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N° 490

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, visant à mettre fin à la concentration dans les médias et lindustrie culturelle,

 

 

 

Par Mme Clémentine AUTAIN,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 327

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

commentaires des articles

Article 1er (supprimé) Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de la presse

Article 2 (supprimé) Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle

Article 3 (supprimé) Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de l’édition, de la distribution et de l’importation de livres

Article 4 (supprimé) Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises de médias et des industries culturelles

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe 1 : Liste des personnes entendues par la rapporteure

Annexe 2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


—  1  —

   avant-propos

 

Si le paysage médiatique contemporain semble à première vue morcelé en une vaste mosaïque de titres, chaînes, radios, sites internet, il est en réalité pour l’essentiel accaparé par une poignée d’actionnaires. On estime par exemple que huit milliardaires et deux millionnaires possèdent des publications qui représentent 81 % de la diffusion des quotidiens nationaux et 95 % de celle des hebdomadaires nationaux généralistes. Ces empires médiatiques, bâtis par des fortunes telles que celles de Vincent Bolloré, Patrick Drahi et Bernard Arnault, mettent en péril notre démocratie. De la précarisation des professionnels à la mise sous tutelle d’une rédaction en passant par un interventionnisme plus ou moins marqué dans les choix éditoriaux, c’est toute la chaine de l’information – sa production, son traitement et sa diffusion – qui est aujourd’hui en péril.

La récurrence des alertes ces dernières années n’a pourtant donné lieu à aucun travail législatif conséquent pour remodeler le dispositif anti-concentration de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard », dont tous les acteurs du secteur s’accordent à dire qu’il est aujourd’hui complètement désuet. Le Gouvernement vient même de fragiliser plus encore l’indépendance de l’audiovisuel public en supprimant la contribution à l’audiovisuel public (« redevance télé »).

La présente proposition de loi « visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l’industrie culturelle » entend donc remettre au cœur du débat un sujet qui touche aux principes fondamentaux de notre démocratie en proposant une première mesure concrète d’intervention de la puissance publique. Le groupe La France Insoumise – NUPES et ses partenaires de la NUPES poursuivront leurs réflexions tout au long de la législature et seront force de proposition. Il faudra travailler à mettre en place autant de gardes fous à la démocratie que d’instruments permettant de faire barrage aux stratégies capitalistiques de ceux pour lesquels les médias constituent un outil au service de leurs seuls intérêts propres.

*

L’information est un bien public fondamental. Parce qu’elle irrigue et façonne les débats publics, parce qu’elle vient éclairer les votes des citoyens et oriente les politiques publiques, il nous revient de la protéger de sa mise sous tutelle par les détenteurs du capital. Il est en effet entendu qu’elle ne peut remplir sa mission que « dans la liberté et par la liberté » et qu’elle est libre quand elle ne dépend « ni de la puissance gouvernementale ni des puissances d’argent mais de la seule conscience des journalistes et des lecteurs » ([1]).

Toutes les personnes auditionnées pour l’élaboration de ce rapport ([2]) ont décrit à la rapporteure combien la consolidation et le déploiement de grands empires médiatiques avaient pour corollaire l’affaissement de la valeur de l’information. Le même modus operandi se répète à chaque nouvelle acquisition : démantèlement des rédactions et précarisation des conditions de travail, réduction sèche des personnels, sous-traitance à des agences de contenu, recours de plus en plus massif à une forme sacrifiant l’information à l’étalage d’opinions, ingérences dans les contenus éditoriaux, règne d’un climat de « terreur » dans les rédactions, reprise en main idéologique qui donne lieu à des phénomènes d’autocensure, voire de censure, de plus en plus fréquents.

Les journalistes pâtissent de cette situation. À la dégradation continue de leurs conditions de travail s’ajoute un discrédit général porté à leur égard et sur la valeur de l’information qu’ils produisent. Selon le baromètre 2022 des médias, seules 44 % des personnes interrogées estiment « que les médias fournissent des informations fiables et vérifiées » et 62 % d’entre elles pensent que « les journalistes ne sont pas indépendants » du pouvoir politique ni des intérêts économiques. En décembre 2021, ils étaient ainsi 250 professionnels de la presse, de la télévision et de la radio à signer une tribune pour appeler à un grand sursaut face à une hyperconcentration qu’ils qualifient de « fléau médiatique, social et démocratique » ([3]).

Le phénomène d’hyperconcentration atteint cependant des sommets avec une propagation vers d’autres secteurs tels que celui de l’édition. C’est le parti pris de cette proposition de loi que de prendre en compte les secteurs afférents à celui des médias d’information – et il est rendu nécessaire par l’expansionnisme à l’œuvre chez les grands actionnaires. Le cas de Vincent Bolloré est particulièrement emblématique. L’industriel ne s’est pas contenté de mettre la main sur Europe 1, le groupe Canal + (qui intègre les chaines C8, Cnews et CStar), le Journal du Dimanche, Paris Match ou encore Prisma Média (Capital, Femme actuelle, Géo, Gala…). Il s’est également attaqué au marché de l’édition en souhaitant rapprocher son groupe Editis du groupe Hachette, propriété de Lagardère, et il contrôle l’un des plus grands groupes de communication au monde, Havas.

Cette concentration à la fois verticale et horizontale, inédite par son ampleur et son périmètre, achève de donner à quelques grands actionnaires un pouvoir considérable sur le champ de production des idées et du débat public. Si la censure exercée par Vincent Bolloré sur la parution d’un livre cosigné par Guillaume Meurice aux éditions Le Robert a donné un récent coup de projecteur sur ce phénomène, les exemples sont pléthoriques. En 2021, c’est une biographie critique d’Éric Zemmour qui en a fait les frais. Une mécanique inverse existe aussi, comme l’illustre la très vaste campagne de promotion ayant contribué au succès de l’ouvrage Dieu, la science et les preuves cosigné par Michel-Yves Bolloré, frère de Vincent Bolloré.

*

Le phénomène d’hyperconcentration des médias constitue un immense défi pour notre démocratie et pour notre économie. En imposant des monopoles dans un secteur déjà très difficile d’accès, les empires médiatiques engrangent aujourd’hui l’essentiel des aides publiques, accaparent la majorité des canaux de diffusion et se partagent les plus grandes parts d’audience. Cette situation n’a rien d’inéluctable et le but de cette proposition de loi – qui ne vise ni à être exhaustive, ni à nier la difficulté de ce chantier –, est précisément de défendre l’idée selon laquelle les médias ne sont pas des entreprises comme les autres.

En participant à l’élaboration d’une conscience collective, en orientant les débats publics, en influençant les scrutins politiques, les médias d’information sont tenus à une exigence de qualité et de professionnalisme que ne garantit certainement pas le désordre néolibéral – on le constate chaque jour d’avantage. De ce fait, pour protéger les médias des phénomènes de prédation et de désossement, pour garantir aux journalistes des conditions dignes de travail et de production de l’information, cette proposition de loi vise à restreindre le champ d’accès des géants économiques au capital des médias.

Disposer d’un dispositif juridique robuste de contrôle des concentrations fait partie, avec les aides à la presse et l’existence d’un audiovisuel public indépendant et puissant, des outils nécessaires en démocratie pour garantir le pluralisme. Le pluralisme est en effet altéré, on l’a vu, lorsqu’un même propriétaire d’un empire médiatique exerce une influence sur l’activité économique de plusieurs entreprises et sur leur contenu éditorial (informationnel et créatif, notamment). Disposant du droit de propriété, il dispose également du droit de jouissance sur ses biens. La composition, les délibérations et les décisions des organes de ces entreprises sont alors concentrées entre les mains d’une seule personne ainsi que le décrit l’article L. 430-1 du code de commerce.

Les phénomènes de concentration des médias (presse et services de communication audiovisuelle) ont des conséquences sur les sociétés démocratiques qui dépassent les préoccupations économiques classiques régissant le droit de la concurrence. Ces préoccupations, tout aussi légitimes dans le secteur médiatique que pour toute entreprise, concernent la prévention de la constitution de positions de marché dominantes ou la création de monopoles.

En application de l’article L. 430-1 du code de commerce, les opérations de concentration peuvent prendre plusieurs formes :

– la fusion de deux entreprises antérieurement indépendantes ;

– la prise de contrôle d’une entreprise par une autre c’est-à-dire lorsqu’une personne (détenant déjà le contrôle d’une entreprise) ou une entreprise acquiert, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une autre entreprise ;

– la création d’une nouvelle entité accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

S’agissant des médias, ces opérations de concentration peuvent porter atteinte à la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensées et d’opinion ([4]).

Le cadre juridique du contrôle des concentrations dans le secteur des médias est double et fait intervenir deux autorités administratives indépendantes :

– l’Autorité de la concurrence, qui contrôle les opérations de concentration qui excèdent certains seuils de chiffre d’affaires, tous secteurs confondus ;

– l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui met en œuvre un dispositif sectoriel de contrôle des concentrations applicable aux seuls éditeurs de télévisions et de radio ainsi qu’aux publications quotidiennes imprimées d’information politique et générale, s’agissant des concentrations pluri-médias.

Il arrive d’ailleurs que ces deux autorités aient une appréciation différente d’une même situation, comme l’a montré le projet de fusion de TF1 et de M6, le président de l’Arcom ayant jugé favorablement le projet, contrairement à l’Autorité de la concurrence, plus réservée.

Le dispositif prévu par la proposition de loi limite donc l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital d’un média par un droit d’agrément délivré par le comité social et économique, l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise. Sont visées ici les entreprises de la presse, celles éditrices d’un service de communication audiovisuelle, donc les chaînes de télévision et de radio, les maisons d’édition, les entreprises de distribution et d’importation de livres. Ne sont retenus que les médias les plus significatifs – le critère discriminant étant un seuil d’audience déterminé ultérieurement par décret.

Afin d’aller plus loin, l’article 4 de la proposition de loi vise à interdire à toute personne possédant plusieurs entreprises exerçant une activité d’édition de presse, de services de radio, de télévision, de médias à la demande, d’édition, de distribution ou d’importation de livres ou relevant du secteur de la publicité de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles.


—  1  —

   commentaires des articles

Article 1er (supprimé)
Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de la presse

Supprimé par la commission

Le présent article visait à créer un mécanisme d’approbation obligatoire par le comité social et économique de tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle pour les entreprises de presse de plus de onze salariés, au-dessus de certains seuils de diffusion définis par décret.

I.   l’état du droit

A.   le contrôle des concentrations exercé par l’Autorité de la concurrence : le contrôle de droit commun

Le contrôle des opérations de concentration était, jusqu’à 2009, une prérogative du Gouvernement, une telle opération ne pouvant intervenir qu’après l’accord du ministre chargé de l’économie et, le cas échéant, du ministre chargé du secteur économique concerné.

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé l’Autorité de la concurrence et institué un contrôle des concentrations indépendant du pouvoir politique.

Au-delà d’un seuil de chiffre d’affaires défini par l’article L. 430-2 du code de commerce ([5]) et à condition que l’opération ne relève pas de la compétence de la Commission européenne ([6]), les entreprises doivent notifier à l’Autorité de la concurrence les opérations de concentration qu’elles envisagent (article L. 430-3 du même code).

En deçà de ces seuils, l’opération n’est pas notifiée et les parties peuvent procéder à leur transaction.

En application de l’article L. 430-5 du même code, l’Autorité de la concurrence examine en deux temps les projets de concentration dont elle est saisie.

Au terme d’une première analyse concurrentielle, l’Autorité détermine les marchés pertinents c’est-à-dire le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises concernées. Au cours de cette phase, les parties peuvent s’engager à prendre des mesures visant notamment à remédier, le cas échéant, aux effets anticoncurrentiels de l’opération. L’Autorité de la concurrence peut alors :

– soit constater, par décision motivée, que l’opération qui lui a été notifiée n’entre pas dans le champ de son contrôle des concentrations ;

– soit autoriser l’opération, en subordonnant éventuellement cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties ;

– soit, si elle estime qu’il subsiste un doute sérieux d’atteinte à la concurrence, engager un examen approfondi de l’opération envisagée.

Si l’Autorité juge qu’un examen approfondi est nécessaire, elle apprécie, en application de l’article L. 430-6 du même code, si le projet est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d’une position dominante ou par création ou renforcement d’une puissance d’achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique. Elle apprécie si l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.

