessite pas d’ouvrir des CP supplémentaires en 2023 (cela concerne par exemple le volet « Ingénierie de formations professionnelles d’offres d’accompagnement innovantes » de l’action Adaptation et qualification de la main d’œuvre) ;

– les CP ont pu être intégralement versés pour certaines actions – notamment pour l’appel à projets « French tech ticket » ou pour le fonds national d’amorçage n° 2 ;

– le PIA 4 et France 2030 prennent le relais d’actions sur lesquelles il n’est plus envisagé d’ouvrir des CP supplémentaires. Cela concerne par exemple les concours d’innovation ou du fonds Multicap croissance n° 3 (MC3), qui disparaîtra en 2023 au profit du fonds MC4.

Le fonds à l’internationalisation des PME constitue néanmoins un cas particulier : conçu pour accompagner les entreprises dans leurs prises de position stratégiques à l’étranger, il n’a bénéficié à aucun projet, en partie du fait de la crise sanitaire. Le choix a donc été fait de le mettre en extinction.

Les crédits qui seraient ouverts sur le programme en 2023 financeraient les décaissements nécessaires à la poursuite des projets sélectionnés dans le cadre du dispositif « Projets de recherche et développement structurants des pôles de compétitivité » (PSPC), à hauteur de 42,5 millions d’euros, ainsi que le financement en fonds propres du fonds « Société de projets industriels 2 » (SPI) à hauteur de 50 millions d’euros.

Les PSPC ont vocation à soutenir des projets de recherche et développement (R&D) conduits par un consortium regroupant des partenaires industriels et des acteurs de la recherche. Le dispositif « i-démo », dont la première édition a été lancée dans le cadre de France 2030 en mai 2021, en prendra la suite.

Le fonds SPI 2 a quant à lui vocation à intervenir en soutien des outils de capital-risque et de capital développement pour financer des projets d’industrialisation. Ce fonds sera également abondé par France 2030 pour atteindre un volume total d’un milliard d’euros.

Pour les années 2024 et suivantes, seuls 356 millions d’euros resteraient à ouvrir sur le programme.

trajectoire pluriannuelle du programme 423

(en millions d’euros)

 

CP PLF 2023

CP 2024

CP2025

CP 2026

CP 2027

CP 2028 et années suivantes

Programme 423

92,5

204,7

152,15

0

0

0

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.


II.   France 2030 : une occasion manquée d’inventer un outil de planification écologique et démocratique

Annoncé le 12 octobre 2021 par le Président de la République, France 2030 s’inscrit dans la continuité des programmes d’investissements d’avenir tout en s’en distinguant dans sa structuration et ses finalités.

Le choix a été fait d’inscrire les crédits de France 2030 sur la mission Investissements d’avenir et d’intégrer le PIA 4, dont plusieurs thématiques recoupent celles traitées par France 2030, dans ce nouveau plan d’investissement.

Au total, France 2030 bénéficie d’une enveloppe de 54 milliards d’euros et fonctionne selon une double architecture :

– la structuration du PIA 4, composé de stratégies nationales d’accélération et d’un volet structurel ;

– la structure propre de France 2030, composé de 10 objectifs et de 5 leviers à activer pour assurer l’atteinte de ces mêmes objectifs.

S’il a été affirmé et répété que la conception de France 2030 avait fait l’objet d’une concertation de plusieurs mois, ces échanges n’ont donné lieu à aucune publicité. Le Parlement n’a par ailleurs aucunement été associé à cette concertation, comme le démontre le contexte dans lequel ce plan a été créé : l’adoption d’un amendement déposé tardivement à l’initiative du Gouvernement, sans aucune étude d’impact. En conséquence, tout porte ainsi à croire que ce plan a été défini de manière extrêmement centralisée.

Il ressort des auditions que le rapporteur spécial a pu mener que France 2030 s’adresse à un nombre limité d’acteurs, composé principalement d’entreprises. Loin de constituer un réel outil de planification écologique, il ignore la question de la sobriété énergétique et ne permettra pas de changer en profondeur nos modes de consommation.

A.   un plan à 54 milliards d’euros dépolitisé, conçu sans concertation démocratique et au profit d’un nombre restreint de bénéficiaires

Les crédits de France 2030 sont consacrés à plusieurs types d’instruments financiers :

– 47,5 milliards d’euros seraient mobilisés sous la forme de subventions ;

– 6,5 milliards d’euros seraient mobilisés sous la forme d’investissements en fonds propres.

Une partie de ces crédits relève d’une gestion extrabudgétaire, ce qui altérera le suivi de l’exécution du plan d’investissement. 3 milliards d’euros sont ainsi issus des intérêts des dotations non consommables (DNC) ([4]) et servent au financement du volet structurel du PIA 4. Initialement, 479 millions d’euros issus des intérêts du fonds pour l’innovation et l’industrie étaient également pris en compte dans les 20 milliards d’euros alloués au PIA 4. La rebudgétisation de ce fonds est toutefois prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

1.   Des ouvertures massives de crédits pour France 2030, sans aucune association du Parlement et des citoyens

France 2030 résulte de l’adoption d’un amendement déposé à l’initiative du Gouvernement et ouvrant 34 milliards d’euros sur la mission Investir pour la France de 2030. Sans précisions suffisantes sur les caractéristiques de ce plan, le Parlement s’est prononcé à l’automne 2021 sur des crédits qui engagent la France pour plusieurs années.

a.   Un nouveau plan créé sans concertation satisfaisante

France 2030 résulte de l’intégration du PIA 4 dans un nouveau plan d’investissement créé par la loi de finances pour 2022.

Le PIA 4, lui-même issu des dispositions de la loi de finances pour 2021, a été divisé en deux volets :

– un volet dit dirigé, initialement doté de 12,5 milliards d’euros, visant à financer des investissements dans un nombre limité de secteurs stratégiques. Ces investissements se traduisent par le déploiement de stratégies nationales mobilisant différents leviers – encadrement réglementaire, financements, recherche, fiscalité, formation – afin d’intervenir aux différents stades du technology readiness level (TRL), qui fait référence au niveau de maturité des innovations. Le programme 424 Financement des investissements stratégiques en est le support budgétaire ;

– un volet dit structurel, initialement doté de 7,5 milliards d’euros, consacré au financement des acteurs de la recherche et de l’innovation. Le programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation porte les crédits alloués à ce volet.

Au titre du volet dirigé, 22 stratégies ont été validées et ont été dotées de 12,4 milliards d’euros.

