N° 292

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 31
 

 

MÉDIAS, LIVRES ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Denis MASSÉGLIA

 

Député

____

 

 



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. L’augmentation des crÉdits du programme 180 Presse et MÉdias LIÉe À la mise en œuvre de la rÉforme de la poste

A. La dotation de l’Agence France Presse (AFP) maintenue au niveau de 2022 conformÉment À la trajectoire fixÉe par le contrat d’objectifs et de moyens

1. Une dotation stable

2. Une situation financière de l’AFP en net progrès

B. Des difficultÉs accrues par l’inflation pour la presse Écrite qui rendENT indispensable le soutien par l’action 2 du programme 180

1. L’année 2023 marque la fin du plan de relance

2. La mise en œuvre de la réforme du transport postal nécessite une augmentation des crédits des aides à la presse (action 2)

3. Les interrogations concernant le soutien à la distribution de la presse

4. Un crédit d’impôt abonnement peu efficient qui pourrait être remplacé par une aide exceptionnelle de soutien à la presse contre l’augmentation des coûts de l’énergie

C. Le soutien aux mÉdias sur le programme 180 marquÉ par la crÉation d’un fonds de crÉation de podcasts et le renforcement des crÉdits du fonds de soutien À l’expression radiophonique locale (actions 5, 6 et 7)

1. L’augmentation des crédits du FSER et la pérennisation du fonds de soutien à la création radiophonique et du podcast (action 6)

2. Des dotations stables pour le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité (action 5) et la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT) (action 6)

II. LE PROGRAMME 334 livre et industries culturelles en soutien de secteurs encore fragilisÉs par la crise

A. La rÉsistance de l’industrie du livre et les difficultÉs de la bnf À faire face À l’inflation

1. Le nouveau portail national de l’édition accessible

2. Le Centre national du livre : un opérateur en ordre de marche

3. La préparation de la relocalisation de la Bpi

a. Une bibliothèque à l’action sociale

b. La relocalisation de la bibliothèque durant les travaux du CNAC-GP est indispensable

4. Les difficultés importantes à prévoir pour la BnF

a. « Paquebot » du ministère de la culture, la BnF a dû opérer un pilotage budgétaire serré ces dernières années

b. L’impasse budgétaire liée à l’inflation qui conduit à repousser des investissements importants

B. Le financement du cnm au cœur des attentions du secteur de la musique

1. Le CNM : un établissement qui a su efficacement soutenir la filière durant la crise sanitaire.

2. Des interrogations sur le financement du CNM en 2023

3. Une réflexion à mener sur le rôle du CNM et ses financements à plus long terme

4. Un crédit d’impôt éditeurs qui doit encore être mis en œuvre

C. Le CNC en soutien du secteur du cinÉma, confrontÉ À l’enjeu de la frÉquentation des salles

1. Un montant total de taxes affectées en croissance qui permettra à l’établissement d’assurer ses missions de soutien au secteur

2. Des dépenses fiscales dynamiques

a. Le CIC

b. Le CIA

c. Le C2I

d. Le crédit d’impôt SOFICA

e. Le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV)

3. France 2030

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 96 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


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PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles atteignent dans le PLF 2023 702,4 millions d’euros en AE et 704,9 millions d’euros en CP soit une hausse significative consécutive à la mise en œuvre de la réforme du transport de la presse mais également au soutien aux opérateurs de la mission et à plusieurs mesures nouvelles dont notamment :

 la hausse des crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) afin de maintenir un niveau d’aide suffisant pour les radios associatives et soutenir celles qui assurent une double diffusion ;

 la pérennisation d’un fonds de soutien à la création radiophonique de podcast ;

 le lancement du portail national de l’édition accessible.

Cette hausse témoigne de l’ambition des pouvoirs publics pour accompagner des secteurs dont les enjeux structurels et conjoncturels liés à la reprise post-pandémique sont nombreux. Le soutien aux secteurs de la mission ne se résume d’ailleurs pas qu’aux crédits budgétaires : les dépenses fiscales devraient atteindre en 2023 1,137 milliard d’euros et les taxes affectées, pour un montant de 740 millions d’euros prévu en 2023, permettront au Centre national du cinéma (CNC) et au Centre national de la musique (CNM) de continuer à soutenir les industries culturelles.

Le secteur de la presse subit un choc conjoncturel lié à la hausse des coûts de l’énergie et notamment du papier dont le prix a doublé en un an : un soutien exceptionnel pour permettre d’accompagner la filière paraît indispensable.

Le faible nombre d’entrées dans les salles de cinéma est un motif d’inquiétude. La réponse à apporter ne pourra être ni budgétaire ni fiscale mais le CNC devra continuer à jouer un rôle majeur de soutien à la filière et aux acteurs fragilisés par la crise, notamment les distributeurs éditeurs de films.

Inversement, le sujet de l’accompagnement de la filière musicale par le CNM impose une réflexion approfondie quant aux missions du CNM et aux financements supplémentaires éventuellement nécessaires pour que l’établissement remplisse ses missions.

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits de la mission mÉdias, livre et industries culturelles

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2022

PLF
2023

Évolution 2022-2023

LFI
2022

PLF
2023

Évolution 2022-2023

Programme 180 – Presse et médias

350,8

372

+ 6,0%

350,8

371

+ 5,8%

Programme 334 – Livre et industries culturelles

347,4

330,3

– 4,9%

324,4

333,9

+ 2,9%

Total

698,2

702,4

+ 0,6%

675,1

704,9

+ 4,4%

Source : Commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2023.

Évolution des entrÉes en salle de cinéma (effectives et anticipÉes) de 2015 à 2024

(en millions d’entrées)

Source : CNC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : APIG.

 

 

DÉpenses fiscales de la mission médias, livre et industries culturelles

(en millions d’euros)

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

 

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Alors que le plan de relance s’achève, les défis pour la presse, les médias et les industries culturelles sont encore nombreux. La forte augmentation du coût du papier affecte le secteur de la presse déjà touché par la baisse structurelle des ventes papier. Les radios commerciales comme les radios associatives doivent aujourd’hui assurer un coût de double diffusion en FM (diffusion hertzienne) et en DAB+ (radio numérique terrestre) avec des audiences en stagnation. Le secteur des médias, potentiellement affecté par l’entrée sur le marché publicitaire des plateformes de vidéos à la demande, ne pourra pas se restructurer en raison de l’abandon du projet de fusion TF1-M6, empêché par l’Autorité de la concurrence.

Les filières françaises du cinéma et de l’audiovisuel (producteurs, réalisateurs, techniciens, auteurs) bénéficient à la fois de nouveaux financements grâce à l’arrivée des plateformes (Netflix, Prime vidéo, Disney+, etc.) mais le niveau de fréquentation des salles obscures reste sensiblement inférieur à celui de 2019. On constate également cette perte d’habitude pour les spectacles musicaux, notamment pour les plus petites jauges (salles ou festivals). L’augmentation du coût de l’énergie touche l’ensemble des acteurs culturels, en particulier la Bibliothèque nationale de France, premier opérateur du ministère de la culture, dont les bâtiments n’ont pas été conçus pour répondre aux défis de la transition énergétique.

Dans ce contexte, le soutien de l’État est plus que jamais important : le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles atteint ainsi dans le PLF 2023 704,9 millions d’euros en crédits de paiement (CP) soit une hausse de 29,8 millions d’euros (+ 4,4 %) par rapport à la LFI 2022.

Évolution des crÉdits de la mission mÉdias, livre et industries culturelles

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2022

PLF
2023

Évolution 2022-2023

LFI
2022

PLF
2023

Évolution 2022-2023

Programme 180 – Presse et médias

350,8

372

+ 6,0%

350,8

371

+ 5,8%

Programme 334 – Livre et industries culturelles

347,4

330,3

– 4,9%

324,4

333,9

+ 2,9%

Total

698,2

702,4

+ 0,6%

675,1

704,9

+ 4,4%

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2023.

Les dépenses fiscales témoignent également d’un dynamisme important au bénéfice du secteur : protectrices pour le secteur de la presse, incitatives pour relocaliser la production audiovisuelle et cinématographique sur le territoire national, favorisant la diversité et la nouveauté pour la musique, elles constituent un outil primordial de soutien aux industries culturelles et créatives ainsi qu’au secteur des médias (ICC).

DÉpenses fiscales de la mission mÉdias, livre et industries culturelles

(en millions d’euros)

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

I.   L’augmentation des crÉdits du programme 180 Presse et MÉdias LIÉe À la mise en œuvre de la rÉforme de la poste

Les crédits du programme 180 sont en hausse dans le PLF 2023 de 21,2 millions d’euros en AE et 20,2 millions d’euros en CP par rapport à la LFI 2022. Cette hausse est principalement portée par la mise en œuvre de la réforme du transport de la presse.

Évolution des crÉdits du programme 180

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution LFI 2022- PLF 2023 en valeur absolue

Évolution LFI 2022-PLF 2023 en %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 Relations financières de l’État avec l’AFP

135

135

135

135

0

0

0,0 %

0,0 %

02 Aides à la presse

179,2

179,2

197,5

197,5

+ 18,3

+ 18,3

+ 10,2 %

+ 10,2%

05 Soutien aux médias de proximité

1,8

1,8

1,8

1,8

0

0

0 %

0 %

06 Soutien à l’expression radiophonique locale

33,1

33,1

36

36

+ 2,9

+ 2,9

+ 8,8 %

+ 8,8 %

07 Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT)

1,7

1,7

1,7

1,7

0

0

0 %

0 %

Programme 180 Presse et médias

350,8

350,8

372

371

+ 21,2

+ 20,2

+ 6,0%

+ 5,8 %

Source : Commission des finances

A.   La dotation de l’Agence France Presse (AFP) maintenue au niveau de 2022 conformÉment À la trajectoire fixÉe par le contrat d’objectifs et de moyens

La situation financière de l’AFP évolue favorablement alors que 2023 constitue la dernière année de mise en œuvre du contrat d’objectifs et de moyens.

1.   Une dotation stable

Comme en 2022 et conformément à la trajectoire définie par le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2019-2023, le PLF 2023 prévoit une dotation stable au titre de l’action 01 – Relations financières avec l’AFP :

– 113,3 millions d’euros sont prévus au titre de la compensation des missions d’intérêt général dont la liste a été fixée par la décision du 27 mars 2014 de la Commission européenne (le maillage international, le caractère permanent de la collecte et du traitement de l’information, la production d’une information pour les usagers français et étrangers, les exigences de qualité de l’information produite, la diffusion régulière et sans interruption de l’information) ;

 21,7 millions d’euros au titre du paiement des abonnements des services de l’État.

2.   Une situation financière de l’AFP en net progrès

Affaiblie par la baisse de ces recettes commerciales traditionnelles liées à la presse papier et par l’augmentation de ses charges, l’AFP met en œuvre depuis plusieurs années un plan de transformation qui porte aujourd’hui ses fruits.

Endettée à plus de 49 millions d’euros en 2017, l’Agence prévoit un désendettement total à compter de 2028. Le plan de transformation initié en 2018 comportait un objectif de réduction des charges de masse salariale de 16,5 millions d’euros en année pleine d’ici 2024. Fin 2022, l’Agence devrait présenter un montant de 12,5 millions d’euros d’économies pérennes réalisées sur la masse salariale. Les coûts de mise en œuvre de ce plan, de l’ordre de 30 millions d’euros, représenteraient un retour sur investissement en moins de deux ans pour l’AFP. Par ailleurs s’ajouteront dès 2023 2,5 millions d’euros d’économie de loyers liée à la libération des locaux après les travaux du siège de l’Agence place de la Bourse.

Si l’évolution des charges est maîtrisée et que l’année 2021 a permis à l’Agence d’enregistrer un résultat net exceptionnel de 10,6 millions d’euros, l’AFP est touchée comme l’ensemble des acteurs économiques par l’inflation en 2022. Liées notamment à la couverture du conflit ukrainien, les charges d’exploitation pourraient connaître un dépassement budgétaire de l’ordre de 5 millions d’euros en 2023, que pourrait absorber la hausse des recettes commerciales : le chiffre d’affaires lié à la lutte contre les infox pourrait atteindre 8,9 millions en 2022 contre un objectif de 4,7 millions d’euros dans le COM et les recettes liées à la photo et à la vidéo – plan image – pourraient rattraper une partie du retard sur la trajectoire définie par le COM. Enfin, l’accord signé fin 2021 avec Google, au titre des droits voisins et de différents contrats commerciaux, constitue une nouvelle source de recettes bienvenue pour l’Agence et pour les journalistes.

L’accord signé avec Google : une bonne nouvelle pour les finances de l’AFP
et pour les journalistes

L’AFP et Google ont signé un contrat pour 5 ans le 11 novembre 2021 portant reconnaissance des droits voisins de l’AFP. Concomitamment, l’AFP a conclu des contrats commerciaux lui permettant de développer deux produits porteurs pour ses clients médias.