Elle analyse les effets de cette opération en s’appuyant sur toute information utile issue d’études économiques (« tests de marché ») et en sollicitant les clients, les fournisseurs et les concurrents de l’entité.

À l’issue de cette seconde phase, l’Autorité peut soit interdire l’opération soit l’autoriser, éventuellement sous conditions. Dans ce dernier cas, elle enjoint aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante (en compensant l’atteinte à la concurrence ou en y remédiant).

En application de l’article L. 430-7-1 du même code, une fois la décision de l’Autorité prise, le ministre chargé de l’économie peut imposer, le cas échéant, un examen approfondi du projet (seconde phase) ou passer outre la décision de l’Autorité en évoquant l’affaire c’est-à-dire en statuant sur l’opération en cause pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence.

B.   Une simple consultation du conseil social et économique s’agissant des opérations de concentration économique

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a créé le comité social et économique (CSE). Cette instance est née de la fusion de trois instances représentatives du personnel préexistantes : les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

En application de l’article L. 2311-2 du code du travail, l’élection d’un CSE est obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés (constaté sur les douze derniers mois précédant l’élection). L’ensemble du secteur privé est concerné, ainsi que les établissements publics lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé (article L. 2311-1 du même code).

Les attributions du CSE dépendent du nombre de salariés de l’entreprise concernée.

 Dans les entreprises de onze à quarante-neuf salariés.

Le CSE a pour attribution de présenter à l’employeur les réclamations relatives aux salaires, à l’application du code du travail, à la protection sociale ainsi qu’aux accords et conventions applicables dans ladite entreprise.

Il contribue, comme le faisait le CHSCT, à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

Le CSE est consulté par l’employeur lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement économique collectif.

 Dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

Le CSE dispose d’un droit de formuler des propositions et doit examiner celles de l’employeur en matière d’amélioration des conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés et de conditions de vie dans l’entreprise.

Reprenant les attributions du comité d’entreprise qui lui préexistait, le CSE doit être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (effectifs, organisation économique ou juridique, conditions de travail).

Il est également consulté annuellement par l’organe chargé de l’administration et de la surveillance de l’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise, d’une part, et sur les conséquences de ces orientations sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, etc. d’autre part.

Ponctuellement, le CSE doit être consulté sur :

– la mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salariés ;

– la restructuration et compression des effectifs ;

– le licenciement collectif pour motif économique ;

– les opérations de concentration ;

– les offres publiques d’acquisition ;

– les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

Dans le cas d’une offre publique d’acquisition, le CSE peut procéder à l’audition de l’auteur de l’offre et bénéficier de l’assistance d’un expert-comptable. Au cours de cette audition, l’auteur doit exposer son projet et notamment les répercussions sur la société cible (en termes d’emploi, de sites d’activités et de localisation des centres de décision).

Dans le cas d’une opération de concentration, le CSE peut également se faire assister d’un expert-comptable et, si l’opération est soumise à l’Autorité de la concurrence, il peut être entendu dans le cadre de l’instruction de l’autorité.

Simple destinataire des informations, le CSE n’a pas la capacité juridique d’émettre un avis sur ces opérations et encore moins la capacité de s’y opposer. En revanche, il peut contester en justice une décision d’autorisation de prise de contrôle émise par l’Autorité de la concurrence.

C.   Une seule règle anti-concentration dans le secteur de la presse

Les entreprises éditrices, entendues comme les entreprises éditrices de presse, sont régies par la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. Elles éditent des publications de presse, définies à l’article premier de cette même loi comme « tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers » et des services de presse en ligne entendus comme « tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale » selon ce même article, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

La loi du 1er août 1986 précitée se substitue à la loi n° 84-937 du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse qui avait, dans l’esprit de l’ordonnance du 26 août 1944 sur l’organisation de la presse française, prévu de rendre transparents la propriété, le contrôle et le financement des publications de presse dans le contexte de l’expansion du groupe de Robert Hersant dans le monde de la presse et de la radio. Cette loi prévoyait également de limiter la détention capitalistique des entreprises de presse mais elle ne fut jamais pleinement appliquée, en dépit de la mise en place d’une commission pour la transparence et le pluralisme de la presse, chargée d’y veiller.

C’est l’article 11 de la loi du 1er août 1986 précitée qui prévoit l’unique règle anti-concentration spécifique à ce secteur. Il interdit, « à peine de nullité, l’acquisition d’une publication quotidienne d’information politique et générale ou la majorité du capital social ou des droits de vote d’une entreprise éditant une publication de cette nature, lorsque cette acquisition aurait pour effet de permettre à l’acquéreur de détenir plus de 30 % de la diffusion totale sur l’ensemble du territoire national des quotidiens d’information politique et générale ».

Le seuil de 30 % de la diffusion totale de la presse d’information politique et générale (IPG) n’a pas été modifié depuis 1986. Cette diffusion est appréciée sur les douze derniers mois connus précédant la date d’acquisition, de prise de contrôle ou de prise en location gérance.

L’article 12 de cette même loi prévoit une peine d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines pour celui qui enfreindrait la règle prévue à l’article 11, que ce soit en son nom personnel ou comme représentant d’une personne morale.

II.   les dispositions de la proposition de loi

Le présent article introduit, après l’article 4 de la loi 1er août 1986 précitée, un article 4-1 tendant à rendre obligatoire l’approbation de tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle (au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce) par le CSE des entreprises éditrices d’au moins onze salariés, et dont les publications de presse ou les services de presse en ligne sont mis à la disposition d’un nombre moyen de personnes qui sera défini par décret.

Il reviendra au pouvoir réglementaire de déterminer le seuil d’application du mécanisme, et donc l’étendue du champ des entreprises concernées.

Le second alinéa du nouvel article 4-1 qu’il est proposé de créer prévoit en outre qu’en cas de refus du CSE du transfert ou de la cession de titre, celui-ci peut agréer, dans les douze mois, un autre cessionnaire qui se substitue alors, aux mêmes conditions, au cessionnaire envisagé. À défaut, et dans le même délai de douze mois, l’entreprise devrait racheter et annuler les titres dont la cession était envisagée dans les conditions prévues à l’article 1843‑4 du code civil c’est-à-dire pour un montant déterminé par un expert ([7]). À l’expiration du délai de douze mois, si les titres n’ont pas été rachetés, la cession initialement envisagée serait réputée acceptée.

III.   la position de la commission

La commission a rejeté l’article premier.

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Article 2 (supprimé)
Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle

Supprimé par la commission

Le présent article visait à créer un mécanisme d’approbation obligatoire par le comité social et économique de tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle pour les entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle de plus de onze salariés, au-dessus de certains seuils d’audience moyenne définis par décret.

I.   L’état du droit

L’article 2 est applicable aux services de communication audiovisuelle définis par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comme toute communication au public de services de radio ou de télévision ou de tout autre type de communication au public par voie électronique de services (sites internet) et tout service de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

Le dispositif sectoriel de contrôle des concentrations dans l’audiovisuel est cantonné aux entreprises de radio et de télévision. Ceci étant, les montants de chiffre d’affaires des plateformes internet et SMAD sont tels que les projets de concentration qui pourraient les concerner relèveraient de la compétence de la Commission européenne et, à défaut, de l’Autorité de la concurrence.

C’est la loi du 30 septembre 1986 précitée, modifiée à plusieurs reprises qui régit le contrôle des concentrations dans le secteur audiovisuel par deux mécanismes : d’une part, la limitation de la détention capitalistique des entreprises du secteur et, d’autre part, la limitation de la détention d’autorisations relatives aux services de télévision et à l’usage des fréquences radio.

L’Arcom est chargée d’attribuer les fréquences assignées à l’audiovisuel après appel à candidatures et pour une durée maximale de quinze ans (dix ans d’autorisation initiale auxquels s’ajoute éventuellement un renouvellement pour cinq ans). Elles sont utilisées pour la diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT), de la radio FM et de la radio numérique terrestre (DAB+), mais également pour la télévision et la radio par satellite ainsi que sur d’autres fréquences.

A.   le contrôle des concentrations dans le secteur de la radio : la limitation du cumul des autorisations

Le premier alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 précitée prévoit qu’une même personne physique ou morale ne peut être titulaire d’autorisations d’usage de fréquences pour la diffusion des services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique (FM ou AM ([8])) que dans la mesure où la somme des populations couvertes par ces différents réseaux n’excède pas 160 millions d’habitants. Ce seuil de population a été relevé de 10 millions d’habitants –  afin de correspondre à l’évolution démographique depuis 1986 – par la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Cette même loi a inséré un mécanisme de réévaluation du seuil, tous les cinq ans, par décret en Conseil d’État, sur la base d’un indice d’évolution de la population.

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a ajouté un seuil relatif à la radio hertzienne terrestre diffusée en mode numérique : nul ne peut être titulaire d’une ou plusieurs autorisations relatives chacune à un service de radio dont l’audience potentielle cumulée terrestre dépasse 20 % des audiences potentielles cumulées de l’ensemble des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre (analogique ou numérique).

B.   le contrôle des concentrations dans le secteur de la télévision

1.   La limitation de la détention du capital et des droits de vote

L’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 précitée prévoit qu’une même personne physique ou morale ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision dont l’audience moyenne annuelle dépasse 8 % de l’audience totale des services de télévision.

 

De la même façon, une même personne physique ou morale titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision dont l’audience dépasse le seuil précité de 8 % d’audience ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 33 % du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service local.

2.   La limitation du cumul des autorisations pour les services de télévision locaux et nationaux

Le quatrième alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 précitée applique aux services de télévision le même type de limitation que celui applicable à la radio.

 Les services de télévision nationaux

Ainsi une même personne ne peut être titulaire, directement ou indirectement, de plus de sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision, c’est-à-dire couvrant chacune une zone de 10 millions d’habitants ([9]).

 Les services de télévision locaux

Le sixième alinéa dudit article 41 prévoit que les services de télévision locaux appartenant à un même groupe ne peuvent pas couvrir plus de 19 millions d’habitants. C’est la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 précitée qui a créé ce seuil, alors fixé à 6 millions d’habitants. La loi du 9 juillet 2004 également précitée avait doublé ce seuil en le portant à 12 millions d’habitants.

Le choix du seuil de population actuellement en vigueur résulte de la discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Le Sénat était favorable à un relèvement du seuil à 30 millions d’habitants, afin de permettre le développement du réseau des chaînes locales de BFM. La commission mixte paritaire a considéré qu’un tel seuil porterait préjudice au développement des réseaux de chaînes locales qui connaissent actuellement des déficits d’exploitation ; elle a décidé de le porter à 19 millions d’habitants.

Enfin, le neuvième alinéa dudit article 41 interdit à une personne titulaire d’une autorisation pour l’exploitation d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans une zone déterminée de devenir titulaire d’une nouvelle autorisation relative à un service de même nature diffusé en totalité dans la même zone en mode numérique.

C.   La procédure d’agrément Octroyé par l’ARCOM en cas de changement de contrôle d’une société titulaire d’une autorisation

La loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a modifié l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 pour instaurer une procédure d’agrément par l’Arcom que doit obtenir tout détenteur d’une autorisation d’utilisation de fréquences en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation.

Cet agrément ne peut être délivré pour les éditeurs de télévision que cinq ans après la délivrance de leur autorisation.

Ce dispositif est né de la constatation que des sociétés détentrices d’une autorisation d’utilisation de fréquences avaient pu être revendues au bout de quelques années avec une forte plus-value alors que les fréquences, dont le nombre est limité, appartiennent au domaine public ([10]).

D.   L’information de l’Arcom en cas de modification du capital social d’une société titulaire d’une autorisation

Les sociétés titulaires d’une autorisation de diffusion doivent informer l’Arcom de toute modification de leur capital social.

Plus précisément, l’article 38 de la loi du 30 septembre 1986 précitée contraint toute personne détenant une fraction égale ou supérieure à 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation à en informer l’Arcom dans un délai d’un mois. Les conventions établies entre l’Arcom et les éditeurs comprennent des dispositions plus précises :

– l’information de l’Arcom de toute modification du capital social portant sur 1 % ou plus du capital social ou des droits de vote de la société titulaire ;

– l’information de l’Arcom de tout changement de contrôle ou de répartition portant sur 5 % ou plus du capital social ou des droits de vote de la ou des sociétés qui contrôlent, le cas échéant, la société titulaire ou qu’une éventuelle société intermédiaire ;

– à tout moment l’Arcom peut demander la communication de la composition détaillée du capital social et des droits de vote de ces mêmes sociétés.

Des sanctions pénales sont prévues en cas de manquement à certaines de ces obligations.

II.   les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi introduit un nouvel article 43‑1‑2 après l’article 43‑1‑1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée afin d’établir un mécanisme similaire à celui détaillé dans l’article 1er de la proposition de loi, ici appliqué aux entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle.

Il est instauré au second alinéa du nouvel article 43‑1‑2 un mécanisme similaire à celui de l’article 1er de la proposition de loi en cas de refus d’agrément initial.

Pour déterminer le champ des entreprises d’au moins onze salariés, éditrices d’un service de communication audiovisuelle, concernées par ce dispositif, un seuil d’audience moyenne devra être déterminé par décret.

III.   la position de la commission

La commission a rejeté l’article 2.

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Article 3 (supprimé)
Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de l’édition, de la distribution et de l’importation de livres

Supprimé par la commission

Le présent article tendait à créer un mécanisme d’approbation obligatoire par le comité social et économique de tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle pour les entreprises de plus de onze salariés éditrices, distributrices ou importatrices de livres, au-dessus de certains seuils de diffusion totale annuelle définis par décret.

I.   L’état du droit

Les entreprises du secteur de l’édition, de la distribution et de l’importation de livres sont soumises au droit commun de la concurrence pour le contrôle des concentrations. En raison de la taille du marché concerné, la Commission européenne a ainsi reçu notification du projet de rapprochement entre les groupes Vivendi et Lagardère, respectivement détenteurs des entreprises Editis et Hachette, et devra en contrôler les conséquences pour la concentration dans le secteur de l’édition.

Le secteur de l’édition, de la distribution et de l’importation de livres connait par ailleurs des formes de régulation spécifiques qui ne sont pas sans conséquences sur le respect de la pluralité de l’offre.

A.   La régulation du marché de distribution par le prix unique du livre

Dans son article premier, la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre donne aux éditeurs et importateurs de livres la responsabilité de fixer le prix qui sera pratiqué en tout lieu de vente, sous la réserve d’une décote possible de 5 % par les détaillants (troisième alinéa de l’article premier de la loi). Ce faisant, elle instaure un régime dérogatoire déterminant pour les conditions de la concurrence sur le marché du livre. La fixation du prix des livres par l’éditeur ou l’importateur, et non par le détaillant, se veut une mesure de protection : elle a pour objectif d’assurer un certain pluralisme éditorial dans l’offre de livre grâce au maintien de la plus grande diversité possible des points de distribution.

Lors des débats parlementaires ayant mené à l’adoption de la loi, le ministre de la Culture Jack Lang affirmait ainsi que : « le livre n’est pas un produit comme les autres, c’est une création de l’esprit qui ne saurait être soumise – sans une protection ou à tout le moins une régulation particulière – à la seule loi du marché ».

Ce régime d’exception poursuit donc un double objectif : préserver la richesse culturelle de l’offre du livre et réguler le marché afin d’empêcher que certains types de livres ne finissent par pâtir des conséquences probables d’une concurrence totalement libre sur les prix. Le marché du livre se caractérise en effet par plusieurs sortes d’ouvrages selon la durée possible de leur distribution : les livres à rotation rapide (livres de poche, best-sellers, guides) et les livres à rotation lente plus difficiles d’accès (romans, essais). Or, la multiplication de nouveaux types de points de vente dans les années 1970 (grandes surfaces et commerces spécialisés dans les produits culturels) faisait craindre un enchainement néfaste pour des pans entiers du secteur de l’édition.

Sous un régime de liberté totale des prix, la distribution des livres à rotation rapide aurait pu être accaparée par les grandes surfaces et de nouveaux réseaux : grâce aux rabais accordés aux consommateurs, l’importance des quantités vendues leur aurait permis de maintenir une forte rentabilité. Les librairies indépendantes auraient alors été contraintes de se replier sur le commerce des livres à rotation lente, à la « carrière » souvent plus longue et à la rentabilité plus faible, sans garantie toutefois de pouvoir assurer sur le long terme leur commercialisation. En effet, sans la compensation opérée par les ressources des livres à rotation rapide, les librairies indépendantes auraient pu ne plus être en mesure de faire face aux coûts de distribution des livres plus difficiles d’accès et à rotation lente. À terme, cela aurait donc pu avoir des répercussions sur la possibilité même d’éditer de tels ouvrages, et sur toute la chaîne du livre.

La loi sur le prix unique vise à réintroduire une forme d’équité entre les circuits de distribution en laissant aux éditeurs le soin de déterminer le prix du livre, avec une fenêtre très étroite laissée aux distributeurs pour s’en écarter (et un certain nombre de dérogations très ciblées). Les consommateurs sont assurés de pouvoir acheter les livres au même prix quel que soit le point de vente, la concurrence entre ceux-ci devant s’opérer par la qualité du service (capacité à offrir des conseils aux lecteurs, par exemple). La loi cherchait ainsi à éviter le cloisonnement du marché des livres, tant au niveau de l’édition que de la distribution.

B.   une régulation progressivement modernisée

1.   La prise en compte des transformations des usages et de la distribution

Face à l’apparition de nouveaux acteurs (les plateformes de commerce en ligne, dont la vente de livres est pour certaines l’activité initiale) et à la diffusion de nouveaux usages, il est apparu nécessaire de moderniser le cadre juridique existant afin de garantir sa pleine effectivité.

Le développement du livre numérique a d’abord conduit à l’adoption de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, visant à étendre à celui-ci les principes de la loi du 10 août 1981 précitée.

En 2014, le législateur a voulu rétablir des conditions de concurrence plus équitables entre les librairies physiques et commerces de produits culturels d’une part, et la vente de livres imprimés en ligne d’autre part, certains acteurs numériques utilisant le double avantage de la décote de 5 % et de la gratuité des frais de port pour acquérir une place de plus en plus importante sur le marché de la distribution. Parallèlement à un plan de soutien aux librairies indépendantes, lancé à l’été 2014 et doté de 9 millions d’euros afin d’aider la trésorerie de ces structures, une réflexion s’est engagée au Parlement sur l’avantage concurrentiel déloyal que pouvait représenter la gratuité de la livraison.

Cette réflexion a abouti à l’adoption de la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, qui interdit lorsque le livre est expédié à l’acheteur l’application du rabais de 5 % sur le prix public fixé par l’éditeur ([11]) ainsi que la gratuité des frais de port, interdiction vite contournée par l’application de frais de port dérisoires. Les effets de cette nouvelle législation sont restés difficiles à évaluer sur le secteur, comme le soulignaient les députés MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive dans leur rapport d’information en 2018 ([12]).

La modification la plus récente de la loi du 10 août 1981 précitée a été effectuée avec la loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs. Depuis celle-ci, la tarification de la livraison de livres doit être établie dans le respect d’un montant minimal fixé par arrêté des ministres chargés de la culture et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Ce montant minimal peut toutefois être considéré comme réglé par la souscription à un abonnement au service de livraison des plateformes, ce qui conduit, là encore, à un certain contournement de l’esprit de la loi.

2.   Un dispositif juridique solide et stable confronté aux nouveaux enjeux de concentration du secteur

Selon le Médiateur du livre, chargé, depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, de veiller à la bonne application de la législation sur le prix unique du livre, le dispositif a globalement démontré sa robustesse et son efficacité. Le rapport d’activité de cette autorité affirmait en 2015 : « en France, la production éditoriale est vivace et diversifiée, le réseau de librairies inégalé dans le monde, la valeur commerciale des livres protégée du dumping » ; « ce droit crée certes une exception, mais il est clair dans ses intentions, simple dans son principe (le prix public du livre est fixé par l’éditeur), inscrit dans un texte bref, et de ce fait compréhensible et durable » ([13]).

La puissance croissante des plateformes de vente en ligne, tout comme la concentration réelle des entreprises du secteur de l’édition et de l’importation de livres, conduisent toutefois à nuancer le bilan des effets de la loi. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale présenté par M. David Assouline ([14]) fait ainsi le constat qu’il existait « en août 2021 plus de 8 339 éditeurs, dont 1 000 exercent une activité économique significative », et souligne que « le secteur apparaît comme extrêmement concentré : selon le classement annuel établi par Livres Hebdo, les dix premiers groupes réalisent, en 2020, 88 % du chiffre d’affaires cumulé des 200 premiers éditeurs français ». La question de la fusion de deux acteurs majeurs du secteur, Hachette et Editis, pose la question de la nécessité d’une nouvelle législation protectrice du pluralisme des œuvres alors que le nouveau groupe rassemblerait, selon M. Antoine Gallimard, 52 % du top 100 des ventes en France, 78 % de la littérature générale et 74 % dans le domaine scolaire.

II.   les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 de la proposition de loi introduit après l’article 1er de la loi du 10 août 1981 précitée, un article 1‑1 appliquant le même dispositif d’approbation par le CSE de toute entreprise d’au moins onze salariés, qui édite, distribue ou importe des livres dont la diffusion totale annuelle est définie par décret, pour tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

Le nouvel article 1-1 de ladite loi du 10 août 1981 prévoit également, en son deuxième alinéa, l’agrément possible d’un autre cessionnaire pouvant se substituer au cessionnaire envisagé. À défaut, et dans le même délai de douze mois, l’entreprise doit racheter et annuler les titres dont la cession était envisagée dans les conditions prévues à l’article 1843‑4 du code civil. À l’expiration du délai de douze mois, si les titres n’ont pas été rachetés, la cession initialement envisagée est réputée acceptée.

III.   la position de la commission

La commission a rejeté l’article 3.

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Article 4 (supprimé)
Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises de médias et des industries culturelles

Supprimé par la commission

Le présent article visait à interdire à toute personne morale ou physique possédant plusieurs entreprises de plus de onze salariés exerçant une activité d’édition de presse, de services de radio, de télévision, de médias à la demande, d’édition, de distribution ou d’importation de livres ou relevant du secteur de la publicité de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles. Les entreprises concernées par cette limitation auraient été définies par des seuils d’audience ou de diffusion visant à mesurer leur poids dans le débat public.

I.   L’état du droit

Les articles 41-1 à 41-2-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée ajoutent aux règles applicables à la radio, à la télévision et à la presse quotidienne d’IPG, des règles de limitation des concentrations pluri-médias au plan national et local.

Ces règles concernent la diffusion analogique et numérique des services de communication audiovisuelle mais laissent hors de portée les services diffusés par satellite, par câble et l’ensemble des plateformes numériques. Elles laissent également se développer les concentrations dans le monde de l’édition de livres et dans le secteur des agences de publicité.

 Au plan national

Au plan national, le dispositif de lutte contre la concentration pluri-médias prévoit que l’Arcom ne peut délivrer une autorisation relative à un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ou de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique à une personne qui se trouverait, de ce fait, dans plus de deux des trois situations suivantes :

– être titulaire d’une ou plusieurs autorisations de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint 4 millions d’habitants ;

– être titulaire d’une ou de plusieurs autorisations de services de radio permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint 30 millions d’habitants ;

– éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d’IPG représentant plus de 20 % de la diffusion totale, sur le territoire national, des publications de même nature.

 Au plan local

Au plan local, l’Arcom ne peut délivrer une autorisation pour un service local de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ou de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique à une personne qui se trouverait, de ce fait, dans plus de deux des trois situations suivantes :

– être titulaire d’une ou plusieurs autorisations, nationales ou locales, de services de télévision hertziens dans la zone considérée ;

– être titulaire d’une ou de plusieurs autorisations, nationales ou locales, de services radios dont l’audience cumulée excède 10 % des audiences potentiellement cumulées ;

– éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d’IPG diffusées dans cette zone.


II.   les dispositions de la proposition de loi

L’article 4 interdit à toute personne morale ou physique possédant plusieurs entreprises de plus de onze salariés exerçant une activité d’édition de presse, de services de radio, de télévision, de médias à la demande, d’édition, de distribution ou d’importation de livres ou relevant du secteur de la publicité (agences) de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles.

Les entreprises concernées par cette limitation seront définies par des seuils d’audience ou de diffusion visant à mesurer leur poids dans le débat public.

III.   la position de la commission

Après avoir adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure, la commission a rejeté l’article 4.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa première réunion du mercredi 16 novembre 2022 ([15]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l’industrie culturelle (n° 327) (Mme Clémentine Autain).

Mme Clémentine Autain, rapporteure. C’est dans un contexte particulier, celui du choc provoqué par les propos de Cyril Hanouna, que nous étudions cette proposition de loi, visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l’industrie culturelle.

Insulter notre collègue Louis Boyard, insulter un député donc, sur un plateau de télévision, le traiter d’« abruti » et de « merde » alors qu’il mettait en cause les activités en Afrique de Vincent Bolloré, principal actionnaire de la chaîne, est une première. Une république ne peut – ne doit – jamais accepter cela. Après d’autres, cet événement doit nous alerter sur les conséquences de la concentration des médias sur le débat public.

Notre proposition de loi vise à s’attaquer à un dysfonctionnement majeur de notre démocratie : la mainmise d’une poignée de milliardaires sur les médias nuit gravement à la liberté d’expression et de communication, à la production de l’information, au pluralisme des points de vue.

Mais ce n’est absolument pas une fatalité. C’est le fruit de choix politiques et c’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il faut revoir la réglementation des médias du sol au plafond. Tous les acteurs du secteur s’accordent à dire que la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard, qui encadre le paysage audiovisuel français, est totalement obsolète. Trente-six ans plus tard, on se rend compte qu’elle n’est adaptée ni à l’audiovisuel public, ni à l’ensemble des médias et de l’édition.

Quelques chiffres pour commencer : huit milliardaires et deux millionnaires se partagent 80 % de la diffusion des quotidiens nationaux et 95 % de celle des hebdomadaires nationaux généralistes. Bernard Arnault et le groupe LVMH détiennent, entre autres, Le Parisien, Les Échos et La Croix. Martin Bouygues détient neuf chaînes du groupe TF1. Ces dernières années, Vincent Bolloré a pris le contrôle de CNews et du groupe Canal+, de Capital, de Géo, de Gala, etc. Lagardère possède Europe 1, Paris Match et Le Journal du dimanche. La soixantaine de quotidiens régionaux appartient à six principaux groupes et les dix-neuf chaînes privées de la télévision numérique terrestre (TNT) sont la propriété de six acteurs.

Le phénomène d’hyperconcentration atteint donc des sommets et se propage vers d’autres secteurs, notamment l’édition – dans le périmètre de la présente proposition de loi. Ainsi, Vincent Bolloré souhaite rapprocher Editis du groupe Hachette, propriété de Lagardère. Il pourrait bientôt posséder plus de 70 % des livres scolaires, la moitié des livres de poche, une centaine de maisons d’édition, et disposer d’un quasi-monopole sur la distribution des livres.

Tout cela a des conséquences concrètes sur le pluralisme, sur la qualité de l’information et, au final, sur la démocratie. À chaque rachat, à chaque concentration, le scénario est le même : démantèlement des rédactions, précarisation des conditions de travail, réduction sèche des personnels, sous-traitance à des agences de contenus, recours de plus en plus massif à une forme sacrifiant la formation à l’étalage d’opinions, ingérence dans les contenus éditoriaux, climat de terreur dans les rédactions.

Les journalistes disparaissent peu à peu, au profit d’éditorialistes – on le voit sur les plateaux de télévision. En outre, la production de contenus est déléguée à des agences, signant la fin des contenus de qualité. À Prisma Média, par exemple, 50 % des journalistes sont partis après le rachat par Bolloré.

On aboutit à ce que Julia Cagé, que nous avons auditionnée, appelle une information low cost, les nouveaux patrons se comportant en cost killers. Guillaume Meurice nous a ainsi rappelé les interventions parfois très directes des actionnaires dans les activités des entreprises contrôlées. C’est ainsi qu’il a appris, deux jours avant la présentation à la presse, que le dictionnaire d’une des collections des éditions Le Robert auquel il avait participé avait vu sa publication (et même son impression !) arrêtée. Selon lui, certains de ses commentaires humoristiques auraient déplu à Vincent Bolloré et conduit à l’annulation brutale de la sortie du livre. Bolloré a également censuré un documentaire consacré à la fraude fiscale et au Crédit Mutuel.

D’autres phénomènes sont beaucoup plus courants : la peur étant intériorisée, les rédactions font face à des excès de zèle, avec tout ce que cela peut induire en termes de production de l’information ou de place de la publicité. Cette reprise en main idéologique est le fait d’un tout petit noyau de personnes, des hyper-riches. Quel est l’intérêt de ces milliardaires ? Ils peuvent soit vouloir s’acheter de l’influence – c’est le cas de Vincent Bolloré –, soit rechercher de nouvelles sources de profit et, pour y arriver, maltraiter la production de l’information.

Or les médias ne sont pas des entreprises comme les autres – j’espère que nous nous entendrons au moins sur ce point – car l’information est un bien public fondamental et elle n’est libre que « quand elle ne dépend ni de la puissance gouvernementale, ni des puissances de l’argent, mais de la seule conscience des journalistes et des lecteurs » – ce sont les termes de la déclaration des droits et des devoirs de la presse libre de 1945.

Les journalistes sont les premiers à pâtir de la situation. Selon le baromètre 2022 des médias, seules 44 % des personnes interrogées estiment que les médias fournissent des informations fiables et vérifiées, et 62 % pensent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique, ni des intérêts économiques. C’est dramatique d’un point de vue démocratique. Edwy Plenel, que nous avons auditionné, nous a expliqué comment ces phénomènes économiques consacrent le règne des opinions et étouffent les informations d’utilité publique. Il estime que la démocratie, c’est la construction d’un public, pas d’une audience.

Dans un secteur déjà très difficile d’accès, ces monopoles, empires médiatiques, engrangent l’essentiel des aides publiques, accaparent la majorité des canaux de diffusion et se partagent les plus grandes parts d’audience.

Notre proposition de loi est modeste : elle vise à limiter l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital d’un média en octroyant un droit d’agrément au comité social et économique (CSE) – instance de représentation du personnel. Afin de lutter contre la concentration verticale et horizontale, sont visées les entreprises de presse, les entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle – les chaînes de télévision et de radio –, les maisons d’édition et les entreprises de distribution et d’importation de livres.

L’article 4 de la proposition de loi interdit à toute personne possédant plusieurs entreprises exerçant une activité d’édition de presse, de service de radio, de télévision ou de médias à la demande, d’édition, de distribution, d’importation de livres ou relevant du secteur de la publicité de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles.

La proposition de loi, qui n’est pas rétroactive, ne vise que les entreprises de plus de onze salariés et les médias les plus significatifs – un seuil d’audience sera déterminé par décret.

Il s’agit d’indiquer un sens, de commencer à légiférer et à encadrer la possession de médias afin de lutter contre la concentration. Je tiens à rappeler qu’entre 1944 et 1986, la loi était bien plus stricte puisqu’elle interdisait notamment à une personne d’être propriétaire de plus d’un journal quotidien dont le tirage était supérieur à 10 000 exemplaires ou de plus d’un périodique dont le tirage était supérieur à 50 000 exemplaires.

Nous recherchons un consensus, pour enclencher une prise de conscience sur un problème démocratique majeur, mais d’autres pans de la législation méritent d’être révisés : critères d’attribution des aides publiques, cahiers des charges, renforcement de l’audiovisuel public pour qu’il devienne populaire et de très haut niveau, encadrement de la publicité, nouveaux droits pour les journalistes, etc. Nous plaidons donc en faveur d’une très grande loi-cadre pour les médias.

En privé, Vincent Bolloré a confié se servir de ses médias pour mener un combat civilisationnel. Avec mes collègues insoumis, et plus largement tous nos collègues de la NUPES, nous avons aussi à cœur de mener un combat civilisationnel, d’un autre ordre : celui qui réaffirme que la richesse de la culture et de la démocratie doit toujours l’emporter sur celle des puissances financières. Notre proposition de loi vise à enclencher ce mouvement de civilisation en faveur des biens communs, afin qu’ils prennent le dessus sur les intérêts d’un tout petit nombre.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

Mme Violette Spillebout (RE). Au nom du groupe Renaissance, je souhaite exprimer ma solidarité vis-à-vis du député Louis Boyard. Les insultes dont il a été victime dans l’émission de Cyril Hanouna sont inacceptables et la représentation nationale ne saurait tolérer de tels propos envers ses membres. Une plainte est déposée et la justice devra prendre une décision. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a été saisie et devra, elle aussi, se prononcer. Compte tenu des décisions qu’elle a prises par le passé, je ne doute pas de sa position. Néanmoins, cette polémique n’est pas le cœur de notre échange, puisque nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi de Mme Autain sur la concentration des médias.

Madame la rapporteure, la majorité présidentielle se préoccupe de ce sujet autant que vous. Nous sommes inquiets, et vigilants, concernant le pluralisme, la qualité et l’indépendance des médias, mais nous n’avons pas attendu le dépôt de votre proposition de loi pour nous en saisir.

Nous agissons à différents niveaux. Lors de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’états généraux du droit à l’information, qui aborderont notamment la question de la concentration dans le secteur des médias. Ils auront lieu dans quelques semaines et seront l’occasion de convier toutes les parties prenantes afin de formuler des propositions, en coconstruction. Au niveau parlementaire, dès les premières réunions du bureau de la commission des Affaires culturelles, notre groupe a demandé la création d’une mission flash sur la concentration des médias, qui sera bientôt lancée.

Le sujet n’est pas seulement national, les concentrations étant aussi transnationales. Au niveau européen, la concentration des médias est prise à bras-le-corps : l’European Media Freedom Act (EMFA), projet de règlement européen sur la liberté des médias, prévoit des garanties dans le domaine de la presse. La commission des Affaires culturelles pourra s’en saisir.

Pourquoi se hâter en votant une proposition de loi dès maintenant, alors que toutes les parties prenantes n’ont pas été associées ? Votre proposition de loi est déconnectée du planning de réflexion national, alors que le sujet ne saurait être survolé ou bâclé. Que faites-vous des trente-deux propositions de la commission d’enquête du Sénat pilotée par M. David Assouline, ou des vingt-huit propositions du rapport conjoint de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l’inspection générale des finances (IGF) ? On ne les retrouve pas dans votre proposition de loi.

Cette dernière est en outre déconnectée des réalités réglementaires : les trois premiers articles seront vite caducs et ne permettront pas de lutter contre les concentrations de manière efficace. Vous vous en remettez à un décret, donc à l’action du Gouvernement, ce qui est pour le moins paradoxal. L’article 4 prévoit de limiter à 20 % la fraction de capital détenu dans une même entreprise, ce qui pose clairement une question de constitutionnalité.

Vous ne présentez pas une proposition de loi, mais une tribune, pour faire le buzz et régler des comptes de La France insoumise avec les entreprises de presse – une tribune qui cible, incrimine et stigmatise. La concentration des médias mérite mieux qu’une tribune. Elle mérite un travail de fond, celui que nous ferons au cours des états généraux du droit à l’information car, sur ce point, nous sommes d’accord, les médias ne sont pas des entreprises comme les autres.

Le groupe Renaissance votera donc contre votre proposition de loi.

M. Alexandre Loubet (RN). Éviter que la presse française ne soit soumise au contrôle de quelques puissances financières est un objectif louable, mais les moyens que vous proposez sont contreproductifs, partiels et partiaux. Vos solutions répondent aux obsessions idéologiques de La NUPES et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, garantir la liberté de la presse. Pire, vous menacez le secteur français des médias et de l’industrie culturelle.

Dans les articles 1er, 2 et 3, vous proposez de confier au comité social et économique des sociétés de médias, d’édition et de publicité un droit d’agrément pour toute évolution du capital. Ce n’est pas le rôle des CSE, qui est à organiser la bonne marche de la société, la défense des salariés et le dialogue avec la direction et les actionnaires.

En réalité, vous voulez politiser davantage les médias en confiant leur avenir aux syndicats. Vous organisez ainsi le blocage de l’actionnariat : vous proposez de maintenir la situation actuelle, de geler le capital des médias et, paradoxalement, de sanctuariser le pouvoir de ceux que vous dénoncez.

Vos propositions sont partielles car elles ne concernent que certains médias. L’article 4 vise à interdire à tout actionnaire possédant plusieurs entreprises de médias de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles. Vous prétendez vouloir lutter contre la concentration des médias mais, vous le reconnaissez, vous ciblez le groupe Bolloré. Votre collègue Louis Boyard s’est fait le VRP de votre texte en provoquant un buzz dans l’émission « Touche pas à mon poste » la semaine dernière. Comme par hasard, vous ne visez pas l’audiovisuel public, pourtant la principale concentration de médias, qui dépend uniquement des impôts des Français.

Vos propositions sont partiales car au service de l’idéologie de la NUPES. Votre texte vise avant tout les médias qui vous déplaisent. Vous le reconnaissez, puisque vous voulez censurer un groupe au nom, je reprends vos termes, d’« un combat civilisationnel ». Derrière ce texte, vous voulez faire avancer votre agenda idéologique minoritaire en contraignant les médias qui vous sont défavorables. Nous ne pouvons le tolérer !

Enfin, vos propositions font peser une lourde menace sur le secteur français des médias et des industries culturelles. Pour défendre l’exception culturelle, réaliser des productions de qualité, coûteuses, peser face à la concurrence de plateformes numériques comme Netflix et Amazon Prime, notre pays doit disposer de champions. À ce titre, la concentration dans ce secteur, soumise – on peut en discuter – à un contrôle strict de l’État, est une nécessité d’intérêt national.

Pour lutter contre les concentrations abusives, Marine Le Pen propose de privatiser le service public de l’audiovisuel. Cela permettrait de rendre aux Français leur argent, de soumettre les médias au régime réel des entreprises et de rétablir l’égalité entre eux. Cela supposerait de conférer à l’Arcom un plus grand pouvoir de sanction, notamment lorsque les règles relatives au temps de paroles sont enfreintes.

À l’image de ce que le groupe RN propose pour l’industrie, l’État devrait pouvoir bloquer les investissements étrangers dans les médias, l’édition et la publicité, susceptibles de menacer les intérêts stratégiques du pays. Il pourrait limiter la mainmise de certains actionnaires et éviter une concentration dangereuse. Voilà des pistes, inspirées par le bon sens, bien éloignées de la position idéologique de la NUPES, à même de protéger, au nom du principe sacré de liberté de la presse, le secteur des médias et de l’industrie culturelle. Parce que la loi ne peut être le bras armé de l’idéologie de la NUPES contre le groupe Bolloré, nous nous abstiendrons.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il y a urgence. Un homme, Bolloré, se livre à une guerre de conquête : sur le terrain audiovisuel, avec le rachat du groupe Canal+, iTélé devenue CNews et d’Europe 1 ; sur celui de la presse écrite, avec l’acquisition de Paris Match et du JDD, ainsi que du groupe Prisma Media et ses trente-six titres dont Capital, Femme actuelle et Gala ; sur celui de l’édition, avec le rachat, après la prise de contrôle d’Editis, de son principal concurrent, Hachette. L’empire s’étend également au monde du spectacle et du jeu vidéo. Bolloré assume de mener un « combat civilisationnel » – ce sont ses mots – à travers les médias qu’il possède, les films qu’il finance. Nous voilà donc prévenus : la constitution de cet empire ne saurait être vue ni comme un acte de philanthropie ni comme une simple course aux profits.

Émissions et documentaires supprimés, couvertures imposées, livres censurés, journalistes écartés, séries réécrites, pressions judiciaires et économiques sur les auteurs et les diffuseurs d’enquêtes sur les agissements de Bolloré, notamment en Afrique, pluralisme et indépendance – obligation inscrite dans la convention signée par la chaine l’autorisant à utiliser son canal TNT gratuit – allègrement bafoués, comme on a pu le voir sur C8 : la liste des méfaits de Bolloré est comme inépuisable.

Mais l’arbre Bolloré ne saurait cacher le bosquet des neuf industriels qui détiennent 90 % des médias : un paysage façonné par une loi du profit qui précarise les journalistes et affaiblit la valeur de l’information, un paysage fort peu diversifié et régulé, où règne le conflit d’intérêts. Comment ne pas voir le problème dans le fait que quelques industriels, en plus de leurs affaires de luxe, de transport, d’import-export, parfois d’armement, occupent aussi une position d’actionnaire de contrôle dans des médias destinés à informer le peuple, et dans lesquels le peuple a de moins en moins confiance ? Comment ne pas voir le danger dans leur pouvoir de pression lorsqu’à la concentration horizontale s’ajoute la concentration verticale – un homme possède une chaîne de télévision, mais aussi un fournisseur d’accès à internet et une agence de publicité ?

La loi Léotard de 1986, qui prolongeait l’esprit de l’ordonnance du 26 août 1944 sur l’organisation de la presse française et son indépendance, est aujourd’hui lacunaire, voire obsolète : elle échoue à garantir l’indépendance de l’information et du métier de journaliste.

Je vous invite à mesurer ce qu’un tel texte, s’il avait été adopté plus tôt, aurait permis d’éviter. Le 17 octobre 2016, après le rachat du groupe Canal+ par Vincent Bolloré, les salariés d’iTélé ont engagé un bras de fer inédit avec leur direction, demandant des garanties d’indépendance, un projet et des moyens pour la chaîne d’info ; après trente et un jours de grève, une durée record pour une chaîne privée, rien ne leur a été concédé ; un an plus tard, la quasi-totalité des journalistes avait quitté iTélé. Les journalistes d’Europe 1 se sont aussi mobilisés en vain contre le rachat de leur station. Le droit d’agrément confié au CSE aurait permis de négocier des garanties d’indépendance et d’empêcher des rachats contraires à l’exercice indépendant du métier de journaliste. Avec une loi comme celle qui nous est proposée, les journalistes du Parisien n’auraient pas eu à déplorer, dans le Huffington Post, l’autocensure qui les a poussés à ne pas évoquer Merci Patron !, qui a obtenu le César du meilleur documentaire, mais qui s’en prend à Bernard Arnault.

Nous ne prétendons pas que cette proposition de loi suffira à garantir l’indépendance de l’information et à l’emporter sur la concentration. Nous remercions les députés de la NUPES, qui ont joué le jeu et proposé des améliorations. Nous attendons avec impatience les propositions que le Gouvernement et la majorité ne manqueront pas de faire, après moult paroles sur le sujet et l’annonce de la tenue d’états généraux du droit à l’information – sur laquelle nous n’avons justement aucune information. À cet égard, je vois mal comment le groupe Renaissance entend mettre un coup d’arrêt à la concentration dans les médias lorsque son oratrice explique que l’interdiction de toute prise de contrôle de plus de 20 % du capital dans les médias les plus significatifs – une idée à laquelle, selon une étude d’Harris interactive, huit Français sur dix sont favorables – pose problème.

M. Alexandre Portier (LR). La question est importante mais bien mal menée. Sur la forme, la moitié de la PPL se réduit à un réquisitoire contre Vincent Bolloré – son nom revient, de façon obsessionnelle, neuf fois sur trois pages. L’Assemblée nationale n’est pas un tribunal, la loi n’est pas le lieu où des députés et un groupe de médias peuvent régler leurs comptes ! C’est d’autant plus malsain que les députés du groupe LFI n’ont pas été les derniers à émarger sur les plateaux du groupe Bolloré. Pourquoi ne pas avoir refusé l’argent d’un groupe que vous décriez aujourd’hui ?

Sur le fond, le texte a pour ambition de lutter contre la concentration dans les médias, prétendument à l’origine des atteintes au pluralisme de la presse. On a pourtant rarement vu La France insoumise s’émouvoir du manque de pluralisme dans les médias publics ! Œillères et indignation sélective…

Passé les règlements de compte, que reste-t-il ? Les articles 1er, 2 et 3 visent à conférer au CSE un pouvoir d’agrément en cas de changement de contrôle du capital. Nous doutons sérieusement que cette réponse soit appropriée pour lutter contre le rôle politique potentiel des propriétaires de médias : en quoi des salariés seraient-ils plus neutres que des actionnaires ? Voteront-ils contre la concentration ou, plutôt, en fonction de leur opinion politique ? Cette mesure, aux contours flous, dessaisit l’État de sa responsabilité.

Oui, il faut une régulation pour garantir l’indépendance de la presse – inscrite dans la Constitution : c’est bien le rôle de l’Autorité de la concurrence, conseillée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour les télécoms et l’Arcom pour l’audiovisuel. Et cela fonctionne : pour preuve, l’échec de la fusion entre TF1 et M6, qui aurait pu aboutir à une position hégémonique, préjudiciable aux concurrents et aux annonceurs.

L’article 4 vise à plafonner à 20 % les prises de capital dans les sociétés à vocation audiovisuelle et culturelle. En vous attaquant aux entreprises de plus de 11 salariés, vous restez très loin des mastodontes comme le groupe Bolloré ! Cette lecture arithmétique de la problématique des médias et de l’information nous semble bien pauvre et la PPL ne repose sur aucune stratégie sérieuse. Casser, démanteler, ça peut faire plaisir mais ça ne fait pas un programme !

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat, paru en mars 2022, cité dans l’exposé des motifs, conclut qu’il faut trouver un équilibre entre la nécessité d’assurer la diversité, le pluralisme et l’indépendance des médias et la nécessité d’investir pour permettre le développement d’entreprises capables d’affronter la concurrence des grandes plateformes étrangères.

Oui, l’information est d’intérêt général ; au XXIe siècle, aucun pays ne peut peser sans un réseau de médias qui lui permette de défendre ses intérêts, de porter sa vision du monde et d’affirmer son rayonnement. C’est une question d’infrastructures, d’aménagement du territoire, de compétences mais aussi d’investissements, que l’État ne saurait réaliser seul. En fragilisant les entreprises nationales, vous ne ferez rien d’autre que dérouler le tapis aux Gafam et aux plateformes étrangères. Le groupe Les Républicains votera contre ce texte.

Mme Sophie Mette (Dem). Ce texte permet d’ouvrir un débat plus que nécessaire. La question de la concentration dans le secteur de la presse et des médias est l’évolution moderne du questionnement sur la liberté de la presse, que l’on trouvait déjà chez Tocqueville. Liberté de la presse et liberté démocratique sont intrinsèquement liées, mais la première peut connaître des dérives qui faisaient craindre au penseur le règne trompeur de l’opinion.

L’importance des médias a conduit à les considérer comme le quatrième pouvoir ; à ce titre, on a admis de réguler ce secteur à l’influence grandissante. C’est l’esprit de la loi de 1986, qui entendait limiter les monopoles. Bien que les seuils, aussi bien dans la presse que dans l’audiovisuel, peuvent aujourd’hui poser question, force est de constater que le pluralisme est plus important qu’il ne l’était dans les années 1980, ou au début des années 2000.

Cette question a toujours été au cœur des préoccupations de notre famille politique. En 2007, François Bayrou souhaitait réguler les liens entre les entreprises de la presse et les industriels liés à l’État ; plus récemment, Patrick Mignola a défendu l’adoption de droits voisins pour la presse.

Madame la rapporteure, vous relancez utilement ce débat avec l’article 4 de votre PPL, en y ajoutant la complexité moderne qui fait que les secteurs sont désormais interdépendants, constituant chacun un maillon de la fabrique de l’opinion. Si cette régulation paraît nécessaire, ni les seuils ni les modalités juridiques que vous proposez ne sont satisfaisants. L’objectif que nous souhaitons tous atteindre est d’avoir des médias libres, en bonne santé économique, capables d’exercer leur rôle d’informateur et, au besoin, de contre-pouvoir.

Quant aux articles 1er, 2 et 3, ils fixent un cadre juridique flou et arbitraire et ne semblent être qu’une énième remise en cause du droit de propriété, sans assurer la qualité et la pluralité de l’information.

La ministre de la Culture l’a évoqué ici, des états généraux du droit à l’information s’ouvriront bientôt. Ils permettront d’évoquer la question de la concentration, parmi d’autres aspects également essentiels. Car si l’omniprésence du groupe Vivendi nous inquiète tout autant que vous, nous devons mener une réflexion plus large sur la nature même de l’information.

Les événements récents nous poussent au questionnement. Doit-on se contenter de laisser 2 millions de nos concitoyens regarder chaque soir des experts en rien donner leur avis sur tout ? Doit-on laisser façonner ainsi l’opinion publique, sans esprit critique ? Deux siècles plus tard, les réflexions de Tocqueville sont plus que jamais d’actualité.

Si le législateur doit se pencher sur la régulation de la propriété des médias, il doit réfléchir plus largement à ce que les pratiques actuelles disent de notre relation aux médias et à l’information. Les conclusions de la mission flash sur l’éducation critique aux médias, conduite par nos collègues Ballard et Spillebout seront à cet égard très utiles.

Le groupe Démocrates votera contre la PPL mais souhaite que ce débat débouche sur une plus large réflexion, dans la perspective d’une actualisation efficace de la loi.

M. Inaki Echaniz (SOC). « Fléau médiatique, social et démocratique » : c’est ainsi que 250 journalistes, signataires d’une tribune publiée en décembre 2022, ont décrit la situation d’hyperconcentration des médias en France.

Personne ne peut le nier, la presse d’information politique et générale (IPG) se trouve entre les mains d’un petit nombre d’hommes et de sociétés dont l’activité principale est souvent très éloignée du monde de l’information et de ses principes : Libération, L’Express et les groupes BFM et RMC pour le groupe Drahi, Le Monde pour Xavier Niel, qui possède l’essentiel des titres de presse quotidienne régionale (PQR) du Sud-Est ; Les Échos et Le Parisien pour Bernard Arnault, ainsi que des prises de participation dans les différents types de presse magazine ; Le Point pour François Pinault. La PQR est aux mains de cinq ou six acteurs, dont deux groupes bancaires qui ont cassé le système pluraliste issu de la Libération. L’exemple le plus éloquent est celui du groupe Vivendi, Vincent Bolloré contrôlant à la fois des chaînes de télévision comme Canal+, CNews ou C8, mais aussi une station de radio, Europe 1, et plusieurs titres de presse réunis dans le groupe Prisma Media – un pouvoir monumental entre les mains d’un seul homme d’affaires.

Aucune prise de contrôle des médias n’est anodine : les menaces sur le personnel, la liberté de pensée des journalistes, le pluralisme de l’offre, ou encore la qualité de l’information peuvent être bien réelles. Elles se manifestent sous diverses formes : augmentation significative du temps d’antenne consacré à l’extrême droite – plus de 15 points sur CNews –, licenciements abusifs de journalistes – tel celui de Stéphane Guy – censure de sujets dérangeants pour certains actionnaires, transformation des chaînes d’information en chaîne d’opinion.

Ces signes doivent nous alerter car l’information n’est pas une marchandise comme les autres, pas plus que les médias sont des entreprises comme les autres. Leur influence sur l’opinion, les débats publics, les décisions politiques et le vote des citoyens sont tels que nous devons renforcer nos exigences en matière de liberté, de pluralisme et d’indépendance, des valeurs constitutionnelles dont le Parlement est garant. Il revient donc aux parlementaires de s’assurer que ces remparts de la démocratie ne sont pas ébranlés.

Parallèlement, les Gafam s’impliquent davantage sur le marché mondial des médias et des contenus ; les réseaux sociaux ont une influence majeure chez les jeunes, nous en voyons tous les jours les conséquences. Face à ce constat, les citoyens doivent continuer de bénéficier d’une offre diversifiée et indépendante. L’hyperconcentration est un risque pour notre démocratie. Nous devons adapter la loi pour la limiter. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette proposition de loi.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ce texte fait écho à des préoccupations légitimes sur l’indépendance et le pluralisme des médias, de la presse et de l’édition. Nous défendons résolument ces principes et partageons l’ambition de faire évoluer la loi pour garantir le pluralisme, la fiabilité de l’information et la liberté éditoriale.

L’actualité prouve, s’il en était besoin, qu’il est essentiel de réfléchir aux risques que fait peser une trop forte concentration. L’altercation violente entre notre collègue Louis Boyard et le présentateur Cyril Hanouna, qui fait désormais l’objet de procédures judiciaires, dépasse le seul sujet de la concentration mais elle est symptomatique de ses conséquences néfastes : un présentateur tout-puissant, qui ne craint pas les réactions de l’Arcom et impose le tabou sur les sujets touchant aux intérêts de son actionnaire. Quels que soient les justifications et le contexte, nous ne saurions tolérer qu’un élu de la République, représentant de la nation, fasse l’objet d’insultes.

Au-delà des enjeux économiques, la concentration des médias pose question au niveau politique. La vie politique et ses grands moments donnent lieu à des batailles informationnelles. La dernière élection présidentielle en est l’exemple frappant puisqu’une chaîne d’information en continu a pu servir de rampe de lancement à un candidat, ancien éditorialiste.

Si cette proposition de loi a le mérite de nous alerter sur les risques liés à la concentration, elle ne tient pas compte des travaux déjà réalisés. Elle ne reprend pas les conclusions, similaires, du rapport de l’IGF et de l’Igac et de celui de la commission d’enquête du Sénat, dont David Assouline était rapporteur, publiés en mars 2022. Elle ignore les travaux en cours ou à venir, comme ceux des états généraux du droit à l’information, qui donneront lieu à un débat de fond sur la concentration, ou de notre commission. En effet, la mission d’information sur l’audiovisuel public traitera une partie du sujet et une mission flash sur la concentration des médias est en cours de création. Présenter cette proposition de loi aujourd’hui, c’est faire fi de la réflexion collective et du travail en cours.

Enfin, ce texte ne tient pas compte du projet de législation européenne sur la liberté des médias, adoptée par la Commission européenne en septembre. On ne peut, sur un sujet aussi sensible et complexe, se passer d’une concertation avec les différents acteurs et d’une étude d’impact.

Sur le fond, les articles 1er, 2 et 3 ne garantissent pas l’absence de concentration ; ils ont pour seul effet d’attenter au droit de propriété et de dissuader d’investir dans ce secteur, à un moment où les besoins en capitaux sont forts, où les fonds étrangers investissent et où les Gafam renforcent chaque jour leur position dominante.

L’article 4 prévoit qu’un décret définira le champ des entreprises concernées par la mesure, par ailleurs imprécise. Il est inopérant et donne au réglementaire un pouvoir trop grand. Cette proposition de loi ajoute de nouvelles règles à des règles réputées inadaptées et illisibles. Il faut une démarche globale et, comme vous l’avez proposé, madame la rapporteure, une loi-cadre.

En effet, une opération de concentration n’affaiblit pas toujours le pluralisme. Au-delà de l’actionnariat, il faut s’attacher au pluralisme des lignes éditoriales, au pluralisme des types d’information, à la diversité des chaînes, aux garanties d’indépendance des rédactions. Nous devons construire des garde-fous pour éviter l’ingérence éditoriale et l’atteinte au pluralisme de l’information. Le Parlement doit achever le travail engagé et mener une concertation approfondie pour proposer un cadre législatif global. Le dispositif anticoncentration est un des outils, pas le seul. Les députés du groupe Horizons et apparentés ne voteront pas cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je remercie la rapporteure, et Sarah Legrain, pour la qualité de leur travail et des auditions. Les événements de la semaine dernière – un présentateur à l’ego démesuré qui se permet, à un moment de grande écoute, d’insulter un élu de la République et d’assumer « ne pas mordre la main qui le nourrit » en refusant d’aborder les troubles judiciaires de l’actionnaire de contrôle de la chaîne qui l’emploie – illustrent les dérives de la vie médiatique, fragilisée par les appétits des milliardaires de ce pays.

Ne soyons pas naïfs, la stratégie d’acquisition des médias par les industriels n’a rien de philanthropique, elle n’existe qu’à des fins d’influence politique, économique et est le fait d’individus richissimes, persuadés que tout peut s’acheter, jusqu’à la liberté de la presse.

Comme le montre le cas de Vincent Bolloré, les effets sont délétères sur la qualité du débat démocratique. Sa stratégie volontaire d’appauvrissement du travail journalistique dans les médias audiovisuels, où il a mis et pris la main, répète le même schéma : la pratique du management par la terreur ; des coupes massives dans les effectifs consacrés au travail d’enquête et au terrain ; remplacement des programmes d’information par des talk-shows, moins coûteux, où interviennent des éditorialistes proches de ses idées et dont les interventions ne sont pas comptabilisées dans les temps de parole, bien qu’étant très marquées politiquement – le plus extrémiste d’entre eux a été jusqu’à se présenter à la présidentielle.

L’information disparaît peu à peu. D’après une étude de François Jost, l’information stricto sensu, comme énonciation de faits, n’aura occupé que 13 % du temps d’antenne de CNews en janvier et en février 2022. Les journalistes qui s’y opposent sont invités à prendre la porte ; ceux qui tiennent à leur emploi sont contraints à l’autocensure.

La censure peut même être directe : un documentaire de Canal+ qui s’attaquait aux partenaires financiers du groupe Bolloré a été déprogrammé, des unes ont été imposées à la rédaction de Paris Match, le livre de Guillaume Meurice n’a jamais été imprimé.

Ce n’est pas parce qu’un média est privé que celui qui tient les cordons de la bourse peut décider du contenu éditorial. Oui, les journalistes peuvent, ils doivent, mordre la main qui les nourrit : il y va de leur liberté et de celle de la presse – une valeur constitutionnelle.

Le besoin de régulation est criant. Abaisser le seuil anticoncentration de la loi de 1986 est une bonne chose, mais le meilleur moyen de garantir la liberté et le pluralisme reste encore de protéger les journalistes et de leur accorder des droits, comme le fait la proposition de loi en accordant un droit d’agrément aux CSE. Mais il faudra aller plus loin, la rapporteure en est bien consciente, en incitant à la mise en place d’une gouvernance démocratique dans les entreprises de presse. Il faudrait conditionner les aides à la presse ou l’attribution d’un canal de télévision hertzien à la représentation, à hauteur de 50 %, des salariés dans les conseils d’administration. Le rôle de l’Arcom doit être repensé et sa palette de sanctions élargie pour rendre la dissuasion efficace.

Le groupe Écologiste-NUPES votera pour ce texte. La majorité présidentielle est attendue au tournant, elle qui s’était engagée à agir, par la voix de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture. Nous ne pouvons plus renoncer à ces libertés, sous peine de voir de telles dérives mettre la démocratie en péril.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). La situation des médias est particulièrement inquiétante : huit milliardaires et deux millionnaires détiennent en France 80 % de la diffusion des quotidiens nationaux et 95 % de celle des hebdomadaires nationaux généralistes.

Certes, la loi de 1986 a vocation à réguler la concentration des médias dans la presse écrite, la radio et la télévision, mais elle est complètement désuète. Un propriétaire ne peut pas posséder plus de 30 % de la diffusion des quotidiens nationaux, un seuil bien trop élevé auquel personne n’est soumis. La loi interdit la détention de plus de 89 % du capital d’une chaîne de télévision, mais rien n’encadre l’information numérique. La loi est datée et peu efficace, car trop permissive. Il nous faut donc définir un nouveau cadre pour sortir les médias de la prédation exercée par les milliardaires et les multinationales.

Ce texte va dans le bon sens. Les trois premiers articles créent un droit d’agrément par le CSE des entreprises de presse et audiovisuelles, mais aussi des maisons d’édition et des entreprises de distribution et d’importation de livres. La rapporteure propose aussi d’accorder un droit de validation aux représentants des personnels, ce que nous partageons. Enfin l’interdiction, à l’article 4, de la prise de contrôle de plus de 20 % du capital, à un certain niveau d’audience, nous paraît nécessaire pour limiter l’influence des actionnaires sur les médias.

Mais nous pouvons aller encore plus loin. Renforcer l’indépendance des rédactions est l’un de nos principaux objectifs. Nous proposons que la nomination du directeur de la rédaction soit soumise à l’accord de la rédaction ; qu’un taux minimum des journalistes en CDI soit imposé ; que les sociétés de journalistes aient un statut juridique.

Cependant, nous ne parviendrons pas à garantir l’indépendance des médias sans réfléchir à leur financement. Les seules entités capables de financer les médias sont aujourd’hui des multinationales, sans lien avec la presse, mues par d’autres intérêts – notre objectif n’est pas d’assurer le pluralisme entre milliardaires !

Nous avons déposé deux amendements. Le premier vise à donner à l’ensemble de l’équipe rédactionnelle un statut et à assurer son indépendance vis-à-vis des actionnaires en assurant des droits collectifs aux journalistes. Le second vise à intégrer la presse hebdomadaire et les magazines dans le seuil anticoncentration et à abaisser le seuil pour la presse de 20 % à 10 % de la diffusion nationale.

L’indépendance des médias et de l’information étant le symbole de la bonne santé de notre démocratie, les dérives actuelles nous inquiètent beaucoup. Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES soutient pleinement ce texte.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). C’est un sujet bien vaste et délicat qui est inscrit à l’ordre du jour. Je ne reviendrai pas sur l’actualité brûlante mais elle vient nous rappeler que nous avons encore du chemin à faire dans ce domaine.

Nous mesurons tous ici l’ampleur du phénomène de la concentration des médias, chacun ayant conscience que des grandes fortunes peuvent influer sur le contenu des publications, qu’il s’agisse de l’information ou de l’édition, ou sur la tenue de manifestations culturelles.

L’accès des citoyens à des médias libres et indépendants est un préalable à la démocratie, la perte du lien de confiance se répercute sur les institutions politiques. Garantir l’indépendance et le pluralisme des médias est un impératif démocratique. C’est pourquoi notre groupe s’est opposé à la suppression de la redevance audiovisuelle et continue d’appeler le Gouvernement à mettre en place un financement qui garantisse l’indépendance de l’audiovisuel public.

Dans le privé, la concentration à l’œuvre depuis plusieurs années comporte un risque démocratique, visible à plusieurs niveaux. Les citoyens remettent de plus en plus en cause l’indépendance des médias et la fiabilité des informations ; ils sont toujours plus nombreux à suspecter les journalistes et les médias d’être trop proches du pouvoir politique, des actionnaires ou des annonceurs. Parallèlement, le rôle de certains médias dans la diffusion d’informations tronquées ou fausses, à des heures de grande écoute, constitue un motif supplémentaire d’inquiétude. Le mouvement d’hyperconcentration intervient dans un contexte de crise de la presse, marquée par une réduction du nombre des journalistes, remplacés par des « chargés de contenu », la mutualisation des rédactions, avec le risque d’uniformisation de l’information et de recul du travail d’investigation. Tout cela nourrit la défiance.

La concentration nuit aux équilibres économiques, sur fond d’influence grandissante des plateformes numériques. Le projet de fusion entre TF1 et M6 n’a pas abouti, dont serait né un géant national représentant 41,5 % de l’audimat et 75 % du marché publicitaire. Comment considérer le potentiel rapprochement entre Vivendi et Lagardère sur le marché de l’édition ? La frontière est ténue entre la constitution de champions nationaux ou européens et la création de monopoles. La concentration est malheureusement indissociable des mutations numériques : les réseaux sociaux deviennent les principaux lieux d’information, de grandes plateformes de streaming apparaissent.

Il faudrait sans doute mener une réflexion plus globale, en continu. Le chantier est vaste et une révision législative semble nécessaire. Même si les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s’interrogent sur l’applicabilité et les effets des mesures proposées, dont le droit d’agrément sous la responsabilité des instances de représentation du personnel, ils partagent l’objectif et sont conscients des enjeux. Nous sommes ouverts à la discussion pour trouver des solutions efficaces et respectueuses de l’indépendance de l’information politique, des institutions et industries culturelles. Il est urgent d’agir et de poser les premiers jalons de la lutte contre ces phénomènes de concentration.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Quentin Bataillon (RE). Il est nécessaire de légiférer sur la concentration dans les médias, mais permettez-moi de douter du sérieux de votre démarche. Vous ne corrigez absolument pas les dispositions de la loi de 1986, vous n’avez auditionné qu’un seul syndicat, la CGT, et aucun groupe de presse, mais vous avez choisi d’entendre MM. Edwy Plenel et Guillaume Meurice, ce qui est assez saugrenu. Par ailleurs, en classant ce texte onzième sur douze, vous lui laissez peu de chance de passer en séance, ce qui montre que vous n’en faites pas une priorité. Enfin, il est étonnant que vous méprisiez le travail de qualité du sénateur David Assouline – qui fait partie de la NUPES, comme vous.

M. Philippe Ballard (RN). La concentration des médias entre les mains de quelques-uns peut certes représenter un danger, surtout lorsque des acteurs étrangers entrent dans la danse. Mais il y a une autre façon de voir les choses. Face aux mastodontes américains que sont Disney, Amazon ou Netflix – sans parler des géants chinois de demain –, ne devrions-nous pas encourager la création d’un grand groupe français, ne serait-ce que pour défendre notre exception culturelle, à laquelle nous tenons tant ?

Le service public, quant à lui, n’est pas exempt de tout reproche. L’Arcom l’a d’ailleurs relevé : certaines émissions se positionnent politiquement et des journalistes s’affranchissent parfois de la déontologie. Votre proposition de loi entend renforcer le poids du CSE mais il y a aussi, dans les rédactions, des sociétés de journalistes (SDJ), qui ont un poids déontologique et moral beaucoup plus fort.

Votre indignation est un peu sélective. D’une certaine façon, CNews ne serait-il pas à la droite ce que le service public est à la gauche ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Vous souhaitez défendre notre indépendance en matière de production audiovisuelle, et j’y suis très sensible, mais il faut envisager le problème dans sa globalité et évoquer d’autres dynamiques qui entachent son bon fonctionnement. De nombreuses compétitions sportives seront retransmises au cours des prochaines années – et dès la semaine prochaine. Or certains droits sont détenus par des compagnies étrangères, notamment américaines, si bien que même France 2 peine à se procurer les droits de retransmettre des compétitions sportives qui se dérouleront sur notre propre territoire. Que pensez-vous de cette situation ?

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). La concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires est un problème majeur pour notre vie démocratique. Ils sont huit à détenir 90 % des médias de notre pays. Cette concentration porte atteinte au pluralisme, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. Elle conduit à des suppressions de postes et à une forme de censure.

Dans ce contexte, trois propositions se dessinent. La France insoumise, avec la NUPES, propose de légiférer sans attendre pour en finir avec cette concentration des médias : c’est le sens de la proposition de loi présentée par Clémentine Autain. L’extrême droite défend la privatisation de France Télévisions et de Radio France, c’est-à-dire l’extension de la mainmise des milliardaires sur la totalité du paysage audiovisuel français.

Entre les deux, la minorité présidentielle en reste à des déclarations d’intention. Interpellé hier par ma collègue Sarah Legrain lors des questions au Gouvernement, le ministre Véran a déclaré que le Gouvernement était déterminé à assurer une information libre, indépendante et pluraliste. Vous avez l’occasion de passer des mots aux actes en votant cette proposition de loi.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). À vous entendre, la concentration des médias entre les mains de quelques millionnaires – voire quelques milliardaires – porterait atteinte au pluralisme et serait une menace grave pour la démocratie. L’opinion serait exposée à un message conservateur, favorable à l’élite financière internationale, au détriment des autres courants de pensée politique. Que faites-vous de Libération, Alternatives économiques ou L’Humanité et d’autres médias qui incarnent les idées de gauche ? Si les médias étaient sous contrôle, vos idées irrigueraient-elles autant votre électorat ?

Votre mouvement politique a très tôt fait le choix d’investir les médias sociaux et de rejeter les médias traditionnels. Votre volonté de contrôler les médias ne doit pas remettre en cause l’équilibre qui assure le pluralisme de nos médias d’information. Finalement, la concentration des médias, prétendument attentatoire à notre démocratie, ne serait-elle pas un prétexte pour vous en prendre aux médias, dont vous vous méfiez ?

Mme Céline Calvez (RE). Vous proposez différents mécanismes pour lutter contre la concentration dans les médias, en vous concentrant sur la question du capital, mais il me semble qu’il y a d’autres angles d’attaque.

Vous êtes-vous, par exemple, penchée sur la question du droit de vote dans les instances de direction, notamment pour ce qui concerne les choix éditoriaux ? Comment la loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dite « loi Bloche », du 14 novembre 2016, qui avait confié à l’Arcom le soin de garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information s’applique-t-elle ? Comment aller plus loin ?

Ne faudrait-il pas, avant toute chose, changer de paradigme et abandonner, peut-être, le critère du niveau d’audience ? La notion de « part d’attention », proposée par l’économiste Andrea Prat, ne serait-elle pas plus pertinente pour penser la réalité du poids médiatique ?

M. Karl Olive (RE). Tout ce qui est excessif est insignifiant. Les grandes entreprises dont vous parlez avec un certain dégoût ont tous les défauts du monde, à vous entendre. Il est certainement nécessaire de revoir les contours de leur fonctionnement, et je ne suis pas le dernier à le dire : je l’ai encore démontré il y a quelques heures sur le plateau de l’émission « Touche pas à mon poste », lorsque je suis revenu sur les insultes inacceptables qui ont visé notre collègue Louis Boyard.

Nous attendons beaucoup des états généraux à venir, mais il ne faut pas oublier les emplois créés par ces groupes et le soutien qu’ils apportent aux mondes de la presse, du sport et de la culture. L’an dernier, Canal+ a consacré 50 % de ses investissements à des programmes locaux et a mis 500 millions d’euros dans le cinéma français et européen et Vivendi, qui représente 36 000 emplois, reste l’une des mamelles du sport en France.

Pourquoi ne commencez-vous pas par conformer vos actes à vos paroles ? Vous vous en prenez au groupe Bolloré, mais vous et vos amis continuez d’aller sur ses plateaux à la moindre occasion. Il y a la loi et l’esprit de la loi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’indépendance de la presse vis-à-vis des puissances d’argent est la condition essentielle d’un exercice plein et entier de la démocratie. Je voudrais appeler votre attention sur la situation de la presse quotidienne régionale et départementale. Même si elle reste lue par 43 millions de personnes chaque mois, ses ventes ont baissé de 37 % depuis 2010, ce qui la fragilise économiquement et menace son indépendance.

La CMA CGM détient 100 % de La Provence depuis la validation de son rachat par le tribunal de commerce. Il est problématique que le principal quotidien local appartienne au premier employeur privé de Marseille. Comment les journalistes de La Provence pourront-ils enquêter sur l’amiante présent dans les bateaux de la CMA CGM ou sur les émissions de CO2 de ses porte-conteneurs géants, maintenant que le milliardaire Rodolphe Saadé, huitième fortune française, a pris possession de ce journal ?

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Ce débat a le mérite de clarifier les positions de chacun. D’un côté, on a le groupe Renaissance : il a participé à la majorité pendant cinq ans, n’a absolument rien fait sur ce sujet majeur, ne propose aucune solution concrète pour réformer un système qui nous conduit droit dans le mur et se contente de renvoyer à des états généraux du droit à l’information, sans cesse reportés. De l’autre, on a l’extrême droite, qui défend le modèle actuel et anime le comité de défense de Bolloré. Seuls les groupes de la NUPES ont insisté sur l’urgence qu’il y a à agir ; ils ont exprimé leur volonté d’aller plus loin que cette proposition de loi pour mettre fin à la dégradation continue de la production de l’information et à la mise en cause permanente du pluralisme dans les médias.

La question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre CNews ou Le Figaro, ni si l’on est pour ou contre la manière dont se positionne l’audiovisuel public. La question que pose cette proposition de loi est la suivante : comment la puissance publique se donne-t-elle les moyens d’empêcher des milliardaires de décider du contenu de l’information et de ce que les citoyennes et les citoyens regardent, écoutent et lisent ? À cette question, le groupe Renaissance répond par le laisser-faire et celui du Rassemblement national par la casse de l’audiovisuel. Les masques tombent : tout est limpide.

Pour en venir aux quelques questions qui m’ont été posées, l’évaluation de la « loi Bloche » n’a pas été réalisée dans le cadre de nos travaux, mais vous pouvez vous saisir de ce sujet. Nous n’avons pas auditionné l’Arcom ; il est vrai que notre commission pourrait le faire.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous avons évidemment déjà auditionné l’Arcom. Rassurez-vous, la commission travaille.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je ne dis pas le contraire, mais un membre de votre commission s’est plaint de ne pas avoir le point de vue de l’Arcom sur cette question. Si vous l’auditionnez à nouveau, vous pourrez l’interroger sur la concentration des médias.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Il existe un compte rendu de cette audition, que je vous invite à consulter. Vous constaterez que de nombreuses questions ont été posées.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Le groupe de travail de l’intergroupe NUPES va poursuivre ses auditions ; nous reviendrons devant cette commission avec d’autres propositions pour faire avancer le sujet.

Je suis abasourdie, à la fois par l’absence totale de proposition de la part du groupe Renaissance et par le soutien clair et assumé à ce modèle, apporté à droite, y compris par Les Républicains.

Madame Anthoine, je peux vous assurer que L'Humanité et les autres journaux de gauche que vous avez mentionnés rencontrent de vraies difficultés. J’en sais quelque chose pour avoir dirigé un journal qui n’avait pas d’amis milliardaires et peu de soutiens publics – je rappelle que l’aide à la presse est inégalitaire car elle varie en fonction des supports. Je constate par ailleurs que la concurrence internationale justifie, une fois de plus, que l’on ne modifie rien. À ce compte-là, nous ne nous attaquerons jamais aux logiques de concurrence, dans aucun domaine.

Rien n’a été fait, depuis cinq ans, pour empêcher les Gafam d’intervenir à tort et à travers et de massacrer notre modèle de l’information et du débat public. Et la nouvelle majorité, qui n’est pas majoritaire, n’a toujours rien à nous proposer. Je ne vois rien venir, ni pour lutter contre les Gafam, ni pour garantir le pluralisme dans les médias, ni pour lutter contre la concentration. Ce débat a permis d’éclairer les choses et je me réjouis que la NUPES se trouve rassemblée face à vous.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame la rapporteure, je vous remercie pour cette réponse en forme de réquisitoire. La majorité a fait des propositions et je tiens à saluer le travail du sénateur David Assouline. Puisque vous allez poursuivre votre travail, j’espère que vous l’auditionnerez.

Nous passons à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de la presse

Amendement AC11 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous proposons que le CSE constitue un comité spécial, composé à 60 % de journalistes, en cas de renouvellement du directeur ou de la directrice de la rédaction. Il aurait un droit de veto. Cette mesure s’applique déjà dans certains journaux, comme Le Monde ou Les Échos. Elle renforcerait l’indépendance des rédactions et des journalistes, qui peuvent être soumis, par l’intermédiaire du directeur de la rédaction, à la pression des actionnaires ou des dirigeants.

Mme Violette Spillebout (RE). Nous voterons contre cet amendement qui est très vague, car il ne précise pas quels journalistes pourraient faire partie de ce comité. Il entraînerait, comme l’ensemble de l’article 1er, une évolution significative des CSE, qui mérite un débat plus approfondi.

Il n’est pas vrai que le groupe Renaissance ne fait aucune proposition. Nous souhaitons nous appuyer sur les trente-deux préconisations du sénateur David Assouline pour engager un travail collectif et transpartisan. La question de la concentration des médias mérite mieux qu’une proposition de loi bâclée.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Cet amendement ne sort pas de nulle part et fait écho aux travaux de Julia Cagé. Certains de nos collègues du groupe LR demandent pourquoi des journalistes devraient avoir davantage leur mot à dire que des actionnaires, ce qui me paraît très grave. Les actionnaires ont des intérêts et les journalistes ont une déontologie, qui suppose une formation et des contrôles. Il faut qu’ils puissent exercer leur métier indépendamment de la pression des actionnaires, qui font parfois des affaires dont ils n’ont pas envie qu’on parle dans les médias. Vous dites vouloir prendre en compte les propositions de David Assouline, mais c’est grâce à notre proposition de loi que nous débattons de cette question pour la première fois.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, qui est tout à fait dans l’esprit de la proposition de loi. Le secteur de la presse est particulièrement sensible à l’ingérence des propriétaires.

Je souscris pleinement aux propos de ma collègue Sarah Legrain sur la déontologie des journalistes et la nécessité de protéger leur indépendance vis-à-vis des actionnaires. Les propos de nos collègues sont particulièrement choquants.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises éditrices d’un service de communication audiovisuelle

Amendements AC1, AC4, AC2 et AC3 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard (RN). Ces amendements d’appel visent à vous alerter sur la nécessité de procéder à la privatisation d’une partie de l’audiovisuel public. Le manque d’objectivité de certains programmes diffusés sur les chaînes publiques nous amène à nous interroger sur le respect de la déontologie, de l’honnêteté, de l’indépendance, du pluralisme de l’information et de l’expression pluraliste des courants de pensée. N’y a-t-il pas, selon vous, une mainmise culturelle et idéologique sur l’audiovisuel public ?

Par ailleurs, s’attaquer à la concentration de certains groupes privés, c’est prendre le risque que des capitaux étrangers viennent s’implanter dans le paysage français. Face au développement massif des géants mondiaux, américains et chinois, ne privons pas la France des moyens de faire rayonner son exception culturelle !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Cette proposition de loi ne porte pas sur l’audiovisuel public.

Le fait le plus préoccupant, dernièrement, a été le rapprochement de TF1 et M6, sans la moindre prise en compte de l’avis de leurs salariés. Si le débat a surtout porté sur la position dominante qu’aurait eue le groupe en matière de marché publicitaire, il faut également se préoccuper des conséquences éditoriales de tels rapprochements.

L’intergroupe NUPES se battra pour défendre un audiovisuel public fort, c’est-à-dire indépendant et puissant, y compris financièrement. C’est un bien commun et je suis évidemment hostile à l’idée de le dépecer et de le donner au privé. Mon avis sera défavorable sur ces amendements.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Ces amendements sont effectivement hors sujet : cette proposition de loi vise à lutter contre la concentration des médias et vous proposez de la soutenir en privatisant le service public de l’audiovisuel.

Monsieur Ballard, avant de devenir député du Rassemblement national, vous étiez présentateur sur une grande chaîne privée, possédée par un milliardaire français, M. Martin Bouygues. Peut-être êtes-vous à la fois le porte-parole de Marine Le Pen et celui de Martin Bouygues ? Et lorsque vous étiez présentateur, lorsque vous m’avez interviewé, peut-être étiez-vous déjà au Rassemblement national ? Vos remarques sur la déontologie et l’indépendance des rédactions sont particulièrement savoureuses. Vous êtes l’illustration parfaite des contradictions et des limites de ce modèle privé.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle rejette l’article 2.

Après l’article 2

Amendement AC7 de Mme Soumya Bourouaha. 

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Afin de prévenir les atteintes au pluralisme sur le plan national comme local, analogique et numérique, nous proposons de rendre plus efficace la loi de 1986 en abaissant le seuil de 20 % de la diffusion à 10 % et de prévoir que cette diffusion ne concerne pas seulement la presse quotidienne mais toute la presse IPG.

Nous proposons cet ajustement, demandé notamment par Acrimed, tout en étant conscients que c’est une réécriture complète de la loi de 1986 qu’il faudrait opérer pour resserrer et adapter les dispositifs anticoncentration, verticale et horizontale.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 3 : Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises du secteur de l’édition, de la distribution et de l’importation de livres

La commission rejette l’article 3.

Après l’article 3

Amendement AC6 de M. Stéphane Peu.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il s’agit de renforcer la garantie de l’indépendance des rédactions en donnant un statut à l’ensemble de l’équipe rédactionnelle, en assurant son indépendance vis-à-vis des actionnaires et en assurant des droits collectifs aux journalistes.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Avis favorable. Il faut absolument accroître les droits des journalistes.

Mme Violette Spillebout (RE). Nous ne voterons pas cet amendement, même s’il est intéressant. Créer un statut des rédactions permettrait de renforcer le poids des journalistes, mais cela pose des problèmes juridiques, liés notamment au droit des sociétés, au statut de journaliste salarié et à certains principes constitutionnels, comme la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. Il faudra examiner toutes ces questions lors des états généraux du droit à l’information.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Limitation de l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises de médias et des industries culturelles

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC9 de la rapporteure.

Elle rejette l’article 4 modifié.

 

Après l’article 4

Amendement AC12 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Presque tous les groupes se sont dits inquiets quant à la mainmise sur les médias d’un petit nombre d’entrepreneurs plus intéressés par le pouvoir qu’ils leur confèrent que par la liberté d’expression. La déconcentration doit passer par un abaissement des seuils mais aussi par un renforcement des contrôles, ce qui suppose une plus grande transparence.

Nous proposons que l’Arcom publie chaque année une base de données centralisée de la composition du capital des titres de presse et des services de communication audiovisuelle, de même que l’identité des membres de leurs organes dirigeants.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. J’y suis tout à fait favorable ; cela va dans le sens des propositions de Julia Cagé, qui insiste beaucoup sur ces enjeux de transparence.

Mme Violette Spillebout (RE). Je suis favorable à la transparence et défavorable à cet amendement. La transparence des informations relatives au patrimoine des actionnaires sera discutée dans le cadre des échanges sur la législation européenne sur la liberté des médias.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je ne comprends pas que l’on ne saisisse pas l’occasion qui nous est donnée de renforcer la transparence dans la presse. Il faut renforcer les prérogatives de l’Arcom pour garantir l’indépendance des journalistes et des rédactions vis-à-vis des actionnaires, comme le prévoit la « loi Bloche ».

La commission rejette l’amendement.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Cette proposition de loi est d’une actualité brûlante. Nous avons tous intérêt à ce que le pluralisme vive, si nous croyons au principe républicain que nous sommes censés défendre ensemble. Or il est laminé par les puissances financières. Seuls les députés de la NUPES sont au rendez-vous. D’autres se cantonnent à un discours de principe, sans acte. D’autres, encore, sont ouvertement opposés à l’idée que l’on s’en prenne à ces grands empires médiatiques. Ceux-ci sont pourtant en train d’effectuer une OPA sur la liberté d’expression et la possibilité d’éclairer les concitoyens par des points de vue pluriels.

La commission ayant rejeté l’ensemble des articles, la proposition de loi est rejetée.


 

En application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l’industrie culturelle (n° 327).

 

 

 


—  1  —

   annexes

annexe 1 :
Liste des personnes entendues par la rapporteure

(par ordre chronologique)

 

            M. Edwy Plenel, journaliste, président et co-fondateur de Mediapart

            Table ronde de représentants syndicaux :

– Syndicat National des Journalistes (SNJ)  M. Emmanuel Poupard, premier secrétaire général, Mme Karine Barzegar, journaliste et membre du bureau, et M. Alexandre Buisine, journaliste et membre du bureau

– Syndicat National des Journalistes (SNJ-CGT)  MM. Emmanuel Vire, secrétaire général, et Pablo Aiquel, secrétaire général adjoint

– Groupe Editis-Vivendi  M. Gilles Kujawski, ancien commercial

            Mme Julia Cagé, professeure d’économie au département d’Économie de Sciences Po Paris

            M. Guillaume Meurice, humoriste et chroniqueur de radio

 


—  1  —

Annexe 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Loi n° 86‑897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse

4‑1 (nouveau)

2

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

43-1-2 (nouveau)

3

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

1-1 (nouveau)

 

 


([1])  Déclaration des droits et des devoirs de la presse libre, 1945.

([2])  La liste des auditions est à retrouver en annexe du rapport.

([3])  https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/15/250-professionnels-de-la-presse-de-la-television-et-de-la-radio-alertent-l-hyperconcentration-des-medias-est-un-fleau-mediatique-social-et-democratique_6106076_3232.html

([4])  « La libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent ces quotidiens n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ; qu’en définitive l’objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché » Conseil constitutionnel, décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse.

([5]) 150 millions d’euros pour le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration et 50 millions d’euros pour le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés.

([6]) Lorsque l’opération concerne le territoire de plusieurs États membres et que les chiffres d’affaires des entreprises concernées sont très importants, la Commission européenne est compétente, en application du règlement CE n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif aux contrôles des concentrations entre entreprises. Pour une présentation détaillée de l’articulation du contrôle des concentrations entre l’échelon européen et l’échelon national, voir l’annexe 1 au rapport de la commission d’enquête « afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d’évaluer l’impact de cette concentration dans une démocratie », Sénat, n° 593 (2021-2022), 29 mars 2022.

([7])  La valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent.

([8]) Les grandes ondes sont écoutées sur le mode AM, qui est un signal qui ne se dégrade pas avec la distance mais qui n’est quasiment plus utilisé en France.

([9]) Article 41-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication « Tout service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre qui dessert une zone géographique dont la population recensée est supérieure à dix millions d’habitants est regardé comme un service à caractère national »

([10]) Les médias audiovisuels publics bénéficient d’ailleurs d’un droit de réservation prioritaire de fréquences hertziennes.

([11])  Ce qui implique qu’à l’inverse, si le livre est retiré par l’acheteur « dans un commerce de vente au détail de livres » comme une librairie, le rabais de 5 % peut s’appliquer.

([12]) Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement sur l’évaluation de la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive, XVe législature, n° 862, 11 avril 2018.

([13]) Médiateur du livre, Rapport d’activité 2015 à Mme la ministre de la Culture et de la Communication, mars 2016.

([14])  Rapport fait au nom de la commission d’enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d’évaluer l’impact de cette concentration dans une démocratie, M. Laurent Lafon, M. David Assouline, n° 593 (2021-2022), 29 mars 2022.

([15]) https://assnat.fr/8dUZYv