N° 436

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE (n° 343),

 

d’orientation et de programmation
du ministère de l’intérieur,

PAR M. Florent BOUDIÉ

Député

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AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES FORCES ARMÉES

PAR M. Xavier BATUT

Député

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  876 (2021-2022), 19, 20, 9 et T.A. 2 (2022-2023).

 Assemblée nationale :  343.


 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 7

I. Présentation synthétique du projet de loi

II. Les modifications APPORTées par le Sénat

III. Les principaux apports de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

Examen des articles

Titre Ier Objectifs et moyens du ministère de l’intérieur

Article 1er Approbation du rapport sur la modernisation du ministère de l’Intérieur annexé au projet de loi

Article 2 Programmation budgétaire 2023-2027

Titre II Dispositions relatives à la révolution numérique du ministère

Chapitre Ier  Lutte contre la cybercriminalité

Article 3 (art. 706-154 du code de procédure pénale) Saisies d’actifs numériques par les officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction

Article 4 (art. L. 12-10-1 [nouveau] du code des assurances) Encadrement des clauses d’indemnisation des cyber-attaques par les assurances

Article 4 bis A (nouveau)  (art. 323-1 du code pénal) Aggravation des sanctions commises en cas d’atteinte  à un système de traitement automatisé des données

Article 4 bis B (nouveau)  (art. 323-4-1 du code pénal) Extension de la circonstance aggravante de bande organisée en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données

Article 4 bis C (nouveau)  (art. 398-1 du code de procédure pénale) Extension du recours à l’ordonnance pénale en cas d’accès ou de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données

Article 4 bis   (art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale) Complément à la liste des actes autorisés  dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme

Chapitre II Un équipement à la pointe du numérique

Article 5 (art. l. 32 et l. 34-16 [nouveau] du code des postes et des télécommunications électroniques) Mise en œuvre du Réseau radio du futur

Titre III Dispositions relatives à l’accueil des victimes et à la répression des infractions

Chapitre  Ier Améliorer l’accueil des victimes

Article 6 (art. 15-3-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et possibilité d’y avoir recours pour le recueil de la plainte

Article 6 bis (nouveau) (art. 10‑2 du code de procédure pénale) Droit des victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle d’être reçues, entendues et prises en charge par un officier de liaison formé sur ces sujets

Chapitre II Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes

Article 7 (art. 222-33-1-1 [nouveau], 222-44, 222-45, 222-48-2, 222-48-5 [nouveau], 621-1 [abrogé] du code pénal, art. 21 du code de procédure pénale et art. L. 2241-1 du code des transports) Renforcement de la répression de l’outrage sexiste

Article 7 bis (art. 222-14-5, 222-47 et 222-48 du code pénal, art. 721-1-2 du code de procédure pénale, art. L. 2331 et L. 236-1 du code de la route) Renforcement de la réponse pénale quant aux violences faites aux élus, aux refus d’obtempérer et aux rodéos urbains

Article 7 ter (supprimé) (art. 221-4, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal) Création d’une circonstance aggravante pour le meurtre et les violences commises à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime

Article 8 (art. 3135, 3221 et 43122 du code pénal, art. L. 22424 et L. 33154 du code des transports, art. L. 2152 et L. 21521 du code rural et de la pêche maritime) Renforcement de la répression des dérives sectaires et élargissement du recours aux techniques spéciales d’enquête (TSE) pour mieux lutter contre les dérives sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée

Titre IV Dispositions visant à anticiper les menaces et crises

Chapitre Ier Renforcer la filière investigation

Article 9 (art. 16 du code de procédure pénale) Suppression de la condition d’ancienneté pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire

Article 10 (art. 10-2, 15, 21-3 [nouveau], 60, 60-1, 60-3, 63-2, 63-3, 63-3-1, 77-1, 77-1-1, 99-5, 100-5, 230, 390-1 et 706-95-18 du code de procédure pénale) Création de la fonction d’assistant d’enquête

Article 10 bis (art. 20 du code de procédure pénale) Donner la qualité d’agents de police judiciaire à tous les militaires de la gendarmerie, autres que les OPJ et les réservistes

Chapitre II Renforcer la fonction investigation

Article 11 (art. 551, 60, 603, 762, 771, 7713, 995, 1541, 167, 230-1 et 70656 du code de procédure pénale et art. L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs) Suppression de la procédure de réquisition des services de police technique et scientifique (PTS) par les services de police

Article 12 (art. 155 [nouveau] du code de procédure pénale et art. 55 ter [nouveau] du code des douanes) Réduction des risques de nullité de la procédure  en cas de consultation de fichiers de police

Article 12 bis (nouveau) (art. L. 2343 du code de la sécurité intérieure et art. 171 de la loi n° 9573 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité) Consultation de traitements automatisés de données  par le SNEAV, les agents des douanes et la DGSI

Article 13 (art. 7711 du code de procédure pénale) Extension des autorisations générales de réquisitions

Article 13 bis (art. 571, 74, 763, 783, 971, 994, 1003, 1004 et 70656 du code de procédure pénale, art. L. 8135 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Extension des prérogatives des agents de police judiciaire sous le contrôle des officiers de police judiciaire

Chapitre III Améliorer la réponse pénale

Article 14 (art. 3135, 3221, 322-2, 322-3, 322-15 et 43122 du code pénal, art. L. 22424, L. 3124-4, L. 31247, L. 3124-12, L. 33154, L. 345211 [nouveau] et L. 427419 [nouveau] du code des transports, art. L. 2152 et L. 21521 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 233-2, L. 318-3 et L. 4121 du code de la route, art. L. 322-5 du code du sport, art. L. 3105 du code de commerce, art. L. 1142 du code du patrimoine, art. L. 554-12 du code de l’environnement et art. 49520, 49521 et 495-24-2 [nouveau] du code de procédure pénale) Généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour tous les délits punis d’une seule peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement au plus

Article 14 bis (Supprimé) (art. 22217 du code pénal) Suppression de la réitération et de la matérialisation comme éléments constitutifs du délit de menace

Chapitre IV

Article 15 (art. L. 115-1, L. 742-1 et L. 742-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Unité de commandement en cas de crise

Titre V Dispositions relatives à l’outre-mer

Article 16 Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les dispositions permettant l’application des dispositions du projet de loi dans les outre-mer

AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DéFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMées prÉsenté PAR M. xavier batut, rapporteur pour avis

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS

I. Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des outre-mer, et discussion générale

II. Examen DES ARTICLES

Fin de la première réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 9 heures 30

Deuxième réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14 heures 30

Troisième réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 21 heures

Quatrième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 9 heures 30

Cinquième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 17 heures

Sixième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 21 heures 15

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9 heures (commission de la Défense)

Personnes entendues


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Mesdames, messieurs,

Depuis 2017, la majorité parlementaire n’a cessé de démontrer son attachement aux forces de l’ordre. Cet engagement s’est traduit sur le plan législatif : pour ne citer qu’elles, la loi pour une sécurité globale préservant les libertés ([1]), celle relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure ([2]), ainsi que la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile ([3]), en sont quelques illustrations.

Cet engagement a également trouvé sa traduction budgétaire : entre 2017 et 2022, le budget du ministère de l’Intérieur a augmenté de 3,58 milliards d’euros, permettant notamment le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires, signe de la détermination de notre Assemblée à soutenir l’action des agents qui opèrent cette mission régalienne essentielle. 

Souhaité par le Président de la République, qui l’avait annoncé en clôture du Beauvau de la sécurité le 14 septembre 2021, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur renforce cette dynamique. Il planifie, pour la première fois depuis dix ans et la dernière loi de programmation, une augmentation inédite des moyens de ce ministère. Initialement déposé en mars sur le Bureau de l’Assemblée nationale, ce texte a ensuite été redéposé, dans une version resserrée, sur le Bureau du Sénat le 7 septembre, lequel l’a adopté le mois dernier à une très large majorité.

Le projet de loi trace une planification conséquente de la programmation budgétaire du ministère, en fixant à 15 milliards d’euros les crédits supplémentaires pour la période 2023-2027. Le rapport annexé au projet de loi présente les ambitions du ministère de l’Intérieur et en détaille les orientations sur cette période.

8 500 agents supplémentaires seront recrutés en cinq ans, contribuant à l’objectif de doublement du nombre d’agents sur la voie publique d’ici 2030 fixé par le Président de la République. 200 brigades de gendarmerie seront ouvertes en zones rurales et périurbaines. Alors que la formation de nos gardiens de la paix a déjà été prolongée de quatre mois cette année, le ministère de l’Intérieur prévoit l’augmentation de 50 % de la durée de la formation continue des policiers et gendarmes et le recrutement de 1 500 formateurs pour subvenir à ces besoins.

Le rapport annexé détaille également de nombreuses mesures visant la transformation numérique du ministère, d’une part, pour améliorer l’accessibilité des services publics dématérialisés et, d’autre part, pour répondre aux grands enjeux de la décennie, notamment caractérisée par un accroissement des menaces « cyber ». Des efforts substantiels en matière d’équipement de nos forces de l’ordre, de sécurisation de nos frontières et d’accueil des victimes, y sont enfin inscrits.

À côté des dispositions programmatiques exposées aux articles 1er et 2, le texte comporte plusieurs articles simplifiant la procédure pénale, revitalisant le métier et la fonction d’enquêteur, élargissant le dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle et renforçant les prérogatives des préfets en cas de crise. 

Le projet de loi d’orientation et de programmation présente ainsi une vision globale de l’action du ministère de l’Intérieur et de ses agents. Il est porteur d’une ambition pour nos forces de l’ordre qui transcende les clivages politiques. Avec une ligne directrice : permettre à nos policiers, nos gendarmes, nos sapeurs-pompiers, ainsi qu’à tous les acteurs du continuum de sécurité, de mieux faire face à la délinquance d’aujourd’hui et de demain.

En quatre semaines, votre rapporteur a réalisé plus d’une vingtaine d’auditions, permettant aux députés ayant suivi ces échanges d’entendre environ 75 personnes sur l’ensemble des dispositions du projet de loi. Ces travaux préparatoires ont contribué à la construction de solutions de consensus, car ce texte d’orientation et de programmation, adopté très largement par le Sénat, doit pouvoir rassembler les différentes sensibilités politiques autour des grands enjeux de sécurité publique poursuivis par cette loi.

 


I.   Présentation synthétique du projet de loi

L’article 1er approuve le rapport annexé au projet de loi qui définit les grands axes de modernisation du ministère de l’Intérieur.

L’article 2 programme l’évolution du budget du ministère de l’Intérieur pour les années 2023 à 2027, en passant de 22 milliards d’euros en 2022 à 25,3 milliards d’euros en 2027, soit un accroissement cumulé des moyens de 15 milliards d’euros.

L’article 3 permet aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, de procéder à des saisies d’actifs numériques.

L’article 4 encadre les clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances, en le conditionnant au dépôt d’une plainte par la victime dans les quarante-huit heures suivant le paiement.

L’article 5 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour engager les modifications du code des postes et des communications électroniques (CPCE) nécessaires au déploiement du projet « réseau radio du futur ».

L’article 6 insère dans le code de procédure pénale une nouvelle procédure permettant aux victimes d’une infraction pénale de déposer plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle. Il simplifie également les règles relatives à l’établissement du procès‑verbal s’agissant du recours à la visioconférence en procédure pénale.

L’article 7 renforce la répression de l’outrage sexiste aggravé, actuellement puni d’une contravention de la 5e classe, qui devient un délit puni de 3 750 euros d’amende. En complément, l’infraction d’outrage sexiste simple, qui est puni d’une contravention de la 4e classe, devrait quant à lui être modifié par voie réglementaire pour être réprimé par une contravention de la 5e classe.

L’article 8 étend le recours aux techniques spéciales d’enquête pour les homicides et viols sériels, la recherche de certains fugitifs et l’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse qui réprime notamment l’emprise sectaire et qui voit également ses peines aggravées.

L’article 9 permet aux policiers et gendarmes sortis d’école de passer directement l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ) à l’issue de leur formation initiale, en supprimant les trois années d’ancienneté actuellement nécessaires pour se présenter à cet examen. Les lauréats pourront ensuite, après 30 mois de service dont 6 dans un service d’enquête, être habilités pour exercer les prérogatives d’OPJ.

L’article 10 crée un nouvel acteur de la procédure pénale, les assistants d’enquête, chargés de suppléer les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire dans la réalisation de certaines formalités procédurales.

L’article 11 supprime l’obligation, pour les enquêteurs, de procéder à une réquisition judiciaire lorsqu’ils sollicitent les services et organismes de police technique et scientifique.

L’article 12 prévoit que l’absence de mention, en procédure, de l’habilitation d’un agent à consulter un fichier n’est plus, par elle-même, une cause de nullité, le magistrat pouvant d’office ou à la demande des parties vérifier la réalité de l’habilitation demeurant obligatoire.

L’article 13 étend, à travers une liste exhaustive, le champ des réquisitions susceptibles d’être réalisées dans le cadre d’instructions générales du parquet lors d’une enquête préliminaire.

L’article 14 étend le champ d’application de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle (dans sa version initiale, aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an ou d’une seule peine d’amende).

L’article 15 du projet de loi permet au préfet de département, lors d’événements d’une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, de diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation.

Sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, l’article 16 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 73 et de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

II.   Les modifications APPORTées par le Sénat

À l’article 1er, le Sénat a adopté 36 amendements – 20 en commission, 16 en séance publique – modifiant plusieurs alinéas du rapport annexé et en insérant de nouveaux. Les sénateurs ont notamment souhaité :

– garantir l’accessibilité des démarches aux personnes en situation de handicap et améliorer l’accessibilité des locaux des commissariats et gendarmeries ;

– assurer la prise en compte des spécificités de la police judiciaire dans la future réforme de la police nationale ;

– préciser les modalités de déploiement des 200 nouvelles brigades de gendarmerie dont la création est prévue d’ici 2027 ;

– inscrire dans le rapport annexé l’obligation de maintien d’au moins une maison de confiance et de protection de la famille dans chaque département.

À l’article 4, le Sénat a adopté un amendement tendant à accélérer l’information des services d’enquête. La rédaction proposée prévoit de conditionner le remboursement par l’assurance de la cyber-rançon au dépôt d’une pré-plainte (et non plus d’une plainte) de la victime auprès des autorités compétentes, dans les 24 heures qui suivent l’attaque, et avant tout paiement (et non plus 48 heures au plus tard après le paiement de la rançon).

La commission des Lois du Sénat a introduit un article 4 bis, qui complète la liste des actes autorisés dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme, afin de faciliter le recours à la technique du « coup d’achat ».

Sur proposition des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’article 5. Par la suite, par voie d’amendement adopté en séance publique, le Gouvernement a proposé d’inscrire directement dans la loi les modifications nécessaires à la mise en œuvre du projet.

S’agissant de l’article 6, le Sénat a adopté un amendement en commission assortissant le décret relatif aux modalités d’application du présent article d’un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Il a également introduit, en séance, un nouvel alinéa précisant que la plainte par visioconférence ne faisait pas obstacle à une audition ultérieure de la victime dans les locaux des services ou unités de police judiciaire.

Sur proposition des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a complété l’article 7 par une double coordination à l’article 21 du code de procédure pénale et à l’article L. 2241-1 du code des transports, afin de permettre aux agents de police judiciaire adjoints et aux agents chargés de la sûreté dans les transports de continuer de constater les infractions d’outrage sexiste et d’outrage sexiste aggravé.

L’article 7 bis a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative d’un des deux rapporteurs, M. Marc‑Philippe Daubresse, afin de renforcer les peines encourues par les auteurs de violences sur les élus, de rodéos motorisés ou de refus d’obtempérer. Ces derniers se voient également appliquer un régime de réduction de peine plus sévère.

L’article 7 ter a été introduit en séance par un amendement de M. Michel Savin insérant dans le code pénal une nouvelle circonstance aggravante visant les meurtres ou violences qui sont commis « à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime ».

À l’article 10, le Sénat a souhaité mieux encadrer les conditions selon lesquelles les assistants d’enquête pourront procéder à des transcriptions et a inscrit à l’article une évaluation de sa mise en œuvre dans les trois ans à compter de la publication de la loi.

La commission des Lois a introduit un article 10 bis, qui octroie la qualité d’agent de police judiciaire à l’ensemble des militaires de la gendarmerie nationale n’ayant pas celle d’officier de police judiciaire, à l’exception des réservistes. Il permettra ainsi aux élèves officiers de la gendarmerie nationale d’avoir cette qualité dès leur formation initiale.

En plus d’effectuer des coordinations, le Sénat a, à l’article 11, étendu la suppression de l’obligation de réquisition de la police technique et scientifique (PTS) à certaines opérations, parmi lesquelles l’ouverture de scellés aux fins de copie de données dans le cadre d’enquêtes de flagrance et préliminaire.

À l’article 12, la commission des Lois du Sénat a seulement procédé à la correction d’une erreur matérielle.

La commission des Lois du Sénat a introduit un article 13 bis qui étend les prérogatives des agents de police judiciaire (APJ) en leur permettant de réaliser certains actes en matière de réquisitions, de constatations et d’informations, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire.

La commission des Lois du Sénat, en adoptant un amendement de ses rapporteurs, a procédé à la réécriture intégrale de l’article 14, afin de substituer à la généralisation initialement prévue une extension du champ d’application de l’AFD plus ciblée, visant huit nouvelles catégories de délits. En séance, cette liste a été complétée, à l’initiative du Gouvernement, par six autres délits.

L’article 14 bis, introduit par le Sénat en commission par un amendement de M. Pierre‑Antoine Levi, modifie les éléments constitutifs du délit de menace, en supprimant l’exigence de réitération ou de matérialisation de la menace pour qu’une sanction soit encourue.

À l’article 15, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’exclusion des agences régionales de santé initialement prévue par le dispositif, et a procédé à diverses modifications rédactionnelles.

Enfin, le Sénat a écrit directement dans l’article 16 les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation du projet de loi dans les territoires ultramarins.

Le Sénat n’a en revanche pas modifié les articles 2, 3, 8, 9 et 13 du projet de loi.

III.   Les principaux apports de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

À l’article 1er, en plus d’un amendement rédactionnel de votre rapporteur, les commissaires aux Lois ont adopté 42 amendements portant sur les trois parties du rapport annexé au projet de loi.

À l’article 2, la Commission a adopté un amendement de M. Éric Ciotti augmentant chaque année de 60 millions d’euros les prévisions de crédits du ministère de l’Intérieur inscrites à l’article afin de financer un plan d’extension des centres de rétention administrative.

À l’article 3, la Commission a adopté un amendement visant à préciser que celui-ci s’applique à l’ensemble des actifs numériques, qu’ils soient ou non conservés par un prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) enregistré auprès de l’Autorité des marchés financiers.

À l’article 4, la Commission a adopté trois amendements identiques de Mme Le Hénanff et de MM. Latombe et Belhamiti visant à élargir le champ du dispositif à l’ensemble des remboursements assurantiels faisant suite à une atteinte à un système de traitement automatisé des données. Cette plainte doit être déposée au plus tard quarante-huit heures après la constatation de l’infraction.

Sur proposition de M. Haddad, la Commission a introduit l’article 4 bis A qui renforce les sanctions en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Cubertafon, la Commission a introduit l’article 4 bis B qui étend le champ de la circonstance aggravante de bande organisée en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données, en supprimant la restriction qui la limitait aux seules infractions commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

Toujours sur proposition de M. Cubertafon, la Commission a introduit l’article 4 bis C qui étend la possibilité de recourir à une ordonnance pénale en cas d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données.

À l’article 5, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur tendant à définir les caractéristiques essentielles de l’établissement public chargé d’assurer la mise en œuvre et l’exploitation du réseau radio du futur, qui constitue une catégorie d’établissement public au sens de l’article 34 de la Constitution.

La Commission a considérablement complété et enrichi le dispositif de la plainte par visioconférence prévu à l’article 6 en adoptant neuf amendements, issus de divers groupes politiques, afin de préciser les règles procédurales et les droits de la victime, en rappelant notamment qu’il ne s’agit pour elle que d’une possibilité.

À l’initiative de Mme Sandra Regol, la Commission a introduit l’article 6 bis qui complète l’article 10-2 du code de procédure pénale afin de prévoir que les victimes ont le droit d’être reçues, entendues et prises en charge par un officier de liaison formé à la prise en charge, au traitement et à l’accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.

À l’article 7, la Commission a adopté des amendements identiques de votre rapporteur, de M. Raphaël Gérard, de Mme Sabrina Sebaihi et de M. Erwan Balanant élargissant les circonstances qui permettent de qualifier le délit d’outrage sexiste et sexuel aux cas où les faits sont commis en raison de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime. Sur proposition de M. Erwan Balanant, la Commission a également intégré une nouvelle circonstance lorsque les faits sont commis dans un véhicule de transport public particulier.

À l’article 7 bis, la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, ainsi qu’un amendement de M. Ian Boucard précisant que l’auteur de l’infraction de violence contre les forces de l’ordre prévue à l’article 222-14-5 du code pénal encourt également les peines complémentaires d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique et d’interdiction du territoire français.

La Commission a supprimé l’article 7 ter.

La Commission a choisi de modifier la rédaction de la première partie de l’article 8 en adoptant un amendement de Mme Marie-France Lorho en vertu duquel la circonstance aggravante sanctionnant les agissements sectaires commis par le dirigeant de fait ou de droit du groupement concerné ne sera pas remplacée, mais complétée par la circonstance aggravante de commission en bande organisée.

À l’article 10, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur précisant l’obligation de procéder à une évaluation de la mise en place des assistants d’enquête introduite par le Sénat, qui incombe ainsi au Gouvernement.

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a apporté plusieurs précisions au dispositif de l’article 11, dont l’une garantissant que les mesures de simplification concernent bien l’ensemble des services et organismes de PTS.

À l’initiative de M. Ian Boucard, la commission des Lois a introduit un nouvel article 12 bis qui étend de façon encadrée les hypothèses de consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie.

À l’article 13, la Commission a étendu la possibilité de procéder à la réquisition de données bancaires sur le fondement d’autorisations générales, aux données des personnes suspectées d’avoir tenté de commettre l’infraction, et a prévu la réalisation d’une évaluation du dispositif après un délai de deux ans.

À l’article 13 bis, en adoptant un amendement en ce sens de votre rapporteur, la Commission a étendu au cadre de l’enquête préliminaire la possibilité, pour les APJ, de requérir une personne lors d’une perquisition pour accéder à des données.

À l’article 14, la Commission, tout en poursuivant l’approche ciblée du Sénat, a étendu le champ d’application de l’AFD à d’autres infractions, en particulier en matière de circulation routière, de transport routier et de navigation. Elle a également prévu la possibilité d’appliquer la procédure de l’AFD y compris en cas de récidive. Enfin, outre des mesures de coordination, elle a également apporté des simplifications procédurales pour faciliter les contestations et introduit une clause de revoyure pour pleinement évaluer le dispositif des AFD.

La Commission a supprimé l’article 14 bis.

À l’article 15, sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif.


Examen des articles

Titre Ier
Objectifs et moyens du ministère de l’intérieur

Article 1er
Approbation du rapport sur la modernisation du ministère de l’Intérieur annexé au projet de loi

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article approuve le rapport annexé au projet de loi, qui définit les grands axes de modernisation du ministère de l’Intérieur.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est la dernière loi planifiant, pour les années 2011-2013, les moyens du ministère de l’Intérieur. Son article premier approuve un rapport annexé détaillant les mesures alors envisagées pour moderniser le fonctionnement du ministère et améliorer les conditions de travail de ses agents.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté 36 amendements – 20 en commission, 16 en séance publique – modifiant plusieurs alinéas du rapport annexé et en insérant de nouveaux.

       Principaux apports de la commission des Lois

La commission des Lois a adopté 42 amendements.

1.   Le projet de loi initial

L’article 1er du projet de loi propose d’adopter le rapport annexé présentant la politique de modernisation du ministère de l’Intérieur pour les années 2023-2027. Il se décline en trois parties : la « révolution numérique » du ministère ; la proximité, la transparence et l’exemplarité des forces de l’ordre ; la prévention des menaces et crises futures.

Sans portée normative ([4]), le rapport a néanmoins une valeur politique et symbolique puisqu’il présente, devant la représentation nationale, les principales orientations qui seront prises par le ministère de l’Intérieur pour le quinquennat.

a.   « Une révolution numérique profonde » (alinéas 12 à 93)

Le ministère de l’Intérieur entend mieux sensibiliser et prévenir le risque cyber, notamment par la formation des équipes préfectorales et par l’encadrement des clauses de remboursement des rançons par les assurances (article 4 du projet de loi). L’administration adaptera sa réponse opérationnelle aux cyber-pirates, en particulier par le développement de nouveaux pans du renseignement criminel, la création d’une école de formation cyber au sein du ministère, la mise en place d’un équivalent de « l’appel 17 » pour les attaques cyber, ainsi que par le recrutement de 1 500 cyber-patrouilleurs. Les cryptomonnaies pourront être saisies dans les mêmes conditions que les avoirs bancaires (article 3 du projet de loi).

Les usages en matière d’identité numérique seront renforcés : il sera par exemple possible de faire une procuration de vote par voie dématérialisée. Un accompagnement physique sera maintenu comme alternative à chaque téléprocédure et le réseau des points d’accueil numérique des préfectures (PAN) ([5]) sera consolidé avec le déploiement des « PAN + » offrant une assistance dans la réalisation de l’ensemble des démarches aujourd’hui accessibles en ligne. Une aide par téléphone ou chatbot continuera d’être disponible pour les administrés qui le souhaitent.

Afin de conduire la politique de modernisation numérique de l’équipement des forces de sécurité, une agence du numérique sera créée et chargée de développer des outils adaptés aux besoins avec, en particulier, un objectif à l’horizon 2030 d’équipements enrichis en nouvelles technologies. Les caméras-piétons seront généralisées et les véhicules seront dotés de caméras embarquées dès l’an prochain. Le réseau radio du futur sera utilisé par 300 000 agents chargés de missions de protection des populations et de gestion des crises (article 5 du projet de loi). Enfin, la gestion des alertes et des opérations de l’ensemble des services d’incendie et de secours sera mutualisée et rendue interopérable.

La politique numérique deviendra une priorité stratégique du ministère de l’Intérieur, qui en confiera le pilotage à un secrétaire général adjoint. Certaines compétences seront internalisées grâce au recrutement de fonctionnaires et contractuels, tandis que l’ensemble des agents du ministère sera formé au numérique. L’agence du numérique sera chargée de définir la politique d’ouverture des données et des sources de l’administration. Des partenariats industriels seront créés, en particulier par des mobilités croisées, voire par la formation continue d’agents du ministère dans les groupes industriels français. Enfin, le ministère financera des travaux de thèses et postdoctoraux et s’associera à des chaires pour promouvoir la recherche.

b.   « Plus de proximité, de transparence et d’exemplarité » (alinéas 94-225)

La présence des policiers sur le terrain sera doublée d’ici 2030, notamment grâce à la création de 200 brigades de gendarmerie ainsi qu’au recours aux réserves opérationnelles – à l’horizon 2027, le ministère prévoit 50 000 réservistes pour la gendarmerie nationale et 30 000 pour la police nationale, contre respectivement 30 000 et 6 000 aujourd’hui – et, s’agissant de la police nationale, grâce au renforcement des unités de police secours. La compensation financière des heures supplémentaires permettra de limiter le recours aux récupérations. L’augmentation du temps de travail, à négocier avec les organisations syndicales, est aussi envisagée. La création de la fonction d’assistant d’enquête (article 10 du projet de loi) ainsi que la simplification de la procédure pénale (articles 12, 13 et 14 du projet de loi) permettront aux enquêteurs, en réduisant le temps consacré à la conduite de certaines formalités procédurales, de se concentrer sur le cœur de leur métier.

L’implantation de 200 nouvelles brigades de gendarmerie

Le schéma d’emplois 2023-2027 pour la gendarmerie nationale s’élève à +3 540 ETP, dont 3 158 ETP sont fléchés au titre du renforcement de la présence de voie publique. Cela comprend essentiellement la création de 7 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) et de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Ces dernières accueilleront 60 % des effectifs de la LOPMI prévus pour la gendarmerie.

Les modalités de désignation des lieux d’accueil de ces brigades ont fait l’objet d’un travail préalable par les échelons territoriaux de la gendarmerie au niveau départemental, afin de déterminer les secteurs les plus vulnérables et l’évolution des problématiques de délinquance locale.

Ce travail d’analyse doit éclairer la concertation avec les élus locaux, qui sera organisée dans chaque département sous l’autorité des préfets. L’objet de cette concertation est d’aboutir à un constat partagé sur les besoins de sécurité, et de recueillir les propositions des élus sur l’implantation des futures unités. À l’issue de cette concertation, les préfets de département devront communiquer au ministre de l’Intérieur et des outre-mer les propositions des élus locaux pour le 15 février 2023. Une trentaine de brigades seront ainsi créées dès l’été prochain – le reste s’échelonnera jusqu’en 2027.

L’effectif cible moyen des unités est de 10 pour les brigades mobiles et de 16 pour les brigades fixes, avec une possibilité de les créer avec un effectif d’amorçage respectivement fixé à 6 et 10 ETP pour atteindre l’effectif cible ultérieurement.

Sans préjudice des conclusions de la concertation en cours dans chaque département, la répartition prévisionnelle initiale est de 2/3 de bridages fixes et d’1/3 de brigades mobiles.

Source : réponse du ministère de l’Intérieur au questionnaire adressé par votre rapporteur

Le gouvernement entend réorganiser les services de police, en proposant la généralisation des directions départementales de la police nationale (DDPN) et la réorganisation des services de l’administration centrale par filières métiers. Certains de ces services seront relocalisés dans les villes moyennes et les territoires ruraux. Un commandement opérationnel des forces sera mis en place pour diriger les forces de l’ordre présentes sur la voie publique. Fonctionnant en continu, il est attendu « un meilleur pilotage des effectifs présents sur le terrain, en fonction des priorités définies, [qui] visera à pallier les difficultés pouvant être observées sur certaines interventions délicates. »

La réforme de la police nationale

Publié en novembre 2020, le livre blanc de la sécurité intérieure invite à « mener à bien une réforme ambitieuse et profonde de la gouvernance de la police nationale », en « déchargeant les échelons centraux de la police nationale de ce qui doit relever des services territoriaux et en leur réservant ce qui est leur vocation première - définir doctrine, outils, moyens et méthodes » tout en déconcentrant aux unités de terrain les missions revêtant un caractère opérationnel. Il préconise ainsi « d’unifier la gouvernance de la police nationale en regroupant les métiers au sein de filières animées à chaque échelon territorial par un directeur unique de la police nationale ». Ces objectifs devraient se traduire, selon le Gouvernement, par :

– la réorganisation de la gouvernance centrale de la direction générale de la police nationale (DGPN) par la création d’un directeur général adjoint et de directeurs nationaux chargés d’animer et de piloter chacune des filières métiers de la police ;

– la déconcentration du modèle de gouvernance : les directeurs départementaux de la police nationale se substitueraient aux actuels directeurs territoriaux (sécurité publique, police judiciaire, police aux frontières, etc.), regroupant les effectifs de police de chacune des filières ; les directions zonales de sécurité publique et de police judiciaire seraient regroupées en directions zonales de police nationale ;

– la confirmation du rôle et de l’autorité des préfets dans la conduite de leurs missions de sécurité dans le département, en lien avec les élus locaux.

Expérimentée d’abord début 2021 dans trois départements (Pas-de-Calais, Savoie et Pyrénées-Orientales), puis étendue début 2022 dans cinq autres (Calvados, Hérault, Oise, Puy-de-Dôme et Haut-Rhin), cette réforme s’inspire des principes d’organisation qui ont conduit à la création des directions territoriales de la police nationale (DTPN) dans les collectivités ultramarines (début 2020 en Nouvelle-Calédonie, Guyane et Mayotte ; début 2022 en Guadeloupe, Martinique, à La Réunion et en Polynésie française). Elle consiste concrètement en une unification de l’ensemble des services – police judiciaire, sécurité publique, police aux frontières, renseignement – qui seront départementalisés et soumis à l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale, interlocuteur unique des préfets pour les sujets relevant de la sécurité intérieure.

Toutefois, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur ne constitue pas la pierre normative sur laquelle la réforme de la police nationale en général, celle de la police judiciaire en particulier, nécessiteraient de s’appuyer pour se déployer dans les prochains mois.

Le parcours des victimes sera refondu : l’application « Ma sécurité » permettra, dès 2023, de déposer plainte en ligne et de suivre le parcours de la plainte ; la prise de plainte hors les murs sera généralisée ; 19 maisons de confiance et de protection de la famille ([6]) seront créées l’année prochaine ; enfin, les accueils physiques des brigades et des commissariats seront rénovés.

Afin de mieux lutter contre les violences conjugales, le nombre d’enquêteurs consacrés à ces infractions sera doublé et 200 intervenants sociaux seront recrutés. Un fichier de prévention des violences intrafamiliales sera mis en place pour mieux prévenir la récidive et garder trace des signaux de dangerosité et des interventions des forces de l’ordre. Les associations pourront organiser le dépôt de plainte dans leurs locaux et signaler aux forces de l’ordre les faits dont elles ont connaissance. L’outrage sexiste sera considéré comme un délit (article 7 du projet de loi) et les techniques spéciales d’enquête seront étendues aux homicides et viols sériels (article 8 du projet de loi). Enfin, les effectifs des forces de sécurité dans les transports en commun seront doublés.

Afin de diversifier les recrutements des agents du ministère, 100 classes de reconquête républicaine seront mises en place, prioritairement à l’endroit des décrocheurs scolaires. Le ministère mènera des actions ciblées de recrutement et réformera ses concours. Le plan « 10 000 » jeunes, qui a permis de recruter stagiaires, apprentis et alternants, sera reconduit et amplifié. Une campagne de recrutement sera lancée. La promotion interne sera facilitée par l’instauration de cours du soir et la pratique du détachement permettra à des fonctionnaires d’autres administrations d’accéder plus facilement à des postes d’encadrement.

Pour assurer la transparence et l’exemplarité de l’action des forces de l’ordre, un comité d’éthique, composé de personnalités qualifiées et structuré en collègues thématiques, sera créé auprès du ministre de l’Intérieur et pourra se saisir des sujets sensibles concernant les forces de l’ordre. Les plateformes de signalement des inspections seront modernisées. L’évaluation des personnels sera renforcée avec la conduite d’évaluation « à 360° » ([7]). Les fonctionnaires de police et les gendarmes condamnés pour certaines infractions graves seront exclus des cadres.

Chargée de l’animation du continuum de sécurité, une direction unique des partenariats sera créée au sein du ministère et favorisera le dialogue entre les forces de sécurité étatique, les polices municipales, la sécurité privée et les industriels. Les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIDPR) consacrés à la vidéo-protection seront triplés entre 2023 et 2027.

Le ministère de l’Intérieur sera davantage ouvert sur la société. De nouveaux partenariats seront noués entre le monde de la recherche et la police nationale. Un collège des experts de la sécurité civile, notamment chargé d’« adapter les outils de la résilience collective face aux conséquences des évolutions climatiques », sera instauré. L’institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) sera chargé de structurer une fonction prospective et anticipation.

Le matériel des forces de l’ordre sera modernisé. Entre 2023 et 2027, 10 % de la flotte en moyens mobiles sera renouvelée chaque année et des véhicules supplémentaires seront acquis pour les unités spécialisées dans le maintien de l’ordre. Policiers et gendarmes bénéficieront de nouveaux armements. Leur équipement de protection sera remplacé par des modèles plus récents. Un programme d’acquisition de drones, utilisés en soutien des effectifs chargés de la sécurité et du secours des populations, sera lancé.

Enfin, une nouvelle structure consacrée à la gestion et à l’entretien du patrimoine sera chargée de la modernisation de la politique immobilière du ministère. Celle-ci devra principalement améliorer la gestion du foncier et réduire la consommation énergétique des bâtiments. Les ensembles immobiliers de l’administration centrale seront rationalisés – à titre d’exemples, les services « supports » du ministère seront rassemblés fin 2026 et ceux de la DGSI seront installés sur un site unique.

c.   « Mieux prévenir les menaces et les crises futures » (alinéas 226-411)

Pour renforcer l’attractivité de la fonction d’enquêteur, la condition d’ancienneté permettant aux gardiens de la paix et aux sous-officiers de passer l’examen d’officier de police judiciaire sera supprimée (article 9 du projet de loi). L’allégement de la procédure pénale et la création de la fonction d’assistant d’enquête, ainsi que le recours plus large à la télécommunication audiovisuelle pour certains actes d’enquête, simplifieront le quotidien des enquêteurs. Des délégués du procureur seront positionnés dans les commissariats et les gendarmeries. Les moyens de la police technique et judiciaire seront augmentés. Les amendes forfaitaires délictuelles seront étendues à l’ensemble des délits punis d’un an de prison (article 14 du projet de loi).

Un collège technique interministériel sera créé afin de mieux anticiper et prévenir les crises ([8]). L’intelligence artificielle, ainsi que des outils numériques d’aide à la décision, pourront être sollicités « pour exploiter la multitude de données numériques collectées auprès de toutes les forces de sécurité intérieure (FSI), des périmètres ministériels, opérateurs privés, et réseaux sociaux ».

Un centre interministériel de crise (CIC) plus moderne sera construit. En cas d’évènements d’une particulière gravité, les prérogatives du préfet seront clarifiées et renforcées (article 15 du projet de loi) et une majorité de centres opérationnels départementaux des préfectures ([9]), aujourd’hui vétuste, sera rénovée.

Une journée nationale « consacrée aux risques majeurs et aux gestes qui sauvent » sera instaurée pour sensibiliser l’ensemble de la population aux risques naturels et technologiques. La flotte d’hélicoptères de l’État sera pour partie modernisée et l’achat d’avions bombardier d’eau sera programmé pour remplacer la flotte vieillissante de Canadairs. La base aérienne de Nîmes-Garons deviendra le hub européen de sécurité civile et des moyens seront prépositionnés dans les territoires ultramarins, particulièrement exposés aux risques naturels.

Les moyens aériens de la sécurité civile

En France, l’essentiel des moyens aériens mis en œuvre pour lutter contre les feux de forêt appartient à l’État. Il dispose notamment de 12 Canadairs, destinés à l’attaque directe des incendies sur lesquels ces appareils peuvent larguer 6 140 litres.

La France possède actuellement sept avions bombardier d’eau DASH 8 et en comptera un huitième dans sa flotte en 2023. D’une capacité d’emport d’environ 10 000 litres, les DASH 8 sont les bombardiers d’eau les plus puissants dont dispose la sécurité civile. Ils ont progressivement remplacé les anciens Trackers, dont la durée d’exploitation était en moyenne de 64 ans avant leur retrait de la flotte en février 2020. Ils ont pour mission d’arrêter la propagation des feux en établissant des lignes d’arrêt.

La France emploie également 33 hélicoptères EC 145 dits « dragons », qui ne sont néanmoins pas spécialisés dans des missions de lutte contre les feux de forêt, lesquelles ne représentaient que 0,5 % de l’activité de la flotte en 2021 et 2 % en 2022. Ces hélicoptères servent à réaliser des missions de guidage des avions bombardiers d’eau, ainsi que des missions de commandement sur les chantiers et des missions de soutien logistique et de secours au profit des sapeurs-pompiers.

La sécurité civile a, en outre, fait l’acquisition en 2021 de deux hélicoptères H 145, affectés sur les bases hélicoptère d’Annecy et de Grenoble.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, les hélicoptères de la sécurité civile ont réalisé 18 577 missions en 2021 et effectuent en moyenne 16 000 heures de vol chaque année. Toutes les 33 minutes, une victime est secourue par du personnel pilotant l’un de ces appareils.

Source : avis budgétaire n° 341 de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2023.

Pour renforcer sa réponse opérationnelle face aux « subversions violentes », le ministère de l’Intérieur prévoit la création de onze nouvelles unités de force mobile, qui seront disponibles dans la perspective de l’organisation, en France, de la coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2014. Des moyens supplémentaires seront débloqués pour ces évènements, notamment en matière de cyber sécurité et pour le déploiement de dispositifs de lutte anti-drones pendant les JOP.

Pour mieux sécuriser les frontières nationales, les garde-frontières de FRONTEX seront dotés des mêmes prérogatives que celles des agents de la police aux frontières. De nouveaux moyens – drones de surveillance, caméras infra-rouges et thermiques, etc. – seront progressivement déployés à cette fin. Le recours au SAS PARAFE, dispositif de passage rapide aux frontières extérieures, ainsi que les titres de séjour biométriques seront généralisés. La création de brigades mixtes de lutte contre l’immigration irrégulière, la formation de policiers étrangers et l’interopérabilité de nos systèmes d’information renforceront la politique de coopération européenne du ministère. Un centre technique pluridisciplinaire en charge de la recherche & développement, piloté par les forces de sécurité intérieure et par la délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité (DPSIS), sera mis en place.

La durée de la formation initiale des forces de l’ordre augmentera de quatre mois pour les policiers et les gendarmes et celle de la formation continue sera accrue de 50 % pour l’ensemble des agents du ministère. Une école de formation cyber, une académie de police ([10]), une école de la police scientifique et un centre de formation au maintien de l’ordre en conditions urbaines seront créés. Une nouvelle école de police et 13 centres régionaux de formation seront inaugurés et 1 500 formateurs seront recrutés sur cinq ans pour répondre aux besoins de recrutements.

Enfin, le rapport aborde la refonte de la fonction RH au sein du ministère. Celle-ci doit notamment se traduire par la déconcentration de la gestion des ressources humaines et l’amélioration de la qualité de vie au travail, notamment par la constitution d’un réseau de psychologues du travail, l’aménagement de l’offre de restauration des policiers et l’organisation d’« actions de cohésion et de prévention (séminaires de service, action de santé et bien-être, équipements sportifs, rencontres entre familles, etc.). » Le ministère prévoit également la réservation de 200 places supplémentaires en crèche et un renforcement des moyens consacrés à l’accompagnement vers l’emploi des conjoints d’un montant d’un million d’euros.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté 36 amendements – 20 en commission, 16 en séance publique – modifiant plusieurs alinéas du rapport annexé et en insérant de nouveaux.  

a.   Les modifications portant sur le volet numérique du rapport annexé 

La commission des Lois du Sénat a adopté six amendements de M. Patrick Kanner et Mme Maryse Carrère visant à garantir l’accessibilité des démarches dématérialisées aux personnes en situation de handicap, ainsi que la formation des agents chargés d’accompagner ces usagers.

En séance publique, les sénateurs ont voté un unique amendement de Mme Monique de Marco préconisant de mener une étude sur l’opportunité de créer une seconde base pour les aéronefs de la sécurité civile.

b.   Les amendements relatifs aux mesures visant à renforcer la proximité, la transparence et l’exemplarité des forces de l’ordre 

La commission des Lois a adopté six amendements :

– à l’initiative de Mme Nadine Bellurot et de M. Jérôme Durain, elle a souhaité préciser que le Gouvernement doit, dans le cadre de la réforme de la police nationale, prendre en compte les spécificités de la police judiciaire ;

– par deux amendements de M. Philippe Paul et Mme Gisèle Jourda, elle a précisé, d’une part, que la répartition des effectifs de police et de gendarmerie doit prendre en compte la réalité des territoires et la nécessité d’améliorer le service rendu à la population et, d’autre part, que le choix d’implantation des nouvelles brigades doit se faire en fonction de critères qualitatifs. Ces amendements prévoient la signature de protocoles de coopération opérationnelle entre les forces de police et de gendarmerie dans tous les départements ;

– par un amendement des mêmes auteurs, la commission des Lois a fixé une cible d’emploi des réservistes de la police nationale et de la gendarmerie nationale de 25 jours par an et par personne ;

– à l’initiative des mêmes auteurs, la Commission a prévu une allocation de 200 millions d’euros annuels pour rénover les casernes et de 100 millions d’euros annuels pour réaliser des travaux de maintenance ;

– par un amendement de M. Jérôme Durain, les sénateurs ont souhaité inscrire dans le rapport la possibilité offerte aux collectivités de financer, via les crédits du FIPDR, des audits de failles de sécurité sur les caméras de vidéo-protection déjà installées.

En séance publique, le Sénat a adopté dix amendements concernant principalement l’implantation des brigades de gendarmerie :

– par trois amendements des rapporteurs, de M. Olivier Jacquin et de M. Philippe Paul et Mme Gisèle Jourda, le Sénat a précisé que les modalités de financement de la construction de nouvelles brigades « seront adaptées, le cas échéant par l’adoption de dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales » et que le dispositif de soutien financier sera « renforcé » ;

– un amendement, défendu par M. Mohamed Soilihi, appelle le Gouvernement à faire preuve d’une attention particulière concernant l’implantation des nouvelles brigades dans les outre-mer ;

– les sénateurs ont souhaité, par le vote d’un amendement du sénateur Thomas Dossus, prévoir la consultation obligatoire du maire avant toute fermeture de brigade de gendarmerie ou de commissariat ;

– à l’initiative de M. Jérôme Durain, un amendement inscrit dans le rapport la possibilité, pour les inspections, d’utiliser les nouvelles possibilités permises par l’intelligence artificielle ;

– à l’initiative de la sénatrice Maryse Carrère, le Sénat a adopté un amendement inscrivant dans le rapport une obligation de mise en accessibilité des locaux des brigades et commissariats ;

– un amendement de la sénatrice Dominique Varien prévoit le maintien a minima d’une maison de confiance et de protection de la famille dans chaque département ;

– un amendement, défendu par Mme Laurence Harribey, prévoit l’évaluation, en lien avec le ministère de la Justice, des résultats des centres éducatifs fermés en matière de délinquance des mineurs, ainsi que la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux centres vers les dispositifs existants plus adaptés aux besoins de terrain ;

– enfin, par un amendement du sénateur Georges Patient, le Sénat a inscrit dans le rapport une mention expresse de l’orpaillage illégale et la pêche illicite parmi les menaces impactant la Guyane.

c.   Les modifications portant sur les mesures visant à prévenir les menaces et les crises futures

En commission, le Sénat a adopté deux amendements :

– l’un de Mme Laurence Harribey, prévoyant que les pactes capacitaires des services d’incendie et de secours devraient conduire à une répartition des moyens proportionnés aux risques ;

– le second des rapporteurs, procédant à une coordination de l’article 14 et supprimant ainsi la mention selon laquelle l’amende forfaitaire délictuelle pourra être utilisée pour l’ensemble des délits punis d’un an au plus d’emprisonnement.

Cinq amendements ont été adoptés par les sénateurs en séance publique. À l’initiative de M. Patrick Kanner, le Sénat a ainsi précisé dans le rapport annexé que l’école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers devra être modernisée. Un amendement du même sénateur préconise, lorsqu’elle semble nécessaire, la réouverture de centres de secours, ainsi que la création de centres de première intervention dans les massifs exposés au risque de feux de forêts. Il prévoit enfin la consultation du maire avant toute fermeture de centre d’incendie et de secours.

Les rapporteurs ont inséré un nouvel alinéa de coordination au sein du rapport annexé. Celui-ci décline le nouvel article 10 bis introduit à leur initiative en commission des Lois, qui attribue la qualité d’agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale.

Par un amendement de Mme Mélanie Vogel, le Sénat a voté le renforcement des actions de prévention, de contrôle et répression des atteintes à l’environnement, « en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés, et en assurant une formation et sensibilisation transversale » sur ce sujet.

Enfin, les sénateurs ont adopté un amendement de M. Thomas Dossus précisant que la mutualisation des outils de formation commune des forces de sécurité intérieure ne peut se faire au détriment des besoins spécifiques des unités et du volume horaire de leur formation.

3.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La commission des Lois a adopté l’article 1er, modifié par 42 amendements.

● S’agissant des dispositions relatives à la transformation numérique du ministère de l’Intérieur, elle a adopté les amendements suivants :

– un amendement CL193 de Mme Mélanie Thomin visant à inscrire explicitement la prise en compte de la réglementation en matière de traitement des données personnelles, et à améliorer la transparence sur ces traitements ;

– un amendement CL285 rectifié de M. Éric Bothorel proposant la réalisation d’un bilan semestriel des activités de PHAROS ;

– un amendement CL384 de M. Félix Acquaviva invitant le Gouvernement à étudier l’opportunité d’une coopération transfrontalière entre la Corse et la Sardaigne afin de créer une force méditerranéenne de lutte contre les incendies ;

– un amendement CL91 de M. Christophe Naegelen, sous-amendé par votre rapporteur, précisant les communautés utilisatrices du réseau radio du futur ;

– un amendement CL99 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, visant à préciser que l’effort porté en matière de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologies, dans le cadre des partenariats avec le monde académique, sera également consacré à la cybersécurité ;

– un amendement CL100 de la commission de la Défense nationale et des forces armées tendant à prévoir que la feuille de route des projets numériques du ministère dans les outre-mer sera réalisée après consultation des parlementaires et des élus locaux ;

– un amendement CL159 de M. Roger Vicot précisant que l’objectif de doublement des policiers et gendarmes sur la voie publique est permis par « un recrutement massif de policiers et de gendarmes » ;

● S’agissant des dispositions relatives à la proximité, la transparence et l’exemplarité :

– un amendement CL441 de M. Christophe Naegelen précisant que la concertation avec les élus, dans le cadre de la répartition des forces de police et de gendarmerie, se fera en associant les députés et les sénateurs des territoires concernés ;

– un amendement CL161 de M. Roger Vicot précisant que la transparence et l’exemplarité de l’action de la police nationale et de la gendarmerie seront garanties par une formation initiale et continue de haut niveau ;

– un amendement CL430 de M. Philippe Pradal prévoyant la consultation du président de l’intercommunalité siège avant toute fermeture de brigade ;

– quatre amendements identiques (CL273 de M. Christophe Naegelen, CL274 de M. Christophe Blanchet, CL289 de Mme Marie Lebec et CL428 de M. Philippe Pradal) précisant que le choix d’implantation des futures brigades de gendarmerie donne préalablement lieu à un échange avec les élus locaux, après transmission par les services du ministère de l’Intérieur d’un état des lieux de la situation sécuritaire sur le territoire concerné. Les élus locaux pourront ensuite transmettre leurs observations et propositions ;

– un amendement CL468 de M. Jean-Pierre Cubertafon prévoyant la transmission au Parlement d’un rapport dressant un bilan d’étape de la création des nouvelles brigades deux ans après la promulgation de la loi ;

– un amendement CL160 de M. Roger Vicot disposant que le Gouvernement publie chaque année l’évolution nette des effectifs de policiers et gendarmes dans chaque département ;

– deux amendements CL101 et CL102 de la commission de la défense nationale et des forces armées, instaurant une passerelle entre le service national universel, les réserves de la garde nationale, les réserves communales de la sécurité civile, ainsi que l’enseignement supérieur et la recherche ;

– un amendement CL103 du même auteur précisant que la police et la gendarmerie seront pleinement investies dans le service national universel ;

– trois amendements identiques (CL658 de Mme Marie Guévenoux, CL719 de Mme Blandine Brocard, CL743 de Mme Estelle Youssouffa) apportant des garanties pour la police judiciaire dans le cadre de la réforme de la police nationale. Ces amendements précisent notamment que la réforme « s’effectuera sans modifier la cartographie des services de l’actuelle direction centrale de la police judiciaire » et qu’ « aucune antenne [de police judiciaire] ni aucun service ne sera supprimé ». Ils garantissent la conservation des offices centraux et le traitement des affaires de criminalité organisée à l’échelon zonal ;

– un amendement CL393 de Mme Emeline K/Bidi, sous-amendé par votre rapporteur, prévoyant une évaluation du nouveau dispositif de visio-plainte introduit par l’article 6 du présent projet de loi ;

– un amendement CL720 de Mme Clara Chassaniol précisant que la plainte hors les murs pourra également concerner les victimes d’infraction pénales qui ne peuvent se déplacer dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie ;

– un amendement CL568 de Mme Sandra Regol visant à développer des officiers de liaison LGBT+ dans les commissariats et les brigades de gendarmerie ;

– un amendement CL619 de M. Erwan Balanant qui prévoit une campagne de communication sur les plateformes de signalement des violences ;

– deux amendements CL626 et CL628 du même auteur qui rappellent que la contravention de 5e classe d’outrage sexiste et sexuel « simple » sera créée par décret et invitent à élargir le champ d’application des délits et contraventions d’outrage sexiste et sexuel à l’espace numérique ;

– un amendement CL135 de M. Raphaël Gérard qui introduit dans le rapport annexé une nouvelle section portant sur le renforcement de la lutte contre les discriminations ;

– un amendement CL439 de M. Philippe Pradal qui explicite l’association des communes au suivi et à l’évaluation des conventions nationales liées à la politique en matière de sécurité ;

– un amendement CL432 de M. Philippe Pradal tendant à introduire dans le suivi des dépenses d’investissements immobiliers une estimation des dépenses de fonctionnement et des économies induites par les investissements.

● Enfin, s’agissant des dispositions relatives à la prévention des menaces et crises futures :

– un amendement CL742 de votre rapporteur qui invite le Gouvernement à engager une réflexion sur la faisabilité technique et juridique de l’interconnexion des fichiers mis à la disposition des forces de sécurité ;

– un amendement CL433 de M. Philippe Pradal tendant à inclure les communes dans la coopération entre le ministère de l’Intérieur et les opérateurs de l’État en matière de gestion des crises ;

– un amendement CL265 de M. Jordan Guitton précisant que les deux futurs avions bombardiers d’eau achetés dans le cadre du programme européen RescUE seront financés à 100 % par l’Union européenne ;

– un amendement CL622 de M. Erwan Balanant, sous-amendé par Mme Mathilde Desjonquères, précisant que la création d’un délit d’outrage sexiste et sexuel aggravé nécessite un accompagnement des forces de l’ordre et des magistrats ;

– un amendement CL390 de Mme Emeline K/Bidi invitant le ministère de l’Intérieur à favoriser les démarches des policiers et gendarmes souhaitant se rapprocher de leur famille 

– un amendement CL238 de M. Timothée Houssin prévoyant que le ministère de l’Intérieur prendra des mesures afin de prévenir le risque de suicide parmi les forces de l’ordre ;

– deux amendements CL710 et CL538 de M. Éric Ciotti précisant que le délai moyen de traitement d’un dossier par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sera abaissé à 60 jours et que le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000.

*

*     *

Article 2
Programmation budgétaire 2023-2027

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article programme l’évolution du budget du ministère de l’Intérieur pour les années 2023 à 2027, qui passe de 22 milliards d’euros en 2022 à 25,3 milliards d’euros en 2027, soit un accroissement cumulé des moyens de 15 milliards d’euros.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas modifié cet article.

       Principaux apports de la commission des Lois

Outre quatre amendements rédactionnels de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de M. Éric Ciotti augmentant de 60 millions d’euros par an les crédits prévus à l’article 2 afin de financer la construction de nouvelles places en centres de rétention administrative.

1.   L’état du droit

L’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, dispose que des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

Pour autant, seules les lois de finances initiales ou rectificatives emportent un engagement de dépenses. Pour revêtir un caractère véritablement effectif, les dispositions prévues par les lois de programmation doivent ainsi être « confirmées » chaque année par une loi de finances ([11]) .

2.   Le projet de loi initial

Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, le 14 septembre 2021, le Président de la République a souhaité que les moyens du ministère de l’Intérieur soient augmentés et que cette hausse soit planifiée sur plusieurs années afin de « penser la police et la gendarmerie de 2030 ».

Alors que le rapport annexé au présent projet de loi décline les grandes mesures de modernisation du ministère de l’Intérieur, le présent article programme une évolution de 15 milliards d’euros (en euros constants) de son budget entre 2023 et 2027 hors charges de pension, pour accompagner le déploiement de ces mesures.

L’évolution du budget du ministère de l’intérieur prévu par la loi de programmation

 

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Budget, en M€ (hors programme 232) ([12])

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Évolution (N / N - 1), en M€

-

1 250

880

1 100

650

630

Taux d’évolution (N / N - 1)

-

6

4

5

3

3

Source : étude d’impact annexée au projet de loi

Ces crédits permettront le financement de l’ensemble des mesures prévues dans le rapport annexé et concernent ainsi l’ensemble du périmètre du ministère de l’Intérieur, en dehors du programme 232 « Vie politique » :

– la mission « Sécurités » : programmes « Gendarmerie nationale » (P152), « Sécurité civile » (P161), « Police nationale » (P176) et « Sécurité et éducation routières » (P207) ;

– la mission « Administration générale et territoriale de l’État » : programmes « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » (P216) et « Administration territoriale de l’État » (P354) ;

– la mission « Immigration, asile et intégration » : programmes « Intégration et accès à la nationalité française » (P104) et « Immigration et asile » (P303) ;

– le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » : programmes « Structures et dispositifs de sécurité routière » (P751) et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » (P753) ;

– les taxes affectées à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Le Gouvernement a souhaité ne pas répartir les crédits ainsi ouverts par mission et programme afin de conserver une souplesse dans leur attribution. Le ministère de l’Intérieur a néanmoins transmis à votre rapporteur le tableau ci-après qui décline, à titre purement indicatif, l’évolution des crédits pour chacun des programmes concernés par la programmation budgétaire 2023-2027, en distinguant les dépenses de personnel (T2) du reste (HT2).

répartition des crédits prévus par la lopmi

Budgétisation 2023-2027

LFI 2022 (hors CAS) + PDR

2023

2024

2025

2026

2027

Mission Administration générale et territoriale de l’état

T2

1 860

2 026

2 061

2 088

2 110

2 136

HT2

1 473

1 597

1 810

2 361

2 456

2 752

Total

3 333

3 623

3 872

4 449

4 566

4 888

Mission Sécurités et comptes d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

T2

11 490

12 165

12 563

12 773

12 869

12 982

HT2

3 789

3 974

4 135

4 420

4 751

4 973

Total

15 279

15 767

16 295

16 789

17 222

17 555

Mission Immigration, asile et intégration

HT2

1 931

2 009

2 058

2 074

2 163

2 163

Agence nationale des titres sécurisés

Plafond de taxes affectées

241

263

286

298

314

287

 

Total T2

13 350

14 191

14 625

14 862

14 980

15 118

Total HT2

7 434

7 843

8 289

9 152

9 684

10 176

Total T2+HT2

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Marches annuelles

-

+ 1 250

+ 2 130

+ 3 230

+ 3 880

+ 4 510

Source : ministère de l’Intérieur – la somme des arrondis peut différer de l’arrondi de la somme.

Les crédits ouverts par la LOPMI permettront de recruter 8 500 agents dont 3 540 pour la police nationale et 3 850 pour la gendarmerie nationale.


répartition des 8 500 ETP supplémentaires prévus dans le cadre de la lopmi

 

2023-2027

2023

2024

2025

2026

2027

Gendarmerie nationale

3 540

950

1 045

500

400

645

Police nationale

3 850

1 900

1 130

350

350

120

Sécurité civile

200

17

83

24

43

33

CPPI

460

51

119

75

112

103

ATE

350

42

101

45

81

81

Opérateurs

100

40

22

6

14

18

 

8 500

3 000

2 500

1 000

1 000

1 000

Source : ministère de l’Intérieur

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a voté cet article sans y apporter de modification.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels de votre rapporteur. Elle a également adopté un amendement CL540 de M. Éric Ciotti augmentant chaque année de 60 millions d’euros les prévisions de crédits du ministère de l’Intérieur inscrites à l’article 2, afin de financer un plan d’extension des centres de rétention administrative.

*

*     *

Titre II
Dispositions relatives à la révolution numérique du ministère

Chapitre Ier
Lutte contre la cybercriminalité

Article 3
(art. 706-154 du code de procédure pénale)
Saisies d’actifs numériques par les officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 du projet de loi permet aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, de procéder à des saisies d’actifs numériques.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le titre XXIX du code de procédure pénale, relatif aux saisies spéciales, a été peu modifié depuis sa création par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a néanmoins modifié l’article 706-154 du code de procédure pénale pour préciser les droits de l’appelant suite à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte de dépôt.

       Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas modifié cet article.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement visant à préciser que l’article 3 du projet de loi s’applique à l’ensemble des actifs numériques, qu’ils soient ou non conservés par un prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) enregistré auprès de l’Autorité des marchés financiers.

1.   L’état du droit

a.   Le code de procédure pénale permet, sous certaines conditions, la saisie de sommes versées sur un compte de dépôt par un officier de policier judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, et sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention

En droit pénal, la saisie correspond au placement sous main de justice de toute chose, corporelle ou incorporelle, utile à la manifestation de la vérité, ou dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du code pénal, relatif à la peine complémentaire de confiscation ([13]).

Aux termes de cet article, peuvent ainsi être confisqués :

– les biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

– les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime ;

– tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l’infraction ;

– les biens appartenant au condamné lorsque celui-ci, mis en mesure de s’expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n’a pu en justifier l’origine, s’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect ;

– tout ou partie des biens appartenant au condamné, lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit.

Afin de rendre plus efficaces les saisies pénales, dont la portée était réduite par l’application des règles applicables aux procédures civiles d’exécution, la loi du 9 juillet 2010 ([14]) a introduit dans le code de procédure pénale un titre XXIX relatif aux saisies spéciales.

L’article 706-141 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 9 juillet 2010 précitée, dispose ainsi que ce titre « s’applique, afin de garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation […], aux saisies réalisées en application du présent code lorsqu’elles portent sur tout ou partie des biens d’une personne, sur un bien immobilier, sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance ainsi qu’aux saisies qui n’entraînent pas de dépossession du bien ».

Les dispositions relatives aux saisies spéciales sont ainsi réparties en cinq chapitres, le premier portant sur les dispositions communes, et les quatre suivants, sur les différentes catégories de biens concernés ([15]).

Au sein du chapitre IV, consacré aux saisies portant sur certains bien ou droits mobiliers incorporels, les articles 706-153 et 706-154 précisent notamment les règles applicables aux saisies de sommes d’argent versées sur un compte de dépôt.

L’article 706-153 du code de procédure pénale prévoit ainsi qu’au cours de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République, peut ordonner par décision motivée la saisie des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 code pénal précité. Le juge d’instruction peut, au cours de l’information, ordonner cette saisie dans les mêmes conditions.

Toutefois, par dérogation à cet article, l’article 706-154 du même code prévoit qu’un officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen par le procureur de la République ou le juge d’instruction à procéder à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts. Aucun formalisme n’est requis pour donner l’autorisation, qui devra cependant faire l’objet d’une mention en procédure.

La saisie est alors soumise postérieurement au juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou au juge d’instruction, qui se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation.

La saisie s’applique indifféremment à l’ensemble des sommes inscrites au crédit du compte de dépôt au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie.

Dans une décision du 14 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, considérant que les atteintes portées au droit de propriété, consacré aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, étaient justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ([16]).

b.   La saisie d’actifs numériques doit en revanche faire l’objet d’une ordonnance préalable du juge des libertés et de la détention

L’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier définit les actifs numériques comme :

– les jetons, qui correspondent à « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » ([17]), à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers ([18]) et des bons de caisse ([19])  ;

– les crypto-actifs utilisés à des fins de paiement, définis comme « toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

S’ils constituent des biens incorporels saisissables, les saisies d’actifs numériques doivent néanmoins être ordonnées par le juge des libertés et de la détention, en application de l’article 706-153 du code de procédure pénale.

En effet, les dispositions de l’article 706-154 ne visent que les sommes d’argent versées sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, et non pas les actifs numériques.

2.   Le dispositif proposé

Comme le relève l’étude d’impact, les actifs numériques présentent la caractéristique d’être « aussi rapidement transférables, et donc dissipés, que les fonds détenus sur un compte bancaire ».

De ce fait, ces actifs sont « massivement utilisés dans le cadre d’extorsion par rançongiciel pour les demandes de rançon ou encore dans le cadre d’échanges ayant pour but le financement d’activités terroristes ».

Dans ce cadre, et du fait des spécificités des actifs numériques, la nécessité de solliciter préalablement le juge des libertés et de la détention est susceptible de ralentir, et donc de faire échouer certaines saisines.

L’article 3 propose d’ajouter les actifs numériques aux biens incorporels pouvant faire l’objet d’une saisie sans ordonnance préalable du juge des libertés et de la détention.

Il modifie pour cela l’article 706-154 du code de procédure pénale.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas apporté de modifications à cet article.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Sur proposition de M. Christophe Naegelen, la Commission a adopté l’amendement CL449 qui vise à préciser que l’article 3 du projet de loi s’applique bien à l’ensemble des actifs numériques, que le prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) qui en assure la conservation soit enregistré auprès de l’Autorité des marchés financiers, ou qu’il ne le soit pas.

L’objectif des auteurs de l’amendement est de permettre la saisie d’actifs qui seraient illégalement détenus dans des portefeuilles numériques (ou « wallets »), ainsi que des jetons non fongibles (« non-fungible token »).

La Commission a également adopté l’amendement rédactionnel CL723 de votre rapporteur ([20]).

 

*

*     *

Article 4
(art. L. 12-10-1 [nouveau] du code des assurances)
Encadrement des clauses d’indemnisation des cyber-attaques
par les assurances

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 du projet de loi encadre les clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances, en le conditionnant au dépôt d’une plainte par la victime dans les quarante-huit heures suivant le paiement.

       Les modifications apportées par le Sénat

En séance publique, et suivant l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Cardon tendant à accélérer l’information des services d’enquête.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté trois amendements identiques visant à élargir le champ du dispositif à l’ensemble des remboursements assurantiels faisant suite à une atteinte à un système de traitement automatisé des données. Cette plainte doit être déposée au plus tard quarante-huit heures après la constatation de l’infraction.

1.   L’état du droit

a.   Des cyber-menaces en augmentation

i.   Un phénomène mondial

La numérisation de l’économie engendre de nouvelles vulnérabilités pour les entreprises et les collectivités. Au cours des dernières années, la forte augmentation du risque cyber a été documentée, tant par la recherche économique que par les associations professionnelles.

Des études académiques ont ainsi mis en évidence le fait que le risque cyber s’était d’abord développé aux États-Unis, puis propagé aux autres régions du monde, et que le nombre d’incidents était en augmentation continue depuis le début des années 2000 ([21]).

PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE                                   PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ

Note de lecture : Ces deux graphiques représentent la part des conférences de presse trimestrielles d’entreprises comportant une mention d’un ou plusieurs termes du champ lexical du risque cyber (en % du nombre total de conférences de presse comprises dans l’échantillon), agrégée par zone géographique et par secteur d’activité.

Source : Jamilov et al. (2021), mentionné dans la note Trésor-Éco précitée.

En France, le Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique estime ainsi que 54 % des entreprises françaises avaient fait l’objet d’une cyber attaque en 2021 ([22]), tandis que dans sa dernière cartographie annuelle, France Assureurs place le risque cyber en tête du classement des risques pour la cinquième année consécutive ([23]).

Le coût global des cyber-attaques pour l’économie mondiale reste difficile à estimer. La direction générale du Trésor relève que ces coûts peuvent être directs, du fait, notamment, d’importantes pertes d’exploitation (arrêt ou ralentissement de l’activité pendant l’attaque) et de coûts significatifs (gestion de crise, notification de pertes de données), mais également indirects, avec des conséquences sur d’autres acteurs en raison des effets de contagion aggravés par les interdépendances numériques ([24]).

Les sinistres les plus graves, dits de « haute intensité », peuvent potentiellement générer des coûts très élevés, jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros ([25]).

ii.   Une pratique particulièrement dommageable : le cyber-rançonnage

Différentes méthodes et outils peuvent être utilisés par les cyber-délinquants pour conduire une attaque informatique, tels que les logiciels malveillants (installation sans consentement d’un logiciel indésirable), le hameçonnage (tentative de récupération d’informations confidentielles en se faisant passer pour une entité connue), le déni de service (attaque visant à rendre indisponible un service), ou encore l’interception de communications (via un réseau wifi par exemple).

Parmi les logiciels malveillants, ou malwares, figurent notamment les rançongiciels, ou ransomwares, que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information définit comme une « technique d’attaque courante de la cyber criminalité [qui] consiste en l’envoi à la victime d’un logiciel malveillant qui chiffre l’ensemble de ses données et lui demande une rançon en échange du mot de passe de déchiffrement ».

Motivée par la recherche d’un profit financier, soit directement par le paiement de la rançon, soit indirectement à travers la revente des données dérobées, cette technique représente, « parmi l’ensemble des risques de cybersécurité touchant les entreprises […] la menace la plus régulièrement observée en 2020, et celle aux plus forts impacts sur la production, la réputation et les finances des victimes » ([26]).

iii.   L’économie et les services publics français, largement numérisés, sont de ce fait très exposés aux cyber-menaces

La France serait le quatrième pays au monde le plus touché par des attaques au rançongiciel ([27]). Notre pays concentrerait 19 % des entreprises payant les rançons, derrière les États-Unis (21 % du total) et de l’Allemagne (21 % également).

Le général Marc Boget, commandant de la gendarmerie dans le cyberespace, relevait lors de son audition par votre rapporteur que la question pour les entreprises françaises n’était pas de savoir si elles feraient l’objet de cyber-attaques dans les années à venir, mais quand.

Selon de récents rapports, cette forte augmentation de la cybercriminalité s’expliquerait par plusieurs facteurs :

– la numérisation de l’économie, qui s’est accélérée ces dernières années (développement du recours au « cloud », du commerce en ligne et du télétravail) ;

– le manque de « cyber robustesse » des entreprises françaises, et surtout des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, et le manque d’acculturation, d’information et de formation des dirigeants et des salariés ;

– le nombre insuffisant de forces de l’ordre et de justice spécialisées ;

– la coopération insuffisante, tant au niveau européen qu’international. ([28])

En novembre 2021, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) estimait ainsi qu’entre 2016 et 2020, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale avaient enregistré entre 1 580 et 1 870 procédures en lien avec des attaques par rançongiciel visant des entreprises et des institutions ([29]). Au niveau national, pour la seule année 2020, 192 attaques par rançongiciel avaient été traitées par l’ANSSI, contre 54 l’année précédente ([30]). De son côté, la CNIL a enregistré 5 037 notifications de violation de données en 2021, soit une hausse de 79 % par rapport à l’année précédente ; le nombre de violations résultant d’une attaque par rançongiciel s’établissant à 2 150, soit 43 % du volume total.

Lors son audition par votre rapporteur, Mme Joanna Brousse, vice-procureur à la section J3 du parquet de Paris, compétente en matière de cybercriminalité, relevait que les attaques recensées étaient en progression constante. La section a ainsi recensé 148 attaques par rançongiciel en 2019, 436 en 2020, 483 en 2021, et 322 en 2022 ([31]). La légère décélération constatée en 2022 s’explique par les conséquences de la guerre en Ukraine, qui a fortement, mais temporairement, mobilisé les cyber-délinquants.

S’agissant du montant des demandes de rançons, celui-ci reste très différent selon les victimes : le ministère de l’intérieur indique qu’il est de l’ordre de quelques milliers d’euros pour les particuliers, mais peut monter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les PME, voire à plusieurs millions d’euros pour les grandes entreprises.

La réalité de ce phénomène reste néanmoins difficile à évaluer précisément, en raison du « chiffre noir » de la cybercriminalité, qui désigne l’écart entre les actes connus et les actes réels.

En effet, de nombreuses victimes renonceraient à déposer plainte, afin de préserver leur image et leur réputation, préférant gérer les conséquences des sinistres en interne. L’image de l’entreprise peut en effet être profondément et durablement affectée s’il apparaît qu’elle n’est pas en mesure d’assurer la sécurité des données de ses clients ou de ses partenaires.

Le général Marc Boget, commandant de la gendarmerie dans le cyberespace, estimait ainsi lors de son audition que les forces de sécurité recevaient environ un dépôt de plainte pour 150 à 200 attaques avérées.

L’absence de dépôt de plainte systématique tend à affaiblir la capacité des autorités à réagir rapidement et efficacement à une cyber-attaque par rançongiciel. Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi, ce défaut prive les investigations d’indices de compromission, que seule la victime peut fournir ([32]), alors qu’un rançongiciel frappe très rarement une seule victime et que le recoupement de plaintes et donc d’indices permettrait de faire avancer les enquêtes.

Les opérateurs d’importance vitale ont l’obligation de signaler à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) les attaques dont ils font l’objet ([33]). Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données, en cas de violation de données à caractère personnel, l’entreprise doit notifier la violation en question à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ([34]). Il n’existe pas, en revanche, d’obligation légale de déposer de plainte suite à une attaque par rançongiciel.

Dans une analyse de décembre 2021, le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale recommandait ainsi de renforcer les capacités de renseignement sur les cyber-menaces afin d’améliorer les connaissances sur les auteurs, les moyens dont ils disposent et les secteurs qu’ils ciblent, et de développer des outils de détection et de remédiation à l’encontre des serveurs et logiciels utilisés par les attaquants, deux évolutions qui nécessitent de pouvoir collecter plus d’information, et ce dans des délais permettant leur exploitation en temps utiles. ([35])

Votre rapporteur souhaite attirer l’attention de la Commission sur la faiblesse des effectifs de la section J3 du parquet de Paris, spécialisée en matière de cybercriminalité, qui ne compte que trois magistrats.

L’organisation de la section J3 du parquet de Paris,
compétente en matière d’infractions « cyber »

Le parquet de Paris se compose du cabinet du procureur de la République, de 6 divisions, de 16 sections et d’un pôle.

Au sein de la 3ème division JIRS (pour « juridiction interrégionale spécialisée ») / JUNALCO (pour « juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée »), la section J3 est compétente pour l’ensemble des infractions de droit commun qui se rattachent à une atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD), prévues aux articles 323-1 et suivants du code pénal, et notamment les extorsions, le blanchiment, les escroqueries ou les vols, auxquels s’ajoute le sabotage informatique (article 411-9 du même code). La section est également compétente en matière de jeux en ligne.

La section J3 dispose d’une compétence territoriale classique, sur le ressort de Paris, d’une compétence concurrente nationale pour la poursuite des infractions d’atteinte à un STAD et de sabotage informatique, et enfin d’une compétence nationale au titre de la JUNALCO pour les affaires complexes.

La section est composée de trois magistrats, d’une greffière et d’une adjointe administrative. L’équipe des collaborateurs autour des magistrats est composée d’un assistant spécialisé, d’un juriste assistant et d’un officier de liaison.

Ces effectifs paraissent très limités au regard des compétences très larges de la section, du nombre d’affaires suivies et de la complexité des dossiers.

Par ailleurs, suite à la saisine d’Eurojust réalisée par Mme Johanna Brousse, chef de la section J3, votre rapporteur a recueilli des éléments permettant de mettre en perspective ces effectifs avec ce qui se pratique chez nos voisins européens. Si ces premiers résultats gagneraient à être affinés, en raison de l’existence de traditions juridiques différentes, il apparaît néanmoins clairement que les moyens consacrés à la poursuite des infractions « cyber » en France se situent dans la moyenne inférieure de ceux mis en œuvre de nos voisins européens.

Ainsi, parmi les pays ayant mis en place une section « cyber », on dénombrerait 55 à 60 procureurs spécialisés en Suisse (8,6 millions d’habitants), 16 en Slovaquie (5,4 millions) 7 au Portugal (10,3 millions), 6 en Autriche (8,9 millions), 5 à 7 aux Pays-Bas (17,5 millions), 5 en Norvège (5,3 millions), 4 en Belgique (11,6 millions), 3 à 4 en Finlande (5,5 millions), et 3 en Hongrie (9,8 millions), en Estonie (1,3 million) et à Malte (0,5 million). Près d’une centaine de parquetiers seraient par ailleurs en charge des dossiers de cybercriminalité au sein des Länder allemands.

Source : section J3 du parquet de Paris, Eurojust.

b.   Face à ces nouvelles menaces, l’offre assurantielle se développe progressivement

i.   Le droit français n’interdit pas l’assurabilité du paiement des cyber-rançons

Dans ce contexte, certaines entreprises et collectivités peuvent avoir recours à des contrats d’assurance, leur permettant de se couvrir contre le risque de cyber-attaque.

Parmi les différents types de contrats pouvant être souscrits, certains proposent le remboursement de la rançon payée. Selon une étude de France Assureurs, évoquée dans le rapport de la direction générale du Trésor précité, sept compagnies d’assurance interrogées sur dix proposent une telle garantie.

Le droit français n’interdit pas l’assurabilité du paiement des cyber-rançons. Aucune disposition légale ne l’écarte explicitement, et les règles générales du droit civil, du droit pénal et du droit des assurances ne permettent pas plus de déduire une telle interdiction. Ainsi, comme le rappelle le Haut comité juridique de la place financière de Paris  ([36]) :

– au regard du droit civil, un contrat d’assurance doit respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, à peine de nullité ([37]). Toutefois, la question de l’assurabilité des rançons n’a jamais été tranchée par les tribunaux ;

– le droit des assurances ne prévoit pas non plus de dispositions spécifiques qui tendraient à interdire l’assurabilité du paiement des rançons ;

– enfin, au regard du droit pénal, le paiement de la rançon ne constitue pas une infraction pénale, ce paiement étant fait sous la contrainte ; la rançon s’analyse à ce titre comme une extorsion ([38]).

Seule semble pouvoir être invoquée l’infraction de financement du terrorisme, prévue à l’article 412-2-2 du code pénal, dans l’hypothèse où la cyber-rançon serait demandée par un groupe terroriste, et où la personne rançonnée aurait eu connaissance que les fonds fournis seraient destinés à la commission d’un acte terroriste. Cette infraction pourrait alors être également retenue à l’encontre de l’assureur ayant remboursé la rançon payée.

De ce point de vue, la France ne diffère pas des économies des pays développés. L’étude d’impact jointe au projet de loi relève ainsi qu’aucun pays de l’OCDE n’a pris de mesure d’interdiction du paiement des rançons, ni prohibé le principe de leur couverture assurantielle.

ii.   Un marché en cours de stabilisation

Le marché de la cyber-assurance se structure progressivement, mais reste encore instable. D’après France Assureurs, le chiffre d’affaires estimé du marché français de la cyber-assurance serait de 219 millions d’euros, soit 3,1 % du total des cotisations de l’assurance des dommages aux biens des professionnels (7,07 milliards d’euros en 2021), et 0,35 % du chiffre d’affaires des assurances de biens et responsabilité.

Par ailleurs, ce sont les grandes entreprises qui affichent le taux de couverture le plus important : en 2021, 84 % d’entre elles avaient contracté une cyber-assurance, contre 9 % des ETI, et 0,2 % des PME et TPE.

Votre rapporteur souligne que ces données sont relatives au marché de la cyber-assurance dans son ensemble, et pas uniquement aux contrats garantissant le remboursement des cyber-rançons, le taux de couverture de ces derniers contrats n’étant pas connu.

TAUX DE COUVERTURE de la cyber-assurance en France

 

 

Entreprises assurées

 

 

 

Effectif total en 2021

En 2019

En 2020

En 2021

Croissance 2021/2020

Taux de couverture en 2021

Grandes entreprises

(plus d’1,5 Md€ de CA)

287

207

251

240

– 4,4 %

84 %

Entreprises de taille intermédiaire

(50 M€ à 1,5 Md€ de CA)

5 763

307

441

530

+ 20,2 %

9 %

Petites et moyennes entreprises

(10 à 50 M€ de CA)

139 971

311

362

322

– 11 %

0,2 %

Petites entreprises

(2 à 10 M€ de CA)

3 723 742

616

643

503

– 21,8 %

0,2 %

Micro entreprises

(moins de 2 M€ de CA)

7 025

7 027

10 433

+ 32,6 %

0,2 %

Total

3 743 745

8 466

8 724

12 028

27,5 %

0,3 %

Source : Étude LUCY menée par l’AMRAE en 2021.

Le marché de la cyber-assurance n’est par ailleurs pas encore stabilisé. La rentabilité du secteur reste très volatile (le ratio sinistres/primes techniques s’élevait à 84 % en 2019, à 167 % en 2020, et à 88 % en 2021), et les conditions contractuelles, évolutives. Ainsi, en 2021, et selon l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (AMRAE), les assureurs auraient proposé des conditions de renouvellement « draconiennes » aux entreprises, conduisant à un recul de la couverture assurantielle des entreprises ([39]). Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Valeria Faure-Muntian, ancienne députée, auteure d’un rapport sur la cyberassurance ([40]) , évoquait même un risque d’ « antisélection ».

Si le paiement de la rançon ne constitue jamais une bonne solution, et ne doit être réalisé qu’en dernier recours, il ne paraît cependant pas pertinent d’interdire l’assurabilité du paiement des cyber-rançons.

En premier lieu, le montant de la rançon peut atteindre un niveau élevé, si bien que son paiement peut mettre les entreprises en grande difficulté financière, voire les conduire à la faillite, comme le montrent certains exemples tirés de l’actualité récente.

De plus, le développement de l’assurance contribue à la prévention des cyber-menaces, puisque les assureurs exigent des entreprises clientes un certain niveau de sécurisation pour pouvoir être assurées.

Enfin, même si les contrats garantissant le remboursement des cyber-rançons étaient interdits en France, cela n’empêcherait pas les entreprises présentes à l’étranger de souscrire de tels contrats auprès de compagnies d’assurance présentes à l’étranger. L’interdiction pénaliserait en revanche les entreprises ne disposant pas d’implantations à l’étranger, qui ne pourraient pas s’assurer. Une telle interdiction constituerait une spécificité, puisque comme le relève la direction générale du Trésor, aucun pays de l’OCDE n’interdit la couverture de ce risque.

2.   Le dispositif proposé

L’article 4 du projet de loi encadre les clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances, en conditionnant ce remboursement au dépôt rapide d’une plainte par la victime.

Il insère un nouvel article L. 12-10-1 dans le code des assurances, qui prévoit que le versement d’une somme en application d’une clause assurantielle visant à couvrir le paiement d’une rançon par l’assuré dans le cadre d’une cyberattaque est subordonné à la justification du dépôt d’une plainte de la victime auprès des autorités compétentes, au plus tard 48 heures après le paiement de la rançon.

La cyberattaque est ici définie comme une extorsion, au sens de l’article 312-1 du code pénal, commise au moyen d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données, prévue aux articles 323-1 à 323-3-1 du même code.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a relevé que cette disposition portait une atteinte, au demeurant très limitée, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, garanties par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais que cette limitation était justifiée par le respect de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions, et n’était pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Contrairement à ce qui a pu être soutenu dans la presse et dans les débats parlementaires conduits au Sénat, cet article ne « légalise » pas les clauses d’assurance permettant l’indemnisation des cyber-rançons, puisque celles-ci ne sont pas interdites par le droit en vigueur.

Il n’écarte pas non plus l’infraction de financement du terrorisme, prévue à l’article 412-2-2 du code pénal, dans l’hypothèse où la cyber-rançon serait demandée par un groupe terroriste, évoquée supra.

Cet article ne constitue donc en aucun cas une incitation à la souscription de contrats permettant de garantir le remboursement d’une cyber-rançon.

Votre rapporteur rappelle en effet que le paiement de toute rançon est, et doit rester, une option de dernier recours pour préserver l’entreprise.

Le dispositif proposé permettrait au contraire d’améliorer l’information des forces de sécurité et de l’autorité judiciaire et de faciliter les investigations. Il contribuerait ainsi à une meilleure réaction face à une cyber-attaque, grâce au recoupement des plaintes et des indices, puisqu’une cyber-attaque frappe rarement une seule victime. Il permettrait également de mieux connaître les techniques et les méthodes suivies par les cybercriminels.

Par ailleurs, le risque d’un ciblage accru des entreprises françaises en cas d’assurabilité des cybercriminels est à relativiser, puisque, comme cela a déjà été relevé, aucun pays de l’OCDE n’interdit la couverture de ce risque.

Des mesures similaires ont été prises en Allemagne, où existe l’obligation pour les assureurs et les assurés d’informer les autorités et de collaborer avec les services de police en cas de demande de rançon, et au Canada, où la victime qui paie une rançon doit le notifier à la police.

Éléments de droit comparé

En Allemagne, une circulaire de l’autorité fédérale de supervision financière, la BaFin (pour Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht), adoptée en 1998 a posé les conditions de la validité des couvertures kidnapping et rançon : a ainsi été imposée aux assureurs et assurés, l’obligation de confidentialité quant à l’existence de la police mais également en cas de sinistre, l’obligation pour les parties en cas de demande de rançon, d’informer les autorités et de collaborer avec les services de police.

En 2017, et s’agissant des rançons exigées à la suite de cyber-attaques, la BaFin a spécifiquement autorisé la couverture du risque de ransomware au sein d’une police cyber dès lors que :

– l’assurance est proposée dans le cadre plus large d’une police d’assurance contre les risques cyber et ne peut être proposée séparément ;

– le travail d’enquête de la police ne doit pas être entravé ;

– lorsqu’une attaque a lieu et que l’assureur couvre le paiement de la rançon, très peu de personnes sont autorisées à détenir des informations.

Selon l’association allemande des assureurs, si l’assurance couvre les ransomwares (ce n’est pas toujours le cas), les assureurs ont le devoir de proposer à l’assuré un support technique en cas d’attaque par ransomware qui est à privilégier avant tout paiement de rançon qui ne peut intervenir qu’en dernier ressort.

Les mêmes principes s’appliquent en Autriche.

Au Canada, l’assurance « rançon » ainsi que le paiement des rançons sont licites. Toutefois, les autorités policières, dont la Gendarmerie Royale du Canada, conseillent de ne pas payer les rançons, sauf dans certaines circonstances, par exemple quand les entreprises n’ont pas de plan de sauvegarde de leurs données. La victime qui paie une rançon doit notifier ce paiement à la police.

(1) Circulaire Bafin 3/1998 « Guidelines on the provision of ransom insurance ».

Source : rapport sur l’assurabilité des risques cyber du Haut comité juridique de la place financière de Paris, 28 janvier 2022.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

En séance publique, et suivant l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Cardon tendant à accélérer l’information des autorités compétentes ([41]).

L’article adopté prévoit ainsi de conditionner le remboursement par l’assurance de la cyber-rançon au dépôt d’une pré-plainte (et non plus d’une plainte) de la victime auprès des autorités compétentes, dans les 24 heures qui suivent l’attaque, et avant tout paiement (et non plus au plus tard 48 heures après le paiement de la rançon).

L’auteur de l’amendement relevait que le fait de signaler rapidement les attaques « facilite le travail de nos autorités compétentes afin de favoriser la récupération des données ou, dans un cas extrême, d’engager une négociation avec les cyberattaquants ». Il rappelait la nécessité d’aller « au plus vite, car, en cas d’attaque, les heures sont comptées » ([42]).

Le dispositif de la pré-plainte en ligne a été créé par décret, à titre expérimental en 2008 ([43]), et pérennisée en 2018 ([44]). Elle permet à la victime ou à son représentant légal d’effectuer une déclaration en ligne pour signaler notamment des faits constitutifs d’atteintes aux biens ([45]), lorsque l’auteur est inconnu, et d’obtenir un rendez-vous dans une unité de gendarmerie ou un service de police pour pouvoir signer la plainte ([46]). En effet, pour qu’elle soit enregistrée comme une plainte, la déclaration réalisée en ligne doit nécessairement être signée dans une unité de gendarmerie ou un service de police.

Cette procédure vise ainsi essentiellement à améliorer l’accueil des victimes et à leur faire gagner du temps lors de leur présentation aux forces de sécurité intérieure. Comme rappelle le site du téléservice, ce mode de déclaration n’est pas adapté aux situations d’urgence.

Votre rapporteur adhère à l’objectif poursuivi par le Sénat d’alerter au plus tôt les services d’enquête. Toutefois, la rédaction proposée appelle trois remarques.

Premièrement, le dispositif de la pré-plainte ne paraît pas adapté à la déclaration d’attaques par rançongiciel. La pré-plainte ne doit pas être utilisée en cas d’urgence, et ne permet pas de recueillir une quantité d’informations suffisante.

Votre rapporteur rappelle que la possibilité de porter plainte en ligne est d’ores et déjà possible, via THESEE et depuis le mois de mars 2022, en cas d’ « e‑escroquerie », ce qui comprend les attaques par rançongiciel ([47]).

Deuxièmement, le choix de commencer à faire courir le délai fixé pour la déclaration de l’attaque, non plus à partir du paiement de la rançon, mais à partir de l’attaque elle-même est pertinent, mais doit être précisé. En effet, il peut s’avérer difficile de dater précisément un tel évènement : une cyber-attaque se déroule souvent en plusieurs étapes, dont les premières sont difficiles à détecter pour la victime.

Enfin, un délai de 24 heures après l’attaque paraît trop court. Lors de la discussion de l’article 4 en séance publique en première lecture au Sénat, et tout en reconnaissant l’intérêt d’un signalement plus rapide des cyber-attaques, le ministre de l’Intérieur relevait qu’un tel délai pourrait s’avérer excessivement court pour les petites et moyennes entreprises, qui ne sont pas toujours au fait de leurs obligations, et pour lesquelles une cyber-attaque peut constituer un « choc ».

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté trois amendements identiques CL417 de Mme Le Hénanff, CL488 de M. Latombe et CL605 de M. Belhamiti, qui opèrent quatre modifications :

– le dispositif est élargi à l’ensemble des remboursements assurantiels faisant suite à une atteinte à un système de traitement automatisé des données, et non plus aux seuls remboursements visant à couvrir le paiement d’une cyber-rançon ;

– l’obligation de déposer une pré-plainte est remplacée par une obligation de déposer plainte, ce qui paraît plus conforme aux nécessités de l’enquête ;

 le point de départ du délai laissé pour porter plainte est précisé : la référence à « l’attaque » est remplacée par la « constatation de l’infraction » par la victime, dans un objectif de sécurité juridique ;

– le délai est doublé et porté à 48 heures après la constatation de l’infraction, ce qui assure un meilleur équilibre entre les intérêts des victimes et les nécessités de l’enquête.

S’agissant de l’extension du dispositif à l’ensemble des atteintes à un système de traitement automatisé de données (STAD), votre rapporteur y voit un double avantage.

D’une part, la rédaction proposée ne fait plus explicitement référence au remboursement des rançons. Comme cela a été relevé, la couverture assurantielle des cyber-rançons était déjà permise par notre droit, et la rédaction initiale du texte n’était pas de nature à exposer davantage notre pays à de telles attaques. Toutefois, comme le rappelle l’étude d’impact, « le principal inconvénient [de cette option] réside dans le fait qu’elle puisse être interprétée par le marché, le grand public et les futures victimes comme un blanc-seing du législateur pour procéder au paiement de rançons en cas de rançongiciel alors même que les autorités compétentes et, en premier lieu, l’ANSSI recommandent systématiquement de ne pas payer ». L’extension à l’ensemble des atteintes à un STAD écarte cette éventualité.

D’autre part, cette extension étend significativement les informations qui seront remontées aux services d’enquêtes, améliorant d’autant leur connaissance de ces infractions et leur capacité à les appréhender.

La Commission a également adopté un amendement rédactionnel CL725 de votre rapporteur.

*

*     *

Article 4 bis A (nouveau)
(art. 323-1 du code pénal)
Aggravation des sanctions commises en cas d’atteinte
à un système de traitement automatisé des données

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 bis A, introduit par la Commission sur proposition de M. Benjamin Haddad, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, renforce les sanctions en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a relevé le montant des amendes pouvant être infligées en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données, prévues aux articles 323-1 du code pénal.

1.   L’état du droit

Les articles 323-1 à 323-8 du code pénal définissent les infractions d’atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD), et prévoient les sanctions applicables.

Ainsi, au sens de l’article 323-1 du code pénal, le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d’un STAD est puni de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.

Lorsqu’il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

Lorsque ces infractions ont été commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende.

2.   Le dispositif introduit par la commission

Sur proposition de M. Benjamin Haddad, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL727 qui tend à aggraver les peines encourues en cas d’infraction commise à l’encontre d’un STAD.

Comme le relève l’auteur de l’amendement, la faiblesse des quanta de peines applicables aux infractions d’accès et de maintien frauduleux dans un STAD « limite les actes d’investigation qui sont réalisables en enquête préliminaire, c’est-à-dire dans le cadre d’enquête le plus courant ».

Afin de permettre aux services d’enquête de « pouvoir procéder à davantage d’actes d’enquête, comme des perquisitions ou une géolocalisation », l’amendement adopté porte ainsi à trois ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende les peines encourues en cas d’accès et de maintien frauduleux dans un STAD. 

Par ailleurs, pour maintenir une cohérence entre les différentes peines prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal, l’amendement prévoit également un renforcement des sanctions dans les cas d’atteinte aggravées à un STAD.

Ces infractions sont présentées dans le tableau ci-après.

atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

Article du code pénal

Infraction

Quantum de peine

Droit existant

Droit proposé

323-1

al. 1

Accéder ou se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d’un STAD

Deux ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende

Trois ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

al. 2

Lorsqu’il en est résulté soit la suppression ou modification de données contenues dans le système, soit l’altération du fonctionnement de ce système

Trois ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

Cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

al. 3

Lorsque ces infractions sont commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État

Cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

Sept ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende

323-2

al. 1

Entraver ou fausser le fonctionnement d’un STAD

Cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

al. 2

Lorsque cette infraction est commise à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État

Sept ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende

323-3

al. 1

Introduire frauduleusement des données dans un STAD, extraire, détenir, reproduire, transmettre, supprimer ou modifier frauduleusement les données qu’il contient

Cinq ans d’emprisonnement et
150 000 € d’amende

al. 2

Lorsque cette infraction est commise à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État

Sept ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende

323-3-1

Importer, détenir, offrir, céder ou mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour commettre une ou plusieurs des infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3, sans motif légitime, notamment de recherche ou de sécurité informatique

Peines prévues respectivement pour l’infraction elle-même ou pour l’infraction la plus sévèrement réprimée

 

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*     *

Article 4 bis B (nouveau)
(art. 323-4-1 du code pénal)
Extension de la circonstance aggravante de bande organisée
en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 bis B, introduit par la Commission sur proposition de M. Jean-Pierre Cubertafon, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, étend le champ de la circonstance aggravante de bande organisée en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données, en supprimant la restriction qui la limitait aux seules infractions commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a relevé le montant des amendes pouvant être infligées en cas d’atteinte à un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

1.   L’état du droit

L’article 323-4 du code pénal prévoit l’infraction d’association de malfaiteurs en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données.

Ainsi, la participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs des infractions prévues par les articles 323-1 à 323-3-1 du même code, relatives aux atteintes à un STAD ([48]), est punie des peines prévues pour l’infraction elle-même ou pour l’infraction la plus sévèrement réprimée.

L’article 323-4-1 du code pénal prévoit quant à lui la circonstance aggravante de bande organisée, mais uniquement pour les infractions commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

Ainsi, lorsque les infractions prévues aux mêmes articles 323-1 à 323-3-1 ont été commises en bande organisée et à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende.

2.   Le dispositif introduit par la commission des Lois

Sur proposition de M. Jean-Pierre Cubertafon, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL722 qui étend la circonstance aggravante de bande organisée à l’ensemble des atteintes à un système de traitement automatisé des données, qu’elles soient ou non commises à l’encontre d’un STAD à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

Comme le rappelle l’auteur de l’amendement, le dispositif actuellement en vigueur « est particulièrement restrictif en ce que les pouvoirs d’enquête et de coercition applicables en matière de criminalité organisée, ne peuvent être utilisés lorsque la victime n’est pas étatique ».

 

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Article 4 bis C (nouveau)
(art. 398-1 du code de procédure pénale)
Extension du recours à l’ordonnance pénale en cas d’accès ou de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 bis C, introduit par la Commission sur proposition de M. Jean-Pierre Cubertafon, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, étend la possibilité de recourir à une ordonnance pénale en cas d’accès ou de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a étendu aux violences commises sur certaines personnes dépositaires de l’autorité publique la possibilité de recourir au dispositif de l’ordonnance pénale.

1.   L’état du droit

La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est prévue aux articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale.

Elle permet le traitement d’une affaire par un juge unique et sans audience.

Le procureur de la République peut décider d’y recourir dès lors que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à 5 000 euros, et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.

Cette procédure simplifiée n’est applicable qu’à une liste limitative de délits. Il s’agit :

– des délits mentionnés à l’article 398-1 du code de procédure pénale, lorsqu’ils sont punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, à l’exception des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes ;

– du délit de diffamation ([49]) et du délit d’injure ([50]).

2.   Le dispositif introduit par la commission

Sur proposition de M. Jean-Pierre Cubertafon, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL721 qui étend la possibilité de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour juger les délits d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, prévus au premier alinéa de l’article 323‑1 du code pénal.

Une telle extension paraît adaptée aux délits d’accès et de maintien frauduleux dans un STAD, qui recouvre notamment les situations de piratage d’un compte de messagerie électronique ou d’un réseau social.

Les infractions plus complexes resteraient exclues du dispositif.

 

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Article 4 bis  
(art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale)
Complément à la liste des actes autorisés
dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 bis du projet de loi, introduit par le Sénat, complète la liste des actes autorisés dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme, afin de faciliter le recours à la technique du « coup d’achat ».

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 230-46 du code de procédure pénale, qui régit le régime des enquêtes sous pseudonyme, est issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur qui vise à limiter l’obligation de recueillir l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, prévue à l’article 230-46 du code de procédure pénale, aux seules acquisitions de produits et transmissions de contenus illicites.

1.   L’état du droit

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a unifié le cadre législatif applicable aux enquêtes sous pseudonyme, qui était jusque-là prévu par des dispositions éparses du code de procédure pénale.

Ce dispositif a pour objectif de permettre aux enquêteurs de procéder à certains actes illicites sans engager leur responsabilité pénale.

Le régime actuel de l’enquête sous pseudonyme est actuellement prévu à l’article 23046 du code de procédure pénale.

Les actes concernés doivent avoir pour seules fins de constater les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques, et ne peuvent être réalisés que lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient.

Les agents peuvent ainsi procéder, sous pseudonyme, aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

– participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions (1° de l’article) ;

– extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve (2°) ;

– et, après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites (3°). Cette autorisation, qui peut être donnée par tout moyen, doit, à peine de nullité, être mentionnée ou versée au dossier de la procédure, et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions.

Ne sont concernés par le dispositif que les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire, s’ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin dans des conditions précisées par arrêté du ministre de la justice et du ministre de l’intérieur.

Dans sa décision du 21 mars 2019, rendue à propos de la loi ayant créé cet article, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité du dispositif, relevant qu’ « en autorisant le recours à l’enquête sous pseudonyme aux fins de constater les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par voie de communications électroniques, le législateur n’a pas méconnu le droit à un procès équitable. Il n’a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée » ([51]).

Cependant, le dispositif actuel ne permet pas d’accorder le bénéfice de l’irresponsabilité pénale à l’enquêteur qui agirait sous pseudonyme en qualité de complice, et qui porterait assistance au délinquant.

Plusieurs dispositifs prévus par le code de procédure pénale permettent d’ores et déjà aux enquêteurs de porter assistance à des délinquants sans engager leur responsabilité dans le monde « physique ».

L’article 706-32 permet notamment l’acquisition de produits stupéfiants selon le procédé de l’ « achat de confiance ». Les OPJ et les APJ placés sous leur autorité peuvent ainsi, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet :

– acquérir des produits stupéfiants ;

– et, en vue de l’acquisition de produits stupéfiants, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier, ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

Dans les mêmes conditions, l’article 706-106 du même code autorise l’acquisition d’armes, de munitions ou d’explosifs, ainsi que la mise à disposition de moyens en vue de leur acquisition.

Enfin, dans le cadre d’une infiltration, prévue aux articles 706-81 et suivants du même code, les officiers et agents de police judiciaire autorisés peuvent notamment acquérir, détenir, et délivrer des substances, biens informations tirés de la commission d’infractions ou servant à leur commission, et, là encore, utiliser ou mettre à disposition des moyens.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs ([52]), la commission des Lois du Sénat a ouvert la possibilité aux officiers ou agents de police judiciaires autorisés agissant sous pseudonyme de porter assistance aux délinquants, dans les mêmes conditions que celles déjà prévues par le 3° de l’article 230-46.

Ainsi, selon la rédaction proposée, en vue de l’acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, les enquêteurs seraient autorisés à mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions, des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

Ils devraient pour cela, comme cela est déjà prévu par l’article pour les acquisitions de produits et la transmission de produits illicites, obtenir préalablement l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits.

Cette rédaction reprend celle de l’article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui avait été déposé à l’Assemblée nationale au mois de mars 2022 ([53]).

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État avait considéré que cette extension ne soulevait pas d’objection constitutionnelle ou conventionnelle dès lors qu’étaient maintenues les garanties existantes ([54]). Il considérait par ailleurs que l’autorisation donnée aux enquêteurs de se rendre complices par la fourniture de moyens se justifiait par la « complexité des infractions commises sur Internet » qui nécessitaient une « administration spécifique de la preuve ».

Les rapporteurs de la commission des Lois du Sénat relevaient de leur côté que « l’enquête sous pseudonyme est un moyen efficace de lutter contre les crimes et délits commis sur internet. Qu’il s’agisse de la vente de drogue ou d’armes sur le dark web ou de la vente de biens volés sur des plateformes en ligne, cette technique facilite l’identification des auteurs et la collecte d’éléments de preuve ».

L’étude d’impact jointe au projet de loi déposé à l’Assemblée nationale relevait enfin, et à titre d’exemple, que « de nombreux biens dérobés durant des cambriolages, sur la voie publique (vol de deux roues, vol de véhicule, etc.) ou à l’occasion de vols à la roulotte (notamment de l’outillage professionnel dans les véhicules de professionnels), sont régulièrement mis en vente sur des plateformes de vente en ligne ». Les enquêteurs sont alors susceptibles de contacter les vendeurs, en se faisant passer pour des acheteurs, pour organiser une réunion afin de procéder à leur interpellation en flagrant délit de recel.

Cet article n’a pas été modifié en séance publique.

3.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL726 qui recentre l’obligation de recueillir l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, prévue à l’article 230-46 du code de procédure pénale, sur les seules acquisitions de produits et transmissions de contenus illicites.

Il n’apparaît en effet pas justifié d’imposer un tel formalisme pour les acquisitions de produits et les transmissions de contenus qui ne sont pas interdits.

La Commission a également adopté trois amendements rédactionnels CL728, CL729 et CL730 de votre rapporteur.

 

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*     *

Chapitre II
Un équipement à la pointe du numérique

Article 5
(art. l. 32 et l. 34-16 [nouveau] du code des postes et des télécommunications électroniques)
Mise en œuvre du Réseau radio du futur

Adopté par la Commission avec modifications

Par l’adoption d’un amendement CL731 du rapporteur, la Commission a rétabli la division et l’intitulé du chapitre, qui avaient été supprimés par le Sénat.

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour engager les modifications du code des postes et des communications électroniques (CPCE) nécessaires au déploiement du projet « réseau radio du futur » (RRF).

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’article 5. Le Gouvernement a proposé, par voie d’amendement adopté en séance publique, d’inscrire directement dans la loi les modifications nécessaires à la mise en œuvre du projet.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur tendant à définir les caractéristiques essentielles de l’établissement public chargé d’assurer la mise en œuvre et l’exploitation du RRF, qui constitue une catégorie d’établissement public au sens de l’article 34 de la Constitution.

1.   L’état du droit

a.   Le projet réseau radio du futur

i.   Les objectifs

Le projet « réseau radio du futur » (RRF) vise à déployer une infrastructure nationale de communication mobile très haut débit (4G et 5G) interopérable, prioritaire, sécurisée et résiliente au profit de l’ensemble des services en charge des missions de sécurité, de secours et de gestion des crises.

Il a vocation à se substituer aux réseaux radios RUBIS (pour « réseau unifié basé sur l’intégration des services ») et INPT (pour « infrastructure nationale partageable des transmissions ») actuellement utilisés, respectivement, par les services du ministère de l’Intérieur et du ministère des armées. Ces réseaux, qui reposent sur des infrastructures détenues et exploitées par l’État ([55]), nécessitent des charges d’entretien croissantes.

Ils offrent par ailleurs des services rudimentaires à leurs utilisateurs, en décalage avec les besoins des services de sécurité intérieure, de protection civile et de secours. Ces réseaux radio bas débit permettent en effet des débits de données très faibles (2 kilobits par seconde) comparés à ceux de la 4G (150 mégabits par seconde).

Ils ne répondent plus aux besoins des services, dès lors que les équipes présentes sur le terrain ont régulièrement besoin du haut débit pour transférer des informations utiles (envoi d’images ou de vidéos, par exemple), ce que ces réseaux ne permettent pas.

Enfin, la couverture réseau offerte, notamment par l’INPT, est à ce jour très insuffisante : celle-ci s’établit à 45 % du territoire métropolitain, et peut atteindre 90 % à l’aide de relais véhiculaires.

D’un périmètre fonctionnel bien plus large que celui des réseaux radio bas débit auxquels il est destiné à se substituer, le RRF offrira à ses utilisateurs un puissant outil de communication multimédia permettant de les rendre plus efficaces dans chacune de leurs interventions.

ii.   Les communautés d’utilisateurs

Le RRF doit également permettre de renforcer la coopération entre services opérationnels et de coordonner leur action.

Il sera ainsi déployé auprès des « communautés d’utilisateurs » suivantes :

– les services concourant à la sécurité intérieure (police nationale, gendarmerie nationale, polices municipales) ;

– les services de secours (moyens nationaux de la sécurité civile, services d’incendie et de secours, SAMU, SMUR) ;

– les administrations de l’État participant aux missions de protection des populations ou de gestion des crises et des catastrophes (préfectures et services déconcentrés de l’administration territoriale, agences régionales de santé, douanes, agents du ministère de la justice, administrations chargées des routes, des voies navigables, des ports, de la navigation maritime ou aérienne, agents en charge des polices de l’environnement) ;

– les forces armées dans le cadre de leurs concours aux opérations de sécurité ou de secours sur le territoire national (opérations de type Sentinelle, Héphaïstos, Résilience, etc.) ou pour les besoins de communication de leurs unités en charge de la protection de leurs installations sur le territoire national ;

– ainsi que certains opérateurs d’importance vitale (OIV) des secteurs du transport et de l’énergie, infrastructures au sein desquelles les services de sécurité et de secours peuvent être amenés à intervenir.

Au total, ce sont un peu plus de 300 000 utilisateurs qui bénéficieront du RRF. Le tableau ci-après donne une estimation du nombre d’abonnés au RRF, par communauté.

Nombre estimatif d’abonnés au RRF, par communautés d’utilisateurs

Police nationale

105 000

Gendarmerie

86 454

Police municipale

1 200

SDIS

85 558

Préfecture

1 000

DIR

4 000

Ministère des armées

8 896

SAMU

4 475

Services pénitentiaires

6 000

Douanes

8 000

Total

310 583

Source : ministère de l’Intérieur. 

iii.   Les caractéristiques techniques

Le RRF vise à remédier à ces limites en offrant à ses utilisateurs un service hybride, en leur fournissant les services normalement offerts par les réseaux 4G des opérateurs privés de réseaux mobiles, tout en leur permettant de bénéficier d’un service applicatif différencié par rapport à leurs autres clients.

Une telle organisation permettrait d’assurer la résilience du dispositif, c’est-à-dire sa capacité à garantir en toutes circonstances et en tout point du territoire une capacité de communication pour les utilisateurs.

Comme l’indique l’étude d’impact, le réseau envisagé sera, pour partie, adossé aux réseaux 4G des opérateurs privés qui seraient mis à sa disposition contractuellement et, pour partie, adossé à une bande de fréquences d’émission réservée exclusivement aux usagers du RRF, prise sur les fréquences 700 MHz, dont le ministre de l’Intérieur est l’attributaire exclusif ([56]).

Des capacités complémentaires pourraient, en outre, être mises en œuvre, en cas de nécessités opérationnelles (droit de priorité sur les réseaux des opérateurs titulaires du marché public, et itinérance sur l’ensemble des réseaux privés, et pas uniquement ceux ayant contracté avec l’État).

iv.   Le déploiement du dispositif

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, le déploiement du dispositif sera échelonné.

Le déploiement sera organisé par département, afin de permettre la transition coordonnée des différentes communautés d’utilisateurs vers le nouveau service, et de fermer progressivement les accès aux réseaux bas débit.

Il s’effectuera entre 2024 et fin 2026, selon le rythme prévisionnel suivant :

– 24 départements seront déployés en 2024, avec une priorité pour les départements qui accueilleront des épreuves des Jeux Olympiques de 2024 ;

– 35 départements supplémentaires seront déployés entre fin 2024 et début 2025 ;

– la totalité du territoire sera couverte d’ici 2026.

Enfin, le déploiement du réseau de communications PCSTORM, conçu pour les besoins spécifiques des forces d’intervention de la police et de la gendarmerie, prévu dans le courant de l’année, est en cours et devrait être achevé début 2024. Il est prévu que le RRF intègre ce réseau à compter de 2025.

v.   Les éléments budgétaires

Pour la période 2022-2030, le coût total du projet RRF est estimé à 896 millions d’euros.

 

 

Deux types de ressources sont prévues pour ce projet :

– le financement direct par le budget du ministère de l’Intérieur, via le programme budgétaire n° 216 Administration générale et territoriale de l’État, qui permettra de couvrir les coûts de construction ainsi qu’une partie des coûts de fonctionnement pendant la période de déploiement des entités utilisatrices ;

– les communautés utilisatrices paieront un abonnement pour financer les coûts de fonctionnement. Les coûts de location des terminaux s’élèveront à 9,6 euros par mois et par abonné. Quant aux droits d’accès au réseau, leur coût dépendra de l’offre choisie par les utilisateurs et est estimé, en moyenne, à 33,70 euros par mois et par utilisateur sur la durée du marché.

Les coûts de construction du RRF s’élèvent à 161 millions d’euros, et sont intégralement financés par le programme n° 216 précité.

Par ailleurs, le marché de réalisation du RRF a été notifié très récemment.

Les industriels retenus dans le cadre du marché de réalisation du RRF

Les entreprises retenues dans le cadre du marché public du RRF ont été annoncées au début du mois d’octobre 2022.

L’accord-cadre de réalisation du RRF est organisé en 3 lots, ayant chacun fait l’objet d’un accord-cadre.

La durée de chacun des accords-cadres est de 4 ans, et est renouvelable une fois pour une durée de 3 ans. L’accord cadre a démarré en octobre 2022 et sa fin est donc prévue pour septembre 2029.

Le lot 1 doit permettre l’accès à la couverture 4G et 5G des opérateurs de réseaux mobiles pour les abonnés mobiles du RRF sur le territoire métropolitain.

Il a été remporté par Orange et Bouygues, et s’élève à 152,6 millions d’euros sur la durée de l’accord-cadre.

Le lot 2 vise à fournir à la maîtrise d’ouvrage du RRF l’ensemble des capacités lui permettant d’assurer son rôle d’opérateur de communications mobiles très haut débit. Il comprend notamment la fourniture des composants physiques et logiciels de l’opérateur virtuel du RRF.

Il a été remporté par Airbus et Capgemini, et s’élève à 496 millions d’euros.

Le lot 3 vise à doter la maîtrise d’ouvrage du RRF des outils applicatifs permettant de gérer tant la relation commerciale et logistique aux utilisateurs du RRF que la gestion opérationnelle des terminaux et l’administration de l’ensemble du système.

Il a été remporté par Atos et s’élève à 43,5 millions d’euros.

Ces montants représentent au total 692,1 millions d’euros de bons de commande, auxquels s’ajoutent 37,7 millions d’euros de marchés subséquents pour la durée des accords-cadres des lots 1 et 2, soit un total de 729,7 millions d’euros.

Source : secrétariat général du ministère de l’Intérieur.

Le ministère de l’Intérieur a communiqué à votre rapporteur l’échéancier pluriannuel de la dépense entre 2022 et 2030.

trajectoire budgétaire du réseau radio du futur
(autorisations d’engagement)

(en millions d’euros)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total 22-30

Coûts marchés

79,5

38,4

63,0

112,5

77,8

83,2

90,0

90,7

94,5

729,7

Coûts hors marché

5,6

16,1

18,6

24,4

20,4

20,4

20,4

20,4

20,4

166,7

Total RRF (AE)

85,2

54,5

81,6

136,9

98,2

103,6

110,4

111,0

114,9

896,4

Source : secrétariat général du ministère de l’Intérieur.

 

trajectoire budgétaire du réseau radio du futur
(crédits de paiement)

(en millions d’euros)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total 22-30

Coûts marchés

27,1

75,5

73,1

112,1

83,3

83,2

90,0

90,7

94,5

729,7

Coûts hors marché

5,6

16,1

18,6

24,4

20,4

20,4

20,4

20,4

20,4

166,7

Total RRF (CP)

32,8

91,7

91,7

136,5

103,7

103,6

110,4

111,0

114,9

896,4

Source : secrétariat général du ministère de l’Intérieur.

Le coût annuel estimé du fonctionnement du RRF en régime de croisière est d’environ 114 millions d’euros, et sera financé en intégralité par les programmes métiers des différentes communautés utilisatrices.

En plus des gains opérationnels qu’il permettra, le RRF devrait par ailleurs conduire à des économies substantielles. D’après les éléments transmis à votre rapporteur, la fermeture des réseaux bas débit devrait permettre de générer une économie de 22 millions d’euros par an.

Le coût complet du RRF sur la période 2020-2039 est estimé à 2,2 milliards d’euros ([57]).

b.   La nécessité de faire évoluer le droit existant

i.   Le réseau radio du futur doit être considéré comme un réseau ouvert au public

Les caractéristiques propres à ce projet nécessitent de faire évoluer le cadre juridique applicable aux réseaux de communications électroniques.

Dans un avis du 18 mai 2021 ([58]), le Conseil d’État a en effet considéré que le réseau radio du futur était susceptible de relever de la catégorie des réseaux de communications électroniques ouverts au public, prévue à l’article L. 32 du CPCE, sous réserve qu’il remplisse les trois critères suivants :

– premier critère, le RRF doit permettre la fourniture d’un service de communications électroniques, défini comme « un service d’accès à Internet, un service de communications interpersonnelles, [ou] un service consistant entièrement ou principalement en la transmission de signaux tels que les services de transmission utilisés pour la fourniture de services de machine à machine et pour la radiodiffusion » ([59]) ;

– deuxième critère, le service doit être fourni normalement contre rémunération ;

– troisième critère, le service doit être accessible au public.

Ces trois critères paraissent remplis par le projet de RRF tel qu’il est présenté par le Gouvernement. Le RRF donnera ainsi accès aux fonctions classiques de téléphonie et d’accès à internet très haut débit, en plus du service applicatif de communication pour missions critiques ; le modèle retenu reposerait sur une rémunération assurée par les abonnements souscrits par les acteurs intéressés, qu’il s’agisse des services de l’État ou des autres acteurs de la protection civile, et notamment des collectivités territoriales ; le service est destiné à être connecté à d’autres réseaux, et à pouvoir être accessible à des tiers non abonnés au RRF, en fonction des besoins, en cas de crise notamment, et doit ainsi être considéré comme étant accessible au public.

Le Conseil d’État écartait par ailleurs la possibilité de qualifier le RRF de réseau indépendant, dans la mesure où il n’est pas destiné à un groupe fermé d’utilisateurs.

Réseau ouvert au public et réseau indépendant

L’article L. 32 du CPCE distingue ainsi deux  catégories de réseaux.

Le réseau ouvert au public (4°) est défini comme « tout réseau de communications électroniques établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de communications électroniques ou de services de communication au public par voie électronique ».

Le réseau indépendant (5°) est défini comme « un réseau de communications électroniques réservé à l’usage d’une ou plusieurs personnes constituant un groupe fermé d’utilisateurs, en vue d’échanger des communications internes au sein de ce groupe ».

ii.   Du fait de sa dimension régalienne, le réseau radio du futur doit faire l’objet de dispositions particulières

La qualification du RRF comme réseau ouvert au public a des conséquences directes sur les obligations qui pèsent sur le RRF. En effet, comme le relève le Conseil d’État, l’ensemble des opérateurs exploitant des réseaux publics ou fournissant des services de communications électroniques au public, au titre de l’autorisation générale de leur activité d’opérateur, se voient appliquer, de manière non discriminatoire, le même régime, avec les mêmes droits et obligations.

L’article L. 32-1 du CPCE dispose que la fonction de régulation du secteur des communications électroniques est indépendante de l’exploitation des réseaux et de la fourniture des services de communications électroniques. Il en découle que, dès lors que le RRF doit être considéré comme un réseau ouvert au public, l’opérateur chargé d’exploiter les réseaux et de fournir les services de communications électroniques associés devra être une personne morale distincte de l’État.

Il est prévu que l’exploitation du RRF soit confiée à un opérateur dédié. L’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS) prendrait la forme d’un établissement public administratif, et serait placée sous la tutelle du ministre de l’Intérieur.

La création d’un opérateur dédié

L’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS) s’appuiera ainsi sur des réseaux et systèmes d’infrastructures spécifiques permettant de délivrer des communications priorisées avec un débit de données garanties par les opérateurs de réseaux mobiles.

Son conseil d’administration rassemblerait l’ensemble des communautés d’utilisateurs abonnés au RRF, afin de garantir la prise en compte permanente des besoins des utilisateurs.

L’ACMOSS sera dotée de 120 ETPT, qui seront fournis par les différents ministères utilisateurs du RRF à due proportion du nombre d’abonnements souscrit.

La création d’un nouvel établissement public, qui constituerait en lui-même une catégorie au sens de l’article 34 de la Constitution, nécessiterait une disposition législative.

Par ailleurs, des sujétions particulières doivent être prévues à l’égard des autres opérateurs de réseau ouverts au public, afin de permettre, en cas de congestion du réseau notamment, la continuité des communications des services de secours et de sécurité.

Enfin, en raison de la dimension régalienne de ce réseau et de son importance pour les services de sécurité et de secours, il ne paraît pas souhaitable d’envisager le RRF selon un cadre juridique dans lesquelles les règles du droit de la concurrence s’appliqueraient pleinement. Cela pourrait en effet limiter la capacité de l’État à financer le dispositif, du fait de l’encadrement des aides d’État en droit européen, et tendrait à imposer aux acteurs de la sécurité et du secours autres que l’État qui souhaitent adhérer au futur opérateur de recourir à des procédures nécessitant publicité et mise en concurrence.

2.   Le dispositif proposé

Les catégories prévues actuellement par le CPCE ne permettant pas de répondre aux besoins et aux spécificités du futur RRF, il paraît nécessaire de définir un nouveau statut de réseau et d’opérateur de communications électroniques, adapté aux services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes.

L’article 5 du projet de loi propose ainsi d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant la mise en œuvre du RRF, défini comme un « réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes destiné à fournir à l’ensemble de ces services, en toutes circonstances et en tout point du territoire, l’accès à très haut débit à un service complet de communications électroniques présentant les garanties nécessaires à l’exercice de leurs missions en termes de sécurité, d’interopérabilité, de continuité et de résilience ».

À cette fin, l’habilitation autorise le Gouvernement à modifier le CPCE.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Les consultations et les arbitrages nécessaires au lancement du RRF ayant été réalisés, la commission des Lois du Sénat a considéré que le recours à un article d’habilitation n’était plus justifié. Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois a donc supprimé l’article 5. ([60])

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement qui inscrit directement dans la loi les modifications nécessaires à la mise en œuvre du projet([61])

Le dispositif crée ainsi une nouvelle catégorie de réseau de communications électroniques, le réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, dont il confie l’exploitation à un opérateur spécifique.

Il définit par ailleurs les prérogatives exorbitantes de puissance publique dont bénéficiera cet opérateur pour mener à bien ses missions.

a.   La création d’un nouveau réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, et d’un opérateur

Les alinéas 2 à 12 prévoient ainsi la création, à l’article L. 32 du CPCE, d’une nouvelle catégorie de réseau de communications électroniques, et de l’opérateur associé.

Les alinéas 3 à 6 définissent d’abord les communications mobiles critiques à très haut-débit comme les communications électroniques émises, transmises ou reçues par les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes et présentant les garanties nécessaires à l’exercice de leurs missions en termes de sécurité, d’interopérabilité de continuité et de résilience.

Les alinéas 7 à 9 définissent ensuite le périmètre et les acteurs du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

Ce réseau serait dédié aux services publics mutualisés de communication mobile critique à très haut‑débit pour les seuls besoins de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes.

Il serait mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l’État, des collectivités territoriales, des services d’incendie et de secours, des services d’aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans le domaine du secours.

Il serait exploité par un opérateur spécifique, l’opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

Les alinéas 10 à 12 définissent enfin le statut et les missions de l’opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

Cet opérateur prendrait la forme d’un établissement public chargé d’assurer le service public d’exploitation du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité et de fourniture à ses utilisateurs d’un service de communications mobiles critiques à très haut‑débit sécurisé, destiné à des missions de sécurité et de secours.

Il reposerait sur les principes de continuité de service, de disponibilité, d’interopérabilité et de résilience.

b.   Les dispositions particulières à ce nouveau réseau

Le dispositif proposé institue par ailleurs des obligations spécifiques à l’encontre des opérateurs privés de téléphonie mobile, visant à garantir le bon fonctionnement du réseau, et écarte l’application à l’opérateur en charge du RRF de certaines des obligations applicables aux autres opérateurs de réseaux ouverts au public, du fait de la nature des missions exercées.

Les alinéas 14 à 22 créent à cet effet un nouvel article L. 34‑16 dans le CPCE.

Le I de ce nouvel article prévoit que les opérateurs privés de téléphonie mobile garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques très haut‑débit entre les adhérents au RRF.

Ces opérateurs privés devraient pour cela faire droit aux demandes d’itinérance, sur leurs réseaux, de l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

Les conditions techniques et tarifaires de fourniture de cette prestation seraient déterminées dans une convention, communiquée à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). L’Autorité serait compétente pour connaître des différends relatifs aux conditions techniques et tarifaires.

Le II prévoit des obligations renforcées à l’égard des opérateurs retenus dans le cadre du marché public visant à répondre aux besoins de l’opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité. En cas de congestion du réseau, ces opérateurs devraient faire droit aux demandes d’accès prioritaires de celui-ci aux réseaux ouverts au public interconnectés.

Le III prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en œuvre à la demande, pour pouvoir faire droit aux demandes d’itinérance de l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, en application du I (sauf dans les cas où ces prestations auraient fait l’objet d’un marché public).

Le IV définit, enfin, lesquelles des règles applicables à l’établissement et à l’exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques ne s’appliqueraient pas à l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

Ces règles sont présentées dans le tableau ci-après.

RÈGLES non applicables à l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité

Disposition du CPCE

Objet

L. 33-1

I f

Acheminement gratuit des communications d’urgence

L. 33-1

I f bis

Acheminement gratuit des communications des pouvoirs publics pour alerter la population située dans les zones géographiques potentiellement affectées soit par une menace ou une agression imminentes ou en cours

L. 33-1

I f ter

Acheminement gratuit d’informations d’intérêt général à destination des utilisateurs finals

L. 33-1

I g

Financement du service universel et, le cas échéant, fourniture du service universel et des services complémentaires

L. 33-1

I h

Transmission des listes d’abonnés ou d’utilisateurs

L. 33-1

I j

Conditions nécessaires pour assurer l’équivalence de traitement des opérateurs internationaux

L. 33-1

I k

Conditions nécessaires pour assurer l’interopérabilité des services

L. 33-1

I n

Information des utilisateurs

L. 33-1

I n bis

Informations devant figurer dans le contrat conclu avec un utilisateur professionnel

L. 33-1

I n ter

Obligation de mettre à disposition des utilisateurs professionnels les informations commerciales

L. 33-1

I p

Accès des utilisateurs finals sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques

L. 33-1

II

Individualisation comptable et juridique par activité

L. 33-1

V

Accès des autorités (justice, sécurité intérieure, sécurité civile) aux listes d’abonnés et d’utilisateurs

L. 33-1

VI

Interdiction des limitations techniques ou contractuelles à un service d’accès à internet

L. 337

 

Communication gratuite à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements des informations relatives à l’implantation et au déploiement des infrastructures et des réseaux sur leur territoire

L. 339

 

Fourniture d’une offre tarifaire spécifique à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières dans l’accès au service téléphonique en raison de leur niveau de revenu

L. 3312

 

Réalisation des mesures relatives à la qualité des services et à la couverture des réseaux et des services de communications électroniques, à leur traitement et à leur certification par des organismes indépendants choisis par l’ARCEP

L. 33121

 

Établissement par l’ARCEP d’un relevé géographique, tous les trois ans, relatif à la couverture actuelle des réseaux de communications électroniques ouverts au public, ainsi que des prévisions de couverture des réseaux

L. 34

 

Libre publication des listes d’abonnés ou d’utilisateurs des réseaux ou services de communications électroniques

L. 35

 

Les obligations de service public sont assurées dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité

L. 357

 

Rapport présentant un état des lieux détaillé du réseau fixe par les opérateurs au titre des obligations de service universel

S’agissant de l’application à l’ACMOSS des règles de concurrence, et en application de la jurisprudence européenne, il est rappelé que leur application pourra être écartée si le RRF est regardé comme une activité se rattachant à l’exercice des prérogatives de puissance publique de l’État en matière de sécurité.

La Cour de justice de l’Union européenne a notamment jugé que, dans le domaine du droit de la concurrence, une activité qui, par sa nature, par les règles auxquelles elle est soumise et par son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique échappe à l’application des règles de concurrence du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([62]).

Dans une décision de 2015, la Commission européenne a, par ailleurs, écarté la qualification d’aide d’État concernant le financement public du programme de services de communications mobiles d’urgence au Royaume‑Uni ([63]), ces activités n’étant pas de nature économique, puisque faisant intrinsèquement partie des prérogatives de puissance publique et étant exercées par l’État.

Ces éléments confirment que l’activité de l’ACMOSS pourra bien être qualifiée de non économique.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL761 rectifié qui tend à définir les caractéristiques de l’établissement public chargé d’assurer la mise en œuvre et l’exploitation du réseau radio du futur.

Comme cela a été précisé supra, il est prévu que l’exploitation du RRF soit confiée à un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS).

Ce nouvel établissement public constituerait en lui-même une catégorie au sens de l’article 34 de la Constitution : sa création nécessite donc une disposition législative.

L’amendement adopté complète ainsi l’article 5 par un III qui prévoit les missions de l’établissement public, les principales règles d’organisation de la gouvernance de l’établissement – ces règles devant encore être précisées par décret –, ainsi que les catégories de ressources de l’établissement. 

La Commission a également adopté un amendement CL454 de M. Molac, précisant que les groupements de collectivités territoriales pourront adhérer au RRF, au même titre que les collectivités territoriales.

La Commission a enfin adopté cinq amendements rédactionnels CL732, CL733 et CL389 identiques, CL735 et CL736.

 

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*     *

Titre III
Dispositions relatives à l’accueil des victimes et à la répression des infractions

Chapitre  Ier
Améliorer l’accueil des victimes

 

Article 6
(art. 15-3-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et possibilité d’y avoir recours pour le recueil de la plainte

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article insère dans le code de procédure pénale une nouvelle procédure permettant aux victimes d’une infraction pénale de déposer plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle. Il simplifie également les règles relatives à l’établissement du procès‑verbal s’agissant du recours à la visioconférence en procédure pénale.

       Dernières modifications législatives intervenues

Cet article crée une nouvelle procédure de dépôt de plainte. D’autres modalités de dépôt de plainte ont été récemment modifiées, notamment avec la création en 2019 de la plainte en ligne prévue à l’article 15-3-1 du code de procédure pénale ([64]).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a assorti le décret relatif aux modalités d’application du présent article d’un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il a également introduit un nouvel alinéa précisant que la plainte par visioconférence ne faisait pas obstacle à une audition ultérieure de la victime dans les locaux des services ou unités de police judiciaire.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement rédactionnel et deux amendements de votre rapporteur afin de compléter le présent dispositif de plusieurs précisions. En outre, d’autres amendements ont également été adoptés pour clarifier l’objectif et les modalités d’application de la plainte par visioconférence.

1.   L’état du droit

a.   L’existence de procédures dématérialisées de plainte ou pré-plainte

Le dépôt de plainte peut se faire auprès des services de police et de gendarmerie ([65]) ou auprès du procureur de la République ([66]). Cette plainte se fait la plupart du temps en présentiel, mais, dans certains cas, son dépôt peut se faire par voie électronique ou être précédé d’une pré-plainte dématérialisée.

● La pré-plainte en ligne a été mise en place par décret dès mai 2018 ([67]) afin de permettre le signalement d’une atteinte aux biens et de certaines provocations à la discrimination à la haine ou à la violence, diffamations, injures ou discriminations, lorsque l’auteur est inconnu ([68]). Cette procédure dématérialisée peut également être utilisée pour prendre rendez-vous auprès d’un service de la police nationale ou d’une unité de la gendarmerie nationale de son choix afin de déposer et signer sa plainte. Elle permet aussi d’être informé par les autorités compétentes des suites réservées à sa plainte.

● La plainte en ligne est prévue à l’article 15-3-1 du code de procédure pénale, introduit par la loi de programmation et de réforme pour la Justice de 2019 ([69]). Cette procédure spécifique permet aux victimes de déposer plainte par voie électronique par le biais du « traitement harmonisé des enquêtes et des signalements pour les e-escroqueries » (THESEE) ([70]) pour trois types d’infractions commises sur Internet :

– escroquerie y compris si elle est connexe à l’infraction d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données (escroquerie aux sentiments ou escroqueries à la petite annonce, piratage de messageries ou de profils de réseaux sociaux, fraude sur un faux site de vente en ligne) ;

– chantage ;

– extorsion connexe à l’infraction d’entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données ou à l’infraction d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données ([71]) (rançongiciel).

Selon le ministère de l’Intérieur, entre le 15 mars et le 15 octobre 2022, 38 507 plaintes et 9 389 signalements ont été déposés sur THESEE. 27 recoupements ont été opérés et 48 enquêtes initiées.

b.   L’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle en procédure pénale

i.   Le recours croissant à la visioconférence en procédure pénale

Le recours aux moyens de télécommunication, notamment la télécommunication audiovisuelle – ou plus communément visioconférence –, dans le cadre de la procédure pénale a été développé au cours des dernières années.

Introduit en 2001 par la loi relative à la sécurité quotidienne ([72]), l’article 70671 du code de procédure pénale précise les modalités d’utilisation de moyens de télécommunication au cours de la procédure. Modifié à treize reprises depuis, il autorise aujourd’hui le recours à la visioconférence « aux fins d’une bonne administration de la justice, […] si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié ».

En application de l’article 706‑71, le recours à la visioconférence est autorisé dans de nombreux cas au cours de l’enquête ou de l’instruction, notamment pour les auditions, les interrogatoires ou encore les confrontations lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient, ainsi que pour la présentation aux fins de prolongation de la garde à vue ou de la retenue judiciaire ([73]).

Ce recours est également possible en matière de détention provisoire pour le placement en détention provisoire d’une personne déjà détenue pour une autre cause ou pour le débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, ainsi que pour les audiences du contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l’instruction ou la juridiction de jugement ([74]). Dans certains de ces cas, la personne peut refuser l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle ([75]).

La visioconférence peut également être utilisée par la juridiction de jugement pour l’audition des témoins, des parties civiles et des experts, ainsi que, avec l’accord du procureur de la République et de l’ensemble des parties, pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel si celui-ci est détenu ([76]). Cette possibilité est également ouverte s’agissant de certaines procédures d’indemnisation ou de réparation ([77]).

ii.   Les modalités procédurales du recours à la visioconférence en procédure pénale

Pour l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, le deuxième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale exige l’établissement d’un procès-verbal des opérations effectuées dans chacun des lieux où se trouvent les personnes entendues.

Ces procès-verbaux répondent à plusieurs règles formelles et procédurales, notamment :

– ils consistent en un « relevé de constatations techniques comportant notamment la mention du test du matériel et les heures de début et de fin de connexion » ([78]) ;

– ils peuvent être établis et signés « par un agent ou un fonctionnaire de la juridiction désigné par le greffier en chef ou par un fonctionnaire pénitentiaire désigné par le chef d’établissement » ([79]) ;

– ils « sont élaborés sous la direction de l’officier de police judiciaire, du procureur de la République ou du juge d’instruction qui est chargé de la procédure » ([80]) ;

– s’ils comportent des « différences dans les retranscriptions des déclarations d’une même personne, seules font foi celles figurant dans le procèsverbal signé par l’intéressé ou établi dans les conditions fixées par l’article 706-58 » ([81]), qui prévoit la possibilité d’anonymat de certains témoins dans certaines circonstances et sur décision du juge des libertés et de la détention ;

– ils doivent mentionner « tout incident technique ayant perturbé une transmission » ([82]).

Par ailleurs, deux modalités d’établissement et de signature sont prévues pour l’établissement des procès-verbaux lorsque le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ([83]) a recours à la visioconférence ([84]) :

– soit l’établissement de deux procès-verbaux simultanément ([85]) ;

– soit l’établissement, dans les locaux de la juridiction par le magistrat et son greffier, d’un unique procès-verbal qui est immédiatement transmis à la personne entendue pour être signée selon une procédure de contreseings simultanés ([86]).

2.   Le dispositif proposé

a.   L’autorisation du recours à la visioconférence pour le dépôt de plainte

À la suite de l’article 15-3-1 du code de procédure pénale relatif aux plaintes en ligne, le 1° du présent article insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 15-3-1-1 autorisant, « aux fins de bonne administration de la justice », le dépôt de plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle.

Pour certaines infractions, dont la liste devra être établie par décret, la victime peut ainsi se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue par visioconférence. Cette formulation – « peut se voir proposer » –, retenue dans le projet de loi initial et confirmée par le Sénat lors de son examen, offre toutefois des marges de clarification dans la mesure où seule la victime, conformément à l’esprit du dispositif proposé, peut décider de recourir à la visioconférence. En effet, comme la plainte en ligne, la plainte par visioconférence ne peut pas être imposée aux victimes, il s’agit seulement d’une possibilité.

À la différence des recours à la visioconférence en procédure pénale prévus par l’article 706-71 du même code, la mise en œuvre de la plainte par visioconférence ne serait pas conditionnée à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire.

À la différence de la plainte en ligne, qui ne suppose pas une audition par un officier de police judiciaire, la plainte par visioconférence comprend bien une audition qui se fait par visioconférence. La relation directe de la victime avec un officier de police judiciaire est ainsi maintenue dans cette procédure dématérialisée.

b.   La simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle au cours de la procédure pénale

En outre, le 2° du présent article simplifie les règles applicables en matière d’établissement des procès-verbaux en cas de recours à la visioconférence. À cette fin, il modifie le deuxième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale, supprimant ainsi l’obligation d’établir un procès-verbal « dans chacun des lieux ».

Comme l’indique l’étude d’impact, « ces dispositions impliquent […], pour les actes d’enquête réalisés, la mobilisation d’autant d’enquêteurs que de procèsverbaux dressés dans les lieux où les personnes sont entendues » ([87]). Cette lourdeur n’est semble-t-il pas justifiée dans la mesure où « la personne entendue à distance est mise à même, à l’issue, de prendre connaissance du procès-verbal et d’en contester le contenu en faisant état de ses objections s’il ne retraçait pas fidèlement ses propos ou la conduite de l’audition ou de l’interrogatoire » ([88]).

S’inscrivant dans la même logique, le Conseil d’État « admet que l’exigence d’un double procès-verbal ne répond pas à une nécessité dès lors que seul fait foi le procès-verbal signé par l’intéressé, ce qui justifie en conséquence, dans un objectif de simplification, sa suppression » ([89]).

Le recours à la visioconférence exigera donc à l’avenir l’établissement d’un procès-verbal unique. Selon l’étude d’impact, ce procès-verbal pourra être établi :

– soit sur le lieu où se trouve la personne entendue et signé immédiatement par elle ;

– soit sur le lieu où se trouve le magistrat ou l’officier de police judiciaire, puis transmis immédiatement à la personne entendue pour être signé, en s’inspirant du mécanisme de contreseings simultanés prévu aux articles D. 47‑12‑2 et D. 47‑12-3 du code de procédure pénale ([90]).

Au-delà de cette procédure, l’ensemble des règles procédurales et formelles concernant les procès-verbaux demeureront applicables, à l’exception bien sûr de celle prévoyant des différences entre les procès-verbaux qui n’aura plus à s’appliquer.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   Les modifications apportées en commission

Lors de l’examen du texte en commission des Lois, le Sénat a adopté deux amendements :

– un amendement des rapporteurs visant à limiter la plainte par visioconférence aux atteintes aux biens, en cohérence avec la précision apportée sur ce point par l’étude d’impact du présent projet de loi ([91]) ;

– un amendement de M. Jérôme Durain (Socialiste, écologiste républicain) prévoyant que le décret d’application du présent article est pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

b.   Les modifications apportées en séance

En séance, à l’initiative du Gouvernement et avec un avis de sagesse de la commission, le Sénat est revenu sur la limitation de la plainte par visioconférence aux atteintes aux biens en adoptant un amendement supprimant la précision ajoutée par les rapporteurs en commission.

Selon les arguments avancés par le Gouvernement, l’utilisation de la visioconférence « peut aussi être utile dans certains cas d’agression sexuelle, de viol ou de violence conjugale » ([92]). Le recours à la visioconférence peut en effet permettre de recueillir la plainte d’une victime qui s’est par exemple éloignée de son domicile pour trouver refuge ailleurs ou qui préfèrerait être entendue depuis les locaux d’une association qui l’accompagne. Cette utilité a d’ailleurs été reconnue par plusieurs des associations de lutte contre les violences faites aux femmes rencontrées par votre rapporteur.

L’élargissement aux atteintes aux personnes implique toutefois de bien encadrer le recours à la visioconférence pour le dépôt de plainte, afin de s’assurer notamment que les victimes soient informées de leurs droits et que le lien direct avec les officiers de police judiciaire soit maintenu si nécessaire.

Dans cette perspective, le Sénat a d’ailleurs adopté un autre amendement de M. Jérôme Durain (Socialiste, écologiste républicain), ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement et des rapporteurs, afin d’expliciter que la plainte par visioconférence ne fait pas obstacle à une audition ultérieure de la victime dans les locaux de la police judiciaire.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

En sus d’un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission a procédé à plusieurs modifications en vue de préciser le dispositif de la plainte par visioconférence.