Les revenus générés par ces contrats se décomposent en :

– une transaction composée de deux volets avec des concessions réciproques entraînant le versement d’un montant à la signature (enregistré dans les comptes 2021), et d’un montant lissé sur 5 ans ;

– des droits voisins sous la forme d’un montant forfaitaire annuel ;

– des contrats commerciaux (formation à la vérification digitale, nouveaux formats visuels de reportage adaptés aux mobiles).

Parallèlement, des dépenses sont engagées par l’AFP pour réaliser les prestations prévues dans les contrats commerciaux et une part des droits voisins est reversée aux journalistes.

À ce titre, l’AFP a été le premier média en France à avoir conclu un accord d’entreprise sur la réversion au profit de ses journalistes d’une partie des droits voisins versés par les plateformes au titre de la directive européenne de 2019. Pour la France, l’accord prévoit le versement d’un forfait minimum de 275 euros par an pour un journaliste à temps plein, avec un mécanisme de progression du forfait en fonction des droits voisins perçus par l’AFP. Au-delà de cet accord qui concerne les journalistes de droit français, l’AFP a mis en place un dispositif équivalent qui bénéficiera à tous les journalistes permanents de l’Agence. La mesure bénéficiera à environ 1 600 journalistes équivalents temps plein et représentera un montant annuel de plus de 430 000 euros sur la base du premier palier de droits voisins perçus par l’AFP.

Source : direction générale des médias et des industries culturelles.

Pour les prochaines années, la direction générale des médias et des industries culturelles souligne la nécessité pour l’AFP de maintenir ses efforts au regard de la croissance mécanique des charges de personnel, du poids de l’inflation et des investissements nécessaires pour générer de nouvelles recettes.

B.   Des difficultÉs accrues par l’inflation pour la presse Écrite qui rendENT indispensable le soutien par l’action 2 du programme 180

La presse souffre aujourd’hui de difficultés conjoncturelles majeures qui viennent s’ajouter aux fragilités structurelles du secteur. Le prix de la tonne de papier a doublé en un an pour atteindre près de 900 euros en 2022.

DÉcomposition du coÛt du quotidien ouest France APRÈS son augmentation de 10 centimes en avril 2022

Image

Source : Alliance de la presse d’information générale (APIG).

Si l’ensemble de la presse est touché à des degrés divers, la presse quotidienne régionale dont la pagination est importante l’est particulièrement. Selon les estimations de la filière, la hausse du coût du papier pourrait représenter un manque à gagner de 120 millions d’euros. La hausse du coût de l’énergie affecte également le coût de distribution (réseaux de portage), de transport et de fabrication de la presse. La presse numérique n’est pas épargnée avec l’augmentation des tarifs des hébergeurs.

Si on peut considérer que cette hausse des coûts qui affecte en premier lieu la presse papier ne fait qu’accélérer un mouvement inexorable de basculement total sur le numérique, le rapporteur rappelle que certains titres, notamment des magazines, reposent sur une qualité de pagination qui rend peu pertinent tout basculement vers le numérique. Par ailleurs, la monétisation de la presse numérique reste difficile malgré une augmentation du volume global d’abonnements constatée.

Si les éditeurs absorberont une part de la hausse (réduction de la pagination déjà mise en œuvre par une majorité d’éditeurs, augmentation des prix), le risque de déstabilisation est réel.

Par ailleurs, les représentants de la filière s’inquiètent de la remise en cause de l’éco-contribution en nature qui permettait aux éditeurs d’assurer leur éco-contribution en sensibilisant le public aux gestes de tri, à la collecte et au recyclage par des actions directes. Conformément à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, cette éco-contribution devrait prendre, à partir de 2023, la forme d’un financement direct intégralement numéraire de l’éco-organisme, en charge de la collecte et du tri du papier. Ce financement direct représente une charge supplémentaire de 22 millions d’euros pour les éditeurs.

Au titre des bonnes nouvelles, le rapporteur notera les accords signés par plusieurs syndicats d’éditeurs de presse IPG et magazine ([1]) avec les entreprises du numérique au titre de la mise en œuvre de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins du 17 avril 2019 transposée par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019. Au regard de la confidentialité des contrats, il lui est impossible de connaître le montant que ces contrats représentent pour la filière.

Quoi qu’il en soit, le soutien du programme 180, pour la presse notamment IPG, sera particulièrement indispensable en 2023, indépendamment des réflexions qui peuvent exister quant à une éventuelle refonte des aides à la presse.

1.   L’année 2023 marque la fin du plan de relance

Les crédits du plan de relance ont vocation à être consommés avant le 31 décembre 2022. Tous les dispositifs qu’il permettait de financer ne feront pas l’objet d’une consommation intégrale des crédits.

Le plan de restructuration des imprimeries de la presse régionale (plan PRIM) doté de 36 millions d’euros doit permettre d’assurer la pérennité des imprimeries en régions face à la baisse des tirages. Il prend en charge une partie des coûts liés au congé de reclassement d’un nombre maximal de 480 salariés, dans la limite d’une participation publique de 75 000 euros maximum par salarié. La DGMIC indique qu’au 1er septembre la totalité de l’enveloppe a été engagée en AE et 6 millions d’euros ont été décaissés. Vingt salariés licenciés du Groupe Nice matin ont déjà pu bénéficier de formations professionnelles pour des montants individuels allant de 887 à 7 000 euros.

Le fonds de transition écologique (8 millions d’euros par an en 2021 et 2022) a été créé afin de soutenir les projets de recherche et développement destinés à réduire l’empreinte carbone de la filière ainsi que les projets d’investissement favorisant la transition écologique. En 2021, quatre projets ont été soutenus, dont un portant sur la formulation d’encres bio-sourcées d’origine 100 % végétale pour un montant de 2,3 millions d’euros. En 2022, sur les huit dossiers déposés, six projets devraient pouvoir être aidés à hauteur de 6 millions d’euros. L’APIG regrette que la priorité n’ait pas été donnée aux investissements en recherche fondamentale et que le montage requérant une structure de recherche soit difficile à mettre en œuvre.

Le fonds de lutte contre la précarité doté de 29 millions d’euros pour les années 2021 et 2022 a permis de verser 3,8 millions d’euros (932 bénéficiaires) lors des deux campagnes d’aides en 2021. Les aides destinées à compenser les pertes en 2021 seront versées au second semestre 2022, pour un montant prévisionnel de 2,4 millions d’euros (541 dossiers éligibles). In fine, le dispositif devrait être sensiblement moins consommé que ce qui était escompté. Deux autres dispositifs ont été financés sur cette enveloppe : la grande commande photographique (5,5 millions d’euros sur deux ans) opérée par la BnF et qui donnera lieu à des expositions itinérantes à partir de mai 2023 ainsi qu’un fonds d’insertion des jeunes journalistes opéré par la conférence des écoles de journalisme (0,24 million d’euros versé au 1er septembre 2022).

Le doublement de l’aide aux petits diffuseurs de presse (6 millions d’euros en 2021 et 6 millions en 2022 en plus de l’aide d’un même montant inscrite sur le programme 180) doit permettre la modernisation de diffuseurs de presse (investissements informatiques, rénovation de l’espace de vente, etc.). Les taux de soutien ont ainsi été relevés et les plafonds doublés (9 000 euros pour les projets informatiques et 11 200 euros pour la modernisation de l’espace de vente). Au 1er septembre 2022, l’aide a été versée à 1 781 entreprises (pour 20 800 points de vente actifs en août 2022). La consommation des crédits est de 5,2 millions d’euros en AE et 5,1 millions d’euros en CP pour l’année 2022.

2.   La mise en œuvre de la réforme du transport postal nécessite une augmentation des crédits des aides à la presse (action 2)

Concernant les aides à la presse dans le PLF 2023, plusieurs points peuvent être notés :

– les aides à la diffusion connaissent une croissance significative liée à la réforme du transport de la presse (voir infra) ;

– les aides au pluralisme sont abondées à hauteur de 1,2 million d’euros en raison du rebasage de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires qui atteint 14,4 millions d’euros. Cette dotation supplémentaire correspond à l’aide versée au quotidien l’Opinion éligible depuis 2017 au dispositif. Cette aide était versée jusqu’alors par redéploiement de crédits en cours de gestion, au détriment des autres actions du programme ;

– l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale, n’a pas été reconduite en 2023, du fait de l’extinction du dispositif.

Évolution des aides À la presse

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 -LFI 2022

 

AE

AE

AE

Aides à la presse sur le programme 180

179,2

206,5

27,3

Aides à la diffusion

101,7

119

17,3

dont l’aide aux réseaux de portage

3

2,4

 0,6

dont l’aide à l'exemplaire porté

23,5

32,7

9,2

dont l’aide à l’exemplaire posté

62,3

72,2

9,9

dont l’exonération de charges patronales pour le portage

12,9

11,7

 1,2

Aides au pluralisme

22

23,2

1,2

dont QRFP

9,2

10,4

1,2

dont PFRP

4

4

0

dont QFRPA

1,4

1,4

0

dont PPR

1,5

1,5

0

dont titres ultramarins

2

2

0

dont services de presse en ligne

4

4

0

Aides à la modernisation

55,5

55,5

0

dont la modernisation sociale

0,15

0

 0,15

dont la modernisation de la distribution

27,9

27,9

0

dont la modernisation des diffuseurs

6

6

0

dont le FSDP

16,5

16,5

0

dont le FSEIP

5

5

0

Aide au transport postal de la presse IPG sur le programme 134

16,1

40

+ 23,9

TOTAL aides à la presse (hors dispositifs fiscaux et sociaux)

195,3

246,5

+ 51,2

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

Les aides à la diffusion sur le programme 180 et la compensation au transport postal sur le programme 134 sont en hausse respectivement de 17,3 millions d’euros et de 23,9 millions d’euros.

Dans le cadre de la réforme du transport de la presse, La Poste continue à bénéficier d’une compensation pour sa mission de service public de transport de la presse pour la période 2022-2026. Cette compensation doit suivre une trajectoire visant à rejoindre la compensation du coût net évité lié à la distribution des exemplaires de presse en zone sous-dense, tout en limitant pour les premiers exercices la hausse du coût pour l’État du soutien au transport postal de la presse, entendu comme la somme de l’exemplaire posté et de la compensation versée à La Poste. Conformément au protocole signé le 14 février 2022 entre l’État, La Poste, les éditeurs de presse et l’ARCEP, la compensation pour 2023 de cette mission a été évaluée à 40 millions d’euros.

En application de la clause de modération des tarifs prévue dans le protocole d’accord du 14 février 2022, qui limite la hausse tarifaire annuelle à 1 % en plus de l’inflation avec un plafond de 2 %, la hausse du tarif postal pour 2023 sera de + 2 %. Le niveau élevé d’inflation actuel n’est pas répercuté sur les tarifs de La Poste, ce qui positif pour les éditeurs de presse mais constitue une charge supplémentaire à supporter pour l’entreprise.

Concernant les aides à l’exemplaire porté et à l’exemplaire posté (respectivement 32,7 millions d’euros et 72, 2 millions d’euros dans le PLF 2023), la hausse est plutôt cohérente avec les projections de la réforme selon les informations communiquées par la DGMIC, même si l’enveloppe attribuée à l’aide à l’exemplaire postée est supérieure aux prévisions, la résistance des abonnements papier malgré la crise ayant conduit à maintenir un niveau élevé de titres postés et ralentir le transfert vers le numérique qui avait été envisagé. Il convient de noter par ailleurs, que la nouvelle aide prévue pour les réseaux de portage n’est toujours pas entrée en vigueur en raison des délais de notification de l’aide à l’Union européenne. L’enveloppe de 2,4 millions d’euros sera donc utilisée selon les critères de l’aide existante.

Le rapporteur comprend par ailleurs les craintes du secteur concernant la baisse brutale des aides du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) : après avoir été largement abondé durant la crise sanitaire et par le plan de relance (environ 55 millions d’euros sur la période 2021 et 2022), le fonds retrouve un étiage classique à 16,5 millions d’euros en AE dans le PLF 2023. De surcroît, cette somme ne correspondra pas aux crédits réellement disponibles, le FSDP portant structurellement une part importante des crédits mis en réserve sur le programme. La fin de la bonification des taux (taux classique de 50 % contre 40 % hors plan de relance, taux de 70 % contre 60 % hors plan de relance pour les projets innovants, les projets des titres ultramarins ou des QFRPA, taux de 80 % contre 70 % hors plan de relance pour les entreprises émergentes de moins de 25 personnes) tout comme une sélectivité plus grande sont ainsi attendues.

3.   Les interrogations concernant le soutien à la distribution de la presse

L’aide de 27 millions d’euros, à laquelle il faut ajouter 0,9 million d’euros au titre du soutien l’export, destinée à soutenir la distribution de la presse quotidienne par France Messagerie est reconduite dans le PLF 2023. Si le sujet de la distribution de la presse est particulièrement délicat à appréhender, le rapporteur souhaite soulever plusieurs points :

– l’articulation entre, d’un côté, la péréquation (taux fixé à 0,82 % des ventes de presse par l’ARCEP en septembre 2022), qui conduit les magazines à compenser aux quotidiens les surcoûts générés par leur distribution soumise à des contraintes spécifiques, et, de l’autre, l’aide attribuée aux quotidiens sur le programme 180 n’est pas claire ;

– la possibilité pour France Messagerie de réaliser des bénéfices sans aucun contrôle de l’État alors que les quotidiens, dont la coopérative est l’unique actionnaire de l’entreprise, sont soutenus par des subventions publiques fléchées pour la distribution, est source de questionnement.

