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N° 453

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 novembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste,

 

 

Par M. Stéphane TRAVERT,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 874 (2021-2022), 23, 24 et T.A. 7 (2022-2023).

Assemblée nationale :  373.

 


  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

I. La Poste, une « société anonyme ayant le caractère d’un service public national » dans laquelle le dialogue social obéit À des règles spécifiques

A. des missions remplies par un personnel relevant de différents statuts

B. une représentation du personnel sui generis adaptée aux particularités de l’entreprise

II. l’objet de la proposition de loi : adapter l’organisation de la représentation du personnel de La Poste à la physionomie actuelle de l’entreprise

A. le nouveau paysage des instances représentatives du personnel dans les entreprises privées...

B. ... source d’inspiration pour La Poste

Commentaire des articles

Article 1er Prorogation des mandats des représentants du personnel de La Poste

Article 2 Installation de comités sociaux et économiques à La Poste

Article 3 Dispositions transitoires visant à préparer l’organisation des élections professionnelles et l’installation des comités sociaux et économiques à La Poste

Travaux de la commission

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

Annexe 2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


  1  —

 

   avant-propos

 

 

La Poste accompagne notre quotidien depuis toujours. Elle est riche d’une longue histoire. Messagère de nouvelles heureuses, de grandes histoires épistolaires, d’informations de toute nature... Chacun a un souvenir particulier de sa relation avec son facteur, sa factrice, son bureau de poste.

Élément essentiel de notre patrimoine, La Poste est une entreprise de service public et de proximité à laquelle les Françaises et les Français sont attachés. Elle est également reconnue pour la richesse de son dialogue social, sans équivalent au sein de structures de ce type.

On ne peut parler de La Poste sans évoquer son aventure aérienne. On retiendra le nom de Mermoz, qui a traversé l’Atlantique Sud en 1930, celui de Saint‑Exupéry, tous ces pionniers de l’Aéropostale qui ont laissé leur vie afin d’acheminer le courrier coûte que coûte.

La Poste n’a cessé d’adapter ses structures pour communiquer également sur les symboles de la République : Marianne, notre emblème national, et le Drapeau tricolore.

Aujourd’hui, La Poste doit répondre aux défis contemporains : la diminution du courrier au profit du numérique, la transition énergétique, la logistique urbaine, le commerce électronique, la modernisation de l’action publique.

Le législateur doit accompagner ces évolutions et adapter le cadre juridique de la représentation du personnel de l’entreprise aux défis de notre temps. C’est l’un des objectifs poursuivis par la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au profit des comités sociaux et économiques (CSE).

Ainsi, nous ferons œuvre utile pour permettre le dialogue social au service des missions de service public et pour des femmes et des hommes qui contribuent au quotidien à écrire l’histoire de cette institution.

 

 


  1  —

I.   La Poste, une « société anonyme ayant le caractère d’un service public national » dans laquelle le dialogue social obéit À des règles spécifiques

La loi du 2 juillet 1990 ([1]) a réformé en profondeur l’administration des postes et des télécommunications de notre pays et créé deux personnes morales de droit public distinctes, La Poste et France Télécom. Vingt ans plus tard, la loi du 9 février 2010 ([2]) a transformé La Poste, dont les activités s’étaient entretemps diversifiées, en une société anonyme à capitaux publics détenus par l’État et la Caisse des dépôts et consignations ([3]).

A.   des missions remplies par un personnel relevant de différents statuts

● « [S]ociété anonyme ayant le caractère d’un service public national », en vertu de l’article 1-2 de la loi du 2 juillet 1990, La Poste remplit quatre grandes missions de service public et d’intérêt général, énumérées au I de l’article 2 de cette loi :

– le service universel postal ([4]) ;

– la contribution à l’aménagement et au développement du territoire ([5]) ;

– le transport et la distribution de la presse ([6]) ;

– l’accessibilité bancaire ([7]).

● Son personnel relève d’une pluralité de statuts, fruit des évolutions qu’a connues l’entreprise depuis le début des années 1990 : fonctionnaires régis par des statuts particuliers ([8]), qui représentent un peu plus de 30 % des effectifs, agents contractuels de droit public et surtout salariés de droit privé ([9]), qui représentent un peu moins de 70 % de ces mêmes effectifs.

Si, à l’origine, le recrutement de salariés n’était autorisé que « lorsque les exigences particulières de l’organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifi[ai]ent », tel n’est désormais plus le cas, la loi reconnaissant à La Poste le droit d’employer « des agents contractuels sous le régime des conventions collectives » ([10]).

En 2022, la maison-mère compte dans ses rangs 170 000 collaborateurs, toutes catégories confondues.

Effectifs de La Poste
(août 2022)

Statut

Effectif

Fonctionnaires

53 265

Salariés titulaires de contrats de travail à durée indéterminée (CDI)

110 458

Salariés titulaires de contrats de travail à durée déterminée (CDD)

3 632

Alternants/apprentis

3 694

Total

170 049

Note : 48 agents contractuels de droit public sont encore en fonction au 1er novembre 2022.

Source : Groupe La Poste.

B.   une représentation du personnel sui generis adaptée aux particularités de l’entreprise

La Poste est dotée d’instances représentatives du personnel (IRP) adaptées à ses spécificités, héritage, là encore, de son histoire.

L’article 31 de la loi du 2 juillet 1990 renvoie à décret en Conseil d’État le soin, d’une part, de déterminer « les conditions dans lesquelles [ses agents] sont représentés dans des instances de concertation chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle » et, d’autre part, de préciser « les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée ».

Sur le modèle du schéma retenu dans la fonction publique, l’entreprise dispose :

– de comités techniques, national et locaux (CTN et CTL), compétents pour connaître des questions touchant à la représentation collective du personnel ([11]) ;

Les attributions du comité technique national et des comités techniques locaux

(articles 28 et 29 du décret n° 2011-1063 du 7 septembre 2011
relatif aux comités techniques de La Poste)

Le comité technique national est consulté sur les questions et projets de textes relatifs :

1° À l’organisation et au fonctionnement des services ;

2° À la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ;

3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire ;

4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail et à leur incidence sur les personnels ;

5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ;

6° À la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ;

7° À l’insertion professionnelle ;

8° À l’égalité professionnelle, à la parité et à la lutte contre toutes les discriminations.

Les comités techniques locaux sont consultés sur les questions et projets de textes relatifs aux matières mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 6°, 7° et 8° ci‑dessus.

– de commissions administratives paritaires (CAP), compétentes pour connaître des questions touchant à la situation individuelle des fonctionnaires ([12]) ;

– de commissions consultatives paritaires (CCP), compétentes pour connaître des questions touchant à la situation individuelle des agents contractuels ([13]).

Par ailleurs, La Poste comprend, en application de l’article 31-2 de la même loi, une commission d’échanges sur la stratégie, chargée d’informer les organisations syndicales des perspectives d’évolution la concernant et de recueillir leurs analyses sur les orientations stratégiques du groupe, ainsi qu’une commission de dialogue social, qui permet d’assurer une concertation avec les organisations syndicales sur les projets d’organisation de portée nationale ou sur des questions d’actualité, et de les informer. La première ne se réunit toutefois plus depuis qu’un nouveau comité, baptisé « comité de dialogue social stratégique groupe », créé par accord du 21 juin 2017, assume les fonctions qui lui étaient dévolues ([14]).

Au demeurant, un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas) définit la politique et assure la gestion et le contrôle des activités de cette nature relevant de la société ([15]).

Enfin, La Poste héberge, sur le fondement de l’article 31-3 de ladite loi, des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) semblables, à quelques points près, à ceux qui existaient dans les entreprises du secteur privé avant la réforme de 2017 ([16]). Plus généralement, le même article rend applicables à l’ensemble de son personnel, sous certaines réserves, les dispositions du code du travail relatives à la santé et à la sécurité au travail ([17]).

Alors que l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ([18]) avait posé le principe de la disparition des CHSCT au profit des comités sociaux et économiques (CSE), la loi du 6 août 2019 ([19]) a prévu que les CHSCT de La Poste, au sein desquels les mandats des membres couraient depuis le 1er février 2019, resteraient en place jusqu’au « prochain renouvellement des instances », au mois de janvier 2023.

Les instances reprÉsentatives du personnel À La Poste
(août 2022)

Comité technique national (CTN)

Comités techniques locaux (CTL)

Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

Commissions administratives paritaires (CAP) nationales

Commissions administratives paritaires (CAP) locales

Commissions consultatives paritaires (CCP) nationales

Commissions consultatives paritaires (CCP) locales

1

145

632

5

407

4

317

Source : Groupe La Poste.

II.   l’objet de la proposition de loi : adapter l’organisation de la représentation du personnel de La Poste à la physionomie actuelle de l’entreprise

La transformation du paysage des IRP dans les entreprises privées est intervenue dans le contexte d’un processus électoral à La Poste. C’est pour cela, et pas par désir d’échapper à la réforme, que l’entreprise a conservé son modèle de représentation du personnel jusqu’à aujourd’hui. Mais à l’heure où les salariés comptent pour plus des deux tiers de ses effectifs, il n’y a plus lieu que ce modèle perdure.

A.   le nouveau paysage des instances représentatives du personnel dans les entreprises privées...

L’ordonnance du 22 septembre 2017 précitée a organisé le regroupement du comité d’entreprise (CE), des délégués du personnel (DP) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans une nouvelle instance de représentation du personnel, le comité social et économique (CSE).

Aux termes de la loi, celui-ci doit être institué dans les entreprises qui comptent au moins onze salariés ([20]) ainsi que dans les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et les établissements publics à caractère administratif (EPA) lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ([21]).

Le CSE comprend l’employeur et une délégation du personnel dont les membres ([22]), répartis à parts égales entre titulaires et suppléants, sont élus par les salariés ([23]) pour une durée de quatre ans ([24]). Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au CSE ([25]) tandis que dans les entreprises de 300 salariés et plus, chaque organisation syndicale représentative peut désigner un représentant syndical au comité, qui assiste aux séances avec voix consultative ([26]).

Le CSE exerce, en substance, les prérogatives des trois instances auxquelles il s’est substitué mais ses attributions « montent en charge » ([27]) lorsque les effectifs excèdent un seuil déterminé.

● Dans les entreprises qui comptent 11 à 49 salariés ([28]), la délégation du personnel est chargée de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise. Elle contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Elle dispose d’un droit d’alerte, notamment en cas d’atteinte au droit des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ou proportionnée au but recherché ([29]). Elle peut saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont cette dernière est chargée d’assurer le contrôle.

● Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le CSE a pour mission, outre ce qui vient d’être décrit, d’assurer l’expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions portant sur la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, l’organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production ([30]).

Il est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, de manière plus précise, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, les conditions d’emploi, de travail, la formation professionnelle ou encore l’introduction de nouvelles technologies ou tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ([31]). Il est obligatoirement consulté sur trois grands sujets : les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière, sa politique sociale ([32]).

Indépendamment de la taille de l’entreprise, le CSE doit être consulté sur les projets de licenciement collectif pour motif économique ([33]) ou les possibilités de reclassement d’un salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident ([34]).

Du reste, il possède une compétence dans le domaine de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, qui se décline sous trois angles ([35]) :

– procéder à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs et des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ([36]) ;

– contribuer notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et l’aménagement des postes de travail afin d’encourager l’accès et le maintien des personnes handicapées dans l’emploi ;

– susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes ([37]).

Dans les entreprises et les établissements distincts d’au moins 300 salariés, de même que dans les établissements qui présentent des risques particuliers au regard de leur activité (ceux qui comprennent une installation nucléaire de base par exemple), une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est mise en place aux fins de remplir ces missions ([38]).

Le CSE exerce ses attributions générales suivant des modalités proches de celles qui existaient à l’époque du comité d’entreprise. Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires ([39]). Il procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ([40]).

Au-delà, le CSE assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement ([41]). En outre, il assure ou contrôle la gestion des activités physiques ou sportives et peut décider de participer à leur financement ([42]).

On précisera, pour conclure, que, dans les sociétés, deux membres de la délégation du personnel du CSE assistent avec voix consultative à toutes les séances du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas ([43]), alors que dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions dans lesquelles le conseil d’administration ou de surveillance comprend au moins un administrateur ou un membre élu ou désigné par les salariés, un membre titulaire du comité le représente auprès de ces conseils ([44]).

B.   ... source d’inspiration pour La Poste

La présente proposition de loi a pour objet de rapprocher La Poste du droit commun des relations collectives de travail tout en ouvrant la voie aux adaptations justifiées par les spécificités d’une société anonyme où coexistent salariés et fonctionnaires.

Tel est l’objet de l’article 2, qui y rend applicables, à compter de la proclamation des résultats des élections aux futurs CSE, et au plus tard au 31 octobre 2024, les prescriptions du code du travail relatives à la représentativité syndicale, à la négociation collective et aux IRP.

Avant cela, et à titre transitoire, l’entreprise et les organisations syndicales pourront déjà, en vertu de l’article 3, se fonder sur un certain nombre de dispositions du même code pour préparer la tenue des élections et l’installation des comités.

Enfin, pour éviter toute situation dans laquelle les instances actuelles se trouveraient dans l’incapacité d’agir faute de base légale, l’article 1er proroge, jusqu’à l’échéance mentionnée plus haut, les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques, qui courent en principe jusqu’au 31 janvier 2023.

 

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Prorogation des mandats des représentants du personnel de La Poste

L’article 1er pose le principe de la prorogation des mandats des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des comités techniques (CT) du personnel de La Poste jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques (CSE), et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024.

1.   Le droit en vigueur

L’article 31-3 de la loi du 2 juillet 1990 ([45]), dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2019 ([46]), prévoit que les dispositions du code du travail relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ([47]), s’appliquent à La Poste « jusqu’au prochain renouvellement des instances ».

Il en résulte que l’entreprise ne pourra théoriquement plus disposer de CHSCT une fois les mandats des élus parvenus à leur terme, le 31 janvier 2023 ([48]).

À cette date, La Poste ne sera toutefois pas soumise aux règles du code du travail touchant aux comités sociaux et économiques (CSE), successeurs des CHSCT, puisque l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction actuelle, exclut expressément qu’elles lui soient applicables.

L’intervention du législateur est donc nécessaire pour prévenir toute situation de vide juridique dans laquelle les IRP se trouveraient dans l’incapacité d’agir faute de base légale.

Tel est l’objet de l’article 1er.

2.   Le droit proposé

● Le I proroge les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques du personnel de La Poste en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi qui résultera de la présente proposition de loi jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux CSE à La Poste, et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024, plutôt que jusqu’au 31 juillet 2024 comme le prévoyait le texte initial, de sorte que la transition entre l’organisation contemporaine et l’organisation future soit assurée.

● Par cohérence, le II modifie le second alinéa de l’article 31-3 de la loi du 2 juillet 1990 pour prévoir que les dispositions relatives aux CHSCT continueront de produire des effets dans l’entreprise non plus « jusqu’au prochain renouvellement des instances » mais « jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste », et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024.

*

La transposition à La Poste du cadre juridique du dialogue social propre au secteur privé paraît justifiée à l’heure où les salariés comptent pour plus des deux tiers des effectifs. Elle est d’autant plus compréhensible que les filiales du groupe (La Banque postale, La Poste Immobilier, Mediapost, etc.), qui emploient exclusivement des salariés, relèvent du code du travail et sont dotées de CSE.

Il n’en reste pas moins que le nouveau système devra tenir compte des spécificités d’une entreprise qui exerce un grand nombre d’activités sur tout le territoire et qui emploie encore près d’un tiers de fonctionnaires.

Le rapporteur sait que la concertation a d’ores et déjà débuté et qu’un accord de méthode portant sur le projet de mise en place des nouvelles IRP a recueilli la signature de la majorité des organisations syndicales ([49]). Il forme le vœu que les discussions se poursuivent dans le respect des orientations que le législateur aura définies et qu’elles permettent d’aboutir à des solutions garantissant une représentation du personnel à la hauteur des attentes et des enjeux.

Aussi, il est indispensable que la direction et les syndicats disposent d’un temps suffisant pour préparer la transformation à venir, dont l’ampleur ne peut être sous-estimée. Le report de trois mois de la date butoir pour les élections aux CSE, décidé par le Sénat, est, à cet égard, une bonne chose.

*

*     *

Article 2
Installation de comités sociaux et économiques à La Poste

L’article 2 assujettit La Poste, à compter de la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques (CSE), et du 31 octobre 2024 au plus tard, à l’application des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel, sous réserve des adaptations justifiées par la présence dans l’entreprise de fonctionnaires et de salariés.

1.   Le droit en vigueur

À ce jour, le droit syndical de la fonction publique s’applique par principe à tous les personnels de La Poste ([50]).

Aux termes de l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990, l’emploi d’agents soumis au régime des conventions collectives n’a pas pour effet d’y rendre applicables les dispositions du code du travail relatives aux délégués syndicaux. Du reste, en vertu de l’article 31-2 de cette loi, la validité des accords collectifs conclus dans l’entreprise est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 30 % des suffrages exprimés et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales représentant au total une majorité des suffrages exprimés, étant observé que la loi réserve le droit de participer à la négociation aux organisations disposant d’au moins un siège dans les comités techniques « qui sont déterminés en fonction de l’objet et du niveau de la négociation ».

Ces dispositions diffèrent sensiblement de celles qui prévalent dans les entreprises relevant du code du travail, où la représentativité d’une organisation syndicale suppose qu’elle ait recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au CSE ([51]) et où le principe de l’accord majoritaire règne désormais ([52]).

Conseil d’État, 2e et 7e sous-sections réunies, 15 mai 2009, 299205 (extraits)

« Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu’à l’article 29-1. ; qu’aux termes de l’article 31 de la même loi : L’emploi des agents soumis au régime des conventions collectives n’a pas pour effet de rendre applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise, ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux. / Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. Il précise, en outre, en tenant compte de l’objectif d’harmoniser au sein de La Poste les institutions représentatives du personnel, les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée, et établit les règles de protection, au moins équivalentes à celles prévues par le code du travail pour les délégués du personnel, dont bénéficient leurs représentants. ; qu’il résulte de ces textes que le code du travail n’est pas applicable à la représentation collective et individuelle du personnel de La Poste ; qu’ainsi, en l’absence de dispositions législatives spéciales contraires, le code du travail, et notamment son article L. 412-4 dans sa version alors en vigueur, désormais repris aux articles L. 2122-1, L. 2141-9 et L. 2141-12 du même code, réservant l’exercice des droits syndicaux aux seuls syndicats représentatifs dans l’entreprise, ne s’applique pas à l’exercice du droit syndical à La Poste qui reste régi par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; »

2.   Le droit proposé

Le présent article a pour objet de rapprocher le cadre juridique de la négociation collective à La Poste du cadre de droit commun.

● À cette fin, le I effectue un certain nombre de modifications dans la loi du 2 juillet 1990.

Le procède à une coordination à l’article 29.

Le , quant à lui, réécrit intégralement l’article 31.

En premier lieu, celui-ci rend applicables à l’ensemble du personnel de La Poste les dispositions des livres Ier (relatif aux syndicats professionnels) ([53]), II (relatif à la négociation collective) ([54]) et III (relatif aux institutions représentatives du personnel) ([55]) de la deuxième partie du code du travail tout en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin d’apporter les précisions nécessaires et de prévoir les adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires.

Dans le détail, et sans être exhaustif, il s’agit :

– des règles relatives à la représentativité syndicale (articles L. 2121-1 à L. 2122-13) ;

– des règles portant sur le statut juridique, les ressources et les moyens des syndicats (articles L. 2131-1 à L. 2136-2) ;

– des règles régissant l’exercice du droit syndical (articles L. 2141-1 à L. 2146-2), en particulier celles touchant aux sections syndicales, aux délégués syndicaux et aux garanties encadrant les congés et la formation économique, sociale, environnementale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales ([56]) ;

– des règles liées à l’objet et au contenu des conventions et accords collectifs de travail (articles L. 2221-1 à L. 2222-6), aux conditions de leur négociation et de leur conclusion (articles L. 2231-1 à L. 2234-7), à leur articulation (articles L. 2251‑1 à L. 2254-2) et à leur application (articles L. 2261-1 à L. 2263‑1) ;

– des règles concernant les domaines et la périodicité de la négociation obligatoire (articles L. 2241-1 à L. 2243-2) ;

– des prescriptions relatives aux IRP et, notamment, au CSE (articles L. 2311-1 à L. 2317-2).

Ces évolutions auront pour conséquences, entre autres, de soumettre la représentativité des organisations syndicales à un critère plus exigeant que celui qui existe à ce jour à La Poste (10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au CSE plutôt qu’un siège au moins dans les comités techniques) et d’y instaurer le principe de l’accord majoritaire (pour être valide, un accord devra être signé par l’employeur et les organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au CSE en faveur d’organisations syndicales représentatives, contre 30 % actuellement).

En deuxième lieu, l’article 31, dans sa rédaction à venir, étend aux salariés élus au sein d’une IRP propre à La Poste le bénéfice des dispositions relatives aux salariés protégés inscrites au livre IV de la deuxième partie du code du travail ([57]).

En troisième lieu, il précise que le corps électoral pour la désignation des représentants du personnel aux CSE inclura à la fois les fonctionnaires, les agents contractuels de droit public et les salariés et que la représentativité des organisations syndicales s’appréciera au regard de la totalité des suffrages exprimés au premier tour des élections par l’ensemble des électeurs composant les collèges électoraux.

En quatrième lieu, il institue un organisme représentant les fonctionnaires de La Poste – dont la composition et le fonctionnement seront précisés par décret en Conseil d’État – appelé à être consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts, sur le modèle de celui institué à France Télécom, devenu Orange ([58]).

En cinquième et dernier lieu, il prévoit que le dispositif encadrant les conditions dans lesquelles les organisations syndicales peuvent présenter leur candidature aux élections professionnelles dans la fonction publique ([59]) s’appliquera à l’élection des commissions administratives paritaires (CAP), conservées au même titre que les commissions consultatives partiaires (CCP), et à la désignation des membres siégeant dans l’organisme évoqué ci-dessus.

Les et du I modifient plusieurs articles de la loi du 2 juillet 1990 pour tenir compte de la transformation du cadre juridique du dialogue social à La Poste. Le premier abroge les articles 31-2 et 33-1, qui traitent, schématiquement, des IRP et des modalités de la négociation collective. Le second supprime le second alinéa de l’article 31-3, fondement légal du maintien en place des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux CSE à La Poste, et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024, en application du II de l’article 1er du texte ([60]).

En définitive, disparaîtront, à la faveur de la mise en œuvre de la réforme, le comité technique national (CTN) et les comités techniques locaux (CTL), les CHSCT, la commission d’échanges sur la stratégie, la commission de dialogue social et le conseil d’orientation et de gestion des activités sociales, les prérogatives de ces différentes structures ayant vocation à revenir aux CSE.

● Le III de l’article 2 indique que, sous réserve de l’article 3 de la proposition de loi, les dispositions du I entreront en vigueur à compter de la proclamation des résultats des élections aux CSE à La Poste, et au plus tard le 31 octobre 2024, en cohérence avec le choix fait à l’article 1er du texte.

● Le II de l’article 2 apporte la précision bienvenue selon laquelle les accords et usages relatifs au droit syndical ou au dialogue social applicables dans l’entreprise cesseront de produire leurs effets à compter de la proclamation desdits résultats, et au plus tard à la même date.

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Le rapporteur est favorable aux évolutions portées par cet article alors que les IRP de La Poste n’ont plus d’équivalent dans le droit commun depuis la suppression des CHSCT et la disparition très prochaine des comités techniques dans la fonction publique ([61]).

Néanmoins, à l’instar de son homologue au Sénat, il lui semble utile d’insister sur le fait que le maillage territorial des futures IRP devra permettre de répondre au besoin de proximité entre les personnels et leurs représentants. Pour des raisons faciles à comprendre, eu égard aux spécificités de l’entreprise, et parfaitement légitimes au demeurant, les organisations syndicales y attachent une grande importance. Du reste, il est évident que la question revêt une sensibilité particulière alors que le nombre d’IRP et, partant, le nombre d’élus sont appelés à diminuer.

La Poste doit prendre la mesure des enjeux qui s’élèvent en la matière. Le fait qu’elle envisage la création de près de 900 représentants de proximité ([62]) est un pas dans la bonne direction. De même, le fait qu’elle admette la nécessité de l’installation d’un CSE dans chacun des départements ultramarins et en Corse, où le risque d’éloignement des IRP suscite des inquiétudes compréhensibles chez les agents, doit être de nature à rassurer les syndicats.

Il est normal que les points de vues des parties divergent mais il est bon que les positions ne soient pas figées. Le rapporteur a le sentiment que tel est le cas et il y voit un motif d’espoir pour la suite tant l’élaboration d’un système qui satisfasse le besoin de proximité évoqué plus haut tout en maintenant le nombre d’instances à un niveau raisonnable suppose la tenue d’un dialogue ouvert et honnête.

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Article 3
Dispositions transitoires visant à préparer l’organisation des élections professionnelles et l’installation des comités
sociaux et économiques à La Poste

L’article 3 rend applicables à La Poste, à titre transitoire et à compter du lendemain de la publication de la loi, un ensemble de dispositions du code du travail aux fins que l’entreprise et les organisations syndicales puissent préparer la tenue des élections professionnelles et l’installation des comités sociaux et économiques (CSE).

Le présent article a pour objet de rendre applicables à La Poste, à titre transitoire et à compter du lendemain de la publication de la loi, un ensemble de dispositions du code du travail afin que l’entreprise et les organisations syndicales puissent préparer la tenue des élections professionnelles et l’installation des comités sociaux et économiques (CSE).

● Le I autorise La Poste et les syndicats qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, qui sont légalement constitués depuis deux ans au moins et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concernés à négocier un certain nombre d’accords consacrés à l’organisation desdites élections, à savoir :

– un protocole d’accord préélectoral (articles L. 2314-6 et L. 2314-7) ;

– un accord tendant à modifier le nombre et la composition des collèges électoraux (article L. 2314-12) ;

– un accord portant sur la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux (article L. 2314-13) ;

– un accord visant à faciliter, en tant que de besoin, la représentation des salariés qui travaillent en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés (article L. 2314-15) ;

– un accord visant à prévoir un dispositif dérogatoire à celui en vertu duquel l’élection a lieu pendant le temps de travail (article L. 2314-27) ;

– un accord relatif aux modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales (article L. 2314-28) ;

– un accord fixant la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges au sein du CSE central (article L. 2316-8).

Seront invités à participer aux négociations les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les comités techniques d’une part et les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, de même que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel d’autre part ([63]).

La validité de l’accord tendant à modifier le nombre et la composition des collèges électoraux (article L. 2314-12) et de l’accord visant à prévoir un dispositif dérogatoire à celui en vertu duquel l’élection a lieu pendant le temps de travail (article L. 2314-27) sera subordonnée à leur signature par l’ensemble des organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national (CTN).

En revanche, la validité des autres accords énumérés plus haut sera subordonnée à leur signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à leur négociation, dont les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au CTN et ayant recueilli, aux dernières élections de ce comité, plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de ces organisations.

Seront donc applicables les règles de seuil définies par le code du travail et non pas celles qui prévalent à ce jour à La Poste.

● Le II autorise l’entreprise et les organisations syndicales à négocier des accords ayant vocation à préparer l’installation des CSE.

En premier lieu, seront applicables à La Poste les dispositions qui relèvent de l’exercice du droit syndical, soit :

– la possibilité de conclure un accord déterminant les conditions de mise à disposition des salariés auprès d’organisations syndicales ou d’associations d’employeurs (article L. 2135-8) ;

– la possibilité de constituer une section syndicale (article L. 2142-1) ;

– l’interdiction faite à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions et la possibilité de conclure un accord sur les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives (article L. 2141-5) ;

– les garanties touchant à l’évolution de la rémunération des représentants syndicaux (article L. 2141-5-1) ;

– la possibilité de conclure un accord définissant :

En deuxième lieu, seront applicables les dispositions qui intéressent le fonctionnement et les attributions du CSE, soit :

– la possibilité de conclure un accord arrêtant le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation dans l’entreprise (articles L. 2242-10 à L. 2242-12) ;

– les prescriptions relatives à l’organisation des élections des membres du CSE (articles L. 2314‑4, L. 2314-11 à L. 2314-15, L. 2314-17 à L. 2314-19, L. 2314-23 et L. 2314-25 à L. 2314-32) ;

– les prescriptions encadrant la mise en place du CSE et des représentants de proximité (articles L. 2313-1 à L. 2313-7), sa composition (article L. 2314-1) et la durée des mandats des membres de la délégation du personnel (articles L. 2314‑33 et L. 2314-34) ;

– la possibilité de conclure un accord définissant le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du CSE, le nombre de ses réunions annuelles ou les délais dans lesquels ses avis sont rendus (article L. 2312‑19), un accord définissant le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes (article L. 2315-79) ainsi qu’un accord définissant le contenu des consultations et informations ponctuelles du comité (article L. 2312-55) ;

– la possibilité de conclure un accord autorisant le recours à la visioconférence pour réunir le CSE (article L. 2315-4) ;

– la possibilité de conclure un accord ayant trait à l’organisation, à l’architecture, au contenu et aux modalités de fonctionnement de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDSE) (article L. 2312-21) ;

– la possibilité de conclure un accord fixant le montant de la contribution de l’employeur au financement des institutions sociales du CSE (article L. 2312-81) et au financement des activités sociales et culturelles (article L. 2312-82) ;

– les prescriptions régissant les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) (articles L. 2315-39, L. 2315-41 et L. 2315-43) ;

– la possibilité de conclure un accord prévoyant la création de commissions supplémentaires pour l’examen de problèmes particuliers (article L. 2315-45) ;

– la possibilité de conclure un accord arrêtant la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges au sein du CSE central (article L. 2316-8) ;

– la possibilité de conclure un accord fixant la durée du mandat des représentants du personnel au CSE central entre deux et quatre ans (article L. 2316‑11) ;

– la possibilité de conclure un accord définissant l’articulation des compétences respectives du CSE central et des CSE d’établissement dans le domaine de la gestion des activités sociales et culturelles (article L. 2316-23).

Pourront négocier les accords prévus par les articles énumérés au II les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au CTN. Leur validité sera subordonnée à leur signature, d’une part, par La Poste ou son représentant et, d’autre part, par une ou plusieurs organisations syndicales disposant d’au moins un siège au CTN et ayant recueilli, aux dernières élections de ce comité, plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de ces organisations.

● Le III énonce la règle selon laquelle bénéficieront de la protection en cas de rupture ou de transfert du contrat de travail prévue au livre IV de la deuxième partie du code du travail :

– les salariés demandeurs d’organisation des élections et candidats aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du CSE, étant observé qu’il appartiendra à la commission consultative paritaire (CCP) compétente de rendre un avis sur la rupture ou le transfert du contrat de travail jusqu’à la mise en place des CSE dans l’entreprise ;

– les salariés anciens représentants du personnel élus au sein d’une instance de représentation du personnel (IRP) propre à La Poste, pendant les six premiers mois à compter de l’expiration de leur mandat, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

● Le IV pose le principe du transfert de plein droit et en pleine propriété aux CSE des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de La Poste, lesquels sont dotés de la personnalité morale, à compter de la proclamation des résultats des élections aux mêmes CSE, et au plus tard du 31 octobre 2024.

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  1  —

   Travaux de la commission

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 9 novembre 2022, la commission examine la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste (n° 373) (M. Stéphane Travert, rapporteur). ([64])

 

M. Stéphane Travert, rapporteur. Voilà plus de trente ans, avec la loi du 2 juillet 1990, le législateur réformait en profondeur l’administration des postes et des télécommunications et créait deux personnes morales de droit public distinctes, La Poste et France Télécom. Deux décennies plus tard, la loi du 9 février 2010 transformait La Poste, dont les activités s’étaient entre-temps diversifiées à mesure que diminuait la place occupée par la distribution du courrier, en une société anonyme à capitaux publics ayant le caractère d’un service public national. À ce titre, La Poste remplit quatre missions d’intérêt général : le service universel postal, une contribution à l’aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l’accessibilité bancaire. Son personnel relève d’une pluralité de statuts, fruit des évolutions qu’a connues l’entreprise depuis le début des années 1990 : fonctionnaires régis par des statuts particuliers, représentant un peu plus de 30 % des 170 000 collaborateurs que compte la maison-mère, agents contractuels de droit public et, surtout, salariés, qui représentent un peu moins de 70 % des effectifs.

L’histoire de La Poste explique qu’elle se caractérise par un régime original de représentation du personnel et qu’elle soit encore dotée d’instances inspirées de celles qui existent dans la fonction publique : 145 comités techniques locaux (CTL), qui connaissent des questions de représentation collective du personnel ; 407 commissions administratives paritaires (CAP), qui connaissent des questions touchant à la situation individuelle des fonctionnaires ; 317 commissions consultatives paritaires (CCP), qui connaissent des questions touchant à la situation individuelle des agents contractuels et 632 comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), semblables, à quelques réserves près, à ceux qui étaient installés dans les entreprises privées avant la réforme de 2017. En outre, un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas) définit la politique et assure la gestion et le contrôle des activités de cette nature relevant de la société.

Enfin, La Poste comprend une commission d’échanges sur la stratégie, chargée d’informer les organisations syndicales des perspectives d’évolution la concernant et de recueillir leurs analyses sur les orientations stratégiques du groupe, ainsi qu’une commission de dialogue social, qui permet d’assurer une concertation avec les mêmes organisations syndicales sur les projets d’organisation de portée nationale ou sur des questions d’actualité, et de les informer. La première ne se réunit toutefois plus depuis qu’un nouveau comité de dialogue social stratégique groupe, créé par accord du 21 juin 2017, assume les fonctions qui lui étaient dévolues. Du reste, c’est le droit syndical de la fonction publique qui s’applique par principe à tous les personnels de La Poste.

J’en viens aux raisons qui justifient que le Parlement examine la présente proposition de loi. Les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques arrivent à leur terme le 31 janvier 2023, c’est-à-dire dans moins de trois mois. Or, la loi rend applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT jusqu’au prochain renouvellement des instances uniquement et, en l’état actuel des choses, prohibe que les prescriptions touchant aux comités sociaux et économiques (CSE), puissent y produire des effets. Ainsi, sans intervention du législateur, ces instances seront à très court terme dépourvues de base légale pour remplir leurs missions, ce qui ne saurait être envisagé. Les sénateurs ont donc pris l’initiative de déposer le texte que la commission des affaires sociales examine aujourd’hui.

L’article 1er, tout d’abord, proroge les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques de La Poste jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux CSE qui vont être mis en place, et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024, au lieu du 31 juillet 2024 comme le prévoyait l’article dans sa rédaction initiale.

L’article 2 assujettit La Poste, à compter de la même échéance, à l’application des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel (IRP), sous réserve des adaptations justifiées par la présence de fonctionnaires dans l’entreprise. Disparaîtront donc, à la faveur de la réforme, le comité technique national, les CTL, les CHSCT, la commission d’échanges sur la stratégie, la commission de dialogue social et le Cogas, les prérogatives de ces différentes structures ayant vocation à revenir au CSE central et aux CSE d’établissement. Seront conservées, en revanche, les CAP et les CCP.

Enfin, l’article 3 permet à La Poste, à titre transitoire, de s’appuyer sur un ensemble de dispositions du code du travail aux fins de conclure des accords portant sur l’organisation des élections et la détermination du fonctionnement et des attributions des futurs CSE.

La transformation du cadre juridique du dialogue social à La Poste paraît justifiée, à l’heure où ses IRP n’ont plus d’équivalent dans le droit commun du fait de la suppression des CHSCT et de la disparition très prochaine des comités techniques dans la fonction publique, et où les salariés comptent pour plus des deux tiers de ses effectifs. Elle est d’autant plus compréhensible que les filiales du groupe – La Banque postale, La Poste Immobilier et Mediapost, pour ne citer qu’elles – relèvent du code du travail et sont dotées de CSE.

Le nouveau système devra toutefois tenir compte des spécificités d’une entreprise qui exerce un grand nombre d’activités sur tout le territoire et qui emploie encore près d’un tiers de fonctionnaires. La loi le prévoit expressément. Ainsi, la création d’un conseil des questions statutaires, sur le modèle retenu chez Orange, est le gage d’un traitement des problématiques les intéressant dans des conditions appropriées.

Au demeurant, le maillage territorial des IRP de demain devra permettre de répondre au besoin de proximité entre les personnels et leurs représentants. Pour des raisons parfaitement légitimes, les organisations syndicales y attachent une très grande importance. Il est évident, de surcroît, que la question revêt une sensibilité particulière alors que le nombre d’élus est appelé à diminuer.

La Poste doit prendre toute la mesure des enjeux qui s’élèvent en la matière. À cet égard, il est rassurant qu’elle envisage la création de près de 900 représentants de proximité, qui serviront de relais entre les élus et les agents. Il est tout aussi positif qu’elle admette la nécessité de l’installation d’un CSE dans chacun des départements ultramarins, de même qu’en Corse, où le risque d’éloignement des IRP suscite des inquiétudes compréhensibles chez les agents.

Cela étant dit, il me semble utile de souligner que la question du périmètre des CSE doit relever de la négociation collective, et non pas de la loi. Je ne crois pas, en effet, qu’on puisse raisonnablement envisager que la loi définisse le nombre d’instances qu’une entreprise, fût‑ce La Poste, doit mettre en place.

Comme vous le savez, les discussions entre la direction et les organisations syndicales ont déjà débuté et un accord de méthode sur le projet de création des nouvelles instances a recueilli la signature de la majorité de ces organisations. Il est normal que les positions des parties divergent sur certains points, mais il est bon qu’elles ne soient pas figées. Je crois pouvoir dire que tel est le cas, ainsi que tendent à le démontrer les récentes évolutions de l’entreprise sur le nombre de CSE à installer dans les territoires ultramarins.

Pour conclure, je tiens à insister sur le fait que la proposition de loi fait œuvre utile en adaptant le régime de la négociation collective de La Poste à sa physionomie contemporaine, tout en laissant aux acteurs du dialogue social un temps suffisant pour préparer la transformation majeure qui s’annonce.

Je remercie le Sénat de s’être saisi de ce sujet et les sénateurs, à commencer par la rapporteure Brigitte Devésa, d’avoir enrichi le texte en commission et en séance publique. Je remercie également les organisations syndicales et la direction de La Poste pour la qualité des échanges que nous avons eus lors des auditions préparant cette proposition de loi et le projet de rapport qui vous a été adressé dernièrement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La parole est aux représentants des groupes.

Mme Fanta Berete (RE). Jusqu’à présent, La Poste a échappé à la réforme de ses instances représentatives parce qu’elle est expressément exclue du champ d’application du code du travail en la matière et que sa nature juridique n’entre pas non plus dans le champ des dispositions du code général de la fonction publique sur ces points. Cependant, La Poste emploie aujourd’hui 170 000 collaborateurs pour lesquels coexiste une pluralité de statuts, dont 31 % environ d’agents publics mais aussi et surtout 69 % de salariés de droit privé.

Dans ce contexte, la transposition à La Poste des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale paraît justifiée afin de répondre aux enjeux de sa physionomie actuelle. Je rappelle à cet égard qu’un CSE est une IRP qui fusionne d’ordinaire les délégués du personnel, le CHSCT et le comité d’entreprise. Dans le cas de La Poste, la configuration de la représentation est inédite, fruit d’un héritage historique car, au-delà des CHSCT, on y trouve également, à des niveaux national ou local, ou encore à ces deux niveaux, des comités techniques, des CAP et des CCP. Pour réussir cette transformation et fusionner l’ensemble de ces instances, il est essentiel de mettre en place un dialogue intense, mais serein.

C’est précisément ce qu’ambitionne cette proposition de loi, fondamentale car, au 31 décembre prochain, il n’existera plus rien à La Poste en termes de négociation collective, domaine pour lequel elle est pourtant citée en exemple : l’expiration prochaine des instances et mandats en cours plongera l’entreprise dans un no man’s land juridique.

Nous vous invitons donc à adopter ce texte de manière conforme, afin de donner à La Poste un cadre de fonctionnement transitoire clair et réaliste qui permettra, grâce à une prorogation d’un an et demi des mandats actuels, de mener les concertations nécessaires, respectueuses de chacun, et d’aboutir à la mise en conformité des IRP avec le droit privé au plus tard pour le 31 octobre 2024.

M. Victor Catteau (RN). Cette réforme des IRP de La Poste envisage de soumettre l’ensemble du personnel de cette entreprise au code du travail, en particulier aux dispositions relatives aux CSE. Avec 28 de ces CSE pour 101 départements, dont un seul représentant dans les territoires ultramarins, de trop nombreux collaborateurs seront trop éloignés, et donc trop peu écoutés, des élus qui ont vocation à les représenter. C’est là un véritable manque de considération pour les employés de cette entreprise, qui est d’ailleurs celle qui a connu le plus grand nombre de suppressions d’emplois – près de 150 000 en vingt ans –, sans compter que les employés de La Poste sont régulièrement victimes de conditions de travail sévèrement dégradées, qui risquent d’empirer avec le projet de conversion des 637 CHSCT en 121 commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).

C’est pourquoi, profondément attachés à cette entreprise qui, forte de ses 210 000 collaborateurs accomplissant une mission de service public, est le premier employeur de France, nous soutiendrons des amendements visant à préserver tant bien que mal les intérêts des salariés de La Poste.

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Avec ce nouveau projet de loi, le Gouvernement démontre encore une fois sa déconnexion des réalités sociales et son mépris profond du monde du travail et des salariés. Alors que la France arrive en tête des records d’accidents mortels du travail en Europe, alors que la souffrance au travail et la pénibilité sont des sujets majeurs, alors que nous avons le recul nécessaire, depuis 2017, pour faire le bilan désastreux de la suppression des CHSCT et de la création des CSE dans les entreprises privées, ainsi que des malheureuses ordonnances Macron, malgré ces constats sans appel, le projet du Gouvernement est d’élargir ces dégâts et de les étendre à La Poste.

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) nous apprend pourtant que, dans le privé, la création des CSE et la suppression des CHSCT s’est traduite, au-delà des effets en termes de santé et de sécurité au travail, par le recul de la représentation des salariés et de la proximité. En 2019, l’émission « Cash investigation » a mis en lumière les conséquences dramatiques des réorganisations à La Poste, qui entraînent stress et suicides au travail de salariés, employés, et même cadres.

Il est temps d’arrêter cette hémorragie sociale et de repenser le monde du travail et l’organisation des instances de représentation du personnel. Il est temps de rétablir les CHSCT partout dans les entreprises, plutôt que de normaliser leur suppression. Assez de mépris et de déconnexion ! Les salariés méritent mieux que ce que le Gouvernement veut leur infliger.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Stéphane Viry (LR). La présente proposition de loi, qui émane du groupe Union Centriste du Sénat, vise à réformer la représentativité salariale au sein de La Poste. Ce secteur a beaucoup évolué depuis, notamment, la loi de 1990 qui a séparé La Poste de France Télécom. Comme l’a souligné M. le rapporteur, différents statuts coexistent actuellement dans cet établissement, avec des instances qui n’existent plus dans le privé ni dans le public et des commissions de représentation individuelle telles qu’on en trouve dans les collectivités territoriales, les CCP et CAP, ainsi que le Cogas.

Le secteur d’activité économique de La Poste connaît de multiples tensions, avec la concurrence d’Amazon et le passage au numérique forcé. Alors que le contexte des métiers change, il faut trouver le cadre permettant un dialogue social efficient, où chacun trouve sa place et son utilité. Dans l’intérêt de l’entreprise et dans le cadre de ses objectifs et de son développement, la question est de savoir comment associer des représentants du personnel aux choix, à la mobilisation des moyens et au management des ressources dans l’intérêt collectif. Les réponses doivent être au plus près du terrain et viser à la meilleure organisation économique possible pour cette entreprise, au plus près des territoires.

Le calendrier et la méthode semblent toutefois heurter les représentants syndicaux. Ne serait-il pas possible d’évoquer un système transitoire plus adapté ?

M. Olivier Falorni (Dem). Le statut de La Poste, institution qui fait partie du patrimoine national, n’a cessé d’évoluer au cours des dernières décennies. D’abord administration publique, puis exploitant public, La Poste est depuis 2010 une société anonyme à capitaux publics, avec une mission de service public. Elle emploie ainsi des agents de droit privé et de droit public. De fait, elle dispose d’un régime hybride de représentation du personnel, adapté au fil des évolutions précédemment évoquées, mais dont le socle est régi par la loi de juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste.

Toutefois, ces dernières années, les bases législatives de la négociation collective et de la représentation du personnel ont connu de profondes modifications. Depuis les ordonnances de 2017, le CSE regroupe la plupart des instances, dont les anciens CHSCT. Si ces CHSCT sont encore en vigueur à La Poste jusqu’à la fin des mandats en cours, comme le prévoit la loi de 2019 relative à la transformation de la fonction publique, le futur cadre juridique du dialogue social n’est actuellement pas prévu dans la loi.

Un vide doit donc être comblé et une mise en conformité avec le droit commun doit être effectuée, en tenant compte des spécificités d’une entreprise où travaillent des salariés et des fonctionnaires. C’est l’objet des trois articles que contient ce texte. La période transitoire courant jusqu’en octobre 2024 – introduite au Sénat – devrait permettre à la négociation d’installer sereinement ces nouvelles instances. Il s’agit donc de poser les jalons juridiques nécessaires à cette réforme tout en laissant des marges de manœuvre suffisantes au dialogue social entre la direction de l’entreprise et les différentes organisations syndicales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate soutiendra l’adoption de cette proposition de loi.

M. Arthur Delaporte (SOC). La Poste n’est pas une entreprise comme les autres : c’est la butte-témoin du recul de l’État. J’espère que cette réforme ne marquera pas un recul supplémentaire de l’État social et des droits sociaux, notamment des droits de représentation des personnels. En effet, La Poste a déjà subi plusieurs attaques, avec la fermeture des bureaux de poste, la diminution du nombre des postiers et la réduction des cadences. Elle est l’entreprise qui a subi le plus grand nombre de suppressions d’emplois en vingt ans – 146 175, selon Sud. Le volume du courrier a certes baissé, mais l’effectif baisse également, alors que le nombre d’adresses augmente. Or, lorsque le nombre d’adresses augmente, ce n’est pas parce qu’il y a moins de courrier que les tournées se réduisent. Il faut tenir compte de la réalité de travail !

Un dialogue social apaisé est donc nécessaire à La Poste, pour que chacun puisse être représenté au mieux.

Le groupe Socialistes et apparentés s’était opposé, lors de l’examen de la loi instaurant les CSE issus des ordonnances Macron fusionnant les instances de représentation des personnels, à la disparition des CHSCT. En prévoyant de passer de 145 CTL à 28 CSE et de 637 CHSCT à 121 CSSCT, la direction de La Poste amenuisera de fait la capacité de dialogue social dans l’entreprise. Avec 53 000 fonctionnaires et 100 000 salariés, ce cumul de statuts ne doit pas entraîner une précipitation qui créerait de la souffrance au travail. Nous avons en effet mesuré ce problème chez France Télécom et il faudrait être vigilants pour La Poste. Notre groupe est donc défavorable à cette proposition de loi.

M. Paul Christophe (HOR). La Poste est une entreprise singulière par sa taille, ses missions de service public, son implantation territoriale et la nature juridique de son personnel, qui se caractérise par une pluralité des statuts. Elle emploie, en effet, à la fois des fonctionnaires régis par des statuts particuliers, des salariés de droit privé et des agents contractuels de droit public. Elle représente donc un cas particulier en matière de dialogue social. Elle se différencie aussi par une pluralité de secteurs d’activité en tant qu’opérateur de service public, avec des services postaux, de téléphonie mobile, de banque, d’assurance, de fourniture de services numériques et de commerce en ligne.

Il est donc primordial de donner à ce service public fondamental en pleine mutation les moyens de moderniser ses institutions pour acter pleinement son entrée dans une ère numérique. La numérisation reste un véritable défi pour les entreprises comme pour les administrations.

La création de CSE à La Poste représente ainsi un chantier de grande ampleur, qui s’accompagne d’un changement culturel majeur avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées.

Le texte que nous examinons prévoit donc d’appliquer à l’ensemble du personnel de La Poste, de droit privé ou de droit public, les dispositions du code du travail relatives aux CSE, en réformant les IRP. Il s’agit ainsi d’accompagner la mise en place des CSE dans l’entreprise. Une loi est nécessaire pour assurer une mise à jour des IRP, qui relèvent toujours de la loi de 1990. Il convient donc d’assurer un cadre permettant un dialogue social, le temps que les négociations avec les représentants syndicaux aboutissent de manière apaisée, en prenant notamment en compte le défi de la proximité et les besoins différenciés selon les territoires, en particulier dans les outre-mer.

Dans cette perspective, nous pouvons nous réjouir que l’accord de méthode ait été conclu en septembre 2022. Afin de laisser du temps à la négociation et à la bonne tenue du dialogue social, le groupe Horizons et apparentés soutiendra cette proposition de loi telle qu’elle a été transmise par le Sénat.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Depuis 1983, et notamment sa transformation en société anonyme, le groupe La Poste n’a cessé de subir des restructurations délétères qui l’éloignent toujours plus de ses missions de service public et le prive de ses moyens. Il reste ainsi 5 300 bureaux de poste dits de plein exercice, contre 8 414 il y a cinq ans. La Poste est passée de 320 000 employés en 2000 à 180 000 en 2021. Elle compte 70 000 facteurs, contre 100 000 il y a vingt ans.

Les cadences augmentent, les conditions de travail se dégradent, et les risques psychosociaux se multiplient – entre 2008 et 2016, on a déploré chaque année une trentaine de suicides. Les tournées chronométrées par des logiciels retirent toute autonomie aux salariés, qui perdent le sens de leur travail. Ce taylorisme d’un nouveau genre empêche les postiers de faire valoir leur intelligence dans leur travail et les prive de la maîtrise de leurs tâches.

On justifie les restructurations qui se succèdent selon un rythme soutenu par la baisse du courrier, en masquant l’augmentation du nombre de colis et celle des adresses, et surtout on ne prend plus en compte les missions de lien social qui, de l’État romain au système de relais postaux de Louis XI, nationalisé sous Louis XIV, font de La Poste l’un des plus anciens services publics au monde.

Nous sommes contre la philosophie même de ce texte, qui proroge les CHSCT avant de les enterrer définitivement et supprime totalement le régime actuel de dialogue social au sein de La Poste. D’après les acteurs de terrain, le dialogue social est déjà très faible, voire inexistant. Le CHSCT semble être le lieu où des marges de manœuvre persistent au quotidien. Nous craignons que ce texte affaiblisse encore davantage le pouvoir des salariés à l’égard de leur direction. Les CSSCT, qui doivent remplacer les CHSCT, seront beaucoup moins nombreux et ils auront des prérogatives bien moindres. Ils ne protégeront donc pas aussi efficacement les droits des salariés.

Concentration et éloignement des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteinte aux principes d’autonomie et de proximité dans une entreprise en restructuration et désorganisation permanente, perte de la singularité des territoires, tout dans la proposition de loi conduira le groupe Écologiste de l’Assemblée, comme celui du Sénat, à voter contre le présent texte.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Avec cette proposition de loi, il s’agit de mettre en œuvre à La Poste les ordonnances dites « Macron » de 2017. Pour vouloir le faire, il faudrait soit trouver bonnes ces ordonnances, soit vouloir du mal à La Poste...

La nécessité de procéder à l’ajustement qui nous est proposé découle directement des précédentes étapes de la privatisation de La Poste, pour laquelle nous avons pour notre part une ambition forte, celle d’en faire un grand service public de la logistique et du droit à la communication, qui pourrait se développer pour répondre à de nouveaux besoins.

La Poste, hier service public, est devenue une société anonyme, avec le lot de réductions drastiques d’emplois, la perte de sens pour les salariés et l’éloignement par rapport aux besoins des usagers que cela implique. La Dares a d’ailleurs dressé en juillet 2022 un bilan sans appel des ordonnances Macron : recul de la représentation des salariés, perte de proximité des élus et repli des questions de santé au travail dans les entreprises.

Le projet de la direction de La Poste, qui a inspiré cette proposition de loi et a été présenté aux organisations syndicales l’été dernier, visait à diviser le nombre d’instances par cinq et, évidemment, à réduire fortement le nombre de représentants. Ainsi, alors qu’un CHSCT représente en moyenne 290 salariés, une CSSCT en représentera demain 1 400 et n’aura pas les mêmes prérogatives. Il n’est pas sûr que La Poste aille si bien qu’elle puisse se le permettre.

Dans une telle entreprise, qui assure la permanence et la continuité de nombreuses activités – distribution du courrier et de colis ou encore services financiers –, avec des régimes de travail très différents, des horaires atypiques et des salariés exposés à de nombreux risques professionnels, la disparition des CHSCT est extrêmement grave et inquiétante. Aussi, il nous semble important que la période ouverte jusqu’en octobre 2024 par la proposition de loi soit véritablement mise à profit pour mettre en place, par la négociation collective, des IRP en partant des spécificités de La Poste et des besoins de ses salariés. Nous nous opposerons naturellement à la proposition de loi telle qu’elle est rédigée.

Pour que la négociation se passe le mieux possible, il faut que la direction de La Poste cesse les réorganisations entreprises dans le cadre de La Poste 2030, qui consistent en fait en des restructurations des périmètres des établissements existants. Sinon, les organisations syndicales auront d’autant plus le sentiment de négocier, comme elles le disent elles-mêmes, « sur des sables mouvants ».

M. Paul-André Colombani (LIOT). La Poste exerce des missions essentielles de service public. S’assurer de la qualité du dialogue social et des conditions de travail au sein de cette entreprise, c’est donc aussi contribuer à la qualité du service public sur tout le territoire. Notre groupe aura deux exigences pour ce texte, qui prévoit la mise en place de CSE au sein de La Poste.

La première exigence est le respect de la négociation. Nous prenons acte des concertations en cours entre la direction et les organisations syndicales, mais il est indispensable de prolonger la période de transition jusqu’à la fin 2024, car cette réforme constitue un chantier de grande ampleur. La majorité des CSE mis en place dans le secteur privé l’ont été de manière unilatérale, et non par accord, ce que nous déplorons. L’autre enseignement qu’on peut tirer du bilan provisoire des CSE est le besoin d’instances de représentation suffisamment nombreuses, suffisamment proches des personnels et suffisamment armées pour aborder tous les sujets, en particulier la santé et la prévention des risques psychosociaux. La disparition des CHSCT ne doit pas faire passer ce sujet au second plan.

Notre seconde exigence est celle de la proximité. La réduction du nombre d’instances fera nécessairement perdre en proximité géographique, et cette question se pose avec plus d’acuité encore dans les territoires ultramarins et insulaires. Les premières propositions ne prévoyaient qu’un seul CSE pour tout l’outre-mer et aucun pour la Corse, ce qui n’est évidemment pas acceptable. Il semblerait que la direction de La Poste soit prête à évoluer, mais nous devons impérativement rester vigilants sur ce sujet. Nous y reviendrons à la faveur des amendements. L’ancrage territorial est une condition sine qua non de la bonne tenue du dialogue social au sein de La Poste.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La parole est à M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Il faut recréer un cadre permettant d’assurer le dialogue social à La Poste. La question est de savoir si ce cadre doit être spécifique. Je le crois, car La Poste a des missions spécifiques de service public, et même des contraintes, qui se traduisent pour les salariés en distance à parcourir, en temps de trajet, parfois entre plusieurs lieux de travail, notamment dans nos territoires ruraux, mais aussi en agilité quand il faut exercer plusieurs métiers – je pense aux facteurs guichetiers. La dimension territoriale, c’estàdire l’accès aux services postaux partout dans nos territoires, appelle-t-elle un cadre adapté pour le dialogue social ? Le cas échéant, dans quelle mesure la proposition de loi permet-elle d’assurer un tel cadre ?

M. le rapporteur. Nous avons un attachement particulier à La Poste, depuis toujours – cela remonte à l’enfance. Il y a un héritage de La Poste, sorte de patrimoine national, qui est en constante évolution concernant les missions exercées et les métiers depuis bon nombre d’années. Le nombre de plis distribués a notamment changé, et des actions de proximité ont été développées par les facteurs dans les territoires, notamment les plus ruraux. La Poste, ancienne entreprise d’État, est devenue une entreprise privée ayant des missions de service public. Nous tenons tous à leur maintien ainsi qu’au maintien de la qualité du dialogue social, qui doit être fructueux et fécond dans cette entreprise.

Il faut distinguer deux éléments, monsieur Bazin : d’une part, l’organisation de la négociation entre les organisations syndicales et la direction de La Poste, telle qu’elle est prévue par la proposition de loi ; d’autre part, la présence de La Poste dans les territoires. Les commissions départementales de présence postale territoriale sont notamment là pour travailler sur le maillage de La Poste. Par ailleurs, la création de près de 900 représentants de proximité permettra d’avoir des interlocuteurs pour le dialogue nourri qui doit continuer à exister entre les politiques, les habitants, les utilisateurs du service public et la direction générale de La Poste, tout comme il doit y avoir un dialogue de qualité avec les organisations syndicales.

Je considère qu’un certain nombre d’avancées ont été obtenues en réponse aux demandes des organisations syndicales, que nous avons auditionnées. Certains estiment qu’un CSE pour les outre-mer n’est pas suffisant, et je le crois aussi. Nous avons pu obtenir qu’il y en ait un par territoire ultramarin, ce qui est une bonne nouvelle. Compte tenu de l’insularité de la Corse, celle-ci doit également avoir un CSE, pour répondre à un besoin spécifique de proximité.

J’entends celles et ceux qui considèrent que cette proposition de loi ne va pas dans le bon sens et qu’il faudrait maintenir les CHSCT, mais la loi en vigueur est ce qu’elle est. Les CSE ont été créés pour constituer de nouveaux espaces de dialogue social, et La Poste, comme toute entreprise, doit s’intégrer dans ce nouveau dispositif, en appliquant tout simplement la loi. Si nous ne faisons rien, le dialogue social n’aura plus de cadre légal pour se développer à La Poste à partir du 31 janvier 2023. Est-ce ce que nous voulons, peu importe que nous soyons d’accord ou non avec le remplacement des CHSCT par les CSE ? Les auditions ont fait ressortir le souhait que le dialogue social continue, et la direction de La Poste s’est engagée à écouter l’ensemble des organisations syndicales. Un accord de méthode, signé par plus de 50 % des organisations représentatives des salariés, a vu le jour. C’est le signe que chacun est prêt à entrer dans un processus de discussions et de négociations qui doit permettre de trouver des réponses aux différentes attentes. Je rappelle aussi que les filiales de La Poste, Mediapost et La Banque postale, disposent déjà de CSE.

L’ensemble des organisations syndicales demandent à la direction générale de La Poste le maintien de la proximité et de la qualité des discussions. Pourquoi n’y a-t-il pas un CSE par département ? Il ne servirait à rien de créer des CSE dans des périmètres ne correspondant pas à l’organisation et à la réalité économique de l’entreprise. Le dispositif perdrait en intérêt sur le plan stratégique et les organisations syndicales n’auraient pas toujours d’interlocuteur pertinent. Vous savez comme moi que l’organisation de La Poste ne repose plus, depuis plus de vingt ans, sur une base départementale mais plutôt régionale.

Il n’y aura pas de division de la représentation du personnel. La mise en place de CSE ne signifie aucunement qu’ils seront les seules instances. Des représentants de proximité verront le jour, dans le cadre d’un accord – cela fait aussi partie de la discussion. La proposition de loi fixe un cadre : laissons le dialogue social se dérouler au sein de La Poste. Des commissions, notamment les CSSCT, en charge de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, seront créées, et il faudra, là aussi, que la direction de La Poste apporte des réponses aux demandes très fortes des organisations syndicales. Il y a aussi des délégués syndicaux, à proximité de l’ensemble des salariés de La Poste, pour traiter des inquiétudes qui peuvent exister. Il a ainsi été question des cadences de travail et des difficultés dans certains territoires, notamment en raison des temps de déplacement. Enfin, des sections syndicales peuvent exister dans chaque établissement, mais cela dépend des organisations syndicales, des hommes et des femmes qui les composent.

Il n’y aura pas, à mon sens, de perte de proximité. Des efforts ont été faits pour prendre en compte des situations géographiques spécifiques qui pourraient avoir un impact sur le déroulement du dialogue social. Je le redis : la direction générale de La Poste a accepté la création de CSE dans chacun des territoires d’outre-mer et en Corse. Le CSE n’est pas un organe de proximité : c’est une instance de décision, au niveau stratégique. D’autres instances servent de dispositifs de proximité – je viens de les détailler.

J’ajoute qu’il y aura un accompagnement pour les permanents actuels, qui composent les instances de représentation. Il n’existe pas d’obligation légale en la matière, mais La Poste apportera un certain nombre de réponses, reposant sur un accord relatif à la valorisation des parcours, un accord sur les moyens des structures syndicales, un dispositif de temps partiel anticipé et des dispositifs de formation et d’accompagnement. Nous avons là aussi essayé d’obtenir des engagements de La Poste. Il ne s’agit pas de laisser faire : nous avons interrogé la direction sur les attentes des organisations syndicales et de l’ensemble des salariés, parce que nous sommes attachés au modèle social que représente La Poste et à ses services. Nous souhaitons tous, notamment en tant qu’utilisateurs de La Poste, que l’exercice de ses missions de service public soit performant et qu’il y ait un bon maillage dans l’ensemble du territoire.

 

Article 1er : Prorogation des mandats des représentants du personnel de La Poste

Amendement de suppression AS3 de Mme Marie-Charlotte Garin.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo  NUPES). L’article 1er prolonge les mandats des CHSCT jusqu’en 2024, soit jusqu’à leur remplacement définitif par les CSE. Ce remplacement modifie profondément le dialogue social au sein de La Poste, dans la droite ligne des ordonnances Macron.

Le CHSCT reste pourtant la seule instance représentative dotée d’un réel pouvoir face à la direction du groupe. Les restructurations successives ont accru les risques professionnels de façon inquiétante, rendant indispensable l’existence d’une instance solide pour mener les enquêtes nécessaires à la défense de la santé au travail des salariés.

Le groupe Écologiste étant opposé à la disparition complète des CHSCT, l’amendement a pour objet de supprimer l’article 1er.

M. le rapporteur. Les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques arrivent à leur terme le 31 janvier 2023. Les deux instances n’auront plus de base légale pour agir à compter de leur expiration.

La modification des règles relatives à la négociation collective propres à La Poste se justifie à l’heure où les salariés représentent plus des deux tiers des effectifs et où les IRP actuelles n’ont plus de référence dans le droit commun.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS4 de Mme Marie-Charlotte Garin.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli.

Si, de prime abord, l’adoption du CSE semble simplifier le paysage chaotique, il est vrai, de la représentation collective au sein de La Poste, le groupe Écologiste est opposé à la disparition totale du CHSCT qui, de surcroît, est loin de faire l’unanimité parmi les syndicats.

Tous n’ont pas signé l’accord prévu par les ordonnances Macron et certains d’entre eux ont même assigné le groupe en justice, l’obligeant à attendre la promulgation d’une loi pour refondre le dialogue social.

L’amendement a pour objet de prolonger les mandats en cours des membres des CHSCT et des comités techniques du personnel, qui, sans l’adoption de la proposition de loi, n’auraient pas vocation à disparaitre, jusqu’au 31 octobre 2024, afin de permettre aux organisations syndicales de se réunir à nouveau, avant cette date, pour s’accorder sur des modalités de dialogue social au sein du groupe.

M. le rapporteur. L’article 1er prévoit, comme vous le souhaitez, la prolongation des mandats des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’au 31 octobre 2024 dans le cas où les élections aux CSE n’interviendraient pas antérieurement.

Les discussions ont déjà commencé entre la direction et la majorité des organisations syndicales sur un accord de méthode. Faisons confiance au dialogue social.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS13 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement vise à proroger les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques jusqu’au 31 décembre 2024.

La réforme des IRP représente une évolution majeure pour La Poste. Si le terme choisi pour la prorogation des mandats a été repoussé du 31 juillet au 31 octobre 2024, cette date reste incohérente par rapport à d’autres échéances telles que la clôture des comptes du Cogas, qui intervient à l’issue d’une année civile. Elle n’est pas propice à une transition entre l’ancien et le nouveau régime dans de bonnes conditions.

M. le rapporteur. La date choisie laisse près de deux ans pour mener la réforme des IRP. Le Sénat l’a déjà repoussée du 31 juillet au 31 octobre 2024.

En outre, la tenue d’élections au mois de décembre n’est vraiment pas idéale puisqu’il s’agit traditionnellement d’une période d’intense activité pour tous les salariés de La Poste.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : Installation de comités sociaux et économiques à La Poste

Amendement de suppression AS8 de Mme Marie-Charlotte Garin.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’article 2 supprime totalement le régime actuel de dialogue social au sein de La Poste pour le remplacer définitivement par celui issu des ordonnances Macron.

En cohérence avec notre opposition à la disparation complète des CHSCT, nous proposons de supprimer l’article 2.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS10 de M. Victor Catteau, AS1 de M. Paul-André Colombani et AS11 de M. Victor Catteau (discussion commune).

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS10 vise à instaurer un CSE dans chaque département français afin de limiter les effets néfastes de la limitation de leur nombre.

Selon les auditions menées par les sénateurs, le projet de la direction de La Poste prévoit de passer de 145 CTL à 28 CSE. Le ratio serait ainsi inférieur à un CSE pour trois départements. Pourtant, la proximité des élus vis-à-vis du personnel qu’ils représentent et qu’ils ont vocation à protéger est une nécessité absolue.

L’amendement AS11 concerne les territoires d’outre-mer. Si vous nous confirmez, monsieur le rapporteur, qu’un CSE sera installé dans chacun d’eux, nous le retirons.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement vise à répondre aux inquiétudes exprimées par les syndicats sur l’éloignement des instances de dialogue social en outre-mer et en Corse. J’ai entendu la réponse rassurante du rapporteur mais je le maintiens.

M. le rapporteur. L’installation d’un CSE dans chaque territoire d’outre-mer et en Corse n’est pas inscrite dans la loi ; elle correspond à un engagement de la direction lors des discussions que j’ai eues avec elle.

La proximité entre les personnels de La Poste et leurs représentants est fondamentale. Pour des raisons faciles à comprendre, elle revêt une dimension particulière dans certains territoires. Cela doit toutefois rester du ressort de la négociation collective. La loi fixe le cadre dans lequel les organisations syndicales et la direction nouent le dialogue. La direction a entendu les alertes des organisations syndicales et de votre serviteur.

Les CSE seront moins nombreux que les actuels comités techniques mais ils disposeront de prérogatives plus étendues. Le maillage territorial des CSE doit prendre en considération l’organisation de l’entreprise qui est en constante évolution.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Vous l’avez dit, l’échelon départemental n’est pas toujours pertinent par rapport à l’organisation de l’entreprise.

Pourtant, la proximité et le lien avec le territoire sont des attentes fortes. Vous y avez répondu pour la Corse et l’outre-mer mais qu’en est-il pour l’Hexagone ? J’ai compris qu’un vote conforme est nécessaire pour que le texte entre en vigueur avant la fin de l’année. Dans ce cas, afin de garantir un maillage de proximité, il faut que les débats fassent ressortit clairement nos intentions en la matière.

M. le rapporteur. En effet, un vote conforme est nécessaire car le calendrier est serré.

Je répéterai en séance publique les engagements pris par la direction alors qu’elle n’en avait pas l’obligation. Peut-être ira-t-elle au-delà mais cela relève de la négociation. La direction est consciente de l’importance du maillage territorial et les organisations syndicales sont attachées à la représentation de la diversité des territoires.

L’amendement ASS1 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS10 et AS1.

Amendement AS12 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement vise à reporter au 31 décembre 2024 l’entrée en vigueur des dispositions relatives au CSE pour les mêmes motifs que précédemment.

M. le rapporteur. Vous prétendez que le report serait un gage de sécurité pour la transformation du cadre juridique. Rien ne permet pourtant de l’affirmer. On pourrait même soutenir l’idée inverse : l’organisation d’élections professionnelles à une période de pic d’activité pour l’entreprise ne semble pas judicieuse.

Avis défavorable d’autant que le délai a déjà été prolongé par le Sénat.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement AS2 de M. PaulAndré Colombani.

 

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.

 

Article 3 : Dispositions transitoires visant à préparer l’organisation des élections professionnelles et l’installation des comités sociaux et économiques à La Poste

Amendement de suppression AS9 de Mme Marie-Charlotte Garin.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Par cohérence, il est proposé de supprimer l’article 3 qui prévoit des mesures transitoires jusqu’à l’application complète des dispositions de l’article 2.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS14 et AS15 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). Il s’agit de demander au Cogas et aux CHSCT de fournir aux CSE un rapport sur leurs comptes afin de permettre à ces derniers d’inaugurer leur mandat dans les meilleures conditions.

M. le rapporteur. Cela relève de la négociation et du fonctionnement de l’entreprise. Une telle disposition n’a pas sa place dans une loi.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Puis elle adopte l’article 3 non modifié.

 

Enfin, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0453_texte-adopte-commission#

 

 


  1  —

ANNEXE 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

         Table ronde des organisations syndicales :

 Fédération nationale des salariés du secteur des activités postales et de télécommunications CGT (CGT-FAPT) – Mme Alexandra Meynard, secrétaire fédérale en charge de la veille économique, de la prospective et du numérique, et M. David Dubelloy, membre de la direction fédérale

 Fédération communication conseil culture CFDT (F3CCFDT) – M. Mickaël Schreiber, secrétaire fédéral en charge de La Poste maison mère, et Mme Aline Guérard, secrétaire nationale en charge du Groupe La Poste

– Fédération des activités postales et des télécommunications (SUDPTT) – Mme Angélique Grosmaire, secrétaire fédérale, et M. Nicolas Galepides, membre du bureau fédéral

 CFTC La Poste  MM. Christophe Barrat, président, et Bernard Poisson, président du secteur des postes

 CFE-CGC Groupe La Poste  M. Pascal Corradi, secrétaire général adjoint

– Fédération UNSA-Postes – MM. Samuel Berthelot, secrétaire général, Samuel Ruesche et Michel Moureau, secrétaires généraux adjoints, et Mme Yoanne Dewitte, conseillère stratégique en charge des formations

         Groupe La Poste (*)  M. Philippe Wahl, président-directeur général, Mme Valérie Decaux, directrice des ressources humaines, M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques, et Mme Rebecca Peres, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


  1  —

Annexe 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéros d’article

2

Loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990

29, 31, 31–2 [abrogé], 31‑3 et 33‑1 [abrogé]

 

 

 


([1]) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.

([2]) Loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

([3]) À compter du 1er mars 2010.

([4]) Dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment aux articles L. 1 et L. 2.

([5]) Dans les conditions fixées à l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990 précitée.

([6]) Dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques, notamment à l’article L. 4.

([7]) Dans les conditions prévues par le code monétaire et financier, notamment aux articles L. 221-2 et L. 518‑25‑1.

([8]) Aux termes de l’article 29 de la loi du 2 juillet 1990 précitée, « [l]es personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ».

([9]) Article 31 de la loi du 2 juillet 1990 précitée.

([10]) Id.

([11]) Articles 31 et 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 précitée et décret n° 2011-1063 du 7 septembre 2011 relatif aux comités techniques de La Poste.

([12]) Article 29 de la loi du 2 juillet 1990 précitée et décret n° 94-130 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste.

([13]) Décret n° 2014-1426 du 28 novembre 2014 relatif à la représentation des agents contractuels et à la protection des agents contractuels de droit privé de La Poste exerçant un mandat de représentation et convention collective de La Poste.

([14]) Rapport (n° 23, session ordinaire de 2022-2023) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste par Mme Brigitte Devésa, enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2022, p. 16.

([15]) Article 33-1 de la loi du 2 juillet 1990 précitée.

([16]) Décret n° 2011-619 du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à La Poste.

([17]) Articles L. 4111-1 à L. 4831-1 du code du travail.

([18]) Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

([19]) Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

([20]) Article L. 2311-2 du code du travail.

([21]) Article L. 2311-1 du code du travail.

([22]) Le nombre des membres, déterminé par décret en Conseil d’État, varie en fonction des effectifs de l’entreprise.

([23]) Article L. 2314-1 du code du travail.

([24]) Article L. 2314-33 du code du travail.

([25]) Article L. 2143-22 du code du travail.

([26]) Article L. 2314-2 du code du travail.

([27]) François Gaudu, Florence Bergeron, Droit du travail, Dalloz, 9e édition, 2022, p. 491.

([28]) Article L. 2312-5 du code du travail.

([29]) Le droit d’alerte s’exerce dans les conditions prévues aux articles L. 2312-59 et L. 2312-60 du code du travail.

([30]) I de l’article L. 2312-8 du code du travail.

([31]) II de l’article L. 2312-8 du code du travail.

([32]) Article L. 2312-17 du code du travail.

([33]) Articles L. 1233-8 et L. 1233-28 du code du travail.

([34]) Articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail.

([35]) Article L. 2312-9 du code du travail.

([36]) Il s’agit des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail.

([37]) Ces agissements sont définis à l’article L. 1142-2-1 du code du travail.

([38]) Articles L. 2315-36 et L. 2315-38 du code du travail.

([39]) Article L. 2312-12 du code du travail.

([40]) Article L. 2312-13 du code du travail.

([41]) Article L. 2312-78 du code du travail.

([42]) Article L. 2312-80 du code du travail.

([43]) Article L. 2312-72 du code du travail.

([44]) Article L. 2312-75 du code du travail.

([45]) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom.

([46]) Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

([47]) Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

([48]) Les mandats des membres des comités techniques arrivent à leur terme à la même date.

([49]) Au 1er novembre 2022, l’accord demeure ouvert à la signature.

([50]) Voir, notamment, le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique.

([51]) Article L. 2122-1 du code du travail.

([52]) Article L. 2232-12 du code du travail. Cela signifie que l’accord doit être signé par l’employeur et par les organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité social et économique en faveur d’organisations syndicales représentatives.

([53]) Articles L. 2111-1 à L. 2152-7 du code du travail.

([54]) Articles L. 2211-1 à L. 2283-2 du code du travail.

([55]) Articles L. 2301-1 à L. 23-115-1 du code du travail.

([56]) Les fonctionnaires et agents contractuels de droit public bénéficieront du congé de formation prévu par le code du travail plutôt que de celui prévu par le code général de la fonction publique.

([57]) Articles L. 2411-1 à L. 243-11-1 du code du travail.

([58]) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom et décret n° 2017-394 du 24 mars 2017 relatif au conseil des questions statutaires d’Orange SA.

([59]) Article L. 211‑1 du code général de la fonction publique.

([60]) Le II de l’article 1er et le 4° du I de l’article 2 de la proposition de loi sont compatibles dans la mesure où le premier produira ses effets jusqu’à l’entrée en vigueur du second.

([61]) La loi du 6 août 2019 précitée a organisé la fusion, à compter du mois de janvier 2023, des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein d’une instance unique de dialogue social, le comité social.

([62]) Sur le fondement de l’article L. 2313-7 du code du travail.

([63]) Il s’agit des organisations syndicales et des syndicats mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 2314-5 du code du travail.

([64])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12454442_636bb0ec5cc5c.commission-des-affaires-sociales--proposition-de-loi-visant-a-accompagner-la-mise-en-place-de-comit-9-novembre-2022