● Considérant que le dépôt de plainte par visioconférence est avant tout une possibilité ouverte à la victime d’une infraction pénale lui offrant ainsi une nouvelle forme d’accueil et de prise en charge, plus adaptée dans certaines situations qu’un dépôt de plainte classique, elle a supprimé la mention « aux fins de bonne administration de la justice », qui introduisait ce dispositif, par trois amendements identiques CL662 de votre rapporteur, CL295 de M. Ugo Bernalicis et CL638 de M. Jérémie Iordanoff.

● L’adoption de l’amendement CL227 de Mme Caroline Abadie a précisé le champ d’application de la plainte par visioconférence qui peut concerner aussi bien des atteintes aux biens que des atteintes aux personnes.

● La formulation désignant le dépôt de la plainte a été simplifiée par l’amendement CL666 de votre rapporteur et il a été précisé, par l’adoption de l’amendement CL206 de Mme Cécile Untermaier, que le moyen de télécommunication audiovisuelle utilisé pour cette nouvelle procédure de dépôt de plainte doit garantir la confidentialité de la transmission.

● À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a également substitué au dernier alinéa de cet article quatre nouveaux alinéas apportant plusieurs précisions (amendement CL667) :

– le premier prévoit que la victime est avisée de ses droits énumérés à l’article 10‑2 du code de procédure pénale ;

– le deuxième renvoie à l’article 15-3-1 du code de procédure pénale relatif à la plainte en ligne s’agissant des modalités d’établissement et de transmission du procès-verbal et du récépissé de la plainte ;

– le troisième affirme le fait que cette modalité de dépôt de plainte par visioconférence ne peut pas être imposée à la victime ;

– le quatrième reformule la précision ajoutée par le Sénat en séance prévoyant que la procédure de plainte par visioconférence n’empêche pas la tenue par la suite d’une audition par les forces de l’ordre.

● Enfin, l’amendement CL664 de votre rapporteur a précisé que le décret d’application du présent article serait un décret en Conseil d’État et devrait préciser notamment les infractions auxquelles la procédure de la plainte par visioconférence est applicable et les modalités d’accompagnement de la victime qui y a recours.

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Article 6 bis (nouveau)
(art. 10‑2 du code de procédure pénale)
Droit des victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle d’être reçues, entendues et prises en charge par un officier de liaison formé sur ces sujets

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption par la Commission de l’amendement CL512 de Mme Sandra Regol et de certains membres du groupe Écologiste – NUPES ; il complète l’article 10-2 du code de procédure pénale afin de prévoir que les victimes ont le droit d’être reçues, entendues et prises en charge par un officier de liaison formé à la prise en charge, au traitement et à l’accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.

1.   L’état du droit

L’article 10-2 du code de procédure pénale énumère les droits des victimes dont celles-ci doivent être informées, par tout moyen, par les officiers et les agents de police judiciaire. Dix droits font aujourd’hui partie de cette liste :

– obtenir réparation du préjudice subi ;

– saisir, pour certaines infractions, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions ;

– se constituer partie civile ;

– être assistées par un avocat si elles souhaitent se constituer partie civile ;

– être aidées par un service ou une association d’aide aux victimes ;

– être informées sur les mesures de protection dont elles peuvent bénéficier ;

– bénéficier d’un interprète pour les victimes qui ne comprennent pas la langue française ;

– déclarer comme domicile l’adresse d’un tiers ;

– se voir remettre un certificat d’examen médical pour les victimes de violences pour lesquelles un examen médical a été requis ;

– être accompagnées par leur représentant l’égal ou la personne majeure de leur choix, tout au long de la procédure.

Cet article a été modifié par la loi de 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire afin de préciser ce dernier point en indiquant explicitement que les victimes peuvent être accompagnées tout au long de la procédure par leur avocat ([93]).

2.   Le dispositif introduit par la Commission

Le présent article ajoute un onzième droit à cette liste précisant que les victimes peuvent être « reçues, entendues et prises en charge par un officier de liaison formé à la prise en charge, au traitement et à l’accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle ».

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Chapitre II
Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes

 

Article 7
(art. 222-33-1-1 [nouveau], 222-44, 222-45, 222-48-2, 222-48-5 [nouveau], 621-1 [abrogé] du code pénal, art. 21 du code de procédure pénale et art. L. 2241-1 du code des transports)
Renforcement de la répression de l’outrage sexiste

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce la répression de l’outrage sexiste aggravé, actuellement puni d’une contravention de la 5e classe, qui devient un délit puni de 3 750 euros d’amende. En complément, l’infraction d’outrage sexiste simple, qui est puni d’une contravention de la 4e classe, devrait quant à lui être modifié par voie réglementaire pour être réprimé par une contravention de la 5e classe.

       Dernières modifications intervenues

L’infraction d’outrage sexiste a été introduite dans le code pénal en 2018 par la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ([94]).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a complété cet article par deux coordinations à l’article 21 du code de procédure pénale et à l’article L. 2241-1 du code des transports, afin de permettre aux agents de police judiciaire adjoints et aux agents chargés de la sûreté dans les transports de continuer de constater les infractions d’outrage sexiste et d’outrage sexiste aggravé.

       Principaux apports de la commission des Lois

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission a inséré deux nouvelles circonstances permettant de qualifier le délit d’outrage sexiste : d’une part lorsque l’outrage est commis en raison de l’identité de genre, vraie ou supposée ; d’autre part lorsqu’il est commis dans un véhicule de transport public particulier.

1.   L’état du droit

L’infraction d’outrage sexiste a été introduite dans le code pénal en 2018 par la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ([95]). Elle est définie par un nouvel article 621-1 comme le fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Cette incrimination s’applique « hors les cas prévus par les articles 222-13, 222-32, 222-33 et 222-33-2-2 » du code pénal et ne peut donc concerner que les faits qui ne seraient constitutifs ni de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail, ni d’une exhibition sexuelle, ni du harcèlement sexuel ou général.

L’outrage sexiste est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, soit 750 euros ([96]). Cette amende est susceptible de faire l’objet d’une procédure simplifiée de l’amende forfaitaire d’un montant de 135 euros ([97]). Cette amende peut être minorée à 90 euros ([98]) ou majorée à 375 euros ([99]) selon la date de paiement.

  La procédure de l’amende forfaitaire

Cette procédure constitue une réponse pénale simplifiée à certaines infractions contraventionnelles ou délictuelles sans passage devant une juridiction. En cas d’infraction flagrante, elle permet au justiciable de s’acquitter d’une amende pénale dont le paiement éteint l’action publique.

Le montant de l’amende forfaitaire peut être acquitté soit au moment de la constatation, auprès de l’agent verbalisateur, soit au moyen d’un timbre‑amende expédié dans les quarante-cinq jours qui suivent la constatation de l’infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l’intéressé, dans les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi.

Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité de l’infraction et ne peut donc être modulé par l’agent verbalisateur. Ce montant peut toutefois être minoré si le paiement se fait immédiatement ou dans un délai de quinze jours. À l’inverse, à défaut de paiement ou d’une requête présentée dans le délai de quarante-cinq jours, ce montant peut être majoré.

Cette procédure de l’amende forfaitaire n’est pas applicable si plusieurs infractions, dont l’une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, ont été constatées simultanément ou lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit.

En matière contraventionnelle, cette procédure est ancienne puisqu’elle a initialement résulté d’un décret-loi de 1926 (1).

En matière délictuelle, à l’inverse, cette procédure est récente puisque l’amende forfaitaire délictuelle a été créée en 2016 (2).

(1)     Décret-loi du 28 décembre 1926 concernant l’unification des compétences en matière de police de la circulation et de la conservation des voies publiques.

(2)     Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette infraction est punie d’une contravention de la 5e classe, soit une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive ([100]), lorsque les faits sont commis :

– par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

– sur un mineur de quinze ans ;

– sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

– sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

– par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

– dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

– en raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.

Que ce soit pour l’outrage sexiste ou pour l’outrage sexiste aggravé, les auteurs encourent également des peines complémentaires de stages : stage de citoyenneté, stage de responsabilité pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels et stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ([101]).

Les auteurs d’un outrage sexiste aggravé peuvent également être condamnés à un travail d’intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures.

2.   La gravité du phénomène de « harcèlement de rue »

Le nombre d’infractions d’outrage sexiste enregistrées par les services du ministère de l’Intérieur est croissant depuis la création de cette infraction : 876 infractions ont été enregistrées par les forces de l’ordre en 2019, 1 393 en 2020 et 2 341 en 2021. Il s’agit majoritairement d’outrages sexistes simples (contraventions de 4e classe).

 


 

Les infractions d’outrage sexiste depuis 2018

Source : ministère de l’Intérieur.

 


 —  1  —

Si, sur l’ensemble des outrages sexistes constatés en 2019 et 2020, seuls 5 % étaient commis dans un moyen de transport collectif de voyeurs, sur les seuls secteurs de compétence de la police nationale, les transports en commun concentrent près de 29 % des outrages sexistes enregistrés ([102]). Dans les zones urbaines, les transports en commun et les gares sont en effet un lieu de harcèlement. Les associations entendues par votre rapporteur signalent également que les transports publics particuliers – taxis et voitures de transport avec chauffeur – sont eux aussi des lieux où les outrages sexistes sont régulièrement commis, sans que cette spécificité ne soit prise en compte par les circonstances aggravantes prévues.

Selon l’association Stop harcèlement de rue, auditionnée par votre rapporteur, le harcèlement de rue demeure un phénomène massif qui touche majoritairement les femmes. D’après l’enquête internationale sur le harcèlement sexuel dans l’espace public commandée par la Fondation des femmes en 2021, 18 % des femmes interrogées en France ont déjà vécu au moins une situation de harcèlement sexuel ou une agression sexuelle, dans l’espace public, entre 2020 et 2021. Quant aux conséquences du harcèlement sexuel, l’enquête montre que 71 % des femmes évitent de sortir « trop tard le soir » et « évitent certains endroits ».

Si l’infraction est donc mieux identifiée et progressivement mieux prise en compte par les services de sécurité et la justice, elle demeure insuffisamment réprimée. Les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ont salué la délictualisation de l’outrage sexiste aggravé, rappelant toutefois que le flagrant délit étant rare, cette infraction n’est pas simple à sanctionner.

Les risques de la multiplication des applications de lutte
contre le harcèlement de rue

Les associations de lutte contre les violences faites aux femmes auditionnées par votre rapporteur ont signalé leur inquiétude quant à la prolifération des applications visant à agir face au harcèlement de rue.

Ces applications sont diverses, mais la plupart propose soit un système de géolocalisation et de lancement d’alertes afin de prévenir les utilisateurs les plus proches, soit le recensement de « lieux sécurisés » ou « safe places » où les victimes peuvent se réfugier, soit sur l’organisation de « co‑piétonnages » ou « safe walks ».

Si le développement de telles applications montre une forme de prise de conscience quant à l’importance de ce phénomène, il peut également conduire à une dispersion de la prise en charge, à des collectes de données mal contrôlées ou même mettre parfois en danger les victimes en les mettant en relation avec d’autres particuliers.

Ces associations soulignent en outre que ces applications poursuivent parfois des buts lucratifs, sans forcément prêter attention aux spécificités d’un sujet tel que la lutte contre les violences dans l’espace public. Une harmonisation, par exemple avec une application unique ou une forme de labellisation, serait sans doute utile.

3.   Le dispositif proposé

En 2018, le choix a été fait de limiter l’outrage sexiste et l’outrage sexiste aggravé au champ contraventionnel, afin de permettre notamment l’application de la procédure d’amende forfaitaire à l’outrage sexiste simple. En effet, seules les quatre premières classes de contravention pouvaient alors faire l’objet d’une telle procédure ([103]).

Cette forfaitisation étant désormais possible ([104]), le présent article entend renforcer la sanction de l’outrage sexiste en réprimant l’outrage sexiste simple d’une contravention de 5e classe, pouvant désormais faire l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, tandis que l’outrage sexiste aggravé devient un délit puni de 3 750 euros d’amende. Ce délit pourra faire l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire délictuelle.

La contravention de 5e classe réprimant l’outrage sexiste simple sera créée par voie réglementaire, conformément à ce qu’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi ([105]).

Le délit d’outrage sexiste aggravé est quant à lui créé par le présent article.

En conséquence, l’article 621-1 du code pénal est abrogé (II).

L’entrée en vigueur de cet article est prévue le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi (V).

● Le 1° du I du présent article crée donc une nouvelle section du code pénal au sein du chapitre consacré aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne. Cette section est composée d’un nouvel article 222-33-1-1 qui réprime l’outrage sexiste aggravé.

La définition de l’infraction reste la même : est réprimé le fait « hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante », lorsque ce fait est accompagné d’une des circonstances aggravantes précisées. Le texte retient, sans modification, les sept circonstances aggravantes qui figurent actuellement à l’article 621-1 du code pénal et qui ont été décrites ci-avant.

Il en ajoute une huitième : l’infraction d’outrage sexiste aggravé est également constituée lorsque les faits sont commis en état de récidive légale par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste (8° du I de ce nouvel article 222-33-1-1).

Il prévoit en outre que le mécanisme de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pourra s’appliquer au délit d’outrage sexiste aggravé. Il fixe son montant à 300 euros, minoré à 250 euros et majoré à 600 euros. Comme en matière contraventionnelle, le paiement de l’amende forfaitaire éteint l’action publique. Le recours à l’AFD n’est qu’une faculté : en fonction de la politique pénale locale et des circonstances de chaque espèce, le procureur de la République conserve toujours la possibilité d’engager des poursuites devant le tribunal.

● Le 6° du présent article introduit également dans le code pénal un nouvel article 222-48-5 qui prévoit les peines complémentaires encourues par les auteurs de cette infraction. Il s’agit des mêmes peines que celles qui peuvent aujourd’hui être prononcées pour un outrage sexiste aggravé : d’une part, des peines de stage ([106]) et, d’autre part, une peine de travail d’intérêt général de 20 à 120 heures.

● Le I du présent article procède également à une renumérotation des différentes sections qui composent le chapitre relatif aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne (2°). En conséquence, plusieurs coordinations sont effectuées dans d’autres articles du même code (3°, 4° et 5°).

4.   Les modifications apportées par le Sénat

En commission, à la suite de l’adoption d’un amendement des rapporteurs, le Sénat a procédé à deux coordinations : l’une à l’article 21 du code de procédure pénale (III) et l’autre à l’article L. 2241-1 du code des transports (IV).

Ces deux coordinations ne sont pas anodines dans la mesure où elles permettent aux agents de police judiciaire adjoints (APJA) et aux agents chargés de la sûreté dans les transports de constater la contravention d’outrage sexiste et le délit d’outrage sexiste aggravé. Or, le Conseil constitutionnel a récemment censuré une expérimentation, prévue par la loi pour une sécurité globale préservant les libertés ([107]), visant à confier aux APJA des pouvoirs étendus en matière police judiciaire considérant qu’« en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes », le législateur avait méconnu l’article 66 de la Constitution ([108]). Dans le cas présent l’extension de compétence est toutefois bien plus circonscrite et l’interprétation du juge constitutionnel pourrait donc ne pas aller en ce sens. D’ailleurs, les APJA sont déjà en mesure de constater un certain nombre de délits – notamment en matière d’infractions au code de la route. De même, les agents de sûreté des transports sont déjà en mesure de constater le délit de vente à la sauvette lorsqu’il est commis dans les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ([109]).

En séance, le Sénat a adopté le présent article sans autre modification.

5.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a souhaité élargir les circonstances permettant de qualifier le délit d’outrage sexiste et sexuel aux cas où les faits sont commis :

– en raison de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime (amendements identiques CL668 de votre rapporteur, CL74 de M. Raphaël Gérard, CL515 de Mme Sabrina Sebaihi, et CL627 de M. Erwan Balanant) ;

– dans un véhicule affecté au transport public particulier (amendement CL625 de M. Erwan Balanant, sous-amendé par votre rapporteur).

Votre rapporteur souligne que ces deux évolutions étaient souhaitées par les associations de lutte contre les violences faites aux femmes rencontrées dans le cadre de ses auditions.

Par ailleurs, la Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur et l’amendement CL624 de M. Erwan Balanant complétant du terme « sexuel » le titre de la section du code pénal créée par le présent article afin qu’elle corresponde bien à l’appellation de l’infraction qu’elle définit.

*

*     *

Article 7 bis
(art. 222-14-5, 222-47 et 222-48 du code pénal, art. 721-1-2 du code de procédure pénale, art. L. 2331 et L. 236-1 du code de la route)
Renforcement de la réponse pénale quant aux violences faites aux élus, aux refus d’obtempérer et aux rodéos urbains

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par le Sénat en commission à l’initiative d’un des deux rapporteurs, M. Marc‑Philippe Daubresse (Les Républicains), renforce les peines encourues par les auteurs de violences sur élus, de rodéos motorisés ou de refus d’obtempérer. Ces derniers se voient également appliquer un régime de réduction de peine plus sévère.

       Dernières modifications législatives intervenues

En 2022, la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, a inséré dans le code pénal un nouvel article 222-14-5 qui prévoit des peines spécifiques afin de sanctionner plus lourdement les auteurs de violences commises contre les forces de l’ordre ([110]).

En 2022, la même loi a renforcé l’arsenal administratif et judiciaire applicable pour les refus d’obtempérer en renforçant les mesures administratives conservatoires, en assimilant ces délits à d’autres infractions routières au regard des règles de la récidive et en aggravant les sanctions pénales encourues ([111]).

L’infraction de rodéo motorisé a quant à elle été introduite dans le code de la route en 2018 par la loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés ([112]). L’article L. 236-3 du code de la route prévoyant la confiscation automatique du véhicule ayant servi à commettre un rodéo motorisé a été complété en 2022 par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure afin d’y inscrire la possibilité, pour le propriétaire du véhicule, de présenter des observations auprès de la juridiction de jugement sur cette mesure de confiscation ([113]).

       Principaux apports de la commission des Lois

Outre un amendement de coordination de votre rapporteur, la Commission a précisé que le délit prévu à l’article 222-14-5 peut être puni des peines complémentaires d’interdiction de manifestation et d’interdiction du territoire français.

1.   Les violences faites aux élus

a.   L’état du droit

i.   Les répressions des violences faites aux élus par le code pénal

Par deux circulaires du 6 novembre 2019 ([114]) et du 7 septembre 2020 ([115]), le ministre de la Justice a rappelé « l’importance qui s’attache à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité et d’un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales » ([116]) concernant les agressions contre les élus. Il indique qu’une « réponse pénale systématique et rapide doit être apportée par les parquets, qui éviteront les simples rappels à loi et privilégieront le déferrement, notamment en cas de réitération de comportements qui pourraient apparaître, pris isolément, de faible intensité » ([117]).

La qualité d’élu n’est pas prise en compte en tant que telle par le code pénal, à l’exception du délit de menaces et d’intimidations qui vise les personnes investies d’un mandat électif ([118]). Toutefois, en leur qualité, soit de personnes dépositaires de l’autorité publique ([119]), soit de personnes chargées de mission de service public ([120]), les élus font l’objet d’une protection spécifique par le code pénal.

Selon la circulaire de 2020 précitée, « les responsables des exécutifs locaux (maires, présidents d’intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux) mais aussi les adjoints aux maires et conseillers municipaux délégués, ont la qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique. Les autres élus locaux, lorsqu’ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public ».

● En raison de ces qualités, les atteintes commises à l’encontre des élus sont susceptibles d’être réprimées par des infractions spécifiques qui prennent en compte la qualité de la victime comme élément constitutif de l’infraction :

– des menaces et intimidations ([121]) ;

– des outrages ([122]) ;

– des actes de rébellion et de rébellion armée ([123]).

● D’autres atteintes peuvent également voir les peines encourues aggravées lorsqu’elles sont commises à l’encontre des élus dont la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service est constitutive d’une circonstance aggravante dès lors que la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur de l’infraction et que les faits sont commis en raison de ses fonctions. Il s’agit :

– des dégradations ([124]) ;

 


– du meurtre ([125]) ou de l’empoisonnement ([126]) ;

– des tortures et des actes de barbarie ([127]).

Pour l’ensemble de ces infractions est donc prévue une circonstance aggravante lorsqu’elles sont commises à l’encontre d’un élu, qu’il soit dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, à l’exception de l’infraction de dégradation, destruction ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui (article 322-8 du code pénal) pour laquelle la circonstance aggravante ne s’applique que pour les élus dépositaires de l’autorité publique.

● S’agissant plus spécifiquement des violences définies au paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du Livre II du code pénal, qui sont visées par le présent article, les personnes investies d’un mandat électif sont également protégées par des dispositions spéciales. Les différents faits de violences font ainsi l’objet de peines encourues plus lourdes lorsque ces infractions ont été commises sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ces circonstances aggravantes concernent donc les violences faites aux élus.

Répression des violences par le code pÉnal

Infractions aggravées,
Victime dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Infraction

Article

Peines encourues

Amende

Emprisonnement / réclusion

Violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner

222-8 (al. 5 et 7)

 

Vingt ans

Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente

222-10 (al. 5 et 7)

 

Quinze ans

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours

222-12 (al. 5 et 7)

75 000 euros

Cinq ans

Violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours

222-13 (al. 5 et 7)

45 000 euros

Trois ans

● La même section du code pénal comprend également deux infractions autonomes, créées en 2007 ([128]), réprimant spécifiquement, lorsque certaines circonstances aggravantes sont réunies, les atteintes à l’intégrité physique de certaines personnes, dont les personnes dépositaires de l’autorité publique. Ces deux infractions peuvent donc concerner les responsables des exécutifs locaux (maires, présidents d’intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux) mais aussi les adjoints aux maires et conseillers municipaux.

L’article 222-14-1 réprime les violences commises en bande organisée ou avec guet-apens avec usage ou menace d’une arme. Ces actes sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende en l’absence d’une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, de quinze ans de réclusion criminelle en présence d’une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, et de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elles ont entraîné la mort de la victime.

L’article 222-15-1 réprime l’embuscade, définie comme « le fait d’attendre un certain temps et dans un lieu déterminé [une personne dépositaire de l’autorité publique] dans le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre à son encontre, soit à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, soit en raison de sa qualité, que l’auteur connaissait ou ne pouvait ignorer, des violences avec usage ou menace d’une arme ». Il n’est pas nécessaire que les violences aient été effectivement perpétrées et aucune incapacité totale de travail n’est requise. Les peines encourues sont de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ; elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis en réunion.

La loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a complété ces deux articles afin de rendre ces dispositions applicables en cas de violences commises dans les mêmes conditions à l’encontre des proches de ces personnes (conjoint, ascendant ou descendant en ligne directe, ou de toute autre personne vivant habituellement au domicile) dès lors qu’elles ont lieu en raison des fonctions de ces personnes ([129]).

ii.   Les nouvelles dispositions renforçant la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure

Créé en 2022 par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure ([130]), l’article 222-14-5 du code pénal aggrave les sanctions pénales encourues par les auteurs de violences commises contre les professions les plus exposées dans les tâches de maintien de l’ordre.

Il crée une infraction spécifique réprimant les violences commises sur un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre d’une opération intérieure ([131]), un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale ou un agent de l’administration pénitentiaire, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et dès lors que sa qualité est apparente ou connue de l’auteur.

L’infraction est également constituée lorsque la victime est :

– un proche des personnes mentionnées, à savoir le conjoint, l’ascendant ou le descendant en ligne directe, ou toute autre personne vivant habituellement à leur domicile lorsque les violences sont commises en raison des fonctions exercées par les personnes mentionnées ([132]) ;

– une personne affectée dans les services de police, nationale ou municipale, ou de gendarmerie nationale ou de l’administration pénitentiaire et qui exerce sous l’autorité des personnes mentionnées et dont la qualité est apparente ou connue de l’auteur, lorsque les violences sont commises dans l’exercice ou du fait de ses fonctions.

Cette infraction est punie de :

– sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si les violences ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;

– cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n’ont pas entraîné d’incapacité de travail.

Des circonstances aggravantes sont prévues lorsque l’infraction est commise :

– par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

– avec préméditation ou avec guet-apens ;

– avec usage ou menace d’une arme ;

– dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;

– par un majeur agissant avec l’aide ou l’assistance d’un mineur ;

– dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

– par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;

– par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée.

Lorsque les faits de l’infraction sont accompagnés de l’une de ces circonstances aggravantes, les peines sont portées à :

– dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende pour les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;

– sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail.

Lorsque les faits de l’infraction sont accompagnés d’au moins deux de ces circonstances aggravantes, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article 222-14-5 rend applicable les règles relatives à la période de sûreté pour les infractions aggravées punies d’une peine d’emprisonnement de dix ans prévues à cet article.

b.   Le dispositif introduit par le Sénat : le renforcement des peines encourues en cas de violences faites aux élus

Le I du présent article intègre les titulaires d’un mandat électif public dans le champ de l’article 222-14-5 du code pénal.

Les violences commises à l’encontre des élus ou de leurs proches seraient ainsi punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, si elles ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n’ont pas entraîné d’incapacité de travail, et de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

Ce dispositif vise à répondre à la hausse des atteintes aux élus constatées sur le terrain. Sur l’année 2021, 1 720 atteintes aux élus ont été recensées, soit une augmentation de 35 % par rapport à l’année 2020. Les menaces, injures et outrages sont majoritaires (1 169 faits, soit 68 %) ; les atteintes aux biens représentent 22 % des atteintes (369 faits) et les violences caractérisées environ 10 % (165 faits). Plus de la moitié des atteintes concernent les maires et un peu moins d’un tiers concernent les députés ([133]).

Si le dispositif introduit par le Sénat est justifié compte tenu de la gravité intrinsèque des violences faites aux élus, il modifie l’équilibre trouvé par la loi relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure ([134]) s’agissant de l’article 222-14-5 du code pénal. En effet, ce dernier avait pour objectif de protéger les membres des forces de sécurité ([135]) qui sont tout particulièrement exposés à ces violences du fait même de leurs fonctions. Le Conseil d’État estimait d’ailleurs que la cohérence de ce dispositif relevait de cette exposition directe à des violences, « ce qui les différencie objectivement des autres agents et personnes dépositaires de l’autorité publique mentionnées aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal, par fonction moins fréquemment en contact avec des personnes susceptibles de présenter un danger pour leur intégrité physique » ([136]).

2.   Le refus d’obtempérer

a.   L’état du droit

Les usagers de la route doivent se soumettre aux différents contrôles routiers auxquels ils peuvent être soumis, faute de quoi ils encourent des sanctions pénales. Le refus d’obtempérer est défini comme « le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité » ([137]).

i.   Le refus d’obtempérer simple

● Il est réprimé par l’article L. 2331 du code de la route de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Des peines complémentaires sont également prévues :

– suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus ([138]) ;

– peine de travail d’intérêt général ([139]) ;

– peine de jours-amende ([140]) ;

– annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder trois ans ;

– confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction ([141]) ;

– confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

– obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

En application de l’avant-dernier alinéa, l’immobilisation du véhicule peut être prescrite ; en effet le préfet peut ordonner, à titre provisoire, l’immobilisation et la mise en fourrière immédiate du véhicule pour une durée de sept jours ([142]).

L’immobilisation et la mise en fourrière peuvent être réalisées, à titre non provisoire, à la demande et sous l’autorité du maire ou de l’officier de police judiciaire, lorsque la circulation ou le stationnement du véhicule est en infraction et compromet notamment la sécurité des usagers de la route ([143]) ou encore par l’officier ou l’agent de police judiciaire, après autorisation du procureur de la République, en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe pour lesquels une peine de confiscation du véhicule est encourue ([144]). Dans ce dernier cas, la juridiction doit se prononcer sur la peine de confiscation du véhicule et sur la peine d’immobilisation du véhicule.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article L. 233-1 prévoit que le refus d’obtempérer donne lieu, de plein droit, à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.

● La sanction du refus d’obtempérer simple se cumule, par exception au principe général de confusion des peines, avec les peines prononcées pour les délits commis à l’occasion de la conduite du véhicule.

● Les refus d’obtempérer sont assimilés à d’autres infractions routières : le grand excès de vitesse ([145]) et les conduites sans permis ([146]), en état d’ivresse ([147]) et sous l’emprise de stupéfiants ([148]). Au regard de la récidive, ils sont ainsi considérés comme une même infraction.

● En outre, l’article L. 224-1 du code de la route prévoit la rétention immédiate du permis de conduire du conducteur tant pour le refus d’obtempérer simple que pour l’infraction aggravée. Cette mesure est également applicable, le cas échéant, à l’accompagnateur d’un élève conducteur.

À la suite d’une rétention immédiate, le préfet peut, en application de l’article L. 224-2 du même code, prononcer par arrêté la suspension provisoire du permis de conduire. Cette mesure ne peut excéder une durée de six mois à la suite d’un refus d’obtempérer simple, mais elle peut atteindre jusqu’à un an en cas de refus d’obtempérer aggravé. La suspension provisoire peut également être décidée par le préfet, à la suite de la transmission du procès-verbal qu’impose l’article L. 2247 du code de la route pour toute infraction routière punie de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire.

ii.   Le refus d’obtempérer aggravé

Le refus d’obtempérer aggravé, réprimé par l’article L. 233-1-1 du code de la route, est caractérisé lorsqu’il a été « commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

● Il est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant les personnes procédant au contrôle.

Plusieurs peines complémentaires peuvent être prononcées. Quatre sont communes avec le refus d’obtempérer simple :

– la peine de travail d’intérêt général ;

– la peine de jours-amende ;

– la confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

– l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

D’autres sont spécifiquement prévues par l’article L. 233-1-1 :

– suspension du permis de conduire pour une durée de cinq ans au plus ([149]) ;

– confiscation obligatoire du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction ([150]). La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée ;

– interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

– confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ([151]).

Toute condamnation pour un refus d’obtempérer aggravé donne en outre lieu, de plein droit, à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée maximale de cinq ans.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article L. 233-1-1 prévoit que le refus d’obtempérer aggravé donne lieu, de plein droit, à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.

● À la différence du refus d’obtempérer simple, le refus aggravé ne déroge pas au principe général de confusion des peines.

● Tout comme le refus simple, le refus d’obtempérer aggravé est lui aussi assimilé à d’autres infractions routières : le grand excès de vitesse ([152]) et les conduites sans permis ([153]), en état d’ivresse ([154]) et sous l’emprise de stupéfiants ([155]). Au regard de la récidive, ils sont ainsi considérés comme une même infraction.

● En outre, les mesures administratives conservatoires décrites ci‑avant – rétention immédiate et suspension provisoire du permis de conduire – sont applicables aussi bien pour le refus d’obtempérer simple que pour le refus aggravé.

b.   Le dispositif introduit par le Sénat : la répression plus sévère des refus d’obtempérer

i.   Le renforcement des peines encourues

Le 1° du III du présent article modifie l’article L. 233-1 du code de la route afin de porter les peines encourues pour un refus d’obtempérer simple à trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Ces peines ont récemment été renforcées puisqu’en janvier 2022, elles sont déjà passées d’un an à deux ans d’emprisonnement et de 7 500 à 15 000 euros d’amende. Selon l’exposé des motifs de l’amendement du rapporteur Marc‑Philippe Daubresse, cette nouvelle aggravation « entend envoyer un message de fermeté afin de dissuader les conducteurs d’automobile de commettre cette infraction ».

Une telle fermeté semble nécessaire compte tenu du caractère massif de cette infraction. En 2021, près de 28 000 faits de refus d’obtempérer ont été recensés, soit environ un toutes les 20 minutes. Parmi eux, près de 5 500 ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d’infirmité. À l’occasion de l’examen en séance publique, le ministre de l’Intérieur a rappelé le caractère massif de cette infraction puisque « près de 20 000 faits ont été constatés au cours des neuf premiers mois de l’année 2022 » ([156]). Ces infractions ont augmenté de 13 % entre 2016 et 2021 ; les refus d’obtempérer dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d’infirmité connaissent une hausse encore plus importante, de 41 % sur la même période.

ii.   La diminution des réductions de peine

Le II modifie l’article 721-1-2 du code de procédure pénale afin de diminuer les réductions de peine auxquelles peuvent prétendre, pour bonne conduite ou pour des efforts sérieux de réinsertion, les personnes condamnées à une peine privative de liberté après avoir commis un refus d’obtempérer. Cette modification étant opérée dans la rédaction issue de l’article 11 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([157]), cette disposition ne s’appliquera qu’aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023 ([158]).

Les réductions de peine ont en effet été profondément réformées par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire qui a supprimé les crédits de réduction de peine « automatiques » et les a fusionnés avec les réductions de peines supplémentaires. Un système unique a ainsi été créé donnant au juge de l’application des peines la possibilité d’accorder des réductions de peine aux condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou ayant manifesté des efforts sérieux de réinsertion.

Ces réductions de peine sont encadrées par des délais maximaux : elles ne peuvent excéder six mois par année d’incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an ([159]).

En application de l’article 721-1-2 du même code, les auteurs de violences ([160]) sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ([161]) ne peuvent bénéficier que d’une fraction de ces réductions de peine :

– s’il s’agit d’un crime, de trois mois par année d’incarcération et sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an ;

– s’il s’agit d’un délit, de quatre mois par année d’incarcération et neuf jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.

Le présent article intègre à cette liste fixée par l’article 721-1-2 les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour un refus d’obtempérer, simple ou aggravé.

3.   Les rodéos motorisés

a.   L’état du droit

Les rodéos motorisés sont réprimés par les articles L. 236-1 à L. 236-3 du code de la route créés en 2018 par la loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés ([162]).

● L’article L. 236-1 définit les rodéos motorisés comme « le fait d’adopter, au moyen d’un véhicule terrestre à moteur, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires du présent code dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique ».

Il réprime cette infraction d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (I) et prévoit plusieurs circonstances aggravantes :

– les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende si les faits sont commis en réunion (II) ;

– les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si les faits sont commis sous l’emprise de stupéfiants ([163]), en état d’ivresse ([164]) ou lorsque le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire ([165]) (III) ;

– les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas de cumul de deux des trois circonstances prévues au III (IV).

● Outre la sanction du comportement du conducteur, l’article L. 236-2 instaure également trois autres incriminations et punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende :

– l’incitation à commettre les faits constitutifs de l’infraction de rodéo motorisé ;

– l’organisation d’un rassemblement pour permettre des rodéos motorisés ;

– la promotion d’un rassemblement de ce type ;

– la promotion des rodéos motorisés.

● L’article L. 236-3 précise les peines complémentaires encourues par toute personne coupable des délits prévus aux articles L. 236-1 et L. 236-2 :

– confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à commettre l’infraction ([166]). La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée ;

– suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ;

– annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

– peine de travail d’intérêt général ([167]) ;

– peine de jours-amende ([168]) ;

– interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

– obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

Le dernier alinéa prévoit en outre la possibilité d’immobiliser le véhicule ayant servi à la commission de l’infraction, selon trois modalités distinctes :

– à titre provisoire, par le préfet qui peut ordonner l’immobilisation et la mise en fourrière immédiate du véhicule pour une durée de sept jours ([169]) ;

– à la demande et sous l’autorité du maire ou de l’officier de police judiciaire, lorsque la circulation ou le stationnement du véhicule est en infraction et compromet notamment la sécurité des usagers de la route ([170]) ;

– par l’officier ou l’agent de police judiciaire, après autorisation du procureur de la République, en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe pour lesquels une peine de confiscation du véhicule est encourue ([171]). Dans ce dernier cas, la juridiction doit se prononcer sur la peine de confiscation du véhicule et sur la peine d’immobilisation du véhicule.

● Les véhicules mis en fourrière se voient en outre appliquer des dispositions spécifiques lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction de rodéo motorisée prévue à l’article L. 236-1 du code de la route. En effet, l’article L. 3257 du même code prévoit que ces véhicules sont réputés abandonnés à l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la mise en demeure faite au propriétaire d’avoir à retirer son véhicule – au lieu de quinze jours dans les autres cas. En outre, si les obligations relatives à l’immatriculation ou à l’identification n’ont pas été satisfaites au moment de leur mise en fourrière, ces véhicules sont, en l’absence de réclamation du propriétaire dont le titre est connu ou de revendication de cette qualité au cours de la procédure, considérés comme abandonnés dès leur entrée en fourrière et livrés à la destruction.

b.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le dernier alinéa de l’article 7 bis complète le IV de l’article L. 236-1 du code de la route en prévoyant une nouvelle circonstance aggravante, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction de rodéo motorisé a été commise dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Bien qu’élargissant le champ du projet de loi en vue de compléter trois infractions pénales existantes, le Sénat a souhaité adresser un message de fermeté aux auteurs de ces infractions qui mettraient en danger la vie d’autrui.

Selon le ministre de l’Intérieur, depuis le 1er janvier 2022, 3 808 infractions de rodéo motorisé ont été constatées par les forces de l’ordre, contre 2 737 en 2021 sur la même période ([172]). Elles ont conduit à la saisie de 4 028 véhicules. Sur l’année 2021, 1 325 personnes ont été mises en cause pour des infractions liées aux rodéos urbains : 270 ont bénéficié d’un classement sans suite, 234 ont été orientées par les parquets vers une mesure alternative aux poursuites, 61 ont été orientées vers une composition pénale et 760 ont fait l’objet de poursuites judiciaires et son encore en attente d’une décision de justice ([173]).

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, ainsi que l’amendement CL706 de M. Ian Boucard précisant que l’auteur de l’infraction de violence contre les forces de l’ordre prévue à l’article 222-14-5 du code pénal encourt également les peines complémentaires d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique ([174]) et d’interdiction du territoire français ([175]).

*

*     *

Article 7 ter (supprimé)
(art. 221-4, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal)
Création d’une circonstance aggravante pour le meurtre et les violences commises à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance, ajoute une nouvelle circonstance aggravante aux infractions de meurtre et de violences prévues par le code pénal.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles du code pénal relatifs aux circonstances aggravantes du meurtre ([176]), des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ([177]) et des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ([178]) ont été complétés en 2022 par une nouvelle circonstance lorsque l’infraction est commise par « une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants » ([179]).

Les articles relatifs aux violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ([180]) et aux circonstances aggravantes des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ([181]) ont été modifiés en 2022 ([182]) également afin de tenir compte de l’introduction dans le code pénal du nouvel article 222-14-5.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Le meurtre est puni de trente ans de réclusion criminelle ([183]). L’article 2214 du code pénal alourdit la peine encourue pour meurtre à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis dans certaines circonstances liées soit à la victime ([184]), soit au meurtrier ([185]).

Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle ([186]). L’article 222-8 alourdit la peine encourue à vingt ans de réclusion criminelle lorsque ces violences sont commises dans certaines circonstances liées soit à la victime ([187]), soit à l’auteur ([188]). La peine encourue est portée à trente ans de réclusion criminelle

Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ([189]). L’article 22210 alourdit la peine d’emprisonnement encourue à quinze ans de réclusion criminelle lorsque ces violences sont commises dans certaines circonstances liées soit à la victime, soit à l’auteur ([190]). La peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur ou en présence d’un mineur ([191]).

Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’article 222-12 porte ces peines à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les violences sont commises dans certaines circonstances liées soit à la victime ([192]), soit à l’auteur ([193]), soit au lieu de l’infraction ([194]). Les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque deux de ces circonstances sont réunies. Elles sont en outre portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque trois de ces circonstances sont réunies ou lorsque ces violences sont commises avec deux des circonstances prévues à l’article ou sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur ou en présence d’un mineur ([195]).

L’article 222-13 réprime les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises dans les circonstances prévues à l’article 222-12 auxquelles s’ajoutent les cas où elles sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, ou à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre vraie ou supposée de la victime. Les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque ces violences sont commises avec deux des circonstances prévues à l’article ou sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur ou en présence d’un mineur ([196]). Elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise dans trois de ces circonstances.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Introduit en séance par un amendement de M. Michel Savin (Les Républicains), ayant recueilli un avis de sagesse du Gouvernement et un avis défavorable de la commission, le présent article insère aux articles du code pénal relatifs aux circonstances aggravantes du meurtre ([197]), des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ([198]) et des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ([199]), ainsi qu’aux articles relatifs aux violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ([200]) et aux circonstances aggravantes des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ([201]) une nouvelle circonstance visant les meurtres ou violences qui sont commis « à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime ».

3.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Considérant que cette nouvelle circonstance aggravante reposait sur des éléments subjectifs qui risquaient de la rendre inapplicable, la Commission a supprimé cet article.

*

*     *

Article 8
(art. 3135, 3221 et 43122 du code pénal, art. L. 22424 et L. 33154 du code des transports, art. L. 2152 et L. 21521 du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement de la répression des dérives sectaires et élargissement du recours aux techniques spéciales d’enquête (TSE) pour mieux lutter contre les dérives sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend le recours aux techniques spéciales d’enquête pour les homicides et viols sériels, la recherche de certains fugitifs et l’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse qui réprime notamment l’emprise sectaire et qui voit également ses peines aggravées.

       Dernières modifications législatives intervenues

En 2017, les crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ont été ajoutés à la liste des infractions visées à l’article 706-73 pour lesquels le recours aux techniques spéciales d’enquête est possible ([202]). En 2020, le même article a également été modifié pour procéder à une coordination s’agissant des délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée ([203]).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a choisi de modifier la rédaction de la première partie de cet article afin de compléter le droit applicable en matière de dérives sectaires. Ainsi, la circonstance aggravante sanctionnant les agissements sectaires commis par le dirigeant de fait ou de droit du groupement concerné ne sera pas remplacée, mais complétée par la circonstance aggravante de commission en bande organisée.

 

1.   L’état du droit

a.   Les différentes techniques spéciales d’enquête

Les techniques spéciales d’enquête sont régies par le titre XXV du Livre IV du code de procédure pénale. Sous ce dénominatif sont rassemblées des techniques d’investigation particulièrement intrusives et qui, de ce fait, sont limitées aux infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisées et à certaines infractions économiques et financières. Les infractions concernées sont énumérées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale.

Ces techniques spéciales d’enquête recouvrent :

– la surveillance ([204]) ;

– les opérations d’infiltration ([205]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière de garde à vue ([206]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière de perquisitions ([207]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière d’interception, d’enregistrement et de transcription de correspondances émises par la voie des communications électronique ([208]) ;

– l’accès aux correspondances stockées sur internet et protégées au moyen d’un identifiant numérique ([209]). Pour ces dernières, cela concerne tout crime.

Une section VI réunit d’autres techniques spéciales d’enquête soumises à des règles de procédure commune ([210]) :

– le recueil des données techniques de connexion et l’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques (« IMSIcatcher ») ([211]) ;

– la sonorisation et la captation d’images ([212]) ;

– la captation des données informatiques ([213]).

Ces différentes techniques spéciales sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire, selon des procédures qui différent en fonction des types de techniques et des cadres d’enquête.


— 1 —

Les techniques d’enquête de droit commun

Dispositions du code de procédure pénale

Procédure

Techniques

Art. 56

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance)

Les perquisitions et saisies : Perquisitions entre 6h et 21h chez les personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des objets et pièces relatifs aux faits incriminés

Art. 76

Technique d’enquête de droit commun (enquête préliminaire)

Les perquisitions et saisies : avec assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu.

Art. 57-1 et art 76-3

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance et préliminaire)

 

La captation de contenu informatique : prévoit la possibilité pour les OPJ au cours d’une perquisition effectuée dans les conditions de l’enquête de droit commun d’accéder par un système informatique implanté sur les lieux où se déroule la perquisition à des données intéressant l’enquête en cours dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial.

Art 60 et 77-1

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance et préliminaire)

Les expertises : les OPJ peuvent nommer des experts pour procéder à des examens techniques ou scientifiques

Art 60-1, 60-2, 60-3, 71-1-1 et 71-1-2 et 77-1-3

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance et préliminaire)

Les réquisitions

Art. 61-1, 61-2, 77 et 78

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance et préliminaire)

Les auditions

Art 62-2, 63 et 77

Technique d’enquête de droit commun (enquête de flagrance et préliminaire)

La garde à vue : 24h prolongeable une fois sur autorisation du procureur

Art 100

Technique d’enquête de droit commun

Les écoutes téléphoniques : en matière criminelle et correctionnelle, si la peine  encourue est égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement, le juge d’instruction peut prescrire l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques.

Art. 230-32

Technique d’enquête de droit commun

La géolocalisation : ensemble de techniques permettant de surveiller les déplacements d’un individu (géolocalisation d’un véhicule via l’apposition d’un récepteur GPS, ou géolocalisation d’une personne physique par le bornage de son téléphone portable).

Art. 230-46

Technique d’enquête de droit commun

L’enquête sous pseudonyme aux seules fins de constater les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques, les OPJ ou APJ agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, procéder sous pseudonyme aux actes limitativement énumérés par l’article

Source : ministère de l’Intérieur

les techniques spéciales d’enquête

Code de procédure pénale

Techniques

Contrôle de l’autorité judiciaire

Art. 706-80

La surveillance : il s’agit de la surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de faits relevant de la criminalité organisée (utilisée en matière de trafics de stupéfiants).

Après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat.

Art. 706-81

L’infiltration : consiste pour un OPJ ou un APJ habilité à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer auprès de ces personnes comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs.

Autorisation par le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, par le juge d’instruction saisi.

Ces opérations sont réalisées sous leur contrôle respectif.

Art. 706-88

La garde à vue dérogatoire : 2 tranches de 24H supplémentaires, portant la durée maximale à 96H.

Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d’instruction.

Art. 706-89

Les perquisitions en dehors des heures légales : soit entre 21H et 6H.

Autorisation par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaires.

Autorisation par le juge d’instruction dans le cadre des informations.

Art. 706-95

L’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant informatique : dispositif d’interception, d’enregistrement et de transcriptions des correspondances émises par la voie de communications électroniques et stockées sur un terminal électronique. Sont concernées les écoutes des conversations téléphoniques, les SMS, le suivi en temps réel d’une messagerie électronique.

Autorisation par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire, à la requête du procureur de la République, dans le cas des enquêtes de flagrance ou préliminaires.

Autorisation par le juge d’instruction dans le cadre des informations.

Opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées.

Art. 706-95-20

IMSI-catcher : dispositif de proximité permettant d’obtenir des données difficilement accessibles par le recours aux réquisitions téléphoniques. Il présente une utilité lorsque les enquêteurs ne connaissent pas le numéro de téléphone des suspects en déjouant l’utilisation par les mis en cause de téléphones multiples à usage unique ou l’utilisation d’un téléphone sous une fausse identité. Il permet d’identifier les équipements terminaux et d’en recueillir les données techniques (IMSI, IMEI etc.), de localiser efficacement les détenteurs de ces équipements, de mettre en œuvre en urgence des interceptions judiciaires.

Autorisation par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République dans le cadre de l’enquête.

Autorisation par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre de l’information.

Ces techniques spéciales d’enquête se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées.

Art. 706-96

La sonorisation et fixation d’images : la sonorisation consiste à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules publics ou privés / la captation vise la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer les images des intéressés alors qu’ils se trouvent dans un lieu privé.

Autorisation par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République dans le cadre de l’enquête.

Autorisation par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre de l’information.

Ces techniques spéciales d’enquête se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées.

Art. 706-102-1

La captation informatique : dispositif qui permet de capter à distance et de manière continue des données (textes, images, audio) sur un terminal informatique cible (ordinateur, tablette, téléphone). Grâce à cette technique, les enquêteurs peuvent à la fois accéder aux données contenues dans un terminal numérique et en intercepter le flux. En outre, cette captation permet de contourner le chiffrement des communications et permet de récupérer des conversations provenant d’applications telles que Whatsapp, Skype et les données stockées dans un système informatique.

Autorisation par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République dans le cadre de l’enquête.

Autorisation par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre de l’information.

Ces techniques spéciales d’enquête se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées.

Source : ministère de l’Intérieur

 


— 1 —

b.   Les infractions visées par les techniques spéciales d’enquête

Les articles liminaires du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale fixent la liste des infractions pour lesquelles les techniques spéciales d’enquête peuvent être autorisées. Cela concerne avant tout les infractions commises en bande organisée, mais peut également concerner certains crimes ou délits commis en dehors de cette circonstance. Sont notamment concernés :

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les crimes de meurtre ([214]), de tortures et d’actes de barbarie ([215]), de vol ([216]), de destruction, dégradation et détérioration d’un bien ([217]), de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ([218]), ainsi que les crimes aggravés d’extorsion ([219]) ;

– les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains ([220]), de proxénétisme ([221]) ;

– les crimes en matière de fausse monnaie ([222]), portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les crimes et délits d’enlèvement et de séquestration ([223]) ;

– les crimes et délits de trafic de stupéfiants ([224]), constituant des actes de terrorisme ([225]), contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France, d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation, accompagné d’atteintes à l’environnement ([226]), d’escroquerie ([227]), de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre ou d’emploi d’étranger sans titre de travail, d’atteintes au patrimoine naturel ([228]), de trafic de produits phytopharmaceutiques, de participation à la tenue d’une maison de jeux d’argent et de hasard ([229]) ;

– les délits en matière d’armes et de produits explosifs, en matière de blanchiment ([230]), d’importation, d’exportation, de transit, de transport, de détention, de vente, d’acquisition ou d’échange d’un bien culturel.

c.   L’encadrement du recours à ces techniques spéciales par la jurisprudence constitutionnelle

Saisi en 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ([231]), qui modifiait les procédures applicables à la criminalité et à la délinquance en bande organisée et créait notamment les dispositions relatives à la sonorisation et à la captation d’image, le Conseil constitutionnel a estimé que la loi peut effectivement prévoir des techniques spéciales d’enquête pour certains crimes et délits « d’une gravité et d’une complexité particulières » et « sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations injustifiées » ([232]).

Deux critères incontournables résultent de cette jurisprudence autorisant les techniques spéciales d’enquête : d’une part, une complexité et une gravité particulières des crimes et délits concernés ; d’autre part, le contrôle suffisant de ces techniques par l’autorité judiciaire.

Le Conseil constitutionnel a en outre censuré la mention de certaines infractions à l’article 706-73 estimant qu’elles n’étaient « pas susceptibles de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » et ne devaient donc pas être concernées par la possibilité de recourir à des mesures dérogatoires en matière de prolongation de la garde à vue ([233]).

Dans le cadre de la loi de programmation et d’orientation pour la justice, le législateur avait voulu élargir la possibilité de recours aux techniques spéciales d’enquête ([234]) prévues aux articles 706-95-11 à 706-102-5 ([235]) à tout crime – et non seulement les infractions listées à l’article 706-73. Cet élargissement a été censuré par le Conseil constitutionnel, considérant que ces techniques présentent un « caractère particulièrement intrusif » et estimant que le contrôle par le juge n’était pas suffisant ([236]).

d.   La répression des dérives sectaires

Il n’existe pas dans notre droit de définition juridique de la secte. La circulaire de 2011 relative à la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires rappelle « qu’il n’existe pas en France, conformément au respect du principe de la laïcité et de la liberté de conscience, de législation visant à définir une secte et à mettre en œuvre conséquemment envers ses membres des mesures restrictives de droits » ([237]). Les pouvoirs publics sont toutefois vigilants aux « dérives sectaires », définies par cette même circulaire comme « les atteintes portées par tout groupe ou tout individu, à l’ordre public, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes par la mise en œuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l’emprise mentale et privant les personnes d’une partie de leur libre arbitre ».

De nombreux agissements des mouvements sectaires peuvent ainsi constituer des dérives et tomber sous le coup de la loi pénale, au titre de diverses infractions, comme l’escroquerie, l’exercice illégal de la maîtrise, la tromperie, l’abus de confiance…

Par ailleurs, l’article 223-15-2 du code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne particulièrement vulnérable ([238]), soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique ([239]), pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

En outre, en application du second alinéa de cet article, l’infraction est aggravée lorsqu’elle « est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ». Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende.

Créée en 2001 ([240]), cette infraction permet ainsi de réprimer les dérives sectaires – même si elle ne concerne pas uniquement celles-ci – en ce qu’elle sanctionne spécifiquement le processus d’emprise mentale mis en œuvre dans ce cadre.

En outre, des peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables de ce délit sont prévues à l’article 223-15-3 du code pénal :

– interdiction des droits civiques, civils et de famille ([241]) ;

– interdiction d’exercer la fonction ou l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, pour une durée de 5 ans ;

– fermeture des établissements ayant servi à commettre les faits, pour une durée de 5 ans ;

– confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

– interdiction de séjour ([242]) ;

– interdiction d’émission de chèques ;

– affichage ou diffusion de la décision prononcée ([243]).

L’article 223-15-4 du code pénal dispose enfin que les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables. Elles encourent à ce titre des amendes ([244]) et des peines ([245]).

e.   La recherche des personnes en fuite

L’article 74-2 du code de procédure pénale prévoit le cadre juridique pour rechercher et découvrir une personne en fuite dans les cas suivants :

– personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention, la chambre de l’instruction ou son président ou le président de la cour d’assises, alors qu’elle est renvoyée devant une juridiction de jugement ;

– personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par une juridiction de jugement ou par le juge de l’application des peines ;

– personne condamnée à une peine privative de liberté supérieure ou égale à un an lorsque cette condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée ([246]) ;

– personne inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) ou au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) ayant manqué à ses obligations ;

– personne ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de révocation d’un aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte, ou d’une décision de mise à exécution de l’emprisonnement prévu en cas de violation des obligations et interdictions résultant d’une peine, dès lors que cette décision a pour conséquence la mise à exécution d’un quantum ou d’un reliquat de peine d’emprisonnement supérieur à un an.

Aux fins de rechercher les personnes dans les cas énumérés ci-avant, les officiers de police judiciaire peuvent, sur instructions du procureur de la République procéder à des perquisitions et des saisies ([247]), des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques ([248]), des réquisitions de remise d’informations ou de données utiles ([249]), des exploitations de scellés ([250]), des auditions libres ([251]) ou sous contrainte, voire des placements en garde à vue ([252]).

En outre, si les nécessités de l’enquête pour rechercher la personne en fuite l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications ([253]).

2.   Le dispositif proposé

● Le 2° du II modifie l’article 706-73 du code de procédure pénale afin d’élargir la possibilité du recours aux techniques spéciales d’enquête prévues au titre XXV du livre IV du même code à de nouvelles infractions :

– les crimes de meurtre commis en concours avec un ou plusieurs autres meurtres ;

– les crimes de viol commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ([254]).

● Le I modifie l’article 223-15-2 du code pénal afin de mieux réprimer les dérives sectaires. Il procède pour cela à trois modifications au second alinéa qui prévoit une circonstance aggravante de l’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse lorsqu’elle est commise par le dirigeant d’un « groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ».

D’une part, il aggrave les peines encourues, la peine d’emprisonnement passant de cinq à sept ans et la peine d’amende de 750 000 à un million d’euros (2° et 3°).

D’autre part, il modifie cette circonstance aggravante en prévoyant qu’elle est constituée non plus seulement lorsque l’infraction est commise par le dirigeant d’un tel groupement, mais dès lors qu’elle est commise, en bande organisée, par les membres de ce groupement (1°). Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, cette rédaction est « cohérente avec la réalité du phénomène sectaire ».

Cette seconde modification permet en outre d’inscrire ce délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée à l’article 706-73 du code de procédure pénale afin que les techniques spéciales d’enquête puissent être utilisées aux fins de l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement de ce délit (deux derniers alinéas du présent article).

Votre rapporteur note qu’une telle évolution est cohérente avec l’esprit de l’autorisation du recours aux techniques spéciales d’enquête, puisqu’en application de l’article 706-74 du code de procédure pénale, la loi peut prévoir d’appliquer les dispositions du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale aux délits commis en bande organisée autres que ceux visés aux articles 706‑73 et 706‑73‑1 du même code.

● Enfin, le 1° du II permet aussi le recours à certaines des dispositions du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale aux fins de rechercher et de découvrir une personne en fuite devant être incarcérée ou faisant l’objet d’un mandat d’arrêt pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706‑73 et 706‑73‑1.

Cette extension du recours aux techniques spéciales d’enquête pour la recherche de fugitifs se limite donc aux cas où il s’agit d’infractions pour lesquelles le recours à ces mêmes techniques est déjà permis.

Dans ces cas, seraient applicables les dispositions dérogatoires relatives aux perquisitions ([255]), ainsi que les dispositions relatives à la surveillance ([256]), aux infiltrations ([257]), à l’accès à distance aux correspondances électroniques ([258]), au recueil de données techniques de connexion, à la sonorisation et la captation d’images ainsi qu’à la captation de données informatiques ([259]). Seraient donc exclues les dispositions dérogatoires relatives à la garde à vue ([260]).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL281 de Mme Marie-France Lorho afin de corriger la rédaction du second alinéa touchant à l’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, qui permet notamment de réprimer les agissements sectaires ([261]).

Le projet de loi initial modifiait la circonstance aggravante prévue au second alinéa de l’article 223-15-2 du code pénal afin qu’elle soit constituée non plus lorsque l’infraction est commise par le dirigeant d’un groupement « qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités », mais dès lors qu’elle est commise, en bande organisée, par les membres de ce groupement.

La Commission a considéré que cette rédaction entraînait la suppression de la circonstance aggravante permettant de sanctionner les agissements du seul dirigeant d’un tel groupement. Elle a donc préféré prévoir dans le code pénal les deux circonstances aggravantes : soit lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit du groupement, soit lorsqu’elle est commise en bande organisée par les membres de ce groupement.

*

*     *

Titre IV
Dispositions visant à anticiper les menaces et crises

Chapitre Ier
Renforcer la filière investigation

Article 9
(art. 16 du code de procédure pénale)
Suppression de la condition d’ancienneté pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux policiers et gendarmes sortis d’école de passer directement l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ) à l’issue de leur formation initiale, en supprimant les trois années d’ancienneté actuellement nécessaires pour se présenter à cet examen. Les lauréats pourront ensuite, après 30 mois de service dont 6 dans un service d’enquête, être habilités pour exercer les prérogatives d’OPJ.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 16 du code de procédure pénale a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont l’article 47 dispose que l’habilitation permettant d’exercer une fonction d’officier de police judiciaire est délivrée par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle intervient la première affectation du fonctionnaire et est valable pour toute la durée de ses fonctions.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté un unique amendement rédactionnel de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

En application de l’article 14 du code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte.

« Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions. »

L’article 15 du même code précise que la police judiciaire comprend, d’une part, les officiers de police judiciaire (OPJ) et, d’autre part, les agents de police judiciaire (APJ) et les agents de police judiciaire adjoints (APJA) ([262]).

a.   L’officier de police judiciaire

Au titre de l’article 16 du code de procédure pénale, ont la qualité d’officiers de police judiciaire :

– les maires et leurs adjoints ;

– au sein de la gendarmerie nationale, les directeurs et sous-directeurs, officiers et gradés, ainsi que les gendarmes comptant au moins trois années d’exercice, nominativement désignés par arrêté des ministres de la Justice et de l’Intérieur, après avis conforme d’une commission ([263]) ;

– au sein de la police nationale, les directeurs et sous-directeurs de la police judiciaire, inspecteurs généraux, sous-directeurs de police active, contrôleurs généraux, commissaires et officiers de police, ainsi que les fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application comptant au moins trois années de service et nominativement désignés par arrêté des ministres de la Justice et de l’Intérieur après avis conforme de la même commission.

Pour devenir officiers de police judiciaire, sous-officiers de gendarmerie et gardiens de la paix doivent se présenter à un examen technique.

Afin d’exercer dans un service enquêteur, les OPJ doivent en principe recevoir une habilitation, délivrée par le procureur général près la cour d’appel de leur première affectation ([264]). Celle-ci est valable pour toute la durée de leurs fonctions, y compris en cas de changement d’affectation. Seuls les personnels exerçant un emploi comportant des missions de police judiciaire peuvent recevoir une telle habilitation, qui ne peut donc pas être octroyée aux policiers et gendarmes exerçant dans d’autres services.

Les OPJ détiennent l’ensemble des pouvoirs de police judiciaire inscrits dans le code de procédure pénale ([265]). Ils peuvent notamment recevoir les plaintes, procéder aux enquêtes, exécuter les réquisitions et placer un individu en garde à vue. Ils exercent une autorité hiérarchique sur les APJ et les APJA. Ils ont compétence sur l’ensemble du territoire national pour procéder à des auditions, perquisitions et saisies, sous réserve d’une information préalable du magistrat saisi de l’enquête et de celui sur le ressort duquel ces actes d’enquête peuvent être réalisés.

L’activité des OPJ est placée sous la direction du procureur de la République. Dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé qu’« il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ; qu’à cette fin, le code de procédure pénale, notamment en ses articles 16 à 19-1, assure le contrôle direct et effectif de l’autorité judiciaire sur les officiers de police judiciaire chargés d’exercer les pouvoirs d’enquête judiciaire et de mettre en œuvre les mesures de contrainte nécessaires à leur réalisation » ([266])

En outre, le procureur général est chargé de la notation et de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire sur les OPJ. L’article 19-1 du code de procédure pénale dispose à ce titre que « la notation par le procureur général de l’officier de police judiciaire habilité est prise en compte pour toute décision d’avancement. » Le procureur général peut prononcer le retrait et la suspension de l’habilitation.

Enfin, la chambre de l’instruction contrôle l’activité des OPJ. L’article 227 du code de procédure pénale dispose : « La chambre de l’instruction peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l’officier ou agent de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider qu’il ne pourra, temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d’appel, soit sur tout l’ensemble du territoire, ses fonctions d’officier de police judiciaire et de délégué du juge d’instruction ou ses fonctions d’agent de police judiciaire. »

b.   Les agents de police judiciaire

Les OPJ sont, dans l’exercice de leurs missions, secondés par les APJ et les APJA, dont les prérogatives sont précisées aux articles 16 et suivants du code de procédure pénale.

Les gendarmes ainsi que les fonctionnaires gardiens de la paix n’ayant pas la qualité d’OPJ sont agents de police judiciaire (APJ), après avoir été désignés par arrêté interministériel. Les policiers stagiaires ont également la qualité d’APJ, de même que les retraités membres de la réserve de la gendarmerie ou de la police nationale ayant exercé au moins cinq ans comme OPJ ou APJ durant leur période d’activité. Comme pour les OPJ, les fonctionnaires et militaires ayant la qualité d’agents de police judiciaire doivent, pour exercer leurs prérogatives, être affectés à un emploi comportant l’exercice de prérogatives de police judiciaire. Comme les OPJ, ils perdent leur qualité lorsqu’ils sont affectés à des opérations de maintien de l’ordre.

Ils accomplissent, sous l’autorité des OPJ, les actes d’enquêtes non attentatoires aux droits et libertés fondamentaux, ceux-ci demeurant une prérogative des OPJ qui ne peut leur être déléguée ([267]). Ils constatent tout type d’infraction et en dressent procès-verbal. Ils reçoivent par procès-verbal les déclarations de témoins et sont habilités à réaliser certains actes de police judiciaire ([268]). Ils peuvent réaliser des enquêtes préliminaires, d’office ou sur demande de leur hiérarchie ou du procureur de la République, à l’exception des actes relevant de la compétence des seuls OPJ.

Afin de garantir le respect des prérogatives des OPJ et des APJ, le nom et la qualité de ces derniers figurent sur l’ensemble des procès-verbaux qu’ils établissent.

À la différence de l’OPJ, la qualité d’APJ n’est pas conditionnée à la réussite d’un examen ni à une habilitation du procureur général.

La formation initiale du gardien de la paix

La durée totale de la formation initiale du gardien de la paix est de 24 mois dont la moitié en école depuis 2022, ce qui a permis d’augmenter de 29 % le nombre d’heures enseignées.

Le socle initial de la formation des gardiens de la paix dure 35 semaines durant lesquelles ils suivent notamment des cours de droit administratif, libertés publiques, situations clés du policier, ainsi qu’un enseignement aux valeurs déontologiques, aux habilitations requises pour porter une arme et aux techniques d’intervention. C’est durant ce socle initial que les candidats qui le souhaitent peuvent également suivre le premier module de la formation OPJ (voir encadré suivant).

À l’issue de ces 35 semaines, les candidats réalisent un stage en alternance dans un commissariat d’un mois, dont une semaine en investigation, sous le tutorat d’un OPJ expérimenté.

Ils suivent ensuite un socle avancé de huit semaines approfondissant les enseignements dispensés précédemment et comprenant également un module d’adaptation au premier emploi, qui les spécialise en fonction de leur choix de poste.

Après cette première année d’enseignements théoriques, les candidats suivent une formation adaptée au premier emploi (FAPE), qui se déroule sur le premier poste d’affectation et consiste en un suivi des élèves en tutorat, cinq modules de e-formation en lien avec le métier exercé, ainsi qu’une évaluation par observation sur cinq situations clé rencontrées couramment par les policiers exerçant ce métier. Les élèves sont également formés aux spécificités des plaintes, auditions et constatations.

Les candidats ayant réussi le premier module OPJ entament la seconde phase de leur formation durant la FAPE.

 Source : ministère de l’Intérieur

c.   Les agents de police judiciaire adjoints

Sont considérés comme agents de police judiciaire adjoints (APJA) une série de statuts administratifs, notamment les gradés et gardiens de la paix de la police nationale n’ayant pas la qualité d’APJ, les membres de la réserve civile de la police nationale, les volontaires dans la gendarmerie, les militaires de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ainsi que les agents de police municipale et les gardes champêtres.

Leurs prérogatives de police judiciaire, énumérées à l’article 21 du code de procédure pénale, sont plus limitées que celles des APJ : ils peuvent principalement rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance, constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi pénale, et recueillir tous les renseignements en vue de découvrir leurs auteurs. Ils peuvent également constater par procès-verbal plusieurs infractions au code de la route.


 

Qualité et principales prérogatives des opj, APJ et APJA

 

Officier de police judiciaire

Agent de police judiciaire

Agent de police judiciaire adjoint

Qualité

- maires et leurs adjoints

au sein de la police :

- directeur et sous-directeurs de la police judiciaire

- inspecteurs généraux

- sous-directeurs de police active

- commissaires de police

- certains gardiens de la paix comptant au moins trois ans de service

- sous certaines conditions, les OPJ retraités, pour cinq ans

au sein de la gendarmerie :

- directeur et sous-directeur

- officiers

- gradés

- certains gendarmes comptant au moins trois ans de service

- gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ

- gardiens de la paix

- retraités réservistes

- fonctionnaires des services actifs de police n’étant pas APJ

- volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie

- réservistes non APJ dans la gendarmerie

- policiers adjoints

- agents de surveillance de Paris

- réservistes volontaires non retraités de la police

- agents de la police municipale

- gardes champêtres, lorsqu’ils constatent certaines contraventions

Prérogatives

Constatation de tous types d’infraction

- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions

- constater les infractions à la loi pénale et recueillir tout renseignement en vue d’en découvrir les auteurs

- constatation de certaines infractions au code de la route

- gardes champêtres, policiers municipaux et agents de surveillance de Paris peuvent constater certaines infractions par procès-verbal ([269])

Tous les pouvoirs de police judiciaire :

- recevoir plaintes et dénonciations

- procéder aux enquêtes préliminaires et de flagrance

- Requérir le concours de la force publique

- accomplir les actes d’enquête

- décider des mesures les plus attentatoires aux libertés ([270])

- exercer une autorité hiérarchique sur les APJ et APJA

- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions

- dresser procès-verbal de la constatation des infractions

- recevoir par procès-verbal les déclarations de témoins

- exécuter les mesures de contrainte sur les témoins défaillants

- exécuter mandats d’amener, de dépôt, d’arrêt

- exécuter les ordonnances de prise de corps

- exécuter les arrêts et jugements de condamnation

- réaliser les actes d’enquête préliminaire et de flagrance non dévolus aux OPJ

2.   Le projet de loi initial

L’article 9 du projet de loi modifie l’article 16 du code de procédure pénale afin de permettre aux gardiens de la paix et aux élèves sous-officiers de gendarmerie de se présenter à l’examen technique d’OPJ directement à la fin de leur scolarité, supprimant la condition nécessitant au moins trois ans de service dans le corps.

L’insertion de la formation OPJ dans la formation initiale des gardiens de la paix et des sous-officiers de la gendarmerie nationale

S’agissant de la police nationale, la formation OPJ sera organisée en deux temps :

– un premier module de formation de quatre semaines – soit 144 heures de formation, sanctionné par un examen. Ce module abordera plusieurs thématiques relevant du droit pénal général et spécial, de la procédure pénale et des libertés publiques. L’examen consistera en trois épreuves de rédaction de deux procès-verbaux, de la réalisation d’une procédure d’OPJ et d’un devoir sur table ;

– un second module, accessible uniquement aux candidats ayant eu au moins la moyenne à l’examen précédent. Ce module de huit semaines – soit 288 heures de formation, sera dispensé au début de la seconde partie de la scolarité des gardiens de la paix, dans le cadre de leur formation d’adaptation au premier emploi.

La formation OPJ comprendra ainsi 432 heures d’enseignement contre 420 heures actuellement.

S’agissant de la gendarmerie nationale, le module de formation OPJ comprendra un enseignement à distance, réalisé sur le temps du service à raison d’une journée par mois, ainsi que des journées de formation pratiques mensuelles.

Le contenu de la formation à l’examen d’OPJ ne changera pas par rapport à ce qu’il comporte aujourd’hui. Ainsi, à l’issue de leur formation, gardiens de la paix et sous-officiers de la gendarmerie passeront le même examen technique que les candidats ayant suivi la formation continue.

Le dispositif envisagé conditionne la délivrance d’une habilitation par l’autorité judiciaire à la justification d’au moins trente mois de service à compter de l’entrée en formation initiale, dont au moins six mois effectués sur un emploi d’APJ.

En conséquence, gardiens de la paix et sous-officiers pourront d’abord, s’ils le souhaitent, suivre la formation d’OPJ pendant leur formation initiale. À l’issue de cette formation, et s’ils réussissent l’examen, ils auront la qualité d’OPJ mais resteront affectés à un poste d’APJ. Après six mois en fonction comme APJ, les agents pourront ensuite être habilités par le procureur général près la cour d’appel, et exercer ainsi les missions d’un OPJ dans leur service d’affectation.

Cette modification nécessitera une adaptation de la formation initiale des gardiens de la paix et des sous-officiers de gendarmerie. En revanche, le contenu et les modalités de l’examen technique demeureront inchangés pour tous les candidats, qu’ils aient suivi leur formation OPJ au cours de leur formation initiale ou lors d’une formation continue pendant leur carrière.

La mesure a pour objet d’augmenter le nombre d’OPJ formés tout en maintenant le niveau et les garanties liées à cette qualité. Le ministère de l’Intérieur se fixe ainsi pour objectif de disposer de 22 000 OPJ en zone police en 2023, contre 17 000 aujourd’hui. Comme l’a souligné lors de son audition M. Jérôme Bonet, directeur central de la police judiciaire, cette évolution permettra aux policiers et gendarmes d’avoir une meilleure progression de carrière et une rémunération plus importante. Elle participe de la politique plus large du ministère de revitalisation de la filière investigation.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a adopté un unique amendement rédactionnel de votre rapporteur.

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Article 10
(art. 10-2, 15, 21-3 [nouveau], 60, 60-1, 60-3, 63-2, 63-3, 63-3-1, 77-1, 77-1-1, 99-5, 100-5, 230, 390-1 et 706-95-18 du code de procédure pénale)
Création de la fonction d’assistant d’enquête

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 crée un nouvel acteur de la procédure pénale, les assistants d’enquête, chargés de suppléer les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire dans la réalisation de certaines formalités procédurales.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a souhaité mieux encadrer les conditions selon lesquelles les assistants d’enquête pourront procéder à des transcriptions et a inscrit à l’article une évaluation de sa mise en œuvre dans les trois ans à compter de la publication de la loi.

       Principaux apports de la commission des Lois

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission a adopté un second amendement du même auteur précisant l’obligation de procéder à une évaluation de la mise en place des assistants d’enquête introduite par le Sénat.

1.   L’état du droit

Une part significative du travail des enquêteurs est aujourd’hui dévolue à l’exécution d’actes de procédure, au détriment du travail d’enquête pourtant au cœur de leur métier – ce qu’a rappelé l’ensemble des acteurs de la police judiciaire auditionnés par votre rapporteur. L’étude d’impact annexée au projet de loi précise qu’ « en moyenne, les services d’investigation estiment que deux tiers des procès-verbaux composant une procédure répondent à des exigences uniquement formelles de la procédure pénale », notamment les procès-verbaux d’avis, de notification des droits de la personne placée en garde à vue ou d’annexe de réquisition.

Cela se traduit par un allongement de la durée de ces procédures et une chute des taux d’élucidation des affaires : selon les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), entre 2010 et 2019 les taux d’élucidation des affaires de violences physiques crapuleuses et d’atteintes aux biens ont respectivement baissé de 33 % et 28 %. En outre, le nombre total de faits d’escroqueries et infractions économiques et financières élucidés a baissé de plus de 36 % sur la période 2010-2020.

Cette situation suscite une crise des vocations du métier d’enquêteur : 62 des 103 postes d’officiers ouverts dans les services d’enquête de la direction centrale de la police judiciaire ne sont pas pourvus.

Elle se traduit ainsi par une évolution à la baisse du taux d’encadrement dans les services chargés d’une mission de police judiciaire. Selon les données transmises par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur, le taux d’encadrement est de 5 % dans les services d’investigation généralistes de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et le nombre de postes d’officiers et de gradés vacants est de plus en plus nombreux au fur et à mesure des mouvements de mutation. Dans les services d’investigation spécialisés de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), le taux d’encadrement est passé de 21,6 % à 18,3 % entre 2016 et 2022.

Selon les résultats d’une étude réalisée par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN), la police nationale attire aujourd’hui des profils essentiellement intéressés par des métiers en contact avec la voie publique : dans le cadre de cette enquête, 90 % d’une promotion de gardiens de la paix interrogés indiquent leur volonté de débuter leur carrière par un poste en voie publique et seul un tiers d’entre eux se satisferait d’un poste en investigation.

La Cour des comptes dresse un constat similaire dans une note de novembre 2021 consacrée à La gestion des ressources humaines au cœur des difficultés de la police nationale. Elle observe que la police judiciaire « n’attire plus les policiers confirmés et ses résultats sont marqués par un faible niveau d’élucidation des délits de bas et milieu de spectre, correspondant pour nos concitoyens à la délinquance du quotidien. La police nationale connaît depuis plusieurs années une désaffection de l’ensemble de la filière investigation au plan national et plus particulièrement dans le ressort de la préfecture de police de Paris [...]. Cette situation est notamment le résultat de conditions d’exercice dégradées en Île-de-France et se traduit par une faible attractivité des postes d’investigation dans les commissariats mais aussi désormais au sein des services spécialisés de police judiciaire. »

2.   Le projet de loi initial

Auditionné par notre Commission le 20 septembre 2022, le ministre de l’Intérieur soulignait que, « tandis qu’un magistrat du siège est aidé par un greffier pour les tâches administratives, ce qui lui permet de se concentrer sur les actes d’enquête, un policier ou un gendarme réalise l’intégralité des démarches. Lors d’une garde à vue, par exemple, il accueille la personne placée en garde à vue, contacte son avocat, appelle le médecin, distribue le repas… Or ces actions ne relèvent pas du cœur de métier des officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ). »

Afin de remédier à cette situation, le présent article instaure un nouvel acteur de la police judiciaire, dont il définit le statut et les missions. Il complète à cet effet l’article 15 du code de procédure pénale en y inscrivant, aux côtés des OPJ, des APJ et des fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire, les assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Le projet de loi crée ainsi un nouvel article 21-3 au sein du même code fixant les missions des assistants d’enquête. Recrutés sur examen parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale et les personnels administratifs de catégorie B de la police et de la gendarmerie nationales, les assistants d’enquête seconderont les OPJ et les APJ en se substituant pour partie à ces agents dans l’exécution de certains actes formels de la procédure pénale.


La formation et les modalités de recrutement des futurs assistants d’enquête

Recrutés parmi des personnels de catégorie B, les assistants d’enquête auront à suivre une formation de onze semaines.

S’agissant de la police nationale, la formation des agents se décomposera en trois phases.

La première phase de formation, le « socle métier », durera huit semaines, à raison de 36 heures d’enseignement par semaine. Celle-ci comprend notamment des enseignements de droit pénal général, procédure pénale, initiation aux actes d’enquête devant être réalisés par les assistants, ainsi qu’un enseignement de rédaction procédurale.

À l’issue de ces huit semaines de formation, les futurs assistants d’enquête devront passer une semaine en alternance dans un service d’investigation, sous le tutorat d’un officier de police judiciaire. Ils devront ensuite réussir un examen de fin de formation de deux devoirs sur table : une épreuve de questions à réponses courtes ou à choix multiples ainsi qu’une épreuve de rédaction procédurale portant sur deux actes relevant de la compétence des assistants d’enquête.

La deuxième phase de la formation, le « socle informatique », s’étalera sur 72 heures réparties en deux semaines, permettant aux agents de maîtriser les outils numériques utiles à leur pratique professionnelle (consultation des fichiers, utilisation des logiciels de rédaction des procédures, fonctionnement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires, etc.)

S’agissant de la gendarmerie nationale, une formation spécifique de huit à dix semaines sera proposée aux futurs assistants d’enquête et sera clôturée par un examen dont une partie devrait être commune à celle des candidats au poste d’assistant d’enquête de la police nationale.

L’article 21-3 délimite strictement les missions de ces agents, qui ne disposeront d’aucune compétence propre ou plus étendue que celles confiées aux APJ. À la demande et sous le contrôle de l’OPJ ou de l’APJ lorsque ce dernier en a la compétence, les assistants d’enquête pourront ainsi :

– convoquer toute personne devant être entendue par l’OPJ ou l’APJ et, si nécessaire, contacter un interprète ;

– notifier leurs droits aux victimes en application de l’article 10-2 du code de procédure pénale ([271]) ;

– procéder à certaines réquisitions ([272]) ;

– à la demande du gardé à vue, informer par téléphone les personnes énumérées dans le code de procédure pénale du commencement de la garde à vue ([273]) ;

– informer l’avocat de la personne mise en cause au début de la garde à vue ;

– procéder aux diligences relatives au droit à un examen médical du gardé à vue ;

– consulter les fichiers de police et en acter le résultat en procédure ;

– envoyer les convocations en justice décidées par le parquet ;

– transcrire certains enregistrements ([274]) ;

– établir les procès-verbaux pour l’ensemble de ces actes.

En outre, ainsi qu’en dispose l’étude d’impact annexée au projet de loi, « d’autres missions ne nécessitant ni modification normative, ni habilitation judiciaire leur seront par ailleurs confiées (gestion administrative des gardes à vue, gestion administrative et logistique des scellés, appui dans le traitement des procédures administratives, etc.). »

Le reste de l’article 10 (alinéa 21 du projet de loi initial jusqu’à la fin) procède à des coordinations au sein du code de procédure pénale. En particulier, l’alinéa 37 modifie l’article 230 du code de procédure pénale afin de rendre compétentes les chambres de l’instruction pour contrôler l’activité des assistants d’enquête, comme elles le sont déjà s’agissant des OPJ, APJ et APJA.

Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de l’article.

Le rapport annexé fixe pour objectif le recrutement, sur dix ans, de 3 273 assistants d’enquête en zone gendarmerie et 4 387 pour la police nationale.

Le directeur général de la gendarmerie nationale, entendu par votre rapporteur, a insisté sur l’importance de ces recrutements, qui vont délester les enquêteurs des aspects administratifs de leurs enquêtes afin de les confier à des professionnels recrutés à cet effet, dans une perspective d’amélioration de la qualité des procédures. Surtout, les assistants d’enquête permettront aux gradés de se consacrer à la conduite des enquêtes et au travail de terrain.

En outre, la création de cette nouvelle fonction favorisera la mobilité du personnel au sein du ministère, les missions de l’assistant d’enquête permettant aux agents de catégorie B qui le souhaitent de bénéficier d’une évolution de carrière.

Les auditions menées par votre rapporteur ont souligné le besoin de mobilisation de ces agents en dehors des heures habituelles de bureau. Selon les éléments communiqués par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur, plusieurs textes réglementaires seront modifiés afin de permettre aux assistants d’enquête d’effectuer des heures supplémentaires et des prises de service en horaires décalés – par exemple, être dans les locaux de police dès 6 heures du matin en amont d’opérations d’interpellation matinales – pour répondre aux contraintes opérationnelles d’un service d’enquête.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

En commission des Lois, les sénateurs ont apporté deux modifications à cet article :

– d’une part, ils ont estimé nécessaire de mieux encadrer les conditions selon lesquelles les assistants d’enquête pourront procéder à des transcriptions en renvoyant les modalités d’application de cette disposition a un décret en Conseil d’État ;

– d’autre part, ils ont souhaité que soit mise en place, dans les trois ans à compter de la publication de la loi, « une évaluation de la mise en œuvre du présent article portant notamment sur le recrutement et la formation des assistants d’enquête et l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins des services d’enquête et au respect des droits de la défense. »

Seul un amendement de coordination des rapporteurs a été adopté par le Sénat en séance publique.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la Commission des Lois a adopté un second amendement CL470 du même auteur précisant que l’obligation de procéder à une évaluation de la mise en place des assistants d’enquête, introduite par le Sénat, incombera au Gouvernement.

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Article 10 bis
(art. 20 du code de procédure pénale)
Donner la qualité d’agents de police judiciaire à tous les militaires de la gendarmerie, autres que les OPJ et les réservistes

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en commission, octroie la qualité d’agent de police judiciaire à l’ensemble des militaires de la gendarmerie nationale n’ayant pas celle d’officier de police judiciaire, à l’exception des réservistes. Il permettra ainsi aux élèves officiers de la gendarmerie nationale d’avoir cette qualité dès leur formation initiale.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

1.   L’état du droit

L’article 20 du code de procédure pénale dispose, s’agissant de la gendarmerie nationale, que les élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle ainsi que les gendarmes n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) sont agents de police judiciaire (APJ). Pour la police nationale, ce même article désigne comme APJ l’ensemble des fonctionnaires des services actifs, titulaires et stagiaires, n’ayant pas le statut d’OPJ.

En revanche, la rédaction actuelle de l’article exclut les élèves officiers de la gendarmerie nationale, qui n’ont dès lors pas la qualité d’APJ pendant leur formation. Or, ces élèves effectuent, au cours de leur scolarité, des stages en immersion durant lesquels l’obtention de cette qualité paraît utile.

L’étude d’impact annexée au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, dans sa version déposée le 16 mars 2022 à l’Assemblée nationale, précisait que, « pour rendre ces stages en immersion complètement efficients, les élèves devraient pouvoir accéder à certains outils métiers ou fichiers : Fichier des Personnes Recherchées (FPR), Fichier National des Permis de Conduire (FNPC), Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ), Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV), Fichier des Objets et Véhicules Volés (FOVeS). »

Or « Cette différence de statut aboutit à une différence de traitement dans la mesure où les élèves de l’école des officiers de la gendarmerie nationale n’ayant pas la qualité d’agent de police judiciaire, ils ne peuvent accéder [à ces fichiers], limitant de fait la conduite d’une formation plus pratique, alors qu’au regard du socle de formation acquis en amont des périodes de stage, ils peuvent valablement être employés en tant qu’agent de police judiciaire sous le contrôle d’un OPJ en se limitant strictement aux opérations qui leur sont prescrites. » 

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

L’article 10 bis, introduit par un amendement des rapporteurs, reprend le dispositif figurant à l’article 21 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 16 mars 2022.

Il modifie l’article 20 du code de procédure pénale afin de désigner comme APJ l’ensemble des militaires de la gendarmerie nationale autres que les réservistes, n’ayant pas la qualité d’OPJ. Il s’agit ainsi de permettre aux élèves officiers d’être en posture active pendant leurs stages en immersion dans les unités territoriales.

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.

3.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Chapitre II
Renforcer la fonction investigation

Article 11
(art. 551, 60, 603, 762, 771, 7713, 995, 1541, 167, 230-1 et 70656 du code de procédure pénale et art. L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs)
Suppression de la procédure de réquisition des services de police technique et scientifique (PTS) par les services de police

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

En l’état du droit, les demandes faites par des enquêteurs aux services de police technique et scientifique (PTS) pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, supposent l’établissement d’une réquisition selon la procédure de droit commun applicable aux demandes faites à des personnes tierces.

Le présent article, afin de simplifier la procédure pénale, supprime de telles réquisitions entre services de police dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaire, ainsi que dans le cadre d’une information judiciaire s’agissant d’ouverture de scellés supportant des données informatiques pour copier celles-ci.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis aux juridictions d’instruction et de jugement de demander aux services et organismes de PTS la réalisation d’expertises.

       Modifications apportées par le Sénat

En plus d’effectuer des coordinations, le Sénat a étendu la suppression de l’obligation de réquisition de la PTS à certaines opérations, parmi lesquelles l’ouverture de scellés aux fins de copie de données dans le cadre d’enquêtes de flagrance et préliminaire.

Le Sénat a également dispensé expressément les agents de la PTS de l’obligation de prêter serment lorsqu’ils sont sollicités par les enquêteurs.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a apporté au dispositif plusieurs précisions, dont l’une garantissant que les mesures de simplification concernent bien l’ensemble des services et organismes de PTS.

1.   L’état du droit

Au titre des réquisitions à personnes qualifiées qu’ils peuvent réaliser, les enquêteurs sollicitent régulièrement les services de la police technique et scientifique (PTS), sans que la circonstance que ces réquisitions soient faites entre services de police n’entraîne d’aménagements procéduraux.

a.   Le cadre général des réquisitions à personnes qualifiées

Dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaires, sous la direction et le contrôle du procureur de la République, les officiers de police judiciaire (OPJ) ou, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire (APJ), peuvent procéder à des réquisitions, parmi lesquelles les réquisitions à personnes qualifiées ([275]).

● De telles réquisitions, selon qu’elles s’inscrivent dans une enquête de flagrance ou une enquête préliminaire, sont prévues respectivement par les articles 60 et 77‑1 du code de procédure pénale (CPP). Elles permettent la réalisation de constatations ou d’examens techniques ou scientifiques par des personnes qualifiées.

Ces personnes qualifiées, aux termes du deuxième alinéa de l’article 60 du CPP (auquel renvoie l’article 77‑1 du même code), doivent :

– soit être inscrites sur l’une des listes d’experts prévues à l’article 157 du CPP, à savoir la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou l’une des listes dressées par les cours d’appel ;

– soit, à défaut d’une telle inscription, prêter serment, par écrit, « d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ».

● Les experts judiciaires sont régis par la loi du 29 juin 1971 ([276]), qui prévoit notamment les modalités d’inscription sur les listes prévues à l’article 157 du CPP et la prestation de serment, figurant à l’article 6 de cette loi et applicable aux experts non-inscrits aux termes de l’article 160 du CPP – qui dispose que le procès-verbal de prestation de serment doit être signé par le magistrat compétent, le greffier et l’expert.

La prestation d’expertise fait l’objet d’une indemnisation par l’État, au titre des frais – notamment de déplacement – et des honoraires, en vertu des articles R. 106 et suivants du CPP ([277]).

● Par ailleurs, le CPP prévoit également, à son article 60‑3, que, dans le cadre d’une enquête de flagrance, le procureur de la République ou un OPJ (ainsi que, sous le contrôle de ce dernier, un APJ) peut procéder à la réquisition de toute personne qualifiée (inscrite sur les listes précédemment mentionnées ou qui a prêté le serment prévu) pour ouvrir des scellés, lorsque des objets supports de données informatiques ont été placés sous scellés, afin de réaliser une ou plusieurs copies de ces données en vue de leur exploitation.

De telles réquisitions sont également possibles :

– dans le cadre d’une enquête préliminaire, sur autorisation du procureur de la République (article 77‑1‑3 du CPP) ;

– et dans le cadre d’une information judiciaire, sur autorisation du juge d’instruction si cela est nécessaire pour l’exécution d’une commission rogatoire (article 99‑5 du même code).

b.   Les réquisitions des services de police technique et scientifique

● Les demandes d’expertises peuvent en outre, ainsi qu’en dispose l’article 157‑2 du CPP, être adressées par les juridictions d’instruction et de jugement aux services ou organismes de police technique et scientifique (PTS) de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.

À cet effet, les ministres chargés de la justice et de l’intérieur fixent, par arrêté conjoint, la liste des services et organismes pouvant être ainsi sollicités par l’autorité judiciaire, le responsable dudit service ou organisme soumettant à l’agrément de la juridiction le nom des personnes qui effectueront l’expertise.

Cette liste figure à l’article 1er de l’arrêté du 8 janvier 2021 ([278]) et comprend :

– le service national de la police scientifique (SNPS), relevant de la direction générale de la police nationale ;

– l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), relevant de la direction générale de la gendarmerie nationale.

● Plus généralement, au-delà de ces expertises réalisées à la demande de l’autorité judiciaire, la PTS est fréquemment sollicitée par les OPJ et APJ dans le cadre d’enquêtes, afin d’obtenir certaines informations, telles que :

– le profil génétique sur le prélèvement d’une personne mise en cause, par la consultation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) ;

– la comparaison de traces et profils biologiques avec celles figurant dans le FNAEG ;

– ou encore la comparaison d’empreintes digitales avec celles enregistrées dans le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

Dans ce cadre, les sollicitations ne concernent pas seulement le SNPS et l’IRCGN, mais l’ensemble des services et organismes de PTS – telles que les unités analytiques des services territoriaux de la police nationale ou les techniciens d’identification criminelle des cellules d’investigations criminelles de la gendarmerie nationale.

Ces sollicitations d’OPJ ou APJ à la PTS prennent la forme de réquisitions et obéissent aux dispositions de droit commun régissant les réquisitions :

– les réquisitions doivent être formalisées par écrit par les OPJ et APJ ;

– les personnes ainsi sollicitées doivent prêter serment par écrit, si elles ne figurent pas sur les listes d’experts mentionnées à l’article 157 du CPP.

Cette seconde formalité peut sembler particulièrement redondante avec les obligations déontologiques pesant sur les policiers et gendarmes et prévues aux articles R. 434‑8 à R. 434‑13 du code de la sécurité intérieure, notamment celles de probité (article R. 434‑9), d’impartialité (article R. 434‑11) et de dignité (article R. 434‑12).

D’une manière générale, l’application de la procédure prévue pour les personnes qualifiées tierces aux réquisitions des services et organisme de PTS peut laisser quelque peu perplexe.

En effet, s’il est parfaitement normal que des garanties et un cadre strict soient prévus s’agissant de tiers, notamment par un formalisme procédural et une exigence d’inscription sur des listes d’experts ou de prestation de serment, la situation est différente s’agissant de demandes adressées à des policiers ou des gendarmes. Dans cette dernière hypothèse, non seulement les auteurs et les récipiendaires des demandes sont soumis aux obligations déontologiques précédemment mentionnées (et dont le manquement peut conduire à des sanctions), mais cette hypothèse peut être vue comme une sollicitation interne aux forces de l’ordre.

Cette position paraît d’ailleurs corroborée par la lecture des décisions du Conseil constitutionnel rendues, d’une part, sur la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), d’autre part sur la loi relative à la programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice :

– dans la première ([279]), le Conseil, pour censurer la création d’un fonds de soutien à la PTS auquel étaient affectées des contributions versées par les assureurs, a relevé que « les modalités d’exercice des missions de police judiciaire ne sauraient […] être soumises à la volonté de personnes privées » ;

– dans la seconde ([280]), le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré du fait que la circonstance que des personnes n’étant pas OPJ ou APJ pouvaient, dans le cadre des réquisitions prévues par l’article 60 du CPP, effectuer des actes d’enquêtes, méconnaissait l’indépendance de la justice et les droits de la défense.

La lecture combinée de ces décisions conduit ainsi à rendre paradoxale l’identité procédurale des réquisitions adressées à la PTS et à des tiers.

2.   Le dispositif proposé

Tirant les conséquences de la situation précédemment décrite, le présent article entreprend de simplifier le cadre procédural des demandes faites à la PTS aux fins de réaliser des constatations ou des examens techniques ou scientifiques.

● Est ainsi supprimée ([281]) l’exigence d’une réquisition des services et organismes de PST de la police nationale ou de la gendarmerie nationale pour que ceux‑ci, sollicités à cet effet par un OPJ ou un APJ, effectuent des constatations ou des examens techniques ou scientifiques :

– s’agissant de l’enquête de flagrance, à travers l’ajout d’un nouvel alinéa à l’article 60 du CPP qui consacre le principe de cette suppression ;

– s’agissant de l’enquête préliminaire, à travers une modification du deuxième alinéa de l’article 77‑1 du même code, afin d’inclure le nouvel alinéa parmi les dispositions de l’article 60 auquel renvoie l’article 77‑1.

● Par ailleurs, la suppression de l’exigence de réquisition de la PTS est également prévue s’agissant des demandes adressées à la PTS pour l’ouverture de scellés placés sur des objets servant de support de données informatiques aux fins de copier de ces données, dans le cadre d’une information judiciaire.

À cet effet, le  du présent article complète par un nouvel alinéa l’article 99‑5 du CPP, prévoyant l’application à cette hypothèse du nouvel alinéa de l’article 60 précité.

● Le dispositif prévu au présent article n’a appelé de la part du Conseil d’État aucune observation.

Enfin, il convient de relever, s’agissant de la PTS, qu’outre la simplification procédurale prévue par cet article, les moyens de ces services et organismes devraient être renforcés, ainsi qu’il ressort du rapport annexé au présent projet de loi – notamment à travers la mise à disposition de nouveaux outils plus performants et la modernisation des laboratoires de la PTS ([282]).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Les principales modifications apportées à l’article par le Sénat l’ont été en commission.

a.   Les modifications apportées en commission

En adoptant un amendement des rapporteurs, la commission a souhaité accroître la simplification des saisines, par les enquêteurs, de la PTS.

● D’une part, l’obligation de réquisition de la PTS est supprimée :

– pour l’ouverture de scellés sur des supports de données aux fins de copie de ces données, dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaire (le dispositif initial ne prévoyait cette suppression qu’en matière d’information judiciaire) ; cette extension du champ de la suppression est prévue aux nouveaux 1° bis et 2° bis du présent article, qui modifient à cet effet les articles 60‑3 et 77‑1‑3 du CPP ;

– pour extraire le profil génétique d’une personne et enregistrer ce profil sur le FNAEG, à travers une modification en ce sens de l’article 706‑56 du CPP (nouveau 5° du présent article) ;

– pour la réalisation des opérations permettant d’enregistrer, de comparer et d’identifier les résultats des opérations de relevés signalétiques au sein des fichiers de police (article 55‑1 du CPP, modification prévue par le nouveau 1° A du présent article).

● D’autre part, est expressément prévue l’absence d’obligation, pour les personnels de la PTS sollicités par les enquêteurs, de prêter serment « d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience », à travers une modification de l’article 60 du CPP (nouveau b du 1° du présent article) et de l’article 60‑3 du même code (a du nouveau 1° bis du présent article).

Par ailleurs, dans un souci de précision, le Sénat a remplacé la référence aux « services ou organismes de police technique et scientifique » de la police et de la gendarmerie, par la mention des services ou organismes de PTS « mentionnés à l’article 1572 » du CPP.

● Enfin, ont été apportées des coordinations tirant les conséquences de ces modifications – ainsi que le déplacement au sein de l’article 60 du CPP du nouvel alinéa supprimant l’obligation de réquisition de la PTS.

b.   Les modifications apportées en séance

En séance, le Sénat a procédé à plusieurs coordinations rendues nécessaires par les modifications introduites en commission et portant sur les articles 55‑1 et 60 du CPP ( A et 1° du présent article).

Ces coordinations ont résulté de l’adoption d’un amendement des rapporteurs ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement.

4.   La position de la Commission

● La dispense expresse de l’obligation de prêter serment qu’a introduite le Sénat est bienvenue : elle correspond à l’objectif poursuivi par le dispositif initial, ainsi qu’il ressort de l’étude d’impact ([283]), mais clarifie ce point. En effet, la lettre du projet de loi initial n’aboutissait pas à une telle dispense.

En revanche, les modifications d’apparence rédactionnelle apportées par le Sénat à travers le renvoi aux services et organismes mentionnés à l’article 157‑2 du CPP aboutissent à amoindrir – sans doute de façon involontaire – la portée des mesures de simplification figurant dans le dispositif initial et complétées par le Sénat.

En effet, et ainsi qu’il a été vu, la référence à l’article 157‑2 a pour effet de rendre éligibles aux simplifications (dispense de réquisition et d’obligation de prêter serment) les seuls SNPS et IRCGN, excluant ainsi tous les autres services et organismes de PTS qui n’appartiennent pas à ces deux structures.

Cela aurait en outre pour conséquence de complexifier le travail des enquêteurs, qui seraient soumis ou non à l’obligation de procéder à une réquisition en fonction du seul rattachement administratif des services de PTS sollicités.

● À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a donc aménagé la rédaction du présent article pour que le dispositif corresponde pleinement, sans écueils, à l’objectif poursuivi (amendement CL674).

Elle a également apporté d’autres ajustements d’ordre rédactionnels sur proposition de votre rapporteur (amendements CL673, CL675, CL676 et CL677).

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Article 12
(art. 155 [nouveau] du code de procédure pénale et art. 55 ter [nouveau] du code des douanes)
Réduction des risques de nullité de la procédure
en cas de consultation de fichiers de police

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

La consultation de traitements de données dans un cadre judiciaire ne peut être faite que par des agents individuellement désignés et dûment habilités, à peine de nullité de la procédure. Néanmoins, en l’état du droit, la seule absence de la mention de l’habilitation dans le dossier de procédure suffit à entraîner cette nullité, indépendamment de la réalité de l’habilitation.

Afin de réduire les nullités procédurales, sans remettre en cause les garanties nécessaires, le présent article introduit une simplification :

– l’habilitation, naturellement, demeure toujours indispensable pour la consultation des traitements de données ;

– l’absence de la mention de l’habilitation dans la procédure ne serait en revanche plus, par elle-même, une cause de nullité, le magistrat disposant de la possibilité, d’office ou à la demande des personnes intéressées, de vérifier la réalité de l’habilitation.

       Dernières modifications intervenues

Dans deux arrêts des 26 juin 2018 et 19 février 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a annulé la procédure de consultation de fichiers au motif que la réalité de l’habilitation de l’agent ayant procédé à la consultation n’était pas établie.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a modifié qu’à la marge cet article, en procédant à une correction rédactionnelle.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

1.   L’état du droit

a.   L’encadrement général de la consultation de traitements de données personnelles

La consultation de traitements de données dans le cadre d’une procédure judiciaire fait l’objet d’un encadrement strict dont la pièce faîtière est la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » ([284]), afin que les libertés individuelles (et notamment le respect de la vie privée) soient pleinement garanties.

L’article 31 de cette loi prévoit ainsi, à son I, la possibilité pour les ministres compétents de créer, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), des traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État qui :

– intéressent la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique (1° du I) ;

– ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite d’infractions pénales (2° du même I) ;

– ont pour objet l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté (même 2°).

Les personnes susceptibles de recevoir communication des données concernées doivent être individuellement désignées et habilitées à cet effet par l’autorité dont elles dépendent. Le principe d’une autorisation préalable expresse d’accès aux données à caractère personnel figurant dans un traitement de données judiciaire est également consacré par le droit de l’Union européenne ([285]).

b.   Les fichiers de police judiciaire

● S’agissant plus particulièrement des fichiers de police judiciaire, le code de procédure pénale fixe leur cadre à ses articles 230‑6 à 230‑19, qui portent sur trois types de fichiers.

D’une part, sont prévus les fichiers d’antécédents, correspondant aux traitements automatisés de données à caractère personnel destinés à faciliter la constatation d’infractions, le rassemblement de preuves et la recherche des auteurs.

Les données personnelles concernées sont, notamment, celles recueillies au cours d’enquêtes de flagrance ou préliminaire ou lors d’une information judiciaire, et portant sur des crimes, délits ou contraventions de cinquième classe sanctionnant des atteintes aux personnes ou aux biens (1° de l’article 230‑6 du CPP).

D’autre part, existent les fichiers d’analyse sérielle, qui visent à rassembler les preuves et identifier les auteurs de crimes ou délits sériels par l’établissement de liens entre individus, événements et infractions.

Enfin, l’article 230‑19 prévoit l’existence du fichier des personnes recherchées, dont les modalités sont mises en œuvre par un décret du 28 mai 2010 ([286]).

Ce fichier est créé par le ministre de l’intérieur et a pour finalité de faciliter les recherches, contrôles et surveillances.

● L’accès aux informations contenues dans ces fichiers est strictement encadré et réservé aux personnes spécialement habilitées, ainsi qu’il résulte :

– de l’article 230‑10 du CPP pour les fichiers d’antécédents, l’article 230‑11 renvoyant à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL le soin de fixer, notamment, les modalités d’habilitation ;

– de l’article 230‑16 du même code pour les fichiers d’analyse sérielle, l’article 230‑18 procédant à un renvoi similaire – en mentionnant expressément l’article 31 de la loi « informatique et libertés » précitée ;

– de l’article 5 du décret du 28 mai 2010 précité pour le fichier des personnes recherchées.

Les dispositions réglementaires d’application de ces fichiers sont prévues aux articles R. 40‑23 à R. 40‑38 du CPP (l’article R. 40‑38, relatif au fichier des personnes recherchées, renvoyant au décret du 28 mai 2010 précité). Les modalités d’habilitation concernant les deux premiers fichiers sont prévues aux articles R. 40‑28 et R. 40‑35.

● Outre ces trois fichiers généraux, existent des traitements automatisés de données particulières, tels que :

– le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), régi par un décret du 8 avril 1987 ([287]), dont l’accès est réservé à certains fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie nationale, qui doivent être individuellement désignés et dûment habilités (article 8 du décret) ;

– le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), prévu aux articles 706‑54 et suivants du CPP (et à ses articles R. 53‑9 et suivants pour les modalités d’application), dont l’accès aux informations qu’il contient est réservé aux personnels de police technique et scientifique dûment habilités, ainsi qu’en dispose l’article R. 53‑18 du même code ;

– le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, prévu aux articles 706‑25‑3 et suivants du CPP ; les modalités de consultation de ce fichier et le principe de l’habilitation des agents figurent aux articles R. 50‑51 et R. 50‑52 du CPP ;

– le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, prévu aux articles 706‑53‑1 et suivants du CPP ; la consultation par des agents habilités est régie par les articles R. 53‑8‑23 et R. 53‑8‑24 du CPP ;

– les traitements automatisés de contrôle des données signalétiques des véhicules, dont le fichier LAPI (lecture automatisée des plaques d’immatriculation), prévus par un arrêté du 18 mai 2009 ([288]) et dont l’accès est réservé à certains agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes, individuellement désignés et dûment habilités (article 5 de l’arrêté).

c.   L’exigence prétorienne de la mention expresse de l’habilitation dans la procédure, à peine de nullité

L’habilitation expresse de l’agent qui a consulté le système de traitement de données est une garantie pour la protection des libertés individuelles des personnes, ainsi qu’il a été vu, et fait à ce titre l’objet d’un contrôle strict de la part du juge.

● La Cour de cassation considère ainsi que l’absence, dans la procédure, de justifications de la réalité de l’habilitation de l’agent, est une cause de nullité de la procédure : l’identité et l’habilitation de l’agent qui a accédé au fichier considéré doivent figurer dans le dossier.

Cette position a conduit la chambre criminelle de la Cour, le 26 juin 2018, à casser l’arrêt d’une chambre d’instruction en ses dispositions relatives à la régularité de la consultation du fichier LAPI, au motif que les éléments de procédure étaient insuffisants pour établir que cette consultation avait été réalisée par un agent régulièrement habilité ([289]).

Une solution similaire résulte d’un arrêt de la chambre criminelle du 19 février 2019, qui a retenu la nullité de la consultation du fichier LAPI faute de motifs suffisants à établir que l’accès au fichier a été le fait d’un agent régulièrement habilité ([290]).

Ainsi, au regard de la jurisprudence, l’absence de mention de l’habilitation dans la procédure entraîne la nullité de la consultation du fichier – alors même que l’habilitation peut tout à fait être valable, et sans que le juge n’ait à rechercher son existence.

● À cet égard, la position de la chambre criminelle est différente de celle du juge administratif : ce dernier, lorsqu’est soulevé un moyen tiré d’une absence d’habilitation et que cette dernière ne ressort pas du dossier, ne prononce pas automatiquement une annulation, mais met en œuvre ses pouvoirs d’instruction afin de former sa conviction, notamment en exigeant de l’administration la production de tout document utile (et donc de l’habilitation). Cette position ressort ainsi d’une décision du Conseil d’État du 17 novembre 2017 en matière d’assermentation d’agents ([291]), ou encore d’un arrêt de la cour administrative de Marseille rendu peu de temps avant, dans lequel la cour indiquait « qu’il appartient à l’administration de justifier devant les juges du fond, si une contestation est initiée sur ce point, de ce que l’agent ayant procédé à la consultation […] bénéficiait effectivement de l’habilitation spéciale prévue par la loi » ([292]).

2.   Le dispositif proposé

Le présent article propose d’apporter une simplification procédurale permettant de sécuriser des procédures de consultation de fichiers de données à caractère personnel sans remettre pour autant en cause les garanties bénéficiant aux personnes dont les données sont ainsi consultées.

● S’inspirant de la logique qui prévaut devant les juridictions administratives, il prévoit un mécanisme à trois volets :

– le principe de ce que seules les personnes spécialement et individuellement habilitées pour consulter des traitements lors d’une enquête ou une information judiciaire est expressément rappelé ;

– le défaut, dans la procédure, de la mention de l’habilitation n’est pas, par lui-même, une cause de nullité de la procédure ;

– la réalité de l’habilitation peut être contrôlée par un magistrat à tout moment, soit à la demande d’une personne intéressée – par exemple si un moyen en ce sens est soulevé –, soit d’office, à son initiative.

Formellement, ce mécanisme figure dans un nouvel article 155 du CPP, qui viendrait compléter la section I du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de ce code, relative aux dispositions générales concernant la police judiciaire.

Un dispositif analogue est prévu pour les agents des douanes, à travers un nouvel article 55 ter du code des douanes

● Ce mécanisme de présomption légale d’habilitation est ainsi de nature à opérer une conciliation équilibrée entre :

– la sécurisation et la simplification des procédures de consultation de traitements de données, en supprimant la nullité automatique tirée du défaut de mention de l’habilitation ;

– et l’effectivité du respect de la garantie en vertu de laquelle seules les personnes désignées et habilitées peuvent accéder à ces données, assurée par le fait :

Telle est d’ailleurs l’analyse faite par le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi ([293]).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans autre modification qu’une correction rédactionnelle, fruit de l’adoption en commission d’un amendement de M. Emmanuel Capus (Les Indépendants – République et Territoires).

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

Article 12 bis (nouveau)
(art. L. 2343 du code de la sécurité intérieure et art. 171 de la loi n° 9573 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité)
Consultation de traitements automatisés de données
par le SNEAV, les agents des douanes et la DGSI

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption par la Commission d’un amendement de M. Ian Boucard et des membres du groupe LR sous-amendé par votre rapporteur ; il étend de façon encadrée les hypothèses de consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie.

1.   L’état du droit

● L’article L. 234‑1 du code de la sécurité intérieure (CSI) prévoit, dans le cadre d’enquêtes administratives, la possibilité de consulter des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie, en particulier le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ).

De telles consultations sont autorisées notamment pour instruire les demandes d’acquisition de la nationalité française et la délivrance et le renouvellement de titre de séjours, ainsi que le prévoit l’article 17‑1 de la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité ([294]).

● En outre, aux termes de l’article L. 234‑3 du CSI, les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, spécialement et individuellement habilités à cet effet, peuvent consulter ces traitements de données, y compris pour accéder à des données portant sur des procédures judiciaires, lorsque les missions ou interventions comportent des risques d’atteintes à l’ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens.

● Enfin, les agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), là encore sous réserve d’une habilitation individuelle, peuvent consulter ces traitements, en application de l’article L. 234‑4 du CSI, sous réserve que cela soit effectué pour les seuls besoins liés à la protection des intérêts mentionnés aux 1°, 4° et 5° de l’article L. 811‑3 du CSI, c’est-à-dire :

– l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (1°) ;

– la prévention du terrorisme (4°) ;

– la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant à maintenir ou reconstituer des groupements dissous, et des violences collectives gravement attentatoires à la paix publique (5°).

2.   Le dispositif introduit par la Commission

Le présent article est le fruit de l’adoption par la Commission d’un amendement de M. Ian Boucard et des membres du groupe LR (amendement CL707) ayant recueilli l’avis favorable de votre rapporteur, et ayant fait l’objet d’un sous‑amendement de votre rapporteur (sous-amendement CL762).

Il procède à trois extensions ciblées et encadrées des hypothèses de consultation des fichiers judiciaires, en particulier le TAJ.

● D’une part, en modifiant l’article 17‑1 de la loi du 21 janvier 1995 précitée (I du présent article), il permet la consultation du TAJ dans le cadre d’enquêtes administratives réalisées pour instruire des demandes de visa ou d’autorisation de voyage.

Cela va permettre au Service national des enquêtes d’autorisation de voyage (SNEAV) d’améliorer les enquêtes administratives qu’il réalise en accédant aux antécédents judiciaires, afin de vérifier que les demandeurs ne présentent pas de menace pour la sécurité – mesure qui semble particulièrement opportune dans le contexte des manifestations sportives internationales organisées par la France en 2023 (Coupe du monde de rugby masculine) et 2024 (Jeux olympiques et paralympiques d’été).

● D’autre part, le  du II du présent article étend aux agents des douanes la faculté aujourd’hui reconnue aux policiers et gendarmes d’accéder au TAJ, y compris pour des données relatives à des procédures en cours, lorsque la nature ou les circonstances des missions ou interventions présentent un risque particulier – seuls les agents spécialement et individuellement habilités pourront accéder aux données.

En effet, les agents des douanes sont confrontés, comme les policiers et les gendarmes, à des risques particulièrement élevés eu égard à la nature des trafics illicites.

● Enfin, la consultation du TAJ par les agents de la DGSI a été étendue à de nouvelles missions, à la suite de l’adoption du sous-amendement de votre rapporteur.

Cette extension, prévue par le  du II du présent article, modifie l’énumération des intérêts dont la préservation justifie l’accès au fichier, figurant à l’article L. 234‑4 du CSI, pour y inclure :

– les intérêts majeurs de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux ;

– la prévention des ingérences étrangères ;

– les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs du pays ;

– la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.

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*     *

Article 13
(art. 7711 du code de procédure pénale)
Extension des autorisations générales de réquisitions

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 77‑1‑1 du code de procédure pénale (CPP) prévoit, à son dernier alinéa, la possibilité pour le procureur de la République d’autoriser les enquêteurs dans le cadre d’une enquête préliminaire, au moyen d’instructions générales, à procéder à la réquisition d’informations issues de dispositifs de vidéoprotection.

Ces autorisations générales sont temporaires (six mois) et le procureur doit être avisé des réquisitions réalisées, afin de respecter le principe en vertu duquel la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle du parquet.

Afin de simplifier la procédure pénale en allégeant son formalisme, le présent article étend le champ d’application de ces autorisations générales à quatre nouveaux types de réquisitions portant :

– sur les informations bancaires d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction ;

– sur les données d’état civil, les documents d’identité et les titres de séjour du suspect ;

– sur des informations en matière de travail dissimulé, telles que la liste du personnel ;

– sur des données relatives à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation.

Cet article renforce également l’encadrement de ces autorisations générales de réquisitions à deux égards :

– elles ne pourront concerner que des crimes ou des délits punis d’emprisonnement, énumérés par le procureur de la République ;

– ce dernier, immédiatement avisé des réquisitions, pourra les rapporter, et modifier ou mettre un terme anticipé aux autorisations générales.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020‑1672 du 24 décembre 2020 a permis aux procureurs de la République de prendre des instructions générales autorisant, à titre temporaire, les enquêteurs à procéder à des réquisitions de personnes qualifiées, ainsi qu’à des réquisitions d’informations issues de dispositifs de vidéoprotection.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas modifié cet article.

       Modifications apportées par la Commission

Outre l’adoption d’un aménagement rédactionnel, la Commission :

– a étendu la possibilité de procéder à la réquisition de données bancaires sur le fondement d’autorisations générales, aux données des personnes suspectées d’avoir tenté de commettre l’infraction ;

– et a prévu la réalisation d’une évaluation du dispositif après un délai de deux ans.

1.   L’état du droit

a.   Les réquisitions en matière d’enquêtes de flagrance et préliminaire

● Dans le cadre de la procédure pénale, l’enquête consiste en la recherche d’éléments permettant de constater et caractériser une infraction, de rechercher l’auteur des faits et de recueillir les preuves aux fins d’établissement de la vérité ; elle est placée sous le contrôle du procureur de la République, qui dirige à cet effet la police judiciaire (articles 12 et 41 du code de procédure pénale – CPP). À ce titre, et aux termes de l’article 39‑3 du CPP, le procureur « peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs ». Le placement de la police judiciaire sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire résulte de l’article 66 de la Constitution ([295]).

Deux principaux types d’enquête existent en droit français :

– l’enquête de flagrance, régie par les articles 53 à 74‑2 du CPP, possible en cas de constatation d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, et limitée en principe à huit jours ;

– l’enquête préliminaire, régie par les articles 75 à 78 du CPP, qui correspond aux situations n’entrant pas dans le cadre de l’enquête de flagrance ; sa durée a fait l’objet d’une limitation à deux années – avec possibilités encadrées de prolongation – par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ([296]).

● Parmi les différents d’actes d’investigation, se trouvent les réquisitions, régies par les articles 60 à 60‑3 du CPP pour l’enquête de flagrance, et par les articles 77‑1 à 77‑1‑3 pour l’enquête préliminaire. Ces réquisitions s’imposent aux personnes sollicitées, qui ne peuvent s’y soustraire sauf motif légitime, sous peine d’encourir une amende de 3 750 euros.

Deux principaux types de réquisition sont prévus :

– les réquisitions à personne, qui ont pour objet la réalisation d’un acte par une personne tierce, tel que l’ouverture d’une porte ou un examen scientifique (articles 60 et 77‑1 du CPP, portant respectivement sur l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire) ;

– les réquisitions aux fins d’informations, destinées à obtenir des « informations intéressant l’enquête », incluant notamment les données de connexion (articles 60‑1 à 60‑3 du CPP pour l’enquête de flagrance, et articles 77‑1‑1 et 77‑1‑2 du même code pour l’enquête préliminaire).

Est également prévue la réquisition de personnes qualifiées aux fins d’ouverture de scellés placés sur des objets qui sont le support de données informatiques, afin de copier ces données (articles 60‑3 du CPP pour l’enquête de flagrance, et 77‑1‑3 du même code pour l’enquête préliminaire).

La mise en conformité à la Constitution du cadre juridique
des réquisitions de données de connexion

● Le Conseil constitutionnel, par une décision du 3 décembre 2021 (1), a censuré les dispositions des articles 77‑1‑1 (alinéa premier) et 77‑1‑2 du CPP permettant au procureur de la République, sans contrôle préalable d’une juridiction indépendante, d’autoriser la réquisition d’informations issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives qui comprennent des données de connexion.

Le Conseil a jugé que ces réquisitions n’étaient pas assorties d’autres garanties que celle de l’autorisation du procureur, chargé de contrôler la légalité et la proportionnalité des actes d’investigation, notamment en ce qu’elles pouvaient porter sur tout type d’infraction dans le cadre d’une enquête qui n’est pas justifiée par l’urgence. Cela ne permettait pas d’assurer une conciliation équilibrée entre protection du droit à la vie privée et recherche des auteurs d’infractions.

● Pour répondre à cette censure, dont l’effet fut différé au 31 décembre 2022, le législateur a apporté au cadre juridique des réquisitions des garanties à même de concilier les impératifs précédemment évoqués, à travers un nouvel article 60‑1‑2 du CPP (2). Aux termes de ce dernier, les réquisitions de données de connexion ne sont possibles, « si les nécessités de la procédure l’exigent », que dans quatre hypothèses limitativement énumérées :

– la procédure porte sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;

– les réquisitions visent à identifier l’auteur d’un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement commis au moyen d’un réseau de communications électroniques ;

– elles concernent les équipements terminaux de la victime et interviennent à la demande de celle-ci en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

– elles tendent à retrouver une personne disparue.

Cet encadrement s’applique dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préalable et d’une information judiciaire, les articles pertinents du CPP relatifs à chacune de ces procédures renvoyant au nouvel article 60‑1‑2.

(1) Conseil constitutionnel, décision  2021952 QPC du 3 décembre 2021, M. Omar Y. [Réquisition de données informatiques par le procureur de la République dans le cadre d’une enquête préliminaire].

(2) Introduit par l’article 12 de la loi n° 2022299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.

b.   Les autorisations générales de réquisitions

Outre celles autorisées au cas par cas, les enquêteurs peuvent réaliser des réquisitions sur autorisation générale du procureur de la République, obéissant à un encadrement juridique particulier.

i.   Les autorisations générales de réquisitions de personnes qualifiées

Les réquisitions à personnes qualifiées, pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, sont régies dans le cadre de l’enquête préliminaire par l’article 77‑1 du CPP, et sont réalisées par le procureur de la République ou, sur son autorisation, par les officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ).

● Jusqu’en 2019, plusieurs parquets avaient l’habitude de donner aux OPJ et APJ des autorisations permanentes de procéder à de telles réquisitions, pratique endossée par la Chancellerie qui l’a encouragée par voie de circulaire, au motif que la formulation des demandes d’autorisation et leur délivrance « constitue une charge de travail importante pour les enquêteurs comme pour les magistrats » ([297]).

Cette pratique a néanmoins été remise en cause par la Cour de cassation dans un important arrêt rendu le 17 décembre 2019 par sa chambre criminelle ([298]), qui a jugé qu’il résultait de l’article 77‑1 du CPP « que l’autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques doit être donnée dans le cadre de la procédure d’enquête préliminaire en cours et non par voie d’autorisation générale et permanente préalable ; que cette interprétation est commandée par la nécessité de garantir la direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République ».

● Afin de concilier le respect du principe constitutionnel selon lequel la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire, avec la nécessité de fluidifier l’enquête préliminaire en allégeant une charge matérielle importante, la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen est venue préciser et moderniser le cadre juridique des autorisations des procureurs lors d’enquêtes préliminaires ([299]).

À cet effet, l’article 77‑1 du CPP a été enrichi d’un nouvel alinéa (alinéa 3) aux termes duquel le procureur de la République, sur le fondement de l’article 39‑3 du même code, peut prendre des instructions générales permettant aux OPJ et APJ de procéder à des réquisitions de personnes qualifiées, dans le cadre suivant :

– ces instructions générales sont temporaires, leur durée ne pouvant excéder six mois (elles peuvent cependant être renouvelées) ;

– elles tendent à la réalisation d’examens médicaux ou psychologiques de la victime, d’examens médicaux de la personne suspectée d’une infraction sexuelle sur mineure, ou d’expertises de la responsabilité pénale d’un majeur protégé ;

– le procureur doit être avisé sans délai des réquisitions ainsi réalisées sur le fondement de l’instruction générale.

ii.   Les autorisations générales de réquisitions d’informations en matière de vidéoprotection

La loi du 24 décembre 2020 précitée, en complétant d’un alinéa en ce sens l’article 77‑1‑1 du CPP relatif aux réquisitions aux fins de remise d’informations, a par ailleurs permis aux procureurs de la République de délivrer des autorisations générales de réquisition d’informations issues de dispositifs de vidéoprotection.

Cette mesure fut introduite à l’initiative du rapporteur du projet de loi au Sénat, se fondant sur l’usage très fréquent de telles réquisitions pour établir la preuve d’infractions commises sur la voie publique et pour en identifier leurs auteurs (en particulier s’agissant de vols, de violences, de dégradations ou encore de faits de harcèlement de rue) ([300]).

Le cadre de ces autorisations résultant d’instructions générales est voisin de celui prévu à l’article 77‑1 au titre des réquisitions de personnes qualifiées :

– les instructions générales sont prises en application de l’article 39‑3 du CPP ;

– leur durée ne peut excéder six mois (avec possibilité de renouvellement) ;

– elles concernent des catégories d’infractions déterminées par le procureur ;

– ce dernier est avisé sans délai de ces réquisitions.

 

La réquisition de données de connexion sur autorisation du parquet
à l’épreuve du droit de l’Union européenne

Si, ainsi qu’il a été vu, le cadre juridique des réquisitions de données de connexion a récemment évolué à la suite d’une censure prononcée par le Conseil constitutionnel, il pourrait connaître prochainement une nouvelle évolution, liée à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant l’Estonie.

● Dans une décision du 2 mars 2021 dite Prokuratuur, saisie d’une question préjudicielle par la cour suprême estonienne, la CJUE a considéré que le droit de l’Union européenne faisait obstacle à une législation nationale donnant compétence « au ministère public, dont la mission est de diriger la procédure d’instruction pénale et d’exercer, le cas échéant, l’action publique, pour autoriser l’accès aux données » de connexion « aux fins d’une instruction pénale » (données relatives au trafic et de localisation) (1).

La CJUE a, en effet, considéré que l’accès à ces données doit être subordonné à un « contrôle préalable effectué soit par une juridiction soit par une entité administrative indépendante » (point 51), présentant « toutes les garanties nécessaires en vue d’assurer une conciliation des différents intérêts et droits en cause » (point 52). Cette exigence d’indépendance, poursuit la Cour, impose que l’autorité chargée du contrôle préalable « d’une part, ne soit pas impliquée dans la conduite de l’enquête pénale en cause et, d’autre part, ait une position de neutralité vis-à-vis des parties à la procédure pénale » (point 54).

La Cour en a conclu que tel n’était « pas le cas d’un ministère public qui dirige la procédure d’enquête et exerce, le cas échéant, l’action publique », le ministère public ne tranchant pas le litige en toute indépendance, mais ayant pour mission de soumettre ledit litige à une juridiction en tant que partie (points 55 et 56).

● Tirant les conséquences de cette décision de la CJUE, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans deux arrêts du 12 juillet 2022 (2), a jugé que n’étaient pas conformes au droit de l’Union européenne, en tant qu’ils donnaient l’autorisation d’accéder aux données de connexion au ministère public :

– les articles 60‑1 et 60‑2 du CPP, concernant l’enquête de flagrance ;

– et les articles 77‑1‑1 et 77‑1‑2 du CPP, s’agissant de l’enquête préliminaire.

En revanche, la Cour de cassation n’a pas étendu la décision de la CJUE aux dispositions correspondantes applicables à l’information judiciaire (articles 99‑3 et 99‑4 du CPP), au motif que le juge d’instruction, qui n’exerce pas l’action publique mais statue de façon impartiale sur le sort de celle-ci, est habilité à contrôler l’accès aux données de connexion.

(1) CJUE, Grande chambre, 2 mars 2021, H.K., en présence de Prokuratuur, C746/18.

(2) Cass., crim., 12 juillet 2022, n°s 2183.710 et 2183.820, au Bulletin.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article s’inscrit dans un cadre voisin des dispositions introduites par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen précitée, et poursuit le même objectif : concilier l’efficacité et la fluidité de l’enquête préliminaire avec l’exigence constitutionnelle en vertu de laquelle la police judiciaire est dirigée et contrôlée par l’autorité judiciaire, en l’occurrence le procureur de la République.

À cet effet, il étend les hypothèses d’application des autorisations de réquisitions d’informations résultant d’instructions générales du procureur prévues par le dernier alinéa de l’article 77‑1‑1 du CPP, tout en précisant les garanties attachées à cette procédure, en remplaçant cet alinéa par sept nouveaux alinéas.

a.   Le renforcement des garanties attachées à ces autorisations générales

Le dispositif proposé reprend, en les précisant utilement, les garanties attachées aux autorisations de réquisitions d’informations prises sur le fondement d’instructions générales du parquet. Ces précisions figurent au dernier alinéa de l’article 77‑1‑1 du CPP dans sa rédaction issue du présent article (alinéa 8 de ce dernier).

● D’une part, s’agissant du champ d’application matériel de la procédure, le dispositif proposé prévoit un ciblage plus fin des catégories d’infractions concernées.

Si le nouvel alinéa 4 de l’article 77‑1‑1 du CPP (alinéa 2 du présent article) retient, comme la rédaction actuellement en vigueur, la nécessité que les infractions doivent avoir été préalablement déterminées par le procureur (« limitativement énumérées », dans la rédaction proposée), seuls les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement peuvent être concernés par les autorisations générales de réquisitions – là où, en l’état du droit, le dernier alinéa de l’article 77‑1‑1 se borne à viser les « catégories d’infractions » déterminées par le procureur, pouvant donc inclure des délits punis d’une seule peine d’amende.

● D’autre part, la limitation temporelle de ces instructions générales est reprise, la durée retenue étant de six mois, soit la même que celle actuellement en vigueur – étant précisé que cette durée peut être renouvelée par le procureur de la République.

Ce dernier pourra également, en vertu de la nouvelle rédaction, modifier ses instructions générales ou y mettre fin avant leur terme. Cette mention inédite permet de calibrer le dispositif au plus près des besoins des enquêtes.

● Enfin, s’agissant des réquisitions proprement dites, le procureur de la République devra être « immédiatement avisé » de leur délivrance, l’avis fait au procureur devant préciser les infractions pour lesquelles la réquisition a été établie par l’OPJ.

Le dispositif prévoit également que le procureur, ainsi avisé, pourra ordonner de rapporter la réquisition (par exemple, s’il l’estime inutile ou si elle ne s’inscrit pas dans le champ d’application du dispositif). Là encore, cette mention est de nature à assurer une adéquation maximale de la mise en œuvre de la procédure aux enquêtes réalisées.

● D’une manière générale, ces garanties, qu’il s’agisse de celles qui concernent les instructions générales (temporalité limitée, modulation, ciblage affiné) ou les réquisitions en tant que telles (information immédiate, possibilité de rapporter) sont à même de pleinement respecter le principe constitutionnel en vertu duquel le procureur de la République exerce la direction et le contrôle de la police judiciaire dans le cadre des enquêtes.

b.   L’enrichissement des informations susceptibles de faire l’objet de réquisitions au titre d’instructions générales

Cinq catégories d’informations seraient susceptibles de faire l’objet d’autorisations générales de réquisitions, dont quatre nouvelles.

i.   Les données des systèmes de vidéoprotection

En premier lieu, au  de l’article 7711 du CPP, est reprise l’hypothèse existante dans la rédaction actuelle de cet article, en la précisant. Est en effet concernée « la remise d’enregistrements issus d’un système de vidéoprotection », dès lors qu’elle concerne :

– les lieux dans lesquels l’infraction a été commise ;

– ceux dans lesquels pourraient se trouver les personnes à l’égard desquelles existent des raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre l’infraction.

Le ciblage des informations est donc plus fin ; pour mémoire, le droit actuel vise les « informations intéressant l’enquête qui sont issues d’un système de vidéoprotection ».

ii.   Les informations bancaires

En deuxième lieu, les autorisations générales de réquisitions pourront porter sur les informations bancaires concernant les personnes suspectées d’avoir commis l’infraction.

Les autorisations générales de réquisitions concerneront ainsi la recherche des comptes bancaires de ces personnes et le solde de leurs comptes ( de l’article 7711).

iii.   Les données relatives au personnel en cas de travail dissimulé

En troisième lieu ( de l’article 7711), sont visées les listes des employés (salariés, collaborateurs, personnels) et prestataires de service, sous réserve que l’enquête préliminaire porte sur les délits en matière de travail dissimulé définis à l’article L. 8221‑1 du code du travail, c’est-à-dire la méconnaissance des interdictions du travail dissimulé, de la publicité tendant à favoriser le travail dissimulé et du recours, direct ou indirect, aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé.

Plus précisément, sont ciblés les délits passibles des peines prévues :

– à l’article L. 8224‑1 du code du travail, qui sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la méconnaissance de ces interdictions ;

– à l’article L. 8224‑2 du même code, qui sanctionne :

iv.   Les informations d’état civil et de documents officiels

En quatrième lieu, les autorisations générales de réquisitions pourront porter sur la remise de données relatives à l’état civil, aux documents d’identité et, le cas échéant, aux titres de séjour des personnes suspectées d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction ( de l’article 7711).

v.   Les données LAPI

Enfin, en cinquième et dernier lieu, le présent article retient les données relatives à la lecture automatisée de plaques d’immatriculation (LAPI) ( de l’article 7711), sous réserve que :

– l’infraction ciblée a été commise avec un véhicule ;

– les données LAPI sont de nature à permettre la localisation d’une personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

4.   La position de la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a enrichi le champ des données bancaires susceptibles de faire l’objet d’autorisations générales de réquisitions en y introduisant la tentative : seront ainsi concernées les données non seulement des personnes suspectées d’avoir commis l’infraction mais aussi des personnes suspectées d’avoir tenté de la commettre (amendement CL678).

La Commission a également prévu qu’une évaluation de l’extension du champ des autorisations générales de réquisitions prévues par le présent article serait réalisée dans un délai de deux ans, faisant écho aux préconisations formulées par le Conseil d’État dans son avis du 10 mars 2022 précité.

Cet ajout résulte de l’adoption d’un amendement de M. Roger Vicot et les membres du groupe Soc (amendement CL171), sous-amendé par votre rapporteur (sous-amendement CL763).

Enfin, la Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur (amendement CL679).

*

*     *

Article 13 bis
(art. 571, 74, 763, 783, 971, 994, 1003, 1004 et 70656 du code de procédure pénale, art. L. 8135 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Extension des prérogatives des agents de police judiciaire sous le contrôle des officiers de police judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en commission, étend les prérogatives des agents de police judiciaire (APJ) en leur permettant de réaliser certains actes en matière de réquisitions, de constatations et d’informations, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le maintien de la qualité d’APJ, pour certaines personnes appelées au titre des réserves opérationnelles de la police nationale et de la gendarmerie nationale, a été étendu aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie actifs – et non uniquement retraités – par la loi n° 2022‑52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

       Modifications apportées par la Commission

Outre une coordination, la Commission, en adoptant un amendement en ce sens de votre rapporteur, a étendu au cadre de l’enquête préliminaire la possibilité, pour les APJ, de requérir une personne lors d’une perquisition pour accéder à des données.

1.   L’état du droit

● Dans le cadre de la procédure pénale, de nombreux actes sont réalisés par les officiers de police judiciaire (OPJ), de leur propre initiative ou sur autorisation ou réquisition du procureur de la République ou du juge d’instruction, en fonction du type d’acte et du cadre d’investigation – enquête de flagrance, enquête préliminaire ou information judiciaire.

À titre d’exemples, l’OPJ peut réaliser une réquisition de personnes qualifiées de sa propre initiative dans le cadre d’une enquête de flagrance (article 60 du code de procédure pénale – CPP), et sur autorisation du procureur dans le cadre d’une enquête préliminaire (article 77‑1 du CPP).

● Certains de ces actes peuvent également être réalisés par un agent de police judiciaire (APJ), sous le contrôle de l’OPJ. Tel est ainsi le cas :

– des réquisitions dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaire ;

– s’agissant de la garde à vue, de l’information des droits de la personne placée en garde à vue et de l’information de l’avocat de celle-ci sur la nature et la date présumée de l’infraction, ainsi que sur la direction des auditions et confrontations ;

– ou encore de l’accès à des données informatiques lors d’une perquisition.

En revanche, certains actes demeurent exclus des prérogatives des APJ, en particulier dans le cadre d’une information judiciaire. À titre d’exemple, si dans les enquêtes de flagrance et préliminaire, la réquisition de personnes qualifiées pour ouvrir des scellés aux fins de copier des données informatiques peut être effectuée par un APJ sous le contrôle d’un OPJ (articles 60‑3 et 77‑1‑3 du CPP), dans le cadre d’une information judiciaire, seul un OPJ peut le faire (article 99‑5 du même code).

Pour mémoire, les APJ sont énumérés aux articles 20 et 20‑1 du CPP (le second article concernant les membres de la réserve opérationnelle).

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit en commission à l’initiative des rapporteurs, MM. Marc‑Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (UC).

a.   Le dispositif introduit en commission par le Sénat

Cet article prévoit une extension relativement substantielle des prérogatives des APJ, sous le contrôle systématique des OPJ, afin de leur permettre de réaliser des actes aujourd’hui effectués par les OPJ.

● Dans le détail, un APJ pourrait désormais, sous le contrôle d’un OPJ, réaliser davantage d’actes de réquisition :

– dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une information judiciaire, réquisitionner toute personne susceptible de protéger des données auxquelles il a été accédé lors d’une perquisition, ou de remettre des informations permettant l’accès à ces données, à travers une modification de l’article 57‑1 du CPP (le premier alinéa de ce même article 57‑1 permettant déjà aux APJ d’accéder à ces données) et de l’article 97‑1 du même code ( et 5° du I du présent article) ;

– dans le cadre d’une information judiciaire, procéder aux réquisitions aux fins d’informations auprès des opérateurs de télécommunication, à travers une modification de l’article 99‑4 du CPP ( du I du présent article), et aux réquisitions pour ouvrir des scellés afin de copier des données, en modifiant en ce sens l’article 99‑5 du même code ( du I du présent article) ;

– toujours dans le cadre d’une information judiciaire, requérir un agent qualifié pour installer un dispositif d’interception de communications électroniques, dresser les procès-verbaux des opérations d’interception et d’enregistrement et transcrire la correspondance interceptée (articles 100‑3, 100‑4 et 100‑5 du CPP) ( du I du présent article) ;

– en matière de prélèvement génétique et de réquisition des personnes agréées, demander à ce que la personne ainsi requise procède aux opérations permettant l’enregistrement des empreintes génétiques dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), à travers une modification du troisième alinéa de l’article 706‑56 du CPP ( du I du présent article) ; cette modification est d’ailleurs cohérente avec une autre modification apportée à l’article 11 du projet de loi ([301]), qui permet aux APJ de demander la réalisation d’analyses à la police technique et scientifique.

● Les APJ pourraient également, sous le contrôle d’un OPJ, réaliser certains actes de constatations :

– en cas de découverture d’un cadavre, lorsque la cause de la mort est inconnue ou suspecte, informer le procureur de la République, se transporter sur les lieux, procéder aux premières constatations et, sur délégation du procureur, apprécier la nature des circonstances du décès (article 74 du CPP) ( du I du présent article) ;

– en cas de disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé, ou de disparition inquiétante ou suspecte d’un majeur, procéder aux actes d’enquête sur instruction du procureur de la République pour découvrir la personne disparue (article 74‑1 du CPP) ( du I du présent article). En effet, en l’état du droit, les APJ peuvent assister les OPJ à cet effet, mais non réaliser directement ces actes.

● Enfin, les APJ pourraient, là encore sous le contrôle d’un OPJ, délivrer certaines informations aux personnes :

– en matière de vérification d’identité, informer la personne retenue de son droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification et de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix, et prévenir lui‑même la famille ou la personne choisie si des circonstances particulières l’exigent (alinéa 1er de l’article 78‑3 du CPP) ( du I du présent article) ;

– lorsqu’un étranger fait l’objet d’un placement en retenue en application de l’article L. 813‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), notifier à l’étranger les motifs du placement, la durée maximale de la mesure et les droits dont il bénéficie, à travers une modification de l’article L. 813‑5 du CESEDA (II du présent article).

b.   Les modifications apportées en séance

En séance, à la suite de l’adoption d’un amendement des rapporteurs ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement, le Sénat a procédé à une coordination relative à l’interception de communications électroniques dans le cadre d’une information judiciaire – la mesure figurant à l’alinéa 36 de l’article 10 du projet de loi, il était inutile de l’inscrire au présent article.

3.   La position de la Commission

Jugeant le dispositif pertinent, la Commission l’a approuvé dans son principe, tout en l’enrichissant à l’initiative de votre rapporteur : la possibilité, pour un APJ sous le contrôle d’un OPJ, de requérir une personne pour accéder à des données lors d’une perquisition, a été étendue au cadre de l’enquête préliminaire (amendement CL680).

La Commission a également apporté une coordination entre cet article et l’article 10 du projet de loi, sur la proposition de votre rapporteur (amendement CL681).

Votre rapporteur tient par ailleurs à attirer l’attention sur l’indispensable qualité de la formation des personnels, en particulier des APJ : de la qualité de leur formation dépend, in fine, celle des enquêtes et des procédures conduites. Reconnaître aux APJ des prérogatives étendues n’a ainsi de sens, d’un point de vue opérationnel, qu’en assurant un niveau approprié de compétences, et donc une formation, adaptés. À cet égard, votre rapporteur ne peut que se réjouir de l’accent mis par le Gouvernement sur le système de formation des forces, qu’il s’agisse de la formation initiale, doublée, ou de la formation continue, accrue de moitié.

*

*     *

Chapitre III
Améliorer la réponse pénale

Article 14
(art. 3135, 3221, 322-2, 322-3, 322-15 et 43122 du code pénal, art. L. 22424, L. 3124-4, L. 31247, L. 3124-12, L. 33154, L. 345211 [nouveau] et L. 427419 [nouveau] du code des transports, art. L. 2152 et L. 21521 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 233-2, L. 318-3 et L. 4121 du code de la route, art. L. 322-5 du code du sport, art. L. 3105 du code de commerce, art. L. 1142 du code du patrimoine, art. L. 554-12 du code de l’environnement et art. 49520, 49521 et 495-24-2 [nouveau] du code de procédure pénale)
Généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour tous les délits punis d’une seule peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement au plus

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le mécanisme de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD), forme de transaction pénale, permet de traiter rapidement certains contentieux et apporte une réponse pénale plus systématique à certaines infractions : le paiement de l’AFD par le contrevenant éteint l’action publique – un paiement rapide conduit à un montant minoré, un paiement tardif à un montant majoré. Le contrevenant dispose de la possibilité de contester l’amende, préservant le droit à un recours effectif. Le mécanisme de l’AFD n’est qu’une faculté, le procureur de la République disposant toujours de la possibilité d’engager des poursuites.

L’AFD concerne aujourd’hui onze délits, parmi lesquels la conduite sans permis ou assurance, l’usage illicite de stupéfiants ou encore le vol d’une chose n’excédant pas 300 euros. Les montants des AFD sont variables d’un délit à l’autre ; l’AFD ne peut, en tout état de cause, pas concerner des délits punis d’un emprisonnement de plus de trois ans.

Afin de renforcer l’efficacité de la réponse pénale, le présent article prévoyait initialement la généralisation de la procédure de l’AFD à l’ensemble des délits punis d’une seule peine d’amende ou d’un emprisonnement n’excédant pas un an, en cas de faits simples et établis (certaines exclusions étaient prévues, telles que les délits de presse ou ceux commis par un mineur).