Le rapporteur comprend également que les nécessaires coopérations à mettre en œuvre sur un marché déclinant à coûts fixes importants ne font pas toutes ([2]) l’objet d’un consensus entre France Messagerie et son concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (MLP) : France Messagerie aimerait aller plus loin dans la consolidation de flux de logistiques partagés qui existe déjà partiellement à Paris. Elle permettrait de générer des gains de productivité et de limiter l’impact écologique selon France Messagerie tandis que les MLP y voient un coût supplémentaire de fonctionnement. De leur côté, les MLP regrettent que la mise en œuvre de Réseau presse, nouvel outil informatique de filière partagé par les messageries et les dépositaires, fasse l’objet d’une résistance de la part de France Messagerie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4.   Un crédit d’impôt abonnement peu efficient qui pourrait être remplacé par une aide exceptionnelle de soutien à la presse contre l’augmentation des coûts de l’énergie

Le montant des dépenses fiscales prévu pour 2023 pour la presse est stable par rapport à 2022, à 170 millions d’euros.

Montant des dÉpenses fiscales bÉnÉficiant au secteur de la presse

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022 (prévision)

2023 (prévision)

– Taux de TVA super réduit (2,1 %) (art. 298 septies du CGI) **

155

140

145

155

160

– Régime spécial de provisions pour investissements (art. 39 bis A du CGI)

1

1

1

1

1

– Réduction d’impôt des particuliers pour souscription au capital des sociétés de presse (199 terdecies-0 C du CGI)

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

– Réduction d’impôt des particuliers pour dons effectués en faveur des entreprises de presse (« amendement Charb », article 200 du CGI)*

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

– Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif (298 duodecies du CGI)

-

1

1

1

1

– Crédit d’impôt sur le revenu au titre du premier abonnement à un média d’information politique et générale (200 sexdecies du CGI)

-

-

-

3

3

- Réduction d’impôt des entreprises pour souscription au capital des sociétés de presse (220 undecies CGI)

-

-

< 0,5

< 0,5

< 0,5

- Exonération de CFE en faveur des diffuseurs de presse (1458 bis)

5

5

5

5

5

- Exonération de CVAE en faveur des diffuseurs (1458 bis, 1586 ter du CGI)

4

5

3

3

3

TOTAL des dépenses à la charge du budget de l’État

166

152

156

169

175

Source : DGMIC et documents budgétaires. 
*La dépense fiscale n’est pas rattachée au programme 180.

À l’exception du taux de TVA réduit à 2,1 %, ces dépenses fiscales sont toutes d’un montant inférieur à 5 millions d’euros. La Cour des comptes demande la suppression de deux dépenses introduites en 2015 : la réduction d’impôt des particuliers pour souscription en numéraire au capital des sociétés de presse, évaluée à moins de 0,5 million d’euros ne bénéficiant qu’à un petit nombre de ménages et l’ouverture du régime fiscal du mécénat aux associations œuvrant pour le pluralisme de la presse, qui demeure non chiffrée dans le projet annuel de performances. La DGMIC considère quant à elle que « malgré les difficultés de chiffrage, ces deux derniers dispositifs constituent des leviers pour soutenir les initiatives individuelles et marquer l’engagement citoyen en faveur de la survie de la presse écrite et de son développement numérique ainsi que du pluralisme de l’information ».

Le rapporteur s’est interrogé sur la pertinence de maintenir jusqu’à fin 2023 le crédit d’impôt sur le revenu relatif au titre du premier abonnement. Créé par l’article 2 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR3 pour 2020), il s’applique au premier abonnement à un journal, une publication périodique au maximum trimestrielle ou un service de presse en ligne (SPEL) ayant le caractère d’information politique et générale (IPG). Doté d’un taux faible (30 %), le crédit d’impôt n’est entré en vigueur qu’en mai 2021 en raison de la notification tardive de la commission européenne. Sa portée a été limitée par un plafond de ressources introduit par l’article 78 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 : pour le bénéfice du crédit d’impôt en 2022, les revenus du foyer fiscal ne doivent pas dépasser 24 000 euros pour une part de quotient familial, ce montant étant majoré de 6 000 euros par demi-part supplémentaire.

Budgété initialement à 60 millions d’euros par an, le projet annuel de performances de la mission anticipe une dépense de 3 millions d’euros pour 2022. Les éditeurs de la presse d’information politique et générale (IPG) estiment que des instructions fiscales restrictives ont restreint la portée du crédit d’impôt. La condition de « premier » abonnement a ainsi été effectivement interprétée strictement par les services fiscaux : elle s’établit au niveau du foyer pour une durée minimale de 12 mois et n’est remplie que « dès lors qu’aucun contrat d’abonnement n’a été souscrit, résilié ou n’est arrivé à son terme durant les trois dernières années précédant la date de la souscription – de date à date – de l’abonnement considéré » ([3]). Aucune étude aujourd’hui ne permet par ailleurs de prouver que le crédit d’impôt permet de déclencher l’abonnement.

Dans ces conditions, le rapporteur a proposé par amendement d’avancer à fin 2022 l’échéance de cette dépense fiscale tout en souhaitant qu’en contrepartie une aide exceptionnelle soit allouée au secteur pour permettre de faire face à l’envolée des coûts du papier et de l’énergie en 2023. À court terme, la filière sortirait gagnante tandis que la suppression d’un crédit d’impôt constitue une mesure vertueuse à long terme pour les finances publiques.

C.   Le soutien aux mÉdias sur le programme 180 marquÉ par la crÉation d’un fonds de crÉation de podcasts et le renforcement des crÉdits du fonds de soutien À l’expression radiophonique locale (actions 5, 6 et 7)

Le secteur des médias (hors presse) est aujourd’hui confronté à plusieurs défis. La consolidation du secteur audiovisuel, dont beaucoup d’acteurs voient aujourd’hui la nécessité, est retardée après l’abandon du projet de fusion TF1-M6. Les recettes publicitaires des médias audiovisuels sont stables voire en légère érosion depuis plus de 10 ans et le rebond espéré après la crise covid est revu à la baisse : le cabinet d’études Magna prévoit ainsi une croissance de 7 % en 2022, alors que cette estimation était de 14 % en début d’exercice. Les médias traditionnels risquent également d’être les premiers à souffrir du ralentissement économique et de l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché publicitaire (Netflix). Pour les radios locales (commerciales ou associatives), la nécessité d’assurer une double diffusion en FM et en DAB+ constitue une charge supplémentaire qui ne permet pas toujours de générer des recettes publicitaires supplémentaires (pour les radios commerciales) ni ne faisait jusqu’à présent l’objet d’un soutien budgétaire au titre du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (pour les radios associatives).

La principale dépense fiscale liée au programme 180, le taux de TVA réduit de 10 % applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévisions, est estimée à 390 millions d’euros dans le PLF 2023 contre 375 millions d’euros en 2022 et 345 millions d’euros en 2021. Ce taux de TVA réduit existe depuis 1984 est a été pensé comme une contrepartie aux obligations massives d’investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique du groupe Canal+. L’article 44 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 prévoit la transposition des principes dégagés par la CJUE dans le droit français concernant la TVA appliquée aux offres composites : lorsque les éléments autres qu’accessoires d’une offre unique relèvent de taux différents, le taux applicable est le taux le plus élevé. Le groupe Canal+ a été informé via un rescrit par les autorités fiscales le 21 avril 2022 que le taux applicable à certaines de ses offres serait de 20 % et non de 10 %. S’il n’appartient pas au rapporteur spécial d’émettre le moindre jugement sur l’interprétation, il souhaite rappeler que les répercussions d’une telle hausse pourraient être significatives pour le financement du cinéma, qui atteint pour Canal+ environ 200 millions d’euros par an.

1.   L’augmentation des crédits du FSER et la pérennisation du fonds de soutien à la création radiophonique et du podcast (action 6)

Pour la troisième année consécutive, les crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) sont abondés de façon croissante (+ 1,7 million d’euros après une augmentation de 1,25 million d’euros en 2021 et 1,1 million d’euros en 2022). Cette dotation doit atteindre 34,8 millions d’euros en 2023.

Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale est destiné à soutenir les radios associatives de catégorie « A » accomplissant une mission de communication sociale de proximité et dont les recettes publicitaires sont plafonnées à 20 % de leur chiffre d’affaires total.

Le soutien aux radios se décline en trois types de subvention :

– une subvention d’installation dont le montant ne peut excéder 16 000 euros par an ;

– une subvention d’équipement destinée à financer les projets d’investissement pour un montant maximum de 18 000 tous les 5 ans ;

– une subvention de fonctionnement qui prend la forme d’une subvention d’exploitation dont le montant est calculé chaque année en fonction du montant des produits d’exploitation du service radiophonique et une subvention sélective qui est liée aux actions spécifiques en matière d’emploi, d’intégration, de lutte contre les discriminations, de culture et d’éducation.

Le déploiement du DAB+ (ou radio numérique terrestre), qui constitue un nouveau mode de diffusion, conduit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) à attribuer de nouvelles fréquences aux radios de catégorie A qui peuvent bénéficier des aides automatiques du FSER. Le nombre de radios éligibles au FSER est ainsi passé de 690 en 2017 à 730 en 2021 et 744 en 2022. L’augmentation de la dotation du FSER doit ainsi permettre de garantir un niveau moyen d’aide constant, sachant que seule la subvention sélective fait office de variable d’ajustement après le paiement de l’ensemble des autres subventions dont le barème est fixe. En 2021, 401 radios ont été soutenues au titre de la subvention sélective pour un montant total de 6,405 millions d’euros versés à ce titre. En 2021, le montant moyen de subvention d’exploitation et de subvention sélective s’élevait à 49 548 euros, contre 48 353 euros en 2020 et 49 665 euros en 2019.

La nouvelle enveloppe destinée aux radios associatives est d’autant plus cruciale qu’elles sont affectées, comme l’ensemble des acteurs économiques, par l’inflation. Une interrogation existe au sein des radios locales commerciales ou associatives (de catégorie B ou A) quant au caractère prioritaire de leur mission et à la possibilité d’être concernées par des délestages en cas de pénurie d’énergie : elles rappellent l’importance, notamment dans les périodes de pénurie, de maintenir leur diffusion pour informer le public.

Le rapporteur spécial comprend que l’augmentation de la dotation du FSER en 2023 pourrait aussi être l’occasion de soutenir les radios associatives qui assurent une double diffusion FM et DAB+, alors que ce coût n’est aujourd’hui pas pris en compte dans l’attribution des aides ni ne permet réellement de générer des recettes supplémentaires pour les services radiophoniques locaux.

Le rapporteur spécial salue cette évolution : il est important que les radios associatives historiques ne soient pas assignées à la seule diffusion FM pour celles qui souhaitent se déployer en DAB+. Selon les informations transmises par les fédérations représentatives des radios associatives, environ 120 radios de catégorie A assureraient aujourd’hui une double diffusion. Au-delà du soutien à la double diffusion, le rapporteur spécial encourage le Gouvernement à apporter un soutien financier exceptionnel aux campagnes de communication qui pourront être menées par l’association « Ensemble pour le DAB+ », chargée de la promotion de la radio numérique terrestre en cours de constitution, réunissant des éditeurs privés et publics.

Par ailleurs, 2023 sera l’occasion de prolonger le soutien à la création radiophonique de podcasts initié en 2022 avec une enveloppe spécifique de 1,2 million d’euros. Selon les documents budgétaires, 113 projets ont été accompagnés dans le cadre du premier appel à projet de 2021 permettant aux lauréats de bénéficier d’une subvention forfaitaire de 3 000 à 5 000 euros. Accompagner la création de podcasts constitue aujourd’hui une évidence : de plus en plus écoutés par les auditeurs, les podcasts constituent un nouveau mode de récit qui occupe une place grandissante dans les habitudes d’écoute de nos concitoyens alors que la diffusion linéaire perd aujourd’hui en audience. Le modèle économique de rémunération de la création des podcasts est à construire.

2.   Des dotations stables pour le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité (action 5) et la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT) (action 6)

Le fonds de soutien aux médias de proximité, qui a permis en 2022 de soutenir 147 médias de proximité (webradios, webtélés, webzines) dispose d’un budget constant à 1,8 million d’euros.

Par ailleurs, l’enveloppe de 1,7 million d’euros pour assurer la couverture des coûts salariaux de la vingtaine de journalistes travaillant à Radio Méditerranée internationale (Médi1) est maintenue dans le PLF 2023. Longtemps considérée comme la première radio d’information généraliste au Maroc (3,3 millions d’auditeurs quotidiens en 2017), cette radio bilingue diffuse au Maghreb des programmes d’information et de divertissement francophones et arabophones. Fruit d’une volonté commune du Maroc et de la France de formaliser leur coopération audiovisuelle, Médi1 a commencé à émettre en 1982. Elle est détenue aujourd’hui à 86,3 % par les partenaires marocains et à 13,7 % par la CIRT (Compagnie international de radio et télévision).