 

 

 

StratÉgies d’accÉlÉration du PIA 4

(en millions d’euros)

 

Total

Stratégies pour la transition écologique

5 665

Recyclabilité, recyclage et réincorporation de matériaux recyclés

370

Filière nucléaire

170

Hydrogène

922

Ville durable et bâtiments innovants

675

Batteries V2

400

Systèmes agricoles durables et équipements favorables à la transition écologique

403

Digitalisation et décarbonation des mobilités

570

Décarbonation de l’industrie

560

Alimentation durable

460

Produits biosourcés et biotechnologies industrielles

420

Technologies avancées pour le système énergétique

515

Stratégies pour le numérique et la santé

6 738

5G et futures technologies de télécommunication

560

Enseignement et numérique

776

Technologies du quantique

650

Cybersécurité

349

Industries culturelles et créatives

400

Cloud

658

Santé numérique

600

Intelligence artificielle

648

Nano-électronique (dont Nano 22)

700

Maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC

600

Biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes

797

Total

12 403

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

France 2030 adopte quant à lui une architecture inédite par rapport au PIA. Il cible 10 objectifs, articulés autour de trois axes : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde. 5 leviers sont par ailleurs identifiés pour favoriser l’atteinte de ces mêmes objectifs.

19 milliards d’euros seraient alloués à la poursuite des objectifs et 15 milliards d’euros aux leviers.

Cette présentation ne trouve toutefois pas de traduction budgétaire propre. Les crédits alloués à chaque thématique ont été ventilés au sein des différentes actions des programmes 424 et 425 de la mission Investir pour la France de 2030 et sont venus s’ajouter aux crédits ouverts au titre du PIA 4. En ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle de ce plan d’investissement, ces crédits sont également, pour ceux relevant du volet dirigé du PIA 4, venus abonder les stratégies d’accélération.

 

Ventilation des crÉdits de FRance 2030 (horS PIA4) lors du lancement du plan ([5]) 

(en millions d’euros)

 

AE

Faire émerger en France d’ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets

1 000

Devenir le leader de l’hydrogène vert en 2030

2 300

Décarboner notre industrie

5 000

Produire en France, à l’horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides

2 600

Produire en France le premier avion bas-carbone

1 200

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

1 500

Produire en France au moins 20 biomédicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et créer les dispositifs médicaux de demain

2 950

Placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs

600

Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale

1 550

Investir le champ des fonds marins

300

Total « Objectifs »

19 000

Sécuriser l’accès aux matières premières

1 950

Sécuriser l’accès aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

5 550

Développer les talents en construisant les formations de demain

2 500

Capital-Innovation de rupture, start-up industrielles et accélération de la croissance

5 000

Total « Conditions de réalisation des objectifs »

15 000

Total France 2030

34 000

Source : commission des finances.

L’architecture finale de France 2030 résulte donc de la succession de deux plans d’investissement, définis en pleine crise sanitaire, dans un temps relativement court. Si les opérateurs du PIA ont pu être associés à la création du PIA 4, les concertations ont été particulièrement limitées s’agissant de France 2030. Celui-ci a ainsi été créé en moins de six mois dans des conditions opaques.

Le Gouvernement affirme avoir associé différentes parties prenantes (entre autres, des associations de patients, des étudiants). Toutefois, aucune trace de ces échanges n’est publique : il est ainsi impossible de savoir quelles propositions ont été formulées en amont du lancement du plan et lesquelles ont finalement été écartées.

En tout état de cause, le Parlement n’a pas été associé à la création de France 2030. Il a été conduit à autoriser le Gouvernement à engager 34 milliards d’euros sur la base des dossiers de presse publiés par le Gouvernement et de l’exposé sommaire de l’amendement ayant permis d’ouvrir les crédits alloués à ce plan.

Désormais, ses marges de manœuvre sont particulièrement réduites pour ajuster les crédits de France 2030 ou modifier ses orientations : l’ensemble des autorisations d’engagement ayant été ouvertes et une grande partie ayant été consommée en 2022, il n’est plus possible de les annuler ou de les réorienter vers d’autres dépenses par voie d’amendement.

De plus, l’engagement de la responsabilité du Gouvernement le mercredi 2 novembre 2022, en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2023, prive l’Assemblée nationale d’un débat en séance publique sur France 2030. Le Parlement est donc mis à l’écart des décisions d’investissement qui engagent le pays pour des dizaines d’années.

b.   Une déresponsabilisation et une dépolitisation à tous les niveaux

Au-delà du contexte dans lequel ce plan a été créé, ses modalités de gouvernance conduisent à une déresponsabilisation à tous les niveaux.

La gouvernance de France 2030 est organisée autour de plusieurs structures. En premier lieu, un comité d’orientation stratégique placé auprès du Président de la République propose de grandes orientations stratégiques et technologiques et veille au suivi du plan.

Ces orientations sont ensuite déclinées par le conseil interministériel de l’innovation (C2i), présidé par la Première ministre, qui arbitre la répartition budgétaire et arrête les orientations de France 2030. Le C2i est assisté d’un comité exécutif (Comex), présidé par le SGPI. En parallèle, le comité France 2030, également présidé par la Première ministre, assure le suivi de l’exécution du plan et associe les représentants d’élus, des acteurs de la recherche et des entreprises.

En second lieu, à un niveau davantage opérationnel, quatorze comités de pilotage ministériels (CPM) assurent le pilotage et le suivi des différentes thématiques de France 2030 en y associant les ministres concernés et différentes personnalités qualifiées. Les travaux des CPM sont quant à eux préparés par des comités de pilotage ministériels opérationnels (CPMO), dirigés par les directions générales des ministères concernés. Ces derniers sont notamment chargés de valider le cahier des charges des procédures de sélection des projets et les propositions formulées par les comités de sélection. Le SGPI est enfin chargé d’assurer la coordination de l’exécution de l’ensemble du plan, ainsi que de piloter l’évaluation des projets.

Enfin, les quatre opérateurs historiques du PIA sont chargés de la gestion des crédits de France 2030 ([6]). Il s’agit de l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Agence de la transition écologique (ADEME), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations.

 

Cette architecture aboutit à une forte centralisation des décisions et se traduit par un empilement d’acteurs qui, bien éloigné de « l’esprit commando » souhaité par le Président de la République lors du lancement de France 2030, alourdit considérablement la gestion des crédits et génère une forme de déresponsabilisation.

Il a ainsi été plusieurs fois indiqué au rapporteur que les délais d’instruction et de sélection des projets s’étaient considérablement allongés depuis le lancement de France 2030 en raison d’absence d’arbitrages et d’incertitudes concernant l’identité des structures chargées de prendre une décision.

Cette situation s’explique par le fait que le SGPI assure une fonction uniquement administrative et n’a pas été doté d’un rôle politique. Le rapporteur spécial considère que cela est contestable, dans la mesure où il semblerait naturel que le secrétaire général pour l’investissement arbitre certains choix d’investissement et soit responsable de l’atteinte des objectifs du plan.

La procédure de sélection des dossiers dans le cadre de France 2030

La sélection des dossiers est réalisée en plusieurs étapes et s’appuie sur une plus grande délégation donnée aux opérateurs pour les projets inférieurs à 10 millions d’euros :

– après une procédure de cadrage menée conjointement par l’opérateur et le CPMO, les dossiers font l’objet d’une pré-sélection, validée par le CPMO, donnant lieu à une audition en présence de trois experts externes, sélectionnés par l’opérateur après vérification d’éventuels conflits d’intérêts ;

– pour les projets pour lesquels l’aide pourrait s’élever à plus de 10 millions d’euros, le CPMO assure le filtrage des candidats admis à se présenter à l’étape suivante. Les dossiers doivent ensuite être complétés par les porteurs de projet. Après une phase d’instruction, une deuxième sélection est ensuite effectuée par l’opérateur ou directement par le CPMO suivant le montant de l’aide demandée ;

– pour les dossiers sélectionnés, l’opérateur prépare ensuite le projet de décision d’engagement des crédits devant être signé par la Première ministre (DPM). S’engage enfin une phase de contractualisation entre le bénéficiaire et l’opérateur.

Les délais de validation par les CPMO à chaque étape de la procédure de sélection devaient théoriquement s’élever à 48 heures. Il n’est néanmoins pas rare que ceux-ci s’allongent jusqu’à plus de 30 jours. De la même manière, des retards ont régulièrement été constatés en ce qui concerne les DPM, dont la signature peut aboutir après plusieurs semaines.

Au total, plusieurs mois peuvent s’écouler entre le cadrage d’un appel à projets et le terme de la phase de contractualisation. Cela a notamment été le cas pour l’AAP « Écosystèmes territoriaux hydrogène » au premier semestre 2022, pour lequel la procédure de sélection a été particulièrement rallongée en raison de l’absence d’arbitrages pris par les ministères. Ces difficultés sont par ailleurs renforcées par le fait que les modalités de fonctionnement et de composition des CPMO sont hétérogènes.

De manière générale, il peut ainsi être affirmé qu’il existe une forte opacité sur la manière dont les projets sont sélectionnés, ce qui rendra difficile pour le Parlement de contrôler les conditions dans lesquelles le plan sera exécuté. Il peut également être souligné que les comités de pilotage et les comités de sélection ne sont composés que de personnalités qualifiées et, pour les premiers, de représentants des différents ministères. Il serait souhaitable qu’ils associent davantage les représentants de la société civile (usagers, élus locaux, associations).

Enfin, le SGPI, composé d’une quarantaine de personnes, ainsi que les opérateurs semblent sous-dimensionnés pour assurer l’ensemble de leurs missions et absorber le volume d’activité supplémentaire généré par l’exécution de France 2030.

Les moyens budgétaires alloués aux opérateurs au titre du PIA sont définis par des conventions financières définissant notamment le montant des frais de gestion leur étant versés. Lors de ses auditions, il a été signalé au rapporteur spécial que des discussions étaient en cours s’agissant du contenu de ces conventions financières, qui n’ont toujours pas été signées.

Ces négociations s’inscrivent dans un contexte de réforme des modalités de calcul des frais de gestion. Ceux-ci seront désormais versés sous la forme d’un forfait, calculé sur la base d’un référentiel reposant sur les différentes procédures réalisées par les opérateurs et dans la limite d’un plafond dépendant de l’enveloppe globale confiée à chaque opérateur. Si cette réforme emporte l’adhésion des opérateurs, l’absence de convention financière ne leur permet pas d’avoir une visibilité suffisante sur leurs moyens et obère leurs capacités à réaliser les recrutements nécessaires pour assurer leurs missions.

2.   Un nombre restreint de bénéficiaires

La création de France 2030 montre que la dépense publique est plus facilement engagée lorsqu’il s’agit de financer les promesses formulées par les entreprises que pour renforcer les moyens alloués aux services publics. En faisant le pari de l’innovation pour réussir la transition écologique, ce plan s’adresse à un nombre limité d’acteurs, composés principalement de start-up et de grands groupes.

a.   Le privé au détriment du service public

France 2030 a été créé dans un contexte de renforcement constant des moyens publics alloués aux acteurs du secteur privé et d’efforts toujours plus importants demandés au service public.

Le rapport produit par l’IRES pour la Confédération générale du travail (CGT) et rendu public en octobre 2022 ([7]) montre ainsi que les dépenses fiscales, les exonérations de cotisations sociales et les dépenses budgétaires dont bénéficient les entreprises atteignaient 157 milliards d’euros en 2019, contre 30 milliards d’euros par an dans les années 1990.

Dans le même temps, des économies sont régulièrement réalisées au détriment des services publics : le gel du point d’indice entre 2010 et 2022 (à l’exception d’une revalorisation réalisée en 2016 à hauteur de 1,2 %), la limitation de l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales – à travers les contrats dits de Cahors – ou encore la baisse de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) à hauteur de – 0,7 % pour 2023 ([8]) sont autant d’exemples qui démontrent cette tendance.

Les auditions menées par le rapporteur spécial, notamment celle de l’Observatoire des multinationales, ont montré que France 2030 renforce ce phénomène. À cet égard, ce plan semble davantage répondre aux stratégies de développement élaborées par les entreprises pour financer leurs projets de recherche et développement qu’aux recommandations des associations travaillant sur la transition écologique.

50 % des investissements engagés dans le cadre du plan doivent bénéficier à des acteurs émergents. Ceux-ci correspondent principalement à des start-up dont le modèle économique peut notamment s’appuyer sur l’appropriation d’une découverte réalisée par les acteurs de la recherche. Il n’est toutefois pas rare que les start-up atteignant une phase avancée de développement soient rachetées par une plus grande entreprise, qui n’aura pris aucun risque pour bénéficier des profits générés par l’innovation mise sur le marché.

Les données transmises par le SGPI démontrent que les acteurs privés sont les principaux bénéficiaires de France 2030 en 2022 :

– 25 % des bénéficiaires de France 2030 sont de grandes entreprises ;

– 41 % d’entre eux sont constitués de petites et moyennes entreprises (PME), soit une proportion encore inférieure à l’objectif précité.

De plus, ce chiffre ne dit rien de la part de PME qui seraient en réalité détenues par de grands groupes. Interrogé à ce sujet, le SGPI a indiqué au rapporteur spécial tenir compte du phénomène de « spin-off » ([9]) sans pour autant détenir de chiffres sur la réalité de ce phénomène. En tout état de cause, il ne sera donc pas possible de vérifier qu’à travers les acteurs émergents, France 2030 ne bénéficie pas en réalité à de grandes entreprises ayant décidé de scinder leurs activités.

À l’inverse, les établissements publics, collectivités et organismes de recherche ne représentent qu’un peu plus d’un quart des crédits engagés en 2022. Ces chiffres ne tiennent par ailleurs pas compte des prises de participation réalisées au titre de France 2030, réalisées en partie auprès de fonds de fonds (cf. infra).

Typologie des bÉnÉficiaires de France 2030

Source : jaune budgétaire relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir.

b.   Le tout technologique au détriment de l’humain

France 2030 est fondé sur des présupposés que le rapporteur spécial considère discutables.

En premier lieu, ce plan est issu de l’hypothèse selon laquelle les start-up seraient les acteurs les mieux armés pour préparer la transition écologique. La recherche publique, soutenue dans une moindre mesure par France 2030, ainsi que les acteurs associatifs et les structures de l’économie sociale et solidaire sont par conséquent mis au second plan.

De plus, France 2030 est mobilisé pour contourner plusieurs problèmes trouvant leur origine dans le manque de moyens mis à disposition des services publics. La stratégie d’accélération « Santé numérique » poursuit par exemple l’objectif de développer des modes de prise en charge à distance. Pour autant, la lutte contre les déserts médicaux ne pourra être correctement menée sans recruter massivement des infirmiers, médecins ou aides-soignants. De la même manière, si les données de santé pourront accélérer la recherche de nouveaux traitements, elles ne pourront freiner le rythme de fermeture des services d’urgence.

France 2030 fait ainsi le pari du tout technologique. Pour autant, les 34 milliards d’euros dont il est doté auraient légitimement pu être alloués à des secteurs indispensables, tels que la sécurité civile, le système hospitalier, ou encore la dépendance et l’autonomie.

B.   l’absence de planification et DE prise en compte de la sobriété

France 2030 a été conçu sans approche systémique et ne porte pas sur l’évolution des modes de consommation, ce qui ne lui permettra pas d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés en matière de transition écologique.

1.   Un plan dépourvu d’approche systémique et des aides versées sans réelle conditionnalité

La doctrine d’investissement actuelle des PIA a été définie, lors du lancement du PIA 4 ([10]). Le B du I de l’article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ([11]) fixe plusieurs principes devant être respectés pour allouer les investissements : les projets financés doivent être innovants et augmenter le potentiel de croissance économique du pays ; ils doivent être retenus selon une procédure de sélection ouverte et objective et en fonction des retours sur investissement financiers ou extra-financiers attendus ; les investissements doivent par ailleurs faire l’objet de cofinancements.

Afin de l’adapter aux spécificités de France 2030, cette doctrine a été complétée par la loi de finances pour 2022 ([12]), afin de préciser que les investissements pouvaient désormais concourir au financement de projets « de développement et de transformation de la base industrielle du pays ».

France 2030 a en effet vocation à financer des projets intervenant plus en aval de la chaîne de valeur que le PIA, qu’il s’agisse de projets de relocalisation, de construction ou de décarbonation d’usine ainsi que de déploiement d’innovations à grande échelle.

Cette ambition industrielle se traduit principalement par la mise en œuvre de projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).

Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC)

Les PIIEC constituent un dispositif dérogatoire aux règles européennes applicables en matière d’aides d’État.

L’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pose le principe d’une interdiction des aides versées par les États membres qui auraient pour conséquence de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions. Ce même article prévoit toutefois plusieurs exceptions, notamment lorsque les aides versées sont destinées « à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ».

La notion de projet important d’intérêt européen commun et les critères permettant d’apprécier la compatibilité avec le marché intérieur des aides versées dans ce cadre ont été précisés par la Commission européenne dans une communication du 20 juin 2014. Pour être éligible, le projet doit être clairement défini et plusieurs États membres doivent y être associés. Il doit par ailleurs contribuer à l’atteinte des objectifs de l’Union européenne et revêtir une importance particulière, par son ampleur ou le niveau de risque y étant associé. Les aides lui étant alloués doivent enfin être nécessaires et proportionnées.

Ces projets sont toutefois définis sans qu’une réflexion systémique ait été engagée.

● En premier lieu, les objectifs fixés dans le cadre de France 2030 ne pourront, selon différents experts, pas être atteints. Le Shift Project, dans le cadre de son plan de transformation de l’économie française (PTEF), estime ainsi que la plupart des technologies de rupture qui permettront de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre ne seront pas disponibles avant 2050.

● En second lieu, le Gouvernement entend favoriser les relocalisations d’activité en se concentrant sur certains biens manufacturés à haute valeur ajoutée, tout en délaissant d’autres activités essentielles à la réalisation des objectifs de France 2030.

Le cas de la production de voitures électriques ou hybrides illustre ce problème. Le Gouvernement communique ainsi sur l’ouverture de trois usines fabriquant des batteries électriques à Douvrin, Douai et Dunkerque. Dans le même temps, plusieurs fonderies d’aluminium, produisant des pièces essentielles à la construction des voitures, sont mises en liquidation ([13]), ce qui conduit à importer des produits désormais fabriqués en Turquie ou en Espagne. Pour être cohérent, France 2030 aurait donc dû soutenir l’intégralité de la chaîne de production des véhicules électriques, et non pas simplement le segment considéré comme le plus rémunérateur.

● En troisième lieu, le Gouvernement affirme que France 2030 favorisera la création d’emplois. Aucune étude d’impact n’a toutefois été publiée sur ce sujet ; tout porte de surcroît à croire que les investissements qui seront réalisés produiront d’importants effets en matière de réallocation d’activité.

À cet égard, la théorie économique démontre que le progrès technique accélère la polarisation du marché du travail ([14]) : les innovations favorisent la destruction d’emplois intermédiaires au profit d’emplois plus rémunérateurs et d’emplois moins qualifiés. S’il peut être constaté que 2,5 milliards d’euros seront alloués à la formation aux métiers d’avenir, notamment au moyen de l’AMI « Compétences et métiers d’avenir », il ne peut être nié que France 2030 pourrait provoquer la destruction de nombreux emplois sans offrir de solutions pérennes aux travailleurs dont les postes seront supprimés. 

● Enfin, le rapporteur spécial considère que la doctrine du PIA est incomplète. Elle ne contient aucune règle permettant de subordonner l’octroi des aides publiques au respect par les bénéficiaires d’engagements écologiques ou sociaux.

Pourtant, dès le déploiement du second programme d’investissements d’avenir, en loi de finances pour 2014, la question de la conditionnalité des aides apportées avait été perçue comme un enjeu, et il avait été demandé au Gouvernement de remettre, dans les six mois suivant la promulgation de cette loi de finances, un rapport sur les critères d’éco-conditionnalité auxquels étaient soumis les projets du second programme d’investissements d’avenir (II de l’article 59 de la loi de finances pour 2014). Force est de constater que les choses n’ont guère progressé depuis lors.

Les opérateurs de France 2030 ont indiqué au rapporteur spécial que parmi les critères de sélection des projets, les effets attendus en matière de réduction de gaz à effet de serre et de lutte contre la pollution ou le nombre d’emplois créés étaient pris en compte. Si le versement des aides peut être suspendu en cours de déploiement dans le cas où les objectifs définis dans le cadre de la contractualisation ne sont pas atteints, la conditionnalité des aides est loin d’être systématique. En matière d’emploi, elle est même rarement mise en œuvre, en raison de difficultés pour tenir compte du contexte macroéconomique et des cas limites.

En tout état de cause, les exigences définies par l’État à l’égard des entreprises bénéficiaires des aides ne portent que sur le périmètre du projet financé. Il n’est donc pas tenu compte de leurs autres activités ni des éventuels licenciements qu’elles pourraient réaliser en parallèle du projet soutenu par France 2030.

Le rapporteur spécial considère qu’il serait naturel de demander des comptes à ces entreprises et d’exiger qu’elles adoptent un comportement vertueux à l’égard de leurs salariés en échange des subventions dont elles bénéficient.

2.   Des méthodes d’évaluation dont les modalités n’ont pas été suffisamment précisées

Les rapporteurs spéciaux de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que la Cour des comptes ont régulièrement souligné l’insuffisante évaluation des investissements d’avenir. Pour répondre à cette critique, France 2030 a été adossé à une nouvelle méthode d’évaluation visant à s’assurer que les investissements sont cohérents avec la doctrine définie par la loi, qu’ils sont efficients et atteignent les résultats escomptés.

En complément d’une évaluation ex ante et ex post, les investissements réalisés dans le cadre de France 2030 feront l’objet d’une évaluation in itinere.

Dans ce cadre, les stratégies d’accélération sont adossées à des indicateurs de performance servant à évaluer la conception des appels à projets. Chaque projet fera également l’objet d’une évaluation, variable selon l’importance du projet :

– les projets dont le financement ne dépasse pas 15 millions d’euros seront analysés selon leur performance attendue au regard des critères suivants : le développement économique, la souveraineté et l’autonomie stratégique, le développement durable, le leadership académique, la qualité de vie, la mixité, le capital humain et la dimension territoriale ;

– pour les projets dont le financement dépasse 15 millions d’euros, une évaluation socio-économique complète sera exigée ;

– pour les projets dont le financement excède 100 millions d’euros, l’évaluation socio-économique sera soumise à une contre-expertise indépendante.

D’autre part le comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA) aura la charge de réunir un comité économique d’évaluation in itinere de France 2030, réunissant des économistes spécialisés dans les différents domaines d’investissement.

Ce dispositif vise en outre à permettre une gestion plus souple de France 2030 par rapport aux précédents volets du PIA : les stratégies d’accélération et l’orientation des investissements sont ainsi susceptibles d’évoluer en fonction des premiers résultats obtenus ou de nouvelles priorités qui pourraient être identifiées en cours de déploiement. Les premiers résultats de ces évaluations ou les modalités de leur publicité n’ont néanmoins pas été précisément définies.

Le rapporteur spécial considère qu’eu égard au caractère particulièrement risqué des investissements qui seront réalisés, les exercices d’évaluation de France 2030 doivent être le plus transparent possible.

3.   Une absence de réflexion sur les usages des technologies financées par France 2030

50 % des dépenses engagées dans le cadre de France 2030 doivent porter sur la décarbonation de l’économie et aucune dépense ne pourra porter atteinte à l’environnement, conformément au principe « do no significant harm » (DNSH).

Si cet objectif semble relativement peu ambitieux, il n’a, à ce stade, pas encore été atteint. Les données présentées dans le rapport sur la mise en œuvre des investissements d’avenir montrent qu’en 2022, seules 44 % des crédits engagés auront un effet favorable pour l’environnement. 46 % des crédits alloués auraient un impact neutre – notamment ceux alloués à la santé, au spatial, aux industries culturelles, au numérique et à l’enseignement – et 10 % des dépenses sont non cotées (le quantique, les investissements en fonds propres, une partie du volet structurel) ([15]).

De plus, France 2030 pâtit d’une absence de réflexion sur les usages qui pourront être faits des technologies ayant vocation à être mises sur le marché.

Le Shift Project a ainsi indiqué au rapporteur spécial que le budget alloué à France 2030 semble sous-dimensionné par rapport aux besoins identifiés pour développer les technologies dont la mise sur le marché est attendue dans les prochaines années. Le Shift Project estime ainsi les besoins de production d’hydrogène par électrolyse à 18 térawattheures (WT), dont 13 bénéficieraient à l’industrie et 5 à l’avion bas carbone. À ce stade, la stratégie d’accélération portant sur l’hydrogène prévoit de doter le pays d’une capacité de production de 6,5 gigawattheures (GW).

D’autre part, le Shift Project relève plusieurs incohérences parmi les objectifs de France 2030, qui conduisent par exemple à concentrer l’usage de l’hydrogène sur les mobilités courtes et le ferroviaire plutôt que sur les vols moyen et long-courriers. Ce choix, au regard des études qui ont été menées avant le lancement de France 2030, pourrait conduire à une mauvaise allocation des ressources.

Plus généralement, la stratégie mise en œuvre par l’État à travers France 2030 ne porte pas sur l’évolution des modes de consommation, ce qui obérera sa capacité à décarboner l’économie.

La théorie économique démontre que le progrès technique ne constitue pas une solution autonome pour réussir la transition écologique. William Stanley Jevons ([16]) à travers sa théorie de « l’effet rebond », démontre ainsi que l’idée selon laquelle un usage plus économe de combustible conduirait à une moindre consommation d’énergie est fausse. Au contraire, une plus grande efficacité énergétique peut avoir pour effet d’accroître l’usage d’un bien ou d’un service.

En l’occurrence, il est légitime de se demander quelle sera l’incidence en matière d’émission de GES du remplacement progressif du parc automobile par des voitures électriques, si dans le même temps leur nombre augmente par rapport au nombre de véhicules actuellement en circulation.

4.   Des objectifs écologiques qui se traduisent par un solutionnisme technologique

Comme le démontre la communication qui a été faite autour de France 2030, le Gouvernement entend l’inscrire dans la continuité des grandes innovations de l’après-guerre, tels que le concorde, le TGV ou encore la construction de centrales nucléaires.

La volonté de produire 2 millions de voitures électriques, de petits réacteurs modulaires (small modular reactors) ou un avion bas carbone prolongent ainsi un mythe techniciste se fondant sur le présupposé que le progrès technique permettrait en lui-même de relever le défi climatique. Aucun objectif ou levier n’est spécifiquement consacré à la sobriété et à la lutte contre les consommations superflues. Ce choix est contestable et n’apparaît pas cohérent avec les travaux menés par différents experts sur la question de la transition écologique.

Ainsi, le Shift Project, dans le cadre du PTEF, indique que pour réduire durablement les émissions de GES, 20 % de l’effort doit porter sur la sobriété énergétique.

Ce constat est partagé par l’ADEME dans le cadre de son étude intitulée Transitions 2050 ([17]). Cette dernière est composée de quatre scénarios imaginés pour aboutir à la neutralité carbone en 2025. Seul l’un d’entre eux, que l’ADEME qualifie de « très risqué » renonce à ce levier. Les deux premiers scénarios proposent quant à eux de modifier significativement les logiques de développement socio-économiques en privilégiant la sobriété d’usage (déplacement à pied ou à vélo, commerces de proximité), la sobriété dimensionnelle (alléger le poids des véhicules) et la sobriété coopérative (habitats collectifs, location d’équipements).

C.   Un montant de 5,7 milliards d’euros en crÉdits de paiement pour 2023

En 2022, 36,5 milliards d’euros ont été affectés aux différents objectifs et leviers de France 2030. Sur les 54 milliards d’euros qui composent le plan, plus de 17 milliards d’euros demeurent à ce stade non affectés. Par ailleurs, 7,54 milliards d’euros ont été engagés au profit des porteurs de projet.

Pour financer la mise en œuvre des premiers projets sélectionnés, les crédits de paiement demandés en 2023 s’élèveraient à 5,7 milliards d’euros et augmenteraient de 224 millions d’euros par rapport à 2022. Cette hausse résulte à la fois d’une diminution des crédits ouverts sur le programme 424 Financement des investissements stratégiques, et d’une progression importante des crédits ouverts sur le programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation.

1.   Le bilan de la première année d’exécution de France 2030

Le jaune budgétaire relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir indique qu’au 1er septembre 2022 810 projets et 1 260 bénéficiaires ont été sélectionnés dans le cadre de France 2030. 7,54 milliards d’euros ont été engagés à leur profit.

À l’instar des investissements réalisés dans le cadre des précédents volets du PIA, les bénéficiaires sont à ce stade principalement situés en Île-de-France (à hauteur de 44 %) et en Auvergne-Rhône-Alpes (15 %) ([18]).

Les crédits d’ores et déjà engagés au titre de France 2030 concernent principalement les leviers relatifs au capital innovation de rupture ainsi qu’au soutien de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, exécutés à hauteur de près de 5 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous retrace l’engagement des crédits et présente l’enveloppe totale allouée à chaque objectif en tenant compte des crédits ouverts dans le cadre du PIA 4. Le total des dotations allouées aux différentes thématiques de France 2030 s’élève pour l’heure à 51,92 milliards d’euros et non pas 54 milliards d’euros, ce qui s’explique par le fait que les enveloppes allouées à chaque objectif ou levier ont vocation à être ajustées. Par conséquent, une partie des crédits ouverts reste encore à orienter vers une thématique d’investissement.

 

 

 

 

 

ExÉcution de France 2030 au 1er septembre 2022([19])

(en millions d’euros)

 

Exécution ([20])

Enveloppe totale 

Faire émerger en France d’ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille et production d’énergie décarbonée

105

2 100([21])

Devenir le leader de l’hydrogène vert en 2030

60

8 200

Décarboner notre industrie

6

Produire en France, à l’horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides

14

4 970

Produire en France le premier avion bas-carbone

223

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

89

2 700

Produire en France au moins 20 biomédicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et créer les dispositifs médicaux de demain

779

5 700

Placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs

14

1 000

Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale

2

1 600

Investir le champ des fonds marins

17

350

Total « Objectifs »

1 309

26 620

Sécuriser l’accès aux matières premières

114

2 000

Sécuriser l’accès aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

66

6 200

Souveraineté numérique

559

2 800

Développer les talents en construisant les formations de demain

482

3 300

Capital-Innovation de rupture, start-up industrielles et accélération de la croissance

2 986

4 250

Écosystèmes d’enseignement, de recherche et d’innovation

2022

6 750

Total « Conditions de réalisation des objectifs »

6 229

25 300

Total France 2030

7 538

51 920

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Parmi les crédits ayant fait l’objet d’une affectation, près de 50 % sont alloués à Bpifrance et près d’un quart à l’ADEME. Cette répartition reflète les objectifs poursuivis par France 2030, principalement orientés vers les entreprises émergentes et les projets de décarbonation de l’économie.

 

 

 

 

Ventilation des crÉdits de France 2030 par opÉrateur

(en millions d’euros)

 

Crédits budgétaires

Intérêts DNC

Intérêts FII

Total

Bpifrance

16 324

0

479

16 803

ADEME

7 850

0

0

7 850

ANR

6 450

3 000

0

9 450

Caisse des dépôts et consignations

2 125

0

0

2 125

Sous total opérateurs

32 749

3 000

479

36 228

Crédits en délégation de gestion

300 ([22])

Crédits non affectés

17 378

Total France 2030

53 906

Source : commission des finances, d’après le rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir.

2.   Des ouvertures en crédits de paiement en diminution sur le programme 424 Financement des investissements stratégiques

Le programme 424 serait doté de 3,49 milliards d’euros en CP en 2023. Sa dotation diminuerait de 593,3 millions d’euros par rapport à 2022 (– 14,5 %).

Évolution des crÉdits du programme 424 en 2023

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

01 – Programmes et équipements prioritaires de recherche

0,0

0,0

/

300,0

200,0

- 33,3 %

02 – Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500,0

0,0

- 100,0 %

320,0

160,0

- 50,0 %

03 – Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

5 000,0

0,0

- 100,0 %

640,0

650,0

+ 1,6 %

04 – Soutien au déploiement

7 500,0

0,0

- 100,0 %

1 260,0

625,0

- 50,4 %

05 – Accélération de la croissance (fonds propres)

1 000,0

0,0

- 100,0 %

560,0

450,0

- 19,6 %

06 – Industrialisation et déploiement

12 998,3

0,0

- 100,0 %

998,3

1 400,0

+ 40,2 %

Total

27 998,3

0,0

- 100,0 %

4 078,3

3 485,0

- 14,5 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Les actions du programme 424 sont structurées selon les différents degrés de maturité des innovations.

● L’action Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), intervenant en amont de la chaîne de valeur, serait dotée de 200 millions d’euros en 2023. Son enveloppe globale s’élève à 3 milliards d’euros. Cette action prend le relais des programmes prioritaires de recherche et des équipements prioritaires de recherche financés dans le cadre des précédents volets du PIA.

Les PEPR ont pour objet de financer des projets contribuant à consolider le leadership de la recherche française et sélectionner des chercheurs de rang international. Chaque stratégie d’accélération est dotée d’un PEPR, auxquels s’ajoutent 17 PEPR « exploratoires ». La dotation des PEPR exploratoires s’élève à un milliard d’euros et doit permettre de préparer la création de potentielles nouvelles stratégies.

L’action est opérée par l’ANR ; à ce stade, sur une cible de 24 PEPR, trois projets relatifs à l’hydrogène décarboné, la cybersécurité et les technologies quantiques ont débuté. Deux vagues d’appels à projets ont été lancées pour les PEPR exploratoires et 17 projets ont été retenus. Parmi ceux en phase de démarrage, peuvent être cités le PEPR DIADEM, sur les matériaux innovants, et MoleculArXiv, portant sur le stockage de données sur ADN.

● L’action Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche serait dotée de 160 millions d’euros en 2023, ce qui représente un peu plus de 5 % de son enveloppe totale (3 milliards d’euros). La dotation de l’action diminuerait de 50 % par rapport à 2022.

La gestion des crédits de cette action est assurée par Bpifrance (1,65 milliard d’euros) ainsi que par l’ADEME (700 millions d’euros) et l’ANR (200 millions d’euros). L’objectif est d’identifier des ruptures technologiques et d’accompagner les projets à TRL de niveau intermédiaire menés par des entreprises et consortiums associant des acteurs privés et des organismes de recherche.

Onze AAP ont été publiés au titre de cette action. Elles portent sur les stratégies cybersécurité (AAP « Mutualisation et valorisation des données d’intérêt cyber » et « Projets innovants sur le campus cyber »), l’alimentation durable (AAP « Développer les protéines végétales et diversifier les sources de protéines »), le nucléaire (AAP « Réacteurs nucléaires innovants ») ou encore le spatial (AAP « Développement de systèmes pour les services en orbite »). Un appel à propositions transversal a également été lancé par l’ANR et porte plus spécifiquement sur les phases de pré-maturation et de maturation des innovations.

● L’action Démonstration en condition réelle, amorçage et première commerciale serait dotée de 650 millions d’euros, un montant stable par rapport à 2022. 7,5 milliards d’euros lui sont alloués sur toute la durée de déploiement de France 2030.

Opérée par les quatre opérateurs, elle vise à soutenir la mise en œuvre des premières réalisations industrielles ou de services et porte les crédits confiés en délégation de gestion à la DGAC pour la conception de la mise en œuvre de l’objectif « Avion bas carbone ».

Cette action connaît une exécution plus rapide que les autres actions du programme 424. Plus d’une trentaine d’appels à projets ont été publiés sur le périmètre d’une dizaine de stratégies. Peuvent notamment être cités l’AMI « Démonstrateurs numériques dans l’enseignement supérieur », publié par l’ANR, qui a pour objet d’apprécier les effets de la transformation numérique dans les établissements supérieurs, ainsi que l’AAP de Bpifrance « Solutions et technologies innovantes pour les batteries » qui couvre l’ensemble de la chaîne de production de batteries, de l’extraction des matériaux jusqu’au recyclage.

Les crédits inscrits sur cette action financent également la majorité des AAP publiés par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre de la stratégie « Villes durables et bâtiments innovants ». Cette stratégie intègre notamment les 39 démonstrateurs de la ville durable, dans le cadre desquels des projets d’aménagement et de transformation des territoires sont menés. Ceux-ci concernent, à titre d’exemple, la construction de matériaux biosourcés à Nantes, la transformation de zones commerciales en quartiers à vivre (à Mérignac), ou encore la lutte contre les îlots de chaleur urbains (Toulon, Aix-Marseille-Provence).

● L’action Soutien au déploiement serait dotée de 625 millions d’euros en 2023, un montant en baisse de 50 % par rapport à 2022.

Son enveloppe totale s’élève à 10,5 milliards d’euros. Elle vise à soutenir la diffusion des innovations et l’implantation de sites industriels, notamment dans le cadre de PIIEC.

10 projets français ont à ce stade été retenus dans le cadre du PIIEC consacré à l’hydrogène décarboné, associant 15 États membres. Deux PIIEC portant sur les batteries ont été autorisés par la Commission européenne, permettant de financer trois usines à Douvrin, Douai et Dunkerque.

La France a également notifié à la Commission européenne quinze projets ayant vocation à intégrer le PIIEC relatif à l’électronique, en cours de construction avec 19 autres États membres, et travaille à la conception d’un PIIEC relatif au secteur de la santé.

L’action Soutien et déploiement porte également les crédits alloués à l’AMI « Compétences et métiers d’avenir », pierre angulaire du levier « formation de demain » de France 2030. Opéré conjointement par l’ANR et la Caisse des dépôts et consignations, cet AMI est doté de 2 milliards d’euros pour accompagner la diversification des filières exposées aux transitions technologiques. À ce stade, 66 lauréats ont été sélectionnés au cours de la première vague (23 projets de diagnostics et 43 projets de formation), pour un financement de 304 millions d’euros.

● L’action 5 Accélération de la croissance porte une partie des crédits alloués aux investissements en fonds propres de France 2030 (3,5 milliards d’euros au total, sur les 6,5 milliards d’euros en fonds propres de France 2030).

En 2023, 450 millions d’euros seraient ouverts sur cette action, soit un montant en baisse de 110 millions d’euros par rapport à 2022.

Depuis 2021, les crédits de cette action ont abondé à hauteur de 300 millions d’euros le fonds écotechnologies 2, géré par Bpifrance. Ce fonds d’investissement direct intervient au profit de sociétés produisant des biens ou services favorisant la transition écologique lors des phases de levées de fonds en série A ou B ([23]). 200 millions d’euros ont également été alloués au fonds French tech souveraineté, lancé après le premier confinement, qui intervient pour sécuriser les investissements réalisés par des entreprises dans des technologies stratégiques.

Cette action a également abondé le fonds SPI 2, intervenant au profit d’entreprises arrivées à maturité pour soutenir leurs projets industriels. En 2023, de nouveaux instruments devraient être élaborés, notamment pour succéder au fonds national d’amorçage 2 (FNA2), financé dans le cadre du PIA 3.

● L’action Industrialisation et déploiement a été créé en 2022 dans le cadre du lancement de France 2030. Dotée de 1,4 milliard d’euros en 2023, elle intervient en aval de la chaîne de valeur pour financer des projets de décarbonation d’usine ou de relocalisation d’activité.

Tout comme l’action Soutien au déploiement, elle participe au financement des PIIEC. De premiers AAP ont été lancés en mars 2022 dans le cadre de cette action. Ils concernent par exemple :

– la diversification des sous-traitants de l’automobile afin de les accompagner dans la construction d’une filière adaptée aux véhicules du futur ;

– le développement de capacités industrielles de recyclage des plastiques ;

– la construction de recharges pour voitures électriques ;

– la construction de studios de tournage, de production numérique ou de formation dans le domaine de l’audiovisuel.

3.   Une hausse de la dotation allouée au programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation

Le programme 425 serait doté de 262,5 millions d’euros en AE – ouverts dans le cadre de la rebudgétisation du FII – et de 2,23 milliards d’euros en CP en 2023 (+ 817,3 millions d’euros par rapport à 2022).

Évolution des crÉdits du programme 425

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022-2023

01 – Financement de l’écosystème ESRI et valorisation

2 000,0

0,0

/

245,0

205,0

- 16,3 %

02 – Aides à l’innovation "bottom-up" (subventions et prêts)

1 011,0

262,5

- 74,0 %

570,8

528,1

- 7,5 %

03 – Aides à l’innovation "bottom-up" (fonds propres)

3 000,0

0,0

- 100,0 %

600,0

1 500,0

+ 150,0 %

Total

6 011,0

262,5

- 95,6 %

1 415,8

2 233,1

+ 57,7 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Le volet structurel du PIA 4 est composé de trois types d’instruments distincts.

● La première série d’outils concerne les subventions versées à l’ensemble de l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu’aux structures de valorisation créées dans le cadre des précédents volets du PIA (action Financement de l’écosystème ESRI et valorisation). Il s’agit d’une part des établissements du premier et du second degré ainsi que des universités, des organismes de recherche, des IHU, des instituts de recherche technologique (IRT) et pour la transition énergétique (ITE) ou encore des SATT.

205 millions d’euros y seraient alloués en 2023, soit 40 millions de moins qu’en 2022. Cette action porte notamment les crédits alloués à 3 AAP adressés aux écoles et universités :

– l’AAP « ExcellencES sous toutes ses formes », consacrée aux projets de transformation conduits par les établissements d’enseignement supérieur et pour lequel une troisième vague a été lancée. 800 millions d’euros y sont alloués au total ;

– l’AAP « Diversification des ressources des établissements d’enseignement supérieur et de recherche », soutenant les projets de transformation économique de ces établissements (200 millions d’euros) ;

– l’AAP « Innovation dans la forme scolaire » consacré aux projets locaux associant des écoles et des partenaires extérieurs.

