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N° 805

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, visant à assurer un repas à 1 euro pour tous les étudiants,

 

 

 

Par Mme Fatiha KELOUA HACHI,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 659.


 


–– 1 ––

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. les étudiants font face à une précarité accrue, qui affecte tout particulièrement leur alimentation

1. La précarité étudiante s’inscrit dans une situation de crise sociale généralisée

2. L’accroissement de la précarité affecte l’alimentation des étudiants de façon préoccupante, comme en témoigne le recours plus important à des acteurs associatifs

II. Une réponse insuffisante de l’état et du gouvernement

1. Les défaillances du système des bourses

2. L’inadaptation d’une aide fondée sur le statut de boursier

3. La réforme du système des bourses : un calendrier incompatible avec l’urgence de la situation

III. L’élargissement du bénéfice du repas à un euro à tous les étudiants et à l’ensemble des points de vente des crous : une mesure efficace et un levier en vue d’une action générale en faveur des étudiants

1. Un élargissement de la mesure tant au regard du public que de l’offre de restauration concernés

2. Un nécessaire accompagnement des Crous par l’État dans le renforcement de l’offre de restauration universitaire

commentaire des articles

Article 1er Limitation à un euro du tarif des repas servis dans tous les sites de restauration des centres régionaux des œuvres universitaires

Article 2 Gage

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXES

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


—  1  —

   INTRODUCTION

L’abaissement à un euro ([1]), pour les étudiants boursiers, du tarif des repas servis dans les restaurants universitaires a été mis en œuvre à compter de la rentrée 2020, dans le contexte de la pandémie de covid-19 ([2]). Au vu des conséquences particulières de la crise sanitaire sur les conditions de vie des étudiants, le bénéfice de cette mesure a été élargi à l’ensemble de ces derniers du 25 janvier au 31 août 2021. Depuis lors, seuls les titulaires d’une bourse sur critères sociaux versée par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et les étudiants justifiant d’une situation de précarité particulière bénéficient de ce tarif dérogatoire. Celui-ci représente moins du tiers du prix imposé aux autres étudiants dans les sites de restauration des Crous, qui s’élève à 3,30 euros.

Au terme de l’année universitaire 2021-2022 – soit près de deux ans après l’instauration de la mesure –, près de 32 millions de repas au tarif d’un euro avaient été servis ([3]). Depuis la rentrée 2020, la fréquentation des sites de restauration du Crous s’est accrue pour toutes les catégories d’étudiants – boursiers ou étudiants précaires identifiés par les services sociaux des Crous, d’une part ; étudiants qui ne bénéficient pas de repas à un euro, d’autre part. Entre 2021 et 2022, le nombre de repas servis dans les restaurants universitaires en septembre et en octobre a ainsi augmenté de 15 % pour le tarif d’un euro et de 20 % dans le cas des repas à 3,30 euros ([4]). La hausse de la fréquentation des restaurants universitaires peut refléter deux effets distincts, dont la contribution respective à la croissance de l’activité de restauration des Crous reste à définir :

 d’une part, une augmentation du nombre de repas servis aux étudiants qui avaient déjà l’habitude de se rendre dans les sites de restauration des Crous ;

‑ d’autre part, un élargissement du public de ces derniers, qui attirent de nouveaux étudiants.

En l’absence d’évolution conséquente du service proposé entre la fin de l’année universitaire 2021-2022 et le début de l’année 2022-2023, une telle augmentation ne peut résulter que de facteurs extérieurs à l’offre de restauration des Crous, et qui tiennent à la précarité croissante à laquelle les étudiants sont confrontés. En d’autres termes :

‑ les étudiants qui se rendaient déjà dans les restaurants des Crous en ont encore plus besoin qu’avant ;

‑ des étudiants qui ne fréquentaient pas les sites de restauration Crous ressentent désormais la nécessité d’un repas à tarif social.

I.   les étudiants font face à une précarité accrue, qui affecte tout particulièrement leur alimentation

1.   La précarité étudiante s’inscrit dans une situation de crise sociale généralisée

L’activité croissante des sites de restauration des Crous doit être rapportée au contexte de crise sociale que connaît la France, tout particulièrement sous l’effet de l’inflation – l’augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC) s’élevant à 5,9 % en 2022. Concernant les denrées alimentaires, la croissance des prix est bien supérieure au taux d’inflation moyen et atteint 12,1 % entre 2021 et 2022. À cela s’ajoute le coût de l’énergie, en hausse de 15,1 % sur un an ([5]).

Les conséquences, pour les étudiants, de la situation économique et sociale du pays sont multiples. En premier lieu, l’inflation entraîne pour l’ensemble de la population une augmentation de la part des dépenses consacrées à la fourniture en biens de première nécessité, notamment en matière d’alimentation et de logement. Il en résulte une diminution du reste à vivre, défini comme la différence entre les ressources dont dispose un individu ou un ménage et les charges incompressibles qu’il supporte pour répondre à ses besoins vitaux. À cet état de fait général s’ajoutent, pour les étudiants, des difficultés particulières liées à leur situation économique propre, caractérisée pour la majorité d’entre eux par l’absence ou le caractère accessoire de revenus tirés d’une activité professionnelle ([6]). Ainsi, dès lors que la poursuite d’études n’est assortie d’aucune rémunération, les ressources des étudiants ne peuvent découler que de l’aide dispensée par leur famille ou la collectivité nationale sous forme de bourses, ou encore d’un emploi dont l’exercice tend à concurrencer les apprentissages.

Or, chacun de ces types de revenus est affecté par la conjoncture. Tout d’abord, dans la mesure où la valeur des revenus perçus par les familles des étudiants est grevée par l’inflation, celles-ci sont d’autant moins à même de subvenir aux besoins des jeunes. La seule augmentation des coûts énergétiques – à l’exclusion du renchérissement des autres postes de dépenses – a entraîné une perte de revenu disponible des ménages de 1,3 % de janvier 2021 à juin 2022, même en tenant compte des aides mises en œuvre au titre de la protection du pouvoir d’achat. Cette situation générale pèse de façon disproportionnée sur les ménages aux revenus les plus faibles ([7]). Il en résulte une difficulté croissante pour les familles à soutenir les étudiants.

Les autres ressources dont ceux-ci peuvent bénéficier – soit les bourses du réseau des œuvres et les revenus tirés d’une activité salariée – ne permettent pas davantage de répondre aux effets de la conjoncture, ni aux fragilités structurelles de la condition étudiante. S’agissant des emplois d’étudiants, il convient de relever que, sauf à s’inscrire dans une formation déterminée – comme c’est notamment le cas des postes d’apprenti, ou encore de certaines activités d’enseignement prévues par les contrats doctoraux –, ces derniers représentent une limitation du temps consacré aux apprentissages et nuisent à plusieurs titres aux conditions d’études. Ainsi, parmi les emplois occupés par des étudiants, seulement 23 % présentent un lien avec la formation suivie et plus de 60 % sont jugées concurrentes ou très concurrentes avec celle-ci, compte tenu de leur nature et de la charge horaire qu’ils impliquent ([8]). Le système des bourses, comme plus généralement le soutien public à l’amélioration des conditions de vie des étudiants, connaît quant à lui de graves insuffisances (voir infra). Enfin, il convient de relever que certains étudiants ne bénéficient d’aucun de ces différents types de ressources.

En l’absence de réponses adéquates à la dégradation des conditions de vie des étudiants liée à la situation sociale du pays et à l’inadaptation des politiques en faveur de la jeunesse, la satisfaction des besoins les plus élémentaires se trouve menacée. Ainsi, la précarité alimentaire, à laquelle la présente proposition de loi tend à répondre, constitue une part prépondérante des difficultés des étudiants.

2.   L’accroissement de la précarité affecte l’alimentation des étudiants de façon préoccupante, comme en témoigne le recours plus important à des acteurs associatifs

Plusieurs indicateurs témoignent d’une dégradation de l’accès des étudiants à l’alimentation. En effet, si la précarité alimentaire est apparue auprès de cette catégorie de la population bien avant la pandémie de covid-19 ([9]), les effets conjugués de la crise sanitaire et de l’inflation ont entraîné une aggravation de ce phénomène.

En premier lieu, la pandémie de covid-19 a entraîné un recours accru des étudiants au réseau associatif pour subvenir à leurs besoins alimentaires. La présence massive d’étudiants aux distributions organisées par différents acteurs de la solidarité constitue la manifestation la plus emblématique de cet état de fait, qui perdure aujourd’hui. Le recours des étudiants à l’aide alimentaire concerne aussi bien de grandes associations généralistes – dont l’action ne concerne pas spécifiquement une tranche d’âge ou une catégorie de la population –, telles que les Restos du cœur ou le Secours populaire, que des organisations créées à l’intention des étudiants, et souvent à l’initiative de certains d’entre eux, à l’image de l’association Cop1.

L’amplification de ce phénomène est d’abord illustrée par la fréquentation croissante des distributions alimentaires proposées par ces associations. Ainsi, des organisations spécialisées dans l’aide alimentaire, tels que Cop1 et Linkee, poursuivent leur développement et assurent des distributions dans de nouvelles villes universitaires. Une étude statistique réalisée par l’association Cop1 et portant sur les bénéficiaires de ses distributions alimentaires a montré que 79 % d’entre eux avaient recours pour la première fois à une aide de ce type ([10]). Ce résultat indique une diversification des profils concernés.

Au-delà de la part visible de la précarité alimentaire que mettent en lumière ces actions, il y a lieu d’insister sur l’ampleur d’un phénomène aux manifestations variées et diffuses. Ainsi, à la fin de l’année universitaire 2020-2021, environ 16 % des étudiants déclarent restreindre leur consommation de nourriture pour des raisons financières. Cette proportion est plus importante parmi les étudiants âgés de plus de vingt-cinq ans ou ayant quitté le domicile familial, ainsi que parmi les étudiants étrangers ([11]). Au regard du contexte inflationniste, il y a lieu de penser que la part d’étudiants connaissant des difficultés analogues s’est encore accrue.

En tout état de cause, les pouvoirs publics et la société ne peuvent s’accommoder d’une telle situation. En premier lieu, les effets sanitaires d’une alimentation insuffisante en quantité et en qualité sont connus. L’impact des privations sur la santé physique et morale des jeunes s’ajoute aux autres formes de précarité dont ils sont atteints, qui ont trait notamment aux conditions de logement et aux difficultés d’insertion professionnelle et sociale. De même que l’augmentation des coûts liés au transport et au logement réduit la capacité des étudiants à se procurer de la nourriture en quantité suffisante, le renchérissement des denrées alimentaires les oblige à renoncer à d’autres types de dépenses – ce qui compromet notamment l’accès aux soins médicaux. La dégradation des conditions de vie des étudiants est de nature à altérer la conduite des apprentissages, favorisant l’abandon des études supérieures et l’inscription durable dans la précarité.

Si la précarité dont souffrent de nombreux étudiants suffit à démontrer la nécessité d’agir, l’impact de la situation actuelle sur l’image internationale de la France, et plus particulièrement de son système d’enseignement supérieur, ne doit pas être négligé. La presse étrangère s’est notamment fait l’écho du recours massif aux distributions alimentaires ([12]), dont les bénéficiaires sont pour une part significative des étudiants étrangers ([13]). L’attractivité de l’enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux ne peut qu’être dégradée par le spectacle continu d’une jeunesse en souffrance dont les difficultés évoquent, dans bien des cas, la situation de pays moins favorisés.

Face à l’amplification de la précarité alimentaire étudiante, les mesures mises en œuvre par le Gouvernement se sont avérées insuffisantes et inadaptées.

II.   Une réponse insuffisante de l’état et du gouvernement

1.   Les défaillances du système des bourses

L’inadaptation de la réponse des pouvoirs publics à la précarité étudiante tient d’abord à l’organisation du système des bourses qui, dans sa forme actuelle, ne permet pas de lutter efficacement contre ce phénomène.

Ses défaillances, qui sont de nature structurelle, étaient déjà connues avant le déclenchement de la crise sanitaire et la hausse de l’inflation. Tout d’abord, le montant des bourses est tel que celles-ci ne peuvent être envisagées comme un revenu suffisant à la satisfaction des besoins élémentaires des étudiants qui en bénéficient. Ainsi, près de la moitié des étudiants titulaires d’une bourse sur critères sociaux perçoivent une prestation mensuelle inférieure ou égale à 172 euros qui, au surplus, ne leur est pas versée lors des deux mois d’été ([14]). Ensuite, la décision d’attribution des bourses repose sur un barème fondé sur le revenu fiscal de référence des parents du bénéficiaire et une estimation des coûts liés à la distance entre le domicile familial et le lieu d’études ainsi qu’à la composition du foyer, permettant l’attribution de points de charge. Or, le soutien financier apporté aux étudiants par leur famille n’est pas strictement corrélé aux ressources de celle-ci – d’autant plus que la situation familiale et les revenus pris en compte dans le calcul du montant de la bourse correspondent à l’année fiscale qui précède le dépôt de la demande, et peuvent donc se rapporter à une réalité dépassée. En outre, la répartition des titulaires de bourses entre neuf échelons – correspondant chacun à un niveau de prestation différent – suscite des effets de seuil. Ceux-ci peuvent notamment se traduire par la réduction du montant de la bourse perçue, voire l’inéligibilité au système, à la faveur d’une augmentation du revenu fiscal des parents de quelques dizaines d’euros. Enfin, le redoublement ou le manquement à l’obligation d’assiduité entraînent la perte du statut de boursier.

2.   L’inadaptation d’une aide fondée sur le statut de boursier

L’étude des difficultés auxquelles font face les étudiants dans leur vie quotidienne et leurs apprentissages démontre le caractère inadapté d’une approche du phénomène de la précarité étudiante fondée, à titre principal ou exclusif, sur le statut de boursier. Ainsi, durant l’année universitaire 2021-2022, 38 % des étudiants qui ne percevaient pas de bourse sur critères sociaux déclaraient avoir connu des difficultés financières moyennes ou importantes, et 13,7 % avaient dû restreindre leurs dépenses d’alimentation ([15]). En outre, la part d’étudiants non boursiers ayant fait face à des difficultés financières jugées importantes ou très importantes atteignait 22 %, contre 31 % parmi les étudiants boursiers. Si des différences de situation persistent en fonction du statut de l’étudiant au regard du système de bourses, celles-ci ne suffisent manifestement pas à justifier que le bénéfice de mesures complémentaires d’aide aux jeunes en difficulté – telles que la tarification à un euro des repas servis par les Crous – soit réservé aux boursiers.