II.   LE PROGRAMME 334 livre et industries culturelles en soutien de secteurs encore fragilisÉs par la crise

Le PLF 2023 prévoit une dotation du programme 334 en baisse de 4,9 % en AE ([4]) et en hausse de 2,9 % en CP par rapport à la LFI 2022, à hauteur de 330,3 millions d’euros en AE et 333,9 millions d’euros en CP. Outre l’augmentation de la dotation des opérateurs rattachés au programme que sont la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d’information (Bpi), le Centre national du livre (CNL) et le Centre national de la musique (CNM), pour leur permettre de faire face à l’inflation, le programme 334 bénéficie de crédits nouveaux pour financer plusieurs dispositifs :

– la réalisation d’une campagne de communication pour soutenir l’action des bibliothèques territoriales (+ 0,5 million d’euros) ;

– le lancement du portail national de l’édition accessible (+ 3,6 millions d’euros en AE et + 1,3 million d’euros en CP) ;

– un soutien renforcé aux festivals du livre (+ 0,8 million d’euros) ;

– un rééquilibrage des crédits à destination de certaines DRAC ultramarines et hexagonales pour soutenir la lecture en bibliothèques (+ 0,3 million d’euros) ;

– la poursuite du soutien à la découvrabilité des contenus numériques francophones (+ 1 million d’euros) ;

– l’augmentation de la dotation allouée à la Centrale de l’édition et au Bureau international de l’édition française (+ 1,4 million d’euros).

A.   La rÉsistance de l’industrie du livre et les difficultÉs de la bnf À faire face À l’inflation

Malgré un léger repli des ventes après une année 2021 exceptionnelle en librairie (baisse de – 4 % en valeur et de – 5 % en volume sur le premier semestre 2022 par rapport à 2021), l’industrie du livre fait plus que résister : le niveau des ventes reste sensiblement supérieur à celui de 2019 (hausse de + 15 % en valeur et de + 12 % en volume pour le premier semestre 2022 par rapport au premier semestre 2019). L’actualité du secteur est marquée par la mise en œuvre de la loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs. L’ARCEP a proposé que le tarif de livraison soit d’au moins 3 euros TTC pour toute commande dont le montant des achats de livre est inférieur à 35 euros. Ce chiffre a le mérite à la fois de protéger les librairies face aux plateformes numériques tout en ne pénalisant pas excessivement le consommateur. Par ailleurs, les négociations autres auteurs et éditeurs se poursuivent sous l’égide du professeur Pierre Sirinelli, missionné par la ministre de la culture Roselyne Bachelot-Narquin le 10 avril 2022 afin de lutter contre la dégradation des conditions de rémunération des auteurs. Enfin, l’envolée du coût du papier (voir supra) conduit à s’interroger sur la hausse du prix du livre, de façon parallèle à la revalorisation nécessaire de la rémunération des auteurs.

Hors soutien aux opérateurs, l’action 01 – Livre et lecture – du programme 334 permet de financer deux sous actions :

– la sous-action 03 qui concourt au développement de la lecture et des collections, à hauteur de 11,8 millions d’euros en AE et 9,4 millions d’euros en CP ;

–  la sous-action 04 pour le soutien aux éditeurs, libraires et professionnels du livre, dotée de 13,4 millions d'euros (AE=CP).

Par ailleurs, 2 millions d’euros sont à nouveau prévus dans le PLF 2023 pour la création de la Maison du dessin de presse dans le VIe arrondissement de Paris (rue du Pont-de-Lodi). La conception du volet scientifique du projet est en voie d’être achevée : cette maison du dessin de presse aura vocation à être un lieu d’exposition, de création, de médiation, et de rencontre. Sa structuration juridique devrait être définie en 2023 et le ministère de la culture travaille à chiffrer le coût du projet. Son ouverture est prévue pour 2026.

1.   Le nouveau portail national de l’édition accessible

Le rapporteur salue le projet de création d’un portail national de l’édition accessible, qui doit permettre d’ici 2025 de se mettre en conformité avec les exigences de la directive européenne 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. Ce projet bénéficie dans le PLF 2023 d’une première dotation de 3,6 millions d’euros en AE et 1,3 million d’euros en CP.

Issu des travaux d’Emmanuel Belluteau, ce portail national de l’édition accessible pour les personnes en situation de handicap a un double objectif :

– être le portail du livre nativement accessible (livre audio, braille, livre en gros caractères) pour les personnes en situation de handicap ;

–  mettre en relation les personnes souhaitant bénéficier d’une adaptation à leur handicap d’une œuvre non nativement accessible et les associations qui assurent cette mission.

Ce projet mobilise un nombre important d’acteurs, en particulier la BnF, qui assurera le rôle de maîtrise d’ouvrage déléguée du projet information, et l’Institut national des jeunes aveugles (INFA), qui aura vocation à déterminer les contours du plan de rattrapage pour l’accessibilité des œuvres. Le rapporteur comprend que la structuration de la gouvernance et les modalités de pilotage du projet sont encore à déterminer. Un financement significatif du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées est également attendu à cet effet.

2.   Le Centre national du livre : un opérateur en ordre de marche

Le CNL dispose d’une subvention pour charges de service public de 28,4 millions d’euros et d’une subvention pour charges d’investissement de 0,1 million d’euros dans le PLF 2023. Sa dotation est ainsi en hausse de 1,05 million d’euros par rapport à la LFI 2022. Cette augmentation a vocation à pérenniser les actions que le CNL a déployées en 2021-2022, année pour laquelle la lecture a été érigée en grande cause nationale par le président de la République :

– le financement des résidences d’auteurs dans les établissements scolaires (145 résidences ayant eu lieu en 2021-2022 dans 70 départements dont 64 en école, 58 en collège et 23 en lycée) qui consiste à rémunérer un auteur pour l’écriture d’un ouvrage et la participation à des ateliers et activités avec les élèves six demi-journées par semaine ;

– l’organisation de masterclass.

Le rapporteur salue le rôle de soutien à la filière joué par le Centre. L’ensemble des acteurs du livre (éditeurs, libraires et auteurs) rencontrés s’accordent pour saluer l’efficacité de son action. Le renforcement du soutien aux auteurs conformément aux engagements de la précédente ministre de la culture est également à souligner.

montant des subventions accordÉes par type d’acteur soutenu

(en euros)

Secteur

Subventions accordées en 2021 (AE)

Prévisions des subventions à accorder
en 2022 (AE)

Auteurs

3 979 625

5 167 087

Traducteurs

271 000

320 000

Éditeurs

5 271 874

5 291 071

Revues

879 314

838 879

Bibliothèques

8 369 345

2 372 140

Librairies

10 016 329

5 556 316

Manifestations littéraires

2 691 579

2 942 890

Structures

1 848 454

2 649 700

TOTAL

33 327 520

25 138 083

Source : CNL.

Les observations définitives de la Cour des comptes en décembre 2021 montrent que l’opérateur est aujourd’hui bien géré. Le CNL s’attache par ailleurs à mettre en œuvre dès 2023 la recommandation visant à prendre toutes les dispositions nécessaires pour étendre, sur une base volontaire ou obligatoire, la signature d’un acte d’engagement et le dépôt d’une déclaration d’intérêts à tous les membres des instances amenées à se prononcer sur l’attribution des aides, et aux experts et lecteurs non membres des commissions, au moment de leur nomination ou de leur engagement.

Le CNL est doté d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance pour la période 2022-2026 qui a pour objectif de rééquilibrer les missions du centre, centrées jusqu’à présent sur le soutien économique à la filière, en ajoutant l’objectif de développement du soutien à la lecture à travers l’insertion d’un nouvel axe « Développer le goût des livres et de la lecture auprès du plus grand nombre ».

Axes et objectifs de performance du contrat d’objectifs
et de performance du CNL 2022-2026

Favoriser la diversité de la création en accompagnant l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre

Objectif 1 – Soutenir la diversité des maisons d'édition dans un contexte de fortes mutations

Objectif 2 – Soutenir les librairies afin de développer au niveau national un réseau dense et d'encourager leur modernisation

Objectif 3 – Améliorer l’articulation des interventions du CNL avec les services déconcentrés et les acteurs territoriaux

Objectif 4 – Définir une stratégie numérique de soutien aux acteurs du livre 18

Renforcer la place des auteurs et de la littérature dans la vie des Français

Objectif 5 – Inciter encore davantage les manifestations littéraires, dans le cadre de leurs actions de médiation, à développer des rencontres d'auteurs avec leurs publics

Objectif 6 – Démultiplier les rencontres d'auteurs et créer une plateforme facilitant la mise en relation des auteurs avec les lieux de résidences

Objectif 7 – Favoriser le rayonnement des auteurs francophones à l'étranger en soutenant la traduction et dans l’espace francophone, à travers le soutien aux librairies francophones à l'étranger

Développer le goût des livres et de la lecture auprès du plus grand nombre

Objectif 8 – Développer le désir de lire de tous les publics par des actions avec le ministère de l'éducation nationale, les associations et les bibliothèques, en complément des actions menées par le ministère de la culture

Objectif 9 – Développer la notoriété et l’impact des manifestations nationales organisées par le CNL

Objectif 10 – Développer les actions sur les réseaux sociaux afin d'élargir le lectorat

Adapter la gouvernance du CNL aux nouveaux enjeux

Objectif 11 – Optimiser le pilotage de l’établissement et la gestion des ressources humaines 36

Objectif 12 – Une charte des valeurs du CNL à partager avec les acteurs du secteur

Source : Contrat d’objectifs et de performance 2022-2026 du CNL.

À l’avenir, il pourrait être judicieux que le CNL accompagne la mise en place d’un outil permettant une remontée des ventes réelles de livres comme l’y encourage la Cour des comptes. Aux yeux de la présidente du Centre, la transparence des relations entre les acteurs de la chaîne du livre aurait fortement à gagner à un tel dispositif et « le CNL est prêt à apporter sa contribution à un tel projet, en tenant un rôle de tiers de confiance, si un consensus se dégage de la profession pour le mettre en œuvre ».

3.   La préparation de la relocalisation de la Bpi

La Bpi dispose dans le PLF 2023 d’une subvention pour charges de service public en hausse de 0,2 million d’euros pour atteindre 7,1 millions d’euros à laquelle s’ajoute une subvention pour charges d’investissement de 2,2 millions d’euros en CP. Il est à noter que cette dotation ne prend pas en compte la majeure partie des dépenses de personnel de la bibliothèque : 206 emplois sous plafond sont rémunérés par le ministère de la culture pour un montant de 13 millions d’euros, contre 60 rémunérés par l’opérateur (plus quatre services civiques et un stagiaire) au 1er septembre 2022.

a.   Une bibliothèque à l’action sociale

Implantée sur trois niveaux, sur une surface totale de 12 700 m2, dont 10 700 m2 d’espaces publics au sein de l’emblématique bâtiment du Centre national d’art contemporain  Georges Pompidou (CNAC-GP), la Bpi dispose d’une capacité d’accueil maximale dans le bâtiment principal de 2 134 personnes. Depuis l’été 2022, les usagers de la Bpi ont retrouvé le chemin de la piazza et de l’entrée publique du Centre grâce à des travaux à hauteur de 1,2 million d’euros en 2022, après avoir emprunté un accès séparé pendant une vingtaine d’années. La Bpi accueille gratuitement le public tout au long de l’année (dimanches et jours fériés inclus) et est fréquentée majoritairement par des étudiants. Mettant à disposition près de 430 000 documents sur différents supports, la Bibliothèque déploie une activité culturelle et de médiation notamment axées sur la littérature et la bande dessinée (expositions, festival littéraire Effractions), le cinéma documentaire (festival Cinéma du réel, projections Cinémathèque du documentaire) et le débat d’idées.

b.   La relocalisation de la bibliothèque durant les travaux du CNAC-GP est indispensable

Au début des années 2010, un projet de rénovation est imaginé pour améliorer la qualité de service offerte aux lecteurs et en adaptant les locaux aux nouveaux usages de lecture et d’accès à l’information et à la connaissance : développement de nouveaux usages d’accès aux savoirs, renforcement des activités de médiations, développement de l’action culturelle, facilitation de l’organisation d’accueils de groupes. La mise en œuvre de ce projet, sous mandat de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC), a débuté concrètement en mai 2017 avec le choix d’un maître d’œuvre et s’est poursuivie en 2018-2019 avec les études préalables, puis le lancement au premier semestre 2020 des consultations des entreprises

En raison de la décision d’effectuer les travaux du schéma directeur du CNAP-GP en site fermé, il a été décidé en décembre de reporter projet de rénovation des espaces de la Bpi pendant la fermeture du Centre Pompidou. L’OPPIC, maître d’ouvrage délégué, a donc notifié au maître d’œuvre de la Bpi la fin de son contrat. L’arrivée du nouveau président du Centre Pompidou Laurent le Bon en juillet 2021 a conforté la place de la Bpi au sein du CNAC-GP et l’a engagée dans une réflexion commune avec le Centre sur un nouveau projet culturel et scientifique.

Ces nouvelles priorités stratégiques ainsi que la projection d’un nouveau calendrier (fermeture du Centre pour quatre ans et demi et report de cette fermeture à l’après Jeux olympiques) imposent ainsi un remaniement complet du projet de rénovation de la Bpi intégrant, en termes fonctionnels, un fort accent sur les publics jeunes et, en termes spatiaux, une possibilité d’agrandissement des surfaces qui lui sont dévolues. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, l’enveloppe du projet de rénovation initiale a été préservée, malgré les frais engagés pour les études techniques et la rémunération de la maîtrise d’œuvre (perte inférieure à 10 % du montant du projet initial).

Le rapporteur spécial salue le choix assumé de financer le relogement de la Bpi pendant la fermeture du CNAP-CG et le fait qu’il dispose d’ores et déjà, pour ce faire, d’une enveloppe de 32,3 millions d’euros destinée à couvrir les loyers et les charges de ce relogement pendant la durée des travaux estimée à cinq ans. Le service rendu aux usagers – un lieu gratuit, ouvert tous les jours, disposant d’une documentation étoffée, proposant des médiations sociales et culturelles tournées vers tous les publics – est bien trop important pour que l’ouverture de la Bpi ne soit pas assurée durant la fermeture du Centre.

Tout l’enjeu est aujourd’hui pour la Bpi de trouver un site à Paris aux dimensions suffisantes répondant aux obligations des établissements recevant du public et adapté à ses missions, à un prix modique (le montant de référence fixé par les Domaines est de 410 euros par m2 et par an). Le rapporteur spécial souhaite le meilleur pour les équipes de la Bpi et du ministère dans la concrétisation de ce projet exigeant et complexe.

4.   Les difficultés importantes à prévoir pour la BnF

La BnF bénéficie de concours publics à hauteur de 232,8 millions d’euros en CP dans le PLF 2023, en hausse de 8,8 millions d’euros par rapport à la LFI 2022 (subvention pour charges de service public et subvention pour charges d’investissement comprises). La dotation de la BnF, premier opérateur de la culture avec 2 212 ETP rémunérés, représente à elle seule plus de 70 % des crédits du programme 334.

Ce poids budgétaire est le corollaire de l’ampleur des missions de l’établissement dont l’activité se répartit sur sept sites principaux, dont cinq ouverts au public : la BnF-François-Mitterrand, la BnF-Richelieu (bibliothèque-musée), la bibliothèque de l’Arsenal, la BnF-Opéra (au sein du Palais Garnier de l’Opéra), la BnF-Avignon (au sein de la maison Jean Vilar), le centre technique de Bussy-Saint-Georges, le centre de conservation Joël-Le-Theule à Sablé-sur-Sarthe (ces deux derniers étant consacrés à des activités de conservation et de traitement des collections). Les quatre principales missions de l’établissement sont les suivantes :

– collecter au titre du dépôt légal, cataloguer, conserver et enrichir dans tous les champs de la connaissance, le patrimoine national dont elle a la garde, en particulier le patrimoine de langue française ou relatif à la civilisation française ;

– assurer l’accès du plus grand nombre aux collections : la BnF assure l’accès à ses collections et offre un cadre de travail de qualité, sur place et en ligne ;

– soutenir la recherche ;

– développer la coopération nationale et internationale.

Un nouveau contrat d’objectifs et de performance 2022-2026 a été signé et vient conforter le rôle de l’établissement dans ses missions fondamentales.

a.   « Paquebot » du ministère de la culture, la BnF a dû opérer un pilotage budgétaire serré ces dernières années

La BnF compte 2 259 agents (effectifs en personnes physiques au 31 décembre 2021) dont 64 % de fonctionnaires et 36 % de contractuels. 169 contractuels exercent à temps incomplet, essentiellement pour les besoins du service public (communication des ouvrages en salles de recherche) compte tenu de l’étendue des horaires d’ouverture et du cycle de travail des agents titulaires. Globalement stabilisés depuis 2016, les emplois de la BnF (39 % d’agents de catégorie A, 30 % d’agents de catégorie B, 31 % d’agents de catégorie C) ont toutefois connu une diminution très forte dans la période antérieure avec une diminution des emplois exécutés de 260 ETPT depuis 2009, soit une diminution supérieure à 10 %.

L’établissement doit faire face à de nouvelles missions à plafonds d’emploi constant : la réouverture du site Richelieu et la création du musée, la perspective de développement du dépôt légal numérique et les autres besoins de l’établissement (notamment le travail sur les collections en vue du futur centre de conservation d’Amiens) imposent de procéder à diverses réorganisations afin d’absorber, sans effectifs supplémentaires, ces nouvelles missions. Ainsi, ce sont 60 ETP issus de redéploiements qui ont permis d’assurer la réouverture au public du site Richelieu après travaux. C’est notamment cette réouverture qui a conduit l’établissement à modifier les règles de communication des documents sur le site de Tolbiac. Cette modification est en partie à l’origine du mouvement social qui a affecté l’opérateur à partir du printemps dernier.

La modification des règles de communication des documents sur le site de Tolbiac : une mesure de gestion logique et une source d’efficience

La modification des règles de communication des documents mise en place sur le site de Tolbiac consiste à prévoir une communication directe sans réservation des documents uniquement à partir de midi et à réserver la communication avant midi aux cas où une réservation préalable a été effectuée la veille (la réservation de documents pour le lendemain étant possible jusqu’à minuit).

Cette modification vise à adapter les temps de postage des magasiniers aux nouveaux besoins de la BnF (redéploiements en faveur du site de Richelieu, mise en place du dépôt légal numérique et chantiers préparatoires au projet Amiens) en tenant compte des usages des lecteurs de la BnF qui ont profondément changé depuis plusieurs années. Cette évolution tendancielle est d’ailleurs indépendante de la crise sanitaire :

– 47% des visites dans les salles Recherche du site François-Mitterrand ne donnent pas lieu à des demandes de collections des magasins. Ces usagers profitent des ouvrages en libre accès (337 000 volumes), des ressources électroniques, de Gallica intramuros ou, simplement, des espaces de travail ;

– la communications de documents a diminué de 44 % de 2010 à 2019 ;

– la fréquentation journalière entre 9 heures et 11 heures ne représente plus en moyenne que 6 % du total de la fréquentation.

La crise sanitaire a accentué cette tendance et a aussi encouragé les lecteurs à réserver à l’avance leurs documents pour les trouver à leur arrivée à la Bibliothèque : 50 % des réservations au dernier trimestre de l’année 2021 (période pendant laquelle la communication directe des documents était possible) contre 15 % avant la crise sanitaire. L’évolution du service public sur le site de Tolbiac a contribué aux besoins de redéploiements susmentionnés à hauteur d’environ 40 ETP.

Ce pilotage budgétaire serré ne doit pas empêcher la BnF d’être attentive à réduire au maximum les situations de précarité de ses agents : elle continuera ainsi à moderniser sa politique de ressources humaines en 2023 avec la mise en œuvre d’un ambitieux plan de déprécarisation destiné à accompagner les agents contractuels à temps incomplet vers de l’emploi à temps complet.

b.   L’impasse budgétaire liée à l’inflation qui conduit à repousser des investissements importants

Avant la crise énergétique et l’augmentation généralisée des prix, l’objectif de l’établissement était de rétablir progressivement le solde budgétaire (en passant de – 7 millions d’euros en 2022 à – 0,4 million d’euros en 2025) pour atteindre l’équilibre en 2026.

D’une part, une demande de rebasage modéré de la subvention de fonctionnement (+ 2 % par an entre 2022 et 2025) devait être équilibrée en contrepartie par un effort substantiel de la part de l’établissement en termes de maîtrise sur les dépenses de fonctionnement : + 2 millions d’euros en 2023, + 1 million d’euros en 2024, + 1 million d’euros en 2025 ;

D’autre part, un rebasage de la dotation en fonds propres devait permettre de réduire l’écart substantiel entre les besoins hors opérations exceptionnelles (environ 40 millions d’euros an) et le niveau de la subvention d’investissement (de 21 millions d’euros à 28 millions d’euros) entre 2020 et 2022, en intégrant les surcoûts d’investissement de Richelieu.

La crise inflationniste vient balayer ces prévisions, avec un surcoût énergétique estimé par l’établissement à 3,5 millions d’euros en 2022 et 15 millions d’euros en 2023. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, la hausse de 6,1 millions d’euros de la subvention pour charges de service public en 2023 ne couvrirait pas la moitié du coût de l’inflation, alors même qu’elle n’intégrerait pas la compensation de la hausse du point d’indice. Alors que l’équilibre budgétaire de l’établissement est très fragile (solde budgétaire négatif de – 3,8 millions d’euros en 2020, – 4,6 millions d’euros en 2020, et – 9 millions d’euros en 2021), le rapporteur spécial est préoccupé par l’impasse dans laquelle se trouve l’opérateur. Le fait que l’évolution du coût de l’énergie puisse évoluer en 2023 plus favorablement que les prévisions ne suffit pas nécessairement à dissiper les inquiétudes.

L’établissement estime qu’il ne dispose d’aucun moyen « à sa main » pour absorber les chocs externes, si ce n’est la baisse drastique de ses dépenses. Or, dans un contexte d’accroissement de ses missions (réouverture du site de Richelieu, dépôt légal numérique), les leviers d’économies seraient réduits. L’établissement a été ainsi conduit à diminuer drastiquement ses dépenses d’investissement qui sont systématiquement financées au prix d’un prélèvement sur fonds de roulement depuis plusieurs années (5 millions d’euros en 2020 et en 2021). Il a été ainsi procédé à un freinage massif des dépenses d’investissement avec une compression de l’ordre de 20 % (soit une baisse de 7,4 millions d’euros depuis août 2022). Ce freinage massif des dépenses d’investissement sera poursuivi en 2023. Selon la direction de l’établissement, cette baisse met « incontestablement en risque la maintenance des équipements, notamment sur le site de Tolbiac ». La DGMIC a rappelé que le niveau de compensation de l’inflation a été établi en juillet 2022, à un moment où les hypothèses de prix n’étaient pas identiques à celles d’aujourd’hui.

Le rapporteur spécial espère que les principaux projets d’investissement de l’établissement (la création du centre de conservation d’Amiens pour une dépense estimée à 96 millions d’euros, la sécurisation de l’esplanade du site de Tolbiac pour un coût de 7,4 millions d’euros entre 2023 et 2025 et le renouvellement du système SSI de Tolbiac pour un montant total de 28,8 millions d’euros dont 5,2 millions d’euros prévus dès 2023) ne seront pas excessivement ralentis en raison des impasses budgétaires constatées.

B.   Le financement du cnm au cœur des attentions du secteur de la musique

Le secteur de la musique connaît une situation contrastée : l’industrie phonographique enregistre sa cinquième année d’affilée de croissance en 2021 avec une progression de 14,3 %. Pour le premier semestre 2022, la musique enregistrée connaît une progression de 8,2 % par rapport au premier semestre 2021, selon les données du SNEP, soit un chiffre d’affaires de 364,4 millions d’euros. L’essentiel de cette croissance est porté par le streaming par abonnement (+ 12,8 %). Le streaming représente 76 % du total des ventes du premier semestre et la quasi-totalité du chiffre d’affaires issu du numérique (98 %).

À l’inverse, le spectacle vivant ne s’est pas totalement remis du choc qu’a représenté la pandémie. Alors qu’on enregistre en 2019, 59 000 représentations payantes pour 30 millions d’entrées et 980 millions d’euros de recette de billetterie ([5]), le retard n’a toujours pas été rattrapé puisque 909 millions d’euros de recettes sont prévus en 2022, avec une forte baisse de la fréquentation pour les « petites » jauges de moins de 1 000 entrées (baisse de 38 % de la fréquentation) contre une hausse de 19 % pour les grandes jauges (stades, zéniths, grands festivals). Le niveau des recettes de billetterie serait stable par rapport à 2019 avec une dégradation sectorielle pour les festivals de taille moyenne ou petite.

En 2023, les entreprises du spectacle vivant pourraient être prises en ciseau, entre une augmentation tendancielle des coûts de production liée à l’inflation et aux nécessaires investissements dans les nouveaux modes de diffusion (livestream, métavers, etc.) et une stabilité relative des prix des billets, indispensable à l’accessibilité et à la compétitivité du spectacle dans une économie de l’attention qui peut voir le public privilégier d’autres offres. La plupart des salles et festivals ont ainsi vu leur seuil de rentabilité (taux de fréquentation pour atteindre un équilibre financier) augmenter cet été (atteignant parfois plus de 100 %).

Dans ce contexte, le rôle du CNM dont la dotation pour charges de service public sur l’action 02 – Industries culturelles – du programme 334, atteint 27,8 millions d’euros pour une enveloppe totale de l’action s’élevant à 29,7 millions d’euros, est crucial pour faire vivre la diversité et soutenir les acteurs en difficulté.

1.   Le CNM : un établissement qui a su efficacement soutenir la filière durant la crise sanitaire.

Créé le 1er janvier 2020 par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique, par la fusion de quatre organismes privés (IRMA, CALIF, BUREX, FCM) avec le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), le CNM a quatre missions majeures :

– l’observation de la filière musicale via son Observatoire de l’économie du secteur musicale ;

– l’information, la formation, le conseil et l’accompagnement des professionnels ;

– le soutien économique à l’ensemble des acteurs du secteur ;

– le développement international et le soutien à l’export.

Les moyens de fonctionnement du CNM en 2022 (dernier budget rectificatif)

L’enveloppe servant à financer la masse salariale des 111 ETP sous plafond de l’opérateur est évaluée à 8,8 millions d’euros (hors rattrapage des cotisations des années précédentes).

Les dépenses de fonctionnement hors masse salariale et hors achats de prestation destinées à la filière sont de 5,8 millions d’euros (prestation d’intérim, frais de fonctionnement courant, frais temporaires liés à la fusion et au déploiement progressif de la nouvelle organisation) auxquels s’ajoutent les frais d’investissement pour un montant de 1,5 million d’euros (1,1 million d’euros d’investissements informatiques et 0,4 million d’euros pour les travaux et l’équipement du futur « Café-culture » de l’établissement).

Le coût de l’opérateur « en ordre de marche » serait ainsi de 16,1 millions d’euros en 2022.

Le CNM indique que le niveau des 111 ETP a été fixé fin 2019 « sans visibilité claire de la charge de travail supplémentaire que représentait l’extension des missions de l’établissement, en comparaison de celles des associations et du CNV » et que la charge de travail actuelle pour les agents du Centre se révèle « peu soutenable à terme ».

Ayant reçu l’ensemble de la filière musicale (majors et indépendants, producteurs, éditeurs, artistes compositeurs, OGC, entreprises du spectacle vivant) alors même que celle-ci ne parle pas toujours d’une seule voix, le rapporteur spécial souhaite se faire l’écho de la satisfaction de la filière vis-à-vis de l’opérateur, qui a su faire preuve de réactivité et d’efficacité durant la crise sanitaire et pour la mise en œuvre du plan de relance.

Configuré pour opérer un budget de soutien de 30 millions d’euros d’aides sélectives (hors redistribution de 65 % des perceptions nettes de taxe alimentant un droit de tirage), le budget affecté au CNM a été significativement accru de crédits exceptionnels afin d’aider la filière face à la crise sanitaire, atteignant ainsi 172 millions d’euros au terme de l’année 2020, 264 millions d’euros en 2021 et 56,5 millions d’euros en 2022. En 2022, après report des crédits non consommés, le CNM disposait ainsi d’un budget d’intervention de 246,8 millions d’euros en AE et 232,1 millions d’euros en CP.

2.   Des interrogations sur le financement du CNM en 2023

Les moyens dont le CNM pourrait disposer en 2023 sont :

– la subvention de 27,8 millions d’euros pour charges de service public ;

 le produit de la taxe sur la billetterie, qui devrait atteindre 30 millions d’euros ;

– une contribution des organismes de gestion collective (OGC) à hauteur de 1,5 million d’euros.

Ces ressources sont inférieures à ce qui avait été envisagé au moment de la création de l’établissement : les contributions des OGC devaient atteindre, a minima, le montant qu’ils consacraient aux organismes et associations privés ayant fusionné dans le CNM (entre 6 et 7 millions d’euros) sans même évoquer la contribution supplémentaire envisagée pour déployer des actions d’éducation artistique et culturelle ([6]). Elles atteignent finalement un montant largement inférieur en raison de l’arrêt dit « RAAP » ([7]) de la CJUE qui aurait généré une perte de 25 millions d’euros au détriment de l’action culturelle des OGC. Le montant la taxe sur la billetterie est également inférieur de presque 6 millions d’euros à ce qui était constaté en période pré-covid (35,7 millions d’euros en 2019).

Cependant, si l’établissement prévoit de consommer à la fin de l’exercice 2022 l’intégralité des crédits France Relance qui lui ont été attribués, il pourrait ne pas avoir engagé la totalité des crédits exceptionnels (hors France Relance) qui lui ont été alloués au titre de la crise sanitaire. De même, certaines aides attribuées sur la base d’éléments prévisionnels font l’objet de demandes de remboursement : c’est le cas des aides versées au titre de la compensation de jauge réduite lorsque les représentations n’ont pas eu lieu. Un reliquat de 15 millions d’euros de crédits serait ainsi mobilisable sur l’exercice 2023.

Ainsi, une enveloppe d’un peu moins de 35 millions d’euros devrait être mobilisable au titre des aides du CNM en 2023, ce qui constitue l’étiage envisagé au moment de la création du Centre et devrait permettre à l’établissement de maintenir ses missions selon la DGMIC. Le président du CNM, Jean-Philippe Thiellay, a quant à lui indiqué qu’une enveloppe de 50 millions d’euros était nécessaire pour maintenir un niveau de soutien conséquent pour la filière. Plusieurs programmes pourraient être revus à la baisse à défaut de cette enveloppe.

Baisse de financement des programmes envisagÉe par le cnm en 2023*

(en millions d’euros)

Dispositif

Financement 2022

Financement envisagé 2023

Aides au développement international

4,5

1,5

Soutien à la musique enregistrée

12

4

Transition écologique

2,5

0,9

Égalité femmes/hommes

2

1

Innovation et transition numérique

4

2

Total

25

9,4

* Le rapporteur précise qu’il s’agit d’une simple estimation de la direction du Centre et qu’il reviendra à son conseil d’administration de voter les enveloppes attribuées aux différents dispositifs d’aide.

Source : CNM.

3.   Une réflexion à mener sur le rôle du CNM et ses financements à plus long terme

La forte décrue des financements attribués au CNM pour soutenir la filière musicale, alors que les difficultés n’ont pas disparu, pose la question de « l’atterrissage » du soutien apporté à la filière en 2023. Mais plus importante encore est la question du financement de long terme de l’établissement.

La plupart des acteurs rencontrés regrette en effet l’absence de contribution du secteur de la musique enregistrée au Centre. Plusieurs pistes ont été évoquées pour y remédier : la création d’une taxe « streaming » sur la diffusion en ligne de contenus phonographiques a été défendue par plusieurs organisations professionnelles (UPFI, SPFF, SMA, PRODISS). Assise sur assiette large, le chiffre d’affaires des plateformes payantes et les recettes publicitaires des plateformes gratuites, et dotée d’un taux relativement faible, cette taxe pourrait rapporter un montant permettant de garantir un financement durable et pérenne à l’établissement. De nombreuses raisons plaideraient pour l’instauration de cette taxe : la forte croissance du streaming et des revenus des plateformes, le risque de concentration des écoutes dans le modèle de « market centric » qui rend crucial le rôle de soutien à la diversité musicale et de protection de la souveraineté culturelle défendu par le CNM, etc.

Les majors et les plateformes (Deezer, Spotify) ont rappelé au rapporteur la nécessité de définir d’abord les besoins et les dispositifs qui pourraient être abondés par cette taxe nouvelle. Ils craignent que la taxation conduise soit le consommateur à payer davantage son abonnement soit à revoir les règles de rémunération aux ayants droit. Ils rappellent également que lesdites plateformes sont encore déficitaires. Ces acteurs plaident ainsi pour un élargissement de la taxe sur les services vidéos (TSV) affectée au CNC, dont le surcroît de recettes pourrait être fléché vers le CNM ([8]). D’autres acteurs comme la SACEM ont également présenté des pistes alternatives, telles qu’une taxe sur les objets connectés.

Au regard de la division de la filière, il était, selon le rapporteur spécial, plus que raisonnable de se donner le temps de la réflexion. C'est pourquoi il salue la nomination par la Première ministre du sénateur Julien Bargeton, parlementaire en mission auprès de la ministre de la culture, afin de dresser le bilan des premières années d’existence du Centre, d’identifier les évolutions structurelles du secteur, d’établir le diagnostic des besoins de financement éventuels et l’ensemble des enjeux juridiques et économiques soulevés par l’hypothèse d’une nouvelle ressource.

4.   Un crédit d’impôt éditeurs qui doit encore être mis en œuvre

Deux défenses fiscales rattachées au programme 134 soutiennent le secteur de la musique :

– le crédit d’impôt pour la production phonographique (CIPP) dont le montant est estimé à 13 millions d’euros et qui vise à soutenir de jeunes créateurs. Prorogé et bonifié jusqu’en 2024 par la LFI 2021, le taux du crédit d’impôt est établi aujourd’hui à 40 % des dépenses totales d’enregistrement (salaires, locations de matériel, utilisation des studios, conception graphique). Le CIPP est plafonné à 1,5 millions d’euros de dépenses par entreprise et par an et ne peut être accordé que pour l’enregistrement d’œuvres interprétées par des « nouveaux talents », c’est-à-dire par des artistes qui « ne doivent pas avoir dépassé le seuil des 100 000 équivalents ventes pour deux albums distincts précédant ce nouvel enregistrement ». Prorogé jusqu’au 31 décembre 2024 par la LFI 2021, le rapporteur spécial souhaite que le CIPP soit prolongé jusqu’au 31 décembre 2026 afin de donner une visibilité suffisante aux acteurs dont les projets de création s’inscrivent dans une temporalité longue.

– le crédit d’impôt éditeurs, créé par la LFI pour 2022. Les entreprises d’édition musicale, « engagées en vue de soutenir la création d’œuvres musicales, de contrôler et d’administrer des œuvres musicales éditées, d’assurer la publication, l’exploitation et la diffusion commerciale des œuvres musicales éditées et de développer le répertoire d’un auteur ou d’un compositeur » pourront ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt à hauteur de 15 % des dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2024 (salaires, frais artistiques, etc.) au bénéfice d’un « nouveau talent ». Le crédit d’impôt est plafonné à 500 000 euros par entreprise et par exercice. Un nouveau décret devrait paraître à la fin du mois d’octobre, selon les informations transmises par la DGMIC, afin de fixer les modalités d’agrément (composition du comité d’experts, pièces à fournir, etc.). Un arrêté doit également permettre de nommer les membres du comité d’expert. Le rapporteur spécial espère que la procédure d’agrément sera rapidement opérationnelle.

Enfin, la loi de finances pour 2021 avait assoupli les conditions de localisation et de nombre de représentations à satisfaire pour bénéficier du crédit d’impôt spectacle vivant (CISV), à titre temporaire, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022 : l’exploitation du spectacle doit comprendre au moins deux dates de représentations dans au moins deux liens différents contre quatre représentations dans trois lieux différents auparavant. Le rapporteur soutien la prorogation de cet assouplissement temporaire jusqu’au 31 décembre 2023, inscrite dans le texte de la première partie du PLF 2022 sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, en première lecture à l’Assemblée nationale (article 4 octodecies résultant de l’amendement I-3142).

C.   Le CNC en soutien du secteur du cinÉma, confrontÉ À l’enjeu de la frÉquentation des salles

Le secteur du cinéma a fait l’objet d’un soutien sans faille des pouvoirs publics depuis la crise sanitaire : 221 millions d’euros au titre des aides d’urgence en 2020 et 2021, 50 millions d’euros au titre du fonds d’indemnisation, 160 millions d’euros au titre du plan de relance. En 2022, c’est encore 77 millions d’euros qui devraient être alloués par l’opérateur aux acteurs de la filière au titre des mesures d’urgence, de sauvegarde et d’indemnisation (hors aides classiques du fonds de soutien) dont 30 millions d’euros au titre du fonds d’indemnisation et de garantie des tournages d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Ce soutien massif a permis de maintenir la filière à flot durant la crise sanitaire mais de nombreux défis restent à relever. La fréquentation reste inférieure à 30 % par rapport à la situation précédant la crise sanitaire et devrait rester durablement sous le niveau de 2019, ce qui constitue indéniablement un élément de fragilisation pour l’ensemble de la filière.

 

 

 

 

 

 

 

Évolution des entrÉes en salle (effectives et anticipÉes) de 2015 À 2024

(en millions d’entrées)

Source : CNC.

Selon l’étude publiée par le CNC à l’occasion du dernier festival de Cannes ([9]), les causes de cette baisse de fréquentation sont à la fois conjoncturelles (liées à la crise sanitaire elle-même, les dernières restrictions sanitaires n’ayant été levées qu’en mars dernier) et structurelles (problème d’offres, prix, concurrence des plateformes, etc.). Plusieurs actions sont aujourd’hui mises en œuvre par la filière avec le soutien du CNC notamment le lancement d’une campagne de communication fin octobre pour redonner le goût du cinéma en salles à un large public ainsi que la mission récemment confiée par la ministre de la culture et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à M. Bruno Lasserre. Cette mission doit déterminer si le cadre juridique peut être assoupli pour permettre des pratiques tarifaires plus souples et plus réactives dans le cadre des cartes dites « illimitées ».

La mise en œuvre du décret dit « SMAD » du 22 juin 2020 concernant les obligations d’investissement des plateformes dans la production française et de l’accord « chronologie » du 24 janvier 2022 étendu par arrêté à l’ensemble de la filière le 4 février suivant constituent un autre enjeu majeur pour la filière, représentant à la fois un risque et une opportunité.

Les nouvelles obligations de financement d’investissements dans la création incombant aux plateformes et une chronologie des médias à rediscuter

Le décret SMAD oblige les plateformes à investir de 20 à 25 % de leur chiffre d’affaires (80 % de ces obligations destinées à l’audiovisuel et 20 % au cinéma) dans la production d’œuvres européennes (85 % des obligations doivent porter sur des œuvres d’expression originale française), selon leur positionnement dans la chronologie des médias. Ce financement doit majoritairement prendre la forme d’un préfinancement (pour 75 % des contributions audiovisuelles) pour protéger la production indépendante.

Pour 2021, la contribution des plateformes, étant assise sur la moitié de leur chiffre d’affaires de 2020, ne sera pas représentative de ce que pourraient être les investissements des plateformes à l’avenir. Les montants d’investissements effectivement réalisés pour l’année 2021 n’ont pas encore été rendus publics par l’ARCOM. Le bilan des conventions signées avec l’ARCOM en décembre 2021 (fixant notamment des obligations par genre d’œuvre) pourra être dressé en 2023.

Netflix a signé le 22 février 2022 un accord avec les organisations du cinéma : la plateforme s’est engagée à un minimum garanti de 30 millions d’euros par an pour les œuvres d’expression originale française et a consenti une « clause de diversité » en faveur des films de moins de 4 millions d’euros ainsi qu’une clause de volume (minimum de 10 films préfinancés par an). Cet accord s’avère mieux-disant s’agissant du profil des investissements en comparaison avec les obligations du décret SMAD. Au total les obligations des plateformes pourraient avoisiner les 50 millions d’euros.

En parallèle du décret SMAD, un accord concernant la chronologie des médias a été signé le 24 janvier 2022 et a été étendu à l’ensemble du secteur par arrêté. Netflix dispose des droits de diffusion à partir du 15e mois, contre le 17e mois pour les plateformes n’ayant pas signé d’accord avec la filière (Prime et Disney), jusqu’au 22e mois suivant le mois de sortie en salle.

Non signataire de l’accord, la plateforme Disney souhaite une entrée plus rapide dans la chronologie. Les négociations ont été réouvertes début octobre par le CNC qui souhaite élargir les discussions à d’autres sujets : expérimentations possibles concernant les films ayant eu une durée de vie limitée en salle, maintien d’un droit d’exploitation pour les plateformes après le 22e mois, etc.

Source : Commission des finances.

1.   Un montant total de taxes affectées en croissance qui permettra à l’établissement d’assurer ses missions de soutien au secteur

Le montant des taxes affectées au CNC pourrait atteindre plus de 710 millions d’euros en 2023, soit une légère hausse par rapport à 2022. Cette augmentation est notamment portée par le dynamisme de la TST-D ([10]), dont l’assiette est rendue dynamique par la croissance du chiffre d’affaires des opérateurs télécom en raison du déploiement de la fibre et de la 5G, même si cela est contrebalancé par une diminution du chiffre d’affaires issu des bouquets TV. Le fait de renoncer à transférer le recouvrement de la TST et de la TSA à la DGFiP, prévu par l’article 10 du PLF 2023, constitue une bonne nouvelle qui permettra d’assurer un niveau de recouvrement élevé au bénéfice du secteur et pour un coût de gestion modéré. Le rapporteur note également l’intérêt porté par le CNC à ce qu’il puisse recouvrer la TSV, au regard notamment du fait que certains acteurs, comme les plateformes gratuites, ne la paient pas tous.

Évolution du produit des taxes affectÉes au cnc

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

Prévision 2022

Prévision PLF 2023

TSV (taxe vidéo et VOD)

34

87,3

82,4

104,3

107,5

TSA (taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques)

151

28,5

101,1

124,5

137,7

TST-D (taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) – Fraction distributeurs

194

224,4

208

176,7

201,6

TST-E (taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) – Fraction éditeurs

299

236,7

214,5

292,2

264

Total taxes affectées au CNC

682

576,9

585,4

697,6

710,8

Source : document stratégique de performance du CNC.

Cette enveloppe de 710,8 millions permettra de maintenir un niveau élevé de dépenses du fonds de soutien à hauteur de 701,2 millions, en légère baisse par rapport à 2022 (728,3 millions d’euros). Un soutien ambitieux à l’ensemble de la filière est ainsi garanti en 2023. Ce soutien devrait se partager entre le cinéma (40 % des aides), l’audiovisuel (40 % des aides) et les dispositifs transversaux ou relatifs à d’autres secteurs comme le jeu vidéo ou l’éducation à l’image (20 % des aides).

Le rapporteur spécial portera une attention spécifique aux distributeurs qui souffrent directement de la baisse de la fréquentation des salles. Composés de petites structures, les distributeurs jouent un rôle important dans le préfinancement de l’œuvre en versant un minimum garanti au producteur sur ses futures recettes en salle ou en versant un apport en coproduction. Le distributeur assure donc une part importante du risque sur ses fonds propres. Associé aux choix du producteur, le distributeur a un rôle de promotion et de marketing lors de la sortie du film et, parfois, tout au long de la vie du film lorsque les droits d’exploitation lui sont confiés. S’il n’est pas certain de l’intérêt de créer un nouveau crédit d’impôt comme le souhaiterait la Fédération nationale des éditeurs de film (FNEF), le rapporteur spécial encourage le CNC à maintenir son fort soutien (aujourd’hui de 50 millions par an) en 2023, dans un contexte de baisse des entrées en salle. La LFI 2021 a permis d’ouvrir les investissements des SOFICA aux frais d’édition de film : cela constitue une source complémentaire pour les distributeurs. En outre, une aide exceptionnelle de 4 millions d’euros a été votée lors du dernier conseil d’administration du CNC pour permettre aux distributeurs de maintenir leurs investissements en 2023.

L’ouverture des aides du CNC aux productions primo diffusées sur les plateformes pourrait représenter un coût supplémentaire de l’ordre 20 millions d’euros à partir de 2024. Le CNC prévoit de financer cette ouverture en 2024 par la mobilisation d’une réserve de 10 millions d’euros (solde de gestion 2021) et par des mesures de redéploiements de crédits dans le cadre des réformes structurelles en cours de préparation.

Après avoir expérimenté un nouveau format de commission de l’avance sur recettes pour mieux soutenir les deuxièmes et troisièmes films des producteurs, accompagner la fusion des associations œuvrant à la promotion internationale de l’audiovisuel et du cinéma (TVFI et Unifrance), créer un « fonds d’aides à la création immersive » et réformer les aides à la création visuelle et sonore, l’année 2023 pourrait être consacrée à la réforme de l’art et essai.

Concernant le secteur des jeux vidéo, que le CNC accompagne également, le rapporteur spécial rappelle également l’importance du rôle joué par le fonds d’aide aux jeux vidéo (FAJV) pour le soutien à l’écriture, la préproduction et la production des entreprises de création. Il est nécessaire que le ministère de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique se réengage davantage pour soutenir la filière.

2.   Des dépenses fiscales dynamiques

Le montant des dépenses fiscales en faveur du cinéma de l’audiovisuel et des jeux vidéo devrait atteindre 587 millions d’euros en 2023, soit une hausse significative par rapport à 2022. Les réformes de 2015 et 2016 ont permis de renforcer la compétitivité du territoire national pour les tournages.

DÉpenses fiscales en faveur du cinÉma, de l’audiovisuel et du JEU VIDÉO

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022 (prévision)

2023 (prévisions)

Crédit d'impôt cinéma (CIC)

121

113

85

160

101

Crédit d'impôt audiovisuel (CIA)

139

148

140

188

219

Crédit d'impôt international (C2I)

56

73

77

120

201

SOFICA

30,2

29

29

34

35

Crédit d’impôt jeux vidéo (CIJV)

42

49

63

43

31

TOTAL

388,2

412

394

545

587

Source : CNC.

a.   Le CIC

Le crédit d’impôt cinéma (CIC), entré en vigueur le 1er janvier 2004, permet aux entreprises assurant le rôle de producteurs délégués d’un film principalement tourné et fabriqué en France de bénéficier d’un crédit d’IS de 30 % des dépenses éligibles (20 % pour les films tournés en langue étrangère), dans la limite de 30 millions d’euros par film et 80 % du budget total de la production. 216 films ont bénéficié du crédit d’impôt en 2021.

b.   Le CIA

Le crédit d’impôt audiovisuel (CIA), entré en vigueur le 1er janvier 2005, permet aux entreprises assurant le rôle de production déléguée d’une œuvre audiovisuelle principalement tournée et produite en France (fiction, documentaire, animation) de bénéficier d’un crédit d’IS équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles. Pour chaque genre d’œuvre (animation enfant, fiction, documentaire), des planchers de coûts de production par minute conditionnent le bénéfice du crédit d’impôt, plafonné par minute :

– 1 250 à 10 000 euros par minute produite dans le cas de la fiction, en fonction du coût de production par minute de l’œuvre (plus le coût de production est élevé, plus le plafond de CI l’est aussi) ;

– 1 450 euros par minute produite pour les documentaires et les adaptations audiovisuelles de spectacles vivants ;

– 3 000 par minute produite dans le cas des œuvres d’animation.

Le rapporteur spécial souhaiterait un alignement des plafonds du documentaire et de l’animation à 10 000 euros. Le coût d’un tel alignement devrait être de l’ordre d’un million d’euros selon le CNC, seuls 6 % des documentaires et 16 % des œuvres d’animation étant aujourd’hui au plafond. Cela permettrait, selon le CNC, d’accompagner « une montée en gamme » de ces productions. Le rapporteur spécial note la circonspection du Centre quant à la suppression des plafonds intermédiaires pour les fictions, qui permettrait à des fictions intermédiaires « sans ambition particulière et avec un coût de production mesuré » de bénéficier d’un surplus de crédit d’impôt par effet d’aubaine.

Le rapporteur spécial se félicite par ailleurs que l’amendement (amendement I-3424) prorogeant jusqu’à fin 2024 l’extension du CIA à l’adaptation audiovisuelle de spectacles (taux de 10 %), afin d’accompagner la relance du secteur, ait été retenu par le Gouvernement dans le texte de la première partie sur lequel il a engagé sa responsabilité (article 4 septies). Ce crédit d’impôt permet de mettre en image le patrimoine culturel immatériel et de le rendre accessible grâce à la télévision publique tout en soutenant la filière artistique française.

c.   Le C2I

Le crédit d’impôt international (C2I), entré en vigueur en 2009, permet aux sociétés assurant en France la production exécutive d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle en application d’un contrat conclu avec une entreprise de production dont le siège est situé hors de France (n’étant donc pas bénéficiaire des aides du CNC) de bénéficier d’un crédit d’IS à hauteur de 30 % des dépenses éligibles, plafonné à 30 millions d’euros. Depuis le 1er janvier 2020, un taux bonifié de 40 % est applicable pour les œuvres de fiction à forts effets visuels dont les dépenses françaises relatives à la fabrication numérique d’effets visuels sont supérieures à 2 millions d’euros.

Le rapporteur a été alerté par certains acteurs sur la possible concurrence du C2I avec le CIA en raison de l’écart de taux. Le CNC indique être attentif quant aux éventuels effets pervers conduisant à privilégier une production exécutive à partir d’une entreprise de production étrangère au détriment d’une entreprise nationale.

d.   Le crédit d’impôt SOFICA

Le dispositif des sociétés d’investissement qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) a été créé en 1985 et vise à soutenir le cinéma indépendant. La LFI 2021 a ouvert la possibilité pour les SOFICA d’investir auprès d’entreprises de distribution, sous la forme de versements en numéraire par contrat d’association à la distribution. L’enveloppe globale d’investissements a été rehaussée de 10 millions d’euros, ce qui explique l’augmentation de la dépense fiscale de 5 millions d’euros en 2022 par rapport à 2021.

e.   Le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV)

Créé en 2008, le CIJV permet aux entreprises de création de jeux vidéo de bénéficier d’un crédit d’impôt à hauteur de 30 % pour les dépenses éligibles, avec un plafond fixé à 6 millions d’euros par an, ce taux et ce plafond ayant été revalorisés en 2017

Bien que le doublement du plafond en 2017 ait permis de faire de la France un des pays les plus compétitifs pour la création et le développement de jeux vidéo (le nombre de jeux vidéo bénéficiant du CIJV étant en augmentation de 46 % par rapport à 2016), le rapporteur s’interroge sur la possibilité d’augmenter ce plafond : quelques jeux présentant des devis de développement se rapprochant de ou dépassant 100 millions d’euros nécessitent une importante main-d’œuvre, une durée de développement rallongée et un niveau de maîtrise technologique élevé (comme le jeu Star Wars Eclipse, développé par le studio indépendant Quantic Dream et agréé en 2021, au budget prévisionnel de 99,5 millions d’euros). Le risque est aujourd’hui de voir ces superproductions se délocaliser dans certains pays fiscalement plus favorables comme le Canada.

3.   France 2030

Le CNC s’est vu déléguer une enveloppe de 350 millions d’euros au titre du plan « France 2030 » dont l’ambition est de doter la France du meilleur des studios de tournage, des studios de production numérique (animation, VFX, jeu vidéo) et de la formation afin de prendre une place de leader mondial de la production. Cette ambition répond ainsi au constat d’un manque d’infrastructures de tournages et d’une insuffisance de main-d’œuvre, déjà ressentie par la filière en raison du surplus d’activité généré par les investissements des plateformes. Cette enveloppe de 350 millions d’euros a vocation à faire levier sur des financements privés et publics afin d’atteindre un niveau d’investissement de 2 milliards d’euros.

Le plan poursuit trois objectifs :

– l’occupation d’une place de leader mondial dans le secteur stratégique de l’image en doublant ce faisant le nombre d’emplois dans la filière de production (de 50 000 à 92 000) ;

– le doublement du nombre annuel de diplômés dans les filières techniques (de 5 700 aujourd’hui à 10 300 diplômés à la fin du plan) ;

– la transformation écologique des filières.

Les premiers appels à projet du programme « Une grande fabrique de l’image » ont été lancés au printemps dernier et la date de dépôt est prévue à fin octobre. Les lauréats devraient être désignés à la fin du premier trimestre 2023. Une dizaine de grands studios de tournage, le redimensionnement de 10 à 20 studios de production numérique et 20 à 30 organismes de formation pourraient ainsi être soutenus dès 2023.

Le rapporteur spécial souligne que les crédits du volet « culture » de France 2030 n’ont pas seulement vocation à alimenter le programme du CNC. Au regard de l’ambition des projets proposés, le rapporteur spécial portera une attention particulière à la déclinaison opérationnelle des investissements réalisés au bénéfice des industries culturelles et créatives (ICC).

Les ambitions de l’objectif « culture » de France 2030

Le volet « culture » de France 2030 mobilise des crédits du programme d’investissements d’avenir (PIA4) à hauteur de 400 millions d’euros autour de trois items, portant l’enveloppe totale en faveur de la culture à près d’un milliard d’euros, dans le but de permettre à la France de « produire les contenus culturels de demain » :

– le financement de nouvelles infrastructures de tournage et de production numérique dans le secteur du cinéma, de l’audiovisuel et du jeu vidéo (voir ci-dessus) pour un montant de 350 millions d’euros ;

– la formation professionnelle aux métiers de l’image et du son (auteurs, techniciens, cadres de production, musique à l’image, ingénieur, webdesigner, codeurs…) ;

– le développement des œuvres et contenus culturels immersifs (s’appuyant sur les technologies de réalité virtuelle, réalité augmentée, videomapping, son binaural, métavers, etc.) pour un montant de 150 millions d’euros.

L’objectif culture de France 2030 est articulé autour de cinq axes : le renforcement de la solidité et de la compétitivité des entreprises (via la consolidation du fonds de prêts pour l’innovation de l’IFCIC et le soutien à la formation), le fait de porter la France au premier rang de la nouvelle économie numérique en matière culturelle, le renforcement de la place des ICC françaises à l’international, l’inscription des ICC dans les nouvelles dynamiques de transformation culturelle, l’accompagnement des ICC pour qu’elles deviennent une filière de référence en matière de responsabilité écologique.

Les ambitions sont grandes : augmentation de 10 % à 20 % du nombre de pépites dans le champ des ICC, augmentation de 30 % des diplômés, passage du poids de la filière de 4,2 milliards d’euros à 7,6 milliards d’euros dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et des jeux vidéo, accompagnement du développement de 10 à 20 innovations de rupture pour les ICC.

Les premiers dispositifs ont été déployés à partir de la fin du premier semestre 2021 et ont permis d’activer en un an (appels à candidatures ouverts) 156 millions d’euros de crédits pour 54 millions d’euros décaissés au bénéfice des 104 lauréats (entreprises culturelles et quelques établissements publics et associations).


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première réunion du 21 octobre 2022, à 9 heures 30, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Médias, livre et industrie culturelles.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est consultable en ligne.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté l’amendement II-CF1001 (amendement II-2647) déposé par le rapporteur spécial, et conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles ainsi modifiés.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Amazon Prime Vidéo *

– Mme Philippine Colrat, responsable des affaires publiques

Netflix France *

– Mme Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles

Syndicat national des radios

– M. Emmanuel Boutterin, président

Confédération nationale des radios associatives

– M. Farid Boulacel, coprésident

– M. Jean-Yves Breteau, coprésident

– M. Jean-Marc Courreges-Cenac, coprésident

Syndicat des musiques actuelles *

– M. Mathieu Dassieu, représentant au conseil professionnel du CNM

Syndicat national de l'édition phonographique *

– M. Bertrand Burgalat, président

– M. Alexandre Lasch, directeur général

– M. Olivier Nusse, vice-président

– Mme Marie-Anne Robert, administratrice

Chambre syndicale de L'édition musicale *

– M. Bruno Lion, vice-président de la CSDEM

– Mme Sophie Waldteufel, déléguée générale de la CSDEM

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique *

– Mme Cécile Rap-Veber, directrice générale-gérante

– M. David El Sayegh, directeur général adjoint

– M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles

Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes

– M. Bruno Boutleux, directeur général-gérant

– M. Benjamin Sauzay, directeur de la stratégie et des relations extérieures

Union nationale des auteurs et compositeurs

– M. Gilles Bressan, délégué général

Société civile des producteurs de phonogrammes en France

– M. Jérôme Roger, directeur général

Union des producteurs phonographiques français indépendants

– Mme Clarisse Arnou, présidente

– M. Guilhem Cottet, directeur général

Société civile des producteurs phonographiques

– M. Marc Guez, directeur général gérant

Syndicat national du spectacle musical et de variété - PRODISS *

– Mme Malika Seguineau, directrice générale

– M. Aurélien Binder, vice-président

Union des producteurs de cinéma *

– Mme Isabelle Madelaine, présidente

– Mme Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale

Fédération nationale des cinémas français *

– M. Erwan Escoubet, Directeur des affaires réglementaires et intentionnelles

Bureau de Liaison des Industries Cinématographiques *

– Mme Hélène Herschel, secrétaire générale

– M. Didier Huck, président de la FICAM

 

 

Société civile des auteurs réalisateurs producteurs

– Mme Lucie Girre, déléguée générale adjointe

– Mme Nathalie Marchak, vice-présidente

Syndicat des producteurs indépendants cinéma

– Mme Marie Masmonteil : co-présidente du BLOC

– Mme Marion Golléty, déléguée cinéma

TF1*

– M. Didier Casas, secrétaire général

– Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures

– M. Clément Schirmann, responsable des affaires publiques

Fédération nationale de la presse d´information spécialisée *

– M. Laurent Bérard-Quélin, président

– Mme Catherine Chagniot, directrice générale

Syndicat des éditeurs de la presse magazine *

– Mme Julie Lorimy, directrice générale

Alliance de la presse d’information générale *

– M. Pierre Petillault, directeur général

Syndicat des radios indépendantes *

– M. Christophe Schalk, président

– M. Kevin Moignoux, secrétaire général

Syndicat de la librairie française

– M. Guillaume Husson, délégué général

Conseil permanent des écrivains (CPE)

– M. Patricle Locmant, directeur général de la Société des Gens de Lettres

– M. Emmanuel de Rengervé, délégué général du Syndicat national des auteurs et compositeurs

 

Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs *

– M. Nicolas Vignolles, directeur général

Syndicat national du jeu vidéo *

– M. Lévan Sardjevéladzé, président

– M. Julien Villedieu, directeur général

Spotify*

– M. Antoine Monin, directeur général de Spotify France et Benelux

– Mme Marine Elgrichi, conseil de Spotify

Deezer

– M. Ludovic Pouilly, responsable des relations institutionnelles

Canal+*

– Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale

– Mme Amélie Meynard, directrice des affaires publiques

France Messagerie

– M. Sandro Martin, directeur général

Centre national du livre

– Mme Régine Hatchondo, présidente

– M. Pascal Perrault, directeur général

– Mme Marlena Mathon, cheffe du département des affaires générales

Youtube France *

– M. Thibault Guiroy, directeur des affaires publiques

– M. Nicolas Fruhinsholz, responsable juridique

– M. Edouard Pierrat, consultant en affaires publiques

Bibliothèque publique d’information

– Mme Christine Carrier, directrice

– Mme Annie Brigant, directrice adjointe

– Mme Isabelle Antoine, secrétaire générale

Bibliothèque nationale de France

– M. Kevin Riffault, directeur général

– Mme Marianne Lucidi, directrice de l'administration et du personnel

– M. Nicolas Feau, conseiller de la présidente

Centre national de la musique

– M. Jean-Philippe Thiellay, président

– M. Romain Laleix, directeur général délégué

– M. Antoine Mouly

Centre national du cinéma

– M. Olivier Henrard, directeur général délégué

– M. Vincent Villette, directeur financier et juridique

Messageries Lyonnaises de Presse

– M. José Ferreira, président

Direction générale des médias et des industries culturelles

– Mme Florence Philbert, directrice générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Plusieurs accords ont été signés :

– entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) en janvier 2021 et renégocié en mars 2022 ;

– entre Facebook et l’APIG en octobre 2021 ;

– quelque 150 accords auraient été conclus entre Google, des quotidiens (Le Monde, Le Figaro, La Croix) et des magazines (L’Obs, Courrier international, Cosmopolitan) ;

– entre le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et Google fin mai 2022.

Les négociations de Google se poursuivent pour conclure des accords-cadres avec la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) et la Fédération française des agences de presse (FFAP) et des accords individuels.

([2]) On notera que des coopérations existent déjà entre les deux entreprises : la création d’un portail filière à destination du marchand de presse pour faciliter la gestion de son offre titres (« assortiment »), la mise en place d’un dispositif d’aide commun pour les dépositaires en 2022, la mise en place d’un cahier des charges commun pour l’ensemble des dépositaires, la mise en place d’un nouveau contrat type pour les diffuseurs de presse, la signature d’un accord filière sur les règles d’assortiment et de plafonnement et un contrat commun pour le recyclage du vieux papier.

([3]) Bofip du 17 mai 2021, disponible à l’adresse suivante : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12866-PGP.html/identifiant=BOI-IR-RICI-390-20210517.

([4]) Cette baisse se justifie par l’inscription dans le PLF 2022 de l’ensemble des autorisations d’engagement nécessaires au relogement de la Bibliothèque publique d’information (Bpi) et au projet de rénovation de ses espaces durant la fermeture du Centre national d’art contemporain Georges Pompidou.

([5]) Étude du CNM – MaMA Festival d’octobre 2022.

([6]) Le rapport de préfiguration d’Émilie Cariou et Pascal Bois remis au Premier ministre en novembre 2018 envisage ainsi une contribution supplémentaire de 3 millions d’euros pour des actions d’EAC. Rapport disponible à l’adresse suivante :               https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/02/rapport_de_pascal_bois_et_emilie_cariou_-_mission_de_prefiguration_du_centre_national_de_la_musique_-_23.01.2019.pdf  

([7]) Cet arrêt du 18 septembre 2020 contraint les organismes de gestion collective européens à reverser les sommes perçues au titre de la rémunération équitable sur les enregistrements fixés hors de l’Union européenne à tous les artistes y compris ceux dont les phonogrammes proviennent de pays qui n’ont pas signé les traités internationaux prévoyant la rémunération équitable ou qui, à l’instar des États-Unis, ont signé ces traités en émettant des réserves prévoyant qu’ils ne verseront pas cette rémunération pour les phonogrammes européens.

([8]) Le rapporteur spécial constate également que des informations différentes ont été communiquées par les différents acteurs quant aux genres musicaux et à la nationalité des ayants droit qui devraient supporter, le cas échéant, l’instauration d’une taxe sur le streaming : les acteurs favorables à la taxe indiquent que la création française serait mise à contribution de façon très mesurée tandis que les opposants à la taxe ont pu craindre qu’elle affecte particulièrement la création française, spécifiquement la musique urbaine.

([9]) Étude disponible à l’adresse suivante : https://www.cnc.fr/documents/36995/1617915/Etude+-+Pourquoi+les+Fran%C3%A7ais+vont+ils+moins+souvent+au+cin%C3%A9ma.pdf/a50360fb-ac02-b86b-74c6-75fab3433af7?t=1653296035510

([10]) La TST-D est une taxe assise sur les abonnements et autres sommes acquittées par les usagers en rémunération de services de télévision (après un abattement de 10 %) ou d’accès internet lorsque l’abonnement permet de recevoir des services de télévision (après un abattement de 66 %).