N° 292

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 8
 

 

cohésion des territoires :

logement et hébergement

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. François Jolivet

 

Député

____



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. le programme 177 : l’ambition réaffirmée du service public de la rue au logement

A. Un parc d’hébergement généraliste sous tension

1. Le nouveau mode de pilotage des places d’hébergement d’urgence fait ses preuves

2. Des tensions sur le parc d’hébergement pourraient justifier le maintien de places existantes

B. La poursuite du plan « logement d’abord » : la priorité des priorités

1. Un bilan positif qui doit être poursuivi

2. La création de nouvelles places en 2023

C. Des enjeux importants à venir en 2023

1. Un pilotage de la demande d’hébergement à renforcer

2. L’indispensable soutien aux opérateurs de l’hébergement et du logement adapté face à la hausse des prix de l’énergie

3. La question de l’attractivité des métiers

II. le programme 109 Aide à l’accès au logement : une augmentation modérée des dépenses relatives aux aides au logement et une action des caisses d’allocations familiales (caf) à renforcer.

A. Une augmentation mesurée du montant des aides personnelles au logement

1. La contribution de l’État augmente en 2023 pour compenser la hausse spontanée des aides personnelles au logement

2. Le bilan de la réforme de la contemporanéisation des aides

B. le rôle crucial des cnaf dans le versement des apl

1. Des difficultés encore significatives rencontrées par les caisses d’allocations familiales dans le versement des aides

2. Un rôle à jouer dans la lutte contre les fraudes

III. le programme 135 urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat : un budget marqué par la priorité donnée à la rénovation des logements

A. Le double enjeu de la construction et de la rénovation thermique pour le secteur HLM

1. Le secteur du logement social a des enjeux majeurs à affronter dans un contexte qui se dégrade

a. L’enjeu de la construction

b. L’enjeu de la rénovation thermique

c. La hausse des coûts de l’énergie prise en compte par les pouvoirs publics

2. L’enquête livraison de la DHUP

3. La contribution au FNAP imposée à Action Logement en 2023 ne paraît pas pertinente

a. Les recettes du FNAP

b. Une reconduction non concertée du financement du FNAP par Action Logement injustifiée et peu respectueuse du paritarisme

B. La rénovation thermique des logements : des moyens budgétaires à la hauteur des objectifs

1. Des moyens à la hauteur des ambitions concernant la rénovation thermique des logements

2. La réponse à apporter aux enjeux de la rénovation thermique ne pourra pas être que budgétaire

a. Quelle contrepartie à l’interdiction de location des passoires thermiques ?

b. L’indispensable accompagnement des particuliers

C. un système fiscal à repenser

1. Une réflexion à conduire sur le remplacement du dispositif « Pinel » et les autres dispositifs incitant l’investissement locatif.

2. La refonte nécessaire du zonage

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 94 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


—  1  —

  
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Le budget des programmes 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, 109 Aide à l’accès au logement et 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat atteint dans le PLF 2023 16,93 milliards d’euros en AE = CP soit une hausse respectivement de 3,3 % et 4 % par rapport à la LFI 2022 : les crédits proposés sont à la hauteur des enjeux et des besoins.

Les réponses à apporter aux enjeux du logement (construction, rénovation) et de l’hébergement (création de nouvelles places) ne sont cependant pas uniquement d’ordre budgétaire :

 la politique du logement et de l’hébergement est aujourd’hui éclatée entre de multiples acteurs au sein de l’État. En outre, les collectivités territoriales, sont les principaux acteurs de la construction. Face à ce constat, le rapporteur estime que les compétences du logement et de l’hébergement doivent être transférées aux collectivités territoriales ;

 la fiscalité du logement est à revoir dans son ensemble et une réflexion doit être menée sur la création d’un véritable statut du propriétaire bailleur ;

 l’accélération de la rénovation thermique des logements de particuliers ne sera possible qu’avec la mise en place au niveau local d’un accompagnement renforcé des propriétaires (occupants ou bailleurs) et la structuration des filières professionnelles.

Concernant le programme 177

La création de nouvelles places de logement adapté prévue dans le PLF 2023 (2 000 nouvelles places de pensions de famille et 8 000 places prévues au titre de l’intermédiation locative) souligne la priorité donnée au programme « Logement d’abord ». Les tensions s’exerçant sur l’hébergement d’urgence pourraient cependant conduire à maintenir un niveau plus élevé de places que celui prévu par le PLF (186 000 places à la fin de l’année 2023).

Concernant le programme 109

Alors que les allocataires des aides personnelles au logement ont bénéficié d’une révision anticipée au 1er juillet 2022 du barème des aides conjuguée à un plafonnement de l’évolution des loyers, la priorité de l’année 2023, qui ne dépend pas du programme 109, doit être donnée à la résorption des dossiers en difficulté par les caisses d’allocations familiales (CAF) et au renforcement de leur activité de lutte contre les fraudes et les logements insalubres.

Concernant le programme 135

Alors que le ciel de la construction s’assombrit (augmentation du taux de livret A, augmentation importante des coûts de construction, etc.) l’objectif des prochaines années sera de maintenir plus de 100 000 constructions de logements sociaux neufs chaque année tout en accompagnant les bailleurs dans leurs opérations de rénovation. L’aide fléchée de 200 millions d’euros en provenance du Fonds nationale des aides à la pierre (FNAP) y contribuera en 2023. Par ailleurs, la très forte augmentation des moyens de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) permettra de répondre aux besoins des différents dispositifs pour les propriétaires et les copropriétés.


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

évolution des crédits entre la lfi 2022 et le plf 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

Programme 177
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

2 785,8

2 755,7

– 1,1 %

2 677,5

2 780,4

+ 3,8 %

Programme 109
Aide à l’accès au logement

13 079,4

13 371,3

+ 2,2 %

13 079,4

13 371,3

+ 2,2 %

Programme 135
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

529,5

803,1

+ 51,7 %

529,5

780,8

+ 47,5 %

Total

16 394,7

16 930,1

+ 3,3 %

16 286,4

16 932,5

+ 4,0 %

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

répartition des logements par statut et par année d’agrément (pour les logements agréés de 2012 à 2018) à la fin de l’année 2021

(en pourcentage)

Source : Enquête auprès des bailleurs sociaux sur la livraison des opérations agréées de logements locatifs sociaux (LLS) en métropole réalisée par la DHUP entre octobre 2021 et janvier 2022.

 

engagements de l’anah de 2006 à 2021

(en millions d’euros)

Source : DHUP.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Le budget du logement et de l’hébergement examiné chaque année dans le PLF ne concerne pas l’acteur majeur de la construction : les collectivités territoriales. L’ensemble des documents programmatiques (plan local de l’habitat, plan local d’urbanisme communal ou intercommunal, schéma de cohérence territorial) sont aujourd’hui conçus par les communes ou les intercommunalités. Ce sont également elles qui instruisent et signent les permis de construire. Enfin, dans de nombreux territoires, les aides à la pierre ont été déléguées aux intercommunalités ou aux départements : depuis 2007, les sommes engagées au titre du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) pour le développement de l’offre de logement locatif social par les territoires délégués sont supérieures à celles engagées hors territoires de délégation. Quant à l’hébergement, les appels à projet lancés par l’État sont souvent confrontés à un manque d’entrain des exécutifs locaux, ce qui peut expliquer par exemple la lenteur du déploiement des nouvelles places de pensions de famille.

L’État endosse la responsabilité d’une politique qu’il ne maîtrise plus. Il faut en tirer les conséquences : le rapporteur spécial souhaite que les compétences du logement et de l’hébergement soient transférées aux collectivités territoriales. Cela est d’autant plus nécessaire que les compétences à la main de l’État sont aujourd’hui éclatées entre de nombreuses administrations : gestion des aides personnelles au logement par les caisses d’allocations familiales qui dépendent du ministère des solidarités et de la santé, pilotage des agréments par le ministère en charge du logement ou confiées aux collectivités territoriales ; soutien à la rénovation par l’Agence nationale de l’habitat ; incitations fiscales évaluées et contrôlées par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; chèque énergie calibré par le ministère de la transition écologique ; hébergement d’urgence et service public de la rue au logement opéré par la Direction interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. S’il est une compétence que l’État doit en revanche conserver, c’est la gestion des aides personnelles au logement, qui relèvent de la solidarité nationale. Il doit à ce titre développer des services spécialisés contre la fraude.

En dehors de ces remarques préliminaires fondamentales, le budget proposé dans le PLF 2023 pour les trois des six programmes de la mission Cohésion des territoires couverts par le rapport Logement et hébergement est un budget équilibré. Les trois programmes couverts par le rapport sont les suivants :

– le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables qui porte les crédits de la veille sociale, des places d’hébergement d’urgence et des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les places ouvertes au titre du logement adapté, du soutien aux associations têtes de réseau et des systèmes d’information SI-SIAO et SI-ENC ;

– le programme 109 Aide à l’accès au logement qui porte la participation de l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) ainsi que le financement des associations d’information sur le logement au niveau national et départemental (ANIL et ADIL) ;

– le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat qui bénéficie par voie de fonds de concours des crédits du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), de la subvention à l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés et de la compensation budgétaire des effets de la réforme de la fiscalité locale pour les établissements publics fonciers (EPF et EPFA).

évolution des crédits entre la lfi 2022 et le plf 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

Programme 177
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

2 785,8

2 755,7

– 1,1 %

2 677,5

2 780,4

+ 3,8 %

Programme 109
Aide à l’accès au logement

13 079,4

13 371,3

+ 2,2 %

13 079,4

13 371,3

+ 2,2 %

Programme 135
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

529,5

803,1

+ 51,7 %

529,5

780,8

+ 47,5 %

Total

16 394,7

16 930,1

+ 3,3%

16 286,4

16 932,5

+ 4,0 %

Source : projet annuel de performances.

La dotation allouée à ces trois programmes atteint dans le PLF 2023 16 930,1 millions d’euros en AE et 16 932,5 millions d’euros en CP. La hausse constatée par rapport à la LFI 2022 (+ 3,3 % en AE et + 4 % en CP) s’explique notamment par l’investissement sans précédent dans la rénovation thermique des logements via la subvention de l’ANAH (+ 200 millions d’euros).

Le projet annuel de performances prévoit des dépenses fiscales à hauteur de 14 878 millions d’euros, soit un niveau très proche de l’estimation pour 2022.

I.   le programme 177 : l’ambition réaffirmée du service public de la rue au logement

2 780 millions d’euros en AE et 2 756 millions d’euros en CP sont prévus au titre du programme 177 dans le PLF 2023 soit une augmentation de 103 millions d’euros en CP.