En 2022, l’ANR a également lancé un AAP doté de 300 millions d’euros visant à sélectionner six nouveaux IHU, sur le modèle des structures créées dans le cadre des précédents volets du PIA.

● L’action Aide à l’innovation « bottom-up » (subventions et prêts) regroupe l’ensemble des aides à l’innovation proposées par Bpifrance (aides au guichet, aides nationales, PIA régionalisé). 528,1 millions d’euros y seraient consacrés en 2023, un montant en baisse de 42,7 millions d’euros par rapport à 2022.

Cela concerne par exemple :

– les concours i-Lab, orientés vers les entreprises aux premiers stades de leur développement (pour un montant d’aide inférieur à 600 000 euros) ;

– les concours i-Nov pour les projets de maturité moyenne et pour des aides comprises entre 300 000 et 2,25 millions d’euros ;

– l’appel à projet générique i-DEMO, pour les projets innovants et le développement de démonstrateurs industriels dont l’assiette de dépenses est supérieure à 4 millions d’euros.

40 millions d’euros seraient plus spécifiquement alloués aux aides régionalisées, attribuées dans le cadre de conventions signées entre l’État et les régions. Ces conventions n’ayant pas encore été conclues, l’enveloppe prévue pour 2023 vise à amorcer le financement des premiers projets qui seront sélectionnés.

● Le programme 425 est enfin doté de 1,5 milliard d’euros en fonds propres. Ces crédits financent les projets de développement de start-up industrielles.

À ce stade, les modalités d’exécution de ces crédits ne sont pas définitivement arrêtées. Il semble néanmoins qu’ils prendront la forme d’investissements indirects, versés à des fonds de fonds.

Il est ainsi envisagé de financer à hauteur de 1,1 milliard d’euros le fonds Multicap croissance n° 4 (MC4), qui prend le relais du fonds MC3. Ce fonds multithématique opéré par Bpifrance réalise des investissements dans des fonds de capital-risque français. Un milliard d’euros au total seraient également alloués au fonds de fonds Scale-up, géré par le fonds européen d’investissement.

Le rapporteur spécial constate que ce choix est contestable. La Cour des comptes ([24])  a en effet souligné les difficultés posées par les investissements en fonds propres réalisés dans le cadre du PIA :

– l’État n’a pas de pouvoir de décision direct sur l’allocation des actifs des fonds dans lesquels il investit ;

– la capacité de contre-expertise du SGPI est limitée pour analyser la pertinence des investissements qui sont réalisés par les fonds d’investissement.

De plus, rien n’interdit aux fonds d’investissement dans lesquels l’État prend des participations d’investir dans des entreprises étrangères, ce qui semble contrevenir aux objectifs fixés par France 2030.

 

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première réunion du 26 octobre 2022, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu est consultable en ligne.

Après avoir examiné 34 amendements de crédits, la commission a adopté, contrairement à l’avis du rapporteur spécial, les crédits de la mission Investir pour la France de 2030 non modifiés.

Elle a ensuite examiné 5 amendements portant article rattaché, qui ont été rejetés.

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Secrétariat général pour l’investissement (SGI) :

 M. Bruno Bonnell, secrétaire général 

– Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe 

– Mme Camille Muller, directrice financière et juridique adjointe

 

BPI France :

– M. Daniel Demeulenaere, directeur de la stratégie et du développement

– Mme Sophie Rémont, directrice de l’expertise et des programmes au sein de la direction de l’innovation

– M. Cédric Lowenbach, directeur du développement à la direction de la stratégie

– M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

 

Agence nationale de la recherche :

– M. Arnaud Torres, directeur des grands programmes d’investissement de l’État

– Mme Cécile Schou, chargée de mission auprès de la direction générale

 

Caisse des dépôts et consignations :

– M. Nicolas Chung, directeur de la mission PIA à la Banque des Territoires

– Mme Patricia Blanchandin, conseillère relations institutionnelles

 

 

 

Ademe :

– M. David Marchal, directeur exécutif adjoint à la direction exécutive de l’expertise et des programmes

 

The Shift Project :

– Mme Nathalie Limentour, coordinatrice du pôle influence droit interne

 

Observatoire des multinationales :

– M. Olivier Petitjean, coordinateur

 

 


([1]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([2]) Le montant initialement programmé des revenus issus du FII s’élevait à 87,5 millions d’euros par an.

([3]) MM. Alain Juppé et Michel Rocard, Investir pour l’avenir, Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national, novembre 2009.

([4]) Instituées dans le cadre du PIA 1, les DNC servent au calcul d’intérêts à taux fixe versés aux bénéficiaires du PIA.

([5]) Aux quatre leviers présentés dans le tableau ci-avant, s’ajoute un levier relatif à la souveraineté numérique, doté de 2,8 milliards d’euros qui ont été ouverts dans le cadre du PIA 4.

([6]) Pour les deux premiers volets du PIA, douze opérateurs assuraient la gestion des fonds.  

([7]) CGT, Un capitalisme sous perfusion, mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises, mai 2022.

([8]) Annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([9]) Le spin-off correspond à la création d’une nouvelle société à partir d’une branche d’activité d’une entreprise existante.

([10]) Article 233 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([11]) Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

([12]) Article 187 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([13]) À titre d’exemple, la fonderie d’aluminium de Saint-Claude (Jura) a été mise en liquidation en mars 2021. 260 employés ont été licenciés.

([14]) Les travaux de David Autor et Maarten Goos portent sur ce phénomène de polarisation aux États-Unis et en Europe.

([15]) Le calcul de ces taux résulte d’une nouvelle méthodologie de cotation élaborée par un groupe interministériel associant le SGPI.

([16]) S. Jevons, The Coal question, 1865.

([17]) ADEME, Rapport Transitions 2050, Choisir maintenant, agir pour le climat, mars 2022.

([18]) Le SGPI précise néanmoins  que la répartition territoriale des bénéficiaires s’explique en partie par le fait que les projets sont répertoriés selon le siège social du bénéficiaire et non pas le lieu de réalisation du projet.

([19]) Ces crédits intègrent l’enveloppe allouée au PIA 4, ce qui explique la présence d’un levier spécifiquement consacré à l’enseignement supérieur et la recherche.

([20]) Pour mémoire, l’exécution des crédits désigne les crédits qui ont fait l’objet d’une décision d’engagement de la part de la Première ministre. 

([21]) Ce total tient également compte des crédits alloués aux stratégies d’accélération « Technologies avancées pour les systèmes énergétiques » et les crédits de France 2030 alloués à l’industrialisation des énergies renouvelables.

([22]) Cette enveloppe a été confiée à la direction de l’aviation civile (DGAC) pour la mise en œuvre de l’objectif portant sur l’avion bas carbone.

([23]) Les séries A et B désignent des levées de fonds visant à accompagner le développement d’une entreprise après la phase d’amorçage.

([24]) Cour des comptes, Observations définitives, Le programme d’investissements d’avenir, un acquis à consolider, un rôle spécifique à mieux définir, octobre 2021.