L’article prévoyait également un barème harmonisé du montant des AFD, en fonction du quantum des peines encourues – sous réserve des montants actuellement prévus pour certains délits, s’ils différaient de ceux prévus par le barème.

Enfin, pour préserver les intérêts de la victime d’un délit ayant fait l’objet d’une AFD, cet article permettait à la victime de demander que le contrevenant soit cité à une audience, la victime pouvant ainsi se constituer partie civile.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le principe de l’AFD résulte de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016, qui a rendu cette procédure applicable à deux délits seulement. Le champ d’application de l’AFD a été ultérieurement étendu par la loi n° 2018‑957 du 7 novembre 2018 (pour un délit supplémentaire), par la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 (pour six autres délits), par la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 (pour un délit supplémentaire) et par la loi n° 2022‑52 du 24 janvier 2022 (pour encore un autre délit).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a substitué à la généralisation de l’AFD initialement prévue une extension ciblée de son champ d’application, limitée à quatorze nouvelles catégories de délits.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission, tout en poursuivant l’approche ciblée du Sénat, a étendu le champ d’application de l’AFD à d’autres infractions, en particulier en matière de circulation routière, de transport routier et de navigation. Elle a également prévu la possibilité d’appliquer la procédure de l’AFD y compris en cas de récidive.

Enfin, outre des mesures de coordination, elle a également :

– apporté des simplifications procédurales pour faciliter les contestations ;

– introduit une évaluation du dispositif des AFD.

1.   L’état du droit

Le mécanisme de l’amende forfaitaire est ancien en droit français. Il a d’abord été prévu en matière contraventionnelle et a résulté d’un décret-loi du 28 décembre 1926 concernant l’unification des compétences en matière de police de la circulation et de la conservation des voies publiques. Il est aujourd’hui régi, s’agissant des contraventions, par les articles 529 à 530‑6 du code de procédure pénale (CPP).

En matière de délits, le recours au mécanisme de l’amende forfaitaire est plus récent : l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) a été créée par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ([302]) ; sa procédure est prévue aux articles 495‑17 à 495‑25 du CPP.

a.   Le cadre général de l’AFD

● L’AFD permet d’apporter une réponse pénale simplifiée à travers la sanction rapide du contrevenant. Alternative au jugement par un tribunal, il s’agit d’une procédure de transaction : le paiement, par le contrevenant, de l’AFD éteint l’action publique, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l’article 495‑17 du CPP.

Cette procédure n’est applicable qu’à l’égard de certains délits identifiés par la loi (cf. infra, d). Elle est exclue, aux termes du même article 495‑17 :

– si le délit a été commis par un mineur ([303]) ;

– si plusieurs infractions ont été constatées simultanément et que l’une d’elles au moins ne peut donner lieu à une AFD ;

– si le délit a été commis en situation de récidive légale, sauf disposition législative contraire ; ainsi, l’AFD, par défaut, n’est pas applicable en cas de récidive, mais la loi peut, pour tel ou tel délit, prévoir qu’elle pourra s’appliquer même dans une telle hypothèse.

L’AFD et la récidive

Si, de façon générale, la procédure de l’AFD est, par défaut, exclue en cas de récidive, la loi peut spécialement prévoir qu’elle pourra tout de même être mise en œuvre en cas de récidive pour certaines infractions. C’est cette seconde option que le législateur a d’ailleurs retenue pour la majorité des infractions susceptibles de faire l’objet d’une AFD : sept des onze infractions actuellement éligibles à cette procédure peuvent en effet conduire à une AFD y compris en cas de récidive (cf. infra, d).

En tout état de cause, que l’AFD soit ou non exclue en cas de récidive, elle peut être appliquée à une personne qui commet plusieurs fois la même infraction passible de cette procédure. En effet, depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (1), qui a abrogé l’article 495‑23 du CPP, le paiement de l’AFD n’est plus assimilé à une condamnation définitive pour l’application des règles en matière de récidive délictuelle : il est difficilement envisageable qu’une procédure transactionnelle telle que l’AFD entre dans le décompte des infractions donnant lieu à récidive.

Ainsi, l’exclusion de la récidive ne fait pas obstacle à plusieurs AFD consécutives, l’AFD ne constituant pas le premier terme d’une récidive ; cette exclusion n’a d’effet qu’à l’égard d’une personne qui a fait l’objet d’une condamnation juridictionnelle définitive susceptible de constituer ce premier terme, conformément aux règles prévues par le code pénal.

Enfin, le fait que la loi puisse prévoir que l’AFD soit applicable, y compris en cas de récidive, n’exclut pas des adaptations locales par le procureur, au titre de ses instructions de politiques pénales.

(1) Loi n° 2019222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, article 58.

 Le recours à l’AFD n’est qu’une faculté : en fonction de la politique pénale locale et des circonstances de chaque espèce, le procureur de la République conserve toujours la possibilité d’engager des poursuites devant le tribunal.

Il s’agit ainsi, comme le relevaient, en 2018 devant le Sénat, la garde des Sceaux et le corapporteur du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, d’« une réponse parmi d’autres en fonction de la situation » et d’« un outil supplémentaire dans une gamme de réponse [qui permet] d’individualiser les réponses face aux différents types d’infractions » ([304]).

D’une manière générale, l’AFD – comme les autres outils de réponse pénale – fait l’objet, pour sa mise en œuvre :

– de circulaires portant instructions générales, élaborées par la direction des affaires criminelles et des grâces ;

– d’instructions locales émanant des parquets, pour adapter la mise en application concrète de l’AFD aux spécificités du territoire.

À titre d’exemple, s’agissant des délits de conduite sans permis ou sans assurance (cf. infra, d), une circulaire du 16 novembre 2018 invite à ne pas appliquer l’AFD en cas de doute sur l’identité du conducteur ([305]).

De la même manière, une dépêche du 31 août 2020 a précisé les modalités de mise en œuvre de l’AFD en matière d’usage de stupéfiants (cf. infra, d), en retenant notamment des quantités maximales au-delà desquelles le recours à l’AFD devrait être exclu. Ces quantités maximales sont variables selon le produit stupéfiant en cause : jusqu’à 50 grammes pour le cannabis, 5 grammes pour la cocaïne et 5 cachets ou 5 grammes de poudres pour la MDMA ([306]).

En fonction des spécificités locales, un procureur de la République peut adresser à la police judiciaire des instructions aménageant ces plafonds ; cela traduit l’appropriation par la politique pénale locale des orientations nationales ([307]).

Cela n’est rien d’autre que la traduction des dispositions législative en matière de politique pénale prévues :

– pour le procureur général près la cour d’appel, à l’article 35 du CPP, aux termes duquel le procureur général « précise et, le cas échéant, adapte les instructions générales du ministre de la justice au contexte propre au ressort » ;

– pour le procureur de la République, à l’article 39‑1 du CPP, qui prévoit que, « en tenant compte du contexte propre à son ressort, le procureur de la République met en œuvre la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice, précisées et, le cas échéant, adaptées par le procureur général ».

b.   La procédure de l’AFD : modalités de paiement et contestation

L’AFD, pour être appliquée, suppose que la personne reconnaisse le délit : elle n’a pas vocation à être mise en œuvre si la personne mise en cause conteste la matérialité des faits ([308]).

La procédure de l’AFD est dématérialisée et intervient en deux temps, ainsi qu’il ressort des dispositions réglementaires d’application (article D. 45‑3 à D. 45‑21 du CPP) :

– le délit est constaté par un procès-verbal électronique ;

– le contrevenant reçoit, à la suite de la constatation du délit, un avis d’infraction, une notice de paiement et un formulaire de requête en exonération.

● Aux termes de l’article 495‑18 du CPP, le contrevenant dispose de 45 jours pour acquitter l’amende ([309]). Il peut, dans ce délai, formuler une requête en exonération.

Cependant, le montant de l’AFD :

– est minoré si le paiement intervient entre les mains de l’agent verbalisateur lors de la constatation de l’infraction, ou dans un délai de quinze jours ;

– est majoré, à défaut de paiement ou de requête en exonération dans le délai de 45 jours ; le contrevenant peut alors, dans un délai de trente jours suivant l’envoi de l’avis de paiement de l’amende majorée, former une réclamation auprès du parquet (article 495‑19 du CPP).

● La requête en exonération ou la réclamation (en cas d’AFD majorée) doit obéir à un certain formalisme, ainsi qu’en dispose l’article 495‑21 du CPP.

Ainsi, elle doit en principe être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Cependant, un envoi par voie électronique est possible, selon les modalités prévues aux articles A. 36‑15 et suivants du CPP.

La requête ou la réclamation doit en outre être assortie de la consignation d’une somme égale au montant de l’AFD (ou de l’AFD majorée s’il s’agit d’une réclamation). Des dispenses de consignation sont prévues par les dispositions réglementaires du CPP (article D. 45‑15) ([310]).

● La recevabilité de la contestation est vérifiée par le procureur de la République, qui peut alors :

– soit renoncer à l’exercice des poursuites ;

– soit poursuivre le contrevenant ;

– soit, le cas échéant, aviser ce dernier de l’irrecevabilité de sa contestation, cette décision d’irrecevabilité pouvant être contestée devant le juge (président du tribunal correctionnel ou juge désigné par le président du tribunal judiciaire).

Si le procureur prononce un classement sans suite, ou si le juge décide de la relaxe, la consignation est remboursée. En revanche, en cas de condamnation, l’amende qui sera prononcée ne peut être inférieure au montant de l’AFD (ou, le cas échéant, de l’AFD majorée), augmenté de 10 %. Néanmoins, à titre exceptionnel et en fonction des charges et revenus du contrevenant, le juge peut ne pas prononcer d’amende ou prononcer une amende inférieure à ces planchers, par une décision spécialement motivée.

● Le montant de l’AFD est prévu, pour chacun des délits concernés, par les dispositions spéciales relatives à ces derniers (cf. infra, d). En tout état de cause, aux termes de l’article 495‑17 du CPP, il ne peut excéder celui prévu au premier alinéa de l’article 131‑13 du code pénal, c’est-à-dire 3 000 euros (plafond des amendes contraventionnelles).

Par ailleurs, et conformément au principe général prévu à l’article 131‑38 du code pénal, le montant de l’AFD (de droit commun, minorée et majorée) est quintuplé lorsque l’amende concerne une personne morale (article 495‑24‑1 du CPP).

● Précisons, enfin, qu’en l’absence d’un paiement spontané, est établi un titre exécutoire d’AFD majorée. Après épuisement des voies de recours, ce titre est transmis au Trésor public, qui met en œuvre le recouvrement forcé de l’amende. La persistance du refus de payer l’AFD ne met donc pas en échec le recouvrement ; elle a pour seul effet d’allonger les délais de ce dernier.



 

 

 

 

Synthèse simplifiée de la procédure de l’AFD


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c.   Le cadre constitutionnel et conventionnel de l’AFD

● Le mécanisme de l’AFD a été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que « les exigences d’une bonne administration de la justice et d’une répression effectives des infractions » ([311]) peuvent justifier l’extinction de l’action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, à la condition, toutefois, que la procédure ne porte que sur les délits les moins graves et ne mette en œuvre que des amendes de faible montant.

S’agissant de la seconde condition, le Conseil constitutionnel a relevé que le fait que le montant de l’AFD ne saurait dépasser le plafond des amendes contraventionnelles répond à l’exigence soulevée.

S’agissant de la première condition tenant à la gravité des délits, il a précisé que l’AFD ne saurait, « sans méconnaître le principe d’égalité devant la justice, s’appliquer à des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à trois ans » ([312]).

Le Conseil constitutionnel a également jugé que l’AFD ne méconnaissait pas le principe d’individualisation des peines.

Rappelons que ce principe n’est pas absolu. Le Conseil constitutionnel considère en effet :

– qu’il ne saurait « faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions » ([313]) ;

– et qu’il n’implique « pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » ([314]).

S’agissant de l’AFD en particulier, le Conseil constitutionnel, pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe d’individualisation des peines, s’est notamment attaché aux autres modes d’individualisation de la peine, tels que la possibilité de prononcer une autre des peines encourues, ou de prononcer une amende inférieure, voire ne pas prononcer d’amende, en considération des charges et revenus de la personne. La contestation de l’AFD aboutit ainsi à ce que la peine soit bien prononcée en fonction des circonstances de l’espèce et de la situation du contrevenant.

Le Conseil a également écarté le grief tiré de ce que le caractère forfaitaire de l’amende méconnaissait le principe d’individualisation des peines : l’exigence d’individualisation ne vaut que lorsque la sanction est prononcée par le juge ou une autorité, et ne s’impose pas si la sanction dont le montant forfaitaire est fixé par la loi est volontairement acceptée par la personne ([315]).

Enfin, il a émis une réserve d’interprétation s’agissant du mécanisme du plancher d’amende prévu à l’article 495‑21 du CPP, pour interdire son application lorsque le montant de l’AFD est supérieur à la moitié du plafond général des AFD prévu à l’article 495‑17, c’est‑à‑dire qu’il est supérieur à 1 500 euros ([316]).

● Par ailleurs, le dispositif n’apparaît pas non plus contraire aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF), qui ne s’oppose pas, par principe, à une sanction forfaitaire.

Ainsi, dans une affaire concernant la procédure allemande de contravention administrative, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a ainsi indiqué que, « eu égard au grand nombre des infractions légères […], un État contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des autorités administratives ne se heurte pas à la Convention pour autant que l’intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal » ([317]).

S’agissant plus particulièrement de la France, la CEDH a reconnu la validité du principe de l’amende forfaitaire  en matière contraventionnelle  et a également jugé que l’obligation de consignation ([318]) ne méconnaissait ni le droit d’accès à un tribunal, ni le principe de la présomption d’innocence, garantis par l’article 6 de la CESDHLF : cette obligation de consignation est en effet une « règlementation relative aux formes à respecter pour introduire un recours » et vise « à assurer une bonne administration de la justice » et « prévenir l’exercice de recours dilatoires ou abusifs et éviter l’encombrement excessif » des juridictions ([319]).

d.   Le champ d’application de l’AFD : une réponse pénale inaugurée par la loi de 2016 de modernisation de la justice et progressivement étendue depuis

Ainsi qu’il a été vu, l’AFD s’applique actuellement à des délits expressément identifiés, son champ d’application ayant connu depuis sa création en 2016 une extension progressive : de deux délits à l’origine, l’AFD en concerne désormais onze. Un tableau de synthèse sur le régime de l’AFD pour ces délits figure à la fin du présent développement.

● La loi du 18 novembre 2016 précitée, qui a instauré le principe de l’AFD et introduit les articles 495‑17 et suivants du CPP relatifs à sa procédure, a rendu cette dernière applicable à deux délits :

– la conduite sans permis, sanctionnée par l’article L. 221‑2 du code de la route, avec une AFD de 800 euros, une amende minorée de 640 euros et une amende majorée de 1 600 euros (IV de cet article) ;

– la conduite sans assurance, sanctionnée par l’article L. 324‑2 du même code, avec une AFD de droit commun, minorée et majorée s’élevant, respectivement, à 500 euros, 400 euros et 1 000 euros.

Pour ces deux délits, l’AFD est exclue en cas de récidive légale.

● L’AFD a ensuite été étendue au délit d’installations illicites prévu à l’article 322‑4‑1 du code pénal, par la loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites ([320]).

Les montants de droit commun, minoré et majoré de l’AFD sont, respectivement, de 500 euros, 400 euros et 1 000 euros. Comme pour les deux précédents délits, l’AFD n’est pas applicable en cas de récidive légale.

● L’extension la plus large du champ d’application de l’AFD fut le fruit de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice précitée, dont l’article 58 a rendu cette procédure applicable à six nouveaux délits :

– l’usage illicite de stupéfiants, délit prévu à l’article L. 3421‑1 du code de la santé publique (CSP), retenant une AFD de 200 euros et des amendes minorées et majorées, respectivement, de 150 euros et 450 euros ;

– la vente d’alcool à des mineurs, sanctionnée par l’article L. 3353‑3 du CSP ; les montants de l’AFD de droit commun, minorée et majorée sont de 300 euros, 250 euros et 600 euros ;

– l’offre ou la vente d’alcool dans les foires ou fêtes publiques ([321]), sanctionnée par l’article L. 3352‑5 du CSP, avec une AFD de 200 euros, une amende minorée de 150 euros et une amende majorée de 450 euros ;

– l’occupation des parties communes d’immeubles collectifs, délit prévu à l’article L. 272‑4 du code de la sécurité intérieure ([322]) ; l’AFD s’élève à 200 euros, le montant minoré à 150 euros et le montant majoré à 450 euros ;

– le délit de vente à la sauvette, prévu à l’article 446‑1 du code pénal, retenant une AFD de 300 euros et des montants minorés et majorés, respectivement, de 250 euros et 600 euros ;

– le transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe ([323]), sanctionné par l’article L. 3315‑5 du code des transports ; les montants de droit commun, minoré et majoré de l’AFD sont, respectivement, de 800 euros, 640 euros et 1 600 euros.

Pour l’ensemble de ces six délits, l’AFD est applicable y compris en cas de récidive légale, les dispositions relatives à chacun des délits le prévoyant expressément.

● La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([324]) a étendu l’application de l’AFD au délit d’abandon ou de dépôt illicite de déchets prévu au 4° du I de l’article L. 541‑46 du code de l’environnement, en introduisant à cet article un nouveau VIII prévoyant une AFD d’un montant de 1 500 euros, une amende minorée de 1 000 euros et une amende majorée de 2 500 euros.

La procédure d’AFD n’est ici pas applicable en cas de récidive légale.

● Enfin, la dernière extension du champ de l’AFD résulte de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (RPSI) ([325]), et concerne le vol simple d’une chose dont la valeur n’excède pas 300 euros, à condition qu’il apparaisse, lors de la constatation de l’infraction, que la chose a été restituée à la victime du vol ou que cette dernière a été indemnisée de son préjudice.

Ce dispositif est prévu à l’article 311‑3‑1 du code pénal, et retient une AFD de 300 euros, minorée à 250 euros et majorée à 600 euros. La procédure est applicable y compris en cas de récidive légale.

● Le tableau suivant dresse la synthèse du champ d’application actuel de l’AFD et des montants prévus, pour chacun des onze délits concernés.

Synthèse du champ d’application actuel de l’afd

Délit

Fondement

Peine de droit commun

AFD minorée

AFD

AFD majorée

Récidive

(en euros)

Conduite sans permis

L. 221‑2 code route

1 an
15 000 €

640

800

1 600

Non

Conduite sans assurance

L. 324‑2 code route

3 750 €

400

500

1 000

Non

Installation illicite

322‑4‑1 CP

1 an
7 500 €

400

500

1 000

Non

Usage illicite de stupéfiants

L. 3421‑1 CSP

1 an
3 750 €

150

200

450

Oui

Vente d’alcool aux mineurs

L. 3353‑3 CSP

7 500 €

250

300

600

Oui

Vente d’alcool dans des foires

L. 3352‑5 CSP

3 750 €

150

200

450

Oui

Occupation de parties communes d’immeubles

L. 272‑4 CSI

2 mois
3 750 €

150

200

450

Oui

Vente à la sauvette

446‑1 CP

6 mois
3 750 €

250

300

600

Oui

Violation des règles relatives au chronotachygraphe

L. 3315‑5 code transports

6 mois
3 750 €

640

800

1 600

Oui

Abandon ou dépôt illicite de déchets

L. 541‑46 code environnement

2 ans
75 000 €

1 000

1 500

2 500

Non

Vol simple n’excédant pas 300 euros

311‑3‑1 CP

3 ans
45 000 € (1)

250

300

600

Oui

(1) Peines prévues à l’article 311‑3 pour le vol.

Source : commission des Lois.

Deux constats peuvent être tirés du champ d’application de l’AFD :

– les peines de droit commun encourues sont elles aussi variées, et le montant de l’AFD n’est pas nécessairement directement lié à leur quantum ; à titre d’exemple, l’AFD pour usage de stupéfiants est plus faible que celle prévue en cas de vente d’alcool à un mineur, alors que la première infraction est en principe plus lourdement sanctionnée (peine d’emprisonnement, contre amende simple) ;

– les conditions posées par le Conseil constitutionnel sont respectées :

e.   Bilan de l’AFD

Rappelons que l’objectif de l’AFD, ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires sur les différents projets de loi ayant créé ou étendu l’AFD, mais aussi de l’étude d’impact du présent texte, est d’apporter une réponse pénale plus systématique à des infractions de masse pour lesquelles l’intervention du juge n’est pas toujours matériellement possible, ou serait susceptible d’alourdir considérablement la charge de travail des magistrats. Il est aussi de désengorger les juridictions et, plus largement, la chaîne pénale.

● Trois infractions en particulier illustrent l’intérêt de cette procédure : la conduite sans permis, la conduite sans assurance et l’usage de stupéfiants.

S’agissant des infractions routières (conduite sans permis ou sans assurance), entre 2018 et 2021 :

– le nombre d’affaires orientées par les parquets a été réduit de moitié (d’environ 80 000 à environ 40 000) ;

– parallèlement, le nombre d’AFD a très substantiellement augmenté, pour atteindre un nombre proche de 130 000, aboutissant à ce que le nombre total d’infractions traitées soit plus que doublé.

S’agissant de l’usage des stupéfiants, sur la même période, si là aussi les affaires traitées par les parquets ont diminué, le recours croissant à l’AFD a permis de faire presque doubler la répression de cette infraction, passant d’environ 80 000 affaires à environ 150 000.

Ces éléments sont synthétisés dans les graphiques suivants.

Impact de la forfaitisation sur la rÉpression
des dÉlits routiers et d’usage de stupÉfiants

NB : CSS : classement sans suite.

Source : observatoire de la forfaitisation des délits, DACG/PEPP, via le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

● D’une manière générale, le nombre d’AFD produites est passé de 144 en 2018 à près de 235 000 en 2021, et s’établit à plus de 145 000 au premier semestre 2022 ; le total sur la période allant de 2018 au premier semestre de l’année 2022 est de près de 560 000 AFD. Le détail du nombre d’AFD et sa ventilation par catégories d’infractions figure dans le tableau suivant.

nombre des afd produites (2018-2022)

Délit concerné

2018

2019

2020

2021

2022-S1

Total

Circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance

101

41 784

72 480

105 778

64 163

284 306

Conduite d’un véhicule avec un permis de conduire d’une catégorie n’autorisant pas sa conduite

3

1 678

2 116

2 552

1 441

7 790

Conduite d’un véhicule sans permis

40

13 976

17 769

20 383

10 496

62 664

Installation en réunion sur le terrain d’autrui sans autorisation en vue d’y habiter

 

 

 

18

25

43

Occupation en réunion du toit d’un immeuble collectif d’habitation en empêchant délibérément l’accès des personnes ou le bon fonctionnement de dispositif de sécurité

 

 

 

2

2

4

Occupation en réunion d’un espace commun d’immeuble collectif d’habitation en empêchant délibérément l’accès ou la circulation des personnes

 

 

 

346

2 482

2 828

Occupation en réunion d’un espace commun d’immeuble collectif d’habitation en empêchant délibérément le bon fonctionnement de dispositif de sécurité

 

 

 

10

43

53

Usage illicite de stupéfiants

 

 

29 511

105 873

66 376

201 760

Total général

144

57 438

121 876

234 962

145 028

559 448

Source : ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

● Le taux de recouvrement des AFD (incluant le paiement, et le recouvrement proprement dit correspondant aux AFD majorées) est variable selon les infractions.

D’après les données fournies à votre rapporteur, il est de 13 % s’agissant des AFD routières, et de 34 % à 36 % pour les AFD en matière de stupéfiants.

Il convient, toutefois, de ne pas conclure de l’apparente faiblesse de ce taux une inefficacité de l’AFD : les difficultés de recouvrement des AFD s’inscrivent dans la problématique plus générale du recouvrement des amendes des juridictions pénales, dont le taux est lui aussi faible (38,5 % au niveau national en 2019, d’après les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement).

S’agissant des AFD en particulier, les irrégularités liées aux opérations de renseignement du procès-verbal électronique lors de la constatation du délit ([326]) ont une importante conséquence sur le taux de recouvrement, et expliquent en bonne part sa relative faiblesse.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoyait, dans sa rédaction initiale, une généralisation substantiellement étendue du champ d’application de l’AFD, en l’appliquant à tous les délits punis d’une seule peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an.

À cet effet, cet article réécrivait l’article 495‑17 du CPP, consacrant le principe de l’AFD, et introduisait à sa suite un nouvel article 495‑17‑1 ([327]).

a.   La généralisation de l’AFD : le champ d’application proposé

● Le 1° du présent article procédait à une rédaction globale de l’article 495‑17 du CPP, afin de fixer le nouveau champ d’application de l’AFD qui aurait été désormais applicable :

– aux délits punis d’une seule peine d’amende ;

– aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an ;

– et aux délits pour lesquels la loi prévoit déjà l’application de l’AFD, incluant les délits se trouvant déjà dans le champ de cette procédure – cette mention étant nécessaire pour maintenir l’AFD en matière d’abandon ou dépôt illicite de déchets et de vol simple n’excédant pas 300 euros, délits respectivement passibles de deux et trois ans d’emprisonnement.

Cette extension, ainsi qu’il ressort de l’avis du Conseil d’État, aurait eu pour effet de rendre l’AFD applicable à près de 3 400 délits ([328]).

Toutefois, le dispositif proposé circonscrivait le champ d’application de l’AFD aux hypothèses de « faits simples et établis par le procès-verbal de constatation de l’infraction ». En conséquence, il n’aurait pu être recouru à l’AFD pour sanctionner une infraction qui, bien que passible de peines correspondant aux hypothèses précédemment mentionnées, aurait été commise dans des circonstances complexes.

Relevons que le critère d’application tenant à ce que les faits soient « simples et établis » existe déjà en procédure pénale, s’agissant de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, ainsi qu’en dispose le premier alinéa de l’article 495 du CPP ([329]).

● Les cas d’exclusion de l’application de l’AFD prévus par le droit en vigueur étaient par ailleurs repris (alinéas 3 et 4 du présent article), à savoir la commission de l’infraction par un mineur, la constatation simultanée de plusieurs infractions dont au moins une ne peut donner lieu à AFD, et l’état de récidive légale (sauf disposition contraire de la loi).

Le dispositif initialement proposé ajoutait en outre trois nouveaux cas d’exclusion de l’application de l’AFD :

– les délits de presse ;

– les délits politiques ;

– et les délits dont la poursuite est prévue par des lois spéciales – tels que le délit de fraude fiscale, dont la poursuite obéit à des règles particulières prévues par le livre des procédures fiscales.

Ces cas d’exclusion sont relativement classiques en procédure pénale : ils sont prévus, par exemple, en matière de comparution immédiate (article 397‑6 du CPP) ou, pour les deux premiers cas, s’agissant de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC – (article 495‑16 du CPP) ([330]).

b.   La fixation de montants d’AFD par défaut

À l’heure actuelle, le montant de l’AFD varie selon le délit concerné, et est directement fixé par les dispositions relatives à ce délit.

● Dans la mesure où le présent article, à l’origine, généralisait la procédure de l’AFD, il prévoyait également, par voie de conséquence, des montants par défaut. Les montants existants, prévus pour les onze délits actuellement susceptibles de faire l’objet d’une AFD, demeuraient applicables.

Ces montants par défaut étaient prévus par un nouvel article 495‑17‑1 du CPP (alinéas 6 à 9 du présent article) et dépendaient de la peine de droit commun encourue. Ils sont présentés dans le tableau suivant.

montants par dÉfaut des afd prÉvus par le dispositif initialement proposÉ
(hors dispositions spÉciales contraires)

(en euros)

Peine encourue

AFD minorée

AFD

AFD majorée

Fondement
(art. 495171 CPP)

Amende seule

150 €

200 €

450 €

Emprisonnement inférieur ou égal à  2 mois

Emprisonnement inférieur ou égal à  6 mois

250 €

300 €

600 €

Emprisonnement inférieur ou égal à  1 an

400 €

500 €

1 000 €

Ces montants auraient été quintuplés si les AFD s’appliquent à une personne morale, aux termes de l’article 495‑24‑1 du CPP, non modifié par la version initiale du présent article.

● Les montants ainsi prévus (de droit commun, minorés et majorés) correspondaient à certains montants déjà existants :

– les montants associés à l’AFD de 200 euros correspondaient à ceux prévus pour les AFD en matière d’occupation de halls, de vente d’alcool dans des foires et d’usage de stupéfiants ;

– les montants associés à l’AFD de 300 euros correspondaient à ceux prévus pour les AFD en matière de vente d’alcool à des mineurs, de vente à la sauvette et de vol simple ;

– les montants associés à l’AFD de 500 euros correspondaient à ceux prévus pour les AFD en matière de conduite sans assurance et d’installation illicite.

● Ce « barème » des AFD aurait été de nature à renforcer la cohérence de la politique pénale, en supprimant les distorsions qu’une approche délit par délit peut entraîner. Cette cohérence se serait révélée double :

– à travers une correspondance entre les montants des AFD et les peines encourues ;

– en supprimant le hiatus consistant à avoir des délits punis des mêmes peines mais susceptibles de connaître une procédure différente, avec application de l’AFD pour l’un et non application pour l’autre (hors hypothèses d’exclusion précédemment mentionnées).

● Notons, dans un souci d’exhaustivité, que l’article 7 du présent projet de loi prévoit l’application de l’AFD au délit d’outrage sexiste (à travers une disposition spéciale, afin que les montants des AFD de droit commun, minoré et majoré puissent déroger au barème par défaut prévu au présent article).

c.   L’introduction d’un dispositif préservant les intérêts des victimes

Enfin, le présent article, à son 3°, enrichissait le cadre procédural de l’AFD en introduisant, à travers un nouvel article 495‑24‑2 du CPP, un dispositif permettant de préserver les intérêts de la victime d’un délit ayant fait l’objet d’une AFD et pour lequel, en conséquence, l’action publique serait éteinte.

Si le délit avait causé un préjudice à une victime, cette dernière aurait pu demander au parquet de citer le contrevenant à une audience devant le tribunal, afin qu’elle puisse se constituer partie civile (pour mémoire, l’action civile revêt une double nature, indemnitaire d’abord, pour que la victime obtienne réparation du préjudice, vindicative ensuite, pour soutenir l’action publique ([331]) – ici éteinte par le paiement de l’AFD).

Dans une telle hypothèse, le tribunal, en formation de juge unique (un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président), aurait pu statuer sur les intérêts civils, au vu du dossier.

Il s’agit d’un mécanisme déjà prévu en matière de composition pénale, autre forme de transaction pénale éteignant l’action publique (alinéa 31 de l’article 41‑2 du CPP).

d.   Observations complémentaires à la suite de la position du Conseil d’État

● Dans son avis du 10 mars 2022 sur la première version du projet de loi « LOPMI » ([332]), le Conseil d’État a porté une appréciation sévère sur la généralisation de l’AFD, jugeant l’article contraire au principe d’égalité devant la justice et entaché d’incompétence négative aux motifs :

– qu’eu égard au volume des délits concernés, existerait un « risque d’arbitraire et des disparités de traitement » ([333]) des infractions, qui sera laissé à l’appréciation des agents verbalisateurs ;

– que l’activation de l’AFD pour certains des délits, au moyen d’instructions de politique pénale, aboutirait à une incompétence négative du législateur ;

– que pourrait résulter une distorsion entre les peines encourues, notamment s’agissant d’amendes élevées, et l’AFD d’un montant relativement modique.

La position du Conseil d’État appelle les observations suivantes.

● S’agissant de la distorsion avancée, c’est le principe de l’AFD que de prévoir une sanction très significativement inférieure aux peines encourues ; à titre d’exemple, pour des délits punis de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros et trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros, les AFD sont, respectivement, de 1 500 euros et 300 euros.

● L’AFD n’est qu’une faculté, le procureur de la République ayant la possibilité d’engager des poursuites, et donc de ne pas retenir la procédure de l’AFD en fonction des circonstances de l’espèce et de la politique pénale, nationale comme locale. Il existe donc déjà, en l’état du droit, une possibilité d’application différencié en fonction des territoires ; le Conseil constitutionnel n’avait, au demeurant, pas soulevé de difficulté juridique sur le principe de l’AFD, ni sur sa mise en œuvre.

● S’agissant du point relatif à l’incompétence négative du législateur, la mise en œuvre effective de l’AFD, pour un délit donné, est d’ores et déjà une faculté que le parquet peut ne pas retenir. Il ne paraît donc pas anormal, ni juridiquement hasardeux, que le législateur retienne une catégorie de délits large pour l’application de l’AFD, sans que cette dernière soit effectivement mise en œuvre pour tous ces délits.

À cet égard, rappelons que si le législateur a permis de rendre applicable l’AFD au délit d’usage de stupéfiants, l’AFD n’est mise en œuvre que dans certaines hypothèses au regard des orientations de politique pénale – et notamment si la quantité détenue n’excède pas certains plafonds.

Au demeurant, rien dans le dispositif du présent article – ni d’ailleurs dans l’étude d’impact ([334]) – ne prévoit l’établissement, par les autorités chargées de la politique pénale, d’une liste de délits au sein de la catégorie générale des délits retenue par le dispositif. La loi est sans ambiguïté : sont susceptibles de faire l’objet d’une AFD les délits répondant aux conditions définies par la nouvelle rédaction 495‑17 du CPP.

● Pour autant, la généralisation de l’AFD prévue par le dispositif proposé appelle deux observations complémentaires.

D’une part, le critère d’application reposant sur l’exigence de « faits simples et établis par le procès-verbal de constatation de l’infraction » serait de nature, dans l’hypothèse d’une généralisation, à introduire une subjectivité accrue par rapport aux délits actuellement susceptibles de faire l’objet d’une AFD qui, par nature, sont relativement simples et laissent peu de place à une appréciation subjective.

C’est d’ailleurs ce qu’a relevé la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNDCH) dans un communiqué de presse sur le projet de loi, en date du 3 octobre 2022, où la CNCDH juge que la généralisation de l’AFD serait un « recul des droits pour les justiciables » ([335]). Le Défenseur des droits, dans un avis du même jour, retient lui aussi un cette interprétation ([336]).

Si ce critère existe déjà dans le cadre de l’ordonnance pénale, rappelons, ainsi qu’il a été vu, que cette procédure simplifiée associe le juge, à la différence de l’AFD, sauf contestation.

D’autre part, la généralisation proposée conduirait à rendre éligibles à l’AFD environ 3 400 délits ([337]), ainsi que le relève le Conseil d’État, soit un champ plus de trois cents fois plus large que le champ d’application actuel – qui concerne onze délits.

Une extension aussi massive et immédiate ne serait pas neutre. Elle imposerait en tout état de cause une évaluation plus appuyée que celle figurant dans l’étude d’impact du projet de loi qui, à cet égard, manque de substance, ce que votre rapporteur ne peut que regretter.

Enfin, cette généralisation et la masse des délits passibles de l’AFD auraient pu avoir des conséquences opérationnelles négatives concrètes :

– il y aurait potentiellement eu des difficultés pour traiter la hausse mécanique importante des AFD ;

– il y aurait également pu avoir des difficultés dans l’identification des priorités et donc dans la mise en œuvre de la politique pénale – là où l’approche délit par délit, à travers une liste, traduit les priorités et se prête à une mise en œuvre efficace.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a profondément transformé le dispositif, en changeant son économie générale : il a en effet supprimé la généralisation initialement prévue, pour la remplacer par une extension plus ciblée et mesurée.

a.   Les modifications apportées en commission

La commission des Lois du Sénat, en adoptant un amendement de ses rapporteurs, a procédé à la réécriture intégrale de l’article, afin de substituer à la généralisation initialement prévue une extension du champ d’application de l’AFD plus ciblée, visant huit nouvelles catégories de délits ([338]).

● L’AFD serait ainsi applicable, en vertu du dispositif issu des travaux de la commission des Lois du Sénat, aux catégories d’infractions suivantes :

– le délit de filouterie de carburants ou lubrifiants, c’est-à-dire le fait de se faire servir des carburants ou lubrifiants en étant dans l’impossibilité absolue de payer ou déterminé à ne pas payer, prévu au 3° de l’article 313‑5 du code pénal ( du nouveau II du présent article ([339])) ;

– les dégradations ou détériorations légères (tags), prévues au second alinéa de l’article 322‑1 du code pénal – qui serait inclus dans un nouveau II avec le dispositif proposé ( du II du présent article) ;

– l’intrusion non autorisée dans un établissement scolaire dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement, prévu à l’article 431‑22 du code pénal ( du II du présent article) ;

– les atteintes à la circulation ferroviaire prévues à l’article L. 2242‑4 du code des transports, telles que la dégradation ou la modification des voies, talus, clôtures, installations et matériels servant à l’exploitation, le jet ou le dépôt d’objets sur les lignes, l’empêchement du fonctionnement des signaux, l’entrave à la circulation des trains, l’usage abusif du signal d’alarme ou encore l’intrusion non autorisée dans les espaces affectés à la conduite des trains ( du III du présent article) ;

– le transport routier en violation des règles au chronotachygraphe en application de l’article L. 33154 du code des transports, à savoir la falsification de documents ou données, la fourniture de faux renseignements et la détérioration, l’emploi irrégulier, la modification ou la non-installation des dispositifs de contrôle ( du III du présent article) ;

– l’acquisition, la cession et l’introduction sur le territoire national de chiens d’attaque sanctionnées par le premier alinéa du I de l’article L. 215‑2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ( du IV du présent article) :

– la détention d’un chien d’attaque non stérilisé, prévue au deuxième alinéa du I du même article L. 215‑2 (même 1°) ;

– la détention sans permis de chien d’attaque ou de chien de garde et de défense malgré une mise en demeure par l’administration, prévue à l’article L. 215‑2‑1 du CRPM ( du IV du présent article).

● En l’absence de mention contraire dans le dispositif proposé, l’AFD ne serait pas applicable en cas de récidive – aux termes de la dernière phrase du second alinéa de l’article 495‑17 du CPP.

● Les montants des AFD (montant de droit commun, minoré et majoré) proposés pour ces délits, ainsi que les peines normalement encourues, sont présentés dans le tableau de synthèse suivant.

SynthÈse de l’extension du champ d’application de l’AFD
proposÉe par la commission des lois du SÉnat

Délit

Fondement

Peine de droit commun

AFD minorée

AFD

AFD majorée

(en euros)

Filouterie de carburants ou lubrifiants

313‑5 (3°) code pénal (CP)

6 mois
7 500 €

250

300

600

Tags

322‑1 CP

3 750 €
travaux d’intérêt général (TIG)

150

200

450

Intrusion dans un établissement scolaire

431‑22 CP

1 an
7 500 €

400

500

1 000

Atteintes à la circulation ferroviaire

L. 2242‑4 code des transports

6 mois
3 750 €

250

300

600

Violation des règles de transport routier

L. 3315‑4 code des transports

1 an
30 000 €

400

500

1 000

Acquisition, cession et introduction de chien d’attaque

L. 215‑2 code rural et de la pêche maritime (CRPM)

6 mois
15 000 €

150

200

450

Détention de chien d’attaque non stérilisé

L. 215‑2 CRPM

6 mois
15 000 €

150

200

450

Détention sans permis de chien d’attaque ou de chien de garde et de défense malgré une mise en demeure

L. 215‑2‑1 CRPM

3 mois
3 750 €

250

300

600

● Compte tenu de la substitution à la généralisation de l’AFD de l’extension de son champ d’application à ces huit nouveaux délits, les modifications initialement prévues par le projet de loi à l’article 495‑17 du CPP et le barème des AFD prévu dans le nouvel article 495‑17‑1 ont été supprimés.

La réécriture du présent article en commission a également eu pour effet de supprimer le dispositif destiné à préserver les intérêts des victimes – en leur permettant de se constituer partie civile – qui figurait dans un nouvel article 495‑24‑2 du CPP, ce dispositif n’ayant pas été repris dans la nouvelle rédaction issue de la commission.

● La réécriture de l’article 14 ainsi réalisée et le ciblage au cas par cas des délits susceptibles de faire l’objet d’une AFD sont de nature à répondre, en plus des éléments précédemment mentionnés par votre rapporteur, aux observations du Conseil d’État et de la CNCDH.

b.   Les modifications apportées en séance

En séance, trois séries de modifications ont été apportées.

● En premier lieu, en adoptant un amendement du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable de la commission, le Sénat a enrichi la liste des délits susceptibles de faire l’objet d’une AFD, en ajoutant six nouvelles catégories d’infractions et en élargissant l’AFD à tous les cas de filouterie.

La synthèse des modifications du champ de l’AFD que le Sénat a apporté, en commission et en séance, figure dans un tableau à la fin du présent développement ; dans le détail, les ajouts faits en séance concernent :

– l’ensemble des cas de filouterie, et non plus uniquement la filouterie de carburants et lubrifiants ([340]), par la suppression, au  du II du présent article, de la référence au 3° de l’article 313‑5 du code pénal ;

– le délit d’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi (c’est-à-dire sans être titulaire de l’autorisation de stationnement sur la voie publique), prévu à l’article L. 3124‑4 du code des transports ; l’AFD serait de 500 euros, l’AFD minorée de 400 euros et la majorée de 1 000 euros ( bis du III du présent article) ;

– le délit de violation des règles en matière de véhicule de transport avec chauffeur (VTC) prévu à l’article L. 3124‑7 du code des transports ; les montants de l’AFD sont les mêmes que pour le délit précédent ( ter du III du présent article) ;

– les délits en matière de transport routier particulier de location à la place et de prise en charge d’un client sur la voie publique, prévus à l’article L. 3124‑12 du code des transports par renvoi au I et au 1° du II de l’article L. 3120‑2 du même code ; les montants de l’AFD seraient les mêmes que ceux des deux précédents délits ( quater du III du présent article) ;

– le refus de se soumettre aux vérifications sur véhicule ou personne lors d’un contrôle routier, prévu à l’article L. 233‑2 du code de la route ; les montants de droit commun, minoré et majoré de l’AFD seraient, respectivement, de 300 euros, 250 euros et 600 euros ([341]) ( du V du présent article) ;

– les infractions concernant les dispositifs de maîtrise de la pollution prévues à l’article L. 318‑3 du code de la route (suppression, dégradation de la performance, dissimulation de dysfonctionnements, etc.) ; l’AFD serait de 200 euros, avec des montants minorés et majorés de 150 euros et 450 euros ([342]) ( du V du présent article) ;

– la pénétration en état d’ivresse, par force ou fraude, dans une enceinte sportive où a lieu une manifestation sportive ou sa retransmission en public, délit prévu à l’article L. 332‑5 du code du sport ; les montants de l’AFD seraient de 500 euros, 400 euros et 1 000 euros (VI du présent article).

● En deuxième lieu, le Sénat a rétabli le dispositif préservant les intérêts des victimes qui figurait dans la version initiale de l’article (VIII du présent article).

Ce rétablissement résulte de l’adoption d’un amendement de M. Alain Richard et les membres du groupe RDPI ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

● En troisième et dernier lieu, à l’initiative des rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, le Sénat a apporté au dispositif issu de la commission plusieurs coordinations et a corrigé une erreur de référence ([343]).


SynthÈse de l’extension du champ d’application de l’AFD
issue des travaux du sÉnat

Délit

Fondement

Peine de droit commun

AFD minorée

AFD

AFD majorée

Origine

(en euros)

Filouterie

313‑5 CP

6 mois
7 500 €

250

300

600

Commission
Séance

Tags

322‑1 CP

3 750 €
TIG

150

200

450

Commission

Intrusion dans un établissement scolaire

431‑22 CP

1 an
7 500 €

400

500

1 000

Commission

Atteintes à la circulation ferroviaire

L. 2242‑4 code des transports

6 mois
3 750 €

250

300

600

Commission

Violation des règles de transport routier

L. 3315‑4 code des transports

1 an
30 000 €

400

500

1 000

Commission

Acquisition, cession et introduction de chien d’attaque

L. 215‑2 CRPM

6 mois
15 000 €

150

200

450

Commission

Détention de chien d’attaque non stérilisé

L. 215‑2 CRPM

6 mois
15 000 €

150

200

450

Commission

Détention sans permis de chien d’attaque ou de chien de garde et de défense malgré une mise en demeure

L. 215‑2‑1 CRPM

3 mois
3 750 €

250

300

600

Commission

Exercice illégale de l’activité de taxi

L. 3124‑4 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Séance

Exploitation irrégulière de VTC

L. 3124‑7 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Séance

Infractions au transport routier particulier (dont prise en charge irrégulière sur la voie publique)

L. 3124‑12 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Séance

Refus lors d’un contrôle routier

L. 233‑2 code route

3 mois
3 750 €

250 (1)

300 (1)

600

Séance

Atteintes aux dispositifs antipollution

L. 318‑3 code route

7 500 €

150 (1)

200 (1)

450

Séance

Intrusion forcée en état d’ivresse dans une enceinte sportive

L. 332‑5 code sport

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Séance

(1) Pour ces deux catégories d’infractions, le dispositif adopté par le Sénat inverse, de façon erronée, les montants de droit commun et minoré de l’AFD ; par souci de lisibilité, les montants figurant dans le tableau ont été rétablis.

4.   La position de la Commission

Tout en approuvant le principe du présent article, et en particulier la démarche sénatoriale d’étendre le champ de l’AFD infraction par infraction plutôt qu’à travers une généralisation, la Commission a enrichi le dispositif.

a.   L’enrichissement du champ de l’AFD à de nouvelles infractions

● À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a poursuivi le travail d’extension ciblée engagé par le Sénat, en étendant l’application de la procédure d’AFD à de nouvelles infractions expressément identifiées :

– les entraves à la circulation routière, prévues à l’article L. 412‑1 du code de la route, par cohérence avec l’inclusion par le Sénat des entraves à la circulation ferroviaire (amendement CL689) ;

– la vente au déballage irrégulière, sanctionnée par l’article L. 310‑5 du code de commerce, par cohérence avec l’application de l’AFD à la vente à la sauvette (amendement CL682) ;

– les infractions au transport routier prévues à la section 2 du chapitre II du titre V du livre IV de la troisième partie du code des transports, telles que l’exercice de l’activité de transporteur routier sans autorisation ou encore le refus de présenter certains documents, par cohérence avec les AFD déjà applicables pour certaines infractions au transport routier, notamment s’agissant du chronotachygraphe (amendement CL686) ;

– les infractions en matière de navigation, telles que le défaut de titre de navigation valide, l’absence de qualification, l’exercice non autorisé d’une activité de spectacle sur une embarcation ou encore l’insuffisance des effectifs de l’équipage, prévues au chapitre IV du titre VII du livre II de la quatrième partie du code des transports, par cohérence avec les AFD applicables à la conduite sans permis ou sans assurance (amendement CL687).

Ces délits ont en commun le fait d’être aisément objectivables, et donc de se prêter à la procédure de l’AFD.

● La liste des infractions susceptibles, à l’issue de l’examen par la Commission, de faire l’objet de la procédure d’AFD en application du présent article figure dans le tableau suivant.

 

 

SynthÈse des modifications du champ d’application de l’AFD
issue des travaux du sÉnat et de la commission des lois de l’AssemblÉe

Délit

Fondement

Peine de droit commun

AFD minorée

AFD

AFD majorée

Origine

(en euros)

Filouterie

313‑5 CP

6 mois
7 500 €

250

300

600

Sénat

Tags

322‑1 CP

3 750 €
TIG

150

200

450

Sénat

Intrusion dans un établissement scolaire

431‑22 CP

1 an
7 500 €

400

500

1 000

Sénat

Atteintes à la circulation ferroviaire

L. 2242‑4 code des transports

6 mois
3 750 €

250

300

600

Sénat

Violation des règles de transport routier

L. 3315‑4 code des transports

1 an
30 000 €

400

500

1 000

Sénat

Acquisition, cession et introduction de chien d’attaque

L. 215‑2 CRPM

6 mois
15 000 €

150

200

450

Sénat

Détention de chien d’attaque non stérilisé

L. 215‑2 CRPM

6 mois
15 000 €

150

200

450

Sénat

Détention sans permis de chien d’attaque ou de chien de garde et de défense malgré une mise en demeure

L. 215‑2‑1 CRPM

3 mois
3 750 €

250

300

600

Sénat

Exercice illégal de l’activité de taxi

L. 3124‑4 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Sénat

Exploitation irrégulière de VTC

L. 3124‑7 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Sénat

Infractions au transport routier particulier (dont prise en charge irrégulière sur la voie publique)

L. 3124‑12 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Sénat

Refus lors d’un contrôle routier

L. 233‑2 code route

3 mois
3 750 €

250 (1)

300 (1)

600

Sénat

Atteintes aux dispositifs antipollution

L. 318‑3 code route

7 500 €

150 (1)

200 (1)

450

Sénat

Intrusion forcée en état d’ivresse dans une enceinte sportive

L. 332‑5 code sport

1 an
15 000 €

400

500

1 000

Sénat

Entraves à la circulation routière

L. 412‑1 code route

2 ans
4 500 €

640

800

1 600

Commission des lois de l’Assemblée (CL AN)

Vente au déballage

L. 3105 code de commerce

15 000 €

250

300

600

CL AN

Infractions au transport routier (groupe 1)

L. 3452‑7 à L. 3452‑8 code des transports

15 000 €

150

200

450

CL AN

Infractions au transport routier (groupe 2)

L. 345210 code des transports

6 mois
3 750 €

250

300

600

CL AN

Infractions au transport routier (groupe 3)

L. 34526 code des transports

1 an
15 000 €

400

500

1 000

CL AN

Infractions en matière de navigation (groupe 1)

L. 42742 et L. 427415 code des transports

3 mois
3 750 € ou 4 500 

150

200

450

CL AN

Infractions en matière de navigation (groupe 2)

Cf. dispositif

6 mois
4 500 €

250

300

600

CL AN

Infractions en matière de navigation (groupe 3)

Cf. dispositif

1 an
6 000 €

400

500

1 000

CL AN

b.   L’application de l’AFD en cas de récidive

En outre, l’application de l’AFD aux délits visés par le présent article a été rendue possible y compris en cas de récidive, à la suite de l’adoption d’un amendement en ce sens de votre rapporteur (CL683).

Sur ce sujet particulier de la récidive, votre rapporteur souhaite rappeler les éléments suivants, déjà mentionnés dans la première partie du présent commentaire, eu égard aux débats en commission.

● La récidive obéit à une définition stricte en droit pénal, et ne correspond pas à toutes les situations ou plusieurs infractions sont successivement commises :

– si la personne a été définitivement condamnée et commet une nouvelle infraction, il y aura récidive si les conditions de cette dernière sont remplies (conditions de délai et d’assimilation des infractions, variables en fonction des peines encourues) ;

– si la personne a été définitivement condamnée, mais que les conditions de la récidive ne sont pas remplies (délai expiré ou seconde infraction non assimilée à la première, par exemple), il n’y a pas récidive, mais réitération ;

– enfin, en l’absence de condamnation définitive, il y a concours d’infraction.

Or, depuis 2019, le paiement de l’AFD ne constitue plus une condamnation définitive pour l’application des règles de récidive.

● Dès lors, il serait faux de croire qu’exclure l’application de l’AFD à la récidive permettrait d’éviter que soient prononcées à l’égard d’une même personne plusieurs AFD. À titre d’exemple, un contrevenant ayant payé une AFD pour usage de stupéfiants en 2021, et envers qui est prononcée en 2022 une nouvelle AFD pour usage de stupéfiant, n’est pas en situation de récidive ; il le serait uniquement s’il avait été définitivement condamné par une juridiction pour un tel usage, ce qui n’est pas le cas de l’AFD.

● Par ailleurs, permettre son application en cas de récidive obéit à une logique pratique. Si la procédure était exclue à l’égard des récidivistes, cela impliquerait pour l’agent verbalisateur de systématiquement devoir vérifier le casier judiciaire de chaque contrevenant, afin de voir si ce dernier a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive et, si oui, si les conditions de la récidive sont effectivement remplies. Une telle obligation, supposant un minimum d’investigations, se prête mal à la procédure de l’AFD, applicable à des faits simples et des infractions aisément objectivables.

Exclure l’AFD en cas de récidive risquerait donc de compromettre la mise en œuvre opérationnelle d’une procédure pourtant utile.

● En tout état de cause, l’AFD n’est qu’un outil supplémentaire en matière de réponse pénale ; les procureurs peuvent d’ailleurs prendre des instructions de politique pénale locale pour préciser les hypothèses de son application et, s’ils le jugent utile, décider de ne pas y recourir vis-à-vis des récidivistes.

c.   Les aménagements procéduraux

La Commission, à l’initiative de votre rapporteur, a également apporté des aménagements à la procédure applicable en matière de contestation des AFD.

D’une part, a été introduite à l’article 495‑20 du CPP une nouvelle hypothèse de dispense de consignation lorsque les ressources de la personne contestant l’AFD sont insuffisantes. Si, ainsi qu’il a été vu, l’exigence de consignation préalable n’avait pas été mise en cause par la Cour européenne des droits de l’Homme, il n’en demeure pas moins que cette formalité est susceptible de freiner la contestation de la part de personnes aux revenus modestes.

D’autre part, une clarification rédactionnelle a été apportée à l’article 495‑21 du CPP, s’agissant du montant de l’amende en cas de condamnation, pour éviter tout risque de confusion.

Ces deux modifications résultent de l’adoption de l’amendement CL690 de votre rapporteur.

Enfin, le dispositif concernant les parties civiles a été précisé, sur le modèle de ce qui existe en matière de composition pénale, afin que la victime soit informée de la date de l’audience à laquelle sera cité le contrevenant (amendement CL691).

d.   L’introduction d’une clause d’évaluation

Considérant que l’AFD, dans son principe, et l’extension, même ciblée, à laquelle procède le présent article, exigent une évaluation exhaustive, la Commission a introduit dans le dispositif une clause d’évaluation à horizon de trois ans – à l’image de celle proposée par le Sénat pour les assistants d’enquête à l’article 10.

Cet ajout résulte de l’adoption de deux amendements identique de votre rapporteur (amendement CL692) et de M. Philippe Pradal et les membres du groupe Horizons (amendement CL436).

e.   Les autres modifications

En plus des modifications de fond précédemment mentionnées, la Commission a adopté des amendements procédant à des coordinations et corrigeant des erreurs matérielles ([344]).

*

*     *


Article 14 bis (Supprimé)
(art. 22217 du code pénal)
Suppression de la réitération et de la matérialisation comme éléments constitutifs du délit de menace

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en commission, modifie les éléments constitutifs du délit de menace, en supprimant l’exigence de réitération ou de matérialisation de la menace pour qu’une sanction soit encourue.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a alourdi les peines prévues lorsque les menaces sont faites par le conjoint, le concubin ou le partenaire de la victime.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

● Défini à l’article 222‑17 du code pénal, le délit de menace (menace simple) est le fait de menacer de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable, et suppose pour être constitué que la menace soit :

– réitérée – aucun délai n’étant prévu, la réitération peut intervenir dans un temps très court, voire dans le même laps de temps que la première occurrence de la menace ([345]) ;

– ou matérialisée (par un écrit, une image ou tout autre objet).

Ce délit est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Lorsque la menace est faite avec l’ordre de remplir une condition, les peines encourues sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Ce délit, prévu à l’article 222‑18 du code pénal, n’exige ni réitération ni matérialisation, la menace pouvant être faite « par quelque moyen que ce soit ». En outre, n’est pas requis le fait, s’agissant de la menace de commettre un délit, que la tentative de ce dernier soit punissable.

● Des peines majorées sont prévues lorsqu’il s’agit d’une menace de mort :

– elles sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de menace simple (second alinéa de l’article 222‑17 du même code) ;

– elles sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace avec l’ordre de remplir une condition (second alinéa de l’article 222‑18 de ce code).

Enfin, une circonstance aggravante est prévue à l’article 222‑18‑3 du code pénal, lorsque la menace est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire de la victime. Les peines encourues sont alors :

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit par le Sénat, à la suite de l’adoption en commission d’un amendement de M. Pierre‑Antoine Levi (UC) et plusieurs de ses collègues.

● Il prévoit, à travers une réécriture de l’article 222‑17 du code pénal ([347]), une modification des éléments constitutifs du délit de menace, en supprimant l’exigence qu’elle soit réitérée ou matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet – la menace pouvant être réalisée « par quelque moyen que ce soit ».

En réalité, ce dispositif vise surtout à supprimer la condition de réitération, qui n’est pas exigée en l’état du droit si la menace est matérialisée – cette condition s’appliquant donc aux menaces verbales ou mimées.

Ainsi, pour de telles menaces verbales ou mimées, la réitération ne serait plus nécessaire, et le délit serait constitué dès la première occurrence.

● L’objectif affiché par les auteurs de l’amendement dont l’adoption a conduit à l’introduction de cet article est de permettre aux parquets de poursuivre plus largement les auteurs de menace, afin de lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes ou à raison de l’identité ou des opinions d’une personne.

3.   La position de la Commission

● Si la finalité poursuivie est partagée, il convient de relever que la suppression de la condition de réitération n’est pas cantonnée aux violences faites aux femmes ou à raison de l’origine, de la religion, de l’orientation sexuelle ou de l’opinion politique des victimes : elle concernerait toutes les menaces de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable.

En outre, et comme les rapporteurs au Sénat le relèvent, l’exigence de réitération tend à caractériser l’infraction au-delà de simples propos isolés pouvant être le fruit d’un comportement passager ([348]).

L’impact concret de la modification du délit de menace est donc délicat à apprécier, mais risque d’être très, voire trop, large et pourrait d’ailleurs contribuer à engorger la chaîne pénale, à rebours des objectifs poursuivis par le projet de loi.

Il serait par ailleurs surprenant de traiter de la même manière un acte isolé, non répété, et une menace réitérée ou matérialisé.

Enfin, et ainsi qu’il a été vu, l’application des critères de qualification du délit de menace simple est appréhendée par les magistrats avec pragmatisme, la réitération pouvant intervenir dans le même laps de temps que la menace initiale.

● Pour ces raisons, la Commission a supprimé cet article, en adoptant quatre amendements identiques ayant recueilli l’avis favorable de votre rapporteur, et présentés par Mme Marie Lebec et les membres du groupe Renaissance (amendement CL149), par M. Antoine Léaument et les membres du groupe LFI‑NUPES (amendement CL310), par Mme Blandine Brocard et des membres du groupe Démocrate (amendement CL381), et par M. Philippe Pradal et les membres du groupe Horizons (amendement CL435).

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Chapitre IV

Faire face aux crises hybrides et interministérielles
 

Article 15
(art. L. 115-1, L. 742-1 et L. 742-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Unité de commandement en cas de crise

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 du projet de loi permet au préfet de département, lors d’événements d’une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, de diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure, introduit par la loi n° 2021‑1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi « Matras », a consacré le rôle du préfet en cas de crise susceptible de dépasser la réponse courante des acteurs assurant ou concourant à la protection générale des populations ou à la satisfaction de ses besoins prioritaires, en lui confiant la direction des opérations.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’exclusion des agences régionales de santé initialement prévue par le dispositif.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif.

1.   L’état du droit

Aux termes de l’article 72 de la Constitution, le préfet, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.

Le préfet de département dirige ainsi, sous l’autorité des ministres et dans les conditions définies par décret, les services déconcentrés des administrations civiles de l’État. Il est compétent pour prendre les décisions dans les matières relevant de leurs attributions, et a autorité sur les chefs des services déconcentrés, ainsi que sur le commandant du groupement de gendarmerie départementale et le directeur départemental des services d’incendie et de secours ([349]).

En cas de crise, du fait de son rôle interministériel et de ses pouvoirs en matière de police administrative, le préfet est donc le « véritable directeur des opérations chargé d’assurer la cohérence de l’action publique par la coordination de l’ensemble des acteurs publics, privés, associatifs et des collectivités territoriales » ([350]), et constitue l’autorité naturelle pour prendre les décisions nécessaires ([351]).

Hors période de crise, l’autorité fonctionnelle du préfet sur l’administration territoriale de l’État n’est toutefois pas complète.

D’une part, s’agissant des services déconcentrés, le décret du 29 avril 2004 prévoit des aménagements spécifiques propres à certains services déconcentrés ([352]). Sont ainsi exclues des missions placées sous l’autorité du préfet de département celles relatives :

– au contenu et à l’organisation de l’action éducative, ainsi qu’à la gestion des personnels et des établissements qui y concourent ;

– aux actions d’inspection de la législation du travail ainsi qu’à la gestion des personnels d’inspection qui y concourent ;

– au paiement des dépenses publiques, à la détermination de l’assiette et du recouvrement des impôts et des recettes publiques, ainsi qu’aux évaluations domaniales et à la fixation des conditions financières des opérations de gestion et d’aliénation des biens de l’État, à la tenue des comptes publics et aux modalités d’établissement des statistiques ;

– et, enfin, aux attributions exercées par les agences régionales de santé.

D’autre part, s’agissant des établissements publics, seule une loi peut porter atteinte à la liberté contractuelle d’un établissement public et à son autonomie ([353]).

Par ailleurs, le cadre juridique de la gestion des crises territoriales n’est pas unifié, et demeure régi par des dispositions diverses.

La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels ([354]), dite « loi Matras », avait permis un premier accroissement des prérogatives du préfet de département.

L’article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure, créé par le texte, vise à clarifier la gestion territoriale des crises, en consacrant le rôle du préfet.

Cet article prévoit qu’en cas de situation de crise susceptible de dépasser la réponse courante des acteurs assurant ou concourant à la protection générale des populations ou à la satisfaction de ses besoins prioritaires, le préfet de département assure la direction des opérations. Pour cela, le préfet met en place une organisation de gestion de crise. Dans le cadre de ses compétences, il dispose des moyens du plan Orsec départemental prévu à l’article L. 741-2 du même code ([355]), lui permettant notamment de recenser et mobiliser les acteurs publics et privés et leurs capacités, de réquisitionner au besoin les personnes physiques et morales et leurs capacités, ainsi que de fixer et coordonner les objectifs à atteindre.

Toutefois, si, dans le cadre du plan Orsec, le préfet peut mobiliser les moyens publics nécessaires, qu’ils relèvent de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, et mobiliser ou réquisitionner les moyens privés nécessaires, cela impose à ces personnes, publiques ou privées, de déférer aux demandes du préfet. En revanche, même en tant que directeur des opérations de secours, le préfet ne peut pas se substituer aux autorités compétentes de direction des services ou d’établissements publics qui ne sont pas soumis à son autorité hiérarchique.

Alors que la nature et la fréquence des crises évoluent, cette situation est dès lors susceptible d’affaiblir la capacité de réaction de l’État dans de telles situations.

L’étude d’impact relève ainsi que l’augmentation des menaces sur les systèmes d’information et les nouveaux risques liés au dérèglement climatique font craindre l’apparition de « nouvelles crises plus graves, plus fréquentes, plus multiples et donc plus incertaines » ([356]), nécessitant une réponse globale et susceptible de concerner toutes les dimensions de l’action publique.

Dans un récent rapport sur les états d’urgence, le Conseil d’État relevait par ailleurs que le développement de structures territoriales spécialisées sous forme d’agence ou d’établissements publics, à côté de la représentation de l’État par l’administration préfectorale, inspiré par une logique de spécialisation et de sophistication, n’était pas adapté à des situations de crise grave « qui imposent que des décisions soient prises dans l’urgence et de façon intelligible et cohérente » ([357]).

À ce titre, la crise sanitaire de la Covid-19 a rappelé le « besoin de clarification du rôle et du positionnement » des préfets, des services de l’État et des établissements publics, « dans un objectif de coordination de l’action publique au niveau déconcentré, sous l’égide du préfet en charge de maintenir l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens » ([358]).

2.   Le dispositif proposé

Le dispositif proposé a pour objectif de clarifier et de renforcer, lors d’événements d’une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, les prérogatives du préfet de département à l’égard des établissements publics de l’État et services déconcentrés ne relevant pas de son autorité hors période de crise, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation.

Les alinéas 4 à 7 créent, à cet effet, un nouvel article L. 742-2-1 dans le code de la sécurité intérieure.

Le dispositif pourrait, ainsi, être actionné lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population.

Dans une telle situation, si le préfet de département estime que cela est nécessaire pour assurer le rétablissement de l’ordre public et mettre en œuvre les opérations de secours, et à ces seules fins, il peut alors solliciter l’autorisation du préfet de zone de diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial. Ces services et établissements seraient alors placés pour emploi sous son autorité.

Comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, la substitution du préfet à ces autorités est de nature à renforcer l’efficacité de sa direction des opérations de sécurité civile, en permettant des prises de décisions plus rapides et mieux adaptées aux circonstances.

Comme le relève l’étude d’impact, l’autorité du préfet serait accrue à l’égard des administrations civiles de l’État, et notamment les services académiques et les directions départementales des finances publiques ([359]), mais également, en tant qu’établissements publics de l’État, des agences régionales de santé, de l’Office français de la biodiversité, de l’Office national des forêts et des agences de l’eau.

Des garanties sont prévues. D’une part, l’autorisation, qui doit être donnée par le préfet de zone, ne peut l’être que pour une durée maximale d’un mois, et détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle s’applique. D’autre part, si l’autorisation peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, sous réserve que les conditions l’ayant motivée soient toujours réunies, il y est mis fin dès que ces conditions ont cessé de l’être.

Le projet de loi exclut du dispositif les agences régionales de santé, en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence dans le département, pour les mesures prévues dans une telle situation et qui relèvent de la compétence de cet établissement.

Les pouvoirs du préfet en cas de menaces et crises sanitaires graves

L’article L. 3131-1 du code de la santé publique prévoit qu’en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire :

– toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l’organisation et au fonctionnement du système de santé ;

– et des mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement.

Le ministre peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles.

L’article L. 3131-13 du même code précise que les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l’État dans le département, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé.

L’alinéa 3 complète par ailleurs l’article L. 742-1 du même code et précise que les opérations de secours sont constituées par un ensemble d’actions « ou de décisions » caractérisées par l’urgence, qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l’environnement aux effets dommageables d’accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces.

Enfin, les alinéas 1 et 2 abrogent l’article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure. En effet, cet article est partiellement redondant avec l’article L. 742-2 du même code relatif aux opérations de secours du préfet, et s’articule mal avec le nouvel article L. 742-2-1 que le projet de loi propose d’y créer.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Considérant « qu’en temps de crise, une unité de commandement était nécessaire afin de redonner une clarté tant en interne à l’État qu’en externe, à l’égard des autres acteurs de gestion de crise comme les élus locaux », la commission des Lois du Sénat a supprimé l’exclusion des agences régionales de santé initialement prévue par le dispositif, sur proposition des rapporteurs ([360]).

Dans un objectif de cohérence rédactionnelle, la commission des Lois du Sénat a par ailleurs prévu que le préfet de département prenne les décisions visant non plus à « prévenir et à limiter les conséquences » des évènements concernés, mais à « rétablir l’ordre public ou à mettre en œuvre les actions [relatives aux opérations de secours] », après avis de l’autorité compétente de l’établissement public placé sous son autorité.

En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cet article.

4.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL750, qui rétablit la formulation, issue du projet de loi, selon laquelle le préfet de département « prend les décisions visant à prévenir et à limiter les conséquences de ces événements » après avis de l’autorité compétente de l’établissement public placé sous son autorité, qui convient mieux à l’objectif de la mesure prévue à l’article 15.

En effet, la rédaction proposée par le Sénat recentre le champ du dispositif sur le rétablissement de l’ordre public et la direction des opérations de secours, pour les décisions relevant de la compétence des établissements publics placés sous l’autorité du préfet, écartant ainsi la possibilité de prendre des mesures visant à prévenir les risques découlant des conséquences de l’évènement, c’est-à-dire visant à éviter les risques de « sur-accident ».

La Commission a également adopté sept amendements rédactionnels CL744, CL745, CL746, CL747, CL748, CL749 et CL751.

 

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Titre V
Dispositions relatives à l’outre-mer

Article 16
Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les dispositions permettant l’application des dispositions du projet de loi dans les outre-mer

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, cet article habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 73 et de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

       Les modifications votées par le Sénat

En commission des Lois, le Sénat a inscrit directement au présent article les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation du projet de loi, tout en conservant l’habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance.

Outre un amendement de coordination des rapporteurs, les sénateurs ont adopté, en séance publique, un amendement portant finalement suppression de cette habilitation.

       Principaux apports de la commission des Lois

La Commission a adopté six amendements rédactionnels de votre rapporteur.

 


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   AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DéFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMées prÉsenté PAR
M. xavier batut, rapporteur pour avis

En 2017, les forces de sécurité intérieure revenaient de loin. Que ce soit en matière d’effectifs ou d’investissement, la gendarmerie était dans une situation critique.

Le quinquennat 2017-2022 marque à cet égard une rupture profonde avec les deux précédents : le Gouvernement a fait de la remontée en puissance des forces de sécurité intérieure – comme des armées d’ailleurs – une priorité de sa politique.

Cette remontée en puissance a commencé par une hausse des effectifs dans le cadre du « plan 10 000 » : ce plan a entraîné une augmentation du schéma d’emplois de la gendarmerie de plus de 2 000 personnels sur toute la durée du quinquennat.

La deuxième étape de cette remontée en puissance s’est concrétisée en 2020 dans le domaine du fonctionnement et de l’investissement, notamment au profit du renouvellement du parc de véhicules de la gendarmerie. Grâce au plan de relance, les gendarmes ont bénéficié de 630 véhicules électriques mais aussi de 750 vélos électriques. Au titre du budget de la gendarmerie, sur le programme 152, la dotation en véhicules a augmenté en loi de finances pour 2021 de 4 000 véhicules dont 582 motos, de 243 véhicules de maintien de l’ordre de type Iveco et de 40 véhicules de commandement et de transmissions. Ce mouvement s’est poursuivi en loi de finances pour 2022 avec le financement de 3 600 véhicules. Au total, le dernier quinquennat a permis un profond rajeunissement du parc automobile et motocycliste des gendarmes ([361]) .

La relance n’a pas concerné que les véhicules mais aussi les forces aériennes de la gendarmerie. Dans le cadre du plan de relance aéronautique, en loi de finances rectificative en juillet 2020, l’institution a bénéficié de 200 millions d’euros pour la commande de 10 hélicoptères H160, un produit Airbus d’une valeur de 20 millions par pièce. Ce projet se concrétise désormais à Marignane avec l’arrivée de prototypes et les aéronefs seront livrés entre 2024 et 2026. Très polyvalents, ces hélicoptères doteront les forces d’intervention d’une capacité de projection renforcée, notamment en matière de contre-terrorisme.

La flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale

Le commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale coordonne l’action opérationnelle de l’ensemble des unités placées sous son autorité, en plus d’être l’expert chargé d’accompagner la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) dans la rédaction de la doctrine d’emploi, de la formation, comme de la sécurité des vols pour les hélicoptères et les drones de la gendarmerie. Il apporte un concours opérationnel aux unités de gendarmerie et à d’autres partenaires (police nationale, préfecture de Police de Paris, DGSI, SNCF, Office français de la biodiversité…) soit par un engagement autonome (ses équipages bénéficiant de la compétence judiciaire) soit, le plus souvent, en appui d’unités au sol. Il couvre l’ensemble des missions des forces de sécurité (police judiciaire, police administrative, ordre public, assistance aux personnes) sur l’ensemble du territoire national (métropole et outre-mer).

56 hélicoptères dont 30 biturbines sont en dotation actuellement. Ils se répartissent en 3 flottes :

-15 EC 145 biturbines, d’âge moyen de 15,51 ans ;

- 15 EC 135 biturbines, d’âge moyen de 12,40 ans ; 

- 26 AS 350 « Écureuil » monoturbines (âge moyen de 35,19 ans).

Dans le cadre du plan de relance de l’aéronautique adopté à la suite du premier confinement en 2020, la gendarmerie nationale a obtenu des crédits exceptionnels (200 millions d’euros) pour acquérir dix nouveaux hélicoptères H160 destinés à remplacer une partie de la flotte vieillissante des Écureuils.

L’équipement des gendarmes n’est pas en reste dans cette remontée en puissance. Au cœur de la stratégie GEND 20-24 se trouve la logique de l’aller-vers, c’est-à-dire la volonté qu’a le directeur général de la gendarmerie nationale, le général d’armée Christian Rodriguez, de faire en sorte que les gendarmes se rapprochent des administrés sur les 96 % du territoire situés en zone gendarmerie. Les téléphones NEOGEND et leurs nombreuses applications et les ordinateurs UBIQUITY permettent aux gendarmes d’effectuer en déplacement toutes les missions ordinairement accomplies dans les locaux des brigades. C’est une véritable révolution numérique et la gendarmerie est même considérée comme le service de l’État le plus innovant de tous.

Les projets NEO et Ubiquity

Pierre angulaire de la mobilité, le projet NEO vise à équiper individuellement policiers et gendarmes d’un smartphone professionnel hautement sécurisé pour répondre aux exigences de mobilité quotidienne et améliorer leur efficacité opérationnelle. Après le déploiement de la première génération de NEO à partir de 2016, la deuxième génération de smartphones et de tablettes, de la marque française Crosscall, est en cours de déploiement depuis mars 2022 : 160 000 terminaux NEO 2, dont 95 000 en gendarmerie, 55 000 en police nationale et 10 000 à la préfecture de police, ont ainsi été remis à leurs titulaires en 2022. Les 60 000 restants le seront fin 2022 - début 2023.

NEO 2 ouvre de nouveaux horizons pour l’activité de terrain des gendarmes et des policiers grâce aux interconnexions à venir avec les caméras piétons, dont ils seront dotés individuellement, et le réseau radio des forces de sécurité.

Le projet Ubiquity renforce l’offre de proximité et la qualité du service rendu par la gendarmerie au profit des administrés. Ce poste de travail nomade, intégralement conçu et développé en interne, offre la puissance de consultation et de traitement du poste de travail fixe du gendarme, en mobilité. Initié en avril 2021, le déploiement compte aujourd’hui 44 300 PC sur le terrain et en état-major. À la fin de l’année 2022, la moitié du parc informatique de la gendarmerie sera constituée de postes Ubiquity. L’ambition est de doter la très grande majorité des gendarmes de ce moyen afin de leur permettre de réaliser le maximum d’actes en dehors de l’unité, au plus près de la population.

Les gendarmes mobiles n’ont pas été oubliés non plus puisqu’ils sont désormais notamment dotés de caméras-piétons beaucoup plus performantes qu’auparavant. Votre rapporteur pour avis a personnellement insisté sur la nécessité que ces caméras soient à la pointe de la technologie et d’utilisation aisée pour les forces mobiles.

La dotation de la gendarmerie nationale en caméras-piétons

La gendarmerie a acquis au total 21 000 caméras piétons pour équiper environ 4 000 unités (en métropole et en outre-mer) dans l’optique de renforcer le dispositif sécuritaire et d’équiper chaque patrouille. En 2021, un premier déploiement de 6 000 caméras a été conduit. En 2022, 7 000 caméras supplémentaires ont été déployées, 7 000 caméras (dont 600 pour l’outre-mer) sont en cours de déploiement depuis l’été et les 1 000 dernières sont en attente de livraison par Motorola. Sur les 21 000 caméras qui seront déployées, près de 17 000 le seront en gendarmerie départementale, un peu plus de 2 200 en gendarmerie mobile et un peu moins de 1 000 en outre-mer. Le reste est destiné à la garde républicaine, aux gendarmeries spécialisées (gendarmerie de l’armement, gendarmerie de l’air et gendarmerie des transports aériens) et aux écoles et centres de formation.

Dans le domaine de l’immobilier, les gendarmes ont bénéficié du plan Poignées de porte qui leur a permis de réaliser 3 164 opérations immobilières d’entretien et de petits travaux. En 2020, le plan de relance a aussi doté les gendarmes de 47 millions d’euros supplémentaires pour la maintenance immobilière et de 137 millions d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments.

Enfin, le Gouvernement a mené pendant huit mois, entre février et septembre 2021, une réflexion dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Cette réflexion s’est traduite dans le projet de loi de finances pour 2022 par un gain de plus de 200 millions d’euros supplémentaires, en plus des hausses de crédits auparavant prévues – notamment au profit des moyens mobiles et de l’immobilier domanial. Cette année, les gendarmes pourront acquérir 5 500 véhicules automobiles et renouveler leur parc de véhicules de maintien de l’ordre. S’agissant en particulier de la capacité blindée, à la fin du mois d’octobre 2021, un marché a été notifié à la société Soframe et une commande 90 véhicules Centaure a été passée en juin 2022 : 10 véhicules seront commandés cette année, 44 en 2023 et 26 au début de l’année 2024. Il était grand temps car les véhicules blindés à roues datent des années 1970.

Les véhicules de maintien de l’ordre et les véhicules blindés de la gendarmerie

En gendarmerie mobile, le parc de 3 682 véhicules en service se compose entre autres de :

- 932 véhicules spécialisés de maintien de l’ordre d’un kilométrage moyen de 174 198 km et d’un âge moyen de 15 ans sur châssis IVECO DAILY C15 H3 acquis en 2005-2006 ;

- 201 véhicules de commandement et de transmission d’un kilométrage moyen supérieur à 139 075 km, d’un âge moyen de 19 ans pour les modèles les plus anciens ;

-104 véhicules blindés dont 80 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), parmi lesquels 20 véhicules de l’avant blindés (VAB) et un engin du génie d’aménagement appelé EGAME.

Les 80 VBRG, entrés en service en 1974 (48 ans), sont répartis de la manière suivante : 43 VBRG déployés en métropole dont 3 stationnés en Corse ; 11 détachés au centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier ; 29 VBRG au groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Versailles-Satory (dont 10 en province : 2 à Nantes, 2 à Lille, 2 à Lyon, 2 à Toulouse, 2 à Metz) ; 37 VBRG stationnés outre-mer dont 13 en Nouvelle-Calédonie. Le taux de disponibilité des VBRG est de 74 %.

S’agissant des véhicules de l’avant blindés, la gendarmerie en a 20 dont 16 opérationnels obtenus auprès de l’armée de Terre, permettant le transport de troupes afin de remplir les missions en opérations extérieures. Parmi eux, 14 VAB bénéficient d’une surprotection de blindage du fait de leur engagement passé en Afghanistan. Ils sont répartis de la manière suivante : 7 au GBGM (dont 4 pour l’instruction) et 13 en Nouvelle-Calédonie. La moyenne d’âge de ces VAB est de 36 ans.

S’agissant des engins du génie d’aménagement (EGAME), un exemplaire a été acquis au début de l’année 2013. Ce véhicule protégé, polyvalent et puissant, est apte au travail en milieu difficile (eau, sable, boue, températures extrêmes…). Il peut être utilisé dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre afin de dégager rapidement des obstacles et de libérer des axes de circulation. Il a notamment été employé dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre menées sur le site de Notre-Dame-des-Landes.

Le renouvellement de la capacité blindée au rétablissement de l’ordre a été acté en 2021 et s’est traduit par l’acquisition de nouveaux véhicules blindés. Un marché a été notifié à la fin du mois d’octobre 2021 à la société Soframe (filiale du groupe Lohr, implantée à Duppigheim - 67). Une commande de 90 véhicules « Centaure » a été passée en juin 2022. Pour un coût actuel de 67 millions d’euros, les 90 véhicules devraient être livrés à compter de la fin de l’année 2022 pour 10 d’entre eux, puis 44 en 2023 et enfin 36 au début de l’année 2024. Tenant compte d’évolutions contractuelles en préparation, le montant finalisé de ces acquisitions ne sera déterminé qu’à la fin de l’année 2022. Ce nouveau véhicule, dont la tête de série doit être livrée en septembre 2022, permet le transport de 10 militaires équipés sous blindage. Il dispose d’une lame, située à l’avant du véhicule, permettant le dégagement et la poussée d’obstacles, d’une mitrailleuse et d’un lance-grenade télé-opéré d’une capacité de 30 grenades, d’un dispositif optique et enfin, d’un système de détection des départs de coups de feu. Le déploiement de ces véhicules sera accompagné par la formation de personnels à la conduite et à la maintenance des systèmes et du véhicule. Après la livraison complète, le retrait des VBRG et VAB du service sera effectué dans des conditions qui restent à définir.

En un mot, la gendarmerie a connu sous le précédent quinquennat une hausse majeure de ses effectifs et un renouvellement historique de ses équipements, de ses véhicules et de son parc immobilier.

Loin de s’arrêter là, la majorité, une fois réélue, a décidé d’amplifier encore davantage cette remontée en puissance avec le dépôt d’un projet de loi de programmation que de nombreux parlementaires appellent de leurs vœux depuis plusieurs années. Les commissaires de la défense connaissent les atouts d’une programmation pluriannuelle : si une loi de programmation doit être déclinée annuellement en loi de finances, elle fixe un cap au Gouvernement et donne de la visibilité aux forces. Comme les armées, les forces de sécurité intérieure ont besoin de connaître la stratégie du Gouvernement et les priorités fixées. La dernière LOPPSI date de 2011, soit il y a plus de dix ans. Il était donc grand temps de définir ce cadre pluriannuel, dans le contexte sécuritaire de hausse exponentielle de la cyberdélinquance, d’amplification de l’enjeu des violences intrafamiliales et de d’imbrication des crises de toutes natures, pour ne citer que quelques éléments d’évolution. Votre rapporteur pour avis salue donc l’approche programmatique du Gouvernement.

Sur le fond, le projet de loi prévoit 15 milliards d’euros sur cinq ans pour tout le ministère : les forces de sécurité intérieure, la sécurité civile, la sécurité routière et l’administration déconcentrée. Compte tenu du périmètre de compétences de la commission de la Défense, le rapporteur pour avis concentrera son analyse sur les dispositions relatives à la gendarmerie nationale. Si les hausses de crédits précitées sont désormais « soclées » c’est-à-dire intégrées dans le budget de la gendarmerie, le Gouvernement prévoit sur cinq ans un effort supplémentaire de 3,5 milliards d’euros au profit de la gendarmerie. Cet effort a d’ores et déjà décliné, pour 2023, dans le projet de loi de finances en cours d’examen au Parlement.

S’agissant de la stratégie retenue dans la LOPMI au profit des forces de gendarmerie, quatre grands thèmes du rapport annexé intéressent la gendarmerie nationale : la transformation numérique, la densification de la force en effectifs et en termes de maillage, le capacitaire et la formation.

Le point saillant de ce projet de loi est la densification de la force gendarmerie avec la création de 200 brigades, de sept escadrons de gendarmerie mobile et l’augmentation des effectifs de 3 540 équivalents temps plein pendant la durée du quinquennat, notamment pour armer ces nouvelles brigades. Dès l’an prochain, le schéma d’emplois de la gendarmerie augmentera de 950 équivalents temps plein. Les nouvelles brigades viseront à redensifier le maillage de la gendarmerie, en particulier dans les zones rurales, mais aussi à tenir compte de l’augmentation de la population en zone gendarmerie. Deux tiers des nouvelles brigades seront des brigades « traditionnelles » et un tiers, des brigades itinérantes, dans une logique d’« aller vers ». Tous les départements profiteront de ces créations. Si le ministère de l’intérieur a déjà identifié des projets, il a commencé au début du mois d’octobre un travail de concertation avec les élus qui devrait se terminer au début du mois de janvier. Les hausses d’effectifs permettront non seulement d’armer ces nouvelles brigades mais aussi de reconstituer sept escadrons de gendarmerie mobile, pour préparer en particulier les jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Les nouvelles recrues permettront aussi de renforcer les formations et d’armer la nouvelle agence du numérique du ministère de l’intérieur. Enfin, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique bénéficiera, en administration centrale et déconcentrée, de 40 nouveaux agents. Entamé au début de l’année, le processus de transformation des postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers dans les pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG) se poursuivra en 2023 et 2024 à raison de 1 000 postes par an ([362]) . Ces hausses d’effectifs, couplées à la création de brigades itinérantes et à la transformation numérique favoriseront l’accroissement de la présence des gendarmes sur la voie publique.

Le tableau ci-dessous présente les perspectives d’évolution du schéma d’emplois de la gendarmerie :

 

en ETP

2023

2024

2025

Total

(2023-2025)

Créations de postes dédiés aux missions de sécurité

+ 950

 

+ 1 045

 

+ 500

+ 2 495

Renforcement de la présence des gendarmes sur la voie publique (création de 7 escadrons de gendarmes mobiles, 200 brigades territoriales et reprise des gardes statiques)

+ 820

+ 884

+ 453

+ 2 157

Renforcement de la formation (initiale et continue)

+ 80

+ 111

+ 37

+ 228

Commandement de l’environnement

+ 20

+ 20

 

+ 40

Agence du numérique des forces de sécurité intérieure

+ 25

+ 25

 

+ 50

Prévention des risques psychosociaux

+ 5

+ 5

+ 10

+ 20

Enfin, toujours s’agissant des effectifs, le Président de la République a annoncé l’augmentation de la réserve opérationnelle de niveau 1, de 30 000 actuellement à 50 000 d’ici à 2027, avec une forte augmentation en début de mandat pour préparer les jeux olympiques. La réserve opérationnelle est désormais une composante stratégique de la gendarmerie. Comme le souligne le général Didier Fortin, commandant des réserves, « désormais, la gendarmerie marche sur deux jambes indissociables : ses gendarmes d’active et ses gendarmes de réserve. Ancrés dans les territoires au sein de la population, nos gendarmes de réserve sont devenus indispensables à la performance de l’institution. Citoyen militaire, le gendarme de réserve est, au quotidien, le gendarme des cent derniers mètres au contact de la population que la gendarmerie a pour mission de protéger ». La réserve devrait atteindre les 36 000 l’an prochain et les 40 000 en 2024, ce dont le rapporteur pour avis se félicite.

 

La réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale

Au sein de la Garde nationale créée le 13 octobre 2016, les réserves de la gendarmerie représentent plus de 40 % des effectifs de l’ensemble des réserves militaires (77 000).

Depuis la professionnalisation des armées en 1997, la réserve opérationnelle de premier niveau de la gendarmerie, la « RO1 », est une réserve d’emploi constituée de volontaires. L’engagement dans la réserve opérationnelle de premier niveau, possible sous condition d’aptitude, est souscrit pour une durée allant d’un à cinq ans via un engagement à servir dans la réserve (ESR). Les volontaires sans passé militaire doivent suivre une formation initiale militaire. Le code de la défense reconnaît aux réservistes opérationnels régulièrement convoqués la qualité de militaire. La durée annuelle cumulée maximale de leurs renforts est en principe de 60 jours. En cas de nécessité ou de circonstances exceptionnelles, cette durée peut être portée à 90, voire à 150 jours et 210 jours pour une mission à l’étranger. Un unique statut de réserviste opérationnel de premier niveau est commun aux trois armées, aux formations rattachées et à la gendarmerie nationale. La réserve opérationnelle (RO1) représente 32 000 personnels exerçant les mêmes missions que les forces d’active. Parmi les 32 000 réservistes opérationnels, hors gendarmeries spécialisées, on compte près de 1 900 officiers, plus de 20 000 sous-officiers et plus de 10 000 militaires du rang. La réserve opérationnelle est composée à plus de 70 % de volontaires issus de la société civile et de plus de 21 % de femmes. Si l’âge moyen des réservistes opérationnels est de 39 ans, un tiers d’entre eux a moins de 30 ans.

Quant à la réserve de sécurité nationale, appelée réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2), elle est formée d’anciens gendarmes quittant le service actif et qui conservent une obligation de disponibilité de 5 ans. Son vivier est composé de 28 000 retraités de la gendarmerie rappelables en cas d’état d’urgence dont plus de 1 300 officiers, plus de 13 500 sous-officiers et près de 13 500 militaires du rang.

La réserve opérationnelle spécialiste (RO-S) compte près de 150 personnels titulaires d’une expertise particulière que la gendarmerie ne détient pas. Ces réservistes spécialistes ont un statut du corps technique et administratif. S’ils ne sont pas destinés à intervenir sur le terrain, ils peuvent toutefois revêtir la tenue d’état-major.

Enfin, la réserve citoyenne de défense et de sécurité de la gendarmerie compte plus de 1 900 bénévoles, ayant essentiellement un grade honorifique d’officiers et de sous-officiers. Les réservistes citoyens contribuent au rayonnement de la gendarmerie au sein de la société civile et offrent bénévolement leurs talents et leurs expertises à l’institution.

Annoncées par le président de la République dans son discours du 14 septembre 2021 en clôture du « Beauvau de la sécurité », les deux premières priorités pour les réserves de la gendarmerie seront la montée en puissance des effectifs de la réserve opérationnelle à 50 000 en 2027 et la spécialisation de certains réservistes sur des missions nouvelles comme « l’îlotage » rural grâce aux gendarmes réservistes de proximité ; l’appui à la gestion des violences intrafamiliales ; le renforcement de la brigade numérique ; la fonction de relais auprès des seniors ; la lutte contre l’immigration illicite et clandestine ; la défense du territoire français et de ses points sensibles.

Depuis le 1er septembre 2022, la gendarmerie s’est organisée en 13 états-majors régionaux de gendarmerie. Dans le cadre de cette transformation, une division régionale des réserves a été créée pour accompagner la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. Chaque division régionale est directement positionnée au niveau du commandant de région sous les ordres de l’officier adjoint commandement. Elle est également placée aux côtés de la division de l’emploi et de la division de l’appui opérationnel. La vocation première de cette direction régionale est de faciliter l’administration et l’emploi de nos gendarmes de réserve.

S’agissant de la formation des réservistes, des modules de cours sont enseignés portant sur le cadre d’action et les valeurs du gendarme, les principes généraux de déontologie, la relation du gendarme avec la population, l’intérêt général du service, la prévention et la lutte contre les discriminations, le harcèlement moral et sexuel et les violences sexistes au travail.

Pour accompagner la montée en puissance de la réserve opérationnelle, le commandement des réserves a l’ambition de développer un vivier de réservistes ayant des compétences dans la transformation numérique, l’intelligence artificielle et le cyberespace en appui du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, du service des technologies, des systèmes d’information de la sécurité intérieure, du service transformation de la gendarmerie, du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale et enfin, des régions.

Après avoir été dotés d’un gilet pare-balles individuel, les réservistes bénéficieront prochainement de plus de 500 caméras piétons qui équiperont les compagnies de réserve territoriale.

La montée en puissance de la réserve opérationnelle dans le cadre de la LOPMI est indispensable à la réalisation des objectifs présidentiels affichés lors du Beauvau de la Sécurité en augmentant la présence de voie publique, pour asseoir un dispositif efficace de sécurisation des grands événements à venir sur l’ensemble du territoire national (JOP 2024, coupe du monde de rugby) et pour assurer simultanément le renfort nécessaire aux unités de terrain dans la sécurisation quotidienne des territoires et dans la gestion de l’événementiel local.

Le deuxième thème intéressant particulièrement la commission de la Défense dans le projet de loi est la transformation numérique. L’un des objectifs assignés aux forces de sécurité est le renforcement de leur présence sur le terrain. Le téléphone NEO 2 et l’ordinateur UBIQUITY permettent déjà et permettront encore davantage demain aux gendarmes de travailler en déplacement et donc au plus proche des habitants, y compris et surtout dans les zones très reculées : les administrés n’auront plus besoin de se rendre à la brigade. L’innovation technologique est au cœur de l’institution et le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a rappelé devant la commission de la Défense le 5 octobre dernier son souhait de recruter de plus en plus de scientifiques – polytechniciens, spécialistes cyber et autres. Au sein même du GIGN, les compétences d’innovation sont également remarquables. En plus des nouvelles applications technologiques comme NEO DK et l’utilisation de la reconnaissance vocale dans la saisie des procédures, les nouveaux dispositifs développés par l’institution – le portail magendarmerie.fr ; la brigade numérique et le portail de plainte en ligne – permettront d’effectuer toutes les procédures hors les murs des unités. Le recours aux algorithmes permettra d’adapter la présence des gendarmes sur le terrain. Efficacité et proximité : tels sont les mots d’ordre de cette stratégie où le numérique rapproche plutôt qu’il n’éloigne.

S’agissant des mesures d’ordre capacitaire, ce ne sont pas seulement plus de brigades et plus de gendarmes que prévoit la LOPMI : ce sont aussi des gendarmes mieux équipés – avec des véhicules et des tenues modernisées, grâce aux textiles connectés par exemple. En matière d’équipement, la LOPMI prévoit aussi de renforcer l’équipement des forces en drones – très utiles notamment en cas d’incendie de forêt comme l’été dernier. Le renouvellement des équipements concernera aussi les caméras piétons, les véhicules nautiques et les moyens aériens. La gendarmerie envisage en effet l’acquisition pour 2027 d’hélicoptères H145 dans le cadre d’un contrat de commande commun avec la sécurité civile.

La dotation de la gendarmerie en drones

La flotte de drones est constituée de 480 drones, répartis en trois familles, d’emplois distincts : les drones de la capacité nationale (Matrice 300 RTK) ; les drones spécialisés (emplois spécifiques : milieu montagne, aérodromes, investigations judiciaires – PLS Black Hornet) ; enfin, les drones du quotidien, au profit des unités de terrain (Mavic 2 Entreprise Advanced). 700 télé-pilotes sont actuellement opérationnels. La gendarmerie s’inscrit dans une démarche prospective approfondie concernant les drones de moyenne endurance et de longue élongation, qui feront l’objet d’une certification par les autorités aéronautiques. Le marché en cours, qui prendra fin au 1er trimestre 2025, permet d’acheter ces trois types de drones.

Le cadre juridique de l’usage des drones par les forces de sécurité intérieure est fixé par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui prévoit notamment l’encadrement du stockage des données à caractère personnel ainsi que l’information du public sur l’emploi des caméras par des drones dont l’usage est soumis à une stricte autorisation.

Sur le plan aéronautique, les drones de la gendarmerie évoluent sous le statut d’aéronefs militaires et relèvent de l’aéronautique d’État.

 

Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères EC 145

Une réflexion est en cours concernant le renouvellement conjoint des hélicoptères EC 145 de la gendarmerie et de la sécurité civile, cette dernière souhaitant renouveler complètement sa flotte. La gendarmerie n’étant pas contrainte quant à elle de renouveler la sienne dans l’urgence, elle a proposé à la sécurité civile de conclure un marché global avec Airbus dans le cadre duquel cette dernière bénéficiera des premières livraisons et la gendarmerie, des livraisons les plus tardives à horizon 2027. Les hélicoptères que commandera la gendarmerie représentent un coût plus important d’1 à 2 millions que ceux de la sécurité civile du fait de leur équipement d’une boule optique de surveillance. Le coût devrait être d’une dizaine de millions d’euros si la négociation est concluante. L’acquisition de H145 est à l’étude, en coordination avec la DGSCGC. Ce programme d’achat garantirait la mission de souveraineté outre-mer comme les interventions dans des environnements particulièrement exigeants de type haute montagne.

Il est par ailleurs prévu de sanctuariser les hélicoptères EC 135 : encore récents, ils répondent pleinement aux besoins de sécurité publique générale tout en satisfaisant aux exigences de la réglementation civile relative au survol des agglomérations et de navigabilité.

Le quatrième axe sur lequel le rapporteur pour avis souhaite insister est le renforcement des formations. Les élèves gendarmes passeront trois mois de plus en école en formation initiale : 12 mois au lieu de 9, notamment pour recevoir une formation théorique en police judiciaire. La formation continue sera également consolidée avec la création de 13 centres régionaux. La gendarmerie prévoit de créer deux nouvelles compagnies à l’école de Fontainebleau, la densification des compagnies de Dijon, Rochefort, Tulle et Châteaulin, la création de 15 compagnies d’instruction et enfin, le recrutement de 266 formateurs.

Le renforcement des formations

En 2021, la gendarmerie dispose de 21 structures de formation, dont 8 écoles et 13 centres, placées sous la responsabilité du commandement des écoles de la gendarmerie nationale implanté à Rochefort-sur-Mer en Charente-Maritime. 24 420 élèves ou stagiaires ont suivi une action de formation en école ou centre de formation de la gendarmerie dont 6 857 en formation initiale et 17 563 en formation continue. L’an dernier, 1 292 032 journées de formation ont été dispensées dont 1 094 150 en formation initiale et 197 882 en formation continue.

Les écoles de gendarmerie assurent essentiellement les formations initiales des nouvelles recrues de la gendarmerie : l’École des officiers de la gendarmerie pour les officiers de gendarmerie et les officiers du corps technique et administratif, les écoles de gendarmerie de Montluçon, Châteaulin, Chaumont, Tulle, Fontainebleau et Dijon pour les sous-officiers de gendarmerie et les gendarmes adjoints volontaires, et l’école de gendarmerie de Rochefort pour les corps de soutien technique administratif et les gendarmes adjoints volontaires CSTAGN. Les centres de formations de la gendarmerie nationale dispensent les formations continues de perfectionnement, spécialités ou expertises dans les domaines couverts par l’institution.

La densification du plan de formation des gendarmes comprend notamment l’augmentation du temps de présence en école et l’intégration d’une formation en police judiciaire dès la formation initiale. Cela nécessitera un renforcement des capacités d’accueil dans les écoles et les centres de formation. Enfin, chaque région va être dotée d’un centre régional d’instruction.

Pour mémoire, la formation initiale en gendarmerie est destinée à asseoir un socle d’enseignements fondamentaux afin d’assurer la meilleure préparation possible au premier emploi de l’ensemble des militaires de la gendarmerie quel que soit leur corps d’appartenance. Elle a pour objectifs de forger l’identité du futur militaire de la gendarmerie (savoir-être) par une adhésion aux valeurs de l’arme et de lui faire acquérir les connaissances (savoir) et les compétences techniques fondamentales (savoir-faire) nécessaires à l’exercice de ses futures fonctions afin qu’il soit en mesure d’agir en sécurité, autonomie et responsabilité pour lui, les autres militaires ainsi que pour le public, selon la déontologie et le cadre légal. Cette formation doit favoriser une adhésion naturelle aux valeurs de l’arme. La formation initiale s’articule autour de cinq axes complémentaires : l’état militaire au service de la sécurité publique, l’éthique spécifique au gendarme, l’ouverture d’esprit et le discernement, l’intervention et la police judiciaire. Les contenus des scolarités ont été revus en 2022 sur la base de quatre piliers : la condition et la résistance physiques ; des séquences pratiques et mises en situation ; le sens tactique, le discernement et l’adaptabilité ; enfin, la résilience et les ruptures de rythme.

Enfin, votre rapporteur pour avis évoquera le protocole social conclu le 9 mars dernier pour un montant de 197 millions d’euros. Ce protocole prévoit en particulier une revalorisation des grilles indiciaires des grades de gendarme à adjudant au 1er juillet 2023 puis des grades d’adjudant-chef à major au 1er janvier 2024. Il prévoit aussi plusieurs mesures indemnitaires comme l’indemnité spéciale de sujétions pour les corps militaires de soutien de la gendarmerie et l’indemnité d’absences missionnelles pour les gendarmes départementaux qu’on envoie en renfort sur des missions en zone maritime ou de montagne. Le protocole prévoit enfin des mesures d’accompagnement des familles.

Le protocole social conclu en mars 2022

Discuté à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022 puis signé le 7 mars dernier, le protocole signé avec le ministère de l’intérieur concerne aussi bien les militaires que les civils de la gendarmerie. Sa surface financière s’étend sur 5 ans et représente au total 700 millions d’euros. Le montant de mesures nouvelles avoisine les 197 millions d’euros. Ces mesures sont d’ordre indiciaire et indemnitaire. La grille indiciaire des sous-officiers est revalorisée pour s’aligner sur celle du corps d’administration de la police et sur celle de l’administration pénitentiaire. Plusieurs mesures d’ordre indemnitaire font également partie de ce protocole, avec la volonté d’indemniser les gendarmes partant en renfort l’été ou l’hiver de manière saisonnière.

S’agissant des principales modifications adoptées par le Sénat, les sénateurs ont précisé que « la répartition territoriale entre police et gendarmerie serait adaptée selon des critères qualitatifs afin de mieux correspondre à la réalité des territoires ». Cela correspond à une recommandation formulée par votre rapporteur pour avis dans ses avis budgétaires d’octobre 2020 et de 2021 sur le programme « Gendarmerie » : il y est donc favorable au nom de la Commission de la défense.

Le Sénat a aussi spécifié que le choix des territoires d’implantation des nouvelles brigades serait effectué selon des critères objectifs liés à la population, aux flux, aux risques locaux etc. Il semble au rapporteur pour avis que cela est déjà le cas dans le cadre de la concertation en cours. Le rapporteur n’a donc pas d’objection à cet ajout.

Le rapporteur pour avis est également favorable à la précision que les réservistes donneront lieu à une cible d’emploi de 25 jours par an. Il a lui-même formulé une recommandation d’augmentation du nombre de jours d’emploi des réservistes dans son avis budgétaire de l’an dernier ([363]) . Ce nombre de jours est actuellement de 21 contre une trentaine dans les armées, ce qui nuit à l’attractivité du dispositif. Pourtant, la réserve opérationnelle de la gendarmerie est un modèle exceptionnel : les réservistes sont pleinement intégrés à la force et sont, pendant leurs jours d’emploi, des gendarmes indistincts en tous points de leurs camarades d’active.

Le Sénat a aussi indiqué qu’un montant annuel de 300 millions d’euros devrait être consacré à l’immobilier de la gendarmerie (200 millions pour la reconstruction et la réhabilitation de casernes et 100 millions au profit des travaux de maintenance). Là encore, cela correspond à une proposition formulée par le rapporteur pour avis dans ses deux avis budgétaires de 2020 et de 2021. L’immobilier de la gendarmerie a longtemps été le parent pauvre de la politique du ministère de l’intérieur. Le plan de relance et le Beauvau de la sécurité ont permis des améliorations importantes : ces hausses de crédits doivent s’inscrire dans la durée pour permettre aux familles de gendarmes d’être logées dignement partout sur le territoire. Le rapporteur pour avis est par conséquent favorable à cette précision majeure.

In fine, le rapporteur émet un avis favorable à ce projet de loi tel que modifié et adopté par le Sénat.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS

I.   Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des outre-mer, et discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 9 heures 30, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outremer, et procède à la discussion générale, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (M. Florent Boudié, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/v31KZL

M. le président Sacha Houlié. Nous avons le plaisir de recevoir, à nouveau, M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), que nous commençons ce matin.

Ce projet de loi avait fait l’objet d’une première version, déposée au mois de mars 2022 sur le bureau de l’Assemblée nationale. Après les élections présidentielle et législatives, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 7 septembre 2022, une nouvelle version plus courte, plus resserrée, ce dont je me félicite. Elle permettra en effet d’avoir un débat plus cohérent, centré sur les priorités du ministère de l’intérieur pour les cinq prochaines années, ainsi que sur la programmation budgétaire, qui représente pas moins de 15 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur la période.

Le Sénat a largement adopté le projet de loi le 18 octobre, par 307 voix contre 27 et n’a ajouté que cinq articles aux seize articles initiaux.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Merci de m’inviter une nouvelle fois aux travaux de votre commission, alors que vous commencez l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Ce texte est très important, d’abord parce que nous vous demandons 15 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur les cinq prochaines années. Il faut mesurer ce que cela signifie après les 10 milliards d’euros du quinquennat précédent. En outre, et cela n’avait jamais été fait au ministère de l’intérieur, cette augmentation des crédits est prévue dans le cadre d’une programmation. Il y a eu des lois d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, les fameuses Lopsi. Il a pu y avoir aussi des lois de programmations pour les forces de sécurité intérieure, lorsque le ministère de l’intérieur avait un périmètre plus petit, dans les années 1980 notamment. Mais il n’y a jamais eu de loi de programmation pour l’ensemble du ministère, qui couvre la sécurité civile, la sécurité au sens très large, l’immigration et l’intégration, les agents de préfecture et le fonctionnement de tous les services publics qui sont désormais sous mon autorité, à la demande du Président de la République et de la Première ministre.

Ce texte nous permettra ainsi de détailler la feuille de route que nous souhaitons mettre en œuvre pendant cinq ans et de programmer budgétairement des transformations très importantes, numériques et cyber notamment, comme les militaires peuvent le faire avec les lois de programmation militaire. C’est d’ailleurs le modèle que nous suivons.

Je commencerai par saluer le travail que nous avons pu faire au Sénat. Vous l’avez souligné, Monsieur le président, une large majorité des sénateurs, allant du groupe des LR à celui des socialistes en passant, bien sûr par le groupe de la majorité présidentielle, a adopté ce texte. Bien sûr, tout n’a pas été accepté par l’ensemble des sénateurs, mais tous ont vu l’effort financier ainsi consenti et la volonté clairement exprimée de répondre aux cinq crises qui vont s’imposer à la France, quelles que soient les majorités, quels que soient les dirigeants politiques.

Je salue aussi les agents du ministère de l’intérieur, les policiers, les gendarmes, les agents de sécurité civile et ceux de préfecture. Ces agents, quels que soient leur grade ou leur fonction, payent parfois de leur vie leur engagement pour la France et pour la fonction publique. Je vais ainsi présider aux obsèques du gendarme qui a été tué dans l’Eure, dans la nuit du 24 au 25 octobre, alors qu’il participait à une opération. Je vous prie par conséquent de bien vouloir m’excuser de ne pas pouvoir participer, demain, aux travaux de votre commission.

Pour faire face aux cinq crises qui vont toucher notre pays, le ministère de l’intérieur doit donc définir des objectifs politiques – c’est l’objet du rapport annexé – et prévoir des moyens budgétaires.

Quelles sont ces crises ? Il y a d’abord celle que nous pourrions considérer comme d’ordre public, illustrée par exemple par les manifestations des gilets jaunes. C’est fini les manifestations « à la papa », avec des services d’ordre de syndicats organisés et dans une seule ville. Nous avons affaire désormais à des rassemblements spontanés, massifs et peu prévisibles. Or, l’ordre public, c’est un métier, qui n’est pas celui de n’importe quel policier, de n’importe quel gendarme. Il nécessite une formation spécifique. Nous créons donc onze unités de forces mobiles supplémentaires, alors que quinze d’entre elles avaient été supprimées au cours des vingt dernières années. Quatre de ces unités seront des escadrons de CRS et sept des escadrons de gendarmerie mobile, qui pourront être déployés lors des crises ultramarines, comme à Mayotte ou en Guyane, ou à l’occasion de certains événements tels que le dernier référendum en Nouvelle-Calédonie. Ces opérations outre-mer sont en effet l’apanage des gendarmes.

La deuxième crise est cyber. Elle mobilise à elle seule – avec le numérique – plus de la moitié des 15 milliards d’euros supplémentaires que nous vous demandons. Ces crédits serviront à faciliter le travail des policiers, des gendarmes et des agents de préfecture – l’équivalent en quelque sorte du prélèvement à la source pour les agents des Finances publiques. Cela permettra de simplifier des procédures qui, aujourd’hui, démobilisent nos agents. Ils me disent se sentir trop pris par la paperasse ou confrontés à des difficultés dans les discussions avec les citoyens ou la justice.

Ces crédits serviront aussi, et surtout, à lutter contre la nouvelle menace cyber, qui représente déjà plus de la moitié des escroqueries. Demain, elle portera sur le secret des correspondances, l’activité des plus petites PME de vos circonscriptions et les hôpitaux publics. Nous le savons, l’attentat ne sera sans doute plus commis par un homme armé d’une kalachnikov dans une salle de spectacle – même si cela peut toujours arriver. Il sera le fait d’un drone chargé d’explosifs ou de hackers s’attaquant aux feux de signalisation de la capitale ou aux hôpitaux du Plan blanc. Ce ne sont pas à quelques dizaines ou quelques centaines de morts, mais potentiellement à des milliers auxquels nous devons nous préparer. Les attaques de drones armés, qui existent déjà dans le monde militaire, dans le cadre d’opérations extérieures, seront importées évidemment demain dans celui de la sécurité intérieure. Nous devons trouver les moyens de répondre à ces nouvelles menaces, à ce nouveau terrorisme et à cette guerre hybride qui s’est matérialisée avec le conflit en Ukraine.

Vient ensuite la crise de la sécurité civile due au réchauffement climatique. Les feux de forêt de cet été ont démontré à quel point celui-ci, même si, en l’occurrence, il n’en est pas a priori le responsable, favorise la multiplication et la diffusion des catastrophes. En conséquence, nous avons besoin de renforcer de manière considérable nos moyens de sécurité civile. Songez que la moitié des feux de cet été ont eu lieu au nord de la Loire et non plus simplement, si j’ose dire, dans des territoires comme la Corse, le Var, les Bouches-du-Rhône ou les Alpes-Maritimes, qui y sont malheureusement habitués ! Lorsque le Jura est concerné, lorsque des milliers d’hectares brûlent en Bretagne ou en Maine-et-Loire, nous devons adapter nos moyens aériens et nos dispositifs d’intervention. Cela coûte évidemment beaucoup d’argent et les moyens destinés à la sécurité civile, prévus dans la Lopmi avant même les annonces du Président de la République, le 28 octobre, seront complétés lors du débat budgétaire. Ces feux de forêt succèdent aux intempéries les pires de l’histoire récente de notre pays, qui ont émaillé le précédent quinquennat. Il avait ainsi commencé avec l’ouragan Irma, à Saint-Martin, pour se terminer avec les désastres de la Vésubie et de la vallée de la Roya. Le réchauffement climatique est donc de la plus haute importance pour le ministère de l’intérieur qui, avec ses moyens technologiques, techniques et humains, doit prendre en charge ses conséquences.

La quatrième crise est celle de la délinquance et de ses nouvelles formes, chaque crise pouvant d’ailleurs se nourrir des autres. Ainsi, les points de deal seront demain en grande partie numériques, tandis que l’argent sale se convertit aux cryptomonnaies. Nous devrons à l’avenir pouvoir saisir des actifs numériques, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui. C’est d’ailleurs l’objet d’un des articles de cette Lopmi. Les nouvelles technologies de téléphonie mobile et la crypto nous empêchent également de procéder aux écoutes classiques, alors que notre présence sur la voie publique va changer profondément. Comment les motards procéderont-ils à des contrôles autoroutiers, dans sept ou huit ans, si ce sont des voitures autonomes qui circulent ? Il nous faut réfléchir à toutes ces évolutions et les anticiper, grâce notamment à la formation initiale et continue de nos agents, auxquelles nous consacrons des moyens très importants.

Nous avons pour objectif le doublement de notre présence sur la voie publique. Nous y parviendrons en menant des réformes internes au ministère de l’intérieur, je pense par exemple à celle du cycle horaire, et en augmentant les effectifs. D’où les 8 500 policiers, gendarmes et agents de préfecture demandés dans ce texte ; d’où la récréation de 200 brigades de gendarmerie, après que 500 ont été supprimées en trente ans. Toutes les mesures sont détaillées dans le rapport annexé.

Cinquième crise enfin, celle de l’investigation, qui fait le lien avec le travail effectué par le ministre de la justice. L’appellation même des officiers de police judiciaire (OPJ), les assistants d’enquête, qui sont à la police ce que sont les greffiers à la justice, rappellent ce lien et nous renvoient aux difficultés que nous rencontrons toutes et tous. En effet, le renforcement de notre présence sur le terrain, engagé sous le précédent quinquennat, a entraîné une hausse d’environ 20 % des interpellations de trafiquants et de délinquants. Dès lors, il faut faire des enquêtes, il faut les produire et les présenter à la justice. Or la réponse pénale, qui nous paraît parfois décevante, est souvent le résultat d’un travail incomplet des services du ministère de l’intérieur, par manque d’OPJ dans chacun de vos territoires.

C’est avec un esprit ouvert que je viens devant vous, car je crois ce texte très républicain. J’ai examiné les amendements déposés par l’ensemble des groupes, dont 70 par votre rapporteur. Ils amélioreront le texte et je leur donne un avis favorable, même si je ne pourrai pas être en commission pour en discuter, pour la raison que j’ai évoquée tout à l’heure – notez au passage que j’ai manqué le Conseil des ministres pour être devant vous ce matin.

Ainsi, le Gouvernement est favorable à la nouvelle rédaction de l’article 4, qui permet de créer des contraintes à l’appel d’air supposé sur les rançongiciels. Nous aurons sans doute l’occasion d’avoir ce débat très intéressant dans l’hémicycle, puisque les rançongiciels sont une des principales menaces cyber, à l’image des extorsions des années 1980-1990.

De même, je suis favorable, par principe et par conviction, aux amendements de Mme Untermaier sur le collège de déontologie, qui peut d’ailleurs, j’en ai parlé avec le rapporteur, être étendu à l’ensemble du ministre de l’intérieur et non pas être limité aux seules forces de sécurité intérieure. La DLPAJ (direction des libertés publiques et des affaires judiciaires) ou ce qui relève de l’immigration peuvent être concernés par ce collège de déontologie.

Un amendement déposé par M. Ciotti sur la création de 3 000 places supplémentaires en CRA (centre de rétention administrative), c’est-à-dire un doublement des 1 500 places prévues, recevra également un avis favorable du Gouvernement. Il faudra cependant discuter de la trajectoire budgétaire car M. Ciotti prévoit des crédits en investissement, mais pas en fonctionnement.

Un amendement M. Naegelen, qui prévoit un délai raisonnable d’échange quant à l’implantation des 200 brigades de gendarmerie, sera accepté. Il est en effet légitime de disposer de quelques mois pour travailler sur ces implantations, en concertation avec les élus,

L’officier de liaison LGBT+ proposé par Mme Regol est dans le droit fil des amendements présentés par le groupe Écologiste au Sénat, que j’ai acceptés.

Je donnerai également un avis favorable à l’amendement de M. Boucard sur la peine complémentaire pour les infractions de violence contre les forces de l’ordre et les élus.

Je suis tout à fait favorable aux amendements CL295 et CL638 présentés par M. Bernalicis et plusieurs députés écologistes sur la visioplainte pour faciliter les démarches des victimes.

Je donnerai également un avis favorable aux amendements de M. Balanant portant sur les circonstances aggravantes pour l’outrage sexiste ou l’identité de genre.

Le Gouvernement acceptera aussi les amendements de M. Boucard et de Mme Pouzyreff sur les extensions des AFD (amende forfaitaire délictuelle) et sur les rodéos urbains, en lien avec un amendement du Sénat.

M. Ciotti veut nous imposer des traitements de dossiers à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) en soixante jours. C’est l’objet de la loi « immigration » à venir, j’y serai donc favorable par principe. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec la loi « immigration ».

Enfin, je suis favorable à l’amendement CL393 de Mme K/Bidi sur l’évaluation à terme de la plainte en ligne.

Sur les 700 amendements déposés par l’ensemble des groupes, plus d’une centaine ont donc déjà reçu un avis favorable du Gouvernement. Pour ce qui est du débat parlementaire, ceux qui me connaissent savent que je suis plus mon instinct que les feuilles de banc, rédigées par mes collaborateurs.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre intervention, monsieur le ministre, est à l’image de la façon dont nous avons souhaité conduire nos travaux au cours des dernières semaines. C’est dans un esprit de très grande ouverture, qui favorise les larges consensus, que nous avons travaillé, à l’image d’ailleurs de ce qui s’est fait au Sénat où, je le rappelle, la Lopmi a été adoptée très largement, le 12 octobre.

Nous avons mené en quatre semaines, laps de temps relativement confortable pour préparer l’examen du texte, près de vingt-cinq auditions, au cours desquelles nous avons entendu soixante-dix à quatre-vingts personnes, pendant environ trente heures. Je dois aussi souligner, car c’est assez exceptionnel, que beaucoup de nos collègues députés ont souhaité participer à ces auditions alors que, généralement, le rapporteur y est un peu seul. La table ronde sur les rançongiciels a ainsi été particulièrement instructive pour déterminer la façon dont nous pouvons aborder ce sujet dans la Lopmi. De même, nous avons pu constater, s’agissant des plaintes en visioconférence, à quel point elle était attendue par les associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences.

Ce projet de loi fait suite au Livre blanc de septembre 2020, qui lui-même résultait d’une démarche très ouverte, à des universitaires par exemple. Il fait également suite, bien sûr, au Beauvau de la sécurité de septembre 2021. Avec 15 milliards d’euros, qui font suite aux 10 milliards d’euros du quinquennat précédent et la création 8 500 équivalents temps pleins (ETP), dont 7 612 pour les seules forces de sécurité intérieure, l’engagement est considérable. Au vu de certains amendements de suppression, déposés notamment par le groupe LFI, cet effort en faveur du ministère de l’intérieur est même considéré comme étant trop important.

Cet exercice n’est pas une tradition pour ce dernier. La dernière loi de programmation remonte en effet à 2011, alors que certains phénomènes de délinquance ou relevant de la sécurité civile, tels les mégafeux que vous avez évoqués, n’étaient pas encore aussi intenses. C’était une autre époque. La représentation nationale doit aujourd’hui définir une trajectoire pour les cinq années à venir. C’est notamment l’objet du rapport annexé.

Je souhaite que nous poursuivions nos travaux dans l’état d’esprit qui a été le nôtre en amont de l’examen du texte par la commission. Nous adapterons, le cas échéant, le droit existant. Nous aurons ainsi un débat sur les enquêtes sous pseudonymes, pour lesquelles certains arguments ne paraissent pas tout à fait recevables.

Nous devrions trouver un très large consensus autour des ambitions affichées dans cette loi de programmation.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. En préambule, je salue le courage des gendarmes mobiles qui ont fait face à des actes de violence graves commis par certains activistes le week-end dernier, à Sainte-Soline. J’ai une pensée toute particulière pour les soixante et un gendarmes blessés en intervention.

Je concentrerai mes propos sur le champ de saisine de la commission de la défense, à savoir les dispositions relatives à la gendarmerie figurant aux articles 1 et 2 du projet de loi et dans le rapport annexé.

Lorsque notre majorité est arrivée aux responsabilités, en 2017, les forces de sécurité intérieure revenaient de loin, que ce soit en matière d’effectifs ou d’investissement. À cet égard, le quinquennat 2017-2022 a marqué une rupture profonde avec les deux mandats précédents. Le Gouvernement a fait de la remontée en puissance des forces de gendarmerie et de police une priorité. Cette remontée a commencé par une hausse des effectifs, dans le cadre du plan « 10 000 jeunes ». Ensuite, le plan de relance a permis aux gendarmes de renouveler leur parc de véhicules et de motos, mais aussi de commander dix hélicoptères Airbus H160.

Dans le domaine de l’équipement, la gendarmerie a connu une véritable révolution numérique avec la stratégie Gend 20.24, qui repose sur une logique « d’aller vers » ou de « pas de porte ». Les téléphones NéoGend et les ordinateurs Ubiquity permettent aux gendarmes d’effectuer en déplacement toutes les missions ordinaires accomplies dans les locaux des brigades.

Pour ce qui est de l’immobilier, les gendarmes ont bénéficié de l’opération « poignées de porte » et d’un programme de rénovation. Enfin, en 2021, le Beauvau de la sécurité a encore renfloué les crédits alloués aux gendarmes comme aux policiers.

Une fois réélue, notre majorité a décidé d’aller encore plus loin, avec le dépôt d’un projet de loi de programmation, qui ancre le mouvement dans le long terme. Ce texte prévoit ainsi un effort supplémentaire de 3,5 milliards d’euros sur cinq ans au profit de la gendarmerie. Concrètement, le point fort de la Lopmi pour les gendarmes réside dans la création de 200 brigades, de 7 escadrons de gendarmerie mobile et de 350 postes de gendarmes. Les nouvelles brigades, classiques ou itinérantes, viseront à redensifier le maillage en zones rurales et à tenir compte de l’augmentation de la population en zone gendarmerie. Tous les départements profiteront de ces créations.

Déjà entamé, le travail de concertation avec les élus quant aux lieux d’implantation des unités devrait se terminer à la mi-janvier 2022. La Lopmi prévoit par ailleurs la montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1, de 30 000 actuellement à 50 000 d’ici à 2027, avec une forte augmentation en début de mandat pour préparer les Jeux olympiques de Paris.

J’ai déjà évoqué la transformation numérique qui paradoxalement, rapproche plutôt qu’elle n’éloigne. Pour ce qui est de la formation, les élèves gendarmes passeront douze mois au lieu de huit en école. La formation continue sera consolidée avec la création de treize centres régionaux.

Enfin, le protocole social conclu le 9 mars dernier, pour un montant de 197 millions d’euros, profitera particulièrement aux sous-officiers, qui verront leur grille indiciaire revalorisée, ainsi qu’au personnel de soutien.

La commission de la défense approuve les évolutions introduites par le Sénat, s’agissant de la programmation de 300 millions d’euros de crédits immobiliers pour les gendarmes ou de vingt-cinq jours d’emploi pour les réservistes.

Nous avons quant à nous adopté cinq amendements. Ils concernent l’instauration de passerelles entre les différentes réserves, mais aussi entre le ministère de l’enseignement supérieur et le service national universel (SNU). Nous avons aussi voulu rappeler la nécessité d’un plein investissement des forces de sécurité intérieure dans le SNU.

J’espère que votre commission approuvera ses propositions.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie Lebec (RE). Nous débutons aujourd’hui les débats attendus de longue date sur la Lopmi, qui fixera nos grandes orientations stratégiques en matière de sécurité publique et décidera des moyens budgétaires qui seront mobilisés et sanctuarisés pour la période 2023-2027. Ce projet de loi est la traduction concrète des engagements pris lors du Beauvau de la sécurité, que vous avez animé et coordonné. Je tiens à cet égard à souligner, après Florent Boudié, le sérieux du travail accompli par toutes les parties prenantes conviées pour l’occasion.

Au diapason d’autres grandes lois d’orientation adoptées sous le précédent quinquennat, la Lopmi consacrera un engagement pris par le Président de la République devant les Français : moderniser et renforcer notre politique publique de sécurité. L’objectif est qu’elle soit plus efficace, plus forte et plus juste pour répondre à toutes les formes de violence, celles des incivilités du quotidien et de la petite délinquance pour aller jusqu’au terrorisme et à la criminalité organisée. Cette ambition sera soutenue par des moyens humains, techniques et financiers sans précédent. Le budget du ministère de l’intérieur sera ainsi augmenté de 15 milliards d’euros entre 2023 et 2027.

Ce texte prolonge, en cohérence, les politiques que notre majorité a conduites ces cinq dernières années. Entre 2017 et 2022, nous avons créé pas moins de 10 000 postes de policiers et de gendarmes, augmenté le budget du ministère de l’intérieur et adopté plusieurs lois qui confortent et renforcent la sécurité de nos concitoyens.

Au cours des dernières semaines, nous avons mené de nombreuses auditions, qui ont permis de confirmer à quel point ce texte était attendu par nos forces de l’ordre, alors même qu’elles exercent, plus que d’autres, des tâches devenues complexes et périlleuses. Ce texte prend en considération la complexité de notre monde, ses nouvelles violences et les défis qu’il faut relever pour y faire face. Le premier d’entre eux est la révolution numérique, qui simplifiera le travail des agents du ministère et la vie de nos concitoyens. Cette révolution est d’autant plus impérieuse que la cyber délinquance est en constante et en inquiétante progression. Pour preuve le chiffre rappelé dans le rapport annexé au projet de loi, selon lequel plus des deux tiers des escroqueries relèvent désormais d’internet. Nous investirons donc massivement dans les outils numériques, qui fluidifieront les tâches des forces de l’ordre et de la chaîne pénale.

Autre défi, celui de la proximité, que nous relèverons en doublant la présence des forces de l’ordre sur le terrain, en maillant plus finement le territoire, grâce au réseau maisons France Services (MFS), et en impliquant davantage le corps préfectoral.

Enfin, pour mieux prévenir les nouvelles menaces, le renforcement de notre modèle de gestion de crise, avec plus de moyens humains et technologiques, est nécessaire. Je pense notamment à la modernisation de notre système de communication, grâce à la mise en place du programme Réseau radio du futur (RRF), mais également à la formation d’OPJ (officier de police judiciaire) et d’APJ (agent de police judiciaire) supplémentaires, pour mieux cibler les missions les plus difficiles ou les plus exposées.

Soulignons et saluons à ce propos les avancées et les précisions apportées au texte par le Sénat, qui ont permis notamment de prendre en compte les réserves formulées par le Conseil d’État. Je pense aux AFD. Je fais référence également à la création de l’article 7 bis, qui renforce la réponse pénale pour prévenir et interdire les rodéos urbains. Enfin, je me réjouis de la proposition du Gouvernement d’inscrire dans le dur, à l’article 5, les dispositions relatives au RRF.

Le texte peut cependant être encore précisé. La majorité proposera ainsi de réécrire l’article 4 portant sur les auteurs de rançongiciels. Une entreprise sur cinq déclare avoir subi au moins une attaque par rançongiciel au cours de l’année. Cette réalité justifiait à elle seule une réaction à la hauteur des conséquences potentielles.

Ce projet de loi contient des avancées qui permettront de répondre aux attentes des forces de l’ordre et des acteurs de la chaîne pénale, mais aussi aux légitimes exigences de nos concitoyens, qui aspirent à une plus grande sécurité, dans le strict respect de nos valeurs et des principes de la République. Je ne doute pas que nos débats seront marqués du sceau de cette double ambition et que le sens des responsabilités l’emportera sur toute autre considération.

M. Jordan Guitton (RN). Le débat qui s’enclenche aujourd’hui est fondamental. La sécurité est l’une des préoccupations principales des Français, car elle est la première des libertés. Au sein du groupe Rassemblement national (RN), nous nous réjouissons de l’élaboration d’une loi de programmation pour votre ministère, que nous réclamions avec Marine Le Pen.

Malheureusement, ces dispositions sont insuffisantes et incomplètes. Elles ne seront efficaces que si elles sont soutenues par une volonté politique, que votre Gouvernement n’a jamais eue, et par une justice qui applique réellement les peines, ce qui est loin d’être le cas avec l’actuel garde des Sceaux.

Insuffisante d’abord au niveau budgétaire, puisque sur les 15 milliards d’euros prévus, le budget de votre ministère n’augmente que de 1,2 milliard pour 2023, puis seulement de 880 millions pour l’année 2024. Nous regrettons qu’il n’y ait pas d’investissement massif dès les premières années, car la situation sécuritaire l’exige.

Incomplète ensuite parce que vous ne donnez pas suffisamment de moyens à nos forces de l’ordre pour lutter contre la délinquance et l’insécurité. Rien de concret dans ce projet de loi pour les protéger. Aucune mesure pour mettre en place la présomption de légitime défense, pourtant si demandée et si légitime. Rien non plus sur une réforme du sursis ou des aménagements de peine, encore bien trop nombreux. Aucun mot sur une possible revalorisation salariale des carrières de nos forces de l’ordre, qui risquent chaque jour leur vie et qui ont l’impression d’être de simples variables d’ajustement. Rien pour faire appliquer pleinement les obligations de quitter le territoire français, véritable faille pour le Gouvernement. Vous avez beaucoup communiqué à ce sujet, mais vous n’avez rien changé.

Concernant les outre-mer, nous aurions souhaité voir dans ce texte plus de mesures pour lutter contre l’insécurité et ses spécificités locales. Rien n’est proposé non plus pour rendre obligatoire la police municipale dans les villes de plus de 10 000 habitants. Police municipale qui est la grande oubliée de votre projet de loi, alors que les pouvoirs de police des maires devraient être légitimement renforcés.

En bref, le RN aurait souhaité voir un projet de loi plus ambitieux, dont l’incidence aurait été beaucoup plus rapide, à l’instar de ce que propose Marine Le Pen.

Enfin, vous nous proposez seize articles, contre trente-trois initialement et vingt-deux dans la version adoptée par le Sénat : faut-il y voir une baisse de vos ambitions ? Le rapport annexé nous présente votre vision politique, en faisant fi de la réalité quotidienne des Français. J’y vois plus un blabla destiné à servir vos ambitions futures que des engagements concrets au service des Français.

L’augmentation des effectifs de police n’est pas destinée à servir nos territoires, mais à préparer la Coupe du monde de rugby, en 2023, et les Jeux olympiques, en 2024, qui se dérouleront en France. À ce propos, monsieur le ministre, j’espère pour vous que les Anglais n’achèteront pas en trop grand nombre des billets, afin que nous ne donnions pas à nouveau l’image d’un pays sans loi ni État.

En réalité, ce texte compense les suppressions de postes de policiers et de gendarmes opérées par votre ancien parti politique, lorsqu’il était au pouvoir. Il ne fait également que rattraper le retard d’investissement pris dans la lutte contre la criminalité sur Internet. Quant aux peines planchers, la question de leur suppression devra être à nouveau débattue, plus tard, dans cette même commission.

Comme le lapin d’Alice au pays des merveilles, qui court après le temps, vous courez après l’insécurité, résultat de dizaines d’années de laxisme et de budgets inadaptés à la réalité française. Vous êtes, passez-moi l’expression, un ministre à réaction.

Enfin, votre position vis-à-vis de celle d’Éric Dupond-Moretti est l’illustration parfaite du « en même temps » macroniste. Vous voulez renforcer les effectifs de la police et de la gendarmerie, mais vous laissez les mains du ministère de la justice au ministre du laxisme.

Comme à notre habitude, nous voterons ce qui est bon pour les Français, quelle que soit la couleur politique de celui qui propose l’amendement. Et nous demanderons bien plus que ce que propose ce texte. Nous serons constructifs, fermes et toujours du côté de l’ordre et des forces de l’ordre.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ce projet de loi d’orientation doit être considéré au regard d’un certain nombre de principes. Quel objectif devrions-nous tous viser, du point de vue de l’intérêt général ? Non pas l’ordre absolu, que réclame notre collègue du Rassemblement national, mais le respect du principe de sûreté, qui va bien au-delà de celui de sécurité et qui est repris dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Selon ce principe, nous devons pouvoir bénéficier de la sécurité matérielle et, à ce titre, ne pas être cambriolés ou volés, par exemple, mais aussi être protégés vis-à-vis de la puissance publique, afin de ne pas être inquiété arbitrairement.

Ce principe de sûreté doit irriguer notre pensée, parce que c’est lui qui fait que nous vivons dans une démocratie, une République, que j’espère sociale. Pour remettre les choses dans l’ordre, il faudrait dire que la liberté est la première des sécurités. Ou que la première des sécurités, c’est la sécurité sociale.

Une fois ce principe posé, nous pouvons débattre de la police ou du ministère de l’intérieur que nous voulons, puisque le texte ne se limite pas aux seules questions de sécurité ou de sécurité civile. En définitive, l’important est de savoir quel service public nous voulons au service des citoyens, et non pas quelles sont les ambitions, présidentielles peut-être, de Gérald Darmanin.

Passons maintenant à la question des milliards. Il pleut en effet des milliards sur le ministère de l’intérieur ! Mais il est très compliqué de savoir exactement comment ils seront utilisés. J’ai même l’impression qu’on a d’abord donné 15 milliards et qu’ensuite on s’est dit : « Tiens !, que va-t-on bien pouvoir en faire ? ». Comme si vous aviez demandé une somme, à la cantonade, et l’aviez obtenue. J’imagine qu’on finira par avoir le détail. Selon M. le rapporteur, l’Assemblée nationale viendrait de l’obtenir – les sénateurs eux ne l’avaient pas lorsqu’ils ont examiné le texte. Il va donc falloir passer en revue ces 15 milliards d’euros pour voir ce qui nous convient, ce qui est utile du point de vue de la sûreté, ce qui l’est du point de vue du service public, en fonction des objectifs que l’on doit poursuivre. J’imagine, par exemple, que personne ne s’opposera au Réseau radio du futur. S’agissant de l’augmentation du nombre des gendarmes mobiles et des CRS, pourquoi pas. Mais si c’est pour les envoyer à Sainte-Soline pour fracasser les manifestants, voire des élus de la République, c’est problématique…

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est plutôt l’inverse qui s’est produit !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Si ces milliards devaient servir à mettre en place une police de proximité, nous pourrions en discuter. Nous pourrions effectivement considérer que c’est une bonne idée. Mais non, l’objectif est de mettre 30 % de « bleu » en plus sur le terrain, en poursuivant la militarisation des services de police dans leur équipement, leur façon d’être et de paraître.

Vous voulez finalement une police de plus en plus répressive, qui puisse se passer, en partie, de la justice. Vous traduisez les propos de responsables syndicaux de la police selon lesquels le problème de la police, c’est la justice en proposant que les policiers puissent dresser des AFD, en étant juge et partie, en faisant de la répression dans la rue, immédiatement, sans passer par la case autorité judiciaire.

S’agissant de l’investigation, nous avions défendu l’idée, pendant la campagne présidentielle, qu’il fallait moins de BAC (brigade anticriminalité) et plus de PJ (police judiciaire). Or ce n’est pas ce que vous faites avec la départementalisation.

Enfin, pour ce qui est de la déontologie policière et si l’on souhaite favoriser le rapprochement de la police et de la population, il faut supprimer l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) et l’IGGN (Inspection de la gendarmerie nationale) au profit d’une autorité indépendante.

M. Éric Ciotti (LR). Ce texte est naturellement opportun et bienvenu. Et nous l’examinons enfin, car nous avons, vous avez surtout, perdu cinq ans. C’est ce qu’a déclaré la semaine dernière l’un de vos prédécesseurs, Gérard Collomb, le premier ministre de l’intérieur de M. Macron. Et il a raison ! Nous avons perdu cinq ans en matière de sécurité et d’immigration.

Les ambitions de ce texte paraissent élevées, mais elles sont en fait relatives et partielles. Relatives parce que 15 milliards d’euros, dont l’affectation annuelle n’est pas précisée, avec une inflation qui va tangenter les 10 %, laisseront finalement très peu de moyens. Près de la moitié de ces crédits, en effet, sera réservée à la lutte contre la cybercriminalité, ce qui est important, mais aussi à la modernisation de l’outil informatique, qui en a bien besoin. Près de la moitié sera donc consacrée au fonctionnement quotidien du ministère, pas aux forces de sécurité.

Je veux souligner également les importantes carences de ce texte. Voilà plusieurs années, j’avais souhaité la mise en place d’une loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure et la justice. Or votre loi de programmation ne prévoit rien sur la justice ni l’immigration, ou de façon très parcellaire. C’est une lacune, c’est un défaut. L’absence de volet justice va priver nos concitoyens d’une grande partie de la réponse au problème de l’augmentation de la violence, de la délinquance, de la criminalité dans nos rues, avec l’apparition de zones de non-droit de plus en plus nombreuses.

Je regrette qu’il n’y ait rien sur les peines planchers, qui devraient protéger l’uniforme de la République. Elles auraient été bien utiles face aux extrémistes de Sainte-Soline, qui ont provoqué des violences très graves. Et vous avez eu raison de parler d’écoterrorisme. Elles auraient été nécessaires face à ces hordes sauvages qui ont attaqué les gendarmes.

Il n’y a rien non plus sur les interdictions de territoire français, sur la double peine, alors que vous avez fait opportunément le lien – c’est nouveau et je vous en félicite – entre délinquance et immigration. L’ancien préfet Lallement a même considéré qu’une partie des primo-arrivants s’intégrait par la délinquance. Nous essaierons donc de compléter le texte.

Merci, monsieur le ministre, d’avoir d’ores et déjà répondu favorablement à notre amendement visant à augmenter le nombre de placements en CRA. Nous estimons que c’est la seule mesure qui permettra d’améliorer le taux d’exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et de faire en sorte que ceux qui sont rentrés illégalement sur le territoire national et qui, a fortiori, y ont commis des délits ou des crimes ne puissent y rester. Sans la volonté de revenir sur la procédure de placement en CRA, nous n’y arriverons pas.

Enfin, votre réponse sur l’investigation ne nous convainc pas et la réforme de la police judiciaire inquiète beaucoup, quant aux risques de déstabilisation qu’elle fait peser sur la filière. Je considère pour ma part qu’il ne faut pas toucher aux brigades du Tigre, qu’il ne faut pas toucher à la PJ et que votre réforme en la matière est dangereuse.

Nous en débattrons dans un esprit constructif, au service de la sécurité de nos concitoyens, qui aujourd’hui en a bien besoin.

Mme Blandine Brocard (Dem). Je tiens tout d’abord à remercier mon groupe de m’avoir confié la responsabilité de défendre ce texte. Comme vous, comme le groupe Démocrate, je suis profondément attachée à nos forces de sécurité intérieure, à leur mission et à la nécessité qu’elles ont de disposer des moyens humains et technologiques pour la remplir.

Après des années de détricotage, le précédent quinquennat a consenti un effort sans précédent. Il a ainsi engagé le renouvellement du parc automobile de nos forces de l’ordre et la rénovation de l’immobilier. Il reste néanmoins beaucoup à faire et nous sommes tous régulièrement interpellés quant aux difficultés rencontrées quotidiennement, malgré les nettes améliorations de ces dernières années.

Je salue à cet égard la proposition des sénateurs de consacrer 300 millions d’euros, chaque année, à l’immobilier de la gendarmerie : 200 millions pour la reconstruction et la réhabilitation des casernes, 100 millions pour leur entretien. La caserne de Neuville-sur-Saône en aurait particulièrement besoin.

Nos débats seront suivis avec attention dans toutes les brigades de France. J’espère que nos échanges respecteront toujours le métier et l’engagement des hommes et des femmes qui agissent pour la sécurité de nos concitoyens. J’espère qu’ils seront nuancés et qu’ils éviteront les outrances. Nos forces de l’ordre veulent simplement disposer des moyens nécessaires à l’exercice serein de leur mission.

Cette loi de programmation traduit en chiffres la considération que la République a pour celles et ceux qui la protègent, parfois au mépris de leur vie. C’est aussi un moteur qui, je l’espère, fera naître des vocations pour servir dans une police et une gendarmerie moderne, efficace et plus présente.

Certains collègues exprimeront sans doute leurs interrogations, quant à la réforme de la PJ en particulier. Je ne doute pas que vous saurez les rassurer, comme vous saurez rassurer nos policiers. Nous sommes convaincus que cette réforme est nécessaire. Nous avons cependant souhaité inscrire dans le rapport annexé les critères de sa mise en œuvre pour apaiser les inquiétudes qu’elle suscite.

Le groupe Démocrate proposera un certain nombre d’améliorations, entre autres deux amendements de suppression. Nous veillerons également à ce que les différentes dispositions soient traduites dans les lois budgétaires des prochaines années.

Enfin, je tiens à souligner l’excellent travail de coconstruction qui a été réalisé en amont, entre les groupes parlementaires et avec le ministère de l’intérieur.

M. Roger Vicot (SOC). Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, budgétaires notamment. Sur les 15 milliards d’euros prévus, plus de la moitié – 8 milliards – servira à la modernisation de nos forces de l’ordre – informatique ou encore immobilier. On ne peut contester cette avancée, comme on ne peut contester la mesure visant à doubler les effectifs sur le terrain, d’ici à 2030. Nous restons cependant circonspects quant à sa faisabilité, d’autant que le Conseil d’État a indiqué que la crédibilité budgétaire était affectée de nombreuses incertitudes. Nous attendons de voir, si j’ose dire, comment cette promesse, intéressante, se concrétisera sur le terrain.

Ce texte suscite cependant un certain nombre d’interrogations. La première, déjà évoquée, concerne la réforme de la PJ. Monsieur le ministre, je vous demande d’être davantage à l’écoute de tous ceux qui s’expriment sur ce sujet, et pas seulement les policiers. La Conférence nationale des procureurs généraux, les procureurs de la République, l’Union syndicale des magistrats (USM) ou encore les syndicats d’avocats ont tous souligné les incertitudes, voire les dangers que fait naître cette réforme. Certaines grandes voix se sont également fait entendre. Le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, lui qui est d’ordinaire plutôt prudent, a ainsi clairement affirmé que cette réforme était porteuse d’un certain nombre de dangers. Le procureur de la République, le vice-président du tribunal de Melun ont expliqué que cette réforme renforçait considérablement le risque de voir « se développer une délinquance de type mafieux ». Quant aux expérimentations menées dans plusieurs départements, elles n’ont pas inspiré de nombreuses louanges, notamment parce que, parfois, les orientations politiques pénales du ministère public n’ont pas été prises en compte dans la manière dont cette réforme est appliquée.

S’agissant des nombreux recrutements annoncés, nous considérons qu’ils impliquent une problématique de formation, à la fois qualitative et quantitative. Je pense notamment à celle des assistants d’enquête, au regard des missions qu’ils auront à remplir.

Par ailleurs, il nous semble que les AFD, même si elles sont présentées comme une facilité supplémentaire, présentent un risque d’arbitraire. Cela pose aussi une question de fond par rapport aux droits des victimes potentielles lorsqu’elles sont directement concernées.

Nous serons particulièrement attentifs aux dispositions portant sur les plaintes en ligne – nous avons déposé un amendement sur ce point. Il nous semble en effet que ce type de plainte devrait être davantage encadré, notamment lorsqu’il y a des victimes directes de violences intrafamiliales ou conjugales. Dans un certain nombre de cas, les victimes devraient pouvoir être reçues, en face-à-face, au commissariat, pour pouvoir s’expliquer. Le dispositif devrait être réservé à celles qui en font la demande.

Enfin, j’aimerais avoir l’avis du Gouvernement sur l’amendement instituant une expérimentation de juridictions spécialisées pour les violences conjugales et sexuelles.

M. le président Sacha Houlié. Cet amendement a été déclaré irrecevable, puisque relevant des états généraux de la justice.

M. Philippe Pradal (HOR). Je remercie tout d’abord M. Florent Boudié, rapporteur de ce texte, pour la qualité des échanges que nous avons pu avoir, en amont.

Au nom du groupe Horizons, je tiens à souligner l’ambition de la Lopmi pour la période 2022-2027. Les grandes priorités qui s’en dégagent nous semblent être à la hauteur des enjeux, en premier lieu celui de la sécurité de nos concitoyens, en second lieu celui de la simplification et de l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur. Je m’associe aux hommages que vous rendez régulièrement à ces agents.

Le renforcement des moyens et le doublement de la présence policière sur le terrain, avec 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans, 8 500 créations de postes et 200 nouvelles brigades de gendarmerie notamment, doivent être soulignés. C’est un effort inédit et ô combien nécessaire.

Le groupe Horizons tient à saluer l’attention particulière portée aux territoires ruraux et périurbains, qui lors des quinquennats précédents ont pu souffrir d’un recul de la présence de l’État. Nous souhaitons que cette proximité, que cette relation forte entre le ministère de l’intérieur et les collectivités territoriales, notamment les communes, soit explicitée, accentuée dans le rapport annexé. Rappelons que la police municipale est souvent primo-arrivante, voire primo-intervenante auprès de la population. Tel est l’esprit d’un certain nombre de nos amendements.

Cette proximité renforcée avec le terrain sera notamment permise par la transition numérique majeure que le ministère souhaite engager. Cette modernisation des outils à disposition des agents, point fort de la Lopmi, autorisera des relations plus efficaces avec les usagers. Policiers et gendarmes seront plus nomades grâce aux tablettes NéoGend, tandis que le RRF devrait offrir un système de communication haut débit sécurisé, résilient et pleinement interopérable aux services de sécurité et de secours, et nous l’espérons à ceux de police municipale.

Moderniser, c’est aussi mieux armer la France et sa police face aux nouvelles menaces. Les cyberattaques mettent de nombreux établissements publics et privés dans des situations de vulnérabilité extrême. Les hôpitaux sont ainsi trop régulièrement touchés par ces attaques. Le groupe Horizons souhaite qu’en plus des moyens mis à disposition des enquêteurs, la réponse de la justice soit très ferme car il est intolérable que la vie des patients puisse être mise en danger.  La loi doit être particulièrement dissuasive à l’égard des réseaux criminels qui alimentent cette menace.

Enfin, le groupe Horizons est en accord avec la politique de renforcement de l’attractivité du métier de policier, grâce notamment à l’allégement des tâches administratives. La création du poste d’assistant d’enquête – avec un recrutement au sein des personnels administratifs du ministère – permettra de prendre en charge certaines de ces tâches, mais aussi de faire naître des vocations pour le métier d’enquêteur.

Le nombre d’agents de terrain va donc considérablement augmenter au cours des prochaines années, notamment en prévision d’événements comme les Jeux olympiques (JO) et paralympiques de 2024. Plusieurs dispositions de la Lopmi posent les jalons d’une future loi consacrée à ce sujet.

Il nous semblerait néanmoins intéressant de connaître, d’ores et déjà, la ventilation des crédits qui sont consacrés à la sécurisation des Jeux et des autres grands événements sportifs. En effet, l’enjeu sécuritaire sera majeur et la France sera regardée de près par le monde entier. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quel montant du budget prévu à l’article 2 de la Lopmi sera consacré aux événements sportifs à venir, et qu’elle serait la répartition, à ce stade de votre réflexion, entre les forces de police et de gendarmerie et les organismes de sécurité privée ?

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous avons des visions différentes, mais nous partageons au moins la volonté, l’aspiration républicaine à améliorer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Cela passe par le soutien et la transformation de l’organisation de nos forces de l’ordre et de sécurité civile. C’est après tout le devoir de l’État que de pourvoir à la sécurité de chacun, de façon égale et dans tous les territoires, et donc d’assurer un service, au service du public.

Vous avez dit, dans votre propos liminaire, que vous entamiez ce travail avec nous dans un esprit d’ouverture. Je vous prends au mot et je m’en réjouis, cela d’autant plus que, jusqu’à présent, ouverture et dialogue figurent surtout dans vos déclarations. Vous avez en effet refusé ici, à plusieurs reprises, tout dialogue concret avec les oppositions. Des différences entre les discours et les actes peuvent certes exister, mais quand ils divergent à ce point, elles abîment aussi bien notre fonction que notre mission.

Ce refus s’est jusqu’à présent traduit par du mépris, dans cette commission et dans l’hémicycle, notamment en opposant les gauches et les écologistes, en choisissant entre les uns et les autres selon qu’ils sont, selon vous, de bons ou de mauvais élèves. Un mépris pour ce que sont globalement les écologistes, pour leurs valeurs et leur combat.

Il y a quelques jours, lors des événements de Sainte-Soline, vous n’avez ainsi pas hésité à assimiler tous les écologistes à des terroristes. Une assimilation dangereuse, car vous savez que le terrorisme, ce n’est pas ce que nous incarnons. Comme preuve de ce danger, il y a les outrances que mon collègue Ciotti vient de prononcer à l’instant à notre endroit. Il n’est pas normal que de tels propos puissent se tenir au sein de nos institutions.

Alors que des élus de la République, des représentants du peuple se sont fait molester, sur ordre et dans l’exercice de leur fonction, par des forces de l’ordre, vous n’avez pas eu, ni vous monsieur le ministre, ni mes collègues, un seul mot pour Lisa Belluco et Benoît Biteau.

Mais parce qu’il est important de renforcer notre sécurité et de réorganiser police et gendarmerie, je laisserai là mes questionnements. Je vous invite, et je nous invite, à ne pas nous perdre dans des invectives personnelles et à avancer sur le fond. Je mise donc sur vos propos et sur la volonté de dialogue affichée que, monsieur le rapporteur et monsieur le président, vous saurez mettre en œuvre. Il serait dommage que nous nous braquions collectivement au moment où des textes importants pour la France se profilent et alors que les 49.3 commencent à se raréfier.

Cette Lopmi nous propose donc d’améliorer les conditions de travail et d’organisation de nos forces de l’ordre, et nous partageons cet objectif. Mais notre attention se porte en premier lieu sur l’efficacité réelle du service au public, et c’est là que le bât blesse. Vous nous dites qu’il est nécessaire de rapprocher les forces de l’ordre et la population, de renforcer les liens, la confiance et le dialogue : nous sommes d’accord. J’ai du mal alors à saisir en quoi le fait de déployer des robots ou des exosquelettes pourra rassurer la population, rapprocher et créer du dialogue. Je vous rappelle que l’objectif, c’est l’efficacité.

Vous voulez également une police qui aille mieux, qui travaille mieux. Mais j’ai du mal à comprendre comment on pourrait atteindre cet objectif en minorant le travail d’enquête sur le terrain. Après les manifs des flics en colère, après la colère froide de la PJ, je crois que ce n’est décemment pas la bonne chose à faire.

Enfin, vous préconisez le recours aux AFD pour que les agents cessent de perdre du temps. Comme mes collègues ont commencé à vous le dire, réduire le rôle de la justice n’est jamais une avancée. Cela traduit une forme de « managerisation » de notre organisation, qui affaiblit le terrain et renforce les élites. Je ne pense pas que ce soit votre dessein, mais c’est la réalité.

Un service au service du public, c’est ce que nous défendrons. J’espère que nous nous retrouverons sur ce combat, monsieur le ministre.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Si, pour juger ce projet de loi, on devait s’en tenir aux arbitrages favorables de Bercy, il suffirait de dire que vous avez obtenu bien plus que les autres ministères. Nous aurions bien aimé que d’autres ministères bénéficient d’augmentations aussi importantes ! Mais on ne se prononce pas que sur un montant, on le fait aussi sur une trajectoire, sur des objectifs, sur un sens. Je m’en tiendrai ici à nos principaux points de désaccords et à nos propositions.

J’ai entendu votre volonté d’ouverture et je vous crois a priori. Mais si l’on se fie à ce qui s’est passé dernièrement, aux appels à la coconstruction qui aboutissent à des 49.3 et à des méthodes brutales, permettez-moi d’en douter. Tenons-nous-en, néanmoins, à votre engagement de ce matin.

Cette Lopmi s’aligne sur des mesures issues de la loi « sécurité globale » à laquelle, vous le savez, nous nous sommes largement opposés. Elle s’appuie aussi sur des revendications de certains syndicats policiers qui ont scandé, il y a quelque temps, devant notre assemblée, que le problème de la police était la justice. Idée que nous combattons résolument. Par ailleurs, vous proposez de renforcer la vidéosurveillance, les caméras-piétons, les policiers robots, les frontières connectées, autant d’équipements, dits de pointe, qui ne remplaceront jamais une présence humaine de proximité. En tout cas selon nous.

Vos choix budgétaires se font malheureusement au détriment des moyens de proximité, mais aussi des investigations, des filatures ou des enquêtes, qui sont déterminantes si nous voulons assurer la sûreté. Ils se font au détriment aussi de meilleures conditions de travail pour les agents de police. Je pense ici par exemple à l’alinéa 134 du rapport annexé, qui entend privilégier la compensation financière des heures supplémentaires plutôt que la récupération. En outre, cette loi troque la police judiciaire pour une police augmentée, qui ne garantira en rien l’efficacité, c’est-à-dire la protection des citoyens.

Autre point qui nous semble crucial : la relation police-citoyen. Vous aviez annoncé que c’était une des ambitions de ce texte. Force est de constater, en regardant à ce sujet le point 6 du rapport annexé, que c’est très flou, mais aussi très stigmatisant. Vous confondez délinquance juvénile et quartiers politiques de la ville, en usant d’expressions aussi peu précises que « jeunes des quartiers ». Rien n’est dit, rien n’est fait concrètement pour améliorer les rapports entre les forces de l’ordre et la population. La seule idée est de proposer des stages dans la police à des jeunes de 11 ans. La confiance ne se décrète pas, elle se gagne et je crois qu’un des principaux leviers pour parvenir à relever ce défi, c’est l’égalité de traitement entre tous les citoyens. Nous déposerons donc des amendements qui proposeront la mise en place du récépissé de contrôle d’identité pour lutter contre les contrôles discriminants, ainsi que le déploiement d’une police de proximité. Les habitantes et les habitants des quartiers populaires ont droit à la sûreté. Ils la demandent, ils dénoncent les incivilités et exigent en même temps un traitement digne et respectueux de leurs droits fondamentaux. Rien de plus, rien de moins.

Améliorer le rapport police-population, c’est également condamner les policiers quand ils sont coupables de violence. L’exemplarité est une donnée primordiale du rapport de confiance. À cet égard, nous continuons de penser que l’IGPN doit être refondée pour devenir une autorité véritablement indépendante.

Par ailleurs, nulle part dans vos éléments de langage, dans les seize articles du projet de loi, dans les quatre-vingt-huit pages du rapport annexé n’apparaît ne serait-ce qu’un début de réflexion sur la doctrine du maintien de l’ordre en France, malgré la gestion désastreuse de la séquence des gilets jaunes.

Le maintien de l’ordre doit permettre l’exercice des libertés publiques. Il nécessite un strict équilibre entre liberté et ordre public.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Face aux attentes toujours plus fortes de la population en matière de sécurité, il était nécessaire que l’État accorde enfin un soutien budgétaire et matériel à la hauteur des enjeux. En ce sens, il paraît nécessaire de redonner à l’ensemble des acteurs de la sécurité et des secours une capacité d’action renforcée, certes, mais sans excès. C’est pourquoi je m’exprime aujourd’hui au nom du groupe LIOT, qui souhaite saluer les objectifs budgétaires ambitieux, même s’ils devront être confirmés au cours de la législature.

On ne peut nier l’effort budgétaire consenti, soit une hausse cumulée sur cinq ans de 15 milliards d’euros. Notre groupe constate que cette trajectoire est respectée pour 2023, avec un budget sécurité qui dépasse les 22 milliards d’euros. Nous rejoignons cependant les critiques du Conseil d’État sur le rapport annexé. Les objectifs sont listés de manière éparse, sans hiérarchisation et il y a une absence presque systématique de corrélation entre moyens et objectifs.

Notre groupe regrette également que le calendrier ait déjà conduit à un examen de la mission Sécurité, avant d’avoir débattu de la Lopmi et des priorités. D’autre part, nous suivrons avec attention le retour annoncé dans les territoires des 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Nous appelons néanmoins à une concertation réelle pour établir le lien avec les élus locaux et territoriaux. Ce déploiement doit se faire en partenariat avec les collectivités. De quelle marge de manœuvre disposent les élus, notamment les maires, dans leurs échanges avec les préfets ? L’efficacité des actions dépend donc intrinsèquement de la densité du maillage territorial et de la capacité d’adaptation des brigades. C’est pourquoi notre groupe souhaite obtenir des éclaircissements : concrètement, quelle sera la répartition de ces nouvelles brigades entre collectivités ?

Les réformes liées à la police judiciaire ont suscité de vives réactions. Notre groupe attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir la spécificité de la PJ, alors que l’étude d’impact évoque un besoin de 5 000 OPJ dès 2023, en plus des 17 000 qui ont déjà cette qualité. Les mesures prévues dans ce projet de loi semblent toujours insuffisantes. Nous relevons la volonté de former tous les nouveaux policiers et gendarmes à la fonction d’OPJ, dès la formation initiale, mais cela ne permettra pas de répondre au manque à court terme. Il faudra des formateurs et réviser les programmes dans un laps de temps restreint pour susciter des vocations.

Les députés de notre groupe n’ont pas de réticence particulière à l’égard de la création des assistants d’enquête, au contraire. Ces greffiers de police devraient permettre d’alléger la charge procédurale des enquêteurs pour que ceux-ci puissent se concentrer sur leur cœur de métier.

Certains points devront en outre être clarifiés. Sur le terrain, les enquêteurs redoutent ainsi fortement d’être placés sous l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale. Ils craignent de se voir entravés dans la conduite de leurs investigations et de ne plus pouvoir assurer leur mission avec toute l’indépendance nécessaire. En Corse, des collectifs antimafia redoutent ainsi de voir réduites les missions de la PJ pour lutter contre le grand banditisme.

Concernant ce que vous appelez les nouvelles menaces, les députés LIOT prennent note de la possibilité de saisir les cryptoactifs, ce qui leur paraît être une bonne mesure.

Par ailleurs et comme vous pouvez vous en douter, je suis réservé sur les prérogatives renforcées que vous souhaitez accorder au préfet de département sur les services de l’État en cas de crise. Pour cela, il y a des états d’urgence, qui sont des régimes d’exception et qui ne doivent en aucun pas glisser vers le droit commun. Notre groupe a l’ADN très décentralisateur et considère que l’efficacité se situe, non pas dans le renforcement des prérogatives des préfets, mais dans le partage et l’accroissement des compétences et des responsabilités des collectivités. Ce sont, selon nous, les mieux à même de régler les difficultés rencontrées dans leur territoire.

Nous ne nous opposerons pas aux nombreuses améliorations apportées par les sénateurs, qui ont permis de corriger les principales failles du texte. C’est le cas par exemple du choix opéré par le rapporteur de réduire le champ des AFD, alors que le texte initial allait beaucoup trop loin et concernait 3 400 infractions.

Enfin, nous tenons à souligner l’introduction dans le texte d’une plus forte répression des agressions contre les élus locaux. Les chiffres 2021 parlent d’eux-mêmes : plus de 160 parlementaires et plus de 600 élus municipaux agressés, soit une hausse de 47 % en un an. Il était nécessaire d’améliorer la réponse pénale sur ce point.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je voudrais de nouveau saluer le travail de M. le rapporteur. Je le répète, nous serons favorables aux 170 amendements qu’il a déposés et nous aurons l’occasion de revenir ici ou en séance sur les interrogations qu’il a soulevées ici ou là.

Je tiens ensuite à remercier chacune et chacun d’avoir reconnu que ce texte prévoit une augmentation sans précédent des crédits du ministère de l’intérieur, qui plus est dans le cadre d’une programmation. C’est la première fois, me semble-t-il, qu’il y a une telle unanimité. Il importe, bien sûr, de savoir à quoi vont servir ces crédits et je veux dire à M. Bernalicis que je suis tout à fait prêt à en détailler l’affectation. Certes, l’avenir est toujours fait d’incertitude, mais on peut néanmoins entrer davantage dans les détails. Cela ne me pose aucun problème.

L’observation de M. Ciotti relative à l’inflation n’est pas fondée. En effet, et il le sait bien, les dotations du budget du ministère de l’intérieur relèvent essentiellement du T2, c’est-à-dire de charges de personnel, qui ne sont donc pas soumises à l’inflation. Seuls les prix du matériel peuvent être affectés par l’inflation. Je l’ai déjà expliqué récemment à vos collègues du RN, qui faisaient à peu près la même réflexion, cherchant par là-même à dévaloriser ce texte. En outre, certaines dépenses du hors T2 ont été engagées avant la forte hausse des prix que nous connaissons à présent. C’est le cas par exemple des crédits destinés au RRF de plus de 2 milliards d’euros.

Imaginons que l’inflation soit très élevée pendant toute l’année 2023 : sur 1,25 milliard d’euros de crédits supplémentaires, elle ne représenterait que 210 millions d’euros. On ne peut donc pas dire que ce texte ne prévoit pas une augmentation réelle des crédits. En outre, cela reviendrait à partir du principe qu’il n’y aurait pas de PLFR (projet de loi de finances rectificative) en fin d’année. Il y a toujours des fins de gestion qui permettent de faire face à des conditions ou contraintes extérieures. Bref, il ne faut pas bouder son plaisir : il s’agit bel et bien d’une augmentation sans précédent.

J’en profite pour dire aux élus du RN qu’ils commettent une erreur lorsqu’ils évoquent une absence de revalorisation salariale. Ce texte prévoit au contraire la plus importante revalorisation des salaires de tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie de l’histoire du ministère de l’intérieur. Au total et en cinq ans, c’est un treizième mois que nous leur versons. C’est la consécration budgétaire de l’accord signé avec tous les syndicats de police et avec l’ensemble des organisations représentatives de la gendarmerie nationale – une première au ministère de l’intérieur dans le cadre d’une convention sociale –, tous les agents bénéficieront d’une augmentation de 100 euros par mois, en premier lieu les gardiens de la paix et les gendarmes des brigades territoriales, dès cette année. Nous n’avons donc pas attendu la Lopmi.

De même, nous allons tripler la prime des policiers de nuit, prime qui n’existait pas et que j’ai créée. Je suis également le premier ministre de l’intérieur qui accorde des primes spécifiques au CRS de montagne et aux gendarmes de PGHM (peloton de gendarmerie de haute montagne). Nous doublons aussi la prime OPJ. Nous pourrions ainsi passer en revue toutes les avancées sociales.

Quand vous dites que la revalorisation salariale n’est pas au rendez-vous, je me demande quand elle le sera selon vous, puisque, en l’occurrence, celle-ci est sans précédent. Je suis favorable aux augmentations de salaires en général et je le prouve au sein du ministère de l’intérieur. Cela d’autant qu’à ces revalorisations s’ajoutera celle du point d’indice, qui concerne tous les fonctionnaires.

S’agissant de la police municipale, vos interventions visaient principalement à la rendre obligatoire dans toutes les communes de France de plus de 10 000 habitants ou à donner des moyens supplémentaires aux maires en la matière.

Pour ce qui est du premier point, ni vous ni moi ne pouvons forcer les collectivités locales à mettre en place une police municipale, en raison de l’article 72 de notre Constitution – à moins bien sûr de vouloir changer cette Constitution… C’est le principe de libre administration. Ainsi, certaines villes, comme Paris, ont choisi d’avoir une police municipale, mais non armée, alors que d’autres, comme Tourcoing, ont préféré armer ces agents municipaux. C’est aux villes de décider. Prétendre que l’on peut rendre la police municipale obligatoire par la loi, c’est raconter des « garnousettes », comme on dit chez moi.

Concernant l’extension des pouvoirs de la police municipale et du maire, nous avons déjà eu ce débat – Mme Le Pen pourrait vous le raconter – à l’occasion de l’examen de la loi pour une sécurité globale, que vous avez d’ailleurs votée. Aux termes de ce texte, on pouvait, dans le cadre d’une expérimentation, donner des pouvoirs supplémentaires aux polices municipales. Ayant été maire moi-même, je reconnais que cela peut être, parfois, très pratique. Simplement, le Conseil constitutionnel a déclaré que si les polices municipales étaient dotées de pouvoirs judiciaires, alors elles devaient dépendre du procureur de la République. C’est d’ailleurs exactement ce qui se passe avec la police nationale. Lorsque j’embauche des policiers nationaux – et contrairement à ce que tout le monde répète sans cesse –, ce n’est pas moi qui les emploie pour des enquêtes ou pour des contrôles d’identité.

Il faut donc choisir son combat si l’on souhaite donner plus de moyens aux polices municipales : soit on modifie la Constitution, puisque la loi ordinaire ne peut pas le faire, soit on part du principe que les polices municipales sont à la disposition des procureurs de la République. Mais je ne suis pas sûr que les maires de France aient très envie de voir leur police municipale dépendre de quelqu’un d’autre que d’eux-mêmes.

L’Association des maires de France (AMF) est d’ailleurs très ambiguë quant à ce qu’elle souhaite pour les polices municipales. Entre la police municipale de Nice et celle de Troyes, entre celle de Perpignan et celles de Bordeaux ou de Strasbourg, il y a en effet un monde ! Et c’est normal, puisque l’article 72 de la Constitution permet la diversification. Il ne semble donc pas y avoir de position unanime sur ce sujet très important.

Je pense que nous sommes allés au maximum de ce que nous pouvions faire en matière de pouvoirs des polices municipales.

Monsieur Ciotti, si j’ai bien compris vos propos, vous trouvez ce texte important et bienvenu, mais incomplet. Vous regrettez notamment l’absence de mesures de justice, de peines-planchers, etc. Je vous rappelle que je ne suis pas le garde des Sceaux. Vous savez très bien, pour avoir travaillé sur des Lopsi, qu’il n’y a jamais eu de texte police-justice quand vous étiez en responsabilité. Pourquoi ne pas innover ? Certes, mais l’innovation ce n’est pas que pour les autres, monsieur le député. En tout état de cause, votre curiosité et votre faim de justice seront bientôt comblées, puisque le garde des Sceaux va présenter prochainement un texte de politique pénale.

Quant au texte sur l’immigration, il arrive… Cependant, il faut savoir ce qu’on veut. Quand le Gouvernement présente des textes longs, vous regrettez qu’ils le soient et de ne pas avoir le temps d’en discuter. Et quand il soumet des textes thématiques, vous déplorez qu’ils ne soient pas assez longs. C’est peut-être l’apanage de l’opposition, finalement, de n’être jamais d’accord. Nous parlerons d’immigration ensemble et avec Olivier Dussopt, le ministre du travail, et vous parlerez justice sous peu, avec M. le garde des Sceaux.

Monsieur Bernalicis, je ferai dans un instant une réponse globale sur la réforme de la police nationale, qui n’est pas celle de la police judiciaire. Je voudrais juste vous corriger sur un point :  pendant la campagne présidentielle, vous aviez dit, non pas « moins de BAC, plus de sécurité de proximité », mais « suppression de la BAC ». N’amoindrissez pas le discours de M. Mélenchon, qui était lui-même extrêmement modéré…

Monsieur Vicot, s’agissant de la plainte en ligne, ce ne peut être que la victime qui la demande, jamais le service de police ou de gendarmerie qui l’impose. Je pensais que c’était clair dans le texte, mais puisqu’il y a un doute, je me rangerai à l’avis du rapporteur pour bien préciser que ce n’est qu’une possibilité. Elle peut être très pratique, elle peut même permettre de libérer de la parole, mais elle n’est pas la règle. Soyez rassuré sur ce point.

Monsieur Pradal, il y aura 45 000 forces de l’ordre déployées tous les jours pour les JO. J’ai donné comme instruction au préfet de ne pas tenir compte des zones de police et de gendarmerie pendant cette période, pour mutualiser les moyens, car il s’agit d’un événement sans équivalent. La Lopmi prévoit de tenir ces 45 000 forces de l’ordre, grâce notamment à la recréation des onze unités de forces mobiles. Ce sont même dix-sept unités qui pourront être utilisées, puisque nous allons libérer les unités de forces mobiles qui, à Paris, effectuent des gardes statiques devant Beauvau, devant l’ambassade d’Israël, devant celle des États-Unis ou devant l’Élysée. Elles seront remplacées par des unités de policiers, ce qui sera plus logique.

Je rappelle que des gendarmes et des policiers vont être recrutés en grand nombre au cours des deux premières années budgétaires. J’insiste sur ce point, en particulier auprès du Rassemblement national : 90 % des postes crées le seront aux cours des deux prochaines années. C’est la première fois que le ministère de l’intérieur va recruter plus de 3 000 personnes chaque année, pour les forces de l’ordre, ce qui n’est pas, d’ailleurs, sans représenter un défi de formation et d’organisation. C’est ainsi que nous pourrons aligner 45 000 forces de l’ordre, chaque jour, pendant le JO. S’agissant de la sécurité privée, il faudrait plus de 25 000 personnes.

Madame Regol, si vous lisez bien le rapport annexé, vous verrez que les exosquelettes concernent surtout la sécurité civile. Les pompiers, volontaires ou professionnels, expliquent que ces exosquelettes les aident à porter des équipements d’extinction d’incendie toujours plus lourds et leur permettent de réduire ainsi les risques de maladies professionnelles. Je vous rassure, ces équipements ne sont pas destinés à faire de la police nationale une police « technologisée ». Vos propos plus politiques n’appellent pas de réponse particulière et feront l’objet d’échanges dans l’hémicycle. Il en est de même pour Mme Faucillon.

Enfin, pour ce qui est de la réforme de la police nationale, mesdames et messieurs les députés, elle n’est pas législative, elle est entièrement réglementaire. Pensez-vous un seul instant que nous pourrions toucher à la séparation des pouvoirs, à la relation avec l’autorité judiciaire et au pouvoir des magistrats, sans changer un article de loi ou la Constitution ? Bien sûr que non. Le fait que nous puissions faire la réforme de la police nationale avec du réglementaire uniquement est la démonstration même que nous ne touchons à aucun article du code pénal ou de procédure pénale.

La démarche suivie prouve l’honnêteté du Gouvernement, qui expose clairement ce qu’il compte faire dans les cinq prochaines années. Elle illustre également la volonté d’écouter toutes les questions, toutes les demandes, toutes les préoccupations, car il s’agit d’une de ces réformes que l’on ne fait qu’une fois par siècle. La dernière, d’une telle envergure, date de Clemenceau et, depuis, le monde a un peu changé. La technologie s’est développée, internet a été inventé et la criminalité n’est plus du tout la même. Cette réforme a été lancée il y a trente-six ans par Pierre Joxe et il est normal qu’elle suscite des interrogations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons recourir à la concertation.

Trois missions travaillent aujourd’hui en même temps sur cette réforme : celle de vos collègues Mme Guévenoux et M. Bernalicis, qui devrait rendre son rapport au mois de janvier 2023 ; celle de Mme Bellurot, pour le groupe Les Républicains, et de M. Durain, pour le groupe socialiste, au Sénat ; et une de l’Inspection générale de l’administration (IGA), commandée par moi-même. J’ai en outre demandé son avis à l’Inspection générale de la justice (IGJ). Si cette réforme a fait couler beaucoup d’encre, elle a aussi fait l’objet d’expérimentations, dont nous attendrons les retours. Ainsi, nous ne commencerons rien avant d’avoir pris connaissance des rapports de ces trois missions.

En outre, je m’engage à rendre public et à communiquer aux Chambres les rapports des inspections. Je m’engage également à attendre les élections syndicales et le vote des fonctionnaires pour discuter de cette réforme, à partir du mois de décembre, avec les représentants syndicaux fraîchement élus et légitimés. Nous modifierons le texte ensuite s’il le faut.

J’ai en outre accepté un amendement du Sénat prévoyant la spécificité de la police judiciaire, afin que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit évidemment pas de la supprimer. D’ailleurs, nous voudrions le faire que nous ne pourrions pas, puisque nous ne changeons pas la loi et qu’il est impossible de supprimer la PJ sans recourir à la loi. J’ai même proposé au Sénat, qui l’a refusé, que l’on encadre la réforme de la police nationale, pour rassurer tout le monde sur les différents points évoqués.

Le magistrat, juge d’instruction ou procureur, pourra-t-il choisir librement le service de police ou de gendarmerie ? La réponse est oui, puisque l’article 12 du code de procédure pénale ne changera pas. Y aura-t-il une police judiciaire départementalisée ? La réponse est non et je le répète depuis le mois de juillet. Nous garderons tous les offices, nous garderons toutes les antennes. Je ne toucherai pas à l’actuelle cartographie.

Par ailleurs, pour répondre à certaines craintes, nous avons décidé que toutes les questions relevant de la délinquance financière et de la probité ne seraient pas traitées au niveau départemental, mais aux niveaux régional, zonal où national, selon les cas. Et si vous souhaitez que cela figure dans le rapport annexé, j’y serai favorable. Je le dis à Mme Brocard, je serai favorable à ses amendements prévoyant d’encadrer la réforme de la police nationale, puisque je l’avais moi-même proposé au Sénat.

On ne peut se contenter de regarder les taux d’élucidation baisser et la criminalité organisée se transformer technologiquement. Je le dis à M. Ciotti et au RN, nous proposons une réforme qui prend en compte le fait que délinquance étrangère, délinquance internationale, délinquance territoriale, renseignement, tout est aujourd’hui lié. Et cette réforme de la police nationale, beaucoup l’attentent et la souhaitent.

M. le président Sacha Houlié. Je revendique ce choix d’un texte court. C’est ce que je vous ai demandé au mois de juillet, et que je demanderai à tous les ministres qui passeront devant la commission des lois. C’est un gage de qualité, c’est la garantie que l’on va au fond des choses, que l’on ne se disperse pas, que l’on n’étudie pas n’importe quoi. Quinze articles est un bon format, sur lequel on peut travailler sérieusement. Je renouvellerai cette exigence pour tous les autres textes et je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avoir respectée.

Nous examinerons certaines questions relatives à l’ordre public dans le cadre de l’examen du texte sur les Jeux olympiques. S’agissant plus précisément des vidéos, une mission d’information, conduite par M. Gosselin et M. Latombe, a été lancée. J’ai pu constater ce week-end encore que la France savait organiser de très grandes compétitions.

S’agissant des manifestations de grande ampleur, j’ai également une pensée pour les soixante-six gendarmes qui ont été blessés ce week-end à Sainte-Soline. Malgré les désordres et les violences, aucun incident grave n’est à déplorer. Cela prouve que la doctrine de maintien de l’ordre n’est pas si mauvaise dans notre pays.

S’agissant de la mission d’information sur la réforme de la police, je vous remercie tout d’abord d’avoir décidé de rendre public, auprès de notre commission, le rapport de l’IGA. Vous avez également fait mention d’un rapport de l’IGJ. Vous m’avez d’autre part adressé une lettre, ainsi qu’au garde des Sceaux, dans laquelle vous confirmez les propos que vous venez de tenir quant au libre choix, par le magistrat enquêteur, du service d’enquête qu’il requiert, en application de l’article 12 du code de procédure pénale. Si vous êtes d’accord, je rendrai publique cette lettre et la communiquerai aux différents membres de la commission des lois, afin que chacun ait un écrit, une preuve, un gage de ce à quoi vous vous êtes engagé. Et qui, d’ailleurs, n’est que la traduction de nos travaux, puisque, comme vous l’avez rappelé, il n’y a pas de modification législative sur ce point.

Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Julie Lechanteux (RN). Ce projet de loi n’est pas à la hauteur, surtout lorsqu’on prétend que les violences faites aux femmes figurent parmi les grandes causes du quinquennat. Vous avez voulu, avec l’article 7, aborder le sujet des outrages sexistes. Très bien. Qu’une femme ne puisse pas se sentir en sécurité dans les rues, dans les transports en commun ou près de chez elle est en effet un problème de société. C’est un sujet primordial, car il participe à l’insécurité persistante à laquelle les Françaises doivent faire face, tous les jours. Les insultes sur le physique, à cause d’une jupe ou d’un décolleté, le harcèlement à répétition, pour un regard ou pour le simple fait d’être là, ne sont plus acceptables.

Pourquoi vous ne créez pas un véritable arsenal législatif contre ce fléau, en faisant comme l’Espagne par exemple, qui considère ces comportements comme des délits ? Pourquoi ne pas vous emparer sincèrement de ce sujet ? Pourquoi ne faites-vous pas preuve de bon sens et d’une réelle volonté politique, tout simplement ? Pourquoi ne sanctionnez-vous pas plus sévèrement la récidive ? Pourquoi n’inscrivez-vous pas leurs auteurs au fichier des délinquants sexuels ? Pourquoi laissez-vous les auteurs d’outrages s’en tirer avec de simples amendes, aux montants dérisoires, qui peuvent même être forfaitaires et réglées rapidement.

Finalement, avec vous, on peut injurier et harceler une Française sans problème, si on se balade avec des billets de 200 euros dans la poche. Encore un avantage pour les dealers de drogue, qui se font rarement payer par carte bancaire.

Toutes ces questions, vous vous en doutez, sont à l’origine de tous les amendements du RN. Puisque vous n’avez pas la volonté de défendre les libertés et la sécurité des femmes de notre pays, nous allons nous en occuper.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Au moment où nous ouvrons le débat sur ce texte, impossible de passer sous silence les événements du week-end dernier, à Sainte-Soline. Comme l’a rappelé mon collègue Ugo Bernalicis, les faits sont graves. Une fois de plus, la question de la doctrine du maintien de l’ordre se pose. Nous déposerons d’ailleurs un amendement visant à garantir le droit de manifester, entravé aujourd’hui dans notre pays par un usage disproportionné de la force.

Nous demanderons aussi l’interdiction des LBD (lanceur de balles de défense) et je vous rassure, monsieur le ministre, nous demanderons en outre la suppression de la BAC.

La répression policière de ce week-end, lors de la manifestation légitime contre la mise en place de bassines dans le département des Deux-Sèvres, est inacceptable. Une élue de la République, notre collègue députée Lisa Belluco, frappée par les forces de l’ordre, un jeune homme victime d’un tir de LBD en plein visage, des dizaines de gardes à vue : mais de quoi parle-t-on, monsieur le ministre ? D’une manifestation de militants écologistes contre l’accaparement des ressources en eau pour une minorité, et sûrement pas d’écoterrorisme, comme vous l’avez prétendu lors d’une conférence de presse. Une notion qui d’ailleurs n’existe pas dans le droit français et ne peut, en aucun cas, correspondre à la notion de terrorisme édictée par la directive européenne de 2019.

Les mots ont un sens. En employant celui-là, ou en le reprenant à son compte, on minore ce qu’est le terrorisme et on insulte celles et ceux qui en sont victimes. Une fois de plus, vous avez fait le choix de la tension pour évacuer la question de fond, au moment où le Gouvernement refuse d’agir sur la question climatique. Avec 1 700 policiers sur place, le dispositif était totalement disproportionné.

Je remarque que ce Gouvernement est bien plus intéressé à réprimer les mobilisations sociales et écologiques qu’il ne l’est à le faire pour les manifestations d’extrême droite, qui se déroulent dans le pays en toute tranquillité. Où étaient les policiers lors des manifestations racistes organisées à Lyon, à Rennes et à Paris par des groupuscules identitaires, la semaine dernière ? Comment se fait-il que ces manifestations aient pu se dérouler alors même que des slogans racistes y étaient prononcés ?

Le droit de manifester est une liberté constitutionnelle. Allez-vous retirer le terme d’écoterrorisme pour qualifier ces mobilisations de militants écologistes ? Allez-vous revoir la stratégie du maintien de l’ordre pour permettre aux gens de manifester en toute sécurité ?

M. Philippe Latombe (Dem). Monsieur le ministre, le groupe Démocrate est très satisfait du montant que vous allez débloquer pour améliorer le quotidien des forces de l’ordre. C’est notamment le cas pour ce qui est des crédits destinés à la cybersécurité, à la technologie et aux systèmes d’information, qui doivent permettre à nos forces de l’ordre d’intervenir plus efficacement contre les nouvelles menaces.

L’ensemble de cet écosystème, de la cybersécurité notamment, se demande si ces améliorations, cette mise à niveau technologique du ministère de l’intérieur intégrera un volet souveraineté. La commande publique s’adressera-t-elle, autant que faire se peut, à des entreprises nationales, afin d’assurer à notre pays une certaine autonomie, au-delà des cinq prochaines années ?

Votre collègue, Jean-Noël Barrot, qui est issu du groupe Démocrate, a expliqué qu’il ne pourrait pas y avoir de cybersécurité sans souveraineté. Cette vision du ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications est-elle partagée par le ministre de l’intérieur ?

M. Romain Baubry (RN). Vous allez avoir l’impression que je me répète et, je vous rassure, ce n’est pas qu’une impression. Rien dans ce texte n’est prévu pour faire face aux risques psychosociaux. Or si vous souhaitez que les institutions régaliennes de sécurité publique soient pleinement mobilisées, il faut que nos forces de l’ordre retrouvent du sens à leur métier ainsi que le soutien d’une hiérarchie, devenue comptable.

Ici même, il y a quelques semaines, je vous avais interrogé, à propos des suicides parmi les forces de l’ordre. Pas l’ombre d’une réponse. J’ai donc abordé à nouveau ce point la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement. Mais c’est la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté qui m’a apporté une réponse. Enfin, je ne sais pas si le mot « réponse » est celui qui convient, puisque nous avons surtout assisté à deux minutes d’agonie de Sonia Backes, qui manifestement s’était trompée de fiche. Le fait qu’elle se soit ridiculisée devant la France pourrait prêter à sourire si le sujet n’était pas si grave et si, derrière ces drames, il n’y avait pas des familles et des enfants qui doivent apprendre à vivre sans celui qui a décidé d’en finir. Monsieur le ministre, avant de répondre à mon intervention, je vous demande de penser à eux, en mettant deux minutes la politique de côté.

Vous êtes le ministre de l’intérieur depuis seulement deux années ; je ne vous tiens donc pas pour responsable de cette vague de suicides, qui dure depuis vingt ans. Mais vous le deviendrez, vous aussi, si vous n’agissez pas. Chaque semaine, nous perdons du temps. Des responsables hiérarchiques continuent, en toute impunité et pour servir leurs propres intérêts, à mettre la pression sur des agents, à en mettre d’autres au placard et à pousser les plus fragiles à commettre l’irréparable. On déplore plus de 1 200 suicides depuis vingt ans, rien que dans la police nationale.

Alors, va-t-on changer de méthode ou continuer à simplement poster un tweet lorsqu’un membre des forces de l’ordre se tire une balle de 9 millimètres dans la tête ?

Mme Cécile Untermaier (SOC). Ces 15 milliards d’euros, qui sont dédiés aux forces de police, doivent contribuer aussi à améliorer la justice. On ne peut pas l’imaginer autrement. À cet égard, j’aurais apprécié qu’il y ait une vraie solidarité gouvernementale, du pouvoir législatif et de l’autorité judiciaire pour contrer les propos populistes, très graves, que l’on a pu entendre quant au caractère expéditif que devrait revêtir la justice. L’irresponsabilité des médias qui relaient ces propos doit être dénoncée. Nous demandons que le pouvoir judiciaire soit protégé et que les juges d’instruction, comme les procureurs, soient libres de disposer des moyens de police judiciaire dont ils ont besoin, sans en référer au préfet. Cela nous paraît indispensable et nous avions d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Je tiens à vous remercier, au nom de mon groupe, pour l’avis que vous émettez à propos de l’amélioration du dispositif initialement prévu en matière d’éthique. La mise en place d’un collège de déontologie, dans la suite de la loi de 2016, est un pas important, dans la mesure où des personnalités extérieures viendront travailler avec les professionnels du ministère de l’intérieur sur l’ensemble des compétences de celui-ci. Je vous demande seulement que l’arrêté ministériel qui sera pris soit mis en consultation, comme c’est de plus en plus souvent demandé par les universitaires, par les associations et par les législateurs.

M. Yoann Gillet (RN). Monsieur le ministre, avec votre loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, aviez-vous annoncé, nous allions voir ce que nous allions voir. À la « Sarko 2007 », vous nous promettiez de sortir les gros bras. Mais voilà, la réalité est là ! Si personne ne peut nier que votre projet de loi comporte quelques avancées appréciables, personne non plus ne peut nier sa faiblesse.

Vous me direz, les parlementaires que nous sommes sont là pour enrichir ce projet. D’ailleurs, j’appelle de mes vœux un avis favorable du Gouvernement sur les excellents amendements préparés par les députés du RN. Peut-être même que les députés LR retrouveront un brin de courage et qu’ils voteront nos amendements. Une hypothèse aussi crédible que la fin de la haine du flic chez nos collègues d’extrême gauche. Mais il n’est pas interdit de rêver qu’un jour la droite défende, enfin, avec nous, la sécurité des Français.

Même si, évidemment, nous allons proposer des amendements pour tenter de corriger les faiblesses de votre projet de loi, nous ne pourrons malheureusement pas lui donner l’inflexion qu’il mériterait. Car de l’aveu même du président de la commission des lois, le périmètre de ce projet est très restreint. D’ailleurs, ce même président a déclaré irrecevable un certain nombre d’amendements ; plus précisément, il les a déclarés comme étant des cavaliers législatifs, sans lien avec votre texte. Deux exemples : le renforcement du régime de rétention de sûreté et le renforcement des sanctions liées à l’idéologie islamiste ont été déclarés comme tels. Pourtant, monsieur le ministre, dans votre projet, vous soulignez, « qu’au-delà des crises, notre société devra également être plus robuste dans sa réponse à toutes les formes de délinquance et de criminalité, du terrorisme et de la criminalité organisée jusqu’aux actes de petite délinquance ».

Est-il normal, selon vous, que les représentants du peuple se voient opposer une fin d’irrecevabilité non justifiée quand ils introduisent de nouvelles dispositions pour protéger les citoyens, qui en ont tant besoin ?

M. le président Sacha Houlié. Cher collègue, je suis seul juge de l’irrecevabilité. Ainsi, vos amendements sont irrecevables lorsqu’ils visent à modifier des dispositions relatives à la rétention de sûreté et sur les lois antiterroristes, alors que nous examinons, non pas un texte antiterroriste, mais un texte de police générale et de programmation du ministère de l’intérieur. Quant à celui qui concernait l’idéologie islamique radicale, à supposer qu’il le soit, il n’aurait pu être recevable que dans le cadre du texte sur le séparatisme. Je maintiens donc avec fermeté ces deux irrecevabilités.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Je suis l’élu de Mantes-la-Jolie où, le 6 décembre 2018, 151 jeunes lycéens, pour la plupart âgés de 12 à 21 ans, ont été forcés à rester agenouillés, mains derrière la tête, pendant plusieurs dizaines de minutes. Un policier filmant la scène avait eu ces propos : « Voici une classe qui se tient sage ».

Je crois qu’il y a un impensé dans votre action et dans ce projet de loi, c’est la façon dont nous pouvons restaurer le lien de confiance entre nos concitoyens et la police. On peut avoir des divergences idéologiques, nous en avons et elles ont été exprimées par mes collègues, mais je voudrais vous demander ce que je peux dire aux mères de famille que je rencontre tous les jours et qui, depuis cet épisode, ont la peur au ventre quand elles aperçoivent un fourgon de police ? Que puis-je leur dire alors que rien n’a été dit, rien n’a été fait pour qu’une telle humiliation ne se reproduise plus ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Concernant l’épisode de ce week-end, je constate que vous n’avez pas un seul mot pour les soixante-six gendarmes blessés, dont certains parmi eux ont la mâchoire écrasée et ne pourront peut-être plus jamais parler. Je regrette que, tant dans les communiqués de presse ou dans les déclarations publiques, vous n’ayez pas eu un mot d’équilibre pour ces pères et ces mères de famille, qui ont subi une extrême violence, comme les Français ont pu le constater sur certaines images.

Je rappelle que cette manifestation était interdite, et cela avait été validé comme tel par le juge – qui parfois nous interdit d’interdire des manifestations. Alors que la France entière a pu voir les provocations de certains élus, des excuses auraient été plus appropriées que des insultes aux policiers. Un député n’est pas une immunité vivante, il doit respecter toutes les règles de la République. Quand on veut être respecté, il faut être respectable.

M. le président Sacha Houlié. Chacun a pu prononcer des mots fermes, des mots qui engagent, dans le plus grand calme. Je vous remercie de bien vouloir laisser répondre le ministre dans les mêmes conditions. Il a supporté vos observations, vos commentaires et vos appréciations, qu’il ne partage probablement pas toujours.

M. Gérald Darmanin, ministre. On peut le dire… Il se trouve que le ministre a lui aussi été élu parlementaire et que, donc, il ne dévalue en rien votre travail. Il reste que ni les députés ni les sénateurs ne sont au-dessus des lois de la République. Et les députés de la Nupes ne sont pas davantage au-dessus des lois de tous les autres députés. Il n’y a pas les règles des uns ni les règles des autres, il y a la loi de la République.

Je rappelle en outre que cette infrastructure agricole a été validée par des gouvernements autres que les nôtres et par des députés qui se disaient écologistes et qui étaient ministres à l’époque.

Je veux dire ici que je suis fier de la façon dont les gendarmes se sont comportés, malgré les provocations et les attaques à coups de pierres, de pieux et de cocktails Molotov. Les événements de Sainte-Soline n’avaient rien à voir avec les manifestations de Gandhi. Vous étiez manifestement du côté de ceux qui ont attaqué les gendarmes à coups de pierres de quinze centimètres et dont la mâchoire a été écrasée. Je le répète, il n’y a pas de pouvoir extraordinaire pour les parlementaires. La grandeur du parlementaire, c’est justement de respecter les lois qui sont votées par le peuple souverain. Alors qu’on a pu noter malheureusement le comportement inacceptable de certaines personnes, élues, je regrette à nouveau, profondément, que vous n’ayez pas eu un mot pour ces pères et mères de famille, pour ces fonctionnaires qui n’ont fait que leur travail sans se livrer à aucune provocation – tout le monde a pu le constater.

J’entends dans vos interventions beaucoup de critiques à l’égard de la police, mais pas un seul soutien. Reconnaître que ce week-end n’avait pas été très flatteur, vous aurez grandi. L’écologie est sans doute trop noble pour être la proie de l’hyperviolence.

Pour ce qui est des suicides évoqués par le groupe RN, ceux-ci existent dans la police, mais aussi dans la gendarmerie ou dans d’autres administrations, comme les douanes. Les raisons sont nombreuses qui peuvent expliquer ces gestes, professionnelles sans aucun doute, personnelles parfois également. Nous manquons, il est vrai, de psychologues. La Lopmi prévoit précisément le recrutement de quarante psychologues par an, dans la police nationale. Se rendre sur une scène de crime – je pense ici aux policiers qui ont découvert le corps de la petite Lola – ou devoir regarder des images pédopornographiques, ça laisse des traces. Or ces policiers, ces gendarmes ne sont pas toujours débriefés psychologiquement. Le risque est alors que les traumatismes, les névroses s’accumulent.

Quant au management, il peut lui aussi être nocif, en effet – je ne cesse d’ailleurs de le répéter. L’ensemble de la chaîne de hiérarchie doit se sentir concernée, car le management ne peut pas être nocif. Vous avez tout à fait raison de dire que nous devons mettre en place un dispositif d’alerte. Il faut, sans aucun doute, améliorer les choses. Je donnerai d’ailleurs un avis favorable à un amendement visant à demander un rapport au Gouvernement sur les suicides dans les forces de l’ordre. Je propose que nous discutions de cette question avec tous les commissaires aux lois des deux assemblées.

Il y a aussi un problème de formation car nous manquons de formateurs dans la police nationale. La formation initiale s’est beaucoup améliorée mais il faut travailler aussi sur la formation continue. La Lopmi prévoit de recruter et de former des formateurs.

Je ne sous-estime pas la question du suicide et je partage la peine de toutes celles et de tous ceux qui sont concernés par de tels drames. Le monde professionnel, extrêmement violent, dans lequel ces agents évoluaient n’a sans doute pas été au rendez-vous de leur accompagnement. Je suis en contact personnel avec la quasi-totalité des familles qui ont été frappées.

Monsieur Latombe, notre souveraineté est essentielle, notamment en matière de cybersécurité. Prenons l’exemple du RRF : malgré le code des marchés publics, ce sont des entreprises françaises qui ont remporté l’intégralité du marché. Airbus, Capgemini, Bouygues, Orange et Atos vont développer ce réseau haut débit sécurisé, tandis que c’est Crosscall, une entreprise d’Aix-en-Provence, qui fournira le téléphone de chaque policier et gendarme. La totalité de ce marché à 2 milliards d’euros revient donc à des acteurs nationaux.

Cela étant, le code des marchés publics ne permet pas de sélectionner uniquement des entreprises françaises. Nous devons donc d’abord favoriser le développement de filières de souveraineté. J’ai par exemple demandé au secrétaire général du ministère de travailler avec les acteurs économiques à recréer une filière souveraine pour les munitions. De même pour l’équipement des policiers ou des gendarmes, qui avant mon arrivée au ministère était fabriqué à Madagascar.

Pour que cela soit possible, il nous faut définir précisément les besoins en amont. C’est comme cela que nous avons pu sélectionner l’Alpine A110 comme voiture rapide d’intervention de la gendarmerie nationale. Cette commande a permis de relancer en partie la production du véhicule, à Dieppe. Il en a été de même pour les 5008.

Appliquée aux nouvelles technologies, et pour que nous n’ayons pas à dépendre de la Chine, d’Israël ou des États-Unis, il faut que nous puissions dire à chacun ce que la loi autorisera demain. Si elle permet l’utilisation de l’intelligence artificielle sur les images de caméra de vidéoprotection, lors des JO notamment, il est préférable de montrer aux investisseurs et aux entreprises que l’on travaille sur la question, pour qu’ils s’intéressent au marché français. À nous de mettre en place des règles d’utilisation des données ou des images afin que ce soit, ensuite, uniquement des entreprises qui les respectent qui soient retenues.

Je crois également beaucoup à l’importance des normes que nous pourrions édicter– nous aurons l’occasion d’en débattre dans l’hémicycle à propos de l’article 4 notamment. Je parle bien de normes et pas de labels, même si ceux-ci peuvent être très respectables. En effet, il faut aborder le cyber comme un incendie dans le monde réel. Les normes en matière d’incendie qui ont été définies et qui doivent être respectées lors de la construction d’un immeuble d’habitation, d’une entreprise ou d’un hôpital public permettent d’assurer un certain niveau de sécurité et de faciliter l’intervention des sapeurs-pompiers, lorsqu’un feu se déclare.

Comment peut-on imposer des normes cyber à une entreprise, à une collectivité locale ou à un particulier ? Ce texte ne prévoit rien en la matière, je veux bien l’avouer, mais cette idée nourrira à coup sûr notre réflexion demain et après-demain. Qui définit les normes, définit le marché. Si c’est nous qui établissons, dans notre droit, les normes que nous souhaitons imposer, nous pourrons aussi accompagner nos investisseurs et nos entreprises, françaises ou européennes, pour les aider à répondre à ces normes. Partant, nous n’aurons pas à subir les normes imposées par les États-Unis, la Chine ou par d’autres pays.

Enfin, je vous précise, et cela ne relève pas du législatif, que nous inspirant de ce que font les militaires, nous allons créer deux directions au sein du ministère. La première aura en charge la recherche, la seconde les partenariats avec les entreprises. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’entité chargée des coopérations économiques qui permettrait de travailler très en amont avec les PME, pour mieux comprendre les besoins et les difficultés de chacun. Nous pourrons ainsi prévoir les normes que j’ai évoquées.

M. le président Sacha Houlié. La discussion générale est close. Nous passons maintenant à l’examen des articles. L’examen de l’article 1er et du rapport annexé est réservé après l’article 16.

II.   Examen DES ARTICLES

Lors de ses réunions des mercredis 2 et jeudi 3 novembre 2022, la Commission examine les articles du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (M. Florent Boudié, rapporteur).

Fin de la première réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 9 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/v31KZL

Article 2 : Programmation budgétaire 2023-2027

Amendement CL291 de Mme Raquel Garrido. 

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Détrompez-vous, monsieur le ministre : nous avons une pensée pour les victimes de la répression policière mais aussi pour les policiers qui s’y sont livrés car nous sommes bien conscients qu’ils n’ont pas succombé à une propension naturelle à la violence mais ont obéi à des ordres venus d’en haut. Quant aux suicides, ni le Gouvernement ni les partis qui se targuent de défendre la police contre vents et marées n’ont voulu accepter la proposition de résolution que nous avons déposée en 2019 pour créer une commission d’enquête sur les risques psychosociaux dans les forces de gendarmerie et de la police nationales.

L’amendement tend à supprimer l’article 2 qui prévoit de programmer pour cinq ans le budget du ministère de l’intérieur dont les ressources s’élèveront à 15 milliards d’euros courants sur la période 2023-2027.

Or ces crédits nous semblent beaucoup trop élevés, d’autant plus que la moitié, soit 7,5 milliards environ, sont dédiés à la transformation numérique du ministère, dans des conditions qui nous semblent trop floues pour garantir le respect des libertés publiques. Il serait démesuré d’allouer une telle somme pour les missions de police en l’état. Cette augmentation exponentielle ne peut s’expliquer que par l’achat d’un matériel très technique et coûteux, pour financer une « technopolice » que nous refusons car nous privilégions l’humain aux moyens technologiques qui, par leur automaticité, confèrent un caractère industriel à la répression, comme en témoigne le principe de l’amende forfaitaire délictuelle.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le groupe GDR-NUPES a déposé un amendement au rapport annexé pour supprimer une partie des mesures destinées à lutter contre les subversions violentes. C’est une manière de nier la réalité. Le droit de manifester, que personne ne conteste, ne s’accompagne pas d’un droit de casser. C’est, hélas, ce qui s’est passé ce week-end à Sainte-Soline. Je suis élu de Nouvelle-Aquitaine et je peux vous assurer que nos concitoyens, tout comme les forces de l’ordre, en particulier la compagnie de gendarmerie de Libourne, sont sous le choc.

J’en viens à l’amendement. Bonne nouvelle : vous ne contestez pas l’augmentation du budget du ministère de l’intérieur. Vous considérez en revanche qu’elle est trop élevée. Je pense, au contraire, que ces crédits sont nécessaires pour financer les recrutements et mener les réformes engagées. Je le précise, je déposerai un amendement au rapport annexé, avant l’examen du texte en séance publique, pour détailler l’emploi de ces crédits par mission et par programme. Avis défavorable.

M. Ian Boucard (LR). L’augmentation des moyens du ministère de l’intérieur de 15 milliards d’euros est une bonne nouvelle. Je m’étonne d’ailleurs que les auteurs de l’amendement se plaignent de la transformation numérique de ce ministère car nous étions nombreux à regretter, en séance publique, la faiblesse des moyens consacrés à celle du ministère de la justice. Il suffit de visiter les gendarmeries, les commissariats de police, les palais de justice pour se rendre compte que les fonctionnaires perdent un temps précieux à numériser des dossiers parce que leurs imprimantes sont obsolètes ou que les logiciels fonctionnent mal.

Je suppose qu’il n’a pas été décidé par hasard d’allouer 7,5 milliards d’euros à la transformation numérique du ministère et que ce montant correspond à l’évaluation des besoins. Cette réforme permettra aux enquêteurs de travailler plus efficacement en consacrant aux enquêtes et à la sécurité de nos concitoyens le temps qu’ils perdaient à photocopier des milliers de documents en huit exemplaires !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ces mesures s’inscrivent dans une trajectoire plus globale, défendue par le Gouvernement à l’échelle de tous les ministères, de stabilité des effectifs de la fonction publique et de réduction de la dépense publique, hors inflation. Cela signifie que, lorsque vous accordez 8 500 effectifs supplémentaires au ministère de l’intérieur, vous en enlevez autant aux autres administrations : le problème est donc plus général et dépasse votre propre ministère, monsieur Darmanin, même si l’Assemblée nationale a rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques. Les 15 milliards que vous allouez au ministère de l’intérieur sont autant d’argent que le ministère de la justice n’aura pas. C’est pour cette raison que nous avions proposé de réduire le budget du ministère de l’intérieur pour revaloriser celui de la justice.

Votre budget nous donne l’impression que vous n’êtes pas partis des besoins pour quantifier les crédits. Tout le monde est d’accord pour financer la rénovation des commissariats, engager la transformation numérique du ministère de la justice ou accélérer les procédures – cela étant, vous nous aviez promis monts et merveilles ainsi que des moyens faramineux mais nous attendons toujours la procédure pénale numérique et les logiciels ne fonctionnent pas. En revanche, nous ne sommes pas d’accord pour développer des logiciels de reconnaissance faciale et autoriser les croisements de fichiers en vue d’assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques !

Comme nous ne disposons pas du détail de l’emploi de ces 15 milliards, je suis bien incapable de savoir s’ils suffiront ou s’ils sont excessifs mais je penche plutôt pour la deuxième hypothèse en raison de la pauvreté des autres ministères.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL260 de M. Jordan Guitton

M. Jordan Guitton (RN). L’article 2 prévoit que les crédits de paiement du ministère de l’intérieur et les plafonds des taxes affectées à ce ministère, hors charges de pensions, évoluent durant la période 2023-2027 conformément au tableau présenté dans cet article.

Or le terme « évoluer » est ambigu car il ne traduit pas clairement le principe d’une augmentation constante des crédits de paiement du ministère de l’intérieur Aussi vous proposons-nous de le remplacer par le verbe « augmenter ».

Mon inquiétude est d’autant plus justifiée que des députés LFI-NUPES considèrent quant à eux, comme ils l’écrivent dans leur exposé sommaire, que « nous vivons dans un pays relativement calme et dont le niveau de délinquance de voie publique demeure stable ». Cette vision ne correspond pas du tout au quotidien de nos concitoyens. Aussi suis-je soucieux de leur garantir le maintien des crédits qui assureront leur sécurité.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement est présenté à juste titre comme rédactionnel car il n’emporte pas de conséquence pour le texte. L’emploi du verbe « évoluer » est usuel dans les lois de programmation et je vous propose de le conserver d’autant plus que, vous l’aurez constaté vous-même, les crédits augmentent. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Faute de vision politique d’envergure, le Rassemblement national en est réduit à proposer de remplacer le terme « évoluer » par celui d’« augmenter ». Au fond, ce ne serait pas si grave si, en plus, il ne se rendait coupable de malhonnêteté intellectuelle en refusant d’admettre ce que tout le monde reconnaît : la délinquance ne se mesure pas à l’aune du nombre d’infractions constatées ou de plaintes déposées mais par les enquêtes de victimation. Ce n’est pas le boucher-charcutier de Tourcoing qui donne son avis mais les sociologues ou les statisticiens de l’Insee. Or, ces enquêtes de victimation établissent que la délinquance en général, et celle que le Rassemblement national a en tête en particulier, est stable voire en baisse. En revanche, elle révèle l’explosion de l’escroquerie en ligne et de la délinquance économique et financière, auxquelles nous devrions porter une attention particulière. Il faut arrêter de tout confondre. Par exemple, vous ne pouvez pas affirmer que les cas de violence sexuelle ou sexiste augmentent. Ce n’est pas vrai : ils ont toujours existé mais leur dénonciation par les victimes est un fait nouveau.

M. Jordan Guitton (RN). Vous n’êtes pas conscient du quotidien des Français pour oser écrire que nous vivons dans un pays calme où la délinquance s’est stabilisée ! Si c’était le cas, le Gouvernement aurait-il autant augmenté les moyens de la sécurité ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL535 de M. Éric Ciotti 

M. Éric Ciotti (LR). L’amendement tend à augmenter de 900 millions d’euros par an les moyens dédiés à la reconstruction ou à la restructuration d’une partie de l’immobilier de la gendarmerie et de la police nationales. Les crédits que vous avez prévus dans le rapport annexé pour rénover les locaux de la gendarmerie sont très insuffisants, monsieur le ministre, surtout si vous comptez créer 200 nouvelles brigades. Si je me réfère au coût de 80 millions qu’a représenté la construction de onze brigades de gendarmerie dans le cadre d’un partenariat fructueux entre les Alpes-Maritimes et le ministère de l’intérieur, la création d’une brigade coûterait 5 millions. D’autre part, aucun crédit ne semble alloué à la construction ou la rénovation de bâtiments de la police nationale.

Pour répondre aux enjeux climatiques, l’État doit engager la rénovation thermique des bâtiments. Elle coûtera des centaines de millions d’euros au ministère de l’intérieur et absorbera sans doute une bonne partie des crédits que vous prévoyez dans ce texte. Pas moins de 80 % des casernes de gendarmerie ont plus de 25 ans, un commissariat sur quatre est considéré comme vétuste – 22 % des immeubles de la direction générale de la police nationale (DGPN) et 28 % de ceux de la préfecture de police.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre mesure nous ferait gravement dévier de notre trajectoire budgétaire. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’amendement présente un intérêt : il affecte les crédits à la rénovation des commissariats et des gendarmeries qui sont dans un état lamentable. Vous reprochez à cette proposition, monsieur le rapporteur, son coût prétendument exorbitant qui nous ferait dévier de la trajectoire budgétaire. Or, avant de faire cette remarque, il faut se poser la question de la rénovation énergétique des commissariats et des gendarmeries et, si elle est nécessaire, y consacrer les moyens suffisants. Nous ne savons pas de quelle manière le Gouvernement compte dépenser ces 15 milliards d’euros supplémentaires mais nous sommes bien certains de la nécessité de rénover les commissariats et les gendarmeries.

M. Jordan Guitton (RN). Nous voterons cet amendement parce qu’il va dans le bon sens, monsieur Ciotti, mais nous n’oublions pas que le Gouvernement que vous souteniez a supprimé 10 000 postes de policiers et de gendarmes. Vous avez beau jeu aujourd’hui de recoudre ce que vous avez-vous-même décousu.

M. Gérald Darmanin, ministre. N’oublions pas que le budget du ministère de l’intérieur ne se réduit pas à ces 15 milliards d’euros supplémentaires puisque ces derniers s’ajoutent au stock de crédits existant. Dès lors, la question de leur emploi se pose. La Cour des comptes, les parlementaires, les policiers, les gendarmes savent tous que le ministère de l’intérieur a accordé la priorité aux dépenses de personnel du titre II. C’est la première fois que nous ne consacrons que 15 % des 15 milliards supplémentaires aux dépenses du titre II, le reste étant dédié au hors titre II. Ne raisonnons donc pas comme si le ministère de l’intérieur ne disposait que d’un budget de 15 milliards. Votre amendement me gêne en ce que vous faites mine d’ignorer que nous pouvons réorienter nos priorités lors de l’allocation des crédits ordinaires que l’on m’a déjà octroyés. Par exemple, cela fait deux ans, depuis que je suis ministre de l’intérieur, que l’on dépense 320 millions d’euros chaque année pour rénover des brigades de gendarmerie et des commissariats. Nous en avons déjà rénové 700. Les crédits supplémentaires s’ajoutent à ces 320 ou 340 millions que nous dédions chaque année à cette tâche. Ne pensez pas que seuls les crédits de la Lopmi seront affectés aux dépenses hors titre II.

D’autre part, nous ne savons pas encore où les nouvelles brigades de gendarmerie seront affectées. Je prévois de créer des brigades de dix gendarmes chacune, soit 2 000 postes de gendarmes mais le député de Guyane m’a déjà demandé deux brigades fluviales pour le Maroni et l’Oyapock. Leur formation ne sera pas la même que celle d’une brigade dans les Alpes-Maritimes où les besoins sont différents. On ne construit pas une brigade de douze ou de quatorze gendarmes comme une brigade de cinquante !

Rien ne nous interdit, par ailleurs, de mutualiser les moyens, par exemple avec ceux de la police municipale comme me l’ont proposé plusieurs maires de communes rurales. C’est une très bonne initiative qui nous éviterait de dépenser 5 millions d’euros pour construire une brigade. Nous devons être imaginatifs et ne pas hésiter à occuper des bâtiments publics appartenant à des collectivités locales et qui cherchent preneurs, en échange de la prise en charge des frais de rénovation. Une brigade ne doit pas coûter 5 millions.

Nous devons également nous demander si le ministère de l’intérieur gère correctement son parc immobilier sachant qu’il vieillit et que des objectifs thermiques et écologiques doivent être atteints. Je ne le pense pas. Les types de bâtiments sont si différents les uns des autres, qu’il s’agisse de la brigade de Saint-Martin-Vésubie, des bâtiments de Satory, de l’hôtel de Beauvau, du site Lumière, des préfectures, des commissariats de police que le ministère, et plus généralement l’État, est bien incapable de les gérer. Nous devons créer une foncière pour s’en occuper. Les crédits qui y seraient affectés et les ressources qu’elle pourrait tirer des loyers seraient dédiés à la rénovation thermique des bâtiments, ce qui reviendrait beaucoup moins cher que de créer une brigade de gendarmerie.

Surtout, monsieur Ciotti, plus de la moitié des gendarmeries n’appartiennent pas à l’État mais aux collectivités locales, voire aux bailleurs sociaux. Certains maires peuvent construire des brigades de gendarmerie parce que les gendarmes vivent au sein de la brigade. Ils s’entendent avec leur bailleur départemental ou métropolitain pour qu’il leur construise la brigade et les logements. Ce n’est pas le même coût qu’une construction classique de brigade de gendarmerie ! Nombreuses sont les collectivités locales à avoir contracté des emprunts, parfois toxiques, pour financer la construction de brigades. Certaines perçoivent un loyer pour compenser l’investissement qu’elles ont consenti. Toutes ne sont pas déficitaires, loin de là, mais la Lopmi prévoit des mesures pour aider celles qui le seraient à renégocier les emprunts.

Admettons que nous parvenions à rénover tous les commissariats et les gendarmeries de notre pays, comme nous le faisons à Nice où vos concitoyens, monsieur Ciotti, pourront témoigner des sommes très importantes que l’État a versées pour construire un nouveau commissariat, ou à Marseille : nous devrons nous demander de quelle police et de quelle gendarmerie nous aurons besoin dans quinze ou vingt ans. Si nous débloquons 7 milliards pour engager la transformation numérique du ministère, permettre le dépôt de plainte en ligne et en visio, c’est parce que nous imaginons une police et une gendarmerie bien différentes de celles d’aujourd’hui. Dès lors, auront-elles besoin des mêmes types de bâtiments ? Dans quinze ans, le métier des motards de la police ne sera plus le même ! Sur des routes intelligentes et à bord de véhicules autonomes, ils n’arrêteront plus les go fast comme aujourd’hui !

Les crédits qui sont alloués au ministère de l’intérieur permettront, bien sûr, de rénover les commissariats et les gendarmeries et de créer 200 nouvelles brigades, à moindre prix que celui que vous proposez, mais ils s’inscrivent dans une réflexion prospective. Demain, nous aurons moins besoin d’un nouveau modèle de police et de gendarmerie, dans lequel les effectifs seront plus présents à l’extérieur, sur le terrain, que dans leurs locaux et il ne sera plus nécessaire de disposer d’autant de mètres carrés qu’à présent.

M. Éric Ciotti (LR). Je le reconnais, la dépense que je vous propose est très élevée. C’est un appel à ouvrir le débat, simplement.

L’état de nos commissariats et de nos gendarmeries est indigne de forces de sécurité qui doivent imposer l’autorité et le respect. Des efforts ont été consentis, j’en conviens, mais le chiffre de 300 millions que vous avez cité pour financer la construction, la rénovation ou la maintenance de commissariats chaque année, est extrêmement faible. Le commissariat de Nice, à lui seul, aurait besoin de 200 millions d’euros de crédits de l’État pour un budget total de 300 millions. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que son ouverture est sans cesse reportée. Le Président de la République en a posé la première pierre et votre si peu illustre prédécesseur, M. Castaner, avait promis son ouverture en 2022 mais, en raison de son coût, cette promesse ne sera pas tenue.

Nous vous proposons d’augmenter les crédits, quitte à en discuter le montant, mais il est évident que nous ne pouvons pas en rester là. Qu’entendez-vous par un « nouveau modèle » ? Voulez-vous remettre en cause le logement des gendarmes ? Je veux bien que l’on mutualise les moyens – je peux même vous proposer l’ancienne caserne de sapeurs-pompiers de Tourrette-Levens – mais je ne suis pas d’accord pour construire des brigades low cost ou remettre en cause le principe du logement des gendarmes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL532, CL539 et CL540 de M. Éric Ciotti 

M. Éric Ciotti (LR). Ces amendements tendent à créer des places supplémentaires dans les centres de rétention administrative (CRA) pour les étrangers en situation irrégulière. Compte tenu de la gravité de la situation et de la faible exécution des mesures d’expulsion, le seul dispositif susceptible d’améliorer les résultats est le placement en CRA. Je regrette que, sous la présidence de M. Hollande, le Gouvernement de M. Valls ait décidé d’évacuer la question du placement au profit de l’assignation à résidence. Un simple courrier est adressé aux personnes soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Du reste, cette procédure est plus régulièrement appliquée aux étrangers qui sortent de prison, grâce à vous, monsieur le ministre de l’intérieur.

Notre pays compte officiellement 1 800 places en CRA mais 5 à 10 % sont gelées en raison du covid-19 et certaines ne sont plus utilisables du fait de leur vétusté. En réalité, nous ne disposons que de 1 300 places, ce qui est très insuffisant par rapport aux 120 000 OQTF. Le débat est ouvert mais je vous propose de créer 5 000 places en CRA. Il faut pouvoir éloigner de notre territoire les étrangers délinquants ou criminels. Si une OQTF a été prononcée, elle doit être exécutée pour honorer la parole de la République.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vos amendements soulignent les deux questions que posent les centres de rétention : leur capacité, d’une part, et à cet égard, l’un d’entre eux correspond peu ou prou à la trajectoire du Gouvernement sur laquelle le ministre s’est à l’instant dit ouvert à la discussion ; les conditions de la rétention, en particulier leur dignité, d’autre part.

Je vous propose de retirer vos amendements afin que nous déterminions ensemble la capacité souhaitable des CRA qui ferait l’objet d’un amendement en séance.

M. Gérald Darmanin, ministre. Actuellement, 1 300 places de CRA sont disponibles. Ce chiffre est appelé à augmenter prochainement sous l’effet du changement de doctrine que j’ai décidé. Désormais, ne seront placées en CRA que les personnes dangereuses – fichées S ou ayant été condamnées à des peines d’emprisonnement lourdes. Le nombre de personnes délinquantes dans les CRA est passé de 37 % à 87 % depuis que je suis ministre de l’intérieur. Par ailleurs, 90 % des personnes visées étant des hommes, j’ai demandé à ce que soit mis fin aux quotas de places réservées aux femmes et aux familles. Ainsi, 300 places devraient être libérées dans les prochaines semaines.

En outre, j’avais eu l’occasion de le dire à M. le président, si la commission des lois propose un amendement interdisant de placer des mineurs en CRA, à l’exception de Mayotte, j’y serai favorable. Non seulement ils y sont aujourd’hui peu nombreux, mais, en tout état de cause, un tel placement n’est pas souhaitable, d’autant que nous disposons d’alternatives.

M. Ciotti a raison, le nombre de places en CRA est insuffisant. Il est prévu d’en créer 500 supplémentaires dans les six mois qui viennent. J’ai ainsi choisi à Lyon de construire un nouveau centre qui s’ajoutera à l’actuel, lequel sera rénové. En mars ou avril, nous devrions disposer de 1 700 places.

Je suis favorable à l’amendement qui prévoit 3 000 places, soit un doublement de la capacité actuelle. Toutefois, soyons honnêtes, les maires ne se bousculent pas pour accueillir un centre dans leur commune. Si vous connaissez des volontaires dans les Alpes-Maritimes, monsieur Ciotti, faites-le-moi savoir, je suis prêt à débloquer les crédits nécessaires. L’implantation sur le site d’un aéroport peut être une solution mais elle ne permet pas d’accueillir plus de quinze ou vingt personnes. Le doublement du nombre de places ne sera pas facile à atteindre. Trois projets d’installation sont en cours, dont l’un en Gironde. J’ai retenu d’une discussion avec la maire de Nantes qu’elle admettait la nécessité d’un centre dans l’agglomération nantaise, ce dont je me félicite.

Enfin, il ne suffit pas de prévoir les crédits pour la construction ; il faut également penser à ceux qui permettent de l’armer, autrement dit d’employer les policiers nécessaires – à titre d’exemple, il faut 200 policiers de la PAF pour faire fonctionner le CRA de Lyon vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Nous devrons donc tirer les conséquences sur les dépenses de personnels des 3 000 places en CRA visées par l’amendement CL540 de M. Ciotti auquel je suis favorable. Il ne me paraît pas réaliste d’aller au-delà de ce nombre.

M. le président Sacha Houlié. Je vous remercie de votre avis favorable à un amendement visant à interdire la rétention des mineurs. Toutefois, celui-ci ne pourra être déposé, sous peine d’irrecevabilité, que sur le futur projet de loi relatif à l’immigration puisqu’il modifiera le code d’entrée et de séjour des étrangers auquel le présent projet de loi ne fait pas référence.

M. Raphaël Schellenberger (LR). L’amendement de M. Ciotti est aussi un moyen d’améliorer les conditions de détention dans les CRA.

Toutefois, il faut également être attentif au positionnement géographique des CRA et prendre en considération notamment les flux de migrants. Je suis élu dans un département frontalier avec la Suisse, dont la neutralité n’empêche pas de connaître des flux qui peuvent poser problème sur notre territoire. Les CRA sont très éloignés et les transferts sont très chronophages pour les forces de l’ordre mobilisées.

Il faut donc réfléchir à un positionnement efficace des CRA eu égard aux flux constatés. Leur installation à proximité d’un aéroport, suggérée par Éric Ciotti, me semble pertinente. L’aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg paraît tout désigné.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Le groupe de La France insoumise est opposé aux amendements de M. Ciotti, nous y reviendrons lors de l’énième débat à venir sur l’immigration.

Sous la précédente législature, l’interdiction de placement des enfants en CRA que nous avions défendue nous avait valu anathèmes et procès en irresponsabilité, en dépit du soutien unanime des associations de protection des droits humains et de protection de l’enfance. La majorité semble avoir évolué sur ce point et les nombreuses condamnations de notre pays aux niveaux international et européen n’y sont sans doute pas étrangères.

J’invite tous mes collègues, qui ne l’ont pas encore fait, à visiter régulièrement les CRA afin de prendre conscience des conditions de détention déplorables sur lesquelles nous sommes régulièrement alertés. Ces conditions sont nuisibles non seulement pour les personnes retenues mais aussi pour les personnels qui seraient plus utiles à l’intérêt général si elles étaient affectées à d’autres missions. Elles justifient, à mes yeux, de renoncer à de nouvelles constructions et de fermer les centres existants.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’avais déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs, signée par l’ensemble des membres du groupe La République en marche. J’ai l’intention de la déposer de nouveau en espérant qu’elle sera soit examinée dans le cadre d’une niche, soit reprise dans le futur texte sur l’immigration.

Elle n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour car je n’étais pas parvenu à trouver un compromis entre les partisans de l’interdiction totale de la rétention des familles et ceux qui plaident pour le statu quo.

Madame Obono, La France n’a pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur la rétention des mineurs.

M. Éric Ciotti (LR). Je retire les amendements CL532 et CL539 au profit du CL540 auquel le ministre est favorable et je l’en remercie. Le doublement des places en CRA est un premier pas que je salue vers une amélioration des procédures d’expulsion indispensable des étrangers en situation irrégulière.

Les amendements CL532 et CL539 ayant été retirés, la commission adopte l’amendement CL540.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL737, CL738, CL739 et CL740 du rapporteur.

Amendements CL446 et CL447 de M. Christophe Naegelen. 

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’objet de l’amendement CL446 est de renforcer les pouvoirs de contrôle des parlementaires sur l’exécution de la programmation budgétaire du ministère de l’intérieur. Si le Haut Conseil des finances publiques venait à constater des écarts importants entre exécution et programmation, le Gouvernement serait tenu de se justifier. L’amendement CL447 est un amendement de repli.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable. Plusieurs demandes de rapport, faites par voie d’amendement – j’en ai déposé sur les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) dont le champ est étendu par le projet de loi –, seront acceptées.

En revanche, en ce qui concerne la programmation budgétaire, l’examen des missions et du projet de loi de finances dans son ensemble ainsi que les documents qui les accompagnent me semble déjà répondre à votre préoccupation.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). J’en profite pour plaider en faveur de mes anciens collègues des directions de l’immobilier au sein des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur. Le plafond d’emplois du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État, sur lequel je suis rapporteur pour avis, diminue de sept ETP en 2023. Pourquoi dépenser 15 milliards d’euros dans la Lopmi si vous ne disposez pas des fonctionnaires pour la mettre en œuvre, notamment dans le domaine immobilier ? Si vous ne voulez pas que votre plan échoue, je vous conseille d’y affecter les effectifs nécessaires, monsieur le ministre. Cela vaut aussi dans le domaine numérique, dans lequel le ministère de l’intérieur a connu quelques plantages et perdu quelques millions par le passé, à cause de logiciels dont l’installation a été externalisée sans pilotage suffisant.

Il serait dommage de dilapider une fois encore du temps et de l’argent parce que les moyens du programme 216 ne garantissent pas une bonne exécution. Sans eux, vous allez au-devant de nouveaux problèmes.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 706-154 du code de procédure pénale) : Saisies d’actifs numériques par les officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL723 du rapporteur.

Amendement CL650 de M. Benjamin Lucas. 

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). L’article 3 permet de procéder à une saisie d’actifs numériques sur autorisation de la justice. L’amendement vise à renforcer l’encadrement du dispositif en imposant le respect du droit de propriété et du principe de proportionnalité dans la continuité de la jurisprudence. Il s’agit d’éviter un recul des libertés et de l’État de droit.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le mécanisme de saisie, quel qu’en soit l’objet, est par définition incompatible avec le droit de propriété. Il appartient au juge, en particulier au juge des libertés et de la détention, d’en apprécier la proportionnalité. Votre amendement est donc partiellement satisfait.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il est intéressant qu’un député écologiste propose de renforcer le droit de propriété après les événements qui se sont déroulés à Sainte-Soline le week-end dernier. Ce sont des militants écologistes qui ont violé le droit de propriété en organisant sur des terrains agricoles une manifestation interdite à laquelle ont pris part des députés de votre mouvance. Vous préférez défendre le droit de propriété numérique des délinquants plutôt que celui des agriculteurs qui nous nourrissent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL449 de M. Christophe Naegelen.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement vise à étendre le champ d’application des saisies de cryptoactifs en incluant les actifs numériques détenus dans des portefeuilles numériques cachés ou gérés par des prestataires qui ne sont pas enregistrés auprès des régulateurs institutionnels, notamment l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette omission regrettable pourrait nuire à l’efficacité du dispositif.

M. Florent Boudié, rapporteur. Tous les actifs sont visés par l’article, donc votre amendement est satisfait.

M. Philippe Latombe (Dem). Je soutiens l’amendement qui donne aux forces de l’ordre tous les moyens de contrôler l’utilisation frauduleuse de fonds numériques.

Tous les cryptoactifs ne transitent pas par des sociétés soumises à l’AMF. Je pense aux NFT – jetons non fongibles – qui constituent aujourd’hui une filière de blanchiment de l’argent pour les organisations criminelles.

Il serait incompréhensible de ne pas couvrir tous les cryptoactifs dans un article dont le but est de lutter contre le réemploi de fonds. Contrairement à ce que dit le rapporteur, ce n’est pas le cas pour l’instant.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je vous confirme que d’après notre expertise, tous les cryptoactifs sont couverts.

Je vous propose que nous confrontions nos arguments techniques lors d’une réunion. Dans cette attente, je vous invite à retirer l’amendement.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Compte tenu de l’importance du sujet, adoptons l’amendement et nous l’améliorerons d’ici à la séance.

M. Florent Boudié, rapporteur. Entendu.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL448 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement vise à préciser que la saisie d’actifs numériques doit être proportionnée. Il s’agit, non pas d’entraver les nouvelles compétences octroyées aux forces de l’ordre, mais d’assurer le strict respect de notre État de droit et de guider les juges.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes motifs que pour l’amendement CL650 de Benjamin Lucas.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (art. L. 12-10-1 [nouveau] du code des assurances) : Encadrement des clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances

Amendements de suppression CL201 de M. Roger Vicot et CL292 de M. Ugo Bernalicis.

M. Roger Vicot (SOC). Le dispositif envisagé – le fait de conditionner l’indemnisation par les assurances en cas de rançongiciel au dépôt d’une pré-plainte – pourrait avoir pour effet pervers de créer un marché des rançongiciels, à rebours de l’objectif recherché.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Outre le risque pointé par mon collègue, l’article soulève plusieurs difficultés.

Celui-ci impose de déposer une pré-plainte dans un délai de vingt-quatre heures suivant l’attaque. Le ministre a comparé, à l’instant, une cyberattaque à un incendie. Or, lorsqu’un incendie se déclare chez soi, la première chose à laquelle on pense n’est pas forcément de déposer une plainte. Le délai est bien trop court.

Finalement, l’article protège non pas les victimes de cyberattaque mais les assurances en définissant des conditions très restrictives pour l’indemnisation. Il faudrait investir davantage dans la prévention pour lutter contre les cyberattaques.

Enfin, une fois encore, les forces de l’ordre sont sollicitées sur des questions d’assurance. Or elles nous l’ont dit lors des auditions que nous avons menées, elles souhaitent que le dépôt de plainte ne soit pas un préalable à la prise en charge par les assurances. De surcroît, l’indemnisation est déjà si difficile à obtenir qu’il n’est sans doute pas nécessaire de la compliquer encore.

M. Florent Boudié, rapporteur. Si j’ai bien compris, M. Léaument souhaite laisser la main aux assureurs.

D’abord, si j’en crois les propos tenus lors d’une table ronde absolument pas univoque que j’avais organisée, les policiers et les gendarmes demandent, pour protéger la victime et pour faciliter les investigations, de la célérité dans la réaction. Dès la constatation de l’attaque – plusieurs amendements visent à préciser ce moment –, il faut agir.

Ensuite, très rares sont les plaintes déposées. Elles sont traitées par la section J3 du parquet de Paris, dédiée à la cybercriminalité, qui, en dépit d’une compétence nationale, compte trois magistrats seulement, là où il en faudrait au moins deux de plus. Dans mon rapport, je mettrai en exergue ce problème même s’il ne relève pas du projet de loi.

On dénombre 136 familles de rançongiciels. Le marché existe donc déjà. Les rançongiciels sont vendus à des organisations criminelles qui s’attaquent à une maternité, à un hôpital, etc. – les exemples ne manquent pas.

Lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, 70 000 cyberattaques ont été répertoriées, soit neuf fois plus qu’aux jeux de Londres en 2012. On peut supposer que ce nombre augmentera encore fortement lors des prochains jeux de Paris. Nous devrons être dotés alors d’un dispositif efficace.

Des moyens significatifs sont consacrés à la lutte contre la cybercriminalité. La sous-direction cyber de la direction centrale de la police judiciaire compte 160 agents, des effectifs appelés à monter en puissance tandis que CyberGend, l’unité de la gendarmerie, dispose aujourd’hui de 8 000 référents – 10 000 en 2024.

L’article n’a pas pour objet de consolider le marché de l’assurance. L’assurance cyber représente aujourd’hui 219 millions d’euros de cotisations contre 62 milliards d’euros pour les dommages aux biens, soit 0,35 % du marché de l’assurance.

Aucun pays de l’OCDE n’interdit le marché de l’assurance pour les rançongiciels et les cyberattaques. Il est normal qu’il se développe. Nous devons cependant inciter les victimes à déposer plainte. Certaines entreprises sont réticentes pour diverses raisons : parfois, elles ne respectent pas le règlement général sur la protection des données (RGPD) ; parfois, elles veulent protéger leur image en taisant une fragilité interne.

Il faut donc trouver un mécanisme qui permette à la fois de protéger la victime, à travers le dépôt d’une plainte et l’engagement de poursuites, et de donner aux enquêteurs la possibilité de capter toutes les données nécessaires à une lutte plus efficace contre les cyberattaques et les rançongiciels en particulier.

Au vu de l’ampleur prise par la cybercriminalité, qui relève du crime organisé, il est urgent que nous nous dotions d’un tel dispositif. Lors des auditions que nous avons menées, le commandant de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) nous a expliqué qu’une attaque cyber était une scène de crime, et qu’il fallait donc arriver aussitôt pour détecter tous les éléments nécessaires et en assurer la traçabilité. Certains groupes ont déposé des amendements visant à porter à une ou deux semaines le délai dont disposent les victimes pour réagir. Un tel délai serait trop long pour les enquêteurs : il ouvrirait une autoroute aux cybercriminels !

Pour toutes ces raisons, la suppression de l’article 4 serait une véritable erreur dans un monde qui bouge beaucoup et où la cybercriminalité se développe chaque jour davantage.

M. Philippe Latombe (Dem). Avec les sénateurs, qui ont été les premiers saisis du présent projet de loi, nous avons beaucoup réfléchi à ce sujet et nous avons conclu que la rédaction originelle de l’article 4 n’était pas la bonne. Elle aurait pu favoriser les cyberattaques menées contre les entreprises françaises, au motif que ces dernières étaient assurées contre ce risque et qu’elles étaient donc en mesure de payer une rançon. Le développement de ce type d’assurances permettrait cependant de renforcer la protection des entreprises contre de telles attaques, dans la mesure où les compagnies fixeraient certainement des niveaux d’exigence importants. Il faut mettre ces deux arguments dans la balance. Dès lors, la suppression de l’article tel qu’il résulte des travaux du Sénat aurait pu s’entendre, si ce n’est qu’elle aurait pour effet de faire disparaître ce sujet du projet de loi. Or nous devons absolument doter nos entreprises d’une capacité de réponse et d’assurance contre ce genre d’attaques tout en permettant aux services de police et de gendarmerie d’instruire des plaintes et de récupérer des traces numériques afin d’éviter la réitération d’infractions similaires. C’est pourquoi nous proposerons d’autres rédactions de l’article 4, travaillées avec l’ensemble des parties prenantes, y compris avec les sénateurs, qui permettront d’apporter une réponse concrète à ce problème. Nous ne parlerons plus de cyberrançons, ce qui était une très mauvaise idée.

Il faut dire aussi que les assureurs nous ont beaucoup pressés à adopter l’article 4 tel qu’il était rédigé, sans aucune discrimination ni contrainte. Un tel lobbying n’est pas bon signe.

M. Jordan Guitton (RN). Il ne s’agit pas de supprimer l’article 4 mais de rallonger les délais. Vingt-quatre heures ne suffisent pas toujours à une personne victime d’un piratage ou d’une escroquerie sur internet pour réunir les preuves et réagir. Je compte donc sur M. le rapporteur pour accepter les amendements qui vont suivre.

Les entreprises ont besoin d’une double protection : à la protection privée apportée par les assurances doit s’ajouter une protection publique garantie par la police, d’où l’intérêt de la plainte ou de la pré-plainte.

Nous voterons donc contre la suppression de l’article, mais pour son amélioration.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Je comprends que les opinions soient partagées. Cependant, le directeur général de la gendarmerie nationale s’est exprimé très clairement contre ce dispositif, de même que la magistrate présente à la même table ronde.

Nous devons être très vigilants quant au lobbying exercé par les compagnies d’assurances, qui ne font que défendre leurs intérêts en s’appuyant d’ailleurs sur un rapport publié par la direction générale du Trésor. Il nous faut, au contraire, veiller à la protection des victimes. Or, en termes de moyens dont disposent les enquêteurs et les magistrats, le compte n’y est pas. Il serait préférable de concevoir un système public qui ne soit pas au service des intérêts privés des assurances mais qui consiste à accompagner les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles, ainsi que les institutions publiques dans la mise en œuvre de dispositifs techniques de protection contre ces menaces. Nous devons toutefois être conscients du fait que cela encouragera les demandes de rançon et n’évitera pas aux victimes de subir de nouvelles attaques.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL417 de Mme Anne Le Hénanff, CL488 de M. Philippe Latombe et CL605 de M. Mounir Belhamiti ; amendements CL286 de M. Éric Bothorel, CL472 de Mme Sandra Regol, CL250 de M. Davy Rimane, CL473 de Mme Sandra Regol, CL219 de Mme Gisèle Lelouis et CL283 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Il est tout à fait bienvenu qu’un article de la Lopmi prévoie un dispositif permettant de prendre en charge les victimes de cyberattaques, d’accompagner et de renforcer l’action des services d’enquête et de fixer un cadre pour l’évaluation des dommages. C’est une première étape majeure vers une montée en compétences des organisations victimes de cyberattaques. Cependant, la doctrine des structures chargées de la lutte contre les cybermenaces et de l’accompagnement de la cyberprotection – je pense, entre autres, à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et à la plateforme cybermalveillance.gouv.fr – a toujours été de ne pas payer de rançon. La démarche proposée est plutôt d’informer la police ou la gendarmerie de la cyberattaque et des dommages subis, en utilisant par exemple la plateforme que je viens de citer, et de porter plainte.

Dès lors, il convient de modifier la formulation de l’article 4 afin de conforter l’action et la méthode de travail promues depuis des années par les services de sécurité. Il s’agit de protéger les victimes, qui peuvent être des PME, des artisans, des commerçants, des collectivités locales, des associations ou d’autres types de structures, tout en favorisant un renforcement de leur niveau de cyberprotection et en faisant du lien entre assurances et assurés un levier permettant d’améliorer le niveau de sécurité des systèmes d’information.

Aussi l’amendement CL417 vise-t-il à élargir l’obligation de dépôt de plainte à tout remboursement assurantiel de dommages matériels ou immatériels causés par une cyberattaque, plutôt que de la limiter au remboursement des rançons, qui ne sont pas si nombreuses. En outre, il porte de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai dont disposent les victimes pour porter plainte à partir du moment où elles constatent l’infraction.

M. Philippe Latombe (Dem). Il faut absolument bannir de l’article 4 la notion de paiement de rançon, qui est contre-productive. Par ailleurs, la remise à niveau d’un système coûte cher, mais elle est assurable, au même titre que le vol. Nous devons absolument protéger nos entreprises et faire en sorte qu’elles soient capables de procéder à la remédiation de leur système, voire à récupérer leurs données, le cas échéant en faisant appel à des prestataires externes. Tel est l’objet de l’amendement CL488, que nous avons travaillé non seulement avec les entreprises de cybersécurité, mais aussi avec la gendarmerie nationale, le ComCyberGend, les structures délivrant des labels dans ce domaine – je pense au label CyberExpert développé par la plateforme cybermalveillance.gouv.fr – et les sénateurs, en vue d’une discussion apaisée lors de la future commission mixte paritaire. Le sujet est suffisamment important pour que la réponse apportée soit transpartisane.

Il faut absolument prévoir le dépôt de plaintes, et non de pré-plaintes, car la plateforme dédiée à ces dernières indique que cette démarche est réservée aux affaires non urgentes, ce que ne sont pas les infractions de ce genre. En revanche, pour un chef d’entreprise qui se retrouve la tête dans le guidon du fait d’une cyberattaque, le délai de vingt-quatre heures est trop court. Il n’est donc pas opportun de conditionner le remboursement des dommages par l’assurance au dépôt d’une plainte dans les vingt-quatre heures suivant l’attaque. Nous proposons, pour notre part, de laisser aux victimes quarante-huit heures après la constatation de l’infraction, un délai que le ComCyberGend et l’ensemble des entreprises travaillant dans ce domaine jugent suffisant tant pour retrouver des traces informatiques en cas d’attaque que pour garantir la bonne couverture de ces risques pour les entreprises.

M. Mounir Belhamiti (RE). Notre groupe vous invite à adopter cette position équilibrée, consensuelle, en votant notre amendement identique CL605. Celui-ci vise deux objectifs qui vont dans le bon sens : tout en élargissant au-delà des demandes de rançon le champ des dommages matériels et immatériels résultant de cyberattaques couverts par les assurances, il oblige les victimes à déposer une plainte dans un délai de quarante-huit heures.

M. le rapporteur l’a dit, très peu de plaintes sont déposées concernant des cyberattaques par rançongiciel. On sait très bien pourquoi : cette démarche nuit à l’image des entreprises qui en sont victimes et accentue le risque d’attaques contre l’intégrité des données qu’elles gèrent. Or, en imposant le dépôt de plainte, nous nous assurerons que les investigations nécessaires sont réalisées et, ce faisant, nous éviterons d’autres victimes. Ne nous focalisons pas trop sur le délai de vingt-quatre ou quarante-huit heures : notre intention est bien d’obliger les victimes à porter plainte afin qu’elles soient, in fine, moins nombreuses. Nous verrons bien dans les décrets d’application et la jurisprudence ultérieure comment la notion de constatation de l’infraction, qui constitue le point de départ du délai, sera interprétée tant par les assureurs que par les juges.

M. Éric Bothorel (RE). L’amendement CL286 s’inscrit dans la même logique. Je souscris aux propos des collègues qui viennent de s’exprimer : il convient en effet de trouver le bon équilibre, sans rompre avec la doctrine actuelle visant à ne pas envoyer un signal aux organisations criminelles qui s’adonnent au cryptolockage par ransomware. C’est justement l’inverse que nous faisons : la situation deviendra de plus en plus complexe pour celles et ceux qui s’essaieraient à de telles attaques, peut-être moins élaborées mais sans doute plus massives car organisées de manière strictement commerciale. De même, le délai de quarante-huit heures me paraît mieux correspondre aux nécessités du moment.

Alors que les rançongiciels et les pratiques de cryptolockage peuvent sembler très immatériels, permettez-moi d’avoir une pensée pour tous les anciens salariés de Camaïeu – nous en connaissons tous –, dont l’entreprise avait été cyberattaquée à l’été 2021. Il ne s’agissait pas de cryptolockage, mais le site internet de l’enseigne avait été bloqué pendant une semaine, occasionnant une perte de chiffre d’affaires de 40 millions d’euros. Nous voyons là que les conséquences des cyberattaques vont bien au-delà de la situation financière de telle ou telle entreprise. Je salue le travail de l’Anssi, de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr ainsi que de l’ensemble de l’écosystème qui se porte au secours des victimes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Bien que nous comprenions la nécessité et l’intérêt de porter plainte, le délai de vingt-quatre heures nous semble beaucoup trop court. L’amendement CL472 vise à le supprimer, tandis que l’amendement CL473 est un amendement de repli.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). L’amendement CL250 vise à allonger le délai de vingt-quatre heures accordé aux victimes pour porter plainte, qui nous semble trop court.

En décembre 2021, l’étude « Les Français et les risques numériques » menée par Harris Interactive dévoilait que 51 % des Français s’estimaient mal informés sur les risques cyber. Selon l’enquête « Les TPE-PME et la cybersécurité » réalisée au même moment par l’Ifop, un tiers des TPE et PME seulement déclarent disposer en leur sein d’un spécialiste informatique chargé de la cybersécurité.

Nous préconisons la fixation d’un délai de quinze jours, d’autant que la situation s’avère plus compliquée dans certains territoires français comme la Guyane, où des entreprises et administrations n’ont pas accès au numérique sur le réseau national et doivent donc utiliser le réseau du pays voisin, le Suriname.

Mme Béatrice Roullaud (RN). L’amendement CL219 vise à porter à quarante-huit heures le délai dont disposent les victimes pour déposer une pré-plainte. Je parle bien de pré-plainte car ce délai nous paraît trop court pour une vraie plainte. J’expliquerai tout à l’heure pourquoi il est très difficile voire parfois impossible, en pratique, de porter plainte.

Mme Marie-France Lorho (RN). Comme mes collègues, je m’interroge quant au point de départ du délai imparti pour déposer la pré-plainte qui conditionne le remboursement de la rançon versée. La victime ne peut en aucun cas accomplir cette démarche auprès des autorités compétentes si elle n’a pas conscience de l’existence de l’infraction. Or les personnes qui mènent ces cyberattaques peuvent aisément pénétrer dans le système d’information d’une entreprise sans que celle-ci ne s’en rende compte ; certaines attaques ne se manifestent d’ailleurs que par des dysfonctionnements dont nombre d’utilisateurs seraient bien en peine de déterminer la nature, surtout dans le délai très court de vingt-quatre heures qui pourrait finalement porter préjudice aux victimes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Madame Martin, vous avez fait référence à une table ronde que nous avons organisée. Vous avez raison s’agissant de la position de la section J3 du parquet de Paris, mais moins, me semble-t-il, s’agissant de celle du ComCyberGend, le Général Boget, qui a beaucoup insisté sur la nécessité d’agir très vite – d’où le débat au sujet du délai, sur lequel je reviendrai dans quelques instants. Surtout, vous oubliez que les remarques faites par les uns et les autres portaient sur la rédaction votée par le Sénat, que nous ne pouvons pas conserver, comme l’a bien expliqué M. Latombe. En effet, cette rédaction traite des seules cyberattaques par rançongiciels, auxquels elle tend en réalité à offrir un havre de paix en Europe et dans l’OCDE. Nous cherchons, au contraire, à nous rapprocher de ce qui se passe en Allemagne, par exemple, où l’on observe une coopération entre les victimes, les enquêteurs et les assureurs. Aussi vos critiques visaient-elles une rédaction que nous entendons modifier – j’ai évidemment contribué à la réécriture proposée par un certain nombre de nos collègues.

La pré-plainte n’est pas une bonne idée car cette démarche est sommaire. Pour avoir moi-même déposé une pré-plainte en ligne après m’être fait voler un vélo il y a trois semaines, je peux vous confirmer que très peu d’éléments sont à communiquer, même si la procédure est un peu longue. Vous êtes rappelé deux, trois ou quatre jours plus tard, selon la disponibilité des services enquêteurs, pour prendre un rendez-vous physique au cours duquel vous signerez votre plainte. Or nous parlons ici d’attaques très complexes. La pré-plainte n’est donc vraiment pas un outil adapté. Un certain nombre de nos collègues préconisent de fixer le délai à quarante-huit heures, ce qui permettrait tout à fait à la victime de déposer une plainte en ligne, puisque les cyberattaques sont comprises dans le champ d’application de cette procédure.

Pour en revenir au délai, il faut trouver un compromis. Vingt-quatre heures, c’est trop tôt. Soixante-douze heures, une semaine ou quinze jours, c’est trop tard, tant pour la victime, qui ne pourrait pas profiter de l’engagement de poursuites pénales, que pour les enquêteurs, qui ont besoin d’arriver rapidement sur la scène de crime dont je parlais précédemment.

Madame Lorho, nous convenons tous que la rédaction du Sénat, qui évoque « les vingt-quatre heures suivant l’attaque », n’a pas de sens, car ce qui compte est le moment auquel la victime a constaté l’attaque. Ce n’est qu’à partir de cet instant qu’elle a des éléments tangibles qui lui permettent de porter plainte. Par ailleurs, comme le Général Boget nous l’a très bien expliqué lors de son audition, une cyberattaque, par rançongiciel ou non, se déroule généralement en deux temps : après une première pénétration dans le système informatique et une extraction des données, il se passe plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois avant que le pirate pénètre une nouvelle fois dans le système informatique pour crypter les données, qui deviennent alors indisponibles pour la victime. La première étape étant masquée, elle ne permet pas à la victime de constater l’attaque.

Par rapport à la rédaction insatisfaisante du Sénat, nous remplaçons donc la pré-plainte par une véritable plainte, qui pourra être effectuée en ligne, et le délai de vingt-quatre heures suivant l’attaque par un délai de quarante-huit heures après la constatation de l’attaque. Par ailleurs, nous ne visons plus simplement les rançongiciels mais l’ensemble des cyberattaques. Cela nous permet d’imaginer que les coûts de remédiation, pour reprendre les termes de M. Latombe, ou de remise à niveau des systèmes soient pris en charge par l’assurance, ou encore que les garanties ne couvrent pas uniquement le paiement de la rançon, mais également les coûts liés à la perte d’exploitation. Nous devons agir vite.

Je donne un avis favorable aux amendements identiques CL417, CL488 et CL605, qui vont dans la bonne direction et répondent à de nombreuses questions posées par les uns et les autres en défendant vos amendements et par M. Guitton s’agissant des délais. Je donne un avis défavorable aux autres amendements de la discussion commune, tout en rappelant le contexte que j’ai décrit et notre volonté de trouver des solutions à la fois équilibrées et très opérationnelles.

M. Ludovic Mendes (RE). Ce débat est très compliqué. La majorité des entreprises touchées par des cyberattaques, parfois dix à quinze fois par jour, sont des PME, des TPE ou des artisans qui ont bien du mal à se faire accompagner en amont. Nous parlons ici beaucoup de réparation, avec la question des assurances, mais nous devrons aussi nous demander, peut-être en séance publique, comment faire de la prévention, sur le terrain, dans une logique d’« aller vers », en lien avec les gendarmes et les policiers. La question est de savoir comment les entreprises sont accompagnées, non seulement par le milieu économique, notamment par les chambres de commerce et d’industrie dont l’action s’avère aujourd’hui insuffisante, mais également par les ministères de l’intérieur et de la justice, qui ont un grand rôle à jouer compte tenu de la protection apportée par le code pénal. Il s’agit de mieux protéger les données, de les enregistrer et de les mettre à l’abri, dans le cadre de systèmes souverains gérés au niveau national et permettant d’éviter toute récupération, y compris par les Américains dont les lois sont très offensives en la matière. Il serait donc intéressant d’avoir ce débat de fond en séance publique, autour d’un amendement visant à permettre aux agents de la gendarmerie et de la police d’accompagner les chefs d’entreprise, lesquels ne sont malheureusement parfois pas assez conscients de ces enjeux.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La difficulté vient du fait que ce sujet important est abordé dans la Lopmi, au détour d’un article visant simplement à régler la question du risque assurantiel du paiement de la rançon. C’est très pénible ! Nous avons globalement de bonnes idées mais, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, nous ne pouvons pas en mesurer vraiment tous les effets.

La plainte arrive toujours trop tard. Un bon attaquant ferme les tuyaux dans les trente minutes suivant l’infraction, empêchant ainsi de remonter jusqu’à lui. Je comprends donc l’idée initiale de se focaliser sur le paiement de la rançon, puisqu’il s’agit non seulement d’un flux d’argent, mais aussi d’un flux numérique que l’on peut tracer. Il y a un intérêt, pour les services enquêteurs, à recommander le paiement de cette somme pour tenter de mettre la main sur l’attaquant ou une partie du réseau. Avec la réécriture proposée, on ne parle plus de la rançon. C’est un peu dommage, d’un certain point de vue : on aurait pu subordonner le paiement de la rançon à l’accord des services enquêteurs, à des fins d’investigation.

L’entreprise n’est pas toujours la seule victime de ces attaques : les données volées sont souvent les données personnelles de ses clients – de vous et moi –, qui subissent donc eux aussi un préjudice. En cela, il s’agit d’un sujet d’intérêt général. Ce risque doit-il être couvert par un système assurantiel privé ou public ? Ne pourrait-on pas renforcer l’Anssi et tous les moyens de prévention qui vont avec ?

M. Ian Boucard (LR). Je partage le constat de M. Bernalicis : nous traitons d’un vrai sujet, sur lequel nous n’avons encore jamais légiféré, de manière partielle puisque nous ne parlons ni de prévention ni des actions à entreprendre en aval. Nous balayons pour ainsi dire 10 % du spectre ! Après le vote de la Lopmi, nous devrons donc revenir à cette question très rapidement, très sérieusement, en la considérant dans son intégralité. Dans cette attente, l’article 4 proposé par le Sénat est déjà mieux que rien. Nous voterons les amendements identiques visant à l’améliorer, qui sont des amendements de bon sens – un délai de vingt-quatre heures serait en effet trop court.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Si l’article 4 a le mérite d’exister, nous ne pourrons effectivement pas nous passer d’un vrai débat de fond sur l’accompagnement des organisations touchées par ce type d’attaques. Cet accompagnement doit aller de la prévention, de la sensibilisation, à la gestion de la crise que représente une attaque cyber majeure.

M. Éric Bothorel (RE). Les attaquants ont de l’avance ! Je ne partage pas tout à fait le point de vue de M. Bernalicis. L’article 4 vise à traiter le plus gros du problème des ransomwares, dont le succès tient principalement à une forme de stupeur. En effet, c’est au moment où elles reçoivent un mail d’Everest ou d’autres organisations dont je ne veux pas faire la promotion que la plupart des entreprises découvrent qu’elles ont été victimes d’un cryptolockage de leurs données, de longue date ou de manière plus récente : elles apprennent en même temps que leur système a été pénétré, que leurs données ont été chiffrées et qu’une entreprise cybercriminelle « commerciale » leur réclame 10 000 euros, 50 000 euros ou 1 million d’euros pour ne pas publier les données volées ou livrer les clés de déchiffrement.

La commission adopte les amendements CL417, CL488 et CL605.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Deuxième réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/wqR7Bt

Article 4 (art. L. 12-10-1 [nouveau] du code des assurances) : Encadrement des clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances (suite)

Amendement CL725 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Amendement rédactionnel.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL530 de M. Philippe Latombe et CL452 de M. Paul Molac (discussion commune).

M. Philippe Latombe (Dem). Cet amendement a reçu au Sénat un avis de sagesse du Gouvernement ; il a certes été rejeté mais il était prévu d’en rediscuter à l’Assemblée nationale. Il vise à préparer une montée en compétences des entreprises, quelle que soit leur taille, dans le domaine de la cybersécurité, grâce à une labellisation. Ce terme n’est peut-être pas le meilleur, mais nous pourrons éventuellement le remplacer par « norme » en séance.

Il s’agit de s’appuyer sur ce que fait déjà Cybermalveillance.gouv.fr, qui labellise un certain nombre d’intervenants, lesquels permettent de préparer les entreprises et de prendre des mesures rapides de remédiation en cas de cyberattaque. Ces intervenants, parce qu’ils ont participé à la montée en compétences et à la protection des entreprises, sont les plus à même de les aider à se défendre ou à recouvrer leurs systèmes. Par ailleurs, les compagnies d’assurances pourront s’appuyer sur des prestataires homologués, en faisant référence au label ou à la norme dans leurs contrats.

Cette disposition permettra d’éviter le développement d’une jungle favorable à des acteurs privés pas forcément très compétents en cybersécurité, et nous pourrons ainsi sécuriser l’ensemble de la filière.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement CL452 vise à inciter les grandes entreprises et celles de taille intermédiaire à se doter des moyens, notamment informatiques, nécessaires à la lutte contre les cyberattaques. Le versement du paiement d’une rançon par leur assurance serait conditionné à terme, pour leur donner suffisamment de temps et de marges de manœuvre, au déploiement de moyens de lutte contre les cyberattaques.

M. Florent Boudié, rapporteur. En effet, le ministre avait fait part de son intérêt pour cette piste. Vous proposez d’imposer le recours aux services d’un prestataire labellisé en sécurité numérique afin d’obtenir un remboursement par son assurance, ce qui nécessite d’inventer toute une organisation concernant la labellisation et les prestataires. Or il me semble que la réflexion n’est pas suffisamment avancée en la matière.

Les auditions ont permis de constater que le taux de couverture des grandes entreprises est très important, puisqu’il s’élève à 84 %, alors que celui des entreprises réalisant moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui constitue pourtant une jauge relativement importante, est extrêmement faible – il est de 0,2 %.

Le renforcement de la robustesse de nos entreprises, y compris les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), est un objectif essentiel. Il existe deux manières, potentiellement complémentaires, de l’atteindre. La première est le développement du marché assurantiel. Vous l’avez dit, je crois, ce matin, lorsque les compagnies d’assurances accepteront des clauses de garantie pour la couverture des frais de remédiation, des pertes d’exploitation ou du paiement de rançons, elles imposeront des niveaux de sécurité. La première montée en sécurisation sera liée à la relation assurantielle. La deuxième manière d’atteindre l’objectif peut être liée, vous avez raison, à un mécanisme de labellisation. Mais quels seraient les prestataires ? Qui organisera le système ? Qui fixera les normes, sachant qu’elles sont extrêmement évolutives compte tenu des évolutions technologiques ? Qui labellisera ?

Il me semble, je le répète, que la réflexion n’est pas suffisamment avancée. Je vous propose donc de retirer ces amendements pour retravailler sur la question d’ici à la séance. Nous pourrons organiser une table ronde et mener de nouvelles auditions pour affiner vos propositions.

M. Philippe Latombe (Dem). Je comprends votre position. Néanmoins, cet amendement reprend une proposition faite à l’issue d’un travail qui a déjà été mené au Sénat. Songeons à la commission mixte paritaire (CMP), et ne refaisons pas ce travail… Par ailleurs, Cybermalveillance.gouv.fr et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) existent. Je propose que nous adoptions mon amendement et que nous le retravaillons d’ici à la séance, si vous le voulez.

J’ajoute que nous renvoyons à un décret : l’amendement CL530 fixe un principe général d’accompagnement, pour éviter une jungle d’entreprises qui se prévaudraient de faire de la cybersécurité mais n’apporteraient absolument aucune valeur ajoutée aux entreprises. Ne refaisons pas les mêmes erreurs que dans d’autres domaines, notamment énergétique – des palanquées d’entreprises ont prétendu qu’elles pouvaient réaliser des diagnostics. Il faut créer un label ou une norme, sous l’égide de Cybermalveillance.gouv.fr ou de l’Anssi, pour éviter un appel d’air contre-productif.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Beaucoup de questions, tout à fait légitimes et intéressantes, se posent, mais il existe assez peu de réponses en l’état. Même une labellisation pose, en réalité, plus de questions qu’elle n’en résout.

J’ai dit lors des auditions que j’avais plein d’idées de business plans pour le moment où je cesserai d’être parlementaire, par exemple ouvrir une entreprise de cybersécurité et offrir une assurance sous condition de passer par cette entreprise de cybersécurité ou, mieux encore, racheter, en tant qu’assureur, des entreprises de cybersécurité et obliger les assurés à respecter leurs standards. Il faut ajouter que ces entreprises évoluent et que certains de leurs anciens finissent de l’autre côté de la barrière, tandis que d’autres finissent par revenir dans le circuit légal, les uns et les autres se nourrissant des avancées technologiques et des failles qui apparaissent au fur et à mesure.

En réalité, vous êtes dans une logique de marchandisation et non de protection. Ce qui peut protéger et aider à adopter des normes sans lien avec un système assurantiel, c’est le service public. La question est simplement de savoir où on place les moyens et de quelle manière. L’Anssi pourra-t-elle aider l’artisan du coin qui se fait pirater la petite page internet qu’il a ouverte pour vendre ses produits en ligne ? Ou bien faut-il prévoir un système d’assurance obligatoire reposant sur les chambres consulaires, avec une obligation en matière de prévention mais aussi de réparation en cas d’attaque ? On peut imaginer beaucoup de choses, et il n’y a pas que le marché pour résoudre des problèmes de prévention des risques.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je n’avais encore jamais entendu M. Bernalicis évoquer un éventuel départ du champ politique… Même si je ne suis pas sensible à l’idée d’une nationalisation, une partie de ses arguments me paraît sensée.

C’est avec la rédaction de votre amendement, monsieur Latombe, qu’il y aura demain une jungle, car vous ouvrez le champ à toute unité économique qui voudrait participer à ce nouveau marché en prétendant labelliser. Vous ne précisez pas qui, comment, ni sur la base de quelle norme. Je vous propose plutôt d’organiser une table ronde et d’en reparler.

Vous dites que les sénateurs ont beaucoup travaillé sur ce sujet, mais ils ont repoussé l’idée que vous avancez.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL453 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Cet amendement vise à renforcer le conditionnement du versement par l’assurance d’un remboursement pour paiement de rançon sans pour autant ralentir le délai dans lequel les autorités compétentes sont informées. Au-delà du dépôt d’une pré-plainte dans un délai de vingt-quatre heures avant le paiement de la rançon, la victime doit être incitée à aller jusqu’au bout du processus en déposant plainte dans un délai de soixante-douze heures après le paiement si elle souhaite un remboursement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons déjà adopté un amendement qui me paraît apporter pleinement une réponse. Restons-en là.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CL451 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Il s’agit de lutter contre le risque de voir des acteurs institutionnels publics payer des rançons en cas de cyberattaque. Nous nous interrogeons en effet sur l’emploi du terme « acteurs institutionnels » dans une déclaration du ministre de l’intérieur, qui laissait entendre que des administrations publiques paieraient de telles rançons. Nous proposons de ne pas permettre le remboursement par une assurance lorsque le paiement d’une rançon émane d’une administration publique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Même avis défavorable, compte tenu de l’amendement que nous avons adopté précédemment et qui n’est pas ciblé, contrairement au vôtre, sur les rançons.

L’amendement est retiré.

Amendement CL450 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Cet amendement demande la remise au Parlement d’un rapport sur la mise en œuvre de l’assurance contre les risques de cyberattaques.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je proposerai, même si ce n’est pas l’usage de la commission, d’accepter certaines demandes de rapport, portant sur des mesures qui ont parfois fait débat, notamment lors des auditions, comme l’extension des amendes forfaitaires délictuelles, auxquelles je suis favorable à titre personnel et en tant que rapporteur, mais j’émets un avis défavorable à cet amendement. Il faut développer rapidement des capacités opérationnelles.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendements CL727 de M. Benjamin Haddad, CL437 et CL438 de M. Philippe Pradal (discussion commune).

Mme Marie Lebec (RE). L’amendement CL727 vise à aggraver les peines encourues en cas d’infraction à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données, notamment les attaques informatiques qui se multiplient contre les hôpitaux et peuvent mettre en danger la vie des patients – je pense notamment à l’attaque contre l’hôpital de Corbeil-Essonnes en août. De nombreuses enquêtes ont été ouvertes par la section cybercriminalité du parquet de Paris pour chef d’atteinte à un système de traitement automatisé de données.

M. Philippe Pradal (HOR). L’amendement CL437 vise de même à sanctionner plus durement les cyberattaques contre les établissements hospitaliers. Le suivant concerne plus généralement les cyberattaques pouvant conduire à la mise en danger de la vie d’autrui.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CL727, qui s’inscrit dans la lignée du projet de loi en prévoyant une aggravation des peines encourues en cas d’infraction commise à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données. Vos amendements, monsieur Pradal, seront satisfaits, puisque les établissements publics hospitaliers sont couverts : l’amendement s’appliquera à tous les systèmes de traitement automatisé de données mis en œuvre par l’État. Je vous demande donc de retirer vos amendements.

M. Philippe Pradal (HOR). Je vais les retirer si vous les considérez comme satisfaits, mais nous retravaillerons peut-être la rédaction d’ici à la séance pour nous assurer que l’ensemble des établissements détenant des données pouvant conduire à la mise en danger de la vie d’autrui en cas de cyberattaque sont couverts.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ce sont les premiers amendements d’une longue série dont la logique générale est l’aggravation des peines, en lien avec une simple croyance selon laquelle plus on aggrave les peines, moins il y a d’infractions. Une étude portant sur 116 autres études consacrées à cette question a montré que ces dernières aboutissent toutes à la même conclusion : l’aggravation des peines n’emporte pas comme conséquence une diminution du nombre d’infractions commises – cela ne fait qu’augmenter les peines.

De plus, l’argument selon lequel ce genre d’amendements a une vertu préventive conduit à se dispenser de mener une véritable prévention. Il serait donc plus raisonnable de ne pas accepter ces amendements et de retirer du projet de loi les dispositions tendant à aggraver les peines encourues, dans ce domaine pour commencer puis dans une longue liste d’autres. Vous enclenchez un effet cliquet qui n’a aucun impact sur les infractions commises.

M. Jordan Guitton (RN). Comme je l’ai dit ce matin au ministre, ce projet de loi doit s’articuler avec deux autres éléments : la volonté politique de sanctionner encore plus durement les personnes et surtout une justice qui applique les peines prévues. Tant que la justice ne le fera pas, on pourra effectivement augmenter autant qu’on veut les peines, elles ne seront pas dissuasives. Nous voterons néanmoins le premier amendement, car il faut punir plus durement les attaques contre les lieux de santé – et on a vu pendant la crise du covid qu’une question plus générale de collecte et de sécurisation des données se posait.

Une peine, quand elle est vraiment appliquée par un système de justice parfait – ce ne sera jamais le cas avec ce gouvernement, mais cela arrivera grâce à des gouvernements ultérieurs, vous pouvez nous faire confiance –, sert aussi à dissuader, en particulier de piller les données des hôpitaux français.

M. Ludovic Mendes (RE). L’aggravation du quantum de peine n’est pas négligeable : certains hackers pensent qu’ils ne seront pas punis par la loi. Le grand problème, néanmoins, est qu’il nous faut un réseau international : l’Union européenne doit prendre toute sa part dans les efforts, dans le cadre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite Libe, pour mieux protéger les entreprises européennes et les agences nationales, européennes ou internationales. En effet, la plupart des hackers se trouvent plutôt à l’extérieur du territoire national.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Notre groupe ne votera pas ces amendements. Sur le fond, l’aggravation des peines n’a jamais empêché la commission des infractions, tout le monde le sait et le dit. Par ailleurs, si vous voulez que la justice ait la capacité d’agir, il faudrait cesser de modifier sans arrêt le code pénal. Cela devient impossible pour les magistrats. Soyons raisonnables. Enfin, il me semble que le ministre de la justice doit regarder cette question en premier, avant le ministre de l’intérieur.

M. Florent Boudié, rapporteur. Renforcer le niveau de répression contre les cyberattaques, qui se multiplient et causent des dommages considérables, ne me paraît pas en soi un mauvais objectif. Il ne s’agit pas de dire que la dissuasion est magique ou d’aggraver les peines pour les aggraver. En passant d’un quantum de peine de deux à trois ans, on élargira simplement les capacités d’action des services d’enquête : ils pourront notamment mener des perquisitions.

Les amendements CL437 et CL438 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CL727.

Amendement CL722 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Mme Blandine Brocard (Dem). Cet amendement tend à élargir le champ de la circonstance aggravante de bande organisée en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données. Cette circonstance aggravante n’est actuellement prévue qu’en cas d’atteinte à un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, ce qui est particulièrement restrictif : les pouvoirs d’enquête et de coercition applicables en matière de criminalité organisée ne peuvent donc être utilisés lorsque la victime n’est pas étatique. Nos entreprises, qui subissent des conséquences particulièrement graves à la suite des attaques par rançongiciel, méritent toutes d’être protégées avec efficacité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL721 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Mme Blandine Brocard (Dem). Il s’agit d’élargir le champ des réponses pénales en cas d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, dont nos concitoyens sont de plus en plus fréquemment victimes. Cette qualification pénale recouvre le piratage d’un compte de messagerie électronique ou d’un réseau social.

Pour les infractions du quotidien, l’ordonnance pénale permet au procureur de la République de faire juger des affaires simples et peu graves plus rapidement. La procédure est simplifiée et le dossier est validé par un juge unique, sans audience. Les accès frauduleux aux systèmes de traitement automatisé sont exclus de ce dispositif : ils doivent être jugés par trois juges professionnels, lors d’une audience. Notre amendement permettra d’apporter une réponse accélérée, simplifiée, économe en temps de magistrat et de greffier, dans l’intérêt du justiciable.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous faisons face à un contentieux de masse. Entre le 15 mars et le 15 octobre, soit en sept mois, 38 507 plaintes ont été déposées sur la plateforme en ligne Thésée à la suite de cyberattaques. La procédure du juge unique, statuant par ordonnance, est de nature à répondre à l’enjeu de la célérité judiciaire.

Avis favorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je renouvelle les observations de mon groupe. Ce sont des questions qui intéressent en premier lieu le ministère de la justice. Nous souhaitons un texte d’une quinzaine d’articles, concentré sur des questions relevant de la police – et dieu sait s’il y a des choses à faire dans ce domaine. S’agissant de cet amendement, le ministère de la justice a-t-il été associé ?

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous avons ouvert la boîte : les peines vont être alourdies pour tout un ensemble de délits, dans de multiples domaines, et on aura recours à des procédures plus rapides pour juger, en modifiant le code sans aucune analyse préalable.

Par ailleurs, je relève que le délit d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé est souvent opposé aux lanceurs d’alerte. Quand ils récupèrent des informations dans leur entreprise et qu’ils les rendent ensuite publiques, cette incrimination est toujours invoquée par l’entreprise pointée du doigt.

Vous avez élargi l’échelle des peines pour pouvoir utiliser des techniques spéciales d’enquête : vous ne le faites pas parce que vous pensez que la pénalisation doit être renforcée mais pour donner d’autres outils d’enquête. Au lieu de faire bouger le quantum de peine, modifiez donc les dispositions relatives aux outils d’enquête. Cela devient vraiment n’importe quoi ! Nous vous demandons, avec les magistrats, les greffiers et les avocats, d’arrêter de modifier le code pénal et le code de procédure pénale matin, midi et soir parce qu’on finit par ne plus rien y comprendre. Vous aurez bientôt des manifestations de policiers contre la complexification de la procédure pénale ! C’est insupportable.

M. le président Sacha Houlié. En l’espèce, il s’agit d’un amendement de simplification.

La commission adopte l’amendement.

Article 4 bis (art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale) : Complément à la liste des actes autorisés dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme

Amendements de suppression CL293 de Mme Élisa Martin et CL474 de Mme Sandra Regol.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Une remarque générale sur l’architecture du projet de loi : on s’attendait à un texte d’orientation, mais on se retrouve avec des articles traitant de divers sujets, d’une manière peu organisée. Nous demandons la suppression de cet article, ajouté par le Sénat et relatif aux enquêtes sous pseudonyme, car il faudrait une réflexion globale sur le recours à ces techniques spéciales d’enquête. On est toujours, en la matière, sur une ligne de crête. Or les garanties nécessaires ne sont pas présentes : on ne sait pas dans quelle mesure l’enquêteur ne risque pas de pousser à commettre le délit.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Un cadre est déjà prévu pour ce type de techniques et il n’est nul besoin, compte tenu des risques qui viennent d’être invoqués, d’aller encore plus loin. C’est pourquoi nous demandons également la suppression de cet article.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cette disposition a effectivement été ajoutée par le Sénat, mais elle reprend un article du projet de loi tel qu’il avait été déposé au mois de mars, avant l’élection présidentielle.

Le dispositif des enquêtes sous pseudonyme a été créé en 2019 par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ce texte a prévu la possibilité, au cours d’une enquête ou sur commission rogatoire, de procéder à plusieurs actes sous pseudonyme pour constater des crimes et des délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par voie électronique. Autre condition, il faut que cela soit nécessaire à l’enquête ou à l’instruction. Que peuvent faire actuellement sous pseudonyme les enquêteurs ? Ils peuvent participer à des échanges électroniques, extraire ou conserver des éléments de preuve et acquérir, après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, des contenus, des produits, des substances, des prélèvements et des services, y compris illicites.

Le Sénat propose que les enquêteurs puissent en outre mettre à la disposition des auteurs de l’infraction présumée « des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication ». On se place dans le cadre d’une enquête existante : il ne s’agit pas de traquer des personnes qui surfent sur internet, pour leur tendre des pièges, mais de chercher à constater, je le redis, un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement commis par voie électronique. Par ailleurs, les officiers de police judiciaire (OPJ) peuvent déjà acquérir des produits illicites. Il leur serait désormais permis de mettre à disposition les moyens financiers de les acquérir.

Vous critiquez, dans un des exposés sommaires, une « dérive à l’américaine », mais cela n’a rien à voir. Le procureur de la République et le juge d’instruction, selon les cas, restent au cœur du dispositif.

M. Ian Boucard (LR). Nous avons débattu de ces questions avec les représentants des forces de l’ordre lors du Beauvau de la sécurité. Il est temps d’introduire dans notre législation tous les moyens possibles pour permettre aux enquêteurs de lutter contre des formes de cybercriminalité dont les auteurs ont un avantage non négligeable sur les enquêteurs – il faut réduire cet avantage. Comme l’ensemble de mon groupe, je suis donc très favorable à l’article 4 bis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). S’agissant des dispositions actuelles, quand cela se passe dans le cadre d’une information judiciaire, sous le contrôle d’un juge d’instruction, je veux bien. Quand il s’agit du parquet, en revanche, le contrôle n’est pas forcément a priori, et il peut s’agir d’enquêtes d’initiative. On doit faire remonter en temps réel les actes réalisés, mais le temps réel n’existe pas, et le contrôle du parquet est certes prévu par les textes mais c’est un peu plus compliqué dans les faits.

Et quand bien même tout cela aurait lieu sous le contrôle d’un procureur, on est là à la frontière de l’aide et de la provocation à la commission d’une infraction. En effet, on poursuit des gens dont on pense qu’ils vont commettre une infraction : celle-ci n’est pas encore constatée, et on va utiliser des objets illicites pour y parvenir. Jusqu’à présent, et c’est pour cela que les éléments introduits par le Sénat ne sont pas prévus actuellement, on évitait de franchir cette frontière.

Je sais bien que des policiers disent qu’ils sont déjà « borderline », que les magistrats ferment un peu les yeux et que cela peut passer si l’avocat en face n’est pas bon, mais le droit pénal, surtout dans notre système inquisitoire, doit respecter un équilibre entre la préservation des libertés et des droits, y compris des personnes mises en cause, et les capacités, exorbitantes du droit commun, d’enquête et de répression. Or, avec cet article, on est en train de basculer. Je ne doute pas qu’on se dise, du côté du parquet, que ce n’est pas plus mal, mais cela pose une question de fond. Nous restons opposés à l’extension de ce type de possibilités, déjà très larges depuis la loi de 2019.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’essaie de me baser sur des éléments tangibles, et non sur des ouï-dire. Très concrètement, dans le droit en vigueur, l’autorisation d’acquérir des produits illicites est versée dans le dossier de procédure et donc vérifiable. L’absence d’une telle mention dans le dossier est une cause de nullité de la procédure.

Dans le monde physique, c’est-à-dire non virtuel, ce qui nous est proposé est déjà possible pour les achats de produits stupéfiants, d’armes et d’explosifs ainsi que dans le cadre des infiltrations, afin de constater un crime ou un délit présumé. Cet article propose que ce soit également possible dans le monde virtuel, avec les mêmes garanties juridiques.

M. le président Sacha Houlié. Il est précisé dans le document faisant état de l’avancement des travaux du rapporteur, mis à votre disposition, qu’il faut bien une autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction. Pour illustrer les propos du rapporteur, un enquêteur peut se retrouver en infraction simplement pour avoir scanné un code QR, tel qu’on en trouve autour des points de deal, par exemple à Marseille, afin d’entrer dans une discussion sur Telegram avec les vendeurs de stupéfiants et poursuivre ainsi les délinquants. L’étude d’impact du projet de Lopmi déposé en mars 2022 décrit une autre situation dans laquelle un enquêteur pourra recourir aux dispositions de l’article 4 bis : lorsque des biens volés lors d’un cambriolage sont mis en vente sur des plateformes en ligne, il pourra être autorisé à prendre contact avec le vendeur pour le reconnaître puis l’inculper pour recel.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL726 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Actuellement, les enquêteurs sous pseudonyme ont besoin d’une autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction pour acquérir des produits, que ceux-ci soient licites ou illicites. Ces autorisations sont de pratique courante. Comme je l’ai indiqué précédemment, je souhaite simplifier la procédure : il n’y aurait plus besoin d’autorisation pour acquérir des produits licites, puisque ceux-ci sont autorisés et commercialisables.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL728 du rapporteur.

Amendements CL477 et CL476 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit de deux amendements de repli par rapport à mon amendement de suppression. Ils visent à mieux encadrer le dispositif prévu à l’article 4 bis en limitant la liste des moyens que les enquêteurs peuvent être autorisés à mettre à disposition des personnes se livrant aux infractions considérées.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les crimes et délits commis par voie électronique sont par nature des infractions d’une extrême complexité, y compris du point de vue technique. Il est donc nécessaire que les enquêteurs qui cherchent à les constater disposent d’une variété de moyens à proposer à leurs auteurs présumés. Je souhaite que nous en restions à la gamme étendue qui figure à l’article 4 bis. Mon avis est donc défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL729 et CL730 de M. Florent Boudié.

La commission adopte l’article 4 bis modifié.

Avant l’article 5

La commission adopte l’amendement CL731 de M. Florent Boudié, rétablissant la division et l’intitulé du chapitre II.

Article 5 (art. L. 32 et L. 34-16 [nouveau] du code des postes et des télécommunications électroniques) : Mise en œuvre du Réseau radio du futur

La commission adopte successivement l’amendement CL732 de M. Florent Boudié et les amendements identiques CL733 de M. Florent Boudié et CL389 de M. Romain Baubry, tous rédactionnels.

Amendement CL454 de M. Paul Molac.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il vise à inclure les groupements de collectivités territoriales dans le programme Réseau radio du futur (RRF).

M. Florent Boudié, rapporteur. Les groupements de collectivités territoriales pourront être abonnés au RFF. Il est bon de le préciser dans l’article 5.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL455 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’article 5 indique que le RRF reposera notamment sur les principes de continuité de service et de disponibilité. Pour guider le pouvoir réglementaire dans la mise en œuvre du RRF, il serait bon que le législateur ajoute à cette liste de principes fondateurs le principe de mutabilité, autrement dit d’adaptation dans le temps, qui s’applique généralement aux services publics. Souvent, on tarde à faire évoluer les grands projets de cette nature.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous l’avez très bien dit, le principe de mutabilité est d’application générale dans les administrations et établissements publics. Je ne vois donc pas l’intérêt de le mentionner à l’article 5.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Ce matin, vous avez insisté sur le principe de continuité. En quoi le principe de mutabilité poserait-il ici problème ?

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est un vieux principe de droit public, dégagé au début du XXe siècle par le Conseil d’État, et qui fait partie des « lois de Rolland ». Je vous garantis qu’il est d’application générale.

Néanmoins, je crois comprendre votre inquiétude : le dispositif RRF est-il conçu pour s’adapter dans le temps ? Il me semble que la façon dont l’État a organisé les lots du marché public relatif au RRF est de nature à vous rassurer.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL735 et CL736 de M. Florent Boudié.

Amendement CL761 rectifié de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il ressort de l’audition du préfet Guillaume Lambert, chargé du projet RRF, qu’il est nécessaire de créer un nouvel établissement public de l’État pour assurer la mise en œuvre et l’exploitation de ce réseau. Cet amendement vise à définir les caractéristiques essentielles dudit établissement public. Sans ce support juridique, le RRF ne pourrait pas être déployé.

La commission adopte l’amendement.

mendement CL162 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Le RRF est un projet de grande envergure, qui structurera demain le fonctionnement des forces de police. Il est donc essentiel que la représentation nationale puisse connaître les conditions d’attribution des marchés, les entreprises sélectionnées et le montant des contrats. Cet amendement vise à solliciter un rapport du Gouvernement à ce sujet, afin d’assurer la plus grande transparence.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les demandes de rapport sont un sujet en soi. Si nous devions toutes les accepter, cela ferait beaucoup de rapports par an ! Je préfère que les députés que nous sommes exercent leur pouvoir de contrôle, au moyen d’auditions, de rapports d’information, de rapports sur l’application de la loi ou de rapports d’évaluation de la loi – ce dernier travail étant plus complet.

Toutes les informations que vous demandez – lots, marché public, montants, capacités technologiques – nous ont été communiquées par le préfet Lambert lors de son audition et dans ses réponses au questionnaire écrit que nous lui avions préalablement adressé. Je tiens à votre disposition le rapport correspondant.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Concernant cette demande de rapport, j’abonde dans le sens de notre collègue Roger Vicot.

Permettez-moi d’élargir la focale et de faire un peu de politique. Si nous disposions d’un opérateur public de télécommunications, nous ne serions pas confrontés à de telles difficultés : il ne serait pas nécessaire de créer un établissement public, de lancer un appel d’offres, de passer un marché public, de solliciter quatre opérateurs, de doubler les antennes pour avoir un réseau sécurisé… Je plaide pour la renationalisation du secteur de la téléphonie, notamment à des fins de préservation de l’ordre public et de bon fonctionnement de la sécurité civile, puisque le RRF a vocation à être utilisé aussi par les services d’incendie et de secours. Vous souvenez-vous de la panne des numéros d’urgence, il y a un an et demi ? Certains domaines devraient rester publics à 100 %. Les propositions de La France insoumise et de la NUPES tendant à socialiser certaines activités de réseau sont d’intérêt général, y compris en matière de sécurité.

M. Roger Vicot (SOC). Puisque les informations existent, instituons le principe selon lequel elles doivent être communiquées systématiquement au Parlement plutôt que sur sa demande. Il faut garantir une transparence totale.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (art. 15-3-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et possibilité d’y avoir recours pour le recueil de la plainte

Amendements de suppression CL294 de M. Ugo Bernalicis et CL344 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). L’article 6 prévoit le dépôt de plainte par un moyen de télécommunication visuelle. Nous nous y opposons pour deux raisons, qui présentent selon nous le même degré de gravité.

D’abord, les citoyennes et citoyens réclament avant tout davantage de contact humain lors de leurs démarches administratives. Les usagers dénoncent dans leur majorité la déshumanisation des services publics, a fortiori lorsqu’ils se trouvent dans une situation difficile, voire traumatique. Tel est précisément le cas des victimes.

Autre problème, et non des moindres : ce nouveau procédé de dépôt de plainte serait source d’inégalité. Le numérique n’est toujours pas à la portée de tous ; les cas d’illectronisme sont très nombreux. La plainte devant un écran exclurait les 800 000 personnes qui n’ont jamais utilisé internet – ce chiffre a été publié en 2020 par l’Insee. S’y ajoutent les personnes qui l’utilisent mal ou avec réticence dans leur quotidien. On peut penser que, précipités dans une situation difficile, elles ne seraient pas davantage incitées à y recourir.

À l’opposé de ce mode robotisé, nous proposons un monde qui place l’humain au centre et défendons un service public de la police de proximité. Le ministre est fier d’un budget au montant jamais atteint, mais nous, parlementaires, ne connaissons toujours pas le détail de son affectation. Tandis qu’il nous promet une police digne d’une société dystopique, nous proposons plutôt de refonder la police en réaffirmant ses missions de maintien de lien, et non de maintien de l’ordre.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). J’y insiste, il ne faut pas substituer une procédure dématérialisée à l’accueil physique, à plus forte raison dans le cas du dépôt de plainte et de la déposition. S’il y a une demande pour les dépôts de plainte en ligne, notamment de la part des victimes d’agression sexuelle ou de viol, c’est parce que l’accueil dans les commissariats est mauvais. Faut-il pour autant éloigner davantage encore les plaignantes et les plaignants des commissariats ? Faut-il graver cela dans le marbre de la loi ? Je préférerais que, dans la trajectoire budgétaire, on renforce la formation des agents à l’accueil de la plainte et de la parole.

Qui plus est, monsieur le rapporteur, rien n’est défini de manière précise dans l’article 6. Toutes les agressions, plaintes et peines sont mises sur un même plan. Bien évidemment, nous ne sommes pas opposés à la pré-plainte en ligne en cas de vol de vélo, d’autant que cela peut faciliter les rapports avec l’assurance. Reste que la personne qui fait le déplacement au commissariat n’a pas à se voir proposer un dépôt de plainte par un autre moyen ; elle doit pouvoir faire sa démarche sur place.

C’est la pénurie de moyens qui amène à reconcentrer ces moyens sur certaines matières et à accélérer la dématérialisation. Nous nous y opposons.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il est normal que nous, députés, fassions de la politique, mais il est bon aussi que nous fassions un peu de droit, car nous sommes censés l’écrire.

Quel est le droit applicable ? Je le dis notamment à l’attention de M. Vicot, c’est une loi de 2001 qui a introduit la vidéoconférence dans les procédures pénales, pour les auditions et les confrontations. L’article 706-71 du code de procédure pénale qui en est résulté dispose dans sa rédaction actuelle : « il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle ».

Nous avons donc un recul de vingt et un ans. J’ai souhaité auditionner la Défenseure des droits et lui ai demandé si son institution avait reçu ne serait-ce qu’une réclamation à ce sujet. Elle est néanmoins défavorable à ce dispositif, pour d’autres raisons. En tout cas, nous ne proposons pas un dispositif nouveau, et rien d’incongru.

Au reste, le dépôt de plainte et la déposition par vidéoconférence seront simplement une possibilité. C’est déjà ce que prévoit l’article 6, et le Conseil d’État l’a rappelé dans son avis, mais pour clarifier encore les choses, je proposerai de préciser par amendement : « La plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut être imposée à la victime. » J’ai retenu la rédaction qui figure dans le code de procédure pénale pour la plainte par voie électronique.

J’ai souhaité aller plus loin : je proposerai que le décret d’application de l’article 6 soit non pas un décret simple, comme cela figure dans la version actuelle du texte, mais un décret en Conseil d’État. C’est une garantie supplémentaire : lorsqu’il examinera le projet de décret, le Conseil d’État veillera bien évidemment à la prise en compte des préconisations, des objections ou des critiques qu’il a pu émettre dans son avis à propos de l’article 6.

Le Sénat a ajouté l’exigence que le décret soit pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). D’après le secrétaire général de la Cnil, que nous avons interrogé, il n’était pas obligatoire de prévoir la consultation de la Cnil, au regard de ses compétences. Néanmoins, je ne proposerai pas de supprimer cet avis préalable de la Cnil, car vous ne manqueriez pas de chercher à le réintroduire en séance. Il est plus simple de le conserver, pour éviter un débat à ce sujet. Quoi qu’il en soit, la Cnil sera nécessairement consultée si le ministère de l’intérieur est amené à créer un traitement de données à caractère personnel pour les besoins de la vidéoconférence.

La question de limiter la procédure aux seules atteintes aux biens se pose effectivement. Le Sénat avait dans un premier temps exclu le dépôt de plainte par vidéoconférence pour les atteintes aux personnes, mais est revenu sur sa décision en séance. Toutefois, madame Faucillon, les associations d’aide aux victimes, notamment aux femmes ayant subi des violences, souhaitent qu’il soit possible de déposer plainte par vidéoconférence ; elles nous l’ont dit très clairement. Dans certaines situations, les victimes préfèrent être en vidéoconférence plutôt que d’aller dans les locaux d’un commissariat ou d’une unité de gendarmerie. Avec l’article 6, tout dépendra du choix de la victime : si elle estime qu’elle a besoin d’aller dans les locaux d’un commissariat, elle le fera ; si elle préfère passer par la vidéoconférence, elle pourra le faire.

Enfin, n’ayons pas un débat sur la fracture numérique ! J’habite à Eynesse, village de 602 habitants, où la connexion n’est pas toujours de bonne qualité. S’il y a dans le village des victimes d’infraction, elles se rendront probablement dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Sainte-Foy-la-Grande, à 12 kilomètres. En résumé, les victimes ne feront évidemment pas le choix de la vidéoconférence si elles estiment que cette procédure ne les protège pas compte tenu des infractions ou des violences dont elles ont fait l’objet, ni si elles n’ont pas la capacité matérielle ou technique d’y recourir.

Tel est le cadre, qui me semble de nature à apaiser les craintes quant aux éventuelles conséquences néfastes du dispositif. Je donne un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Ian Boucard (LR). Je prends note de vos explications, monsieur le rapporteur, mais je ne suis pas convaincu, à titre personnel, par le dispositif prévu à l’article 6. De mon point de vue, un commissariat doit être d’abord un sanctuaire républicain, où les victimes savent qu’elles seront accueillies et conseillées de manière appropriée. Je comprends que les associations de victimes, notamment de femmes ayant subi des violences, préfèrent aujourd’hui la vidéoconférence car, pendant des années, on n’a pas su les accueillir correctement dans nos commissariats et nos brigades de gendarmerie.

Toutefois, la solution n’est pas de leur proposer la vidéoconférence, car cela reviendrait à entériner que le commissariat n’est pas le sanctuaire républicain qu’il devrait être pour ces femmes et pour toutes les autres victimes. La bonne solution, c’est d’améliorer l’accueil dans les commissariats et les gendarmeries, par la formation des forces de l’ordre, mais aussi par l’aménagement de lieux dédiés, qui ne soient pas des salles déshumanisées. De premières mesures ont été prises, mais on peut et on doit aller beaucoup plus loin en la matière.

Je rejoins Elsa Faucillon : tout dépend de la raison pour laquelle on veut porter plainte. Cela ne me choquerait nullement qu’on le fasse par vidéoconférence pour un vol de vélo ou de téléphone, ou pour une dégradation de boîte aux lettres. En revanche, le passage par le commissariat me semble nécessaire pour les victimes de violence. Si nous voulons conforter la place de nos forces de l’ordre dans la République, ainsi que le respect qui leur est dû, il faut que les victimes sachent que les forces de l’ordre seront toujours présentes à leurs côtés.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, qu’il est possible depuis 2001 d’organiser les confrontations par vidéoconférence. C’est nécessaire, car il est parfois impossible pour la victime de se retrouver dans la même pièce que leur agresseur. Dans le cas d’un dépôt de plainte, les victimes n’ont jamais à avoir peur de nos forces de l’ordre.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Vous n’avez pas précisé, monsieur le rapporteur, les raisons pour lesquelles la Défenseure des droits n’est pas favorable au dépôt de plainte par vidéoconférence.

La Défenseure des droits a remis récemment un rapport sur la dématérialisation des services publics, trois ans après un premier rapport de son prédécesseur à ce sujet. Il s’agit donc d’un travail suivi et sérieux. Dans ce rapport, elle conclut que la dématérialisation à marche forcée « [porte] atteinte au principe d’égal accès au service public » et « met également en danger notre cohésion sociale ».

S’accompagnant d’une « réduction du nombre de postes d’agents en contact avec le public », la transformation numérique des services publics s’est traduite par « un report systématique sur l’usager de tâches et de coûts qui incombaient auparavant à l’administration ». L’usager est ainsi transformé en « coproducteur malgré lui » du service public et doit répondre « aux “canons” fixés par l’administration : comprendre les enjeux de la démarche, le langage administratif, ne pas commettre d’erreur au risque de se retrouver en situation de non-accès à ses droits ». En définitive, « on demande […] aux usagers de faire plus pour que l’administration fasse moins et économise des ressources ». J’ajoute que les responsabilités retombent aussi sur de nombreuses associations qui sont amenées à accompagner les usagers dans leurs démarches, alors que ce n’est pas leur objet et qu’elles n’y ont pas été formées.

Pour les personnes les plus vulnérables, qui ont moins de facilité avec les nouvelles technologies, le dépôt de plainte par télécommunication audiovisuelle sera une double peine, car leur statut de victime ne sera pas reconnu et ils ne bénéficieront pas de la protection correspondante. La réduction de la fracture numérique est un enjeu social mais aussi un enjeu pour l’accès aux droits, en l’espèce au droit à la sécurité. Or il y a là une faillite.

M. Jordan Guitton (RN). Nous sommes opposés à la suppression de l’article 6, dont l’objectif est de faciliter le dépôt de plainte, comme le rapporteur l’a rappelé. Il peut certes y avoir des problèmes de connexion au réseau, notamment dans les zones blanches, ou des problèmes de capacité informatique. Mais on oublie, à l’inverse, les problèmes de mobilité, notamment dans les territoires ruraux. Selon le témoignage de plusieurs policiers, de nombreuses personnes qui déposent des pré-plaintes en ligne ne donnent pas suite, car elles doivent pour ce faire se rendre physiquement dans un commissariat qui se trouve parfois à 100 ou 120 kilomètres.

De notre point de vue, plus on facilite le dépôt de plainte, mieux c’est, car on facilite aussi le travail de la police. En revanche, il ne faut pas substituer le dépôt de plainte par vidéoconférence au dépôt de plainte en présentiel. Les victimes doivent pouvoir faire l’un ou l’autre selon leur préférence. Ma collègue Béatrice Roullaud et moi proposerons des amendements pour enrichir le texte.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Monsieur le rapporteur, c’est la deuxième fois depuis le début de l’examen de ce texte que vous semblez regretter que nous fassions de la politique. Pour ma part, je suis fière de faire de la politique ; c’est aussi notre rôle, et cela ne nous empêche pas de connaître le droit et de faire la loi.

Il est exact que la pré-plainte en ligne est prévue par la loi et pratiquée. En l’espèce, les victimes vont se voir proposer de déposer plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle, et c’est la seule amélioration de l’accueil des victimes que vous présentez, puisque l’article 6 est le seul article du chapitre intitulé « Améliorer l’accueil des victimes ».

Je le répète, si les femmes victimes de violences préfèrent parfois déposer plainte en ligne, c’est parce que des femmes ont été mal accueillies dans les commissariats. L’option que vous proposez n’y changera rien : il est possible qu’elles soient mal accompagnées par vidéoconférence également.

Par ailleurs, lorsque les plaignants arriveront dans un commissariat, on leur proposera désormais de déposer plainte par télécommunication audiovisuelle. À cet égard, souvenez-vous des débats que nous avons eus sur la visioconférence lors de l’examen du projet de loi « asile et immigration » : des collègues qui étaient auparavant magistrats nous avaient dit combien la présence physique était importante dans le cadre de l’enquête et du jugement. Or le dépôt de plainte, qui fait partie du temps de l’enquête, est une étape très importante pour certains crimes et délits.

Mme Caroline Yadan (RE). Il n’y a aucun abandon en matière d’accueil des victimes. La dématérialisation du dépôt de plainte n’exclut pas l’accueil bienveillant au commissariat par un personnel formé. En tant qu’avocate, pour avoir eu à connaître des violences faites aux femmes, je peux vous assurer que de nombreuses femmes renoncent à déposer plainte parce que c’est trop difficile pour elles de se déplacer au commissariat, avant tout pour des raisons psychologiques. Pour ces femmes, la distance atténue la violence psychologique, et le dépôt de plainte par vidéoconférence est une solution, certes non exclusive. Elles auront le choix d’aller au commissariat ou de ne pas y aller, et ce choix leur appartiendra.

Nous n’entérinons pas que le commissariat n’est pas un sanctuaire. Au contraire, nous prenons acte que certaines victimes ont des difficultés à effectuer la démarche jusqu’au commissariat. Cela n’empêchera absolument pas ces victimes, dans la suite de la procédure, de se rendre au commissariat, notamment pour des confrontations au cours desquelles elles pourront exprimer en présentiel ce qu’elles ressentent et témoigner de ce dont elles ont été victimes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Ma collègue Elsa Faucillon a dit l’essentiel. Tel qu’il nous est présenté, ce projet de loi vise à mettre plus de lien, plus d’humain, plus d’agents et plus de moyens au service de la population. Or il y a là une incohérence : la mesure que vous proposez participe d’une distanciation du lien. Plusieurs collègues appartenant à différents groupes politiques l’ont souligné, et il faut que vous l’entendiez.

Nous défendrons des amendements qui visent à encadrer ou limiter le recours à la vidéoconférence. Notre insistance n’est pas dénuée de fondement, donc ne vous contentez pas de nous renvoyer à des arguments d’autorité.

Le présent chapitre du projet de loi porte spécifiquement sur l’amélioration de l’accueil des victimes. C’est pourquoi nous insistons lourdement sur les diverses capacités d’accueil. Il serait bon que, grâce à ces amendements ou aux suivants, nous fassions un peu de politique au service du public.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je n’ai pas l’impression d’avoir employé des arguments d’autorité ; telle n’était pas, en tout cas, mon intention. Selon moi, nous devons à la fois faire de la politique, en défendant des idées, des valeurs et des convictions, et faire du droit, lorsque nous écrivons la loi. Tout à l’heure, j’ai simplement voulu rappeler le droit applicable et l’évolution qui pourrait résulter de l’article 6. Je n’ai pas entendu donner de leçon particulière à qui que ce soit.

Je ne crois pas qu’il y ait de distanciation du lien, d’autant que la dématérialisation n’est pas la seule réponse.

D’une part, pour reprendre les termes qui figurent dans l’exposé sommaire de l’amendement CL294 d’Ugo Bernalicis, nous souhaitons qu’il y ait « une diversité de la prise en charge », au choix de la victime. Je le répète, la position des associations que nous avons auditionnées a été très claire : cette mesure est très attendue. Et personne ne dit que la vidéoconférence est la solution ; c’est un plus qui est proposé.

D’autre part, il faut mettre cette mesure en relation avec l’augmentation assez considérable des moyens du ministère de l’intérieur prévue par la Lopmi, notamment pour l’accueil physique et psychologique. Je précise, monsieur Bernalicis, que nous aurons pour la séance la ventilation de cette augmentation par mission et par programme.

Des efforts importants seront accomplis : l’effectif des correspondants aide aux victimes sera significativement renforcé, tant dans les gendarmeries que dans les commissariats ; il y aura un référent violences intrafamiliales dans chaque commissariat et dans chaque brigade de gendarmerie. Nous aurons d’ailleurs un débat sur les officiers de liaison et les référents lorsque nous examinerons d’autres dispositions du texte, madame Regol.

Par ailleurs, tous les élèves policiers et gendarmes sont désormais formés sur la question des violences faites aux femmes et pour l’accueil des victimes. Nous avons interrogé le directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale, en présence d’Ugo Bernalicis. Il a rappelé les trois axes de la formation : la formation opérationnelle, dont le tir n’est qu’un aspect ; la culture générale ; la sensibilisation à la dimension psychologique. Le ministre l’a rappelé ce matin, il y aura une montée en puissance du nombre de formateurs.

J’en viens à un point central de votre argumentation. La rédaction actuelle de l’article 6, « toute victime d’infraction […] peut se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue dans sa déposition », est effectivement ambiguë. Vous avez tout à fait raison, madame Faucillon, elle n’est pas satisfaisante, car elle renverse la charge de la relation, si je puis dire. C’est pourquoi je proposerai de la remplacer par une formulation plus claire : « toute victime d’infraction […] peut déposer plainte et voir recueillir sa déposition ». Le choix de la procédure ne dépendra que d’elle, et personne ne lui proposera, au seuil du commissariat, de recourir à la vidéoconférence. En outre, je proposerai de préciser : « La plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut être imposée à la victime. »

Avec ces formulations, nous apporterons des garanties. Nous avons été attentifs aux diverses opinions qui ont été exprimées, notamment lors des auditions. Par ailleurs, en précisant que le décret d’application sera un décret en Conseil d’État, nous nous assurerons que toutes les recommandations du Conseil d’État seront prises en considération dans le décret et que rien de ce qui pourrait lui déplaire n’y figurera.

Il me semble que nous atteindrons ainsi un équilibre satisfaisant, qui nous permettra d’accroître la diversité de la prise en charge, importante pour les victimes.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL397 de Mme Béatrice Roullaud.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Cet amendement, auquel je tiens énormément, résulte de mon expérience pratique. En tant qu’avocate, j’ai eu des clientes victimes de violences et j’ai fait beaucoup de permanences garde à vue ; j’ai vu combien il était difficile de porter plainte. Les personnes qui reçoivent les victimes savent très bien que le procureur peut classer l’affaire sans suite en cas de défaut de pièces et ont tendance, si l’on n’a pas de justificatif à présenter, à conseiller de déposer une main courante plutôt qu’une plainte. On en a eu un exemple récent avec les secrétaires médicales agressées par Mme Dahbia.

C’est pourquoi je propose de modifier l’article 15-3 du code de procédure pénale afin de préciser que les officiers et agents de police judiciaire ne peuvent pas proposer une main courante à la place d’un dépôt de plainte. Dans la pratique, les victimes sont éconduites – mes clients l’étaient tout le temps ; il ne faut plus que cela puisse se produire. M. Darmanin a dit qu’il insistait pour que les policiers recueillent les plaintes. Pourquoi ne pas enfoncer le clou et l’inscrire dans la loi ?

Il faut aussi simplifier le dépôt de plainte, et qu’on puisse le faire en ligne depuis son ordinateur personnel au moyen d’un site sécurisé, sur le modèle des impôts. Les femmes victimes de violences sont terrorisées, leur cerveau est laminé – il faut l’avoir vu pour le comprendre.

M. Florent Boudié, rapporteur. Par cet amendement, vous réécrivez totalement l’article 15-3 du code de procédure pénale.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Je l’améliore !

M. Florent Boudié, rapporteur. Que dit cet article ? « Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale. » Ils y sont tenus, y compris dans les circonstances que vous décrivez.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Ils ne le font pas !

M. Florent Boudié, rapporteur. Si c’est le cas, ce n’est pas bien, car ce n’est pas ce qui est prévu par la loi.

En outre, vous voudriez appliquer la procédure de la vidéoconférence à tous les types de plaintes, ce qui pose un problème.

Si, sur le fond, nous ne sommes pas en désaccord – il faut bien sûr que les officiers et agents de police judiciaire reçoivent les plaintes et ne proposent pas une main courante à la place –, votre réécriture de l’article est plutôt « baroque », au sens italien du terme. Je ne peux émettre un avis favorable sur votre amendement.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Eh bien, ne faisons rien, laissons les choses en l’état et continuons de déplorer de nouvelles victimes – comme cette femme qui, après avoir reçu une gifle, a fini par être tuée avec ses deux filles. Mon amendement est peut-être baroque, mais il sauverait des vies !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Chacun sait que, dans le monde réel, les dépôts de plainte ne se passent pas exactement comme c’est prévu par la loi. L’effectivité de celle-ci est d’ailleurs une question qui va nous tenir en haleine tout au long de la discussion du projet de loi.

Cela étant, je ne savais pas que le Rassemblement national détestait la police au point de la mettre en cause systématiquement. Savourons cet esprit critique !

Pour en revenir à la dématérialisation du dépôt, j’ai vu à de nombreuses reprises des policiers qui ne réussissaient pas à prendre une plainte parce qu’ils ne trouvaient pas la bonne incrimination dans le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale. S’il est fait n’importe comment, le passage au numérique peut avoir des conséquences délétères sur l’accès aux droits et sur l’effectivité du droit. Et quand nous avons demandé au directeur général de la police nationale (DGPN) comment la plainte en ligne et la visioconférence se concrétiseraient, sa réponse a été pour le moins évasive…

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL662 de M. Florent Boudié, CL295 de M. Ugo Bernalicis et CL638 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Florent Boudié, rapporteur. Au stade du dépôt de plainte et de l’audition de la victime, il n’est pas encore question de la bonne administration de la justice. En outre, cette mention laisserait accroire que l’argumentation développée par Ugo Bernalicis dans l’exposé sommaire de son amendement est la bonne, à savoir que c’est aux fins d’une bonne administration de la justice que l’on dématérialise et que l’on impose une distanciation aux victimes. Il me semble plus sage de supprimer cette expression.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). L’amendement CL295 est de repli, puisque nous pensons que l’article est en soi problématique. L’expression « Aux fins de bonne administration de la justice » fait peser un risque d’arbitraire dans l’application des dispositifs de plainte en ligne. Cette mention trop générique est, malheureusement, souvent utilisée pour réduire les moyens des services publics de la justice et de la police. Il est à craindre que cette nouvelle modalité devienne le seul moyen de déposer plainte, faute d’accès direct aux services de police judiciaire.

Ce n’est pas de la politique-fiction, c’est la réalité. Vous pouvez répéter qu’il existe toujours une autre possibilité, le constat dressé par la Défenseure des droits et par toutes les associations est que, dans les faits, il n’y a plus d’accès physique possible et ce qui n’était qu’une possibilité devient une obligation.

Je suis heureuse d’entendre le rapporteur annoncer que des moyens supplémentaires seront fléchés pour la réouverture de guichets d’accueil physique, mais il aurait été préférable, pour la « bonne administration » et la clarté de nos débats, de nous donner cette information en amont, et non quelques heures avant le début de l’examen du texte en séance. C’était une revendication des associations. Cela répond à une nécessité pour les dépôts de plainte, mais il faudrait que cela concerne l’ensemble des services du ministère de l’intérieur, à commencer par les préfectures, et même l’ensemble des services de l’État. J’espère que vous y viendrez avant la fin de la législature.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Il convient de s’assurer que la visioplainte ne sera pas utilisée sans le consentement de la victime. Dans son avis du 10 mars, le Conseil d’État n’a donné son feu vert à ce dispositif qu’en raison de son caractère optionnel. Aucune personne ne devrait se voir imposer par les services de police la visioconférence pour déposer plainte et livrer sa déposition. Si M. Darmanin n’a cessé de le répéter devant les sénateurs, force est de constater que cette garantie n’apparaît pas dans le corps de l’article 6. Les formulations utilisées laissent penser que ce sont les services de police qui décideront du recours ou non à la visioplainte. Je propose donc de clarifier la rédaction en supprimant l’expression « Aux fins de bonne administration de la justice », qui laisse planer un doute sur la finalité de l’article 6 : ce serait pour des raisons de bonne gestion, c’est-à-dire d’organisation interne des services de police, que ces derniers pourraient déroger au principe, affirmé par le code de procédure pénale à l’article 15-3, selon lequel la plainte par voie électronique ne peut être imposée à la victime.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL514 de Mme Sabrina Sebaihi.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à circonscrire la possibilité du dépôt de plainte par télécommunication audiovisuelle aux seules contraventions. Porter plainte pour un délit ou un crime est une situation extrêmement éprouvante pour les victimes. Si certaines gendarmeries sont difficilement accessibles, elles se situent souvent aussi dans des zones blanches – et je ne parle pas de la fracture numérique. Va-t-on demander aux victimes de déposer plainte par visioconférence depuis leur domicile, qui est souvent le lieu où elles subissent les violences ? Il vaudrait mieux favoriser le déplacement des policiers à domicile pour les accompagner si elles ne souhaitent ou ne peuvent pas se déplacer.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le décret en Conseil d’État précisera les choses et veillera à laisser à la victime la possibilité de déposer plainte par vidéoconférence ailleurs que chez elle ou qu’à un endroit où elle pourrait être sous l’emprise d’une personne qui ne lui voudrait pas du bien ou serait directement ou indirectement liée aux violences subies. Dans le cas contraire, il est certain que le Conseil d’État censurera le texte. La plainte pourrait être déposée dans les locaux d’une association ou d’un avocat, par exemple. La question de la fracture numérique ne se pose donc pas. La victime ne pourra pas se voir imposer la vidéoconférence et choisira – car c’est elle qui aura l’initiative – le meilleur accompagnement pour elle. Je vous proposerai de clarifier la rédaction de l’article à cette fin.

Par ailleurs, on peut estimer – pour ne prendre que cet exemple – qu’en cas de diffamation punissable d’une contravention, il soit plus protecteur pour la victime de déposer plainte en présentiel, la personne ayant été bousculée psychologiquement. À l’inverse, des délits comme le vol peuvent fort bien se prêter à une vidéoconférence. Évitons donc de circonscrire le recours à la vidéoconférence aux seules contraventions.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Quand on parle d’une mesure à venir, j’essaie toujours d’examiner comment, concrètement, cela va fonctionner. Y aura-t-il dans chaque commissariat des policiers derrière leur ordinateur pour recevoir les plaintes en visio, sur le modèle du 17, pour lequel chaque appel est automatiquement orienté vers un centre opérationnel à proximité, ou créera-t-on un service dédié à Paris, avec soixante-dix policiers présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre derrière leur écran dans un open space ? Le DGPN m’a répondu qu’on y réfléchissait – n’aurait-on pas pu le faire avant de proposer le dispositif ? Il a parlé d’un espace virtuel commun. On peut donc comprendre qu’il y aura des policiers un peu partout en France, chacun derrière leur ordinateur. Si vous déposez une plainte à Lille, c’est peut-être un policier de Toulouse qui la traitera sur la plateforme. Du coup, comment le commissariat de Lille aura-t-il connaissance des infractions qui sont de son ressort ? On m’a répondu que le service transmettra l’information ; mais cela va complexifier les choses et accroître le risque de perte du dossier. Bref, j’ai l’impression que tout cela n’est pas parfaitement abouti.

M. Jean Terlier (RE). Il faudrait donc, madame Sebaihi, que la victime appréhende la nature de l’infraction pénale et détermine elle-même qu’il s’agit bien d’une contravention avant de déposer plainte en ligne ? Cela semble bien compliqué. De surcroît, il est difficile, au stade du dépôt de plainte, de caractériser la nature de l’infraction. Cet amendement ne résiste pas à l’examen, et ne saurait satisfaire les victimes. Les associations nous ont toutes dit qu’elles souhaitaient qu’on ait la possibilité de déposer plainte en ligne.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL663 du rapporteur.

Amendement CL756 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Il convient de s’assurer que la visioplainte ne sera pas utilisée sans le consentement de la victime. L’alinéa 3 prévoit en effet que « toute victime d’infraction pénale peut […] se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue dans sa déposition par les services ou unités de police judiciaire par un moyen de télécommunication audiovisuelle ». Devant les sénateurs, le ministre a insisté sur le caractère optionnel de ce dispositif, marqué, selon lui, par l’utilisation du verbe « pouvoir ». C’est oublier que cette faculté est placée entre les mains des services de police. C’est pourquoi je propose d’insérer les mots « à sa demande » après le verbe pouvoir, de manière à affirmer clairement que la décision de recourir à la visioplainte ne peut résulter que d’une demande expresse de la victime.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai indiqué tout à l’heure à Elsa Faucillon que je partageais sa crainte concernant la formulation retenue. Je vous proposerai tout à l’heure une modification pour rendre le dispositif clair et sans ambiguïté juridique. Nous y avons travaillé au cours des quatre dernières semaines et je pense qu’elle saura vous satisfaire.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Comme dit le dicton, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. On nous promet beaucoup, mais, pour l’heure, nous n’avons obtenu aucune avancée. L’objectif serait-il de rejeter tous nos amendements, quand bien même ils iraient dans le même sens que les vôtres ? Ce serait dommage, parce que le sujet est important.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL640 de M. Jérémie Iordanoff, CL163 de M. Roger Vicot et CL227 de Mme Caroline Abadie (discussion commune).

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à circonscrire les hypothèses dans lesquelles la visioplainte peut être employée par les services de police. D’une part, je suggère de supprimer le renvoi au décret pour la détermination du champ d’application du dispositif : c’est au Parlement d’en décider. D’autre part, je propose d’exclure l’usage de la visioplainte dans les cas les plus graves, tels qu’énumérés aux livres II, IV, IV bis et V du code pénal. Le dépôt de plainte à distance n’est en effet propice ni à l’échange, ni à la prise en compte de l’état psychologique de la victime.

M. Roger Vicot (SOC). On le voit, cet article, loin de traiter de sujets techniques ou pratiques, soulève des questions profondément humaines – c’est la pâte humaine que nous travaillons. Tous les amendements que nous examinons depuis tout à l’heure visent à faire en sorte que les victimes soient le mieux accompagnées possible. Nous sommes d’accord sur le fait qu’en fonction de la situation, une personne puisse souhaiter être reçue au commissariat ou entendue en visioconférence. Une solution consisterait à offrir à la victime la possibilité de déposer plainte en ligne uniquement en cas d’atteinte aux biens – c’est ce qui était envisagé dans l’étude d’impact, et c’est le sens de l’amendement CL163. Autre possibilité : en cas d’atteinte à l’intégrité physique, la plainte en ligne ne pourrait résulter que d’une demande expresse de la victime. Cela permettrait d’englober les différents cas de figure évoqués ici.

Mme Caroline Abadie (RE). Le dépôt de plainte peut être difficile pour les victimes. Même si l’on a beaucoup progressé en matière d’accueil et d’accompagnement au sein des commissariats, notamment grâce au recrutement de travailleurs sociaux, certaines victimes sont éprouvées par les faits qu’elles ont subis – je pense en particulier aux victimes de violences intrafamiliales ou de violences sexistes ou sexuelles, mais aussi aux victimes de racisme, d’antisémitisme ou de xénophobie. La Commission nationale consultative des droits de l’homme relève que seulement 2 % des victimes de tels actes déposent plainte et préconise que la plainte en ligne leur soit ouverte. Les associations aussi le demandent, et c’était l’une des principales propositions du rapport d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter que Robin Réda et moi avons rédigé sous la législature précédente. Or l’étude d’impact indique que le dépôt de plainte en ligne pourrait être limité aux seules atteintes aux biens. Je souhaiterais que l’on n’exclue pas a priori les atteintes aux personnes, si les victimes le souhaitent. Cela permettrait de lutter contre la sous-déclaration.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce qui compte, c’est d’ouvrir un maximum de possibilités aux victimes. Ce que vient de dire notre collègue Abadie est très juste : l’incitation à la haine, les discriminations, qui peuvent déjà faire l’objet d’une pré-plainte en ligne, pourraient demain, si le décret en Conseil d’État en décidait ainsi, être concernées par la vidéoconférence.

Les amendements auxquels je fais référence, madame Regol, sont le CL666 rectifié et le CL667. Il y est prévu, premièrement, que « la plainte par un moyen de télécommunications audiovisuel ne peut être imposée à la victime », deuxièmement, que si la nature ou la gravité des faits le justifie – c’est laissé à l’appréciation des enquêteurs et de la victime –, le dépôt d’une plainte par la victime peut être suivi d’une audition en présentiel, troisièmement, de substituer aux mots « se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue dans », les mots « déposer plainte et voir recueillir ». Je pense que cela répondrait à plusieurs de vos interrogations.

Il me semble que notre rôle, en tant que législateur, est de fixer un cadre aussi général que possible et de ne pas trop restreindre le champ d’application du dispositif. Mes propositions, que je vous soumets en tant que rapporteur, tiennent compte des auditions et des remarques émises par plusieurs collègues, y compris de l’opposition ; elles ne sont pas l’expression de mes seules préoccupations. Au cœur du dispositif, il doit y avoir la victime. Le fait que les modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État est protecteur, de même que l’ajout, comme Cécile Untermaier le proposera dans quelques instants, de garanties de transparence et de confidentialité de la transmission – j’émettrai un avis favorable sur cet amendement. Il me semble que l’on pose ainsi des conditions rassurantes pour l’utilisation de cet outil nouveau à la disposition des victimes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). J’entends votre bonne volonté, monsieur le rapporteur. Le problème, c’est que vos amendements, contrairement à ceux qui vous sont proposés, manquent de précision et ne cadrent pas assez les choses. La rédaction que vous proposez ne peut être qu’un début. Il est évident qu’en cas de surcharge de travail, les agents vont renvoyer les victimes vers la vidéo, non par malveillance, mais parce que cela les soulagera. C’est sur ce risque que nous appelons votre attention.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). C’est déjà le cas aujourd’hui, d’ailleurs : quand en arrivant pour déposer plainte, vous voyez qu’il y a trois heures d’attente au commissariat, vous préférez vous rabattre sur la pré-plainte en ligne ; ou alors, on vous répond qu’on n’a pas le temps de prendre la plainte et que vous n’avez qu’à remplir la pré-plainte en ligne ; ou encore, les horaires d’accueil ont été réduits, la porte du commissariat n’est pas ouverte, il faut sonner pour réveiller la personne d’astreinte, laquelle vous conseille de revenir le lendemain matin. Des situations comme celles-là, nous en connaissons tous, ce n’est pas de la fiction, c’est la réalité.

Je peux néanmoins comprendre pourquoi le ministère de l’intérieur a retenu la tournure passive. Dans le cas contraire, on instaurerait pour la victime une forme de droit à la visioconférence, donc une obligation pour le ministère de l’intérieur à rendre ce droit effectif ; une personne à qui l’on aurait refusé la plainte en ligne pourrait saisir le Défenseur des droits. Ce serait une nouvelle source de problèmes : à mon avis, il aurait mieux valu sanctuariser l’accueil physique – mais c’est une autre question.

Quoi qu’il en soit, comme je le disais tout à l’heure, personne ici ne sait comment cela va se concrétiser. À ce stade de la discussion, je trouve cela dommage.

Successivement, la commission rejette les amendements CL640 et CL163 et adopte l’amendement CL227.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je me permets d’indiquer qu’en l’état de l’article 6, l’amendement CL227, qui précise que la vidéoconférence peut concerner les cas d’atteinte aux biens ou d’atteinte aux personnes, va certes dans le sens que je vous ai indiqué mais me semble superfétatoire.

Amendement CL664 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le Sénat a été relativement laconique sur le décret. Je propose de maintenir l’avis de la Cnil, quand bien même il pourrait être juridiquement correct de le supprimer, et de préciser que le décret en Conseil d’État devra préciser non seulement les infractions auxquelles la procédure prévue est applicable, mais aussi les modalités d’accompagnement de la victime qui y a recours.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL139 de Mme Julie Lechanteux tombe.

Amendement CL296 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous aurions souhaité supprimer l’article 6, mais nous ne vous avons pas convaincu. Il s’agit donc d’un amendement de repli. Nous proposons de limiter le recours à la visioconférence à la pré-plainte. Nous ne raffolons pas de ce procédé, mais il pourrait permettre d’accélérer la procédure. La plainte serait ensuite déposée devant un être humain, et non devant un écran. Il faudrait néanmoins s’assurer que les effectifs affectés à ces tâches seront en nombre suffisant, au lieu de privilégier les missions de répression ou de surveillance dans les centres de rétention administrative, comme le prévoit le projet de loi.

M. Florent Boudié, rapporteur. Dans mon esprit, pré-plainte et visioplainte sont complémentaires. Ce sera à la victime, au regard de l’infraction qu’elle aura subie, de choisir la pré-plainte, la vidéoconférence ou le déplacement au service de police ou à l’unité de gendarmerie, dans un cadre qui sera défini par décret en Conseil d’État.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL666 rectifié de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit de l’amendement que j’ai présenté il y a quelques instants. Je crois qu’il apporte des garanties supplémentaires eu égard aux interrogations exprimées.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL206 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Marietta Karamanli (SOC). L’article 706-71 du code de procédure pénale prévoit la possibilité d’une audition, d’un interrogatoire ou de la confrontation entre plusieurs personnes par visioconférence, en garantissant la confidentialité de la transmission. Le présent amendement vise à étendre cette garantie au dépôt de plainte par visioconférence dans les cas d’atteinte aux biens.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il me paraît tout à fait normal de garantir la confidentialité de la transmission. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL755 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Il vise à consigner dans un formulaire l’accord de la victime pour tout recours à la visioplainte et à lui adresser une copie du procès-verbal de réception de la demande. Sans cette formalité, il y a un risque que le consentement de la victime ne soit pas effectif.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous devons préciser que l’accord de la victime doit figurer dans un procès-verbal et dans un récépissé ; c’est ce que je proposerai à l’amendement CL667. En revanche, la mention d’un formulaire n’est pas de niveau législatif.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL178 et CL164 de M. Roger Vicot, CL667 de M. Florent Boudié, CL610 de Mme Laurence Vichnievsky et CL757 de M. Roger Vicot (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). L’objectif est de s’assurer, en cas d’atteinte à l’intégrité physique, que la victime ne subit pas de pression à son domicile lorsqu’elle dépose plainte en ligne. L’amendement CL178 propose donc que le dépôt de plainte soit suivi d’une visite au domicile de la victime par les policiers ou les gendarmes dans les meilleurs délais, tandis que l’amendement CL164 précise que ce même dépôt de plainte ne fait pas obstacle à une telle visite.

Mme Josy Poueyto (Dem). L’article 6 du projet de loi prévoit que toute victime d’une infraction pénale peut se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue par un moyen de télécommunication audiovisuelle. Toutefois, aucune disposition ne prévoit que la victime peut le refuser et préférer un dépôt de plainte en présentiel. L’amendement CL610 propose donc pour la sécurité juridique des victimes comme pour le respect dû à leur état, d’expliciter cette possibilité.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’amendement CL757 vise à préciser qu’en cas d’atteinte à l’intégrité physique, l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut résulter que d’une demande expresse de la victime.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’amendement que je propose est le fruit de la discussion que nous venons d’avoir. Au passage, il n’y a pas de raison de réserver le libre choix pour les seules atteintes à la personne : cela vaut aussi pour les atteintes aux biens. Avis défavorable.

Quant à l’amendement défendu par Mme Poueyto, j’en demande le retrait car il est satisfait.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Encore une fois, monsieur le rapporteur, vous ne nous proposez d’adopter que vos propres amendements, et non pas ceux émanant des groupes d’opposition alors qu’ils sont plus précis. Le signal politique envoyé n’est pas le meilleur.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les préconisations que je fais s’inspirent des arguments avancés par plusieurs de nos collègues, de l’opposition comme de la majorité, ou entendus dans le cadre des auditions – oui, mon opinion a évolué. Je ne cherche pas à tout prix à faire adopter mes amendements mais simplement à faire un travail de coordination.

M. Jean Terlier (RE). Je ne comprends pas votre insistance, chère collègue. Le rapporteur a entendu votre proposition de tenir compte d’un éventuel refus de déposer plainte par voie de télécommunication. Vos amendements étant satisfaits, cela ne sert à rien d’insister.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Alors que tout est fait pour inciter les victimes à déposer plainte en ligne et que l’on a poussé le souci du détail jusqu’à distinguer entre les atteintes aux biens et les atteintes à l’intégrité physique, personne ne s’est demandé à quoi donnait droit cette quasi-obligation de recourir à la télécommunication. Les victimes pourront-elles s’en prévaloir si l’administration policière ne fait rien ? Nous aurions besoin d’éclaircissements sur ce sujet.

Successivement, la commission rejette les amendements CL178 et CL164, adopte l’amendement CL667 et rejette les amendements CL610 et CL757.

En conséquence, les amendements CL282 de Mme Marie-France Lorho et CL456 de M. Paul Molac tombent.

Amendement CL207 de Mme Cécile Untermaier.

M. Roger Vicot (SOC). Il vise à soumettre à une consultation ouverte le projet de décret élaboré par l’administration en publiant celui-ci sur le site internet du ministère de l’intérieur. Un tel dispositif existe déjà, la loi « climat et résilience » de 2021 ayant soumis à consultation publique trois projets de décret d’application relatifs à la lutte contre l’artificialisation des sols. Il s’agit de permettre au législateur et aux citoyens de suivre les orientations réglementaires décidées par l’administration.

M. Florent Boudié, rapporteur. Au regard de la nécessité d’expérimenter très vite ce dispositif, je suis soucieux d’éviter toute forme de rigidité. Toutefois, dans le but d’apporter des garanties, j’ai souhaité que le Conseil d’État lui-même soit à la rédaction et j’ai consulté des associations qui, lors des auditions, nous ont fait part de leur souhait que cette disposition entre rapidement en vigueur. Le rapport d’application, pour lequel un député de l’opposition et un de la majorité travailleront, évaluera ensuite le dispositif. Ce cadre me semble suffisant.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cette question est loin d’être anodine. Afin d’assurer la transparence du travail gouvernemental, il me paraît nécessaire de poster sur le site internet du ministère de l’intérieur les projets de décrets en Conseil d’État pris pour l’application de la loi. Cela ne retarderait en rien le travail du Gouvernement et permettrait d’éviter des procédures lourdes d’annulation ou de rectification de décrets contra legem. Je comprends que cela vous dérange de prévoir une telle disposition dans le projet de loi, mais cela me semble nécessaire au moins pour l’article 1er, dont l’annexe mentionne des choses assez étonnantes. En permettant à chacun de consulter les projets de décrets pendant huit ou quinze jours, on éviterait que les lobbies soient les seuls à pouvoir se rendre dans les bureaux des ministères pour défendre leur bout de gras.

M. le président Sacha Houlié. Des rapporteurs d’application ont été désignés pour faire ce travail. De plus, la commission des lois reçoit une communication régulière de la part des ministères sur ce sujet et je veille à ce que les décrets soient publiés et conformes à ce que nous avons voté.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 6 modifié.

La réunion, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.

Après l’article 6

Amendements identiques CL297 de M. Ugo Bernalicis et CL353 de Mme Elsa Faucillon.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de consacrer la place de l’avocat dans la procédure dès le stade du dépôt de la plainte et de l’audition libre. Nous tenions à le préciser car si elle n’est pas empêchée, la présence de l’avocat n’est pas pour autant prévue : cela dépend un peu du bon vouloir du service enquêteur. Or cela peut faciliter l’accompagnement de la victime et le dépôt de la plainte.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cette disposition figure depuis 2021 au 8 ° de l’article 10-2 du code de procédure pénale, qui dispose que les victimes ont le droit « d’être accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par leur représentant légal et par la personne majeure de leur choix, y compris par un avocat […] ».

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous avons souhaité déposer un amendement parce qu’en dépit de cette disposition, il existe encore trop souvent des cas de figure dans lesquels l’avocat s’entend dire qu’il n’a rien à faire à telle ou telle étape de la procédure. Vous avez donc raison en droit, et je retire mon amendement, mais je continue d’alerter la majorité sur le fait que le message n’est pas arrivé jusqu’en bas.

Les amendements sont retirés.

Amendements CL512 et CL509 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL512 vise à instaurer un droit pour la victime d’être informée qu’elle peut être entendue par un officier de liaison spécialement formé à la prise en charge et à l’accompagnement des personnes victimes de discrimination ou de violences liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.

L’amendement CL509 vise à améliorer l’accueil des victimes de violences sexistes, sexuelles et conjugales en organisant une prise en charge dans une unité dédiée, et un dépôt de plainte par un personnel formé à ces questions. Le défi à relever est immense car, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 80 % des femmes victimes de violences conjugales renoncent à porter plainte.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je donne un avis favorable à l’amendement CL512 à condition que l’on réécrive certains de ses passages pour la séance. En effet, tous les référents qui ont été formés à ces questions ne sont pas nécessairement des officiers de liaison. Je préfère que la totalité des personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale bénéficient d’une telle formation. De plus, cela supposerait que la victime soit systématiquement reçue par une personne spécifiquement formée à l’infraction qu’elle a subie. Je partage votre objectif, qui correspond à une volonté très forte du Gouvernement de renforcer la qualité d’accueil des victimes et la capacité d’écoute des personnels de la police et de la gendarmerie. En revanche, avis défavorable à l’amendement CL509.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL509 est en partie une fausse bonne idée. Si le personnel doit en effet être formé à ces questions, l’obligation d’accueillir les victimes « dans une unité dédiée » risque de poser problème dans les gendarmeries rurales qui n’en disposent pas et peut même s’avérer contreproductive.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). C’est très juste mais la gendarmerie a déjà formé beaucoup d’agents de liaison. Il convient donc de poursuivre ce travail et même d’en faire plus, parce qu’il n’y a pas moins de victimes en milieu rural qu’ailleurs. L’enjeu est donc important.

Pour vous répondre, monsieur le rapporteur, je m’engage à améliorer avec vous la rédaction de l’amendement CL512 afin de permettre son adoption.

Successivement, la commission adopte l’amendement CL512 et rejette l’amendement CL509.

Amendement CL660 de Mme Clara Chassaniol.

Mme Clara Chassaniol (RE). Il vise à généraliser l’expérimentation du dépôt de plainte hors les murs pour tout type d’infraction pénale. Toutefois, une telle disposition impliquant une mobilisation plus importante des forces de l’ordre sur le terrain, il est précisé que celles-ci devront apprécier la difficulté de la victime à se déplacer dans un commissariat ou dans une unité de gendarmerie afin de ne pas instaurer un système de plainte à domicile sur simple demande.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement est satisfait car le Gouvernement a prévu la généralisation de l’expérimentation de prise de plainte hors les murs, précisant même dans le rapport annexé qu’elle serait proposée aux femmes victimes de violences. Il faudra toutefois veiller à ne pas tomber dans une logique de consommation : l’expérimentation ne doit pas se transformer en une sorte de Deliveroo de la plainte hors les murs, qui ne manquerait pas de provoquer un véritable engorgement des services d’enquête.

L’amendement est retiré.

Article 7 (art. 222-33-1-1 [nouveau], 222-44, 222-45, 222-48-2, 222-48-5 [nouveau], 621-1 [abrogé] du code pénal, art. 21 du code de procédure pénale et art. L. 2241-1 du code des transports) : Renforcement de la répression de l’outrage sexiste

Amendement de suppression CL298 de Mme Raquel Garrido.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). L’outrage sexiste aggravé est un problème sérieux, qui nécessiterait des chiffres précis. Alors que la direction des affaires criminelles et des grâces évoque 70 cas, Gérald Darmanin affirme qu’il y en a eu 1 500 : nous avons besoin d’éclaircissements, par exemple en dressant le bilan de la loi Schiappa qui a créé l’outrage sexiste. La priorité nous semble être, au-delà de la formation des policiers et des gendarmes, de travailler à un accueil structuré permettant de recueillir les plaintes des femmes victimes de violences. Nous ne cessons de modifier le code pénal et le code de procédure pénale sur ce sujet alors qu’au fond, ce n’est pas le travail du ministre de l’intérieur. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de l’article 7.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne comprends pas du tout votre point de vue. Vous considérez que l’outrage sexiste aggravé, contravention de cinquième classe, ne mérite pas d’être classé au niveau délictuel. Pour notre part, nous pensons l’inverse. Je vous rappelle les conditions de l’aggravation : il s’agit d’un outrage sexiste commis par une personne qui abuse de son autorité sur un mineur de 15 ans, ou dans un transport collectif de voyageurs, ou à raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée de la victime. Il ne nous semble donc pas du tout inapproprié de requalifier cette infraction en délit. Je suis très largement défavorable non seulement à la vision que vous avez exprimée à l’instant – il ne s’agit pas pour nous d’aggraver pour aggraver – mais également au fond même de votre argumentation.

M. Erwan Balanant (Dem). Il serait dommage de supprimer cet article car il apporte des améliorations au dispositif de l’outrage sexiste. Ce dernier fonctionne très bien car il a permis, en créant un interdit, d’abaisser le seuil de tolérance de la société dans ce domaine. Il nécessite simplement quelques ajustements, qui sont apportés par le présent projet de loi.

Mme Julie Lechanteux (RN). Nous sommes contre la suppression de l’article 7. Comment pouvez-vous défendre l’idée qu’il serait inutile d’augmenter les peines ? Les peines sont évidemment dissuasives, à condition qu’elles soient appliquées. Vous parlez de surenchère pénale, d’excès de répression, mais quelle est votre vision de la société ? Pour vous, un simple clip vidéo pourrait faire prendre conscience à un harceleur qu’il fait quelque chose de grave ? Désolée de vous apprendre que la meilleure façon de mettre fin aux outrages et au harcèlement de rue, c’est d’appliquer des peines dissuasives, afin de faire réfléchir les auteurs à deux fois avant de passer à l’acte. Pour des défenseurs de l’égalité entre les hommes et les femmes, je vous trouve très peu enclins à défendre les femmes.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Au contraire, c’est bien parce que nous voulons défendre l’intérêt des femmes que nous ne marchons pas dans cette logique de communication et d’affichage. Il y a un vrai travail à faire en matière d’éducation au respect et à la considération de l’autre mais ce n’est pas en alourdissant les peines et les amendes que l’on traitera ce sujet. Certes, cela ne coûte rien mais je maintiens que cela n’est tout simplement pas efficace.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL624 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). Il s’agit de renommer cette infraction « outrage sexiste et sexuel ». Nous ne l’avions pas fait lors du vote de la loi pour ne pas créer de confusion mais le dispositif fonctionne bien et il est possible de démontrer des agissements d’ordre sexuel : je propose donc de le préciser dans la dénomination de l’outrage, même si je suis preneur d’une meilleure terminologie.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’outrage sexiste est certes une bonne idée sur le papier mais il n’a rien changé dans le quotidien des femmes et aucune étude ne démontre son efficacité. En revanche, l’éducation dès l’enfance au respect de l’autre permet d’améliorer la situation, comme cela s’est produit chez certains de nos voisins européens.

Les agressions sexuelles et sexistes sont principalement le fait de proches, au travail ou à domicile ; elles ont moins souvent lieu à l’extérieur. Une bonne idée qui n’est pas placée sous le sceau de l’effectivité ne sert qu’à faire de l’affichage. Nous perpétuons alors le fait que nous acceptons que le corps des femmes reste un objet dont elles ne sont pas maîtresses. L’amendement de M. Balanant n’apporte rien ; c’est pourquoi nous voterons contre.

M. Erwan Balanant (Dem). Avec Mme Karamanli et trois autres parlementaires, nous avons travaillé pendant six mois pour parvenir à trouver la bonne définition de l’outrage sexiste. Nous sommes partis du harcèlement de rue et nous avons intégré les petits outrages au travail, à domicile et dans les transports, dans le but d’abaisser le seuil de tolérance de la société sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle nous avons inscrit un interdit sociétal dans le code pénal, que nous souhaitons aujourd’hui compléter pour qu’il coïncide avec la réalité. Nous sommes d’accord sur le fond ; je ne comprends toujours pas pourquoi cette définition a provoqué et provoque encore une telle opposition de votre part, alors que les associations que nous avons auditionnées nous ont fait part de leur satisfaction de voir ces faits inscrits dans le code pénal.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL144 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à aggraver les peines pour les auteurs d’outrages sexistes. Alors que le projet de loi ne prévoit qu’une amende de 3 750 euros pour avoir harcelé et insulté une femme, nous proposons de transformer l’outrage sexiste en un véritable délit, puni de 15 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement. Si nous voulons réellement rendre leur sécurité aux Françaises, il faut nous montrer fermes face à ces délinquants qui rendent la vie impossible aux femmes lorsqu’elles sortent dans la rue. L’éducation et la sensibilisation n’empêchent pas la répression et la fermeté.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous mélangez l’insulte et le harcèlement, qui sont des catégories d’infractions différentes et auxquelles correspondent des échelles de peines différentes. Il y a là un vrai problème de proportionnalité et d’échelle des peines. Or notre réponse pénale doit être cohérente.

Passer de la contravention au délit est un signal très fort et je suis très sensible à l’argument de M. Balanant nous invitant à montrer où se trouve l’interdit sociétal. Nous ne pouvons qu’y être favorables. Bien que ce ne soit pas l’alpha et l’oméga de la réponse que les pouvoirs publics doivent apporter à ce problème, nous devons absolument montrer notre volonté de sanctionner ce délit.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je précise à l’intention nos collègues du groupe Rassemblement national que vivent aussi dans notre pays des femmes qui ne sont pas françaises et qui peuvent être, elles aussi, victimes d’outrages. Nous faisons la loi pour la France, et non pas seulement pour les Français.

L’article 7, qui créé ce délit d’outrage sexiste, le définit à l’exclusion d’autres délits, comme le harcèlement. Le problème de droit, que j’ai déjà soulevé lors des auditions que nous avons menées avec le rapporteur, est que l’on risque de modifier l’incrimination et de « décorrectionnaliser » des faits qui devraient être poursuivis au titre du harcèlement mais qui, devant la difficulté de leur caractérisation, se verront pénalisés au titre de l’outrage sexiste dès lors que cette incrimination existe.

La proposition de nos collègues du Rassemblement national d’alourdir l’échelle des peines et des sanctions est symptomatique de cette confusion, comme l’était la position, sur l’amendement précédent, de M. Balanant, qui reconnaît des hésitations par crainte que le terme « sexuel » n’induise des confusions. En effet, suivre quelqu’un dans la rue n’est pas un outrage : cela relève du harcèlement sexuel, et s’il y a contact, il s’agit d’une agression sexuelle. Le risque existe donc de déqualifier les faits – je pourrais citer à cet égard un cas dont j’ai été saisi en Mayenne, où une plainte déposée pour harcèlement sexuel a été requalifiée en outrage sexiste.

En deuxième lieu, monsieur le rapporteur, avons-nous obtenu les réponses que nous attendions de la direction des affaires criminelles et des grâces – DACG – du ministère de la justice, à qui nous avons demandé le nombre de condamnations pour outrage sexiste prononcées ces dernières années ? En effet, les chiffres fournis par la DACG et le ministère de l’intérieur différaient largement – respectivement 70 et 2 500 cas par an.

M. Erwan Balanant (Dem). Madame Lechanteux, l’ordonnancement pénal est la première chose à prendre en compte lorsque l’on entreprend de modifier le code pénal. La peine de deux ans de prison que vous proposez serait disproportionnée par rapport aux sanctions applicables pour d’autres faits bien plus graves.

Monsieur Bernalicis, je ne suis pas du tout d’accord avec vous non plus. Nous avons veillé à éviter la confusion : la rédaction du texte fait précisément apparaître un continuum de violences faites aux femmes, qui commence par l’outrage sexiste et se poursuit avec les qualifications qui existaient précédemment, jusqu’au viol ou au féminicide.

L’enjeu est de définir des interdits cohérents avec la réalité des faits. On peut suivre quelqu’un dans la rue, mais dès lors qu’on exerce une pression sur cette personne, il s’agit d’un outrage. Si cela se répète cinquante fois dans la semaine, c’est du harcèlement. Il nous faut être très vigilants en la matière et disposer de textes adaptés à chacune des difficultés que peuvent rencontrer les femmes dans l’espace public ou privé, ou dans les transports. Chaque femme de notre pays doit se sentir en sécurité dans n’importe quelle situation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL623 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). Cet amendement vise à ajouter une référence à l’article 222-33-2-3, relatif au délit de harcèlement scolaire, à la liste des exceptions prévues par l’article 7, afin que le harcèlement scolaire ne soit pas redéfini comme outrage sexiste ou sexuel.

M. Florent Boudié, rapporteur. La distinction que vous voulez garantir entre deux catégories d’infractions est déjà faite. La définition du harcèlement scolaire renvoie du reste à celle du harcèlement moral et la caractérisation de l’infraction est différente de celle de l’outrage sexiste. En outre, si une confusion était possible dans des cas très concrets, c’est finalement toujours la loi la plus sévère qui s’appliquerait. Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. Erwan Balanant (Dem). En énumérant les exceptions, le législateur de 2019 voulait « blinder » le dispositif. Il serait donc logique d’ajouter à cette liste le nouveau délit de harcèlement, qui n’existait pas à l’époque, afin de sécuriser le dispositif juridique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Est-il déjà arrivé que des faits de harcèlement scolaire soient requalifiés en outrage sexiste, infraction qui fait l’objet d’une contravention de quatrième classe, ou de cinquième classe si elle est aggravée ? Je ne pense pas que la question se pose concrètement dans la réalité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL253 de M. Roger Vicot et CL145 de Mme Julie Lechanteux (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Les mineurs de plus de 15 ans peuvent être victimes d’outrages sexistes et devraient donc en être eux aussi protégés par la loi. L’amendement tend donc à supprimer les mots « de 15 ans », afin que la disposition s’applique à tous les mineurs.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à protéger tous les mineurs des outrages sexistes, et non pas seulement les mineurs de moins de 15 ans. En effet, ces outrages ont un impact sur la vie de tous les mineurs – pensons aux insultes aux abords des lycées, aux arrêts de bus et en bien d’autres endroits.

M. Florent Boudié, rapporteur. Selon les auteurs de ces amendements, seuls les mineurs de moins de 15 ans seraient protégés par cette catégorie d’infractions, mais ce n’est pas du tout le cas. L’outrage sexiste simple s’applique pour tout le monde et est aggravé lorsque la victime est un mineur de 15 ans – il s’agira alors d’un délit, tandis que la cinquième classe contraventionnelle concernera toutes les victimes, mineures ou non. L’âge constitue déjà une référence en matière de protection pénale des mineurs, et 15 ans est notamment celui de la majorité sexuelle. Si donc tous les mineurs sont protégés, le délit est considéré comme aggravé s’il est commis sur un mineur de 15 ans, compte tenu de la vulnérabilité particulière de chaque âge. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). La fragilité est très grande aussi entre 15 et 18 ans, et les outrages sexistes ou sexuels sont destructeurs aussi pour les jeunes de cette tranche d’âge. Il faudrait donc adopter notre amendement au moins lors de l’examen du texte en séance publique, et cela n’en dénaturerait aucunement l’esprit. La question touche aussi à tout un comportement et toute une éducation.

M. Ian Boucard (LR). L’outrage sexiste devrait être qualifié d’aggravé dès lors qu’il porte sur un mineur, quel que soit son âge. Du reste, la prise en compte de la vulnérabilité des mineurs sous-tend de nombreuses lois de notre pays. Le groupe LR soutiendra donc l’amendement CL253 – l’amendement CL145 étant, quant à lui, quelque peu superfétatoire, puisqu’un majeur a nécessairement 18 ans.

M. Florent Boudié, rapporteur. Si nous ne conservons pas des conditions spécifiques pour les mineurs les plus vulnérables en raison de leur âge, nous risquons de devoir légiférer à nouveau dans quelques mois ou quelques années parce que nous nous demanderons s’il ne faut pas un dispositif d’infraction spécifique pour les mineurs les plus jeunes. C’est ce que nous avons proposé en 2018 après de longs débats. Je comprends la position de Mme Untermaier et un tel débat mériterait sans doute des heures d’échanges et d’approfondissements, mais il faut conserver une gradation du dispositif, articulée autour de l’âge classiquement retenu pour la protection pénale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL625 de M. Erwan Balanant et sous-amendement CL760 de M. Florent Boudié.

M. Erwan Balanant (Dem). Lors de la création de l’infraction d’outrage sexiste par la loi Schiappa de 2018, il nous semblait déjà intolérable qu’une femme ne soit pas mieux protégée dans les transports publics, mais le signalement de nombreuses situations relevant de cette incrimination dans des taxis ou voitures de transport avec chauffeur – VTC – invite à élargir désormais le spectre des circonstances aggravantes. Je suis par ailleurs tout à fait favorable au sous-amendement du rapporteur, qui précise la rédaction de l’amendement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable à l’amendement sous-amendé pour remplacer le terme de « taxi », qui n’appartient qu’au langage courant, par celui de « transport public particulier ».

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendements identiques CL668 de M. Florent Boudié, CL74 de M. Raphaël Gérard, CL515 de Mme Sabrina Sebaihi et CL627 de M. Erwan Balanant.

Mme Clara Chassaniol (RE). On assiste depuis plusieurs mois à une libération de la parole transphobe dans les médias et le débat public, avec la multiplication de tribunes et de prises de parole remettant en cause le droit des personnes trans à être reconnues socialement pour ce qu’elles sont. La visibilité des personnes transgenres dans l’espace public s’accompagne ainsi d’une forme de vulnérabilité face aux discours et aux comportements haineux. L’espace de la rue en est une triste illustration et les personnes trans, en particulier lorsque leurs expressions de genre ne sont pas conformes aux représentations traditionnelles du masculin et du féminin, sont exposées à des violences qui vont des micro-agressions verbales à des agressions physiques.

Nous devons donc continuer à œuvrer pour une meilleure reconnaissance de leurs droits, comme notre majorité l’a fait constamment au cours des cinq dernières années. Nous devons consolider les garanties de protection prévues par notre droit à la non-discrimination pour tous les citoyens. C’est la raison pour laquelle, mes collègues Raphaël Gérard et Ludovic Mendes et moi-même proposons de créer une nouvelle circonstance aggravante lorsque les faits de harcèlement de rue sont commis en raison de l’identité de genre de la victime.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Les agressions peuvent avoir diverses origines. En effet, tout le monde n’est pas binaire et la non-acceptation de cette situation a des conséquences sociales et psychologiques fortes. Face à la montée des agressions, il faut absolument inscrire dans la loi cette circonstance aggravante.

M. Erwan Balanant (Dem). Il est nécessaire et de bon sens d’inscrire parmi les circonstances aggravantes l’identité de genre.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL148 de Madame Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à pénaliser plus sévèrement la récidive d’outrage sexiste. Lorsqu’un individu répète sans cesse le même fait outrageant qui pourrit la vie de nos compatriotes, il doit être amené devant la justice et être condamné à la mesure de ses actes.

M. Florent Boudié, rapporteur. La suppression de l’alinéa 13, à laquelle tend l’amendement, supprimerait précisément de la liste des circonstances aggravantes la récidive en condamnation définitive. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL644 de Madame Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il tend à préciser que l’outrage sexiste doit être puni lorsqu’il a lieu sur la voie publique. La rue est en effet le premier lieu dans lequel sont commis ces outrages. Or l’espace public doit être un lieu de tranquillité et il n’est pas vivable pour les femmes de devoir baisser la tête parce qu’une personne – qui vient peut-être même de harceler sexuellement une autre femme – lui adresse des propos choquants et humiliants.

M. Florent Boudié, rapporteur. Que l’outrage sexiste soit commis ou non sur la voie publique, il est considéré comme simple dans certaines conditions, et entraîne alors une contravention de cinquième classe, ou comme aggravé dans tous les cas que nous avons énumérés comme constitutifs du délit créé par l’article 7, avec les peines correspondantes. La caractérisation de l’outrage est donc en quelque sorte transversale. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). La voie publique est en effet englobée dans le dispositif, au même titre par exemple que les supermarchés. Mais il faut à présent ouvrir la réflexion sur l’espace public numérique – à la suite sans doute d’une erreur de ma part, l’amendement que j’avais déposé sur ce thème a été déclaré irrecevable. Lorsque je rencontre des élèves dans les écoles, je leur explique que ce qui est interdit dans l’espace public dans la vraie vie, l’est aussi dans l’espace numérique. Un travail collectif s’impose pour définir cet espace public numérique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Monsieur Balanant, vous aurez satisfaction. J’émettrai en effet un avis favorable sur votre amendement que vous avez déposé, en fait, à l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL140 de Mme Julie Lechanteux et CL166 de M. Roger Vicot.

Mme Julie Lechanteux (RN). L’amendement CL140 vise à supprimer l’alinéa 14 de l’article 7, qui permet aux auteurs d’outrages sexistes de s’acquitter d’une amende forfaitaire. Quand on dédie à la sécurité des femmes un article entier, pourquoi proposer des amendes forfaitaires qui feront paraître dérisoires les sanctions ? Comme je l’ai déjà dit, il faut sanctionner réellement les outrages et protéger davantage nos concitoyens, or l’alinéa 14 est un ennemi de la sécurité des femmes. Sanctionnons et soyons fermes face aux harceleurs de rue : ce n’est qu’ainsi que nous les dissuaderons de passer à l’acte.

M. Roger Vicot (SOC). Ces outrages sont suffisamment graves pour ne pas relever d’une simple amende et pour ne pas éviter à leurs auteurs le procès, le contradictoire, le jugement et toute la procédure adéquate. Mon amendement CL166 tend donc également à la suppression de l’alinéa 14, d’autant plus que le texte prévoit également la possibilité de recourir aux amendes forfaitaires délictuelles, ou AFD, en cas de récidive.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous voulons apporter une réponse aussi immédiate et aussi claire que possible, afin de faire évoluer les comportements. La possibilité d’appliquer une AFD vise à faire comprendre à chacun qu’il est contraire à la loi de tenir des propos dégradants et humiliants.

L’argumentation de M. Vicot soulève la question de l’opportunité même des AFD, sur laquelle nous reviendrons probablement lors de l’examen de l’article 14. Je rappelle dès à présent que les AFD ont été créées en 2016 par une loi excellente, et que l’élargissement de leur champ d’application s’est faite progressivement durant le quinquennat précédent – nous y avons ajouté neuf infractions supplémentaires, pour atteindre un total de onze.

Le Gouvernement a proposé, au fil des versions du texte, une généralisation qui nous a paru tout à fait excessive, avec 3 400 infractions qui relèveraient potentiellement d’une AFD. Cela soulève la question de la réponse pénale de l’État – j’ai, du reste, demandé la liste de ces 3 400 infractions. Le Sénat, quant à lui, adoptant une position plus prudente, ajoute à la liste quelques délits – quatorze, je crois.

Cette question complexe touche donc non seulement à la réponse pénale, mais aussi au taux de recouvrement et à la récidive. Je précise à cette occasion que la notion de récidive est liée à une condamnation définitive, ce qui n’est pas le cas de l’amende forfaitaire : on peut donc recourir à l’AFD à plusieurs reprises à l’encontre de la même personne, et même dans une même journée.

Je propose l’élaboration d’un rapport d’évaluation très strict et très clair sur les AFD, qui permettra d’en connaître l’efficacité et le taux de recouvrement, afin de savoir s’il faut élargir ou supprimer ce dispositif. Je ne suis pas certain, d’ailleurs, qu’il faille conserver cette sanction en cas d’occupation illicite de certains terrains, situation qui concerne tout particulièrement les gens du voyage, car cette sanction n’est ni efficace ni appliquée.

Par ailleurs, nos collègues du groupe LR proposent une extension modérée des AFD à quelques cas ciblés. L’AFD doit, selon moi, être réservée à des infractions objectivables, aussi faciles à constater que le fait de savoir si un conducteur est ou non en état d’ivresse, s’il a ou non le permis de conduire, ou – puisque le Sénat propose d’étendre la mesure aux tags – si une personne a tagué ou non.

En revanche, dans des circonstances beaucoup plus complexes, l’appréciation par l’agent verbalisateur peut, comme le relève le Conseil d’État dans son avis, avoir un caractère subjectif.

Enfin, les parquets disposent pour les AFD de circulaires pénales spécifiques. Dans le domaine des stupéfiants, par exemple, le grammage ou la nature même des substances visées feront l’objet d’un traitement différent par un parquet en fonction des caractéristiques infractionnelles de son territoire.

Je suis défavorable aux amendements mais je tenais à généraliser le propos en vue du débat que nous aurons sur les AFD. Nous devrons, en la matière, exercer une vigilance absolue dans l’évaluation.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous évoquerons en effet assez longuement les amendes forfaitaires délictuelles dans le cadre de l’examen de l’article 14, qui en ajoute un grand nombre. Je tiens toutefois à rappeler qu’en 2021, 230 000 amendes étaient traitées par trois magistrats : cela ne tient pas debout ! Si même vous considérez les amendes forfaitaires délictuelles comme une bonne mesure – ce qui n’est pas notre cas –, il faut donner à la justice les moyens de traiter ces amendes, faute de quoi le dispositif ne sert rigoureusement à rien. Notre groupe votera donc l’amendement de M. Vicot.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL88 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement tend à porter de 20 à 100 heures la durée minimale de travaux d’intérêt général, ou TIG, applicables en la matière. La réalisation de ces TIG doit en effet être exemplaire et, à défaut d’avoir vu accepter l’application de peines réelles, l’augmentation des amendes et la suppression du recours à des amendes forfaitaires, nous demandons au moins que les travaux d’intérêt général soient contraignants pour les auteurs d’outrages sexistes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous préférons laisser au juge l’appréciation de la peine de TIG applicable. Dans une échelle qui va de 20 à 120 heures, il peut déjà, s’il le souhaite, fixer une peine de 100 heures et le parquet de son ressort peut décider de sanctionner systématiquement de cette peine telle ou telle infraction. Votre amendement est donc satisfait.

Mme Julie Lechanteux (RN). À force de tout remettre en question, on ne fait plus rien. Nous voulons faire avancer les choses et être plus fermes. Si vous refusez de fixer un minimum de 100 heures, acceptez au moins de le fixer à 50 heures. Le juge pourra toujours décider de la peine, mais 20 heures, ce n’est rien du tout !

M. Jean Terlier (RE). Le législateur que nous sommes doit respecter la Constitution. Or le principe de la personnalité des peines laisse au juge la possibilité de juger de l’opportunité de la peine en fonction de la personnalité de l’auteur et de la nature de l’infraction.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL141 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement tend à réduire de trois à deux mois le délai d’application des dispositions de l’article 7. Il est en effet de plus en plus urgent de protéger nos concitoyens.

M. Florent Boudié, rapporteur. Indépendamment de l’application de cet article et, le cas échéant, de la promulgation de la loi, le dispositif actuellement en vigueur continue de s’appliquer, sans aucun angle mort. Si donc, dans des circonstances imprévisibles, la loi n’était appliquée que six ou huit mois après sa promulgation, le dispositif de la loi de 2018 resterait en vigueur. Le délit d’outrage sexiste en tant que tel ne s’appliquerait certes pas encore, mais les faits de cette nature seraient encore sanctionnés par une contravention de cinquième classe.

En l’occurrence, alors que le délit que nous créons doit être inscrit dans la loi, la contravention qui y figure déjà, et qui relève du domaine réglementaire, n’aurait pas dû y figurer. Il faut donc laisser au Gouvernement le temps de rédiger et de publier le décret qui établira la contravention de cinquième classe pour l’outrage sexiste simple. Entre-temps, je le répète, c’est l’état du droit existant qui s’appliquera.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis surpris de voir le groupe Rassemblement national proposer amendement sur amendement pour augmenter sans cesse les peines alors qu’il était opposé à la création de cette infraction d’outrage sexiste – je me souviens même d’avoir été traité de Bisounours par certains de vos collègues de l’époque. Vous essayez de vous rattraper en chamboulant tout et en proposant des super-peines pour ces infractions, mais vous êtes à côté de la plaque et confondez un peu tout.

En outre, j’ai été choqué de vous entendre dire que vous ne vouliez défendre que les femmes françaises. Une femme algérienne, polonaise, américaine ou mexicaine qui se fait frapper dans la rue par des Français ou par toute autre personne a le droit d’être protégée par la loi française.

Mme Julie Lechanteux (RN). Je suis, quant à moi, profondément choquée que vous parliez ainsi des outrages sexistes.

Par ailleurs, nous n’avons jamais été opposés à l’outrage sexiste, mais à son caractère contraventionnel. Vous vous posez en donneur de leçons mais vous ne devriez parler que de ce que vous connaissez !

Enfin, nous sommes ici à l’Assemblée nationale, élus par les Français, et nous votons des lois pour les Français, qui s’appliqueront aux personnes vivant sur le territoire national. Que vous le vouliez ou non, c’est comme ça !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL670 du rapporteur.

Amendement CL167 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Cet amendement vise à demander l’élaboration d’un rapport d’évaluation de la répression des outrages sexistes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Monsieur Vicot, je vous proposerai de soutenir ma proposition d’amendement à l’article 14 visant à l’établissement d’un rapport relatif aux AFD. Nous aurons alors satisfaction tous les deux. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendement CL134 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Il vise à inscrire au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS) les personnes reconnues coupables d’outrage sexiste. Le harcèlement de rue est un fléau. Aucun parent ne laisse sortir sa fille sans avoir peur qu’elle rencontre un harceleur, voire pire. Aucune femme n’a confiance en sortant dans les rues de Paris ou de n’importe quel quartier pavillonnaire de province. L’inscription des harceleurs de rue au FIJAIS permet également de contrôler ces derniers.

J’ajoute que nous voulions déposer un amendement visant à expulser les délinquants sexuels étrangers inscrits au FIJAIS mais, compte tenu du nombre d’amendements déclarés irrecevables, nous étions certains que nous ne pourrions pas en discuter. Néanmoins, cette revendication demeure et nous en reparlerons très rapidement.

M. le président Sacha Houlié. Un amendement, d’où qu’il vienne, est déclaré irrecevable dès lors qu’il n’a pas de lien direct ou indirect avec le texte.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis très défavorable à cet amendement qui place l’outrage sexiste sur le même plan que la détention de représentations pornographiques de mineurs et les mutilations sexuelles. Nous ne minorons par ailleurs en rien de tels comportements, qui deviennent des délits lorsqu’ils sont aggravés.

Mme Julie Lechanteux (RN). Une telle inscription serait utile pour les maires qui embauchent des personnes pour encadrer les enfants dans les écoles. Celles qui se rendent coupables d’outrage sexiste ne doivent pas prendre part à l’éducation de nos enfants.

Par ailleurs, l’appréciation de ce qu’est un cavalier législatif est tout de même très subjective.

M. le président Sacha Houlié. C’est tout simplement le droit.

M. Erwan Balanant (Dem). L’efficacité des peines suppose de savoir raison garder.

Siffler une femme dans la rue, par exemple, relève de l’outrage sexiste. Qui a un tel comportement doit-il figurer dans le même fichier qu’un détenteur d’images pédopornographiques ? Non ! Vous confondez tout : l’outrage, le harcèlement, l’agression et le viol !

La commission rejette l’amendement.

Article 7 bis (nouveau) (art. 222-14-5 du code pénal, art. 721-1-2 du code de procédure pénale, art. L. 233-1 et L. 236-1 du code de la route) : Renforcement de la réponse pénale quant aux violences faites aux élus, aux refus d’obtempérer et aux rodéos urbains

Amendement de suppression CL300 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cent seize études montrent que l’alourdissement des peines est inefficace. Nous avons donc un peu l’impression que vous enchaînez les mesures démagogiques sans effet et, même, contreproductives. L’augmentation des peines, il y a un an, à l’encontre de ceux qui agressent des élus a-t-elle eu des effets ? Non. De plus, les gens se disent que nous formons une caste qui s’auto-protège.

Avec les refus d’obtempérer, c’est le pompon ! La plupart du temps, il s’agit de personnes qui n’ont pas ou plus de permis de conduire ou d’assurance ou bien qui détiennent des substances illicites. Si cet article est adopté, elles y verront une raison supplémentaire pour prendre la fuite !

Enfin, un problème se pose quant à la façon dont les forces de police traitent les cas de refus d’obtempérer : nous déplorons douze morts.

M. Florent Boudié, rapporteur. Des gendarmes, des policiers sont parfois très gravement blessés après un refus d’obtempérer. Il est inacceptable que vous évacuiez cela en arguant que les auteurs de ces infractions n’ont pas leur permis ! Ce n’est pas possible de banaliser ainsi le refus d’obtempérer. Certes, on peut toujours trouver des motifs sociaux ou psychologiques à de tels comportements mais, in fine, ce sont les forces de l’ordre qui nous protègent, qui appliquent et qui font appliquer les lois que nous votons, et qui peuvent parfois y laisser la vie. Vos propos sont détestables et irrespectueux – et comme vous avez pu le constater, notamment depuis le début de nos travaux, j’ai la réputation d’être quelqu’un de plutôt modéré.

Le Sénat a rajouté l’article 7 bis. L’inclusion, dans ses dispositions, des titulaires d’un mandat électif public parmi les détenteurs de l’autorité publique avec les militaires, les policiers, les sapeurs-pompiers, les agents pénitentiaires est-elle une hérésie ? Je ne le crois pas. Le maire de Saint-Philippe-d’Aiguille, Philippe Becheau, est encore traumatisé par les violences qu’il a subies.

S’agissant du refus d’obtempérer, je suis d’accord avec vous sur un point : ce n’est pas le doublement de l’amendement, à 30 000 euros, non plus que le fait de passer la peine d’emprisonnement de deux à trois ans qui permettra d’être plus efficace. Néanmoins, la proposition du Sénat a aussi du sens en raison de la perception qu’ont nos concitoyens des refus d’obtempérer. Ils sont en augmentation constante et ils marquent beaucoup les esprits. Réaffirmer la nécessité de l’ordre public, ce n’est pas non plus une hérésie et cela relève qui plus est de nos prérogatives.

S’agissant des rodéos urbains, le Sénat prévoit une circonstance aggravante lorsque ces derniers présentent un risque de mort ou de blessures graves pour autrui.

Nous avons accepté cet article alors qu’il ne s’inscrit pas dans le cœur de cible du texte mais l’article 45 de la Constitution dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». De plus, il a fait l’objet d’un très large consensus au Sénat, quasiment « de l’Atlantique à l’Oural », si j’ose dire, en tout cas jusqu’au groupe socialiste, écologiste et républicain.

Vous ne vous êtes pas grandi, monsieur Léaument, en traitant du refus d’obtempérer avec une telle désinvolture.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). À aucun moment je n’ai dit qu’il n’était pas grave de mettre en danger la vie des policiers.

L’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « (…) tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant ». Un citoyen interpellé par la police doit donc s’arrêter. Je ne défends en rien le refus d’obtempérer. L’article 9, quant à lui, dispose que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». La rigueur, en l’occurrence, s’est soldée douze fois par la mort, y compris parfois d’un passager. Enfin, selon l’article 12, « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique », ce qui suppose à la fois qu’un citoyen se rend coupable s’il résiste à une interpellation et que toute rigueur qui ne serait pas nécessaire doit être réprimée par la loi.

Nous lutterons plus efficacement contre les refus d’obtempérer en donnant des moyens supplémentaires aux policiers, par exemple en leur fournissant des outils permettant de marquer les véhicules et de retrouver leur propriétaire. Tirer sur les gens, ce n’est pas la bonne solution, sauf en cas de légitime défense.

M. Didier Paris (RE). Il y a trop d’agressions d’élus, trop de refus d’obtempérer, trop d’irrespects des règles élémentaires. Nous sommes tous conscients que l’augmentation du quantum des peines n’est pas dissuasive mais notre travail de parlementaire suppose aussi de signifier la réprobation et l’interdit sociaux.

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a fixé une durée de trois ans pour donner aux forces de police et aux magistrats des moyens complémentaires et techniques spéciaux d’enquête. Ils doivent en disposer pour lutter contre ce fléau.

M. Ian Boucard (LR). Il faut reconnaître à nos collègues de La France insoumise une très grande cohérence idéologique. La semaine dernière, ils nous ont expliqué que pour lutter contre la surpopulation carcérale, il fallait fermer les prisons. Aujourd’hui, ils nous expliquent que pour lutter contre les refus d’obtempérer, les policiers doivent cesser d’effectuer des contrôles et, si on leur fonce dessus, qu’ils doivent éventuellement se pousser. Chacun mesure dans quel état serait notre pays si ces dispositions étaient appliquées. Il faut soutenir nos forces de l’ordre et leur rendre hommage. Je m’oppose farouchement à l’adoption de cet amendement de suppression.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ne revêtez pas une opinion aussi contestable que la vôtre, monsieur Léaument, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! Commencez par dénoncer les refus d’obtempérer !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je l’ai fait !

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous avez commencé par les légitimer : ce n’est pas bien de demander de s’arrêter au pauvre conducteur qui ne peut pas payer son assurance ou dont le permis de conduire a été supprimé ! Vous rendez-vous compte de la société que vous voudriez pour les Français ?

Des violences inacceptables sont commises sur les titulaires de mandats électifs. Nous pouvons l’affirmer tous ensemble ! Avec les rodéos urbains, des centaines de milliers de Français subissent des nuisances sonores, des troubles à l’ordre public et, parfois, leur propre vie est en jeu. Là encore, nous pouvons dénoncer ensemble de telles pratiques !

Je ne serai pas le député qui laissera penser aux Français que la représentation nationale se désintéresse de tels sujets.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CL671 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement CL518 de Mme Sandra Regol tombe.

Amendement CL154 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il vise à aggraver les peines encourues par les auteurs de violences sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ainsi que sur des personnes titulaires d’un mandat électif public. 

M. Florent Boudié, rapporteur. Les quantums que vous proposez ne respectent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Le code pénal doit avoir du sens et être compréhensible, y compris des auteurs d’infractions.

M. Philippe Gosselin (LR). Avec Naïma Moutchou, nous avons mené une mission sur le pouvoir réglementaire des élus locaux et sur les atteintes dont ces derniers sont victimes. En 2019, on dénombrait 308 atteintes à l’intégrité physique des élus locaux ; en 2021, plus de 1 300. Et je ne parle pas des parlementaires agressés à leur domicile ou qui reçoivent des menaces ! Nous assistons à une forme de banalisation des agressions, y compris de très nombreux maires de petites communes. Leurs agresseurs ne sont pas nécessairement des voyous mais ils sont désinhibés. Il importe donc que la représentation nationale envoie un signal à ces élus, même si l’aggravation des peines ne résout pas en effet tous les problèmes. Le principe de proportionnalité demeure bien évidemment essentiel.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La critique est toujours constructive.

Les agents des forces de l’ordre qui tirent lors des refus d’obtempérer sont quasiment tous très jeunes. Eux-mêmes sont victimes de séquelles psychologiques. La demande de formation, sur le terrain, est réelle. Il faut éviter qu’il y ait des morts de part et d’autre mais, aussi, que des agents soient brisés dès le début de leur carrière. Si nous ne pouvons pas poser ces questions-là, à quoi servons-nous ? C’est ce qu’a fait M. Léaument. Je constate que déclarer, comme certains le font à ma droite, qu’on ne légifère ici que pour ceux qui ont une CNI, suscite moins de remous…

Notre amendement CL518, qui est tombé, visait à inclure les fonctionnaires qui peuvent être mis en danger, notamment, les enseignants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL706 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR). Lors de la discussion de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, notre groupe avait déjà proposé d’inclure les élus parmi les catégories que nous avons évoquées. Les agressions des titulaires de mandat électif explosent. L’aggravation des peines n’est pas une panacée, c’est l’évidence, mais je ne suis pas convaincu pour autant de son inutilité. Elle fait partie des signaux que nous pouvons envoyer tant il est particulièrement grave, par exemple, d’agresser le maire quasi bénévole d’un village de 200 habitants parce qu’il n’a pas accepté de changer le plan local d’urbanisme pour arranger tel ou tel propriétaire. Si le code pénal ne sert à rien, que faisons-nous ici ? L’aggravation des peines, même symbolique, est utile.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous savons tous combien il est grave de refuser d’obtempérer et combien il importe de protéger nos élus ou nos professeurs. Je constate néanmoins que ce texte, qui concerne le ministère de l’intérieur, pourrait finalement tout aussi bien concerner celui de la justice.

De plus, c’est un texte de facilité et il ne présente aucun dispositif permettant de répondre vraiment à ces problèmes importants.

M. Ludovic Mendes (RE). Les actes dont nous parlons sont graves, en effet. J’ai reçu soixante menaces de mort en six mois ! Pour autant, ne peut-on laisser une seconde chance aux auteurs de délits autonomes de violences, que l’amendement défendu par M. Boucard prévoit de punir des peines complémentaires d’interdiction de manifestation et d’interdiction du territoire français ? Lors des derniers mouvements sociaux, de bons pères de famille ont « pété les plombs ». Certains d’entre eux sont d’ailleurs poussés à la désobéissance civile par nos camarades d’extrême gauche ! Le quantum de peine, en la matière, est déjà très dur et le travail mené en faveur de la protection des élus soutenu.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL188 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). À propos des refus d’obtempérer, le ministre de l’intérieur a déclaré le 21 septembre : « Sans doute peut-on encore améliorer la formation et apprendre à chaque policier ou gendarme à tirer dans les endroits non létaux (…). Il s’agit de professionnels de la sécurité, qui doivent agir dans un cadre déontologique. J’ai demandé au directeur général de la gendarmerie et à celui de la police nationale de réfléchir ensemble à ce qu’il était possible d’améliorer. »

Nous proposons donc que trois mois après la publication de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant les techniques d’interpellation permettant de mieux lutter contre les refus d’obtempérer.

Je suis d’accord avec Mme Untermaier : nous discutons en fait de l’adaptation de notre justice. Il serait bon que le garde des Sceaux soit présent en séance publique pour répondre aux propositions qui sont formulées.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement dispose que « Ce rapport analyse l’augmentation importante du nombre de tirs notamment sur des véhicules en mouvement », comme s’il fallait s’interroger sur ces raisons. Une telle augmentation s’explique par l’explosion du nombre de refus d’obtempérer : 26 000 en 2021, soit, une hausse de 20 %, dont près de 3 500 ont exposé les forces de l’ordre à la mort ou à des blessures. Un rapport devrait au contraire analyser les raisons de l’explosion d’un tel phénomène et les moyens de l’enrayer.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Ai-je encouragé les refus d’obtempérer ? Non. J’ai même évoqué l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Au contraire, nous réfléchissons aux moyens de faire en sorte qu’ils diminuent, qu’il soit possible d’en rattraper les auteurs et, oui, que ces refus d’obtempérer ne tournent pas au drame pour les conducteurs, les passagers ou les policiers. Un tel rapport, qui va dans ce dernier sens, me semble utile, y compris s’agissant de la formation des policiers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL299 de M. Ugo Bernalicis.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer les alinéas de cet article concernant l’aggravation des peines pour refus d’obtempérer, dont le rapporteur convient lui-même qu’elle ne résout rien.

Personne, au sein de notre groupe, n’encourage les refus d’obtempérer. Nous affirmons aussi que personne, nul policier, conducteur ou passager, ne doit y perdre la vie. Nous déplorons douze morts depuis le début de l’année ! Une augmentation de 300 % par rapport à l’année dernière !

Il convient également de revoir la formation des policiers. De mémoire, ils doivent s’exercer au tir trois fois par an, or, tel n’est pas le cas. Ce sont de surcroît les policiers les plus jeunes qui tirent sur les véhicules. Regardez la vidéo du refus d’obtempérer de Nice : les forces de l’ordre n’étaient pas en danger ! La majorité de ceux qui refusent d’obtempérer le font parce qu’ils n’ont plus de permis de conduire ou d’assurance. Le prendre en compte, ce n’est pas légitimer le refus d’obtempérer.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement qui met en cause l’ensemble du dispositif alors que nous devons envoyer un signal très clair quand nombre de Français sont inquiets face à la recrudescence de tels phénomènes.

L’aggravation des peines, en effet, ne résout pas tous les problèmes mais, grâce au Sénat, nous avons l’occasion d’avancer.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les dernières lois ont supprimé des éligibilités à des réductions de peines et aggravé les sanctions, précisément au nom de ce fameux « signal », or, la situation n’a manifestement pas changé et s’est même aggravée. De plus, nous sommes passés de deux à douze morts parce que, dans le feu de l’action, il est difficile de viser correctement avec une balle de 9 mm alors que ce type d’arme n’est pas fait pour le tir à longue portée. Les forces de l’ordre n’avaient pas l’intention de tuer un passager. C’est aussi un drame pour elles d’en arriver là.

Doit-on se faire une nouvelle fois plaisir en aggravant les peines ou doit-on s’attaquer aux causes ? Tel est le cœur du débat si l’on ne veut pas succomber à la facilité et se lancer dans des polémiques à deux balles en laissant entendre que nous serions du côté des délinquants !

M. Jordan Guitton (RN). Selon l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), 200 tirs ont été effectués en un an sur 26 000 refus d’obtempérer. Le problème ne vient pas des forces de l’ordre. Nous sommes face à un très grave phénomène de société. Bien sûr, ces douze personnes n’auraient pas dû être tuées.

De plus, combien de personnes, de fillettes ou de vieilles dames, sont tuées par la faute d’une personne qui refuse d’obtempérer ?

C’est La France insoumise qui polémique et qui fait de la politique anti-flic à deux balles !

M. Thomas Rudigoz (RE). Le groupe Renaissance rejettera cet amendement car l’échelle des peines proposées par les sénateurs ne nous paraît pas excessive. La France insoumise laisse entendre que les personnes en cause sont souvent de pauvres gens qui n’ont pas les moyens d’avoir une assurance. Quand bien même ce serait le cas, le refus d’obtempérer est extrêmement grave car il met en danger la vie de nos policiers et de nos gendarmes. Surtout, les députés de La France insoumise ne parlent jamais des vrais délinquants et des criminels en puissance, qui sont de plus en plus nombreux. Au cours des derniers mois, les personnes qui ont été tuées ou blessées gravement par nos forces de l’ordre étaient des délinquants armés, qui détenaient parfois une grande quantité de stupéfiants et qui étaient prêts à tout pour poursuivre leur route, y compris foncer sur les fonctionnaires procédant au contrôle. J’aimerais que l’on parle aussi des policiers et des gendarmes tués dans leurs fonctions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL143 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à alourdir les peines encourues par les conducteurs refusant d’obtempérer face à un contrôle routier. Trop nombreuses ont été les personnes dépositaires de l’autorité publique et les riverains blessés par ces pratiques dangereuses, qui appellent une réponse pénale dissuasive.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable. Le Sénat a modifié l’échelle des peines sanctionnant le refus d’obtempérer simple. Par ailleurs, lorsque le refus d’obtempérer est commis dans des circonstances qui exposent les personnes procédant au contrôle, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous nous opposons à cet amendement. Je ne comprends pas votre logique, Monsieur le rapporteur. Vous avez dit qu’il fallait accroître les peines pour envoyer un signal et faire refluer les refus d’obtempérer. Or, les collègues du Rassemblement national vont dans votre sens. En fait, vous proposez des augmentations de peines en réponse à des situations qui sont sources de polémique au lieu de chercher les moyens de faire baisser le nombre de refus d’obtempérer et, ainsi, de mettre en sécurité nos policiers tout en évitant la mort d’un certain nombre de personnes, victimes des interventions menées. Nous, nous sommes cohérents.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL146 de Mme Julie Lechanteux et CL695 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune).

Mme Julie Lechanteux (RN). Mon amendement vise à aggraver les peines réprimant les rodéos urbains, phénomène en forte expansion. Les sanctions actuelles sont à l’évidence trop légères pour présenter un caractère dissuasif. Nous avons à l’esprit les personnes blessées, tels ces enfants de Pontoise dont l’un s’est retrouvé dans le coma et l’autre a eu une jambe cassée. Dans un certain nombre de lieux – je pense par exemple à des quartiers de Lyon ou de la banlieue parisienne –, ces cirques motorisés rendent bien trop souvent la vie impossible aux riverains.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, qui résulte d’une proposition de loi de la majorité, est un outil utile pour nos forces de l’ordre. Néanmoins, on peut essayer de renforcer son effectivité et son caractère dissuasif. En Grande-Bretagne, le défaut d’assurance est souvent utilisé pour aggraver la peine principale mais aussi permettre une confiscation et une destruction du véhicule plus systématiques. Tel est l’objet de l’amendement CL695 et des deux amendements – CL696 et CL697 – qui suivent.

M. Florent Boudié, rapporteur. Madame Lechanteux, il s’agit du même débat sur la proportionnalité des peines et le sens que l’on donne à la réponse pénale. C’est une question qui doit être approfondie et qui ne peut être réglée au détour d’un amendement. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Madame Pouzyreff, vous proposez d’instituer un mécanisme juridique d’aggravation de la peine, de confiscation automatique du véhicule – lequel pourrait poser un problème de constitutionnalité – et de destruction dudit véhicule. Je vous propose de retirer vos amendements afin que nous retravaillions leur rédaction en vue de la séance – en particulier pour ce qui concerne la confiscation automatique.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je retire ces amendements, que nous allons réétudier dans le cadre de notre groupe de travail.

L’amendement CL695 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL146.

Les amendements CL696 et CL697 de Mme Natalia Pouzyreff sont retirés.

La commission adopte l’article 7 bis modifié.

Après l’article 7 bis

Amendement CL659 de Mme Claire Pitollat.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Tout ce qui a été dit au sujet des rodéos urbains vaut également pour les rodéos maritimes, tant en métropole qu’en outre-mer, où de nombreuses personnes voient leur vie gâchée par ce phénomène, qui porte également atteinte à l’économie touristique et est une source de danger. L’amendement vise à ce que les dispositions applicables aux motos s’appliquent à ces engins. Ces mesures pourraient en outre s’étendre à la navigation fluviale.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous souhaitez transposer les dispositions du code de la route au milieu maritime, ce qui n’est pas si simple. Je vous propose de retirer l’amendement afin d’améliorer sa rédaction en vue de la séance. Ce travail doit aboutir car il s’agit d’une réelle difficulté.

M. le président Sacha Houlié. Il y a trois raisons de lutter contre ce phénomène. La première est la dangerosité des hors-bord et des jet-skis circulant dans la bande littorale des 300 mètres. La deuxième tient à la lutte contre le blanchiment d’argent issu du trafic de stupéfiants, qui est réalisé à travers l’achat et la location de ces engins. La troisième raison concerne la pollution, dans la mesure où il n’existe aucune filière de dépôt et de recyclage ; les engins sont ainsi abandonnés ou coulés, ce qui crée de graves difficultés, par exemple, à l’embouchure du Rhône.

M. Guillaume Vuilletet (RE). J’ajoute que, comme sur terre, les rodéos maritimes sont un moyen d’affirmer sa mainmise sur un territoire et d’exclure autrui.

L’amendement est retiré.

Article 7 ter (nouveau) (art. 221-4, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal) : Création d’une circonstance aggravante pour le meurtre et les violences commises à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime

Amendements identiques CL150 de Mme Marie Lebec, CL192 de M. Roger Vicot, CL345 de Mme Elsa Faucillon, CL380 de Mme Blandine Brocard, CL434 de M. Philippe Pradal et CL522 de Mme Sandra Regol.

Mme Marie Lebec (RE). Le groupe Renaissance souhaite supprimer l’article 7 ter, adopté par le Sénat malgré l’avis défavorable de sa commission des lois. Cet article introduit dans le code pénal une nouvelle circonstance aggravante visant spécifiquement les agressions physiques ayant pour fait générateur la « réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime ». Cette disposition nous paraît inapplicable.

M. Roger Vicot (SOC). Il appartient aux magistrats de moduler la peine.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Nous souhaitons supprimer cet article, dans la mesure où il est source d’une très grande insécurité juridique. En effet, il crée une circonstance aggravante en cas de « réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime ». Il faudrait pouvoir apprécier la disproportion de la réaction ainsi que l’offense ressentie. J’ai une pensée pour ceux – magistrats, avocats… – qui seraient chargés d’appliquer cette disposition. Par ailleurs, les motifs invoqués pour la création de cette circonstance aggravante ne sont pas convaincants.

Mme Blandine Brocard (Dem). Cet article est en effet porteur d’insécurité juridique, puisqu’il prévoit la possibilité de sanctionner une infraction en fonction, notamment, du sentiment que le comportement de la victime a inspiré à l’auteur. Je ne doute pas que, comme la commission des lois du Sénat, nous rejetions cette disposition.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’inflation des peines sans fondement est dangereuse.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable sur les amendements. Cette disposition n’a aucun sens, ni sur la forme, ni sur le fond.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le procès pénal a précisément pour objet d’apprécier l’intention et la motivation d’un acte. Ce projet de loi un peu fourre-tout tend, de manière générale, à limiter la capacité d’appréciation des magistrats.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 7 ter est supprimé et les amendements CL461 de M. Jean-Félix Acquaviva, CL460 de M. Christophe Naegelen et CL462 de M. Paul Molac tombent.

Après l’article 7 ter

Amendement CL138 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Les représentants de toute forme d’autorité sont devenus les cibles prioritaires des délinquants. Afin de protéger nos concitoyens, les personnes arrêtées doivent être condamnées à la hauteur de la gravité de leurs actes. Cet amendement vise ainsi à durcir les sanctions encourues pour outrage.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement ne respecte ni l’échelle des peines ni le principe de proportionnalité des peines. Il reviendrait à réprimer plus lourdement l’outrage commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique que les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours sur ces mêmes personnes. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 (art. 313‑5, 322‑1 et 431‑22 du code pénal, art. L. 2242‑4 et L. 3315‑4 du code des transports, art. L. 215‑2 et L. 215‑2‑1 du code rural et de la pêche maritime) : Renforcement de la répression des dérives sectaires et élargissement du recours aux techniques spéciales d’enquête (TSE) pour mieux lutter contre les dérives sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée

Amendement CL301 de suppression de Mme Raquel Garrido.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). L’article 8 modifie une disposition du code de procédure pénale, lequel relève du périmètre du ministère de la justice et n’a rien à faire dans une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Par ailleurs, nous dénonçons depuis des années l’affaiblissement du contrôle sur les techniques spéciales d’enquête (TSE). À l’origine, elles ne pouvaient être ordonnées que par un juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire, sur commission rogatoire ; elles étaient donc entourées de solides garanties procédurales. Puis un premier glissement s’est opéré : ces techniques ont pu être décidées par le parquet pour un certain nombre d’infractions. Aujourd’hui, le texte étend le nombre d’infractions concernées. Nous nous opposons à cette surenchère permanente. Nous ne sommes pas opposés, par principe, à l’usage de ces techniques, mais il doit être entouré du plus haut niveau de garanties procédurales, car ces pratiques sont très attentatoires aux libertés individuelles.

M. Florent Boudié, rapporteur. Actuellement, le code de procédure pénale autorise les TSE – autrement dit, la captation de son, d’images, de données – sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) ou du juge d’instruction pour des faits très précis, limitativement énumérés, qui relèvent soit de la criminalité ou de la délinquance organisée, y compris la délinquance économique et financière, soit de l’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données. L’article 8 étend ce dispositif à trois nouvelles catégories d’infractions pénales : les agissements sectaires, les viols et homicides en série et la recherche de fugitifs poursuivis pour des faits de criminalité organisée.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La course effrénée à la répression pénale et à la surveillance débridée que propose la Lopmi est préoccupante pour l’avenir de notre société et de notre État de droit. Ces outils de répression automatisée et de surveillance industrialisée sont abandonnés à l’arbitraire d’agents de l’État dotés de superpouvoirs policiers ou judiciaires ; pire encore, demain, ils pourraient être utilisés par les douteuses sous-milices que le président Macron a, il y a peu, imaginé d’expérimenter, comme les brigades rurales de chasseurs. En cas de changement de majorité au profit de partis autoritaires ou fascisants, ces derniers n’auraient même pas à modifier le corpus législatif. L’article 8 élargit le recours aux TSE, pour rechercher des personnes en fuite ou pour identifier les auteurs de crimes et de délits en bande organisée. Lorsqu’on voit que des membres de ce gouvernement qualifient d’« écoterrorisme » les actes de résistance des associations de défense de l’environnement, on peut imaginer l’usage qu’un gouvernement autoritariste ferait de ces techniques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL281 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho (RN). Cet amendement vise à inclure le dirigeant de fait ou de droit dans le périmètre des auteurs de l’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. La rédaction proposée par l’article 8 ne vise plus, en effet, que l’action commise en bande organisée.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous avez raison : le dispositif retenu permettrait d’appliquer les techniques spéciales d’enquête aux membres d’une bande organisée mais non plus au dirigeant d’un mouvement sectaire. Il est nécessaire de viser ces deux catégories. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL611 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Josy Poueyto (Dem). Alors que l’on dénonce régulièrement la surpopulation carcérale et le fait que les juges recourraient prétendument trop souvent à l’emprisonnement, le Parlement ne cesse de son côté de créer de nouveaux délits punis de peines de prison et d’aggraver celles déjà prévues pour les délits existants, sans que, dans le même temps, d’autres infractions soient moins sévèrement punies ou soient punies d’autres peines. Les juges sont ainsi soumis à des injonctions contradictoires. Pour donner de la crédibilité aux projets de régulation carcérale, le Parlement devrait donner l’exemple et faire preuve de modération en matière de recours à l’emprisonnement. Porter de cinq à sept ans la peine encourue pour abus de faiblesse aggravé ne répond à aucun impératif de politique pénale et n’est réclamé par aucun professionnel de la lutte anti-sectaire, ni par aucun criminologue. Elle n’est du reste pas justifiée dans l’étude d’impact. Il serait plus efficace de s’assurer de l’exécution des peines prononcées que d’accroître la sévérité des peines encourues.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable pour les raisons que j’ai exprimées en présentant le cadre de l’article 8.

M. Jordan Guitton (RN). Nous nous opposerons à cet amendement qui propose de lutter contre la surpopulation carcérale en réduisant les peines. Ce problème ne pourra être réglé que par l’augmentation des places de prison.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL398 de M. Antoine Léaument.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à ce que l’extension des TSE à la recherche de fugitifs, prévue par l’article 8, ne soit possible qu’après l’avis exprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ces techniques incluent notamment la sonorisation et la fixation d’images, la captation de données informatiques, l’utilisation d’appareils de surveillance pour intercepter des communications ou encore le recueil à distance de données informatiques. De telles techniques sont plus attentatoires et plus intrusives que les techniques classiques d’enquête. Elles sont aujourd’hui limitées à la poursuite des seules infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisée, ainsi que certaines infractions économiques et financières.

Alors que le Gouvernement souhaitait étendre ces techniques à tous les crimes par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions concernées, en 2019, en relevant un déséquilibre entre, d’une part, l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l’inviolabilité du domicile.

Si le périmètre du cadre d’enquête est bien précisé et s’applique à des infractions d’une certaine gravité, nous souhaitons toutefois, en l’absence de garanties quant à l’impact de l’extension proposée, que l’avis de la Cnil soit requis.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement ne concerne que l’extension de l’application des TSE à la recherche de fugitifs, à l’exclusion des autres infractions. Par ailleurs, si on adoptait cette mesure, il faudrait non seulement demander l’autorisation au JLD ou au juge d’instruction, mais aussi à la Cnil, avant de pouvoir faire usage des TSE. Or, d’une part, cela ne relève pas de la compétence de la Cnil et, d’autre part, ce dispositif serait inapplicable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL672 du rapporteur.

La commission adopte l’article 8 modifié.

Troisième réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 21 heures

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Article 9 (art. 16 du code de procédure pénale) : Suppression de la condition d’ancienneté pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire

Amendements de suppression CL168 de M. Roger Vicot, CL302 de Mme Élisa Martin, CL346 de Mme Elsa Faucillon et CL641 de M. Jérémie Iordanoff

M. Roger Vicot (SOC). L’amendement tend à maintenir la condition d’ancienneté de trois ans de service pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ). Le projet de loi prévoit de la remplacer par trente mois de service à compter de l’entrée en formation initiale, dont au moins six mois seraient effectués dans un poste comportant l’exercice des attributions attachées à leur qualité d’agent de police judiciaire. Le rallongement de la scolarité et les stages ne remplaceront pas l’ancienneté.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). S’il y a une condition d’ancienneté, c’est bien parce qu’être officier de police judiciaire, ce n’est pas juste recevoir une formation supplémentaire, c’est aussi avoir acquis dans sa pratique policière la maturité permettant d’user des pouvoirs exorbitants conférés à l’OPJ, notamment au cours de l’enquête de flagrance, sans porter atteinte aux libertés publiques et individuelles. Cet équilibre, on l’enseigne dans le module OPJ, ce qui explique que seuls ceux qui sortent OPJ de l’école peuvent immédiatement recevoir l’habilitation. Les autres devront justifier d’un minimum d’expérience.

Si vous voulez diminuer la condition d’ancienneté, c’est pour combler le manque d’OPJ. Vous pensez qu’après tout, ce ne serait pas plus mal d’offrir à tous les policiers et gendarmes la possibilité de présenter l’examen dès la fin de leur formation initiale – en fait, on perd six mois. Or vous passez à côté du sujet fondamental, qui est le besoin d’une filière dédiée à l’investigation. Il aurait fallu mener la réforme de 1995 à l’envers.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Comme pour la dématérialisation, nous ne sommes pas opposés à la proposition par principe ; simplement, avec comme seule motivation de pallier le manque d’effectif, on pressent la possibilité de dérives. Cette logique signifie l’abaissement du niveau de formation, alors même que tout invite à pousser plutôt la formation initiale et continue, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’enquête. De surcroît, on sait qu’il y aura une aggravation des vices de procédure, donc un allongement du temps de traitement des affaires.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous sommes fermement opposés à la suppression de la condition d’ancienneté pour l’accession à la qualité d’OPJ. Chargés de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs, les OPJ jouent un rôle essentiel dans la conduite de l’enquête et disposent de prérogatives particulièrement attentatoires aux droits et libertés – placements en garde à vue, réquisitions, perquisitions, visites domiciliaires. Celles-ci requièrent maîtrise et expérience. Si l’on ne supprime pas l’article 9, les OPJ de demain auront une formation et une expérience limitée. Nous ne le souhaitons pas.

M. Florent Boudié, rapporteur. On ne peut pas parler d’abaissement de la formation des gardiens de la paix lorsque celle-ci passe de 420 à 432 heures d’enseignement, sur une durée totale de vingt-quatre mois. L’examen sera le même, tout comme le niveau d’exigence.

Le but recherché est de rendre plus attractive la filière investigation dès la formation initiale, car il est vrai que le directeur général de la police nationale nous a confirmé avoir de plus en plus de difficultés à recruter des OPJ dans la police nationale. En outre, M. Bernalicis a lui-même reconnu que la condition d’ancienneté ne serait raccourcie que de six mois.

Avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). Notre groupe votera contre ces amendements. C’est précisément parce que la formation de nos forces de l’ordre est d’un très bon niveau que nous pouvons l’allonger jusqu’à trente mois en y intégrant un module OPJ. Au reste, les élèves ne sortiront pas de l’école démunis d’expérience puisque leur scolarité leur aura permis de suivre des stages. L’allongement de la formation compensera l’abaissement de la condition d’expérience nécessité par le manque d’OPJ sur le terrain.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). À une époque, seuls les inspecteurs de police étaient des officiers de police judiciaire. Or ils sont venus très rapidement à manquer car le droit pénal, pour mieux encadrer la procédure, a réservé aux seuls OPJ l’accomplissement d’actes toujours plus nombreux. On a donc créé les enquêteurs de police judiciaire, chargés d’accompagner les inspecteurs dans un premier temps et qui ont ensuite obtenu la qualification d’officiers de police judiciaire. On ne devenait enquêteur qu’après avoir suivi une formation particulière et passé un concours dédié à cette fonction, et on intégrait les rangs de la police en civil et non en tenue. Rappelons au passage que la réforme conduite par Pierre Joxe pour mettre fin à la territorialisation de la police ne concernait pas la police judiciaire parce que, précisément, elle formait un corps à part entière d’enquêteurs et d’inspecteurs. Ceux qui passaient le concours avaient tous envie de mener des enquêtes de police, contrairement à ceux qui présentaient le concours de gardien de la paix et qui pouvaient être attirés par d’autres missions. Ce n’est pas parce que l’on intégrera un module OPJ dans leur formation qu’on les attirera vers ce métier singulier.

Vous prétendez que le nombre d’heures de formation ne varie pas. Pourtant, l’intégration de la première partie du module OPJ dans la formation initiale fait perdre, par rapport à la situation antérieure à 2015, un mois d’une formation qui était consacrée à une autre étude.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL153 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’amendement, de repli, tend à conserver l’essentiel de la réforme, à savoir l’intégration dans le calcul de l’ancienneté de la période de formation, mais en maintenant à trente-six mois l’ancienneté globale requise. Il reste ainsi une période d’un an plein en service actif, soit le double de ce qui est prévu dans le projet de loi.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pierre Joxe, en portant la durée de la formation initiale des policiers à douze mois, a placé la France en tête des pays européens pour la qualité de la formation de ses forces de l’ordre. Le temps a passé, notre pays en est resté à ces douze mois et se retrouve à la traîne puisque dans la majeure partie des pays en Europe et dans le monde, la formation initiale d’un gardien de la paix dure deux ans – je parle d’une véritable formation initiale, sans année de stage, car l’on sait tous ce que valent les stages dans un commissariat.

Le véritable progrès serait de porter la formation initiale des gardiens de la paix à deux ans, d’autant plus qu’ils sont recrutés au niveau du baccalauréat. Loin de moi de vouloir critiquer la possibilité offerte d’entrer dans l’administration sans diplôme de l’enseignement supérieur, mais il faut en tirer les conclusions : si, en 2022, on demande aux policiers un haut niveau de qualification, d’avoir une parfaite connaissance des articles du code pénal et du code de procédure pénale, de maîtriser des infractions aussi diverses que les violences intrafamiliales, les agressions sexuelles et sexistes, l’escroquerie en ligne, d’être rompu aux méthodes du maintien de l’ordre public ou de savoir gérer les bagarres, il faut leur prodiguer une formation initiale renforcée de deux ans.

Finalement, vous avez raison : votre réforme ne change pas grand-chose à la formation précédente, dont le ministre de l’intérieur lui-même reconnaissait qu’elle n’était pas satisfaisante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL261 de M. Jordan Guitton

M. Jordan Guitton (RN). La suppression des trois ans d’ancienneté pour passer le concours d’OPJ traduit un abaissement des exigences. Parce qu’il importe de garantir le niveau de compétences, l’amendement tend à insérer les mots « les ayant formés à cette habilitation » afin de s’assurer que les nouveaux OPJ bénéficient d’une formation spécifique à cette fin.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement est satisfait, car les modules prévus les forment à cette habilitation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL426 de M. Florent Boudié.

La commission adopte l’article 9 ainsi modifié.

Après l’article 9

Amendement CL542 de Mme Sandra Regol

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit de porter à deux ans la formation initiale des gardiens de la paix, comme le prévoyait le programme de la Nupes, pour renforcer leur formation et permettre aux jeunes agents de mieux affronter des situations complexes, parfois dramatiques.

M. Florent Boudié, rapporteur. La formation initiale des gardiens de la paix en école a été rallongée de huit à douze mois. Si l’on prend en compte la formation adaptée au premier emploi, qui dure douze mois également, les gardiens de la paix suivent bien une formation de vingt-quatre mois avant d’être titularisés. Plus précisément, le socle initial de la formation des gardiens de la paix dure trente-cinq semaines, à l’issue desquelles ils suivent un stage d’un mois en alternance dans un commissariat, dont une semaine en investigation sous le tutorat d’un OPJ expérimenté. Durant les huit semaines qui suivent, qui constituent le second socle, ils bénéficient d’un enseignement approfondi des cours précédemment dispensés. Après cette première année d’enseignement théorique, les candidats suivent une formation adaptée au premier emploi.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La formation adaptée au premier emploi est une vaste plaisanterie. D’abord, la qualité des formations diffère d’une direction à l’autre. Un responsable de la formation, pourtant légitimement convaincu du bien-fondé de sa mission, regrette que certaines directions aient d’autres considérations opérationnelles que la formation. Il reconnaît lui-même qu’il faudrait apprendre aux managers à prendre en compte la formation dans leur management ! Voilà où en est la police nationale ! On y devient brigadier ou chef d’équipe sans avoir reçu la formation nécessaire. Celle-ci sera proposée six mois ou un an plus tard, pour une durée de quatre ou cinq jours, à Lognes. Ne me dites pas que c’est satisfaisant !

Ensuite, ce n’est pas parce qu’il est écrit sur un bout de papier que les douze mois de stage représentent une année de formation supplémentaire que c’est vrai, d’autant plus quand les stagiaires sont invités à oublier tout ce qu’ils ont appris à l’école car la pratique est bien différente de la théorie ! C’est d’ailleurs pour cette raison que Manuel Valls, que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur, avait lancé les assises de la formation de la police nationale en 2012. En 2022, nous ne sommes toujours pas à la page.

Quant à la formation continue, la direction centrale de la sécurité publique considère que ce serait déjà bien beau si tous les fonctionnaires pouvaient justifier de trois séances de tir par an !

La commission rejette l’amendement.

Article 10 (art. 10-2, 15, 21-3 [nouveau], 60, 60-1, 60-3, 63-2, 63-3, 63-3-1, 77-1, 77-1-1, 99-5, 100-5, 230, 390-1 et 706-95-18 du code de procédure pénale) : Création de la fonction d’assistant d’enquête

Amendements de suppression CL303 de M. Ugo Bernalicis, CL347 de Mme Elsa Faucillon et CL387 de M. Romain Baubry

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Notre groupe s’oppose à la création des assistants d’enquête auxquels, selon l’avis du Conseil d’État, certaines compétences ne sauraient être attribuées, comme la transcription d’enregistrements issus d’interception des correspondances, qui doivent rester de la compétence des officiers de police judiciaire ou des agents de police judiciaire (APJ) agissant sous leur responsabilité. Vous aurez beau me répondre qu’ils auront suivi une formation adaptée, sanctionnée par un examen, je continuerai de penser que vous créez une police judiciaire low cost.

Par ailleurs, la réalisation de certains actes d’enquête, comme les perquisitions qui peuvent avoir lieu la nuit, n’est pas compatible avec les horaires de travail inhérents au statut des fonctionnaires de catégorie B.

Il est fort probable que ce binôme atypique soit à l’origine de nombreux vices de procédure. Il est, en tout cas, fort étonnant que sa création figure dans un chapitre qui tend à renforcer la filière investigation.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Le Conseil d’État, en effet, a émis des réserves sur les prérogatives accordées aux assistants d’enquête. Nous ne sommes pas opposés à la création de postes de personnels administratifs, même moins qualifiés que les OPJ, sauf que celle-ci apparaît comme le moyen de pallier le déficit d’OPJ et ressemble fort à une sous-qualification des tâches et des missions effectuées par ces derniers. Plutôt que de renforcer le corps des OPJ, cette mesure expose à des risques de nullité, donc de perte de temps.

M. Romain Baubry (RN). Pour avoir assisté à plusieurs auditions dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, je ne remettrai pas en cause la sincérité du rapporteur. J’ai déposé cet amendement, non pas parce que je suis opposé à la création de ces assistants d’enquête, mais parce que cette mesure ne simplifierait en rien la procédure pénale et n’allégerait pas la charge des OPJ. Il faut trouver d’autres solutions et surtout, agir en amont en prenant des dispositions pour que la justice joue son rôle : sanctionner les délinquants et mettre hors d’état de nuire les récidivistes qui multiplient le nombre de leurs victimes et, par conséquent, des procédures pénales. Nos services de police et de gendarmerie n’auraient plus le sentiment d’essayer de vider à l’aide d’une cuillère percée l’océan de délinquance qui s’échoue dans leurs bureaux.

M. Florent Boudié, rapporteur. La réponse que nous apportons au manque d’OPJ n’est pas celle que vous croyez : nous prévoyons de créer 8 500 ETP supplémentaires, dont 7 612 pour les seules forces de sécurité intérieure – 3 051 le seront dans les deux premières années. Les mesures prévues à l’article 9 permettront de renforcer l’attractivité du métier d’OPJ dès la formation initiale. Enfin, nous voulons décharger les OPJ et les APJ de la charge des tâches formelles.

Le ministre a souvent dit des assistants d’enquête qu’ils seraient l’équivalent des greffiers de justice. Les magistrats que nous avons auditionnés et qui, pour la plupart, ne s’opposaient pas à leur création, les comparaient aux assistants de justice. Ces rapprochements sont compréhensibles puisque les assistants d’enquête seront chargés d’accompagner les OPJ dans l’accomplissement de leurs tâches.

Ils seront recrutés parmi les personnels administratifs de la police et de la gendarmerie déjà en poste, ce qui leur conférera compétence et expérience. La plupart seront des fonctionnaires de catégorie B mais tous prendront cette possibilité d’accéder à un nouveau statut comme l’opportunité d’évoluer dans leur carrière.

Certains d’entre vous se sont inquiétés de l’inadaptation du statut de fonctionnaire de catégorie B à l’exercice des fonctions d’assistant d’enquête. Plusieurs textes réglementaires seront modifiés afin de leur permettre d’effectuer des heures supplémentaires et de prendre leur service en horaires décalés pour répondre aux contraintes opérationnelles d’un service d’enquête – par exemple, pour se présenter dans les locaux de police dès 6 heures du matin lorsqu’auront lieu des interpellations matinales.

Leur formation durera onze semaines – nous verrons s’il conviendra d’en réduire la durée pour les personnels qui étaient déjà en poste.

Quant à la prérogative de transcription d’enregistrements sonores, le Sénat a fait un pas dans la bonne direction en renvoyant les modalités d’application de cette disposition à un décret en Conseil d’État.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Vous auriez pu nous coincer, monsieur le rapporteur, en nous rappelant que le programme de notre candidat à la présidentielle prévoyait de créer des greffiers de police. Or si les magistrats ont comparé, à juste titre, vos assistants d’enquête à des assistants de justice, c’est parce qu’ils n’ont rien du greffier de justice, malheureusement. Le rôle du greffier est de s’assurer du respect de la procédure, non pas d’agir à la place du magistrat. Les greffiers de police du programme de la Nupes se seraient assurés que les OPJ accomplissent correctement les tâches qui leur incombent mais ne les auraient pas suppléés ! Nous ne sommes pas d’accord, et le Conseil supérieur de la magistrature non plus, pour décharger les OPJ sur les assistants d’enquête de ces tâches qui n’ont de formelles que le nom. C’est à l’OPJ de rappeler leurs droits aux personnes mises en cause, pas à l’assistant d’enquête. L’OPJ ne doit pas se cantonner au rôle purement répressif de l’enquêteur. Ses pouvoirs d’investigation ne doivent pas lui faire oublier qu’il est aussi le garant des libertés publiques et des droits fondamentaux.

Dans les quinze jours qui nous restent d’ici le passage du texte en séance publique, nous vous proposerons une réécriture de l’article pour installer un véritable greffe de police. Si vous voulez augmenter le nombre d’enquêteurs, formez des OPJ !

La commission rejette les amendements.

Amendement CL378 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry (RN). L’amendement tend à n’accorder la fonction d’assistant d’enquête qu’aux seuls agents de police judiciaire adjoints de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

En effet, ces fonctionnaires sont placés sous les ordres d’un OPJ. De surcroît, des agents de police judiciaire adjoints sont présents dans les commissariats et les brigades de gendarmerie vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Ils assistent déjà les OPJ dans l’accomplissement de tâches liées à la conduite de la procédure, en particulier celle de la garde à vue, et ils sont bien souvent les rédacteurs de certains actes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à ce que nous recrutions les assistants d’enquête parmi les personnels administratifs. Non seulement vous les priveriez de l’opportunité d’évoluer dans leur carrière mais surtout, vous videriez de son sens notre disposition qui vise précisément à permettre aux APJA de se concentrer sur d’autres missions que les tâches formelles.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les prérogatives que l’article prévoit de conférer aux assistants d’enquête ressemblent étrangement à celles des APJ régis par l’article 20 du code de procédure pénale, c’est-à-dire des gardiens de la paix qui n’ont pas réussi le module OPJ. N’auriez-vous pas trouvé là un moyen détourné de disposer d’APJ à moindre coût ? Je le pense d’autant plus que lorsque je faisais partie du personnel administratif de la police nationale, j’avais moi-même proposé d’élargir le champ des missions de ces personnels, la Cour des comptes ayant, à l’époque, dénombré dans la police plus de 8 000 équivalents temps plein occupés à des tâches purement administratives – ressources humaines, comptabilité, budget, logistique etc.

Il suffirait de recruter 4 000 personnels administratifs pour permettre à 4 000 policiers d’exercer à nouveau leur métier – cette proposition figurait au programme de La France insoumise en 2017 et en 2022. En revanche, l’intérêt de votre dispositif nous échappe, sauf s’il s’agit de créer des APJ qui, sans en avoir le statut et au bout de seulement onze semaines de formation, accompliront les actes de police judiciaire dévolus à l’OPJ. Certes, ils le feront sous le contrôle officiel d’un OPJ mais nous savons tous ce qu’il en sera dans la réalité : l’OPJ se contentera de valider en apposant un tampon !

La question s’était déjà posée pour la réserve opérationnelle de la police. Nous n’y étions pas opposés à condition que les citoyens bénéficient d’une véritable formation. Celle-ci s’est réduite à dix jours.

Votre dispositif créera davantage de problèmes qu’il n’en résoudra.

M. Romain Baubry (RN). Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à l’attribution de la fonction d’assistant d’enquête aux agents de police judiciaire adjoints. Ils sont déjà présents dans les commissariats et les équipages police secours, même la nuit, et rédigent certains actes d’enquête bien que leurs prérogatives soient limitées. Cette mesure pragmatique et efficace aiderait les OPJ dans le déroulement des gardes à vue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL382 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Dans le même esprit, il s’agit d’ajouter les agents de police judiciaire adjoints aux agents administratifs de catégorie B parmi les personnels pouvant être recrutés comme assistants d’enquête.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL383 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il précise que la formation des assistants d’enquête est effectuée par des OPJ, qui peuvent être déjà formateurs en école de police. Il s’agit d’assurer la cohérence de la formation entre théorie et pratique et d’apporter une culture policière pour enrichir les connaissances de l’assistant d’enquête.

M. Florent Boudié, rapporteur. La formation comprend des modules théoriques assurés par des formateurs spécialisés, par exemple sur les logiciels utilisés, et des modules pratiques, encadrés par des OPJ. L’amendement est donc satisfait.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Romain Baubry (RN). Où figure cette information dans le texte ?

M. Florent Boudié, rapporteur. Fort heureusement, la loi ne comprend pas les modules de formation des assistants d’enquête, ni les horaires, mais je vous fournirai les éléments que j’ai reçus.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL440 de M. Florent Boudié.

Amendement CL169 de M. Roger Vicot et CL643 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit de supprimer l’alinéa 21, pour retirer du périmètre de compétences des assistants d’enquête celle tenant à la notification de ses droits à la victime.

S’agissant du rôle des assistants d’enquête, il y a un gouffre entre la description initiale du ministre, un peu méprisante – soulager les OPJ des tâches administratives, « faire les photocopies » – et le projet de loi, qui les autoriserait à procéder aux transcriptions des enregistrements téléphoniques.

Dans son avis, le Conseil d’État s’est d’ailleurs opposé à « leur donner compétence pour procéder aux transcriptions des enregistrements, […] considérant que ces opérations qui exigent que ne soient retranscrits que les ‟éléments utiles à la manifestation de la vérité” doivent rester de la compétence des officiers de police judiciaire, ou des agents de police judiciaire agissant sous leur responsabilité ».

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). L’amendement de M. Iordanoff vise à retirer aux assistants d’enquête la prérogative tenant à l’envoi des convocations en justice décidées par le parquet.

Selon le ministre, leur mission serait de seconder les officiers et agents de police judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions. Or le texte autorise les assistants d’enquête à procéder à des transcriptions d’enregistrements, ce qui exige expérience et discernement, car seuls les éléments utiles à la manifestation de la vérité doivent être retranscrits. Ces prérogatives doivent à l’évidence rester de la compétence des officiers et des agents de police judiciaire. Le Conseil d’État a été formel sur ce point dans son avis du 10 mars 2022.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les modalités d’application feront l’objet d’un décret en Conseil d’État, qui tiendra certainement compte des remarques formulées dans son propre avis. L’amendement adopté par le Sénat apporte donc des garanties importantes.

Quant aux « photocopies », sans me faire l’interprète du ministre de l’intérieur, je crois qu’il entend que seuls les OPJ et les APJ auront accès aux enregistrements et sélectionneront en amont les passages nécessaires à la manifestation de la vérité, qu’ils confieront pour transcription formelle aux assistants d’enquête.

Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il est inquiétant qu’un décret en Conseil d’État puisse prendre en considération l’avis et non les dispositions d’une loi. Le législateur ne peut s’en satisfaire. C’est pourquoi j’ai proposé qu’une plateforme recense les propositions de décrets en Conseil d’État, afin d’en effectuer le suivi.

Concernant les assistants d’enquête, il faut retirer de leurs prérogatives la transcription des enregistrements, car c’est un travail délicat et invérifiable. Une fois la transcription réalisée, l’OPJ ou l’APJ ne reviendra pas à l’enregistrement. La manifestation de la vérité pourrait être difficile à établir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL208 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il vise à soumettre à une consultation ouverte le projet de décret en Conseil d’État, dans un souci de transparence. Mettre un tel texte sur une plateforme numérique est une façon pour le Conseil d’État de se dégager des lobbies et, le cas échéant, de faire valoir notre point de vue, sans l’imposer au Gouvernement.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai beau chercher, je ne vois pas de quels lobbies vous parlez. La procédure que vous proposez introduirait de la rigidité, alors que nous devons apporter une réponse forte et rapide au formalisme qui, parfois, submerge les officiers de police judiciaire.

Quant aux garanties de droit, la procédure la plus élevée, à savoir le décret en Conseil d’État, devrait être de nature à vous rassurer.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je ne suis pas du tout rassurée. Le décret en Conseil d’État s’appuiera sur un dispositif législatif qui, si nos amendements sont rejetés, maintiendra la transcription dans les prérogatives des assistants d’enquête.

Nous viendrons à la publication du décret en Conseil d’État, car c’est une nécessité. Le Gouvernement doit faciliter le suivi de la loi, et poster les décrets sur une plateforme numérique, comme il le fait en matière d’environnement.

Quant à la rapidité avec laquelle le décret en Conseil d’État doit être publié, nous aimerions la constater plus souvent. En tout cas, la consultation ouverte ne rallonge en rien le délai dans lequel le décret peut être publié.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’avis du Conseil d’État soulève une difficulté en ce qui concerne les transcriptions d’enregistrements. L’amendement du sénateur Alain Richard règle cette question à travers le décret en Conseil d’État, ce qui n’était prévu ni dans le texte du Gouvernement ni dans celui de la commission. Il apporte de fortes garanties sur l’encadrement que le Conseil d’État ne manquera pas de préciser dans son décret, dans les prochains mois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL645 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli vise à tester dans huit départements, pour une durée de deux ans, la possibilité de confier aux assistants d’enquête la transcription des enregistrements, prévue aux articles 100-5 et 706-95-18 du code de procédure pénale.

Compte tenu de leur portée sur les droits et libertés de nos concitoyens, ces prérogatives doivent rester une compétence des officiers et agents de police judiciaire – le Conseil d’État l’a dit dans son avis. Il ne semble pas raisonnable de généraliser le dispositif sans évaluation préalable. Nous proposons ainsi de rendre cette prérogative expérimentale. Un décret en Conseil d’État déterminera la liste des huit départements concernés et les modalités d’application de l’expérimentation. Au plus tard un mois avant son terme, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation afin de déterminer les conditions d’une éventuelle généralisation.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il faudra être vigilant au déploiement du dispositif. Le Sénat a émis l’idée d’une évaluation sans plus de précisions. Pour clarifier le dispositif, j’ai déposé un amendement afin qu’au bout de trois ans, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les assistants d’enquête.

Je suis donc défavorable à une expérimentation, mais nous pouvons nous retrouver sur une évaluation du dispositif, que je propose dans l’amendement suivant.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL470 de M. Florent Boudié et CL30 de M. Romain Baubry (discussion commune).

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit de l’amendement que je viens de mentionner.

M. Romain Baubry (RN). Par cet amendement, je demande que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la loi, un rapport dressant le bilan de la création du statut d’assistant d’enquête. Dans la mesure où son efficacité se révélera très vite dans les services, attendre jusqu’au 1er janvier 2026, comme le propose le rapporteur, est trop long.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il aurait été plus sage de mener une expérimentation dans quelques départements, car des missions importantes vont être confiées aux assistants d’enquête. Les rapports fournis par le ministère de l’intérieur laissent parfois à désirer – celui sur les caméras-piétons consistait en un satisfecit de sept pages à partir de vagues remontées du terrain. Il est dommage que l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice ne puisse plus nous renseigner sur les changements introduits.

Je trouve dommage de ne pas envisager la belle création que pourrait être celle d’un greffe de police. Avant 1995, dans les groupes d’enquête, un OPJ endossait le rôle du procédurier, pour éviter les nullités et garantir l’équilibre des droits et le respect des principes fondamentaux. C’est cette fonction que pourrait remplir un greffier.

La commission adopte l’amendement CL470.

En conséquence, l’amendement CL30 tombe ainsi que l’amendement CL471 de M. Florent Boudié.

Amendement CL386 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il vise à faire bénéficier les agents de police judiciaire adjoints de la police nationale et de la gendarmerie nationale d’une formation équivalente à celle des agents administratifs de catégorie B. S’il s’agit d’apporter une réponse « forte et rapide » aux besoins des officiers de police judiciaire, je ne comprends pas que vous refusiez d’y inclure les agents de police judiciaire adjoints, qui sont déjà en nombre dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, et qui pourraient aider rapidement les officiers de police judiciaire dans leurs actes de procédure.

M. Florent Boudié, rapporteur. Même avis défavorable que précédemment.

Mme Caroline Fiat (LFI-NUPES). Les agents du ministère de l’intérieur n’ont pas tous le brevet de secourisme. Je profite de cet amendement pour demander qu’une formation aux premiers secours soit prévue.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Article 10 bis (nouveau) (art. 20 du code de procédure pénale) : Donner la qualité d’agents de police judiciaire à tous les militaires de la gendarmerie, autres que les OPJ et les réservistes

Amendement de suppression CL304 de Mme Élisa Martin.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Aucun élève, de la police ou de la gendarmerie, ne devrait recevoir la qualification d’agent de police judiciaire. Cette fonction si spécifique d’investigation, que le Gouvernement souhaite renforcer, doit être préservée. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’article 10 bis.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les élèves officiers ont déjà exercé des fonctions d’OPJ, en tant que sous-officiers. Ils exercent constamment leurs missions sous l’autorité d’un OPJ. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL200 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). L’amendement tend à retirer aux élèves officiers stagiaires des services actifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale la qualité d’agent de police judiciaire.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Romain Baubry (RN). La formation des officiers de la police nationale et de la gendarmerie nationale, entrecoupée de périodes sur le terrain, est bien plus longue que celle des gardiens de la paix ou des sous-officiers. Leur interdire de s’exercer à leur fonction d’agent de police judiciaire durant leur formation auprès des gendarmes et policiers d’active est vraiment une mauvaise idée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL305 de M. Ugo Bernalicis.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Il s’agit de retirer la qualité d’agent de police judiciaire aux élèves officiers de la police et aux élèves commissaires. Un étudiant n’est pas destiné à être mis au travail. Dans une situation périlleuse, les jeunes agents pourraient mettre en danger leur vie et celle des autres, comme nous l’avons vu pour les refus d’obtempérer. Il est inutile d’accentuer les risques.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’élève officier suit une année entière de formation, avant d’effectuer des stages : ce n’est qu’au cours de ces stages d’exécution qu’il aura la qualité d’APJ.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 10 bis non modifié.

Article 11 (art. 55‑1, 60, 60‑3, 76‑2, 77‑1, 77‑1‑3, 99‑5, 154‑1, 167, 230-1 et 706‑56 du code de procédure pénale et art. L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs) : Suppression de la procédure de réquisition des services de police technique et scientifique (PTS) par les services de police

Amendement de suppression CL348 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Sous couvert de simplification procédurale, l’article vise à éloigner les enquêteurs du contrôle en temps réel du parquet ou du juge d’instruction. Il donne aux services de police une autonomie excessive par rapport à la saisine initiale du procureur ou du juge. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’article 11.

M. Florent Boudié, rapporteur. Dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de fragrance, une réquisition judiciaire est obligatoire pour solliciter les agents de la police technique et scientifique (PTS), c’est-à-dire des policiers et des gendarmes qui sont déjà sous serment et dont la probité est garantie. Cette seule exigence produit chaque année des centaines de milliers de réquisitions. Si l’autorisation par réquisition et la prestation de serment sont nécessaires en cas d’appel à une tierce personne – un laboratoire privé, par exemple –, est-il bien utile de les multiplier à chaque réquisition d’agents du ministère de l’intérieur ?

Le Sénat a souhaité étendre la suppression des réquisitions à la copie d’un support informatique par la PTS et à l’établissement du profil d’une personne d’après les prélèvements d’empreintes digitales ou papillaires.

Vos arguments ne semblent pas s’appliquer à la situation que recouvre l’article 11.

Avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Personne ne soutient les actes de réquisition inutiles et chronophages, mais il faut se garder de les retirer sans garde-fous. Les procédures servent à préserver la qualité de l’enquête et à limiter l’autonomie des services de police vis-à-vis de la justice. Il y a un penchant à considérer que les procédures gênent l’enquête, alors qu’elles sont l’assurance de sa qualité. C’est pourquoi il faut être rigoureux avec les procédures

M. Jordan Guitton (RN). Nous voterons contre l’amendement de suppression, car nous sommes favorables à la simplification des procédures pour les forces de l’ordre, ce qu’elles revendiquent constamment.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL673, rédactionnel, CL674 et CL675, de précision, et CL676 et CL677, rédactionnels, de M. Florent Boudié.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Article 12 (art. 15‑5 [nouveau] du code de procédure pénale et art. 55 ter [nouveau] du code des douanes) : Réduction des risques de nullité de la procédure en cas de consultation de fichiers de police

Amendements de suppression CL170 de M. Roger Vicot, CL306 de M. Ugo Bernalicis et CL349 de Mme Elsa Faucillon.

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit de conserver l’obligation faite aux agents de produire une preuve de leur habilitation pour chaque consultation d’un traitement. La jurisprudence l’exige, à peine de nullité de la procédure. Par conséquent, nous proposons de supprimer l’article 12, afin que la consultation sans autorisation de fichiers de police ne conduise pas à des atteintes aux droits fondamentaux.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). L’article 12 crée une présomption d’habilitation à consulter les fichiers de police pendant les enquêtes et les instructions. C’est la porte ouverte au contournement de la garantie de protection des données personnelles. L’article vide de leur substance les dispositions spécifiques prévues pour chaque fichier de police, qui liste les personnes habilitées à le consulter ou à en modifier le traitement. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Nous soutenons également la suppression de l’article 12. L’habilitation à accéder à des données sensibles relatives à des personnes présumées innocentes garantit la préservation des droits et libertés fondamentaux. La supprimer, c’est permettre à tout un chacun d’accéder aux fichiers. La facilitation des procédures ne peut s’affranchir de la protection des droits fondamentaux.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’article ne prévoit pas de supprimer ou de remettre en cause l’habilitation pour la consultation des fichiers. Elle demeure obligatoire et est contrôlable à tout moment par le magistrat ou à la demande d’une partie. Simplement, l’absence de mention de l’habilitation dans le dossier de procédure ne peut plus valoir nullité de procédure.

Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Cet article peut réconcilier les Français avec la justice. Les erreurs de procédure ou d’habilitation sont à l’origine d’annulations d’enquêtes qui ont demandé parfois plusieurs mois de travail – certains avocats sont des spécialistes de la virgule. Cela n’a rien à avoir avec le droit et n’a aucun sens.

Comme toujours, la France insoumise veut désarmer la police et l’État. Pourtant, il ne s’agit pas de permettre à n’importe qui de consulter un fichier ; il s’agit de faire gagner du temps aux enquêteurs et aux policiers, empêtrés dans la paperasse du matin au soir, et qui n’ont pas le temps d’être sur le terrain et d’écouter les victimes.

Cet article est de bon sens et le supprimer serait parfaitement incompréhensible.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je trouve dommage qu’en 2022, le numéro d’habilitation d’un agent du ministère de l’intérieur – qui dispose désormais d’une carte à puce – ne puisse pas être directement incrémenté dans le logiciel de rédaction de la procédure. Cela simplifierait la vie de tout le monde et garantirait les droits de chacun.

Avec cet article, vous supprimez une cause de nullité tout en demandant au magistrat de vérifier les habilitations en cas de contestation au moment de l’audience. En pratique, pensez-vous que le magistrat effectuera les vérifications si celles-ci n’emportent plus la nullité de la procédure ? Ne nous racontons pas d’histoire ! Puisqu’il s’agit de faire gagner du temps à tout le monde, il avancera ! C’est habile, mais vous diminuez le niveau de garantie, alors qu’avec une plus grande robustesse informatique, on aurait atteint le même résultat.

Mme Émeline K/Bidi (GDR-NUPES). La vision de M. Schellenberger est navrante, selon laquelle, d’un côté, de bons policiers cherchent à mettre les méchants sous les barreaux et, de l’autre, de méchants avocats cherchent à contourner les règles de procédure. La vie n’est pas noire ou blanche, elle est parfois un peu grise. Si l’on prévoit des règles de procédure et des habilitations, c’est pour qu’elles soient respectées.

« Pas de nullité sans texte », c’est un principe simple en droit pénal. Si l’absence d’habilitation n’est plus une cause de nullité, le principe de l’habilitation ne sera plus respecté, car une règle non sanctionnée n’est pas respectée.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL246 de M. Stéphane Rambaud et amendements CL523 et CL524 de Mme Sandra Regol.

M. Stéphane Rambaud (RN). Que l’absence de mention de l’habilitation n’emporte pas nullité de la procédure est déjà une belle avancée. Le groupe Rassemblement national plaide cependant pour une simplification encore accrue du travail des enquêteurs, donc du code de procédure pénale. L’amendement CL246 vise à supprimer la nécessité d’une habilitation spéciale et individuelle des officiers et agents pour procéder à la consultation de traitements de données dans le cadre des enquêtes et instructions. Par leur formation, leur expérience et leur travail quotidien sur le terrain, ceux-ci présentent déjà toutes les garanties requises. Ils doivent être habilités de façon générale à y procéder.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit d’amendements de repli. Si l’habilitation est requise pour accéder aux fichiers de police, c’est parce qu’ils contiennent des données sensibles, et pour garantir les droits de la défense et le bon déroulement de l’enquête. Très pragmatique, le groupe Écologiste considère qu’il est moins gênant d’éviter les risques de nullité plutôt que de les provoquer. Il propose donc la suppression de la seconde phrase des alinéas 3 et 6, selon laquelle l’absence de mention d’habilitation n’emporte pas la nullité de la procédure.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avec les mêmes arguments qu’avancés précédemment, avis défavorable aux amendements présentés par Mme Regol.

Avis également défavorable à l’amendement de M. Rambaud, avec des arguments exactement inverses.  La présomption légale d’habilitation que certains collègues nous accusent de vouloir créer, c’est le Rassemblement national qui la propose. Nous y sommes défavorables, considérant que l’habilitation ne peut découler uniquement de la loi – ce n’est pas sérieux.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 12 non modifié.

Après l’article 12

Amendement CL707 de M. Ian Boucard et sous-amendement CL762 de M. Florent Boudié.

M. Ian Boucard (LR). Il s’agit d’autoriser le service national des enquêtes d’autorisation de voyage (SNEAV), compétent pour réaliser les contrôles de sécurité renforcés préalables à la délivrance des visas par les autorités consulaires et diplomatiques, à consulter le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) pour les demandes d’autorisation de voyage.

Dans la perspective des Jeux olympiques (JO) de 2024 à Paris, le SNEAV sera amené à effectuer un grand nombre d’enquêtes administratives préalables à la délivrance d’une autorisation de voyage et des visas pour les ressortissants de pays tiers. La consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel du code de procédure pénale, en particulier du TAJ, faciliterait ses enquêtes en permettant de déterminer plus finement si le demandeur présente ou non une menace pour la sécurité nationale ou la sécurité publique.

Le TAJ devrait pouvoir être consulté afin de connaître les antécédents judiciaires du demandeur en France et d’apporter des informations complémentaires à la suite du constat de l’inscription du demandeur au fichier des personnes recherchées – par exemple en cas d’inscription liée à des interdictions judiciaires. Cet accès serait fort utile aux agents des douanes dans l’exercice de leur mission, en cas de risque d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens.

M. Florent Boudié, rapporteur. En l’état du droit, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) vit une situation similaire puisqu’elle ne peut consulter le TAJ qu’en matière de prévention du terrorisme, mais pas en matière de criminalité organisée.

Je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Par principe, je ne suis jamais enthousiaste quand on cherche à étendre les droits d’accès à un fichier, et surtout au TAJ, monstre au sein duquel on retrouve plus de 15 % de la population française – il suffit de porter plainte ou d’être considéré comme victime pour s’y retrouver.

Vous parlez des JO, mais ne doit-on pas examiner un texte spécifique ? Que restera-t-il à y mettre si tout est dans la Lopmi ? En l’espèce, l’article 45 de la Constitution me semble avoir été appliqué de façon assez légère. Au détour d’un article additionnel assez technique, le rapporteur présente un sous-amendement visant à autoriser la DGSI à avoir accès aux mêmes informations. Outre qu’elle a déjà accès à de très nombreux fichiers, le TAJ n’est pas forcément le plus pertinent pour se faire une idée d’une personne. Quel objectif visez-vous ? Ne le sachant pas, nous nous opposons au sous-amendement et à l’amendement.