Les crédits de l’action 11 – Prévention de l’exclusion – sont stables à hauteur de 31,8 millions d’euros. Ces crédits permettent de financer l’allocation de logement temporaire (ALT2) au bénéfice des gestionnaires des aires d’accueil des gens du voyage, des actions en faveur de la résorption des bidonvilles et des actions de prévention des expulsions locatives. Les crédits de l’action 14 – Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale – diminuent légèrement (8,4 millions d’euros en AE = CP dans le PLF 2023 contre 9,1 millions d’euros en LFI 2022). Ils servent au financement des systèmes d’information SI-ENC et SI-SIAO ainsi qu’au soutien des associations têtes de réseaux intervenant dans le secteur AHI (accueil-hébergement-insertion).

Plus de 98 % des crédits du programme sont portés par l’action 12 – Hébergement et logement adapté – qui finance les dispositifs de veille sociale, le parc d’hébergement généraliste et les dispositifs de logement adaptés développés dans le cadre du plan « Logement d’abord ». Une hausse de 3,9 % des crédits de paiement de l’action 12 est prévue pour 2023. La hausse de plus de 100 millions d’euros des crédits de l’hébergement d’urgence et du logement adapté est absorbée en 2023 par la compensation de la revalorisation du Ségur, qui représente un coût de 148 millions d’euros pour 27 500 ETP concernés dans le secteur de la veille sociale, de l’hébergement généraliste et du logement adapté.

A.   Un parc d’hébergement généraliste sous tension

Après avoir maintenu le parc d’hébergement d’urgence à un niveau historiquement haut de 200 000 places jusqu’à fin mars 2022 (les capacités d’accueil et d’hébergement étaient de 150 000 places au 3 juin 2019), le PLF 2023 prévoit la poursuite en 2023 de la décrue très lente amorcée en 2022 : de 193 000 places prévues en fin d’année 2022 à 186 000 places prévues en fin d’année 2023 incluant 1 000 places supplémentaires réservées aux femmes victimes de violence (4 870 places dédiées devaient être ouvertes en 2022).

1 993 millions d’euros en CP sont prévus pour financer le parc d’hébergement généraliste. La baisse du nombre de places devrait s’accompagner d’une transformation progressive du parc avec, d’un côté la réduction prioritaire des nuitées hôtelières qui constituent le mode d’hébergement le moins satisfaisant, et de l’autre la transformation qualitative des places d’hébergement déclarées (HU) en places autorisées.

Ce financement se répartit entre deux types de financement : 1 247 millions d’euros en AE et 1 272 millions d’euros en CP sont prévus dans le PLF 2023 au titre de l’hébergement d’urgence (nuitées hôtelières, centre d’hébergement d’urgence et places d’hébergement de stabilisation et d’insertion, places temporaires hivernales) auxquels s’ajoutent 722 millions d’euros pour les centres d’hébergement et de réinsertion.

Évolution du nombre de places hôtel en stock
de juin 2021 à juin 2022

Source : DIHAL.

Pour les places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), l’augmentation de 60,3 millions d’euros par rapport à la LFI 2022 permet de compenser la revalorisation au titre du Ségur, à hauteur de 37,5 millions d’euros, et d’ouvrir les crédits nécessaires à la transformation des places du parc CHRS qui devrait atteindre 49 000 places au 31 décembre 2022.

Évolution du nombre de places chrs en stock
de juin 2021 à juin 2022

Source : DIHAL.

1.   Le nouveau mode de pilotage des places d’hébergement d’urgence fait ses preuves

En rupture avec la « gestion au thermomètre » des dernières années (c’est-à-dire à l’ouverture de places hivernales temporaires, fermées une fois la trêve hivernale terminée, qui supposent des financements complémentaires en fin d’année) le nouveau mode de pilotage repose sur la sortie d’une gestion dans l’urgence pour adopter une gestion fondée sur la maîtrise opérationnelle et budgétaire.

Un dialogue resserré – deux dialogues de gestion par an et des échanges réguliers mensuels entre la DIHAL et ses responsables des budgets opérationnels de programme (DREETS/DEETS) – permet de garantir un fonctionnement en enveloppe fermée. En 2022 comme en 2021, aucun report de charge ne devrait être constaté. Comme l’année dernière, la période hivernale 2022-2023 ne devrait donc pas donner lieu à l’ouverture de places « hiver ». Seules des places exceptionnelles dites « places bâtimentaires » (gymnases, casernes, etc.) pourront être ouvertes temporairement sur décision des préfets en cas d’épisode climatique sévère.

Le travail d’objectivation des coûts de l’hébergement engagé avec les services déconcentrés pour améliorer le suivi des dépenses engagées doit encore être poursuivi. La réforme en cours poursuit le triple objectif de construire un nouveau modèle tarifaire plus juste, valorisant la qualité et l’adéquation aux besoins de l’accompagnement social délivré, de renforcer et simplifier le pilotage stratégique du parc, notamment dans le cadre des négociations budgétaires, et de donner de plus grandes marges de manœuvre aux gestionnaires dans l’emploi des financements alloués afin de favoriser des projets ambitieux et pérennes.

2.   Des tensions sur le parc d’hébergement pourraient justifier le maintien de places existantes

Malgré l’effort financier qui a été réalisé ces dernières années et la hausse substantielle des capacités d’accueil pérennes en résultant (hausse globale de 181 % des capacités d’hébergement entre décembre 2013 et juin 2021), les dispositifs d’hébergement continuent à être fortement sollicités, mettant sous tension les opérateurs de l’hébergement généraliste. En région parisienne, les évacuations régulières de campements avec des publics exposés (femmes enceintes, jeunes nourrissons) n’ont pas cessé. Les problématiques de santé mentale et d’addiction deviendraient également de plus en plus prégnantes. Au regard des mouvants migratoires récents, un déport inévitable sur l’hébergement généraliste est attendu ces prochains mois, alors que la situation hôtelière risque de se tendre en Île-de-France avec la tenue prochaine des Jeux Olympiques à l’été 2024.

Dans ce contexte, il pourrait être souhaitable de maintenir des places supplémentaires pour faire face aux défis. Ainsi, dans le texte sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur la seconde partie et l’ensemble du projet de loi, une enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros est ouverte afin de maintenir à 197 000 places le parc d’hébergement (contre 186 000 places initialement prévues dans le PLF).

Cet abondement bienvenu, que le rapporteur spécial salue, ne doit pas empêcher d’accentuer les efforts du programme « Logement d’abord » qui doit demeurer la priorité de l’action publique. Concernant l’hébergement, le rapporteur spécial entend par ailleurs les discours des opérateurs de l’hébergement qui soulignent que l’enjeu n’est pas toujours celui du nombre de places ouvertes que celui du nécessaire renforcement de l’accompagnement médico-social (infirmiers, psychologues) des personnes accueillies : la non-prise en charge des pathologies (addiction, troubles psychiques) ralentit aujourd’hui fortement le parcours des personnes accueillies et leur sortie du système d’hébergement.

B.   La poursuite du plan « logement d’abord » : la priorité des priorités

La politique publique de lutte contre le sans-abrisme conduite par l’État a fait l’objet depuis 2017 d’une refonte structurelle majeure avec la mise en œuvre de la stratégie « Logement d’abord ». Il se décline en plusieurs axes :

– l’accès direct des personnes sans domicile à un logement ;

– l’ouverture de nouvelles places de logement adapté ;

– la mise en œuvre d’expérimentations spécifiques d’accélération du plan « Logement d’abord » dans 45 territoires ;

– la mise en œuvre du programme « Un chez soi d’abord » qui propose un accès direct au logement à des personnes sans abri qui souffrent de troubles psychiques sévères, d’addictions, de difficultés majeures d’insertion avec un accompagnement pluridisciplinaire (social, santé, logement, etc.).

1.   Un bilan positif qui doit être poursuivi

En quatre ans et demi, le rapporteur souligne les résultats positifs enregistrés, même si beaucoup reste encore à faire :

– 390 000 personnes sans domicile ont accédé au logement, dont 260 000 au logement social (+ 30 % par rapport au quinquennat précédent). À la fin de l’année 2022, ce sont donc plus de 400 000 personnes qui auront accédé au logement depuis la rue ou l’hébergement depuis septembre 2017 ;

– concernant les places de logement adapté, les objectifs opérationnels fixés par le plan 2017-2022 étaient la création de 40 000 places en intermédiation locative et de 10 000 places en pensions de famille. Au 1er septembre 2022, 37 600 places d’intermédiation locative avaient été créées pour 6 400 places en pensions de famille. Concernant les places en pensions de famille, le responsable de programme rappelle qu’en 2020, la crise sanitaire a provoqué l’arrêt de nombreux chantiers et des retards importants dans les livraisons des opérations. Les élections municipales de 2020 ont également stoppé ou freiné certains projets. Les opérations souffrent des difficultés auxquelles est aujourd’hui confronté l’ensemble du secteur du bâtiment. En outre, au regard des fortes réticences des élus locaux sur les projets de pension de famille, les efforts de pédagogie doivent encore être répétés et accentués ;

– concernant les 45 territoires bénéficiant d’une mise en œuvre accélérée du plan « Logement d’abord » dans le cadre duquel l’État et les collectivités s’engagent autour de plans d’actions communs pour réduire le sans-abrisme, de nombreuses réussites sont enregistrées.

Un exemple d’expérimentation : les « 30 logements d’abord » de la métropole
de Bordeaux et le conseil départemental de Gironde

Lancée conjointement par Bordeaux Métropole et le conseil départemental de la Gironde, l’expérimentation « 30 Logements d’abord » vise l’accès au logement social des ménages sans-domicile, notamment par le biais de la mise en place d’un accompagnement social adapté. Fort de l’octroi d’une garantie du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) majorée pour ces 30 ménages afin de leur offrir un accompagnement complet et individualisé, l’Union régionale HLM Nouvelle Aquitaine a accepté de mettre à disposition les 30 logements. La moitié des 30 ménages bénéficiaires était sans-abri ou en habitat de fortune tandis que l’autre moitié se trouvait en situation de précarité au regard du logement (hébergement en structure, chez des tiers, etc.).

Dans le cadre de l’appel à manifestation « Logement d’abord », Bordeaux Métropole et le conseil départemental de la Gironde ont reçu 68 600 euros pour l’ensemble de la période 2018-2020, complétés par 34 300 euros de la métropole et 34 300 euros du conseil départemental. Ainsi, au total ce sont 137 200 euros qui ont été mobilisés pour l’expérimentation. Au terme de son premier retour sur expérience, le coût annuel du dispositif par ménage accompagné a été évalué entre 5 000 euros et 6 942 euros, selon l’intensité de l’accompagnement proposé et le degré de coordination nécessaire entre partenaires.

Source : DIHAL.

2.   La création de nouvelles places en 2023

556,5 millions d’euros en AE = CP sont prévus dans le PLF 2023 contre 467,9 millions d’euros dans le PLF 2022, soit une hausse de près de 19 % des crédits. Cette forte augmentation doit permettre :

– la prise en compte du « Ségur social », qui a conduit à revaloriser le forfait journalier des pensions de famille de 18 euros par jour à 19,50 euros par jour ;

– la création de nouvelles places : 8 000 nouvelles places d’intermédiation locative et 2 000 nouvelles places de pension famille.

Il est à noter que les dispositifs de logement adaptés ne se résument pas aux pensions de famille et aux places d’intermédiations locatives : l’État soutient également les gestionnaires de résidences sociales (budget maintenu à 26 millions d’euros pour favoriser les actions de transformation des foyers de jeunes travailleurs – FJT – ou de travailleurs migrants – FTM), les organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées qui ne peuvent être hébergées en CHRS (80,2 millions d’euros prévus en 2023 pour financer en année pleine les 1 000 places supplémentaires créées en 2022) et certaines actions de soutien à l’installation.

C.   Des enjeux importants à venir en 2023

L’année 2022 a été marquée par l’accueil des réfugiés ukrainiens pour lequel une enveloppe exceptionnelle de 100 millions d’euros a été ouverte par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance sur le programme 177. La DIHAL a œuvré à faciliter l’accès à un logement autonome (intermédiation locative dans le parc social ou privé et mise à disposition de logements à titre gracieux par les collectivités territoriales et les particuliers). Début septembre 2022, 5 700 logements étaient mobilisés pour environ 18 000 déplacés ukrainiens, dont 40 % étaient logées au sein du parc social et 60 % dans le parc privé. Pour les déplacés qui ne pouvaient pas bénéficier d’un logement propre, 14 000 étaient en hébergement citoyen reconnu par l’État et 16 000 en hébergement collectif. Le rapporteur spécial souhaite que l’année 2023 soit l’occasion de renforcer le pilotage de la demande d’hébergement, déjà sensiblement amélioré, tout en souhaitant qu’une attention particulière soit portée à la hausse des coûts de l’énergie pour les structures de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion.

1.   Un pilotage de la demande d’hébergement à renforcer

Le rapporteur spécial rappelle la nécessité de disposer d’un pilotage de la demande d’hébergement aussi rigoureux que celui de la demande de logement social (SNE). Des progrès importants, qu’il convient de saluer, ont déjà été réalisés par la DIHAL, grâce à une amélioration de l’outil informatique de gestion de la demande (SI-SIAO).

Le SI-SIAO, issu de la fusion de deux logiciels (115 et ‘Insertion’) assure aujourd’hui le recensement des demandes et des places, ainsi que l’orientation des ménages. Le projet numérique a été repris par la DIHAL au 1er avril 2021 avec la création du service public de la rue au logement : elle souhaite opérer un pilotage renforcé et mettre en place une feuille de route associant résorption des anomalies et chantiers d’évolutions profondes.

Une première étape de refonte importante a été franchie le 5 octobre 2022 avec la revue approfondie de la gestion des ménages bénéficiaires, qui se poursuivra jusqu’à début 2023 : simplification et amélioration de l’expérience utilisateurs, traçabilité des actions réalisées, valorisation de l’évaluation sociale dans le parcours des ménages, minimisation des données collectées. Cette première révision massive ouvre la voie à d’autres chantiers majeurs : amélioration du référentiel de l’offre d’hébergement/logement et d’accompagnement social, simplification et outillage des processus de demandes et de prise en charge, développement de projets d’interconnexion.

Les extractions de données brutes sur les demandes restent aujourd’hui le moyen de mesurer la tension de la demande sur l’offre. Tous les chantiers de refonte progressive du SI SIAO comportent un volet d’harmonisation des pratiques et d’amélioration qualitative des données. L’un des objectifs de la refonte du SI SIAO, sous-tendue par la réforme des SIAO, est de doter l’ensemble des acteurs du secteur d’indicateurs fiables et d’outils de mesure de la performance du secteur.

2.   L’indispensable soutien aux opérateurs de l’hébergement et du logement adapté face à la hausse des prix de l’énergie

La hausse des coûts de l’énergie frappe les structures de l’hébergement et du logement adapté comme l’ensemble des acteurs du monde socio-économique et les prévisions pour 2023 sont alarmantes.

augmentation anticipée des coûts de l’énergie du groupe aurore
sans bouclier tarifaire

Source : Aurore.

L’extension du bouclier tarifaire sur le gaz au secteur de l’AHI (accueil, hébergement et insertion) en 2022 a constitué une excellente nouvelle. Le rapporteur salue la prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz au-delà du 31 décembre 2022, avec une hausse limitée à 15 %. Cela constitue une excellente nouvelle même si les opérateurs expriment le souhait que soit simplifié le cadre du bouclier tarifaire et qu’il puisse bien bénéficier aux gestionnaires opérant des places d’hébergement ou des logements « en diffus » ainsi qu’aux accueils de jour.

La question se pose aujourd’hui du soutien de l’ensemble des structures face à l’augmentation du coût de l’électricité. Si de nombreux gestionnaires bénéficient déjà du bouclier tarifaire électricité, d’autres, notamment dans le logement adapté, n’en bénéficient pas. Le rapporteur spécial rappelle cependant que pour les locataires de structures dans lesquelles les charges d’énergie sont entièrement collectives et intégrées à la dépense de logement, le bénéficiaire du chèque énergie peut utiliser son chèque en paiement de la redevance due au gestionnaire du foyer.

3.   La question de l’attractivité des métiers

Le rapporteur spécial salue l’extension du « Ségur » aux acteurs des métiers de l’accompagnement social et médico-social si fondamentaux pour notre société.

La revalorisation prend la forme d’une augmentation des rémunérations (à compter du 1er avril 2022) des personnels concernés (professionnels socio-éducatifs des structures éligibles ([1])) à hauteur de 183 euros nets mensuels. Pour le secteur privé non lucratif, le coût moyen pour l’employeur de cette revalorisation a été estimé à 5 270 euros par an par ETP (traitement + cotisations patronales + impact moyen de la baisse d’allègement de charges).

La DIHAL devrait supporter cette revalorisation pour 27 500 ETP dans les structures de veille sociale (accueils de jour, maraudes), d’hébergement (HU, CHRS), de logement adapté (intermédiation locative, pensions de famille, RS, foyers de jeunes travailleurs, etc.) et d’accompagnement social des personnes sans domicile.

Cette revalorisation ne règle pas toutes les difficultés. Les opérateurs continuent à rencontrer des difficultés majeures de recrutement aussi bien concernant les métiers de l’accompagnement social et médical que pour les fonctions support (juristes, comptables, gestionnaires de paie, etc.) qui ne bénéficient pas de cette revalorisation. Une association comme Aurore compte 15 % de postes vacants, ce qui oblige à fonctionner de manière « dégradée » (réduction des horaires, limitation des services rendus). Par ailleurs, il faut noter que les employés des SIAO et de la veille téléphonique n’ont pas pu bénéficier de la revalorisation du Ségur.

II.   le programme 109 Aide à l’accès au logement : une augmentation modérée des dépenses relatives aux aides au logement et une action des caisses d’allocations familiales (caf) à renforcer.

Le programme 109 est composé de deux actions :

– l’action 01 – Aides personnelles – qui porte la contribution budgétaire de l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) soit 13 362 millions d’euros en 2023 (contre 13 070 millions d’euros en 2022) ;

– l’action 02 – Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté – qui porte la subvention perçue par chaque agence départementale d’information sur le logement (ADIL) et l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL). Ce soutien de l’État est stable en 2023 (9,3 millions d’euros contre 9,4 millions d’euros en 2022).

A.   Une augmentation mesurée du montant des aides personnelles au logement

La hausse des dépenses liées aux aides personnelles au logement devrait être contenue en 2023 au regard du contexte macro-économique et de la revalorisation du barème anticipée au 1er juillet 2022.

1.   La contribution de l’État augmente en 2023 pour compenser la hausse spontanée des aides personnelles au logement

Le FNAL assure depuis 2016 le financement des différentes aides personnelles au logement : l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement à caractère social (ALS), l’allocation de logement à caractère familial (ALF), la prime de déménagement (pour les bénéficiaires de l’APL ou de l’ALF). Le nombre de bénéficiaires des aides personnelles au logement était de 6,034 millions en 2021, en retrait par rapport à 2020 (6,309 millions de bénéficiaires).

Les prévisions concernant le montant des aides personnelles au logement à verser l’année suivante sont toujours complexes et dépendent beaucoup de la situation macro-économique.

évolution prévue des charges et des recettes du fnal entre 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

2022

2023

Charges du FNAL

15 876

16 315

Prestations APL

6 925

7 227

Prestations ALS

5 121

5 190

Prestations ALF

3 519

3 578

Frais de gestion

311

320

Ressources du FNAL

15 876

16 315

Contribution employeurs

2 740

2 887

Taxe sur les bureaux

66

66

Contribution État

13 070

13 362

Source : Documents budgétaires.

Les dépenses du FNAL sont estimées à 16 315 millions d’euros (+ 484 millions d’euros par rapport à la LFI 2022, soit une augmentation d’environ 3,1 %). La décomposition de l’évolution des dépenses est liée à l’évolution du tendanciel (évolution naturelle et revalorisations) et aux paramètres macroéconomiques :

– la revalorisation des paramètres du barème induit une hausse du tendanciel de dépense de 661 millions d’euros en 2023 :

● + 224 millions d’euros au titre de la revalorisation à hauteur de 4 % de l’abattement forfaitaire en locatif ordinaire dit « R0 » ;

● – 119 millions d’euros au titre de la revalorisation à 3,5 % du montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants ;

● + 556 millions d’euros au titre la revalorisation des différents paramètres de dépenses de logement à 3,5 % (loyer éligible, forfait charges) ;

Les règles de calcul des aides personnelles au logement ([2])

Les règles de calcul des aides personnelles au logement peuvent être formalisées de la manière suivante.

APL versée = L + C – P0 + Tp * (R – R0) – 5

L désigne le loyer éligible, correspondant au loyer principal pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté en fonction de la zone géographique et de la composition familiale, à partir duquel il y a dégressivité puis annulation des APL. Cela signifie concrètement que si le loyer réel de l’allocataire est supérieur au loyer plafond, le montant retenu pour le calcul est celui du plafond pertinent.

C désigne le montant des charges forfaitaires, dit « forfait charges », qui dépend de la composition du foyer.

P0 désigne la participation minimale du ménage, calculée selon des modalités précisées par arrêté et qui ne peut être inférieure à un montant minimal défini par arrêté.

R représente les ressources du ménage, arrondies à la centaine d’euros supérieure. Pour les étudiants et depuis la réforme du versement contemporain des aides, R est remplacé par une constante dite montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants.

R0 est un abattement forfaitaire appliqué aux ressources du ménage, son montant étant donc déduit de celui des ressources du bénéficiaire.

Tp représente le taux de prise en compte des ressources du ménage, calculé en fonction de la composition du foyer, du loyer éligible L et d’un loyer de référence

Depuis 2017, le montant total obtenu est minoré de 5 euros.

L’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a anticipé la revalorisation des variables L et C au 1er juillet 2022 (au lieu du 1er octobre) à 3,5 %, soit le niveau du plafonnement de l’indice de référence des loyers (IRL) à compter du troisième trimestre 2022 (et pour un an), proche du niveau de l’IRL calculé par l’INSEE pour le deuxième trimestre de 2022 (3,6 %). L’abattement R0 et le montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants ont été revalorisés par anticipation au 1er juillet 2022 (au lieu du 1er janvier 2023) à hauteur respectivement de 4 % et 3,5 % par le décret n° 2022-1096 du 29 juillet 2022 relatif au calcul des aides personnelles au logement. L’abattement R0 devrait être revalorisé au 1er janvier 2023, le coefficient de revalorisation (à savoir l’indice des prix à la consommation hors taxes n-1) étant de 4,3 % au 14 octobre 2022 soit un niveau supérieur à celui appliqué le 1er juillet 2022.

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires et l’avis fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat de juillet 2022.

– l’actualisation des paramètres macro-économiques tel que le chômage entraînerait une baisse du tendanciel 2023 de 177 millions d’euros. En cas de dégradation de la conjoncture économique, cette prévision serait caduque et les dépenses au titre des aides personnelles au logement pourraient être sensiblement supérieures.

Le tendanciel de dépenses 2023 intègre différentes mesures qui étaient déjà intégrées en LFI 2022 : la réduction de loyer de solidarité dont le montant est fixé à 1,3 milliard d’euros, le barème encadrant le partage des aides personnelles au logement en cas de résidence alternée des enfants (+ 22 millions d’euros), l’entrée en vigueur du barème APL pour les logements-foyers en outre-mer (+ 2,5 millions d’euros). Concernant les recettes, au regard de la situation macro-économique (inflation, niveau de chômage), les cotisations employeurs devraient augmenter de 192 millions d’euros (soit une hausse de 7 %) en 2023.

In fine, la subvention d’équilibre versée par le Gouvernement doit atteindre en 2023, 13 302 millions d’euros, contre 13 070 millions d’euros en 2022.

2.   Le bilan de la réforme de la contemporanéisation des aides

La contemporanéisation, ou réforme de l’APL en « temps réel », est effective depuis le 1er janvier 2021 (depuis le 1er mai 2021 pour l’aide personnalisée à l’accession à la propriété). Elle conduit à calculer tous les trimestres les droits aux prestations sur les ressources des douze derniers mois glissants, au lieu de les calculer chaque année sur les revenus de l’année n‑2.

Dans son rapport pour le PLF 2022, le rapporteur spécial avait déjà eu l’occasion de rendre compte de l’étude réalisée par la CNAF en montrant que le montant d’économies généré, de 1,1 milliard d’euros au 1er janvier 2021, traduisait des effets redistributifs significatifs avec 25 % d’allocataires bénéficiant d’une variation positive de leur droit grâce à cette réforme contre 37 % d’allocataires subissant une variation négative.

Variations moyennes des APL liées à la réforme au 1er janvier 2021

 

Nombre de foyers

%

Variation moyenne d’APL

Total allocataires

5 975 000

100 %

 12,8 

Allocataires avec une variation positive de leur droit (> 2 €)

dont bénéficiaires d’APL sans réforme

dont nouveaux bénéficiaires d’APL grâce à la réforme

1 087 000

972 000

115 000

18,2 %

16,3 %

1,9 %

49 

41 €

112 €

Allocataires sans variation de droit (+/- 2 €)

3 119 000

52,2 %

-

Allocataires avec une variation négative de leur droit (<  - 2 €)

dont conservant leur droit aux APL

dont perdant leur droit aux APL

1 769 000

1 375 000

394 000

29,6 %

23,0 %

6,6 %

 73 

– 58 €

– 126 €

Source : CNAF.

Ce premier bilan a été complété à l’été 2022 par une actualisation, par la CNAF, du bilan économique et social de la mise en œuvre de l’APL « en temps réel ». L’année 2021 ayant été marquée par un rebond conjoncturel et les effets des mesures de soutien aux ressources des ménages, à l’économie et à l’emploi mises en place par les pouvoirs publics en 2020 et 2021, la réforme a donné lieu à des économies accrues. Par ailleurs, les effets de la réforme sur les ménages reposent sur la comparaison des aides au logement versées avec celles simulées dans une situation fictive sans réforme. Les mêmes effets ressortent pour chaque trimestre mais de manière plus prononcée à mesure que l’année avance. Cette accentuation s’explique par l’actualisation trimestrielle des ressources prises en compte pour le calcul des aides au logement. Ainsi, la réforme a conduit au 1er octobre 2021 à :

– une baisse de 83 euros en moyenne pour 39 % des allocataires (contre une baisse de 73 euros pour 30 % des allocataires au 1er janvier 2021) ;

– une augmentation de 41 euros en moyenne pour 14 % des allocataires (contre une augmentation de 56 euros en moyenne pour 18 % des allocataires au 1er janvier 2021).

Par ailleurs, avant la mise en œuvre de la contemporanéisation des aides, les sorties des aides au logement étaient concentrées au mois de janvier, lorsque les ressources faisaient l’objet de l’actualisation annuelle. Avec l’actualisation trimestrielle des droits, ces sorties interviennent désormais chaque trimestre alors que les entrées varient peu d’un mois à l’autre. On observe ainsi une baisse significative du nombre total de foyers bénéficiaires en avril et en juillet 2021. La diminution est particulièrement marquée au début de l’été en raison du départ des étudiants de leur logement pendant les vacances universitaires. En revanche, en octobre, les sorties ne font que limiter la hausse du nombre de foyers allocataires car elles sont largement compensées par les étudiants bénéficiaires à nouveau des APL avec le début de l’année universitaire.

Évolution du nombre de foyers allocataires bénéficiaires
des aides au logement

Source : CNAF (allocataires hors résidents en foyer-logement et APL accession).

Le rapporteur spécial souligne que la contemporanéisation des aides, si elle a pu générer plus d’un milliard d’euros en 2021, pourrait aussi se révéler être un formidable filet de sécurité et jouer un rôle contracyclique si la conjoncture devait être amenée à se dégrader.

B.   le rôle crucial des cnaf dans le versement des apl

La résorption des dossiers d’aides personnelles au logement en souffrance et le nécessaire renforcement des missions de contrôle et de lutte contre la fraude rendent nécessaire une réflexion sur les moyens à allouer aux CAF. Le renouvellement de la convention d’objectifs et de gestion (COG), qui arrive à échéance le 31 décembre 2022, doit en être l’occasion alors que la remise du rapport d’évaluation de la COG par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été retardée au deuxième trimestre de l’année 2023.

1.   Des difficultés encore significatives rencontrées par les caisses d’allocations familiales dans le versement des aides

La mise en œuvre de la réforme de la contemporanéisation des aides a constitué un projet très lourd pour les CAF mené sans rupture de service. Deux systèmes d’information ont dû coexister durant l’année 2021 et l’apprentissage du dispositif de restitution mensuelle (DSM) s’est révélé plus complexe qu’anticipé. Cette complexité a généré de nombreux problèmes techniques (les « exceptions »), occasionnant une interruption du versement des aides ou la génération artificielle d’indus. Ces impayés ou la reprise d’indus inexistants en réalité ont suscité de nombreuses incompréhensions de la part des allocataires. Cela a conduit à mettre sous tension les agents des CAF.

Le rapporteur spécial comprend de ses échanges avec le directeur général de la CNAF que la plupart des difficultés techniques sont aujourd’hui résolues, les « exceptions » étant revenues à un niveau « normal ». Mais les dossiers en souffrance se sont accumulés (malgré un plan volontariste de traitement des dossiers), conduisant à maintenir un stock élevé de dossiers problématiques en 2022. Les indicateurs témoignent d’un délai de traitement moyen des demandes de 18 jours (la moitié des dossiers ayant une antériorité supérieure à 15 jours).

Cet état de fait appelle une action volontariste de la CNAF, alors que ses moyens sont limités, que les missions qui lui sont allouées sont de plus en plus nombreuses (recouvrement des pensions alimentaires, solidarité à la source) et que le versement des aides personnelles n’est pas priorisé par rapport aux autres minima sociaux.

2.   Un rôle à jouer dans la lutte contre les fraudes

Le rapporteur spécial souligne le rôle majeur que les CAF doivent jouer dans la lutte contre la non-décence des logements et la fraude. Il souhaite que soient créés et développés des services spécialisés contre la fraude.

L’objectif de lutte contre la non-décence des logements et les marchands de sommeil est mis en œuvre aujourd’hui par un dispositif de conservation des allocations de logement par les CAF et la MSA, qui vise à inciter les bailleurs de logements non décents à effectuer les travaux nécessaires à leur mise en conformité, celles-ci n’étant restituées que si les travaux nécessaires ont été réalisés dans un délai de 18 mois. Ce dispositif est passé de 4 079 nouvelles conservations en 2019 à 4 213 en 2021. Le rôle des CAF pourrait être encore renforcé dans l’objectif de lutte contre les passoires thermiques.

III.   le programme 135 urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat : un budget marqué par la priorité donnée à la rénovation des logements

Le programme 135, composé de six actions, est en augmentation de près de 50 % en CP. Cette augmentation est principalement due à la très forte augmentation des crédits alloués à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) sur l’action 04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction.

évolution des crédits du programme 135

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution entre le PLF 2023 et la LFI 2022

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 – Construction locative et amélioration du parc

17,5

17,5

43

18

+ 25,5

+ 0,5

02 – Soutien à l’accession à la propriété

4,1

4,1

4,1

4,1

0

0

03 – Lutte contre l’habitat indigne

15,5

15,5

15,5

15,5

0

0

04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction

217,4

217,4

455,3

455,3

+ 237,9

+ 237,9

05 – Innovation, territorialisation et services numériques

28,7

28,7

35,3

33

+ 6,6

+ 4,3

07 – Urbanisme et aménagement

246,3

246,3

249,9

254,9

+ 3,6

+ 8,6

TOTAL

529,5

529,5

803,1

780,8

+ 273,6

+ 251,3

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

A.   Le double enjeu de la construction et de la rénovation thermique pour le secteur HLM

L’action 01 porte sur son noyau budgétaire les crédits relatifs à la rénovation des cités minières du Nord et du Pas-de-Calais (35 millions d’euros dans le PLF 2023, soit une hausse de 25 millions d’euros par rapport à la LFI 2022), les dépenses de fonctionnement du système national d’enregistrement de la demande social (SNE), dont les crédits sont stables à 5 millions d’euros, et une enveloppe spécifique pour les gens du voyage.

L’accélération du programme de rénovation des cités minières
du Nord et du Pas-de-Calais

Pour accélérer la reconversion du bassin minier, l’État, la région des Hauts-de-France, les départements du Nord et du Pas-de-Calais et huit intercommunalités du bassin minier (251 communes) ont décidé d’unir leurs efforts, par la signature le 7 mars 2017 pour une durée de 10 ans de l’Engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM).

En 2017, le nombre de logements miniers sociaux considérés comme des « passoires thermiques » était estimé à 23 000. Afin de massifier la réhabilitation de ces logements, l’État s’est engagé à apporter 100 millions d’euros, le conseil régional 30 millions d’euros et les EPCI 70 millions d’euros. Cet investissement public, à hauteur de 200 millions d’euros, et celui des bailleurs, estimé à 2,5 milliards d’euros en 10 ans, doivent permettre de favoriser la structuration et la montée en compétences d’un tissu régional d’entreprises de rénovation et des filières locales de biomatériaux isolants (chanvre, lin, métisse, fibre de bois).

Conformément au souhait exprimé par le Président de la République lors de sa visite officielle à Liévin en février 2022, le calendrier de financement initialement prévu sur 10 ans (10 millions d’euros par an) a été resserré pour que les engagements restants de l’État soient déployés sur les exercices 2022 et 2023. Ainsi, alors que 37,4 millions d’euros ont été engagés sur la période 2017-2021, 25 millions d’euros ont été budgétés pour 2022, et 35 millions d’euros pour 2023. Cette dotation de 35 millions d’euros en AE permettra en 2023 de financer les opérations sélectionnées en juin 2018 (6,5 millions d’euros) et de nouvelles opérations de réhabilitations dont la liste a été arrêtée en septembre 2022 (28,5 millions d’euros) Ces opérations représentent environ 1 600 réhabilitations supplémentaires en plus des 7 300 logements énergivores identifiés en 2018.

Source : Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

L’action 01 bénéficie également des deux fonds de concours (« Opérations nouvelles et « PLAI adaptés et IML »), alimentés par les versements du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui contribuent à la construction de logements sociaux. 764 millions d’euros en AE et 365 millions d’euros en CP sont ainsi attendus en 2023 au titre de ces deux fonds de concours du FNAP (contre 535 millions d’euros en AE = CP).

1.   Le secteur du logement social a des enjeux majeurs à affronter dans un contexte qui se dégrade

L’ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur spécial soulignent la santé financière robuste du secteur du logement social, malgré la mise à contribution du secteur à hauteur de 1,3 milliard d’euros par la réduction du loyer de solidarité (RLS) ou l’augmentation du taux de TVA sur la construction de logements sociaux de 5,5 % à 10 % en 2018 et 2019.

Les mesures d’accompagnement du secteur mises en œuvre dans le cadre du dispositif de la RLS ont largement limité l’impact net du dispositif (« pacte constructif » signé en 2019 avec la Caisse des dépôts et des consignations – CDC), ce qui a permis de soutenir la capacité d’investissement des bailleurs. L’attractivité des dispositifs de la CDC déployés majoritairement sous forme de prêts, a été renforcée par la faiblesse conjoncturelle des taux d’intérêt, en particulier du taux du livret A (TLA) sur lequel est indexée la majorité de son encours de dette.

Selon les simulations réalisées par la Banque des Territoires (cf. édition 2022 de l’étude « Perspectives – L’étude sur le logement »), les indicateurs financiers témoignent d’une situation financière maîtrisée, avec un rebond particulièrement fort de la capacité d’autofinancement locatif en 2020 (dépassant 10 %), l’autofinancement global atteignant 18,4 % du montant des loyers. Cette relative bonne santé financière est absolument indispensable pour faire face aux enjeux actuels

a.   L’enjeu de la construction

Force est de constater que les objectifs de délivrance d’agréments fixés à 250 000 pour la période 2021-2022, ne pourront pas être respectés. La prévision d’agréments pour 2022 s’établirait à 103 807 logements locatifs sociaux soit une augmentation de près de 9 000 logements locatifs sociaux par rapport à la réalisation 2021 mais en retrait de plus de 20 000 logements par rapport à l’objectif (soit une baisse de 20 %). Cela étant dit, le rapporteur spécial souligne que ce niveau, bien qu’en deçà des espérances, demeure élevé compte tenu du contexte : rareté du foncier mis à disposition des maîtres d’ouvrage (mise en œuvre du zéro artificialisation nette et frilosité des élus locaux), augmentation des taux de livret A ([3]), tensions inflationnistes.

Il conviendra de maintenir ce niveau relativement élevé en 2023, alors que les décisions d’investissement pourraient être affectées par la dégradation du contexte économique selon les analyses de la CDC. Dans son étude « Perspectives », la Banque des territoires prévoit ainsi des difficultés à maintenir cet étiage de mise en chantier de 100 000 logements annuels : « à court terme, la construction de logements sociaux n’atteindrait pas les volumes définis dans le protocole d’engagement signé entre l’État et les acteurs du secteur (250 000 logements sur 2 ans) et resterait même en deçà du seuil des 100 000 logements annuels. À plus long terme, selon un scénario économique de retour à l’équilibre à partir de 2028, le secteur disposerait de la capacité financière suffisante pour accroître son effort de construction et maintenir un niveau élevé de réhabilitations (100 000 logements par an). » 

b.   L’enjeu de la rénovation thermique

L’enjeu de la rénovation thermique est un enjeu majeur pour les bailleurs sociaux. Contraints par la loi dite « Climat et résilience » à rénover l’ensemble des logements dont la performance énergétique est notée F et G avant 2028, l’objectif est également pour eux de mener des opérations ambitieuses au-delà des obligations légales.

Selon l’étude précitée, « les bailleurs sociaux seraient en mesure de faire face à court et moyen terme aux obligations de rénovations thermiques massives du parc social telles que définies dans la loi dite « Climat et résilience » d’août 2021, avec un rythme qui augmenterait progressivement jusqu’à atteindre le niveau important de 125 000 réhabilitations en 2026 et 2027. »

Pour accompagner les bailleurs sociaux dans cet effort de rénovation et dans la lignée du plan de relance ([4]), une enveloppe de 200 millions d’euros en provenance du FNAP devrait être fléchée vers la rénovation thermique. L’objectif pour 2023 serait de financer au maximum la rénovation de 40 000 logements de catégorie F ou G sur la base d’un forfait moyen de 5 000 euros par logement.

Ce soutien est d’autant plus crucial que les opérations de réhabilitation énergétique sont structurellement déséquilibrées. En effet, les recettes supplémentaires engendrées par la réhabilitation (hausse de loyer, récupération des charges et dégrèvement de TFPB) ne suffisent pas à compenser le coût des travaux. Dans les années passées, l’USH a ainsi remarqué que la hausse des investissements dans les projets de réhabilitation des bailleurs sociaux a été permise par des dispositifs d’aide spécifiques (prêts bonifiés) ou des subventions publiques massives.

c.   La hausse des coûts de l’énergie prise en compte par les pouvoirs publics

Le décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 a étendu le dispositif de blocage du prix du gaz (bouclier tarifaire) aux résidents d’habitats collectifs et notamment aux logements sociaux, pour une période allant du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022. Ce dispositif a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 et la Première ministre a annoncé le 14 septembre le principe d’une prolongation du dispositif pour l’année 2023, avec un tarif de référence correspondant à celui d’octobre 2021 augmenté de 15 %. Pour un ménage moyen, cela correspondrait à une augmentation de la facture d’environ 25 euros par mois, au lieu de 200 euros par mois sans ce dispositif, selon les informations transmises par la DHUP.

Le rapporteur spécial est attentif à ce que l’ensemble des situations particulières soient aujourd’hui prises en compte. Il souligne que, pour les résidents du parc social (comme privé) qui bénéficient d’un chauffage collectif électrique (sans abonnement individuel), le bouclier tarifaire n’est pas appliqué aujourd’hui. Le principe de la mise en place d’un bouclier électricité sur le même modèle que le bouclier gaz serait cependant techniquement envisageable et envisagé par le Gouvernement. La Première ministre puis le ministre du logement ont d’ailleurs annoncé courant septembre 2022 la mise en place d’un bouclier électricité sur un modèle similaire à celui du bouclier gaz, sans que les conditions précises de mise en œuvre ne soient connues à ce jour.

2.   L’enquête livraison de la DHUP

Le rapporteur spécial se félicite que les demandes de l’Assemblée nationale exprimées par la résolution ([5]) relative au suivi et au pilotage de la production de logements sociaux adoptée le 19 juin 2018 lors de l’examen de la loi de règlement pour 2017, à l’initiative du rapporteur spécial, aient été entendues. En effet, la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a réalisé d’octobre 2021 à janvier 2022 une enquête auprès des bailleurs sociaux sur la livraison des opérations agréées de logements locatifs sociaux (LLS) en métropole. Cette étude permet notamment d’évaluer le taux de chute (le taux d’agréments de logement ne donnant pas lieu à une livraison effective) à environ 10 %.

répartition des logements par statut et par année d’agrément
telle que constatée à la fin de l’année 2021
(pour les logements du périmètre d’analyse agréés de 2012 à 2018)

(en pourcentage)

Source : Enquête auprès des bailleurs sociaux sur la livraison des opérations agréées de logements locatifs sociaux (LLS) en métropole réalisée par la DHUP entre octobre 2021 et janvier 2022.

L’enquête de la DHUP permet d’affiner les résultats par catégorie de maîtres d’ouvrage : les entreprises (ESH et SA HLM) ont des taux de chute légèrement inférieurs à ceux des offices publics de l’habitat (OPH). Les résultats par région montrent également de réelles disparités : si le taux d’abandon atteint 20 % en Corse ou 19 % en Bourgogne-Franche-Comté entre 2012 et 2015, il n’est que de 6 % en Bretagne ou de 7 % en Auvergne-Rhône-Alpes.

L’analyse des délais de livraison montre que les logements sont majoritairement livrés quatre ans après l’agrément.

écoulement des livraisons pour les agréments :
exemple des agréments de 2015

Source : Enquête auprès des bailleurs sociaux sur la livraison des opérations agréées de logements locatifs sociaux (LLS) en métropole réalisée par la DHUP entre octobre 2021 et janvier 2022.

L’objectivation du taux de chute devrait par ailleurs permettre de moderniser le fonctionnement du FNAP, qui est actuellement encadré par une « règle d’or ».

En l’état du droit, l’article R. 435-3 du code de la construction et l’habitat dispose en effet que le conseil d’administration du FNAP « programme annuellement la répartition territoriale du montant des nouvelles opérations et actions à engager par l’État, et les objectifs associés, selon une nomenclature qu’il aura fixée par délibération. Le montant annuel de ces nouvelles opérations et actions ne peut être supérieur au montant total des versements effectués par le Fonds national des aides à la pierre au profit de l’État au cours de l’exercice ».

Cette règle d’or conduit à ouvrir chaque année le même montant d’AE et de CP alors même que les besoins en CP sont décorrélés des engagements du FNAP au titre des opérations programmées par son conseil d’administration. Si la règle d’or constitue une garantie de disponibilité des crédits de paiement quand ils sont appelés par les bailleurs sociaux, elle conduit néanmoins mécaniquement à mobiliser la trésorerie du FNAP très en amont du besoin effectif en CP sur le budget de l’État. Cela entraîne une accumulation croissante des crédits de paiement reportés d’année en année sur les deux fonds de concours du programme 135 (près de 536 millions d’euros entre 2021 et 2022) et pèse sur la lisibilité des consommations et des besoins réels de recettes du FNAP pour couvrir année après année les engagements pris par ce dernier. En outre, cette règle d’or ne permet pas de prendre en compte le fait qu’un volume non négligeable d’engagements ne donnera jamais lieu à décaissement du fait de l’existence de taux de chute, dorénavant objectivée par l’enquête livraison de la DHUP (voir supra). Enfin, elle conduit à organiser chaque année des opérations de remontée des crédits inutilisés de l’État au FNAP pour permettre leur réemploi par ce dernier.

L’enquête livraison réalisée par la DHUP permet aujourd’hui un pilotage plus fin du décaissement des CP. Une trajectoire financière ajustée a ainsi été élaborée, reposant sur une adaptation des versements du FNAP aux besoins réels en CP, justifiant un niveau d’AE du FNAP différent de celui des CP dans le PLF 2023.

3.   La contribution au FNAP imposée à Action Logement en 2023 ne paraît pas pertinente

Le FNAP est un établissement public administratif, à la gouvernance tripartite (État, bailleurs sociaux et collectivités territoriales) dont l’objectif est de soutenir la production de logements sociaux. Depuis sa création en 2016, il fixe le montant annuel des financements à verser au programme 135 au titre des aides à la pierre, en programmant le montant des nouvelles opérations et actions annexes à engager et la répartition annuelle de cette programmation.

a.   Les recettes du FNAP

Le FNAP dispose de différentes recettes :

– la fraction de la cotisation des bailleurs sociaux collectée par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Dans le cadre du plan d’investissement 2020-2022 pour le logement social, la contribution des bailleurs sociaux a été diminuée sur la période 2020-2022 de 300 millions d’euros et ramenée à 75 millions d’euros. Cette diminution est intégralement compensée par une hausse de la contribution d’Action Logement ;

– une contribution de l’État qui a disparu depuis 2018 ;

– une contribution annuelle du groupe Action Logement de 50 millions d’euros prévue dans la convention quinquennale 2018-2022. Dans le cadre du plan d’investissement volontaire (PIV) 2020-2022, la contribution d’Action Logement au FNAP a été portée à 350 millions d’euros ;

– le produit du prélèvement « solidarité et renouvellement urbain » (SRU) et de la majoration de ce prélèvement sur les communes ne respectant pas le taux minimum de logements sociaux défini par la loi. Le FNAP est le bénéficiaire de dernier rang du prélèvement SRU mais seul attributaire de la majoration SRU.

recettes du fnap de 2017 à 2022

Recettes

2017

2018

2019

2020

2021

2022

CGLLS

270

375

375

75

75

75

Action Logement

0

50

50

350

350

350

État

84,13

38,8

0

0

8*

0

Prélèvements SRU

4,28

0,38

0,43

0,5

1

0,4

Majoration SRU

14,5

28,35

27,6

25

35,5

27

Remboursement des fonds de concours

0

0

0

79,5

40,1

243,9**

Fonds d’aménagement urbain***

0

0

5,7

2,9

2,2

0,3

Total

372,9

492,6

458,9

533

503,8

696,6

* Le FNAP est destinataire de fonds issus du Plan de relance (P 364) pour le renforcement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM) et pour la création de places d’hébergement en 2021. Il ne percevra aucun crédit du Plan de relance en 2022.

** Le montant des crédits à rembourser au FNAP provient des sous-consommations constatées à la fin de gestion 2021 sur les deux fonds de concours du P135 qu’il alimente. Ce montant n’étant connu du conseil d’administration que depuis le 1er mars 2022, un budget rectificatif adopté le 12 juillet 2022 a permis de reconnaître le montant de cette recette.

*** Les fonds d’aménagement urbain (FAU) ont été supprimés par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté : les crédits non engagés issus des FAU au 27 janvier 2022 doivent être transférés au FNAP. Cette recette est amenée à disparaître en raison de l’apurement effectué.

Source : DHUP.

b.   Une reconduction non concertée du financement du FNAP par Action Logement injustifiée et peu respectueuse du paritarisme

Sans que cet engagement ne soit inscrit dans la convention quinquennale du groupe Action Logement, qui arrive à échéance en décembre 2022, ni ne soit négocié avec les partenaires sociaux, l’article 16 du PLF 2023 prolonge de façon unilatérale le dispositif appliqué entre 2020 et 2023 en imposant à Action Logement la prise en charge à hauteur de 300 millions d’euros de cotisations des bailleurs sociaux à la CGLLS.

Cela est d’autant plus incompréhensible que les efforts d’Action Logement ont été redoublés pour honorer les engagements du PIV, que la gouvernance du groupe a été sensiblement améliorée et que les consultations avec l’État concernant la nouvelle convention 2023-2027 n’avaient toujours pas débuté en septembre 2023 malgré les demandes répétées du groupe. Le rapporteur spécial rappelle que lors des discussions préalables à la conclusion du PIV, en 2019, il avait toujours été considéré que la participation d’Action Logement au FNAP serait temporaire, le temps pour le secteur HLM d’absorber la baisse liée au dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS) ([6]).

Action Logement rappelle que le financement du FNAP ne donne pas lieu à des contreparties en droits de réservation des salariés, ce qui va à l’encontre de la logique de la participation de l’employeur à l’effort de construction (PEEC), principale source de financement du groupe.

Action Logement Groupe : un acteur au rendez-vous de ses engagements

Action Logement, dont les difficultés de gouvernance ont pu être mises en lumière par différents rapports, a su se moderniser ces dernières années. Sa nouvelle organisation a conduit à un doublement de la production et à une augmentation de 40 % des aides et services en faveur du logement des salariés.

La nouvelle structuration de la gouvernance a permis d’améliorer l’efficience de l’ensemble de ses activités : baisse de 10 % des frais de fonctionnement, diminution du coût de la collecte de la PEEC (moins de 0,10 % dès 2019), rationalisation du réseau des agences dont le nombre a été divisé par trois, cession des activités concurrentielles, rationalisation des filiales immobilières tout en assurant le doublement de la production, élaboration de standards d’audit et de contrôle interne, établissement d’une politique en matière de rémunération, d’achat responsable et de développement des compétences, définition d’un socle d’engagements relatifs à la responsabilité sociale des entreprises, etc.

Conformément aux sujets évoqués avec la ministre du logement en 2021, plusieurs réformes ont été mises en œuvre en 2022 :

– l’installation du comité d’orientation politique (COP) en janvier 2022, qui reprend, de manière plus formalisée, le rôle de la réunion des confédéraux ;

– le renforcement des outils en matière de déontologie, avec notamment l’élaboration d’un formulaire de déclaration d’intérêt diffusé à l’ensemble des structures du groupe.

Les engagements du PIV au titre de la période 2019-2021 (marqué par le contexte de la crise sanitaire) ont été réalisés à 82 % concernant les aides aux personnes physiques, 58 % concernant les aides aux personnes morales et 67 % concernant les politiques nationales, ce qui a conduit à plus du doublement de l’activité de 2019 à 2020. L’activité 2021 est en hausse de + 31 % en matière d’engagements réalisés et le groupe continue à afficher des objectifs ambitieux pour 2022 aussi bien en termes d’aides versées ou de construction de logements que de réhabilitation :

– la délivrance de plus de 780 000 aides aux salariés (200 000 aides à la mobilité, 330 000 garanties VISALE, 40 000 aides accession-travaux, 100 000 logements sociaux et attribués aux salariés) ;

– 38 800 mises en chantier (+ 15 % par rapport à 2021) et 34 200 livraisons de logements (+ 31 % par rapport à 2021) ;

– 36 000 réhabilitations dont 27 000 réhabilitations thermiques (le tiers devant atteindre le label BBC rénovation).

Source : Commission des finances d’après les informations transmises par Action Logement et la DHUP.

Le rapporteur spécial sera très attentif à ce que l’équilibre financier d’Action Logement soit préservé : le risque existe que cette participation forcée au FNAP conduise Action Logement à lever le pied dans le versement des aides ou dans ses investissements indispensables dans la construction et la rénovation. Le rapporteur spécial souligne à ce titre que la filiale Action Logement Services (ALS) devra recourir à des emprunts obligataires en 2023, à hauteur de 3 milliards d’euros, pour faire face à ces engagements atteignant 7,4 milliards d’euros au 31 décembre 2022 au titre de la nouvelle convention quinquennale 2017-2022 et du PIV.

B.   La rénovation thermique des logements : des moyens budgétaires à la hauteur des objectifs

L’action 4 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction – est dotée de 455,3 millions d’euros en AE = CP dans le PLF 2023 contre 217,4 millions d’euros en LFI 2022. Cette action finance :

– le coût des condamnations de l’État au titre du contentieux de l’habitat (39 millions d’euros dans le PLF 2023 contre 35 millions d’euros dans le PLF 2022) ;

– le contentieux de l’urbanisme (3,8 millions d’euros) ;

– la réalisation d’études, de recherches, d’expérimentations et d’évaluations relatives à la qualité de la construction (5 millions d’euros) ;

– la subvention à l’ANAH pour la rénovation thermique des logements privés (368,9 millions d’euros dans le PLF 2023 contre 170 millions d’euros en LFI 2022) et l’adaptation des logements au vieillissement (nouvelle subvention de 35 millions d’euros) ;

– l’observatoire des loyers (3,6 millions d’euros).

1.   Des moyens à la hauteur des ambitions concernant la rénovation thermique des logements

L’augmentation de la subvention allouée à l’ANAH sur le programme 135 atteint 238 % (403,9 millions d’euros dans le PLF 2023 contre 170 millions d’euros) tandis que les crédits fléchés sur le dispositif « MaPrimerénov’ » du programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Environnement, développement et mobilité durables atteignent 2 450 millions d’euros en AE (et 2 300 millions d’euros en CP) dans le PLF 2023 contre 1 700 millions d’euros en AE (et 1 390 millions d’euros en CP) en LFI 2022. En outre, le programme Écologie de la mission Plan de relance comprend encore en 2023 des CP finançant également ce dispositif, à hauteur de 213 millions d’euros (après 565,6 millions d’euros de CP en 2022).

Par ailleurs le plafond des recettes issues de la mise aux enchères des « quotas carbone » affectées devrait passer de 481 millions d’euros en 2022 à 700 millions d’euros en LFI 2023.

In fine, le budget de l’ANAH sera sensiblement supérieur en 2023 à celui de 2022, malgré la fin progressive du plan de relance, les recettes totales (subventions, quotas carbone, recettes propres) étant estimées à 2,7 milliards d’euros en 2022.

Cette forte augmentation des moyens de l’ANAH qui s’accompagne d’une augmentation du plafond d’emplois (+ 25 ETP permettant d’atteindre un plafond d’emplois à 232 ETPT) doit permettre à l’Agence d’accompagner l’ensemble des propriétaires dans leurs opérations de rénovation.

Du 1er janvier au 15 octobre 2022, 466 736 opérations « MaPrimeRénov’ » ont été engagées pour un montant d’aides de 1,83 milliard d’euros (3 929 euros par logement) auxquelles s’ajoutent 36 600 opérations « MaPrimeRénov’ Sérénité » (rénovations globales réalisées par des ménages modestes et très modestes) pour 549 millions euros et 180 opérations « MaPrimeRénov Copropriétés » (9 176 logements) pour 80 millions d’euros (9 000 euros par logement). L’objectif est de financer la rénovation de 810 000 logements en 2022.

Les différentes évolutions du dispositif « MaPrimRénov’ »

Le 2 janvier 2020, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et le programme « Habiter Mieux Agilité » de l’ANAH ont été fusionnés en une prime dénommée « MaPrimeRénov’ » (MPR), initialement réservée aux ménages modestes et très modestes. Cette prime, dont le versement s’effectue de manière contemporaine au paiement des travaux, a pour but de simplifier les démarches de demandes d’aide à la rénovation énergétique. « MaPrimeRénov’ » a également remplacé progressivement le CITE, qui restait ouvert aux ménages intermédiaires et supérieurs pour l’année 2020.

Depuis le 1er janvier 2021, tous les propriétaires occupants et bailleurs, ainsi que les copropriétés, sont éligibles à cette prime dans le cadre du plan de relance. Les ménages les plus modestes bénéficient des forfaits les plus importants.

La prime finance également depuis le 1er janvier 2021 les travaux de rénovation globale, conduisant à un gain énergétique d’au moins 55 %, ainsi que l’accompagnement des ménages dans leurs démarches (assistance à maîtrise d’ouvrage), et des bonus financent désormais les rénovations permettant une sortie du logement de la catégorie « passoire énergétique » (classe énergétique F ou G) ou celles permettant d’atteindre un niveau « équivalent BBC » (classe énergétique A ou B).

Enfin, des travaux de convergence ont été conduits en 2021 entre l’aide « MaPrimeRénov’ » et le programme « Habiter Mieux Sérénité » qui, depuis le 1er janvier 2022, est devenu « MaPrimeRénov’ Sérénité ». « MaPrimeRénov’ Sérénité » est un programme global de travaux, comprenant plusieurs types de gestes, incluant un accompagnement tout au long de la procédure par un conseiller indépendant. En visant les ménages les plus modestes, et prioritairement les passoires thermiques (50 % des logements aidés), il s’agit de l’aide en faveur du traitement de la précarité énergétique. Cette aide permet d’atteindre un gain énergétique moyen de 50 %.

Source : ANAH et DHUP.

Le rapporteur spécial souligne la nécessité de bien distinguer les rénovations globales financées par « MaPrimeRénov’ Sénérité », dont le nombre est d’environ 41 000 en 2021 et qui permettent de sortir du statut de passoire énergétique des opérations bénéficiant du « bonus BBC » pour les seules opérations permettant d’atteindre une étiquette énergétique A ou B.

Le rapporteur spécial souligne également la nécessité que les propriétaires puissent bénéficier du dispositif « MaPrimRénov’ » pour les monogestes (remplacement d’une chaudière au fioul ou au gaz par exemple), les effets en matière de gain énergétique pouvant atteindre plus de 40 % en cas de monogeste. En 2021, les travaux relatifs à l’installation d’un système de chauffage représentaient 51 % des primes attribuées aux propriétaires bailleurs en 2021 et 2022. Ils concernent notamment l’installation d’une pompe à chaleur air/eau (18 % des primes attribuées), d’un poêle à granulés (15 %), et d’une chaudière gaz à très haute performance énergétique (11 %).

2.   La réponse à apporter aux enjeux de la rénovation thermique ne pourra pas être que budgétaire

Renforcer l’accompagnement des particuliers dans leur démarche constitue aujourd’hui une priorité.

a.   Quelle contrepartie à l’interdiction de location des passoires thermiques ?

Aujourd’hui, le dispositif « MaPrimeRénov’ » (MPR) touche peu les rénovations du parc locatif. Ainsi, sur les 466 736 dossiers MPR engagés depuis début 2022, seuls 9 397 concernaient des propriétaires bailleurs, alors que 1,6 million de logements locatifs pourraient être concernés par l’interdiction à venir de location de passoires conformément aux exigences de la loi dite « Climat et Résilience » (voir infra).

Les contraintes importantes de la loi dite « Climat et Résilience »

L’article 159 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit un gel des loyers pour les logements les plus énergivores.

Les hausses de loyers pour tous les logements des classes F et G quelles que soient les circonstances (nouvelle mise en location, reconduction ou renouvellement du bail) ont été interdites à partir du 25 août 2022 en métropole et à compter du 1er juillet 2024 en Guadeloupe, Martinique, Guyane, à la Réunion et à Mayotte.

Il sera également interdit de proposer à la location :

– dès le 1er janvier 2023 les logements classés G et considérés comme des « logements indécents » (consommation supérieure à 450 kWh/m² par an) ;

– à compter du 1er janvier 2025 en métropole (et du 1er janvier 2028 en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte), les logements dont le DPE est classé G ;

– à compter du 1er janvier 2028 en métropole (et du 1er janvier 2031 en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte), les logements dont le DPE est classé F ;

– à compter du 1er janvier 2034 en métropole, les logements dont le DPE est classé E.

Cette situation peut s’expliquer par plusieurs raisons, notamment :

– une interdiction de location des passoires qui n’a pas encore engendré un nombre de travaux conséquents ;

– un ciblage des aides sur les propriétaires les plus modestes, alors que les propriétaires bailleurs appartiennent majoritairement aux ménages les plus aisés. Ainsi, 3,5 % des ménages, souvent les plus aisés, détiennent 50 % du parc de logements locatifs ;

– des conditions qui ciblent les personnes physiques (critère d’aides lié aux revenus), et excluent ainsi des personnes morales (notamment certaines SCI) ;

– une part importante de la rénovation du parc locatif qui passe par les copropriétés, et donc via les aides collectives.

Ainsi, la direction de l’ANAH juge qu’un travail relatif à ces aides pourrait être pertinent pour, à moyen terme, réarticuler les interdictions de location et le caractère incitatif de MaPrimeRénov’. Ces réflexions pourraient porter sur les travaux financés (exigence de performance plus forte que le simple financement de gestes), les contreparties (impact sur le loyer, maintien en location des logements, etc.), l’articulation avec les autres dispositifs d’aides dont les aides fiscales, le ciblage des propriétaires bailleurs visés (seulement modestes, ou plus largement sous réserve de contreparties d’intérêt général à envisager), etc.

Mais les dispositifs de l’ANAH ne suffiront vraisemblablement pas : le rapporteur estime nécessaire d’envisager la création de mécanismes fiscaux spécifiques pour encourager les propriétaires bailleurs à engager des travaux de rénovation ambitieux.

En ce sens, il a proposé, lors de l’examen de la première partie du PLF en commission, de doubler le mécanisme de déficit foncier (à 21 400 euros) pour les propriétaires bailleurs engageant des travaux de rénovation thermique permettant de passer de la classe E, F ou G à la classe D, C, B ou A, avec une contrepartie d’intérêt général (plafond de loyer et plafond des ressources pour le locataire). Il se félicite qu’un dispositif comparable à celui qu’il a proposé ait finalement été adopté en première lecture lors de l’examen à l’Assemblée nationale du second projet de loi de finances rectificative pour 2022 (article 9 A, prévoyant une application au titre des dépenses de rénovation énergétique payées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025).

D’autres mécanismes (amélioration de l’éco-PTZ, mécanisme d’amortissement spécifique) pourraient également être envisagés.

b.   L’indispensable accompagnement des particuliers

Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, il ne suffit pas aujourd’hui de mobiliser des enveloppes budgétaires toujours plus volumineuses pour accélérer la rénovation thermique des logements. La structuration des filières, le renforcement de l’apprentissage des métiers de l’artisanat dans le bâtiment, la production d’innovation dans les procédés et la production de matériaux isolants sont autant de défis à relever.

Le rapporteur spécial souhaite souligner l’importance du rôle joué par les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH). L’efficacité des OPAH tient pour une grande part à la pertinence du partenariat entre les collectivités territoriales, l’État et l’ANAH.

Les programmes d’intérêt général : un outil trop peu utilisé ?

Il existe aujourd’hui un modèle d’OPAH à disposition des acteurs locaux notamment en vue de lutter contre la précarité énergétique : le programme d’intérêt général (PIG).

Le PIG, régi par l’article R. 327-1 du code de la construction et de l’habitation, relève de l’initiative locale et s’accompagne d’une convention passée entre l’État, l’ANAH et une ou plusieurs collectivités territoriales. Le PIG fait l’objet d’un arrêté définissant sa durée et son périmètre d’intervention, et qui est signé soit par le préfet, soit par le délégataire en cas de convention de délégation de compétences.

En particulier, pour faciliter la mise en œuvre du programme « Habiter Mieux », l’Anah a mis en place, en 2011, des PIG labellisés « Habiter Mieux » avec un financement majoré du suivi-animation. À partir de 2018, il a été mis fin à cette labellisation Habiter Mieux en harmonisant la part variable (subvention complémentaire accordée à la collectivité locale en complément de la part fixe en fonction de l’atteinte des objectifs fixés dans le programme) pour toute opération programmée, quel que soit le volume d’objectifs envisagés par la collectivité maître d’ouvrage. Depuis le 1er janvier 2022, l’aide MaPrimeRénov’ Sérénité s’est substituée au programme Habiter Mieux pour les propriétaires occupants.

Source : DHUP.

Entreprendre des travaux ambitieux de rénovation globale n’est pas chose aisée : de nombreux particuliers se retrouvent démunis quant à la manière de procéder pour rénover leur logement.

La mise en œuvre des OPAH n’a pas seulement vocation à permettre aux collectivités d’abonder les dispositifs de l’ANAH et de réduire ainsi le reste à charge pour les propriétaires. Le recrutement d’animateurs de territoire dans le cadre d’une OPAH doit permettre surtout de renforcer l’accompagnement déjà existant proposé par les conseillers de l’ANAH afin de développer un vrai rôle d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les particuliers, au plus près des réalités du territoire : faire connaître l’ensemble des dispositifs d’aide et aider les particuliers dans leurs démarches, les aider dans leur diagnostic et les choix des travaux à réaliser, les assister dans la conduite des travaux (exemple : compréhension des devis présentés), etc. Cela est d’autant plus nécessaire que l’offre privée en matière d’assistance à la maîtrise d’ouvrage n’est aujourd’hui pas suffisante pour répondre aux besoins croissants. Cette généralisation des OPAH demande cependant un certain volontarisme politique aussi bien de la part des élus locaux que de celle de l’État.

C.   un système fiscal à repenser

Les dépenses fiscales rattachées au programme 135 devraient représenter 14 820 millions d’euros dans le PLF 2023.

Au regard de ces montants très significatifs et des tensions importantes persistantes sur le marché du logement, une remise à plat s’impose. Celle-ci ne doit pas être abordée du seul point de vue budgétaire (réduction des dépenses). Les réflexions concernant la création d’un véritable statut du propriétaire bailleur, incluant une simplification des dispositifs fiscaux mais aussi un cadre réglementaire renforcé relatif aux obligations des propriétaires, méritent d’être conduites.

1.   Une réflexion à conduire sur le remplacement du dispositif « Pinel » et les autres dispositifs incitant l’investissement locatif.

Les réductions d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire (dispositifs « Duflot » et « Pinel ») devraient représenter un coût de 1 516 millions d’euros en 2023 contre 1 378 millions d’euros en 2022 et 1 117 millions d’euros en 2021.

Le dispositif « Pinel » arrive à échéance au 31 décembre 2024. Ce dispositif a été davantage encadré ces dernières années :

– l’article 68 de la LFI 2018 a resserré son application dans les zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, excluant ainsi son application aux logements situés en zone détendue (B2 et C) ;

– l’article 161 de la LFI 2020 a limité le bénéfice de la réduction d’impôt aux acquisitions réalisées à compter du 1er janvier 2021 de logements neufs ou en l’état futur d’achèvement à la condition qu’ils soient situés dans un bâtiment d’habitation collectif ;

– l’article 168 de la LFI 2021 a réduit de manière progressive le taux de la réduction, qui doit s’établir en 2023 de 10,5 % à 17,5 % et en 2024 de 9 % à 14 % selon la durée d’engagement (sauf exception pour les logements en QPV ou qui présentent une certaine performance énergétique et environnementale).

Si de nombreux rapports ont montré les limites du dispositif (plafonds de revenus peu opérants ou non contrôlés, dépense fiscale élevée, faible qualité des logements construits, etc.) de nombreux acteurs témoignent également de la « dépendance » de la filière vis-à-vis de ce dispositif, permettant souvent d’équilibrer une opération immobilière. Il est urgent aujourd’hui de réfléchir aux dispositifs alternatifs pouvant exister. Si certains acteurs évoquent la possible réapparition des investisseurs institutionnels dans le champ, rien ne prouve que cela sera forcément le cas. Des outils ont été mis en place, dont l’évaluation est attendue. Ainsi, l’article 81 la LFI 2022 remplace l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui pesait sur les finances locales, par une créance de même montant que la TFPB imputable sur l’impôt sur les sociétés (IS) au bénéfice des porteurs de projet, en contrepartie de leur engagement dans la production de logements locatifs intermédiaires.

L’année 2023 doit marquer la fin du dispositif « Censi-Bouvard » (réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle), qui représente une dépense de 62 millions d’euros.

À l’initiative du rapporteur spécial, la prorogation jusqu’au 31 décembre 2023 des volets du dispositif « Malraux » en faveur des immeubles situés dans un quartier ancien dégradé (QAD) ou dans un quartier présentant une concentration élevée d’habitat ancien dégradé et faisant l’objet d’une convention pluriannuelle dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a été adoptée puis reprise par le Gouvernement dans le texte du PLF 2022 sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, en première lecture à l’Assemblée nationale.

L’évaluation du dispositif « Malraux » comme celle du dispositif « Denormandie », qui vise la rénovation de logements destinés à la location dans les territoires où le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué ou qui font l’objet d’une opération de revitalisation des territoires, s’imposent.

2.   La refonte nécessaire du zonage

Les zonages sont censés permettre d’adapter les dispositifs de la politique du logement au niveau de tension s’exerçant sur les marchés locaux immobiliers. Ils permettent notamment de concentrer l’effort sur les territoires connaissant les plus fortes difficultés en matière d’accès au logement. Mais ce système semble aujourd’hui à bout de souffle.

Trois zonages principaux permettent aujourd’hui de territorialiser les dispositifs d’aide au logement : le zonage I-II-III, le zonage A/B/C et le zonage d’application de la taxe sur les logements vacants. La multiplicité de ces zonages rend peu lisible le système actuel. Certains découpages semblent caducs et ne reflètent plus la réalité des dynamiques territoriales. À titre d’exemple, dans le contexte sanitaire, certains territoires classés comme non tendus (territoires ruraux, stations balnéaires) ont bénéficié d’un regain d’intérêt qui n’est pas pris en compte dans le découpage actuel des zonages.

La DHUP souligne que des reclassements de communes au titre du zonage A/B/C ont été réalisés au début de l’année 2022. Ces reclassements visent à corriger des situations spécifiques de communes avec des niveaux de prix très élevés, notamment des stations de montagne. La DHUP travaillerait sur une proposition de révision globale du zonage A/B/C, afin de mieux refléter la tension actuelle des marchés.

Par ailleurs, l’article 76 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi dite « 3DS ») prévoit la remise d’un rapport au Parlement au début de l’année 2023, analysant les conséquences des zonages A/B/C et I-II-III sur la construction et le financement du logement social dans les communes soumises à la loi SRU, ainsi que sur le calcul des aides au logement dans les zones ayant connu une forte augmentation des loyers au cours des cinq dernières années.

 

 

 

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa deuxième réunion du 22 octobre 2022, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Cohésion des territoires.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est consultable en ligne.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté quatre d’entre eux (amendements identiques II-CF1043 et II-CF1179, amendement II-CF279 et amendement II-CF1159), la commission a rejeté, contrairement à l’avis favorable du rapporteur spécial, les crédits de la mission Cohésion des territoires.

La commission a ensuite adopté les amendements identiques II-CF1042, II-CF1180 et II-CF1231 (amendement II-2812) et les amendements identiques II-CF33 et II-CF1234 (amendement II-2813) portant articles additionnels rattachés à la mission.

 

*

*     *

 


—  1  —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Union sociale pour l’habitat (USH)* :

 Mme Marianne Louis, directrice générale, M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières et Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement.

Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) :

– M. Jean-Marc Torrollion, président.

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) :

– Mme Rachel Chane-See-Chu, directrice générale et M. Philippe Suire, directeur de la direction centrale des contrôles et suites.

Aurore :

 M. Florian Guyot, directeur général.

Fédération française du bâtiment (FFB)* :

– M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques et M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles.

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI)* :

– M. Pascal Boulanger, président,

– M. Didier Bellier-Ganière, délégué général,

– Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles.

Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)* :

– Mme Jeanne Dietrich, conseillère Technique Hébergement Logement,

– M. Gilles Desrumaux, président du groupe Prévention Hébergement Logement.

Action Logement Groupe* :

– M. Bruno Arcadipane, président,

– M. Philippe Lengrand, vice-président,

– Mme Nadia Bouyer, directrice générale.

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

– Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d’administration,

– M. Nicolas Grivel, directeur général,

– M. Damien Ranger-Martinez, directeur chargé des relations avec le Parlement et les élus.

Agence nationale de l’habitat (ANAH) :

– Mme Valérie Mancret‑Taylor, directrice générale,

Caisse des dépôts :

– M. Kosta Kastrinidis, directeur des prêts, directeur de la Banque des Territoires,

– Mme Sophie Vaissière, directrice des relations institutionnelles et affaires stratégiques à la direction des Prêts,

– M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles,

– Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles

Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) :

– M. François Adam, directeur,

– M. Emmanuel Rousselot, sous‑directeur.

Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) :

– M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel,

– Mme Laetitia Belan, directrice du pôle budgétaire,

– Mme Audrey Dubuc, cheffe de cabinet,

– M. Jérôme d’Harcourt, adjoint au délégué interministériel.

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) La liste des corps concernés par la revalorisation du Ségur a été fixée par le décret n° 2022-738 du 28 avril 2022 relatif au versement d’une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique hospitalière exerçant au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux : conseillers en économie sociale et familiale, éducateurs techniques spécialisés, éducateurs de jeunes enfants, assistants socio-éducatifs, cadres socio-éducatifs, psychologues, animateurs, moniteurs d’ateliers, moniteurs-éducateurs, accompagnants éducatifs et sociaux.

([2]) Les règles de calcul sont ici présentées hors cas particuliers (exemple des « APL foyers »).

([3]) Le mécanisme de lissage, dit de « double révisabilité », des crédits de la CDC conduit à fortement limiter le surcoût lié à l’augmentation du taux de livret pour les bailleurs sociaux à court terme alors que l’augmentation des loyers (plafonnée à 3,5 %) leur bénéficie immédiatement. L’augmentation des taux du livret A aura en revanche davantage de conséquences à moyen terme.

([4]) Dans le cadre du plan de relance, une enveloppe de 500 millions d’euros pour 2021 et 2022 a été programmée pour financer la réhabilitation des logements locatifs sociaux dont 445 millions d’euros au titre des réhabilitations lourdes en métropole et 40 millions d’euros pour l’appel à projets « MassiRéno » visant à déployer des solutions industrielles innovantes et intégrées et 15 millions d’euros dans le cadre d’un dispositif spécifique à l’outre-mer. Au 1er octobre 2022, la réhabilitation de 41 688 logements avait d’ores et déjà été financée en métropole, à laquelle s’ajoutent celle de 2 605 logements au titre du programme « MassiRéno » et celle de 2 281 logements au titre du dispositif spécifique à l’outre-mer.

([5]) Résolution accessible à l’adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0132_texte-adopte-seance#              

([6]) Établie par l’article 126 de la LFI 2018, la RLS s’applique aux logements sociaux dont les occupants bénéficient des aides personnelles au logement. Calibrée aujourd’hui à 1,3 milliard d’euros, la RLS consiste en une diminution du loyer accompagnée d’une réduction des aides personnelles au logement dans une fourchette comprise entre 90 et 98 % du montant de la RLS.