N° 511

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour

PAR M. CHRISTOPHER WEISSBERG

Député

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 145


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. La cour pénale internationale : une institution majeure pour lutter contre l’impunité malgré l’épreuve des rapports de force géopolitiques

A. la cour pénale internationale est à la fois une institution internationale et la seule juridiction pénale permanente à vocation universelle

1. Une juridiction indépendante compétente pour juger les crimes internationaux les plus graves

2. Une juridiction complémentaire vis-à-vis des États, dont elle a besoin de la bonne coopération pour pouvoir fonctionner

B. vingt ans après sa création, la cour pénale internationale doit encore faire face à de nombreux défis

1. Un bilan marqué par un positionnement au carrefour du juridique et du politique

2. La situation en Ukraine apparaît comme un moment de vérité pour la Cour pénale internationale

II. L’accord du 11 octobre 2021 sur l’exécution des peines vient confirmer une forte tradition de soutien de notre pays à la cour

A. La France apparaît COMME L’un des principaux soutiens de la cour pénale internationale

B. un accord d’exécution des peines classique dont la conclusion par la France aura une valeur d’exemple pour d’autres États

1. Les accords bilatéraux sont l’une des modalités de la coopération technique et juridique entre la Cour et les États parties

2. Un accord à la portée à la fois opérationnelle et symbolique, qui manifeste le soutien de la France à la Cour pénale internationale

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe  1 : texte adoptÉ par la commission

Annexe  2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR


   introduction

 

La commission des affaires étrangères est appelée à se prononcer sur le projet de loi n° 145 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour.

État partie au statut de Rome, ouvert à la signature en 1998 et ayant permis la création en 2002 de la Cour pénale internationale (CPI), la France se place parmi les principaux États partenaires de celle-ci. Juridiction internationale permanente et indépendante, la CPI n’en a pas moins besoin du concours des États pour pouvoir fonctionner, qu’il s’agisse de l’abondement de son budget ou de différentes formes de coopération judiciaire ou policière. La conclusion d’accords bilatéraux est l’une des modalités de cette coopération.

L’entrée en vigueur de l’accord, signé le 11 octobre 2021, permettra de fournir un cadre à d’éventuels transferts de personnes condamnées par la CPI vers des prisons françaises, pour y purger leur peine. Si le code de procédure pénale permet déjà une telle coopération, disposer d’un cadre juridique permanent la facilitera en permettant de faire l’économie de la conclusion d’accords ad hoc pour chaque cas particulier. Dans les faits, le très faible nombre de personnes condamnées par la CPI depuis sa création ainsi que le nombre élevé d’États susceptibles d’accueillir ces personnes limiteront l’impact concret de l’accord dont il est proposé au Parlement d’autoriser l’approbation, et qui repose sur un principe de double consentement et ne crée aucune obligation pour la France.

En revanche, la portée symbolique et diplomatique de cet accord est très importante. L’accord bilatéral conclu avec la Cour vient réaffirmer le soutien de notre pays à l’institution, et pourra conforter auprès d’États tiers les démarches engagées au quotidien par la France pour promouvoir la CPI et par là-même la lutte contre l’impunité des crimes internationaux les plus graves. À l’heure où la situation en Ukraine est venue souligner à grands traits la nécessité de disposer d’une justice pénale internationale stable et effective, 2022 marque aussi l’heure du bilan pour la Cour, vingt ans après sa création. S’il s’agit d’une institution encore jeune, la CPI a déjà mis en œuvre des réformes, tout en demeurant structurellement positionnée au carrefour du juridique et du politique. Il en résulte un grand nombre de défis pour la juridiction, qui n’en reste pas moins placée au cœur d’un dispositif international indispensable pour lutter contre l’impunité.


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I.   La cour pénale internationale : une institution majeure pour lutter contre l’impunité malgré l’épreuve des rapports de force géopolitiques

A.   la cour pénale internationale est à la fois une institution internationale et la seule juridiction pénale permanente à vocation universelle

1.   Une juridiction indépendante compétente pour juger les crimes internationaux les plus graves

La Cour pénale internationale a été créée sur le fondement du statut de Rome, adopté le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002 ([1]). Le statut de Rome compte aujourd’hui 123 États parties ([2]).

Le développement de la justice pénale internationale

Le développement de la justice pénale internationale a été progressif et s’est fait en parallèle du droit pénal international. Dès le XIXe siècle, une réflexion juridique prend forme, aboutissant notamment au projet de cour criminelle internationale permanente conçu par le juriste suisse Gustave Moynier en 1872, dans le but de sanctionner les violations de la convention de Genève du 22 août 1864 pour l’amélioration de la condition des blessés des armées combattantes. De nouvelles manifestations de la justice pénale internationale interviennent durant la première moitié du XXe siècle, par exemple à l’article 277 du traité de Versailles du 28 juin 1919, qui prévoit la création d’un « tribunal spécial » pour juger l’empereur allemand Guillaume II, ou avec l’élaboration dans les années 1920 et 1930 d’un premier projet de cour pénale internationale dans le cadre de la Société des nations (SDN).

La répression des crimes internationaux a connu une avancée majeure avec la création de tribunaux militaires après la Seconde guerre mondiale : le tribunal militaire international de Nuremberg, actif entre 1945 et 1946 et chargé de juger les dirigeants du Troisième Reich (1), et le tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient ou tribunal de Tokyo, créé le 19 janvier 1946 afin de juger les grands criminels de guerre japonais. Le tribunal de Nuremberg est compétent pour juger trois types de crimes : les crimes de guerre, les crimes contre la paix et les crimes contre l’humanité.

La jurisprudence des tribunaux créés ainsi que l’élaboration d’instruments conventionnels jouent un rôle primordial dans le développement de la justice pénale internationale. Il faut notamment mentionner les quatre conventions de Genève du 12 août 1949 qui constituent le fondement du droit moderne des conflits armés ou droit international humanitaire (2), la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide ou encore la convention du 16 décembre 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Le développement de la justice pénale internationale connaît une accélération à la fin de la guerre froide, période marquée par un blocage du multilatéralisme, avec la création de juridictions pénales régionales temporaires. Deux tribunaux pénaux internationaux sont ainsi créés par des résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), votées à l’unanimité sous l’égide du Chapitre VII de la Charte des Nations unies :

- le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) créé le 25 mai 1993 par la résolution 808, chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991. Le TPIY a inculpé 161 personnes et en a condamné 91 ;

- le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est instauré en 1994 suite à l’adoption de la résolution 955, il a pour objet de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et « les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins », entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Le TPIR a inculpé 93 personnes et en a condamné 62. En 2010, un mécanisme a été mis en place pour assurer les fonctions résiduelles de ces deux tribunaux, qui ont achevé leurs travaux respectivement le 31 décembre 2015 pour le TPIR et le 31 décembre 2017 pour le TPIY.

En parallèle, un modèle alternatif de justice pénale internationale s’est développé, sous la forme d’entités dites « hybrides », associant le droit pénal international au droit pénal national. On peut notamment mentionner le tribunal spécial pour le Liban, créé par la résolution 1757 du Conseil de sécurité et ayant commencé ses travaux en 2009, avec pour compétence de juger les responsables de l’attentat ayant entraîné la mort du Premier ministre libanais Rafic Hariri le 14 février 2005, ou encore les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), mises en place à la demande du Cambodge, avec l’aide de l’ONU, sur la base d’un accord conclu entre l’organisation internationale et le gouvernement cambodgien en 2003, pour juger les responsables du génocide Khmer et composé de juges cambodgiens et internationaux.

Sources diverses

(1)  Le tribunal de Nuremberg a siégé en exécution de l'accord de Londres, signé le 8 août 1945 par États-Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la France.

(2)  Les conventions de Genève ont été complétées par plusieurs protocoles additionnels : les protocoles I et II du 8 juin 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux d’une part et à la protection des victimes des conflits armés non internationaux d’autre part et le protocole additionnel du 8 décembre 2005 relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel

La CPI est la première institution internationale permanente et à vocation universelle, apte à se prononcer concernant des personnes accusées d’avoir commis un ou plusieurs des crimes les plus graves et ayant une portée internationale. Elle est ainsi compétente pour les crimes suivants :

-         les crimes de génocide, soit, en vertu de l’article 6 du statut de Rome, des actes « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux » ;

-         les crimes contre l’humanité, c’est-à-dire, en application de l’article 7 du même statut, des actes « commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » ;

-         les crimes de guerre, soit, au sens l’article 8 du statut de Rome, les « infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 » et « les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi par le droit international » ;

-         les crimes d’agression, définis par l’article 8 bis comme « la planification, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies ([3]) ».

Le fait d’agir en qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement ou de membre d’un gouvernement ou Parlement n’exonère en aucun cas de poursuites. La CPI a été conçue pour juger en priorité les principaux responsables. Ainsi, les supérieurs hiérarchiques et chefs militaires peuvent être tenus pour responsables de crimes commis par des personnes placées sous leur contrôle ou commandement.

La Cour ne peut exercer sa compétence à l’égard de ces crimes que si ceux-ci ont été commis sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie. Elle peut ouvrir une enquête ou engager des poursuites lorsqu’un État partie défère une situation au bureau du procureur ou sur l’initiative propre de ce dernier, après avoir demandé l’autorisation préalable d’une chambre préliminaire. Enfin, une situation peut être déférée au bureau du procureur de la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU par voie de résolution. Dans ce cas, les conditions exposées ci-dessus ne restreignent pas les possibilités de saisine de la Cour et un État qui n’aurait pas ratifié le statut de Rome peut être concerné. Enfin, la CPI peut engager des poursuites dans le cas où un État a préalablement fait une déclaration acceptant sa compétence, en vertu de l’article 12 alinéa 3 du statut de Rome ([4]), comme c’est notamment le cas de l’Ukraine (voir infra).

La Cour n’est compétente qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du statut de Rome. Pour les États devenus parties au statut après son entrée en vigueur, la Cour n’est compétente qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du statut pour l’État en question, sauf dans les cas où des déclarations avaient été transmises préalablement à la ratification.

En outre, la CPI ne peut poursuivre et juger des personnes que si les systèmes nationaux concernés n’engagent pas de poursuites ou s’avèrent ne pas être en capacité réelle de le faire. En effet, la Cour n’a pas vocation à se substituer aux États et son action repose sur un principe de complémentarité.

La procédure en vigueur à la CPI est avant tout une procédure de common law, reposant sur la dialectique entre l’accusation, menée par le procureur, et la défense, selon un principe d’égalité absolue entre accusation et défense qui se traduit concrètement par la succession d’une série d’interrogatoires et d’une série de contre-interrogatoires. Le témoin occupe ainsi un rôle clef, mais la procédure reconnaît également une place importante aux victimes, empruntant en cela à la procédure de droit civil connue en France. Les différents interlocuteurs entendus en auditions par le rapporteur ont tous souligné cette spécificité procédurale de la CPI, tantôt pour la déplorer (allongement des procédures et risque de rupture de l’équilibre entre accusation et défense, risques non négligeables de « fausses victimes » motivées par l’existence d’un fonds d’indemnisation), tantôt pour en rappeler l’importance en matière de reconnaissance des victimes et de leur besoin de justice et en souligner la bonne intégration dans les procédures.

Pour exercer ses compétences, la Cour s’appuie sur quatre organes :

-         la présidence, composée du président (poste occupé actuellement par M. Piotr Hofmanski) et deux vice-présidents, élus parmi les dix-huit juges de la CPI. La présidence est notamment chargée de la bonne administration de la Cour (hors bureau du procureur) et de certaines fonctions judiciaires, ainsi que des relations extérieures ;

-         le bureau du procureur, organe indépendant dirigé par le procureur (poste aujourd’hui occupé par M. Karim Khan), assisté par deux procureurs adjoints, tous trois étant élus par l’assemblée des États parties. Le bureau du procureur reçoit et analyse les renvois et les communications, dans le but de déterminer s’il existe une base suffisante pour ouvrir une enquête. Il est chargé de mener les enquêtes et de poursuivre les responsables des crimes identifiés ;

-         les trois sections (section préliminaire, section de première instance et section des appels), composées de dix-huit juges choisis par l’assemblée des États parties sur la base de leurs compétences juridiques (en droit pénal mais aussi dans d’autres domaines comme le droit international humanitaire). Les juges veillent à l’équité des procès et à la bonne administration de la justice ;

-         le greffe, organe neutre dirigé par le greffier (M. Peter Lewis), qui remplit des fonctions d’appui administratif et opérationnel auprès des juges et du bureau du procureur. Il est également mis à profit pour élaborer des mécanismes de protection des témoins, d’aide à la défense ou encore concernant la mise en œuvre des activités de sensibilisation. Le greffe est aussi chargé de l’administration générale de la Cour et de l’aide aux victimes appelées à participer aux procédures ou à demander des réparations.

Concernant les réparations au profit des victimes, les États parties au statut de Rome ont notamment créé un fonds au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la CPI et de leur famille. Ce fonds permet de garantir l’octroi d’une réparation pouvant prendre différentes formes, et ce même si la personne déclarée coupable ne dispose pas d’avoirs suffisants pour s’acquitter des réparations.

À ces quatre organes s’ajoute l’assemblée des États parties, qui joue à la fois un rôle d’organe législatif et de contrôle de gestion. Elle réunit les représentants des États qui ont ratifié le statut de Rome ou y ont adhéré et est amenée à se prononcer sur différentes questions, telles que l’adoption de textes normatifs ou du budget, ainsi que diverses élections (voir supra).

2.   Une juridiction complémentaire vis-à-vis des États, dont elle a besoin de la bonne coopération pour pouvoir fonctionner

La coopération des États parties aux activités de la CPI est de façon générale cruciale au bon fonctionnement de la Cour. Cela porte notamment sur l’entraide judiciaire et sur l’exécution des mandats d’arrêts délivrés par la Cour, qui ne dispose pas de forces policières et doit entièrement s’appuyer sur l’aide des États parties. Pour rappel, à ce jour, sur les trente-huit mandats d’arrêt délivrés par les juges de la CPI, dix-sept n’ont pas été exécutés.

À titre indicatif, depuis l’entrée en vigueur du Statut de Rome, la CPI a adressé à la France neuf demandes d’arrestation provisoire et de remise, dont trois ont pu aboutir (les autres personnes faisant l’objet d’une demande d’arrestation n’étant pas localisées sur le territoire nationale). Depuis le 1er janvier 2012, la CPI a adressé un peu plus de deux-cents demandes d’entraide judiciaire (pour les besoins de ses enquêtes et affaires en cours) à la France qui, réciproquement, lui en a adressé un peu plus de cinquante au cours de la même période ([5]). Ces demandes, qui passent par l’ambassade française à La Haye (voir infra) peuvent notamment consister en des demandes d’auditions, de perquisitions ou de saisies des produits des crimes aux fins de leur confiscation éventuelle ou en des demandes d’informations détenues par les instances de l’asile.

La CPI peut aussi s’appuyer sur l’aide des États parties pour mener ses enquêtes, grâce au concours des services spécialisés au sein des juridictions nationales. C’est notamment le cas, en France, de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), qui est un service central de police judiciaire à vocation interministérielle, dont le mandat consiste entre autres à enquêter sur les génocides, les crimes contre l’humanité, les crimes de torture et les crimes de disparitions forcées.

La CPI est financée par les États parties, selon une répartition basée sur le système de quote-part de l’ONU, en vertu duquel la part de chaque État doit refléter sa richesse relative. Le budget de la CPI était en 2007 de près de 89 millions d’euros et a depuis connu une progression constante pour atteindre près de 155 millions d’euros en 2022. Près de 900 personnes sont employées par la Cour, qui a son siège à La Haye aux Pays-Bas.

B.   vingt ans après sa création, la cour pénale internationale doit encore faire face à de nombreux défis

1.   Un bilan marqué par un positionnement au carrefour du juridique et du politique

Depuis sa création, la CPI a prononcé cinq condamnations définitives et quatre acquittements. Les condamnations définitives sont intervenues dans les affaires suivantes :

-         Procureur c. Al Mahdi, procès ouvert en août 2016 et qui a donné lieu à une condamnation à neuf ans d’emprisonnement pour avoir dirigé intentionnellement des attaques contre des bâtiments à caractère religieux et historique à Tombouctou confirmée en appel le 8 mars 2018 ([6]) ;

-         Procureur c. Bemba et autres, procès ouvert en septembre 2015 pour des atteintes à l’administration de la justice dans le contexte de l’affaire Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo et ayant abouti à une condamnation prononcée le 19 octobre 2016 puis à une décision de la Chambre d’appel le 8 mars 2018, qui a acquitté certains des accusés ;

-         Procureur c. Katanga, procès ouvert en novembre 2009 et s’étant conclu par une condamnation à douze ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité prononcée le 23 mai 2014 ([7]) ;

-         Procureur c. Lubanga, procès ouvert en janvier 2009 et ayant abouti à une condamnation à quatorze ans d’emprisonnement pour crimes de guerre confirmée en appel le 1er décembre 2014 ;

-         Procureur c. Ntaganda, procès ouvert en septembre 2015 et dont la sentence a été confirmée en appel le 30 mars 2021.

La peine prononcée contre le Congolais Bosco Ntaganda, s’élevant à trente ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, est la peine la plus lourde jamais prononcée par la CPI.

Le 4 février 2021, Dominic Ongwen a été déclaré coupable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis dans le Nord de l’Ouganda entre 2002 et 2005. Toutefois, la défense a fait appel du verdict et de la peine et la chambre d’appel doit rendre sa décision prochainement. En outre, cinq procès de première instance sont actuellement en cours, relatifs à des situations concernant le Mali, la République centrafricaine (deux procès) et le Darfour ([8]).

À l’occasion des vingt ans de la CPI, de nombreux commentaires ont été formulés sur le bilan de l’institution, au plan de son efficacité d’une part et de sa légitimité d’autre part.

À première vue, le bilan de la Cour peut sembler modeste quantitativement – cinq condamnations définitives pour trente-huit mandats d’arrêts délivrés et neuf citations à comparaître émises – et limité dans sa portée. Ainsi, aucun chef d’État ou de gouvernement n’a été condamné par la Cour malgré des poursuites engagées : l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) Jean-Pierre Bemba, l’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo et l’ancien ministre ivoirien Charles Blé Gloudé ont tous été acquittés, tandis que l’ancien président du Kenya Uhuru Kenyatta et son vice-président William Rutto ont bénéficié d’un non-lieu. Si l’acquittement intervient à l’issue d’un procès équitable et ne saurait être critiqué d’un point de vue juridique, l’historique des poursuites engagées par la Cour n’a pas à ce stade permis d’aboutir à la condamnation de très hauts responsables.

La durée des procédures, dans l’absolu et rapportée à leur coût, fait également l’objet de critiques. Ainsi, huit années se sont écoulées entre l’ouverture de l’enquête et la condamnation en première instance de Thomas Lubanga, dix dans le cas de Germain Katanga et quinze dans le cas de Bosco Ntaganda. La procédure ayant abouti à la condamnation d’Ahmad al-Faqiq al Mahdi s’est réduite à trois ans, mais apparaît comme un cas isolé.

Néanmoins, comme ont pu le souligner les deux avocats auprès de la CPI auditionnés par le rapporteur, Me Emmanuel Altit et Me Elise LeGall, la Cour, en tant que juridiction, fonctionne dans l’ensemble de façon satisfaisante. La procédure inquisitoire mise en œuvre suppose de prendre le temps nécessaire pour interroger et contre-interroger les témoins, qui sont souvent nombreux, et ne sont interrogés que quelques heures par jour. En amont, le déroulement des enquêtes, qui suppose la collecte et l’analyse de très nombreuses preuves, sur des terrains lointains dont la situation n’est pas toujours stabilisée, exige aussi du temps.

Sur demande des États parties, un groupe d’experts indépendants a été constitué et a remis en décembre 2020 un rapport d’audit sur la CPI, visant à identifier des pistes d’amélioration sur de nombreux sujets, allant de la gouvernance aux ressources humaines en passant par la procédure et les méthodes de travail ([9]). La remise de ce rapport vient également rappeler que la CPI est une institution encore jeune, qui peut connaître des évolutions.

Sur le plan de la légitimité, d’autres critiques ont été formulées et pour partie entendues. Ainsi, il a régulièrement été reproché à la Cour d’avoir ouvert des enquêtes et engagé des poursuites exclusivement relatives à des situations localisées en Afrique. Les propos formulés en 2013 par M. Hailemariam Desalegn, alors Premier ministre éthiopien et président de l’Union africaine, accusant la CPI de pratiquer « une sorte de chasse raciale ([10]) », ont fait date. Ces dernières années, la Cour a toutefois ouvert des enquêtes dans une quinzaine de pays répartis sur quatre continents. Les dix-sept enquêtes en cours concernent notamment la Géorgie ([11]), le Bangladesh, l’Afghanistan, la Palestine, les Philippines, le Venezuela et l’Ukraine, ainsi que l’Ouganda, la RDC, la République centrafricaine, le Soudan (Darfour), le Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali. Trois examens préliminaires sont également en cours, concernant la Guinée, le Nigéria, le Venezuela et la Bolivie. En outre, si la vocation universelle de la Cour doit demeurer un objectif primordial, il faut également rappeler que la majorité des enquêtes ouvertes par la Cour concernant des situations africaines l’ont été sur demande des États concernés eux-mêmes (par opposition à une saisine d’office ou à une résolution du Conseil de sécurité).

De façon générale, si le bureau du procureur joue un rôle direct dans l’ouverture des enquêtes et l’engagement des poursuites (voir supra), les marges de manœuvre de la CPI dépendent aussi de la coopération des États et des rapports de force géopolitiques. Comme l’a souligné en audition M. Julian Fernandez, professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas et co-directeur du Master mention Droits de l’Homme et Justice internationale, parcours Justice pénale internationale, si les interrogations ouvertes et les pistes de réforme identifiées sur la procédure sont pertinentes, elles ne sauraient cacher l’insuffisante attention accordée à la responsabilité des États dans l’efficacité de la Cour, dont la prise en compte est pourtant inévitable au regard de sa nature à la fois juridique et politique, manifestée par l’existence d’une assemblée des États parties et plus structurellement par le poids des rapports de force géopolitiques en présence. Pour reprendre la formule utilisée en audition par Mme Stéphanie Maupas, journaliste correspondante basée à La Haye et spécialiste de la CPI, la Cour apparaît très souvent comme étant en miroir de la situation politique générale.

Cet aspect est manifeste à la consultation de la liste des États ayant ratifié le statut de Rome, sur laquelle figurent seulement deux États membres du Conseil de sécurité, la France et le Royaume-Uni. La Russie et les États-Unis ([12]), de même qu’Israël, la Birmanie ou encore la Syrie et le Yémen, ne sont pas parties au statut de Rome. En outre, la Cour n’est pas à l’abri de pressions pouvant être exercées par un État, comme l’ont souligné les sanctions prises par l’administration Trump à l’encontre de la CPI en réponse à l’ouverture d’une enquête sur les soupçons de tortures commises par des ressortissants américains en Afghanistan, finalement abandonnée ([13]). Dans d’autres cas, la contestation par des États d’enquêtes de la Cour a pu limiter son action, en vertu du principe de complémentarité qui demeure incontournable : ainsi, une enquête préliminaire portant sur des faits qui auraient été commis par des soldats britanniques en Irak entre 2003 et 2008 a été close en décembre 2020 compte tenu des poursuites engagées au Royaume-Uni, qui ont abouti à de nombreux non-lieux.

De façon générale, comme l’a rappelé en audition M. Robert Badinter, ancien ministre de la justice, président du Conseil constitutionnel et ancien sénateur, engagé de longue date pour le développement de la justice pénale internationale et la création de la CPI, le risque est grand pour celles-ci d’apparaître comme des justices de vainqueurs. En pratique, le risque d’instrumentalisation est réel et suppose la vigilance tant du procureur que des États parties, qu’il s’agisse de coopérer avec les autorités en place d’un État de situation pour instruire l’accusation ou plus largement de répartir les moyens disponibles à la Cour entre les différentes enquêtes.

En d’autres termes, si la CPI constitue une avancée indéniable de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux les plus graves, son positionnement au carrefour du juridique et du politique suppose de relever des défis constants pour faire entendre le droit face à la force. En cela, la situation de l’Ukraine, qui connaît depuis l’offensive russe du 24 février dernier un conflit armé sur son territoire, apparaît comme un moment de vérité pour la CPI et au-delà pour la justice pénale internationale.

2.   La situation en Ukraine apparaît comme un moment de vérité pour la Cour pénale internationale

Pour le rapporteur, la capacité de la CPI à se saisir de la situation en Ukraine cristallise l’ensemble des défis auxquels la Cour doit aujourd’hui faire face, tout en soulignant la nécessité pour notre pays de poursuivre et réaffirmer son soutien à la juridiction et à la justice pénale internationale dans son ensemble.

Le 2 mars 2022, un collectif de 39 pays (aujourd’hui élargi à 43 pays), dont la France, a déféré la situation en Ukraine au bureau de la CPI pour étudier des faits de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis par l’armée russe. Si l’Ukraine, tout comme la Russie, n’est pas partie au statut de Rome, Kiev a reconnu la compétence de la Cour au titre de l’article 12-3 dudit statut (voir supra), en vertu de deux déclarations transmises en 2014 et en 2015, et reconnaissant la compétence de la Cour en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis depuis le 21 novembre 2013 ([14]). Le renvoi collectif susmentionné a ainsi permis au bureau du procureur d’ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine depuis le 21 novembre 2013, qui englobe « toute allégation passée et actuelle de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide commis par quiconque sur quelque partie du territoire ukrainien que ce soit ». À la date du 28 février, le bureau du procureur était déjà parvenu, « à l’issue de son examen préliminaire de la situation en Ukraine, à la conclusion qu’il existait une base raisonnable permettant de croire que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis, et avait identifié des affaires éventuelles qui seraient recevables ([15]) ».

Outre ce renvoi, de nombreux États se sont mobilisés pour apporter rapidement un soutien exceptionnel à la Cour dans son enquête sur la situation en Ukraine. C’est le cas de la France, qui a effectué une contribution volontaire exceptionnelle de 500 000 euros pour soutenir les activités de la Cour et prévoit la mise à disposition de magistrats et d’enquêteurs auprès du bureau du procureur de la CPI. Une magistrate du ministère de la justice mise à disposition a ainsi pris ses fonctions au sein du bureau du procureur de la CPI le 17 octobre 2022.

Plusieurs États européens dont la France mènent également des enquêtes sur les crimes commis en Ukraine. La France a ainsi mis en place au sein de l’OCLCH une cellule dédiée à l’Ukraine, qui mène actuellement sept enquêtes. Des experts de la gendarmerie française ont également été dépêchés depuis le début du conflit pour apporter un soutien technique aux autorités ukrainiennes en vue de statuer sur des crimes de guerre.

Dès le 8 avril, l’Union européenne a pour sa part annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes sur l’Ukraine, en mobilisant l’agence de coopération judicaire Eurojust, dont le mandat a été renforcé afin de lui permettre de collecter, conserver et partager des preuves de crimes de guerre. L’agence chapeaute également une équipe commune d’enquête à laquelle contribuent désormais sept pays européens ([16]).

Au-delà de la CPI, c’est un véritable écosystème judiciaire qui a pris forme pour lutter contre l’impunité en Ukraine, s’appuyant avant tout sur les juridictions ukrainiennes qui ont, en vertu du principe de complémentarité, la priorité pour mener ces enquêtes, avec l’aide de la Cour et d’États tiers.

Malgré cette mobilisation rapide et large, la Cour est concurrencée par l’idée, défendue par différents juristes et institutions mais aussi appelée de ses vœux par le président ukrainien Volodymyr Zelensky et visant à créer un tribunal spécial ad hoc pour juger les crimes commis en Ukraine. Un tel tribunal permettrait notamment de juger le crime d’agression, sur lequel la Cour n’a pas compétence en l’espèce. Pour les promoteurs de cette idée, il s’agirait également de pouvoir agir plus vite que la CPI, et d’avoir la possibilité de juger les principaux responsables, dont le président Vladimir Poutine, in absentia, là où la Cour devrait surmonter de nombreux obstacles pour y parvenir.

Pour le rapporteur, les mérites respectifs de la CPI et d’un tribunal ad hoc doivent être évalués avec prudence. Il semblerait ainsi que la CPI ait le mérite d’exister et de disposer des moyens nécessaires pour mener une telle enquête, et soit du fait de sa préexistence aux crimes commis plus à l’abri d’une instrumentalisation politique qu’un tribunal spécial. À cet égard, le soutien inégalé des États-Unis à la Cour concernant le dossier ukrainien, alors même qu’ils n’en sont pas un État partie, doit être interrogé, de même que l’absence de ratification par l’Ukraine du statut de Rome peut l’être au regard de l’appel des autorités à la création d’un tribunal spécial. En outre, la coexistence d’une enquête de la Cour et d’une enquête menée par un tribunal spécial pourrait donner lieu à une surenchère ou à une dispersion. En l’état actuel des choses, la lutte contre l’impunité des crimes commis en Ukraine apparaît comme un défi que la CPI est à même de relever, en complémentarité avec la justice ukrainienne et avec l’aide des États parties, à la condition toutefois de ne pas priver les autres enquêtes en cours des moyens requis et par là-même de remettre en cause l’universalité de la Cour, cruciale pour sa légitimité.


II.   L’accord du 11 octobre 2021 sur l’exécution des peines vient confirmer une forte tradition de soutien de notre pays à la cour

A.   La France apparaît COMME L’un des principaux soutiens de la cour pénale internationale

L’accord conclu le 11 octobre 2021 vient s’inscrire dans une longue tradition de soutien de la France à la justice pénale internationale et plus particulièrement à la CPI. La France, qui a déposé son instrument de ratification du statut de Rome le 9 juin 2000, figure parmi les États qui coopèrent le plus avec la Cour.

La France a contribué à l’élaboration et à la promotion du statut de Rome et du rôle de la Cour dans le système global de lutte contre l’impunité et a depuis lors apporté un soutien constant à la CPI. Parmi les principaux engagements de l’État, il faut notamment noter : la promotion de l’universalité du statut de Rome, la coopération pleine et entière avec la CPI et le soutien aux organisations de la société civile actives dans ce domaine.

Juridiquement, la France est toutefois restée en retrait sur un point, en ne ratifiant pas les amendements dits de Kampala (2010) qui ont introduit le crime d’agression parmi les compétences de la Cour, uniquement pour les États ayant ratifié les amendements. Les autorités françaises ont jugé trop large la définition retenue, en identifiant un risque de difficultés d’interprétation dans certaines situations conduisant à l’emploi de la force telles que la légitime défense et un risque d’exposition de la politique d’intervention extérieure de la France, compte tenu d’une absence de délimitation claire du champ de l’incrimination ([17]). La position adoptée par la France a été partagée pour des raisons similaires par le Royaume-Uni, et seuls 44 États ont à ce jour ratifié les amendements de Kampala, soit environ 35 % des États parties.

Notre pays aujourd’hui le troisième contributeur au budget de la CPI derrière le Japon et l’Allemagne ([18]), avec une quote-part de 8,27 % fixant sa contribution obligatoire.

ContributionS du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
à la Cour pénale internationale

Types de contribution

(en euros et pourcentages)

PLF 2023

2022

2021

2020

2019

2018

Contribution obligatoire

14  542  812 €

13 308 345 €

12 528 181 €

12  566 629 €

12 509 604 €

12 699 594 €

Contributions volontaires

À programmer

550 000 €

170 000 €

200 000 €

 

 

Ukraine

 

500 000 €

 

 

 

 

Fonds victimes

 

50 000 €

50 000 €

50 000 €

50 000 €

50 000 €

Coopération avec des États pour renforcer leurs capacités judiciaires et de coopération

 

 

70 000 €

150 000 €

 

 

Financement de participants au programme de stages et d'accueil de professionnels invités, avec un fléchage sur les participants francophones

 

 

50 000 €

 

 

 

Part contributions volontaires /contribution obligatoire

 

4 %

1 %

2 %

0,4 %

0,4 %

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères

La nationalité française est la plus représentée parmi les personnels de la Cour, où trois juges français ont siégé depuis 2002. L’un des juges actuellement en poste est l’ancien membre du Conseil d’État M. Marc Perrin de Brichambaut, et la France proposera en 2024 un candidat lorsque le mandat, de neuf ans, d’une partie des juges actuellement en poste arrivera à son terme.

Les engagements de la France s’expriment tant au plan bilatéral qu’au plan multilatéral, au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève, à l’Assemblée générale des Nations unies ou au Conseil de sécurité des Nations unies. Autant que nécessaire, la France veille à l’amélioration de la coopération de tous les États avec la CPI dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU). C’est ainsi à l’initiative de la France que celui-ci a déféré à la CPI la situation au Darfour (en 2005) et en Libye (2011).

Les relations avec la CPI font pleinement partie de l’activité quotidienne des diplomates en poste à l’ambassade de France à La Haye, qui occupent les fonctions de représentation auprès des organisations juridiques internationales sises dans la capitale néerlandaise ([19]).

Le rapporteur souhaite ici attirer l’attention sur un point primordial : la place du français à la Cour et plus largement dans le système pénal international. Unanimement, les personnes entendues en audition, tout particulièrement les praticiens de la justice pénale internationale (avocats, juristes) ont souligné l’importance de cet élément crucial pour l’influence de la France. Si le français est l’une des deux langues de travail de la Cour, la langue anglaise, deuxième langue de travail, occupe dans les faits une place prédominante, qu’il s’agisse du déroulement des procès ou de la traduction de documents officiels, dont certains ne sont plus édités qu’en anglais. Interrogés à ce sujet par le rapporteur, les services de l’ambassade de France aux Pays-Bas ont indiqué mener une série d’actions localement pour promouvoir le français et lutter contre son recul. Celles-ci sont menées conjointement avec l’alliance française de La Haye et l’académie internationale de La Haye et peuvent s’appuyer sur des financements dédiés, afin de proposer des cours de français aux agents de la CPI mais aussi de mettre en place des actions ciblées de promotion. Pour le rapporteur, il s’agit d’un axe de travail qui doit de façon urgente faire l’objet d’un bilan, afin d’identifier d’éventuelles marges d’amélioration sur un sujet capital pour l’influence française, qui concerne également d’autres institutions et juridictions internationales ([20]).

Si l’accord relatif à l’exécution des peines est le seul accord bilatéral de coopération volontaire conclu par la France avec la CPI (voir infra), deux mémoires d’entente ont été conclus, attestant de la densité de la coopération menée : l’accord JEA (programme Jeunes experts associés) par lequel la France participe, entre autres, au programme d’administrateurs auxiliaires de la Cour, et le récent Memorandum of Understanding sur les mises à disposition au bureau du procureur de la Cour pénale internationale signé par l’ambassadeur de France aux Pays-Bas et par le Procureur Karim Khan le 7 octobre 2022, qui va permettre des mises à disposition d’agents par les ministères français de la justice et de l’intérieur.

Enfin, la France est co-présidente, aux côtés du Sénégal, du groupe de travail sur la coopération de l’Assemblée des États parties au statut de Rome, qui vise à promouvoir un renforcement de la mobilisation des États parties auprès de la Cour. Cela passe notamment par la conclusion d’accords bilatéraux, qui constitue l’une des modalités de coopération entre la CPI et les États parties.

B.   un accord d’exécution des peines classique dont la conclusion par la France aura une valeur d’exemple pour d’autres États

1.   Les accords bilatéraux sont l’une des modalités de la coopération technique et juridique entre la Cour et les États parties

Formellement, la coopération entre la CPI et les États parties au statut de Rome repose sur deux cadres.

Le premier découle directement du statut et s’applique à tous les États parties. Il concerne les demandes d’arrestation et de remise de suspects se trouvant sur le territoire d’un État partie ou toute autre demande d’entraide adressée aux autorités compétentes dans le cadre de poursuites ou d’enquêtes diligentées par la CPI. Dans le cas de la France, ces demandes sont adressées soit au juge d’instruction de Paris, soit au parquet national antiterroriste.

Le deuxième cadre de coopération repose sur la conclusion d’accords bilatéraux entre la CPI et un État partie. Ils sont volontaires et leur application n’est pas automatique : chaque demande individuelle adressée par la Cour fait l’objet d’un examen en opportunité au cas par cas. Ces accords peuvent porter sur différentes activités de la CPI : l’exécution des peines comme le présent accord, la réinstallation des témoins (dix-huit accords bilatéraux conclus) ([21]) ou encore la mise en liberté provisoire ou non (deux accords bilatéraux conclus). À noter que si la France a été approchée par la CPI pour débuter des négociations d’un accord-cadre bilatéral portant sur la réinstallation des témoins, les autorités françaises n’ont jusqu’alors jamais répondu favorablement, préférant privilégier les négociations d’un accord en matière d’exécution des peines. Plusieurs difficultés ont été identifiées, portant sur des questions d’ordre matériel et budgétaire, sur l’étendue de l’accord et le statut de la personne réinstallée. La France a été sollicitée pour deux demandes de protection et de réinstallation de témoins ad hoc – une clôturée en 2018 et une en cours d’analyse en 2022. En outre, la CPI a sollicité la France par note verbale en février 2022 pour qu’elle entame des négociations à la signature d’un accord de coopération volontaire sur la protection et la réinstallation des témoins, cette demande fait actuellement l’objet d’une analyse.

À ce jour, la CPI a conclu des accords bilatéraux d’exécution des peines avec treize États parties ([22]). Pour la Cour, la coopération des États parties sur le sujet est primordiale. En effet, plus les transferts de personnes condamnées prennent du temps, plus les coûts afférents augmentent pour la Cour et par conséquent pour les États parties qui abondent son budget. Comme cela a été précisé au rapporteur en audition, il n’existe pas de règle visant à favoriser un transfert des détenus vers leurs pays d’origine ou au contraire à l’éviter. Chaque situation fait l’objet d’un examen individuel. En 2015, Thomas Lubanga, ressortissant congolais, a été transféré dans une prison de République démocratique du Congo, sur la base d’un accord ad hoc, afin d’y purger sa peine d’emprisonnement. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, ressortissant malien condamné à neuf ans d'emprisonnement le 27 septembre 2016, a été transféré au Royaume-Uni, dans une prison écossaise. Cette peine a été purgée au 18 septembre 2022. Bosco Ntaganda, ressortissant congolais, est actuellement détenu au sein du quartier pénitentiaire de la CPI jusqu’à ce que la Cour détermine dans quel pays il purgera sa peine. Des négociations sont en cours à ce sujet avec plusieurs États.

Les dispositions relatives à l’exécution des peines des individus condamnés par la Cour sont définies au chapitre X du statut de Rome. L’article 103 du statut prévoit ainsi que les peines prononcées peuvent être accomplies sur le territoire d’un État partie désigné par la Cour « sur la liste des États qui lui ont fait savoir qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés ([23]) ». Cet article est complété par la règle 201 du règlement de procédure et de preuve de la CPI, qui énonce des principes de répartition équitable entre les États concernant l’exécution des peines prononcées. Ces principes tiennent compte notamment du nombre de personnes condamnées déjà reçues par les États.

Le quartier pénitentiaire de la CPI

La CPI dispose d’un quartier pénitentiaire situé au sein de la prison de Cheveningen, dans la banlieue de La Haye. Il permet d’accueillir les personnes détenues sous l’autorité de la CPI, mais n’est pas en mesure d’héberger des personnes condamnées par la Cour en vue de l’exécution de leur peine.

En vertu de l’article 90 du règlement de la Cour, le greffier a la responsabilité de l’administration du quartier pénitentiaire, y compris en matière de sécurité et de maintien de l’ordre. Le greffier doit également s’efforcer de garantir le bien-être mental et physique des personnes détenues, en tenant compte de la diversité culturelle. Les personnes détenues sont autorisées à communiquer en toute confidentialité avec le représentant consulaire ou diplomatique de leur pays d’origine ainsi qu’avec leur conseil, sans possibilité de surveillance des communications par le personnel du quartier pénitentiaire.

Conformément à l’accord conclu entre la CPI et le Comité international de la Croix rouge (CICR) le 29 mars 2006, le CICR dispose en tant qu’autorité d’inspection d’un accès illimité au quartier pénitentiaire. Les délégués du CICR peuvent ainsi y effectuer des visites inopinées afin d’examiner le traitement réservé aux personnes détenues et leurs conditions de détention.

Source : CPI

2.   Un accord à la portée à la fois opérationnelle et symbolique, qui manifeste le soutien de la France à la Cour pénale internationale

L’accord du 11 octobre 2021 repose également sur la règle 200 du règlement susmentionné, qui prévoit à son paragraphe 5 que la Cour peut conclure des accords bilatéraux avec les États parties en vue d’établir un cadre pour la réception des personnes condamnées.

Cet accord a été négocié sur la base d’un modèle d’accord-cadre et sur une initiative de la Cour formulée pour la première fois en 2012. La France a donné son accord pour l’ouverture des négociations en septembre 2020, après une nouvelle sollicitation l’année précédente. Il est apparu opportun au Gouvernement de réaffirmer l’engagement de la France auprès de la CPI, en tant que soutien historique, en acceptant de consolider les échanges existants grâce à un accord de droit international. En effet, la France n’avait auparavant jamais conclu d’accord bilatéral thématique avec la CPI. En outre, si l’article 627-18 du code de procédure pénale prévoit la possibilité d’une exécution en France d’une peine prononcée par la CPI, en l’état actuel du droit, la mise en œuvre d’une telle coopération nécessiterait de négocier un accord ad hoc à chaque fois qu’il serait question de désigner la France comme lieu d’exécution. L’accord permet également de clarifier juridiquement plusieurs enjeux, tels que les obligations relatives aux conditions de détention dont l’inspection par le CICR est prévue par l’accord.

En outre, les négociations menées en vue de la conclusion de cet accord ont pu tirer des enseignements de la mise en œuvre d’un accord similaire conclu le 25 février 2000 avec l’ONU concernant les peines prononcées par le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ([24]), s’agissant des obligations relatives aux conditions de détention et de l’inspection du CICR d’une part, et l’articulation entre les normes internes et les normes internationales d’autre part. L’accord conclu avec le TPIY a abouti à l’incarcération en France de quatre personnes condamnées, dont l’une purge encore sa peine sur le territoire national ([25]). La France a également conclu le 4 mars 2004 un accord avec l’ONU concernant l’exécution des peines prononcées par le tribunal pénal international pour le Rwanda ([26]), mais qui n’a pas abouti à des incarcérations effectives en France.

Il convient de préciser d’emblée que si la densité carcérale globale demeure forte en France (119,2 % au 1er octobre 2021) ([27]), le principe de double consentement préalable à tout transfèrement d’une personne condamnée dans un établissement pénitentiaire français, ainsi que le nombre très modeste de condamnations prononcées à ce jour par la Cour, invitent à relativiser tout risque de création d’une pression sur notre système carcéral. Pour le rapporteur, cette inquiétude doit être écartée, tout particulièrement si elle est rapportée à la portée symbolique et facilitatrice de l’accord.

L’article premier de l’accord en définit l’objet et le champ d’application et la procédure de désignation éventuelle de la France comme État hôte est définie à l’article 2. Comme évoqué, il s’agit d’un accord de coopération volontaire dont la mise en œuvre repose sur le principe du double consentement des parties : ainsi, il n’impose aucune obligation à la France qui aura la possibilité souveraine d’accepter ou de refuser la proposition transmise par la Cour. L’article 103-3 du Statut de Rome prévoit notamment que, pour choisir l’État que la Cour désignera pour recevoir une personne condamnée, doivent être pris en considération : le principe de répartition équitable, les règles de droit international régissant le traitement des détenus, les vues et la nationalité de la personne condamnée, ainsi que toute autre circonstance relative au crime, à la personne condamnée ou à l’exécution de la peine. Le principe de répartition équitable, visé à la règle 201 du règlement de procédure et de preuve de la CPI, englobe la répartition géographique, la répartition entre les États inscrits, le nombre de personnes condamnées déjà reçues par les États et tout autre facteur pertinent.

Dans un premier temps, la France devra indiquer si elle est « matériellement » prête à recevoir la personne condamnée, en ayant pendant un délai de deux mois la possibilité de demander tout renseignement utile à la Cour sur la personne condamnée ou sur la peine à exécuter. En cas de réponse positive, la Cour désigne formellement la France comme État sur le territoire duquel la personne condamnée purgera sa peine et transmet une série d’informations et de documents aux autorités françaises. Une dernière étape prévoit que la France statue sur sa désignation par la Cour et lui fait savoir si elle accepte ou non sa désignation.

La décision d’accepter ou non de recevoir la personne condamnée reviendrait au ministère de la justice, en concertation avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Les critères à prendre en compte pourront notamment porter sur les éléments suivants : l’existence de place disponible en détention, les liens existant entre la personne condamnée et la France (langue parlée, éventuellement présence de personnes proches du détenu en France, etc.), la capacité matérielle d’accueillir une personne nécessitant par exemple des soins médicaux.

En cas d’accueil effectif, la direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la justice, sur la base des informations transmises par la CPI au MEAE, devra déterminer le ou les établissements susceptibles d’assurer l’écrou et la prise en charge de la personne condamnée, qui aura alors vocation à purger sa peine au sein d’un établissement pour peines (maison centrale ou centre de détention).

Comme cela a été indiqué au rapporteur en audition, le choix de l’établissement apte à assurer la prise en charge de la personne condamnée se fera pour l’essentiel sur la base des critères de droit commun. La circulaire du 21 février 2012 relative à l’orientation en établissement pénitentiaire des personnes détenues ([28]) définit la procédure et ses modalités, dans le but de concilier les impératifs liés à la sécurité des établissements et des personnes, l’encombrement des sites et le caractère adapté de l’établissement au profil du condamné.

L’article 3 définit la procédure de transfèrement de la personne condamnée, dont la responsabilité revient au greffier de la Cour et qui doit intervenir dès que possible après acceptation de la désignation. Les modalités pratiques du transfèrement sont arrêtées par le greffier et la France.

Les articles 4 à 6 portent sur les conditions de détention, la possibilité d’inspection du CICR et la transmission d’informations entre la France et la CPI concernant le déroulement de la détention.

En cas d’accueil d’une personne condamnée, l’exécution de la peine et les conditions d’emprisonnement sont en principe – et sauf dispositions contraires spécifiées – régies par la législation française, sous le contrôle de la CPI ([29]). Ce principe vaut également pour les conditions de détention, qui doivent également être « conformes aux règles internationales généralement acceptées en matière de traitement des détenus ». Dans ce domaine, les règles appliquées et personnels mobilisés sont très similaires à ceux déterminés par l’accord d’exécution des peines conclu avec le TPIY, permettant ainsi d’anticiper au mieux sur la mise en œuvre de l’accord conclu avec la CPI.

L’effectivité du contrôle opéré tant par la CPI que par le TPIY suppose que le procureur de la République du lieu de détention et la direction interrégionale des services pénitentiaires soient avisés, par les établissements pénitentiaires dans lesquels sont détenues les personnes condamnées, de toute décision ou évènement relatif au déroulement de la détention (placement à l’isolement, transfèrement, classement ou déclassement au travail, suspension de permis de visite, agression ou accident subi par le détenu, tentative de suicide, d’évasion, dégradation de l’état de santé physique ou psychologique, placement en cellule disciplinaire), et que ces informations soient ensuite transmises, par la voie hiérarchique, à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice, avant d’être communiquées pour information, par la voie diplomatique, aux juridictions internationales ayant prononcé les peines exécutées en France.

S’agissant des permissions de sortir, lorsqu’un condamné est susceptible de prétendre, en vertu de la législation française, au bénéfice d’une activité ou d’un avantage dans le cadre de l’exécution de sa peine susceptible d’être mis en œuvre à l’extérieur de l’établissement (comme une permission de sortir), l’État français en avise la présidence de la CPI, dans des conditions lui permettant d’exercer son contrôle. Dans le cadre de cet accord, les permissions de sortir accompagnées ou non accompagnées nécessitent donc que la Cour donne son avis formellement avant qu’elles ne soient exécutées. Concernant les autorisations de sortie sous escorte, en revanche, une simple information à la Cour lui permettant si elle le souhaite de s’y opposer est suffisante.

S’agissant des réductions de peine et des mesures de libération anticipée, aux termes de l’article 9 de l’accord, la CPI a seule le droit d’en décider, les dispositions prévues par la législation française en la matière n’étant pas applicables à la personne condamnée. La France ne peut en aucun cas modifier la peine d’emprisonnement de la personne condamnée ni libérer la personne condamnée avant la fin de la peine prononcée par la Cour.

Concernant les inspections du CICR, encadrées par l’article 5, il s’agit de dispositions généralement prévues par les accords bilatéraux d’exécution des peines conclues par la Cour avec des États parties.

En pratique, il résulte des stipulations de l’article 5 que l’administration française devra veiller à ce que les conditions de détention offertes à la personne condamnée au sein de l’établissement pénitentiaire désigné pour l’exécution de sa peine soient conformes aux règles internationales acceptées en matière de traitement des personnes détenues et devra permettre les visites du CICR réalisées aux fins d’examen des conditions de détention et de traitement de la personne condamnée.

La formulation retenue circonscrit les prérogatives du CICR à l’inspection, « périodique et impromptue », des conditions de détention de la personne condamnée par la CPI – elles ne s’étendent pas à l’inspection des conditions de détention en France de manière générale. Par ailleurs, il n’est pas prévu un dispositif de suivi des recommandations qui peuvent avoir été formulées dans le rapport confidentiel fondé sur les constatations de son inspection à la France et à la présidence de la CPI.

L’article 7 définit les modalités applicables en cas de demande de comparution par la Cour d’une personne condamnée déjà transférée en France.

L’article 8 porte sur les limites existantes en matière de poursuites ou de condamnation, et réaffirme ainsi plusieurs principes de droit.

Le premier paragraphe de l’article 8 tire la conséquence de l’article 20-2 du statut de Rome qui pose le principe dit « ne bis in idem ». Cet article 20-2 dispose que « nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour », formulation reprise à l’identique dans l’article 8 en l’appliquant aux juridictions françaises.

Les paragraphes 2 et 3 de l’article 8 tirent les conséquences de l’article 108-1 du statut de Rome, dont le titre est similaire à celui de l’article 8. Il s’agit dans les deux cas de réaffirmer le principe dit de spécialité de l’extradition, qui signifie que l'extradé, une fois remis, ne pourra être poursuivi ou puni pour une infraction autre que celle ayant motivé la remise et commise antérieurement à celle-ci. Ce principe est affirmé au sein de notre droit national (article 696-6 du code de procédure pénale). Il s’agit d’une règle essentielle du droit de l'extradition, reprise dans la plupart des conventions d'extradition ([30]).

L’article 8 détaille ensuite les procédures applicables en cas de :

- souhait de la France de poursuivre la personne ou de lui faire exécuter une peine pour des faits antérieurs à son transfèrement ;

- demande l’extradition de cette personne par un État tiers pour les mêmes raisons.

Dans les deux cas, ces demandes sont transmises à la présidence de la Cour qui applique alors les règles 214 et 215 de son règlement de procédure et de preuve ([31]), reproduites au sein de l’article 8.

L’article 10 définit la procédure applicable en cas d’évasion de la personne condamnée. La France doit en informer le greffier de la CPI dans les meilleurs délais. Si la personne condamnée fuit hors du territoire national, la France peut demander à l’État où le fugitif serait arrêté de l’extrader, dans le respect du droit national et international. La présidence de la Cour peut également intervenir pour solliciter la remise de la personne, avant de la transférer vers la France ou vers un autre État qui serait alors désigné.

L’article 11 prévoit la possibilité pour la Cour de décider à tout moment, d’office ou sur demande de la France, de la personne condamnée ou du procureur de la Cour, le transfèrement du condamné dans une prison d’un autre État. L’article 104 du Statut de Rome donne un pouvoir discrétionnaire à la Cour en la matière : « 1. La Cour peut décider à tout moment de transférer un condamné dans une prison d'un autre État.  2. La personne condamnée par la Cour peut à tout moment demander à celle-ci son transfert hors de l'État chargé de l’exécution ». Le règlement de procédure et de preuve précise, aux règles 209 et 210 ([32]), que les motifs de changement de l’État chargé de l’exécution de la peine prononcée sont précisés dans la demande de transfert.

L’article 12 porte sur les règles encadrant le transfèrement d’une personne condamnée ayant purgé sa peine. Il prévoit qu’une personne condamnée qui n’est pas de nationalité française peut être transférée ([33]), conformément à la législation française, « dans un État qui est tenu de la recevoir, ou dans un autre État qui accepte de la recevoir en réponse au souhait qu’elle a formulé d’y être transférée ». La France peut également autoriser la personne à demeurer sur son territoire, ou l’extrader, conformément à sa législation et « sous réserve des dispositions de l’article 8 » (voir supra).

Dans ce cadre, la France pourrait ainsi être amenée à autoriser une personne condamnée ayant purgé sa peine à rester sur son territoire si cette personne ne faisait l’objet d’aucune autre poursuite ou recherche aux fins d’exécution de peine émise par un autre État en sollicitant la remise, ni ne faisait l’objet d’une mesure d’éloignement administrative prise en France. D’après les informations transmises au rapporteur par le ministère de l’intérieur, un individu condamné par la CPI pour avoir commis des crimes graves dans un pays tiers ne pourra pas en principe obtenir un titre de séjour en raison de la mise en œuvre de la réserve générale d'ordre public, qui permet aux préfets de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger qui présente une menace à l'ordre public. Compte tenu du comportement passé des personnes condamnées par la CPI, les préfets pourront considérer que l’intéressé présente une menace à l’ordre public, sous réserve du droit de déposer une demande d’asile qui demeure toujours possible.

Lorsqu’un étranger détenu souhaite présenter une demande d’asile, il doit en informer le guichet unique pour demandeurs d’asile territorialement compétent (GUDA) en lui adressant une requête écrite. Lorsque la demande d’asile relève de la responsabilité de la France, le demandeur remet le formulaire de demande d’asile rempli et la notice d’information relative à la langue d’audition à l’OFPRA, sous pli fermé, à l’établissement pénitentiaire. L'établissement pénitentiaire est informé par la préfecture du département des suites de la procédure de demande d’asile. La réserve d'ordre public prévue par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés peut exclure le détenu d'une protection internationale. L’autre éventualité qui pourrait donner lieu à un maintien en France de la personne condamnée relève du domaine sanitaire. En vertu du code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) (article L425-9 du code), une protection particulière est accordée au détenu étranger dont l'état de santé nécessiterait « une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité », et si, « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé » du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un « traitement approprié ([34]) ».

Lorsqu’un étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire national en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, il peut être assigné à résidence :

- pour les obligations de quitter le territoire français (assignation en application de l'article L. 731-3 du CESEDA) ;

- pour les arrêtés d’expulsion (assignation à résidence en application de l'article L. 731-3 du CESEDA) ;

- pour les interdictions du territoire français (assignation en application de l'article L. 731-3 du CESEDA).

L’article 13 rappelle les conditions de fin d’exécution de la peine (peine purgée, libération anticipée dans le cadre de l’article 9 de l’accord, transfèrement vers un autre État ou décès de la personne).

L’article 14 porte sur les dépenses engagées pour la mise en œuvre de l’accord et pose un partage clair entre la France et la Cour. La France aura ainsi la charge des « dépenses ordinaires relatives à l’exécution de la peine », tandis que les autres dépenses, telles que les dépenses relatives au transfèrement ([35]), seront à la charge de la Cour.

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, le coût d’une journée de détention a été évalué en 2020 à 133,51 euros en moyenne par jour de détention en France (tout type d’établissement confondu) ([36]). Cette incidence financière devrait cependant être limitée en raison du nombre restreint de personnes susceptibles d’être accueillies, seules cinq condamnations ayant été prononcées à ce jour par la CPI.

Enfin, les derniers articles définissent des dispositions d’ordre général relatives à la voie de transmission des échanges entre la France et la Cour (voie diplomatique, voir article 15), les possibilités de modification ou de dénonciation de l’accord (article 16) et ses modalités d’entrée en vigueur (article 17), celle-ci étant effective dès réception de la seconde notification d’accomplissement des procédures internes requises. La présidence de la CPI ayant fait parvenir, le 6 décembre 2021, une note verbale à l’ambassade de France aux Pays-Bas l’informant que les procédures internes requises avaient été accomplies de son côté, l’accord conclu le 11 octobre 2021 pourra entrer en vigueur dès réception par la CPI de la notification par la France de l’accomplissement de ses propres procédures internes.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 23 novembre 2022, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La Cour pénale internationale (CPI) a été créée sur le fondement du statut de Rome du 17 juillet 1998, qui est entré en vigueur en juillet 2002. Cette juridiction exerce sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes ayant une portée internationale, à savoir les crimes de génocide, contre l’humanité, de guerre et d’agression.

Depuis sa création, la CPI a prononcé cinq condamnations définitives et quatre acquittements.

L’accord entre notre pays et la Cour, dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation, a été signé à La Haye le 11 octobre 2021. Il vise à mettre en place un cadre général fixant les modalités d’exécution en France de condamnations prononcées par la Cour et de transfèrement sur notre territoire national de détenus condamnés par la CPI.

Après ces brèves précisions contextuelles, je laisse sans plus tarder à notre rapporteur, M. Christopher Weissberg, le soin de détailler son analyse et ses conclusions.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Cher président, difficile de ne pas commencer cette intervention à vos côtés sans quelques références, puisque vous êtes maître en la matière. Sur ce sujet, permettez-moi d’évoquer Hannah Arendt, qui a énormément travaillé sur la responsabilité et la justice. Pour celle qui avait échappé aux camps de concentration, observé le procès des criminels nazis à Nuremberg, puis analysé l’indifférence d’Eichmann en Israël, ne plus se sentir responsable de nos actes, voilà le ressort de la « banalité du mal ».

Aussi imparfait que soit le principe de responsabilité pénale dans le système international, il demeure le corollaire indispensable pour combattre l’impunité. Les crimes commis, en ce moment même, en Ukraine nous incitent plus que jamais, je crois, à faire tout notre possible pour renforcer la Cour pénale internationale.

Vous l’avez rappelé, cette cour a été créée en 2002 par le statut de Rome, qui a été ouvert à la signature des États en 1998. Elle est la première et unique juridiction pénale à la fois permanente, internationale et à vocation universelle. Elle compte aujourd’hui 123 États parties, dont la France, qui s’est mobilisée en faveur de la CPI dès l’élaboration du statut de Rome, posant ainsi les jalons d’une coopération dense sur laquelle je vais revenir.

Je rappellerai tout d’abord quelques points fondamentaux, à la fois sur le bien-fondé et sur le fonctionnement de la CPI, qui seront utiles pour éclairer les objectifs poursuivis par l’accord bilatéral dont nous sommes invités à autoriser l’approbation.

La Cour est compétente pour juger les crimes internationaux les plus graves : le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et, dans certains cas, le crime d’agression. Elle a été conçue en priorité pour juger les principaux responsables et ceux qui ont agi en qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou de parlementaire. L’enjeu est bien là de rejeter la question d’une quelconque immunité.

La Cour ne peut exercer sa compétence à l’égard de ces crimes que si ceux-ci ont été commis sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie. Elle peut ouvrir une enquête sur l’initiative de son procureur, lorsqu’un État partie lui défère une situation ou encore par voie de résolution du Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies (ONU) ; dans ce dernier cas, tous les États peuvent être concernés, même s’ils ne sont pas parties au statut de Rome.

Enfin, la CPI ne peut poursuivre et juger des personnes que si les systèmes nationaux concernés n’engagent pas de poursuites ou s’avèrent ne pas être en capacité réelle de le faire. Il s’agit là du principe de complémentarité, qui est essentiel pour comprendre les travaux de la Cour. En effet, la CPI n’a pas vocation à se substituer aux États mais, au contraire, à compléter leur action. Symétriquement, il s’agit d’une juridiction indépendante mais qui a besoin du concours des États, à la fois financier et en matière d’exécution des mandats d’arrêt qu’elle délivre, pour pouvoir fonctionner.

La coopération entre la Cour et les États est fondamentale, et les accords bilatéraux de coopération en sont l’un des principaux aspects. Ces accords peuvent porter sur différents domaines : réinstallation des témoins, mise en liberté ou encore exécution des peines, à l’instar de l’accord qui nous occupe aujourd’hui. En quelques mots, l’entrée en vigueur de cet accord bilatéral, signé le 11 octobre 2021, fournira un cadre juridique stable à l’éventuel transfèrement de personnes condamnées par la CPI dans une prison française, afin d’y purger leur peine. Notre code de procédure pénale permet déjà l’exécution en France d’une peine prononcée par la CPI mais, en l’état actuel du droit, la mise en œuvre d’une telle coopération nécessiterait de négocier un accord ad hoc à chaque fois qu’il serait question de désigner la France comme lieu d’exécution.

L’accord, qui permet aussi de clarifier le cadre juridique en vigueur, a pu tirer les enseignements d’un accord similaire conclu en 2000 avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et qui a abouti à l’incarcération en France de quatre personnes condamnées par ce tribunal, créé en 1993 et dont les fonctions ont pris fin en 2017.

La CPI a déjà conclu treize accords bilatéraux relatifs à l’exécution des peines et l’accord conclu avec notre pays a pu s’appuyer sur un modèle d’accord-cadre.

Tous les accords bilatéraux conclus avec la CPI sont d’application volontaire et reposent sur un principe de double consentement. Dès lors, l’entrée en vigueur de l’accord qui nous occupe aujourd’hui ne créera aucune obligation d’accueil d’une personne condamnée et supposera un accord réitéré par notre pays, d’abord sur le principe, puis sur la base d’une évaluation rigoureuse par le ministère de la justice, en concertation avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Plusieurs critères seront pris en compte, tels que l’existence de places disponibles en détention ou les liens éventuels entre la personne condamnée et la France. En outre, la CPI applique de son côté un principe de répartition équitable dans les sollicitations qu’elle est amenée à formuler auprès des États parties.

Ainsi, l’impact concret de cet accord sur les prisons françaises – qui n’accueillent à ce jour aucune des personnes condamnées par la CPI – sera limité par ces différentes considérations, ainsi que par le nombre très modeste de condamnations prononcées par la Cour, qui s’élève à ce jour à seulement cinq condamnations définitives.

Néanmoins, la portée symbolique et diplomatique de cet accord est majeure. En d’autres termes, nous touchons avec cet accord à l’influence de notre pays dans le système multilatéral et dans le système juridique international. Comme je l’ai évoqué en introduction, la France est l’un des pays qui collabore le plus avec la CPI. Notre pays a été un soutien de la Cour dès les origines et s’efforce aujourd’hui de promouvoir l’universalité du statut de Rome et de répondre de la façon la plus fluide possible aux différentes demandes d’entraide judiciaire transmises par la CPI. Nous sommes le troisième contributeur au budget de la CPI, à hauteur de 13,3 millions d’euros en 2022 pour les contributions obligatoires, sur un budget total de près de 155 millions d’euros. Par ailleurs, la nationalité française est la plus représentée parmi les personnels de la Cour, qui emploie environ 900 personnes.

Notre pays est resté en retrait sur un point, comme je le rappelle dans mon rapport : la France n’a pas ratifié les amendements dits de Kampala, qui étendent la compétence de la Cour pour y intégrer le crime d’agression, uniquement pour les États ayant ratifié ces amendements qui datent de 2010. Les autorités françaises ont jugé trop large la définition retenue, en identifiant un risque de difficultés d’interprétation dans certaines situations conduisant à l’emploi de la force telles que la légitime défense et un risque d’exposition de la politique d’intervention extérieure de la France, compte tenu d’une absence de délimitation claire du champ de l’incrimination. Ces réserves sont partagées par les États ayant une politique d’intervention proche de la nôtre, tel le Royaume-Uni, et seuls 35 % des États parties ont ratifié à ce jour les amendements de Kampala.

Ce positionnement ne réduit en rien la mobilisation de notre pays, notamment de nos diplomates, pour promouvoir le statut de Rome, tant au plan multilatéral qu’au plan bilatéral. À La Haye, où la Cour a son siège, l’ambassade de France est mobilisée au quotidien par cette coopération, et je souhaiterais souligner un point particulièrement important : la place du français à la CPI et plus généralement dans le système pénal international. Le français est, aux côtés de l’anglais, l’une des deux langues de travail officielles de la Cour mais, dans les faits, notre langue perd du terrain. Toutes les personnes que j’ai auditionnées, à commencer par les praticiens du droit et Robert Badinter, ont souligné l’importance de ce sujet et son caractère crucial pour l’influence de notre pays. Des actions sont menées localement par notre ambassade, avec l’aide de l’Alliance française mais il pourrait être utile d’interroger, à l’occasion d’auditions nos ministres, sur cette question, qui ne se limite pas à la CPI et se situe au cœur de notre diplomatie d’influence. Dans le cas de la CPI, la place du français doit d’autant plus nous mobiliser que la procédure en vigueur est très largement inspirée de la tradition anglo-saxonne de common law plutôt que de la procédure de droit civil telle que nous la connaissons.

En résumé, l’approbation de cet accord aura le double mérite de renforcer la crédibilité de l’engagement français en faveur de la CPI et, par-là même, de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, tout en entraînant des conséquences pratiques modestes et faciles à anticiper.

La réaffirmation du soutien de la France à la Cour est d’autant plus importante qu’elle interviendra dans un contexte de bilan pour l’institution, qui a fêté cette année ses vingt ans. La vingt-et-unième session de la CPI se tiendra dans quelques jours. À première vue, il est facile de critiquer le bilan quantitatif de la Cour, qui n’a prononcé que cinq condamnations définitives et quatre acquittements. Les critiques formulées sur cette juridiction internationale concernent ainsi tantôt son efficacité, tantôt sa légitimité. Je suis sûr que nos collègues auront des questions à ce sujet.

En matière d’efficacité, il faut rappeler que si les procédures sont longues, de l’ordre de dix ans, la collecte des preuves, le recueil des témoignages, ainsi que les procès prennent par nature du temps et que le temps juridique n’est pas le temps politique, tout particulièrement dans des États dont la situation n’est pas toujours stabilisée lorsque les verdicts tombent. Concernant les condamnations, comme cela a été souligné en audition, on juge une cour sur ses acquittements bien plus que sur ses condamnations : la CPI traite de façon rigoureusement égale les accusés et les victimes, et c’est une force. Pour paraphraser Paul Ricoeur, la réponse aux grands criminels de l’histoire, c’est de leur appliquer équitablement tout ce qu’ils ont nié par leur action criminelle. Pour rappel, les victimes occupent une place procédurale à la CPI, empruntant en cela à la procédure de droit civil, mais aussi institutionnelle, puisqu’un fonds d’indemnisation a été créé en leur faveur afin de garantir l’octroi d’une réparation pouvant prendre différentes formes.

Sur le plan de la légitimité, nous avons tous ici en tête le procès en néo-colonialisme fait à la Cour il y a quelques années face à une succession d’enquêtes et de procès ouverts concernant exclusivement le continent africain. Aujourd’hui, on peut dire que cette critique, qui touche à l’universalité de la CPI, a été entendue. Les dix-sept enquêtes menées actuellement touchent ainsi tous les continents : on peut citer, parmi les États concernés, la Géorgie, l’Afghanistan ou encore le Venezuela, la Libye et le Mali. Sur le plan de l’efficacité, la Cour, qui est encore jeune – et il est important de le rappeler – a fait l’objet, sur demande des États parties, d’un audit indépendant visant à identifier des pistes d’amélioration sur de nombreux sujets, allant de la gouvernance aux ressources humaines, en passant par la procédure et les méthodes de travail.

Tout n’est pas parfait à la Cour, mais ce qui est perfectible peut être identifié comme tel. Gardons-nous par ailleurs d’être naïfs : le système international connaît des faiblesses et nous sommes bien placés dans cette commission pour le savoir. La CPI, qui est structurellement située au carrefour du juridique et du géopolitique, n’est pas à l’abri des critiques, ni des instrumentalisations. C’est la raison pour laquelle un soutien renforcé des États parties est le meilleur moyen de consolider l’indépendance et l’efficacité de la CPI.

Il ne vous aura pas échappé que la Cour fait aujourd’hui face à un défi de taille, avec l’ouverture dès le mois de mars dernier d’une enquête sur la situation en Ukraine sur « toute allégation passée et actuelle de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide commis par quiconque sur quelque partie du territoire ukrainien que ce soit ». L’ouverture de cette enquête a été permise par un collectif de quarante-trois pays, dont la France, qui a déféré à la CPI la situation en Ukraine. Ni la Russie, ni l’Ukraine ne sont parties au statut de Rome, mais la Cour est compétente pour enquêter car l’Ukraine a reconnu, par deux déclarations transmises en 2014 et en 2015, la compétence de la CPI en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis depuis le 21 novembre 2013. La Cour est toutefois concurrencée par l’idée, défendue par différents juristes et institutions, mais aussi appelée de ses vœux par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, et visant à créer un tribunal spécial ad hoc pour juger les crimes commis en Ukraine. Un tel tribunal permettrait notamment de juger le crime d’agression, sur lequel la Cour n’a pas compétence en l’espèce, et pourrait juger les principaux responsables, dont Vladimir Poutine, in abstentia, ce que la CPI n’est pas en mesure de faire. À ce stade, il semble que la Cour, en appui des juridictions ukrainiennes qui demeurent les premières concernées, ait le mérite comparatif d’exister et surtout d’avoir préexisté au conflit, ce qui a priori la place à une plus grande distance d’un risque d’instrumentalisation. Les États qui ont déféré la situation à la Cour se sont pour la plupart mobilisés matériellement et financièrement pour favoriser la lutte contre l’impunité des crimes commis en Ukraine et nous devons dès à présent veiller à ce que toutes les enquêtes en cours, concernant près de vingt pays, puissent avancer dans de bonnes conditions, sous peine de remettre en cause la légitimité de la Cour. Les discussions menées par le président de la République dans ce contexte poursuivent ce même objectif : avoir une approche opérationnelle de soutien à la CPI et à l’Ukraine.

Mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus de l’importance symbolique et diplomatique de cet accord, dont la portée concrète demeure modeste et dont l’approbation peut apporter un gain relatif particulièrement important, à la fois pour notre pays et son influence et pour la lutte contre l’impunité dans le monde.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie pour cet excellent rapport. Il revient à la France insoumise d’inaugurer le cycle des orateurs de groupe.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Monsieur le président, je devrais vous satisfaire, puisque je ne serai pas longue mais très directe.

Dans le cadre de l’accord soumis à ratification, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) effectuera des inspections périodiques et impromptues afin d’examiner les conditions de détention et de traitement des personnes condamnées par la Cour, visites à l’issue desquelles l’organisation transmettra à la France un rapport confidentiel sur ses constatations. Un point cependant m’a alertée : si l’accord prévoit que le Comité international de la Croix-Rouge inclut dans son rapport de recommandations afin d’améliorer les conditions de détention de la personne, les dispositions imposant à la France d’y répondre ont été expurgées. Cette modification est préoccupante : elle empêche le suivi des recommandations formulées et est surtout contre‑productive car à quoi serviraient ces visites si la France n’est pas tenue de répondre aux recommandations du CICR ?

L’engagement de la France en faveur des normes internationales pose question quand cette dernière se comporte comme si elle pouvait choisir, à la carte, les obligations qu’elle souhaite remplir. Quelles garanties sont prévues afin que les recommandations du CICR soient réellement prises en compte et appliquées afin de garantir le respect des droits des personnes détenues dans le cadre de cet accord ?

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Concernant le cas particulier des visites du CICR pour inspection, l’accord précise que la compétence du CICR ne s’applique qu’aux détenus CPI et non pas au reste des structures d’accueil potentiel. C’est un point qui a été expressément clarifié lors des négociations.

Je ne sais pas si votre sujet se pose aussi sur les incarcérations, mais la question de celles-ci en France reste prégnante. Le Gouvernement, vous le savez, en a une entière conscience. À ce jour, le plan immobilier pénitentiaire, dit plan « 15 000 », lancé en 2021 par le président de la République prévoit l’ouverture de 15 856 places d’ici à 2027. Notons, par ailleurs, que les augmentations successives des budgets alloués au ministère de la justice, notamment à l’administration pénitentiaire, sont inédites après des décennies de coupes budgétaires.

De manière générale, les avocats que nous avons interrogés disent que si notre système carcéral est parfois très critiqué – et à raison –, en comparaison, il est nettement supérieur à celui de nombreux autres pays. D’après certains praticiens, la France pourra, à ce titre, être privilégiée par rapport à d’autres pays.

Mme Élise Leboucher. L’état de la situation carcérale en France est totalement dramatique. Cela a souvent été souligné et n’évolue pas dans le bon sens. Ce constat ne peut que renforcer nos inquiétudes.

Mme Laurence Vichnievsky (DEM). Merci, monsieur le rapporteur, pour la qualité de vos observations qui ont très largement dépassé l’objet modeste de notre travail ce matin, qui consiste à approuver cet accord entre le Gouvernement français et la CPI relatif à l’exécution des peines prononcées par la Cour.

La France est un soutien historique de la Cour. Elle s’est engagée de manière constante à ses côtés, notamment pour la promotion de la coopération entre la CPI et les États parties. La France est l’un des États qui coopère le plus. Elle a ainsi donné suite à une trentaine de demandes de la CPI en 2021 et relayé une dizaine de demandes de coopération émanant du pôle spécialisé du tribunal judiciaire de Paris.

L’objet de nos travaux, ce matin, est circonscrit. Il s’agit de rejoindre la liste des douze États parties susceptibles d’être désignés pour l’exécution d’une peine en France dans le respect du principe du statut de Rome. L’intérêt est la création d’un cadre préétabli qui évitera de renégocier, à chaque fois, par sujet et par détenu, si je puis dire. Je considère que cet accord réaffirme l’implication de la France dans la promotion de la coopération entre la Cour et les États parties. Le président de la Cour a d’ailleurs déclaré : « l’exécution des peines d’emprisonnement est une forme cruciale de coopération volontaire, qui prend de l’importance avec l’augmentation de la charge de travail de la Cour ».

Il s’agit également, comme vous l’avez indiqué, monsieur rapporteur, de consacrer l’effort de lutte contre l’impunité dans la répression des crimes internationaux les plus graves, afin de rendre justice aux victimes et de maintenir un ordre international fondé sur le droit. Vous l’avez dit également, la situation en Ukraine est venue souligner la nécessité de disposer d’une justice pénale internationale stable et effective. Enfin, vous avez évoqué la saisine de la Cour s’agissant l’Ukraine, en précisant toutefois qu’elle n’était pas compétente en matière d’agression. Comment résoudre cette difficulté à l’avenir ?

M. Christopher Weissberg, rapporteur. C’est le devoir de la France que de soutenir cet accord. Depuis le début, elle a joué un rôle majeur dans la création de cette institution et, plus généralement, dans la définition de la responsabilité pénale. Certes, l’accord que nous examinons aujourd’hui est assez modeste et n’est qu’une confirmation de ce qui existe déjà, mais il porte un enjeu de coopération qui me paraît indispensable parce que la Cour est à un moment charnière : elle doit arriver à se développer au-delà des condamnations qu’elle a pu prononcer ces dernières années et dans d’autres zones géographiques. À cet égard, l’enjeu de l’Ukraine est fondamental. Aujourd’hui, un procureur a collecté des preuves de tout ce qui se passe en Ukraine ; c’est déjà un enjeu essentiel. Restera ensuite à savoir comment s’articuleront les cours nationales et autres. Ce débat appartiendra, bien évidemment, à l’Ukraine, mais au moins le travail déjà réalisé est essentiel.

Cette Cour est à la fois une instance judiciaire mais aussi une institution. C’est l’institution qui permet de collecter des preuves en Ukraine et de financer un fonds d’indemnisation aux victimes ; c’est elle qui permet de travailler sur le sujet de façon plus large. Cela me paraît être un gage d’efficacité pour faire face aux défis, notamment celui de l’Ukraine.

Pour en revenir sur ce que vous disiez à propos de l’accord, sur le délai d’instruction, de toute manière, c’est l’Ukraine qui aura la charge de définir quelles sont exactement les responsabilités incriminées et la Cour pénale internationale doit jouer un rôle de facilitateur, pour permettre de disposer des éléments suffisants pour condamner les criminels au moment voulu.

M. Alain David (SOC). Depuis sa création, la France soutient la CPI et a donc répondu tout naturellement à sa demande de coopération, en acceptant de faire partie des États pouvant être le lieu d’exécution des peines prononcées à l’égard de personnes condamnées par la Cour. Des accords similaires de coopération et d’accueil des personnes condamnées existent déjà avec un certain nombre de pays tels que l’Argentine, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Géorgie, le Mali, la Norvège, la Serbie, la Suède, le Royaume-Uni – Grande-Bretagne et Irlande du Nord.

La France a signé, le 11 octobre 2021 à La Haye, avec la CPI, un accord sur l’exécution des peines prononcées par cette dernière. Une des principales avancées apportées par cet accord est qu’il permet de ne plus négocier au cas par cas un accord international ad hoc sur l’accueil d’une personne condamnée, comme c’était le cas jusqu’alors. L’accord conclu entre la France et la CPI ne dispense pas, néanmoins, cette dernière d’obtenir l’accord implicite de la France pour chaque accueil d’une personne condamnée, c’est-à-dire que la France n’accueille pas des personnes qu’elle ne voudrait pas accueillir. On n’impose pas, apparemment.

Cela nous paraît donc un excellent accord et nous souhaitons qu’il soit mis en œuvre le plus rapidement possible. Nous sommes, en tout cas, d’accord pour le voter et tout à fait volontaires pour soutenir cette ratification.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Merci de souligner que vous voterez ce projet de loi. Je précise que c’est l’article 2 de l’accord qui pose la question du caractère volontaire de l’État qui accueillera les détenus.

M. Alain David. Je reviens malgré tout sur la surpopulation dans nos prisons car c’est un phénomène important. Je sais que cela n’a rien à voir parce que ces criminels de guerre ne seront pas incarcérés avec des détenus de droit commun mais cela pose toutefois le problème général de la surpopulation dans nos prisons et de la nécessité de s’occuper aussi des prisonniers français.

M. Hubert Julien-Laferrière (Écolo-NUPES). Notre groupe votera ce projet de loi. Il a été dit que sa portée serait tout à fait modeste. Elle le sera, à voir le très faible nombre de personnes condamnées par la CPI depuis sa création et le nombre élevé d’États susceptibles d’accueillir les personnes condamnées. Nous devons, bien évidemment, apporter notre soutien à la CPI. C’est la première institution internationale permanente à vocation universelle, apte à se prononcer sur des personnes accusées de crimes ayant une portée internationale. Il est heureux que de nombreux États se soient mobilisés pour apporter un soutien exceptionnel à la Cour face à la situation en Ukraine, et je salue la France qui a alloué une contribution volontaire exceptionnelle de 500 000 euros. Les actions de la Cour pénale internationale sont toutefois largement perfectibles, notamment lorsqu’on voit les huit années écoulées entre l’ouverture de l’enquête et la condamnation en première instance de Thomas Lubanga ou les quinze ans pour celle de Bosco Ntaganda.

Dernière remarque, les crimes environnementaux commis pendant les conflits peuvent être jugés par la Cour pénale internationale mais ce n’est pas le cas des dommages équivalents commis en temps de paix. Cela signifie qu’il est possible de condamner Poutine pour des crimes environnementaux commis dans le cadre de la guerre en Ukraine mais que la Cour pénale internationale n’est pas compétente pour condamner Bolsonaro pour des crimes commis contre la forêt amazonienne. Je tenais à appeler votre attention sur ce sujet car l’idée de criminaliser, sur plan international, les atteintes graves à l’environnement, y compris en temps de paix, n’est pas sortie de ma tête, mais a reçu le soutien de représentants d’au moins vingt-quatre pays membres de la CPI.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Pour ce qui est des crimes environnementaux, je comprends très bien que l’on puisse s’indigner sur la responsabilité de dirigeants comme Bolsonaro en Amazonie, mais il ne faut pas oublier que cette Cour est le résultat d’un accord intervenu depuis Nuremberg sur certains crimes. Pour que ces crimes soient reconnus par l’ensemble des Etats, il a été nécessaire d’engager un véritable effort de conviction. Si l’on ajoutait d’autres crimes, cela risquerait de fragiliser la CPI ; la logique est plutôt d’étendre le nombre de parties prenantes.

À mon avis, ce n’est pas vraiment le rôle de la Cour pénale internationale que de traiter des crimes environnementaux. Il existe d’autres institutions qui peuvent le faire. J’espère vous convaincre qu’il y a déjà beaucoup de pain sur la planche et que le défi est de condamner, le moment venu, les dirigeants coupables des crimes qui sont commis dans ces différentes régions. La légitimité de la Cour est essentielle et passe par le renforcement des trois ou quatre crimes qui relèvent de sa compétence.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Je ne pensais pas prendre la parole mais, finalement, j’ai une question à poser au rapporteur, que je remercie pour son rapport et sa présentation.

Vous venez d’expliquer à notre collègue que l’objectif n’était pas de créer de nouveaux crimes, mais de se concentrer sur ceux qui existent déjà. Alors que nous faisons face à une explosion de filières de passeurs, ne serait‑il pas intéressant d’imaginer que la CPI puisse considérer le fait d’être un passeur, en particulier un passeur international, d’amener des personnes à risquer leur vie en Méditerranée, ou dans la Manche, de considérer le trafic d’êtres humains, cette traite d’êtres humains, comme étant un crime relevant de son ressort ? Cela pourrait entrer dans une catégorie de crimes contre l’humanité, au même titre que l’esclavage, par exemple.

Quels seraient les processus pour modifier le statut de Rome via un amendement, comme cela a déjà été le cas il y a quelques années ? Pensez-vous possible que notre pays puisse prendre une résolution en ce sens, afin de mobiliser des agences du type d’Interpol pour enquêter plus en profondeur sur les filières de passeurs et éviter que les pays européens aient à gérer leurs frontières en plein cœur de la Méditerranée car, évidemment, cela ne pas être une solution de gérer par la mort nos questions migratoires, ni de les faire gérer par des organisations non gouvernementales (ONG) ?

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Le processus sur les amendements de Kampala a pris des années. J’ai essayé d’être le plus critique possible envers notre position pour montrer que la France, tout en étant un défenseur de l’institution, n’a pas ratifié ces amendements de Kampala. Il me semble donc difficile d’ajouter un nouvel amendement, même si le système de coopération permet potentiellement à l’institution de se saisir de nouveaux objets.

Il convient également de ne pas oublier que la responsabilité pénale jugée par la Cour concerne les plus hauts dirigeants. Or les actes que vous mentionnez sont des actes individuels qui, à mon avis, n’auraient pas d’objet au sein de la Cour pénale internationale. Mais je prends note de votre question et ne manquerai pas de la transmettre à notre ambassadeur à La Haye.

Mme Caroline Yadan (RE). La création de la Cour pénale internationale est le fruit d’une utopie et d’un processus qui trouvent leur source dans l’histoire du XXe siècle et les horreurs des deux guerres mondiales qui ont abouti à la création du tribunal de Nuremberg, qui a pu juger de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de génocides.

En 2018, nous avons fêté le vingtième anniversaire de la Cour pénale internationale, première cour permanente universelle compétente pour juger de ces crimes. Le monde actuel n’est pas devenu moins violent, ni plus juste. Il est impossible d’ignorer les terribles conflits qui ont touché la Libye, la Syrie et, plus récemment encore, l’Ukraine. Il en va de même des crimes qui ont été ou sont encore commis par de grandes puissances : comment ne pas penser aux images insoutenables des crimes commis à Boutcha, Kharkiv, Marioupol, Izioum ou encore Kherson ?

Dans la droite ligne de nos valeurs d’universalisme et de la philosophie des Lumières, la France apporte depuis la création de la Cour une contribution financière, humaine et juridique au fonctionnement de cette juridiction. En ce sens, le projet de loi que nous examinons autorisant l’accord entre le Gouvernement et la Cour pénale internationale est fondamental. Il témoigne de l’engagement de la France et du soutien de notre pays au fonctionnement de la Cour. Plus qu’un simple accord technique, ce projet de loi soulève une question cruciale : il ne s’agit évidemment pas de savoir si le monde est juste mais bien de confirmer et de soutenir l’existence d’une juridiction capable de faire respecter le droit international et de punir les crimes les plus graves.

La Cour a besoin des États pour faire vivre la justice internationale et pour faire exécuter ses peines. Elle n’a pas de police propre ni de services qui lui permettent de recueillir elle-même les éléments de preuve. De ce point de vue, nous sommes l’un des premiers États qui contribuent à l’équilibre et la pertinence de l’action de la Cour. Au-delà de la nécessité, c’est avant tout une fierté de contribuer à un meilleur fonctionnement de la Cour pénale internationale. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera en faveur de ce texte

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Ce qui était une utopie est devenu une réalité et vous avez rappelé le long chemin qu’il a fallu parcourir pour y parvenir. Aujourd’hui, le principal défi est de s’attaquer à ce qui se passe en Ukraine : des gendarmes français sont sur place pour essayer de collecter des preuves, et une magistrate est mise à disposition par l’État français pour atteindre cet objectif. La France est donc, je pense, pleinement mobilisée sur ce futur défi.

Mme Caroline Yadan. J’ajouterai un mot pour rassurer mes collègues puisqu’ont été évoquées les places d’incarcération en France : la réforme de la justice à venir prévoit un plan immobilier pénitentiaire inédit depuis quarante ans puisque 15 000 places de prison devraient être créées sur cinq ans, grâce à un budget en augmentation de 40 % sur cinq ans, soit de 8 % par an.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est une bonne nouvelle mais je crains que ce ne soit pas suffisant. Cela ne l’est jamais compte tenu de l’ampleur des besoins.

M. Michel Guiniot (RN). Cet accord se fonde sur la coopération et la légitimité qui a été accordée à la Cour pénale internationale ces vingt dernières années. Cependant, ce texte ne saurait entraîner l’unanimité eu égard aux dispositions qu’il porte.

Tout d’abord, il s’agit de reconnaître la suprématie des jugements de la Cour sur les juridictions françaises, une mesure en pleine contradiction avec notre volonté de garantir la souveraineté de notre législation. L’accord prévoit en effet, en son article 8, de restreindre l’action pénale française si la CPI a déjà condamné le criminel. En son alinéa 3, la personne condamnée détenue ne peut être poursuivie pour un comportement antérieur à moins que la présidence n’ait approuvé.

De même, à l’article 9, la France s’engage à reconnaître la forme exécutoire du jugement rendu et à ne pas la modifier. Avec cet accord, nos juridictions ne pourront donc pas condamner plus lourdement un criminel reconnu coupable et hébergé dans nos prisons si la CPI en a décidé autrement. Où sera notre souveraineté ? Où sera notre justice également ?

L’accord prévoit, en son article 14, que les frais liés à la détention du condamné sont à la charge de la France. Dans l’étude d’impact annexée, dans la sous-partie relative aux conséquences financières, il est précisé que celles-ci couvrent l’accueil et le suivi médical du condamné. L’accueil du condamné est évalué à 133,51 euros par jour. Cela représenterait, pour les personnes condamnées à des peines allant de neuf à trente ans, une dépense moyenne allant de 439 000 euros à 1,5 million d’euros par condamné. Faut‑il rappeler que le budget de la CPI, pour 2023, est de 179 millions d’euros, en augmentation de 15,5 % en un an, et que la France contribue déjà à hauteur de plus de 8 % de ce budget ? Pourquoi nous rajouter cette charge ?

À l’article 5 de l’accord, la France s’engage à ouvrir ses geôles aux inspecteurs du Comité international de la Croix-Rouge qui viendra contrôler les conditions de détention. Mais n’avons‑nous pas nos propres inspecteurs des services pénitentiaires ? Cent douze fonctionnaires constituent l’effectif de l’inspection générale de la justice : en quoi seraient-ils moins compétents que les inspecteurs du CICR ?

Enfin, si l’article 2 précise que la France doit être d’accord pour accueillir le condamné, l’article 11 laisse à la CPI la discrétion de désigner un autre État si la France ne souhaite plus accueillir ledit condamné. Il est malheureusement courant, en France, que les détenus, entre autres, se radicalisent et deviennent des menaces pour la sécurité de nos surveillants et pour l’ordre dans nos établissements pénitentiaires.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. J’entends, Monsieur le député, votre obsessionnelle envie de souveraineté, mais là, je ne vois vraiment pas le sujet. Au contraire, il ne s’agit pas d’une institution dont les actes auraient une portée normative pour la France mais bien d’une juridiction qui, sur un certain nombre de compétences, a la possibilité de rendre des jugements en plein accord avec la France. Cela est indiqué à plusieurs reprises dans l’accord.

Au-delà, il existe aussi un enjeu d’influence. J’ai été frappé par le fait que nous sommes davantage sur une question d’influence que de perte de souveraineté. Robert Badinter disait que la France avait beaucoup perdu en influence eu égard à la procédure civile par rapport à d’autres pays. Les avocats que j’ai rencontrés m’expliquaient que le risque était que les tribunaux ad hoc ne travaillent qu’en anglais. Or les langues de travail au sein de cette institution sont le français et l’anglais. Cela a une incidence extrêmement concrète sur le fonctionnement de la Cour et sur les praticiens, notamment les praticiens français en exercice.

Cet accord ne paraît pas porter d’enjeu de souveraineté. En revanche, j’y vois vraiment un enjeu d’influence et je sais combien votre groupe est attaché à l’influence de la France dans le monde.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Vous avez mentionné la question de l’efficacité de la Cour pénale internationale, en rappelant qu’il n’y avait eu que cinq condamnations définitives pour trente-huit mandats d’arrêt délivrés. Ma question concerne les mesures qu’il faudrait mettre en œuvre au niveau national pour pallier les critiques en efficacité et en légitimité de la Cour pénale internationale, notamment la mise en œuvre du principe de compétence universelle, prévue par les conventions de Genève de 1949 qui définissent les règles en cas de conflit armé.

En France, ce sont les articles 689 à 689-13 du code de procédure pénale. Ils précisent dans quels cas les tribunaux français peuvent exercer la compétence universelle. La France a une vision relative de la compétence universelle et ne peut y recourir que sur le fondement de certaines conventions internationales, comme la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

En outre, elle a assorti la mise en œuvre du principe de compétence universelle de quatre conditions qui sont si restrictives qu’elles rendent pratiquement impossible son activation – au contraire, je le souligne, de l’Allemagne qui a encore condamné en début d’année 2022 un militaire syrien sur le fondement de la compétence universelle, ce que la France serait bien incapable de faire aujourd’hui.

Donc, en conclusion, approuver cet accord entre la France et la Cour pénale internationale est évidemment une bonne chose et je le voterai mais, si le Gouvernement ne revoit pas sa copie sur la question de la compétence universelle, ce n’est clairement pas suffisant pour réprimer de façon effective les crimes les plus graves et pallier ces critiques en inefficacité de la justice internationale.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Vous faites allusion aux verrous actuels du principe d’universalité. Notre pays a élargi en 2010 la compétence territoriale des tribunaux français pour permettre la poursuite et le jugement des auteurs de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide, et la compétence universelle prévue à l’article 699-11 du code de procédure pénale reste assortie de plusieurs conditions restrictives, vous l’avez dit, dont le critère de résidence habituelle en France et celui de double incrimination.

Ce dernier suppose également que les faits soient punis par la législation française et par les législations de l’État où ils ont été commis ou que l’État dont la personne soupçonnée détient la nationalité soit un État partie au statut de Rome. Je sais que ce n’est pas vraiment le sujet d’aujourd’hui mais, dans la loi de programmation de la justice notamment, les capacités d’action ont été étendues à ce champ et, par ailleurs, une proposition de loi a été déposée en juin dernier par M. Gouffier-Cha visant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale sur la résidence habituelle, dans le but de le supprimer au profit d’une simple localisation.

Voilà donc deux moyens d’action qui ne concernent pas l’accord dont nous discutons mais qui sont complémentaires et pourraient venir en discussion dans les prochaines semaines.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur.

Je rappelle que, sous la précédente législature, la commission des affaires étrangères s’était très vivement inquiétée de cette situation et avait considéré que les conditions d’engagement des poursuites étaient tellement restrictives qu’elles rendaient absolument impossible toute mise en cause effective. Nous avions donc interrogé le Gouvernement pour savoir ce qu’il comptait faire. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu de réponse satisfaisante. La question mérite d’être très fortement relancée auprès de Mme Colonna lorsque nous la rencontrerons. N’ayant pas obtenu satisfaction, nous sommes, je pense, en droit d’obtenir des réponses.

Après les représentants des groupes, les orateurs suivants disposent d’une minute pour poser leur question.

Mme Mireille Clapot. J’adresse mes félicitations à Christopher Weissberg pour son rapport très intéressant, qui nous permet d’évoquer en commission des affaires étrangères ces questions de lutte contre l’impunité et d’influence de la France.

Je comptais, dans la lignée de mon rapport sur le mécanisme d’échange entre l’ONU et la France à l’occasion de la lutte contre l’impunité en Syrie, mentionner cette question de la double incrimination. Elle a déjà été abondamment commentée. Je passe donc mon tour, en soutenant la démarche de relancer pour obtenir une réponse.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. En complément de ce que vous avez dit Monsieur le président, il serait sans doute également utile d’auditionner le ministre de la défense.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La compétence universelle est tout de même principalement un problème d’ordre pénal.

M. Alexis Jolly. Monsieur le rapporteur, nous nous interrogeons sur le bien-fondé d’un accroissement du processus d’intégration au sein de la CPI. Cette dernière a certes une vocation internationale et universelle mais, dans les faits, elle ne l’est que pour les États les plus faibles, qu’ils soient membres ou pas.

De plus, elle ne concerne en réalité que des pays non‑alignés et de grands pays refusent catégoriquement de reconnaître sa légitimité, à commencer par les États-Unis, la Turquie, l’Inde ou la Chine, par exemple. De nombreux responsables politiques américains ont dénié la légitimité de la CPI à interférer dans les affaires extérieures des États-Unis au cours du mandat du président Trump. La situation s’est légèrement améliorée avec Joe Biden mais les divergences demeurent toutefois profondes.

En dépit du caractère universel de la CPI, on constate donc une absence des principes de réciprocité et d’application uniforme des mêmes normes juridiques. Quelles sont les pistes de réforme envisageables pour permettre, par le biais de la CPI, une effectivité accrue des normes du droit international par l’ensemble des nations ?

Pour notre part, au groupe Rassemblement national, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Il est vrai que l’un des fils rouges de nos débats est la limite évidente de la Cour, qui a une vocation universelle mais n’a pas été ratifiée notamment par les États-Unis, la Chine et la Russie.

Cela dit, des progrès ont tout de même été accomplis. Cette Cour n’a que vingt ans, ce qui est très récent. Les premiers travaux datent de plus de soixante-dix ans et, par son action, cette Cour continue à écrire son histoire. Vous parliez des États-Unis mais, typiquement, le procureur a mené une enquête en Afghanistan et des enquêtes sont diligentées dans de nombreux autres pays.

Nous serons donc certes limités sur l’effectivité d’une peine pour un dirigeant américain, par exemple, mais le travail est fait et la France s’inscrit dans ce travail de coopération pour étendre le champ d’action de la Cour. J’ai conscience que cela reste limité, mais la pertinence de ratifier ce genre d’accord est précisément que cela renforce le pouvoir de la Cour.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le problème fondamental, en effet, est que nous sommes dans un régime international où les États sont souverains. Donc, ce que l’on donne à une autorité supranationale multilatérale est atypique. Cela explique les réticences des États à étendre aussi fortement que nous le souhaiterions le champ de compétence, la nature des sanctions, etc. Il y a quelque chose qui heurte en profondeur les fondements de la communauté internationale telle qu’elle est. Mais nous sommes effectivement très attachés, en France, au développement de ces systèmes multilatéraux.

*

Article unique : autorisation de l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 


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   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

(Non modifié)

 

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour, signé à La Haye le 11 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 145)

 


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   Annexe n° 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

 

      M. Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel et sénateur ;

      M. Emmanuel Altit, avocat à la Cour ;

      M. Alexandre Bachelet, rédacteur au ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

      M. Pierre Besse, chef du bureau de l'expertise juridique au ministère de la justice ;

      Mme Charlotte Daniel-Barrat, conseillère juridique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

      M. Pierre Dousset, conseiller juridique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

      M. Julian Fernandez, professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas et co-directeur du master « Droits de l’homme et justice internationale, parcours justice pénale internationale » ;

      Mme Élise Le Gall, Avocate au Barreau de Paris auprès de la Cour pénale internationale ;

      M. Stéphane Louhaur, conseiller politique à l’Ambassade de France à La Haye ;

      Mme Stéphanie Maupas, journaliste correspondante, spécialiste de la Cour pénale internationale ;

      Mme Julie Pètre, rédactrice au ministère de la justice ;

      Mme Flavie Rault, adjointe au chef du bureau de la gestion des détentions au ministère de la justice.

 

 


([1]) Après avoir été ratifié par soixante pays.

([2])  https://asp.icc-cpi.int/fr/states-parties

([3]) Cette compétence a été introduite par les amendements de Kampala de 2010, que la France n’a pas ratifiés.

([4])  Cet article stipule que « si l'acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n'est pas Partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l'égard du crime dont il s'agit. L'État ayant accepté la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX ».

([5])  Les enquêtes et procès menés par la CPI concernant les situations en République de Centrafrique (affaires Yekatom et Ngaïssona), au Soudan – Darfour (affaire Abd-Al-Rahman), en République Démocratique du Congo, en Libye, au Mali (affaire Al Hassan) et en Géorgie - Ossétie du Sud ont notamment fait l’objet de demandes de coopération adressées à la France, de la part non seulement du Bureau du Procureur, mais également d’équipes de la défense, et que la France s’efforce d’exécuter malgré des délais d’exécution requis parfois très courts.

([6]) La peine prononcée a été réduite de deux ans le 25 novembre 2021.

([7]) La Chambre d’appel a décidé, le 13 novembre 2015, de réduire la peine de Germain Katanga.

([8]) Le 14 octobre 2022, la Chambre de première instance III a mis fin aux procédures en cours à l’encontre du Kenyan Paul Gicheru en raison de son décès.

([9]) https://asp.icc-cpi.int/sites/asp/files/asp_docs/ASP19/ICC-ASP-19-16-FRA-IER-Report-9nov20-1800.pdf

([10]) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/05/27/l-union-africaine-denonce-la-chasse-raciale-operee-par-la-cour-penale-internationale_3419268_3212.html

([11])Au premier semestre 2022, la CPI a émis ses tout premiers mandats contre des ressortissants non-africains, dans le cadre de son enquête concernant des crimes de guerre commis en Géorgie en 2008.

([12]) Les États-Unis ont signé le statut de Rome en 2000 mais ne l’ont jamais ratifié.

([13]) Le 31 octobre dernier, les juges de la chambre préliminaire II ont autorisé une nouvelle enquête sur l’Afghanistan, qui porterait notamment sur les crimes commis par les talibans et par l’État islamique.

([14]) https://www.icc-cpi.int/fr/news/lukraine-accepte-la-competence-de-la-cpi-sur-les-crimes-qui-auraient-ete-commis-depuis-le-20

([15]) https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-qc-sur-la-situation-en-ukraine-reception-de

([16]) L’Ukraine, la Pologne, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la Slovaquie et la Roumanie.

([17])Lors de sa ratification du statut de Rome le 9 juin 2000, la France avait émis la déclaration dite « de l’article 124 du Statut », refusant ainsi la compétence de la CPI pour tous les crimes de guerre qui seraient commis par ses ressortissants ou sur son territoire pendant une durée de sept ans, c’est-à-dire jusqu’au 1er juillet 2009. La France a finalement retiré cette réserve en 2008, acceptant ainsi pleinement la compétence de la Cour pour les crimes de guerre.

([18])Classement établi en prenant en compte le remboursement du prêt de l’État-hôte pour la construction des locaux abritant la Cour, à hauteur de 794 000 euros en 2022. Hors remboursement du prêt, la France se place en quatrième position, derrière le Royaume-Uni.

([19]) En plus de la CPI, on trouve la Cour internationale de justice (CIJ), le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (TMPI) ou encore la Cour permanente d’arbitrage (CPA).

([20]) Voir notamment le rapport remis par groupe de travail pour la francophonie et le multilinguisme au sein des institutions européennes le 20 octobre 2021 à M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et à M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes (https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/282161.pdf )

([21]) L’article 68-1 du statut de Rome dispose qu’il est de la responsabilité de la Cour de protéger la sécurité et le bien-être physique et psychologique des victimes et des témoins. L’un des nombreux moyens de protéger les témoins courant un risque élevé est de les réinstaller loin de la source de la menace. Cette réinstallation peut être temporaire ou permanente, en fonction de la situation personnelle de la personne concernée, mais aussi des capacités d’un État de l’accueillir, capacités qui sont parfois limitées dans le temps. Tous ces types de réinstallation peuvent être négociés au moyen d’accords ad hoc ou d’accords de réinstallation.

([22]) Argentine, Autriche, Belgique, Colombie, Danemark, Finlande, Géorgie, Mali, Norvège, Serbie, Slovénie, Suède, Royaume-Uni. L’Espagne est en cours de négociation avec la CPI pour conclure un accord similaire et d’autres États ont été approchés (République tchèque, Pologne).

([23]) https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf

([24])https://www.icty.org/x/file/Legal%20Library/Member_States_Cooperation/enforcement_agreement_france_25_02_00_fr.pdf

([25]) https://www.irmct.org/fr/le-mecanisme-en-bref/fonctions/execution-des-peines

([26]) https://unictr.irmct.org/sites/unictr.org/files/legal-library/france-fr.pdf

([27]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Mesure_mensuelle_20221001.pdf  

([28]) http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSK1240006C.pdf

([29]) Conformément à l’article 106 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale « l'exécution d'une peine d'emprisonnement est soumise au contrôle de la Cour. Elle est conforme aux règles conventionnelles internationales largement acceptées en matière de traitement des détenus. » Le préambule de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la CPI sur l’exécution des peines prononcées par la Cour rappelle les règles du droit international généralement acceptées qui régissent le traitement des détenus parmi lesquelles : « l’ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (les Règles Nelson Mandela) adopté par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 70/175 du 17 décembre 2015, l’ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988, les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/111 du 14 décembre 1990, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950 ».

([30]) On la retrouve par exemple à l’article 14 de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.

([31]) https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Reglement-de-procedure-et-de-preuve.pdf

([32])  https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Reglement-de-procedure-et-de-preuve.pdf

([33]) L’accord parle de transfert, mais comme cela a été précisé au rapporteur par les ministères compétents, il s’agira stricto sensu en droit français d’une expulsion vers un autre État.

([34]) L'étranger malade fait alors établir par le médecin de l’unité sanitaire de l’établissement pénitentiaire un rapport ou un certificat médical, transmis par voie dématérialisée par le service médical de l’établissement pénitentiaire au service médical de l’Office français de l'immigration et de l’intégration, dans le strict respect du secret médical.

([35]) Le coût du transfèrement peut être estimé, d’après l’étude d’impact du projet de loi, à 2 300 euros. Ce coût a été estimé sur la base de coût total (dépenses de personnel et de fonctionnement) d’une extraction judiciaire, en tenant compte d’une distance moyenne qui pourrait être parcourue.

([36]) Cette donnée est issue d’une étude réalisée chaque année par le service du contrôle de gestion à partir des dépenses enregistrées dans le logiciel Chorus. Dans l’optique d’offrir une vision en coût complet, le ratio synthétique « coût de la journée de détention » rapporte l’ensemble des dépenses des établissements pénitentiaires (EP) ainsi que les coûts indirects supportés par les services pénitentiaires d’insertion et probation (SPIP) et les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) au nombre de journées de détention « hébergés ».