Dans ce contexte, la revalorisation de 4 % du montant des bourses sur critères sociaux versés par les Crous, mise en œuvre à la rentrée 2022, comporte deux limites flagrantes. Tout d’abord, l’augmentation du niveau des prestations est inférieure au taux de l’inflation – et, à plus forte raison, des hausses de prix observées dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie. Par ailleurs, chacun s’accorde désormais à reconnaître le caractère inadapté du système des bourses dans son ensemble. Dès lors, même les promoteurs de cette mesure ne peuvent qu’en admettre le caractère provisoire et palliatif, dans l’attente d’une réforme du système des bourses dont on sait déjà que les effets tarderont à se faire sentir. L’inefficacité du système des bourses à contenir la précarité étudiante illustre ainsi l’insuffisance du soutien des pouvoirs publics à l’amélioration des conditions de vie des étudiants – situation qui reflète elle-même les limites de l’investissement de notre pays en faveur de son système d’enseignement supérieur.

Pour tenir compte des limites d’une aide reposant sur la perception d’une bourse sur critères sociaux, une condition alternative permettant l’accès aux repas à un euro dans les sites de restauration des Crous a été instaurée. Ainsi, un étudiant non boursier est éligible à cette tarification dès lors qu’il justifie d’une situation de précarité. En principe, cette approche présente l’avantage d’éliminer, dans l’accès au service de restauration, les effets de seuil dont pâtissent les étudiants qui, bien qu’ils ne perçoivent pas de bourse sur critères sociaux, connaissent une situation personnelle ou familiale difficile constatée par les services des Crous.

Toutefois, cette mesure comporte plusieurs limites. Ainsi, le nombre de bénéficiaires – qui est d’environ 40 000 ([16]) – reste inférieur à celui des étudiants connaissant de grandes difficultés financières. L’un des obstacles à son augmentation semble résider dans le dépôt des demandes et leur instruction par les services sociaux des Crous. En effet, malgré les efforts et la qualité du travail individuel accomplis par les agents de ces derniers, l’obtention d’un rendez-vous et la fourniture de justificatifs préalablement à la mise en place de la tarification dérogatoire au bénéfice des étudiants non boursiers limitent le recours au dispositif. Les représentants des organisations étudiantes, de même que les bénéficiaires de distributions alimentaires que la rapporteure a pu rencontrer, ont fait état de ces difficultés ([17]). En outre, une étude de l’association Linkee auprès d’un panel de 3 769 étudiants ayant bénéficié de l’aide alimentaire distribuée par cette structure indique une grande stabilité de la situation des étudiants les plus précaires par rapport à l’année universitaire 2020-2021 – correspondant à l’essentiel de la crise sanitaire. Ainsi, 43 % des étudiants interrogés déclaraient devoir manquer des repas pour des raisons financières, soit une part comparable à celle observée en 2020 ([18]). Par conséquent, il est difficile de considérer que le service de repas à un euro à certains étudiants non boursiers a entraîné une réduction significative de la précarité alimentaire étudiante.

Une solution temporaire, mise en œuvre au premier semestre de l’année universitaire 2022-2023, a consisté à appliquer le tarif d’un euro aux étudiants précaires sur une base déclarative. Cette mesure provisoire visait à tenir compte du surcroît d’activité des services sociaux des Crous lié à la mise en paiement des bourses et aux réclamations concernant celles-ci. Or, tout indique que les difficultés anticipées par le Gouvernement dans l’instruction des demandes d’étudiants précaires se présenteront dans des conditions analogues à la prochaine rentrée. À cet égard, le recrutement de quarante assistants sociaux supplémentaires prévu par le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur pour l’exercice budgétaire 2023 ne semble pas de nature à répondre à l’ensemble des besoins d’accompagnement exprimés par les étudiants.

Ce constat s’impose d’autant plus que la mise en œuvre de premières mesures en faveur d’une adaptation du système des bourses, annoncée par la ministre de l’Enseignement supérieur, pourrait induire une hausse supplémentaire de l’activité des Crous.

Outre son effet sur la charge de travail des services sociaux des Crous, l’absence temporaire de contrôle préalable de la situation de chaque étudiant a également permis de lutter contre le renoncement de bénéficiaires potentiels de cette mesure, lié à la méconnaissance du dispositif. De façon générale, les modifications répétées dans les modalités d’attribution du bénéfice des repas à un euro sont de nature à décourager les étudiants, qui peinent à en comprendre les conditions d’accès. Ce point a notamment été mis en évidence par les organisations étudiantes entendues par la rapporteure.

3.   La réforme du système des bourses : un calendrier incompatible avec l’urgence de la situation

Devant les limites reconnues du système des bourses, une concertation a été engagée par le Gouvernement en vue de sa réforme.

À cet égard, la rapporteure tient d’abord à souligner l’étonnement légitime que devrait éprouver tout parlementaire en constatant que la représentation nationale n’a pas été associée à ce processus. L’argument selon lequel la mise en œuvre d’une telle réforme relèverait de la compétence exclusive du pouvoir exécutif paraît doublement infondé : d’une part, toute hausse significative et durable des dépenses publiques en faveur des étudiants impliquerait l’attribution de nouveaux crédits par la loi de finances, discutée, modifiée et adoptée par les parlementaires, qui en contrôlent l’application. D’autre part, une réforme ayant une incidence de premier ordre sur les conditions de vie de la jeunesse de notre pays ne saurait échapper durablement à la connaissance et au contrôle du Parlement, quelles que soient les modalités techniques et juridiques de son élaboration ou de sa mise en œuvre.

Si le contenu de la réforme n’est pas encore connu, le calendrier retenu pour sa mise en œuvre paraît d’ores et déjà incompatible avec le besoin d’une action urgente en faveur des étudiants. Ainsi, les premières indications font état d’une entrée en vigueur lors de l’année universitaire 2024-2025 ([19]). Pendant le temps qui nous sépare de cette échéance, l’incapacité persistante du Gouvernement à atteindre les objectifs qu’il s’était fixés au début de la mandature précédente en matière de construction de logements ([20]), ou encore le refus opposé à l’instauration d’une aide individuelle à l’émancipation ([21]), laissent présager une stagnation de l’action publique en faveur des conditions de vie des étudiants.

Dans l’attente de mesures plus générales et ambitieuses, le rétablissement du tarif d’un euro pour tous les étudiants, couplé à son élargissement à l’ensemble des points de vente gérés par les Crous, apparaît comme une mesure efficace pour lutter contre la précarité alimentaire.

III.   L’élargissement du bénéfice du repas à un euro à tous les étudiants et à l’ensemble des points de vente des crous : une mesure efficace et un levier en vue d’une action générale en faveur des étudiants

1.   Un élargissement de la mesure tant au regard du public que de l’offre de restauration concernés

La présente proposition de loi prévoit deux effets complémentaires :

– d’une part, la généralisation à l’ensemble des étudiants de la tarification actuellement réservée aux étudiants boursiers et précaires ;

– d’autre part, sa mise en œuvre dans tous les points de vente des Crous – cette notion excédant le périmètre des restaurants universitaires, et visant en particulier les cafétérias, lesquelles se caractérisent par une offre de produits et des tarifs différents de ceux pratiqués dans les sites de restauration assise.

La première de ces deux actions présente la particularité d’avoir été déjà mise en œuvre, dans le contexte de la pandémie de covid-19. À cet égard, l’un des arguments qui ont été opposés à cette proposition de loi au cours des auditions de la rapporteure consistait à invoquer les circonstances particulières dans lesquelles elle avait été mise en œuvre, marquées par une importante baisse de la fréquentation des restaurants universitaires sous l’effet des mesures de confinement et de couvre-feu, ainsi que par le développement de l’enseignement à distance. Dès lors, tout rétablissement de la tarification antérieurement appliquée se traduirait par une hausse de la fréquentation, que les contraintes encadrant celle-ci durant la crise sanitaire avaient empêchée. Toutefois, un tel raisonnement repose sur le présupposé implicite que l’abaissement de 3,30 à 1 euro du prix des repas dans les restaurants universitaires entraînerait à lui seul une augmentation incontrôlable de leur activité ([22]). Or, au vu de la différence de prix entre les repas proposés par les Crous et les offres de restauration privées à proximité des campus, il y a lieu de penser que l’attrait des restaurants universitaires repose avant tout sur leurs tarifs. De fait, le caractère abordable du prix des repas constitue de loin le premier motif de fréquentation de ces restaurants ([23]). Il semble donc que les Crous attirent au premier chef les étudiants qui ont le plus besoin d’une offre de restauration abordable.

C’est pourquoi l’estimation du coût de la mesure doit reposer sur la connaissance des besoins auxquels elle vise à répondre. À cet égard, dans la mesure où les étudiants boursiers bénéficient déjà du tarif d’un euro, toute augmentation de la dépense publique liée à la généralisation de cette mesure à l’ensemble des étudiants serait la résultante de deux effets distincts :

– d’une part, à fréquentation constante, la réduction de 2,30 euros du prix acquitté pour chaque repas par les étudiants qui ne sont ni boursiers, ni précaires ;

– d’autre part, une hausse de la fréquentation suscitée par la diminution du prix des repas, se traduisant par une augmentation du nombre de ces derniers.

Chacun de ces deux effets bénéficierait principalement aux étudiants non boursiers faisant état de difficultés financières – soit, selon l’enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante citée plus haut, environ 38 % des non-boursiers, représentant moins d’un quart du nombre total d’étudiants. Compte tenu des effectifs de l’enseignement supérieur pour l’année universitaire en cours – estimés à 3 millions d’étudiants –, la mesure comprendrait environ 750 000 bénéficiaires potentiels. Dès lors que quelque 720 000 boursiers et 40 000 étudiants précaires sont déjà concernés par le dispositif, il est possible de retenir une première estimation du coût de la mesure fondée sur une hypothèse de doublement de la dépense actuellement consentie au titre de la tarification des repas à un euro pour ces deux catégories. Ainsi, sur la base d’une dotation de 51 millions d’euros prévue par la loi de finances pour 2023 au titre de la compensation du coût de cette mesure au profit des Crous, la mise en œuvre de la présente proposition de loi entraînerait à court terme une dépense supplémentaire d’environ 50 millions d’euros par an. En tenant compte de l’élargissement du dispositif aux 180 points de vente qui, bien que gérés par les Crous, ne sont pas comptabilisés comme des sites de restauration – lesquels sont environ 800 –, ainsi que de l’ouverture de nouvelles structures, ce montant devrait être majoré. Dans la mesure où la fréquentation moyenne des cafétérias est nettement inférieure à celle des restaurants universitaires, une majoration d’un cinquième du coût estimé de la généralisation de la mesure dans les seuls restaurants universitaires semble constituer un maximum. L’impact financier total de la proposition de loi serait donc de l’ordre de 60 millions d’euros.

Par ailleurs, outre la généralisation du dispositif en vigueur, la présente proposition de loi aurait pour effet de pérenniser, en en rehaussant la portée juridique, une mesure dont le fondement actuel réside dans des dispositions de nature réglementaire. En ce sens, son adoption représenterait un gage de stabilité et de lisibilité du dispositif pour les étudiants.

2.   Un nécessaire accompagnement des Crous par l’État dans le renforcement de l’offre de restauration universitaire

La mise en œuvre de la présente proposition de loi impliquerait un soutien de l’État au réseau des œuvres universitaires, à deux titres :

– à court terme, la perte de recettes et la hausse des coûts liée au service d’un plus grand nombre de repas à un tarif réduit devraient être intégralement compensés ;

– à moyen et long terme, il est nécessaire que l’État accompagne le développement de l’offre de restauration des Crous par l’augmentation du nombre de points de vente.

La rapporteure souhaite appeler l’attention sur ce dernier aspect qui, selon elle, devrait faire l’objet d’une programmation élaborée conjointement par le réseau des œuvres, les collectivités territoriales et l’État. En ce sens, au-delà de son objet immédiat, la présente proposition de loi vise à susciter un investissement public en faveur du développement de l’offre de restauration universitaire. Outre la rénovation et l’ouverture de nouveaux sites de restauration directement gérés par les Crous, une programmation pluriannuelle pourrait inclure les mesures de conventionnement mises en œuvre par certains établissements d’enseignement supérieur et par le réseau des œuvres. Celles-ci visent à ouvrir aux étudiants l’accès à des lieux de restauration publics (tels que les restaurants des lycées) ou privés, ce qui se révèle particulièrement appréciable dans les territoires qui ne comprennent aucun point de vente du Crous. À cet égard, il convient de relever que les limites du maillage territorial du réseau des œuvres universitaires contreviennent au respect du principe d’égalité entre des étudiants qui, bien qu’ils disposent de ressources et subissent des charges identiques ou proches, ne bénéficient pas d’un même soutien public à l’amélioration de leurs conditions de vie ([24]).


—  1  —

   commentaire des articles

Article 1er
Limitation à un euro du tarif des repas servis dans tous les sites de restauration des centres régionaux des œuvres universitaires

Modifié par la commission

Dans sa rédaction initiale, le présent article vise à limiter à un euro le prix des repas distribués à l’ensemble des étudiants par le réseau des œuvres universitaires. Par l’insertion d’un nouvel article L. 822-1-1 dans le code de l’éducation, cette mesure tend à offrir à tous les étudiants, indépendamment de leur statut au regard du système des bourses, une alimentation abordable et de qualité, dans le but de lutter contre la précarité alimentaire étudiante.

Dans la rédaction issue des travaux de la commission, le présent article introduit dans la partie législative du code de l’éducation le principe d’une tarification dérogatoire en faveur des étudiants boursiers ou précaires dans les sites de restauration des Crous.

I.   le droit existant

1.   Une mesure limitée aux étudiants boursiers et précaires, prise en charge par l’État au moyen de la subvention pour charges de service public allouée au réseau des œuvres

La tarification des repas distribués par les Crous dans leurs sites de restauration est liée aux dotations budgétaires inscrites en loi de finances au programme 231 Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur, gérées par le ministère de l’Enseignement supérieur dans le cadre de la tutelle qu’il exerce en application du deuxième alinéa de l’article L. 822-2 – qui concerne le Cnous – et de l’article L. 822-3 du code de l’éducation – relatif aux centres régionaux.

La tarification dérogatoire dont bénéficient les étudiants boursiers et précaires dans les sites de restauration des Crous fait l’objet d’une compensation par l’État au profit de ces derniers, au regard de la perte de recettes correspondant à la différence entre le tarif général de 3,30 euros par repas et le prix dont s’acquittent effectivement ces étudiants. Cette compensation est assurée au moyen d’une majoration de la subvention pour charges de service public versée au réseau des œuvres, à hauteur de 6,9 millions d’euros en 2020, de 45,5 millions d’euros en 2021 et de 50 millions d’euros en 2022.

2.   Un dispositif dépourvu de valeur législative et, comme tel, susceptible d’être remis en cause à brève échéance

Le fondement législatif de l’activité de restauration des Crous réside dans le cinquième alinéa de l’article L. 822-1 du code de l’éducation. Ce dernier prévoit que le Cnous « peut exercer les missions d’une centrale d’achat […] pour acquérir, à destination de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, des denrées alimentaires et d’autres biens nécessaires au développement d’une offre de restauration bénéficiant au moins en partie à des étudiants ». Cette formulation générale, centrée sur l’exercice de fonctions d’achat aux fins d’application des règles en matière de commande publique, ne préjuge pas des conditions de mise en œuvre de l’offre de restauration mentionnée.

Aussi la tarification des repas servis par le réseau des œuvres dans le cadre de son activité de restauration est-elle déterminée par l’État et par le conseil d’administration du Cnous, dans le cadre de ses fonctions de définition de la politique générale du réseau et de répartition des crédits budgétaires entre ses composantes prévues par les 1° et 2° de l’article L. 822-2 du code de l’éducation. Il en découle principalement deux conséquences pour la pérennité du dispositif. D’une part, dès lors que la tarification de l’offre de restauration peut augmenter sous l’effet d’une décision du Cnous, organisme dont la capacité d’action est régie par le montant des crédits budgétaires qui lui sont attribués chaque année en loi de finances, l’application durable de la mesure – en particulier dans une perspective pluriannuelle – peut aisément être remise en cause. D’autre part, les modalités d’application de la mesure, et plus particulièrement de la dérogation prévue en faveur des étudiants non boursiers en situation de précarité, sont susceptibles d’évoluer rapidement. Le passage d’un accès au dispositif sur une base déclarative à un examen des demandes de dérogation par les services sociaux des Crous au regard des justificatifs produits par l’étudiant, mise en œuvre entre le premier et le second semestre de l’année universitaire en cours, témoigne de la rapidité des changements qui peuvent intervenir.

Ainsi, tant la limitation du bénéfice de la mesure aux seuls étudiants boursiers et précaires que les modalités de mise en œuvre de celle-ci appellent une intervention du législateur afin d’élargir et de pérenniser le dispositif.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

La présente proposition de loi procède à l’insertion, à la suite de l’article L. 822-1 définissant les fonctions du réseau des œuvres universitaires, d’un nouvel article L. 822-1-1 dans le code de l’éducation. L’apport de celui-ci est triple :

– plutôt que l’imposition d’un tarif unique, conçu comme immuable, le présent article prévoit un plafond fixé à un euro par repas pour la tarification des repas servis dans les sites de restauration des Crous. Aussi un nouvel abaissement, voire la suppression des tarifs pratiqués, resteraient-ils possibles sur la base de cette rédaction – par exemple afin d’instaurer la gratuité des repas servis, dans le cadre d’une nouvelle mesure ponctuelle ou pérenne de soutien aux étudiants ;

– par l’absence de mention d’une catégorie de bénéficiaires, le présent article élimine la différence de traitement instaurée par le régime actuel de tarification selon le statut de l’étudiant au regard du système des bourses ou l’appréciation portée par les services sociaux des Crous sur sa situation financière. Il vise ainsi à lutter contre le non-recours au dispositif de la part d’étudiants précaires qui n’ont pas connaissance des démarches à effectuer ou qui ne parviennent pas à les conduire à leur terme ;

– enfin, en mentionnant l’ensemble des sites de restauration gérés par les Crous, la présente proposition de loi vise à garantir l’application homogène de la mesure sur l’ensemble du territoire national.

III.   La position de la rapporteure

Si la rédaction de l’article présente plusieurs garanties, en élargissant à l’ensemble des étudiants le bénéfice de la tarification actuellement réservée aux étudiants boursiers ou précaires et en inscrivant dans la partie législative du code de l’éducation une mesure actuellement contestable par une simple décision du conseil d’administration du Cnous, elle pourrait cependant être précisée pour en accroître l’effectivité et la portée.

En premier lieu, afin d’assurer l’inclusion dans le dispositif de l’ensemble des points de vente gérés par les Crous, la mention de ceux-ci pourrait être substituée à celle des sites de restauration. La rapporteure propose un amendement en ce sens.

En deuxième lieu, pour assurer l’accompagnement du réseau des œuvres par l’État dans le développement de son activité de restauration, un nouvel alinéa pourrait être ajouté afin de prévoir une programmation pluriannuelle de celle-ci. La rapporteure propose aussi un amendement à cette fin.

Enfin, la rapporteure entend insister sur le fait que la diminution des prix dont s’acquitteraient les étudiants dans les points de vente des Crous ne devrait pas s’accompagner d’une réduction de la quantité ou de la qualité de la nourriture servie. Pour garantir un certain degré d’exigence et d’homogénéité des pratiques au sein du réseau des œuvres, la rapporteure suggère ainsi d’inscrire dans la présente proposition de loi la mention de standards minimaux à respecter.

IV.   Les modifications introduites par la commission

La commission a adopté trois amendements identiques déposés par Mme Brugnera et les membres du groupe Renaissance, par Mme Le Hénanff et les membres du groupe Horizons, et par Mme Mette et les membres du groupe Démocrate, introduisant une nouvelle rédaction du présent article. Dans sa version issue des travaux de la commission, ce dernier prévoit désormais le maintien d’un tarif social minoré au bénéfice des étudiants boursiers ou précaires identifiés par les services sociaux des Crous.

Par coordination avec la nouvelle rédaction de l’article, trois amendements identiques portant modification du titre de la proposition de loi ont également été adoptés.

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Article 2
Gage

Adopté par la commission

Le présent article vise à ce que l’État assume la charge, au bénéfice du réseau des œuvres universitaires, des coûts liés à la mise en œuvre de la proposition de loi pour ce dernier.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 1er février 2023 ([25]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à assurer un repas à 1 euro pour tous les étudiants (n° 659) (Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure).

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. J’ai commencé à préparer cette proposition de loi il y a un an. Depuis septembre, j’ai effectué des déplacements et consulté des étudiants, des chercheurs, des associations et des agents du réseau des œuvres universitaires. Je les en remercie : ils m’ont permis de prendre la mesure d’un phénomène que j’ai vu croître ces dernières années dans le cadre du métier d’enseignante que j’exerçais jusqu’aux élections législatives et que je reprendrai par la suite.

Ce texte est né du constat de la précarité alimentaire dont souffrent de nombreux étudiants. Selon les données recueillies par l’Observatoire national de la vie étudiante en 2021, 18 % des étudiants ne mangent pas à leur faim : dans une société comme la nôtre, attachée aux valeurs de la solidarité collective et aux mécanismes de protection sociale, près d’un étudiant sur cinq n’est pas en mesure de répondre à ses besoins alimentaires fondamentaux.

Ce fait social massif s’est révélé dans toute sa cruauté lors de la crise sanitaire. Les acteurs du monde associatif, comme le Secours populaire et les Restaurants du cœur, avaient déjà constaté la présence de nombreux jeunes et de nombreux étudiants lors de leurs distributions alimentaires. La pandémie de covid‑19 a indéniablement marqué une étape dans la prise de conscience collective de ce phénomène. Au-delà de nos frontières, le monde a pris connaissance, avec effarement, de l’insécurité alimentaire dans laquelle une partie de la jeunesse de notre pays s’est vue plongée. De nouvelles solidarités ont alors été instaurées en faveur des étudiants, souvent à leur propre initiative. Des associations comme Cop1‑Solidarités étudiantes sont apparues et ont pris une part considérable dans la distribution d’une aide alimentaire d’urgence. Celles de la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes, ont poursuivi leur mission de solidarité.

Devant la gravité de la situation sanitaire et sociale, le gouvernement précédent a abaissé le tarif des repas servis dans les sites de restauration du réseau des œuvres universitaires. Ce tarif est passé de 3,30 euros à 1 euro pour les étudiants boursiers en septembre 2020, puis le bénéfice de cette mesure a été élargi à l’ensemble des étudiants entre la fin janvier et août 2021. Le Gouvernement a ensuite restreint le dispositif en réservant ce tarif aux seuls étudiants boursiers ou identifiés comme précaires par les services sociaux des Crous, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. Aux yeux de la NUPES, cette limitation est injustifiée. C’est pourquoi je vous propose de rétablir la tarification en vigueur durant le second semestre de l’année universitaire 2020-2021 et d’en élargir l’application à tous les points de vente gérés et agréés par le réseau des œuvres universitaires.

Je voudrais revenir sur les motivations qui ont conduit le Gouvernement à restreindre le champ d’application du repas à 1 euro à la rentrée 2021. Cette tarification étant issue des conditions exceptionnelles de la crise sanitaire, elle aurait logiquement pris fin avec celle-ci. Mais la période actuelle, marquée par un taux d’inflation inédit depuis quarante ans, est-elle moins difficile du point de vue de la situation financière des étudiants ? Une augmentation annuelle de plus de 12 % du coût des produits alimentaires, jointe à une hausse de près de 15 % du prix de l’énergie, ne vous semble-t-elle pas d’une gravité comparable, pour les conditions de vie des étudiants, à celle des effets sociaux de la crise sanitaire ? Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre dans les distributions alimentaires organisées par les associations que j’ai mentionnées : la possibilité offerte aux boursiers et à certains étudiants précaires de bénéficier de repas à 1 euro n’a pas réduit le nombre de participants à ces distributions. J’y ai rencontré à plusieurs reprises des étudiants non boursiers qui m’ont fait part de leurs difficultés à faire reconnaître leur situation pour bénéficier de repas à 1 euro.

Par ailleurs, l’augmentation sans précédent de la fréquentation des restaurants universitaires est significative. Le nombre de repas servis a augmenté de 17 % entre septembre 2021 et septembre 2022. J’y vois une illustration des difficultés croissantes que rencontrent les étudiants pour accéder à des repas à un tarif abordable en dehors du service public du réseau des œuvres universitaires.

Face au renchérissement du coût de la vie, la réponse du Gouvernement pour améliorer la situation des étudiants me semble très insuffisante. D’abord, la revalorisation de 4 % du montant des bourses sur critères sociaux reste inférieure au taux de l’inflation, lequel a atteint 5,9 % en 2022. Ensuite, chacun s’accorde à reconnaître l’inadaptation du système des bourses à l’objectif de permettre l’accès du plus grand nombre à l’enseignement supérieur dans des conditions financières compatibles avec une vie digne. C’est pour cette raison que les étudiants non boursiers en situation de précarité doivent pouvoir bénéficier de repas à 1 euro. Dans la grande majorité des cas, l’accès à ce tarif est déterminé par le statut de l’étudiant dans le cadre du système des bourses : seuls 40 000 étudiants non boursiers en ont bénéficié durant l’année universitaire 2021-2022.

Pourtant, selon l’Observatoire national de la vie étudiante, 14 % des étudiants ne percevant pas de bourses sur critères sociaux – soit plus de 300 000 jeunes – ont dû restreindre leurs dépenses alimentaires en 2021. En outre, la part d’étudiants non boursiers ayant fait face à des difficultés financières jugées importantes ou très importantes s’élevait à 22 %, contre 31 % pour les étudiants boursiers. L’écart entre ces deux catégories n’est pas suffisant pour justifier que le bénéfice des mesures complémentaires d’aide aux jeunes en difficulté, comme le repas à 1 euro, soit réservé aux boursiers.

La mesure que je propose comporte plusieurs avantages. L’instauration d’un tarif unique limité à 1 euro éliminerait les différences de traitement injustifiées entre les étudiants à raison de leur situation au regard du système des bourses. Il s’agirait d’une première étape dans la transition vers un système de soutien universel à l’émancipation des jeunes, décorrélé des ressources de leurs parents. Le groupe Socialistes et apparentés a formulé des propositions en ce sens. Durant la précédente législature, une proposition de loi visant à instaurer une aide individuelle à l’émancipation solidaire avait ainsi été examinée à l’initiative de notre collègue et président Boris Vallaud.

Dans l’immédiat, le présent texte a le mérite de constituer une mesure palliative d’urgence, qui a déjà été appliquée par le passé et qui apporterait une première réponse à la précarité alimentaire étudiante. La proposition de loi éliminerait, par définition, les effets de seuil et de non-recours de la part d’étudiants précaires qui n’ont pas connaissance des démarches à effectuer ou qui ne parviennent pas à les conduire à leur terme. Elle constitue également un appel à renforcer les moyens alloués au réseau des œuvres universitaires, en particulier pour développer le maillage territorial de l’offre de restauration. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, j’ai ainsi constaté des difficultés d’accès à la restauration universitaire, notamment à Bobigny. D’autres territoires souffrent d’un manque de points de vente des Crous, tout particulièrement les villes moyennes et les zones rurales.

La précarité étudiante est un phénomène systémique, qui appelle une réponse globale des pouvoirs publics. Une action résolue doit être entreprise, notamment en matière d’accès au logement et de bourses. S’agissant du dernier point, les parlementaires ne peuvent que déplorer de ne pas avoir été associés par le Gouvernement à la concertation qui se tient actuellement en vue de réformer le système des bourses.

Cette proposition de loi ne couvre qu’une partie des enjeux de la condition étudiante dans notre pays. Il est temps de prendre la mesure de ce qui se passe : voulons-nous voir les étudiants faire la queue devant les banques alimentaires ou préférons-nous adopter une mesure durable leur procurant la possibilité de se nourrir pour 1 euro ? Soyons à la hauteur de notre jeunesse, de nos étudiants, pour assurer notre avenir et le leur.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Anne Brugnera (RE). Les conditions d’étude et de vie des étudiants sont, depuis 2017, une préoccupation constante pour les députés du groupe Renaissance. Les étudiants sont en effet soumis à rude épreuve depuis plusieurs années, d’abord du fait de la crise du covid puis avec la guerre en Ukraine, dont les conséquences se font directement ressentir sur leur budget. Je remercie donc le groupe socialiste d’avoir travaillé sur cette question dans le cadre de sa niche.

Notre majorité et le Gouvernement, en particulier la ministre Sylvie Retailleau qui est très attentive à ce sujet, nous avons placé la vie étudiante au cœur de notre politique d’enseignement supérieur. Les conditions de vie des étudiants ont un impact direct sur la réussite de leurs études, la construction de leur vie professionnelle, leur avenir et leur quotidien. C’est donc un sujet primordial.

La lutte contre la précarité étudiante et pour l’amélioration de leurs conditions de vie guide notre action depuis le début de la législature. Parmi les mesures appliquées à la rentrée 2022, on peut citer la revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux, l’augmentation de 3,5 % des aides personnalisées au logement (APL), le gel des droits d’inscription à l’université et celui des loyers dans les résidences universitaires, le versement d’une aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros, la pérennisation des « chèques psy » ou encore l’accès gratuit aux protections périodiques et à la contraception pour les moins de 26 ans. Parallèlement à ces aides individuelles, nous avons augmenté les moyens des Crous et des services de santé universitaire, les SSU, pour leur permettre d’embaucher plus de psychologues et d’assistantes sociales. Nous avons aussi développé les postes de tuteurs et de référents, qui sont autant de petits boulots accessibles sur les campus, et nous avons créé une aide de 10 millions d’euros pour les associations d’aide alimentaire aux étudiants.

S’agissant de cette proposition de loi relative aux repas à 1 euro dans les Crous, je rappelle que c’est nous qui avons mis en place cette tarification très sociale dès 2020, lors de la pandémie. D’abord ouvert à tous, ce dispositif a ensuite été réservé aux étudiants précaires. Au total, 20 millions de repas à 1 euro ont été servis en 2021 et 18 millions en 2022. Les autres étudiants bénéficient du tarif de 3,30 euros. Il s’agit là aussi d’un tarif social, que nous avons gelé depuis 2019 pour protéger tous les étudiants. Soyons fiers de cette offre de restauration sociale et de qualité pour nos étudiants : elle est unique en Europe.

Du fait de l’inflation, le coût d’un repas étudiant oscille entre 7 et 9 euros. L’offre de restauration des Crous est donc déficitaire. L’État – et c’est normal – compense ce déficit par une subvention pour charges de service public. Nous avons ainsi augmenté les moyens des Crous dans le budget pour 2023, ainsi que les crédits dédiés au conventionnement avec des restaurants administratifs pour les étudiants qui ne disposent pas d’un restaurant universitaire à proximité – la hausse est de 33 %.

Si notre groupe partage l’ambition à l’origine de cette proposition de loi, qui est de lutter contre la précarité alimentaire des étudiants, nous sommes opposés au texte tel qu’il est rédigé. Vous souhaitez que la tarification des restaurants universitaires ne puisse être supérieure à 1 euro pour tous les étudiants – ceux qui peuvent payer leurs repas au tarif social de 3,30 euros comme les plus démunis. Nous considérons, pour notre part, qu’il faut aider davantage ceux qui en ont le plus besoin et réserver l’offre de restauration à 1 euro aux étudiants boursiers et précaires. C’est une question d’équité.

Si nous ne souhaitons pas généraliser le tarif de 1 euro, nous voulons pérenniser dans la loi l’existence d’un tarif préférentiel pour certains étudiants. Aussi proposerons-nous un amendement de réécriture visant à garantir ce tarif minoré très social pour les étudiants boursiers et les étudiants précaires ne bénéficiant pas d’une bourse, identifiés par les Crous, notamment les étudiants étrangers. Nous nous prononcerons en faveur de la proposition de loi sous cette réserve.

Mme Caroline Parmentier (RN). Notre jeunesse souffre. La crise économique a aggravé ses difficultés à se loger et à se nourrir. Les files d’attente pour les distributions alimentaires ne désemplissent pas. Elles crèvent le cœur : c’est une honte pour notre société. En 2020, 43 % des étudiants ont renoncé à un repas par jour pour des raisons financières. Les témoignages, souvent poignants, affluent sur les réseaux sociaux. Plus de deux étudiants sur cinq ne mangent pas à leur faim, parce qu’ils n’en ont pas les moyens : le statut d’étudiant est le plus précaire qui soit. Nous devons lutter contre cette injustice. Il est indispensable de permettre à notre jeunesse d’accéder à une alimentation adéquate, suffisante et à un tarif décent.

Les repas à 1 euro dans les restaurants des Crous, instaurés par le Gouvernement pour les étudiants boursiers, étaient nécessaires. L’affluence qui a suivi dans ces restaurants en est un témoignage éloquent. Nous devons pérenniser cette mesure en l’inscrivant dans le marbre de la loi, afin de faire échec à toute politique de casse sociale. Pour autant, ce n’est pas suffisant. La précarité étudiante ne se résume pas aux boursiers. Les étudiants ne perçoivent ni allocations chômage ni RSA et, du fait de leurs cours, ils ne peuvent avoir un travail au salaire suffisant. En France, étudier coûte beaucoup trop cher.

La politique actuelle des repas à 1 euro pour les élèves non boursiers mais en difficulté financière doit être maintenue et inscrite dans la loi. Manger à sa faim est une question de dignité, mais aussi de santé – comment étudier et apprendre sereinement quand on se préoccupe de ce que l’on va trouver à manger et du moment où on aura faim ? Cet objectif est réaliste et doit être atteint. Pour y parvenir, n’en déplaise à certains, nous devons lever un tabou : proposer un repas à un prix très réduit à des étudiants ayant des capacités financières modestes n’est pas de l’assistanat.

Toutefois, une question se pose. Cette proposition de loi tend à permettre à tous les étudiants d’accéder à des repas d’un coût unique de 1 euro, mais certaines situations sont objectivement différentes. L’étudiant boursier qui a de grandes difficultés à boucler ses fins de mois ne saurait être assimilé à celui dont les parents, aux revenus plus confortables, subviennent largement à ses besoins. Au nom de la justice sociale, il est possible de fixer des tarifs différents en fonction de la situation de chacun.

Nous avons ainsi déposé un amendement visant à ce que le prix des repas des Crous ne puisse excéder 2 euros pour les étudiants non boursiers, contre 3,30 euros actuellement. Des étudiants non boursiers peuvent être en difficulté sans pour autant se trouver dans une situation de grande précarité. C’est le cas de ceux dont le foyer fiscal a des revenus à peine supérieurs à 33 100 euros par an, qui n’ont pas le statut d’étudiant boursier et qui, pour les Crous, n’ont pas de difficultés financières graves.

Le Rassemblement national soutient l’esprit de cette proposition de loi, dont l’adoption permettrait un progrès social pour la jeunesse étudiante. Nos amendements vont dans ce sens, et nous porterons une attention particulière aux précisions que pourrait apporter la rapporteure au sujet de sa proposition d’un prix unique des repas pour tous les étudiants.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Face aux défis sociaux et écologiques, nous avons besoin d’une jeunesse de plus en plus qualifiée. Nous devons donc réaffirmer dans la loi et rendre effectif le droit à poursuivre des études. C’est l’objet d’une proposition de loi déposée cette semaine par la NUPES. Les jeunes doivent avoir les moyens d’étudier dans de bonnes conditions. Sinon, le risque d’échec s’accroît.

Trop d’étudiants connaissent la misère. Certains vivent sous une tente, dans leur voiture, dans des centres d’hébergement d’urgence, ou sont contraints de se prostituer. La période du covid, qui a limité le recours aux jobs étudiants, a mis sur la place publique, de façon plus criante, une précarité en constante progression. Tout le monde a en mémoire les files d’étudiants souhaitant bénéficier d’une aide alimentaire, et cette précarité n’a pas disparu avec le covid. Comme le rappelle l’exposé des motifs, l’augmentation des prix des denrées alimentaires est bien supérieure au taux d’inflation moyen. Elle a atteint 12 % entre 2021 et 2022. S’y ajoute la hausse du coût de l’énergie, de 15 % par an. Par ailleurs, les frais d’inscription ont augmenté de 5,5 % depuis 2018.

Une étude de mars 2022, conduite par l’association COP1-Solidarités étudiantes, spécialisée dans l’aide alimentaire, révèle que 56 % des étudiants qui fréquentent cette association ne mangent pas à leur faim et que 43 % des sondées ont été contraintes de choisir entre l’achat de nourriture et celui de protections périodiques. En outre, 79 % des étudiants interrogés ont déclaré avoir recours pour la première fois à une aide alimentaire, signe de l’accroissement du problème. Parmi les bénéficiaires, les étudiants étrangers sont massivement surreprésentés, puisqu’ils constituent plus de 80 % du total.

Le rôle des Crous a été crucial pendant la crise sanitaire. Néanmoins, Emmanuel Macron a annoncé bien trop tardivement l’extension des repas à 1 euro à tous les étudiants, deux fois par jour. Cette mesure a ensuite été supprimée dès la rentrée universitaire de 2021, le Gouvernement réservant aux boursiers les repas à 1 euro. Il est urgent de les rétablir pour tous les étudiants.

Cela étant, le budget de nombreux Crous est déjà déficitaire, car l’État ne compense pas complètement les coûts liés à l’application de la loi Egalim et le renchérissement du prix des repas lié à l’inflation. Nous avions déposé un amendement demandant un rapport sur l’état de santé financière des Crous, mais il a été jugé irrecevable. Les questions financières sont pourtant cruciales. La capacité d’investissement des Crous doit être préservée, notamment pour permettre le développement du logement étudiant, qui est largement insuffisant – c’est d’ailleurs une des raisons des difficultés financières des étudiants.

D’autres amendements n’ont pas davantage été déclarés recevables. Le premier proposait la gratuité des repas. Cet objectif est atteignable, dans l’enseignement supérieur comme dans le reste de l’éducation. La gratuité serait une mesure forte, qui permettrait de diminuer les coûts pour tous les étudiants. Le second amendement proposait une solution plus ambitieuse que la réforme à venir des bourses afin d’éradiquer la précarité étudiante : tous les étudiants détachés du foyer fiscal de leurs parents pourraient bénéficier d’une allocation d’autonomie. Cette mesure, également défendue par une partie des syndicats étudiants, serait à la hauteur des enjeux de notre temps.

J’insiste sur le nécessaire caractère universel des droits. C’est l’un des débats que nous avons avec le groupe Renaissance, qui considère que certains parents peuvent payer. Or ces derniers paient déjà des impôts. Il est légitime que tous les étudiants bénéficient des aides, y compris des repas à 1 euro. Rompre l’égalité d’accès aux droits divise en profondeur la population. Il est très important que les enfants de ceux qui paient des impôts aient les mêmes droits que les autres. Les droits doivent être universels dans notre République.

Le groupe La France insoumise votera pour cette proposition de loi visant à assurer des repas à 1 euro pour tous les étudiants, car elle va dans le bon sens. Si elle était adoptée, elle permettrait une avancée substantielle pour tous les étudiants et toutes les étudiantes.

M. Alexandre Portier (LR). Nous sommes tout à fait d’accord avec les critiques à l’égard du système actuel des bourses étudiantes. Certains points doivent être revus, comme la référence au foyer fiscal alors que certains étudiants n’ont pas de lien avec leurs parents, ou encore le mode de calcul par seuils qui conduit souvent à exclure brutalement les enfants issus des classes moyennes. Nous sommes également d’accord sur la nécessité d’aider les étudiants qui en ont le plus besoin, mais pas n’importe comment.

Premièrement, votre proposition de loi oublie les zones blanches de la restauration universitaire. Les études ne se font pas uniquement à Paris, à Lyon ou à Marseille. Tous les étudiants n’ont pas accès à un restaurant universitaire. Les inégalités entre eux sont territoriales avant d’être sociales, et votre mesure les renforcerait.

Deuxièmement, il est dommage que vous ne donniez aucun chiffrage. Il n’existe pas d’argent magique ou qui tombe du ciel : des choix sont faits au détriment d’autres possibilités.

Enfin, nous croyons aux solidarités concrètes et incarnées, ainsi qu’à l’équilibre des droits et des devoirs, sujets sur lesquels votre proposition de loi fait totalement l’impasse.

Dans ma circonscription, plusieurs collectivités ont créé un dispositif de soutien facultatif aux jeunes qui est conditionné au fait qu’ils donnent de leur temps aux autres. Ils bénéficient, en retour, d’une aide financière versée directement à une auto-école pour réduire le coût du permis de conduire ou délivrée sous forme de bon d’achat pour acquérir un instrument de musique.

De même, la mairie de Chazay-d’Azergues, qui compte 4 000 habitants, accorde une aide aux étudiants qui s’engagent au sein de la commune, notamment lors du salon du livre. Tout le monde en est content – les jeunes, les parents, les habitants et les élus.

Autre exemple, une étudiante en stage m’a indiqué que son école appliquait le principe de l’équilibre des droits et des devoirs afin que les étudiants ne soient plus simplement des consommateurs d’aides mais aussi des acteurs en la matière. Ils peuvent participer à l’offre de restauration en cherchant des partenariats avec des producteurs locaux, en proposant des menus ou en accompagnant les personnes souffrant d’un handicap. Le champ des possibles est vaste.

L’engagement au service des autres n’est pas un fardeau, mais plutôt une chance : une chance de trouver sa voie, de sortir de son milieu familial, de se sentir valorisé parce qu’on sent que son engagement a de la valeur. En responsabilisant l’étudiant, on le prépare mieux à l’avenir. C’est une expérience à la fois humaine, sociale et professionnelle.

Êtes-vous prête à faire évoluer la proposition de loi pour qu’elle n’infantilise pas les étudiants, qu’elle ne les enferme pas dans un rôle de consommateur-spectateur, mais au contraire qu’elle leur demande de donner aux autres, afin de bénéficier de repas à 1 euro, deux heures de leur temps par semaine ? C’est le sens des amendements que je défendrai. Nous déterminerons notre vote en fonction de votre réponse.

Mme Sophie Mette (Dem). Je vous remercie de nous donner l’occasion de parler de la précarité des jeunes, qui devraient toujours occuper une place à part dans notre assemblée. Les années de la crise du covid ont particulièrement touché notre jeunesse et nos étudiants, qui ont souffert de l’éloignement et du manque de lien social. Ils ont également subi de plein fouet les conséquences économiques de la crise, marquées par l’augmentation de la précarité avec la disparition de jobs étudiants qui permettaient à nombre d’entre eux de boucler leurs fins de mois. Nous gardons tous en tête les images d’étudiants faisant la queue devant des banques alimentaires. Je salue la réponse du Gouvernement, qui a alors fait passer le prix du repas dans les restaurants universitaires à 1 euro.

Alors que la crise du covid semble derrière nous, nous devons réfléchir à la manière de pérenniser cette mesure utile pour les jeunes en situation de précarité. Le choix du Gouvernement de maintenir les repas à tarif préférentiel pour les étudiants boursiers et les étudiants précaires lors des rentrées 2021 et 2022 apparaît juste. Il permet d’accompagner au plus près les étudiants dans le besoin. Cette année, ce dispositif est assorti d’un ensemble de mesures allant du chèque de rentrée à la revalorisation des bourses, qui représentent un effort budgétaire supplémentaire de 300 millions d’euros. Je rappelle aussi que le tarif de 3,30 euros est déjà un tarif social, applicable à tous les étudiants et dont le montant est stable depuis 2019.

Si le recours à une aide ciblée est un choix juste, c’est avant tout parce qu’il est cohérent avec notre modèle de société, qui repose sur la justice sociale. Cette logique a inspiré l’article L. 821-1 du code de l’éducation, relatif à l’action des Crous en faveur des étudiants, qui demande de privilégier les aides sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales.

Le groupe Démocrate s’oppose à la généralisation du repas à 1 euro à tous les étudiants. Nous souhaitons pérenniser des aides plus ciblées pour ceux qui en ont besoin. Néanmoins, nous ne souhaitons pas rester sans réponse. Aussi défendrons-nous, avec nos collègues de la majorité, des amendements visant à installer dans le temps le système appliqué depuis deux ans. Il a eu besoin de s’affiner, et nous devons nous assurer que les Crous et les universités peuvent en faire une publicité utile. Nous nous félicitons que le retour d’expérience de 2021 ait incité le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche à faciliter les démarches pour les étudiants non boursiers durant les quatre premiers mois de l’année. Cela a permis d’éviter un embouteillage des demandes auprès des assistantes sociales en début d’année.

La situation actuelle montre que la réforme des bourses annoncée par la ministre est plus que jamais nécessaire pour redonner du sens au système en lui rendant une utilité sociale. Les premières informations dont nous disposons semblent témoigner d’une volonté d’inclure un plus grand nombre d’étudiants, tout en augmentant les bourses : ce sont de bonnes perspectives pour nos étudiants. Le groupe Démocrate réservera son vote à l’adoption des amendements proposés en commun par la majorité.

M. Boris Vallaud (SOC). Je remercie Fatiha Keloua Hachi pour son exposé complet et brillant, auquel j’apporterai simplement quelques éléments complémentaires.

L’association COP1-Solidarités étudiantes est née de la triste nécessité de donner à manger à celles et ceux de nos étudiants et de nos jeunes qui étaient obligés de sauter un ou plusieurs repas faute d’avoir les moyens de les payer. Nous avons assisté à une de ses distributions alimentaires avec l’espoir que les files interminables de jeunes devant les banques alimentaires et les épiceries sociales que nous avions connues durant la crise du covid s’étaient taries et que ces photographies d’un moment de souffrance estudiantine, qui nous rappelaient les années 1930, ne correspondaient plus à la réalité. Or nous avons croisé la même jeunesse désœuvrée. Il y avait une majorité de jeunes femmes, de nombreux
boursiers – démonstration que le système des bourses est largement insuffisant pour permettre de vivre décemment –, mais aussi beaucoup de non-boursiers, qui sont au-dessus du seuil et n’ont pas droit à certaines aides, et beaucoup d’étudiants étrangers et esseulés qui, du fait de l’augmentation du coût des inscriptions à l’université, se trouvent contraints de rogner sur d’autres dépenses. Certains jeunes nous ont indiqué qu’ils n’allaient pas à ces distributions alimentaires auparavant, mais qu’ils le faisaient désormais de façon récurrente, avec un peu moins de rouge au front car ils y croisaient d’autres bénéficiaires.

Il faut reconnaître que le Gouvernement n’a pas rien fait, et c’est heureux – c’était sa responsabilité –, mais nous faisons aussi le constat que les mesures qu’il a prises sont insuffisantes. Nombre d’étudiants passent à travers les mailles du filet et se retrouvent dans des situations inextricables, parfois au détriment de leur qualité de vie et de leurs études. La mise en concurrence de leur vie estudiantine et de leur vie en général produit des dégâts considérables.

Au cœur de la pandémie, le groupe socialiste avait proposé de créer un minimum jeunesse, pendant du minimum vieillesse qui a permis de sortir de nombreuses personnes âgées de la grande pauvreté et de l’indigence, mais nous nous sommes heurtés au front du refus de la majorité, qui avait considéré qu’il existait un risque de plonger la jeunesse dans l’assistanat – cette jeunesse à laquelle on demande d’aller travailler, parfois avec des coups de pied aux fesses, dans une logique d’équilibre des droits et devoirs. Au même moment, la majorité proposait d’augmenter la part d’héritage pouvant être transmise en franchise d’impôt. En somme, quand on n’a pas les moyens, être aidé relève de l’assistanat, mais quand on a les moyens, il est assez naturel de se voir transmettre un patrimoine.

Je crois à l’universalité des droits. Dans un système qui porte parfois la suspicion en bandoulière, des droits pour tous valent mieux que des allocations pour certains. Il faut réfléchir à une redistribution plus efficace par les prélèvements sociaux et fiscaux, à la défamilialisation et à l’individualisation des droits. Ce sont des questions qui se posent dans le cadre de notre combat pour les droits des femmes, mais aussi en faveur de l’émancipation de la jeunesse.

Beaucoup de jeunes ne font pas valoir leurs droits. Le repas à 1 euro pour tous ne privilégiera pas les privilégiés, mais il remplira le réfrigérateur et l’assiette de ceux qui n’en peuvent plus des difficultés qu’ils ont à vivre. Je remercie Fatiha Keloua Hachi d’avoir déposé cette proposition de loi et tous ceux qui la soutiendront.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Le contexte actuel de crise énergétique et d’inflation, en particulier du prix des denrées alimentaires, a un impact sur le niveau de vie des étudiants, qui avaient déjà été fortement touchés lors de la crise sanitaire. Le texte proposé par le groupe socialiste, qui vise à assurer des repas à 1 euro pour tous les étudiants, soulève la question fondamentale de la précarité étudiante. Toutefois, il nous semble réducteur dans la mesure où il n’aborde pas l’ensemble des conditions de vie des étudiants, comme l’accès au logement, à la mobilité et à la santé. De plus, en accordant des repas à 1 euro à tous les étudiants sans aucune condition de ressources, il contrevient au principe de justice sociale cher à notre pays en ne ciblant pas les plus défavorisés et ceux qui sont le plus dans le besoin. Enfin, l’application de cette mesure engendrerait un coût supplémentaire de 90 millions d’euros par an pour l’État. En Europe, seule la France propose une offre de restauration diversifiée aux étudiants, comprenant un repas complet, tous les jours, partout sur le territoire et à un prix réduit de 3,30 euros depuis 2019. Nous pouvons en être fiers.

Le Gouvernement a toujours été au rendez-vous pour ce qui est des conditions de vie des étudiants : il a pris des mesures fortes et rapides durant la crise sanitaire. Cet été, des mesures d’urgence ont été adoptées pour permettre aux étudiants de faire face à l’inflation, comme la revalorisation des bourses, l’augmentation des APL ou encore le gel des loyers des résidences des Crous.

Lors de la crise sanitaire, le Gouvernement a instauré une tarification très sociale des repas, de 1 euro, pour les étudiants boursiers dès la rentrée 2020 et ce dispositif a ensuite été étendu à tous les étudiants au second semestre 2021. Depuis la rentrée suivante, le Gouvernement a fait le choix de maintenir cette mesure exceptionnelle, mais en la recentrant sur ceux qui en avaient le plus besoin, à savoir les étudiants boursiers et les étudiants précaires qui en font la demande auprès des Crous. Les étudiants en situation précaire mais non boursiers peuvent ainsi se rapprocher, s’ils le souhaitent, d’une assistante sociale afin d’expliquer leur situation et de demander à bénéficier de cette aide. Les réponses sont rapides, et elles tiennent compte de la situation personnelle et financière des étudiants, en dehors des critères habituels pour les bourses. Au total, 80 % des demandes ont été acceptées. Quant aux 20 % restants, les dossiers étaient parfois mal remplis.

Il faut néanmoins aller plus loin. C’est pourquoi quarante-quatre nouvelles assistantes sociales seront recrutées pour accompagner les jeunes, en prenant en compte leur parcours, et une action particulière sera conduite pour faire connaître le dispositif à davantage de jeunes et éviter les situations de non-recours. Par ailleurs, un ambitieux plan en faveur de l’amélioration des conditions de vie des étudiants sera prochainement présenté par le Gouvernement. Des consultations se poursuivront jusqu’à la fin février pour présenter différents scénarios qui prennent en compte la condition étudiante sous tous ses aspects, de manière globale, y compris les bourses et leurs critères d’attribution, le logement, la mobilité et la restauration, dans la perspective d’une application du dispositif dès la rentrée de 2024.

Le groupe Horizons, avec l’ensemble des groupes de la majorité présidentielle, défendra un amendement de réécriture qui tend à instaurer un tarif réduit par rapport au tarif social existant, afin de pérenniser les repas à un prix plus accessible pour les étudiants les plus dans le besoin. Nous voterons la proposition de loi si cette réécriture de l’article 1er est adoptée.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous remercions le groupe socialiste pour cette proposition de loi aussi nécessaire qu’humaine. Malgré les grands discours du Gouvernement, les jeunes retiennent du précédent quinquennat qu’ils sont les oubliés des politiques publiques, et même souvent les sacrifiés.

Les dernières élections législatives ont été marquées par l’abstention massive des 18‑24 ans. On leur reproche de se désintéresser de la politique et de ne pas suffisamment s’engager. Mais quand aucune politique d’envergure pour la jeunesse n’est menée et qu’aucun signal en sa faveur n’est donné, qui peut se permettre de leur jeter la pierre ? Les jeunes sont sacrifiés car ils figurent parmi les grands perdants de la réforme des retraites dont nous débattons, ce qui constitue un nouveau signal négatif, alors que la jeunesse est déjà cernée par les incertitudes et l’éco-anxiété. L’héritage que nous lui laisserons ne sera pas le moins lourd à porter, loin de là.

Les jeunes ont aussi été sacrifiés pendant la crise du covid. Alors que la population étudiante était déjà fragilisée, sa précarité s’est encore accentuée. L’immolation devant le Crous de Lyon d’Anas Kournif, qui avait fait de cet acte un choix politique, en a été la plus dramatique expression. La réaction de Jean Castex et l’instauration du ticket U à 1 euro avaient permis à bon nombre d’étudiants de respirer. Pourtant, il a fallu, dans une logique comptable, leur enlever ce peu d’air frais et leur imposer sans sourciller une baisse des APL, allocations dont les étudiants sont les principaux bénéficiaires.

Le passage du prix des repas de 3,30 à 1 euro représente une économie substantielle, de l’ordre de 70 euros par mois en moyenne pour un étudiant ou une étudiante, d’où l’intérêt de cette proposition de loi, a fortiori alors que le coût de la vie étudiante a augmenté de près de 6,5 % en 2022, que l’inflation touche durement cette population, que beaucoup n’ont d’autre recours, pour accéder aux denrées de base, que de se tourner vers l’aide alimentaire, au point que les associations déclarent ne plus être en mesure d’absorber la demande, et alors que le Gouvernement a fait adopter un projet de loi de finances dans lequel la revalorisation des bourses ne couvre même pas l’inflation. Le constat ne change pas : 19 % des jeunes de 18 à 29 ans vivent sous le seuil de pauvreté, et cette situation ne semble pas partie pour s’arranger.

La réponse est toujours la même, celle de la réforme des bourses. Cette réforme, nous l’attendons de pied ferme. Nous avons besoin de faire pour les étudiants et la jeunesse tout entière ce que nous avons su faire pour les aînés et les retraités, avant le détricotage réalisé par les gouvernements successifs, y compris peut-être, et plus que jamais, par l’actuel, à savoir un véritable système de protection sociale. En attendant, puisque le niveau des bourses est insuffisant et que leur indexation sur le revenu des parents exclut un certain nombre d’étudiants du dispositif, il est urgent de voter cette mesure. Nous appelons l’ensemble des partis républicains à faire consensus, à faire bloc autour de la jeunesse et pour elle.

C’est sans réserve aucune et avec beaucoup d’espoir que le groupe Écologiste‑NUPES votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Il existe un certain paradoxe à ce que la jeunesse soit une valeur partout célébrée, tout en étant à ce point maltraitée dans notre société. En France, si un étudiant sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté, ils sont deux sur trois en situation de précarité, soit bien plus que les seuls bénéficiaires des bourses. Alors que les étudiants sont déjà soumis à l’inquiétude d’une existence à construire dans un monde où tout est concurrence et incertitude, leur quotidien est pris en tenaille entre un coût de la vie étudiante qui continue d’augmenter – de près de 7 % en 2022 – et la baisse de leurs ressources. Durant la présidence d’Emmanuel Macron, ils ont perdu en moyenne 40 euros d’aides directes avec les réformes des APL, et la crise sanitaire n’a fait que révéler une situation qui s’était depuis longtemps détériorée.

Depuis la suppression pour les étudiants non boursiers des repas à 1 euro accordés pendant la crise sanitaire, au moment où les prix des denrées alimentaires flambaient et continuent de le faire, celles et ceux qui ont déjà rogné sur tout s’attaquent, pour boucler les fins de mois, aux dépenses essentielles : les soins, pour 40 % d’entre eux, et l’alimentation, puisque 56 % des étudiants déclarent ne pas manger à leur faim. Vu l’état de déliquescence de tout le système d’accompagnement social dans l’enseignement supérieur, ils n’ont d’autre choix que de se tourner vers les associations caritatives et de faire la queue devant les banques alimentaires ou les épiceries solidaires. Parlementaire d’une circonscription qui compte deux grandes universités, Paris 13 et Paris 8, je peux le vérifier chaque jour et chaque week-end.

Cette situation est insupportable. Nous voterons donc cette proposition de loi urgente et de bon sens. Au-delà des dispositifs d’accompagnement visant à lutter contre la vulnérabilité étudiante, dont la Cour des comptes juge qu’ils sont décevants, c’est tout le système des bourses qui est à revoir. Il faut même aller plus loin en envisageant de créer enfin, comme les députés communistes et plusieurs groupes de la NUPES le proposent, un revenu étudiant qui permette de vivre dignement et de se consacrer à ses études. Car étudier, c’est déjà un travail, raison pour laquelle les syndicats proposent de valoriser les études dans la comptabilisation des trimestres pour la retraite.

Je remercie chaleureusement Fatiha Keloua Hachi, qui vient du même département que moi et avec qui nous avons pu mesurer la réalité de la précarité étudiante.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Si la précarité étudiante n’a pas été créée par la crise sanitaire, cette dernière l’a aggravée. Avant cette crise, 20 % des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté et 40 % dépendaient d’au moins une aide financière. Lors du premier confinement, 36 % des étudiants salariés ont perdu leur emploi et les stages sont devenus beaucoup plus rares, alors que la solidarité familiale a été mise à mal par la précarité croissante dans toute notre société. Les confinements ont cessé, mais de nombreux étudiants font encore la queue devant les épiceries solidaires. À la crise sanitaire s’ajoute le contexte inflationniste. La hausse du coût de la vie étudiante se poursuit, tirée par l’augmentation des loyers, des abonnements à internet et des prix de l’alimentation.

Devant une telle situation, et malgré la reconduction des principales mesures adoptées par le Gouvernement – revalorisation des bourses et gel des loyers et des droits d’inscription –, notre groupe a toujours défendu le maintien du ticket restaurant universitaire à 1 euro pour tous, et non pour les seuls boursiers.

La précarité étudiante est une double peine. Non seulement les difficultés financières rencontrées par les étudiants les empêchent d’accéder aux biens et services les plus élémentaires – se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer, se soigner et se cultiver – mais elles les amènent aussi, pour quasiment la moitié d’entre eux, à exercer une activité rémunérée au détriment de leur réussite scolaire. Cette situation ne peut plus durer : 56 % des étudiants confient ne pas manger à leur faim.

Dans de nombreuses villes universitaires, les étudiants ont aussi du mal à se loger. Le plan visant à créer 60 000 logements étudiants est encore loin d’atteindre ses objectifs. Ne pas avoir à payer 3,30 euros mais 1 euro pour un repas est loin d’être anecdotique dans ce contexte, puisque cela représente 70 à 140 euros d’économies par mois. Cette disposition doit s’appliquer rapidement, au moins le temps qu’une réforme des bourses ait lieu, car nous pensons qu’une révision est nécessaire. Le système souffre en effet de vraies lacunes. Beaucoup d’étudiants en sont privés, et le nombre de boursiers baisse chaque année. Ceux qui sont exclus sont issus des classes moyennes, que l’inflation touche de plein fouet.

La situation des étudiants ultramarins est particulièrement injuste. Ils sont parfois privés d’aides, du fait de l’existence de primes d’installation dans certains départements et collectivités.

Notre groupe soutiendra, sur le fond, la présente proposition de loi qui prône un dispositif clair, le repas étudiant à 1 euro, plutôt que le dispositif complexe retenu par le Gouvernement, dans lequel les étudiants non boursiers et précaires doivent déposer un dossier en ligne sur le site des Crous, en fournissant des justificatifs.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Maxime Minot (LR). Le groupe Les Républicains, qui propose un équilibre entre les droits et les devoirs, n’est pas fermé à cette proposition de loi. Nous souhaitons simplement que les jeunes étudiants donnent une contrepartie aux repas à 1 euro, en s’engageant bénévolement deux heures par semaine dans la vie des Crous. Qu’en pensez-vous ?

M. Julien Odoul (RN). La précarité étudiante est une honte nationale. D’après l’enquête de COP1-Solidarités étudiantes publiée en octobre 2022, 56 % des étudiants admettent ne pas manger à leur faim.

Si le repas à 1 euro était nécessaire pendant la crise du covid, ce dispositif ne doit pas conduire à toucher à la qualité des produits proposés. Des étudiants ont alerté le Crous à plusieurs reprises. À Rennes, ils ont dénoncé, photographies à l’appui, la qualité de leur repas, en plus des portions drastiquement réduites. Dans une faculté de la région parisienne, on a pu voir un sandwich avec trois feuilles de salade. Plusieurs témoignages d’étudiants attestent la qualité médiocre voire indécente de leur repas.

Cette proposition de loi est une bonne chose pour lutter contre la précarité étudiante, qui ne cesse d’augmenter. Néanmoins, nous souhaitons maintenir un avantage pour les étudiants boursiers, avec un repas à 1 euro contre 2 euros pour les autres. Cela permettrait d’éviter, par ailleurs, une aggravation de la baisse de qualité et de quantité, due notamment à l’inflation.

Que proposez-vous pour améliorer la qualité des repas pour tous les étudiants, tout en maintenant un prix de 1 euro ?

Mme Isabelle Périgault (LR). Je remercie Mme la rapporteure de nous permettre d’échanger au sujet de la précarité des étudiants.

Je souhaite évoquer les conséquences du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers. Plusieurs étudiants et responsables de restaurants universitaires ont fait part d’une hausse de la fréquentation depuis septembre – l’augmentation est, en moyenne, de 20 % par rapport à l’an dernier. Cela représente 1,5 million de repas supplémentaires à servir, ce qui entraîne de l’attente et laisse donc peu de temps pour déjeuner, même si certains préfèrent prendre leur mal en patience tant le prix est imbattable.

Lors de vos auditions, avez-vous évoqué le risque de saturation et la gestion des pauses-déjeuner et dîner si cette mesure devait être étendue à tout le monde ? Ne devons-nous pas d’abord nous attaquer à la rénovation et à l’extension des restaurants universitaires ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). Du fait de mes origines agricoles, je ne peux pas entendre parler d’alimentation durant une heure et demie sans que soit jamais prononcé le mot « producteurs » ! Fille d’agriculteurs, je considère que faire payer à 90 % d’une génération 1 euro pour ses repas, c’est véhiculer l’idée que manger ne coûte rien et que les producteurs n’ont pas besoin d’être rémunérés. J’ai aussi été boursière, et je ne pense pas que tous les étudiants aient besoin d’un tel message. Pour rappel, les Français consacraient 35 % de leur budget à l’alimentation dans les années 1960. Aujourd’hui, ils n’y consacrent plus que 20 %. Les producteurs sont parfois en situation de précarité, ils souffrent. Alors que nous faisons face à un enjeu de souveraineté alimentaire, ce n’est pas faire preuve de bon sens que de proposer que tous les étudiants, même les plus aisés, aient accès à un repas à 1 euro.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Votre proposition de loi ambitionne d’offrir des repas à 1 euro à tous les étudiants. Néanmoins, cette tarification ne concerne que les repas distribués dans les sites de restauration des Crous. Or, comme vous le pointez dans votre rapport, il existe des territoires sans point de vente des Crous. Ces limites au maillage territorial du réseau des œuvres universitaires contreviennent au principe d’égalité. Dans ce domaine aussi, certains espaces font l’objet d’une relégation. Je pense en particulier aux territoires ruraux, dont les jeunes ne bénéficient pas du soutien public à l’alimentation des étudiants. Vous avez évoqué l’idée d’un conventionnement avec d’autres établissements pour permettre à tous les étudiants, en tout point du territoire, d’accéder à une restauration abordable et de qualité. Où en est-on aujourd’hui, et quelles sont les formalités à accomplir pour que de tels conventionnements puissent voir le jour localement ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ma première question concerne les étudiants dans les territoires ruraux. Comment trouver des dispositifs qui leur permettent aussi d’accéder à des repas à tarif réduit ?

Ma seconde question est plus philosophique. Je ne comprends pas, alors que vous êtes attachée aux principes de progressivité et de solidarité, pourquoi vous souhaitez que des jeunes issus de familles aisées bénéficient d’un tarif réduit dont ils n’ont pas besoin. Pourquoi renoncer à un critère social permettant d’assurer une progressivité ?

M. Louis Boyard (LFI-NUPES). Les étudiants aisés n’existent pas. Quand vous avez à payer, en moyenne, 563 euros de loyer, 250 euros de produits d’hygiène et d’alimentation, 30 euros d’internet et de téléphone, 70 euros de gaz et d’électricité et 30 euros de transport, vous dépensez 943 euros pour vivre en couvrant uniquement vos besoins minimaux. Je rappelle aussi que le salaire médian est de 2 000 euros et le Smic de 1 350 euros. Les étudiants aisés dont vous parlez représentent une part marginale des 3 millions d’étudiants. Ce n’est rien !

Entrez dans un amphithéâtre et demandez aux étudiants présents combien vivent avec moins de 1 102 euros. Même les étudiants de familles aisées lèveront la main, parce que toutes les familles n’ont pas 943 euros à débourser. Vous sanctionnez donc des millions d’étudiants qui ne remplissent pas tous les critères pour accéder aux repas à 1 euro. C’est pour cela que les banques alimentaires existent. Vous condamnez des millions d’étudiants à avoir faim, au nom d’une catégorie d’étudiants aisés que vous passez votre temps à protéger dans tout le reste de votre politique !

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Nous ne prenons pas suffisamment la mesure de la situation dans laquelle les étudiants se trouvent dans notre pays. Il y a une vraie difficulté politique à apprécier convenablement leur statut. Pourtant, nous avons tous en tête les images des files d’attente d’étudiants qui viennent chercher des colis alimentaires. Les associations sont en difficulté et complètement débordées.

Nous défendons, pour notre part, la création d’un revenu étudiant. Il s’agit d’abord de remédier aux difficultés posées par un système des bourses qui est incapable d’assurer l’autonomie des jeunes en formation. Ensuite, nous considérons qu’un étudiant est un travailleur produisant une richesse intellectuelle et matérielle. Enfin, on ne peut pas ignorer que de nombreux étudiants ne sont pas soutenus par leurs parents à partir de leur entrée dans l’enseignement supérieur.

Cette proposition de loi est un premier pas important pour garantir aux étudiants la possibilité de se nourrir de manière équilibrée et à des prix modiques, ce qui n’est clairement pas à la portée de tous aujourd’hui. Cela doit être la première pierre d’un changement profond de la conception des études dans notre pays.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Comme vous l’avez rappelé, madame Brugnera, notre tarif social est unique en Europe. On ne peut pas effectuer des comparaisons, car les modèles sont totalement différents. Ainsi, les pays d’Europe du Nord – Danemark, Finlande ou Suède – n’ont pas de tarif social tel que celui des Crous, mais une allocation jeunes oscillant entre 600 et 800 euros par étudiant, décorrélée des ressources des parents. J’invite donc à se concentrer sur le modèle français.

Madame Parmentier, vous avez souhaité en savoir plus sur les raisons pour lesquelles nous proposons un tarif unique. Le système actuel des bourses est inadéquat et désuet : il n’a fait l’objet d’aucune modification depuis plus de trente ans. La moitié des bénéficiaires perçoit 120 euros par mois en moyenne – les bourses étant versées dix mois sur douze –, ce qui ne saurait être considéré comme une aide sociale suffisante. En l’absence de réforme du système des bourses, les situations doivent être analysées globalement, d’où le tarif proposé de 1 euro pour tous.

Par ailleurs, le plafonnement de la tarification des repas à 1 euro permet de tendre vers la gratuité en faveur de laquelle a plaidé M. Davi.

Vous avez mal lu mon rapport, monsieur Portier, car la proposition de loi est chiffrée – elle coûterait 60 millions d’euros par an. Il est vrai que l’estimation du Gouvernement est plutôt de 90 millions, mais même l’hypothèse haute n’occasionnerait pas une grosse dépense pour l’État et tous les jeunes pourraient manger à leur faim.

Vous avez évoqué les zones blanches : elles sont effectivement très nombreuses en France. En réalité, il y a bien peu de restaurants universitaires. C’est la raison pour laquelle le dispositif proposé concerne la totalité des points de vente des Crous : les restaurants et les cafétérias universitaires – ces dernières se sont beaucoup développées et coûtent peu cher –, mais aussi les food trucks. Les Crous essaient vraiment d’élargir l’offre. À Cherbourg, qui compte 1 200 étudiants, il n’y a cependant aucun point de vente pour eux.

L’un de mes amendements vise à instaurer une programmation pluriannuelle de l’offre de restauration sur l’ensemble du territoire. En raison de leur coût élevé, il sera toutefois compliqué de construire beaucoup de restaurants universitaires, d’où l’idée de développer les petits points de vente, comme les food trucks. Ce qui compte est de pouvoir proposer un repas complet, équilibré et sain, pour 1 euro. Lorsqu’il n’existe pas de structures, il faut les créer ou recourir à des conventionnements.

Les étudiants sont infantilisés, car ils demeurent rattachés au foyer fiscal de leurs parents : jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, ils dépendent d’eux financièrement, y compris pour toutes les aides qu’ils sont susceptibles de recevoir par ailleurs.

Quant à la notion d’engagement auprès des autres, nous n’en avons pas la même conception, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Comme vous l’avez indiqué, madame Le Hénanff, le Gouvernement a recruté quarante-quatre assistantes sociales, mais cela ne permettra pas de régler la situation : il faudrait multiplier ce chiffre par dix, voire par cent. Il y a actuellement 3 millions d’étudiants en France, ce qui représente une assistante sociale pour 12 500 étudiants. Un étudiant en situation précaire a besoin d’avoir recours à une assistante sociale pour monter son dossier.

M. Acquaviva a eu raison de souligner que le système actuel des bourses ne tient pas suffisamment compte de la situation des étudiants ultramarins. J’espère que la réforme à venir le permettra. Les primes d’installation devraient notamment être augmentées. En attendant, le repas à 1 euro constituerait un palliatif.

J’ai déposé, monsieur Odoul, un amendement visant à garantir l’équilibre alimentaire. Je rappelle qu’un repas à 1 euro coûte en réalité 8 euros, la différence étant prise en charge par l’État : cela devrait permettre d’atteindre l’objectif sur lequel vous avez insisté. Par ailleurs, j’estime qu’il serait souhaitable d’afficher la provenance de la nourriture et son mode de production, mais aussi de signaler quels repas végétariens peuvent être proposés.

Vous avez raison, madame Périgault, la fréquentation des Crous est plus forte – elle connaît une hausse de 18 % cette année –, mais cela concerne davantage les repas à 3,30 euros que ceux à 1 euro. Les jeunes préfèrent se restaurer dans une structure universitaire – le plus souvent, une seule fois par jour –, plutôt que de manger chez eux, au vu de l’inflation touchant les denrées alimentaires. Il s’agit, certes, de repas à un tarif social, mais ils constituent un énorme sacrifice, comme me l’ont dit des étudiants de Seine-Saint-Denis qui sont dans l’impossibilité de payer deux repas à 3,30 euros par jour.

Le conventionnement se pratique beaucoup du côté des IUT, les instituts universitaires de technologie, par exemple à Montreuil. Ce sont des partenariats entre des établissements territoriaux – pour les cantines des lycées ou encore les espaces dédiés aux repas dans les hôpitaux – et les Crous. Une convention associant ces derniers aux collectivités est alors établie. Il faut reconnaître que les collectivités refusent souvent de s’engager dans un tel dispositif, car même si elles sont remboursées à terme, il leur est demandé de faire l’avance des fonds. Dans certains territoires, toutefois, ce modèle fonctionne très bien. Il gagnerait à être étendu, en attendant le développement et l’uniformisation des points de vente. Les jeunes pourraient ainsi accéder à des repas à 1 euro.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous passons à l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

Amendement AC21 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Je demande, par cet amendement, un engagement pluriannuel de l’État concernant le renforcement des moyens alloués au réseau des œuvres universitaires, afin de permettre le développement de l’offre de restauration, notamment dans les zones rurales et celles dépourvues de points de vente des Crous.

Prenons l’exemple du restaurant universitaire de Bobigny, qui est situé en sous-sol et comporte un nombre de places très restreint : une file d’attente de quarante-cinq minutes se forme en raison de l’explosion du nombre d’étudiants, en médecine et en STAPS – sciences et techniques des activités physiques et sportives –, qui le fréquentent.

La programmation pluriannuelle porterait en particulier sur les effectifs nécessaires au fonctionnement des Crous et sur les besoins de rénovation des sites de restauration.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Je ne peux qu’aller dans le même sens que vous. Le Cnous – Centre national des œuvres universitaires et scolaires –, que nous avons auditionné dans le cadre des travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2023, nous a alertés sur les grandes difficultés budgétaires rencontrées par les Crous – le Crous d’Aix‑Marseille-Avignon doit ainsi faire face à un déficit de 6 millions d’euros –, en raison de l’absence de compensation complète par l’État des coûts liés à la loi Egalim et de l’augmentation de certains prix. Afin de maintenir le niveau d’ambition des Crous, une programmation pluriannuelle est donc souhaitable. Cela permettra notamment de favoriser les investissements en matière de logement étudiant.

Mme Anne Brugnera (RE). Les crédits budgétaires alloués aux Crous pour 2023 sont en hausse de 36 millions d’euros. L’enveloppe visant à compenser le coût des tickets de restaurant universitaire à 1 euro est ainsi reconduite. Une compensation est également prévue pour l’impact du dégel du point d’indice, dans son intégralité, pour les autres mesures de revalorisation salariale, à hauteur de 15 millions d’euros, pour les conséquences de la loi Egalim et du développement de l’activité de restauration, ainsi que pour le recrutement de travailleurs sociaux supplémentaires, déjà évoqué. J’en profite pour saluer l’engagement des agents des Crous et du Cnous.

Si nous déplorons le manque de restaurants et de logements dans certains territoires, le présent amendement ne permettra pas de résoudre le problème. L’une des causes de la situation actuelle est, en effet, l’insuffisance de ressources foncières abordables à proximité des campus. Cette question fait l’objet d’un dialogue entre les Crous, le Cnous et l’État.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Vous avez raison, madame Brugnera, de souligner le caractère bloquant du foncier, mais l’objet de l’amendement est de nous éclairer sur l’état du parc des Crous, puis d’établir une programmation pluriannuelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC10 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il y a urgence : les étudiants doivent se nourrir, et correctement. Si nous sommes conscients des difficultés à mettre en œuvre le dispositif prévu par la loi Egalim, l’amendement déposé par mon groupe vise à relever la part des repas bio de 20 % à 50 %, à établir un nouveau seuil de 20 % pour les produits issus de circuits courts et à rendre obligatoires deux menus végétariens par semaine, ainsi qu’une alternative végétarienne quotidienne dans les restaurants universitaires, à partir de 2027.

Les étudiants ne peuvent pas toujours manger à leur faim et n’ont pas accès à certains produits, comme le poisson et les légumes frais. Leur situation de précarité est un frein au bien-manger. Notre amendement permettra de rétablir l’égalité entre les étudiants. Il contribuera aussi à la souveraineté alimentaire, en encourageant et en soutenant l’économie locale, les filières courtes et l’agriculture biologique.

M. Roger Chudeau (RN). Nous serions d’accord pour fixer des seuils de 50 % pour le bio et de 20 % pour les produits issus de circuits courts – nous avions d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, jugé irrecevable pour de mystérieuses raisons –, mais nous ne saurions accepter l’obligation de servir deux menus végétariens par semaine. Cette disposition est hors sujet : c’est une contrainte alimentaire ou une norme culinaire qui n’ont rien à faire dans le présent texte. Après vous être fait le chantre de l’éco-anxiété, monsieur Raux, veillez à ne pas devenir le Savonarole des cantines.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je précise que votre amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Même si nous sommes encore loin des objectifs fixés par la loi Egalim – selon le Cnous, seuls 6 % de produits bio et 24 % de produits durables sont servis –, nous soutenons cet amendement. Il est important que les étudiants soient en bonne santé, faute de quoi l’absentéisme et les dépenses de santé augmenteront. Pour cela, il faut qu’ils puissent accéder aux Crous gratuitement, ou pour 1 euro, et qu’ils y trouvent une alimentation de bonne qualité. En outre, l’amendement est bon pour l’agriculture bio.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Cet amendement va dans le sens d’une amélioration de la qualité nutritionnelle et environnementale des repas servis. Ayant moi-même déposé un amendement tendant à garantir une alimentation saine et respectueuse de l’environnement dans les Crous, j’émets un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er : Limitation à un euro du tarif des repas servis dans tous les sites de restauration des centres régionaux des œuvres universitaires

Amendement AC19 de Mme Fatiha Keloua Hachi, amendements identiques AC11 de Mme Anne Brugnera, AC13 de Mme Anne Le Hénanff et AC17 de Mme Sophie Mette, sousamendements AC22 et AC23 de Mme Fatiha Keloua Hachi, AC25 de M. Maxime Minot et AC24 de Mme Céline Calvez (discussion commune).

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. L’amendement AC19 vise à préciser la portée de l’article 1er : « Dans l’ensemble des sites de restauration et points de vente gérés ou agréés par les centres régionaux des œuvres universitaires, tout étudiant bénéficie deux fois par jour d’un repas dont le prix ne peut excéder 1 euro ». Cela ne concernera pas uniquement les restaurants universitaires au sens strict.

Mme Anne Brugnera (RE). L’amendement AC11 vise à réécrire l’alinéa 2 afin de garantir l’existence d’un tarif social minoré pour les étudiants boursiers et les étudiants en situation de précarité identifiés par les Crous.

Mme Sophie Mette (Dem). L’amendement AC17, identique au précédent, tend à pérenniser le dispositif instauré il y a deux ans par le Gouvernement pour aider les étudiants boursiers et précaires à disposer d’au moins deux repas par jour, pour 1 euro. Nous nous opposons, en revanche, à l’élargissement de cette mesure à l’ensemble des étudiants : il serait contraire au principe d’équité d’aider des jeunes plus aisés, qui bénéficient déjà d’un tarif social de 3,30 euros.

La Commission rejette l’amendement AC19.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Le sous-amendement AC22 demande que le prix des repas servis ne puisse excéder 1 euro. Cette mention dans la loi n’est pas problématique, puisqu’un montant de 90 euros figure déjà dans la partie législative du code de l’éducation à propos de la contribution de vie étudiante et de campus.

La commission rejette le sous-amendement AC22.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Les étudiants en situation de précarité doivent se déclarer auprès des Crous afin de disposer de repas à 1 euro. En une année, seuls 40 000 étudiants non boursiers ont bénéficié de ces repas, ce qui est très peu si on rapporte ce chiffre aux 3 millions d’étudiants. Les étudiants non boursiers doivent monter des dossiers et parfois fournir des documents – les modalités sont différentes selon les Crous. Mon sous‑amendement AC23 vise à simplifier les choses en permettant à tout étudiant qui se déclare en situation de précarité de manger pour 1 euro.

M. Louis Boyard (LFI-NUPES). Ce sous-amendement est important. Qu’est-ce qui caractérise un étudiant en situation de précarité ? Cela n’est défini nulle part, et beaucoup de personnes sont exclues du dispositif. Si vous êtes opposés à son élargissement à tous, ce n’est pas parce que vous craignez que les riches y aient accès, mais parce que vous avez peur du coût qu’engendrerait l’appel d’air si on permettait à des étudiants ne répondant pas aux critères, à l’heure actuelle, de bénéficier de repas à 1 euro.

En l’absence de définition de la précarité, je vous invite à adopter la proposition de loi afin de ne pas laisser pourrir la situation et de ne plus voir des étudiants faire la queue devant les banques alimentaires.

Mme Anne Brugnera (RE). La mention d’une identification des étudiants en situation de précarité par le réseau des œuvres universitaires me paraît satisfaisante. La rédaction que vous proposez, madame la rapporteure, serait contre-productive en ce qu’elle créerait une obligation déclarative.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Cela rendrait notamment plus difficile l’automatisation envisagée à terme.

La commission rejette le sous-amendement AC23.

M. Alexandre Portier (LR). Nous considérons que la solidarité nationale ne doit pas se traduire uniquement par une charge financière pour l’État, mais aussi par un équilibre entre droits et devoirs. Le sous-amendement AC25 tend ainsi à ce que le bénéfice des repas à 1 euro soit compensé en nature, notamment par un engagement bénévole dans les Crous ou, plus largement, les universités, les associations ou les collectivités territoriales, afin que les étudiants qui ne peuvent pas prendre en charge leurs frais de repas ne soient pas de simples consommateurs, mais qu’ils puissent être aussi des acteurs, qui rendent une partie de ce qu’ils ont reçu. Ce n’est pas une punition, un fardeau, mais une chance de pouvoir contribuer à l’effort national et de trouver un sens à la solidarité dont on bénéficie. Les étudiants pourront donner du temps en contrepartie de la solidarité à leur égard et ils auront, en plus, une ouverture au monde du travail et à la vie associative qui leur permettra d’acquérir des compétences, des savoir-faire et des savoir-être indispensables pour leur future vie professionnelle.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je suis défavorable à ce sous-amendement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je rappelle à notre collègue l’étymologie de « bénévolat », qui vient de la notion de bonne volonté. Quand on s’engage de manière obligatoire, ce n’est plus du bénévolat. Ensuite, on reconnaît bien là les vieilles lunes de la droite : des obligations en échange de prestations, comme vous le demandez pour le RSA. Vous qui prétendez défendre la valeur du travail, quelle valeur donnez-vous à celui-ci si vous voulez le remplacer par un engagement obligatoire ? Troisièmement, si nous souhaitons la création d’une allocation d’autonomie, c’est parce que nous pensons qu’étudier, c’est déjà travailler. Le temps consacré à ses études est d’environ 45 heures par semaine, ce qui suffit largement à remplir un emploi du temps.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Vous proposez un engagement de deux heures par semaine en contrepartie de la possibilité de manger pour 1 euro. J’estime, pour ma part, que se nourrir, manger à sa faim est un droit fondamental pour tout étudiant. Vous proposez donc qu’un droit fondamental ait une contrepartie.

Je vais le dire d’une façon un peu violente, mais ce que vous proposez est du travail dissimulé, non rémunéré et au détriment des études. Les bourses perçues par les étudiants sont tellement maigres que nombre d’entre eux travaillent déjà. Je connais ainsi une étudiante qui travaille quatre heures par semaine pour le restaurant du Crous de Caen, contre une rémunération. Si on lui impose deux heures supplémentaires, cela ne sera pas du bénévolat mais du travail, et les chiffres sont parlants : plus les étudiants travaillent, plus ils risquent d’échouer dans leurs études.

Deux heures, certes, ce n’est pas énorme, mais vous voulez faire d’un engagement bénévole, qui est un facteur d’épanouissement pour les étudiants, une contrainte. L’engagement associatif, qui permet aux étudiants de devenir des citoyens accomplis, doit avant tout être un plaisir, une ouverture au monde et non une contrainte pour pouvoir manger.

Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement AC25.

Mme Céline Calvez (RE). Les propositions formulées par les groupes de la majorité visent à consacrer dans la loi une tarification privilégiée afin de permettre à tous de bien se nourrir. Cela correspond à une mesure que nous avons mise en place dès 2020 et qu’il est important de garantir. Il faut aussi aller plus loin en instaurant une obligation d’informer tous les étudiants de l’existence de ce dispositif. Nous avons tous rencontré, dans nos circonscriptions, des étudiants en situation de précarité qui ne savaient pas qu’ils pouvaient prétendre au tarif de 1 euro sans être boursiers. L’obligation d’information prévue par le sous‑amendement AC24 s’appliquera lors de l’inscription de chaque étudiant dans un établissement d’enseignement supérieur.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Je suis d’accord : il y a un manque cruel d’information. Je suis allée faire le tour des distributions alimentaires, et j’ai demandé aux jeunes pourquoi ils venaient faire la queue pendant des heures pour recevoir trois carottes et deux oignons – je n’exagère pas : il n’y a pas grand-chose dans les paniers, même si cela permet de tenir un peu. Ils m’ont répondu qu’ils étaient en situation précaire mais pas boursiers. Quand autant d’étudiants le disent, c’est que l’information n’est pas bien passée. Il faut trouver un moyen d’informer tout étudiant qu’il peut manger pour 1 euro s’il est en situation de précarité. Avis favorable à ce sous-amendement.

M. Louis Boyard (LFI-NUPES). Voilà enfin une proposition de La République en marche au sujet de la précarité étudiante : il s’agit de délivrer une information sur l’accès aux repas à 1 euro. Nous souhaitons tous en finir avec les images – et la réalité – des étudiants faisant la queue devant les banques alimentaires. Seulement, si cet amendement était adopté, pensez-vous qu’il mettrait un terme à ces files d’attente ? Vous dites qu’il faut voir une assistante sociale, mais allez donc sur le site qui permet d’y avoir accès : il ne marche pas. Il y a trois semaines, voire un mois, d’attente, et je connais des assistantes sociales qui se sont fait réprimander par leur chef de service parce qu’elles accordaient trop de repas à 1 euro. Imaginez si tous les étudiants qui se tournent vers les banques alimentaires allaient voir des assistantes sociales pour avoir droit à des repas à 1 euro : le service, déjà surchargé, ne pourrait pas faire face. Le droit à l’information que vous souhaitez instaurer ne changera rien, et le système en place ne changera rien non plus. Je vous pose donc la question : voulez-vous vraiment mettre fin aux queues devant les banques alimentaires ? Ce sous-amendement n’est que de la fumisterie.

La commission rejette le sous-amendement AC24.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Les amendements identiques AC11, AC13 et AC17 reviennent sur un aspect central de la proposition de loi : l’universalisation du tarif de 1 euro, aujourd’hui réservé aux boursiers et aux étudiants reconnus comme précaires– or chacun sait à quel point il est difficile d’être reconnu comme tel.

Le fonctionnement actuel du système des bourses ne permet pas une appréhension adéquate de la précarité étudiante, pas plus qu’il ne répond à ses causes. Dès lors, en l’absence d’une réforme d’ampleur et rapide, ce système ne peut servir de fondement à la différenciation des tarifs dont s’acquittent les étudiants pour les repas servis dans les restaurants des Crous. De nombreux témoignages montrent que trop d’étudiants précaires n’ont pas accès aux repas à 1 euro pour des raisons tenant au changement des modalités d’application de la dérogation dont ils sont censés bénéficier ou au manque de moyens évident dont souffrent les services sociaux des Crous, en dépit de leur engagement et de la qualité de leur travail.

Il me semble qu’une rédaction qui présenterait au moins l’avantage de pérenniser et de rendre véritablement effectif le système de tarification en vigueur représenterait un progrès, aussi modeste soit-il. C’est pourquoi j’étais prête à donner un avis favorable. Mes sous-amendements ayant été rejetés, j’émettrai toutefois un avis défavorable. Mon groupe demande, je le rappelle, qu’un plafond de 1 euro soit inscrit dans la loi et que l’accès au dispositif se fasse sur une base seulement déclarative.

La commission adopte les amendements identiques AC11, AC13 et AC17.

En conséquence, les amendements AC5 de Mme Caroline Parmentier et AC15 de M. Alexandre Portier tombent.

Amendement AC20 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Cet amendement devrait faire l’objet d’un consensus. Il tend, en effet, à garantir que les repas proposés dans les sites de restauration et les points de vente des Crous répondent aux exigences d’une alimentation saine et respectueuse de l’environnement. Ce n’est pas parce qu’on bénéficie d’un tarif social qu’on doit avoir un repas qui n’est pas sain et équilibré, permettant de rester en bonne santé.

M. Karl Olive (RE). Tout ce qui est excessif est insignifiant. La précarité estudiantine est un fait avéré. En revanche, j’ai appelé ce matin le restaurant universitaire de Paris 8, où j’ai fait mes études et que Stéphane Peu connaît lui aussi très bien. On m’a dit que le restaurant n’était pas saturé. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on baisse le prix que la qualité est dégradée. Sur ce point, je vais dans le même sens que Géraldine Bannier : il faut mettre l’accent sur la qualité en matière d’alimentation, aussi bien dans les restaurants universitaires que dans les cantines scolaires de nos collectivités. Néanmoins, je ne voterai pas en faveur de cet amendement.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). L’amendement de la rapporteure devrait être adopté à l’unanimité. Que l’on soit favorable ou non au tarif de 1 euro pour les étudiants, la qualité de ce qui est dans l’assiette importe. Plus nous aurons une offre de qualité, reposant notamment sur des circuits courts, plus nous pourrons soutenir nos agriculteurs et les filières d’approvisionnement dont le pays a besoin. Par ailleurs, des étudiants qui mangent bien, ce sont des étudiants qui peuvent faire ce qu’on attend d’eux, c’est-à-dire étudier.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

Article 2 : Gage

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Titre

Amendement AC16 de M. Alexandre Portier, amendements identiques AC12 de Mme Anne Brugnera, AC14 de Mme Anne Le Hénanff et AC18 de Mme Sophie Mette, amendement AC6 de Mme Caroline Parmentier (discussion commune).

M. Alexandre Portier (LR). Nous voulions modifier le titre de la proposition de loi en tenant compte de notre amendement, mais il a été rejeté.

Mme Anne Brugnera (RE). L’amendement AC12 tend à modifier le titre pour le mettre en accord avec les dispositions adoptées à l’article 1er, qui vise désormais à garantir l’existence d’un tarif réduit pour les étudiants boursiers et précaires.

Mme Caroline Parmentier (RN). Je retire l’amendement AC6, qui était de cohérence avec l’amendement AC5, celui-ci étant tombé.

M. Louis Boyard (LFI-NUPES). Il est important que les étudiants comprennent ce qui vient de se passer. Cette proposition de loi visait à ce qu’ils aient tous accès à des repas à 1 euro, mais vous l’avez vidée de sa substance. Vous avez ajouté une obligation d’information, mais les universités diront simplement qu’il faut contacter une assistante sociale pour être aidé.

Vous pouviez, par votre vote, mettre un terme aux files d’attente devant les banques alimentaires, mais vous avez sciemment choisi de les laisser se poursuivre. C’est une affaire entre vous et votre conscience, mais aussi entre vous et les étudiantes et les étudiants. Nous leur dirons qui a laissé ces files d’attente continuer, qui a voté contre cette proposition de loi en faveur d’un Crous pour tous à 1 euro.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je précise que ce texte n’a été, pour l’instant, ni adopté ni rejeté.

Mme Cécile Rilhac (RE). Les repas à 3,30 euros, qui ne sont pas supprimés, constituent déjà un tarif solidaire compte tenu de leur coût réel, qui se situe entre 7 et 8 euros. Nous ne sommes pas en train d’invalider quoi que ce soit. Les repas à 1 euro restent accessibles non seulement aux boursiers mais aussi aux étudiants précaires, qui n’ont pas besoin de se déclarer : ils peuvent également être signalés par les associations étudiantes.

Notre proposition de loi, ou plutôt les dispositions que nous venons de voter confirment notre aide aux étudiants boursiers ou précaires. Nous n’allons pas du tout allonger les queues devant les associations qui proposent des repas aux étudiants les plus démunis.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Vous avez fait un lapsus révélateur en parlant de votre proposition de loi : en effet, ce n’est désormais plus la mienne, et je suis défavorable à ces amendements.

Les amendements AC16 et AC6 sont retirés.

La commission adopte les amendements identiques AC12, AC14 et AC18.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Nous pourrons retravailler sur cette question, chacun de son côté, d’ici à notre journée réservée du 9 février.

La pérennisation d’un dispositif d’aide aux étudiants ne peut être qu’une bonne chose, mais je déplore qu’il y ait un recul par rapport au texte que nous avions déposé. Plafonner le prix des repas à 1 euro, dans la loi, protégerait les étudiants contre les risques d’inflation et d’envolée des tarifs. Le tarif très social, s’il n’est pas fixé par la loi, pourrait demain être porté à 6 euros, par exemple, au lieu de 1 euro.

De plus, l’universalisation du dispositif assurerait un égal accès à une alimentation saine et variée, sans conditions, sans risque de stigmatisation et sans complications, comme aujourd’hui. La massification des études supérieures est bienvenue, car nos jeunes deviennent ainsi de plus en plus instruits et qualifiés, mais les services publics doivent être à la hauteur.

Enfin, la société doit se préparer à considérer comme des adultes nos jeunes, dès 18 ans, et donc à leur ouvrir des droits sociaux en tenant compte de leurs propres revenus et non plus de ceux de leurs parents. Un jeune doit pouvoir étudier sans subir le poids du déterminisme social.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission :

https://assnat.fr/vMPtTS

 Texte comparatif :

https://assnat.fr/6gQ4xy

 


—  1  —

   ANNEXES

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

(par ordre chronologique)

       France Universités*  M. Lamri Aadoui, vice-président du Conseil de la formation, de la vie étudiante et de l’insertion professionnelle de France Universités et président de l’Université de Caen Normandie

       COP1 – Solidarités étudiantes – M. Benjamin Flohic, président, M. JR A’Weng, directeur général, Mmes Johanna Rasamy et Myriam Cissé, chargées de plaidoyer

       Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche – direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle – Mme Laure Vagner-Shaw, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, adjointe à la directrice générale, Mme Laurence Lefèvre, sous-directrice de la réussite et de la vie étudiante, et Mme Albane Borgis, adjointe à la sous-directrice de la réussite et de la vie étudiante

       Conseil national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS)Mme Dominique Marchand, présidente, et M. Clément Cadoret, directeur général délégué

       Table-ronde de représentants des organisations étudiantes siégeant au conseil d’administration du Cnous :

– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)* – M. Felix Sosso, porte-parole

 Union nationale des étudiants de France (UNEF)* – Mme Salomé Hocquard, membre du bureau national chargée des affaires sociales

 L’Alternative – Union syndicale et associative – M. Hugo Prévost, secrétaire national

       M. Camille Peugny, sociologue, professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin

       Observatoire national de la vie étudiante – M. Feres Belghith, directeur

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


—  1  —

textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés
à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code l’éducation

L. 822‑1‑1 (nouveau)

 


([1]) Outre les organisations et les personnes dont les noms figurent en annexe du présent rapport, la rapporteure s’est entretenue, lors de la préparation de la présente proposition de loi, avec M. Kenza Occansey, conseiller jeune au Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’avec des représentants de l’Association représentative des étudiants en sciences sociales et de l’Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives.

([2]) L’instauration de la mesure a été annoncée par le Premier ministre, M. Jean Castex, le 15 juillet 2020.

([3]) « Protéger le pouvoir d’achat des Français : un engagement du Gouvernement », dossier de presse accompagnant la présentation du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, 7 juillet 2022.

([4]) Audition de représentantes de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l’Enseignement supérieur (MESR), réalisée le 24 janvier 2023.

([5]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Indice des prix à la consommation - résultats définitifs (IPC), décembre 2022.

([6]) 40,2 % des étudiants exercent une activité rémunérée au cours de l’année universitaire. À ces activités professionnelles s’ajoutent les emplois occupés durant l’intervalle entre deux années d’études (jobs d’été), qui concernent 48 % des étudiants. Il convient de relever que pour 57 % des étudiants exerçant une activité rémunérée, celle-ci ne comporte aucun lien avec le déroulement de leurs études (à la différence de postes de stagiaire, d’apprenti ou de chargé d’enseignement dans une discipline précédemment étudiée, par exemple). Aussi 48 % des étudiants qui exercent une telle activité pendant l’année universitaire estiment-ils qu’elle a des effets négatifs sur leurs études ou leur bien-être. Voir Observatoire national de la vie étudiante (OVE), Enquête « Conditions de vie des étudiants », 2020.

([7]) F. Cornuet, « Entre janvier 2021 et juin 2022, la hausse des prix de l’énergie a entraîné une perte de pouvoir d’achat, malgré la mise en œuvre des mesures exceptionnelles », Insee Analyses, n° 78, 19 décembre 2022.

([8]) OVE, Enquête « Conditions de vie des étudiants », 2020.

([9])  À titre d’exemple, les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent environ 50 % des bénéficiaires des Restos du cœur, cette association ayant alerté les pouvoirs publics au sujet de la précarité alimentaire des étudiants avant le déclenchement de la crise sanitaire. De manière analogue, l’association AGORAé a ouvert de premières épiceries solidaires à destination d’étudiants dès 2011. Voir rapport d’information n° 742 (2020-2021) de M. Laurent Lafon fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat dans le cadre de la mission d’information sur les conditions de vie des étudiants.

([10])  Association Cop1 – Solidarités étudiantes, « Enquête annuelle sur les étudiantes et étudiants en situation de précarité – 2022 » : https://cop1.fr/wp-content/uploads/2022/10/Enque%CC%82te-annuelle-de-Cop1-sur-les-e%CC%81tudiantes-et-e%CC%81tudiants-en-situation-de-pre%CC%81carite%CC%81-2022.pdf

([11]) OVE, « Une année seuls ensemble. Enquête sur les effets de la pandémie sur l’année universitaire 2020-2021 », OVE Infos, n° 45, novembre 2021.

([12]) Voir, par exemple, « Students in France wait for food handouts as COVID-19 destroys part-time jobs », Reuters, 19 février 2021 ; « La precariedad estudiantil aumenta las colas del hambre en Francia », Público, 24 février 2021 ; Liz Alderman, « ’I Have No Money for Food’: Among the Young, Hunger Is Rising », The New York Times, 16 mars 2021 ; Valérie Gauriat  et Frank Weinert, « Inflationskrise : Französische Studenten kämpfen ums Überleben », Euronews, 22 décembre 2022.

([13])  L’étude précitée de Cop1 – Solidarités étudiantes montre que 73 % des étudiants bénéficiant de l’aide dispensée par cette association à Paris sont de nationalité étrangère.

([14]) Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, « Les boursiers sur critères sociaux en 2021-2022 », Note flash du SIES, n° 23, septembre 2022.

([15]) OVE, « Une année seuls ensemble… », loc. cit.

([16]) Audition de M. Lamri Adoui, président de l’université de Caen Normandie et membre du conseil d’administration de France Universités, réalisée le 24 janvier 2023.

([17]) Audition de représentants de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) et de L’Alternative, conduite le 25 janvier 2023, et rencontre avec des bénéficiaires et des membres de l’association Cop1 lors d’une distribution alimentaire à Paris le 26 janvier 2023.

([18]) Association Linkee, « Précarité étudiante : deux ans après, rien n’a changé », 2022.

([19]) Le 2 novembre 2022, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation (CACE) de l’Assemblée nationale, la ministre de l’enseignement supérieur, Mme Sylvie Retailleau, a reconnu que « la réforme ne pourra[it] pas être mise en œuvre pour la rentrée 2023 », tout en affirmant que « certaines mesures consensuelles » pourraient l’être. Voire CACE, session ordinaire 2022-2023, compte-rendu n° 11, p. 17.

([20])  Le plan pour la construction de 60 000 logements étudiants, annoncé en 2018, n’avait pas atteint, en 2022, la cible fixée lors de son lancement – environ 35 000 logements ayant été livrés.

([21]) Proposition de loi n° 3724 (XVème législature) relative à la création d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2021.

([22])  L’affirmation selon laquelle le nombre de repas au tarif de 3,30 euros servis dans les sites de restauration des Crous augmenterait davantage, en proportion, que celui des repas à un euro, n’emporte pas davantage la conviction. En effet, le nombre de boursiers sur critères sociaux n’est pas strictement corrélé à celui de l’ensemble des étudiants. Ainsi, le nombre d’étudiants boursiers a diminué de 3,9 % entre les années universitaires 2020-2021 et 2021-2022, tandis que l’enseignement supérieur connaissait une hausse de ses effectifs de 2,5 %. Dès lors, loin de refléter une absence d’attrait spécifique du tarif d’un euro, l’augmentation plus importante du nombre de repas à 3,30 euros peut illustrer la stagnation, voire la baisse du nombre de bénéficiaires.

([23]) 67 % des étudiants qui fréquentent les sites de restauration des Crous invoquent ce motif. Voir Cnous, Rapport d’activité 2021, 2022.

([24])  À titre d’exemple, le président de l’université de Caen Normandie a indiqué à la rapporteure que les 1 200 étudiants qu’accueille la ville de Cherbourg n’ont accès à aucun site de restauration du Crous. Ce constat peut être étendu à d’autres villes moyennes, ainsi qu’à la périphérie des grandes agglomérations, où la capacité d’accueil des points de vente du Crous ne permet pas toujours de répondre aux besoins des étudiants. C’est ce qu’illustre le cas du restaurant universitaire de Bobigny, régulièrement saturé en raison de l’absence d’offre de restauration abordable à proximité.

([25])  https://assnat.fr/c4nl0u