M. le président Sacha Houlié. Dans ses fonctions de renseignement, il est légitime que la DGSI puisse avoir accès aux informations inscrites au TAJ en matière de criminalité organisée. Sachant que cette dernière finance le terrorisme, il est surprenant que le chef de file de la lutte antiterroriste n’ait pas accès à ces informations.

S’agissant de votre remarque sur la recevabilité de l’amendement, j’ai accepté tous les amendements qui avaient un lien avec la consultation des fichiers – et c’en est un. Je note que vous m’invitez à être plus sévère la prochaine fois. Je retiens vos encouragements !

M. Ian Boucard (LR). J’ai pris l’exemple des JO parce qu’ils vont engendrer un afflux des demandes d’autorisations de voyage, mais notre groupe estime que le SNEAV devrait avoir accès au TAJ en permanence – c’est également l’avis du rapporteur, semble-t-il. J’accepte bien volontiers son sous-amendement puisqu’il renforce le dispositif de notre amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Article 13 (art. 7711 du code de procédure pénale) : Extension des autorisations générales de réquisitions

Amendements de suppression CL307 de Mme Raquel Garrido, CL350 de Mme Elsa Faucillon, CL521 de Mme Sandra Regol et CL646 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’article 13 qui prévoit d’étendre les autorisations générales de réquisition. Certes, le manque de procureurs de la République et de moyens pour la justice rend pénible de faire des réquisitions pour chaque point d’une enquête, et il est tentant d’autoriser les enquêteurs à fouiller dans tout ce qu’ils veulent, comme ils veulent. Mais ces autorisations larges de réquisition sont aussi des puits sans fond de cause de nullité. Il serait donc de bonne administration de la justice de ne pas les autoriser car, au final, le procureur de la République ne conduit plus l’enquête et ne la contrôle pas davantage, ce qui pose un problème démocratique

Mme Émeline K/Bidi (GDR-NUPES). Nous soutenons également la suppression de l’article 13, car il vise, encore une fois, à éloigner le juge de l’enquête et du contrôle qu’il peut en avoir. Ce n’est pas anodin. Le manque cruel de magistrats du parquet relevé à l’occasion de l’examen du budget de la justice pour 2023, vous le gérez en faisant en sorte que les juges aient moins de boulot et les policiers une marge de manœuvre beaucoup plus importante – la question n’est pas la simplification des procédures.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Remise de données personnelles ou d’immatriculation, enregistrements issus d’un système de vidéoprotection, titres de séjour ou autre fourniture de listes de salariés, le champ des autorisations générales ne cesse de s’étendre. Dans son avis du 10 mars dernier, le Conseil d’État exprime son inquiétude face à « une évolution qui, de proche en proche, traduit une certaine érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet ». C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 13.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le Conseil d’État n’a pas formulé d’objections juridiques, il a seulement fait des remarques. Le dispositif me semble cadré puisque les réquisitions générales sont étendues à cinq cas, avec des garanties : elles sont limitées à six mois ; elles ne concernent que les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement ; les infractions doivent être limitativement énumérées dans l’instruction ; le procureur de la République doit être avisé de chacune des réquisitions – le Conseil d’État avait formulé une remarque sur ce point.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le rapporteur semble pétri de bons sentiments – tout comme le Gouvernement. Mais la vérité, c’est que les procureurs deviennent des assistants d’enquête, réduits à recevoir des réquisitions et à tamponner des pages, sous la pression des services enquêteurs. Ils n’ont plus de contrôle sur grand-chose, nous disent-ils. J’en ai encore eu le témoignage avec la procureure de Beauvais, que nous avons rencontrée la semaine dernière pour les besoins des travaux de la mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale.

Les enquêtes d’initiative, tous les services de police les trouvent géniales, mais pas les procureurs. Ils en sont informés plus souvent a posteriori qu’en temps réel et se retrouvent à devoir juger en comparution immédiate sept à quinze personnes supplémentaires, quand ils avaient déjà douze affaires à traiter. Quand les audiences se terminent à 3 heures du matin, qui va prendre le temps de vérifier que l’habilitation de réquisition générale est légale ou les policiers bien habilités à accéder aux fichiers ? À la fin, on ne contrôle plus rien, sans compter que les officiers de police judiciaire n’ont pas le niveau de qualification qu’on est en droit d’attendre d’eux. C’est du délire !

La commission rejette les amendements.

Amendement CL647 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). C’est un amendement de repli visant à ce que l’extension du champ des autorisations générales accordées aux enquêteurs par le procureur de la République soit expérimentée afin d’en apprécier l’intérêt et d’en évaluer les risques avant d’en envisager la généralisation. C’est pourquoi, le groupe Écologiste propose de la tester dans certaines parties du territoire et pour une durée limitée.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées. Je suis, en revanche, favorable à l’évaluation. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement de M. Vicot, que je me propose de sous-amender.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL142 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). Si le projet de loi permet aux policiers de réquisitionner plus aisément les images de caméras de vidéosurveillance, c’est pour leur donner tous les moyens de retrouver les auteurs d’une infraction. Il serait donc logique de leur permettre de saisir également les images captées par des caméras situées dans les lieux publics, mais aussi celles des appareils appartenant à des particuliers. Or vous avez supprimé cette possibilité, que nous nous proposons de rétablir.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable. L’alinéa 3 de l’article vise bien tous les lieux, publics et privés, sans distinction.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL678, de cohérence, et CL679, rédactionnel, de M. Florent Boudié.

Amendement CL171 de M. Roger Vicot et sous-amendement CL763 de M. Florent Boudié.

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement, dans les trois mois suivant la publication de la loi, une évaluation des extensions des autorisations générales de réquisition du procureur de la République. Nous nous appuyons sur les remarques du Conseil d’État, qui parle d’érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet, tout en s’interrogeant sur l’intérêt pratique et le gain réel de temps de ces autorisations générales de réquisitions.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le Conseil d’État estime qu’un bilan est nécessaire après une durée de mise en œuvre « suffisante ». C’est pourquoi j’ai sous-amendé votre proposition, afin d’obtenir le rapport dans les deux ans suivant la publication de la loi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 13 modifié.

Article 13 bis (nouveau) (art. 57‑1, 74, 78‑3, 97‑1, 99‑4, 99‑5, 100‑3, 100‑4 et 706‑56 du code de procédure pénale, art. L. 813‑5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Extension des prérogatives des agents de police judiciaire sous le contrôle des officiers de police judiciaire

Amendements de suppression CL351 de Mme Elsa Faucillon, CL520 de Mme Sandra Regol et CL648 de M. Jérémie Iordanoff.

Mme Émeline K/Bidi (GDR-NUPES). L’article 13 bis vise à confier aux APJ des compétences jusqu’alors exercées par les OPJ. Nous dénonçons ce nivellement par le bas lié au manque de personnels – magistrats et officiers de police judiciaire. Embauchez et donnez les moyens à la justice de travailler, plutôt que de fragiliser les procédures et les droits fondamentaux !

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Les compétences nouvellement conférées aux APJ créent de la confusion en raison de leur proximité avec celles des OPJ, pourtant davantage expérimentés et formés. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable. Au contraire, l’extension des prérogatives des APJ est conforme à notre souhait de renforcer la filière investigation. Désormais, ils pourront, par exemple, réaliser les actes matériels de constatation de mort ou de blessures graves d’origine inconnue ou suspecte.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL680 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit de compléter un oubli concernant les enquêtes préliminaires, par coordination avec les nouvelles prérogatives des APJ.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement CL681 de coordination de M. Florent Boudié.

La commission adopte l’article 13 bis modifié.

Article 14 (art. 313‑5, 322‑1, 322-2, 322-3, 322-15 et 431‑22 du code pénal, art. L. 2242‑4, L. 3124-4, L. 3124-7, L. 3124-12 et L. 3315‑4 du code des transports, art. L. 215‑2 et L. 215‑2‑1 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 233-2 et L. 318-3 du code de la route, art. L. 322-5 du code du sport, art. L. 554-12 du code de l’environnement et art. 495-24-2 [nouveau] du code de procédure pénale) : Généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour tous les délits punis d’une seule peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement au plus

Amendements de suppression CL308 de Mme Élisa Martin, CL352 de Mme Elsa Faucillon et CL504 de Mme Sandra Regol.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’article 14 qui instaure de nombreuses amendes forfaitaires délictuelles (AFD), les délits concernés étant désormais gérés par la police et ne faisant plus l’objet d’un jugement. Cela pose de nombreux problèmes, notamment en termes de respect du contradictoire et de la présomption d’innocence, d’individualisation des peines, etc.

En outre, les délits concernés sont souvent commis par des personnes en difficulté financière. C’est le cas du délit de filouterie ou des occupations militantes, par exemple de lieux d’études tels que les lycées.

Enfin, les AFD posent des problèmes concrets de mise en œuvre puisque trois magistrats doivent traiter les 230 000 amendes forfaitaires délictuelles annuelles, ce qui représente 76 666 AFD chacun par an, 326 par jour travaillé ou 40 par heure. L’objectif est-il de remplacer les magistrats par des machines ?

Tout cela manque de cohérence, d’autant que certaines amendes sont moins élevées que d’autres, alors qu’elles visent des délits plus graves.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Certes, le Sénat en a réduit le champ, mais nous restons opposés à l’élargissement du recours aux AFD, car la procédure est inéquitable et profondément arbitraire. Ce type d’amende s’apparente à une peine automatique, dont l’application risque d’être périlleuse : sans recours effectif au juge, sans accès à la défense, elle alimente le sentiment d’injustice.

Nous ne défendons pas les principes qui garantissent l’équité pour leur grandeur, mais parce qu’ils contribuent à créer un climat de confiance. Dans une période où les institutions sont décriées et où le rapport à la police est déjà très compliqué, notamment là où elle va être amenée à les appliquer, les AFD apparaissent comme à contre-courant de la légitimité qui se gagne et du respect du droit pour tous.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le projet de loi nous promet de faire tomber les murs entre les forces de l’ordre et la population, de restaurer la confiance et de recréer du lien. Les AFD sont certes déjà en usage et censées simplifier les choses, mais la réalité c’est qu’elles accentuent surtout les inégalités devant la justice et alimentent la confusion entre les prérogatives de la police et celles de la justice. Cela déjà devrait nous alerter. Elles comportent aussi une faculté d’industrialiser des procédures pourtant nécessaires, et qui demandent un peu de recul, voire du jugement – celui de la justice justement.

On est bien loin de ce que ce texte est censé incarner – en tout cas de ce que les communiqués de presse, les allocutions et les discours nous font miroiter. Peut-être est-il temps de mettre discours et actes en cohérence.

M. Florent Boudié, rapporteur. Monsieur Léaument, vos propos frisent la malhonnêteté intellectuelle : vous indiquez que les trois magistrats de Rennes sont chargés de toutes les AFD alors qu’ils ne gèrent que les contestations !

Je rappelle que les AFD ont été créées par une loi de 2016 et que, dans sa version initiale, le projet Lopmi prévoyait 3 400 infractions potentiellement concernées. Nous sommes passés à quatorze nouvelles infractions, en plus des onze existantes. Les infractions visées sont objectivables, simples d’analyse. La base est donc saine et plutôt prudente.

Aux cours des auditions, nous avons constaté que la contestation des AFD n’est pas simple, du fait en particulier de la consignation. Je souhaite lever ce verrou afin que la consignation soit évaluée par le magistrat au regard des ressources du contrevenant et je vous proposerai un amendement.

Enfin, une évaluation très précise des AFD est nécessaire, car beaucoup ont été créées en quelques années. Le Gouvernement souhaitait en créer énormément et les généraliser ; le Sénat a une position plus modérée – c’est aussi la mienne. Je proposerai qu’une évaluation complète du dispositif soit conduite après trois ans d’application, afin d’en mesurer les avantages et les inconvénients. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL399 de M. Antoine Léaument.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous proposons d’abroger l’article 495-17 du code de procédure pénale, qui prévoit l’extinction de l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle.

L’AFD, c’est le carnet à souche. L’activité principale des agents de police va désormais consister à mettre des amendes à la chaîne pour répondre aux objectifs de rendement du ministère, essentiellement pour consommation de cannabis au pied des immeubles. Les contrevenants étant insolvables, ils ne pourront pas payer les amendes qui pleuvront sur eux et celles-ci n’auront aucun effet pédagogique sur ces fumeurs compulsifs. Par ailleurs, c’est une manière de détourner nos forces de l’ordre de leur mission principale, qui est d’assurer la sécurité publique.

Cette procédure d’amende forfaitaire délictuelle est un recul pour les droits des citoyens, un recul pour l’autorité judiciaire et, in fine, elle est un danger pour notre équilibre démocratique. Il faut que chacun ait conscience des risques de dérive d’une procédure qui vise une répression accrue et un contrôle des politiques pénales. Le Gouvernement pourra également évoquer l’AFD pour montrer, en période électorale, qu’il a fait tout son possible pour lutter contre les petits voyous des rues.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Elisa Martin (LFI-NUPES). Vous proposez l’élargissement du champ de l’AFD, alors que le Conseil d’État a émis des réserves sur son principe même. Le policier, dans cette situation, est à la fois enquêteur et juge, ce qui est contraire à tous nos principes. La victime n’existe plus ; il n’y a pas d’enquête ; pour la personne mise en cause, le droit de la défense n’est pas respecté. Ajoutons à cela que le taux de recouvrement de l’AFD est très faible.

Il est clair que l’AFD vise à écarter un certain type de personnes de l’espace public. Quelles seront ses conséquences pour les jeunes gens qui accumulent les amendes, surtout si, comme j’ai cru le comprendre, on envisage aussi une retenue sur salaire ?

Quelle est l’efficacité de l’AFD en matière de lutte contre la délinquance ? C’est la question qu’il faudrait se poser avant de songer à en étendre le champ. Et puis, souhaite-t-on que le travail du policier se limite à utiliser une tablette, à faire du fichage et à mettre des amendes ?

M. Philippe Gosselin (LR). Les AFD ne sont pas une création de cette loi de programmation et personne n’a la naïveté de penser qu’elles sont l’alpha et l’oméga de la politique pénale. C’est une mesure de simplification qui doit éviter l’embolisation du système tout en rendant chacun comptable des conséquences de ses agissements. Avant d’envisager une généralisation du dispositif, il semble sage de l’évaluer, mais je ne vois aucune raison de supprimer ces AFD, qui ont déjà fait leurs preuves et qui ont l’intérêt de rappeler un certain nombre de principes.

Mme Blandine Brocard (Dem). Les AFD ne peuvent pas régler tous les problèmes, mais elles sont utiles. J’ai souvent accompagné les « nuiteux » : ils apprécient la réponse immédiate qu’elles leur permettent d’apporter à certains actes répréhensibles, comme le fait de fumer des stupéfiants sur la voie publique.

M. le président Sacha Houlié. Dans les opérations de pilonnage des points de deal, l’AFD sert d’abord à maintenir l’ordre public, puisqu’on occupe le terrain avec des CRS qui viennent en renfort des agents. Par ailleurs, une grande partie des verbalisations concerne des consommateurs, c’est-à-dire des personnes qui bénéficiaient jusqu’ici d’une impunité totale. C’est donc une façon de s’attaquer non seulement à l’offre, mais aussi à la demande du trafic de stupéfiants. Les consommateurs ne sont pas toujours des personnes défavorisées, tant s’en faut. Il suffit de faire le tour des stades de football à Saint-Ouen pour le constater.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL682 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je propose d’étendre la procédure de l’AFD au délit de vente au déballage – un autre délit objectivable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CL173 de M. Roger Vicot et CL309 de M. Ugo Bernalicis.

M. Roger Vicot (SOC). Contrairement à ce qui a été dit, les AFD n’ont pas fait leurs preuves pour certains délits. Si l’on prend les mineurs qui consomment du cannabis, le taux de recouvrement des amendes est particulièrement faible, pour ne pas dire ridicule.

Nous proposons de limiter la procédure de l’AFD aux délits qui n’impliquent pas de victimes. Dès lors qu’il y a une victime, il importe que le délit donne lieu à des poursuites pénales et à une constitution de partie civile.

L’AFD n’est pas non plus adaptée au délit de filouterie visé aux alinéas 3 et 4, dont nous demandons la suppression. Si une personne se fait servir des boissons ou des aliments en sachant qu’elle est dans l’impossibilité de payer, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la peine, selon que l’acte était guidé par la faim ou pas.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Claire Hédon, la Défenseure des droits, nous a alertés sur le fait qu’avec l’AFD, le recours est très complexe, quasiment impossible. Décidément, nous sommes, en France, les champions de l’évaluation tardive : nous allons procéder à une extension des AFD sans les avoir évaluées, tout comme nous allons généraliser au pays entier l’expérimentation menée dans les outre-mer de la réforme de la PJ.

Pour ce qui est de la filouterie – le fait par une personne qui sait être dans l’impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer de se faire servir de la nourriture, du carburant, ou de se faire transporter, par exemple –, Claire Hédon a souligné l’aspect discriminatoire des AFD. Ces dernières seront une charge atroce pour les plus précaires de nos concitoyens : ils n’auront pas les moyens de payer et plongeront dans une misère sociale encore plus grave.

Les peines doivent être individualisées, car certaines situations peuvent malheureusement justifier que quelqu’un se fasse servir à boire, même s’il n’a pas les moyens de payer. Nous dénonçons l’extension par le Sénat du champ des amendes forfaitaires.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai essayé d’apporter une réponse aux remarques de la Défenseure des droits à travers la consignation. Je crois vraiment qu’en s’en tenant à des infractions clairement objectivables, il n’y a pas de problème.

Pour revenir à la filouterie, il faut aussi pouvoir traiter le cas d’une personne qui s’installe dans un restaurant et commande un menu tout en sachant qu’elle ne paiera pas, non pas parce qu’elle est dans l’impossibilité de le faire, mais parce qu’elle ne veut pas payer. Dans une telle situation, l’AFD sera tout à fait adaptée.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Plus la discussion avance et plus il est clair que votre position est purement idéologique, même si vous vous dites pragmatiques – on peine à le croire quand vous avancez pour preuve que l’amende marche le fait qu’on en donne. En réalité, vous êtes en train de refaire la politique du chiffre, qui participe à exacerber le sentiment de la perte de sens du métier chez nombre de gardiens de la paix. Vous leur demandez d’aligner les amendes, dont ils savent pertinemment que personne ne les paiera. Partout, les commissaires et les officiers le disent clairement : ce qu’ils font n’a pas de sens, mais il faut le faire, à cause de la politique du chiffre.

Personne n’a pu nous donner de chiffres sur ce que rapporte l’AFD et sur ses effets en matière de délinquance. Votre idéologie est délétère : elle n’apporte rien à la personne sanctionnée, que vous voulez seulement punir ; elle n’apporte rien non plus à la police républicaine.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Dans le délit de filouterie, il faut distinguer l’élément intentionnel – la personne sait qu’elle ne paiera pas – et le mobile, par exemple la faim. Cette dernière relève de l’état de nécessité, qui peut conduire à ce que l’infraction ne soit pas retenue, ce que seul un juge peut apprécier. Or, avec l’amende forfaitaire, il n’y a pas d’intervention du juge et on déshumanise complètement le droit.

M. le président Sacha Houlié. Madame Obono, nous n’avons pas parlé aux mêmes policiers. Ceux que j’ai rencontrés disent que les AFD permettent de sanctionner des délits qui ne l’étaient pas jusqu’à présent. Tous louent leur efficacité pour lutter contre les consommateurs qui viennent se fournir dans les cités et contribuent à alimenter le trafic. Je ne sais pas qui est idéologue dans ce débat, mais nous acceptons d’être les idéologues de la lutte contre l’impunité.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL683 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il est proposé que l’amende forfaitaire délictuelle s’applique également en cas de récidive, dans les cas visés par l’article 14.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL506 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’information, c’est le pouvoir. Puisque nous n’avons pas réussi à vous convaincre d’abandonner la procédure d’AFD, ou de la modifier, nous demandons de systématiser le rappel des droits de recours contre les AFD. Même s’il n’y a pas de tribunal, chacun a des droits et il faut les rappeler. Mes amendements CL507, CL508, CL505, CL510, CL511 et CL513 ont le même objet.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement et à le retravailler. Je suis d’accord pour que l’on réfléchisse à cette question, même si elle relève du domaine réglementaire. Au moment de la verbalisation, le rappel des droits a déjà lieu, mais si cela peut vous rassurer, je ne vois pas d’inconvénient à le repréciser. Nous pouvons y travailler d’ici à la séance, en visant plutôt le code de procédure pénale.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Si vous vouliez vraiment avancer sur ce sujet, vous pourriez au moins repêcher l’un de mes sept amendements.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL639 de M. Romain Baubry, CL174 de M. Roger Vicot, CL275 de Mme Pascale Bordes et CL175 de M. Roger Vicot (discussion commune).

M. Romain Baubry (RN). L’AFD ne devrait pas s’appliquer en cas de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui. Elle rendra très difficile, pour les victimes, de demander réparation et de se porter partie civile.

M. Roger Vicot (SOC). L’AFD ne doit pas s’appliquer en cas de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui. Si quelqu’un se fait taguer sa voiture ou son immeuble, il doit pouvoir se porter partie civile.

Mme Pascale Bordes (RN). Les délits qui sont visés par ces alinéas, à savoir la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui, sont actuellement punis d’une peine d’emprisonnement de deux ans et de 30 000 euros d’amende. Et vous voulez ramener cette peine à 200 euros d’amende ! Ce que vous proposez, c’est une dépénalisation qui ne dit pas son nom. Qui plus est, le taux de recouvrement des AFD étant dérisoire, ces 200 euros ne seront même pas payés, dans la plupart des cas.

La victime est totalement inexistante, puisqu’il n’y a pas de procès pénal. Elle ne sera jamais confrontée à l’auteur des faits, qui ne sera pas puni puisque les amendes ne sont pas payées, et elle ne touchera pas non plus de dommages et intérêts.

M. Roger Vicot (SOC). Nous demandons la suppression des alinéas 9 à 12, qui tendent à appliquer l’AFD à des infractions commises par plusieurs auteurs agissant en tant que complices.

M. Florent Boudié, rapporteur. Madame Bordes, les dégradations lourdes font l’objet de 11 000 condamnations chaque année, et les tags de 900 poursuites pénales. On passera, pour les tags, de 3 750 – et non 30 000 – à 200 euros.

Monsieur Vicot, c’est précisément l’article 14 qui va permettre aux victimes de se constituer partie civile.

Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le dispositif est à la fois pas assez répressif, puisque ces amendes sont peu payées et n’ont pas d’effet sur la délinquance, et trop répressif, parce qu’il supprime la réponse pénale individualisée que pouvait prononcer le magistrat en envoyant l’auteur d’un délit faire un stage, consulter un professionnel de santé ou une assistante sociale – il essayait de s’attaquer aux causes du passage à l’acte.

Lorsque l’AFD a été introduite, on nous a dit qu’elle ne servirait que la première fois, et qu’en cas de récidive, on reviendrait à une procédure classique. Or, avec l’amendement du rapporteur qui vient d’être voté, on pourra aussi utiliser des AFD en cas de récidive. J’ai manqué de vigilance et laissé passer cette filouterie ! Ce dispositif n’aura aucun impact sur la délinquance, puisqu’il ne s’attaque pas à ses causes.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL703 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR). Certains collègues semblent oublier que les amendes forfaitaires délictuelles sanctionnent des délits qui, jusque-là, n’étaient que très rarement punis. Parce que le montant de ces amendes forfaitaires délictuelles nous paraît insuffisant, nous proposons de le doubler et de faire ainsi passer de 200 à 400 euros le montant de l’AFD, de 150 à 300 euros le montant de l’AFD minorée et de 450 à 900 euros le montant de l’AFD majorée, afin de les rendre plus dissuasifs.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je comprends votre démarche mais, en réalité, plus le montant de l’AFD est élevé, moins elle est efficace, car les gens ne la paient pas. Comparativement, le taux de recouvrement de l’AFD, que certains estiment insatisfaisant, est de 37 % en matière de stupéfiants, quand celui des amendes pénales décidées par le juge est inférieur à 40 % – assez proche, finalement. En adoptant votre amendement, on risque de voir ce taux s’effondrer.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) nous a effectivement expliqué que plus le montant de l’amende est élevé, moins elle est payée. Le principe de l’amende, c’est qu’elle est moins élevée si on la paie aussitôt. Souvent, les gens préfèrent payer plus tard, parce qu’ils n’ont pas assez d’argent – mais ils n’en ont pas plus après. Si le montant de l’amende est énorme, ils paieront encore moins.

Si le taux de recouvrement des amendes est aussi faible, c’est peut-être que l’amende n’est pas une solution et que les vertus pédagogiques que vous lui prêtez sont limitées. Et si vous voulez régler la question du cannabis, il faudra peut-être songer à la légalisation, qui a été décidée par plusieurs de nos voisins et qui a des résultats très positifs, notamment en matière de prévention pour la santé.

La commission rejette l’amendement.

Successivement, la commission rejette l’amendement CL507 de Mme Sandra Regol, adopte l’amendement de coordination CL684 de M. Florent Boudié, rejette l’amendement CL508 de Mme Sandra Regol et adopte l’amendement de coordination CL685 de M. Florent Boudié.

Amendement CL176 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Dans le même esprit que mes amendements précédents, il s’agit de supprimer les alinéas 16 et 17, qui rendent l’AFD applicable aux atteintes à la circulation des trains, car celles-ci font des victimes, tant du côté des usagers que des opérateurs de transport.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL505, CL510, CL511 et CL513 de Mme Sandra Regol.

Amendement CL686 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit d’étendre la procédure de l’AFD aux infractions en matière de transport routier.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL687 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit d’étendre la procédure de l’AFD aux infractions en matière de navigation, qui sont très peu nombreuses.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements identiques CL688 de M. Florent Boudié et CL16 de Mme Pascale Bordes corrigeant une erreur matérielle.

Amendement CL689 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit d’étendre la procédure de l’AFD au délit d’entrave à la circulation routière, autre contentieux objectivable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Plusieurs amendements viennent d’être adoptés, qui étendent l’application de l’AFD au blocage des routes et des trains, comme s’il y avait un objectif de dresser des amendes contre des actions politiques, militantes, syndicales, associatives ou citoyennes, et de réprimer davantage les mouvements sociaux.

Il est vrai que le Gouvernement a fait un large usage des amendes de 135 euros contre les gilets jaunes, pour tout et n’importe quoi – un autocollant apposé sur un vêtement suffisait à faire de vous un participant à une manifestation interdite. L’amende, c’est surtout un grand outil de dissuasion pour les gens qui voudraient se mobiliser, une façon de leur dire de ne rien faire et de laisser le Gouvernement veiller sur eux. On s’éloigne quand même du principe de l’AFD tel qu’il nous a été vendu au départ.

Monsieur le rapporteur, je ne vous connaissais pas ce tropisme anti-manif et anti-grève. Avez-vous définitivement renié vos origines politiques ?

M. Ian Boucard (LR). Ces amendements du rapporteur font effectivement écho aux scènes que nous avons vues ces derniers jours, avec des militants associatifs qui bloquent la circulation sur le périphérique et sur l’autoroute. Rappelons quand même que ces actions sont illégales. Si l’AFD peut dissuader ces militants de bloquer les routes, cela permettra peut-être d’éviter un drame. Il se peut qu’un automobiliste se rendant à son travail en toute légalité, n’en puisse plus d’être coincé dans sa voiture et finisse par péter un plomb. Ce sera totalement répréhensible, mais les gens n’en peuvent plus d’être entravés par quelques militants qui ont décidé qu’ils pouvaient bloquer la France entière.

Je suis très favorable à cet amendement. Il faut arrêter de présenter ces personnes comme de sympathiques militants. Je ne peux plus entendre ceux qui disent que ce n’est pas légal, mais que c’est légitime. Au Parlement, on ne peut pas s’asseoir ainsi sur la loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL179 de M. Roger Vicot et CL635 de M. Romain Baubry, amendements CL636 et CL637 de M. Romain Baubry, et CL172 de M. Roger Vicot (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit de limiter le champ des AFD en posant comme principe qu’elles ne sont pas applicables en état de récidive légale – car l’auteur de l’infraction n’a pas perçu le sens pédagogique de la première amende forfaitaire.

M. Romain Baubry (RN). Mes amendements ont le même objet : si un individu récidive alors qu’il a déjà fait l’objet d’une AFD, il doit être traduit devant un tribunal.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’amendement CL172 vise à limiter le champ des AFD aux seuls délits qui n’impliquent pas de victimes. Le paiement de l’amende forfaitaire éteint l’action publique. Que devient alors la victime ? Va-t-elle devoir effectuer un parcours du combattant pour se constituer partie civile ? Nous ne sommes pas hostiles par principe aux AFD, mais il faut réfléchir à la place accordée à la victime.

M. Florent Boudié, rapporteur. La victime est prise en considération par l’alinéa 40 de l’article 14, qui permet à celle-ci de se constituer partie civile.

Avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). J’avais retenu de nos discussions que l’AFD ne pouvait pas s’appliquer en cas de récidive. C’est l’une des conditions posées par notre groupe. Combien de fois un individu en récidive pourra-t-il faire l’objet d’une AFD ? On met le doigt dans un engrenage qui nous éloigne de champ d’application initial du dispositif.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). De toute manière, on s’est fait avoir par l’amendement CL683 du rapporteur, qui rend l’AFD applicable y compris en cas de récidive pour tous les délits visés par l’article 14. Adopter l’amendement de M. Vicot permettrait de contrecarrer ce plan machiavélique et de faire en sorte qu’on ne puisse pas dresser des amendes forfaitaires successivement.

Le problème, avec ce postulat qu’après une première amende le deuxième délit entraîne une procédure pénale classique, c’est que l’objectif réel de l’AFD est de désengorger les tribunaux. En même temps, on nous dit que les délits visés n’étaient pas poursuivis jusqu’à présent : on va donc augmenter le niveau de répression, tout cela échappant au procureur de la République.

Dites-moi si je me trompe, la politique pénale est censée être menée par le ministre de la justice et par les procureurs de la République. En l’espèce, il n’en sera rien pour les AFD infligées par les policiers. Au mieux, les procureurs pourront-ils définir des protocoles pour fixer, par exemple, le seuil de détention de drogue à partir duquel une procédure doit intervenir, mais ils n’auront aucun moyen de vérifier qu’ils sont bien respectés.

Ce n’est ni fait ni à faire ! Soit vous assumez la logique de dépénalisation et de déjudiciarisation. Soit vous constatez qu’il manque des magistrats et vous en recrutez suffisamment. Tout cela n’a plus aucun sens, si ce n’est se faire plaisir.

M. Florent Boudié, rapporteur. Pour lever une confusion, une AFD n’est jamais une condamnation définitive au sens de la récidive. Mon amendement CL683 avait un objectif opérationnel : permettre à l’agent verbalisateur de ne pas avoir à vérifier préalablement s’il existe déjà une condamnation définitive. Sans cela, il serait bloqué et ne pourrait pas infliger cette amende. Je suis disposé à en reparler avec pour vous rassurer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL690 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il s’agit de simplifier la procédure de contestation de l’AFD. L’absence de preuve du paiement de la consignation n’entraînerait plus automatiquement l’irrecevabilité de la demande, dès lors que la personne justifie d’un niveau insuffisant de ressources. Cela répond à l’une des observations formulées par la Défenseure des droits.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). L’intention est bonne mais les modalités ne sont pas précisées.

De toute manière, je suis certain que l’on va tout faire pour que les personnes verbalisées ne contestent pas l’AFD, ce qui rendra inopérant le dispositif proposé par l’amendement. Pour qu’il fonctionne, il faudrait que soient clairement prévus un barème et des conditions objectives. La prévisibilité du droit pénal fait d’ailleurs partie de nos principes constitutionnels. Je ne suis pas certain que le ministre soit d’accord avec votre proposition, car au lieu de simplifier vous construisez une nouvelle usine à gaz.

On voit bien que l’AFD pose un problème par rapport à l’individualisation de la peine mais aussi en raison de ses modalités de contestation – ce que vous reconnaissez avec votre amendement. Mais c’est une béquille pour un dispositif plus que boiteux.

M. Florent Boudié, rapporteur. Comme vous, j’écoute la Défenseure des droits. Elle a indiqué que les conditions liées au paiement préalable de la consignation peuvent être un obstacle pour les personnes dont les revenus sont faibles et qui souhaitent contester une AFD. C’est la raison pour laquelle je propose d’introduire une dispense.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL177 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). L’amendement propose de supprimer l’alinéa 40 de cet article, car il est très dévalorisant pour les victimes. Dans une procédure normale, c’est le procureur de la République qui décide de citer à comparaître l’auteur des faits et qui en informe la victime. Avec l’AFD, c’est la victime qui doit demander au procureur de citer l’auteur des faits afin de pouvoir se constituer partie civile – ce qui suppose qu’elle connaisse parfaitement le code de procédure pénale. C’est d’une immense complexité et c’est une régression pour les victimes.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’adoption de votre amendement empêcherait la victime de faire valoir ses droits. Je suis confus de devoir le dire, mais il aboutit à l’inverse de ce que vous souhaitez.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nos collègues socialistes ont raison de déposer cet amendement, car vous seriez en plus capable de vous donner bonne conscience avec cet alinéa inapplicable.

On connaît bien ce type de garantie de façade, par exemple, le libre choix du service enquêteur. Les magistrats ne cessent de se plaindre du manque d’enquêteurs disponibles, ce qui les empêche en réalité de choisir.

Pour se faire plaisir, on a prévu un truc infaisable pour les victimes. C’est un problème. Autant supprimer cet alinéa, ce sera plus clair.

Pour chaque AFD, il faudrait prévoir d’avertir la victime afin qu’elle puisse se constituer partie civile. Mais cela alourdirait la procédure, ce qui n’est pas votre but.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL618 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Je propose que la victime soit réputée comme se constituant partie civile lors de l’audience à laquelle est convoqué l’auteur des faits, sauf désistement volontaire de sa part. Il s’agit de renforcer les droits des victimes, pour qu’elles ne soient pas les oubliées de la procédure d’AFD.

M. Florent Boudié, rapporteur. La constitution de partie civile est toujours une faculté reconnue à la victime. Avec cet amendement, vous la transformeriez en obligation, et ce uniquement pour la procédure d’AFD.

Je reviens sur les arguments avancés précédemment par Roger Vicot et Ugo Bernalicis. La rédaction retenue pour l’alinéa 40 de cet article reprend très exactement le dispositif de la composition pénale, autre forme de transaction pénale. Nous n’inventons rien. Ce n’est ni délirant, ni inapplicable ; c’est un progrès. M. Vicot voulait le supprimer et M. Baubry entend rendre la constitution de partie civile obligatoire. On s’égare !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Notre groupe va voter contre cet amendement.

Vous êtes placés face à vos propres contradictions. Si l’on souhaite désengorger les tribunaux avec les AFD, il n’est tout simplement pas possible de trouver une solution satisfaisante pour les victimes. L’AFD n’a pas davantage pour objet de résoudre les conflits entre les victimes et les auteurs de délits. Ces derniers ne sont pas traduits devant une juridiction et ne peuvent pas être confrontés aux faits qu’ils ont commis, afin de s’améliorer. Ce n’est pas mieux pour la victime avec le dispositif que vous proposez et qui va alourdir les procédures. Pour notre part, nous sommes cohérents en étant partisans de la légalisation du cannabis.

Nous étions favorables à la suppression de l’alinéa 40 de cet article pour que les victimes soient mieux défendues, dans le cadre d’une procédure judiciaire habituelle.

M. Romain Baubry (RN). Avec notre amendement, la victime dispose toujours de la possibilité de se désister. Si on ne l’adopte pas, on va encore rencontrer des cas où les victimes n’ont même pas été informées de la date d’audience et ne peuvent pas se constituer partie civile. C’est déjà arrivé à des policiers, alors imaginez ce qu’il en est pour des victimes peu au fait des procédures judiciaires.

M. Jean Terlier (RE). Vous proposez de dire que, par principe, quand il y a une infraction il y a une victime qu’il faut indemniser. Mais lorsque l’on s’estime victime, on se constitue partie civile. C’est un acte positif et c’est toujours comme ça. On ne peut pas prévoir qu’une personne soit considérée ipso facto comme victime sans l’avoir demandé, y compris contre son gré. C’est complètement lunaire !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CL620 M. Romain Baubry et CL691 de M. Florent Boudié (discussion commune).

M. Romain Baubry (RN). Il s’agit de renforcer l’information de la victime dans le cadre d’une procédure d’AFD. Le procureur de la République devra lui envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception l’informant de la date d’audience et de son droit de se constituer partie civile.

M. Florent Boudié, rapporteur. Mon amendement est pratiquement identique. Il reprend exactement les termes utilisés pour le dispositif de composition pénale. Nous sommes d’accord sur le constat et sur la solution.

Demande de retrait de l’amendement CL620.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Qu’il s’agisse de la composition pénale, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, voire de la comparution immédiate, tout le monde s’accorde à dire que, même si elle est prévue par la procédure, la place accordée à la victime est inexistante dans la pratique. En matière de composition pénale, personne ne peut affirmer que la victime est bien prévenue, qu’elle se constitue partie civile sans difficulté et qu’une confrontation est organisée avec l’auteur des faits. Ce n’est pas vrai.

Copier la rédaction utilisée pour la composition pénale par souci de parallélisme des formes revient à copier un dispositif qui ne fonctionne pas. C’est nul !

Successivement, la commission rejette l’amendement CL620 et adopte l’amendement CL691.

Amendement CL705 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR). Le groupe LR est favorable à l’AFD à partir du moment où elle concerne des délits qui n’étaient jusque-là pas suffisamment poursuivis et sanctionnés. Cela permet de désengorger les tribunaux et de libérer du temps de travail afin de se concentrer sur les infractions les plus graves, tant pour les forces de l’ordre que pour les personnels de l’institution judiciaire.

Avec cet amendement, notre groupe propose d’étendre la procédure d’AFD à seize délits supplémentaires, dont par exemple le port ou le transport sans motif légitime d’une arme blanche ou incapacitante de catégorie D, l’entrée en état d’ivresse dans une enceinte sportive et la chasse non autorisée sur le terrain d’autrui aggravée par une circonstance. Ces amendes, susceptibles d’être infligées directement par les policiers ou gendarmes qui constatent l’infraction, peuvent être payées immédiatement si leur auteur reconnaît les faits.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fond, mais certains délits que vous proposez d’inclure sont désormais prévus – par exemple l’exploitation de voiture de transport avec chauffeur (VTC) sans inscription au registre. Je vous propose donc de revoir la rédaction de l’amendement d’ici à la séance publique, afin qu’il puisse aboutir de manière certaine.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL692 de M. Florent Boudié et CL436 de M. Philippe Pradal, amendement CL543 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Florent Boudié, rapporteur. Cet amendement propose d’introduire une clause de revoyure d’ici à trois ans, pour disposer de l’ensemble des éléments d’évaluation sur la mise en œuvre de l’AFD pour tous les délits, qu’ils aient été prévus sous la présidence de François Hollande ou sous celle d’Emmanuel Macron.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous ne pourrons pas éviter l’élargissement des délits qui peuvent faire l’objet d’une AFD – même si nous le contestons. Il est effectué alors que les études scientifiques dont nous disposons concluent plutôt qu’il est nécessaire de réduire le champ de l’AFD, voire de la supprimer.

C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de réaliser une évaluation d’ici à trois ans. Respecter la démocratie et bien utiliser les deniers publics supposent de faire le point sur ce qui fonctionne et sur ce qui ne fonctionne pas.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement ne précise pas qui procède à cette évaluation. Je préfère donc l’amendement de M. Pradal et le mien, qui sont identiques.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CL543 tombe.

La commission adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

Amendement CL228 de Mme Caroline Abadie.

Mme Caroline Abadie (RE). Cet amendement d’appel a pour but d’engager une réflexion sur l’opportunité de forfaitiser certaines contraventions de cinquième classe, qui font l’objet de procédures longues et chronophages. Je pense aux excès de vitesse supérieurs à 50 kilomètres/heure ou à l’usage indu de la carte de mobilité réduite, pour ne citer que quelques exemples tirés du code de la route qui sont objectivables.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je partage votre objectif mais il s’agit d’une demande de rapport sur un sujet qui relève du pouvoir réglementaire. Je vous demande de retirer votre amendement au bénéfice des éléments que le ministre pourra nous fournir, comme il s’y est engagé.

L’amendement est retiré.

Article 14 bis [nouveau] (art. 222‑17 du code pénal) : Suppression de la réitération et de la matérialisation comme éléments constitutifs du délit de menace

Amendements de suppression CL149 de Mme Marie Lebec, CL310 de M. Antoine Léaument, CL381 de Mme Blandine Brocard et CL435 de M. Philippe Pradal.

Mme Marie Lebec (RE). Cet amendement du groupe Renaissance vise à supprimer l’article 14 bis introduit par le Sénat, en sorte de conserver en l’état l’article 222‑17 du code pénal relatif à certaines menaces contre l’intégrité de la personne.

Le Sénat a en effet supprimé l’exigence que la menace soit réitérée ou qu’elle soit matérialisée pour encourir une sanction pénale. Nous y sommes défavorables.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il s’agit de maintenir la rédaction actuelle de l’article 222-17 du code pénal. Les menaces de commettre un crime ou un délit contre les personnes sont punissables lorsqu’elles sont réitérées, matérialisées par un écrit, une image ou tout autre objet. Le Sénat a supprimé ces conditions, ce qui pose des difficultés de preuve devant un tribunal – il en reste encore, malgré la multiplication des AFD.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 14 bis est supprimé.

Quatrième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 9 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/0BydjF

Article 15 (art. L. 115-1, L. 742-1 et L. 742-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Unité de commandement en cas de crise

Amendements de suppression CL234 de M. Jean-Félix Acquaviva, CL311 de Mme Élisa Martin et CL394 de Mme Emeline K/Bidi.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’article 15 constitue une menace pour notre État de droit, dans la mesure où, au nom d’une meilleure gestion des crises « hybrides et interministérielles » selon l’exposé des motifs, il donne la possibilité au préfet d’instaurer un état d’urgence local sui generis, pour une durée d’un mois renouvelable, sans aucun contrôle démocratique. Le champ d’application est particulièrement vaste : « lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population ». Une fois de plus, le Gouvernement renforce le pouvoir de police administrative, sans contrôle judiciaire, ni législatif. Nous y sommes donc opposés.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous refusons l’extension des pouvoirs, déjà très larges, dont dispose le préfet. En outre-mer, il a ainsi tout pouvoir en matière de police.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il y a une mauvaise compréhension de l’article 15. Il ne s’agit absolument pas, comme vous le craignez, de créer un régime d’état d’urgence départemental, sur le modèle de l’état d’urgence auquel nous avons eu recours pendant la crise sanitaire et que vous contestez. Selon ce modèle, le préfet serait doté de pouvoirs exorbitants du droit commun.

Or l’article ne dote pas le préfet de pouvoirs supplémentaires, il permet d’assurer une unité de commandement pour gérer une crise hybride ou interministérielle. Dans des situations exceptionnelles et pour une durée limitée, sur proposition du préfet de zone – le préfet de département ne décide pas seul de s’attribuer des prérogatives de coordination supplémentaires –, celui-ci est autorisé à diriger l’action des établissements publics de l’État et des services déconcentrés en exerçant ses compétences de droit commun.

M. Paul Molac (LIOT). Le préfet détient des pouvoirs qui peuvent être qualifiés d’exorbitants. Pendant le confinement, un préfet de département a ainsi décidé d’interdire la vente d’alcool dans les supermarchés afin de lutter contre les violences faites aux femmes conjugales. Une décision similaire a été prise à l’occasion d’Halloween. Cela s’apparente à un détournement de la loi qu’un juge administratif sanctionnerait probablement.

À mes yeux, les préfets ont déjà trop de pouvoirs et la concertation, quand ils l’organisent, consiste à expliquer aux élus des décisions déjà prises et non à leur demander leur avis.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). La réalité est tout autre que celle décrite par le rapporteur. Un préfet peut diligenter une enquête des renseignements territoriaux sur une réunion organisée dans un lycée agricole dans le cadre d’un litige opposant l’État et le président d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Les préfets s’autorisent déjà beaucoup et vous les confortez en donnant un champ d’application très large à leur nouvelle prérogative, sans aucun contrôle. Nous ne pouvons pas y souscrire.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Il est agaçant de vous entendre faire de la pédagogie comme si nous n’étions pas capables de comprendre le texte.

Nous sommes déjà dans un état d’urgence permanent puisqu’il est devenu le droit commun. Le préfet exercera ses compétences habituelles, dites-vous, mais cela ne nous rassure aucunement puisque celles-ci sont exorbitantes. Certains préfets s’arrogent déjà des pouvoirs de manière excessive.

Au surplus, la rédaction est vague : ainsi, « la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles la mesure entre en vigueur » n’est pas précisée. La durée maximale d’un mois pouvant être renouvelée, la mesure peut devenir permanente.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je peux ne faire aucune pédagogie, madame la députée, et m’en tenir à « avis défavorable ».

Vous ne contestez pas l’article mais le fait que les préfets ont trop de pouvoirs de droit commun – je ne mets pas en cause vos convictions en la matière. Monsieur Molac, les préfets ont toujours été chargés de la police des débits de boissons. En cas de crise sanitaire, climatique ou multifactorielle, je ne suis pas sûr que la première décision du préfet sera d’interdire la vente d’alcool.

L’article 15 permet au préfet, en temps de crise et pour une durée restreinte, dans des territoires qui seront délimités par la crise elle-même, de coordonner les services de 1’État et les établissements publics qui peinent à communiquer entre eux et à s’entendre sur les décisions à prendre.

Je ne voudrais pas abuser de la pédagogie, toutefois, je m’arrête un instant sur les Agences régionales de santé (ARS). Initialement, le Gouvernement – sans doute le ministère de la santé – souhaitait qu’elles échappent à l’autorité du préfet. Le Sénat a considéré qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour les ARS. Je partage cet avis d’autant que leur action pendant la crise sanitaire a été l’objet d’un débat légitime.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). En Guyane, le préfet coordonne déjà tous les services de l’État sauf les ARS. L’article 15 n’apporte aucune plus-value.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL744 du rapporteur.

Amendement CL492 de Mme Sandra Regol. 

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement vise à supprimer les motifs liés à « la sécurité, l’ordre ou la santé publics » qui font déjà l’objet de régimes dérogatoires et à recentrer la coordination sur les seuls événements climatiques.

L’histoire prouve que l’octroi de pouvoirs supplémentaires au préfet en matière de sécurité n’est pas toujours favorable au bien commun alors que le climat en est une composante importante.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il ne faut pas limiter le champ d’application aux crises d’un certain type d’autant que celles-ci ont de plus en plus souvent des causes et des conséquences multiples.

À titre d’exemple, les incendies en Gironde ont nécessité d’agir dans les domaines du logement, de la sécurité publique, de la circulation routière ou encore de la santé. Il faut un patron, pour une durée limitée. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je ne suis pas sûr qu’il faille un patron puisque, dans votre conception de la gestion de crise, il est nécessairement autocratique.

Qu’il s’agisse des centres opérationnels, départementaux ou zonaux, ou du plan Orsec, le préfet est déjà considéré comme le chef de file dans la gestion de crise. Je ne comprends donc pas quelle est la plus-value de l’article 15. Soit elle est d’ordre tautologique, soit elle tient à l’octroi de pouvoirs supplémentaires, ce qui n’est pas sans poser problème.

C’est une chose d’être en haut de la pyramide de la gestion de crise, c’en est une autre de concentrer tous les pouvoirs en faisant fi des avis des autres acteurs concernés. Dans le cas du plan Orsec, toutes les parties prenantes sont réunies autour de la table pour s’assurer que le préfet dispose de tous les éléments pour prendre une décision rationnelle.

Organiser des mini-conseils de défense dont vous excluez les premiers concernés pour ensuite les caporaliser n’est pas une bonne méthode pour gérer une crise.

Le plan Orsec distingue la gestion de l’imminence et celle du retour à la normale. La durée d’un mois, que vous retenez pour la mesure, correspond au retour à la normale, période pendant laquelle la caporalisation n’est pas souhaitable.

Mme Blandine Brocard (Dem). Vous avez une drôle de manière de voir les choses, monsieur Bernalicis.

L’expérience de la crise du covid, que vous avez vécue comme moi en tant que député, le montre, il est rassurant et plus efficace d’avoir un interlocuteur unique. Contrairement à ce que vous dites, le préfet n’exercera pas forcément son pouvoir de manière autocratique. Il rassemble les acteurs concernés et les écoute avant de prendre une décision. Je l’ai encore constaté cet été au sujet de la sécheresse, la réunion autour du préfet de tous les interlocuteurs permet de partager les informations.

Loin de caporaliser, le rôle donné au préfet garantit l’efficacité de l’action publique.

M. Jordan Guitton (RN). Selon l’exposé sommaire, l’amendement vise à défendre les libertés publiques. Mais qui va les protéger si l’action du préfet est cantonnée au climat ? La sécurité, l’ordre et la santé publics relèvent de la compétence du préfet.

L’amendement a pour objet de priver le préfet de ses prérogatives en matière de sécurité en lui faisant un procès d’intention. Il faut les conserver et y ajouter la compétence liée à la crise climatique. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’amendement.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il ne s’agit pas de priver le préfet de ses compétences mais de recentrer son action sur la crise climatique.

Je suis étonnée d’entendre l’apologie du décideur unique dans une institution dont le travail collectif est la vocation. Nous ne sommes pas obligés d’appliquer le régime de la Ve République à toutes les fonctions. Il est possible que la confrontation des opinions produise des résultats intéressants pour notre pays.

La crise du covid a montré que l’État dispose déjà d’outils. En revanche, il est une crise majeure qui nous concerne tous, celle du dérèglement climatique, face à laquelle nous pourrions doter le préfet de pouvoirs particuliers pour agir en coordination avec l’ensemble des acteurs. C’est peu de chose face à l’enjeu du siècle.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL745, CL746, CL747 et CL750 ainsi que l’amendement de précision CL748 du rapporteur.

Amendement CL467 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac (LIOT). Il s’agit d’un amendement de repli visant à garantir l’information des parlementaires et des élus concernés.

M. Florent Boudié, rapporteur. Favorable sur le fond mais pas sur la forme. Il faudrait préciser les modalités de l’information qui, de surcroît, n’est pas toujours compatible avec l’urgence de la situation et l’hyperréactivité qu’elle requiert.

Je vous propose plutôt de retenir votre amendement dans le même esprit portant sur le rapport annexé.

Monsieur Bernalicis, les services de l’État seront systématiquement consultés. Le préfet ne va pas leur dire un matin : « c’est comme ça et pas autrement parce que je suis le chef ». Cela ne se passera pas ainsi.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Qu’apporte l’article par rapport à la pratique actuelle si ce n’est de légitimer le choix du préfet de se passer de l’avis des services et établissements concernés ?

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL751 et CL749 du rapporteur.

Elle adopte l’article 15 modifié.

Après l’article 15

Amendements CL76 de M. Thomas Ménagé et CL313 de M. Ugo Bernalicis (discussion commune).

M. Thomas Ménagé (RN). L’amendement vise à demander un rapport sur les risques psychosociaux auxquels sont exposées les forces de l’ordre ainsi que sur l’efficacité des dispositifs de prévention. Je me réjouis que le ministre y ait donné hier un avis favorable.

Nous souhaitons parallèlement la création d’une mission d’information de la commission sur les suicides au sein des forces de l’ordre. J’espère que tous les membres du bureau soutiendront ce projet.

L’amendement CL313, qui est l’objet de la discussion commune, s’apparente selon moi à une injonction au Gouvernement tant il est détaillé. En outre, ce serait un triste symbole qu’un parti prétendant que la police tue demande un rapport sur les risques psychosociaux auxquels il contribue en alimentant la détresse des policiers. J’invite donc les membres de la commission à adopter notre amendement plutôt que celui de La France insoumise.

Sur ce sujet transpartisan, je serais néanmoins heureux que M. Bernalicis prenne part aux travaux de la mission d’information.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nos propos sur les policiers ont été systématiquement déformés et caricaturés hier. Par cet amendement qui tend aussi à témoigner de l’empathie à l’égard des policiers, nous prouvons que nos paroles ne sont pas celles que vous nous attribuez. Je ne doute pas que vous serez nombreux à le voter.

En 2019, on déplorait 59 suicides dans les rangs de la police et de la gendarmerie dont 60 % au moyen d’une arme de service. Au 30 juin, on en comptait 34 dans la police et 14 dans la gendarmerie. Une association d’entraide de policiers observe des dépressions causées par une accumulation de stress post-traumatique ainsi que des burn-out dus aux nouvelles méthodes de management, qui mettent sous pression les personnels, et à des injonctions de rentabilité étrangère aux missions de la police, pas plus qu’elles n’ont leur place dans d’autres services publics. Cette logique, masquée sous un vocable anglo-saxon qui serait gage d’innovation, ne produit que perte de sens des métiers pour celles et ceux qui les exercent.

Lors de la précédente législature, le groupe de La France insoumise avait déjà demandé un rapport sur les risques psychosociaux, sans succès. Nous réitérons donc notre demande, d’autant que le 1er novembre, Mediapart a publié un document interne révélant l’existence de discriminations et de racisme au sein de la police. La transparence s’impose sur toutes ces questions.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le sujet est trop grave pour être traité de manière politicienne ou légère.

Un rapport résoudra-t-il le problème ? Non, bien sûr. Un rapport est-il susceptible d’apporter des éléments nouveaux ? Non, car la situation est connue et très documentée. Il appartient à chacun de lire les documents disponibles.

Peut-on dire que rien n’est fait pour remédier au problème ? Non. Depuis plusieurs années, on observe une prise de conscience de l’importance du sujet de la part de l’encadrement et des responsables des ressources humaines du ministère de l’intérieur.

Le directeur du recrutement et de la formation de la police nationale reconnaît que le sujet n’est pas toujours correctement appréhendé ni traité, pour des raisons culturelles, générationnelles ou autres mais aussi parce que la priorité est donnée à l’opérationnel. Toutefois, les choses évoluent. Des efforts considérables sont faits en matière de formation initiale et continue. Des psychologues supplémentaires sont recrutés – les ETP sont inscrits dans l’article 2.

S’agissant de la police nationale, le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail présente la politique du ministère de manière détaillée.

Je ne dis pas que tout va bien mais un rapport n’apportera ni éclairage complémentaire ni solutions. En revanche, la représentation nationale peut être un fer de lance et aiguillonner, si besoin, le Gouvernement.

S’agissant des suicides, monsieur Ménagé, un amendement au rapport annexé propose d’inciter le Gouvernement à prendre des mesures de prévention. J’y serai favorable car il est important de faire apparaître le terme de suicide dans le texte et de manifester clairement la volonté de l’Assemblée nationale d’en faire une préoccupation centrale appelant des mesures fortes.

Mon avis défavorable n’est pas de ma part le signe d’une négation du sujet et des difficultés. Le rapport n’est à mes yeux tout simplement pas une solution.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le terme de suicide n’apparaît pas une seule fois dans les presque 100 pages que compte le projet de loi. Nous préférons notre amendement à celui du Rassemblement national car ce sujet mérite selon nous une attention particulière.

Au 30 juin, on dénombrait 34 suicides parmi les policiers et 14 parmi les gendarmes. Le ministre de l’intérieur les impute à des problèmes personnels, refusant d’incriminer les conditions de travail. Nous pensons l’inverse : la situation au travail peut conduire à des dépressions.

Monsieur le rapporteur, vous nous renvoyez à la documentation disponible, mais encore faut-il qu’elle soit à jour – le dernier bilan social de la police date de 2019. Les rapports sont utiles à condition qu’ils soient faits. C’est la raison pour laquelle nous fixons un délai de six mois pour remettre le rapport.

M. Romain Baubry (RN). Je suis surpris de vos propos alors que le ministre de l’intérieur a fait part hier de son avis favorable à l’amendement. Craignez-vous que le rapport ne montre la totale inefficacité des mesures prises ces dernières années ? Un élément en apporte la preuve : le nombre de suicides au sein des forces de l’ordre ne cesse de croître.

M. Florent Boudié, rapporteur. Que le bilan social du ministère de l’intérieur pour 2019 soit publié en mai 2022 n’est pas acceptable, compte tenu de la forte sensibilité des sujets que nous abordons. Si des membres de la commission sont déterminés, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à insérer dans le rapport annexé, qui est sans portée normative, un rappel que le bilan social d’une année donnée a vocation à être publié au plus tard l’année suivante, j’y serai favorable.

Le point sur lequel le ministre de l’intérieur a donné hier son assentiment, me semble-t-il, est abordé par l’amendement CL238 à l’article 1er, déposé par M. Houssin, et auquel je donnerai un avis favorable. Il vise notamment à insérer, après l’alinéa 416, un alinéa dont la première phrase est la suivante : « « Le ministère de l’intérieur prendra les mesures qui s’imposent pour prévenir le risque de suicide au sein des forces de sécurité ».

Ainsi, cet objectif sera intégré dans la feuille de route politique du Gouvernement, et non rappelé dans un rapport dont nous nous contenterions, comme souvent, pour solde de tout compte. Au demeurant, plusieurs amendements à l’article 1er visent à réécrire cette feuille de route, ce qui démontre que chacun ici y attache de l’importance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL77 de M. Thomas Ménagé.

M. Thomas Ménagé (RN). Cette demande de rapport est surtout un amendement d’appel visant à mettre sur la place publique le sujet du régime indemnitaire des forces de l’ordre, dont mon territoire subit les effets. En effet, il incite les policiers de Montargis, qui est à une heure de route de Paris, à travailler en région parisienne plutôt que sur place. L’indemnité de résidence, notamment, les encourage à habiter dans le Gâtinais et à travailler en Seine-et-Marne, à une heure de route de chez eux. L’attractivité de mon territoire auprès d’eux en pâtit.

Ce sujet est crucial pour les territoires limitrophes aux indemnités de résidence différentes. L’amendement vise, à défaut d’obtenir un rapport dont M. le rapporteur a rappelé les limites, à ouvrir le débat sur ce point.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les dispositions du rapport annexé relatives au régime indemnitaire des forces de l’ordre sont une source d’information satisfaisante. À défaut d’un rapport, dont je ne vois pas l’utilité, nous pouvons, d’ici à l’examen du texte en séance publique, déterminer si des précisions s’imposent, sans préjudice de celles que pourra apporter le ministre de l’intérieur.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Pour donner un avant-goût de nos discussions sur la rémunération des policiers, je rappelle que la politique du chiffre, notamment sous la forme de prime associée aux résultats, ne contribue pas, à nos yeux, à l’attractivité du métier de policier. Les rémunérations fixes sont préférables aux rémunérations variables indexées sur les résultats. L’objectif est d’assurer un service public, pas de faire du chiffre.

M. Timothée Houssin (RN). Dans ma circonscription de l’Eure, la ville de Vernon, située en zone police, est aussi à une heure de Paris. Il s’agit d’un problème global des secteurs situés à environ à une heure de la région parisienne, qu’il faut traiter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL516 de Mme Sabrina Sebaihi.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Flic, publié en septembre 2020 par Valentin Gendron, a révélé les défaillances du cursus de formation des forces de l’ordre, notamment en matière de prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles, et de médiation pacifique entre les forces de l’ordre et les usagers.

La formation des forces de l’ordre est fixée par voie réglementaire. Un rapport du Gouvernement permettrait de nourrir la réflexion à ce sujet, en vue d’aboutir à des ajustements des cursus de formation.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable. Je dresserai, d’ici à l’examen du texte en séance publique, la liste des demandes de rapports. Nous sommes dans l’excès.

Sur la formation des forces de l’ordre, les auditions ont livré de nombreuses informations. En tant que parlementaires, nous pouvons facilement en obtenir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL525 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur le traitement des plaintes pour violences intra-familiales et pour violences sexistes et sexuelles. Les chiffres du traitement des plaintes démontrent qu’elles se multiplient. Pourtant, de nombreux témoignages déplorent une mauvaise prise en charge, faute de temps et de formation.

Les agents ne sont pas toujours en mesure de faire leur travail comme ils le souhaitent, et surtout comme les victimes en ont besoin. Le rapport demandé permettrait d’éclairer les demandes de formation formulées par les agents eux-mêmes, et de documenter la nécessité et l’urgence de dispenser des formations sur le sujet crucial de la prise en charge des violences intra-familiales et des violences sexistes et sexuelles.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai rappelé hier la possibilité de porter plainte en ligne et de faire une déposition par visioconférence, ainsi que des dispositions relatives à l’accueil des victimes. La nécessité d’agir est documentée. L’action est en cours ; elle doit se poursuivre et aller plus loin. Tel est l’un des objectifs du présent projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 : Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les dispositions permettant l’application des dispositions du projet de loi dans les outre-mer

Amendement CL395 de Mme Emeline K/Bidi.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous demandons la suppression des alinéas qui transcrivent pour la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie les dispositions de l’article 15.

Pendant la crise sanitaire, les préfets y ont pris des décisions unilatérales et arbitraires, telles que l’instauration d’un couvre-feu pendant plus d’un an et de check points sanitaires d’une commune à l’autre. De telles dispositions n’ont jamais été appliquées dans l’Hexagone. Nul n’a jamais demandé une autorisation sanitaire à un habitant de Montpellier se rendant à Nice. Sur nos territoires, il en fallait une. Si le préfet a trop de pouvoir, des dérives sont possibles.

Nos territoires sont passés du statut de colonie à celui de département en 1946. Ce n’est pas si lointain. Il serait dommage que nos populations craignent un retour du gouverneur. Le signal envoyé par l’État à ce sujet n’est pas bon. Les hauts commissaires de la République ont déjà beaucoup de pouvoir.

L’amendement vise à supprimer les alinéas 7 à 10 et 12 à 15.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cher collègue, il est inexact de dire qu’un habitant de métropole n’était pas interdit de déplacement pendant la crise sanitaire. Les déplacements étaient limités à un kilomètre du domicile.

Vous demandez la suppression de l’application de l’article 15 du projet de loi à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, après l’avoir demandée pour tout le territoire national. Mon avis est toujours défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL481, CL484, CL483, CL485, CL486, CL487 et CL482 du rapporteur.

La commission adopte l’article 16 modifié.

Article 1er et rapport annexé (précédemment réservé)

Amendement CL290 de suppression de M. Ugo Bernalicis.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le rapport annexé ne comporte aucune analyse des dispositions législatives adoptées précédemment, notamment les amendes forfaitaires délictuelles (AFD), ni de leurs effets sur la délinquance. Il ne comporte pas davantage une analyse de la nature de la délinquance. Mois après mois, année après année, nous empilons les mesures.

Le rapport annexé donne de la société française l’image d’une société ensauvagée, à laquelle nous ne souscrivons pas. Nous pensons au contraire que la police doit jouer un rôle d’apaisement, parmi les habitants, telle une police de proximité.

Si la société française est ensauvagée, alors il faut surveiller : multiplication par trois des crédits pour la vidéosurveillance, cofinancée par les collectivités locales, ben voyons ! Quant aux drones, nous sommes heureusement protégés par le cadre réglementaire.

Il faut aussi surarmer la police : il est question de voitures augmentées, d’armes lourdes et même d’exosquelettes ! Nous voyons émerger une sorte de « technopolice », comme si le recours à la technologie permettait de résoudre tous les problèmes ! La première qualité d’un policier, c’est le discernement.

Rien sur la délinquance en col blanc, qui est pourtant un trouble majeur à l’ordre public ! Presque rien sur le terrorisme, pourtant bien réel ! Rien sur la prévention des risques psychosociaux ! Toujours une police d’intervention et de saute-dessus !

M. Florent Boudié, rapporteur. Certes, chacun est libre de ses convictions mais ce que vous proposez revient à supprimer toute forme de feuille de route du ministère de l’intérieur pour les cinq ans à venir. C’est simple, clair et net. Si nous adoptions votre amendement, aucune des missions couvertes par Beauvau ne ferait l’objet d’une politique définie à l’échelle du ministère de l’intérieur, ce qui serait pour le moins étrange.

Il en serait fini du recrutement de 8 500 agents supplémentaires sur cinq ans. Il en serait fini de l’augmentation de 50 % de la durée de la formation continue des policiers et des gendarmes. Il en serait fini des efforts substantiels en matière d’équipement des forces de l’ordre. Rien ne serait fait, dans aucun des domaines que nous abordons.

Vous craignez l’apparition d’une « technopolice ». Mais l’innovation technologique n’est pas réservée aux délinquants. Il faut aussi adapter les capacités technologiques des forces de sécurité intérieure (FSI).

Quant au policier ou au gendarme augmenté, il ne s’agit pas de science-fiction. Nous ne sommes pas dans Robocop ! Dans l’armée, le soldat augmenté est un sujet de réflexion depuis déjà sept ou huit ans. À Rennes, un laboratoire universitaire de recherche développe des exosquelettes, non pour créer le futur Robocop, mais à des fins d’assistance musculaire, en faisant en sorte que la technologie compense une partie de la charge et accompagne le mouvement naturel. Le policier ou le gendarme augmenté est également équipé d’une caméra-piéton.

Je suis en profond désaccord avec la suppression de toute forme de politique publique confiée au ministère de l’intérieur pour les cinq ans à venir. Cela n’est pas raisonnable, madame Martin.

M. Jordan Guitton (RN). Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Il y a deux façons de concevoir le travail parlementaire : supprimer tous les articles d’un texte et s’opposer à tout, comme le fait la NUPES ou essayer de l’améliorer en corrigeant la copie du Gouvernement, en l’espèce le rapport annexé, dont plusieurs points sont à revoir. Nous voulons, quant à nous, apporter des améliorations pour les Françaises et les Français, pour les forces de l’ordre et pour la sécurité publique en France de façon générale.

Si le rapport annexé était supprimé, nous serions amenés à voter quinze milliards de crédits supplémentaires sans connaître leur objet. La situation sécuritaire sur le terrain exige une amélioration des moyens des forces de l’ordre. Il s’agit de protéger nos compatriotes et cela devrait dépasser tous les clivages.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Vous êtes un peu dur, Monsieur le rapporteur ! Ce rapport annexé n’a aucune valeur impérative. Lors de la précédente législature, il n’y avait ni loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, ni rapport annexé. Or cela n’a pas empêché les ministres successifs de mener une politique, que nous avons d’ailleurs largement critiquée, contestée et combattue.

Le rapport annexé est en effet la feuille de route que se donne le ministère de l’intérieur, à défaut du ministre lui-même. Mais comme nous sommes opposés à la direction politique suivie, la bonne décision, dans l’intérêt des Français, est donc de la supprimer.

Quant à ce par quoi il faudrait la remplacer, rassurez-vous, monsieur le rapporteur, vous en aurez pour votre argent dans les heures à venir ! Nous défendrons de nombreux amendements sur la police républicaine que nous voulons, sur les objectifs que nous lui assignerions et sur sa place dans la société.

Il importe de souligner, avec cet amendement de suppression, que nous sommes en désaccord avec cette fuite en avant technologique, que nous appelons « technologisme », consistant à croire que nous allons tout régler grâce à des caméras-piétons, des lunettes de réalité augmentée et un exosquelette. Tout cela nous détourne de la question fondamentale : nous sommes tous des êtres humains. En tant que tels, les policiers ont besoin de formation initiale et continue pour comprendre leur environnement. Les technologies sont des supplétifs, pas des suppléments, de leur action.

Les caméras-piétons, par exemple, ont fait l’objet d’études, non pas en France, où nous n’en faisons jamais, mais à l’étranger. Toutes en ont dressé un bilan nul : elles peuvent indifféremment empêcher les gens de vriller ou augmenter la tension dans les relations entre la police et la population. Un peu de sérieux !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL317 de Mme Raquel Garrido.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Il s’agit d’inscrire dans le rapport annexé la suppression de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qui selon nous devrait s’intituler « loi pour un contrôle global », tant elle est attentatoire aux libertés individuelles et organise une surveillance généralisée de la société.

Nous l’avons combattue lors du quinquennat précédent, aux côtés de centaines d’associations et de professionnels de la sécurité privée. Au demeurant, cette loi n’a pas convaincu tous les députés de la majorité présidentielle, dont certains, parmi lesquels le président de notre commission, se sont abstenus lors du vote.

Cette loi fait de l’espace public un lieu de contrôle et de suspicion généralisée, où chaque citoyen peut être considéré comme une menace. Depuis des décennies, nous juxtaposons les réformes sécuritaires sans jamais réévaluer sérieusement le système de police et la gestion du maintien de l’ordre, ni poser la question fondamentale des valeurs.

Pour nous, la sécurité publique s’organise autour du triptyque « prévention, dissuasion, répression ». Or, actuellement, les moyens sont consacrés pour l’essentiel au dernier volet, ce qui ne nous semble pas répondre aux exigences de la situation.

Cette loi, inefficace pour les citoyens, met en péril de nombreuses libertés publiques, notamment le droit à la vie privée et la liberté d’aller et venir anonymement dans l’espace public. Comme nous l’avons toujours dit, son seul objet est de satisfaire les intérêts de certains syndicats de police et des acteurs de la sécurité privée. Notre position est claire : il faut l’abroger.

M. Florent Boudié, rapporteur.  Vous voulez supprimer la loi dite de sécurité globale, ainsi nommée car elle traite de la police nationale et municipale, de la gendarmerie et de la sécurité privée, offrant une vision complète des forces de sécurité, notamment celles qui sont chargées de la sécurité publique.

Or elle a permis de structurer la filière de sécurité privée, qu’il n’est pas inintéressant d’encadrer et de réglementer davantage à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et de la Coupe du monde de rugby l’année précédente. Elle a même créé une police municipale à Paris. Vous voulez la supprimer ? Il faut le dire à Anne Hidalgo ! Elle a aussi créé un cadre réglementaire clair et sécurisé d’usage des drones et des caméras-piétons, garantissant les libertés publiques. Je rends hommage à nos anciens collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, corapporteurs du texte, qui constitue, en amont du présent projet de loi, un apport précieux pour la gestion de la sécurité des événements internationaux.

M. Thomas Rudigoz (RE). Les membres de La France insoumise étaient surtout opposés à l’article 24 de la loi « Sécurité globale ». Malheureusement, nous n’avons pas obtenu gain de cause devant le Conseil constitutionnel. Je regrette également la censure de l’article 1er conférant de nouvelles prérogatives aux polices municipales, qui sont nécessaires et qu’il faudra réintroduire, pour renforcer leurs compétences et garantir un véritable continuum de sécurité.

 

Par ailleurs, l’abrogation de cette loi serait une erreur, car elle perturberait la filière de la sécurité privée, structurée grâce à l’excellent travail de M. Fauvergue et de Mme Thourot, alors même que nous allons accueillir des événements sportifs internationaux. Nous voterons contre l’amendement.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Monsieur le président, je me permets de rappeler que vous avez expliqué, dans une interview, votre abstention sur le projet de loi « Sécurité globale » comme un signal adressé au Président de la République.

Nous sommes opposés à cette loi, à l’article 24 comme aux autres. Sur la sécurité privée, elle ouvre la boîte de Pandore de la libéralisation et de la marchandisation, ce qui n’est pas sans soulever des questions. Vous avez sorti la sécurité d’une logique de service public, au profit des intérêts privés et des lobbies.

Cette loi est attentatoire aux libertés publiques. Alors que certaines de ses dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel, nous continuerons à nous mobiliser pour la faire abroger, car elle ouvre dangereusement la voie à des dérives qui sont autant d’inquiétants précédents pour nos libertés.

M. Éric Poulliat (RE). M. Rudigoz et moi-même avons travaillé sur cette loi avec Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. Nous ne pouvons pas laisser dire n’importe quoi ! Nous n’avons nullement marchandisé le secteur de la sécurité. Nous avons au contraire renforcé les contrôles des acteurs de la sécurité privée et assaini le fonctionnement de la filière, notamment en réduisant le recours à la sous-traitance, au bénéfice des salariés comme des employeurs.

M. le président Sacha Houlié. L’idée de créer un continuum de sécurité, que nous devons à nos anciens collègues Fauvergue et Thourot, était excellente. La loi, vertueuse à cet égard, a permis de mieux réguler la sécurité privée et de coordonner les forces de police municipales et nationale avec les forces de gendarmerie.

Mais le texte a fait par ailleurs l’objet de divers ajouts, qui ont justifié quelques critiques de ma part, trois en particulier. Le régime de captation des images me semblait inabouti et m’inspirait des réserves. Censuré par le Conseil constitutionnel, il a été retravaillé et introduit dans un texte adopté en 2021. Il en est de même du régime de consultation des images en ligne, qui a également fait l’objet de réserves constitutionnelles, ce qui a permis d’apporter des précisions tout à fait utiles dans leur déploiement. Enfin, le fameux article 24, relatif à l’utilisation des images, dont la rédaction me semblait insatisfaisante. Florian Boudié et moi-même avons donc travaillé à sa réécriture en vue de l’introduire dans la loi confortant le respect des principes de la République, ce qui a permis au Gouvernement de rédiger une disposition constitutionnelle et tout à fait performante.

Cette démarche donne à voir la façon dont on peut être vigilant, en tant que parlementaire, sur l’irrecevabilité de certaines dispositions rédigées par le Gouvernement, insérées dans des textes ne portant pas principalement sur les sujets dont nous sommes saisis. Les dispositions relatives au continuum de sécurité étaient excellentes, les ajouts, parfois plus hasardeux, ont appelé des corrections parlementaires auxquelles nous avons procédé, parfois avec l’appui du juge constitutionnel, le cas échéant en adoptant les mesures concernées au sein d’autres textes. Ainsi, le régime juridique de la captation d’images a été adopté en 2021 et validé par le Conseil constitutionnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL582 de Mme Sandra Regol et CL642 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le rapport annexé donne de nombreuses directions tout en restant flou. Nos discussions auraient pu être plus cadrée et plus normatives.

Nous reprenons ici un amendement défendu au Sénat par le groupe écologiste. Il s’agit de savoir quelle réforme nous voulons, pour quel objet. Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a répondu que sa mission consistait à être au service du public. De tels propos sont rares. Leur teneur me semble pourtant absente du présent projet de loi et des différents amendements acceptés. Il est dommage de passer ainsi à côté de notre mission.

Nous sommes d’accord sur la nécessité de rapprocher la police de la population, ce qui, pour nous, signifie d’en améliorer la territorialisation, dans le cadre d’une police de proximité, laquelle n’a pas une signification exclusivement géographique. Il s’agit d’une police qui travaille dans le temps, au sein des territoires où elle est implantée, notamment ceux que le mentor de M. le ministre de l’intérieur a transformé en territoires oubliés de la République. Il est regrettable de ne pas agir pour réparer cette continuité qui a été brisée. Les Françaises et les Français en sont les premières victimes.

Il s’agit aussi de rendre la police plus accessible, notamment en facilitant l’accès des locaux, comme le demandent de nombreux agents, aux personnes handicapées, que leur handicap soit physique ou invisible, ce qui nécessite notamment des formations.

L’amendement prévoit d’insérer dix alinéas après l’alinéa 1.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Restaurer le lien de confiance entre la police et la population est l’un des objectifs du présent projet de loi. Honnêtement, à la lecture du rapport annexé, je n’ai pas trouvé grand-chose, hormis quelques propos stigmatisants sur les jeunes des quartiers, presque désignés entre guillemets, permettant de restaurer ce lien de confiance.

L’amendement CL642, qui vise au rétablissement d’une véritable police de proximité, va au-delà des dispositions très concrètes que chacun peut imaginer. L’idée est de retrouver une police qui protège le peuple, sans renoncer, puisqu’il semble nécessaire de lever le doute, à la répression. En tout état de cause, il ne faut pas que la police se protège du peuple, non sur décision de ses agents mais sur ordre. Nous voulons une police qui protège le peuple, pas une police qui se protège du peuple. Tel sera le fil rouge de nos amendements au rapport annexé.

Ce premier amendement décline ce que pourrait être une police de proximité ancrée dans les territoires. Nous semblons oublier que cela a été possible, puis volontairement cassé par idéologie. Il n’y a pas si longtemps, les policiers en poste dans les villes populaires y habitaient, ce qui aujourd’hui paraît complètement fou, non en raison de l’évolution de la criminalité et de la délinquance, mais parce que ce lien est cassé.

 

M. Florent Boudié (RE). Madame Faucillon, je ne souscris pas à l’idée d’un âge d’or de la police nationale et de la gendarmerie nationale, lors duquel votre groupe et ceux de la NUPES en général leur auraient continuellement apporté leur soutien, à rebours du présent et de l’avenir, d’autant plus que c’était avant Macron. Je trouve ce discours assez caricatural.

Sur le fond, l’exposé sommaire de votre amendement évoque l’autonomisation et la polyvalence des agents, qui sont précisément traitées dans le rapport annexé. Il en est de même de la gestion adaptée des effectifs, que le ministère de l’intérieur et l’encadrement s’efforcent de mener.

S’agissant du contact permanent avec la population, vous défendrez un amendement déplorant que le rapport annexé incite à la dématérialisation des procédures, alors même que celui-ci rappelle la nécessité d’assurer un accueil physique des usagers, qui n’ont pas tous accès à la dématérialisation. Vous évoquez encore l’anticipation et la prévention des troubles à l’ordre public, qui sont aussi abordées dans le rapport annexé.

S’agissant de la formation et de la déontologie, Cécile Untermaier et moi-même avons travaillé pour que le ministère de l’intérieur se dote, pour la première fois, d’un collège de déontologie ouvert sur l’extérieur, comme il en existe dans d’autres ministères. Et certains membres de la commission, de sensibilités politiques différentes de la vôtre, désapprouveront sans doute cette perspective.

Madame Regol, le général Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a effectivement dit que les femmes et les hommes de la gendarmerie nationale, ainsi que les corps qui la composent, sont au service du public. Tel est aussi le cas du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui est au service de la protection de nos concitoyens comme des forces de l’ordre si nécessaire, s’agissant par exemple des risques psycho-sociaux. Vos arguments, je vous le dis sincèrement, me semblent d’opportunité.

Avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Au-delà d’un désaccord politique profond avec vos réponses, je conteste également vos arguments techniques : il est faux de dire qu’il existe une territorialisation de la police ou de faire comme s’il existait une véritable police de proximité.

Par ailleurs, il n’y a pas d’âge d’or de la police. Nous pourrions regarder ensemble s’il y a eu dans son histoire des moments plus ou moins glorieux – et j’espère que nous trouverions des points d’accord –, mais la question est de savoir quelle police nous voulons.

Sur les vingt à vingt-cinq dernières années, je constate une inflexion très forte vers l’idée que la police, sous les ordres du Gouvernement, et particulièrement du ministère de l’intérieur, doit imposer plus fortement et d’une manière plus répressive la politique néolibérale. L’autoritarisme du système capitaliste pousse les gouvernements successifs dans cette direction, parce que la politique sociale n’est pas faite pour le peuple, mais a plutôt tendance à l’écraser à l’aide d’une police qui, pour imposer un ordre social, devient de plus en plus violente et se protège du peuple au lieu de protéger le peuple. Voilà certainement où se situe notre désaccord.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je souscris à l’analyse que vient de faire Mme Faucillon du rôle assigné à la police par les gouvernements récents de faire accepter un libéralisme économique auquel l’adhésion spontanée n’est plus acquise. Gérald Darmanin lui-même disait d’ailleurs hier que le premier objectif de la police était, si je ne me trompe, de régler les crises démocratiques – c’est-à-dire, schématiquement, de réprimer les gens qui manifestent contre la politique du Gouvernement – et qu’elle devait être mieux équipée et mieux préparée pour cela.

Au début du mandat précédent, un certain nombre d’entre vous pensiez tout de même que l’idée d’une police de proximité n’était pas si aberrante, et Gérard Collomb annonçait alors une « police de sécurité du quotidien » – il fallait bien trouver un nom qui ressemble à celui de « police de proximité » tout en s’en différenciant, comme si la police de proximité était le diable. La doctrine était curieuse puisqu’il s’agissait de demander aux policiers de terrain et à leurs chefs locaux d’être plus proches de la population et de se débrouiller pour y parvenir – ce qui laissait une totale liberté d’appréciation dans la mise en œuvre de cette police de sécurité du quotidien. On nous avait même promis d’y associer des universités et de mobiliser des chercheurs !  Qui se souvient encore de la police de sécurité du quotidien ? D’ailleurs, qu’est-elle devenue ? Un bilan en a-t-il été tiré, comme le proposait le ministre de l’intérieur ? Non. Dommage. Et aujourd’hui, vous vous apprêtez à tracer une feuille de route évoquant une police de sécurité du quotidien augmentée, robotisée, automatisée.

M. le président Sacha Houlié. La police de sécurité du quotidien voulue par Gérard Collomb a été mise en œuvre grâce à toutes les dispositions adoptées en ce sens. Par ailleurs, la présence des îlotiers déployés sur tout le territoire correspond à ce qu’était la police de proximité de Daniel Vaillant ou de Jean-Pierre Chevènement. L’esprit de la réforme de 2018 n’a donc pas été oublié. Cependant, comme de nombreuses politiques du ministère de l’intérieur ou d’autres ministères, elle passe aussi par des dispositions réglementaires, de telle sorte que notre assemblée n’a pas besoin de tout voter – ce qui est heureux, car le rapport annexé n’en serait que plus long.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL321 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Cet amendement tend à préciser que l’objectif du doublement des effectifs sur la voie publique sera atteint au moyen de policiers et gendarmes titulaires de carrière, et non par un saupoudrage de réservistes dont la plupart n’ont pas les mêmes qualifications judiciaires. Il s’agit ainsi de nous assurer de l’efficience de la mesure, qui ne doit pas se limiter à montrer du bleu pour jeter de la poudre aux yeux.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous ne nous cachons pas de rechercher une complémentarité entre titulaires et réservistes. Le doublement des effectifs, monsieur Bernalicis, voilà la première des proximités. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL385 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). La gestion de la crise sanitaire a été catastrophique, faute d’anticipation de la part du Gouvernement, avec un stock insuffisant de masques, une sous-estimation des risques épidémiques et des problèmes d’approvisionnement en vaccins. Cet amendement rédactionnel vise donc à éviter de laisser entendre qu’en matière sanitaire, notre modèle de gestion de crise aurait fait ses preuves.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL197 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). L’amendement vise à recadrer l’expérimentation de la départementalisation de la police nationale. Paradoxalement, en effet, le projet de loi que nous examinons sera voté avant que nous ne disposions des résultats de l’expérimentation en cours dans certains départements, qui était pourtant destinée à nous permettre de valider ce principe avant de le généraliser. Il s’agit donc de rappeler que, sans disposer des résultats de cette expérimentation et sans les avoir analysés, il n’y a pas lieu de généraliser la pratique qui en fait l’objet.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le bon sens ne suffit pas toujours pour construire une politique publique. L’expérimentation a commencé voilà deux ans et nous devons tenir le timing des discussions, compte tenu des inspections ministérielles et du travail mené par nos collègues Marie Guévenoux et Ugo Bernalicis, dont les conclusions sont attendues pour la mi-janvier. Une mission d’information sénatoriale est également prévue. Des évolutions importantes sont intervenues au cours des dernières semaines et un sens, parfois même assez nouveau, a été donné à la réforme de la police judiciaire – que vous visez, en réalité, dans cet amendement. Avis défavorable, car il importe d’attendre les conclusions de tous les travaux et discussions en cours, et ce n’est pas dans le rapport annexé que nous réglerons ce problème.

M. Roger Vicot (SOC). Je persiste. Pourquoi expérimenter si nous n’attendons pas les résultats d’une expérimentation qui, de surcroît, est loin de s’attirer que des louanges ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL193 de Mme Mélanie Thomin.

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit de renforcer la prise en compte de la réglementation française et européenne en matière de traitement des données personnelles, notamment celles dites sensibles et d’améliorer la transparence sur ces traitements.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il faut saluer, dans ce domaine, le travail de certaines associations comme le collectif Technopolice et la Quadrature du Net. Si elles n’étaient pas là pour veiller et pour contester certains fichiers devant les juridictions administratives, la CNIL et d’autres autorités indépendantes seraient écartées. La réglementation qui s’applique au traitement des données personnelles n’est visiblement pas la première préoccupation du ministère de l’intérieur, qui assume les contentieux au lieu de donner à la question l’importance qu’elle mérite. Le législateur doit donc souligner cet élément important de la feuille de route de ce ministère.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL263 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement rédactionnel vise à employer un terme plus humain en indiquant que nos policiers et gendarmes seront « aidés », et non pas « augmentés » par des outils numériques mobiles. Il s’agit surtout de souligner que les policiers doivent garder la main sur toutes les technologies auxquelles ils ont droit.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CL285 et CL284 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel (RE). Il s’agit d’entretenir la démarche citoyenne de signalement en instaurant des bilans semestriels qui seront communiqués par mail à la communauté des contributeurs de la plateforme Pharos – plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements – et publiés sur le site internet signalement.gouv.fr. Ces bilans rendront compte du nombre de signalements transmis chaque semestre par la communauté des contributeurs, regroupés par catégories.

Je tiens d’abord à saluer le travail de Pharos, dont nous avons doublé les effectifs – pensons à celles et ceux qui sont chargés de la lecture des contenus relevant de la pédopornographie ou du terrorisme ! Il importe d’établir des liens entre les communautés de producteurs et de réutilisateurs, dans une logique d’open data.

Il me semble aussi pertinent d’encourager Pharos à se tourner, individuellement, vers les citoyens qui signalent des contenus pour indiquer quel en est le traitement, même sans entrer dans le détail, afin de les encourager à poursuivre cette démarche citoyenne – je pense en particulier à la KdN, la Katiba des Narvalos, qui fait ce travail pour ce qui concerne le haut du spectre et le terrorisme. Il faut en effet que ces contributeurs continuent à signaler les contenus que l’on rencontre sur les réseaux sociaux, sur des blogs ou sur divers vecteurs du web. Cette démarche de synergie qui permet à l’action citoyenne de prendre la forme, non pas d’une milice ou d’une force supplétive de la police, mais d’une vigie détectant les contenus haineux ou violents, mérite d’être encouragé. Pharos peut précisément favoriser ce mouvement en se rapprochant de celles et ceux qui contribuent au quotidien à alimenter la plateforme en informations qui lui permettront d’instruire des procédures.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’émets un avis favorable sur l’amendement CL285 et propose le retrait de l’amendement CL284.

La commission adopte l’amendement CL185.

En conséquence, l’amendement CL284 tombe.

Amendement CL242 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Nous avons beaucoup parlé hier de la cybersécurité, notamment de celle des entreprises, et des rançongiciels, et avons notamment débattu du délai dont disposent les victimes pour porter plainte. C’est lorsqu’ils sont victimes de telles attaques que les chefs d’entreprise, en particulier de petites entreprises, prennent conscience des risques qu’ils encouraient et en mesurent l’enjeu. Les TPE et PME sont les premières victimes des rançongiciels dont elles représentent les trois quarts des cibles. Ces attaques menacent parfois leur survie, ce qui est du reste aussi le cas pour les professions libérales. L’amendement tend donc à renforcer la sensibilisation des entreprises et de leurs dirigeants face à ces risques, dans une perspective de prévention.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’aurais donné un avis favorable à cet amendement si rien n’avait déjà été fait. Or de nombreuses campagnes de sensibilisation à ce risque ont été lancées, notamment en 2021 par l’intermédiaire du site internet cybermalveillance.gouv.fr, qui, s’il n’est peut-être pas bien connu du grand public, n’en est pas moins actif et autour duquel ont été organisés 120 événements à travers le pays en 2021, avec plus de 2 000 retombées médiatiques, selon les données fournies par le Gouvernement. Ce site compte plusieurs dizaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux, avec une newsletter envoyée à 28 000 abonnés et 2,5 millions de visiteurs depuis sa création. A également été créé le label ExpertCcyber, propre à ce secteur, ainsi qu’en novembre 2021, une campagne intitulée « Face au risque cyber, faites confiance à un véritable expert », qui a eu, elle aussi, son efficacité. Un programme de sensibilisation des élus a également été organisé. En outre, l’alinéa 24 du rapport annexé rappelle que l’objectif doit être de sensibiliser 100 % des entreprises et des institutions au risque que représente la cybercriminalité.

M. Éric Bothorel (RE). À l’occasion de la visite effectuée voilà une dizaine de jours par Jean-Noël Barrot au Campus Cyber, il a été envisagé de lancer une grande campagne télévisée de sensibilisation des particuliers et des TPE et PME, inspirée de la série Le bureau des légendes, et qui donnera lieu à la diffusion de clips vidéo et de publicités à des heures de grande audience. Il faut saluer cette façon de vulgariser l’information pour toucher une large cible.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL 577, CL581 et CL579 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Ces amendements visent à défendre la présence physique de guichets et de commissariats de police et brigades de gendarmerie afin de pouvoir accueillir physiquement les personnes qui souhaiteraient effectuer des démarches administratives. La dématérialisation peut certes être une aide, mais elle ne l’est pas pour tout le monde, car 13 millions de personnes sont touchés par l’illectronisme ou ne sont pas à l’aise pour effectuer des démarches dématérialisées. Il serait regrettable que l’accès aux services de sécurité donne lieu aux mêmes inégalités que celles que nous avons constatées pour de nombreux autres services, comme EDF.

Selon le rapport du 16 février 2022 de la Défenseure des droits sur la dématérialisation des services publics, 22 % des Français, soit près d’un quart de la population, ne disposent à leur domicile ni d’un ordinateur ni d’une tablette, 8 % n’ont pas d’adresse mail personnelle ou professionnelle et 15 % pas de connexion internet à domicile. C’est donc une énorme partie de la population qui n’aura pas la possibilité d’agir.

Le texte dont nous débattons vise précisément à recréer du lien, de la confiance et de la proximité, et à remettre sur les territoires des moyens d’agir. Cela permettra de prendre en compte la demande de nos concitoyens qui souhaitent avoir accès à des agents sur tous les territoires. Pour ce qui concerne ma circonscription, les quartiers prioritaires de la politique de la ville en sont dépourvus, ce qui n’est pas un choix des autorités locales. C’est le résultat d’un choix national consistant à continuer à déshabiller des zones qui sont déjà les plus oubliées de la République. Cela ne peut pas continuer.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable sur ces trois amendements. N’oublions pas que la dématérialisation répond aussi à une demande de la société, qui intègre des innovations technologiques bien réelles. Vous opposez des modes qui doivent être complémentaires. C’est bien ce que prévoit le rapport annexé qui, quelques alinéas après celui que vous voulez modifier, prescrit que, pour chaque procédure dématérialisée, un contact humain doit être possible.

Les maisons France Services, qui sont au nombre de 2 400, n’incarnent pas la fermeture des guichets, mais leur coordination – et c’est précisément parce qu’on les coordonne et qu’on les mutualise, qu’on ne les ferme pas. Dans la commune de Castillon-la-Bataille, en Gironde, dans la circonscription dont je suis élu, on a ainsi évité la fermeture de guichets en les réunissant en un même lieu avec un financement de l’État, qui est donc engagé dans cette démarche. Je comprends donc mal votre position.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je n’ai jamais demandé la suppression des procédures dématérialisées : je souhaite des garanties en faveur de guichets physiques capables d’accueillir les usagers et ne se limitant pas à un accompagnement pour effectuer les procédures dématérialisées – il ne s’agit donc pas d’installer, à côté d’un ordinateur, une personne chargée d’aider les usagers, mais d’offrir un véritable service public au service du public. Le texte n’étant pas assez précis à cet égard, mes trois amendements visent à garantir ce choix. Je suis donc étonnée de votre avis défavorable, car nous allons dans le même sens.

M. Jordan Guitton (RN). Dès lors que ces trois amendements n’opposent pas la dématérialisation à l’accueil physique, mais assurent au contraire leur complémentarité, nous les soutiendrons. Nous sommes, en effet, nombreux à être élus de circonscriptions rurales dans lesquelles des personnes âgées ne disposent pas toujours des compétences requises pour utiliser les procédures dématérialisées.

Quant aux maisons France Services, l’évolution sociétale est bien réelle, mais l’État va très vite dans la dématérialisation et ferme bien souvent des services d’accueil avant que nos concitoyens aient pu s’adapter aux nouvelles technologies. Il faut donc maintenir un accueil physique pour les personnes âgées qui ont besoin de services. Fermer des lieux d’accueil du public pour en ouvrir d’autres revient à retricoter ce qu’on a détricoté. C’est une perte de temps et de qualité de service.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). J’ai rendu au début de la semaine un rapport complet sur la discussion budgétaire que nous devions avoir sur la Mission Administration générale et territoriale de l’État, dont j’étais rapporteur pour avis pour notre commission. J’avais précisément choisi d’aborder la question sous l’angle de l’accueil des usagers dans les préfectures, les sous-préfectures et les administrations territoriales de l’État. Vous trouverez donc dans ce rapport de très nombreuses informations à ce propos.

Selon vous, Monsieur le rapporteur, la création d’une maison France Services dans votre circonscription a évité la fermeture des guichets, puisqu’on les y a tous réunis. Or, lorsqu’on nous a « vendu » le projet des maisons France Services, ces dernières étaient conçues pour être des guichets supplémentaires s’ajoutant à ceux existants, et n’avaient pas vocation à s’y substituer, comme le dénonce notamment la Défenseure des droits dans le bilan qu’elle dresse de certaines maisons France Services. Elle a constaté en effet que l’ouverture de ces maisons s’accompagnait de la fermeture des guichets d’autres administrations ou services, qui renvoient même parfois certains usagers vers la maison France Services.

La dématérialisation progresse parfois plus vite que l’ouverture de guichets France Services destinée à pallier la fermeture des guichets antérieurs. Ainsi, 4 200 effectifs ont été supprimés en une dizaine d’années dans les préfectures et sous-préfectures, tandis que vous prévoyez, dans le texte que nous examinons, de n’en créer que 350.

M. Florent Boudié, rapporteur. La mission budgétaire Administration générale et territoriale de l’État va bénéficier de 837 millions d’euros supplémentaires, ce qui est considérable. En termes de programmation, le financement sera aussi important que pour le Réseau radio du futur, que vous jugiez trop cher.

Les maisons France Services ont, dans certains cas, évité des fermetures et toutes ont permis d’offrir des services supplémentaires associant les caisses d’allocations familiales, le conseil départemental et l’intercommunalité. Du reste, les maisons France Services fonctionnent quand la collectivité locale concernée est impliquée et motrice. L’État est alors toujours là pour financer – c’est la raison pour laquelle ces maisons sont au nombre de 2 400.

Député depuis dix ans, je n’ai jamais vu aucun gouvernement faire autant pour la réimplantation des services dans les territoires. Nous avons ainsi annoncé voilà quelques jours la réouverture de six sous-préfectures, et ce processus va se poursuivre. Pourriez-vous au moins convenir qu’il n’y a jamais eu un tel réinvestissement de la puissance publique dans les territoires ?

Madame Regol, vous me disiez hier que ce serait bien que nous ne votions pas seulement nos propres amendements. Eh bien, ce ne serait pas mal non plus que vous reconnaissiez qu’il s’est fait aussi des choses positives depuis cinq ans ! Il était essentiel de réinvestir les territoires là où, comme le relevait à juste titre Mme Faucillon, ils avaient été désinvestis. Vos amendements mettent en opposition des stratégies dont le rapport annexé montre clairement la complémentarité. Dites « oui » avec nous !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL493 de M. Davy Rimane.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Cet amendement vise à ce que soit prise en compte la réalité de nos territoires. Plusieurs de nos concitoyens historiquement français n’ont pas le français pour langue maternelle et une partie de notre population reste ainsi éloignée, sinon exclue, de l’accès aux services publics. Nous souhaiterions donc inscrire dans la loi la prise en compte d’une des langues locales ou régionales majoritairement parlées sur chacun des territoires ultramarins dans le recrutement futur des agents des maisons France Services.

M. Florent Boudié, rapporteur. Sur la question des langues régionales ou plus locales, je pourrais me contenter de rappeler que, selon l’article 2 de la Constitution, le français est la langue de la République, mais cette réponse n’est pas satisfaisante. Nous avons eu, du reste, des débats récurrents à ce propos entre 2012 et 2017, puis entre 2017 et 2022, notamment en Nouvelle-Aquitaine.

Toutefois, si l’État peut garantir la possibilité de la mesure proposée et se montrer vigilant en la matière, le caractère obligatoire que lui donnerait l’emploi du terme « assujetti » est gênant. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Nous pourrons cependant retravailler ce dernier en vue de la séance publique pour trouver les termes appropriés dans notre cadre juridique tout en répondant à l’objectif que vous poursuivez et que je comprends très bien. Il est possible d’entendre les revendications qui s’expriment en outre-mer et dans diverses régions de l’Hexagone d’une manière compatible avec l’indivisibilité de la République. C’est, du moins, mon avis personnel.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Je suis tout à fait disposé à changer un mot à mon amendement pour que cette revendication soit entendue, et je le retire donc.

L’amendement est retiré.

Amendement CL374 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement vise à supprimer, avec l’alinéa 48, le projet d’accélération du déploiement des caméras-piétons pour les policiers et les gendarmes. Tout d’abord, en effet, une question demeure quant au traitement des données recueillies, et nous ne sommes pas rassurés par le texte actuel. Nous nous étions, du reste, déjà opposés à des dispositions de cette nature lors de la discussion de la loi sécurité globale. Par ailleurs, l’utilisation des caméras-piétons nuirait à la restauration du lien de confiance entre la police et la population, auquel je suis particulièrement attachée.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous avez raison sur un point : une caméra ne dialogue pas. Elle est, en revanche, très utile, y compris pour l’établissement du récépissé, que nous évoquerons un peu plus tard. En revanche, une captation d’images permanente, que proposera tout à l’heure l’un de vos collègues, me semble une disposition quelque peu liberticide. La caméra est une évolution technologique qui ne doit pas bénéficier seulement aux délinquants et nous pouvons en équiper nos forces de l’ordre. Notre désaccord sur ce point est ancien et acté. Avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). D’un point de vue pragmatique, toutes les forces de l’ordre, lorsque nous les auditionnons ou les rencontrons dans nos circonscriptions, sont favorables aux caméras-piétons, et on légifère souvent mieux en écoutant les professionnels concernés.

Les caméras piétons dissuadent les personnes contrôlées de se montrer violentes et facilitent ainsi le travail de nos forces de l’ordre. À l’inverse, toute personne qui se plaint d’une bavure policière peut en apporter la preuve par l’enregistrement de son arrestation. Je suis donc surpris de cet amendement, car vous devriez plutôt être favorable à un dispositif qui permet une plus grande transparence.

Alors que les vidéos tronquées prises dans des manifestations et circulant sur les réseaux sociaux vont toujours dans un sens favorable aux manifestants et défavorable aux forces de l’ordre, je souhaiterais que la caméra-piéton permette d’avoir accès à l’intégralité de ces vidéos, ce qui protégerait tant les forces de l’ordre que les citoyens. L’amendement va donc à l’inverse de la volonté affirmée.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Tous les arguments qui viennent d’être énoncés tombent du fait même que l’agent décide du moment où il déclenche sa caméra-piéton. Par ailleurs, ce ne peut pas être la personne contrôlée qui demande le déclenchement de celle-ci. Un policier qui sent que la situation s’envenime et qui n’a pas un comportement exemplaire ne va pas déclencher sa caméra, ou va l’arrêter. Le citoyen ne peut, de surcroît, demander à avoir accès à ces images. Il se trouve peu ou prou dans la même situation en ce qui concerne la délivrance du récépissé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL279 de Mme Pascale Bordes.

Mme Pascale Bordes (RN). Nous demandons la généralisation de l’utilisation des caméras-piétons. J’avoue ne pas comprendre que certains la refusent, alors que, bien souvent, ce sont les mêmes qui colportent des faits polémiques à l’encontre des forces de police. À l’aide des caméras-piétons, on pourrait enfin savoir ce qui se passe réellement. Elles ne régleraient pas tout mais cela éviterait ces polémiques stériles.

M. Florent Boudié, rapporteur. La formulation que vous proposez me paraît ambiguë : est-ce l’équipement ou son utilisation qui doit être généralisé ? Dans le deuxième cas, vous rejoindriez la position de Sandra Regol, qui demande la captation d’images systématique, ce qui ne me paraît pas une bonne chose. L’objectif est de généraliser progressivement les équipements, à mesure de leur disponibilité. La Lopmi veille à améliorer la qualité de la captation d’image, à renforcer l’autonomie des batteries, à alléger le mécanisme. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL580 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Ce texte contient des mesures qui font parfois froid dans le dos et qui sont, de plus, très coûteuses, telles les exosquelettes, les biocapteurs et les augmentations diverses. Or il n’est nulle part fait mention du budget alloué à ces fantaisies technologiques, dont on n’est pas certain qu’elles puissent être déployées sur le terrain. Un policier harnaché dans une armure bionique, bardée de capteurs, représente l’exact inverse de la proximité. Pour notre part, nous faisons des propositions raisonnables, concernant par exemple les textiles, les équipements de protection allégés et les caméras embarquées.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable pour les raisons précédemment exposées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL578 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement vise à préciser que toute interruption de l’enregistrement des caméras-piétons et embarquées devra faire l’objet d’un compte rendu versé au dossier. C’est une demande récurrente des associations pour avoir un continuum de la captation. Jusqu’à présent, les agents étaient les premiers à dénoncer le manque de fiabilité du matériel, mais la Lopmi va accroître les moyens mis à leur disposition. Les caméras-piétons embarquées sont un outil de transparence de l’action policière, qui a parfois permis, dans certains pays – comme au Canada –, d’améliorer les relations entre la police et la population. Pour que ces dispositifs soient efficaces, ils doivent rester allumés pendant toute la durée de la présence des unités sur le terrain et pas seulement au cours des interventions, et pas à la discrétion des agents, comme cela se fait trop souvent.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi vous demandez l’enregistrement permanent et automatique par les caméras-piétons. Il faut parvenir à une position équilibrée. D’une part, on doit pouvoir utiliser la caméra-piéton pour des raisons d’ordre public et, dans le cas de la police nationale, pour assurer de bonnes relations entre celle-ci et la population. D’autre part, il faut veiller au respect de la vie privée de nos concitoyens, par exemple des riverains et des passants. Défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le fait de filmer en permanence peut sembler rassurant pour tout le monde, mais cela crée d’autres problèmes, en termes de stockage des images et d’accès à celles-ci. Les caméras-piétons, telles qu’elles existent actuellement, ne sont pas la solution. Elles filment en permanence mais n’enregistrent pas continument. Au Canada, les policiers de terrain bénéficient d’une formation initiale de deux ans, parfois trois, qui leur permet d’appréhender les situations complexes et conflictuelles. En outre, la caméra embarquée peut désigner des réalités différentes. Pour le Gouvernement, c’est une caméra fixée sur le véhicule, qui filme vers l’extérieur. Au Canada, c’est une caméra située à l’intérieur du véhicule. Or, on sait qu’un grand nombre des violences commises sur les mis en cause a lieu dans la voiture ou le fourgon.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Les personnes que nous avons auditionnées dans le cadre de la commission d’enquête sur les forces de sécurité nous ont fait part de l’intérêt des caméras-piétons pour sécuriser les professionnels comme les personnes auxquelles ils font face. Cela étant, le fait de filmer en continu peut être source de difficultés. Policiers et gendarmes nous disent que les caméras, désormais, fonctionnent bien. Faisons-leur confiance : ils savent à quel moment les actionner. Depuis que les caméras ont été mises en service, on constate une réelle amélioration des relations entre la population et les forces de l’ordre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL576 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à réaffirmer que, dans le cadre d’une procédure judiciaire engagée à l’encontre d’un agent, les images des caméras-piétons doivent être transmises sous scellé pour en assurer l’authenticité. Il s’agit également d’exclure explicitement le traitement des images issues de caméras embarquées par des logiciels de reconnaissance faciale, compte tenu des craintes que ces derniers nous inspirent. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) garantit, en son article 22, le « droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage […] ». La reconnaissance faciale entre également en contradiction avec son article 9, qui interdit le « traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique ». En septembre, notre ministre déclarait être opposé à la reconnaissance faciale. Nous espérons qu’il s’en souviendra.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL384 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’amendement vise à instituer une coopération transfrontalière entre la Corse et la Sardaigne, distantes de douze kilomètres, afin de créer une force méditerranéenne de lutte contre les incendies.

M. Florent Boudié, rapporteur. La France et l’Italie participent déjà au mécanisme de protection civile au sein de l’Union européenne (MPCU), qui peut être déclenché en présence de catastrophes naturelles ou d’origine humaine, dont les feux de forêt. En 2021, la France est intervenue en Sardaigne, à la demande de l’Italie, puis, lorsque les incendies ont frappé la Gironde, la France a, à son tour, actionné le MPCU, obtenant l’aide de l’Italie. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Paul Molac (LIOT). Il s’agit d’une question de délais. Le déclenchement du mécanisme européen exige de demander l’autorisation à Paris. Or la Sardaigne a un statut d’autonomie qui la dispense de solliciter le feu vert de Rome.

Mme Blandine Brocard (Dem). Les côtes de la Corse et de la Sardaigne sont très proches. Or, c’est l’immédiateté de la réponse qui prime. L’amendement vise à instituer une organisation transfrontalière qui nous semble judicieuse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL91 de M. Christophe Naegelen et sous-amendement CL758 de M. Florent Boudié.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il s’agit d’indiquer dans le rapport annexé qui seront les principaux bénéficiaires du programme Réseau radio du futur. Actuellement, le rapport se borne à mentionner l’existence de 300 000 abonnés.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il est en effet intéressant de mentionner les institutions qui pourront être abonnées à ce réseau. Avis favorable, à la condition que vous acceptiez mon sous-amendement, qui vise à placer cette disposition à l’alinéa 65.

M. Philippe Pradal (HOR). Mon amendement CL429 est satisfait par cette rédaction.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CL429 de M. Philippe Pradal tombe.

Amendement CL391 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Nous proposons que le projet en cours de développement par l’Agence du numérique de la sécurité civile s’accompagne d’un plan de mise à niveau des moyens matériels en matière de sécurité civile. À La Réunion, par exemple, nous manquons cruellement de camions et de bombardiers d’eau. Nous pouvons heureusement compter sur les renforts en hommes que l’on nous envoie chaque année, mais ils ne sont pas accompagnés de moyens matériels. De nombreux départements sont en proie aux mêmes difficultés.

M. Florent Boudié, rapporteur. Des efforts considérables ont été menés en matière de sécurité civile, dès avant les mégafeux de cet été. Éric Pauget reconnaissait, dans son avis budgétaire, que les crédits de la sécurité civile pour 2023 avaient augmenté de 13 % par rapport à 2022. Le directeur général de la sécurité civile nous a fait part de la massification des moyens consacrés à ce domaine, qu’il s’agisse, par exemple, des aéronefs – tels les Dash à produit retardant – ou du prépositionnement stratégique des sapeurs-pompiers, qui est essentiel. Il me semble que votre préoccupation est pleinement satisfaite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL544 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le ministère doit s’assurer que les entreprises avec lesquelles il travaille ne sont impliquées ni de près, ni de loin dans des activités contraires aux droits humains. Les marchés publics sont en effet un levier très puissant pour faire progresser l’éthique des entreprises, en particulier dans le domaine de la sécurité. Le logiciel Pegasus a mis en lumière les risques existants en la matière ; les renseignements français avaient songé à se le procurer, avant que le Gouvernement y renonce. Il faut éviter que des problèmes similaires se reproduisent. Nous souhaitons que ce principe s’étende à toutes les administrations françaises.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne sais pas ce que signifient les termes « démarche proactive d’enquête » : qui serait concerné, en quoi cela consisterait-il et comment cela serait-il mis en œuvre ? Dans le cadre des marchés publics, le ministère de l’intérieur veille scrupuleusement au respect d’un certain nombre de conditions. Ainsi, s’agissant du Réseau radio du futur, les lots ont été attribués à des entreprises comme Airbus ou Orange. Par ailleurs, il a été fait preuve d’une vigilance particulière concernant Pegasus, en 2020. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL99 et CL100 de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. L’amendement CL99 vise à préciser que « l’effort porté en matière de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologies, dans le cadre des partenariats avec le monde académique, sera également consacré à la cybersécurité ». L’amendement CL100 a pour objet de mentionner que les élus locaux et les parlementaires ultramarins seront associés à la concertation sur la création du Réseau radio du futur.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement CL100 ; l’association des parlementaires et des élus locaux ultramarins est une de nos préoccupations constantes. Avis également favorable sur l’amendement CL99, sous réserve d’insérer les mots : « et notamment en matière de cybersécurité » ».

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. J’accepte cette modification.

La commission adopte successivement l’amendement CL99 rectifié et l’amendement CL100.

Amendement CL413 de Mme Raquel Garrido.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Nous voudrions rappeler à M. le ministre que nous sommes toujours favorable au démantèlement de la brigade anticriminalité (BAC). L’objectif de la BAC est de procéder à des interpellations en flagrant délit. Pourtant, elle est connue pour être l’une de nos institutions les plus violentes et les plus brutales. Par cette logique de raid dans les quartiers populaires, elle est surtout l’exemple même de la politique du chiffre. La BAC a été fondée en 1971 par Pierre Bolotte, ancien haut fonctionnaire responsable des morts en Guadeloupe en 1967. La BAC, c’est une gestion coloniale de la sûreté dans les quartiers populaires, et c’est une police antipauvres. Notre vision de la police républicaine repose sur l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Les décès dus aux interventions de la BAC – je pense à l’affaire Ajimi – mettent en cause la responsabilité de l’État, à travers celle des agents. Il serait à l’honneur de la France de revoir sa doctrine et de passer du maintien de l’ordre au maintien de la paix. Nous demandons le démantèlement de la BAC et voulons plus de police judiciaire (PJ) et plus de police de proximité.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les propos que vous avez tenus et, pire encore, les termes de votre amendement, sont, à bien des égards, scandaleux. Vous parlez de « brutalisation des rapports police-population », d’« idéologie extrémiste » : vous considérez – ce qui marque une divergence fondamentale entre nous – qu’il existe une violence institutionnalisée, voulue et organisée par l’État. C’est à nos yeux une vision scandaleuse, honteuse et fausse. Il n’y a pas de violence d’État. Vos arguments me peinent pour nos forces de l’ordre et parce que nous sommes dans un État de droit, dans une société démocratique où la contradiction et les contre-pouvoirs existent, à l’image des recours intentés par les associations.

Vous ne cessez de demander des chiffres – ce en quoi vous avez raison, car c’est nécessaire à notre travail de député – et vous en citez vous-mêmes un certain nombre, par exemple concernant les tirs effectués par les forces de l’ordre. Vous demandez également des chiffres pour connaître la programmation budgétaire – et je vous les communiquerai pour la séance. La politique du chiffre serait donc acceptable lorsqu’elle sert vos convictions et inacceptable lorsqu’il s’agit de débattre de manière objective ? Tout cela est incohérent. La politique du chiffre consiste simplement à documenter les sujets afin de savoir de quoi on parle. Vous êtes d’ailleurs les premiers à demander la création d’instances indépendantes qui puissent chiffrer et objectiver les choses.

Je rappelle, enfin, que les BAC exercent un travail d’une très grande difficulté, qui consiste à procéder à des interpellations en flagrant délit.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). On lit dans l’exposé sommaire de l’amendement : « Coupables de nombreuses violences illégitimes et porteuses d’une vision stigmatisante d’une partie de notre jeunesse, sans compter le plus souvent le fait de nourrir une idéologie extrémiste qui mine nos services de sécurité publique, les BAC sont devenues anachroniques et porteuses de plus de désordres que ceux qu’elles ont vocation à combattre. » Comment Mme Garrido peut-elle défendre une vision aussi absurde – sans venir d’ailleurs la présenter devant nous ? Que dites-vous aux femmes battues sauvées par la BAC ? Que dites-vous aux personnels de la BAC qui sont entrés au Bataclan et qui y ont sauvé des vies ? Vous montrez, encore une fois, que vous êtes contre la protection des femmes et la lutte contre les féminicides. Vous avez une vision caricaturale, antiflics, anti-BAC, qui ne s’appuie sur aucun argument de fond. Vous essayez simplement de protéger une partie de votre électorat, qui vit dans les banlieues. Il nous paraît évidemment essentiel de maintenir la BAC dans tous nos territoires, avant tout pour les femmes battues.

Mme Caroline Yadan (RE). Il faudrait encadrer cet amendement, qui n’est rien de moins qu’une tribune totalement insultante pour nos forces de l’ordre. Parler de « brutalisation » des rapports entre la police et la population revient à dire que la police tue ; c’est piétiner l’honneur d’une institution constituée d’hommes et de femmes dévoués à leur pays, qui assument la mission de nous protéger au péril de leur vie. Vous créez par cet amendement et par votre idéologie délétère un climat de suspicion, notamment auprès de la jeunesse : c’est inacceptable ! Vous justifiez le fait de piétiner l’autorité de nos forces de l’ordre et niez que nos policiers soient menacés quotidiennement par des délinquants qui cherchent à obtenir leur adresse personnelle. La sécurité est la première de nos libertés, et cette exigence concerne en premier lieu les quartiers défavorisés.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Au fond, on aborde ici le cœur de notre vision de la police : les BAC incarnent très précisément la police dont nous ne voulons pas. Pour que les choses soient claires, précisons qu’il ne faut pas confondre le marteau et la main qui le manie. L’enjeu, ce sont donc les consignes données aux BAC, le cadre dans lequel on les fait intervenir. Or c’est une logique de saute-dessus, qui nous paraît inefficace. Qu’en est-il dans les faits, puisque vous défendez la police et paraissez si bien connaître son quotidien ? Cela signifie que, chaque matin et chaque après-midi, les BAC contrôlent les mêmes jeunes au bas des mêmes immeubles. On sait dans quels endroits elles interviennent majoritairement.

Non seulement c’est inefficace, mais cela pose la question du sens de leur mission. Les agents des BAC le reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes, lorsqu’on prend le temps de discuter avec eux, comme je l’ai fait à Grenoble. Ils vident la mer avec les mains, et en ont conscience. C’est pourquoi nous proposons de démanteler les BAC et d’organiser ou de réorganiser une police de proximité. Par ailleurs, pour intervenir dans les situations de violences faites aux femmes, il y a police secours.

M. le président Sacha Houlié. J’ai entendu de vives interpellations et des applaudissements. La commission des lois de l’Assemblée nationale n’est pas un cirque. Un peu de tenue ! Chacun défend ses opinions, et je ne porte pas d’appréciation sur celles-ci. Les gens qui nous regardent accordent du crédit à nos travaux, qui portent ici sur la police, et attendent de notre part des interventions plus construites. Ce que nous donnons à voir n’est pas sérieux. Je vous demande de ne pas vous interpeller les uns les autres, à tout le moins de faire preuve de modération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL229 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Il vise à préciser que le doublement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain doit être consacré en priorité à la lutte contre les crimes et délits, en particulier les atteintes aux biens et aux personnes, plutôt qu’à d’autres missions telles que le contrôle routier, la surveillance des bâtiments ou l’encadrement des événements.

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est évidemment le sens du renforcement des effectifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL92 de M. Christophe Naegelen.

M. Paul Molac (LIOT). Il s’agit de tirer les conclusions des réserves formulées par le Conseil d’État dans son avis du 5 septembre 2022 quant au manque de corrélation entre les objectifs figurant dans la Lopmi et les moyens déployés. Si le rapport annexé évoque le doublement d’ici à 2030 de la présence des policiers et gendarmes, il n’identifie pas de manière suffisamment précise les crédits et moyens à mobiliser chaque année pour atteindre cet objectif louable. Nous proposons donc que le ministère de l’intérieur institue, dans les bleus budgétaires, un suivi dédié à cet objectif.

Lors de l’examen du présent texte par la commission de la défense nationale et des forces armées, le rapporteur pour avis a indiqué qu’un tel suivi existait dans le programme Gendarmerie nationale, mais qu’il avait des incertitudes concernant le programme Police nationale. Aussi proposons-nous la création de nouveaux indicateurs et objectifs de performance pour le programme Police nationale.

M. Florent Boudié, rapporteur. Dans le cadre de l’examen des missions budgétaires, les rapporteurs obtiennent ces informations de manière systématique et sans aucune difficulté. Je ne vois pas l’intérêt d’un tel ajout, qui plus est dans le rapport annexé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL159 et CL198 de M. Roger Vicot, amendement CL267 de M. Jordan Guitton (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Nous avons bien compris la nuance sémantique : il est question d’un doublement non pas des effectifs, mais de la présence des agents sur le terrain, notamment grâce à la numérisation et à la réforme des cycles horaires. En tout cas, c’est bien la présence humaine sur le terrain qui doit être privilégiée.

L’amendement CL159 vise à indiquer que le doublement de la présence sur le terrain doit résulter principalement d’un recrutement massif de policiers et de gendarmes.

L’amendement CL198 tend à préciser qu’il doit s’agir de recrutements nets, c’est-à-dire tenant compte des départs à la retraite sur la période considérée.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement CL159. La formulation que vous proposez est tout à fait adaptée : il s’agira bel et bien d’un recrutement massif de policiers et de gendarmes. Avis défavorable sur l’amendement CL198.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je vous alerte, chers collègues : augmenter la présence des forces de l’ordre sur la voie publique sans changer de doctrine reviendra à augmenter mécaniquement le nombre d’interpellations, donc le nombre d’affaires à traiter dans les commissariats. Or ceux-ci sont engorgés par les affaires courantes et les plaintes, qui sont de moins en moins traitées, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport à ce sujet.

Nous l’avons constaté dans le passé : les politiques qui visaient à mettre davantage d’agents sur la voie publique – Nicolas Sarkozy s’en était fait le chantre – ont conduit à un engorgement des services et à une diminution de la satisfaction des citoyennes et des citoyens quant au traitement de leurs plaintes. À Beauvais, où je me suis rendu la semaine dernière, on est passé de 17 000 à 10 000 affaires en stock, après une revue de dossiers qui a permis de classer sans suite ceux qui traînaient sur les étagères depuis cinq ou six ans. Veut-on reproduire ce cas de figure ? Je ne suis pas sûr que l’on prenne la bonne direction en mettant plus de bleu sur le terrain tout en gardant la même doctrine.

M. Jordan Guitton (RN). Nous sommes évidemment favorables au doublement de la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. Néanmoins, il ne faudrait pas concentrer principalement cet effort sur les contrôles routiers. L’amendement CL267 vise à préciser que la mission des policiers et gendarmes déployés sur le terrain sera en priorité de protéger les biens et les personnes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je comprends que vous souleviez la question, car cela n’a pas toujours été le cas. En l’espèce, c’est bien l’objectif. Le ministre le redira probablement en séance, et cela figurera au compte rendu. Ce sera la manifestation la plus évidente que la priorité est de lutter contre les atteintes aux biens et aux personnes, non de déployer des cortèges de policiers et de gendarmes le long des autoroutes. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CL159 et rejette successivement les amendements CL198 et CL267.

Amendements identiques CL180 de M. Roger Vicot et CL326 de M. Antoine Léaument, amendement CL288 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Nous demanderons tout à l’heure la suppression des alinéas 139 à 142 du rapport annexé, qui évoquent la réforme de la police nationale, en particulier sa départementalisation sous l’autorité du préfet. En l’espèce, l’amendement CL180 vise à supprimer la fin de l’alinéa 96, qui mentionne la réorganisation de la police nationale par filières.

Je pourrais en dire beaucoup plus, monsieur le rapporteur, mais si vous en êtes d’accord, nous n’allons pas relancer ici le débat sur la réforme de la police judiciaire, que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, notamment en commission.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous partageons le point de vue qui vient d’être exprimé. Comme je le dis parfois, Darmanin…

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Darmanin.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Oh, pardon ! Monsieur Darmanin, ministre de l’intérieur, est finalement capable de faire l’unanimité, en l’occurrence contre lui. L’ensemble des effectifs de la police judiciaire, les magistrats et les avocats s’inquiètent fortement d’une dilution des missions et de l’activité de la police judiciaire. Vous le savez, elle traite le haut du spectre de la criminalité. Nous avons besoin d’elle, en particulier pour lutter contre la délinquance financière et la délinquance en col blanc. Par ailleurs, on s’interroge sur son autonomie, puisque, de façon indirecte mais fort claire, elle agira sous l’égide du préfet. Il faut retirer du rapport annexé la mention de la réforme de la police nationale.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL288 est en quelque sorte un amendement de repli, qui vise à préciser que la réorganisation de la police nationale par filières ne concernera pas les services relevant de la direction centrale de la police judiciaire.

M. Florent Boudié, rapporteur. Chère Élisa Martin, je m’adresse toujours à vous en disant « madame la députée ». Et j’emploie souvent le mot « cher ». Il me paraît naturel que nous nous respections. Dire « monsieur le ministre » ou « Gérald Darmanin », c’est un acte non pas de déférence, mais de civilité et de respect. Je pourrais dire « Martin » comme vous avez dit « Darmanin ». Hier, je me suis excusé d’avoir dit « Bernalicis » au lieu d’« Ugo Bernalicis ». Je souscris à la remarque du président : nous débattons et légiférons sous le regard des Français ; nous devons le faire impérativement en assumant nos convictions, mais en nous respectant, madame la députée.

Roger Vicot parle d’or : ne relançons pas le débat sur la réforme de la police nationale, notamment sur la police judiciaire. Nous avons constaté de façon consensuelle – c’est sain, car ce n’était pas évident – que la Lopmi n’est en aucun cas la pierre normative de cette réforme. Néanmoins, il est normal que nous l’abordions à travers des amendements, puisque le rapport annexé y fait brièvement référence.

Je ne reviens donc pas sur les incompréhensions qu’elle suscite. S’ouvre désormais un temps nécessaire de grande écoute et d’adaptation. Les engagements pris seront tenus. Le ministre de l’intérieur et nous-mêmes serons éclairés par les rapports des trois inspections générales – y compris celle de la justice, ce qui est une garantie concernant le débat sur l’article 12 du code de procédure pénale – et des deux missions d’information, celle du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, dont Ugo Bernalicis et Marie Guévenoux sont corapporteurs. Notre débat prendra alors probablement une autre tournure. En effet, ne faisons pas du rapport annexé le levier d’une réforme qui se discute et se construit en dehors de la Lopmi.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). C’est précisément parce que les choses sont en cours, notamment la mission des inspections générales, qu’il est urgent de ne pas inscrire dans la feuille de route du ministre qu’il doit procéder à une réorganisation de la police. Il pourra venir nous présenter ses conclusions et dire ce qu’il veut faire.

(M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, prend place dans la salle de la commission.)

Bonjour, monsieur le ministre. Je disais qu’au vu des débats qui animent la police nationale, en particulier la police judiciaire, il serait sain de ne pas inscrire dans votre feuille de route l’obligation de conduire une réforme. Autrement dit, vous devez garder la liberté d’abandonner la réforme ; vous ne devez pas être contraint par un texte où nous, législateurs, aurions indiqué qu’il serait bon de procéder à une réorganisation.

Plus on avance dans la réflexion sur la réforme de la police judiciaire, plus on se dit que, telle qu’elle a été conduite, elle n’était ni faite ni à faire : le 1er juillet, on a diffusé des organigrammes en disant qu’il était urgent de les mettre en place avant la fin du mois, alors qu’ils étaient prévus pour le 1er janvier et que vous n’aviez même pas eu le retour des expérimentations, puisqu’elles n’étaient pas encore achevées. En outre, conduire une réforme l’été est le meilleur moyen de provoquer du mécontentement, ce qui s’est produit.

Par ailleurs, si l’on considère la réforme de la police aux frontières (PAF), déjà départementalisée, on se rend compte qu’une telle réorganisation ne présente pas que des avantages. On a supprimé les services de police judiciaire au sein des unités de la PAF lorsque leur effectif était inférieur à cinq agents. Dès lors, les autres services étant engorgés, il n’y aura plus dans les petits aéroports d’enquêtes judiciaires sur les filières de passeurs ou sur la fraude documentaire, sujets qui vont sont pourtant chers.

Il est donc urgent d’attendre. Au demeurant, si vous ne faites pas la réforme en 2023, le respect du calendrier que vous aviez prévu étant désormais très problématique, vous ne la ferez pas non plus en 2024, notamment en raison des Jeux olympiques.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CL441 de M. Christophe Naegelen.

M. Paul Molac (LIOT). Il vise à préciser que la concertation avec les élus à propos du déploiement des 200 nouvelles brigades de gendarmerie associera les députés et les sénateurs des territoires concernés.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre remarque est légitime et tout à fait sensée. Mon avis est, bien sûr, favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL272 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Il vise à insérer l’alinéa suivant dans le rapport annexé : « Les condamnations pour violences, outrages et injures à l’égard des forces de l’ordre seront affichées publiquement sur les lieux de commission des faits afin d’accentuer le caractère exemplaire de la peine. »

Pour endiguer le phénomène des violences envers les forces de l’ordre et rétablir la paix sociale, un tel affichage public apparaît particulièrement nécessaire. Il dissuaderait et sensibiliserait aux peines encourues tous ceux qui s’attaquent aux forces de l’ordre – que nous défendons.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous serions en plein dans le système à l’américaine évoqué dans l’exposé sommaire d’un des amendements d’Élisa Martin – avec qui je suis parfois en profond désaccord. Outre que je doute de son efficacité, je trouve votre proposition particulièrement baroque. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Bonjour, monsieur le ministre.

Nous voterons bien évidemment contre cette proposition complètement ridicule du Rassemblement national. Qui plus est, sa mise en œuvre soulèverait des problèmes pratiques : si les faits ont été commis dans un bus, faudra-t-il procéder à l’affichage dans ce bus ? S’ils ont été commis au bas d’un immeuble, faudrait-il mettre une affiche sur l’immeuble, alors que c’est en principe interdit ?

Pour revenir sur une de vos remarques précédentes, monsieur le rapporteur, nous sommes bien loin du 8 novembre 1793, date à laquelle le tutoiement avait été rendu obligatoire dans les administrations ! Mais, rassurez-vous, nous sommes des citoyens très polis.

M. le président Sacha Houlié. Toute révolution a ses excès.

M. Paul Molac (LIOT). Pour ma part, je me méfie beaucoup des mesures du genre de celle qui est proposée. Elle pourrait donner lieu à une sorte de concours, où l’on cherche à avoir son nom affiché.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CL21 de M. Romain Baubry et CL213 de Mme Edwige Diaz (discussion commune).

M. Romain Baubry (RN). L’amendement CL21 vise à supprimer l’alinéa 100 du rapport annexé, qui annonce le retour de la discrimination positive. Souhaitée par Nicolas Sarkozy, elle n’a servi strictement à rien. La diversité de la population, mentionnée dans cet alinéa, est déjà une réalité au sein des forces de l’ordre. Le recrutement de certains membres des forces de l’ordre selon d’autres critères que leur performance individuelle pourrait mettre en question leur légitimité.

Mme Edwige Diaz (RN). Par l’amendement CL213, nous souhaitons lutter contre la discrimination positive. Les propos tenus il y a quelques jours devant notre commission par M. Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, ne sont pas de nature à nous rassurer. Nous réaffirmons l’importance du principe de neutralité. Nous voulons que les concours de la police soient écrits et anonymes, afin d’éviter tout risque de discrimination positive.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Je suis heureux de participer à nouveau à vos travaux.

J’indique à l’attention du Rassemblement national que l’objet de l’alinéa 100 n’est pas du tout d’organiser des concours spécifiques ou de faire de la discrimination positive. Je me suis toujours exprimé contre la discrimination positive, et je n’introduirai pas de concours spécifiques en tant que ministre de l’intérieur. En outre, vous avez raison, il faut que les concours restent anonymes ; il n’est pas question de rendre apparent le nom ou l’adresse du candidat.

Voici ce que dit l’alinéa 100 : « Les citoyens pourront ainsi compter sur des forces de l’ordre plus présentes et plus accessibles, mais qui doivent aussi leur ressembler : si les agents du ministère de l’intérieur sont représentatifs de tous les milieux sociaux, il n’en est pas de même de la diversité de la population. Des dispositifs de recrutement seront mieux ciblés sur les quartiers populaires […]. »

Nous allons faire, dans les quartiers populaires, de la publicité pour la police et la gendarmerie nationales. Il s’agit notamment – nous le faisons déjà – de lutter contre l’idée que « ce concours n’est pas pour moi ». Nous allons créer, dans les collèges et les lycées des quartiers populaires, une centaine de classes préparatoires aux concours de la fonction publique. Je suis très heureux que des personnes des quartiers populaires passent ces concours, notamment ceux de la police et de la gendarmerie. Ils continueront à les passer comme tout le monde, nous ne les sélectionnerons pas particulièrement. En revanche, nous leur parlerons davantage de ces concours et du beau métier de policier ou de gendarme. J’espère vous avoir rassurés.

M. Romain Baubry (RN). Monsieur le ministre, vous avez oublié la fin de la phrase : « les concours du ministère de l’intérieur seront refondus pour élargir le recrutement ». Conformément à ce que nous avons dit, cela permettra un mode de recrutement alternatif à celui qui existe actuellement. En outre, nous n’avons pas d’informations supplémentaires sur ce que vous avez prévu en la matière. Nous restons donc sur notre position.

M. Gérald Darmanin, ministre. Non, il n’y aura pas de concours spécifiques, ni de concours opérant une discrimination positive.

Que veut dire refondre ? J’ai fait sauter les barrières d’âge un peu idiotes qui s’appliquaient dans les concours de policier et de gendarme. Un certain nombre de personnes, à 35 ou 40 ans, par exemple des avocats, peuvent avoir envie de changer de métier et de commencer une deuxième vie professionnelle. Pourquoi les empêcherait-on de passer un concours ?

On peut aussi réfléchir à la pondération accordée à l’oral. Vous avez insisté sur l’écrit, mais beaucoup de gens sont meilleurs à l’oral. Cela pourrait encourager des personnes des quartiers populaires, qui n’ont pas le même capital social que ceux qui réussissent habituellement les concours. Il n’y a pas actuellement d’entretien de culture générale aux concours de policier ou de gendarme. Or un tel entretien n’est jamais mauvais, et serait l’occasion de demander aux candidats pourquoi ils veulent faire ce métier.

Demain, nous aurons besoin de gardiens de la paix et de brigadiers formés aux opérations cyber. Il y aura peut-être des épreuves de codage informatique dans certains concours de la police nationale.

Refondre les concours, cela veut dire les moderniser et les adapter, non pas créer des concours parallèles ou spécifiques, par territoire, par catégorie de population ou par origine. Je me suis toujours exprimé contre les dispositifs de discrimination positive, dans la police nationale comme partout ailleurs.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous voterons évidemment contre ces amendements du Rassemblement national. En l’occurrence, il s’agit d’un passage avec lequel nous sommes d’accord ; il n’y en a pas tant dans la Lopmi et son rapport annexé.

Accroître la diversité sociale à l’intérieur de la police est une bonne chose, mais il faut aussi traiter la question évoquée à l’alinéa 186 : « Les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés définitivement à une peine d’emprisonnement pour […] des faits de racisme ou de discrimination feront l’objet d’une exclusion définitive. » Il importe effectivement d’envoyer un tel signal ; il ne peut pas y avoir d’agents racistes à l’intérieur de la police. Nous avons eu récemment l’exemple d’un groupe Facebook sur lequel étaient échangés des propos honteux et scandaleux. La fermeté contre le racisme à l’intérieur de la police doit être exemplaire. Pour qu’il y ait un respect de l’uniforme, il faut que l’uniforme se rende respectable. Or tel n’est pas le cas quand la personne qui le porte tient des propos racistes. Nous reviendrons sur ce sujet, lorsque nous aborderons nos amendements relatifs aux contrôles au faciès.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL232 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Nous sommes opposés à toute forme de discrimination dite positive. J’entends, monsieur le ministre, que vous l’êtes également. Toutefois, la rédaction de l’alinéa 100 est très floue.

On nous dit que les forces de l’ordre devraient « ressembler » davantage aux citoyens. Cela sous-entend que ce ne serait pas le cas actuellement, ce qui est tout de même gênant. Nous pourrions comprendre qu’il est question de recruter dans les différents milieux sociaux, mais on nous dit aussi que « les agents du ministère de l’intérieur sont représentatifs de tous les milieux sociaux ». Dès lors, que veut-on de plus ? S’agit-il de pratiquer la discrimination positive ? Le recrutement sera-t-il fondé sur l’origine, le sexe, les orientations politiques, religieuses ou sexuelles ? Cela ne nous paraît pas opportun.

Rappelons que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme dans son article 6 : « Tous les citoyens étant égaux [aux yeux de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Quand on lit l’alinéa 100, on a du mal à voir où l’on va. Il faudrait préciser qu’il n’ouvre pas la voie à la discrimination positive.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre. Avant de devenir députés, vous avez passé votre temps à expliquer que l’Assemblée nationale n’était pas représentative de l’ensemble des Français. Vous pensez qu’elle l’est désormais davantage. Or nous n’avons pas changé les règles du jeu.

Pour la police nationale, il s’agit, sans changer les règles du jeu, de permettre à un certain nombre de personnes de se présenter aux concours alors qu’ils ne le font pas aujourd’hui. Je rencontre très souvent, notamment dans ma commune de Tourcoing, des lycéens ou des étudiants qui considèrent que certains concours ne sont pas pour eux. Ils ne savent même pas comment s’inscrire à ces concours. Ils n’ont pas bénéficié de cours du soir ou d’un travail dans un service public.

Encore une fois, l’objet n’est pas de saucissonner les concours pour faire de la discrimination positive ; il faut pouvoir parler des concours à tous les Français. Or il y a des endroits où les gens n’ont pas la même ouverture d’esprit pour les concours de la fonction publique, notamment pour ceux du ministère de l’intérieur. Notre travail consiste à diversifier le profil des personnes qui se présentent aux concours, mais ceux-ci seront rigoureusement les mêmes pour tout le monde.

M. Timothée Houssin (RN). Dans ce cas, il ne faut pas écrire que ce sont les agents du ministère de l’intérieur qui doivent ressembler davantage aux citoyens, mais les candidats aux postes d’agents du ministère de l’intérieur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL335 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il vise à supprimer la partie de l’alinéa 100 qui impose des recrutements ciblés et à mettre l’accent sur les évolutions de carrière et la promotion interne en fonction des performances des agents. La diversité dans la police et la gendarmerie nationales est une réalité. Dans les quartiers populaires, de nombreux candidats se présentent déjà aux concours ; certains les réussissent et font de très bons policiers. Je ne vois pas pourquoi il faudrait changer les règles du jeu.

Notre collègue Léaument a évoqué le groupe Facebook sur lequel avaient été échangés des propos racistes. Les policiers concernés n’ont pas bénéficié d’une impunité : ils ont été condamnés par la justice.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les arguments ont été donnés à l’instant par le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL268 de M. Jordan Guitton et CL237 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Jordan Guitton (RN). Le ministère de l’intérieur propose d’alourdir les sanctions en cas de comportements inacceptables de ses agents.

Nos policiers et gendarmes travaillent dans des conditions déplorables, difficiles et de plus en plus dangereuses. Le taux de suicide parmi eux est en hausse. L’action des forces de sécurité est déjà très réglementée ; toutes les sanctions nécessaires existent déjà, de même que les procédures permettant de les appliquer.

L’amendement CL268 vise à supprimer la phrase du rapport annexé qui évoque l’alourdissement des sanctions envers les forces de l’ordre, afin de leur réaffirmer la confiance qu’ont les Français et les députés de notre groupe en leur travail.

J’ai l’impression que ce texte relève du « en même temps » : d’un côté, vous essayez d’améliorer le code pénal, ce que nous soutenons ; de l’autre, vous donnez quelques gages à la gauche et à certains groupes aux tendances antiflics. Comme l’a relevé mon collègue Baubry, les fonctionnaires de police qui tiendraient des propos ou auraient des comportements contraires à la loi sont déjà condamnés, et les peines sont déjà très efficaces.

M. Timothée Houssin (RN). Dans le même esprit, l’amendement CL237 vise à remplacer « les sanctions seront alourdies » par « ils seront sanctionnés ». Il faut évidemment qu’il y ait des sanctions en cas de problème, mais la formulation actuelle sous-entend qu’il faudrait sanctionner davantage nos policiers qui se comporteraient mal. Or nos policiers font déjà l’objet de nombreux contrôles, exercés par cinq organes distincts. Dans l’ensemble, ils se comportent plutôt bien. Une fois de plus, il y a un certain flou : il est question d’alourdir les sanctions, mais il faudrait savoir précisément quels sont les dispositifs prévus.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons une grande divergence avec les collègues qui ont dénoncé tout à l’heure une prétendue violence institutionnalisée des forces de l’ordre, en utilisant notamment le terme « brutalisation ». Cependant, lorsqu’il y a de tels comportements individuels ou isolés, qui peuvent d’ailleurs nuire à la crédibilité de l’institution, il est tout à fait normal qu’ils soient combattus, avec les armes de l’État de droit. C’est précisément ce que dit cette phrase du rapport annexé : « Lorsque des agents du ministère se seront rendus coupables de comportements inacceptables, les sanctions seront alourdies. »

L’exemplarité est une exigence constitutionnelle. Je cite à mon tour la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en l’espèce son article 15 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). C’est toujours un plaisir pour moi d’entendre citer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En réalité, nous sommes d’accord. Je vous invite à sortir des caricatures qui sont faites de nos positions : s’il nous arrive de critiquer le comportement des forces de police, ce n’est pas parce que nous n’aimerions pas les policiers ou que nous voudrions qu’ils accueillent les délinquants avec des bouquets de fleurs en bas de leurs immeubles ! Nous ne sommes ni fous, ni malades. Justement, l’article 12 de la déclaration que vous avez vous-même citée dispose que la force publique vise à garantir les droits de l’homme et du citoyen. Quand les forces de police, par leur comportement, donnent l’impression qu’elles font l’inverse, c’est qu’il y a un problème. Si nous voulons que la police soit respectée, il faut qu’elle soit respectable. Lorsqu’on sanctionne durement les comportements inacceptables dont se rendent coupables ceux qui portent l’uniforme, on renforce le lien entre la police et la population.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL161 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Cet amendement, qui a trait à la formation des policiers, vise à tenir compte de l’évolution des formes de la délinquance et à sécuriser juridiquement et physiquement les policiers. Nous nous appuyons sur un rapport publié en février 2022 par la Cour des comptes, qui appelle à garantir la transparence et l’exemplarité de l’action de la police et de la gendarmerie nationales par une formation initiale et continue de haut niveau. Dans un souci de prévention, nous souhaitons préciser cette nécessité dans un nouvel alinéa que nous proposons d’insérer après l’alinéa 101.

M. Florent Boudié, rapporteur. Votre amendement étant satisfait, je lui donne un avis favorable. D’une part, nous partageons votre état d’esprit, comme nous venons de le dire lors de l’examen des amendements de nos collègues du Rassemblement national : il est nécessaire que s’applique aux forces de l’ordre une exigence d’exemplarité et que les manquements à cette exigence soient sanctionnés. D’autre part, la formation des gardiens de la paix a déjà été prolongée de quatre mois cette année, et le directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale nous a décrit tous les efforts réalisés en matière de formation. Des formateurs supplémentaires seront recrutés. La Lopmi fixe également l’objectif d’accroître de 50 % la formation continue des agents du ministère.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL491 de M. Davy Rimane.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous demandons la délocalisation des concours d’entrée dans les forces de l’ordre, que ce soit dans la police ou dans la gendarmerie.

Certains concours sont déjà délocalisés en Guyane, mais pas pour tous les grades. Par ailleurs, il arrive que des lauréats ayant passé le concours dans notre collectivité partent en formation dans l’Hexagone et n’en reviennent pas. Alors que les besoins sont bien identifiés, nos jeunes ne manifestent pas une volonté réelle de se tourner vers ces professions car ils ne sont pas sûrs de pouvoir les exercer dans leur territoire. Lors de sa récente visite en Guyane, M. le ministre a pu constater que les métiers du maintien de l’ordre souffrent, comme ceux de la justice, d’un véritable manque d’attractivité. Plus de la moitié de la population de notre collectivité a moins de 25 ans : il y a donc de quoi faire ! Peut-être pourrions-nous organiser des concours spécifiques dont les lauréats seraient assurés de pouvoir rester dans leur territoire.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je suis moins bien placé que M. le ministre pour répondre à cette interpellation concernant l’organisation des concours nationaux. Je vous ferai simplement observer que le décret du 13 février 2020 relatif à l’organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l’État permet déjà de déroger à la règle dans certains cas bien précis relevant du seul intérêt du service, y compris pour remédier à des difficultés de recrutement. Votre amendement ne s’inscrivant pas dans ce cadre, je lui donne un avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre. L’esprit de la police républicaine ou de la gendarmerie nationale n’est pas compatible avec des recrutements locaux ni avec l’exercice des fonctions de maintien de l’ordre à un niveau strictement local. Ce principe est valable pour la Guyane comme pour d’autres territoires, y compris métropolitains. En revanche, il est tout à fait compréhensible que des policiers ayant exercé leurs fonctions quelques années dans un autre endroit du territoire national veuillent retourner auprès de leur famille, de leurs proches ou retrouver la collectivité où ils sont nés.

Plus de 80 % des policiers affectés au commissariat de Cayenne sont originaires de Guyane. Le problème n’est donc pas que l’on refuse que les Guyanais retournent en Guyane, mais qu’il n’y a pas assez de postes ouverts pour que tous les Guyanais en service dans la police nationale et désireux de revenir en Guyane puissent le faire. De même, plus de 90 % des policiers exerçant au commissariat de Nouméa sont originaires de Nouvelle-Calédonie.

Je sais que ce n’est pas facile à entendre, mais il est très important que les candidats à des concours de la fonction publique nationale se rappellent que les lauréats seront affectés, lors de leurs premières années, non pas en fonction de leurs envies personnelles mais en fonction des besoins et de l’intérêt du service. Ainsi, la préfecture de police de Paris a besoin d’un grand nombre de policiers. Si nous ne faisions appel qu’à des fonctionnaires franciliens, nous ne pourrions pas assurer la sécurité des habitants de la région. C’est ainsi que de nombreux policiers de mon département du Nord passent leurs premières années à la préfecture de police de Paris, avant de retourner, s’ils en ont envie, dans leur région natale.

Je comprends votre sentiment. Cependant, même si nous faisons au mieux pour accompagner le retour des policiers dans leur collectivité d’origine, nous devons tenir compte de l’intérêt du service, qui n’est pas d’organiser des concours régionalisés sur le territoire de la République.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). J’entends bien ce que vous dites, mais ce qui est valable pour la police nationale ne l’est pas forcément pour la gendarmerie. Au sein des brigades de gendarmerie guyanaises, il n’y a pas pléthore de gendarmes dits « locaux ».

Sur un même territoire, il existe des disparités en matière de relations entre les forces de police ou de gendarmerie et la population. Il arrive souvent que les membres des forces de l’ordre ne nous ressemblent pas et ne soient pas au fait de la réalité quotidienne vécue dans le territoire où ils exercent leurs fonctions, compte tenu de la méconnaissance des collectivités d’outre-mer constatée au niveau national. Nous devons faire en sorte que les choses évoluent dans le bon sens. Soyez certains que le recrutement local de policiers et de gendarmes permettrait de renforcer la relation de confiance entre les forces de l’ordre et la population.

M. Romain Baubry (RN). Nous avons dit que nous voulions une police qui ressemble le plus possible aux citoyens. Le fait que nos compatriotes ultramarins ayant réussi un concours soient envoyés en métropole n’est pas anodin. Ils se déplacent à des milliers de kilomètres de chez eux et se sentent déracinés ; ce n’est parfois qu’au bout de vingt ans qu’ils obtiennent une mutation leur permettant de revenir sur leur terre. Il se trouve que certains recrutements régionaux ont été mis en place, il y a quelques années, notamment dans l’administration pénitentiaire. Il serait opportun de développer cette idée à l’échelle des territoires ultramarins.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL546 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il faut que le ministère de l’intérieur recueille, mais surtout analyse et publie des statistiques relatives aux opérations de contrôle de la population, notamment par zone géographique et par classe d’âge. Certes, monsieur le rapporteur, nous demandons des chiffres afin de dresser un bilan de l’activité de la police sur le terrain, mais ce ne sont pas ces chiffres que nous visons lorsque nous dénonçons les politiques du chiffre qui abîment la fonction et les missions des forces de l’ordre.

Ces contrôles d’identité sont certainement nécessaires, mais quand ils sont systématiquement répétés sur les mêmes territoires, au détriment des autres, sur les mêmes personnes ou sur les mêmes populations, ils provoquent de la frustration et un sentiment d’injustice. Surtout, ils nuisent aux relations entre la population et les forces de l’ordre.

Si beaucoup de citoyens ne se sont jamais fait contrôler dans la rue – c’est mon cas, du fait de mon faciès –, d’autres subissent tout le temps de tels contrôles. Pour éclairer cette discrimination, nous disposons de quelques chiffres car les délégués de la Défenseure des droits ont documenté cette inégalité en droit sur notre territoire.

Être républicain, c’est s’enorgueillir de notre devise nationale : Liberté, égalité, fraternité. On ne sert pas la vérité lorsqu’on n’est pas capable de regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Si la réalité que j’ai décrite est factuelle, elle continue d’être niée, dénigrée. Le fait que le ministère de l’intérieur, pourtant chargé d’améliorer son propre fonctionnement, ne documente pas cette discrimination fait partie du problème. Il est temps de nous confronter à la réalité en disposant de statistiques qui nous permettront d’améliorer l’activité des agents de police.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous le savez, j’ai souhaité auditionner la Défenseure des droits. Elle a été très claire sur un point qu’il faut toujours rappeler : elle ne travaille que sur la base des réclamations qui lui sont adressées. Elle considère que cela participe à la richesse de sa fonction – j’ai dit combien je respectais cette institution, qui me semble essentielle alors qu’elle est parfois contestée –, mais que cela constitue aussi une limite à son action. La Défenseure des droits est l’interlocutrice de nos concitoyens qui s’estiment lésés, discriminés ou qui ont une relation très difficile avec les politiques publiques et les institutions. C’est un miroir, qui peut être parfois déformant. La Défenseure des droits ne renvoie pas une image exacte de la société : elle met en lumière les individus qui se bougent, qui se lèvent pour crier leur souffrance. C’est justement la raison pour laquelle cette institution est indispensable – il est utile de porter un regard critique sur l’action publique – et que nous devons être très attentifs à ce qu’elle dit. Pour autant, ses propos doivent toujours être replacés dans leur contexte.

Vous voulez que le ministère recueille, publie et analyse des statistiques. Je vous ferai remarquer que ce n’est pas le ministère mais les forces de l’ordre, sur le terrain, qui récolteront les données. Il faut donc s’interroger sur les modalités opérationnelles d’une telle mesure. Ce n’est pas rien ! M. Léaument a dit qu’il respectait les forces de l’ordre et leur travail. Comment cela pourrait-il s’organiser concrètement ?

Votre amendement rejoint la question des récépissés de contrôle d’identité, dont nous avons beaucoup discuté entre 2012 et 2017 pui.squ’il s’agissait d’un engagement de François Hollande. Il n’a pas pu être mis en œuvre car, au-delà des questions opérationnelles, il aurait nécessité la création d’un fichier des contrôles d’identité.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Quand c’est pour le covid, la création d’un fichier ne pose pas de problème !

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce n’est pas la même chose : nous étions en pleine crise sanitaire et il s’agissait d’un impératif de santé publique. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, cela voudrait dire que tout Français ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité se trouverait fiché. Nous parlons d’un fichier centralisé, dont vous demandez d’ailleurs la publicité ou la transparence. Cela pose un vrai problème en termes d’accès aux données et, plus largement, de libertés publiques.

Je n’apporte pas ici de réponse définitive à cette question. Nous sommes nous-mêmes interpellés, dans nos permanences, sur des faits de discrimination dont nous avons tous conscience. Pour autant, le code de déontologie de nos forces de l’ordre a été complété en 2013 et il est désormais très clair à ce sujet. La stratégie énoncée par le Gouvernement en 2013 est toujours valable en 2022 – elle est même peut-être encore plus forte et plus assumée.

Au terme de cette longue explication, qui vaudra aussi pour tous les amendements portant sur le sujet du récépissé, j’émets un avis défavorable.

M. Romain Baubry (RN). Ces statistiques révéleront évidemment de grandes disparités. Entre une mamie qui rentre du marché après avoir fait ses courses au fin fond de la Creuse et la population d’un quartier sensible de Seine-Saint-Denis où la drogue coule à flots… (Exclamations.) Eh oui, c’est peut-être là que vous allez vous servir ! À force de défendre la drogue et les dealers… (Mêmes mouvements.)

Nous constaterons donc une grande disparité entre les territoires, compte tenu des individus que recherchent les fonctionnaires de police et les gendarmes. Quand on parle de violences faites aux femmes, on se dirige plus facilement vers des hommes – dans ce cas, cela ne vous dérange pas de le dire, et c’est tout à fait normal puisque c’est ce que montrent les chiffres. De même, quand il faut élucider des crimes ou des délits, on se dirige plus vers une certaine population que vers une autre.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Baubry, je veux bien maintenir l’ordre dans cette salle, mais ne provoquez pas vos collègues !

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Effectivement, monsieur le rapporteur, les rapports de la Défenseure des droits sont un miroir déformant de la société. C’est heureux car tel est le rôle de cette institution. Néanmoins, elle demande elle-même à pouvoir objectiver les faits dont elle est saisie. N’utilisez donc pas la Défenseure des droits pour appuyer votre argumentation.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne l’ai pas utilisée.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Elle répète qu’il est nécessaire d’objectiver ces faits. La remise d’un récépissé peut être une bonne manière de le faire. Si nous voulons sortir des caricatures, nous devons pouvoir discuter de faits établis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL550 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je salue la volonté d’ouverture au monde universitaire inscrite dans le rapport annexé. L’amendement CL550 vise justement à permettre aux chercheurs qui le souhaitent de s’intéresser au déploiement de la vidéosurveillance afin d’évaluer cette politique, aussi bien dans ses finalités que dans sa mise en œuvre et que dans la manière de la concilier avec le respect des libertés publiques.

Le rapport annexé évoque le triplement des crédits alloués à la vidéosurveillance, dont le ministre s’est vivement félicité. Or nous, écologistes, sommes très attachés à l’efficacité et à l’efficience des politiques publiques, ainsi qu’au bon usage des deniers publics. Nous nous étonnons donc que l’efficacité de la politique de vidéosurveillance n’ait jamais été évaluée d’un point de vue scientifique. Investir autant d’argent dans des politiques dont nous n’avons aucune idée de l’efficience pose un problème.

Ce que je viens de dire n’est pas tout à fait exact : en réalité, nous disposons d’études montrant comment la présence humaine peut faire reculer la délinquance. Les chiffres montrent qu’une présence durable des forces de l’ordre permet même d’éviter que certains méfaits soient commis. Je vois là un bien meilleur usage des deniers publics que l’installation de caméras ne parvenant même pas à capter le passage de véhicules importants. Alors qu’une étude de la Cour des comptes pointe l’absence de lien entre vidéosurveillance et baisse de la délinquance, nous vous proposons de faire enfin le point sur cette politique dispendieuse.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous pouvons nous interroger quant aux moyens accordés à la recherche sur les questions de sécurité. Nous avons connu l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), qui n’était pas la panacée : les chercheurs qui y travaillaient expliquaient qu’ils n’étaient pas vraiment libres de choisir leurs sujets car c’était surtout le ministère de l’intérieur qui passait des commandes.

Il n’y a pas, en France, de recherches menées sur le thème de la vidéoprotection, alors qu’il en existe un peu partout ailleurs – j’en ai trouvé en Allemagne, en Suisse, au Canada et même aux États-Unis. Quelques commandes ont cependant été passées sur ce sujet. Vous vous souvenez peut-être d’une étude publiée en décembre dernier à la demande des gendarmes, dont je me suis fait l’écho, ainsi que des très bons travaux réalisés par Laurent Mucchielli, qui a comparé les politiques de vidéosurveillance menées dans les petites communes, les villes moyennes et les grandes villes – je vous en recommande la lecture. Il n’en demeure pas moins que nous avons besoin de plus d’éléments.

Il en est de même s’agissant des contrôles au faciès. Vous vous trompez, monsieur le rapporteur : le Défenseur des droits n’a pas publié un rapport sur les signalements qui lui sont remontés en matière de contrôles au faciès, mais il a mandaté, en 2016, des sociologues et des chercheurs pour mener une enquête à ce sujet, précisément parce que la recherche dans ce domaine était limitée.

Nous demandons des enquêtes, des études, mais celles que nous avons sous la main et qui sont menées à l’étranger montrent plutôt que nous avons raison : il faut en finir tant avec les contrôles d’identité tels qu’ils sont réalisés qu’avec la vidéoprotection telle qu’elle est déployée.

Mme Béatrice Roullaud (RN). J’ai eu la chance de visiter un centre de vidéoprotection, et je conseille à tous ceux qui critiquent cette pratique d’en faire autant.

Cette technique très efficace est demandée par nos concitoyens car elle répond à leurs préoccupations en matière de sécurité : le fait que des caméras soient actives vingt-quatre heures sur vingt-quatre peut permettre l’interpellation d’une personne en train de commettre une infraction. Lors de ma visite, les opérateurs m’ont montré deux individus en train de s’approcher d’une autre personne : ils ont alors directement appelé un îlotier, c’est-à-dire un agent de police présent dans le quartier, pour qu’il intervienne sur place.

À Meaux, les images sont conservées sept jours. En cas d’infraction ou même d’accident, par exemple si un bus renverse un piéton, elles peuvent donc être extraites et utilisées devant une juridiction civile.

Pour ma part, je suis évidemment favorable à la vidéoprotection, comme la plupart des personnes qui n’ont rien à se reprocher.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL269 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement porte sur la destination des caméras de vidéosurveillance : nous préférons qu’elles servent en priorité à la vidéoprotection, et non à la vidéoverbalisation. Leur mission principale est d’aider à lutter contre les crimes et délits commis sur les biens et les personnes ; ce n’est que dans un second temps qu’elles peuvent éventuellement servir à une mission complémentaire de vidéoverbalisation, si les communes le souhaitent, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales. La lutte contre l’insécurité passe avant les problèmes de sécurité routière.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL329 de M. Antoine Léaument.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Nous souhaitons donner au ministère de l’intérieur une grande orientation pour les cinq années à venir : le déploiement d’une police de proximité au service de la population. Cette police exercerait des missions de tranquillité publique : nous voulons des gardiens de la paix, pas des forces de l’ordre !

Cela impliquera un changement de doctrine. Alors que nous avons tous en mémoire les propos de Nicolas Sarkozy, en 2002, expliquant aux policiers qu’ils n’étaient pas là pour discuter avec la population mais pour interpeller les délinquants, la police de proximité que nous souhaitons mettre en place n’aura pas d’objectif d’interpellations. Il faudra au contraire qu’elle renoue un lien de confiance avec la population. Tous les travaux menés par les sociologues montrent que le déploiement d’une police de proximité permet aux fonctionnaires de police de mieux connaître la population, et que le dialogue et le respect mutuel entraînent une réduction des tensions et des situations de violence.

 

Ces unités de police seraient placées sous l’autorité fonctionnelle du maire et l’autorité hiérarchique du préfet. Elles viseraient des objectifs politiques fixés par les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Les policiers seraient affectés à des aires géographiques de taille humaine ; nous pourrions même envisager une implication des bailleurs pour qu’ils aient accès à un logement social de proximité et soient ainsi pleinement intégrés à la vie locale. Ils auraient à leur disposition des outils de désescalade de la violence : ce serait évidemment la fin des gestes dangereux de pliage et de plaquage ventral. À cela s’ajouterait un contrôle citoyen, qui s’exercerait dans le cadre des réunions annuelles des CLSPD. Les effectifs de ces unités proviendraient du démantèlement des brigades anticriminalité (BAC), de l’intégration des polices municipales et d’un redéploiement des effectifs de la police nationale.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons déjà évoqué longuement ce sujet : j’ai donc eu l’occasion de développer des arguments, y compris s’agissant du démantèlement des BAC. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL402 de Mme Élisa Martin.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Demander des chiffres, monsieur le rapporteur, ce n’est pas soutenir une politique du chiffre. Il y a une différence entre, d’une part, la nécessité de disposer de statistiques objectives afin d’alimenter le débat et, d’autre part, la volonté de nourrir ces chiffres, par l’action des services, et de les intégrer au management de ces derniers. Au ministère de l’intérieur, le corollaire de la politique du chiffre est le versement d’une prime de résultats exceptionnels, distribuée aux services en fonction des résultats chiffrés qu’ils ont obtenus.

J’ai été un peu triste lorsque Gérald Darmanin a annoncé le retour de la politique du chiffre. Depuis 2012, elle avait officiellement disparu, même si tout le monde savait qu’elle existait encore. M. Darmanin n’a pas eu de mal à la remettre au goût du jour : il lui a suffi de réorganiser une conférence de presse mensuelle pour annoncer des chiffres ayant en réalité peu d’impact sur les types de délinquance que nous entendons combattre.

Cette pratique est délétère car elle participe à la perte de sens du métier de policier. Je l’ai vu lors de ma modeste expérience d’une semaine en immersion dans les services de police : cela prenait la forme d’un beau tableau accroché au mur, avec des bâtons dans des cases. La hiérarchie demandait aux fonctionnaires de police, par exemple, de ramener trois fumeurs de shit et de ne pas rentrer d’un contrôle routier sans avoir verbalisé dix conducteurs en état d’ivresse. Cela nuit au discernement des policiers et à la confiance que leur accorde la population. C’est pour cette raison qu’il faut rompre avec la politique du chiffre.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL430 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). L’alinéa 65 du rapport annexé prévoit la consultation des maires en cas de projet de suppression d’une brigade de gendarmerie ou d’un commissariat de police. Dans la mesure où ces services publics desservent des bassins de population couvrant généralement plusieurs communes, nous proposons que soit également consulté le président de l’EPCI concerné.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL214 de Mme Edwige Diaz.

M. Jordan Guitton (RN). Nous nous satisfaisons évidemment de la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie – tous les parlementaires des territoires ruraux ont été conviés à des réunions à ce sujet. Nous voulons cependant nous assurer qu’il ne s’agit pas d’un coup de communication, qui se traduirait par un simple redéploiement des effectifs existants dans ces nouvelles unités. Parce que nous n’avons pas toujours confiance en vos promesses, notre amendement CL214 vise à écrire noir sur blanc, dans ce texte dont nous suivrons attentivement l’exécution, que la création des 200 nouvelles brigades s’accompagnera d’une augmentation des effectifs de la police et, en zone rurale, de la gendarmerie – autrement dit, qu’elle se traduira par des recrutements supplémentaires.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cet amendement est totalement satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL273 de M. Christophe Naegelen, CL274 de M. Christophe Blanchet, CL289 de Mme Marie Lebec et CL428 de M. Philippe Pradal.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). L’amendement CL273 vise à organiser une concertation avec les élus locaux au sujet de la création de ces 200 brigades, dont nous nous félicitons évidemment. Nous proposons que, dans un premier temps, les services du ministère transmettent un bilan sécuritaire, zone par zone, aux élus locaux. Ces derniers devront alors disposer d’un délai raisonnable pour faire part de leurs observations avant que soient pris les arbitrages s’agissant des lieux d’implantation des nouvelles brigades. Une telle démarche permettra d’unir les élus locaux et les autorités nationales.

Mme Blandine Brocard (Dem). C’est une excellente nouvelle que la création de ces 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Certes, l’alinéa 112 du rapport annexé prévoit que le choix des territoires d’implantation sera effectué « à l’issue d’un diagnostic partagé avec les autorités administratives et judiciaires ainsi que les élus ». Cependant, la précision selon laquelle « les services du ministère communiquent aux élus un état des lieux de la situation sécuritaire sur le territoire concerné » est très importante, tant pour les gendarmes que pour les élus locaux qui les attendent avec une grande impatience.

M. Florent Boudié, rapporteur. De grandes discussions sont en cours à ce sujet. Je m’en remets à la sagesse de notre commission.

La commission adopte les amendements.

Cinquième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 17 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/NauXS8

Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés) (suite)

Amendement CL468 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Mme Blandine Brocard (Dem). Il s’agit de solliciter du Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport dressant un bilan d’étape de la création des nouvelles brigades de gendarmerie.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL160 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Pour améliorer la transparence, le Gouvernement devrait publier chaque année les chiffres de l’évolution nette des effectifs de police et de gendarmerie pour chaque département. Si les statistiques nationales sont disponibles, la situation est beaucoup plus complexe au niveau départemental. Certains maires de grandes communes ou de métropoles ont même parfois du mal à obtenir la transmission de ces éléments, pourtant obligatoire. Notre amendement vise simplement à inscrire cette obligation dans la loi.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable. Ces éléments nous sont transmis à chaque débat budgétaire et, en tant que député, vous êtes libre d’interroger les services.

M. Roger Vicot (SOC). Les données sont certes disponibles, encore faut-il qu’elles soient transmises. J’ai eu beau présider le Forum français pour la sécurité urbaine pendant de nombreuses années, obtenir les chiffres, par département, des effectifs nets, tout comme ceux de la délinquance, s’est parfois apparenté au parcours du combattant.

M. Florent Boudié, rapporteur. Pour vous montrer ma totale bonne volonté, je vais émettre un avis favorable, mais nous pouvons tous disposer de ces éléments.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL545, CL548 et CL552 de Mme Sandra Regol.

Amendement CL194 de Mme Mélanie Thomin.

M. Roger Vicot (SOC). Le rapport annexé impute le manque de moyens et les difficultés des services de police à la « lourdeur de la procédure pénale ». C’est une façon un peu rapide de se défausser sur la justice. Nous demandons la suppression de cette expression qui ne saurait figurer dans un projet de loi d’orientation du ministère de l’intérieur. Si vous souhaitiez l’inscrire dans la loi, ce serait un problème.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce n’est pas dans la loi, c’est dans le rapport annexé. Et celui-ci ne rejette pas toute la responsabilité des difficultés sur la complexification de la procédure pénale durant les quinze ou vingt dernières années. Simplement, il constate que, à côté des difficultés opérationnelles, de la question des moyens attribués aux forces de l’ordre et de celle des effectifs, il y a l’extrême complexité de la procédure pénale française, qui résulte de l’accumulation de couches sédimentées, dont certaines seraient difficiles à dater au carbone 14 juridique. C’est une réalité incontestable et c’est pourquoi le projet de loi apporte des éléments de simplification, sur lesquels nous ne sommes pas toujours d’accord.

Tôt ou tard, il faudra s’attaquer à la simplification de la procédure pénale. Mais, dans notre pays, la grande difficulté sera de trouver un consensus.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cette petite musique que la procédure pénale serait le problème a été jouée initialement par certaines organisations policières, plutôt à l’extrême droite de l’échiquier politique. À force, elle est apparue comme une évidence. Sauf qu’en creusant un peu, on ressort le logiciel qui ne fonctionne pas, le manque de moyens informatiques, la paperasserie, bref des problèmes d’organisation des services. Les aspects de la procédure pénale qui seraient problématiques – prévenir les familles, appeler les avocats – n’ont pas à être simplifiés ; ils doivent être maintenus et effectifs. C’est d’ailleurs le sens, j’imagine, de la création des assistants d’enquête.

Les enquêteurs de police judiciaire s’accordent à dire que la procédure pénale doit être suivie, dans l’intérêt de l’enquête, de la justice, des mis en cause et des victimes. Quant à la complexification que vous dénoncez, il n’y a qu’à arrêter de voter des alourdissements du code pénal et du code de procédure pénale !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL361 de M. Antoine Léaument.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Le ministre de l’intérieur souhaite recourir massivement aux réservistes, qui doivent passer, en cinq ans, de 30 000 à 50 000 pour la gendarmerie nationale et de 6 000 à 30 000 pour la police nationale. Or, d’après les syndicats, après deux ans d’appel aux réservistes, les recrutements ont péniblement atteint 11 000. Quant à la proportion de 30 000 réservistes sur 111 000 policiers statutaires, elle est beaucoup trop élevée et relève d’une logique gestionnaire et comptable sans la moindre cohérence. Nous sommes opposés au recours aux réserves opérationnelles : la police doit être républicaine, formée, responsabilisée et réellement opérationnelle.

La réserve opérationnelle serait également utilisée pour les services d’enquête avec les officiers de police judiciaire (OPJ) retraités. C’est intolérable au regard des prérogatives de ces services. Dans le cadre de l’exercice de leur mission d’enquête, les OPJ peuvent recourir à certains moyens de coercition – garde à vue, perquisition, saisie –, prérogatives qu’ils exercent dans un cadre juridique précis et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.

Nous partageons leur inquiétude concernant de possibles dérives en termes de conditions de travail, de risques de bavures, de dispersion des pouvoirs de police vers des supplétifs qui, demain, seront potentiellement privés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CL101 et CL102 de la commission de la défense.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. L’amendement CL101 vise à préciser que des passerelles doivent être construites entre les différentes réserves, celle de la Garde nationale comme les réserves communales de sécurité civile. Le CL102 précise que ces passerelles doivent être effectives entre le ministère de l’enseignement supérieur et le service national universel.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Amendement CL103 de la commission de la défense.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser que les réserves du ministère de l’intérieur ont toute leur place dans la réussite du service national universel, en particulier afin de raffermir le lien entre la nation et les forces de sécurité intérieure.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL362 de M. Ugo Bernalicis.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Telle qu’elle est envisagée, l’ampleur du déploiement de la réserve opérationnelle nous semble commander de prendre des précautions. Avec cet amendement, il s’agit d’exiger que la tenue des policiers réservistes présente un signe distinctif. Plusieurs syndicats de police estiment qu’il faudrait pouvoir distinguer les réservistes dans l’espace public, comme c’est déjà le cas pour les policiers adjoints, dont le galonnage est différent. Rappelons que, pour devenir réserviste, il suffit de remplir un formulaire en ligne, le seul barrage étant l’inaptitude médicale – et non psychologique.

La France insoumise réclame de longue date que les fonctionnaires de l’État en charge du maintien de l’ordre puissent être identifiés – statut et numéro référentiel des identités et de l’organisation (RIO) visibles. C’est indispensable quand ils procèdent à des interpellations et immobilisations, y compris pour leur sécurité.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les réservistes sont déjà soumis à l’obligation du port de signes distinctifs – uniformes, insignes et RIO –, qui paraît suffisante. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le galonnage des policiers adjoints n’est pas du même bleu que celui des gardiens de la paix, tout comme la crosse de leur arme de poing, qui n’est pas noire mais bleue. Ces éléments distinctifs permettent à tous de reconnaître un gardien de la paix, un policier adjoint, un commissaire. Mais rien de tout cela pour les réservistes. Est-ce un oubli ? Un effet de la précipitation ? Nous voudrions être rassurés, car nous avons cru comprendre que le ministre de l’intérieur tenait à ce qu’on ne puisse pas les distinguer, afin qu’on croie qu’il s’agit de policiers comme les autres.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL547 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je vais défendre en même temps les amendements CL549, CL551 et CL553 – je ne suis pas totalement concentrée étant donné ce qui s’est passé dans l’hémicycle il y a quelques minutes.

Il s’agit de supprimer la mention de la généralisation des directions uniques de la police nationale. De nombreuses associations, des syndicats, des magistrats et des agents de la police judiciaire s’opposent à cette réforme, qui risque de dégrader le traitement de la délinquance, de renforcer la culture du chiffre et de conduire à la disparition progressive de spécialisations de la police judiciaire, entraînant de façon insidieuse une confusion entre les pouvoirs judiciaires et administratifs.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce matin, Roger Vicot, qui parle d’or, a rappelé que le présent projet de loi n’est pas la pierre législative de la réforme de la police nationale. À ce stade, il me semble important de consolider les engagements pris et les garanties apportées au cours des dernières semaines. Un amendement, proposé par plusieurs groupes, vise d’ailleurs à les rappeler : relation au procureur de la République, organisation territoriale, renvoi à l’échelon zonal de la grande criminalité du haut du spectre.

Nous sommes dans l’attente de différents rapports qui doivent être rendus  par la mission d’information sur l’organisation de la police judiciaire au Sénat, les inspections générales de la justice, de l’administration et de la police, et la mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale, corapportée par Ugo Bernalicis et Marie Guévenoux, à l’Assemblée nationale. Rien ne sera décidé avant la publication du rapport de cette dernière, mi-janvier.

C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement, ainsi qu’à ceux qui vont suivre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL258 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Il a fallu dix ans pour affecter les transfèrements judiciaires à l’administration pénitentiaire. D’autres opérations pourraient être transférées pour alléger les missions de nos forces de l’ordre et leur permettre d’être davantage disponibles sur le terrain. C’est le sens de cet amendement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Un dialogue est en cours avec les collectivités territoriales pour trouver un compromis concernant les opérations funéraires. On ne peut pas leur imposer de nouvelles compétences sans discussion préalable.

La gestion des postes de secours est déjà une prérogative municipale. Quand les forces de l’ordre sont associées, ces prestations sont facturées.

Enfin, le rapport annexe apporte des éléments de réponse très précis concernant la dématérialisation des procurations.

Votre amendement me semble satisfait. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous avons avancé suffisamment d’arguments pour montrer les dangers de la dématérialisation totale. Nous voterons contre la délivrance des procurations de vote et des certificats d’immatriculation que vous proposez.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il faut arrêter d’arguer de la libre administration des collectivités territoriales pour se décharger sur elles sans leur donner les moyens d’assurer ces nouvelles missions. À cet égard, je trouve regrettable qu’à la suite du Livre blanc de la sécurité intérieure, le Beauvau de la sécurité ait confirmé que certaines tâches annexes ne devaient plus être du ressort des policiers et gendarmes – les missions de secours des CRS sur les plages en faisaient partie. À force, on les cantonne dans une fonction répressive qui place leur quotidien professionnel sous un climat de conflictualité anxiogène, alors que ces missions de secourisme sur les plages leur permettaient d’avoir avec la population un rapport direct de service au public qui les rendait sympathiques, ma foi.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL549 et CL551 de Mme Sandra Regol.

Amendements CL239 de M. Timothée Houssin et CL262 de M. Jordan Guitton (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). Nous souhaitons que l’année de référence prise en matière de présence des forces de l’ordre sur le terrain soit 2019 plutôt que 2021, compte tenu des vingt-huit jours de confinement et de la situation particulière liée au covid-19 qui l’ont marquée, comme d’ailleurs 2020.

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est en 2021 que le Président de la République s’est engagé au doublement des effectifs sur la voie publique, pas en 2019. Le calcul de cet engagement doit donc bien se faire avec 2021 comme année de référence.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL316 de M. Ugo Bernalicis.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Il s’agit de revenir sur les contrôles d’identité au faciès. Déjà, dans son rapport de 2017, le Défenseur des droits Jacques Toubon relevait qu’ils étaient de plus en plus lourdement ressentis dans notre société, ce que Claire Hédon a confirmé lors de son audition. Quant au rapport Vigouroux sur les actes et propos racistes et discriminants au sein de la police, que Mediapart a réussi à faire sortir des tiroirs où il était resté plus de six mois en portant un recours devant la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), il appelle à nommer le phénomène par son nom : racisme.

On le sait depuis plus de trente ans, les contrôles au faciès concernent principalement les populations noires ou d’origine arabe. Pour retisser le lien entre police et population, il faut mettre en place un récépissé lors des contrôles d’identité. Si vous ne souhaitez pas le généraliser d’office, lancez au moins une expérimentation, puis une évaluation sérieuse.

M. Florent Boudié, rapporteur. Certes, il eut été préférable que le rapport soit communiqué directement, mais je note que nos institutions fonctionnent bien, puisque la Cada a autorisé sa transmission.

Vous suggérez une nouvelle doctrine en matière de contrôles d’identité. Avec Mme Untermaier, nous vous proposerons de créer un collège de déontologie au sein duquel le déontologue du ministère de l’intérieur et des personnes extérieures, y compris des universitaires, pourraient balayer d’un regard critique tout le champ des compétences du ministère de l’intérieur. Déjà, le rapport Vigouroux emploie des termes clairs et ne masque pas la réalité.

S’agissant du récépissé, vous connaissez les difficultés opérationnelles de sa mise en œuvre. Ce n’est pas pour rien que François Hollande y a finalement renoncé, après s’être engagé à le déployer en 2012. En outre, et vous éludez systématiquement ce point, il faudrait créer un nouveau fichier des personnes ayant subi les contrôles d’identité pour disposer de données statistiques objectives et globales.

Nous aurons probablement à nouveau ce débat en séance, en présence du ministre de l’intérieur.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous faisons cette proposition car les contrôles actuels sont inefficaces – 97 % d’entre eux n’aboutissent à rien. À Fuenlabrada, en Espagne, les récépissés ont permis de diviser par quatre le nombre de contrôles tout en multipliant par quatre ceux qui aboutissent à déceler un délit.

En outre, les contrôles actuels sont contre-productifs lorsqu’ils sont le fait de policiers qui interpellent les personnes par leur prénom – ce n’est pas souvent à Martin qu’ils demandent ses papiers. L’uniforme est respecté quand il est respectable.

M. Timothée Houssin (RN). Ce récépissé est une fausse bonne idée. Nous sommes ici pour faciliter le travail de la police, pas pour le rendre plus difficile et l’alourdir. Le proposer donne l’impression que la police fait souvent des contrôles abusifs mais, si 97 % des contrôles ne donnent rien, cela signifie que 3 % aboutissent, ce qui me paraît relativement élevé. On ne peut pas non plus exclure la possibilité d’émergence d’un trafic de faux récépissés.

Au regard des chiffres, un député de la majorité a indiqué, dans le cadre d’un débat récent, que 700 000 personnes étaient sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) mais s’y trouvaient toujours. Il ne doit donc pas y avoir autant de contrôles d’identité que vous le dites.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL443 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à répondre aux inquiétudes exprimées par les OPJ, en prévoyant une saisine pour avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour toute réorganisation ou réforme à venir, ainsi que la mention explicite dans le rapport que le nouveau pilotage proposé par le ministère de l’intérieur assurera l’indépendance des OPJ. Cette précision est loin d’être accessoire à la lecture des dispositions du rapport annexé et face aux nombreuses réserves déjà exprimées.

M. Florent Boudié, rapporteur. Sans doute avez-vous usé d’une facilité de langage pour votre intitulé. Pour « rendre » la police judiciaire à la justice, il faudrait que la première ait été placée sous l’égide de la seconde au cours de notre histoire. Ce n’est pas le cas.

Nous connaissons l’avis du CSM depuis une semaine et il est très clair. Certes, c’est un communiqué de presse, mais le CSM a exprimé librement ce qu’il pensait de la réforme de la police judiciaire. Cela prouve le bon fonctionnement de nos institutions.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous pourrions sous-amender pour remplacer « rendre » par « donner ». Si le Conseil supérieur de la magistrature a publié un communiqué de presse, c’est qu’il ne peut pas s’autosaisir ; il doit être saisi par le président de la République pour rendre un avis formel.

Vous devez bien comprendre que la réforme ne va faire qu’aggraver un problème de fonctionnement qui existe déjà, notamment au regard du libre choix du service d’enquête.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL319 de M. Antoine Léaument, CL342 de Mme Elsa Faucillon et CL759 de M. Roger Vicot, et amendement CL553 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). La réforme de la police judiciaire fait craindre la dilution des missions de celle-ci, notamment en matière de lutte contre la délinquance en col blanc et la délinquance financière, ainsi qu’un glissement vers une logique de bâtonnite, sans compter la question de son autonomie que va soulever son action sous l’autorité du préfet.

Monsieur le rapporteur, pour se conformer à vos propos d’une grande sagesse préconisant d’attendre le résultat des différentes missions, mieux vaudrait supprimer du rapport annexé toute mention de cette réforme. Si c’est impossible du point de vue réglementaire, indiquons simplement que nous sommes en attente des conclusions des différentes consultations.

M. Roger Vicot (SOC). Dans le même esprit, nous demandons la suppression des alinéas 139 à 142, relatifs à la départementalisation de la police judiciaire sous l’autorité du préfet.

Le communiqué du Conseil supérieur de la magistrature est édifiant. Il fait part de « sa profonde préoccupation face au projet de réforme tendant à placer la police judiciaire sous l’autorité du directeur départemental de la police nationale, lui-même dépendant du préfet ». Il rappelle que « la direction et le contrôle de la police judiciaire par les magistrats, directeurs d’enquête constitutionnellement garants des libertés » et « le libre choix du service d’enquête par les magistrats du parquet et les juges d’instruction » figurent parmi « un ensemble de garanties » indispensables.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai déjà donné des éléments de réponse à ce sujet, qui ont d’ailleurs été légèrement déformés par Élisa Martin. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). En supprimant ces alinéas dans le rapport annexé – qui n’est pas la loi –, on signifie simplement au ministre de l’intérieur qu’il devrait revoir sa copie. Cela ne l’empêchera pas de faire sa réforme, mais au moins ne pourra-t-il pas se prévaloir de l’adoption de l’article 1er et du rapport annexé pour dire que la représentation nationale est d’accord avec la départementalisation de la police.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL320 de M. Ugo Bernalicis, CL444 de M. Jean-Félix Acquaviva, CL408 de Mme Élisa Martin, CL409 de M. Antoine Léaument, CL287 de M. Timothée Houssin, CL156, CL157 et CL158 de M. Roger Vicot, CL203 et CL202 de Mme Cécile Untermaier, amendements identiques CL658 de Mme Marie Guévenoux, CL719 de Mme Blandine Brocard et CL743 de Mme Estelle Youssouffa (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous proposons de rattacher la police judiciaire à l’autorité judiciaire.

Au niveau de l’enquête, le principe du libre choix est déjà en question puisque, depuis la modification du code de procédure pénale, le magistrat ne peut plus choisir l’enquêteur ou le groupe d’enquêteurs, il ne peut saisir que le service enquêteur. Il y a un rapport de force permanent entre les parquets et les cabinets des juges d’instruction, d’un côté, et les services de police judiciaire, de l’autre. Lorsque les magistrats demandent à saisir la police judiciaire, on le leur refuse souvent, sous différents prétextes – problème de compétence, surcharge de dossiers, etc. Peu importe que ce soit vrai ou non, ce qui compte, c’est que ce n’est pas le magistrat qui décide et choisit.

Le fonctionnement n’est déjà pas optimal mais, avec la départementalisation, les choses vont encore se dégrader. Et je n’accepte pas l’argument selon lequel, puisque ça dysfonctionne déjà, la réforme ne changera pas grand-chose. Nous devons poursuivre un idéal, celui de la séparation des pouvoirs, qui est la garantie de l’État de droit et de notre fonctionnement démocratique.

M. Paul Molac (LIOT). Le CSM a fait part de sa profonde préoccupation face au projet de réforme de la police judiciaire. Il exprime notamment ses réserves quant au placement de la police judiciaire sous l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale qui dépendrait du préfet.

Face aux risques que présente cette réforme, il est proposé d’intégrer au sein du rapport annexé des garanties essentielles pour assurer le respect de notre État de droit.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il s’agit de distinguer clairement les policiers en tenue, qui sont chargés de la tranquillité publique, au plus près des habitants, et les policiers en civil, rattachés au bon endroit, qui se consacrent aux enquêtes. Il serait utile que les jeunes gens qui s’engagent dans la police par idéal distinguent bien ces deux fonctions.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La nomination des directeurs d’administration centrale de la police nationale est un enjeu démocratique ; le copinage ne devrait pas y avoir sa place. Nous proposons donc d’appliquer la procédure prévue par l’article 13, alinéa 5 de la Constitution à la nomination des directeurs centraux de la police nationale : elle ne serait effective qu’après validation par le Parlement.

M. Timothée Houssin (RN). Nous proposons que les services relevant de la direction centrale de la police judiciaire ne soient pas concernés par la réforme de la police et la création des directions départementales de la police nationale. L’échelon départemental n’est pas le bon pour lutter contre des réseaux qui opèrent au-delà des limites d’un département.

M. Roger Vicot (SOC). Par l’amendement CL156, nous proposons d’affirmer que la police judiciaire n’est pas concernée par la départementalisation de la police nationale. Le CL157 ajouterait la précision qu’elle est soustraite à l’autorité du préfet, et le CL158 celle qu’elle conserve sa capacité de projection sur l’ensemble du territoire national et que ses effectifs se consacrent exclusivement aux affaires complexes et à la lutte contre la grande criminalité.

Pour ce qui est des amendements de Cécile Untermaier, le CL203 vise à conditionner la généralisation de l’expérimentation de la DDPN à la remise de conclusions positives partagées par les ministères de l’intérieur et de la justice. Le CL203 entend préciser que la PJ sera placée sous la seule autorité du procureur de la République.

Mme Marie Lebec (RE). Il est essentiel de conserver l’excellence, l’expérience et le professionnalisme des fonctionnaires de police exerçant au sein des services spécialisés de la police judiciaire. La lutte contre la criminalité organisée, notamment les grands trafics, et la délinquance économique et financière doivent rester une priorité des services de l’État. Or, l’organisation de notre police nationale en silos peut rendre difficile la collaboration entre les différentes directions. Sans compter la multiplication des chefs de police dans chaque département et des services de soutien, qui ne participe pas toujours d’une bonne administration et d’une bonne gestion. C’est pourquoi il semble nécessaire d’améliorer les synergies et les mutualisations.

Mme Blandine Brocard (Dem). La réforme à venir de la police judiciaire suscite des interrogations. Il me semble que l’alinéa que nous proposons d’ajouter après l’alinéa 141 du rapport annexé est de nature à rassurer tout le monde. Nous sommes tous très attachés à notre police judiciaire. Avec cette précision, nous nous assurons de préserver son excellence, au service d’une plus grande efficacité.

M. Florent Boudié, rapporteur. Celles et ceux qui ont voté les amendements tendant à supprimer tous les alinéas portant sur la réforme de la police nationale ne défendaient probablement pas tous le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice. Ce que vous proposez est un modèle très différent. Nous pourrons en débattre, mais c’est tout à fait autre chose.

Pour notre part, nous souhaitons apporter la garantie que rien ne sera fait en dehors du champ de l’article 12 du code de procédure pénale. J’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, à l’exception des trois amendements identiques CL658, CL719 et CL743, qui s’inscrivent bien dans ce cadre.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il est vrai que tout le monde ne veut pas rattacher la police judiciaire à l’autorité judiciaire : c’est notre proposition. Les amendements déposés par la majorité ne sont pas inintéressants, même s’ils ne vont pas assez loin à notre goût. Néanmoins, leur adoption aura pour conséquence que la police judiciaire ne sera pas concernée par la réforme de départementalisation de la police – ce qui est une bonne chose.

S’agissant de la filière investigation, la bonne réforme consisterait à rattacher les sûretés urbaines et les sûretés départementales à la direction centrale de la police judiciaire. Cela garantirait le partage d’information, partout sur le territoire.

La commission adopte les amendements CL658, CL719 et CL743, les autres amendements ayant été successivement rejetés.

Amendement CL94 de M. Laurent Panifous.

M. Paul Molac (LIOT). Cette précision relative au dépôt de plainte en ligne vise à assurer la cohérence entre le rapport annexé et le projet de loi tel que modifié et adopté au Sénat.

Pour mémoire, dans ses deux avis de mars et septembre 2022, le Conseil d’État avait insisté sur la nécessité que le dépôt de plainte en ligne avec visioconférence demeure une simple faculté pour la victime. En l’état des fractures numériques dans nos territoires, il est essentiel de laisser aux victimes le choix de déposer plainte dans les locaux des forces de l’ordre ou en ligne. Au Sénat, un nouvel alinéa a été ajouté à l’article 6, précisant que la déposition de la victime par visioconférence ne peut faire obstacle à ce qu’elle soit par la suite reçue et entendue dans les locaux de police. Le présent amendement tend à mettre en cohérence le rapport annexé avec les évolutions louables intervenues au Sénat.

Par ailleurs, pour assurer une coordination entre avancées législatives et programmation budgétaire, il est demandé au ministère d’explorer des pistes de réduction des fractures territoriales et numériques, afin de permettre à tous les citoyens d’avoir accès à cette nouvelle faculté de dépôt de plainte en ligne avec déposition en visioconférence.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons évoqué ce sujet très longuement hier, et adopté, à l’article 6, des amendements qui clarifient les choses : la visioconférence est une simple faculté, non une obligation. Je vous renvoie à cette nouvelle écriture.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL393 de Mme Emeline K/Bidi et sous-amendement CL765 de M. Florent Boudié.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous demandons qu’un rapport évalue ce qu’implique, pour les professionnels de la police et de la gendarmerie, l’accroissement des plaintes dématérialisées. Je pense d’abord au temps de travail, mais pas seulement. Il a été montré que toutes les procédures de dématérialisation dans les services publics peuvent compliquer les choses pour les usagers, mais aussi susciter une perte de sens pour les agents. Quand on choisit de faire un métier d’accueil, c’est aussi pour rencontrer des gens. Si l’on cesse de voir du monde, cela peut créer de la souffrance au travail et des risques psychosociaux.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui permettra d’avoir un rapport plus complet. Vous proposez de le centrer sur les implications sur le temps de travail et la souffrance au travail ; on peut aller plus loin et examiner également la mise en œuvre des modalités numériques des dépôts de plainte et d’autres éléments plus techniques.

La rédaction que je vous propose est la suivante : « Afin de déterminer les conséquences réelles de la mise en œuvre de modalités numériques de dépôt des plaintes, un rapport d’évaluation portant sur le dépôt de plainte en ligne et le dépôt de plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle sera effectué, notamment afin d’établir l’implication en termes de temps de travail que représentera pour les professionnels de la police et de la gendarmerie cet accroissement des plaintes dématérialisées. »

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL720 de Mme Clara Chassaniol.

Mme Clara Chassaniol (RE). Il est proposé de mentionner dans le rapport annexé que la généralisation de l’expérimentation du dépôt de plainte hors les murs concernera, outre les femmes victimes de violences et les élus victimes de violences ou de menaces, l’ensemble des victimes d’infractions pénales.

Cet amendement est dicté par le souci de renforcer la démarche du « aller vers » dans nos services publics vis-à-vis des usagers et de contourner les difficultés d’accès au numérique que peuvent rencontrer certains de nos concitoyens. Les forces de l’ordre pourront se rendre au domicile de la victime après avoir apprécié sa difficulté à se déplacer dans un commissariat ou une unité de gendarmerie pour déposer plainte. Il ne s’agit pas d’instaurer un service à domicile du dépôt de plainte, qui détournerait nos policiers et gendarmes de leurs autres missions.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL568 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous proposons de recruter davantage d’officiers de liaisons LGBT+ formés sur les thématiques des LGBTphobies. Déjà présents dans certaines grandes villes, ils sont chargés de recevoir les plaintes et de traiter les procédures liées à l’homophobie et à la transphobie, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Ils sont également chargés de former leurs collègues sur les violences homophobes et LGBTphobes.

Ces agents de liaison ont permis, dans les territoires où ils sont implantés, une augmentation du taux de plaintes des victimes d’actes homophobes ou transphobes. Puisque nous avons intégré le cas des LGBTQI+ au délit d’outrage, il importe d’assurer le service après-vente, en ayant suffisamment d’officiers capables de traiter ces questions.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL392 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Un plan massif de formation des policiers et des gendarmes à la lutte contre les violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales est une nécessité.

Pour les femmes qui vont porter plainte après avoir subi une agression ou un viol, c’est souvent la double peine, puisque les personnels qui les reçoivent ne sont pas formés pour recueillir leur parole et que certains vont même jusqu’à retourner la culpabilité contre elles. Il existe désormais des formations pour sensibiliser les policiers à ces questions : elles doivent leur permettre d’adopter la bonne posture pour accueillir la parole des femmes, et elles contribuent, de fait, à diffuser une nouvelle culture au sein de la police nationale et à faire tomber les préjugés sexistes.

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est précisément parce qu’il peut être très difficile pour une victime de se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie que nous avons multiplié les solutions de prise en charge, à l’article 6 du projet de loi notamment. Je suis évidemment d’accord avec vous et je crois que ce qui est fait actuellement répond à votre préoccupation : 120 000 agents de la police nationale et de la gendarmerie ont déjà bénéficié du plan de formation, et la question des violences sexuelles et sexistes fait désormais partie de la formation initiale. Nous venons, par ailleurs, d’adopter l’amendement de Sandra Regol relatif aux référents. Je crois vraiment que nous allons dans la bonne direction, de façon collective, et je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Je ne me satisfais que très moyennement de votre réponse. Il faudrait que l’ensemble des agents bénéficient de cette formation et il faudrait aussi en évaluer les effets. Si vous estimez que l’objectif est atteint, c’est que vous ne croyez pas les femmes qui sont à l’initiative du mouvement Double peine, et qui sont très nombreuses à dire que cela ne se passe pas bien. C’est évidemment une bonne chose qu’il existe des alternatives, comme la plainte en ligne, mais ce n’est pas une solution. Je le répète, si vous estimez que la situation est satisfaisante, c’est que vous ne croyez pas les femmes qui disent le contraire.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je n’ai pas dit cela. Vous réclamez un plan massif de formation, parce que vous constatez, comme nous, que la situation n’est pas satisfaisante. Mais ce plan massif existe déjà et il donne des résultats. Parce que nous sommes d’accord sur l’objectif et sur les constats, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je vous remercie pour les avancées que nous avons votées sur la question LGBT, mais je déplore que nous n’arrivions pas à avancer de la même façon quand il s’agit des femmes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL240 de M. Timothée Houssin, CL264 de M. Jordan Guitton et CL566 de Mme Sandra Regol.

M. Timothée Houssin (RN). Nous vous invitons à renoncer à l’expérimentation qui consiste à mettre des robots d’accueil à l’entrée des commissariats et des gendarmeries. Contrairement au dépôt de plainte en ligne et à la visioconférence, c’est une mauvaise idée. Les personnes qui entrent dans un commissariat ou dans une gendarmerie le font souvent pour la première fois et peuvent être en état de choc. Ce qu’elles recherchent avant tout, c’est de l’empathie et de la sécurité, que seul un être humain peut leur apporter.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous avons déjà évoqué l’effet Robocop et ses possibles dérives. Nous nous opposons à l’expérimentation d’accueil automatisé dans les locaux de police et de gendarmerie. Cette loi doit recréer du lien et de la confiance, rapprocher nos concitoyens des forces de l’ordre : ce ne sont pas des robots qui vont nous y aider.

Je suis triste qu’un groupe qui assume aussi bien que l’un de ses membres tienne des propos racistes dans l’hémicycle défende le même amendement que moi.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les robots d’accueil dont il s’agit ne seront pas des droïdes sortis d’une série futuriste. Cette expérimentation s’inscrit exactement dans la même logique que les dispositifs permettant la dématérialisation du dépôt de plainte. Il s’agit, non pas de remplacer une chose par une autre, mais de proposer une pluralité d’usages, à l’image des 2 400 maisons France Services. Il ne s’agit pas d’opposer un modèle à un autre, mais de rechercher la complémentarité.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL563 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Dans la continuité des amendements visant à mieux protéger les femmes, nous proposons de mentionner explicitement le cyberharcèlement à caractère sexiste et sexuel. Monsieur le rapporteur, vous allez me dire que cela va de soi, mais ça va toujours mieux en le disant.

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est exactement la réponse que je vous fais.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL363 de Mme Raquel Garrido.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Le précédent quinquennat avait prétendu faire de la question du droit des femmes et des violences faites aux femmes l’une de ses priorités. Cinq ans plus tard, les chiffres, désespérément affligeants, composent un triste bilan et un décompte macabre. Aussi le présent amendement vise-t-il à garantir un meilleur accueil aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats, car ces violences peuvent être les préludes de féminicides.

Il entend également alerter sur l’absence de dispositif à la hauteur de l’enjeu de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de ce projet de loi. Il faut plus de moyens pour la police, la justice, l’hébergement d’urgence et l’école. Il faut s’attaquer aux stéréotypes de genre, qui maintiennent les femmes victimes dans le silence et la peur. Il faut former, et même éduquer la police, pour éviter la double peine aux victimes : celle de l’acte violent, puis celle de n’être ni crues, ni entendues. Un tiers des victimes seulement ose porter plainte et 80 % de ces plaintes sont classées sans suite.

Nous proposons un plan de lutte comportant un volet de sensibilisation et de formation des agents de police se déroulant sur plusieurs jours ; l’instruction donnée aux services de police et de gendarmerie, ainsi qu’aux parquets, d’informer immédiatement de ses droits toute victime déclarant des violences conjugales ; le recrutement d’intervenants sociaux et de psychologues pour assister les agents de police et de gendarmerie, notamment dans les dépôts de plainte ; la mise à disposition d’une fiche de procédure synthétisant l’ensemble des interlocuteurs pertinents dédiés aux violences sexistes et sexuelles, accompagnée d’une grille d’évaluation du risque. Nous sommes encore bien loin du milliard d’euros nécessaire à cette grande cause nationale.

M. Florent Boudié, rapporteur. De la même manière que j’ai démontré que je pouvais donner un avis favorable à des amendements d’où qu’ils viennent, il serait bien que vous reconnaissiez parfois les avancées accomplies.

Le budget alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes est passé de 29,8 millions d’euros en 2017 à 57,9 millions prévus pour 2023. C’est un effort important. Reconnaissez que nous avons déjà fait beaucoup – et cela ne fait que commencer, car la trajectoire prévue est très volontariste. On pourrait au moins s’entendre sur ce constat.

Et puis vous réclamez des choses qui existent déjà, comme les fiches de diligences à accomplir en cas de viol ou d’agression sexuelle. Des courts métrages de sensibilisation ont même été réalisés.

Je donne un avis défavorable non pas aux objectifs de l’amendement, mais à une forme de déni, qui vous pousse à ne pas reconnaître les avancées concrètes et que je regrette.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Comme l’indique l’exposé sommaire, l’amendement propose de « lutter bien davantage et bien plus efficacement contre les violences sexistes et sexuelles ». Nous ne considérons pas que vous n’avez rien fait.

Il est proposé d’organiser l’accueil des victimes de ces infractions de manière bien plus structurée – grâce à des fiches réflexes, mais aussi en recevant les victimes d’une manière qui réponde mieux au contexte. Cela permettrait de bien les orienter vers les associations qui les prennent en charge, pour peu qu’elles disposent des moyens de le faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL619 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). Quand on veut lutter contre un fléau, il faut d’abord créer un interdit. C’est ce qui a été fait avec les évolutions du code pénal.

Ensuite, il faut se doter de moyens. C’est ce que ce projet de loi fait, en poursuivant l’effort déjà engagé depuis plusieurs législatures.

Enfin, il faut mieux communiquer, pour sensibiliser le grand public et faire connaître leurs droits aux victimes. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de mentionner dans le rapport annexé l’adresse du très bon site arrêtonslesviolences.gouv.fr et la plateforme nationale d’aide aux victimes (PNAV), spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles, les violences conjugales et les discriminations. Cet outil est notamment compétent pour le traitement des signalements pour outrage sexiste et permet d’inciter la victime à contacter le 3919 ou à déposer son signalement en ligne.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL561 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). À la suite de ce que mes collègues de différents groupes politiques viennent de proposer pour défendre les droits des femmes – à l’exception de ceux d’extrême droite qui ne comprennent pas de quoi l’on parle –, cet amendement vise à aider les femmes à témoigner.

Pour les victimes de harcèlement ou de violences, répéter le même témoignage peut être difficile et réveiller des traumatismes. L’amendement propose donc d’enregistrer leur témoignage. Cela ne représente pas une charge financière ou du travail supplémentaire pour les agents, et cela permet d’améliorer la prise en charge des victimes et le traitement des plaintes et des enquêtes. C’est un travail nécessaire pour construire une société unie, qui respecte les valeurs républicaines – contrairement à ceux qui continuent à agiter les haines partout, jusqu’au sein de notre institution.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le dépôt de plainte donne déjà lieu à la remise à la victime d’une copie du procès-verbal qui sera versé au dossier. L’enregistrement des auditions n’est pas systématique. Serait-il très favorable aux victimes de prévoir un enregistrement audiovisuel systématique de leur dépôt de plainte ? Je n’en suis pas sûr, je suis même très réticent.

Demande de retrait, même si je comprends bien votre objectif.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’enregistrement serait proposé aux victimes. C’est une faculté, pas une obligation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL241 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). On parle beaucoup – à juste titre – des violences sexuelles et des violences conjugales. On parle beaucoup moins des mutilations sexuelles, alors que 125 000 jeunes femmes sont victimes d’excision chaque année en France. L’amendement propose de mettre la lutte contre ces mutilations au cœur de la lutte contre les violences sexuelles.

M. Florent Boudié, rapporteur. Dans la loi confortant les principes de la République, dont j’étais le rapporteur général, les peines contre les mutilations sexuelles ont été portées de cinq à sept ans d’emprisonnement et de 75 000 à 100 000 euros d’amende. C’est un signal pénal très fort. De la même manière, les certificats de virginité ont été interdits ; en délivrer un est punissable d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Des réponses sont donc apportées à la question que vous soulevez.

De manière plus formelle, le rapport annexé n’a pas vocation à énumérer tous les objectifs de la politique menée par le Gouvernement. Il est destiné à éclairer plus particulièrement certains points.

Enfin, votre amendement ne comporte aucune précision quant aux moyens opérationnels que vous souhaitez affecter à la lutte contre les mutilations sexuelles.

Demande de retrait.

M. Timothée Houssin (RN). Le but du rapport n’est pas forcément de détailler les moyens d’une politique. Il s’agit aussi de rappeler que trop de femmes sont encore victimes d’excision et qu’il faut poursuivre l’action engagée.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL626 et CL628 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). L’outrage sexiste, qui est défini par l’article 621-1 du code pénal, est une infraction créée en 2019. Elle est sanctionnée par des peines contraventionnelles. Le projet de loi prévoit qu’en cas de circonstance aggravante cette infraction devient un délit. C’est une bonne avancée, mais il ne faut pas que cela entraîne la suppression de l’outrage sexiste simple. L’amendement CL626 propose donc de rappeler au Gouvernement qu’il est nécessaire de recréer cette infraction par la voie réglementaire.

L’outrage sexiste peut intervenir dans l’espace public. Une circulaire a précisé que le champ d’application de cette infraction comprenait aussi l’espace privé, tel qu’un espace de travail. L’amendement CL628 propose de réfléchir à l’extension de ce champ d’application à l’espace numérique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Amendement CL135 de M. Raphaël Gérard.

Mme Clara Chassaniol (RE). Le nombre de crimes et délits à caractère discriminatoire a augmenté ces dernières années. Les injures, provocations ou diffamations publiques à caractère raciste ont augmenté de près de 13 % entre 2019 et 2021. Le nombre de faits anti-LGBT+ a augmenté de 104 % au cours des cinq dernières années. C’est le résultat des importants efforts engagés par le ministère de l’intérieur pour former les forces de l’ordre à l’écoute des victimes et faciliter les dépôts de plainte. Mais c’est aussi le signe d’une libération des discours haineux dans l’espace public, fruit de la banalisation des idées de l’extrême droite, qui favorise les passages à l’acte et les agressions discriminatoires – les propos racistes qui ont été formulés dans l’hémicycle le démontrent.

Depuis cinq ans, la majorité est pleinement mobilisée pour faire reculer la haine. Le budget de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a été doublé. Cela s’est traduit par un soutien renforcé aux actions menées par le tissu associatif, mais également par une politique de formation active des agents de la police et de la gendarmerie nationales.

Il faut aller plus loin et renforcer le pilotage et les moyens, afin que le ministère de l’intérieur décline de manière opérationnelle le futur plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui doit paraître prochainement, et le plan de mobilisation contre la haine anti-LGBT, qui doit être déployé au cours des prochaines années.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cet amendement constitue un apport important au rapport annexé et il complète l’amendement CL568 de Mme Regol que nous avons adopté.

Avis favorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Notre groupe soutiendra cet amendement qui propose de renforcer la lutte contre les discriminations. Il devrait faire l’unanimité – à l’exception, bien entendu, de nos collègues du Rassemblement national.

Nous sommes choqués par les propos racistes et antirépublicains qui ont été tenus par un député du RN tout à l’heure dans l’hémicycle. Le hasard fait que nous abordons maintenant la question de la lutte contre le racisme à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. Cet amendement doit recevoir un soutien très large, parce qu’on voit à quel point cette question demeure centrale – malheureusement aussi au sein de l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement CL277 de Mme Pascale Bordes est retiré.

Amendements CL322 de M. Antoine Léaument et CL376 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Pour améliorer les relations entre la police et la population, il faut travailler sur trois points.

Tout d’abord, il faut arriver à des rapports apaisés entre les jeunes gens des quartiers populaires et les policiers qui interviennent sur la voie publique. Cela suppose que ces derniers appartiennent à des unités particulièrement affectées à certains secteurs, voire qu’ils y soient logés. C’était le cas d’un certain nombre de policiers appartenant à des brigades spécialisées de terrain (BST) et cela a parfaitement marché. Cela passe aussi, de manière plus générale, par un rapport aux institutions différent pour les jeunes de ces quartiers.

Ensuite, une action aussi forte que possible doit être menée en matière d’éducation.

Enfin, même si on entre dans la police avant tout par idéal républicain, il faut améliorer les conditions de travail et de rémunération des policiers.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement propose de supprimer les alinéas 164 à 175 du rapport annexé, afin de réfléchir à leur réécriture en vue de la séance publique. On sent que leur auteur n’était pas vraiment à l’aise, car le texte oscille entre les poncifs imprécis et les propos stigmatisants.

L’objectif avancé est de rapprocher la police de la population, mais on fait comme si le problème venait seulement des jeunes et des habitants des quartiers populaires. Il n’y aurait rien à modifier dans la pratique des policiers. Outre prévoir des parcours d’engagement citoyen au sein de la gendarmerie nationale dès 11 ans, la seule véritable proposition consiste à dire que la police doit ressembler aux jeunes des quartiers. Quant aux classes de reconquête républicaine, elles ne sont prévues que dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cela ne va pas du tout !

Nous formulerons des propositions précises, comme le récépissé lors d’un contrôle d’identité. Mais, plus généralement, pour restaurer la confiance, le secret c’est l’égalité de traitement. Or le rapport annexé en fait totalement abstraction.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le rapport annexé n’est pas les œuvres complètes de Proust. J’ai trouvé, moi aussi, que son écriture aurait parfois pu être plus précise, plus soignée, et j’en ai fait part au cabinet du ministre. J’ai lu les trois précédentes lois de programmation en matière de sécurité, et elles étaient beaucoup mieux écrites.

Sur le fond, cependant, les termes retenus témoignent de la volonté de transformation du ministère de l’intérieur. J’en veux pour preuve le titre de la partie que vous souhaitez supprimer : « S’assurer que le ministère de l’intérieur ressemble davantage aux Français, notamment à la jeunesse ». L’alinéa 165 indique que « Le ministère doit être lui‑même un exemple " d’ascenseur social ". » Cette vision nouvelle s’exprime notamment à travers le renforcement des partenariats avec l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Épide) et les écoles de la deuxième chance. Il faut aussi citer les « classes Beauvau », ces cours du soir destinés aux agents volontaires.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL554 de Mme Sandra Regol.

Amendement CL216 de Mme Edwige Diaz.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement prévoit que le principe dit de discrimination positive ne peut être admis en aucune manière pour le recrutement des personnels de la police nationale. Le concours, anonyme dans sa phase d’admissibilité, est le garant d’une réelle équité. Le seul critère de recrutement doit être la compétence.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL655 de M. Benjamin Lucas.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). On ne comprend pas pourquoi les classes de reconquête républicaine – dont la dénomination est pour le moins martiale et inutilement agressive – se retrouvent dans ce texte. Nous ne les remettons pas en question, mais elles relèvent du domaine de l’éducation.

Puisque l’on parle de reconquête républicaine, je souhaite rappeler à nos collègues de la majorité que le député qui a tenu des propos racistes dans l’hémicycle a été élu en partie parce que la candidate de la majorité présidentielle dans cette circonscription a refusé d’appeler à faire barrage au Rassemblement national lors du second tour. Peut-être nous trouverons-vous plus assidus quand il s’agira de préserver la République dans les moments de vérité.

M. le président Sacha Houlié. Ce genre de commentaire est déplacé, injurieux et inexact.

M. Florent Boudié, rapporteur. Monsieur Lucas, je suis élu en Gironde et je connais beaucoup mieux que vous les circonstances de cette élection – y compris l’attitude des représentants locaux de votre formation politique Tous n’ont pas donné des signaux précis quand il le fallait. Ce que vous dites est décalé, mais là n’est pas le lieu d’en parler.

Au fond, c’est le nom des classes de reconquête républicaine que vous n’aimez pas. Elles sont destinées aux décrocheurs scolaires et il s’agit d’un dispositif intéressant.

Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). En matière de lutte contre les extrêmes et l’extrême droite, on devrait essayer de travailler ensemble plutôt que de dire des choses qui ne sont pas tout à fait exactes. Les reports de voix se sont parfois faits dans des sens étonnants. Nous avons tous été élus et si cette conversation mérite d’être poursuivie, la commission n’en est certainement pas le lieu.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il faut se garder d’une tendance à présenter la police comme une institution un peu viriliste dans les dispositifs mis en place dans les quartiers pour améliorer les relations entre les jeunes et la police. Des ateliers montrent comment manier un tonfa ou comment effectuer une interpellation. Il faut être attentif à l’image que cela renvoie de l’activité de la police. On tombe rapidement dans un encadrement à connotation militaire, qui valorise uniquement les techniques d’intervention. Ce que propose l’association Raid Aventure est ainsi parfois à double tranchant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL416 de Mme Delphine Lingemann.

Mme Blandine Brocard (Dem). Cet amendement propose que soit expérimenté dans les territoires ruraux un dispositif visant à susciter l’ambition scolaire des élèves et à les inciter à intégrer les forces de sécurité. Il s’agit de s’inspirer de dispositifs comme « territoires éducatifs ruraux » et « les cordées de la réussite ».

M. Florent Boudié, rapporteur. Beaucoup de choses sont organisées pour cela, y compris dans les zones rurales. Je pense par exemple au parcours d’engagement citoyen au sein de la gendarmerie nationale pour les jeunes dès l’âge de 11 ans – qui est parfois caricaturé comme une forme d’embrigadement – et aux partenariats entre la gendarmerie et les conseils municipaux des jeunes. L’objectif que vous visez est déjà pris en compte.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CL571 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Face aux effets du réchauffement climatique, la sécurité civile est essentielle. Il faut donc encourager les jeunes à embrasser les carrières de la sécurité civile. Cet amendement a pour objet de les inciter à s’engager dans les jeunes sapeurs-pompiers ou dans les jeunes marins-pompiers. Pour cela, il demande au Gouvernement d’engager une réflexion sur l’ouverture de droits à des points de bonification pour l’obtention des diplômes de l’enseignement secondaire.

M. Florent Boudié, rapporteur. C’est déjà mis en pratique. Lors de l’examen du brevet des collèges, les jeunes sapeurs-pompiers et marins-pompiers peuvent présenter leur activité au grand oral. Une unité facultative « engagement citoyen » est prévue pour certains baccalauréats. La plateforme Parcoursup comprend une rubrique « engagement citoyen et bénévolat ». S’agissant des études supérieures, il est possible depuis la rentrée universitaire de 2017 de reconnaître les compétences et aptitudes acquises dans le cadre d’une activité bénévole.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous proposons de systématiser ces bonifications.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL195 de Mme Mélanie Thomin.

Amendements CL412 de Mme Élisa Martin et CL191 de M. Roger Vicot (discussion commune).

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). L’amendement CL412 reprend une demande récurrente de notre groupe : supprimer l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et la remplacer par une autorité indépendante, rattachée au Défenseur des droits – qui dispose déjà de la compétence nécessaire.

En réalité, la police des polices est juge et partie. Elle organise, selon nous, un simulacre d’enquête, où des policiers décident entre policiers du destin d’autres policiers.

Le mouvement des gilets jaunes s’est traduit par 2 500 blessés – dont 350 à la tête et 30 éborgnés – et par la mort de Zineb Redouane. Sur 399 saisines de l’IGPN, à peine une douzaine a abouti et seulement deux jugements ont été rendus. Qu’il s’agisse des gilets jaunes gravement blessés, de l’affaire des lycéens mis à genoux ou de la noyade de Steve Caniço à Nantes, la conclusion est toujours la même : l’IGPN classe l’enquête sans suite. Les saisines n’aboutissent qu’à un nombre dérisoire de poursuites, ce qui crée le sentiment que les policiers sont au-dessus des lois.

Le système actuel ne fonctionne pas. Et pour cause ! Des policiers qui enquêtent sur des policiers, en termes de conflit d’intérêts et de collusion, on peut difficilement faire pire. Au mieux l’IGPN enterre les affaires ; au pire elle fabrique des fausses preuves. Dans une affaire en 2020, l’IGPN est accusée d’avoir modifié des enregistrements radios pour éviter des sanctions contre des policiers. Pour 70 % des Français, il faut la supprimer. La nomination, cet été, d’une magistrate à sa tête est un écran de fumée.

Notre proposition constituerait un premier pas vers la fin de l’impunité policière.

M. Roger Vicot (SOC). Mon amendement recherche un équilibre entre la légitimité des corps de contrôle que sont l’IGPN et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), d’une part, et leur nécessaire indépendance, d’autre part.

L’effet de corps est évident au sein de ces deux inspections. Nous proposons de les compléter par une structure indépendante, dotée bien entendu de pouvoirs d’enquête, qui serait composée de membres appartenant à la police et à la gendarmerie nationales, du Défenseur des droits et de personnalités qualifiées.

D’autres pays ont été beaucoup plus loin. Au Royaume-Uni, l’Office indépendant du comportement policier (IOPC) peut se saisir de sa propre initiative, ne rend pas compte à l’exécutif et dispose de son propre budget et de ses propres enquêteurs. Il n’est pas rattaché à un service actif de la police et ses directeurs ne peuvent pas être des policiers.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Nous sommes au cœur d’une question importante : celle de la confiance.

J’ai évoqué, lors de l’audition du ministre – sans obtenir de réponse –, ce qui s’était passé à Mantes-la-Jolie en 2018 : 151 lycéens s’étaient retrouvés dans une situation s’apparentant à de la torture psychologique ; ils avaient été humiliés pendant des heures et le policier qui les filmait avait dit : « Voilà une classe qui se tient sage ». Au regard des principes républicains, de telles pratiques posent question.

Tous les jours, je rencontre des mères de famille et des grands-mères qui ont la peur au ventre quand elles voient un fourgon de police. Si l’on aime la police républicaine, si l’on est républicain, on ne peut pas se satisfaire que des gens aient peur pour leurs enfants lorsque la police arrive.

L’indépendance et la transparence que nous appelons de nos vœux visent précisément à restaurer la confiance entre les citoyens et la police. Cet objectif devrait nous rassembler.

M. Jordan Guitton (RN). Il arrive que des personnes soient victimes de la police, mais certains policiers sont aussi victimes. Si vous voulez tant la transparence, si vous voulez faciliter la résolution des enquêtes, pourquoi vous opposez-vous aux caméras-piétons et à la vidéoprotection ? Votre objectif réel n’est-il pas plutôt de polémiquer, de faire un procès d’intention à l’IGPN et à l’IGGN ? Chaque mois, même si le phénomène est très minoritaire, des policiers sont condamnés pour des actes qu’ils ont commis. Les policiers sont tenus de respecter la loi. Les citoyens ont confiance en la police et je ne crois pas aux chiffres qui ont été donnés.

Nous voterons contre ces amendements et réitérons notre soutien à la police et à la police des polices.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL587 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le débat sur l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) et des grenades de désencerclement n’est pas vraiment nouveau. En ce qui me concerne, j’ai tendance à le mettre en rapport avec la question de la formation initiale et continue. Pendant la crise des gilets jaunes, de nombreux agents affectés dans des bureaux ou ayant été formés il y a longtemps se sont retrouvés à manipuler ce matériel, causant ainsi des blessures. Cela détruit non seulement la personne qui reçoit une balle ou un éclat, mais aussi la carrière de l’agent, qui se retrouve en faute à cause de sa hiérarchie car il n’a pas été correctement formé.

Quand quelque chose ne fonctionne pas, il faut y mettre un terme. Nous vous proposons donc d’interdire totalement l’usage des LBD et des grenades de désencerclement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable. Le rapport annexé n’a pas pour but d’élaborer la doctrine en matière de maintien de l’ordre. Le schéma national du maintien de l’ordre, publié en septembre 2020 et corrigé en décembre 2021, répond à cet objectif. Il traite de la question que vous abordez, ainsi que des relations à la presse – dont nous parlerons à propos d’un amendement de Benjamin Lucas. Je vous invite à relire ce document. Le Conseil d’État a validé la doctrine d’emploi du LBD.

Cela ne veut pas dire que l’usage de ce matériel ne mérite pas un débat. Celui-ci existe dans la société et certaines formations politiques s’en emparent. Je préfère la tonalité des propos de M. Vicot à celle de M. Portes : sans vouloir opposer les uns aux autres, je ne suis pas sûr que s’exprimer ainsi apporte grand-chose au débat.

M. Romain Baubry (RN). Alors que nous entendons Mme Regol clamer que la police n’est pas républicaine, qu’elle tue, je me demande quel est le but poursuivi à travers ces amendements. Les policiers devront-ils faire usage de leur arme létale une fois que Mme Regol leur aura enlevé les grenades de désencerclement, notamment, ou bien devront-ils se laisser tuer ? Mme Regol préfère peut-être cette seconde option.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je vous félicite d’avoir réussi à placer mon nom dans chacune de vos phrases. Vous n’avez rien écouté de mes propos sur la police, ce qui vous permet de dire absolument n’importe quoi.

Monsieur le rapporteur, des réflexions sont menées, mais vous ne pouvez pas nier que l’accompagnement des agents fait défaut et que, dans les périodes de crise, on sollicite des personnes qui ne sont pas habituées à utiliser ce matériel, ce qui a des conséquences désastreuses : des gens sont blessés et les agents sont sanctionnés par leur hiérarchie et par l’IGPN. Certains d’entre eux ne sont plus en mesure, psychologiquement, de retourner sur le terrain. Il est nécessaire de protéger les victimes, mais vous ne pouvez pas vous contenter de vous abriter derrière cet argument, car de toute évidence le système dysfonctionne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL657 de M. Benjamin Lucas.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Cet amendement a pour objet, à la suite de la décision rendue par le Conseil d’État en juin 2021, de confirmer le droit des journalistes à exercer leur mission d’information sans entrave policière dans le cadre des manifestations.

Le durcissement des méthodes d’encadrement des manifestations par la police depuis 2017, ainsi que le schéma du maintien de l’ordre du 16 septembre 2020 laissent planer le doute quant à la possibilité pour les journalistes d’exercer librement leur métier.

Je sais qu’il est de bon ton de considérer que l’on peut violenter une élue portant l’écharpe tricolore dans une mobilisation. Il n’en demeure pas moins que nous devrions pouvoir nous accorder, en tant que républicains et démocrates, sur le fait que la presse doit être en mesure de faire son travail partout, y compris dans les manifestations et les mobilisations. Il s’agit donc d’un amendement de bon sens.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je pourrais me contenter de dire « défavorable » et passer à autre chose, mais je tiens à réagir à vos propos, car certains de nos concitoyens qui suivent nos débats pourraient croire que les dispositions du schéma national du maintien de l’ordre de 2020, corrigées en décembre 2021, interdisent à la presse d’être présente dans les manifestations. Or c’est totalement faux. Lisez la partie 2.2, où la liberté de circulation des journalistes est affirmée très clairement. De même, les ordres de dispersion ne s’appliquent pas à eux. Depuis cette année, un référent des forces de l’ordre est désigné pour toutes les manifestations publiques d’importance, de façon à ouvrir un canal d’échange avec les journalistes. Il s’agit notamment de les informer du déroulement de l’événement, et en aucun cas de les empêcher de travailler. Par ailleurs, les journalistes peuvent être spécifiquement protégés par les forces de l’ordre s’ils sont eux-mêmes attaqués par des manifestants.

Je regrette donc que vous ayez laissé supposer que nous aurions, depuis quelques années, mis à mal l’État de droit en portant atteinte à la liberté de la presse. Cela ne correspond ni à la doctrine française en matière de maintien de l’ordre ni à ce qui se pratique sur le terrain. Vos propos étaient caricaturaux.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Après sa publication en 2020, le nouveau schéma national du maintien de l’ordre a été contesté par de nombreuses associations et par des avocats. C’est pour cette raison que le Conseil d’État a considéré qu’il devait être revu.

M. Florent Boudié, rapporteur. Cela s’appelle une société démocratique !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Autrement dit, le document ne traduisait pas vraiment une démarche proactive visant à faire preuve de bienveillance envers les journalistes. Heureusement, il y a des gens qui défendent les libertés et les droits fondamentaux.

À Calais, quand les policiers lacèrent des tentes, les journalistes sont tenus soigneusement à l’écart. Le fait a été bien documenté ; il ne s’agit pas d’une idée de gauchiste. Quant aux ordres de dispersion censés ne pas s’appliquer aux journalistes, ils n’ont pas évité les coups de tonfa à Rémy Buisine.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Ne caricaturez pas mes propos, monsieur le rapporteur. Il est vrai que nous contestons votre orientation car elle n’est pas la bonne, notamment en ce qui concerne la défense des libertés publiques – sinon, l’article 24 du texte initial de la loi relative à la sécurité globale n’aurait pas été censuré.

En outre, cela doit faire quelques années que vous n’êtes pas allé manifester, sinon vous sauriez que les conditions dans lesquelles se déroulent les manifestations sont plus difficiles, notamment pour les familles.

Enfin, un journaliste de France 3 s’est retrouvé en garde à vue pendant douze heures en novembre 2020, alors qu’il avait présenté sa carte de presse. Ne faites donc pas comme si la situation que je décris n’existait pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL656 de M. Benjamin Lucas.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). La technique du nassage peut produire une escalade de la violence dans le cadre d’un attroupement ou d’une manifestation.

En outre, elle est mal encadrée légalement : le Défenseur des droits l’a souligné en 2017 et en 2020, et le Conseil d’État l’a confirmé en 2021.

Par ailleurs, son apprentissage par les forces de police est insuffisant, selon le rapport du Défenseur des droits de 2017. De fait, la mise en œuvre de cette technique sur le terrain au cours des cinq dernières années s’est révélée hasardeuse, parfois inappropriée, voire dangereuse – j’évoquais à l’instant les conditions dans lesquelles on manifeste désormais dans notre pays. Son interdiction paraît donc être la solution la plus simple pour assurer une gestion optimale des manifestations par les forces de l’ordre.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CL212 de M. Roger Vicot, CL328 de Mme Raquel Garrido, CL340 de Mme Elsa Faucillon et CL573 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Nous proposons qu’un récépissé soit délivré par les forces de l’ordre à l’issue de chaque fouille ou contrôle d’identité. Le document indiquerait les motifs, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille ont été effectués, le matricule de l’agent et les observations de la personne ayant fait l’objet de cette mesure.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Depuis des années, certaines parties de la population sont discriminées s’agissant des contrôles d’identité. Par ailleurs, la parole raciste est décomplexée. Nous venons de le constater jusque dans l’hémicycle, où s’est produit un événement sans doute inédit : un député du Rassemblement national a adressé des propos racistes à un autre député, membre de mon groupe. Moi qui suis une nouvelle députée, j’ai la boule au ventre en en parlant : jamais je n’aurais cru vivre ce genre de choses dans l’hémicycle.

Les discriminations lors des contrôles d’identité ne relèvent pas du ressenti : elles constituent des faits, dénoncés par la Défenseure des droits dans son rapport de 2020. On lit dans ce document que les hommes perçus comme noirs sont contrôlés six fois plus que ceux perçus comme blancs, et même onze fois plus quand il s’agit d’hommes arabes ou maghrébins. Un rapport demandé par M. Castaner, alors ministre de l’intérieur, au déontologue du ministère parvient à la même conclusion. Selon ce texte, que Mediapart a fini par obtenir après avoir saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, les actes de discrimination commis par les forces de sécurité intérieure ne paraissent pas aussi exceptionnels que les chiffres communiqués le laissent penser.

Nous demandons que soit délivré un récépissé à la suite de tout contrôle d’identité. Notre amendement est soutenu notamment par le Conseil national des barreaux, qui y voit la possibilité d’établir enfin la matérialité de faits déjà largement avérés.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous avons été très nombreux, cet après-midi, à entendre avec effroi les propos racistes proférés par un député RN envers un député LFI. Je voudrais que cet effroi nous serve à quelque chose.

Nous proposons, nous aussi, la délivrance d’un récépissé après un contrôle d’identité. Imaginez-vous ce que cela représente d’être contrôlé, et de l’être même souvent, au motif que l’on est jeune, noir ou maghrébin. Alors que je prends tous les jours le métro à la station Gabriel Péri, sur la ligne 13, je n’ai jamais été contrôlée par les policiers. Mes jeunes voisins noirs ou arabes, quant à eux, le sont régulièrement. Les chiffres sont désormais connus : avec un tel profil, on a 80 % de risques de se faire contrôler.

Dans ma circonscription, les parents apprennent à leurs enfants à se comporter d’une certaine manière avec la police, non pas comme nous le faisons tous avec nos enfants, mais en tenant compte du fait qu’ils sont noirs ou rabes. Aux États-Unis, les noirs en sont arrivés à inculquer à leurs enfants la peur d’être agressés, voire tués par la police. Est-ce vraiment la société que nous voulons ?

Il faut prendre très au sérieux la question du récépissé d’identité car, dans le document qui nous est soumis, rien ne permet de remédier au problème au cours des cinq ans à venir.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Dans les quartiers dits sensibles, il faut des agents ayant des compétences particulières. Or tel n’est pas le cas. L’amendement CL573 vise donc à mobiliser des moyens pour fidéliser des agents sur le terrain.

C’est nécessaire pour la population – alors même que le projet de loi a pour objectifs de rapprocher la police de la population et de rassurer celle-ci. Cela l’est tout autant pour les agents : ce sont des jeunes qui sont envoyés dans ces endroits qu’ils ne connaissent pas, souvent en Île-de-France, en banlieue, dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il faut, dans ces quartiers, des personnes qui connaissent le métier et surtout le terrain, pour assurer la transmission.

Fidéliser les agents, c’est aussi assurer une plus grande stabilité à nos quartiers et à la République. C’est également un moyen supplémentaire de lutter contre le racisme, qui existe à l’intérieur même des services de police, comme le montre l’étude révélée avant-hier par Mediapart, et contre les contrôles au faciès. Alors que l’assemblée du peuple a été abîmée par des propos racistes, nous devons nous rappeler que le pire est toujours possible et que notre devoir, en tant que législateur républicain, est de nous doter d’outils permettant de nous en protéger collectivement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous avez raison, madame Regol : l’Assemblée nationale a été abîmée par les propos outrageants qui y ont été tenus cet après-midi. Je comprends, madame Taurinya, que vous en parliez avec la boule au ventre.

Le bureau de l’Assemblée nationale se réunira demain à 14 h 30. J’espère qu’il prendra les sanctions qui s’imposent, sans préjuger des poursuites judiciaires éventuelles – même s’il paraît improbable, malheureusement, qu’il puisse y en avoir.

Cela dit, établir un parallèle entre cette situation et le travail des forces de l’ordre me paraît une erreur. Si vous souhaitez que les propos prononcés dans l’hémicycle il y a quelques heures soient jugés à la mesure de ce qu’ils signifient, vous ne devriez pas opérer de tels glissements.

Sur le fond, nous avons débattu à plusieurs reprises des contrôles d’identité. La mise en place du récépissé pose des problèmes d’ordre opérationnel. Ce n’est pas pour rien que François Hollande lui-même y avait renoncé.

Si vous voulez des statistiques complètes et objectives sur les contrôles d’identité, il faut un fichier national. Or, si nous devions légiférer en ce sens, vous seriez les premiers à demander des garanties extrêmement fortes en ce qui concerne l’accès à ces données – et vous auriez raison.

Avis défavorable.

M. Éric Poulliat (RE). Vous ne trouverez personne, dans mon groupe, qui ne fasse pas de la lutte contre les discriminations son combat quotidien. Moi-même, j’ai dénoncé avec la plus grande force les propos tenus dans l’hémicycle : ils ne font pas honneur à leur auteur et à son groupe, et encore moins à la République. En revanche, je suis déçu que vous utilisiez cet événement honteux pour pousser une idée qui consiste à essentialiser nos concitoyens, à les diviser en fonction de leur origine – réelle ou supposée – et de leur couleur de peau.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il existe bel et bien un lien entre ce qui s’est passé cet après-midi et la proposition que nous défendons : c’est que notre société est traversée par le racisme. Il n’y a pas un endroit où il n’arrive à s’exprimer. Nous l’avons constaté à l’Assemblée nationale elle-même, temple de la République. Le racisme existe dans tous les secteurs et toutes les activités. Or, par nature, les contrôles de police sont une activité sensible. Au-delà des centaines de témoignages que nous avons recueillis dans nos permanences, le fait est parfaitement documenté ; des études sérieuses et précises l’ont établi. Il convient de se donner des outils pour combattre le racisme partout où il se trouve, dans l’hémicycle comme lors de contrôles de police.

M. Romain Baubry (RN). L’évocation du racisme de la police n’a qu’un seul but : flatter l’électorat de l’extrême gauche.

Par ailleurs, un mensonge répété cent fois ne fera jamais une vérité. Je vous invite à tempérer vos propos en attendant le compte rendu de la séance de cet après-midi, sous peine de les voir se retourner contre vous une fois que la vérité sera établie.

M. le président Sacha Houlié. Cette affaire sera traitée par le bureau de l’Assemblée, qui prendra, je l’espère, une sanction disciplinaire – j’ai appelé à ce que la plus sévère prévue par le règlement soit appliquée.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, nous demandons des statistiques, pas un fichier. Si c’est la seule chose qui vous dérange dans notre proposition, il est tout à fait possible de se contenter de délivrer un récépissé à la personne, le policier signalant quant à lui qu’il a procédé à un contrôle d’identité. Ainsi, nous connaîtrions le nombre exact de contrôles d’identité et les personnes qui en sont la cible disposeraient d’un document leur permettant de prouver qu’elles ont été contrôlées plusieurs fois dans la journée – libre à elles, par la suite, de se retourner vers les autorités policières ou le Défenseur des droits.

Si c’est le récépissé en lui-même qui vous ennuie, on pourrait également expérimenter des zones sans contrôle d’identité, comme l’avait proposé la Défenseure des droits.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL575 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à interdire les techniques d’immobilisation entravant les voies respiratoires, afin de prévenir les accidents mortels, dont certains ont pu être qualifiés de bavures policières. Même si certaines de ces techniques ont déjà été interdites, elles continuent à être pratiquées sur le terrain. Il s’agit donc à la fois d’inscrire l’interdiction dans la loi et de trouver les moyens de les interdire dans les faits.

M. Florent Boudié, rapporteur. À travers un autre amendement, vous invitez le ministère de l’intérieur à renforcer la formation aux techniques d’intervention opérationnelle rapprochée (Tior), utilisées en particulier par l’armée de terre : il y a là une forme de contradiction.

Par ailleurs, vous parlez des techniques d’immobilisation qui auraient pour effet d’entraver les voies respiratoires. Or, depuis l’instruction de la direction générale de la police nationale (DGPN) du 30 juillet 2021, la clé d’étranglement est définitivement proscrite. Elle a été remplacée par trois techniques qui répondent très précisément à votre objectif.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL204 et CL205 de Mme Cécile Untermaier, et CL556 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Les amendements CL204 et CL205 ont pour objectif de créer un collège de déontologie. Celui-ci pourrait être composé de quatre professionnels et de trois personnalités extérieures qualifiées, dont au moins un magistrat honoraire et un universitaire, et présidé par un membre du Conseil d’État – c’est ce que nous proposons à travers l’amendement CL204. Seconde option, un peu plus souple : il pourrait compter cinq membres, dont un universitaire et un magistrat, et être présidé par une personnalité extérieure.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL556 vise à compléter le paragraphe relatif à la création d’un comité d’éthique. Nous proposons que ce comité soit indépendant – il serait composé d’universitaires et de représentants de la société civile –, qu’il ait pour mission d’évaluer l’action du ministère de l’intérieur et qu’il soit présidé par le Défenseur des droits.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les amendements CL204 et CL205 sont importants. J’en ai discuté avec Cécile Untermaier ces dernières semaines. Je suis favorable au principe consistant à créer, au lieu du comité d’éthique proposé dans le rapport annexé, un collège de déontologie ouvert, comprenant des personnalités extérieures et présidé, par exemple, par le vice-président du conseil d’État. Ce serait une grande innovation pour le ministère de l’intérieur. À ce stade, nous poursuivons les discussions en vue de la séance, dans l’espoir de trouver un consensus très large et d’aboutir. J’y tiens beaucoup moi aussi.

Dans l’immédiat, chers collègues, je vous demande de retirer vos amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendement CL584 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il vise à prendre en compte une recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Il s’agit de créer une plateforme unique de signalement des manquements à la déontologie, qui réunirait celles du Défenseur des droits, de l’IGPN et de l’IGGN. Cela faciliterait beaucoup les démarches et permettrait une réponse plus efficace.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL586 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à permettre aux membres des forces de l’ordre de bénéficier du statut de lanceur d’alerte quand ils dévoilent certains faits problématiques, parfois même délictueux, dont ils sont témoins. L’omerta, la peur de raconter ce qui se passe en interne peuvent empêcher les agents de parler.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le devoir de réserve n’empêche en aucun cas un lanceur d’alerte d’effectuer un signalement. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La difficulté est de le faire sans se mettre en danger. Voilà pourquoi nous proposons de protéger les agents faisant des signalements.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL196 de Mme Mélanie Thomin.

Amendement CL368 de M. Antoine Léaument.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Depuis quatre ans, nous déplorons, lors de manifestations, 992 signalements, 6 mains arrachées, 30 éborgnements, 353 blessures à la tête, 4 décès. Il semble de surcroît que des grenades lacrymogènes instantanées GLI-F4, pourtant interdites depuis 2020, aient été utilisées pour disperser la manifestation de Sainte-Soline. La Défenseure des droits l’a elle-même reconnu : le maintien de l’ordre dans les manifestations succombe à la tentation du face-à-face. La Belgique, qui est mon autre pays, a choisi un modèle différent, celui de la gestion négociée de l’espace public, en privilégiant l’accompagnement des manifestations, la coorganisation et la concertation. La communication permanente entre les organisateurs et les forces de l’ordre permet d’apaiser les tensions. Nous devrions nous rappeler la célèbre phrase que le préfet de police Maurice Grimaud a écrite aux policiers en mai 1968 : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ».

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le maintien de l’ordre dans les manifestations est très important, car il permet de garantir le droit et la liberté de manifester. La doctrine française doit reposer sur la mise à distance des manifestants, des interventions collectives et sur ordre et l’emploi graduel et réversible de la force. Ces techniques ne mettent pas en danger la vie des gens contrairement à l’usage de la nasse, qui est une pratique aberrante. Enfin, il est indispensable d’y employer des professionnels et de ne pas s’en remettre aux Brigades de répression de l’action violente (BRAV).

M. Ian Boucard (LR). Nous aimerions tous que les forces de l’ordre puissent dialoguer avec les organisateurs, mais comment est-ce possible quand les black blocs leur jettent des pavés pour les tuer ou que les organisateurs maintiennent une manifestation illégale et interdite ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL585 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Plusieurs syndicats de police et de gendarmerie dénoncent la prime aux résultats exceptionnels, qui est devenue un outil de management opaque. Cette prime oblige les forces de l’ordre à privilégier une logique du chiffre à des enquêtes de long terme. Nous vous proposons de la supprimer et d’allouer les dizaines de millions d’euros qui y sont consacrés à la rémunération des heures supplémentaires encore non récupérées, ni payées des policiers et des gendarmes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CL407 de Mme Raquel Garrido, CL355 de Mme Elsa Faucillon et CL324 de Mme Élisa Martin (discussion commune).

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). En soi, nous ne sommes pas opposés au continuum de sécurité, dès lors qu’il ne s’agit que d’organiser un partenariat entre les forces de sécurité pour maintenir l’ordre public. Cependant, à y regarder de plus près, il s’avère que ce concept ouvre la voie aux dérives, ce qui explique que nous voudrions le faire disparaître du rapport annexé.

Tout d’abord, il accorde une place bien trop importance à la sécurité privée. Plusieurs milliers d’agents de sécurité privée ont ainsi été recrutés pour sécuriser les Jeux olympiques et paralympiques, ainsi que la Coupe du monde de rugby. Le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), chargé de l’autorisation et du contrôle des acteurs de la sécurité privée, ne peut plus garantir la délivrance des autorisations dans de bonnes conditions. Nous devons engager une réflexion autour de la notion de service public de la sécurité publique et prendre les mesures qui nous permettront de nous passer des services de la sécurité privée.

Ensuite, il brouille la répartition des compétences entre la police municipale et les forces régaliennes. Certains maires se précipitent pour assurer la sécurité de leur ville, sans pour autant obtenir de bons résultats – en témoigne la situation à Nice. D’autres refusent d’entrer dans ce jeu et s’en tiennent aux prérogatives de la police municipale, qui n’est pas censée se substituer aux forces de police de l’État. Il arrive que ces municipalités subissent des pressions pour étendre leurs systèmes de vidéosurveillance en échange d’une augmentation des effectifs de policiers ou d’une dotation en armes de poing.

Si cet amendement n’est pas adopté, votez au moins pour celui qui tend à empêcher la création d’une direction unique des partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité, dont nous comprenons d’autant moins le sens que la délimitation des champs de compétences n’est pas toujours claire entre la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) et les collectivités locales. Chacun devrait s’en tenir à ses prérogatives, ce qui n’empêcherait ni la coopération, ni le partenariat. Les élus locaux sont d’ailleurs les premiers à souhaiter approfondir les échanges.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL360 de M. Ugo Bernalicis.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Sous couvert d’organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques en 2024, la loi « sécurité globale » a attribué aux acteurs de sécurité privée de nouvelles prérogatives. Comme à chaque fois, ces délégations ne sont pas limitées dans le temps, ce qui tendrait à indiquer qu’elles participeraient à un projet de sécurité beaucoup plus globale. On voit que des événements festifs et fédérateurs pourraient servir à justifier des mesures bien plus contestables.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL439 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). Il s’agit de préciser que le suivi et l’évaluation de l’action de la direction des partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité seront réalisés en lien avec les maires des communes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL356 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Beaucoup d’élus locaux multiplient l’installation de caméras de vidéoprotection, à la demande de nos concitoyens qui ont le sentiment d’être plus en sécurité lorsque leurs rues sont ainsi filmées. Nous finissons par nous habituer à cette surveillance de masse, alors que son efficacité n’a jamais été évaluée et qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés des personnes physiques.

Je me doute bien que vous refuserez notre amendement, mais il est regrettable que la commission des lois ne se saisisse pas de ce sujet majeur.

M. Florent Boudié, rapporteur. Beaucoup de communes, jusque dans votre circonscription, chère collègue, ont demandé à l’État des aides financières pour installer des caméras de vidéosurveillance, dont elles sont très satisfaites. La détermination des besoins est laissée à leur discrétion, car ils dépendent des caractéristiques de leur commune – sa taille, le type de délinquance, le sentiment d’insécurité des habitants.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Que vous vouliez financer l’installation de caméras de vidéosurveillance, cela vous regarde, mais ne vous servez pas du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, car elles n’ont aucun effet de prévention. Toutes les études aboutissent à la même conclusion : la vidéosurveillance ne permet pas de réduire la délinquance, au mieux elle la déplace. Le ministre de l’intérieur n’a-t-il pas lui-même parlé d’un ensauvagement de la société ? Essayez au moins d’être logiques avec vous-mêmes.

Surtout, ce sont les services de police qui pressent les communes d’installer des caméras, qu’ils posent comme condition à l’octroi d’effectifs de police supplémentaires ! Ne le niez pas, le ministre de l’intérieur en a lui-même vanté les mérites lors de l’un de ses derniers déplacements très médiatisés !

M. le président Sacha Houlié. Ce que vous dites est inexact. Ce sont les maires qui demandent à l’État de les aider à financer des caméras de surveillance. Des maires socialistes ont d’ailleurs reconnu, eux aussi, l’intérêt de ces dispositifs, qu’ils ont installés avec le soutien de l’État, à Lille, Montpellier, Marseille ou Nantes.

Par ailleurs, vous déformez les propos du ministre de l’intérieur. Il a simplement déclaré au maire de Grenoble, qui déplorait la montée de l’insécurité dans sa ville, que s’il voulait installer des caméras, l’État les paierait.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Mon propos était modéré et je n’ai jamais nié le fait que des maires, y compris de ma propre sensibilité politique, avaient fait installer des caméras de surveillance. J’attendais un échange constructif, au sein de cette commission des lois qui devrait s’intéresser à ce problème, mais vous avez préféré ne pas me répondre.

À force d’expliquer à nos concitoyens que la vidéosurveillance est le meilleur moyen d’assurer leur sécurité, vous avez réussi à les en convaincre. C’est malheureusement les leurrer que de leur faire croire que les caméras les protégeront davantage que des forces de police. Surtout, ces caméras ne sont d’aucune utilité s’il n’y a personne pour visionner les enregistrements !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL431 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). Pour avoir été adjoint au maire chargé de la sécurité et maire d’une ville dotée de nombreuses caméras de vidéosurveillance, je peux vous assurer n’avoir jamais subi la moindre pression d’un préfet ou d’un ministre pour installer ces dispositifs !

La vidéoprotection est un élément essentiel de la sécurité de nos concitoyens, mais le traitement humain des milliers d’heures d’images enregistrées a ses limites. L’intelligence artificielle peut constituer un outil efficace pour améliorer la détection des infractions et identifier les auteurs. Aussi proposons-nous que les crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation et consacrés à la vidéoprotection servent à cofinancer les projets portés par les collectivités locales, en particulier ceux qui visent à mettre en place des dispositifs d’intelligence artificielle sur des caméras.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les services de police utilisent déjà des logiciels de reconnaissance faciale dans le fichier du traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), au mépris des engagements pris par le ministre de l’intérieur – mais on sait bien ce que valent les promesses d’un ministre. Pourtant, on ne compte plus les avertissements lancés contre ces algorithmes qui stigmatisent toujours les mêmes types de population, celles que la société a déjà marginalisées. Le principe est simple : des gens marchent dans un couloir et un signal rouge se déclenche quand l’un fait demi-tour ou s’arrête. Voilà comment fonctionnent ces logiciels !

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL403 de M. Ugo Bernalicis, CL226 de M. Timothée Houssin, CL574 et CL583 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). L’amendement tend à restaurer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), supprimé en octobre 2019 par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, mais en en faisant une institution autonome, indépendante du ministère de l’intérieur, capable d’analyser objectivement une situation et de proposer des solutions. Nous souffrons en effet de la prédominance d’un débat irrationnel autour de la sécurité, des chiffres de la délinquance ou du sentiment d’insécurité.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit également de rétablir l’INHESJ et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, deux établissements qui mettaient à la disposition des décideurs publics des analyses et des données objectives. Ils ont été remplacés par l’institut des hautes études du ministère de l’intérieur, ce qui a signé la fin des études indépendantes. Il n’est pas normal que le ministère de l’intérieur soit à la fois le juge et l’analyste de sa propre action.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le ministère de l’intérieur est l’un des seuls à ne pas s’être doté d’un organe de réflexion, d’analyse et de prospective. L’amendement CL574 tend à créer une académie de la sécurité intérieure qui aura pour mission de penser l’avenir des forces de sécurité sur le long terme. Cette proposition émane du Livre blanc de la sécurité intérieure.

L’amendement CL583 vise à rétablir l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, dont la suppression en 2020 répondait à une logique purement comptable, car personne ne contestait l’utilité de ses travaux. L’indépendance de son conseil d’orientation vis-à-vis du ministère de l’intérieur permettait de délivrer des statistiques neutres et fiables, ne souffrant pas des polémiques qui entourent habituellement les chiffres de la délinquance.

Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure a repris une partie de ses missions, mais il ne peut présenter les mêmes garanties d’indépendance et n’a pas la même approche du travail. La force de l’Observatoire tenait, en effet, à l’intérêt qu’il portait aux crimes et aux délits commis, mais aussi à la réponse pénale qu’y apportait le ministère de la justice.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vos critiques sont injustes. L’institut des hautes études du ministère de l’intérieur, qui n’est pas un organisme renfermé sur lui-même, contrairement à ce que vous prétendez, fournit des données très précises.

Avis défavorable.

M. Ian Boucard (LR). De plus en plus de chiffres et de statistiques sont jetés sur la place publique et repris en boucle par les chaînes d’information ou les réseaux sociaux, comme Twitter. Chaque ministre de l’intérieur aura été tenté d’extrapoler ces données et de les interpréter à sa manière. C’est pourquoi il serait intéressant, comme le proposent nos collègues, qu’un institut indépendant analyse ces chiffres et les replace dans leur contexte. De surcroît, les collectivités locales pourraient s’appuyer sur ses études pour établir leurs plans locaux de prévention de la délinquance.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). L’INHESJ ne fournissait pas un travail aussi fabuleux qu’on a voulu le faire croire. Le ministère de l’intérieur exerçait son emprise pour imposer ses propres commandes et les chercheurs associés avaient peu de liberté pour développer leurs propres programmes de recherche. Les chercheurs du centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, qui est une unité de recherche du CNRS, dénoncent tous les difficultés qu’ils éprouvent pour obtenir du ministère de l’intérieur les données qui leur permettraient de mener des études et des enquêtes. Nous disposons de chercheurs qualifiés, mais nous ne sommes même pas capables d’employer leurs compétences. L’institut des hautes études de ministère de l’intérieur ne semble pas présenter plus d’intérêt que l’INHESJ, bien au contraire.

Quant au service statistique ministériel de la sécurité intérieure, il travaille correctement, mais les chiffres annoncés par le ministère de l’intérieur reprennent les données brutes issues de l’état 4001, extrapolées et interprétées de manière politicienne.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL558 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement tend à recadrer la nouvelle relation avec le monde de la recherche qu’entend instaurer ce rapport annexé. Le monde de la recherche ne saurait être au service du ministère en raison du principe fondamental de la liberté académique, reconnu par les lois de la République.

Par ailleurs, afin de renforcer les liens entre la police et la recherche, nous proposons qu’un certain nombre de cours délivrés par la future académie de police soient dispensés par des chercheurs en sciences humaines. Cela correspond à une demande des syndicats.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je vous invite à relire l’alinéa 205 du rapport annexé, qui traduit notre volonté de structurer une véritable fonction prospective en nous appuyant sur de nouveaux partenariats avec des experts, des partenaires privés et la société civile.

L’indépendance de la recherche est un principe fondamental des lois de la République. Le ministère ne saurait s’en affranchir pour orienter les travaux de recherche. À la rigueur, il peut demander que les chercheurs se penchent sur un thème particulier, mais ces derniers travailleront librement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL220 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). L’amendement tend à équiper les forces de l’ordre de véhicules spéciaux à haute protection. Le simple ajout de ces quelques lignes permettrait de sauver la vie de policiers et de gendarmes, de pères et de mères de famille, de sœurs et de frères, de filles et de fils, qui nous servent chaque jour au péril de leur vie. De nombreuses entreprises sont prêtes à se mettre au travail pour leur assurer une meilleure protection contre les tirs de cocktails Molotov, les tirs de mortiers ou d’armes à feu

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL218 de Mme Edwige Diaz.

M. Jordan Guitton (RN). L’amendement tend à compléter l’alinéa 20 pour que, lors des procédures d’appel d’offres, les véhicules de marque française soient autant que possible privilégiés. La commande publique doit nous servir à soutenir les industriels français, d’autant plus que nous y dépensons l’argent des Français.

M. Florent Boudié, rapporteur. Rassurez-vous, les entreprises françaises remportent des marchés. La Soframe, société française, a remporté l’an dernier un marché pour quatre-vingt-dix véhicules blindés de la gendarmerie et ce sont des 5008 qui équipent la police. Nous devons respecter le code des marchés publics. Votre amendement est satisfait.

M. le président Sacha Houlié. Hors saisies, toutes les voitures de la police et de la gendarmerie, sauf celles des brigades anticriminalité qui préfèrent des véhicules Skoda, sont des Renault Espace, des 5008 ou des Alpines.

M. Philippe Latombe (Dem). Depuis plusieurs mois, le ministère de l’intérieur est déterminé à préserver la souveraineté numérique, mais aussi d’approvisionnement de nos forces de l’ordre.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ce n’est pas parce qu’un véhicule est de marque française qu’il est fabriqué en France. D’autre part, il serait peut-être temps de faire attention au type de carburant utilisé. Depuis plusieurs années, je demande que l’on arrête d’acquérir des véhicules qui roulent au diesel. Le ministère de l’intérieur est le seul, avec le ministère des armées, à ne pas être soumis à la circulaire qui interdisait d’utiliser des véhicules diesel. Remarquez bien que je ne vous demande pas d’acquérir des véhicules électriques !

La commission rejette l’amendement.

Sixième réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 21 heures 15

Lien vidéo : https://assnat.fr/UxnxVo

Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés) (suite)

Amendement CL224 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Suite aux pénuries de carburant, certains policiers et gendarmes ont été contraints de pousser leur véhicule – les vidéos ont fait le tour du monde –, de faire le plein sur leur budget personnel ou d’utiliser les crédits destinés aux achats de papèterie, quand d’autres limitaient leurs interventions en fonction des urgences. Les forces de l’ordre avaient pourtant alerté sur la diminution de leurs stocks.

Cet amendement vise donc à ce que les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) disposent d’un stock de carburant suffisant pour faire face à une éventuelle nouvelle pénurie afin que nos forces de l’ordre puissent assurer un service public correct.

M. Florent Boudié, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les stocks existent dans la plupart des SGAMI, dans chaque zone de défense – par exemple, dans mon secteur, à Lille-Fives. Le stock stratégique du ministère des armées est également disponible pour les forces de sécurité intérieure. L’amendement est satisfait !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL325 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Il convient de préciser l’alinéa 213 du rapport annexé qui, comme beaucoup d’autres, est assez flou ou sujet à diverses interprétations.

Si l’habit ne fait pas le moine, une tenue a une incidence. Au premier regard, elle permet d’identifier le type de mission assignée au policier. Or les lois sécuritaires, peu à peu, ont uniformisé les tenues des unités : l’uniforme paramilitaire tend à se généraliser, ce qui confirme la volonté politique du Gouvernement de privilégier le maintien de l’ordre quand la population espère le maintien de la paix.

Pour filer la métaphore vestimentaire, cet amendement vise à retisser des liens entre la population et la police en mettant un terme à cette confusion des genres et en dotant les unités au contact de la population de tenues qui ne doivent en aucun cas être perçues comme des accessoires défensifs à son encontre.

 

M. Florent Boudié, rapporteur. L’alinéa 213 est assez éloigné de la vision plutôt sombre que vous en avez donnée puisqu’il fait état d’écoles de mode et de design travaillant à une nouvelle tenue, notamment un nouveau polo, ce qui n’est guère défensif. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cet amendement a été inspiré par certains syndicats de police, qui estiment qu’il serait bienvenu d’en revenir à des tenues moins lourdes qu’actuellement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL560 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il vise à supprimer les alinéas relatifs aux acquisitions de drones. En effet, à l’issue de la loi « sécurité globale », le Conseil constitutionnel a reconnu que leur utilisation devait être fortement encadrée et que ces appareils présentaient un certain nombre de risques quant au respect des libertés individuelles lorsqu’ils sont utilisés par les forces de l’ordre. Des usages intrusifs ont déjà été constatés.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le Conseil constitutionnel a en effet très fortement encadré leur usage. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL337 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Dans le cadre d’un « tout sécuritaire » délirant, nous observons un déploiement considérable de caméras dont les paramétrages et les lieux d’installation ne respectent pas toujours le droit.

En 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure une commune qui avait installé des caméras permettant d’espionner des domiciles. Il en a été de même pour usage abusif de caméras dans un établissement scolaire. Depuis des années, des inquiétudes de plus en plus grandes s’expriment face à des caméras de plus en plus intelligentes, équipées de micros, détectant des comportements non conformes, etc.

Mieux que la caméra intelligente, qui est fixe, le drone est un outil rêvé, offrant, selon le rapport annexé, « de nouvelles opportunités ». Lesquelles ? Le contrôle et la surveillance de la population, y compris dans des espaces encore préservés et privés.

En portant atteinte au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, les alinéas 217 et 218 sont liberticides. Nous demandons donc un moratoire de l’utilisation des drones par la police.

Par ailleurs, l’association La Quadrature du Net a saisi la Cnil au mois de septembre afin de relayer sa plainte contre le ministère de l’intérieur sur ce problème essentiel qu’est le traitement des images captées. La police peut disposer d’images issues d’environ 1 million de caméras alors qu’elles permettent de résoudre moins de 2 % des enquêtes !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CL338 de M. Antoine Léaument et CL589 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à interdire toute possibilité d’introduire la reconnaissance faciale sur les drones et aéronefs.

C’est loin d’être une fiction : des entreprises privées développent et commercialisent déjà des drones avec reconnaissance faciale. Certains pays, dont les États-Unis, envisagent d’y avoir recours quand la Chine – qui n’est pas notre modèle – en a fait la norme. Ces évolutions technologiques prennent le pas sur les réglementations et sur la personnalisation de l’intervention de la force publique.

Cet amendement vise donc à se prémunir contre toute expérimentation incontrôlée avant la définition d’un cadre légal respectueux des libertés fondamentales et correspondant à la réalisation des missions de services publics.

La délégation de cette surveillance automatique de masse à des officines privées constituerait une mise en danger des droits individuels. Or, rien ne garantit que ce pouvoir d’identification généralisé ne sera pas utilisé demain à des fins mercantiles.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Dans la même lignée, mon amendement vise à exclure explicitement le traitement des images issues des captations des drones par des logiciels de reconnaissance faciale, ces derniers faisant craindre des risques de surveillance de masse de la population.

Les données faciales sont des données biométriques sensibles et sont, par définition, uniques et inchangeables. Elles doivent faire l’objet d’une protection accrue, notamment vis-à-vis des personnes y ayant accès, ce qui ne semble pas le cas avec ce projet de loi.

M. Florent Boudié, rapporteur. Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la reconnaissance faciale est strictement interdite. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La jurisprudence du Conseil constitutionnel vise l’utilisation des données en temps réel mais elle ne dit rien sur le traitement a posteriori des images. Le ministère de l’intérieur utilise d’ailleurs déjà des techniques de reconnaissance faciale a posteriori – ce qui peut vouloir dire dix minutes après leur enregistrement. Nous réécrirons cet amendement pour qu’il soit juridiquement plus précis, dans le droit fil de la bataille politique que nous avons menée, puisque nous ne sommes pas pour rien dans l’état de la loi et la décision du Conseil constitutionnel. Une inscription dans le marbre permettrait de se prémunir de toute dérive.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL339 de Mme Élisa Martin.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à interdire toute possibilité d’équiper les drones et aéronefs avec des armes.

Comme tout bon trentenaire, j’ai grandi avec la science-fiction. À Nantes, le grand festival des Utopiales y est d’ailleurs consacré. Utopies, dystopies… à La France insoumise, nous y sommes sensibles ! La littérature a parfois des vertus anticipatrices mais j’espère que, dans la patrie des droits de l’homme, nous n’en viendrons pas à armer des drones. La pensée de la « technopolis » m’inquiète et un monde à la RoboCop ou à la Star Wars ne m’intéresse pas.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’armement des drones, hors les drones de combat, est évidemment interdit. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cet amendement pourrait être voté assez largement car personne ne souhaite que des drones soient armés. C’est un « repli » tellement replié qu’on en est presque aux origamis !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL432 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). L’alinéa 224 dispose qu’il « sera nécessaire de déterminer et présenter un tendanciel de dépenses d’investissement sur les projets immobiliers structurants du ministère de l’intérieur ». Cet amendement propose d’y joindre une évaluation complémentaire des dépenses de fonctionnement et des économies générées par ces investissements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL221 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Les forces de l’ordre doivent bénéficier de lieux de travail et de vie dignes pour mener à bien leurs missions. Il est urgent de lancer un grand plan de modernisation et de rénovation des casernes et des lieux d’hébergement de la gendarmerie, sans oublier les commissariats de police, en métropole ou en outre-mer.

La liste est longue des gendarmeries insalubres. À Satory, 400 logements sont devenus le symbole d’une situation désastreuse : insalubrité, humidité, absence d’ascenseur, fenêtres à vitrage simple, etc. Il en est de même des casernes de Neuville-sur-Saône, de Melun, de la rue de Babylone, à Paris, où se trouve la Garde républicaine, ou de l’Hôtel de Matignon.

Vous avez fait des familles de gendarmes des experts en bricolage : même les enfants connaissent les astuces pour réparer un robinet qui fuit ! La gendarmerie est obligée de recourir à des locations dans le civil, ce qui peut soulever des problèmes de sécurité. Les affaires immobilières de la gendarmerie devront mieux remédier à de telles situations. Je demande donc que les normes civiles soient appliquées aux logements militaires.

Je vous épargne la description des conditions de travail dans certains commissariats. Je me suis rendue à celui du Merlan, à Marseille, où l’odeur d’humidité, dans des locaux dégradés, est insupportable.

Tout cela est indigne. Pensez à nos forces de l’ordre !

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce grand plan de modernisation et de rénovation existe. Il s’élève à 300 millions par an.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL222 de Mme Gisèle Lelouis.

Amendements CL373 de Mme Elsa Faucillon, CL489 et CL425 de M. Davy Rimane.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). La procédure pénale doit continuer à préserver un équilibre entre objectifs de recherches, poursuite des infractions et garantie de la liberté et des droits des citoyens. Or, les alinéas 239, 241 à 243 et 244 à 259 la décrivent comme engendrant des tâches lourdes, détachées du cœur de métier de l’investigation.

Opposer le travail policier et le respect de la procédure est un jeu dangereux, qui n’améliore rien mais semble répondre aux revendications de certains syndicats de policiers qui ont scandé devant l’Assemblée nationale que le problème de la police, c’est la justice. Sur le fond, il n’est pas uniquement question de procédure mais de respect de valeurs et de grands principes.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous ne faisons pas de la simplification de la procédure pénale un axe central, bien au contraire. Nous supprimons en revanche des procédures extrêmement formelles comme les réquisitions de la police technique et scientifique, qui se comptent chaque année en centaines de milliers. La procédure pénale est essentielle mais des strates se sont accumulées et elles doivent être allégées. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL607 de Mme Clara Chassaniol.

Mme Clara Chassaniol (RE). Les assistants d’enquête qui seront recrutés parmi les agents de catégorie B, avec ou sans habilitation de l’autorité judiciaire, peuvent avoir eu des parcours variés au sein de l’institution. Pour répondre à l’objectif d’efficience posé par l’article 10 créant cette nouvelle fonction, il convient qu’ils disposent des connaissances et des compétences techniques précises nécessaires. Dans cette perspective, je vous propose de mentionner expressément dans le rapport annexé que la formation supplémentaire pour assurer les nouvelles missions qui leur sont confiées est obligatoire, afin qu’ils soient pleinement opérationnels dès leur entrée en fonction et que les officiers de police judiciaire ne soient pas contraints de les accompagner durant les premiers mois.

M. Florent Boudié, rapporteur. Demande de retrait, votre amendement étant satisfait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL25 de M. Romain Baubry.

Amendements CL742 de M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il concerne la faisabilité technique et juridique de l’interconnexion des fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, en particulier le traitement d’antécédents judiciaires, le fichier national automatisé des empreintes génétiques et le fichier automatisé des empreintes digitales.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Décidément, les opinions sur les fichiers sont très variables. Pour les récépissés de contrôles d’identité, il ne faut pas de fichier, mais dans d’autres domaines, il faut établir une interconnexion entre des fichiers qui n’avaient aucunement vocation à être mis en rapport ! La majorité n’a rien contre les fichiers, elle refuse tout simplement de créer des récépissés de contrôles d’identité.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL588 de Mme Sandra Regol et CL323 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous nous opposons à la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD). Les spécialistes juridiques de ces questions, le Conseil d’État dans son avis du 10 mars 2022, le Syndicat des avocats de France, tous s’accordent à dire qu’une telle généralisation est un recul et entraîne un contournement de la justice et des dérives qui ne font qu’accroître le sentiment d’une rupture entre la justice et la population.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Les AFD sont en outre inefficaces. Selon M. Macron, l’objectif est de frapper au porte-monnaie ; or sur 83 485 AFD envoyées en un an, seules 27 360 ont été payées, ce qui donne un taux de recouvrement de 34 %.

De surcroît, les AFD auront un effet pervers. L’adoption de l’amendement CL683 du rapporteur les rend applicables en cas de récidive. Les récidivistes devront donc beaucoup d’argent à l’État, au point parfois de devoir s’endetter, alors que ce sont souvent des personnes en situation précaire. Comment voulez-vous qu’ils paient ? Vous allez les pousser à la délinquance ! Il faut revenir sur ce système.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous n’en sommes plus à la généralisation. Au contraire, nous nous focalisons sur quelques infractions. Par ailleurs, le taux de recouvrement des amendes décidées par un juge est d’un peu moins de 40 %, tout à fait comparable, donc, à celui des AFD « stupéfiants », qui est de 37 %.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL433 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). L’alinéa 269 propose une coopération plus structurée entre le ministère de l’intérieur et les opérateurs de l’État pour la gestion des crises et leur anticipation. Compte tenu des pouvoirs particuliers dont disposent les municipalités en matière de gestion de crise, il convient d’y associer les maires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL370 de Mme Élisa Martin.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Nous proposons que les moyens alloués à l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers soient renforcés. Cet été, cinquante départements ont connu des feux importants. Le changement climatique entraîne une extension géographique des risques et le développement de nouveaux types d’incendie, comme les feux de terres agricoles, de friches et de récoltes.

Qu’ils soient volontaires ou professionnels, tous les sapeurs-pompiers ne sont pas préparés pour y faire face. Dans le Finistère, seuls 44 % des personnels du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) sont formés à la lutte contre les feux de forêt et de végétation. En Saône-et-Loire, aucun d’entre eux n’était formé il y a cinq ans ; aujourd’hui, 500 le sont sur 2 800.

Les événements climatiques extrêmes vont se multiplier : inondations, sécheresses, glissements de terrain. Nous nous devons de les anticiper en réfléchissant à la création d’un pôle de formation commun aux acteurs de la sécurité civile, lesquels doivent renforcer leur coopération afin d’être plus efficaces.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL404 de Mme Élisa Martin.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Nous abordons ici la question de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes.

Le Sénat a décidé d’engager une réflexion sur l’ouverture d’une seconde base sur le territoire. Nous ignorons si c’est la solution à retenir, mais le ministère de l’intérieur se doit de réfléchir au positionnement des moyens aériens de la sécurité civile.

Cet été, nous avons connu des départs de feu simultanés dans des départements très éloignés les uns des autres. La disponibilité des moyens aériens en a souffert, le délai d’intervention a parfois été allongé et le nombre de largages réduit. Plusieurs Sdis qui, habituellement, ne sont pas confrontés à des incendies d’ampleur ont eu le sentiment que les moyens aériens étaient concentrés dans la zone de défense sud, ce qui se comprend puisque le risque d’incendie y était jusqu’alors prépondérant.

Or, si les avions n’éteignent pas tous les feux, les moyens aériens sont décisifs dans le modèle français, avec notre doctrine d’attaque des feux naissants. Il faut donc réfléchir à leur pré-positionnement, par exemple sur le modèle en vigueur en Corse. L’estimation des risques doit être mieux adaptée aux spécificités locales.

M. Florent Boudié, rapporteur. L’amendement de la sénatrice Harribey, qui a été intégré à l’alinéa 236 du rapport annexé, répond à vos préoccupations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL405 de M. Antoine Léaument.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Nous demandons la création d’un établissement public territorial chargé de la recherche, de la prévention et de la formation à la lutte contre les feux de forêt et de végétation dans chaque zone de sécurité et de défense.

Vendredi dernier, j’étais à l’Élysée pour la réception donnée en l’honneur de nos sapeurs-pompiers. Le Président de la République a déclaré qu’il convenait de mieux prévenir les incendies et de trouver les bons modèles pour organiser les choses. Pour une fois, il a raison !

L’État contribue au financement de l’établissement public territorial Entente pour la forêt méditerranéenne, qui intervient en matière d’information et de prévention mais aussi de formation aux spécialités de la sécurité civile, de recherches au service des opérationnels et de développement des nouvelles technologies. Ce dispositif, qui permet de réunir tous les acteurs concernés, fonctionne très bien. Nous proposons de l’étendre aux autres zones de défense et de sécurité.

J’ajoute qu’un accord a été trouvé en commission des finances et que des fonds ont été débloqués pour que chaque zone de défense et de sécurité dispose de son établissement public. Il faut mettre autour de la table les sapeurs-pompiers, les agents de l’Office national des forêts (ONF), les propriétaires d’espaces forestiers, les agriculteurs, tous ceux qui ont un rôle à jouer en matière de prévention des feux de forêt et de végétation.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous avez raison mais il s’agit d’un établissement public forcément local, qui relève donc de l’initiative des collectivités territoriales. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit tout de même d’un amendement présidentiel ! Peut-être le ministre de l’intérieur n’a-t-il pas été informé des dernières déclarations du Président de la République mais il serait préférable pour lui qu’elles figurent dans la loi de programmation de son ministère !

J’entends l’argument technique qui vient d’être donné mais quand la volonté politique est que les collectivités territoriales installent des caméras, l’État s’y colle et va les démarcher par le biais du fonds interministériel de prévention de la délinquance.

Enfin, nous sommes en train de discuter du rapport annexé : rien de plus normal que de mentionner des intentions et des objectifs.

M. Ian Boucard (LR). Je ne suis pas certain que l’amendement ait sa place dans la présente Lopmi mais il traite d’un vrai sujet. Notre défense incendie est focalisée sur la zone géographique où, historiquement, les feux avaient lieu : le Sud, la Corse, l’Aquitaine. Mais, en raison du changement climatique, l’ensemble du pays est désormais concerné, dont l’Est. Notre commission devra y réfléchir dans les semaines à venir pour que nous soyons efficaces l’été prochain.

M. le président Sacha Houlié. J’avais prévu que nous auditionnions en septembre les ministres de l’intérieur et de la transition écologique à propos des feux de forêt. L’examen des feuilles de route ministérielles ne nous en a pas laissé le temps, mais je m’engage à y revenir dès que notre charge de travail nous le permettra.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL564 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La nouvelle politique de culture du risque voulue par le ministère n’inclut pas explicitement la gestion du risque nucléaire. Comme les frappes russes en Ukraine nous l’ont rappelé, il s’agit pourtant d’une réalité, qui concerne particulièrement la France étant donné le nombre de sites que compte le pays – même s’ils ne fonctionnent pas au mieux... Comment réagir face à ce risque, comment s’organiser ?

Nous proposons que le ministère intègre ce risque à la nouvelle politique et fasse en sorte que les stocks d’iode soient suffisants pour couvrir les besoins de la population le cas échéant.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le risque nucléaire et radiologique, que vous avez parfaitement raison de rappeler, est bien inclus dans la politique de culture du risque comme dans la stratégie des ministères de l’intérieur et de la santé. Les stocks stratégiques d’iode sont gérés par Santé publique France, tandis que les plans Orsec iode relèvent du ministère de l’intérieur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL265 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Le ministère de l’intérieur prévoit l’achat de quatre aéronefs, dont deux qui seront financés, mais à 90 % seulement, par l’Union européenne. Le commissaire européen chargé de la gestion des crises, M. Lenarčič, a expliqué que les avions seraient techniquement achetés par les États membres, mais financés à 100 % par l’Union européenne. L’amendement vise donc à porter le taux de financement européen à 100 %. On donne assez d’argent comme ça à l’Union européenne…Respectons la parole du commissaire européen !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL364 de M. Jordan Guitton.

Amendement CL371 de Mme Raquel Garrido.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Nous souhaitons inscrire dans le rapport annexé la nécessité de penser la polyvalence de la flotte aérienne de la sécurité civile et, pour cela, d’acheter cinq hélicoptères lourds bombardiers d’eau. Très efficaces contre les départs de feu, ils sont complémentaires des Dash et des Canadair, car de taille plus réduite et très adaptés aux interventions initiales et au traitement des points chauds résiduels une fois le feu fixé.

L’État en a d’ailleurs loué un entre le 1er juillet et le 15 septembre, un Super Puma, pour 7 millions d’euros, et en a réquisitionné cinq. Plusieurs Sdis en louent également de manière ponctuelle. Le Président de la République a annoncé vouloir en louer dix et en acheter deux d’ici à 2023 ; c’est insuffisant. Le besoin est manifeste, pourquoi ne pas y répondre ?

Vous me direz que les Canadair vont être renouvelés d’ici à 2027 mais, pour le moment, il n’y a pas d’usine pour les construire alors que les aéronefs que nous demandons seront disponibles immédiatement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le Président de la République a annoncé 250 millions d’investissements dans la sécurité civile aérienne, ce qui est considérable, en plus des efforts consentis depuis cinq ans et du renforcement, dès 2023, des moyens des Sdis. Ce que vous souhaitez est en train de se réaliser. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL590 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, le matériel de lutte contre les feux est très coûteux : le montant que vous évoquez correspond à l’acquisition de cinq à dix appareils au maximum.

Le présent amendement tend à créer, dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en œuvre la politique de l’État en matière de prévention des incendies, et dans chaque département un plan de protection de la forêt contre l’incendie. Il précise en outre que le Gouvernement doit s’engager enfin à relancer et à accroître significativement le fonds d’aide à l’investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d’espaces naturels.

Ces demandes de soutien à la sécurité civile sont particulièrement d’actualité. Les forêts sont en danger et l’État a les moyens d’agir.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous formulez une proposition d’organisation des services administratifs à l’échelle départementale. Il est possible que vous ayez raison, je n’en sais rien, mais comment espérer régler la question en dix minutes ou un quart d’heure à propos d’un rapport annexé ? Défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Mais dans le rapport annexé, il y a tout un chapitre sur la réorganisation de la police ! D’ailleurs c’est une Lopmi, pas une Lopsi qui ne concerne que la sécurité intérieure. L’organisation de la prévention des incendies pourrait donc tout à fait y figurer. Vous auriez pu répondre que vous alliez étudier la question en vue de la séance. Peut-être faudrait-il créer des équivalents départementaux des Draaf (directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) chargés spécifiquement de la forêt, peut-être est-ce l’ONF dont il convient d’étendre les compétences ? Mais en tout cas vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce sujet n’a rien à faire dans le rapport annexé – un document où on peut mettre à peu près tout !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL369 de M. Ugo Bernalicis.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Nous demandons la relance du fonds d’aide à l’investissement des Sdis. Cet été, notre système de lutte contre les feux de forêt a tenu grâce au dévouement de nos forces de sécurité civile, mais nous avons frôlé la rupture capacitaire. Depuis quelques années, les rapports se multiplient qui demandent une augmentation des moyens alloués à la sécurité civile et du soutien à l’investissement des Sdis. En 2010, une mission interministérielle relative au changement climatique et à l’extension des zones sensibles aux feux de forêt lançait déjà l’alerte.

Les Sdis sont par exemple trop peu dotés en camions-citernes feux de forêt (CCF) : on en compte 3 700, il en faudrait 10 000 d’ici à dix ans selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Or un CCF coûte 350 000 euros.

Le bleu budgétaire prévoyait de consacrer 1 million de crédits de paiement aux pactes capacitaires, mais le Gouvernement a déposé un amendement portant ce montant à 37,5 millions. En commission des finances, comme rapporteur spécial, j’ai proposé 15 millions supplémentaires ; le groupe Renaissance a voté contre cette proposition.

Au-delà des montants, il importe d’affirmer que l’État doit accompagner les Sdis dans cette transition, pour les aider à renforcer leurs moyens.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le fonds d’aide à l’investissement des Sdis, c’est d’abord les 30 millions sur cinq ans affectés aux pactes capacitaires, plus les 150 millions annoncés par le Président de la République pour 2023 – et là, monsieur Bernalicis, nous allons respecter entièrement la parole présidentielle !

Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL596 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La sécurité civile est vraiment le parent pauvre de ce texte, alors que le danger climatique commence à grever les finances de l’État et à avoir de graves conséquences sur nos forêts, sur notre santé, sur notre capacité à entreprendre – rien qu’en Bourgogne, le coût des feux approche les 4 milliards d’euros.

Nous proposons ce que les syndicats de pompiers demandent depuis longtemps : que le produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance soit redirigé vers les Sdis. La taxe existe déjà ; il s’agit simplement d’un fléchage nécessaire, sans coût ni complexité supplémentaire.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Vous aurez pour la séance, comme je l’ai promis à M. Bernalicis, toute la programmation budgétaire, par mission et par programme, en plus des engagements pris la semaine dernière par le Président de la République. Vous ne pourrez plus dire – vous ne le pouvez déjà pas – que la sécurité civile est le parent pauvre de la Lopmi.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les syndicats représentant les premiers concernés, qui constatent qu’ils ne sont pas traités comme les autres.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous ne pourrons peut-être plus dire cela quand nous aurons eu le détail de la programmation… On est à un tel niveau de teasing que cela devient insoutenable !

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL343 de Mme Elsa Faucillon, CL341 de Mme Elsa Faucillon et CL562 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Les alinéas 331 et 332 parlent de « subversion violente ». Je ne vais évidemment pas vous dire que je suis pour la subversion violente, mais le terme est trop flou. Les manifestations autorisées par la préfecture étant désormais aussi encadrées que celles qui sont interdites, je crains un glissement vers l’assimilation de toute manifestation à une subversion violente ! Les événements de ces derniers jours ne sont pas rassurants à cet égard. J’ai fait des manifestations quand j’étais toute petite et, en quarante ans, j’ai vu l’évolution, y compris lorsque les services d’ordre des syndicats sont très présents. D’où l’amendement CL343.

L’amendement CL341 tend à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Il n’a aucun sens s’agissant de masses statiques, et l’on a vu au moment des gilets jaunes que les LBD servaient non seulement à la défense, mais aussi à l’attaque.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Depuis le fiasco du Stade de France, on réalise à l’échelle internationale que la France en est restée au Moyen Âge en matière de maintien de l’ordre. On s’en rend bien compte quand on est élue dans une circonscription transfrontalière, et ce n’est pas très agréable : les Allemands, eux, savent gérer les flux de migrants – plus nombreux chez eux – et les manifestations, même avec des néonazis qui veulent tout casser. Peut-être retrouverions-nous nos lettres de noblesse en changeant la seule chose qui ne marche pas : la doctrine de maintien de l’ordre. C’est bien sûr un oubli du rapport annexé, auquel nous vous proposons de remédier.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises depuis hier. Défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le maintien de l’ordre est quelque chose de dynamique : le positionnement des forces de l’ordre implique une réaction des manifestants. Certes, les manifestants, y compris violents, peuvent conduire une action d’eux-mêmes, mais le comportement des forces de l’ordre va induire une escalade ou une désescalade. On voit bien l’histoire de ce phénomène dans le documentaire Un pays qui se tient sage, comme dans un reportage écrit par Sebastian Roché et diffusé sur Public Sénat.

M. Timothée Houssin (RN). La proposition d’interdire les LBD et les grenades de désencerclement pose tout de même question. Parfois, c’est vrai, dans les manifestations de gilets jaunes, il y a eu des problèmes liés à l’usage de LBD, qui sont censés être défensifs et non servir à l’attaque. Que l’on donne des consignes et des formations en ce sens, très bien. Mais cette arme reste pour les policiers le dernier recours avant l’arme létale : que proposez-vous dans le cas d’une manifestation où les policiers seraient acculés, en danger, et n’auraient ni LBD ni grenade de désencerclement ? Il ne leur resterait plus que leur arme de service !

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je vous l’apprends peut-être, mais il y a d’autres pays autour de la France. L’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, la quasi-totalité de l’Europe font sans ces armes, avec une sécurité mieux organisée. Il s’agit d’améliorer le travail des forces de l’ordre, non de votre communication personnelle.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL592 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le texte est pensé en fonction de l’approche des Jeux olympiques. Essayer d’anticiper, c’est bien, sauf si les Jeux servent de répétition pour entraîner des unités destinées à faire face à des affrontements violents.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je ne crois pas opportun de créer des unités de forces mobiles temporaires. Leur constitution demande beaucoup de moyens et de formation. En outre, nous assumons la nécessité d’encadrer les manifestations de manière réglementée. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL318 de M. Ugo Bernalicis.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Selon de nombreuses alertes d’organisations internationales et d’associations, et contrairement à ce qu’impose un arrêté de 2013, le RIO (référentiel des identités et de l’organisation) n’est pas visible sur les uniformes, ce qui peut permettre aux policiers de se dédouaner. Il faut que le ministère de l’intérieur envoie un message clair à ce sujet.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL410 de Mme Raquel Garrido.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Au nom de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique de nos concitoyens, nous demandons de nouveau l’interdiction des LBD, une arme très dangereuse – qui n’est pas le dernier recours avant l’arme létale, contrairement à ce qui a été dit. On ne peut accepter que des gens soient blessés au visage – comme un jeune manifestant ce week-end encore – par une arme conçue pour tirer dans les pieds. Comme l’a souligné Sandra Regol, il faut regarder ce qui se passe ailleurs, non pour renvoyer les gens chez eux, mais pour prendre les bonnes idées. Au vu du nombre et de la gravité des blessures infligées, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est interrogé sur la compatibilité des méthodes françaises avec le respect des droits des manifestants.

M. Florent Boudié, rapporteur. J’ai déjà répondu au sujet des armes employables, des règles de nécessité et de proportionnalité et de la doctrine de maintien de l’ordre, qui ne me semblent pas relever du rapport annexé à la Lopmi.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Nous pensons pour notre part que le sujet relève pleinement du présent débat, puisqu’il s’agit de l’esprit général de la programmation. Quelle police républicaine voulons-nous ? Comment lui donner les moyens de faire son travail ? Ce travail, selon nous, n’est pas le maintien de l’ordre, mais le maintien de la paix civile et de la tranquillité et la garantie du droit de manifester.

Je suis surprise que les collègues qui s’asseyent habituellement à l’extrême droite de l’hémicycle pour y proférer des propos problématiques aient si peu confiance dans les forces de l’ordre qu’ils ne les croient pas capables d’apprendre des techniques nouvelles en vigueur en Europe. Cette attitude antiflics est particulièrement choquante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL411 de Mme Élisa Martin

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La France insoumise, qui organise très souvent de très grandes et très belles manifestations, réunissant plusieurs centaines de milliers de personnes, peut se vanter d’un nombre très réduit de problèmes d’ordre et de sécurité lors de ces événements. C’est grâce à la communication en amont avec les forces de l’ordre, les maires et les préfets. Nous demandons que cette méthode soit systématisée pour éviter des violences inutiles.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Communiquer, apprendre des autres pays, c’est bien joli ; nous, ce qui nous choque, c’est que des policiers reçoivent des cocktails Molotov ou, quand une Vespa est arrêtée, soient tabassés et risquent d’être lynchés. Voilà pourquoi il faut leur donner des armes. La gauche n’en parle jamais, elle reste dans ses rêves.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Rien d’étonnant dans ce que le RN prend en considération. Mais vous vous trompez complètement : les policiers et les gendarmes ne circulent pas en Vespa !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL358 de Mme Raquel Garrido et CL555 de Mme Sandra Regol

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous sommes opposés à votre conception du contrôle et de la sécurisation des frontières. Vous mettez beaucoup d’énergie à bloquer les gens – notamment dans le cadre de Frontex, très décrié par les organisations internationales – mais la libre circulation des marchandises, ah ça, c’est pour vous un dogme sacro-saint ! Pour ce qui est du contrôle des marchandises, les pays européens rivalisent de légèreté et de rapidité. Je suis très inquiet de la circulation des armes dans notre pays et du peu de moyens que nous consacrons à la combattre. Tout ce qui vous intéresse, vous, ce sont les migrants, les exilés, les personnes qui fuient leur pays parce qu’ils sont dans la misère et en détresse ; une pente qui vous mène inéluctablement très à droite, voire à l’extrême droite.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous sommes ici pour faire de la politique au sens noble du terme. En l’espèce, nous proposons de supprimer les alinéas relatifs aux contrôles aux frontières. La politique migratoire et d’asile ne doit plus dépendre du ministère de l’intérieur, mais d’un ministère dédié. Cela laisserait plus de temps aux agents du ministère et rendrait notre politique d’accueil plus humaine et plus efficiente. Peut-être même aboutirait-on, comme dans d’autres pays, à un fonctionnement satisfaisant plutôt que de traiter les êtres humains comme des Kleenex, jetés dès qu’on s’en est servi pour nettoyer.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous voulez supprimer toute la partie concernant la sécurisation des frontières : toute la politique d’État, et la politique européenne puisque vous supprimez également Frontex. Soyons raisonnables ! Je n’ose imaginer ce que cela dit de vos propres propositions en la matière. Quant aux propos de M. Bernalicis, je les trouve excessifs.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL359 de Mme Élisa Martin, CL557 de Mme Sandra Regol et CL377 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Frontex ne fait pas dans la demi-mesure : l’Office européen de lutte antifraude a révélé cet été que son directeur, Fabrice Leggeri, n’avait pas hésité à soutenir des renvois brutaux et illégaux de demandeurs d’asile pour faire du chiffre. Cela a provoqué sa démission, mais Frontex n’en reste pas moins l’expression d’une Europe repliée sur elle-même, craignant un péril à ses portes.

Je le dis avec d’autant plus d’émotion que la question au Gouvernement que notre camarade Carlo Martens Bilongo n’a pas pu finir de poser à cause de l’injure raciste qui lui a été faite portait sur SOS Méditerranée. Nous avions déjà repéré que le budget de la mission Immigration, asile et intégration ne consacrait aucun crédit au sauvetage en mer de ces personnes qui n’ont d’autre choix que l’exil pour survivre. Dans les alinéas 343 à 366, c’est encore la chasse aux migrants qui est proposée – une chasse moderne, avec des moyens innovants, d’où les 15 milliards de budget prévus par le texte.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Je suis étonnée que l’on ne tire pas les conclusions de ce que l’on sait de Frontex. Il ne s’agit pas que d’une divergence de vues entre nous. Le Parlement européen a refusé de valider les comptes de Frontex et différents rapports attestent que l’agence a couvert en plusieurs occasions des violations des droits humains fondamentaux, et qu’elle a menti au Parlement ou l’a induit en erreur à onze reprises au moins. Pourtant, l’alinéa 346 dont nous parlons tend à aligner les prérogatives des garde-frontières de Frontex sur celles de la police aux frontières. Pensez-vous vraiment que ce soit raisonnable ? Pouvez-vous nous assurer que la nouvelle direction va tout changer ?

M. Florent Boudié, rapporteur. Mais vous, pensez-vous qu’on puisse se passer d’un outil de gestion intégré des frontières européennes ? C’est absolument impossible ! Frontex a certes fait l’objet de critiques, et son directeur a démissionné, mais nous avons besoin d’un outil européen de sécurisation de nos frontières. Si je comprends bien, vous proposez de remplacer Frontex par la PAF (police aux frontières). Cela renvoie à votre conception de l’Union européenne : vous voudriez que la France soit un isolat, gérant seule ses frontières dans un espace intégré. Cela n’est pas possible. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Le budget de Frontex est le premier de l’Union, et il ne cesse d’augmenter. L’agence a été mise en cause par le Parlement européen, bien qu’aucun parlement ne puisse exiger la transparence sur l’utilisation de ses fonds : elle ne rend de comptes à personne.

Les faits qui ont été rapportés ne sont pas de simples incidents, ils sont très graves, qu’il s’agisse de la gestion financière de l’agence ou des actes commis sous la surveillance de ses agents ou en collaboration avec eux.

Je sais que certains considèrent qu’il faut, par tous les moyens, renvoyer des personnes qui sont en train de mourir en Afrique ou ailleurs…

M. le président Sacha Houlié. Merci madame Obono…

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). …même s’ils sont nés en France, mais là… (Le président coupe le micro de l’oratrice.)

M. Jordan Guitton (RN). Une frontière est une porte : comme ceux qui possèdent une propriété privée, les Français ont le droit de décider, par la loi, qui entre et qui sort.

Frontex lutte avant tout contre les réseaux de passeurs, qui s’engraissent sur la misère humaine. On entend souvent parler d’humanisme mais, pour éviter les morts dans la Méditerranée, il y a une solution : la politique australienne du no way, avec laquelle il n’y a aucun mort !

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). J’espère que nous pourrons revenir en séance sur Frontex et la façon de gérer l’immigration à l’échelle européenne. Nous l’avons gérée sans l’agence dans le passé et des coordinations entre les polices aux frontières sont possibles. Mais au-delà des solutions, c’est votre réponse qui est scandaleuse : l’opérateur en place ment au Parlement, refuse la transparence sur ses comptes, viole les droits de l’homme, et votre seule réaction est de dire qu’il en faut bien un ? Vous rendez-vous compte ? Diriez-vous pareil de notre police ?

M. Benjamin Haddad (RE). Ces amendements dessinent une vision du monde profondément anti-européenne, anti-Schengen, anti-Frontex. Dès lors que l’on décide de supprimer les frontières intérieures de l’Union, il faut un instrument commun, solidaire, pour maîtriser nos frontières extérieures. La France et ses partenaires européens contribuent à Frontex car sinon, l’Italie ou la Grèce devraient faire face seuls aux flux migratoires – cela a été le cas lors de la crise migratoire de 2015 – avec pour conséquence d’ailleurs le renforcement de l’extrême droite.

Par ailleurs, le budget de Frontex n’est pas du tout le premier de l’Union européenne. Il est même très loin derrière ceux de la politique agricole commune, de l’environnement ou des fonds structurels. Soyons précis !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL559 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). J’entends vos critiques, mais les écologistes sont très pro-européens – tellement qu’ils ont choisi placer le mot « Europe » au début de leur nom. Et ils sont alliés au sein de la NUPES car, contrairement à vous, ils savent travailler avec d’autres. Essayez, ça fait du bien.

Mais aimer, ce n’est pas idolâtrer : c’est savoir critiquer, améliorer, accompagner. C’est être capable de dire ce qui ne va pas en Europe pour la faire évoluer : Dublin est une hérésie, et l’Europe sous-traite ses problèmes d’immigration à des pays dont elle est dépendante diplomatiquement. Si on ne le dit pas, on n’est pas pro-européen : on veut le statu quo, on veut rester dans des logiques nationales au détriment de la logique européenne.

C’est pourquoi les écologistes d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) ont déposé cet amendement.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous sommes défavorables à tout ce qui ferait disparaître la gestion intégrée des frontières. Vous faites une erreur colossale qui vous fait rejoindre la vision souverainiste de la gestion des frontières.

Vos propos sont contradictoires : vous êtes contre la Lopmi et le recrutement de policiers supplémentaires mais vous souhaitez que la PAF gère la sécurité aux frontières. Je ne comprends pas votre point de vue et encore moins votre ton.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Pour que ce soit clair, 5,6 milliards sont prévus pour le budget de Frontex entre 2021 et 2027 : c’est bel et bien l’enveloppe la plus importante de toutes les agences de l’Union européenne. Frontex est mise en cause non seulement pour son non-respect des liens humains mais aussi pour ses liens avec les entreprises de sécurité – car c’est un business, une manne pour ces dernières. Europe Écologie-Les Verts, La France insoumise et le parti communiste ne sont pas les seuls à la mettre en cause : dans d’autres pays européens, de nombreux députés, qui ont le sens des responsabilités, exigent qu’elle rende des comptes.

M. Ludovic Mendes (RE). Beaucoup d’erreurs doivent être corrigées. Le budget de Frontex est de 200 millions par an. Pour le reste, ce sont des fonds mis à disposition par les États : il ne faut pas confondre le budget et les coûts. Par ailleurs, avant 2015, 21 000 personnes mouraient dans la Méditerranée ; grâce à Frontex, 600 000 vies ont été sauvées. Et la France a été la première à tirer l’alarme, en particulier le président Emmanuel Macron. Sans être souverainistes, nous ne sommes pas des Européens béats pour autant.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Vous pouvez acter un désaccord franc et massif avec une opposition qui fait son travail, mais pas vous permettre de nous dire que nous ne comprenons rien et que nous sommes à côté de la plaque – c’est déjà notre lot quotidien d’entendre cela, en tant que femme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL475 de Mme Raquel Garrido.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il s’agit de la formation des policiers. S’agissant de la formation initiale, nombre d’écoles de police ont été fermées : il conviendrait de rouvrir des centres répartis dans tout le territoire, pour former ceux qui satisfont aux conditions requises. Par ailleurs, une formation continue est nécessaire, qu’il s’agisse du code pénal, matière complexe qui évolue rapidement – les parlementaires le savent – comme de la posture et des gestes techniques professionnels. Elle devrait être obligatoire avant toute promotion.

Ces dispositions sont une marque de respect à l’égard des policiers et traduisent une aspiration à un service public de sûreté de qualité.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous avons déjà beaucoup évoqué la question de la formation. Précisons juste que la dernière école de police a été fermée à l’été 2012, alors que vous faites toujours comme si cela venait d’être fait.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). C’est parce que je mets dans le même panier ceux dont les discours ne se traduisaient pas dans les faits et ceux qui ont pour seule idée de limiter la dépense publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL366 de M. Antoine Léaument.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Deux visions du service public de la sécurité s’affrontent. Nous pensons que les policiers doivent être mieux formés, notamment à la médiation, et que leur rôle, que leur ont imposé les politiques majoritaires des quinze dernières années et en particulier du dernier quinquennat, doit changer. Nous voulons une police plus ouverte sur les questions de société – en tant que personne LGBT, j’ai été confronté à la difficulté de porter plainte pour agression homophobe. Nous la voulons ouverte aux universitaires, aux associations, aux psychologues, aux criminologues. Nous voulons des gardiens de la paix, non des forces de l’ordre. Oui nous avons une autre vision du maintien de l’ordre, et oui toute main arrachée nous paraît inacceptable.

M. Florent Boudié, rapporteur. Revenons à l’amendement : le directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale nous a donné beaucoup de détails sur la formation de la police nationale et l’ouverture à l’extérieur est réelle. Des universitaires interviennent dans les écoles, ainsi que des associations, comme la Ligue des droits de l’homme ou la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme). Outre les aspects opérationnels, des modules de culture générale et de psychologie figurent dans les formations et la volonté d’approfondir cette stratégie est flagrante.

Je suis défavorable non seulement à votre proposition mais aussi à beaucoup des propos que vous avez tenus. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). D’accord, il y a un partenariat avec le Défenseur des droits : pour un cours dans l’année ! Pareil pour les universitaires ! Ce dont nous parlons, nous, c’est d’une formation d’au moins deux ans, dont plusieurs heures seraient consacrées à la déontologie, à la désescalade et la gestion des conflits, ou à la conception du droit – en particulier les différences entre le mode inquisitoire et accusatoire et les questions constitutionnelles. Il en va de même pour les violences sexuelles et sexistes : une seule journée est consacrée à l’accueil des victimes ! C’est mieux que rien, certes, mais on pourrait muscler tout cela. Le directeur de la formation lui-même milite pour davantage d’heures de formation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL622 de M. Erwan Balanant et sous-amendement CL764 de Mme Mathilde Desjonquères.

M. Erwan Balanant (Dem). Le projet de loi faisant de l’outrage sexiste un délit, il faut maintenant accompagner les forces de l’ordre et les magistrats, notamment pour réduire les risques d’erreur de qualification. L’amendement vise à renforcer la formation aux différentes infractions dans ce domaine. Le sous-amendement de Mathilde Desjonquères est principalement rédactionnel.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL572 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Comme nos amendements précédents, celui-ci rappelle la nécessité d’une formation initiale et continue obligatoire, cette fois pour améliorer la prise en charge par les forces de police et de gendarmerie des personnes victimes de violences sexuelles ou conjugales. Une fois n’est pas coutume, il va dans le même sens que l’amendement de M. Balanant qui vient d’être voté.

M. Florent Boudié, rapporteur. Le texte consacre un chapitre aux dispositions pour lutter contre les violences intrafamiliales et sexuelles. Y figurent notamment, outre la formation, le doublement des effectifs dédiés, le fichier de prévention des violences, la densification de l’accompagnement par les associations et la révision des modalités de peine.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je sais que des choses sont faites, mais les formations ne sont ni systématiques, ni obligatoires. C’est pourtant une demande des agents, et un besoin pour le pays. Ce qui est fait est insuffisant pour lutter contre le fléau des violences sexuelles et sexistes, et contre les difficultés que les agents rencontrent pour les traiter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL594 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit d’inclure dans la formation initiale des policiers, que nous souhaitons voir passer de huit à douze mois, des enseignements en sciences humaines et sociales, en communication ainsi qu’à la déontologie et au fonctionnement de la justice.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je vous propose de retravailler votre amendement pour la séance à partir de l’amendement CL190 de Roger Vicot, non soutenu, qui est plus large.

L’amendement est retiré.

Amendements CL567, CL569 et CL570 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Dans le cadre de leur formation, les agents de la police doivent théoriquement effectuer trois sessions de vingt à trente tirs par an, sur cible fixe. C’est largement insuffisant pour avoir une bonne réaction sur cible mouvante, comme c’est le cas lors d’un délit ou d’un refus d’obtempérer. Les syndicats de police revendiquent un volume horaire plus important, d’autant que, bien souvent, les trois sessions prévues ne sont pas réalisées intégralement.

Les écologistes n’ont pas vraiment la passion des armes à feu, mais celle de l’efficacité. Pour être efficaces, il faut que les forces de l’ordre tirent un peu moins et mieux à l’extérieur, et qu’elles aient de meilleures conditions d’entraînement à l’intérieur.

Mes deux premiers amendements vont dans ce sens, pour les policiers nationaux et pour les policiers municipaux. Le troisième ajoute un enseignement aux techniques d’intervention opérationnelles rapprochées (TIOR), afin que l’arme reste toujours un dernier recours.

M. Florent Boudié, rapporteur. Interrogé par Ugo Bernalicis, le directeur central de la formation a évoqué l’insuffisance de la formation au tir. Le rapport annexé y répond, et vos amendements me semblent satisfaits. Je précise simplement que la formation aux TIOR est une technique de combat utilisée par l’armée. Je ne suis pas certain que ce soit vraiment votre objectif.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). En 2017, au salon Milipol, la préfecture de police présentait un module de formation très simple. C’était une mise en situation au moyen d’un film projeté sur une grande feuille de papier : il ne fallait tirer qu’en situation de légitime défense. Avec la réalité virtuelle, notamment, on sait développer des modules de formation mettant dans des conditions réelles. Nous devons progresser sur ce point, les policiers ne sont jamais confrontés à une cible statique.

M. Thomas Rudigoz (RE). Le groupe Renaissance rejoint les propos du rapporteur : le directeur de la formation a répondu dans le sens de nos ambitions sur la formation des policiers dans ce domaine.

Il y a quelques années, conseiller municipal de la ville de Lyon, je voyais les membres d’Europe Écologie-Les Verts absolument opposés à la possibilité que les policiers municipaux soient équipés d’armes à feu. À présent, Mme Regol propose qu’ils aient davantage d’heures de formation au tir. Sachez madame que la plupart des polices municipales en ont davantage que la police nationale. Vos amendements sont nuls et non avenus.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL223 de Mme Gisèle Lelouis.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit de créer une école de formation des policiers municipaux, sous l’autorité du ministère de l’intérieur, pour uniformiser et harmoniser la formation et s’assurer qu’elle soit complète.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il existe une école de formation des policiers municipaux : le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). Défavorable

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL565 et CL595 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Monsieur Rudigoz, d’autres que vous connaissent les différences de fonctionnement entre la police nationale et la police municipale. Souffrez que les écologistes, un mouvement très jeune dans l’histoire politique, sachent évoluer, apprendre et transformer les choses. Remonter dans le temps n’apporte rien au débat : nous pouvons parler de nos différences aujourd’hui, sans asticoter les maires écologistes qui, par ailleurs, bataillent malgré un ministre de l’intérieur qui refuse de les aider à lutter contre l’insécurité dans leur ville.

Le premier amendement vise à mutualiser les moyens de formation, sans les réduire, ce que le texte ne prévoit pas de manière explicite ; le second prévoit que les formations continues sont principalement tournées vers des personnes extérieures en lien avec la profession, afin de prendre du recul. La diversité est riche et permet d’avancer.

M. Florent Boudié, rapporteur. Défavorable aux deux amendements.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). On peut être contre l’armement, voire l’existence de polices municipales parce qu’on défend l’idée d’une police nationale de proximité dans tout le territoire, et vouloir que ceux qui ont cette responsabilité énorme de devoir faire usage de leurs armes soient bien formés. Blesser ou tuer une personne dans l’exercice de son travail est un acte grave et traumatique pour les policiers. C’est justement parce que nous prenons cette question au sérieux que nous pensons qu’ils doivent être extrêmement bien formés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL390 de Mme Émeline K/Bidi.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement vise à accompagner les policiers et les gendarmes qui souhaitent être affectés près de leur famille. Il se rapproche d’une proposition de mon collègue Davy Rimane, en étant moins contraignant. Vous direz certainement qu’il est satisfait mais nos collègues d’outre-mer constatent que cet accompagnement est très limité dans les faits.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce que je dis, c’est que j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL593 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La formation des personnels d’encadrement est un levier essentiel pour améliorer l’état moral et psychologique des forces de l’ordre ainsi que leur cadre de travail. De nombreux modules aujourd’hui obsolètes doivent être réformés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL591 de Mme Sandra Regol, CL336 de Mme Élisa Martin et CL238 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Dans le droit-fil du précédent, cet amendement vise à lutter contre la souffrance au travail des forces de l’ordre et à améliorer leurs conditions de travail – avec les agriculteurs, cette profession est celle qui connaît le taux de suicide le plus élevé.

Il s’agit de leur donner accès à un psychologue rapidement après la formulation de leur demande. Le rapport annexé prévoit certes la création de vingt-neuf postes de psychologue, mais l’accès reste trop limité. Il doit aussi pouvoir s’agir d’un psychologue indépendant, afin de garantir la discrétion de cette démarche.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). C’est un ancien secrétaire de CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), instance qui a disparu grâce à votre politique, qui vous parle. Les risques psychosociaux ne se limitent pas aux suicides, lesquels peuvent malheureusement constituer l’étape ultime pour les personnes subissant des souffrances au travail. Nos gardiens de la paix, nos forces de l’ordre subissent ce genre de souffrances, d’origine externe ou interne. Vous ne parlez jamais des problèmes liés aux rapports managériaux, à la politique du chiffre, à la perte de sens. Les agents des BAC, par exemple, dénoncent la dénaturation de leurs fonctions. Tout cela entraîne des situations de mal-être, voire de burn-out, que vous refusez de reconnaître en tant que maladie professionnelle. Depuis dix ans, le taux d’absentéisme chez les gardiens de la paix a augmenté et certains abandonnent leurs fonctions, qui devraient pourtant être prestigieuses. Il faudrait notamment reconnaître le rôle social du policier, dont nous avons parlé tout à l’heure : ce serait une réponse à la question des conditions de travail.

M. Timothée Houssin (RN). Aucun des 423 alinéas du rapport annexé n’emploie le mot « suicide », alors que c’est une question prégnante dans la police. Rien qu’au premier semestre de cette année, pas moins de 34 policiers et 14 gendarmes se sont suicidés. En 2021, l’association SOS policiers en détresse avait reçu plus de 6 000 appels pour des cas de mal-être ou de dépression.

L’amendement CL238 vous demande d’agir pour prévenir le risque de suicide au sein des forces de l’ordre, notamment grâce à une détection aussi précoce que possible des situations difficiles et de souffrance et à une facilitation de l’accès aux dispositifs d’accompagnement psychologique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Nous en avons déjà parlé : je vous confirme mon avis favorable au dernier amendement.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il faut vraiment prendre en compte la question des risques psychosociaux, et la rédaction de l’amendement déposé par mon groupe me semble préférable.

La commission rejette successivement les amendements CL591 et CL336, puis adopte l’amendement CL238.

Amendement CL406 de Mme Élisa Martin.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous sommes assez étonnés qu’il n’y ait rien dans la feuille de route de la Lopmi au sujet du terrorisme, qui reste une question centrale pour le ministère de l’intérieur. D’habitude, même quand on ne lui demande rien, le ministre nous abreuve de considérations sur ce thème.

Nous souhaitons vous faire profiter d’éléments que nous avons déjà versés dans le débat public en 2017, puis en 2022, avec le livret thématique sur la sécurité de Jean-Luc Mélenchon. Nous souhaitons en particulier renforcer le renseignement humain, en rompant avec le tropisme pour le renseignement purement technologique – on veut des « boîtes noires », elles ne marchent pas alors on veut accéder aux URL, et si on ne trouve rien ou pas grand-chose, c’est sans doute qu’on n’a pas assez bien surveillé… Tout cela pose une question de souveraineté vis-à-vis de nos « alliés » – je mets des guillemets, car il faut éviter de faire preuve de naïveté –, notamment parce que nous continuons à recourir à un logiciel américain pour le traitement des données.

Nous pensons qu’il faut changer de doctrine en matière de lutte contre le terrorisme, pour remettre l’humain au cœur de cette politique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je viens de relire votre amendement : c’est effectivement tout un programme ! Or le rapport annexé n’a pas vocation à être le programme de Jean-Luc Mélenchon. J’ajoute qu’aucune doctrine de lutte contre le terrorisme n’a lieu de figurer intégralement dans le rapport annexé.

Cela n’a par exemple pas été le cas dans la loi Silt, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. En revanche, cette loi a augmenté dès 2017 les moyens du renseignement, les services ont vu leurs effectifs gonfler de 1 900 agents et leur budget a doublé. Voilà notre doctrine, bien différente de la vôtre. Nous avons également adopté la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

Nous sommes en désaccord profond avec votre vision. Même si certains éléments méritent de longs débats, je ne vais pas revenir sur tout ce que vous écrivez – nous pourrons probablement le faire en séance publique. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Cet amendement est une façon de souligner notre étonnement de ne rien trouver dans le rapport annexé à propos du terrorisme, alors que ce sujet a fait l’objet de beaucoup de débats, qu’un certain nombre de dispositifs ont été adoptés et que certains d’entre eux sont même entrés dans le droit commun, bien qu’ils posent problème au regard des libertés publiques. Même si c’est un sujet transversal, c’est le ministère de l’intérieur qui a la responsabilité privilégiée de la sûreté du pays. Je n’ai pas le temps de développer, mais nous souhaitons, pour notre part, privilégier l’éducation, la prévention et le renseignement humain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL415 de Mme Raquel Garrido.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous demandons la réalisation d’une étude sur la question des moyens humains des forces de l’ordre : il faut savoir comment ils sont utilisés, si leur emploi est pertinent, s’il est normal qu’il n’y ait que 6 000 agents à la direction centrale de la police judiciaire, dont seulement 4 200 policiers, s’il faut que les brigades anticriminalité comptent 7 500 agents, s’il est cohérent d’avoir 23 000 policiers municipaux, compte tenu de leurs prérogatives, si nos effectifs sont du même niveau que ceux de nos voisins européens, où nous nous situons par rapport à la moyenne mondiale… Nous avons besoin d’éléments d’analyse objectifs pour nous positionner réellement, au lieu de faire des coups de communication politique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous réclamez une étude qui justifierait une déflation budgétaire et des effectifs. C’est exactement l’inverse de la trajectoire de la Lopmi.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Pas du tout : il s’agit simplement de vérifier que les moyens humains sont bien placés où il faut, bien calibrés et bien utilisés, et s’ils ont une incidence sur le niveau de la délinquance – pas seulement celle de voie publique. On peut tout de même se poser des questions sur l’organisation de la police dans notre pays ! La solution n’est pas forcément le surarmement que vous souhaitez – d’ailleurs, il va être difficile de trouver tant de gens pour accepter de porter l’uniforme, dans les conditions actuelles. Nous avons besoin d’être éclairés sur certains sujets.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL716, CL709, CL713, CL710, CL711, CL712, CL708, CL537, CL538 et CL533 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti (LR). J’ai déjà largement présenté mon premier amendement lors de la discussion générale. Il résulte du constat que ce texte de programmation sur cinq ans ne comporte aucune stratégie pour la politique migratoire que le ministère de l’intérieur doit conduire. Or c’est naturellement un sujet majeur pour notre pays. On peut d’autant moins se contenter de cette vision parcellaire des questions de sécurité que nous faisons face à un flux migratoire de plus en plus important, qui conduit à une forme de chaos, selon l’expression utilisée par l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb. Il faut en prendre conscience. Je propose donc de définir une véritable stratégie migratoire de nature à répondre aux défis, et en particulier au lien entre immigration et délinquance, que l’actuel ministre de l’intérieur a établi avec une lucidité récente à laquelle je tiens à rendre hommage. Ce lien repose sur des chiffres incontestables et enfin révélés. En Île-de-France, près de 50 % des mis en cause, et même 70 % pour les faits de délinquance de voie publique, sont des personnes de nationalité étrangère.

Mes amendements visent tout d’abord à porter à 5 000 places les capacités des centres de rétention administrative, ou au moins 3 000. Si l’on veut une véritable politique d’éloignement, il faut que les personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) soient placées dans ces centres. Je souhaite également que l’on tende à terme vers un taux d’exécution des OQTF de 100 % ; que l’on ramène le délai moyen de traitement des dossiers par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à soixante jours, perspective souvent évoquée mais jamais concrétisée ; que l’on finance la création de centres de traitement des demandes d’asile à proximité des lieux de conflit, pour que l’asile ne devienne pas la porte d’entrée légale de l’immigration illégale et que les demandes pour obtenir le statut de réfugié, qui est noble et que nous devons préserver, soient déposées à l’extérieur des frontières nationales ; que l’on instaure au sein du ministère de l’intérieur des comités pour étudier, d’une part, la possibilité d’indexer la délivrance des visas sur l’octroi des laissez-passer consulaires, préalables à toute politique réussie d’éloignement, et d’autre part les besoins en matière d’immigration du travail et étudiante ; et enfin que l’on renforce les sections d’éloignement au sein des bureaux des étrangers des préfectures.

M. Florent Boudié, rapporteur. Paradoxe : votre argumentation rejoint celle du groupe LFI ! Ce dernier nous dit que le texte ne prévoit rien au sujet du terrorisme, et vous qu’il ne dit rien à propos de la crise migratoire.

Le rapport annexé porte sur la modernisation du ministère de l’intérieur. Il y est question de son organisation, des garanties concernant la transparence et l’exemplarité de l’action des forces de l’ordre, du pilotage du continuum de sécurité, de l’amélioration de la lutte contre les violences intrafamiliales, en se dotant non seulement de moyens supplémentaires mais aussi d’outils internes, notamment en matière de ressources humaines, ou encore du renforcement de notre réponse opérationnelle à la subversion violente. Par ailleurs, vous savez qu’un projet de loi sur les questions d’asile et d’immigration sera examiné dans quelques semaines. Ce sera le moment privilégié de débattre des objectifs – les vôtres comme les nôtres.

Deux de vos amendements sont relatifs à des éléments sur lesquels le Gouvernement s’est engagé. S’agissant des capacités des centres de rétention administrative, votre amendement CL538 correspond à la trajectoire souhaitée par le Gouvernement. Et la réduction à soixante jours du délai moyen de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA que propose l’amendement CL710 a sa pertinence dans le rapport annexé, puisque cela implique une réorganisation. Je donne un avis favorable à ces deux amendements.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Nous terminons par la cerise sur le gâteau… D’abord, le placement en centre de rétention administrative est la méthode la plus atroce pour enfermer des gens. Ensuite, monsieur Ciotti, je suis étonné de votre utilisation des propos du ministre de l’intérieur et du Président de la République sur le lien entre immigration et délinquance. L’idée selon laquelle l’essentiel des actes de délinquance dans les grandes métropoles sont commis par des étrangers vient du livre L’ordre nécessaire de l’ancien préfet de police Didier Lallement, publié à la mi-octobre. Selon lui, un délit sur deux est commis par des étrangers, « souvent en situation irrégulière », une nuance que vous n’avez pas reprise. Et il ne s’agit pas de personnes condamnées, mais seulement mises en cause. Bref il n’existe pas, en réalité, de statistiques sur le lien entre immigration et délinquance. Il faut sortir de ce délire.

La commission rejette successivement les amendements CL716, CL709 et CL713. Elle adopte l’amendement CL710, rejette successivement les amendements CL711, CL712, CL708 et CL537, adopte l’amendement CL538 et rejette l’amendement CL533.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL422 de M. Florent Boudié sur l’article 1er.

Elle adopte l’article 1er et le rapport annexé modifiés.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (n° 343) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9 heures (commission de la Défense)

Lien vidéo : https://assnat.fr/r2P5CP

M. le président Thomas Gassilloud. Je voudrais rendre hommage en votre nom au gendarme décédé hier, l’adjudant Jean-Christophe Bolloch, alors qu’il participait à une opération judiciaire visant à l’interpellation de trafiquants de drogue. Nous présentons nos condoléances à sa famille et assurons ses camarades de notre solidarité. Nous formulons également des vœux de prompt rétablissement à son collègue grièvement blessé, l’adjudant Stéphane Maignant.

Nous examinons ce matin pour avis le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la LOPMI, qui fixe les objectifs et programme les moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels du ministère pour la période 2023-2027.

Ce projet de loi, présenté en conseil des ministres le 7 septembre dernier, a d’abord été déposé au Sénat qui l’a adopté en première lecture, avec modifications, le 18 octobre dernier.

Il a ensuite été renvoyé au fond à la commission des lois qui l’examinera le 2 novembre prochain, avant un débat en séance publique le 15 novembre. Nous nous sommes saisis pour avis des articles 1er et 2 et avons désigné Xavier Batut en tant que rapporteur pour avis que je remercie pour son travail.

L’article 1er prévoit l’approbation du rapport annexé à la loi de programmation, dont se dégagent quatre thèmes susceptibles d’intéresser notre commission : la transformation numérique, la densification de la force gendarmerie, le capacitaire et la formation. L’impératif de densification du maillage territorial des forces implique une augmentation des effectifs, d’active et de réserve, afin de soutenir la création de 200 brigades, de onze unités de forces mobiles (sept pour la gendarmerie, quatre pour la police), ainsi que le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique. L’article 2 fixe la trajectoire budgétaire sur les cinq années de la loi.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Un gendarme vient de perdre la vie dans un accident lors d’une intervention judiciaire dans le département de l’Eure. Ce n’est pas un phénomène isolé puisque le 13 octobre, un autre gendarme avait également perdu la vie à Bayonne. De plus en plus de gendarmes sont physiquement agressés, sans parler des attaques verbales, des refus d’obtempérer etc. Je voudrais adresser mes plus sincères condoléances aux familles endeuillées et rendre un hommage appuyé, en notre nom, à tous les militaires de la gendarmerie, départementale et mobile, hommes et femmes, en métropole et en outre-mer.

Les forces de sécurité intérieure reviennent de loin. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2017, la gendarmerie était dans une situation critique, que ce soit en matière d’effectifs ou d’investissement.

Le quinquennat 2017-2022 marque une rupture profonde avec les deux quinquennats précédents. Le Gouvernement a fait de la remontée en puissance des forces de sécurité intérieure – comme de nos armées d’ailleurs – une priorité de sa politique. Celle-ci a commencé par une hausse des effectifs dans le cadre du plan « 10 000 ». Le schéma d’emplois de la gendarmerie a ainsi augmenté de plus de 2 000 emplois sur toute la durée du quinquennat.

La deuxième étape de cette remontée en puissance s’est concrétisée en 2020 avec le renouvellement du parc de véhicules. Grâce au plan de relance, les gendarmes ont bénéficié de 630 véhicules électriques mais aussi de 750 vélos électriques. Au titre du programme 152 Gendarmerie nationale, pour 2021, la dotation a augmenté de 4 000 véhicules – dont 582 motos, 243 véhicules de maintien de l’ordre de type Iveco et 40 véhicules de commandement et de transmissions – et pour 2022, de 3 600 véhicules. Le dernier quinquennat a permis un profond rajeunissement du parc automobile et motocycliste des gendarmes.

Le renouvellement a aussi concerné les forces aériennes de la gendarmerie. Aux termes de la loi de finances rectificative de juillet 2020, l’institution a bénéficié de 200 millions d’euros pour la commande de dix hélicoptères H160, un produit Airbus d’une valeur de 20 millions. La production a commencé à Marignane et les deux premiers appareils devraient être livrés d’ici à la fin de l’année. Très polyvalents, ces hélicoptères doteront les forces d’intervention d’une capacité de projection renforcée, notamment en matière de contre-terrorisme.

L’équipement des gendarmes n’est pas en reste. Au cœur de la stratégie GEND 20.24 se trouve la logique de l’« aller vers », qui consiste à rapprocher les gendarmes des administrés sur les 96 % du territoire situés en zone gendarmerie. Les téléphones NEO Gend et leurs nombreuses applications, de même que les ordinateurs Ubiquity, permettent aux gendarmes d’effectuer en déplacement toutes les missions habituellement accomplies dans les locaux des brigades. C’est une véritable révolution numérique et la gendarmerie est considérée comme le service de l’État le plus innovant.

Les gendarmes mobiles n’ont pas été oubliés puisqu’ils sont désormais dotés de caméras-piétons beaucoup plus performantes qu’auparavant. J’ai personnellement insisté sur la nécessité de disposer de caméras à la pointe de la technologie et adaptées à une utilisation par les forces mobiles.

Enfin, dans le domaine de l’immobilier, les gendarmes ont bénéficié du plan Poignées de porte qui a permis de réaliser 3 164 opérations immobilières d’entretien et de petits travaux. En 2020, le plan de relance a aussi doté les gendarmes de 47 millions d’euros supplémentaires pour la maintenance immobilière et de 137 millions d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments.

Le Gouvernement a mené pendant huit mois, entre février et septembre 2021, une réflexion dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Cette réflexion s’est traduite dans le projet de loi de finances pour 2022 par l’octroi de plus de 200 millions d’euros supplémentaires, notamment au profit des moyens mobiles et de l’immobilier domanial. Cette année, les gendarmes pourront acquérir 5 500 véhicules automobiles et renouveler leur parc de véhicules de maintien de l’ordre. S’agissant de la capacité blindée, à la fin du mois d’octobre 2021, un marché a été notifié à la société Soframe et une commande de 90 véhicules Centaure a été passée en juin 2022 : 10 véhicules seront commandés cette année, 44 en 2023 et 26 au début de l’année 2024. Il était grand temps car les véhicules blindés à roues datent des années 1970.

En résumé, la gendarmerie a connu sous le précédent quinquennat une hausse majeure de ses effectifs, un renouvellement historique de ses équipements et de ses véhicules ainsi qu’une reprise en main de son parc immobilier.

Loin de s’arrêter là, notre majorité, une fois réélue, a décidé d’amplifier la remontée en puissance en déposant un projet de loi de programmation que de nombreux parlementaires appellent de leurs vœux depuis plusieurs années. En tant que membres de la commission de la défense, nous connaissons les atouts d’une programmation pluriannuelle : si une loi de programmation doit être déclinée annuellement en loi de finances, elle fixe un cap au Gouvernement et donne de la visibilité aux forces. Comme les armées, les forces de sécurité intérieure ont besoin de connaître la stratégie du Gouvernement et les priorités fixées. La dernière LOPPSI datant de 2011, il était grand temps de définir un cadre pluriannuel dans le contexte sécuritaire que nous connaissons – hausse exponentielle de la cyberdélinquance, prise en charge accrue des violences intrafamiliales et imbrication des crises de toutes natures, pour ne citer que quelques éléments d’évolution. Je salue donc l’approche programmatique du Gouvernement.

J’en viens maintenant au fond du texte. Le projet de loi prévoit 15 milliards d’euros sur cinq ans pour tout le ministère : les forces de sécurité intérieure, la sécurité civile, la sécurité routière et l’administration déconcentrée. Mon propos sera ciblé sur les dispositions intéressant la gendarmerie nationale. Pour le reste, je vous renvoie à la commission des lois.

Il est prévu un effort supplémentaire sur cinq ans de 3,5 milliards d’euros au profit de la gendarmerie, sans compter les dépenses indirectes, dans le domaine du numérique par exemple. Je ne reviens pas dans le détail sur la déclinaison de cette programmation en loi de finances pour 2023 puisque nous venons à peine d’examiner la semaine dernière le programme 152 sur le rapport de Jean-Pierre Cubertafon. Je présenterai plutôt la stratégie d’ensemble, avant d’évoquer les principales modifications adoptées par le Sénat.

Quatre grands thèmes du rapport annexé intéressent la gendarmerie nationale : la transformation numérique, la densification de la force, qu’il s’agisse des effectifs ou du maillage, le capacitaire et la formation.

Le point saillant du projet de loi est bien sûr la densification de la force par la création de 200 brigades et de sept escadrons de gendarmerie mobile ainsi que par l’augmentation des effectifs de 3 540 équivalents temps plein (ETP) pendant la durée du quinquennat. Dès l’an prochain, le schéma d’emplois de la gendarmerie augmentera de 950 ETP. Les nouvelles brigades visent à redensifier le maillage de la gendarmerie, en particulier dans les zones rurales mais aussi à tenir compte de l’augmentation de la population en zone gendarmerie. Deux tiers des nouvelles brigades seront des brigades traditionnelles et un tiers, des brigades itinérantes, dans une logique d’« aller vers ». Tous les départements profiteront de ces nouvelles brigades. Si le ministère de l’intérieur a déjà identifié des projets, il a commencé au début du mois d’octobre une concertation avec les élus qui devrait s’achever au début du mois de janvier. Ayant auditionné l’officier général chargé de cette concertation, je peux préciser à ceux qui le souhaitent les modalités d’élaboration des projets de brigade.

Les hausses d’effectifs permettront non seulement d’armer les nouvelles brigades mais aussi de reconstituer sept escadrons de gendarmerie mobile, pour préparer en particulier les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Les nouvelles recrues permettront aussi de renforcer les formations, j’y reviendrai, et d’armer la nouvelle agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure. Enfin, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique bénéficiera, en administration centrale et déconcentrée, de quarante nouveaux agents. Le processus de transformation des postes de gendarmes adjoints volontaires en sous-officiers dans les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), commencé en début d’année, se poursuivra en 2023 et 2024 à raison de 1 000 postes par an. Ces hausses d’effectifs, couplées à la création de brigades itinérantes et à la transformation numérique, favoriseront le renforcement de la présence des gendarmes sur la voie publique.

Enfin, j’aborde un sujet qui nous est cher, en particulier à Christophe Blanchet, auteur d’un rapport qui fait autorité : la montée en puissance de la réserve opérationnelle. Le Président de la République a annoncé l’augmentation des effectifs de la réserve opérationnelle de niveau 1, de 30 000 actuellement à 50 000 d’ici à 2027 ; la hausse sera plus forte en début de mandat pour préparer les Jeux olympiques. La réserve opérationnelle est désormais une composante stratégique de la gendarmerie. Comme le souligne le général Didier Fortin, commandant des réserves que j’ai auditionné, « désormais, la gendarmerie marche sur deux jambes indissociables : ses gendarmes d’active et ses gendarmes de réserve. Ancrés dans les territoires au sein de la population, nos gendarmes de réserve sont devenus indispensables à la performance de l’institution. Citoyen militaire, le gendarme de réserve est, au quotidien, le gendarme des cent derniers mètres au contact de la population que la gendarmerie a pour mission de protéger ». La réserve devrait atteindre 36 000 membres l’an prochain et 40 000 en 2024, ce dont je me félicite bien évidemment.

Deuxième thème qui nous intéresse dans la LOPMI : la transformation numérique, qui peut être mise au service du renforcement de la présence des forces de sécurité sur le terrain. Le téléphone NEO 2 et l’ordinateur Ubiquity permettent déjà et permettront davantage demain aux gendarmes de travailler en déplacement, donc au plus proche des habitants, y compris dans les zones très reculées ; les administrés n’auront plus besoin de se rendre à la brigade.

L’innovation technologique est au cœur de l’institution. Le général Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a rappelé il y a trois semaines son souhait de recruter de plus en plus de scientifiques, polytechniciens et spécialistes cyber. Au sein du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), les compétences d’innovation sont également remarquables. Outre les nouvelles applications telles que NEO DK et l’utilisation de la reconnaissance vocale dans la saisie des procédures, les nouveaux dispositifs développés par l’institution – le portail magendarmerie.fr, la brigade numérique et le portail de plainte en ligne – permettront d’effectuer toutes les procédures hors les murs. Le recours aux algorithmes aidera à adapter la présence des gendarmes sur le terrain. Efficacité et proximité : tels sont les mots d’ordre de cette stratégie dans laquelle le numérique rapproche plutôt qu’il n’éloigne. Je ne reviens pas sur l’augmentation exponentielle de la cyberdélinquance car Jean-Pierre Cubertafon l’a largement évoquée dans son rapport pour avis la semaine dernière. J’insiste en revanche sur la création du réseau radio du futur, réseau très haut débit souverain des forces de sécurité et de secours.

J’en viens à présent aux mesures d’ordre capacitaire de la LOPMI. Les gendarmes ne seront pas seulement plus nombreux, ils seront aussi mieux équipés – avec des véhicules et des tenues modernisés, grâce aux textiles connectés, par exemple. La LOPMI prévoit aussi de renforcer l’équipement des forces en drones – très utiles par exemple en cas d’incendie de forêt comme l’été dernier. Le renouvellement des équipements concernera aussi les caméras-piétons, les véhicules nautiques et les moyens aériens. La gendarmerie envisage en effet l’acquisition pour 2027 d’hélicoptères H145 dans le cadre d’un contrat de commande commun avec la sécurité civile.

Enfin, le quatrième axe concerne le renforcement des formations La formation initiale en école des élèves gendarmes sera allongée, notamment pour recevoir une formation théorique en police judiciaire. La formation continue sera également consolidée grâce à la création de treize centres régionaux. Sont aussi prévus l’établissement de deux nouvelles compagnies à l’école de Fontainebleau, la densification des compagnies de Dijon, Rochefort, Tulle et Châteaulin, la création de quinze compagnies d’instruction et le recrutement de 266 formateurs.

Pour terminer, je voudrais évoquer le protocole social conclu le 9 mars dernier pour un montant de 197 millions d’euros. Il prévoit en particulier une revalorisation des grilles indiciaires des grades de gendarme à adjudant au 1er juillet 2023 puis des grades d’adjudant-chef à major au 1er janvier 2024. Il comporte aussi plusieurs mesures indemnitaires comme l’indemnité spéciale de sujétions pour les corps militaires de soutien de la gendarmerie et l’indemnité d’absence missionnelle pour les gendarmes départementaux qui sont envoyés en renfort sur des missions en zone maritime ou de montagne. S’y ajoutent enfin des mesures d’accompagnement des familles.

J’en viens à présent aux principales modifications adoptées par le Sénat.

Les sénateurs ont tout d’abord précisé que « la répartition territoriale entre police et gendarmerie serait adaptée selon des critères qualitatifs afin de mieux correspondre à la réalité des territoires ». Cela correspond à une recommandation que j’ai formulée dans mes rapports pour avis sur le programme Gendarmerie, j’y suis donc favorable.

Le Sénat a aussi précisé que le choix des territoires d’implantation des nouvelles brigades serait effectué selon des critères objectifs liés à la population, aux flux, aux risques locaux etc. Il me semble que c’est déjà le cas dans la concertation en cours. Je n’ai donc pas d’objection à cet ajout.

Je suis également favorable à la mention d’une cible d’emploi de 25 jours par an pour les réservistes. J’ai recommandé dans mon avis budgétaire de l’an dernier une augmentation du nombre de jours d’emploi des réservistes. Ce nombre est actuellement de vingt et un contre une trentaine dans les armées, ce qui nuit à l’attractivité du dispositif. Pourtant, la réserve opérationnelle de la gendarmerie est un modèle exceptionnel : les réservistes sont pleinement intégrés à la force et pendant leurs jours d’emploi, ils sont des gendarmes indistincts en tout point de leurs camarades d’active.

Le Sénat a enfin indiqué qu’un montant annuel de 300 millions d’euros devrait être consacré à l’immobilier de la gendarmerie – 200 millions pour la reconstruction et la réhabilitation de casernes et 100 millions pour les travaux de maintenance. Là encore, cela correspond à une proposition que j’ai formulée dans mes avis budgétaires de 2020 et de 2021. L’immobilier de la gendarmerie a longtemps été le parent pauvre de la politique du ministère de l’intérieur. Le plan de relance et le Beauvau de la sécurité ont permis des améliorations importantes. Ces hausses de crédits doivent s’inscrire dans la durée pour permettre aux familles de gendarmes d’être logées dignement partout sur le territoire.

Vous l’aurez compris, j’émets un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

M. le président Thomas Gassilloud. La saisine pour avis de notre commission est motivée, outre l’intérêt pour la cybersécurité, par deux considérations principales : d’une part, le projet de loi concerne les gendarmes qui sont des militaires ; d’autre part, les forces de sécurité intérieure concourent à la défense globale de notre pays.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Nous nous associons à l’hommage que vous avez rendu aux gendarmes morts en service. Dans ces moments difficiles, nous devons soutenir ceux qui œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens.

La LOPMI porte une nouvelle ambition pour la sécurité intérieure puisqu’elle prévoit d’y consacrer pas moins de 15 milliards d’euros entre 2023 et 2027. La modernisation et la proximité en sont deux axes forts. La police et la gendarmerie doivent se rapprocher du citoyen et s’attaquer à la délinquance de masse, y compris la cyberdélinquance.

La transformation numérique des forces de sécurité passe par la modernisation des moyens technologiques mis à disposition des agents et des citoyens. Je pense notamment au développement des caméras-piétons et des procédures dématérialisées.

Le ministère de l’intérieur est le chef de file de la lutte contre la cybercriminalité, hissée au rang de priorité. Le Centre national de formation cyber et le « 17 cyber », numéro d’urgence contre les cyberattaques, sont deux nouveaux outils. Après la crise sanitaire, la principale menace identifiée est une crise cyber.

Pour satisfaire l’exigence de proximité et d’efficacité, il est prévu de doubler les effectifs et de créer, en lien avec les élus, 200 brigades de gendarmerie supplémentaires sur l’ensemble du territoire, à rebours de la logique des quinze dernières années qui a abouti à la fermeture de 500 brigades.

Le texte procède également à une simplification des procédures pénales attendue par les services et par les administrés.

Le groupe Renaissance est favorable à l’adoption du projet de loi.

M. Michaël Taverne (RN). J’ai une pensée, au nom du groupe Rassemblement national, pour le gendarme décédé hier. Cela nous rappelle que les gendarmes assurent la sécurité des Français au péril de leur vie.

Nous saluons la qualité du rapport annexé malgré un manque de précisions sur certains aspects importants. S’agissant des 200 nouvelles brigades de gendarmerie, aucune indication n’est donnée sur la répartition entre brigades fixes et mobiles ni sur la forme qu’elles prendront. Des précisions sur les modalités et le calendrier auraient été bienvenues. Pourquoi l’objectif de 8 500 nouveaux postes de policiers et gendarmes, annoncé par la Première ministre, n’y est-il pas inscrit ? En outre, ce chiffre comprend-il les 1 500 cyberpatrouilleurs promis par le Président de la République ?

Plusieurs annonces du Gouvernement et dispositions du texte vont dans le bon sens. Il en est ainsi de l’effort en faveur des outre-mer. Nous saluons là une prise de conscience tant attendue.

Toutefois, de trop nombreuses zones d’ombre subsistent. L’une des interrogations porte sur la réalité des 15 milliards d’euros prévus sur cinq ans, en particulier sous l’effet de l’inflation.

Nous saluons l’effort de 8 milliards d’euros en faveur du numérique et de la cybercriminalité tant notre pays est en retard. Mais, là encore, des questions se posent, notamment sur d’éventuelles coopérations entre le futur service dédié à la cybercriminalité et le commandement de la cyberdéfense. Nous émettons également des réserves sur la promesse selon laquelle la dématérialisation accrue permettra de décharger les forces de l’ordre de tâches indues. Celle-ci ne dispense pas de créer des postes d’agents administratifs.

Les 7 milliards restants semblent insuffisants pour atteindre les objectifs fixés.

Les efforts annoncés sont préférables à l’immobilisme face à la hausse de la délinquance et de la criminalité dans notre pays mais ils seront insuffisants pour répondre aux préoccupations légitimes de nos concitoyens et leurs contours restent flous.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Après avoir rappelé notre attachement à la militarité, je tiens à rendre hommage aux soldats du quotidien que sont les gendarmes et à faire part de notre émotion après le décès de l’un d’entre eux hier.

Nous sommes saisis de deux articles, le premier concerne le rapport annexé qui présente les grandes orientations de la LOPMI, le deuxième, la trajectoire budgétaire. Pas de suspense : nous ne pourrons pas les voter. Ils sont flous et bâclés. S’agissant du second, les chiffres sont déjà périmés à cause de l’inflation ; quant au premier, un catalogue ne peut pas tenir lieu de doctrine.

Tout va de mal en pis mais nous devons faire plus et toujours la même chose : tel est le paradoxe du discours sécuritaire du Gouvernement.

Dans le rapport annexé, le Gouvernement accumule poncifs, fausses évidences et pétitions de principe pour toute doctrine. Aucun bilan n’est dressé des évolutions législatives des dix dernières années ni de la réduction des moyens. Nous sommes priés de croire que ceux qui ont baissé les effectifs pendant des années et décident désormais de les augmenter savent ce qu’ils font et ce qu’il faut.

Aucun bilan ne présente les spécificités de la gendarmerie ni ses besoins.

Comment ignorer que les tâches indues qui sont souvent dénigrées sont précisément celles qui ont permis à la société de tenir pendant le confinement ? La gendarmerie nationale n’a-t-elle pas reçu une Marianne d’or pour cela ?

Ni les points forts ni les axes d’efforts ne sont détaillés. Vous faites fi du contexte social qui est le terreau de nombreuses infractions. Rien n’est dit de l’affaiblissement de l’accompagnement des personnes en détresse psychique. Pourtant, on constate une hausse du nombre des forcenés qui visent des gendarmes.

Le rapport fait la part belle à l’affichage et à l’incantation. La fascination pour la technologie conduit à une fuite en avant et à de grossières contradictions. Comment peut-on parler d’un service de proximité quand dans le même temps, on prévoit la dématérialisation des procédures sans donner de garanties que le service pourra encore être rendu par des humains en chair et en os ? Si les tâches administratives accaparent les agents, peut-être faut-il simplement d’abord embaucher du personnel dédié ? Une plainte déposée en ligne ne sera pas instruite plus vite et son classement sera bel et bien décidé si des effectifs compétents et formés n’y travaillent pas.

Se donner pour but la simplification de la procédure judiciaire, c’est oublier que celle-ci protège les libertés et que la simplification n’est pas une fin en soi. La numérisation soulagera peut-être les agents de certaines tâches mais encore faudra-t-il s’assurer de la fiabilité des systèmes, de leur accessibilité, de la formation du personnel, etc., et pour cela, il faudra aussi des agents. Bref, le serpent se mord la queue.

Sur le numérique, le verbiage éclipse même les réussites et les sources d’inspiration. La gendarmerie a pourtant un bilan très intéressant puisqu’elle a développé tous ses services sous logiciel libre. Pourquoi ne pas préciser la part qu’elle prendra dans l’Agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure que le ministère veut créer ?

Il y aurait beaucoup à dire aussi en ce qui concerne l’accompagnement social des gendarmes, leur formation, la spécificité des outre-mer, ou encore les liens avec les élus locaux – on se demande, par exemple, quelle sera la marge de manœuvre réelle de ces derniers pour accepter la fermeture ou l’ouverture d’un site dans leur commune. Tout cela est seulement esquissé dans le texte.

Dans une liste de courses, il manque toujours quelque chose. C’est le cas du renouvellement des hélicoptères Écureuil, dont on m’a parlé il y a quelques jours.

Bref, ce texte est un fouillis qui ne mérite pas qu’on l’approuve.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). La gendarmerie, c’est la République dans les territoires ; nous le mesurons tous les jours. Mon groupe a une pensée très émue pour le gendarme qui vient de faire le sacrifice de sa vie pour la sécurité de nos concitoyens.

Tout ce qui peut contribuer à renforcer les moyens de la gendarmerie est positif. Par conséquent, c’est avec une grande bienveillance que nous examinons le projet de loi.

La gendarmerie constitue le premier volet de la défense opérationnelle du territoire. On sait désormais qu’il y a une continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Du fait du caractère hybride des menaces, la gendarmerie a un rôle spécifique à jouer. Le texte aurait dû aller beaucoup plus loin à cet égard.

Je regrette également que le projet de loi ne comprenne pas, comme c’était prévu initialement, de volet consacré à l’immigration, qui a évidemment un lien avec la sécurité intérieure.

Enfin, la sécurité dépend certes du rôle de la police et de la gendarmerie, mais aussi de celui de la justice, à travers le traitement pénal réservé aux infractions. Or c’est là que le bât blesse. La LOPMI est donc une brique indispensable, mais elle ne permettra pas à elle seule de rétablir l’ordre dans les territoires et la sécurité pour les Français.

Cela posé, comment refuser un texte qui va dans le bon sens ? Il faudra veiller à ce que Bercy ne détricote pas cette loi pluriannuelle. Nous serons vigilants mais notre groupe émettra un avis favorable sur les articles soumis à la commission.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Mon groupe tient à assurer l’ensemble des gendarmes de son plein soutien dans l’exercice de leurs fonctions. Nous rendons à notre tour hommage au gendarme décédé lors de l’interpellation de trafiquants de drogue dans l’Eure.

Nous remercions et félicitons M. le rapporteur pour avis et son équipe pour le travail qu’ils ont accompli dans un laps de temps très court.

Ce texte est attendu et légitime, tant pour le ministère lui-même que pour les forces de sécurité. Son objectif est d’assurer la sécurité et le bien vivre ensemble de nos concitoyens. C’est la première fois que l’on propose une loi de programmation pour l’ensemble du ministère et sur une période de cinq ans. Le groupe Démocrate s’en réjouit. Le texte permettra de mettre en œuvre une politique d’action immédiate ainsi que d’anticipation, ce qui est essentiel pour être en mesure de faire face aux crises d’aujourd’hui et de demain – crise terroriste, crise d’ordre public, crise cyber, violences et atteintes aux personnes ou encore crise climatique.

La commission s’est saisie pour avis des deux premiers articles du texte. Nous saluons cette initiative. Notre groupe a déposé plusieurs amendements qui visent non pas à dénaturer le projet de loi mais à le compléter de manière utile et constructive. Nous comptons sur votre soutien pour les faire adopter. Il ne s’agit pas de renverser la table car la copie qui nous est présentée va dans le bon sens. À cet égard, les ajouts du Sénat ont été eux aussi source d’enrichissements afin de garantir à la police et à la gendarmerie nationales les moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions et assurer la sécurité de nos concitoyens.

Le texte, qui prévoit 15 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, en complément des 10 milliards consacrés à cette politique au cours du précédent quinquennat, compte de nombreuses mesures attendues et légitimes tout au long des seize articles initiaux et de ceux ajoutés par le Sénat. C’est le cas, notamment, du recrutement de 8 500 policiers et gendarmes sur cinq ans ; de la création de 200 brigades et 7 escadrons de gendarmerie mobile ; du doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique ou encore de l’objectif consistant à augmenter les effectifs de la réserve opérationnelle, qui devraient passer de 30 000 à 50 000 membres d’ici à 2027.

Le rapport annexé, que nous vous proposons de modifier, porte quant à lui une attention particulière à la transformation numérique des forces de sécurité, pour qu’elles soient en mesure de lutter contre toutes les nouvelles formes de délinquance, réelles et cyber.

Bien que les deux premiers articles soient avant tout programmatiques, leur importance est indéniable car ils fixent un cadre, inscrivent nos forces de sécurité dans une vision à long terme et prévoient les crédits budgétaires afférents pour les cinq années à venir. Aussi le débat au sein de notre commission est-il important. Nous y prendrons toute notre part, dans le respect de l’esprit initial du texte.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Nous nous associons évidemment à la peine des proches de l’adjudant Jean-Christophe Bolloch et de la grande famille de la gendarmerie nationale, quelques heures après le décès dans un accident de ce gendarme âgé de 47 ans.

Nous nous réjouissons de l’arrivée devant l’Assemblée nationale de ce projet de loi, car les rapports parlementaires rédigés au cours des dernières années ont souligné unanimement le manque de moyens des forces de l’ordre.

Les précédentes lois d’orientation et de programmation de 1995, 2002 et 2011 avaient en leur temps planifié les moyens nécessaires sur plusieurs années. Force est pourtant de constater, les crises et les événements de la décennie passée l’ont montré, qu’une véritable politique en matière de moyens humains, juridiques et budgétaires devait être engagée.

Lors du précédent quinquennat, les gouvernements successifs ont mené plusieurs chantiers, notamment la rédaction du Livre blanc de la sécurité intérieure et le Beauvau de la sécurité, qui ont débouché sur l’élaboration de ce texte.

Le présent projet de loi fixe la trajectoire budgétaire du ministère de l’intérieur pour les années 2023 à 2027, avec deux mesures fortes : une augmentation des crédits de 15 milliards d’euros sur cinq ans et la création de 8 500 postes. Quatre objectifs principaux sont fixés : s’adapter aux nouveaux enjeux numériques, doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l’horizon de 2030, garantir la transparence et l’exemplarité de leur action et mieux prévenir les menaces et crises futures.

Face à l’augmentation de 10 % à 20 % par an de la cybercriminalité, le groupe Horizons se réjouit de la création d’une école de formation cyber interne au ministère de l’intérieur, de la création d’une nouvelle agence du numérique des forces de sécurité intérieure, du déploiement de 1 500 cyberpatrouilleurs, ou encore de l’équipement des policiers et gendarmes en outils numériques – je pense particulièrement au réseau radio du futur.

Le fait que l’accent soit mis sur les territoires et sur la concertation avec les collectivités doit également être salué. Le projet de loi prévoit ainsi la création de 200 brigades de gendarmerie. Le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie sur la voie publique, affectés prioritairement dans les zones rurales, est prévu dès 2023. De même, il convient de relever la mesure forte consistant à ne plus fermer de commissariat ou de brigade sans concertation avec le maire ou les communautés de communes concernées.

Enfin, le renforcement de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, qui passe de 30 000 à 50 000 réservistes en cinq ans, et celle de la police, qui passera de 6 000 à 30 000 membres, conformément aux annonces du Président de la République, est également très apprécié, surtout au sein de cette commission.

Pour toutes ces raisons – parmi d’autres –, le groupe Horizons émet un avis favorable sur les articles 1er et 2 du projet de loi.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il était temps que l’État envoie un signal de soutien aux forces de l’ordre. Celui-ci était attendu non seulement par les policiers, les gendarmes et l’ensemble des acteurs de la sécurité mais surtout par nos concitoyens.

Le rôle de l’opposition est de critiquer les propositions du Gouvernement mais il est aussi de savoir souligner les points positifs quand il y en a. C’est le cas de ce texte qui prévoit une hausse cumulée de 15 milliards d’euros sur cinq ans de l’enveloppe du ministère de l’intérieur.

Il importe également de saluer le travail des sénateurs qui a permis de combler certaines failles du texte initial.

L’augmentation importante du nombre de policiers et de gendarmes sur les territoires est le point fort du texte. Les 200 nouvelles brigades sont extrêmement attendues même s’il reste à savoir où et comment elles seront déployées. Nous nous interrogeons également sur les marges de manœuvre dont disposeront les élus locaux : pourront-ils vraiment être force de proposition, en liaison avec les préfets et les commandants de groupement ?

Certains aspects du texte peuvent être améliorés. Je pense surtout à la réforme de la police judiciaire, évoquée dans le rapport annexé – le Sénat a tenu à y faire inscrire la nécessité de tenir compte des spécificités de la PJ. M. le ministre de l’intérieur, pour justifier la réforme, a établi un parallèle entre la police et la gendarmerie. En réalité, la comparaison a du sens à l’échelon départemental mais pas à l’échelon régional. La PJ doit conserver ses spécificités.

Mon groupe votera en faveur des dispositions examinées par la commission en espérant que vous accueillerez favorablement les quelques amendements qu’il défendra.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Monsieur Naegelen, je connais votre mobilisation en faveur de la gendarmerie : nous avons siégé ensemble dans des commissions d’enquête relatives aux forces de sécurité et fait des déplacements un peu partout en France. Les choses ont bien avancé au cours des cinq dernières années même si l’on n’en fait jamais assez. La LOPMI donnera un cap et permettra d’avancer dans tous les domaines, notamment ceux que nous avions identifiés comme prioritaires.

Le texte prévoit 3 540 ETP supplémentaires ainsi qu’une augmentation des budgets pour la reconstruction et l’entretien des casernes et pour le renouvellement du matériel. Il faudra veiller, à chaque loi de finances, à ce que la LOPMI y soit bel et bien déclinée – mais je fais confiance pour cela à notre collègue Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis chargé du programme 152 Gendarmerie nationale.

En ce qui concerne la police judiciaire, vous n’êtes pas sans savoir qu’un second texte est en préparation : à l’origine, le projet de loi comportait trente-deux articles mais il a été scindé. La partie que nous examinons en comptait seize avant son passage au Sénat ; la seconde devrait être présentée au Parlement en début d’année prochaine.

Madame Lingemann, la commission de la défense est effectivement saisie des articles concernant son domaine de compétence, notamment la gendarmerie. Il s’agit d’un projet de loi de programmation et le rapport annexé n’a pas de réelle portée normative.

Monsieur Thiériot, le texte présenté en début d’année comptait deux fois plus d’articles que celui-ci : il manque donc une brique. Celle-ci sera posée dans les prochains mois. Le texte va dans le bon sens. Il donne de la visibilité aux forces de sécurité, que ce soit la police, la gendarmerie ou la sécurité civile.

Les précédentes lois de finances avaient déjà permis de progresser, en particulier s’agissant de la professionnalisation des PSIG.

Monsieur Taverne, les 200 nouvelles brigades seront réparties dans l’ensemble des départements de métropole et d’outre-mer. La proportion devrait être de deux implantations fixes pour une brigade mobile. La déclinaison sur chaque territoire sera décidée par le préfet de département et le commandant de groupement, en concertation avec les élus locaux. Elle tiendra compte des besoins, qu’il s’agisse des trous opérationnels ou encore de l’attractivité de tel ou tel territoire. Je vous invite à participer aux concertations qui vont démarrer dans chaque département. Elles seront conduites par le préfet et les élus locaux y seront associés. J’ai assisté à la première, qui était organisée dans le Cher, en présence du directeur général de la gendarmerie nationale et du ministre de l’intérieur. Cela s’est très bien passé. Celle qui doit avoir lieu dans mon département sera lancée dès la semaine prochaine. La démarche est très bien accueillie par les élus locaux.

Il est vrai que la réussite du projet dépendra de la capacité des élus locaux à organiser les choses rapidement avec la gendarmerie et avec l’État. Il faut que les communes, les collectivités de communes ou les départements soient en mesure d’accueillir les nouvelles brigades puis de trouver les solutions pour pérenniser le dispositif.

Les brigades mobiles sont très importantes : elles permettent d’aller vers les citoyens, surtout sur les territoires peu attractifs où il est difficile de faire en sorte que des gendarmes s’installent avec leurs familles. La brigade mobile peut utiliser un camping-car, une maison France Services ou encore organiser un accueil en mairie.

Les 3 540 ETP supplémentaires seront échelonnés de la manière suivante : 950 en 2023, 1 045 en 2024, 500 en 2025, 400 en 2026 et 645 en 2027. La répartition précise a été planifiée mais n’est pas encore définitive. Les 200 nouvelles brigades devraient concentrer 2 144 ETP, étant entendu que les brigades fixes en compteront davantage que les brigades mobiles. La recréation de 7 escadrons mobilisera 840 ETP. S’agissant de ces escadrons, les locaux de service existent et pour le logement des familles, la gendarmerie procèdera dans un premier temps à des prises à bail. Au total, 252 ETP seront consacrés à la formation initiale et continue dans les treize régions, 50 à la création de l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure et 40 à l’office chargé de l’environnement – une déclinaison est prévue dans toutes les brigades territoriales, en métropole et outre-mer, avec des référents gendarmerie environnementale.

Monsieur Saintoul, le numérique permettra effectivement de rapprocher la gendarmerie des administrés car il rendra possible le travail à distance des gendarmes, au plus près des citoyens. L’utilisation du numérique ne se limite pas à l’accomplissement des démarches par les citoyens. C’est toute la stratégie fondant le plan Gend 20.24 développé par le général Rodriguez. Ce changement de paradigme fonctionne sur le terrain.

Je le disais, 3 540 postes de gendarmes, échelonnés sur la période 2023-2027, s’ajouteront aux 2 000 créés entre 2017 et 2022. Le nombre d’entrées en formation sera doublé en 2023 et en 2024 pour atteindre les objectifs fixés par le projet de loi et celui de professionnalisation des PSIG. Les structures de formation connaîtront donc des tensions mais la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) anticipe certains recrutements : une deuxième session de concours écrits a été ouverte.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). La création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie – dont nous nous réjouissons, bien sûr – s’appuiera sur des critères particulièrement exigeants, qui risquent d’exclure des communes candidates alors que les besoins sont importants dans leur secteur. De même, depuis plusieurs années, la présence des forces de sécurité a été réduite dans les territoires ruraux. Quelles garanties avons-nous que le renforcement des forces de sécurité sera réel et équilibré ?

Avons-nous l’assurance que, lorsqu’une gendarmerie fermera sur un territoire, une autre ouvrira non loin, dans le même secteur ?

Enfin, quelle garantie avons-nous que les élus locaux concernés, en particulier les maires, seront non seulement informés, mais surtout écoutés – et entendus ?

M. José Gonzalez (RN). Le rapport annexé met en avant le déploiement d’un projet dit « réseau radio du futur », destiné à remplacer le réseau de radio bas débit, bientôt obsolète. Il vise à assurer la sécurité des Français tout en offrant un système commun à l’ensemble des forces. Le dispositif aura pour intérêt de doter les forces de sécurité d’un équipement individuel de communication multifonctions. Ce programme participe également de l’effort de remise à niveau de l’architecture des réseaux outre-mer. Il s’agit de renforcer les moyens nationaux pour répondre aux menaces et aux crises.

La mesure concerne la police et la gendarmerie nationales, la sécurité civile et l’administration territoriale de l’État, mais le rapport annexé ne mentionne ni la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ni le bataillon des marins-pompiers de Marseille, qui tireraient pourtant un grand bénéfice d’un tel équipement. Ne pensez-vous pas qu’ils devraient être inclus dans le dispositif ?

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Nous disposons de moins de 3 500 brigades pour couvrir 95 % du territoire ; résultat, les délais d’intervention s’allongent. En ce sens, la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie en milieu rural va dans la bonne direction.

L’objectif affiché est de créer une relation plus étroite et directe avec la population. Néanmoins, je m’interroge quant aux modalités d’intervention alternatives qui sont prévues. En effet, guidés par une logique de moindre coût à laquelle vous avez du mal à déroger, vous prévoyez d’installer ces brigades dans des bâtiments publics existants, qu’il s’agisse des locaux d’une mairie, d’un bureau de poste ou même des locaux de la police municipale, au risque d’une confusion extrême entre les missions des uns et des autres. Plus étonnant encore, il est prévu que les gendarmes usent de moyens de déplacement adaptés au territoire, à l’instar des trottinettes électriques. De même, ils pourront être logés directement chez l’habitant ou dans des chambres d’hôte.

Je dois vous dire que l’image de gendarmes exécutant leurs missions sur des trottinettes électriques et logeant dans des Airbnb dans les territoires ruraux est assez déconcertante. Je vous demande donc de bien vouloir m’éclairer sur les modalités d’organisation et de fonctionnement de ces nouvelles brigades.

M. David Habib (NI). Je m’associe à l’hommage rendu aux gendarmes par nos collègues. Mercredi dernier, j’ai participé, à Biarritz, à la cérémonie en l’honneur de l’un d’entre eux, décédé dans l’exercice de ses fonctions. Je puis témoigner à la fois de la peine des gendarmes et du besoin de soutien qu’ils expriment.

Monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais vous interroger sur les problèmes de formation et sur la création des 200 brigades de gendarmerie. Quant à la concertation avec les élus, l’appel que nous lançons tous ne relève pas de l’incantation. Au cours de mes cinq mandats de parlementaire, on a fermé un commissariat de police dans la commune dont j’étais maire et deux brigades de gendarmerie, et on a ouvert une autre brigade. En ce qui concerne celle-ci, j’ai été informé la veille de l’envoi du courrier à la presse. Il est donc nécessaire de repenser la concertation en la matière.

Je voudrais vous faire une suggestion à cet égard, monsieur le président. La concertation avec les préfets sera menée intelligemment, j’en suis persuadé, mais il faudrait un relais à Paris pour accompagner les demandes émanant de la province. Nous devrions donc disposer d’une commission ad hoc, auprès de vous, rassemblant des représentants de chaque groupe et se faisant l’écho des problèmes jusqu’au cabinet du ministre.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Le rapport annexé précise que les agents du ministère de l’intérieur seront plus représentatifs grâce à la création de 100 « classes de reconquête républicaine » destinées à préparer leurs élèves aux concours de la fonction publique, notamment ceux du ministère de l’intérieur. On comprend, à la lecture du texte, que le dispositif s’inscrit dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, créée en 2018 par Gérard Collomb, alors ministre. Le rapport précise également : « Les partenariats avec les établissements pour l’insertion dans l’emploi […] et les écoles de la deuxième chance seront renforcés ».

Force est pourtant de constater qu’aucune précision n’est apportée concernant la mise en place concrète, le financement et le pilotage du dispositif. Pourriez-vous nous indiquer comment ces déclarations d’intentions se traduiront sur le terrain ?

M. Fabien Lainé (Dem). Un amendement adopté en commission au Sénat a modifié le rapport annexé à l’article 1er de manière à réclamer « une meilleure répartition » géographique des moyens aériens dans la lutte contre les incendies.

La Nouvelle-Aquitaine a été victime cet été d’incendies sans précédent. Très vite, il est apparu qu’il manquait des moyens aériens en mesure d’intervenir rapidement : les plus proches étaient situés à Nîmes. Une meilleure répartition va donc dans le bon sens.

Les moyens aériens peuvent également servir à détecter les incendies. Des solutions existent pour ne plus revivre ces mégafeux. Certaines sont efficaces et peu coûteuses, comme l’utilisation d’ULM. Le projet de loi doit permettre de soutenir de telles initiatives et de les intégrer rapidement.

Mme Michèle Martinez (RN). Est-il envisagé d’intégrer l’opération Sentinelle au continuum de sécurité ?

M. Christophe Blanchet (Dem). Pour prolonger les propos de David Habib et de Yannick Favennec-Bécot, il faut respecter un délai minimum entre le moment où l’on décide de fermer une caserne et l’application de la mesure. La dernière loi de programmation militaire comportait un volet « à hauteur d’homme ». or, être vraiment « à hauteur d’homme », cela suppose de respecter les hommes et les femmes qui portent l’uniforme. Certains peuvent avoir investi dans l’immobilier ou avoir installé leur famille avec eux : il faut absolument observer un délai de prévenance. Comment voyez-vous les choses à cet égard ? Comment pouvons-nous construire ensemble cette démarche ?

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Monsieur Favennec-Bécot, le projet de loi prévoit 8 500 créations de postes, dont 7 500 pour les forces de sécurité intérieure, réparties de façon équilibrée entre la gendarmerie – 48 % – et la police – 52 %. On se rapproche ainsi de la réalité des territoires, de leurs spécificités et des évolutions démographiques.

À ma connaissance, aucune gendarmerie n’a été fermée depuis 2019 sans qu’il y ait eu concertation avec les élus locaux. La plupart des fermetures interviennent d’ailleurs à la demande du bailleur – commune, communauté de commune, département –, suite à des pressions de la gendarmerie qui considère que les locaux sont insalubres. Je pense que nous sommes tous d’accord ici pour dire qu’on ne peut continuer de loger les gendarmes et leurs familles dans des locaux insalubres. Le modèle économique veut que ce soit la collectivité locale qui investisse dans la construction des brigades, un investissement neutre puisqu’elle perçoit les dotations de l’État puis les loyers. Il convient de la considérer comme un propriétaire bailleur, avec toutes les obligations qui lui incombent, dont celles d’entamer les démarches lorsque les locaux s’avèrent insalubres.

Monsieur Gonzalez, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon de marins-pompiers de Marseille obéissent à des modèles complexes, en marge de la sécurité civile. J’ignore s’ils seront inclus dans le programme Réseau radio du futur mais je vais me renseigner et apporterai bientôt la réponse à votre question.

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur l’installation des 200 brigades. Une concertation, rassemblant le préfet, le commandant de groupement, le commandant de région, les élus locaux, les associations de maires et les parlementaires, est ouverte dans chaque département ; si ce n’est déjà fait, tâchez de vous y associer. Le but est de trouver les meilleures solutions pour une installation sur des territoires attractifs, dans l’intérêt des gendarmes et de leurs familles, et qui réponde aux besoins opérationnels de la gendarmerie.

Je comprends mal votre interpellation, Monsieur Bex : il n’est pas question de faire rouler les gendarmes à trottinette au beau milieu de la campagne ! Cependant, en certains endroits, les gendarmes disposent de vélos électriques car c’est un moyen plus adapté pour se rapprocher des citoyens dans les villes de 5 000 habitants. Si les gendarmes demandaient des trottinettes pour se déplacer dans une commune et que la DGGN validait cet usage, je ne vois pas où serait le problème.

Deux tiers des brigades seront fixes. Il faut compter, pour la construction des locaux d’une brigade, cinq à six ans. Même si la DGGN est en train de modifier les modalités pour que ces délais soient réduits d’un ou deux ans, nous devons, à court terme, trouver des solutions. Les concertations départementales permettent aussi d’identifier les locaux qui pourraient être rapidement mis à disposition de la gendarmerie, moyennant loyer, pour loger les gendarmes et leurs familles dans des conditions décentes.

Les brigades mobiles pourront tenir des permanences sur les marchés, dans les maisons France Services, dans les locaux de la police municipale ou de la mairie. Les gendarmes pourront ainsi se rapprocher des citoyens sur les territoires éloignés.

Monsieur Habib, la partie opérationnelle de l’installation des 200 brigades a été préparée avec les commandants de compagnie ; les concertations permettent de traiter l’aspect local, grâce à la bonne connaissance des territoires des élus. Celle à laquelle j’ai participé, dans le Cher, se passe bien.

Monsieur Lainé, je ne me suis pas penché sur la répartition des moyens aériens qui seront affectés à la sécurité civile, une question qui relève de la commission des lois. Mais je comprends que vous vous interrogiez, après les incendies qui ont frappé la Gironde cet été, sur le fait que la flotte soit abritée par la seule base de Nîmes.

Le projet de loi prévoit le renouvellement de la flotte d’hélicoptères H145. Les nouveaux engins seront répartis entre la sécurité civile et la gendarmerie en fonction des besoins, plus importants sur certains territoires, notamment outre-mer.

Monsieur Blanchet, encore une fois, il n’y a pas eu de fermeture de gendarmerie sans concertation depuis 2019. Nous ne sommes pas comptables du passé et de la façon dont se sont passées les fermetures décidées sous d’autres majorités.

Article 1er et rapport annexé

Amendement DN3 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Le rapport annexé indique que le programme Réseau radio du futur aura 300 000 abonnés. Nous proposons de mentionner les principaux acteurs de la sécurité et des secours qui en bénéficieront.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. La liste que vous proposez est trop large et ne tient pas compte des adaptations qui devraient intervenir. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement DN16 de Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann (Dem). L’amendement précise que l’effort en matière de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologique, dans le cadre des partenariats avec le monde académique, sera aussi consacré à la cybersécurité, une problématique essentielle pour les forces de sécurité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement DN2 de Mme Estelle Youssouffa.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il conviendrait de préciser que la feuille de route est élaborée après concertation des parlementaires et des élus locaux de l’ensemble des territoires ultramarins concernés.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait mais puisque vous jugez cette mention utile, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement DN1 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Le ministère de l’intérieur devrait mettre en place, dans les bleus budgétaires, un suivi dédié à l’objectif de doublement de la présence des policiers et gendarmes. Il pourrait ainsi créer de nouveaux indicateurs et des objectifs de performance dans les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Le projet annuel de performance du programme 152 prévoit déjà un indicateur 2.5 sur le taux de présence de voie publique. Votre amendement est donc satisfait, s’agissant du champ de saisine de la commission, la gendarmerie nationale.

L’amendement est retiré.

Amendement DN4 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’amendement vise à poser les bases d’un dialogue de qualité entre l’État et les élus locaux lors des concertations relatives à l’implantation des 200 nouvelles brigades. On sait que les décisions sont souvent imposées par les préfectures ; il serait souhaitable que soit communiqué aux élus locaux un état des lieux sur les atouts et les failles de la sécurité de leur territoire, auquel ils pourraient répondre par des propositions.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. J’ai participé au lancement des concertations avec le ministre de l’intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale, dans le Cher, et je peux vous dire que le dialogue avec les élus locaux existe. En amont, les commandants de compagnie ont défini les zones au niveau opérationnel mais ces concertations, qui sont ouvertes jusqu’au 15 janvier, permettent de prendre en compte les réalités locales. Cet amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Ces concertations se passent peut-être bien dans certains départements mais j’ai cru comprendre que le dialogue pouvait s’avérer plus compliqué ailleurs. Il n’est pas absurde de dresser un état des lieux et de donner aux élus locaux un délai raisonnable pour y répondre. Mon groupe soutiendra cet amendement.

M. Laurent Jacobelli (RN). Autant inscrire dans le rapport annexé cette démarche, puisqu’elle est déjà une réalité en certains endroits. Ce n’est malheureusement pas aussi simple partout.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Dans certains départements, les relations sont en effet beaucoup plus conflictuelles. Nous n’entendons pas imposer des limites aux préfets. L’amendement précise simplement qu’un délai raisonnable est accordé aux élus locaux pour transmettre leur accord ou leur désaccord sur les constats effectués ainsi que pour communiquer leurs propositions.

Je vous propose de retirer cet amendement afin que nous puissions en retravailler la rédaction, dans la perspective de l’examen en séance.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Oui, nous pourrions voir cela avec Florent Boudié, le rapporteur du projet de loi. Il faut savoir que ces concertations, qui ont commencé le 1er octobre, doivent se terminer avant le 15 janvier, date à laquelle les préfets et les commandants de groupement auront rendu leur copie. Les décisions doivent être prises rapidement pour affecter dans ces nouvelles brigades les futurs gendarmes, déjà en formation. En tant que parlementaires, nous pouvons faire remonter les blocages éventuels et en discuter avec les cabinets du DGGN et du ministre.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il n’est pas toujours facile, lorsqu’on n’est pas membre de la majorité, d’aller frapper à la porte du ministère ou de la DGGN. Je vous propose de retravailler cet amendement avec les groupes LR et RN, qui y sont favorables, afin qu’il soit présenté au nom de la commission.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Je m’y engage.

L’amendement est retiré.

Amendement DN10 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). Il existe quarante-sept réserves, qu’elles soient opérationnelles, militaires, sanitaires, ou de la sécurité civile. Avec Jean-François Parigi, co-rapporteur de la mission d’information sur les réserves, j’ai préconisé de mettre en place des passerelles entre ces différentes réserves, afin de faciliter l’engagement et de marquer notre reconnaissance envers les réservistes. Nous reprenons ici cette proposition.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement DN15 de Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Pour renforcer les réserves, nous proposons de créer des passerelles entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le service national universel (SNU).

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’amendement semble prématuré dans la mesure où l’on ignore encore quelle forme prendra le SNU et s’il mobilisera toute une classe d’âge. Mon groupe se tient à votre disposition pour présenter ses propositions en matière de conscription ; il s’abstiendra sur cet amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement DN12 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). Il s’agit de préciser que les réserves de la gendarmerie et de la police ont toute leur place dans la réussite du SNU, avec lequel des passerelles seront créées, conformément à la proposition n° 55 de la mission d’information sur les réserves.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait s’agissant de la réserve de la gendarmerie mais il convient d’apporter cette précision car je crois savoir que ce n’est pas le cas pour la réserve de la police.

La commission adopte l’amendement.

Amendement DN5 de M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous (LIOT). Partant du constat que la fracture numérique existe sur les territoires, les sénateurs ont ajouté un nouvel alinéa à l’article 6 du projet de loi, précisant que le recours à la visioconférence dans le cadre d’un dépôt de plainte ne fait pas obstacle à l’organisation d’une audition dans les locaux de la police. En cohérence, cet amendement vise à modifier le rapport annexé.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Le dépôt de plainte dans les locaux de la police ne relève pas du champ de notre commission. Demande de retrait.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il me semblait, monsieur le rapporteur pour avis, que le rapport annexé était de notre compétence.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous soutiendrons cet amendement. Le rapport a été soumis à notre approbation et je ne vois pas de raison qui nous empêcherait de nous prononcer, d’autant que les gendarmes sont habilités à recueillir les plaintes. Par ailleurs, le Conseil d’État, dans ses deux avis, a insisté sur le fait que le dépôt de plainte en ligne devait demeurer une simple faculté.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous voterons en faveur de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement DN6 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il s’agit, dans le cadre du programme d’acquisition de drones, de renforcer les liens entre administrations et de faire profiter le ministère de l’intérieur de l’expertise de la direction générale de l’armement (DGA).

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. La plupart des drones utilisés par le ministère de l’intérieur ne nécessitent pas une expertise de la DGA. Quant à la gendarmerie, elle dispose déjà de son propre pôle capacitaire mais sait se rapprocher de la DGA lorsqu’elle a besoin de matériels plus performants.

L’amendement est retiré.

Amendement DN20 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à accroître la vigilance citoyenne au sein des établissements universitaires et grandes écoles où sont formées les futures élites de la nation. Les services nationaux dédiés au renseignement devraient organiser au sein de ces établissements, au moins une fois par an, des sessions obligatoires de sensibilisation à la protection des données afin d’éviter l’hameçonnage des cerveaux, notamment par des puissances étrangères.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Si les influences et ingérences étrangères constituent un enjeu réel, je doute que nos services de renseignement disposent d’effectifs suffisants pour assurer ce type de formations dans les établissements universitaires. Les trinômes académiques ont déjà pour mission de développer des actions de formation de la communauté éducative à l’enseignement de défense ; ils conduisent également des actions de sensibilisation des jeunes à la défense sous les différents aspects qu’elle recouvre. L’ingérence est un sujet à part entière qui doit être intégré au cursus universitaire. Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je suis un peu étonné de votre réponse : vous dites que cette action est utile mais que vous n’êtes pas prêts à y consacrer les moyens nécessaires. Comme pour le SNU, on s’aperçoit que les besoins de sécurité ou de « défense globale », comme vous dites, nécessitent en réalité une mobilisation de la population et une sensibilisation de cette dernière à certains enjeux.

Cet amendement nous convient sur le principe, puisqu’il vise à mener une action de sensibilisation de la population, mais ses modalités ne nous semblent pas assez précises. J’invite son auteur et notre rapporteur pour avis à le retravailler ensemble en vue de le redéposer en séance. Dans cette attente, nous nous abstiendrons.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je souscris aux propos de M. Saintoul. Par ailleurs, l’organisation de telles formations relève à mon sens davantage de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) que des services de renseignement. Les moyens actuels de l’agence ne le permettent évidemment pas, mais cette mission serait d’utilité nationale. Il serait intéressant de mener un travail transpartisan, au sein de notre commission, en vue de déposer un amendement allant dans ce sens pour la séance.

M. Frank Giletti (RN). Tout le monde s’accorde à dire que c’est un amendement de bon sens, qui répond à de véritables besoins et que cette action de sensibilisation doit être une priorité nationale. Mais même cela, vous nous le refusez ! On est très loin d’un esprit de coconstruction et d’une volonté de travailler ensemble. Enlevez vos habits sectaires et revenez à un peu de raison !

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Il est faux de dire que rien n’est fait. Des actions sont menées, bien au-delà des grandes écoles. Vous évoquez l’élite de la nation mais, même dans les universités, des acteurs tels que l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), la gendarmerie ou des associations d’étudiants interviennent au quotidien. Soyons pragmatiques. Nous convenons qu’il s’agit d’une priorité, et je dis même que nous avons la responsabilité, en lien avec les préfets et les organisations que je viens de citer, d’encourager les actions de ce genre, mais il serait un peu excessif de les inscrire dans le projet de loi que nous sommes en train d’examiner.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). La question que vous soulevez est très importante. Elle ne se limite pas aux problèmes de cybersécurité et de capture de données ; elle touche aussi à la lutte informationnelle offensive menée contre notre pays dans les établissements d’enseignement supérieur. Nous sommes très nombreux à être d’accord sur ce point.

Nous ne sommes pas sectaires. Notre doute porte sur les acteurs à qui cette mission doit incomber. Les membres de nos services ont une obligation et même un droit à la discrétion, ne serait-ce que pour éviter de les mettre en danger. Je ne suis pas convaincu que le rôle des agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ou de la direction du renseignement militaire (DRM) soit d’intervenir à visage découvert dans nos universités. Je ne les imagine pas non plus témoigner le visage masqué. Nous devons mener une véritable réflexion sur la lutte informationnelle défensive à organiser dans les établissements scolaires – c’est un sujet sur lequel une mission d’information parlementaire pourrait se pencher un jour.

Cet amendement pose donc une bonne question, mais la réponse mérite d’être affinée.

M. Bruno Studer (RE). Nous souhaitons tous que les cerveaux de nos jeunes compatriotes soient protégés de l’influence de Russia Today, par exemple, sans attendre qu’ils soient scolarisés dans l’enseignement supérieur. Lorsque des étudiants sont amenés à travailler sur des sujets sensibles, des formations sont déjà organisées. Si nous partageons tous l’objectif visé par cet amendement, les moyens proposés ne nous semblent pas adéquats.

M. Laurent Jacobelli (RN). Mieux vaut prévenir que guérir. Combien de personnels seraient-ils mobilisés si certains de nos étudiants, futurs cadres, chercheurs ou dirigeants d’entreprises étaient hameçonnés par des puissances étrangères ? Quel en serait le coût pour l’économie et la sécurité nationales ? C’est ce même principe de prévention que nous pourrions d’ailleurs appliquer aux politiques de santé.

Quel paradoxe ! La cybersécurité semble vous obnubiler, sauf ici. Il apparaît que nous sommes tous conscients qu’il y a une question à régler. Plutôt que de repousser cet amendement d’un revers de main en disant que tout est déjà fait – personne n’y croit dans cette salle –, essayons de réfléchir ensemble à la meilleure manière de résoudre ce problème. Je suis persuadé que Mme Colombier acceptera de travailler à d’autres rédactions et d’envisager que d’autres agences puissent faire ce travail. Ne laissons pas certaines puissances étrangères utiliser les moyens modernes pour polluer toute une génération ! Mesurons la gravité de la situation, surtout dans le contexte actuel ! Essayons de dépasser les postures générales et de trouver ensemble une solution !

M. Yannick Chenevard (RE). Dans ce domaine, tout est affaire de ciblage. Si certains étudiants sont ciblés, c’est qu’ils sont susceptibles d’apporter une plus-value à une puissance étrangère, et pas seulement dans le domaine du cyber. Un travail est déjà mené aujourd’hui, notamment par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), dans un certain nombre de secteurs. Des formations spécifiques sont organisées. Des étudiants sont identifiés et formés – on leur apprend à se méfier. Il ne s’agit pas de traiter 300 000, 400 000 ou 500 000 étudiants, ce qui serait, du reste, impossible. Seuls quinze ou vingt d’entre eux représentent une valeur réelle en matière de renseignement : c’est sur ceux-là qu’il faut faire peser les efforts, et c’est sur ceux-là que les efforts pèsent.

M. le président Thomas Gassilloud. Vous vous souvenez que j’avais demandé à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et à la DGSE d’intervenir devant notre commission. Alors que notre assemblée compte huit commissions permanentes, nous sommes les seuls à avoir bénéficié d’un tel appui.

La commission rejette l’amendement.

Amendement DN7 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et sous-amendement DN21 de M. Xavier Batut.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). L’amendement DN7, que j’ai rédigé avec Christophe Naegelen et Laurent Panifous, vise à inscrire dans le rapport annexé une évolution fiscale essentielle en faveur des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).

Lors des débats sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023, plusieurs amendements de l’opposition et de la majorité, dont un amendement cosigné par la présidente du groupe Renaissance, tendant à modifier les articles L. 421-65 et suivants du code des impositions sur les biens et services et visant à ne plus soumettre les véhicules des Sdis au malus écologique ont été adoptés en commission. Sauf erreur de ma part, ces dispositions n’ont pas été intégrées dans le texte sur lequel le Gouvernement a choisi d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il s’agit non seulement d’un recul démocratique, les amendements ayant été adoptés par la volonté commune des groupes d’opposition et de la majorité, mais également d’un signal de défiance injuste adressé aux Sdis, lesquels ont pourtant joué un rôle crucial dans la lutte contre les incendies d’une violence inédite qui ont frappé notre pays cet été. J’ajoute que les Sdis devront acquérir de nombreux véhicules pour adapter les forces d’intervention aux besoins liés à la sécheresse. Il est donc proposé de pallier cet oubli et d’appeler l’attention du Gouvernement sur cette disposition fiscale injuste pour les Sdis au sein du rapport annexé.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement DN21 visant à étendre aux véhicules des forces de sécurité intérieure l’exonération du malus écologique que vous sollicitez au profit des véhicules de la sécurité civile.

M. Julien Rancoule (RN). Notre groupe votera en faveur de cet amendement et de ce sous-amendement de bon sens. Je partage le point de vue de M. Morel-À-L’Huissier, d’autant que le malus écologique représente un coût considérable pour les Sdis, notamment dans les départementaux ruraux exposés à des risques de feux de forêt.

M. Loïc Kervran (HOR). Avec plusieurs de mes collègues du groupe Horizons, nous avons défendu des amendements similaires dans le cadre du projet de loi de finances. Cette mesure de bon sens est bienvenue car la fiscalité environnementale, qui vise à protéger l’environnement, dessert cette cause quand on l’applique à des véhicules de lutte contre les incendies.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement DN8 de M. Laurent Panifous.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, dont j’étais le rapporteur, nous avons fait un tour de France des brigades de gendarmerie et vous avez pu vous rendre compte, Monsieur le rapporteur pour avis, de l’état dans lequel se trouvent ces bâtiments. Je me souviens notamment qu’à Dijon, un gendarme nous expliquait qu’il pleuvait presque autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des logements, que ces derniers contenaient de l’amiante et que la situation était compliquée non pour les militaires eux-mêmes, qui ont choisi cet engagement, mais surtout pour les familles qui vivent avec eux. Notre amendement vise donc à remettre au centre des discussions la question des conditions de vie des membres des forces de l’ordre et de leurs familles. Il conviendrait de s’inspirer du plan « famille » du ministère des armées.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. À l’époque où nous avons visité ensemble bon nombre de casernes et de brigades de gendarmerie, cette question se posait en effet. Elle a été résolue en partie par le plan de relance, en partie par l’opération « poignées de porte ». Je fais confiance aux bureaux de l’immobilier de chaque groupement de gendarmerie pour faire remonter les problèmes. Par ailleurs, le Sénat a augmenté de 100 millions d’euros l’enveloppe de crédits consacrée à l’immobilier. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er et du rapport annexé modifiés.

Article 2

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 non modifié.

 


—  1  —

   Personnes entendues

Ministère de l’Intérieur

   M. Jean-Benoît Albertini, secrétaire général

   M. Guillaume Lambert, préfet, directeur du programme Réseau Radio du Futur

   Mme Pascale Léglise, directrice

   M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, adjoint de la directrice

   M. Pascal Mathieu, sous-directeur de la synthèse et du pilotage budgétaire

   Général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

   Général de brigade Carlos Mendes, chargé de mission auprès du directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale

   Lieutenant-colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire 

   M. Marc Boget, commandant de la gendarmerie dans le cyberspace

   M. Frédéric Veaux, directeur général

   M. Alex Gadré, conseiller juridique

   Mme Gabrielle Hazan, adjointe à la conseillère judiciaire

   M. Philippe Lutz, directeur central

   M. Jérôme Bonet, directeur central 

   M. Nicolas Guidoux, sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité

 

 

   M. Alain Thirion, préfet, directeur général

   M. Stéphane Thébault, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie

   Mme Gaëlle Lugand, adjointe au sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie

   M. Yves Hocdé, sous-directeur de la préparation, de l’anticipation et de la gestion des crises

   M. Vincent Roberti, directeur

   Mme Chloé Mirau, cheffe du service des affaires financières ministériel

   M. Charles Moreau, préfet secrétaire général pour l’administration

   M. Philippe Dalbavie, conseiller juridique

Ministère de la Justice

   M. Olivier Christen, directeur

   Mme Johanna Brousse, vice-procureure, cheffe de la section J3 – lutte contre la cybercriminalité au tribunal judiciaire de Paris

 Représentants de la gendarmerie

   Capitaine Marc Rollang, porte-parole

   Capitaine Hervé Dupe, membre du conseil d’administration

   M. David Ramos, Président

 

 


 

   Général Emmanuel Valot, secrétaire général

   Lieutenant-colonel Vincent Delamarre, secrétaire général adjoint

   Capitaine Benmokhtar Leila, adjointe au secrétaire général

   Lieutenant-Colonel Ludovic Lainé

   Capitaine Michel Rivière

   Major Érick Verfaillie

   Major Patrick Boussemaëre

   Major Laurent Cappelaere

   Adjudant-Chef Samia Bakli

   Adjudant-Chef Vincent Delaval

   Adjudant-Chef Élodie Lherminier

   Adjudant-Chef Stéphane Sorlin

   Adjudant-Chef Sandrine Toulouze

   Gendarme Justin Lanzeray

Syndicats et représentants des magistrats

   Mme Marion Cackel, présidente, vice-présidente de l’instruction au tribunal judiciaire de Lille

   Mme Sarah Peillon, secrétaire générale, juge d’instruction au tribunal judiciaire de Bobigny

   Mme Anne Gaches, vice-présidente, procureur d’Albertville

   Mme Solène Belaouar, membre du conseil d’administration procureur de Périgueux

   M. Frédéric Chevallier, membre du conseil d’administration, procureur de Chartres

   Mme Samra Lambert, secrétaire nationale

   M. Thibaut Spriet, secrétaire national

 

 

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale, vice-procureure au tribunal judiciaire de Paris

   Mme Delphine Blot, déléguée régionale, vice-présidente chargée des fonctions de juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Versailles

   M. Aurélien Martini, trésorier national adjoint

   M. Thierry Griffet, chargé de mission

Syndicats de police

   M. Sylvain Durante, secrétaire général adjoint

   M. Pascal Jakowlew, secrétaire national

   M. Frédéric Lagache, délégué général

   M. Daniel Chomette, délégué général

Autres

   Mme Claire Hédon, défenseure des droits

   Mme Pauline Caby, adjointe en charge de la déontologie dans le domaine de la sécurité

   Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale 

   Mme Marie Lieberherr, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires

   Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire

   M. Christophe Mirmand, président, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

   M. Jérôme Bertin, directeur général

   Mme Isabelle Sadowski, directrice Juridique et de la coordination de l’aide aux victimes

   M. Arnaud de Saint Remy, vice-président de la commission Libertés et droits de l’homme

   Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques

   M. Franck Le Vallois, directeur général

   M. Christophe Delcamp, directeur des assurances de dommages et de responsabilité

   Mme Viviana Mitrache, responsable du département des affaires parlementaires,

   M. Arnaud Giros, conseiller parlementaire

   M. Mickael Petit, cofondateur, chef de projet numérique

   Mme Marie-Lou Mesmer, secrétaire générale

   Mme Clémence Cordier-Debien, bénévole

   Mme Tatiana Cordier-Debien, bénévole

   Me Paul Berger de Gallardo, avocat à la Cour

   Mme Camille Sachot, co-gérante, cheffe de projet

   Mme Lauranne Callet, consultante en genre, migration et urbanisme inclusif

   Mme Valéria Faure-Muntian, présidente, ancienne députée

 

 


([1]) Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

([2]) Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([3]) Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

([4]) Dans sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école , le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le « rapport annexé [à la loi] fixe des objectifs à l’action de l’État dans le domaine de l’enseignement des premier et second degrés ; que, si les engagements qui y figurent ne sont pas revêtus de la portée normative qui s’attache à la loi, ses dispositions sont de celles qui peuvent trouver leur place dans la catégorie des lois de programme à caractère économique ou social prévue par l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution ».

([5]) Les préfectures et sous-préfectures abritent des points d’accueil numérique qui visent à aider les publics non connectés à internet, non équipés ou peu habitués à l’usage d’un ordinateur, à réaliser leurs démarches en ligne. Ces espaces sont équipés d’ordinateurs, d’imprimantes et de scanners et des médiateurs y sont présents pour assister les administrés.

([6]) Expérimentées en 2019, puis pérennisées à partir de juin 2021, les maisons de confiance et de protection de la famille sont des points d’accueil de la gendarmerie ayant vocation à accueillir les victimes de violences intrafamiliales et les mineurs, et plus largement les personnes vulnérables dont la parole est difficile à recueillir. Elles réunissent en un lieu unique l’ensemble des structures de la gendarmerie s’adressant à ces publics. Les gendarmes en leur sein sont formés et travaillent en collaboration étroite avec les acteurs pertinents : associations, collectivités territoriales, établissements scolaires, etc.

([7]) L’évaluation à 360 degrés est un processus d’évaluation des agents faisant intervenir tous les acteurs ayant un lien avec eux dans le cadre de leur travail, en amont ou en aval, de manière directe ou indirecte (supérieurs hiérarchiques, collègues, partenaires, fournisseurs etc.).             

([8]) Le rapport annexé précise que celui-ci sera « co-présidé par le ministère chargé de la gestion des crises et par le ministère chargé de la prévention des risques, sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et composé des ministères chargés de l’agriculture, de l’alimentation, de l’urbanisme, de l’environnement, de l’énergie et des transports. » (alinéa 268 dans la version adoptée par le Sénat)

([9]) Le centre opérationnel départemental (COD) est un outil de gestion opérationnel à disposition du préfet de département, activé lorsqu’un événement majeur, localisé ou diffus, emporte des conséquences sur tout ou partie du département. Il rassemble sous sa direction l’ensemble des forces de la sécurité civile, des forces de l’ordre, les services de l’État concernés, les représentants des collectivités territoriales et les gestionnaires ou opérateurs publics et privés.

([10]) Le rapport annexé précise que cette école aura pour fonction de « coordonner la formation des policiers, renforcer les outils de formation des nouvelles filières. Elle comprendra un pôle d’excellence pour l’investigation » (alinéa 376 dans la version adoptée par le Sénat).

([11]) Ainsi, dans sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, le Conseil constitutionnel a rappelé que le rapport annexé à la loi, qui présentait les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l’éducation ainsi que les moyens programmés à cette fin, était dépourvu de valeur normative.

([12]) Le programme 232 « Vie politique » ne verra en effet pas ses crédits augmentés.

([13])  Art. 56 du code de procédure pénale.

([14])  Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

([15]) Le chapitre Ier est ainsi consacré aux dispositions communes, le chapitre II, aux saisies de patrimoine, le chapitre III, aux saisies immobilières, et le chapitre IV, aux saisies portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels, et le chapitre V, aux saisies sans dépossession.

([16])  Décision n° 2016-583/584/585/586 QPC du 14 octobre 2016, Société Finestim SAS et autre.

([17])  Art. L. 552-2 du code monétaire et financier.

([18]) Aux termes de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, les instruments financiers sont les titres financiers (titres de capital émis par les sociétés par actions, titres de créance, parts ou actions d’organismes de placement collectif) et les contrats financiers (instruments financiers à terme).

([19]) Aux termes de l’art. L. 223-1 du code monétaire et financier, les bons de caisse sont des titres nominatifs et non négociables comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée, délivrés en contrepartie d’un prêt.

([20])  Amendement CL723 de votre Rapporteur.

([21]) Voir notamment Jamilov, Rey et Tahoun (2021), "The anatomy of cyber risk", NBER working paper n° 28906, et Aldasoro, Gambacorta, Giudici et Leach (2020), "The drivers of cyber risk", BIS Working Papers 865, cités dans la note Trésor-Éco « Le risque cyber dans le secteur financier », décembre 2021, n° 295, par Benjamin Hadjibeyli et Adrien Moutel.

([22])  Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique, Baromètre annuel de la cybersécurité des entreprises, Enquête OpinionWay pour le CESIN réalisée en ligne en décembre 2021 auprès de 282 membres du CESIN, janvier 2022.

([23])  France Assureurs, Cartographie prospective 2022 des risques de la profession de l’assurance et de la réassurance, janvier 2022.

([24])  Direction générale du Trésor, Le développement de l’assurance du risque cyber, septembre 2022.

([25])  Association pour le management des risques en entreprise, LUmière sur la Cyberassurance (2022).

([26])  « Cybercrime : le ransomware, risque cyber numéro 1 », par Gérôme Bilois et Marwan Lahoud, mars 2021, analyse publiée sur le site de l’Institut Montaigne.

([27])  Voir notamment l’étude Global Threat Intelligence Report 2019 de la société NTT Security, ou l’étude conduite par la société NordLocker, disponible sur son site internet (consulté le 19 octobre 2022).

([28])  Voir ainsi le rapport d’information n° 678 (2020-2021) de MM. Sébastien Meurant et Rémi Cardon, fait au nom de la délégation aux entreprises du Sénat, relatif à la cybersécurité des entreprises, et déposé le 10 juin 2021, et le rapport sur l’assurabilité des risques cyber du Haut comité juridique de la place financière de Paris, le 28 janvier 2022.

([29])  L’identification des procédures en lien avec des attaques par rançongiciel se fait grâce à l’analyse textuelle du descriptif de l’affaire et à l’utilisation de variables caractérisant l’infraction ou la procédure. La méthodologie employée ne permet pas d’arrêter un chiffre stable.

([30])  Haut comité juridique de la place financière de Paris, op. cit.

([31])  Au 19 octobre 2022.

([32]) Tels que la date précise de l’attaque, le préjudice, la rançon, le paiement, la structure informatique touchée.

([33])  Article L. 1332-6-2 et R. 1332-41-10 du code de la défense.

([34])  Articles 33 et 34 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([35]) Étude d’impact jointe au projet de loi, page 34.

([36])  Haut comité juridique de la place financière de Paris, op. cit.

([37])  Articles 6, 1102 et 1162 du code civil.

([38]) L’article 312-1 du code pénal définissant l’extorsion comme « le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque ».

([39])  Dans sa deuxième étude Lumière sur la Cyberassurance (2022), l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise relevait qu’en raison du taux important de sinistralité constaté en 2020, « les assureurs ont proposé des conditions de renouvellement draconiennes aux entreprises, avec de très fortes augmentations des taux de primes, l’instauration de franchises élevées et une importante réduction des capacités. Le cumul de ces mesures débouche sur un recul significatif de la couverture assurantielle proposée aux entreprises », synonyme de « coup d’arrêt à la croissance du marché [et de] défiance à l’égard des offres d’assurance cyber » (page 19).

([40]) Valéria Faure-Muntian, rapport sur la cyber-assurance, 2021 (disponible en ligne).

([41])  Amendement n° 46 de M. Cardon.

([42])  Sénat, compte rendu intégral des débats de la séance du mercredi 12 octobre 2022.

([43])  Décret n° 2008-1109 du 29 octobre 2008 portant création à titre expérimental d’un traitement automatisé dénommé « pré-plainte en ligne ».

([44])  Décret n° 2018-388 du 24 mai 2018 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « pré-plainte en ligne ».

([45])  Aux termes du décret n° 2018-388 précité sont également visés le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou identité de genre ou de son handicap ; le délit de diffamation ou d’injure à l’égard d’une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race, une religion déterminée ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ou de son handicap ; et la discrimination telle que définie aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal.

([46]) Le service est accessible à l’adresse suivante : https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr/

([47]) Le dispositif THESEE est présenté dans le commentaire de l’article 6 du présent projet de loi.

([48]) Ces infractions sont présentées dans le commentaire de l’article 4 bis A.

([49])  Prévu à l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([50])  Prévu aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 33 de la même loi.

([51])   Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([52])  Amendement COM-86 de MM. Daubresse et Loïc Hervé, rapporteurs.

([53])  Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, n° 5185, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mars 2022..

([54]) Le Conseil d’État relevait : « la règle selon laquelle les actes que les enquêteurs peuvent accomplir sous pseudonyme ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions, qu’ils constituent des actes d’enquête et non de procédure, qu’ils sont autorisés par le procureur de la République ou le juge d’instruction et ne peuvent être effectués que par des enquêteurs affectés dans des services spécialisés et habilités à cet effet ».

([55])  Ces réseaux sont construits sur la base de la technologie « Tetrapol » et d’une infrastructure détenue et exploitée par l’État, ainsi que sur l’utilisation d’un spectre radio alloué de façon exclusive au ministère de l’Intérieur.

([56])  En application de l’article L. 41 du code des postes et communications électroniques.

([57]) Selon le projet de loi de finances pour 2023, au regard de la Méthode Mareva2.

([58]) Conseil d’État, séance du 18 mai 2021, avis relatif au régime juridique du réseau radio du futur, n° 402470.

([59]) 6° de l’art. L. 32 du code des postes et des communications électroniques.

([60])  Amendement COM-87 de MM. Hervé et Daubresse, rapporteurs.

([61])  Amendement n° 224 du Gouvernement.

([62])  Voir notamment l’arrêt de la Cour du 19 février 2002, C‑309/99, Wouters e.a..

([63])  State aid SA.38863 (2015/N) – United Kingdom Emergency Services Mobile Communications Programme.

([64]) Article 42 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([65]) Article 15-3 du code de procédure pénale : « Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale […] ».

([66]) Article 40 du même code : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations […] ».

([67]) Décret n° 2018-388 du 24 mai 2018 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « pré-plainte en ligne ».

([68]) Les faits visés sont ceux constitutifs d’ atteintes aux biens ; le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou identité de genre ou de son handicap ; le délit de diffamation ou d’injure à l’égard d’une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race, une religion déterminée ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ou de son handicap ; et la discrimination telle que définie aux articles 225‑1 et 225‑1‑1 du code pénal.

([69]) Article 42 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([70]) Les modalités selon lesquelles les victimes peuvent déposer des plaintes en ligne sont précisées par le décret n° 2019-507 du 24 mai 2019 pris pour l’application des dispositions pénales de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites

([71]) Article A. 1er du code de procédure pénale créé par l’arrêté du 26 juin 2020 relatif aux plaintes par voie électronique.

([72]) Article 32 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

([73]) Deuxième et quatrième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale.

([74]) Quatrième alinéa du même article.

([75]) Idem.

([76]) Troisième alinéa du même article.

([77]) Le cinquième alinéa du même article prévoit en effet que la visioconférence peut être utilisée « devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, devant le premier président de la cour d’appel statuant sur les demandes de réparation d’une détention provisoire, devant la Commission nationale de réparation des détentions, devant la commission d’instruction des demandes en révision et en réexamen et devant la cour de révision et de réexamen ».

([78]) Article D. 47-12-6 du code de procédure pénale.

([79]) Idem.

([80]) Article R. 53-37 du même code.

([81]) Idem.

([82]) Article R. 53-38 du même code.

([83]) La procédure de contreseing n’est par contre pas prévue pour les services d’enquête.

([84]) Article D. 47-12-2 du même code.

([85]) L’un est établi par le magistrat et son greffier dans les locaux de la juridiction, et l’autre par un greffier sur le lieu où se trouve la personne entendue, et ils sont signés sur place par les personnes présentes.

([86]) La procédure des contreseings simultanés est prévue par l’article D. 47-12-3 du même code : « Lorsqu’il est fait application de la procédure des contreseings simultanés, le procès-verbal est signé par le magistrat et son greffier, puis est transmis par télécopie ou par un moyen de communication électronique sur le lieu où est présente la personne entendue, pour être signé par cette seule personne. Ce document est immédiatement retourné au magistrat selon le même procédé. L’original du document signé par la personne entendue est ensuite transmis par tout moyen pour être joint au dossier de la procédure.

Les différentes versions du procès-verbal revêtues de l’original des signatures des personnes présentes sur chacun des lieux sont conservées au dossier de la procédure.

Il en est de même, s’il y a lieu, pour le recueil de la signature de l’interprète. ».

([87]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 51.

([88]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 53.

([89]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et portant diverses dispositions en matière pénale et sur la sécurité, n° 404913, 10 mars 2022.

([90]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 54.

([91]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 54 : « Il est envisagé de réserver le dispositif au périmètre infractionnel des atteintes aux biens ne nécessitant pas d’intervention de police technique et scientifique, ce qui correspond à environ 800 000 plaintes ».

([92]) Sénat, compte rendu intégral, séance du 12 octobre 2022.

([93]) Article 14 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([94]) Article 15 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([95]) Idem.

([96]) Article 131-13 du code pénal.

([97]) Article R. 49 du code de procédure pénale.

([98]) Article R. 49-9 du même code.

([99]) Article R. 49-7 du même code.

([100]) En application du premier alinéa de l’article 132-11 du code pénal.

([101]) Article 131-5-1 du code pénal.

([102]) Interstats, Info rapide n° 18, Les outrages sexistes enregistrés par les services de sécurité en 2020, juillet 2021.

([103]) Cette procédure avait certes été étendue par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles aux contraventions de la 5e classe, mais elle demeurait inapplicable, faute du décret d’application qui aurait dû déterminer la liste des contraventions de la 5e classe faisant l’objet de cette procédure.

([104]) Les articles réglementaires du code de procédure pénale concernant les amendes forfaitaires ont notamment été complétés par le décret n° 2020-357 du 28 mars 2020 relatif à la forfaitisation de la contravention de la 5e classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

([105]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 60.

([106]) Stage de citoyenneté, stage de responsabilité pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels et stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes 

([107]) Article 1er de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

([108]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021.

([109]) Article L. 2241-5 du code des transports.

([110]) Article 10 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([111]) Article 11 de la même loi..

([112]) Loi n° 2018-701 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.

([113]) Article 32 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([114]) Circulaire CRIM n° 2019/1590/A22 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’informations entre les élus locaux et les procureurs de la République, 6 novembre 2019.

([115]) Circulaire CRIM n° 2020-18/E1 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, 7 septembre 2020.

([116]) Idem.

([117]) Idem.

([118]) Article 433-3 du code pénal.

([119]) La qualité de « personne dépositaire de l’autorité public » vise toute personne titulaire d’un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus ou sur les choses dans l’exercice de ses fonctions, et dont elle est investie par délégation de la puissance publique.

([120]) La qualité de « personne chargée d’une mission de service public » vise toute personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement découlant de l’autorité publique, est chargée d’accomplir des actes ou d’exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général.

([121]) L’article 433-3 du code pénal punit, lorsqu’elles sont commises envers une personne investie d’un mandat électif public ou une autre personne dépositaire de l’autorité publique (alinéa 1) ou une personne chargée d’une mission de service public (alinéa 2), de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende les menace de commettre un crime ou un délit (alinéa 1), de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende les menaces de mort ou d’atteinte aux biens dangereuse pour les personnes (alinéa 5), et de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende les menaces, violences ou tout autre acte d’intimidation en vue de contrainte la personne élue à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction (alinéa 6).

([122]) L’article 433-5 du code même code punit l’outrage (défini comme « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ») de 7 500 euros d’amende (alinéa 1). Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, l’outrage est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (alinéa 2). Les peines sont aggravées lorsque les faits sont commis en réunion (alinéa 4).

([123]) Les articles 433-6 à 433-9 du même code punissent la rébellion (définie comme « le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ») de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La rébellion armée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les peines sont aggravées lorsque les faits sont commis en réunion.

([124]) L’article 322-3 du même code punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui lorsqu’elle est commise au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses fonctions (alinéa 4).

L’article 322-8 du même code punit de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d’amende la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes lorsqu’elle est commise en raison de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique de la personne propriétaire ou utilisatrice du bien.

([125]) L’article 221-4 du même code punit de la réclusion criminelle à perpétuité le meurtre lorsqu’il est commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique (alinéa 5) ou une personne chargée d’une mission de service public (alinéa 6), dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.

([126]) L’article 221-5 du même code punit de la réclusion criminelle à perpétuité l’empoisonnement lorsqu’il est commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public (alinéa 3), dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.

([127]) L’article 222-3 du même code punit de vingt ans de réclusion criminelle le fait de soumettre à des tortures ou à des actes de barbarie une personne dépositaire de l’autorité publique (alinéa 5) ou une personne chargée d’une mission de service public (alinéa 6), dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.

([128]) Toutes deux ont été créées par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([129]) Sixième alinéa de l’article 222-14-1 et deuxième alinéa de l’article 222-15-1 créés par l’article 51 de la loi n° 2021‑646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

([130]) Article 10 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([131]) Sur la base des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense.

([132]) Comme précisé ci-avant, ce type de disposition protégeant les proches existe également pour les infractions prévues aux articles 222-14-1 et 222-15-1 du même code.

([133]) Ministère de l’Intérieur, données du 6 octobre 2022 transmises à votre rapporteur.

([134]) Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([135]) Pour mémoire, cet article réprime les violences faites à l’encontre d’ un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l’administration pénitentiaire.

([136]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, 8 juillet 2021, pp. 7-8.

([137]) Article L. 233-1 du code de la route.

([138]) Cette suspension ne peut être assortie du sursis ni être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

([139]) Selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et dans les conditions prévues aux articles 131‑22 à 131-24 du même code ainsi qu’à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs.

([140]) Dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal.

([141]) Si le condamné n’est pas le propriétaire du véhicule, la confiscation se fait « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi »

([142]) Article L. 325-1-2 du code de la route.

([143]) Article L. 325-1 du même code.

([144]) Article L. 325-1-1 du même code.

([145]) Article L. 413-1 du même code.

([146]) Article L. 221-2 du même code.

([147]) Article L. 234-1 du même code.

([148]) Article L. 235-1 du même code.

([149]) Cette suspension ne peut être assortie du sursis ni être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

([150]) Si le condamné n’est pas propriétaire du véhicule en question, la confiscation se fait « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ».

([151]) Si le condamné n’est pas le propriétaire des armes, elles peuvent être confisquées « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ».

([152]) Article L. 413-1 du code de la route.

([153]) Article L. 221-2 du même code.

([154]) Article L. 234-1 du même code.

([155]) Article L. 235-1 du même code.

([156]) Sénat, compte rendu intégral, séance du 13 octobre 2022.

([157]) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([158]) Conformément au VI de l’article 59 de la même loi.

([159]) Alinéa 2 de l’article 721 du code de procédure pénale.

([160]) Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 221-3,221-4,222-3,222-8,222-10,222-12,222-14-1,222-14-5 et 222-15-1 du code pénal.

([161]) Sont visés par l’article 721-1-2 du code de procédure pénale : les personnes investies d’un mandat électif public, les magistrats, les gendarmes, les policiers (nationaux et municipaux), les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense, les fonctionnaires des douanes ou de l’administration pénitentiaire, les sapeurs-pompiers professionnel ou volontaire et toute autre personne dépositaire de l’autorité publique.

([162]) Loi n° 2018-701 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.

([163]) Ou lorsque l’auteur a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants.

([164]) Ou lorsque l’auteur a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique.

([165]) Ou lorsque le permis de l’auteur avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu.

([166]) Si la personne condamnée n’est pas propriétaire du véhicule, la confiscation se fait « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, si elle en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. La bonne foi est appréciée notamment au regard d’éléments géographiques et matériels objectifs ».

([167]) Selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131‑22 à 131-24 du même code et à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs.

([168]) Dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal.

([169]) Article L. 325-1-2 du code de la route.

([170]) Article L. 325-1 du même code.

([171]) Article L. 325-1-1 du même code.

([172]) Sénat, compte rendu intégral, séance du 13 octobre 2022.

([173]) Idem.

([174]) Deuxième alinéa article 222-47 du code pénal.

([175]) Article 222-48 du même code

([176]) Article 221-4 du même code.

([177]) Article 222-8 du même code.

([178]) Article 222-10 du même code.

([179]) Article 2 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([180]) Article 222-13 du code pénal.

([181]) Article 222-12 du même code.

([182]) Article 10 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([183]) Article 221-1 du code pénal.

([184]) Lorsque la victime est un mineur de quinze ans, un ascendant, un parent adoptif, un conjoint, un descendant, une personne vivant habituellement à son domicile, une personne vulnérable, une personne dépositaire de l’autorité publique, une personne chargée d’une mission de service publique, un pompier ou un gardien assermenté d’immeubles, un professionnel santé, un témoin, une victime ou une partie civile ou encore lorsqu’elle refuse de contracter un mariage ou une union.

([185]) Lorsque le meurtre est commis par plusieurs personnes en bande organise, par le conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ou par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants.

([186]) Article 222-7 du code pénal.

([187]) Les circonstances liées à la victime sont les mêmes que celles prévues pour le meurtre, auxquelles s’ajoutent les cas où la victime est un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, ou une personne exerçant une activité privée de sécurité ou une personne se livrant à la prostitution.

([188]) Les circonstances liées à l’auteur sont les mêmes que celles prévues pour le meurtre, auxquelles s’ajoutent les cas où les violences sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne exerçant une activité privée de sécurité, par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, avec préméditation ou guet-apens, avec usage ou menace d’arme.

([189]) Article 222-9 du code pénal.

([190]) Ces circonstances sont les mêmes que celles prévues pour les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

([191])Cette circonstance aggravante est constituée lorsqu’un mineur assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime.

([192]) Les circonstances liées à la victime sont les mêmes que celles prévues pour les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

([193]) Les circonstances liées à l’auteur sont les mêmes que celles prévues pour les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, auxquelles s’ajoutent les cas où elles sont commises par un majeur avec l’aide d’un mineur ou par une personne dissimulant volontairement son visage.

([194]) Lorsque les violences sont commises dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration ou à leurs abords, ou dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu y donnant accès.

([195]) Cette circonstance aggravante est constituée lorsqu’un mineur assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime.

([196]) Idem.

([197]) Article 221-4 du code pénal.

([198]) Article 222-8 du même code.

([199]) Article 222-10 du même code.

([200]) Article 222-13 du code pénal.

([201]) Article 222-12 du même code.

([202]) Article 9 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([203]) Article 11 de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([204]) Articles 706-80 à 706-80-2 du code de procédure pénale.

([205]) Articles 706-81 à 706-87 du même code.

([206]) Articles 706-88 à 706-88-1. L’article 706-88 prévoit la possibilité de déroger à la durée de droit commun de la garde à vue définie aux articles 63 (cadre de l’enquête de flagrance), 77 (cadre de l’enquête préliminaire) et 154 (cadre de l’instruction) lors des procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 du même code. En effet, si les nécessités d’une enquête ou d’une instruction relative à l’une des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisée l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d’instruction. Ces prolongations s’ajoutent à la durée de droit commun définie par l’article 63 du même code, et portent à 96 heures la durée maximale de la garde à vue.

([207]) Articles 706-89 à 706-94 du même code.

([208]) Article 706-95 du même code.

([209]) Articles 706-95-1 à 706-95-3 du même code.

([210]) Ces règles sont fixées par les articles 706-95-11 à 706-95-19 du même code.

([211]) Article 706-95-20 du même code.

([212]) Article 706-96 à 706-98 du même code.

([213]) Articles 706-102-1 à 706-102-5 du même code.

([214]) Article 221-4 du code pénal.

([215]) Article 222-4 du même code.

([216]) Article 311-9 du même code.

([217]) Article 322-8 du même code.  

([218]) Article 224-6-1 du même code.

([219]) Articles 312-6 et 312-7 du même code.

([220]) Articles 225-4 à 225-4-7 du même code.

([221]) Articles 225-7 à 225-12 du même code.

([222]) Articles 442-1 et 442-2 du même code.

([223]) Article 224-5-2 du même code.

([224]) Articles 222-34 à 222-40 du même code.

([225]) Articles 421-1 à 421-6 du même code.

([226]) Article L. 512-2 du code minier.

([227]) Article 313-2 du code pénal.

([228]) Article L. 415-6 du code de l’environnement.

([229]) Article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure.

([230]) Articles 321-1 et 324-2 du code pénal.

([231]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([232]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.

([233]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 et décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014.

([234]) Article 46 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([235]) Le recueil de données techniques de connexion, la sonorisation et la captation d’images ainsi que la captation de données informatiques.

([236]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019

([237]) Circulaire de politique pénale du 19 septembre 2011 relative à la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires, NOR : JUSD1125511C.

([238]) Cette vulnérabilité peut-être due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ; elle doit être apparente ou connue de l’auteur de l’infraction.

([239]) Cette sujétion psychologique ou physique est définie comme « résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ».

([240]) Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([241]) Suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal.

([242]) Suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du code pénal.

([243]) Dans les conditions prévues par l’article 131-35 du même code.

([244]) Article 131-38 du même code.

([245]) Article 131-39 du même code.

([246]) Il peut s’agir d’une peine sans sursis supérieure ou égale à un an ou bien d’une peine privative de liberté supérieure ou égale à un an résultant de la révocation d’un sursis assorti ou non d’une probation.

([247]) Articles 56 à 59 du code de procédure pénale.

([248]) Article 60 du même code.

([249]) Articles 60-1 à 60-2 du même code.

([250]) Article 60-3 du même code.

([251]) Article 61 à 61-2 du même code.

([252]) Article 62 du même code.

([253]) Selon les modalités prévues par les articles 100,100-1 et 100-3 à 100-7 du même code, pour une durée maximale de deux mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, dans la limite de six mois en matière correctionnelle. Ces opérations sont faites sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention.

([254]) En application de l’article 132-2 du code pénal, il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction.

([255]) Section 4 du chapitre II du titre XXV.

([256]) Section 1 du même chapitre.

([257]) Section 2 du même chapitre.

([258]) Section 5 du même chapitre.

([259]) Section 6 du même chapitre.

([260]) Section 3 du même chapitre.

([261]) Article 223-15-2 du code pénal.

([262]) Le dernier alinéa de ce même article précise que d’autres fonctionnaires peuvent exercer certaines prérogatives de police judiciaire. C’est par exemple le cas des ingénieurs, chefs de districts et agents des Eaux et Forêts et des gardes champêtres, habilités à constater délits et contraventions portant atteinte aux propriétés forestières ou rurales, ainsi que des gardes particuliers assermentés pour la constatation des délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

([263]) L’article R.3 du code de procédure pénale précise la composition de cette commission, à laquelle siègent : 1° le procureur général près la Cour de cassation ou son délégué choisi par lui parmi les premiers avocats généraux et les avocats généraux près la Cour de cassation, qui la préside ; 2° cinq magistrats en activité ou honoraires ; 3° le directeur général de la police nationale ou son représentant ; 4° le directeur général de la gendarmerie nationale ou son représentant ; 5° le directeur, chef de l’inspection générale de la police nationale ou son représentant ; 6° le directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale ou son représentant ; 7° le chef de l’inspection générale de la gendarmerie nationale ou son représentant ; 8° le directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale ou son représentant.

([264]) Cette exigence ne s’applique pas aux maires et à leurs adjoints, aux directeurs et des sous-directeurs de la police judiciaire ainsi qu’aux directeurs et sous-directeurs de la gendarmerie nationale.

([265]) À une exception près s’agissant des infractions au code de la route et des délits d’homicide et de blessures involontaires liés à un accident de la circulation pour lesquels les gardiens de la paix ont la qualité d’OPJ uniquement dans leur circonscription.

([266]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-625 du 10 mars 2011, loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 59.

([267]) Article D. 13 du code de procédure pénale. Ainsi, les APJ ne peuvent par exemple pas décider d’un placement en garde à vue.

([268]) Ils peuvent ainsi exécuter les mesures de contrainte sur les témoins défaillants, les mandats d’amener, de dépôt et d’arrêt, ainsi que les ordonnances de prise de corps, les arrêts et les jugements de condamnation, et les mesures de contrainte judiciaire.

([269]) Ces infractions sont précisées à l’article R. 15-33-29-3 du code de procédure pénale. Il s’agit des infractions de : divagation d’animaux dangereux ; bruits ou tapages injurieux ; excitation d’animaux dangereux ; menaces de destruction, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune ; abandon d’ordures, déchets, matériaux et autres objets ; destructions, dégradations et détériorations légères, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune ; atteintes volontaires ou involontaires à animal et mauvais traitements à animal, lorsque ces infractions sont commises sur le territoire communal ou sur le territoire pour lesquels ces agents sont assermentés et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.

([270]) Placement en garde à vue, perquisitions, réquisitions.

([271]) Cet article rassemble toutes les composantes du droit à l’information des victimes, en particulier le droit d’obtenir réparation d’un préjudice, de se constituer partie civile, de bénéficier d’un interprète ou d’être accompagné par un représentant légal ou la personne majeure de leur choix.

([272]) Le projet de loi cible les réquisitions de personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, dans le cadre de la flagrance et de l’enquête préliminaire ; les réquisitions de personnes qualifiées pour réaliser des copies de données informatiques, dans le cadre de la flagrance et d’une commission rogatoire ; les réquisitions pour obtenir tout élément concernant des enregistrements issus de système de vidéoprotection, dans le cadre de la flagrance et de l’enquête préliminaire.

([273]) Le projet de loi renvoie à l’article 63-2 du code de procédure pénale, dont le premier alinéa dispose : « Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe ou l’un de ses frères et sœurs de la mesure dont elle est l’objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays. »

([274]) Le projet de loi vise les correspondances mentionnées à l’article 100-5 du code de procédure pénale et les données enregistrées captées par des dispositifs techniques mentionnés au troisième alinéa de l’article 706-95-18 du même code, lorsque ces éléments ont été « préalablement identifiés comme nécessaires à la manifestation de la vérité par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire. »

([275]) Pour une présentation plus globale des réquisitions et du cadre juridique dans lequel elles s’inscrivent, il est renvoyé au commentaire de l’article 13 du présent projet de loi.

([276]) Loi n° 71‑498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires.

([277]) À titre d’exemple, et ainsi que le prévoit l’article R. 107 du CPP, si l’estimation des honoraires dépasse 460 euros, l’expert désigné doit en informer préalablement la juridiction qui l’a commis.

([278]) Arrêté du 8 janvier 2021 listant les services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale et de la gendarmerie nationale pouvant être désignés comme expert.

([279]) Conseil constitutionnel, décision  2011625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, § 66.

([280]) Conseil constitutionnel, décision  2019778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, § 205 à 208.

([281]) Plus exactement, le dispositif prévoit l’absence de nécessité d’établir une réquisition.

([282]) Rapport annexé, alinéa 249.

([283]) Étude d’impact du présent projet de loi, pages 94 à 96.

([284]) Loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([285]) Voir ainsi la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil.

([286]) Décret n° 2010‑569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées.

([287]) Décret n° 87‑249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur.

([288]) Arrêté du 18 mai 2009 portant création d’un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules.

([289]) Cass., crim., 26 juin 2018,  1880.596.

([290]) Cass., crim., 19 février 2019,  1884.671, au Bulletin.

([291]) Conseil d’État, 1ère et 6e chambres réunies, 17 novembre 2017, B. c. Département du Rhône,  400976, aux Tables, point 3.

([292]) CAA Marseille, 27 octobre 2017, 16MA01919, point 10.

([293]) Conseil d’État, Assemblée générale, 10 mars 2022, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) et portant diverses dispositions en matière pénale et sur la sécurité intérieure, n° 404913, § 32, page 18.

([294]) Loi n° 95‑73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

([295]) Voir ainsi Conseil constitutionnel, décision  2011625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, § 59 ; Conseil constitutionnel, décision  2019778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, § 172‑173 ; Conseil constitutionnel, décision  2021817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, § 6.

([296]) Loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, article 2 (création d’un nouvel article 75‑3 du CPP).

([297]) Circulaire du 8 septembre 2016 relative aux mesures de simplification de la procédure pénale – présentation des dispositions du décret n° 2016‑1202 du 7 septembre 2016 portant simplification des dispositions du code de procédure pénale, NOR : JUSD1625322C, page 3.

([298]) Cass., crim., 17 décembre 2019,  1983.574, au Bulletin.

([299]) Loi n° 2020‑1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, article 26.

([300]) M. Philippe Bonnecarrère, Rapport sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, Sénat, session ordinaire de 2019-2020,  335, 19 février 2020, page 64.

([301]) Au a du 5° de l’article 11, modifiant le deuxième alinéa de l’article 706‑56 du CPP.

([302]) Loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, article 36.

([303]) L’application aux mineurs de la procédure de l’AFD serait de nature à méconnaître le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice pénale des mineurs, ainsi que le Conseil d’État l’a rappelé dans son avis sur la première version du projet de loi « LOPMI » (Conseil d’État, Assemblée générale, 10 mars 2022, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) et portant diverses dispositions en matière pénale et sur la sécurité intérieure, n° 404913, § 41, pages 21‑22).

([304]) Sénat, compte rendu intégral des débats, séance du 11 octobre 2018.

([305]) Ministère de la justice, 16 novembre 2018, Mise en œuvre de la forfaitisation des délits prévus aux articles L. 2212 et L. 3242 du code de la route, circulaire  CRIM/201813/H216.11.2018, page 5.

([306]) Ministère de la justice, 31 août 2020, Dépêche relative à la mise en œuvre de la forfaitisation du délit prévu à l’article L. 34211 du code de la santé publique (usage de stupéfiants). La MDMA (3,4‑méthylènedioxy‑N‑méthylamphétamine) est une molécule psychostimulante utilisée pour la fabrication de drogues (sous forme de pilules, il s’agit de l’ecstasy).

([307]) Peut ici être mentionnée l’expérimentation conduite en Guyane, dans le cadre de laquelle la détention de cocaïne jusqu’à 1,5 kg donne lieu à un classement, sous condition de ne pas paraître à l’aéroport de Cayenne pendant six mois.

([308]) Point rappelé par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer lors des débats au Sénat (Sénat, séance du 13 octobre 2022, compte rendu intégral des débats), mais aussi, par exemple, dans la dépêche précitée sur l’AFD en matière de stupéfiants, page 5.

([309]) Délai qui court à compter de la constatation de l’infraction ou, si l’avis d’infraction est envoyé après, à compter de cet envoi.

([310]) La dispense est notamment prévue si la personne envoie le récépissé du dépôt de plainte pour usurpation d’identité ou, en matière de conduite sans permis ou sans assurance, si est envoyée une photographie du permis ou de l’attestation, ou si le véhicule a été volé, détruit ou vendu.

([311]) Conseil constitutionnel, décision  2019778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, § 252.

([312]) Ibid.

([313]) Conseil constitutionnel, décision  2017752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, § 7.

([314]) Conseil constitutionnel, décision  2007554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, § 13.

([315]) Voir le commentaire de la décision n° 2019‑778 DC précitée, page 48.

([316]) Décision n° 2019‑778 DC précitée, § 258 à 265.

([317]) CEDH, 21 février 1984, Öztürk c. Allemagne,  8544/79, § 56.

([318]) Ici en matière contraventionnelle, mais la même obligation est prévue dans le cadre des AFD.

([319]) CEDH, 29 avril 2008, Alix Thomas c. France, décision sur la recevabilité de la requête  14279/05. Voir également, pour une conclusion similaire s’agissant d’une requérante qui alléguait une insuffisance de ressources, CEDH, 30 juin 2009, Florence Schneider c. France, décision sur la recevabilité de la requête  49852/06.

([320]) Loi n° 2018‑957 du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, article 4.

([321]) À l’exception des boissons ne comportant pas de traces d’alcool supérieures à 1,2 degré, ainsi que des boissons fermentées non distillées et des vins doux naturels (tels que le vin, la bière, le cidre ou encore le poiré).

([322]) Et anciennement prévu à l’article L. 126‑3 du code de la construction et de l’habitation.

([323]) C’est-à-dire le fait de se livrer à un transport routier avec une carte de conducteur non conforme ou appartenant à autrui, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule.

([324]) Loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, article 97.

([325]) Loi n° 2022‑52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, article 28.

([326]) En particulier les irrégularités sur l’identité ou la domiciliation de la personne.

([327]) Les références au présent article faites dans ce développement consacré à la présentation du dispositif proposé visent la version initiale de ce dernier déposé au Sénat – ces références sont caduques en raison de la réécriture de l’article par le Sénat (cf. infra, 3).

([328]) Conseil d’État, avis précité, § 38, page 20.

([329]) À la différence de l’AFD, toutefois, l’ordonnance pénale est prise par un juge – le président du tribunal judiciaire (article 495‑1 du CPP).

([330]) L’exclusion de la CRPC était également prévue en matière de délits dont la poursuite est prévue par des lois spéciales jusqu’à ce que la loi n° 2018‑898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude supprime cette exclusion, pour étendre cette procédure à la fraude fiscale.

([331]) Ainsi que le relève Sébastien Fucini dans son ouvrage La procédure pénale en cartes mentales, Ellipses, 2021, page 69.

([332]) Conseil d’État, avis précité, § 35 à 41, pages 19 à 22.

([333]) Id., § 38, page 21.

([334]) Les termes « permettant ensuite aux autorités en charge de la politique pénale de l’activer ou non pour chaque délit qui relève de cette catégorie » figurant dans l’étude d’impact (page 119) semblent se borner à rappeler le principe précédemment exposé, qui est celui du caractère facultatif de l’AFD en fonction des circonstances et de la politique pénale locale et nationale.

([335]) CNCDH, Généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle  Un recul des droits pour les justiciables, communiqué de presse, 3 octobre 2022.

([336]) Défenseur des droits, Avis du Défenseur des droits  2202, 3 octobre 2022. L’institution a également rendu un nouvel avis sur le projet de loi le 24 octobre 2022 (avis n° 22-06).

([337]) Et à 3 900 NATINF (« natures d’infractions »).

([338]) Le délit d’entrave à la circulation routière prévu à l’article L. 412‑1 du code de la route, bien que mentionné dans l’exposé sommaire de l’amendement adopté et dans le rapport, ne figure pas dans le dispositif adopté par la Commission.

([339]) La numérotation interne au présent article ayant, pour des raisons légistiques, substantiellement changé entre la commission et la séance, les références internes mentionnées ici sont, par souci de lisibilité, celles du texte issu de la séance.

([340]) Incluant la filouterie de boissons et aliments, d’hébergement à titre onéreux et de transport en taxi ou voiture de place.

([341]) Le dispositif de l’amendement gouvernemental adopté par le Sénat inverse les montants de droit commun et minoré, appelant une correction.

([342]) Là aussi, les montants de droit commun et minoré ont été inversés, appelant la même correction.

([343]) Ces coordinations résultent essentiellement de la modification apportée à l’article 322‑1 du code pénal portant sur les tags ; la correction d’erreur de référence concerne les dispositions relatives à la détention sans permis de certains chiens.

([344]) Amendements de coordination CL684, CL685 de votre rapporteur et amendements identiques CL688 de votre rapporteur et CL16 de Mme Pascale Bordes et des membres du groupe RN, corrigeant des erreurs matérielles.

([345]) Voir ainsi Cass., crim., 26 février 2002,  0183.545, au Bulletin.

([346]) Loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, article 10. Les peines encourues étaient auparavant de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

([347]) Le présent article réécrit totalement l’article 222‑17, mais il ne modifie en réalité qu’une partie du premier alinéa de ce dernier.

([348]) Marc‑Philippe Daubresse et Loïc Hervé, Rapport sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, Sénat, session ordinaire de 2022‑2023,  19, 5 octobre 2022, page 68.

([349])  Art. 1er et 15 à 18 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.

([350])   Instruction du ministre de l’Intérieur NOR INTE1513249J du 8 juin 2015 sur les responsabilités du préfet en cas de crise.

([351])  Étude d’impact jointe au projet de loi, page 122.

([352])  Art. 32 et 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.

([353])  Conseil constitutionnel, décision n° 2013-687 DC du 23 janvier 2014, Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, considérant n° 54, et Conseil d’État, 14 mai 1971, n° 77582, Sieur Fasquelle.

([354])  Article 12 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, créant un chapitre V dans le titre Ier du livre Ier du code de la sécurité intérieure.

([355]) « En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’État dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. Lorsque le représentant de l’État prend la direction des opérations de secours, il en informe les maires des communes dont le territoire est concerné par ces opérations. »

([356])  Étude d’impact jointe au projet de loi, page 123.

([357])  Conseil d’État, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes. Étude annuelle 2021.

([358])  Étude d’impact jointe au projet de loi, page 124.

([359])  Seraient exclues de son champ d’intervention les actions d’inspection de la législation du travail ainsi que les organismes ou missions à caractère juridictionnel, les organismes chargés d’une mission de contrôle des comptes et les services relevant du garde des Sceaux, ministre de la justice, visés à l’article 32 du décret du 29 avril 2004 précité.

([360])  Amendement COM-94 de MM. Loïc Hervé et Daubresse, rapporteurs.

([361])  En gendarmerie départementale, le parc de 28 197 véhicules en service se compose de 2 762 motos sérigraphiées, de 18 238 véhicules légers sérigraphiés et de 7 197 véhicules banalisés. Rien qu’en 2021, 3 716 véhicules ont été commandés pour les forces de gendarmerie dont 1 389 au titre du plan de relance sur le programme 362. Au total, en 2020-2021, le parc de véhicules de la gendarmerie aura bénéficié d’un effort inédit depuis plus de dix ans. Cet effort s’est poursuivi en 2022 : la prévision d’acquisition s’élève en effet à 3 592 véhicules, dont plus de 1 100 ont été commandés dès 2021 sur les crédits 2022 pour arriver au plus vite dans les unités.

([362])  La densification des pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG), déjà entamée sous la précédente législature, consiste à transformer des postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers. Pour mémoire, les PSIG font partie des unités spécialisées de la gendarmerie et, parmi les unités spécialisées, des unités d’intervention. Implantés dans les compagnies de gendarmerie départementale métropolitaines et ultramarines, les PSIG interviennent dans le champ de l’intervention élémentaire en appui des unités territoriales. La densification des PSIG, prévue entre 2022 et 2024, se concrétise par la transformation de 3 000 postes de gendarmes adjoints volontaires en autant de postes de sous-officiers. L’objectif est d’accroître la puissance capacitaire de ces unités.

([363]) Le rapporteur notait il y a un an que selon le bilan social des armées pour 2020, le nombre de jours d’activité d’ESR (engagement à servir dans la réserve) était de 33,1 dans l’armée de Terre, de 33,4 dans l’armée de l’Air et de 32,4 dans la marine contre 23,7 seulement dans la gendarmerie.

([364])  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale