N° 512

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur
la manipulation de compétitions sportives

PAR M. Frédéric Zgainski

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 384


 


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. La manipulation des compétitions sportives, un phénomène mondial nécessitant une réponse commune et harmonisée

A. L’industrie des paris sportifs, un marché lucratif exposé aux agissements des réseaux de criminalité organisée

1. Les paris sportifs en ligne, de nouvelles pratiques ayant fait l’objet d’aménagements récents aux échelles nationale et européenne

2. La manipulation des compétitions sportives, un phénomène impliquant les réseaux criminels transnationaux

B. La convention de Macolin, un instrument juridique contraignant permettant de renforcer la lutte contre les tricheries et de développer la coopération internationale

1. Les objectifs de la convention

2. La genèse de la convention

3. Les procédures de signature et de ratification

II. Les différentes réponses apportées à la lutte contre la manipulation des compétitions sportives par la convention de Macolin

A. Les stipulations de la convention

1. Les dispositions générales

2. Les dispositions visant à prévenir, détecter et sanctionner toute tricherie dans le cadre des compétitions sportives

a. Le volet préventif

b. Le volet répressif

3. Les dispositions visant à renforcer l’échange d’informations et la coopération internationale

a. Le volet relatif à l’échange d’informations

b. Le volet relatif à la coopération internationale

4. Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur, à l’application et au suivi de la convention

B. Des stipulations trouvant d’ores et déjà une traduction en droit français

1. Un arsenal législatif français reconnu comme étant l’un des plus avancés sur le sujet

2. Un droit français globalement conforme à la convention de Macolin malgré quelques écarts pouvant justifier des adaptations législatives à l’avenir

Examen en commission

Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

Annexe 2 : contribution écrite


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   introduction

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives (n° 384). Cette convention a été adoptée, à Macolin, en Suisse et signée par la France, à Strasbourg, le 2 octobre 2014.

La manipulation des compétitions sportives qui est liée à la fraude, au crime organisé et à la corruption, porte atteinte à l’intégrité du sport en compromettant l’aléa intrinsèque à toute compétition sportive. Ce phénomène représente une menace qui n’a eu de cesse de s’aggraver, ces dernières années. Selon un rapport d’Europol de 2020 ([1]), les recettes criminelles annuelles mondiales provenant des paris sur les matchs truqués sont ainsi estimées à environ 120 millions d’euros. L’agence européenne de police criminelle souligne, en outre, que les paris en ligne sont de plus en plus utilisés par les organisations criminelles pour manipuler les compétitions, en ciblant en général des rencontres sportives de niveau inférieur dans différents sports, le football et le tennis demeurant les pratiques sportives les plus exposées à l’échelle mondiale.

Ce phénomène global, qui n’épargne aucun État, constitue ainsi un véritable danger pour le sport dans toutes ses dimensions – sociale, culturelle, économique et politique –, de même qu’un important défi pour les autorités publiques, les organisations sportives, les organisateurs de compétitions, les athlètes eux‑mêmes et enfin les opérateurs de paris sportifs.

Pour faire face à cette menace, le Conseil de l’Europe a proposé avec la convention de Macolin, une réponse commune et harmonisée. Ce texte dispose d’un champ d’application très large, puisque concernant tous les sports et toutes les compétitions sportives et allant au‑delà de la seule question des paris sportifs. Il a pour objectif principal la prévention et la sanction des actes de corruption, de fraude ou de paris illégaux dans le cadre de compétitions sportives, ainsi que le renforcement de l’échange d’informations et de la coopération nationale et internationale entre les différents acteurs du monde du sport.

Cette convention enjoint ainsi aux parties de se doter de différents moyens permettant de répondre utilement et efficacement au phénomène des manipulations de compétitions sportives, que ce soit en amont avec un volet préventif ou en aval avec un volet répressif, et de manière collective grâce à la promotion du dialogue, de l’échange et d’autres pratiques coopératives.

La France a activement participé à l’élaboration de cette convention, qui constitue le premier instrument international contraignant visant directement le trucage de matchs. Notre pays dispose, d’ailleurs, d’un arsenal législatif conséquent en matière de lutte contre la manipulation de compétitions sportives, qui en fait un des États les plus avancés sur cette question. Ainsi, la plupart des stipulations de la convention trouvent d’ores et déjà une traduction en droit français. Seules quelques évolutions législatives, non urgentes, pourraient être envisagées à l’avenir afin de renforcer encore la norme en vigueur et de parfaire la conformité de notre droit interne à la convention de Macolin.

À l’approche des deux événements sportifs majeurs qui seront organisés en France – à savoir la Coupe du monde de rugby, en 2023, et les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, en 2024 – la ratification de cet instrument de lutte contre la manipulation des compétitions sportives est un moyen de marquer un engagement fort de la France contre ce phénomène.

 


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I.   La manipulation des compétitions sportives, un phénomène mondial nécessitant une réponse commune et harmonisée

A.   L’industrie des paris sportifs, un marché lucratif exposé aux agissements des réseaux de criminalité organisée

1.   Les paris sportifs en ligne, de nouvelles pratiques ayant fait l’objet d’aménagements récents aux échelles nationale et européenne

Le développement de l’informatique et de l’industrie numérique a favorisé le développement des jeux en ligne et a, de la sorte, créé un nouvel environnement propice à la manipulation des compétitions sportives. Au début des années 2000, la France a ainsi été confrontée à une offre illégale de paris très importante, avec en 2009 environ 25 000 sites illégaux accessibles et un montant évalué des mises enregistrées compris entre 3 et 4 milliards d’euros. Cette situation a fortement fragilisé l’organisation traditionnelle française du secteur des jeux d’argent et de hasard jusqu’alors étroitement contrôlée par la puissance publique. Dans l’objectif de canaliser la demande de jeux en ligne, le choix a été fait de procéder à une ouverture à la concurrence maîtrisée de certains secteurs de ce nouveau marché. Répondant à une double logique de protection de l’ordre public et de l’ordre social, la loi n°2010‑476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, est venue réglementer le secteur, permettant ainsi, de manière indirecte, de lutter contre la manipulation de compétitions sportives.

Cette loi repose sur plusieurs principes structurants tels que l’agrément des opérateurs de jeux en ligne, la traçabilité des opérations de jeux, l’encadrement de la proportion des mises reversée aux joueurs ou encore la lutte contre les sites non agréés. Elle a, par ailleurs, donné naissance à l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), devenue depuis 2019 l’Autorité nationale des jeux (ANJ).

La surveillance effectuée par cette autorité administrative indépendante a permis de faire le constat d’une croissance constante des activités de paris en ligne, tant au regard du nombre de joueurs que des dépenses engagées, engendrant, dès lors, des produits bruts de jeux (PBJ) ([2]) toujours plus importants. Ainsi, le nombre de comptes joueurs actifs a été multiplié par cinq en huit ans, passant de 765 000 en 2012 à plus de 3,8 millions en 2020, et le total des mises a été multiplié par 7,5 en passant de 705 millions d’euros en 2012 à plus de 5,3 milliards d’euros en 2020. Ces évolutions ont, corrélativement, engendré un produit global des jeux de plus en plus important, passant de 138 millions d’euros en 2012 à 940 millions d’euros en 2020.

Selon des données de l’ANJ, après une année 2020 marquée par une baisse d’activité significative en raison des restrictions liées à la crise sanitaire, le chiffre d’affaires du secteur des jeux d’argent en France a renoué, en 2021, avec la croissance, avec un chiffre d’affaires de 10,7 milliards d’euros (en hausse de + 7 % par rapport à 2020), une dynamique principalement portée par l’engouement pour les paris sportifs en ligne, qui enregistrent une croissance exceptionnelle (+ 44 %) avec un niveau record de mises (7,89 milliards d’euros) et un produit brut des jeux franchissant le seuil symbolique du milliard d’euros pour atteindre 1,4 milliard d’euros.

Cette progression exceptionnelle a bénéficié d’un calendrier sportif attractif, avec comme point d’orgue, l’Euro 2020 de football, ce sport demeurant de loin la discipline générant le plus de paris. Ainsi, sur les sites des opérateurs de paris sportifs en ligne, le montant des enjeux lors de la compétition s’est élevé à 435 millions d’euros, soit plus de 5 % des enjeux annuels. Ce montant est plus de trois fois supérieur à celui de l’Euro 2016 (141 millions d’euros). Il est également plus élevé que celui de la coupe du monde de football 2018 (382 millions d’euros), gagnée par la France et qui comportait pourtant un nombre de matchs supérieur.

L’activité des jeux d’argent en ligne, qui comprend les paris sportifs avec les paris hippiques et le poker, contribue, selon l’ANJ au rajeunissement du bassin de joueurs et s’affirme comme un moteur de plus en plus fort du marché des jeux d’argent en France, dans un contexte d’accélération de la numérisation des pratiques. Le nombre de comptes joueurs actifs est également en progression avec plus de 5,4 millions de comptes actifs sur les différents sites et applications des opérateurs agréés (+ 11 %). En 2021, le pari sportif représente 82 % des comptes joueurs actifs du secteur des jeux en ligne.

Cette montée en puissance des paris sportifs en ligne s’observe également aux échelles européenne et internationale. Selon Sportradar ([3]) – société suisse qui collecte et analyse des données sportives pour les bookmakers, les fédérations sportives et les médias – le chiffre d’affaires global des paris en ligne s’élevait à 1 450 milliards d’euros en 2021 dont 955 milliards d’euros pour le seul continent asiatique et 220 milliards d’euros pour le continent européen. Le football représente plus de la moitié de ce chiffre d’affaires mondial, soit 745 milliards d’euros, devançant ainsi de très loin le tennis (190 milliards d’euros), le basket-ball (185 milliards d’euros) et le cricket (68 milliards d’euros).

Face à ces nouvelles pratiques, les États européens, qu’ils soient membres de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe, ont développé, dans les années 2000, des approches différenciées de contrôle et de régulation des jeux en ligne, des paris et de la lutte contre la manipulation de compétitions sportives. Ainsi, par exemple, l’ARJEL faisait le constat, en décembre 2011 ([4]), d’une grande disparité d’approches en Europe. Certains pays avaient alors fait le choix d’interdire totalement les jeux en ligne (Bulgarie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Pays‑Bas), d’autres avaient ouvert leur marché à la régulation (Belgique, Estonie, France, Italie, Royaume‑Uni) tandis que d’autres encore, maintenaient les jeux en ligne dans le champ des monopoles étatiques (Finlande, Portugal, Slovaquie, Suède).

D’après les informations les plus récentes relevées dans le rapport du sénateur André Vallini ([5]), l’Albanie est aujourd’hui le seul État membre du Conseil de l’Europe interdisant intégralement les paris en ligne, alors que l’Allemagne a récemment ouvert son marché et que la Hongrie s’apprête à le faire. Les paris sont maintenus sous monopole étatique en Finlande et en Norvège et la Suisse a interdit aux sites sans agrément d’offrir leurs services aux personnes relevant de sa juridiction.

2.   La manipulation des compétitions sportives, un phénomène impliquant les réseaux criminels transnationaux

La mondialisation, l’afflux massif d’argent, la croissance rapide des paris sportifs légaux et illégaux et les progrès technologiques ont rendu le sport de plus en plus attrayant pour les réseaux criminels transnationaux. Selon le premier rapport mondial sur la corruption dans le sport ([6]) de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) de décembre 2021, jusqu’à 1 700 milliards de dollars seraient ainsi pariés, chaque année, sur les marchés illégaux.

S’agissant plus spécifiquement des manipulations de compétitions sportives, Europol évalue le produit annuel mondial du crime organisé lié aux paris sur les matchs truqués à 120 millions d’euros pour la seule année 2020.

Le football représente le sport le plus ciblé et le plus manipulé par les réseaux criminels transnationaux en raison de sa popularité mondiale et de l’important chiffre d’affaires du marché des paris qui lui est attaché. Selon Europol, les criminels cibleraient plus souvent les joueurs ayant un rôle spécifique au sein de l’équipe – comme les gardiens de but, les défenseurs ou encore le capitaine – car offrant des profils particulièrement intéressants aux yeux des manipulateurs, une simple erreur pouvant facilement conduire à l’encaissement d’un but sans nécessairement éveiller des soupçons. Les compétitions sportives individuelles comme le tennis, avec un nombre limité de participants clés – les joueurs ou les arbitres de chaise – représentent également une cible de choix pour les manipulateurs.

Le phénomène de la manipulation des compétitions sportives, au‑delà des enjeux économiques et judiciaires, porte par ailleurs gravement atteinte à l’intégrité du sport en compromettant son caractère imprévisible. Or lorsque les passionnés ne croient plus à la fameuse « incertitude du sport », celui‑ci perd en tout point son pouvoir d’attractivité.

B.   La convention de Macolin, un instrument juridique contraignant permettant de renforcer la lutte contre les tricheries et de développer la coopération internationale

 

1.   Les objectifs de la convention

La convention de Macolin vise à apporter une réponse commune et harmonisée à la manipulation des compétitions sportives. Elle engage notamment les États à renforcer leurs politiques nationales en matière de lutte contre ce phénomène.

Elle impose ainsi aux parties de prendre les mesures nécessaires permettant de prévenir, de détecter et de sanctionner toute tricherie dans le cadre de compétitions sportives. Elle encourage également les parties à renforcer l’échange d’informations, la coordination et la coopération dans le domaine de la lutte contre la manipulation des compétitions sportives aux échelles nationale et internationale.

Pour ce faire, la convention de Macolin veille à impliquer l’ensemble des acteurs intéressés à savoir les autorités publiques, les organisations sportives, les organisateurs de compétitions, les sportifs eux‑mêmes et enfin les opérateurs de paris sportifs.

L’une des mesures phares de la convention consiste en l’incitation faite aux États de mettre en place une plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives (article 13) permettant un échange fluide des informations détenues par chacun des acteurs du monde du sport.

S’agissant du volet préventif, le texte reconnaît l’autonomie des organisations sportives en matière de sensibilisation mais souligne toutefois la responsabilité des opérateurs de paris dans le cadre de la prévention contre la manipulation des compétitions sportives.

S’agissant du volet répressif, la convention établit un cadre minimal identifiant les comportements répréhensibles et la nature des sanctions pouvant être prononcées, sans toutefois créer d’incriminations. L’objectif premier de la convention, découlant de celui d’harmonisation, vise à permettre une reconnaissance mutuelle des décisions et sanctions prises par les États et à ne pas cantonner ces dernières à un seul territoire.

2.   La genèse de la convention

Si certaines conventions internationales portaient déjà sur des problèmes liés à la corruption sportive – comme la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (2000), la convention des Nations unies contre la corruption (2003), la convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption, ou encore la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (2005) –, ces dernières ne couvraient toutefois pas spécifiquement les cas de manipulation des compétitions sportives, pouvant d’ailleurs intervenir en dehors de tout réseau criminel international ou indépendamment de cas de corruption.

Ainsi, en 2008, les États membres du Conseil de l’Europe ont adopté une résolution relative à l’éthique dans le sport par laquelle ils ont notamment reconnu l’existence des problèmes de corruption, de matchs arrangés et de paris illégaux et ont invité le Comité de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) – chargé au sein du Conseil de l’Europe d’élaborer des normes sur les questions d’actualité liées au sport et d’en assurer le suivi – de formuler des recommandations qui pourraient, le cas échéant, servir de base à la rédaction d’une nouvelle convention.

Dans la lignée de ce premier engagement, une nouvelle résolution traitant spécifiquement de la manipulation des résultats sportifs a été adoptée en 2010. Elle avait pour objet de promouvoir la coopération internationale en matière de lutte contre les manipulations des compétitions sportives et d’encourager les États à combattre ce phénomène. Par ce texte, les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu la nécessité du dialogue et de la coopération entre les pouvoirs publics, les opérateurs de paris et les organisations sportives pour parvenir à des réponses communes et harmonisées aux défis posés par le phénomène de la manipulation des compétitions sportives et de leurs résultats. Les États ont notamment invité l’APES à « offrir une plateforme d’échange et de coopération pour les gouvernements, le mouvement sportif et les opérateurs et à explorer la faisabilité de l’établissement d’une structure ». Au‑delà de ces deux aspects, la résolution de 2010 s’inscrivait surtout dans la continuité de la résolution de 2008 précitée, invitant l’APES à poursuivre ses travaux en vue de l’élaboration d’une recommandation au Comité des ministres et à faire une étude de faisabilité d’une convention internationale sur cette base.

Ce processus a conduit la Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables du sport, réunie à Belgrade le 15 mars 2012, à adopter une résolution confiant à l’APES le soin d’« ouvrir à la négociation […] une éventuelle nouvelle convention internationale contre la manipulation des résultats sportifs et notamment les matches arrangés, qui pourrait établir un cadre d’engagement et de coopération approprié pour la lutte contre ce fléau ». Ce texte soulignant le caractère international du phénomène et la nécessité d’y apporter des réponses communes a ouvert la possibilité que cet instrument puisse être ouvert à la signature d’États non européens et ou non adhérents à l’APES, afin de susciter une large adhésion et d’en renforcer les effets à l’échelle mondiale.

Au final, la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, adoptée par le Comité des ministres le 9 juillet 2014, a été ouverte à la signature à l’occasion de la 13e conférence des ministres responsables du sport des États membres du Conseil de l’Europe, qui s’est tenue à Macolin en Suisse, le 18 septembre de la même année. Conformément à l’esprit de la résolution de 2012 et avec pour objectif de lutter efficacement contre la manipulation des compétitions sportives à grande échelle, cette convention a été ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne (UE) et des États non-membres ayant participé à son élaboration ou ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe.

3.   Les procédures de signature et de ratification

À ce jour, quarante‑et‑un pays ont signé la convention, dont trois pays tiers (Australie, Maroc et Russie ([7]) ) et seuls sept États l’ont ratifiée, à savoir trois États membres de l’Union européenne (Grèce, Italie et Portugal), et quatre autres membres du Conseil de l’Europe (Moldavie, Norvège, Suisse et Ukraine).

Conformément à son article 32, qui prévoit son entrée en vigueur après cinq ratifications dont trois au moins par des États membres du Conseil de l’Europe, la convention est entrée en vigueur le 1er septembre 2019, après sa ratification par la Norvège, le Portugal, l’Ukraine, la Moldavie et la Suisse.

S’agissant des États membres de l’Union européenne, l’absence de ratification s’explique principalement par les difficultés institutionnelles liées aux conditions d’adhésion de l’Union à la convention ([8]), ainsi que l’absence d’accord commun due à l’opposition de Malte.

Cette opposition de La Valette est principalement liée à la définition du pari sportif illégal qui, selon cet État, dépasserait l’objet de la convention. En effet, le pays considère que manipulations et paris illégaux ne sont pas nécessairement liés et que les dispositions relatives aux paris illégaux n’entrent pas dans l’objet de la convention.

La raison sous‑jacente à cette opposition est qu’en vertu de la convention, un pari est considéré comme illégal dès lors qu’il est enregistré par un opérateur n’ayant pas reçu de licence ou d’agrément dans le pays du pari, quand bien même l’opérateur aurait été agréé dans un autre État signataire. Ainsi, alors que Malte délivre assez aisément des agréments, les opérateurs ayant reçu un agrément maltais ne pourraient plus, depuis Malte, ouvrir de pari dans un pays dans lequel ils n’auraient pas reçu d’agrément. Cela conduirait à une perte de ressources pour l’opérateur et, corrélativement à une perte de ressources pour une partie de l’économie maltaise. De plus, la signature de la convention par Malte enverrait un signal aux opérateurs qui pourraient être tentés de se retirer du marché maltais et, là encore, engendrer une perte de ressources pour une partie de l’économie du pays.

La Valette a néanmoins entamé des discussions avec le Conseil de l’Europe en novembre 2021 et semble désormais afficher une position légèrement plus ouverte.

Les tableaux ci‑après présentent l’état d’avancement des signatures et des ratifications de la convention de Macolin en distinguant les États membres de l’Union européenne (notés en gras), les États membres du Conseil de l’Europe et les États tiers.

Signatures au 12/11/2022

 

 

Ratifications au 12/11/2022

 

États membres Conseil de l’Europe

 

États membres du Conseil de l’Europe

Albanie

02/06/2016

 

Grèce

01/10/2020

Allemagne

18/09/2014

 

Italie

01/10/2019

Arménie

18/09/2014

 

Norvège

01/09/2019

Autriche

02/06/2016

 

Portugal

01/09/2019

Azerbaïdjan

18/09/2014

 

République de Moldavie

01/09/2019

Belgique

29/11/2016

 

Suisse

01/09/2019

Bulgarie

18/09/2014

 

Ukraine

01/09/2019

Chypre

04/05/2017

 

 

 

Croatie

16/05/2019

 

 

 

Danemark

18/09/2014

 

 

 

Espagne

07/07/2015

 

 

 

Estonie

19/09/2016

 

 

 

Finlande

18/09/2014

 

 

 

France

02/10/2014

 

 

 

Géorgie

18/09/2014

 

 

 

Hongrie

29/11/2016

 

 

 

Islande

12/11/2014

 

 

 

Lettonie

12/12/2017

 

 

 

Liechtenstein

21/11/2019

 

 

 

Lituanie

18/09/2014

 

 

 

Luxembourg

07/07/2015

 

 

 

Macédoine du Nord

21/10/2022

 

 

 

Monténégro

18/09/2014

 

 

 

Pays-Bas

18/09/2014

 

 

 

Pologne

07/07/2015

 

 

 

Royaume-Uni

06/12/2018

 

 

 

Saint Marin

16/05/2019

 

 

 

Serbie

18/09/2014

 

 

 

Slovaquie

27/06/2018

 

 

 

Slovénie

02/06/2016

 

 

 

Turquie

26/10/2022

 

 

 

États tiers

 

 

 

Australie

01/02/2019

 

 

 

Maroc

20/09/2021

 

 

 

Fédération de Russie

18/09/2014 ([9])

 

 

 

 


II.   Les différentes réponses apportées à la lutte contre la manipulation des compétitions sportives par la convention de Macolin

A.   Les stipulations de la convention

La convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives comporte un préambule et quarante-et-un articles.

1.   Les dispositions générales

L’article 1er énonce les buts et objectifs de la convention que sont la lutte contre la manipulation des compétitions sportives et la protection de l’intégrité du sport et de l’éthique sportive.

L’article 2 rappelle que la lutte contre les manipulations des compétitions sportives s’inscrit dans le respect des droits de l’Homme, de la légalité, du principe de proportionnalité et de la protection de la vie privée.

L’article 3 définit les différents termes utilisés dans la convention. Il précise notamment le concept de manipulation de compétitions sportives, qui désigne « un arrangement, un acte ou une omission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultat ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition, en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour autrui ».

2.   Les dispositions visant à prévenir, détecter et sanctionner toute tricherie dans le cadre des compétitions sportives

a.   Le volet préventif

L’article 4 porte sur la coordination des politiques et des actions publiques des autorités concernées par la lutte contre la manipulation des compétitions sportives et la coopération des différents acteurs concernés.

L’article 5 engage les parties à procéder à une identification, une analyse et une évaluation des risques liés à la manipulation des compétitions sportives et à adopter ou faire adopter des règles et procédures en vue de lutter contre cette manipulation.

L’article 6 met l’accent sur le volet préventif dans la lutte contre la manipulation des compétitions sportives et encourage la sensibilisation, l’éducation, la formation et la recherche à cette fin.

L’article 7 vise à responsabiliser les organisations sportives en les encourageant à adopter des règles pour lutter contre la manipulation des compétitions sportives et promouvoir la bonne gouvernance. Les organisations sportives sont ainsi incitées à adopter des règles de nature à prévenir les conflits d’intérêts, à faire respecter leurs obligations contractuelles et à obliger les acteurs de la compétition à signaler toute activité suspecte. Ces règles doivent notamment avoir pour effet de garantir le contrôle des compétitions sportives à risque, la mise en place de dispositifs de signalement ou la sensibilisation des acteurs.

L’article 8 a pour objectif de garantir la transparence du financement des organisations sportives et d’encourager les parties à les soutenir dans la lutte contre la manipulation des compétitions. En outre, cet article suggère également la possibilité de refuser l’octroi de subventions aux acteurs de la compétition sanctionnés pour manipulation d’une compétition sportive.

L’article 9 engage les parties à désigner une autorité chargée de la régulation des paris sportifs et de l’application de mesures de lutte contre la manipulation des compétitions sportives en lien avec les paris. Ces mesures doivent notamment permettre l’échange d’informations, la limitation de l’offre de paris, la mise à disposition préalable d’informations relatives à l’offre de paris, l’utilisation de moyens de paiement traçables, la mise en place de mécanismes empêchant les acteurs de la compétition de prendre part aux paris, ou encore la suspension de la prise de paris sur les compétitions pour lesquelles une alerte a été émise. En France, la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, a d’ores et déjà donné naissance à une telle autorité – l’ARJEL devenue l’ANJ en 2019.

L’article 10 vise à prévenir les conflits d’intérêts et l’utilisation abusive d’informations d’initiés par l’adoption de mesures appropriées en restreignant, par exemple, la possibilité, « pour toute personne physique ou morale impliquée dans l’offre de paris sportifs, de miser sur ses propres produits » ou encore, « pour tout acteur de la compétition, de participer à la détermination des cotes des paris proposés sur la compétition à laquelle il participe ».

L’article 11 encourage les parties à se doter des moyens les plus adaptés pour lutter contre les paris sportifs illégaux, comme la fermeture des opérateurs de paris illégaux, le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs, l’interdiction de la publicité pour les opérateurs de paris illégaux ou la sensibilisation des consommateurs aux risques liés à ces paris.

b.   Le volet répressif

L’article 15 de la convention porte spécifiquement sur les infractions pénales relatives à la manipulation de compétitions sportives en engageant les parties à mettre en place une législation pénale de nature à sanctionner ces faits dès lors qu’ils présentent des « éléments de contrainte, de corruption ou de fraude ».

L’article 16 vise à réprimer pénalement le blanchiment du produit des infractions pénales relatives à la manipulation de compétitions sportives, tandis que l’article 17 vise à sanctionner pénalement toute complicité intentionnelle dans la commission d’une infraction relative à la manipulation de compétitions sportives.

L’article 18 porte sur la responsabilité des personnes morales. Il engage les parties à adopter les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes morales peuvent être tenues pour responsables des infractions visées aux articles 15 à 17, lorsque celles‑ci sont commises pour leur compte. L’article précise, par ailleurs, que cette responsabilité « est établie sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques ayant commis l’infraction ».

L’article 19 prévoit les règles de compétence territoriale ou personnelle que les parties doivent établir dans leur droit interne aux fins de pouvoir connaître des infractions visées aux articles 15 à 17. Cet article traite également de la question des conflits de compétences en précisant que, dans ce cas, les « parties concernées se concertent, le cas échéant, afin de déterminer quelle juridiction est la plus à même d’exercer les poursuites ». Selon le paragraphe 1 de l’article 19, chaque partie doit adopter les mesures permettant d’établir sa compétence l’égard des infractions susmentionnées lorsqu’elles sont commises : sur son territoire, à bord d’un navire battant pavillon de la partie concernée, à bord d’un aéronef immatriculé selon ses lois ou par un de ses ressortissants ou par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire. Conformément au paragraphe 2 de cet article et de l’article 37 de la convention, chaque partie peut émettre une réserve « au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, dans une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, déclarer qu’elle se réserve le droit de ne pas appliquer, ou de n’appliquer que dans des cas ou conditions spécifiques, les règles de compétence » définies au précédent paragraphe. La France a ainsi émis une réserve sur le paragraphe 1 de l’article 19 dans la mesure où la règle de compétence prévue par ce paragraphe est plus dure qu’en droit français : la compétence résultant de la résidence habituelle de l’auteur n’existe pas dans notre droit et celle résultant de la nationalité de l’auteur exige, en droit français, une réciprocité de l’incrimination et une plainte de la victime. Plusieurs États ayant ratifié la convention (Grèce, Italie, Portugal, Suisse) ou l’ayant signée (Pologne) la convention ont émis la même réserve.

L’article 20 porte sur la préservation des preuves électroniques. Il engage les parties à adopter des mesures visant à préserver, dans le cadre des enquêtes pénales diligentées sur les infractions visées aux articles 15 à 17, les preuves électroniques grâce notamment à la conservation des données informatiques, par le biais des injonctions à produire de telles données, aux perquisitions, aux saisies, ou de la collecte en temps réel de ces données.

L’article 21 s’inscrit dans le mouvement général de protection des lanceurs d’alerte et vise à encourager les parties à adopter des mesures permettant d’assurer la protection effective des personnes qui fournissent des informations relatives aux infractions visées aux articles 15 à 17 de la convention, ainsi que des témoins et, le cas échéant, des membres de la famille de ces différentes catégories de personnes. Cet article n’est pas contraignant et laisse le choix aux parties d’adopter ou non de telles mesures.

L’article 22 concerne les sanctions pénales prises à l’encontre des personnes physiques. Il impose aux parties de prendre les mesures pertinentes afin que les infractions visées aux articles 15 à 17 de la convention « soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » notamment des sanctions pécuniaires et des sanctions privatives de liberté, pouvant dans ce dernier cas donner lieu à une extradition.

L’article 23 concerne les sanctions prises à l’encontre des personnes morales. Il n’impose pas le recours au droit pénal mais exige que soient prévues en droit interne des sanctions pécuniaires et éventuellement des mesures d’interdiction d’exercer une activité commerciale, le placement sous surveillance judiciaire ou une mesure judiciaire de dissolution.

L’article 24 concerne les sanctions administratives. Il impose aux parties de prendre les mesures et peines efficaces, proportionnées et dissuasives pour sanctionner les infractions aux règlements poursuivies par des autorités administratives. Il prévoit également que chaque partie veille à l’application desdites mesures administratives, qui peut être confiée à l’autorité de régulation des paris ou à toute autre autorité responsable.

L’article 25 engage les parties à prendre les mesures permettant « la saisie et la confiscation des biens, documents et autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour commettre les infractions visées aux articles 15 à 17 de la présente convention », ainsi que la saisie et la confiscation « des produits de ces infractions, ou biens d’une valeur équivalente à ces produits ».

3.   Les dispositions visant à renforcer l’échange d’informations et la coopération internationale

a.   Le volet relatif à l’échange d’informations

L’article 12 porte sur les échanges d’informations entre les autorités publiques compétentes, les organisations sportives, les organisateurs de compétitions et les opérateurs de paris sportifs concernés, ainsi que les plateformes nationales. Cet article vise ainsi à encourager les parties à faciliter les échanges d’informations entre les différents acteurs nationaux et internationaux, en mettant notamment à disposition des organisateurs de compétitions une information relative aux types et offres de paris disponibles, afin d’aider à l’évaluation des risques ou à la mise en œuvre d’investigations ou de poursuites liées à leur manipulation.

L’article 13 concerne la mise en place d’une plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, qui constitue l’une des mesures phares de la convention de Macolin. Cet article engage ainsi les parties à identifier une telle plateforme devant notamment :

-         servir de centre d’information, collectant et transmettant des informations pertinentes pour la lutte contre la manipulation de compétitions sportives aux organisations et autorités pertinentes ;

-         coordonner la lutte contre la manipulation de compétitions sportives ;

-         recevoir, centraliser et analyser les informations relatives aux paris atypiques et suspects et émettre, le cas échéant, des alertes ;

-         transmettre des informations aux autorités publiques, aux organisations sportives ou aux opérateurs de paris sportifs sur de possibles infractions aux lois ou règlements sportifs visés par la convention ;

-         coopérer avec toute organisation et autorité pertinentes aux niveaux national et international, incluant les plateformes nationales des autres États.

Illustration de la forte implication de notre pays sur ce dossier, la France a été l’un des premiers pays à mettre en place cette mesure phare de la convention de Macolin en lançant, dès janvier 2016, sa plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives. L’existence de cette plateforme a été, par la suite, consacrée par la loi n°2022‑296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France et trouve désormais sa place aux articles L. 335‑1 et suivants du code du sport.

L’article 14 concerne la protection des données personnelles. Il rappelle que la lutte contre la manipulation des compétitions sportives doit se faire dans le respect des normes nationales et internationales relatives à la protection des données personnelles, notamment en matière d’échange d’informations. Cet article précise que les parties doivent adopter les mesures nécessaires pour garantir que les autorités publiques et organisations concernées « prennent les mesures requises pour s’assurer que les principes de légalité, d’adéquation, de pertinence et d’exactitude, de même que la sécurité des données et les droits des personnes concernées sont dûment pris en compte lorsqu’elles collectent, traitent et échangent des données personnelles, quelle que soit la nature de ces échanges ». Cet article invite également à la mise en œuvre de « moyens techniques nécessaires pour assurer la sécurité des données échangées et garantir leur fiabilité et leur intégrité, ainsi que la disponibilité et l’intégrité des systèmes d’échange de données et l’identification de leurs utilisateurs ».

b.   Le volet relatif à la coopération internationale

Les articles 26 à 28 sont dédiés à la coopération internationale en matière pénale et de prévention, en lien avec les organisations sportives internationales.

L’article 26 stipule que la coopération pénale se fait aux fins d’investigations, de poursuites et de procédures judiciaires, dans le respect des autres traités internationaux, régionaux et bilatéraux existants, notamment en matière d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale. Il rappelle également que la condition de double incrimination est présumée remplie, indépendamment de la terminologie utilisée, dès lors que les faits constitutifs de l’infraction pour laquelle une demande d’entraide judiciaire ou d’extradition a été introduite constituent une infraction pénale en vertu de la législation des deux pays.

L’article 27 encourage les parties à intégrer « la prévention et la lutte contre la manipulation de compétitions sportives dans les programmes d’assistance conduits au profit d’États tiers ».

L’article 28 engage les parties à coopérer dans le respect de leur droit interne « avec les organisations sportives internationales dans la lutte contre la manipulation de compétitions sportives. »

4.   Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur, à l’application et au suivi de la convention

Les articles 29 à 31 portent sur le suivi et la mise en œuvre de la convention.

L’article 29 impose aux parties de transmettre au Conseil de l’Europe toutes les informations relatives à la législation et aux autres mesures prises dans le but de se conformer aux dispositions de la convention de Macolin.

Les articles 30 et 31 portent sur le comité de suivi de la convention, au sein duquel chaque partie peut se faire représenter. Le comité peut adresser aux parties des recommandations concernant les mesures à prendre pour la mise en œuvre de la convention, notamment en matière de coopération internationale ou opérationnelle entre les autorités publiques pertinentes, les organisations sportives et les opérateurs de paris. Ce comité est également chargé d’informer les organisations internationales compétentes sur les travaux entrepris dans le cadre de la convention. Le comité de suivi se réunit à la demande d’au moins un tiers des parties ou de son secrétaire général. Pour l’accomplissement de sa mission, il peut, de sa propre initiative, organiser des réunions d’experts et avec l’accord préalable de la partie concernée, prévoir des visites de terrain.

Les articles 32 à 41 portent sur les dispositions finales de la convention.

L’article 32 précise que la convention est ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, des autres États parties à la convention culturelle européenne, de l’Union européenne, des États non membres ayant participé à son élaboration ou ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe et de tout État non membre sur invitation du Comité des ministres.

L’article 33 traite de l’articulation de la convention avec les conventions antérieures du Conseil de l’Europe. Il permet également aux parties de conclure des accords bilatéraux en vue de compléter ou de renforcer les dispositions de la convention ou d’en faciliter l'application.

Les articles 34 à 36 sont relatifs aux conditions et sauvegardes, à l’application territoriale et à la clause fédérale.

L’article 37 porte sur les éventuelles réserves à la convention. Selon cet article, une partie peut, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, émettre les réserves identifiées aux articles 19 (compétence d’une partie à l’égard de ses ressortissants ou résidents) et 36 (clause fédérale). À l’exception de ces deux articles, aucune autre réserve à la convention n’est admise.

L’article 38 concerne la procédure d’amendements. Il précise notamment que « des amendements aux articles de la présente convention peuvent être proposés par une partie, par le comité de suivi de la convention ou par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe ».

L’article 39 porte sur les procédures de règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la convention. Il précise qu’en cas « de différend entre les parties sur l’interprétation ou l’application de la présente convention, cellesci s’efforceront de parvenir à un règlement du différend par voie de négociation, de conciliation ou d’arbitrage, ou par tout autre moyen pacifique de leur choix ». Il ajoute que « le comité des ministres du Conseil de l’Europe pourra établir des procédures de règlements qui pourraient être utilisées par les parties à un litige, si elles y consentent ».

L’article 40 porte sur la procédure de dénonciation de la convention et précise que « toute partie peut, à tout moment, dénoncer la présente convention en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe » et que celle‑ci « prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général ».

L’article 41 est relatif aux notifications. Ainsi, les États auxquels est ouverte la signature de la convention recevront notification, par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, de toute signature, du dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, de toute date d’entrée en vigueur de la convention, de toute réserve ou retrait de réserve formulée conformément à l’article 37, de toute déclaration faite en application des articles 9 et 13 et de tout autre acte y ayant trait.

B.   Des stipulations trouvant d’ores et déjà une traduction en droit français

1.   Un arsenal législatif français reconnu comme étant l’un des plus avancés sur le sujet

La France n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation de conformité à la convention de Macolin, celle‑ci étant réservée aux seuls pays l’ayant ratifiée. Cependant, comme cela a déjà été indiqué précédemment à l’occasion de l’examen des articles de la convention, la plupart des stipulations de la convention trouvent d’ores et déjà une traduction en droit interne, la réglementation française en matière de lutte contre la manipulation des compétitions sportives ayant largement évolué ces dernières années pour être de plus en plus étayée.

Les lois n°2010‑476 du 12 mai 2010  et n°2012‑158 1er février 2012 ([10]) ainsi que l’ordonnance n°2019‑1015 du 2 octobre 2019 ([11])  ont ainsi introduit un large dispositif de lutte contre la manipulation des compétitions sportives et couvrent directement ou indirectement une large partie des stipulations de la convention de Macolin.

À titre d’illustration, la loi de 2010 a créé l’Autorité de régulation des jeux en ligne, devenue Autorité nationale des jeux en 2019, qui est l’autorité administrative indépendante en matière de jeux et dispose de pouvoirs de régulation, de sanction, de contrôle et de sensibilisation. Cette création, qui remonte à plus d’une décennie désormais, répond donc à l’une des principales prescriptions de la convention (article 9), qui impose aux États de désigner une autorité chargée, entre autres, de la régulation des paris sportifs.

Par ailleurs, une convention de 2016 a créé la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives qui autorise l’échange d’informations pertinentes entre les parties concernées (ministères des sports, de la justice, des finances, ANJ, Française des jeux…). La loi n°2022‑296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit d’ailleurs de donner une assise légale à cette plateforme et de lui conférer de nouvelles prérogatives, en conformité avec la convention de Macolin (article 13).

2.   Un droit français globalement conforme à la convention de Macolin malgré quelques écarts pouvant justifier des adaptations législatives à l’avenir

Bien que le droit français réponde très largement aux prescriptions de la convention de Macolin, certaines de ses dispositions ne trouvent pas de traduction exacte dans notre droit interne et pourraient donc nécessiter, à l’avenir, certaines adaptations législatives pour parfaire la conformité du droit interne avec les dispositions de cette convention.

C’est le cas, par exemple, de certaines définitions (article 3) ou de dispositions relatives à l’éducation et à la sensibilisation (article 6), ou encore de certaines dispositions relatives à la lutte contre les paris sportifs illégaux (article 11). Sur ce dernier point, la convention encourage les parties à se doter des moyens les plus adaptés pour lutter contre ce phénomène et indique comme possibilité le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs. Or cette mesure n’existe pas en droit français, contrairement aux autres mesures prévues par la convention (fermeture ou restriction d’accès aux opérateurs de paris illégaux, interdiction de publicité, sensibilisation aux risques associés aux paris illégaux). Néanmoins cet article 11 ne revêt aucun caractère contraignant puisqu’il n’impose aux parties que d’étudier les moyens les plus adaptés et d’envisager leur adoption dans le respect du droit applicable à la juridiction concernée.

En outre, certaines des dispositions de la convention, si elles ne trouvent pas de pendant exact dans le droit français, peuvent toutefois être considérées comme étant appliquées par des pratiques existantes. C’est notamment le cas des prescriptions concernant l’autorité de régulation des paris (article 9). En effet, si l’ensemble des mesures listées à propos de cette autorité dans la convention de Macolin ne figurent pas nécessairement dans notre droit national, l’esprit de la convention est néanmoins respecté.

Ainsi, les principales dispositions de la convention existant déjà en droit français, les quelques écarts relevés entre la cadre juridique en vigueur en France et les stipulations convenues au niveau international ne paraissent pas devoir conduire à des adaptations législatives urgentes. Certaines pourront néanmoins être menées à l’avenir afin de parfaire notre droit avec la convention dont il est question d’autoriser la ratification.

 


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   Examen en commission

Le mercredi 23 novembre 2022, la commission examine le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Pour suivre les nouvelles dispositions applicables à nos débats arrêtées par le bureau de la commission, je me bornerai à donner deux chiffres sur cette convention du Conseil de l’Europe, dite « convention de Macolin » : en 2021, les paris sportifs ont généré un chiffre d’affaires mondial de 1 450 milliards d’euros ; et pour la seule année 2020, les recettes criminelles mondiales provenant des paris truqués ont été évaluées, sans doute de façon insuffisante, à 120 millions d’euros.

À eux seuls, ces chiffres témoignent, cher collègue rapporteur, de l’importance de votre rapport.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Notre commission est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, également appelée « convention de Macolin », signée par la France, à Strasbourg, le 2 octobre 2014.

La manipulation des compétitions sportives, qui est liée à la fraude, au crime organisé et à la corruption, porte atteinte à l’intégrité du sport en compromettant son caractère imprévisible. Or lorsque les passionnés ne croient plus à la fameuse « incertitude du sport », celui-ci perd, en plus de ses valeurs, tout pouvoir d’attractivité.

Le phénomène représente une menace qui n’a eu de cesse de s’aggraver ces dernières années. Selon un rapport d’Europol de 2020, les recettes criminelles annuelles mondiales provenant des paris sur les matchs truqués sont, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le président, estimées à environ 120 millions d’euros. Europol souligne, en outre, que les paris en ligne sont de plus en plus utilisés par les organisations criminelles pour manipuler les compétitions, en ciblant généralement des rencontres sportives de niveau inférieur dans différents sports, le football et le tennis demeurant les pratiques sportives les plus exposées à l’échelle mondiale.

Ce fléau global, qui n’épargne aucun État, constitue ainsi un véritable danger pour le sport dans toutes ses dimensions – sociale, culturelle, économique et politique –, de même qu’un important défi pour les autorités publiques, les organisations sportives, les athlètes et les opérateurs de paris sportifs.

Pour faire face à cette menace, le Conseil de l’Europe a proposé avec la convention que notre commission examine ce matin, une réponse commune et harmonisée. Ce texte dispose d’un champ d’application très large, puisqu’il concerne tous les sports et toutes les compétitions sportives et va au-delà de la seule question des paris sportifs.

La convention de Macolin a pour objectifs principaux : premièrement, la prévention et la sanction des actes de corruption, de fraude ou de paris illégaux dans le cadre de compétitions sportives ; deuxièmement, le renforcement de l’échange d’informations et de la coopération nationale et internationale entre les différents acteurs du monde du sport.

Ce texte enjoint aux États de prendre les mesures adéquates permettant de répondre utilement et efficacement au phénomène des manipulations de compétitions sportives, que ce soit en amont avec un volet préventif ou en aval avec un volet répressif, et de manière collective grâce à la promotion du dialogue, de l’échange et d’autres pratiques coopératives.

Pour ce faire, la convention de Macolin veille à impliquer l’ensemble des acteurs intéressés dans le monde du sport.

L’une des mesures phares de cette convention consiste en l’incitation faite aux États de mettre en place une plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives permettant un échange fluide des informations détenues par chacun des acteurs du monde du sport. Démontrant la forte implication de notre pays sur cette question, la France a lancé, dès janvier 2016, sa propre plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives.

S’agissant du volet préventif, le texte reconnaît l’autonomie des organisations sportives en matière de sensibilisation mais souligne toutefois la responsabilité des opérateurs de paris dans le cadre de la prévention contre la manipulation des compétitions sportives.

S’agissant du volet répressif, la convention établit un cadre minimal identifiant les comportements répréhensibles et la nature des sanctions pouvant être prononcées, sans toutefois créer d’incriminations. L’objectif premier de la convention, découlant de celui d’harmonisation, vise à permettre une reconnaissance mutuelle des décisions et sanctions prises par les États et à ne pas cantonner ces dernières à un seul territoire.

La France a activement participé à l’élaboration de cette convention, qui constitue le premier instrument international contraignant visant directement le trucage de matchs. Notre pays dispose, d’ailleurs, d’un arsenal législatif important en matière de lutte contre ce phénomène, qui en fait un des États les plus avancés sur cette question. Ainsi, la plupart des stipulations de la convention trouvent d’ores et déjà une traduction en droit français. Seules quelques évolutions législatives, non urgentes, pourraient être envisagées afin de renforcer encore la norme et de parfaire la conformité de notre droit interne à la convention.

À l’approche des deux événements sportifs majeurs qui seront organisés en France – la coupe du monde de rugby, en 2023, et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, en 2024 – la ratification de cet instrument de lutte contre la manipulation de compétitions sportives est un moyen de marquer un engagement fort de la France contre ce phénomène.

À ce jour, quarante-et-un pays ont signé la convention, dont trois pays tiers – l’Australie, le Maroc et la Russie, sachant que la signature de cette dernière est considérée comme suspendue depuis le 16 mars 2022, date de sortie de la Russie du Conseil de l’Europe. Sept États l’ont ratifiée : trois États membres de l’Union européenne – la Grèce, l’Italie et le Portugal – et quatre États membres du Conseil de l’Europe – la Moldavie, la Norvège, la Suisse et l’Ukraine. Conformément à l’article 32 de la convention, qui prévoit son entrée en vigueur après cinq ratifications, dont trois au moins par des États membres du Conseil de l’Europe, celle-ci est entrée en vigueur le 1er septembre 2019, après sa ratification par la Norvège, le Portugal, l’Ukraine, la Moldavie et la Suisse.

Afin de renforcer la lutte contre la manipulation de compétitions sportives à l’échelle internationale et d’impliquer plus encore notre pays au cœur de cette mobilisation, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l’approbation de cette convention.

M. président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des représentants des groupes. Je précise que vous aurez un droit de suite si vous n’avez pas épuisé votre temps de parole.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Ce texte s’inscrit dans la droite ligne des récentes observations de la Commission européenne qui a pointé le manque de transparence du football professionnel. Ce sport est particulièrement vulnérable au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Depuis quelques années, certains États soupçonnés d’entretenir des liens étroits avec le terrorisme s’immiscent dans le sport européen. On pense ici aux Émirats arabes unis avec Manchester city football club, à l’Arabie saoudite avec Newcastle united football club, et, bien sûr, au Qatar avec le Paris Saint-Germain football club (PSG). Dans un contexte européen où règne le libre-échange, comment contrôler efficacement des investissements douteux ?

Dans le contexte particulier d’une coupe du monde au Qatar en hiver, il est pertinent de rappeler le fameux déjeuner du 23 novembre 2010 qu’organisait le président Sarkozy avec le président de l’Union européenne des associations de football (UEFA), Michel Platini, accompagnés du prince héritier qatari et de son Premier ministre. Dix jours plus tard, alors que les États-Unis partaient grand favori pour remporter l’organisation de la coupe du monde de 2022, c’est finalement le Qatar qui en eût la responsabilité. Un peu plus tard, le Qatar a acheté le PSG, une holding qatarie entrait au capital du groupe Lagardère, la chaîne qatarie beIn Sports obtenait les droits télévisuels de la Ligue 1 et des compétitions européennes, et le fils de Michel Platini devenait le directeur général d’une holding détenue par un fonds qatari. Le secrétaire général de la FIFA d’alors affirmait, dans un mail, que les Qataris avaient acheté la coupe du monde... avant de se faire licencier !

Les instances sportives mondiales n’ont cependant pas tiré les leçons de ce scandale en décidant récemment d’attribuer l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2029 à l’Arabie saoudite, rivale et voisine du Qatar, bien connue pour ses fameuses montagnes enneigées… On imagine bien mal comment atteindre les objectifs de cette convention lorsque les instances chargées de la mettre en œuvre sont les premières impliquées dans des scandales de corruption.

Malgré ces quelques observations, il s’agit d’un texte de bon sens, qui contient aussi des dispositions encourageant la sensibilisation des acteurs et du public. Il laisse aux États une certaine liberté ainsi qu’une forte marge de manœuvre pour organiser leurs propres politiques de sanction et de coopération. Pour ces raisons, le groupe Rassemblement national se prononcera en faveur de ce texte.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Votre question porte essentiellement sur l’attribution de compétitions sportives à des États et ne s’inscrit donc pas dans le cadre de la convention, qui concerne plutôt la manipulation de compétitions sportives.

Vous avez pointé le football. Pour votre information, si l’on revient au sujet de la manipulation de compétitions sportives, nous avons, en la matière, rencontré des soucis avec d’autres sports : le handball et le tennis notamment.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Nous voterons certainement en faveur de la ratification de cette convention. Toutefois, il faut dire ici clairement l’hypocrisie de la chose.

La pratique sportive est source d’émancipation et de sociabilisation. Le respect de règles qu’on s’impose collectivement ne peut que faire écho à notre fonction de législateurs. Le sport porte en lui des valeurs positives ; hélas, le capitalisme noie tout dans les eaux glacées du calcul égoïste, y compris la glorieuse incertitude du sport ! Si les paris sportifs existaient dès l’Antiquité, l’ère industrielle a vu se développer un véritable commerce de la misère liée au jeu : pas de paris d’amis quand il s’agit d’argent ! Les familles sont ruinées, des bandits s’organisent pour récupérer les mises par la violence, truquent les compétitions et en profitent pour blanchir l’argent d’autres activités frauduleuses. Le législateur, par sagesse ou par intérêt, s’est alors penché sur la question. L’État devenait bookmaker – cela remplit les caisses – et, en retour, tentait de réguler les tripots et jeux clandestins par la police des jeux, la surveillance des casinos et par un monopole d’État sur les paris.

De tout cela, qu’avons-nous retenu ? Rien !

La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a tout fait voler en éclats. Certes, les mêmes textes de libéralisation étaient adoptés ailleurs dans le monde, les uns servant de prétexte aux autres. Mais le bilan est accablant. De véritables mafias se sont engouffrées dans la brèche et pourrissent tout, avec des conséquences particulièrement aiguës dans les quartiers populaires. C’est ce que met en lumière une campagne de prévention lancée le 14 novembre dernier en Seine-Saint-Denis. C’est ce qu’indiquent certains de nos plus grands sportifs, quand ils refusent, comme Kylian Mbappé, de voir leur nom associé à ces organismes mafieux qui prospèrent sur la misère.

Tant que nous ne mènerons pas la guerre à ces sociétés mafieuses, tant que nous transigerons avec elles par faiblesse ou par intérêt, tant que l’État s’accommodera des ressources financières qu’elles nous versent en obole, tant que nous accepterons que ces marchands du temple fassent du sport un nouvel opium du peuple aux juteux bénéfices, tout ne sera qu’hypocrisie !

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Vous évoquez la loi qui a permis de créer l’Autorité nationale des jeux (ANJ). Avant, nous assistions à une multiplication des sites illégaux, l’informatique et l’industrie numérique ayant favorisé le développement inconsidéré des jeux en ligne. Ainsi, au début des années 2000, la France s’est trouvée confrontée à une offre illégale de paris très forte. En 2009, 25 000 sites illégaux étaient accessibles et le montant des mises était compris entre 3 et 4 milliards d’euros.

La situation a dérivé et, répondant à une double logique de protection de l’ordre public et de l’ordre social, la loi de 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, est venue réglementer le secteur et a permis de manière indirecte de lutter contre la manipulation de compétitions sportives.

La convention que nous étudions ce matin vient, à un niveau plus global et international, renforcer ces dispositions et les pérenniser.

M. Bruno Fuchs (DEM). Monsieur le rapporteur, merci pour votre travail extrêmement complet. Merci également des éléments de contexte que vous avez apportés pour nous décrire l’ampleur de ce phénomène, donc la nécessité pour le législateur de s’attaquer à ce problème qui n’ira qu’en s’amplifiant. On constate d’ailleurs que les sommes engagées pour la coupe du monde de football sont supérieures à celles de l’Euro, il y a deux ans.

L’estimation d’Europol que vous avez citée évalue le produit annuel des matchs truqués à 120 millions d’euros en 2020. Cela ne peut que nous convaincre de la nécessité d’adopter un arsenal législatif efficace. Cela doit surtout nous encourager à une coopération entre pays, pour contrer ce phénomène qui, bien souvent, est lié à des réseaux qui dépassent aisément nos frontières, vous l’avez rappelé.

Pierre de Coubertin disait, en une phrase un peu moins connue que celle toujours citée, que l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être battu. Cette phrase, qui résume si bien les valeurs de l’olympisme, doit infuser l’ensemble des pratiques sportives. À travers nos règles et nos lois, nous devons garantir que les compétitions puissent toujours se dérouler de manière à assurer un affrontement juste et équitable, dans l’esprit du sport.

Si ces manipulations sont multiformes, elles concernent également tous les niveaux. Elles posent la question de la répartition de la valeur dans des sports médiatisés où l’on voit souvent des scandales éclabousser des divisions ou des tournois de second rang, les sommes en jeu dépassant fréquemment les rémunérations des joueurs. La France va organiser de grandes compétitions au cours des prochaines années. Elle se doit d’avoir un droit infaillible alors que les pratiques des opérateurs et des faussaires ne cessent d’évoluer.

Notre groupe soutiendra, bien entendu, la ratification de ce texte, en espérant que son application par un grand nombre de pays permettra de préserver le sport que nous aimons tous.

Notre législation est déjà très large et fournie. Notre Assemblée examinera prochainement un texte pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Je m’interroge, et donc vous interroge, sur l’urgence de compléter le droit français de quelques mesures de cette convention de Macolin, qui ne figureraient pas encore dans le droit national.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Je vous remercie de la position du groupe Démocrate. Je l’ai indiqué, la France dispose d’ores et déjà d’un arsenal législatif qui en fait un des États les plus avancés sur cette question. De la sorte, la plupart des stipulations de la convention trouvent dès à présent une traduction en droit français. Certaines dispositions pourraient toutefois appeler des adaptations.

Par exemple, on pourrait modifier l’article D.131-36-1 du code du sport pour ajouter les personnes morales à la liste des acteurs des compétitions sportives. L’article 3 de la convention désigne en effet comme « Acteurs de la compétition » toute personne physique ou morale appartenant à l’une des catégories qu’il précise. Ces catégories sont majoritairement composées de personnes physiques. Seule la catégorie des officiels peut recouvrir des personnes morales – les propriétaires et les actionnaires notamment – mais, dans la mesure où ces personnes morales sont en nombre limité et, en tout état de cause, représentées en droit français par leurs dirigeants, il ne semble pas nécessaire d’adapter urgemment le droit français et une réflexion pourra être menée sur ce point, en collaboration avec la division sport du Conseil de l’Europe et le comité de suivi de la convention.

Deuxième exemple : parmi les mesures « pour lutter contre les paris sportifs illégaux », énumérées à l’article 11, la convention encourage les parties à se doter des moyens les plus adaptés pour lutter contre ce phénomène et indique comme possibilité le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs. Une telle mesure n’est actuellement pas prévue en droit français.

Il convient de préciser que cet article ne revêt aucun caractère contraignant puisqu’il se limite à imposer aux parties d’étudier les moyens les plus adaptés et d’envisager leur adoption dans le respect du droit applicable à la juridiction concernée. Là aussi, une réflexion pourrait être menée en collaboration avec les deux organes que je viens de citer.

M. Guillaume Garot (SOC). C’est Noël avant Noël ! Je vais mettre fin à un suspense insoutenable : nous aussi, nous voterons ce texte de ratification !

Tout d’abord, c’est un texte qui, à l’évidence, va dans le bon sens. Il est important que la France se positionne alors qu’elle va être l’organisatrice de rendez-vous sportifs mondiaux très importants en 2023 et 2024, mais aussi parce que, dans la période que nous traversons, il est important de manifester notre soutien à une initiative très forte du Conseil de l’Europe.

Cela dit, vu l’ampleur des enjeux financiers rappelés – 1 450 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour l’ensemble des paris sportifs et une fraude estimée, car nous n’avons de chiffres rigoureusement exacts, à 120 millions, si j’ai bien compris –, je ferai deux remarques.

Premièrement, Bruno Fuchs le disait, nous devons être dans la coopération entre États. C’est très bien que chaque pays puisse se doter d’une législation qui fait avancer les choses et encadre davantage mais, parce que les enjeux sont mondiaux, rien ne sera possible sans une coopération beaucoup plus étroite entre l’ensemble des États. Nous aurions bien voulu, s’agissant du Qatar, avoir une coopération déjà forte, mais nous en sommes là.

Deuxièmement, même si, Monsieur le rapporteur, vous parliez d’encadrement, il y a eu une forme de libéralisation en 2010 sur les paris, et nous savons aujourd’hui qu’il existe un risque d’addiction, des paris illégaux, du harcèlement. Cette dimension doit aussi être traitée dans le droit national, bien évidemment, ainsi qu’à l’échelle du droit européen. Nous devons donc avancer sur les deux jambes : nous avons fait un pas en avant, c’est la jambe gauche ; il faut que, bientôt, la jambe droite avance aussi.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Je vous remercie pour la position de votre groupe. Trois articles de la convention abordent la coopération internationale. L’article 26 traite de la coopération pénale, qui doit se faire « aux fins d’investigation, de poursuites et de procédures judiciaires » dans le respect des autres traités internationaux, régionaux et bilatéraux. Puis, l’article 27 encourage les parties à « intégrer [...] la prévention et la lutte contre la manipulation de compétitions sportives dans les programmes d’assistance conduits au profit d’États tiers ». Enfin, l’article 28 engage les parties à coopérer dans le respect de leur droit interne avec les organisations sportives internationales – donc au-delà des États – dans la lutte contre la manipulation de compétitions sportives.

Cet aspect est donc bien pris en compte dans la convention. Mais votre avis est tout à fait pertinent ; il convient, en effet, que cette coopération entre États soit durable et approfondie.

S’agissant de l’addiction, des éléments relatifs à la sensibilisation et à l’éducation existent également dans la convention mais, au-delà de la convention, ils doivent être mis en œuvre par les États et par les organisateurs de compétitions sportives et de paris.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Je partage les propos de plusieurs collègues sur la nécessité de ratifier cette convention. Notre groupe y sera également favorable.

Dans la mesure où elle relève de la compétence partagée, il a fallu obtenir un vote à l’unanimité de tous les États au sein du Conseil de l’Union européenne. Ce principe, qui est ancré dans l’histoire de la construction européenne, s’est heurté à la volonté d’un seul pays, en l’occurrence Malte, qui abrite un grand nombre de sites de paris sportifs, ce qui explique probablement sa position.

Avec ce principe d’unanimité, un pays dispose donc de facto d’un droit de veto. Même si cette règle a été, peu à peu, remplacée par le vote à la majorité qualifiée, elle subsiste encore dans le domaine budgétaire et peut, par extension, concerner des volets d’autres politiques publiques, comme la fiscalité environnementale.

La suppression du vote à l’unanimité revient régulièrement dans le débat. Elle a figuré parmi les 325 propositions citoyennes de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Je précise d’ailleurs qu’à l’époque, leurs auteurs souhaitaient que l’admission d’un nouvel État reste soumise à l’unanimité des États membres. À la lumière de la longue élaboration de la convention de Macolin, je souhaiterais savoir si notre rapporteur considère qu’il eût été préférable de la faire adopter à la majorité qualifiée.

Par ailleurs, un point m’a intrigué : je souhaite connaître l’avis de notre rapporteur sur l’absence des questions de dopage du champ d’application de cette convention.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Je vous remercie de la position de votre groupe. D’autres conventions concernent le dopage, c’est la raison pour laquelle le sujet n’est pas traité dans celle de Macolin.

Vous avez élargi votre propos au fonctionnement de l’Union européenne (UE). Je n’entrerai pas dans ces considérations, même si je peux partager certaines de vos remarques.

Pour revenir à l’opposition de Malte, nous sommes ici dans le cadre d’un accord mixte, qui concerne à la fois l’Union européenne et les États membres. Il est certes préférable de rechercher une adhésion simultanée, à tout le moins coordonnée, de l’Union européenne et des États membres puisqu’une telle approche garantirait que l’accord soit mis en œuvre solidairement dans la totalité des territoires de l’Union, par l’UE et par les États membres.

La Cour de Justice de l’Union européenne a cependant jugé, en 2021, que cette pratique du commun accord, qui vise à s’assurer que tous les États sont disposés à ratifier un accord international mixte avant que le Conseil n’adopte la décision autorisant l’Union à le conclure, tout en étant compatible avec les traités, n’est pas un prérequis nécessaire à la conclusion d’un accord mixte.

En l’occurrence, je l’ai dit, la convention est entrée en vigueur dès lors que le nombre requis de pays ayant ratifié l’accord a été atteint..

M. président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur Portarrieu, vos considérations sur l’unanimité sont tout à fait pertinentes. S’agissant de l’admission d’un État membre non seulement l’unanimité est requise, mais la procédure, en France, est celle de l’adoption par référendum ou, depuis 2008, via un vote identique des deux chambres du Parlement, à la majorité des trois cinquièmes, comme pour une révision constitutionnelle.

M. Hadrien Ghomi (RE). La manipulation des compétitions sportives est un fléau qui a pris une ampleur sans précédent depuis quelques années. Les études réalisées depuis l’an 2000 sur les paris sportifs ont mis en lumière l’action de réseaux internationaux de criminalité organisée. Europol a évalué les recettes criminelles mondiales provenant des paris truqués à 120 millions d’euros pour l’année 2020. Les États ont progressivement mesuré la dimension transnationale du phénomène des manipulations des compétitions sportives et le président de la République a fait de la lutte contre ce type de manipulations un engagement fort de la France, notamment avec l’adoption du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. La France est membre du groupe de Copenhague, une coopération transnationale permettant l’échange d’informations, d’expériences et d’expertises essentielles à la lutte contre ce type de manipulations.

L’ampleur mondiale du phénomène nous oblige à prendre des mesures globales, aux niveaux tant européen qu’international. À ce titre, au niveau de l’Union européenne, début juin, seize patrons de télévisions européennes – parmi lesquelles Canal Plus, TF1, beIN Sports ou Mediaset – étaient déjà montés au créneau, dénonçant les milliards perdus dans un courrier adressé au commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton.

Le texte que nous examinons nous permet de lutter de façon commune et harmonisée contre la manipulation de ces compétitions, notamment en invitant les États du Conseil de l’Europe à renforcer leur politique en la matière.

La convention engage les États l’ayant ratifiée à prévoir des moyens de prévention et de détection, ainsi que des sanctions contre les manipulations dans le cadre des compétitions sportives, et à améliorer l’échange d’informations. Elle veille à impliquer l’ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la manipulation des compétitions sportives : autorités publiques, organisations sportives, organisateurs de compétition, mais aussi les sportifs eux‑mêmes et les opérateurs de paris.

À l’approche de l’organisation de la coupe du monde de rugby l’an prochain et des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, notre collègue sénateur André Vallini a proposé, dans son rapport sur ce projet de loi, plusieurs pistes pour mieux lutter contre le phénomène de manipulations sportives : la création d’un délit d’initié sportif, la création d’un dispositif de lanceurs d’alerte spécifique, le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs, et la dissolution des personnes morales pour les délits de corruption sportive. Monsieur le rapporteur, j’aurais voulu avoir votre avis sur ces propositions.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Je vous remercie de votre question ainsi que de la position de votre groupe. Je l’ai dit, la France dispose d’ores et déjà d’un arsenal législatif important. Les sujets sur lesquels vous avez appelé notre attention peuvent nécessiter des évolutions du droit français qui ne me semblent toutefois pas indispensables, encore moins obligatoires.

Une réflexion pourra être menée en collaboration avec la division sport du Conseil de l’Europe et le comité de suivi de cette convention pour en apprécier l’opportunité, notamment dans le cadre de la préparation des compétitions à venir.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). J’ai trois questions.

La première se rapporte à l’article 7 de la convention, qui introduit la notion d’information d’initié. La législation française relative aux paris sportifs ne prévoit pas de délit d’initié sportif, le délit prévu à l’article L. 465-1 du code monétaire et financier étant circonscrit à la sphère financière.

Ma deuxième question a trait à l’article 11, et vous y avez partiellement répondu. Cet article encourage, en effet, les parties à se doter de moyens adaptés pour lutter contre les paris sportifs illégaux, tels que le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs. Or cette mesure n’existe pas en France. Ne serait-il pas nécessaire d’y remédier ?

La troisième question concerne l’article 23, qui impose aux parties d’adopter des mesures permettant le prononcé de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Or, en France, les personnes morales n’encourent pas la dissolution pour les délits de corruption sportive. Est-il envisagé d’aller dans ce sens ?

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. S’agissant de l’article 7 de la convention, qui vise à responsabiliser les organisations sportives en les encourageant à adopter des règles pour lutter contre la manipulation des compétitions sportives et à promouvoir la bonne gouvernance, des évolutions restent à construire pour que notre arsenal juridique soit conforme à cette convention.

Cela vaut également pour l’article 11 concernant les moyens adaptés pour bloquer les flux financiers, sachant que la convention reste relativement large dans la manière d’appliquer et de mettre en œuvre ces éléments dans le droit français.

Concernant l’article 23 et les sanctions pour les personnes morales, je n’ai pas ici les éléments de réponse à vous apporter, je vous propose donc de vous adresser ultérieurement des éléments écrits.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous passons aux questions individuelles.

M. Lionel Vuibert. La nature des compétitions sportives évolue, notamment au travers du e-sport. De quelle manière cette convention pourrait-elle mieux réguler ces épreuves sportives d’un nouveau type ?

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Il revient au comité de suivi de la convention d’identifier ce que l’on peut considérer comme des sports susceptibles d’entrer dans le cadre de cette convention. C’est une question à suivre pour voir si la pratique de l’e‑sport sera associée à cette convention.

M. Joris Hébrard. Nous nous interrogeons sur les conséquences et surtout sur les limites à l’application de l’article 12 de la convention. Selon ce dernier, chaque partie s’engage à mettre en place des mécanismes de communication, d’information et de mise à disposition de ces informations au profit des organisateurs de paris sportifs. Les éléments à communiquer sont, je cite, « les informations pertinentes lorsque ces informations sont susceptibles d’aider à mener des investigations ou des poursuites concernant la manipulation de compétitions sportives ».

Outre le fait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, il est dangereux de ne pas poser de cadre à la pertinence d’une information. L’objectif est-il de mettre les casiers judiciaires à disposition des sociétés de paris, de jeux ou de la FIFA ? Quelles garanties peuvent nous être données qu’il n’y aura pas de risque de sollicitation ou de divulgation d’une information sensible par les organismes sportifs ?

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. L’article 12 de la convention, qui porte en effet sur les échanges d’informations, est équilibré, et l’article 14 concerne la protection des données personnelles, et plus largement le respect de la réglementation européenne, le règlement général sur la protection des données (RGPD). Les échanges de données se feront donc dans ce cadre ; il n’y aura pas un accès libre intégral.

M. Damien Abad. Vous l’avez dit, cette convention est une avancée indispensable et nécessaire pour deux raisons : elle donne un cadre minimal au niveau des pays du Conseil de l’Europe, ce qui est positif ; elle apporte une réponse commune et harmonisée sur un sujet dont on sait qu’il dépasse largement les frontières et les territoires.

La France est à la pointe sur la question des paris, grâce notamment à ce qu’on appelait auparavant l’ARJEL – l’autorité de régulation des jeux en ligne –, devenue Autorité nationale des jeux. S’agissant des paris en ligne, un certain nombre de dispositions de la convention portent sur l’agrément, la traçabilité des opérateurs de jeux et la lutte contre les sites non agréés. Mais il reste encore une grande disparité entre les États. Quelqu’un a évoqué le cas de Malte, je sais que le sujet donne lieu à des discussions. Où en sont-elles ?

Par ailleurs, au-delà de la question des parieurs, quelles garanties sont mises en place pour lutter contre la corruption ?

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. Votre première question concerne l’opposition de Malte. De manière officielle, elle est liée à la définition du pari sportif illégal qui, selon cet État, dépasserait l’objet de la convention. Malte considère que manipulations et paris illégaux ne sont pas nécessairement liés et que les dispositions relatives aux paris illégaux n’entrent donc pas dans l’objet de cette convention. De manière particulière, ils n’établissent pas de lien entre la manipulation des compétitions sportives et les paris illégaux.

La raison sous-jacente à cette opposition est qu’en vertu de la convention, un pari est considéré comme illégal dès lors qu’il est enregistré par un opérateur n’ayant pas reçu de licence ou d’agrément dans le pays du pari, quand bien même l’opérateur aurait été agréé dans un autre État signataire. Nous en revenons au poids économique des paris sportifs pour Malte, puisque les jeux en ligne représenteraient 12 % de son produit intérieur brut. Cela peut expliquer sa position.

Mme Laurence Vichnievsky. Monsieur le rapporteur, merci pour vos travaux et pour toutes les réponses que vous avez données aux questions des collègues.

Je ne sais pas si vous pourrez répondre à la mienne : je voulais vous demander si, indépendamment de cette convention, nous disposions d’accords bilatéraux et si nous avions déjà mené concrètement, dans ce domaine de la manipulation des manifestations sportives, des actions de coopération avec nos voisins européens, pris isolément ou à plusieurs.

M. Frédéric Zgainski, rapporteur. A priori, il n’existe pas d’accords bilatéraux sur la question. Je vous le confirmerai, le cas échéant, par écrit.

Quant aux actions de coopération, il n’en existe pas non plus. L’objectif de cette convention est précisément de les développer.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La discussion générale est close. Cette première expérimentation de la nouvelle organisation de nos débats me semble s’être bien passée.

*

Article unique : autorisation de la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives ;

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 


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   Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

(Non modifié)

 

Est autorisée la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, adoptée à Macolin le 18 septembre 2014, signée par la France à Strasbourg le 2 octobre 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 384)

 


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   Annexe 2 : contribution écrite

-          Ministère de l’Europe et des affaires étrangères.


([1])Europol, The involvement of organised crime groups in sports corruption (2020).

([2])  Le produit brut des jeux représente le montant des mises sur lequel sont ensuite déduits les rétributions versées par l’opérateur aux joueurs, correspondant donc à la part des mises empochées par les sociétés de jeu.

([3])  Sportradar, Betting Corruption and Match-Fixing in 2021.

([4]) ARJEL, Rapport d’activité 2011.

([5]) Rapport n°893 fait par M. André Vallini, sénateur, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, déposé le 27 septembre 2022 (session 2022‑2023).

([6]) Rapport mondial sur la corruption dans le sport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (2021).

([7])  Signature considérée comme suspendue depuis le 16 mars 2022, date de sortie de la Russie du Conseil de l’Europe.

([8])  La convention de Macolin constitue un accord mixte, qui relève à la fois des compétences de l’Union et de celles des États membres. À ce stade, faute de commun accord, la question de l’adhésion de l’Union européenne à la convention de Macolin n’est pas inscrite à l’ordre du jour du Conseil.

([9])  Signature considérée comme suspendue depuis le 16 mars 2022, date de sortie de la Russie du Conseil de l’Europe.

([10]) Loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

([11]) Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard.