______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales
en cas de crise énergétique (n° 738)
PAR M. Luc Lamirault
Député
——
Voir le numéro : 738.
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
I. les prix de l’énergie ont connu une importante augmentation entre 2021 et 2022
A. Les mesures de soutien en faveur des particuliers
B. Les mesures de soutien en faveur des entreprises
C. les mesures de soutien en faveur des collectivités territoriales
Liste des personnes auditionnées
LISTE DES contributions Écrites
— 1 —
En 2022, la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français ont considérablement renforcé les menaces sur notre sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité. Ces menaces se sont traduites par une envolée des prix de l’énergie, tant sur les marchés de gros que sur les marchés de détail.
Dès l’automne 2021 et les premiers signes de tensions sur l’approvisionnement, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour protéger les Français, particulièrement les ménages et les plus petites entreprises, telles que la mise en place du bouclier tarifaire ou du chèque énergie exceptionnel. Plus récemment, un « amortisseur électricité » à destination des entreprises et des collectivités territoriales a été mis en place, ainsi qu’un « filet de sécurité » propre à ces dernières. En parallèle, une consultation publique est en cours à la Commission européenne sur la réforme de l’organisation du marché de l’électricité de l’Union européenne, afin que les clients finals puissent disposer d’un prix de l’électricité qui reflète davantage les coûts de production de celle-ci. Le Gouvernement contribue activement aux réflexions sur une telle réforme.
Les entreprises, les collectivités et leurs groupements ont connu des hausses conséquentes de leurs factures d’électricité, notamment celles et ceux disposant d’un contrat indexé sur les prix de marché ou ayant dû souscrire un nouveau contrat en 2022. De nombreuses entreprises et collectivités ont été forcées de souscrire des contrats à des tarifs prohibitifs, ou bien ont des difficultés à simplement avoir accès à un contrat de fourniture, en raison de leur fragilité financière, directement liée à cette hausse des prix de l’énergie. La situation des petites entreprises, non éligibles aux tarifs réglementés de vente de l’électricité car disposant d’une puissance souscrite supérieure à 36 kilovoltampères (kVA), est particulièrement emblématique de telles difficultés. Les boulangeries, les boucheries ou les laveries sont autant d’exemples de commerces touchés par cette situation.
Dans ce contexte, l’objet de cette proposition de loi est double. D’une part, elle crée un fournisseur de dernier recours en électricité pour les particuliers ainsi que pour les entreprises, les collectivités et leurs groupements employant moins de 50 personnes et avec un chiffre d’affaires, un total de bilan annuel ou des recettes inférieurs à 10 millions d’euros. La fourniture de dernier recours garantit un droit d’accès à la fourniture en électricité. Cela permet d’inscrire dans le droit l’un des engagements pris au travers de la Charte des fournisseurs d’énergie, signée le 5 octobre 2022. Il est également proposé de renforcer les solutions de médiation à destination des entreprises, des collectivités et de leurs groupements. D’autre part, la proposition de loi permet une meilleure transparence sur les marges des fournisseurs d’électricité et le prix moyen de fourniture, en confiant à la Commission de régulation de l’énergie le soin de publier ces éléments. Dans le même esprit, elle propose d’engager une réflexion sur l’instauration d’obligations prudentielles sur les fournisseurs d’électricité, dans la droite ligne des consultations en cours au niveau européen sur la réforme du fonctionnement du marché de l’électricité.
I. les prix de l’énergie ont connu une importante augmentation entre 2021 et 2022
Dès la fin de l’année 2021, les prix de l’énergie ont augmenté tant sur les marchés de gros que sur le marché de détail. Les raisons en sont multifactorielles, mais il peut être relevé à titre principal de fortes tensions sur l’approvisionnement en gaz, tant en raison d’une forte hausse de la demande de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie, que de la survenance de plusieurs opérations de maintenance sur diverses infrastructures européennes, ainsi que des tensions croissantes avec la Russie. Le conflit russo-ukrainien a ensuite fait peser une menace encore plus directe sur les approvisionnements en gaz naturel de l’Union européenne dès le premier semestre 2022.
De plus, la forte indisponibilité du parc nucléaire français, liée à des opérations de maintenance reportées en raison de la pandémie de covid-19, ainsi qu’à des problèmes inopinés de corrosion sous contrainte, a créé des menaces sur la sécurité d’approvisionnement en électricité.
Ces événements ont causé une hausse de prix sur les marchés de gros et sur les estimations de prix sur les années suivantes. Le rapport d’analyse de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les prix à terme de l’électricité paru fin 2022 note que les prix à terme de l’électricité pour l’hiver 2022-2023 et l’année 2023, ont atteint un pic le 26 août (premier trimestre 2023 base à 1 840 €/MWh et année 2023 base à 1 115 €/MWh), puis se sont stabilisés à l’automne, pour finir en baisse en fin d’année (premier trimestre 2023 à 624,50 €/MWh le 2 décembre 2022) ([1]).
De même, le marché du gaz a connu des prix très élevés : « l’indice de référence TTF pour 2023 est monté jusqu’à 310 euros par mégawattheure (€/MWh) fin août 2022 et est redescendu à 120 €/MWh au 17 octobre 2022 » ([2]).
Cette hausse s’est répercutée sur le marché de détail, tant pour les particuliers, pour les entreprises que pour les collectivités territoriales. En particulier, pour les consommateurs non domestiques dont le contrat est arrivé à échéance au cours de l’année 2022, la souscription d’un nouveau contrat alors que les prix sur le marché étaient très élevés a conduit des professionnels et collectivités à souscrire des contrats au prix fort, avec des engagements de long terme.
Selon des données ministérielles, entre le 1er semestre 2021 et le 1er semestre 2022, le prix moyen hors TVA de l’électricité pour les entreprises a augmenté de 31 % ([3]) ; pour le gaz, il a doublé (+ 103 %). Pour les ménages, les prix ont augmenté de 22 % sur un an pour le prix moyen du gaz naturel, et de 7 % pour l’électricité, toutes taxes comprises (TTC). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) fait par ailleurs observer que « les prix de l’électricité vendue en décembre 2022 aux clients professionnels étaient supérieurs de 21,7 % à ceux de décembre 2021 ».
II. Les mesures mises en place par le gouvernement pour soutenir particuliers, entreprises et collectivités face à la hausse des prix de l’énergie
Le Gouvernement s’est mobilisé dès l’automne 2022 afin de soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales touchées par la hausse des prix de l’énergie, en insérant des premières mesures de gel tarifaire au cours de l’examen de la loi de finances pour 2022. Tous les dispositifs de soutien sont récapitulés sur une page internet dédiée du ministère de la transition énergétique ([4]), une page dédiée existant par ailleurs pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ([5]).
La charte des fournisseurs d’énergie
Les fournisseurs d’énergie ont signé début octobre 2022 une charte ([6]) au travers de laquelle ils s’engagent à aider les consommateurs à faire face à la crise énergétique, notamment en s’engageant « à proposer des contrats de fourniture d’énergie dans les meilleures conditions possibles pour les consommateurs non éligibles aux boucliers tarifaires ». Cette charte concerne donc particulièrement des engagements des fournisseurs envers les clients professionnels. La charte s’articule autour de 7 axes :
– informer les consommateurs sur les enjeux de sobriété, les mesures mises en place par le Gouvernement et répercuter ces dernières rapidement aux consommateurs ;
– jouer un rôle actif auprès des clients individuels pour réduire leur consommation et pour trouver une offre ;
– jouer un rôle actif auprès des clients professionnels pour réduire leur consommation ;
– améliorer la lisibilité du processus de renouvellement des contrats professionnels ;
– permettre à chaque consommateur professionnel de trouver un contrat adapté ;
– accompagner les clients professionnels les plus vulnérables ;
– préserver la soutenabilité financière de la fourniture d’énergie.
Les engagements courent jusqu’au 30 avril 2024.
A. Les mesures de soutien en faveur des particuliers
En premier lieu, le chèque énergie permet d’aider les ménages les plus en difficulté à payer leurs factures d’énergie. Il est attribué sous condition de ressources. Son montant varie entre 48 et 277 € en 2022. Ce chèque énergie est doublé d’un chèque énergie exceptionnel, d’un montant de 200 € pour ceux qui bénéficiaient déjà du chèque énergie en 2022 et de 100 € pour les nouveaux bénéficiaires du chèque énergie.
Les particuliers ont également été protégés de la hausse des prix du gaz et de l’électricité grâce à la mise en place d’un bouclier tarifaire :
– à compter du 1er février 2022, la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) a été contenue à 4 % toutes taxes comprises (TTC). Au 1er février 2023, les TRVe ont à nouveau augmenté, mais de seulement 15 % environ par rapport au TRVe appliqué en 2022. Le gel des TRVe a pu profiter à tous les clients disposant de ce type de contrat de fourniture ou d’un contrat indexé sur les TRVe. De plus, tous les particuliers, quel que soit leur type de contrat, ont pu bénéficier de l’abaissement de l’accise sur l’électricité à un niveau minimal ;
– pour le gaz naturel, les tarifs réglementés de vente (TRVg) ont été gelés à leur niveau du 1er novembre 2021, dès cette même date. Au 1er janvier 2023, leur hausse a été contenue de 15 % TTC environ par rapport à leur niveau de 2022. Les TRVg seront ensuite supprimés à compter du 1er juillet 2023, en application de l’article 63 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi énergie-climat ».
B. Les mesures de soutien en faveur des entreprises
De la même manière que pour les consommateurs domestiques, la minoration de l’accise sur l’électricité a bénéficié aux entreprises.
Les entreprises de moins de 10 salariés, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros (M€) et disposant d’une puissance souscrite inférieure à 36 kilovoltampères (kVA) sont éligibles aux TRVe et peuvent donc bénéficier du bouclier tarifaire mentionné supra. Pour les entreprises de la même taille qui disposent d’une puissance souscrite supérieure à 36 kVA, et donc non éligibles aux TRVe, il leur est garanti un tarif moyen de 280 € par mégawattheure (MWh), ou de 230 €/MWh, hors taxe et hors coûts d’acheminement ([7]). Cette dernière mesure est destinée aux entreprises ayant renouvelé leur contrat de fourniture d’électricité en 2022.
Enfin, pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 M€ et qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, un amortisseur électricité permet de prendre en charge jusqu’à 20 % environ de la facture en 2023.
En plus de ces soutiens, il existe un guichet d’aide au paiement des factures. Une entreprise peut demander cette aide pour obtenir des mesures de soutien, par exemple le report du paiement de ses impôts et cotisations sociales, ou encore l’étalement du paiement de ses factures d’énergie. Pour être éligible à ce guichet d’aide, il faut :
– que le prix de l’énergie payé ait augmenté d’au moins 50 % par rapport au prix moyen payé en 2021 ;
– que les dépenses d’énergie représentent plus de 3 % du chiffre d’affaires en 2021, pour la période sur laquelle l’aide est demandée.
Votre rapporteur ne peut qu’inciter les entreprises à se saisir de ces dispositifs en remplissant les formulaires nécessaires. Il rappelle également l’existence des conseillers départementaux à la sortie de crise, ainsi que des services proposés par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) : commissaires aux restructurations et préventions des difficultés des entreprises, médiateur des entreprises.
C. les mesures de soutien en faveur des collectivités territoriales
Les collectivités bénéficient elles aussi de la baisse de l’accise sur l’électricité.
Les plus petites collectivités éligibles aux TRVe, selon les mêmes critères décrits supra pour les plus petites entreprises, bénéficient du bouclier tarifaire électricité applicable aux particuliers.
Plus généralement, a été mis en place un filet de sécurité : les collectivités éligibles peuvent ainsi bénéficier d’une compensation de la revalorisation du point d’indice à hauteur de 50 %, ainsi que d’une compensation « des effets de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation constatée en 2022 » à hauteur de 70 %. De plus, l’article 113 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, issu d’un amendement du groupe Horizons et apparentés, prévoit un soutien complémentaire aux collectivités territoriales éligibles, sous la forme d’une dotation égale à la moitié de la différence entre l’augmentation de leurs dépenses d’approvisionnement en énergie entre 2023 et 2022 et la moitié de la différence des recettes réelles de fonctionnement sur la même période.
Le filet de sécurité est cumulable avec l’amortisseur électricité, dont le fonctionnement a été décrit supra pour les entreprises. L’amortisseur électricité bénéficie à toutes les collectivités qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, quelle que soit leur taille.
III. L’objet de la proposition de loi : assurer un accès à l’énergie aux particuliers, aux collectivités, aux TPE et aux PME, et renforcer la transParence du marché
Le rapporteur salue les mesures conjoncturelles de soutien mises en place par le Gouvernement. Cette proposition de loi souhaite compléter les mécanismes à la main des collectivités et de leurs groupements, des particuliers et des entreprises sur divers points. En particulier, votre rapporteur souhaite renforcer la protection des entreprises et collectivités qui ne sont pas éligibles aux TRVe.
En premier lieu, la proposition de loi propose une solution structurelle qui permet d’assurer que tout consommateur domestique, ainsi que toute collectivité ou groupement et toute entreprise dont le chiffre d’affaires (ou les recettes pour les collectivités) ne dépasse pas 10 M€ et employant moins de 50 personnes, puisse avoir accès à une fourniture d’énergie. C’est l’objet de deux articles de la proposition de loi :
– l’article 1er crée un mécanisme de fourniture de dernier recours en électricité, pour les clients qui ne trouveraient pas de fournisseur ;
– l’article 4 complète la fourniture de dernier recours qui existe aujourd’hui en gaz pour les particuliers, en l’étendant aux collectivités et à leurs groupements et aux entreprises répondant aux critères précédemment mentionnés.
Ainsi, chaque consommateur, y compris s’il est dans une situation financière fragile, pourra se voir proposer un contrat de fourniture. Votre rapporteur, au cours de ses auditions, a eu l’écho de clients à qui des contrats de fourniture étaient refusés en raison de problèmes de solvabilité : la fourniture de dernier recours permettra de répondre à une telle difficulté. Elle inscrit d’ailleurs en droit l’un des engagements mentionnés dans la charte des fournisseurs, qui dispose en son axe 5 qu’un fournisseur doit « Faire au moins une proposition commerciale à destination de tout consommateur professionnel adressable qui en ferait la demande, avec demande de collatéral si nécessaire, étant entendu que l’État va mettre en place une garantie publique permettant in fine de réduire les risques de contrepartie ». En complément de sa proposition de loi, votre rapporteur appelle à la mise en place rapide de ce mécanisme de garantie, prévu à l’article 148 de la loi n° 2022-1726 de finances pour 2023.
Cette mesure est complétée par l’article 3 de la proposition de loi, qui vise à assurer que les consommateurs domestiques, les professionnels et les collectivités puissent avoir accès aisément à un dispositif de médiation.
En second lieu, la présente proposition de loi renforce les informations sur les coûts de fourniture et de production et incite à la réflexion sur la réforme de marché de l’électricité européen. L’article 2 prévoit que la CRE publie à échéance régulière des informations sur le prix de fourniture et le taux de marge des fournisseurs en électricité, à l’instar de ce qui est déjà prévu dans le code de l’énergie pour le gaz naturel. Les articles 5 et 6 sont des demandes de rapport :
– l’article 5 demande un rapport sur l’instauration d’obligations prudentielles sur les fournisseurs, afin d’éviter les défaillances, d’une part, mais aussi pour permettre d’assurer un prix compétitif au consommateur et plus proche des coûts de production ;
– enfin, l’article 6 demande un bilan sur les difficultés rencontrées par les entreprises dans leurs relations contractuelles avec les fournisseurs d’énergie.
— 1 —
Article 1er
(articles L. 121-5, L. 333-4 et L. 333-5 [nouveau] du code de l’énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales)
Création d’un mécanisme de fourniture de dernier recours en électricité
L’article 1er crée un mécanisme de fourniture de dernier recours en électricité, à l’instar de celui qui existe en gaz naturel. Ce mécanisme vise à ce qu’une offre de fourniture puisse être obligatoirement proposée aux clients qui ne trouvent pas de fournisseur. Ce dispositif s’adressera aux clients domestiques, d’une part, et aux entreprises, aux collectivités et à leurs groupements embauchant moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires, le total de bilan annuel ou les recettes est inférieur à 10 M€, d’autre part.
I. L’ÉTAT DU DROIT
1. La loi énergie-climat de 2019 a créé un mécanisme de fourniture de dernier recours en gaz naturel
L’article 63 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite « loi énergie‑climat », supprime les TRV du gaz naturel. Cette suppression est déjà en vigueur pour les consommateurs finals non domestiques et s’appliquera à compter du 1er juillet 2023 pour les consommateurs finals domestiques.
Parallèlement à cette suppression, ce même article 63 instaure un mécanisme de fourniture de dernier recours en gaz naturel. L’article L. 443-9-2 du code de l’énergie qu’il crée dispose que « les clients finals domestiques raccordés au réseau public de distribution de gaz naturel qui ne trouvent pas de fournisseur » pourront souscrire un contrat auprès d’un fournisseur de dernier recours. Ce ou ces fournisseurs seront désignés à l’issue d’un appel à candidatures. Avant la loi énergie‑climat, il existait un fournisseur de dernier recours en gaz naturel uniquement pour les clients non domestiques assurant des missions d’intérêt général ([8]).
Les fournisseurs de dernier recours ainsi désignés seront donc tenus de proposer un contrat de fourniture aux clients concernés, dans les conditions prévues par le cahier des charges.
La possibilité d’une fourniture de dernier recours a été ouverte par la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 ([9]). L’article 27 de cette directive dispose que les États membres doivent veiller à ce que les clients résidentiels et, « lorsqu’ils le jugent approprié », les petites entreprises ([10]) bénéficient d’un service universel ([11]) en électricité, la fourniture d’un tel service pouvant être assurée grâce à la désignation d’un fournisseur de dernier recours.
La fourniture de secours et la fourniture de dernier recours,
deux notions à ne pas confondre
En sus du fournisseur de dernier recours en gaz naturel, la loi énergie-climat de 2019 a également créé le mécanisme de fourniture de secours, tant en électricité qu’en gaz naturel. Il convient de ne pas confondre ces deux notions.
La fourniture de secours a pour objet de désigner un fournisseur qui se substitue à un fournisseur défaillant, ou dont l’autorisation de fourniture a été retirée ou suspendue.
La fourniture de dernier recours a pour objet d’assurer un accès à la fourniture en gaz pour les clients qui ne trouveraient pas de fournisseur.
L’article 30 du décret n° 2021-273 du 11 mars 2021 relatif à la fourniture de gaz naturel et d’électricité précise les modalités d’application du dispositif de fourniture de dernier recours en gaz naturel.
À ce jour, le ou les fournisseurs de dernier recours n’ont pas encore été désignés et le cahier des charges n’a pas été publié. Selon les informations données à votre rapporteur par les services du ministère de la transition énergétique, une consultation est actuellement organisée par la CRE « auprès des fournisseurs et des associations de consommateurs sur les principaux éléments du projet de cahier des charges qui pourrait être proposé au ministère de la transition énergétique. Ils ont jusqu’au 24 février pour formuler des observations. La CRE délibérera ensuite sur sa proposition de cahier des charges ». La CRE a, quant à elle, indiqué à votre rapporteur qu’elle proposera un cahier des charges au ministère de la transition énergétique au premier semestre 2023.
À noter qu’aujourd’hui, aucun mécanisme de fourniture de dernier recours n’est prévu en électricité. En revanche, les TRVe sont maintenus pour les consommateurs finals domestiques ou non domestiques, lorsqu’ils emploient moins de 10 personnes, que leur chiffre d’affaires est inférieur à 2 M€ et que la puissance souscrite est inférieure à 36 kVA (art. 64 de la loi énergie-climat).
2. Modalités de désignation du fournisseur de dernier recours
Le projet de cahier des charges devant permettre de désigner les fournisseurs de dernier recours est élaboré par la CRE et transmis ensuite au ministre chargé de l’énergie, pour validation ([12]). Le cahier des charges doit notamment préciser les zones de desserte à couvrir ou encore les conditions d’exécution du contrat de fourniture. Surtout, il doit préciser des éléments indispensables relatifs au prix du contrat de fourniture – qui demeure librement déterminé –, en particulier le niveau maximal de majoration que le fournisseur peut appliquer en complément. Ce niveau maximal doit permettre de couvrir les coûts additionnels liés à la fourniture de dernier recours, y compris le coût des éventuels impayés.
Les fournisseurs qui ont une proportion de clients domestiques supérieure à 10 % dans la zone de desserte concernée, ou, si aucun des fournisseurs n’atteint cette proportion, supérieure à 5 %, sont obligés de participer à l’appel à candidatures. La participation au mécanisme de fourniture de dernier recours constitue d’ailleurs une obligation de service public pour les fournisseurs, en application de l’article L. 121‑32 du code de l’énergie. Un manquement à une telle obligation est passible de sanctions au titre de l’article L. 443-12 du même code.
Le fournisseur de dernier recours retenu est désigné par arrêté du ministre chargé de l’énergie, pour une durée de 5 ans.
3. Modalités de fourniture en cas de souscription d’un tel contrat
Une fois le fournisseur de dernier recours désigné, il a l’obligation de proposer un contrat de fourniture aux clients qui ne trouveraient pas de contrat en offre de marché. Ces derniers doivent alors attester sur l’honneur, par écrit ou par oral, qu’ils n’ont pas réussi à trouver de fournisseur (art. R. 443-24 du code de l’énergie).
Par ailleurs, aux termes de l’article R. 443-23 du code de l’énergie, le contrat de fourniture de dernier recours peut être résilié sans frais, à tout moment. La fourniture de dernier recours est en effet un dispositif à vocation transitoire. Le fournisseur de dernier recours doit par ailleurs communiquer un certain nombre d’informations sur les spécificités du contrat, notamment sur la majoration tarifaire appliquée (art. R. 443-25 du même code).
II. le dispositif proposé
L’article premier réplique à l’identique pour l’électricité le mécanisme de fourniture de dernier recours qui existe pour le gaz naturel, tout en adoptant un champ d’éligibilité plus large. En effet, la fourniture de dernier recours en électricité s’adressera aux clients – raccordés au réseau public de distribution et qui ne trouvent pas de fournisseur – appartenant aux catégories suivantes :
– les clients finals domestiques ;
– les clients finals non domestiques qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel, le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs groupements, sont inférieurs à 10 M€.
Au-delà de cette extension du champ d’éligibilité, les dispositions législatives sont reprises à l’identique de celles existant pour la fourniture de dernier recours en gaz, notamment :
– l’obligation faite au fournisseur de dernier recours de proposer un contrat de fourniture d’électricité à un client qui ne trouve pas de contrat de fourniture en offre de marché ;
– la désignation du fournisseur de dernier recours à l’issue d’un appel à candidatures, organisé avec l’appui de la CRE ;
– un prix de fourniture de ce contrat librement déterminé, complété d’une majoration permettant de couvrir les coûts additionnels de la fourniture de dernier recours, y compris le coût des éventuels impayés.
Les modalités d’application de l’article seront précisées par décret en Conseil d’État. En se fondant sur les dispositions réglementaires qui ont été prises pour la fourniture de dernier recours en gaz naturel, le prix de fourniture sera un critère déterminant dans la sélection du fournisseur à l’issue de l’appel à candidatures, ainsi que ses aptitudes financières et techniques.
Cet article permet donc d’assurer un accès à la fourniture d’électricité aux clients éligibles, indépendamment de leur situation financière. Ce mécanisme sera opportunément complété par le fonds de garantie prévu à l’article 148 de la loi de finances pour 2023, destiné notamment aux fournisseurs. Il contribuera, in fine, à ce que ces derniers puissent proposer un prix de fourniture et surtout un niveau de majoration optimisés.
III. Les modifications apportées par la commission
L’amendement CE68 du rapporteur adopté en commission précise que sont notamment éligibles à la fourniture de dernier recours les entreprises dont la pérennité économique est menacée ou, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, dont l’exécution de leurs missions de service public est menacée. Cette disposition permet de réaffirmer le ciblage d’une telle mesure vers les petites entreprises et collectivités qui connaissent des difficultés économiques et qui, pour cette raison, ont du mal à trouver un fournisseur d’électricité.
L’amendement modifie également la détermination de la majoration applicable au prix de fourniture par le fournisseur de dernier recours. Il n’est plus indiqué que cette majoration doit couvrir les coûts « additionnels » de la fourniture de dernier recours, mais qu’ils doivent refléter les coûts complets de production de l’électricité. Ainsi, le rapporteur a souhaité souligner l’importance d’un niveau de majoration qui soit lié à de tels coûts, pour permettre une offre qui soit la plus bénéfique possible aux collectivités et entreprises qui en ont besoin.
La commission des affaires économiques a adopté les amendements rédactionnels CE57, CE61, CE55 et CE62, ainsi que l’amendement de coordination juridique CE45, tous déposés par le rapporteur.
*
* *
Article 2
(articles L. 131-4 et L. 131-4-1 [nouveau] du code de l’énergie)
Publication par la Commission de régulation de l’énergie d’informations sur le marché de détail de l’électricité
L’article 2 confie une nouvelle mission à la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Celle-ci devra publier, pour le périmètre de clientèle défini à l’article 1er de la proposition de loi, le prix moyen de fourniture d’électricité ainsi que la marge moyenne réalisée par les fournisseurs d’électricité.
I. L’ÉTAT DU DROIT
En application de l’article L. 131-1 du code de l’énergie, la CRE « concourt au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel au bénéfice des consommateurs finals ». Selon l’article L. 131-2, elle dispose également d’une mission de surveillance des transactions effectuées entre les différents acteurs sur le marché de l’énergie. Elle doit notamment veiller à la cohérence des offres qui sont faites par les producteurs, négociants et fournisseurs, « avec leurs contraintes économiques et techniques ».
L’article 63 de la loi énergie-climat a confié à la CRE une mission de publication, chaque mois, des prix moyens de fourniture de gaz naturel et son évolution pour les clients finals domestiques, ainsi que la marge moyenne réalisée par les fournisseurs concernés (article L. 131-4 du code de l’énergie). À ce stade, cette information n’est pas encore publiée sur le site de la CRE pour le gaz naturel, mais le travail est en cours pour assurer cette publication : votre rapporteur ne peut qu’inciter à prendre les éventuelles mesures réglementaires nécessaires à faciliter sa mise en œuvre, tel que prévu à l’article L. 134-15-1 du code de l’énergie. On peut relever par ailleurs que la CRE a publié de nombreuses informations relatives aux prix de l’énergie depuis l’automne 2021 :
– depuis le gel des TRV, elle publie l’évolution théorique de ces derniers si le bouclier tarifaire n’avait pas été appliqué ([13]) ;
– en fin d’année 2022, elle a publié de manière hebdomadaire des références de prix de fourniture d’électricité pour les PME, les collectivités territoriales et les acheteurs soumis au code de la commande publique ([14]). Cette publication avait vocation à permettre aux entreprises et aux collectivités qui devaient souscrire un contrat de fourniture pour 2023 de disposer de repères objectifs pour estimer si l’offre qui leur était proposée correspondait à la moyenne du marché.
II. Le dispositif proposé
L’article 2 de la proposition de loi confie une nouvelle mission à la CRE, figurant à l’article L. 131-4 du code de l’énergie. À l’instar de ce qui existe déjà en droit pour le gaz naturel pour les clients finals domestiques, la CRE devra publier chaque mois le prix moyen de fourniture et la marge moyenne réalisée par les fournisseurs pour la fourniture des clients éligibles à la fourniture de dernier recours en électricité, à savoir :
– les clients finals domestiques ;
– les clients finals non domestiques qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel, le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs groupements, sont inférieurs à 10 M€.
Cet article permet d’assurer une meilleure transparence sur la réalité des coûts d’approvisionnement des fournisseurs. Il donne aussi les moyens aux entreprises, aux collectivités et aux particuliers de disposer d’un étalon de prix de fourniture, a posteriori, qui leur permet de comparer le prix qui est demandé par leur fournisseur aux prix moyens du marché. Cet étalon peut être un appui précieux lorsque le client souhaite renégocier un contrat dont il juge le prix de fourniture trop élevé.
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté un amendement CE65 du rapporteur qui soumet la CRE à une obligation de publication trimestrielle, plutôt que mensuelle, des prix moyens de fourniture et de la marge moyenne des fournisseurs. Cette périodicité s’appliquera tant pour le gaz naturel que l’électricité. Une échéance trimestrielle est plus adaptée, afin que la CRE dispose de suffisamment de temps pour recueillir et analyser les données nécessaires. De plus, cette périodicité correspond à celle de la publication des observatoires de marchés de détail par la Commission. L’amendement CE65 apporte aussi une modification rédactionnelle.
La commission a également adopté l’amendement rédactionnel CE63 du rapporteur.
*
* *
Article 3
(articles L. 122-1 et L. 122-3 du code de l’énergie)
Élargissement du champ de compétences du Médiateur national de l’énergie aux clients éligibles à la fourniture de dernier recours
L’article 3 étend les compétences du Médiateur national de l’énergie aux clients finals non domestiques qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel, le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs groupements, sont inférieurs à 10 M€. Le Médiateur est déjà compétent pour les clients domestiques et les plus petites entreprises (moins de 10 personnes et de 2 M€ de chiffre d’affaires).
I. L’ÉTAT DU DROIT
A. Les missions du médiateur national de l’énergie
Le Médiateur national de l’énergie (MNE) est une autorité publique indépendante. Ses missions sont précisées aux articles L. 122-1 à L. 122-5 du code de l’énergie. Il dispose ainsi de deux missions principales :
– recommander des solutions aux litiges entre les personnes physiques ou morales et les entreprises du secteur de l’énergie ;
– participer à l’information des consommateurs d’énergie sur leurs droits.
1. La résolution des litiges
Le MNE est compétent pour recommander des solutions aux litiges qui naissent de l’exécution d’un contrat de fourniture d’énergie pour les consommateurs non professionnels, ainsi que pour les consommateurs professionnels appartenant à la catégorie des micro-entreprises, c’est-à-dire les entreprises de moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros.
La saisine du médiateur est gratuite, le seul prérequis étant d’avoir déjà fait une réclamation écrite auprès de son fournisseur, qui n’a pas permis de résoudre le problème. Le MNE dispose alors d’un temps limité pour rendre son avis, fixé à 90 jours (article R. 122-1 du code de l’énergie).
Selon les données communiquées par le MNE à votre rapporteur, ses services sont confrontés à une hausse importante de saisines de litiges (30 521 en 2022, contre 14 548 en 2017), qui se traduit mécaniquement par un allongement des délais de réponse (de 70 jours en 2019 à 145 jours en 2022).
2. Le comparateur d’offres
Le comparateur d’offres ([15]) du MNE est mentionné à l’article L. 122-3 du code de l’énergie. Ce comparateur présente les offres de fourniture en électricité et en gaz naturel destinées à la fois aux clients finals domestiques mais aussi aux clients finals non domestiques souscrivant des puissances limitées :
– à 300 000 kilowattheures (kWh) pour le gaz ;
– à 36 kVA pour l’électricité.
Le comparateur d’offres doit notamment permettre de distinguer les offres comportant « une part d’énergie dont l’origine renouvelable est certifiée », ainsi que les offres à tarification dynamiques le cas échéant. Les offres de fourniture de secours, tant en gaz qu’en électricité, ainsi que la fourniture de dernier recours en gaz naturel, ne figurent pas parmi les offres présentées sur le comparateur.
Les factures d’électricité et de gaz doivent faire état de l’existence du comparateur d’offres du MNE, pour les clients qui sont concernés par celui-ci (articles R. 333-16 et R. 443-39 du code de l’énergie).
B. D’autres dispositifs de médiation existent pour les entreprises et collectivités qui n’entrent pas dans le champ de compétences du médiateur national de l’énergie
En premier lieu, les plus grands fournisseurs d’énergie disposent de leur propre médiateur interne à l’entreprise, qui peut être saisi par tout client ayant souscrit un contrat de fourniture. Il existe ainsi un médiateur chez EDF et un médiateur chez Engie.
Ensuite, il existe un Médiateur des entreprises, rattaché au ministère de l’économie et des finances, qui assure des services de médiation pour les entreprises et les collectivités qui n’entrent pas dans le champ de compétences du MNE. Il s’appuie sur un réseau de 90 médiateurs : environ la moitié d’entre eux sont rattachés aux DREETS en région (médiateurs régionaux) et l’autre moitié sont des bénévoles travaillant auprès du Médiateur (médiateurs nationaux délégués). Il établit également des outils d’information pour les entreprises : par exemple, il a publié une « checklist » énergie ([16]), régulièrement mise à jour, dans le cadre du comité de crise sur l’énergie qui a été mis en place. Ce document propose information et conseils devant permettre de faciliter la prise de décision pour les entreprises confrontées à des difficultés pour souscrire ou payer un contrat de fourniture d’énergie.
Votre rapporteur ne peut qu’inciter les entreprises à se saisir de cet outil très pédagogique.
II. Le dispositif proposé
L’article 3 de la présente proposition de loi étend les compétences du MNE :
– concernant sa mission de recommandation de solutions aux litiges, le MNE serait désormais compétent également pour les entreprises, les collectivités et leurs groupements dont le chiffre d’affaires, le total de bilan annuel ou les recettes sont inférieurs à 10 M€ et qui emploient moins de 50 personnes. Ce périmètre correspond à celui retenu à l’article 1er de la proposition de loi s’agissant de la fourniture de dernier recours en électricité. Actuellement, les seuls clients finals non domestiques dont le MNE traite pour les litiges sont les entreprises avec un CA inférieur à 2 M€ et employant moins de 10 personnes ;
– concernant le comparateur d’offres, les offres de fournitures destinées aux clients finals non domestiques qui y sont présentées ne seraient désormais plus limitées à des seuils de puissance (36 kVA pour l’électricité, 300 000 kWh pour le gaz). En revanche, il est introduit un plafond de nombre de salariés ou d’employés et de chiffres d’affaires, identique à celui qui s’applique pour la mission de résolution des litiges (50 personnes et 10 M€).
Le comparateur devra mentionner le prix moyen de fourniture en électricité que la CRE devra publier en application de l’article 2 de la proposition de loi. La fourniture de dernier recours en électricité, créée à l’article 1er de la proposition de loi, ne figurera pas parmi les offres proposées – une disposition identique est déjà prévue dans le code de l’énergie pour la fourniture de dernier recours de gaz naturel (art. L. 122-3 du code de l’énergie).
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté les amendements rédactionnels CE59 et CE60 du rapporteur.
Elle a aussi adopté l’amendement CE67 du rapporteur. Il a pour objectif que le MNE puisse orienter les collectivités et les entreprises pour lesquelles il sera désormais compétent vers le Médiateur des entreprises, en tant que de besoin.
*
* *
Article 4
(articles L. 121-32 et L. 443-9-2 du code de l’énergie)
Extension du périmètre de la clientèle éligible à la fourniture de dernier recours en gaz naturel
L’article 4 étend le mécanisme de fourniture de dernier recours en gaz naturel, créé par la loi énergie-climat de 2019, à de nouveaux bénéficiaires. Initialement réservé aux seuls clients domestiques, il sera désormais également applicable aux petites et moyennes entreprises et collectivités, par cohérence avec ce qui est créé à l’article 1er en matière d’électricité.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Se reporter au commentaire de l’article 1er de la proposition de loi.
II. Le dispositif proposÉ
L’article 4 étend le champ d’éligibilité de la fourniture de dernier recours en gaz naturel aux clients finals non domestiques concernés par la fourniture de dernier recours en électricité. Alors que la fourniture de dernier recours en gaz naturel ne s’adresse actuellement qu’aux clients finals domestiques, l’article 4 prévoit qu’elle concerne ;
– les clients finals domestiques ;
– les clients finals non domestiques qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel, le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs groupements, sont inférieurs à 10 M€.
Cet article 4 permet donc d’avoir une application de la fourniture de dernier recours sur un même périmètre de clientèle en électricité et en gaz naturel, ce qui apporte une meilleure cohérence entre ces deux dispositifs.
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté les amendements rédactionnels CE64 et CE47 du rapporteur, ainsi que l’amendement de coordination juridique CE46 du même auteur.
*
* *
Article 5
Demande de rapport sur les obligations prudentielles applicables aux fournisseurs d’électricité
L’article 5 demande la remise d’un rapport au Parlement sur l’opportunité d’instaurer des obligations prudentielles aux fournisseurs d’électricité.
I. Le dispositif proposé
La situation particulière sur les marchés de gros et de détail en électricité depuis l’automne 2021 a renforcé l’attention portée au secteur et à la réglementation qui s’y applique.
Dès la fin de l’année 2021, certains fournisseurs ne s’étant pas suffisamment couverts par rapport aux engagements de fourniture pris auprès de leurs clients ont subi une défaillance et laissé ces derniers en grande difficulté. Cela a conduit le Gouvernement à désigner en urgence un fournisseur de secours en électricité ([17]).
Cela conduit légitimement à s’interroger sur la nécessité de mieux réglementer le marché de la fourniture d’électricité. Il n’existe aujourd’hui aucune obligation prudentielle spécifique à ce marché. Cette réflexion s’inscrit également pleinement dans la consultation en cours au niveau européen sur la réforme du marché de l’électricité.
Le développement des moyens de production sur le territoire national et la souscription d’engagements de long terme par les fournisseurs auprès des producteurs, par exemple au moyen de contrats de type power purchase agreement (PPA), sont autant de solutions à analyser.
Dans cette perspective, l’article 5 demande la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement, dans les 6 mois à compter de la promulgation de la loi, sur l’opportunité d’instaurer des règles prudentielles sur le marché de la fourniture d’électricité. Celles-ci pourraient notamment inciter les fournisseurs à se couvrir davantage sur le long terme lors de leurs achats d’électricité.
Cette demande de rapport s’inscrit dans la continuité de l’axe 7 de la charte des fournisseurs : « Mener une politique de couverture des approvisionnements du portefeuille de clients résiliente, compatible avec la capacité du fournisseur à résister financièrement à des variations très fortes de prix de marché et adaptée avec les offres proposées par le fournisseur, en particulier lorsqu’il propose des offres à prix fixe aux clients ».
II. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté l’amendement rédactionnel CE56 du rapporteur. Elle a également adopté l’amendement CE58 du rapporteur, qui associe la Commission de régulation de l’énergie à l’élaboration du rapport. Celle-ci pourra utilement apporter son expertise liée à sa mission de surveillance des marchés de l’énergie pour évaluer l’opportunité d’instaurer des obligations prudentielles aux fournisseurs d’électricité.
*
* *
Article 6
Demande de rapport sur le bilan des difficultés rencontrées par les entreprises, les collectivités territoriales et leurs groupements en matière de fourniture d’énergie
L’article 6 demande la remise d’un rapport au Parlement :
– sur les difficultés rencontrées par les entreprises, les collectivités territoriales et leurs groupements pour faire face à leurs besoins de fourniture d’énergie en 2023 ;
– sur les mesures instituées pour soutenir les petites entreprises face à la crise de l’énergie.
I. Le dispositif proposé
L’article 6 de la proposition de loi a pour objectif d’établir un bilan des difficultés rencontrées par les entreprises et les collectivités territoriales pour s’approvisionner en énergie pour l’année 2023.
Il prévoit donc la remise d’un rapport au Parlement par la CRE, dans les 6 mois à compter de la promulgation de la loi, tant pour recenser les difficultés liées à la souscription ou à l’exécution d’un contrat de fourniture d’énergie pour l’année 2023, que pour synthétiser les actions de soutien mises en place pour soutenir les petites entreprises face à la crise énergétique.
Une telle demande de rapport permettra de tirer les enseignements des dispositifs de soutien conjoncturels mis en place par le Gouvernement.
II. les modifications apportées par la commission
La commission a adopté l’amendement CE66 du rapporteur. Cet article décale la date de remise du rapport au 30 juin 2024 et prévoit que celui-ci est élaboré par le Gouvernement, en association avec la CRE, afin d’assurer que toutes les données nécessaires à l’élaboration de ce rapport seront disponibles. Outre des clarifications rédactionnelles sur le contenu du rapport, il est ajouté que ce dernier devrait aussi étudier des solutions d’accompagnement aux entreprises et collectivités les plus vulnérables lorsqu’elles doivent souscrire un contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.
*
* *
L’article 7 crée un gage classique en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution.
Cet article a été adopté sans modification par la commission.
— 1 —
Au cours de sa réunion du mercredi 15 février 2023, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales en cas de crise énergétique (n° 738) (M. Luc Lamirault, rapporteur).
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons à la proposition de loi visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales en cas de crise énergétique. Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission ; je salue la présence de Mme la ministre de la transition énergétique, qui devra nous quitter vers midi. Sur les soixante-huit amendements déposés, quatre ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution et un au titre de l’article 45.
M. Luc Lamirault, rapporteur. La proposition de loi du groupe Horizons et apparentés que j’ai l’honneur de vous présenter vise à sécuriser la fourniture en énergie des TPE (très petites entreprises), des PME (petites et moyennes entreprises), des collectivités et de leurs groupements. Elle renforce également la transparence dans les prix de fourniture et fluidifie l’articulation entre les dispositifs de médiation.
Nous avons tous été saisis, dans nos circonscriptions, par des entreprises ou des collectivités confrontées à des hausses parfois intolérables des coûts de l’énergie, particulièrement pour celles qui ont dû renouveler leur contrat en 2022. Cela met en péril leur situation financière et leur existence même, menaçant ainsi le dynamisme du tissu économique français et le bon accomplissement des missions de service public.
Je tiens à saluer la mobilisation du Gouvernement, qui a adopté des outils conjoncturels de soutien : bouclier tarifaire pour les particuliers et les plus petites entreprises limitant la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité à 15 % en 2023 ; tarif moyen garanti de 280 euros le mégawattheure (MWh) pour les TPE ayant souscrit une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (kVA) ; création d’un guichet d’aide au paiement des factures, et de l’amortisseur électricité permettant de prendre en charge une part substantielle de la facture. S’agissant des collectivités territoriales, elles bénéficient des TRV pour les plus petites d’entre elles et de l’amortisseur électricité pour les autres. Un filet de sécurité a également été créé afin de prendre en charge l’augmentation de certaines de leurs dépenses.
Outre la question du prix se pose aussi un véritable problème d’accès à l’énergie, raison pour laquelle l’article 1er de la proposition de loi crée un mécanisme de fourniture d’électricité de dernier recours. Un particulier, une collectivité ou une entreprise de moins de 50 personnes et de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires pourra se tourner vers ce fournisseur dès lors qu’il n’en trouve pas sur le marché. La Charte des fournisseurs d’énergie, signée en octobre dernier, prenait déjà un engagement en ce sens ; nous allons pérenniser ce mécanisme en droit.
À cet article 1er, je vous proposerai des amendements permettant d’insister sur l’accès à la fourniture de dernier recours pour les entreprises dont la pérennité économique est menacée, ainsi que de mieux prendre en compte les coûts de production de l’électricité dans l’offre de fourniture.
L’article 4 de la proposition de loi vise, par cohérence, à étendre le mécanisme de fourniture de gaz de dernier recours, qui existe pour les seuls consommateurs domestiques, aux petites entreprises et collectivités. Ce dispositif devrait être opérationnel quand prendront fin les tarifs réglementés de vente du gaz naturel, en juillet prochain ; la Commission de régulation de l’énergie (CRE) m’a confirmé qu’une consultation informelle sur le cahier des charges était en cours. La fourniture d’énergie de dernier recours est un mécanisme structurel qui s’ajoute aux mécanismes de soutien conjoncturel portant plus spécifiquement sur les prix. Ainsi, en cas de nouvelle crise, nous serons mieux préparés.
L’article 2 prévoit la publication régulière, par la Commission de régulation de l’énergie, des prix moyens de fourniture d’électricité et de la marge moyenne des fournisseurs concernant le public éligible à la fourniture de dernier recours – un mécanisme similaire est déjà prévu pour le gaz naturel. Cela améliorera la transparence dans les prix. Je vous proposerai toutefois de passer d’une publication mensuelle à une publication trimestrielle pour laisser à la CRE le temps de collecter les données nécessaires.
L’article 5 propose la remise d’un rapport au Parlement sur la possibilité d’instaurer davantage d’obligations prudentielles pour les fournisseurs afin d’éviter que les consommateurs ne se retrouvent lésés par un fournisseur défaillant. Une telle disposition est dans le droit fil des réflexions en cours sur la réforme du marché de l’électricité au niveau de l’Union européenne, à laquelle la France participe activement. Je souhaite que nous puissions parvenir à un prix de fourniture qui reflète mieux nos coûts de production.
L’article 6 propose un bilan des mesures de soutien décidées par le Gouvernement pour répondre à la hausse des prix, qui recensera les difficultés nées de la souscription ou de l’exécution de contrats de fourniture.
L’article 3 étend les compétences du Médiateur national de l’énergie aux entreprises et aux collectivités éligibles à la fourniture d’électricité de dernier recours. Je vous proposerai un amendement visant à permettre au Médiateur national de l’énergie de faire appel au Médiateur des entreprises pour répondre aux problématiques propres à cette nouvelle catégorie de consommateurs, sachant que ce dernier dispose de représentants en région qui peuvent agir au plus près de nos entreprises et de nos collectivités. Je tiens à souligner le travail extrêmement précieux de ces deux médiateurs, qui travaillent en étroite coopération.
J’espère que l’examen de ce texte nous permettra d’aboutir à un mécanisme opérationnel de soutien aux consommateurs finals qui en ont le plus besoin.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Depuis plus d’un an, dans le contexte de la guerre en Ukraine, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour protéger nos concitoyens des conséquences de la crise énergétique. Face aux boulangers, le mois dernier, le Président de la République a réaffirmé notre engagement pour protéger nos artisans, commerçants et TPE mais aussi les collectivités locales, qui sont des moteurs d’investissement dans les territoires. Des dispositifs massifs ont été déployés, qui n’ont pas d’équivalent en Europe. Ainsi, les boucliers tarifaires ont été étendus : la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité a été limitée à 15 %, évitant une explosion des prix qui se traduirait par un doublement des factures. La baisse de la fiscalité est reconduite cette année, la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) restant positionnée à un niveau minimal. Ce sont 8 milliards d’euros qui reviennent directement à tous les consommateurs.
En outre, la hausse du volume de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), l’année dernière, a permis d’amortir une partie de la hausse du coût de l’électricité pour les acteurs économiques. Le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros en moyenne en 2023 pour toutes les TPE offre une protection et de la visibilité aux entreprises ayant signé un contrat d’électricité en 2022. L’amortisseur électricité permet de prendre en charge 15 à 20 % de la facture pour les PME.
Ces mesures massives de protection, les plus puissantes en Europe pour 2022, coûteront plus de 46 milliards cette année, financés par les recettes provenant des fournisseurs d’énergies renouvelables sous contrat et par le captage des surprofits des producteurs d’énergie français et européens – contrairement à ce que l’on entend ici ou là, nous n’avons pas laissé ces derniers faire des surprofits, dans un contexte de marché inédit : tout est revenu aux consommateurs.
La tentation est toujours grande d’en faire plus mais j’appelle chacun à ne pas céder aux fausses bonnes idées. Non, un prix régulé pour tous n’est pas la solution car il mettrait en péril toute notre chaîne de valeurs et de production. Le type de prix que nous offre l’Arenh sur une partie seulement de notre production énergétique ne peut être étendu à 100 % de notre production d’électricité. Je ne peux pas croire que les députés spécialisés sur ces sujets, dans cette commission, n’en aient pas conscience. Alors poursuivons plutôt le travail engagé pour définir les dispositifs les plus efficaces et les moins coûteux.
Pour consommer de l’électricité, il faut un contrat de fourniture. Or 2 800 consommateurs sont toujours sans contrat. À ma demande, et par dérogation aux règles légales, il n’y a pas eu de coupure, et il en ira ainsi jusqu’au 20 février. Ces consommateurs, qui sont des professionnels – entreprises ou collectivités locales –, ont tous été appelés, à de multiples reprises, par Enedis et par leurs fournisseurs pour se voir proposer des offres. Je comprends bien que ne pas s’engager est confortable mais c’est irresponsable. En outre, c’est contre-productif car ils ne pourront pas bénéficier des dispositifs de soutien.
Nous agissons pour le pouvoir d’achat des Français, pour la compétitivité de nos entreprises et, je veux le dire avec force, pour notre indépendance industrielle, énergétique et politique. La proposition de loi élaborée par le rapporteur Luc Lamirault s’inscrit dans le travail de coconstruction que nous avons entamé avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables. Elle complète les dispositifs du Gouvernement en offrant une protection supplémentaire aux petites et moyennes entreprises et aux collectivités locales, avec la mise en place d’un mécanisme de fourniture d’électricité ou de gaz de dernier recours qui permet de s’assurer que chacun trouve toujours une offre d’énergie au prix le plus raisonnable possible. Elle renforce les outils pour contrôler les pratiques abusives et mieux informer les consommateurs. Elle permet à la Commission de régulation de l’énergie de fixer mensuellement des repères de prix, poursuivant ainsi le travail de lisibilité engagé ces derniers mois.
La proposition de loi offre également une possibilité approfondie de médiation avec les fournisseurs, confortant ainsi le travail remarquable mené par le Médiateur national de l’énergie. Il ne saurait y avoir de transition énergétique sans protection des plus vulnérables.
Enfin, elle s’inscrit dans nos engagements européens. À rebours des caricatures que l’on entend parfois, l’Europe est notre bouclier. Ce sont les interconnexions électriques avec nos voisins qui nous ont permis de ne pas manquer d’électricité en dépit des difficultés de production de ces derniers mois. Le marché européen doit toutefois être amélioré pour favoriser des investissements dans de nouvelles capacités de production peu émettrices de carbone et pour que les consommateurs aient accès à des prix compétitifs dans la durée, qui reflètent autant que possible le coût de production à long terme. Nous avons obtenu, avec le Président de la République et la Première ministre, que la Commission dépose ce semestre une proposition législative européenne en ce sens.
Protection et ambition seront nos mots-clés pour 2023 : protection pour continuer de faire face à la crise et préserver les capacités d’investissement des petites entreprises et des collectivités locales ; ambition pour déployer de nouveaux outils, pour accélérer face aux crises énergétiques et climatiques qui sont devant nous et pour inventer, en Français et en Européens, les nouvelles conditions de notre succès.
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Antoine Armand (RE). Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des efforts accomplis par le Gouvernement et la majorité pour protéger les entreprises et les collectivités locales de la hausse des coûts de l’énergie. La baisse de la TICFE, le bouclier tarifaire, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement permettront de contenir fortement la hausse des prix à laquelle elles sont exposées. Toutefois, la réponse structurelle à la crise sera à trouver dans la révision du marché européen de l’électricité. La France défendra à Bruxelles une réforme ambitieuse visant à découpler les prix de l’électricité et du gaz, à sécuriser nos approvisionnements et à faire en sorte que les prix reflètent réellement les coûts de production sans désavantager le modèle énergétique français.
Malgré les mesures inédites adoptées par le Gouvernement, les plus petites et les plus fragiles des entreprises et des collectivités demeurent dans une situation extrêmement préoccupante, à laquelle cette proposition de loi tente de répondre avec le soutien du Médiateur national de l’énergie et la création d’une fourniture de dernier recours cumulable avec les aides de l’État. Parce qu’elle permettra aux entreprises les plus petites de maintenir leurs activités et aux collectivités locales d’assurer la continuité des services publics, cette proposition de loi du groupe Horizons aura l’entier soutien du groupe Renaissance.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Merci. Je n’ai évidemment pas la prétention de réformer l’ensemble du marché de l’énergie, seulement d’apporter aux plus petits une solution aux difficultés qu’ils rencontrent.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il me semble qu’il s’agit plutôt d’une énième usine à gaz. Les mécanismes que vous avez instaurés constituent une charge pour les générations futures puisqu’ils grèvent le budget de l’État : ce sont les impôts de demain. Quand on dit que l’État aide, ce sont en réalité les Français qui financent la prise en charge de l’explosion du coût de l’électricité.
De plus, vous imputez systématiquement cette hausse à la guerre en Ukraine, ce qui n’est pas vrai. Emmanuel Macron, aux affaires depuis 2012, a activement participé au démantèlement de la filière nucléaire. Il est toujours gênant de voir les pompiers pyromanes proposer des solutions.
En outre, celles-ci sont difficiles à saisir. Entre les mécanismes de contrôle et d’aide à la fixation du prix, je dois reconnaître que je n’ai pas tout compris dans votre proposition de loi, Monsieur le rapporteur, mais je crois qu’une entreprise en difficulté financière aura le temps de mourir dix fois avant qu’une solution lui soit proposée.
Par ailleurs, Mme la ministre nous a expliqué que tout cela serait financé par des taxes infligées à tous ceux qui se sont honteusement gavés ces dernières années grâce à l’augmentation des prix sur le marché européen de l’électricité. Or ce n’est pas ce que je lis dans la proposition de loi, qui gage le financement de ces mesures sur la taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, sans la moindre ligne sur une quelconque taxe concernant les fournisseurs d’électricité. Vous devriez commencer par accorder vos violons.
Bref, il en va pour vous de l’Arenh comme de l’Europe : moins cela fonctionne, plus il en faut !
M. Luc Lamirault, rapporteur. La proposition de loi n’entraîne pas de dépense. La fourniture de dernier recours est financée par le fournisseur lui-même. Nous élargissons les compétences des médiateurs afin qu’ils puissent mieux défendre les entreprises, mais cela n’occasionne pas de coût supplémentaire.
Quant aux charges qui seraient imputées à l’État, Mme la ministre a rappelé que toutes les dépenses du bouclier tarifaire et de l’amortisseur sont financées par des recettes sur les énergies renouvelables.
M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Notre groupe est favorable à toute initiative visant à apporter des réponses aux petites entreprises et aux collectivités face à l’explosion des prix de l’énergie. Chacun se rend compte désormais que la main invisible du marché ne peut assurer un approvisionnement en énergie abordable pour tous et que le système en place arrive à bout de souffle. Il est nécessaire que l’État reprenne la main sur ces questions. Cette proposition de loi est complémentaire et non concurrente de celle de notre collègue Philippe Brun sur EDF, qui a été adoptée en séance le 9 février dernier.
L’accès au dispositif de fourniture d’énergie en dernier recours est une bonne idée. Cependant, cette mesure est corsetée par un appareillage bureaucratique à faire pâlir les plus libéraux d’entre vous. De plus, elle est limitée aux seules petites entreprises et collectivités : autant simplifier et élargir le dispositif à tous. Quelle que soit leur taille, les entreprises peuvent rencontrer des difficultés pour financer leurs contrats d’énergie. De plus, l’ensemble des collectivités locales voient leurs factures d’énergie exploser, avec des hausses de 30 à 500 %. Les mesures actuelles ne suffisent pas : certaines communes ne peuvent plus boucler leur budget, d’autres sont obligées de dégrader la qualité des services, voire d’en fermer certains.
Nous souhaitons donc élargir les tarifs réglementés à l’ensemble des collectivités, faute de tarifs abordables, en procédant en deux temps : d’abord la possibilité pour les petites collectivités et les petites entreprises de bénéficier, à leur demande, des tarifs réglementés de vente d’électricité, puis l’extension du dispositif à toutes les collectivités. Les opérateurs sont en mesure de le supporter.
Nous réservons notre vote sur cette proposition de loi dans l’attente des débats sur les articles, en particulier sur les amendements CE20 et CE21.
M. Luc Lamirault, rapporteur. J’ai restreint ce dispositif aux plus petites entreprises et collectivités car ce sont celles qui en ont le plus besoin. Les autres ont une direction des achats et il serait contre-productif de leur fixer un prix de l’électricité. Certaines grandes entreprises ont réussi à signer des contrats à des prix raisonnables, en 2021 ou début 2022 : pourquoi leur proposer un système dont elles n’ont pas besoin ?
M. Jérôme Nury (LR). La flambée des prix de l’énergie menace la cohésion nationale, ainsi que celle de l’Europe. Depuis des mois, elle grève le pouvoir d’achat des familles et fragilise les entreprises. C’est le fruit de la mauvaise politique énergétique de la France. Nous voici pris au piège.
La présente proposition de loi ne tire malheureusement pas tous les enseignements de la crise et ne s’attaque pas à la racine du problème. Les dispositions proposées sont soit bavardes, soit insuffisantes et une épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de la tête des Français.
S’il est impératif de répondre à l’urgence énergétique, la méthode du Gouvernement n’est pas la bonne. Les Français finiront par payer le plafonnement des prix par la dette, que le Gouvernement gonfle encore et toujours en empruntant de l’argent sans que le marché unique de l’énergie ait été au préalable réformé. La véritable urgence, c’est que la France se batte pour obtenir de la Commission européenne l’autorisation pour les États membres de recourir, dans l’attente d’une réforme du marché, à la dérogation dite ibérique, qui permet à l’Espagne de déroger aux règles communes de fixation des prix en plafonnant le prix du gaz, donc en rendant le prix de l’électricité plus stable et plus abordable. Cela coûterait à la France environ 5 milliards, soit beaucoup moins que les aides actuelles.
À court terme, nous plaidons, comme beaucoup, pour une solution simple et opérationnelle : le déblocage temporaire du plafond de puissance qui encadre l’accès aux tarifs réglementés. Seuls les professionnels ayant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et moins de dix salariés ont actuellement droit à ce tarif, à condition qu’ils souscrivent à une puissance inférieure à 36 kVA. Pourquoi ne pas porter ce plafond à 72 kVA ? Le coût serait compensé à EDF au prix de l’électricité nucléaire, et non à celui du marché. Une telle mesure profiterait à la fois aux artisans, aux commerçants, aux boulangers, aux TPE et aux collectivités, tout en étant moins onéreuse qu’une subvention à un prix artificiel.
En résumé, cette proposition de loi du groupe Horizons et apparentés, pas assez opérationnelle et peu concrète, n’éclaircit nullement l’horizon des Français concernant les prix de l’énergie.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Peut-être n’ai-je pas assez d’ambition mais il m’a semblé qu’une proposition de loi n’était pas le bon véhicule pour réformer le marché de l’énergie. J’ai plus modestement essayé d’apporter une réponse aux plus petits, à ceux qui en ont le plus besoin.
Je pense que Mme la ministre nous fera part des négociations en cours à l’échelon européen. Vous avez évoqué le dispositif dont bénéficie l’Espagne : il me semble que c’est sur ce fondement que la réflexion doit s’engager, mais cela déborde le champ d’une simple proposition de loi.
M. Philippe Bolo (Dem). Par cette proposition de loi, le groupe Horizons et apparentés souhaite renforcer les dispositifs tendant à répondre à l’augmentation et à la volatilité des prix de l’énergie. Pour remédier aux difficultés rencontrées par les ménages, par les entreprises, par les collectivités territoriales et par les associations, deux sortes de mesures ont été prises : des mesures conjoncturelles et des mesures structurelles.
Les mesures conjoncturelles visent plusieurs objectifs : geler les factures, aider à leur paiement, accompagner les renouvellements de contrat. Destinées à répondre à l’urgence, elles ont été complétées par une approche structurelle à l’échelle européenne. La France défend l’émergence d’un marché de l’électricité à prix abordables et proches des coûts de production, dans lequel les interconnexions bénéficieraient à la solidarité européenne.
Deux constats s’imposent : d’abord, il faudra un certain temps avant que les effets des mesures structurelles se fassent sentir, ensuite, certaines situations sont oubliées. C’est notamment le cas des plus petites entreprises, qui ne remplissent pas les conditions pour accéder aux tarifs régulés ou qui peinent à trouver un fournisseur.
La présente proposition de loi leur apporte des réponses. La mesure centrale consiste à désigner un fournisseur de dernier recours pour les plus petites entreprises et les collectivités territoriales. Le dispositif prévoit aussi l’encadrement des tarifs appliqués et assure une plus grande transparence grâce à la publication mensuelle du prix moyen de fourniture d’électricité et de la marge moyenne réalisée par les fournisseurs. Il eût néanmoins été possible d’aller plus loin en la matière, par exemple au moyen de l’affichage des volumes d’Arenh attribués aux fournisseurs alternatifs, afin de mettre en évidence les mauvaises pratiques. Un rapport évaluant l’opportunité d’instituer des obligations pour la couverture des besoins énergétiques des clients est demandé, ainsi qu’une analyse des situations critiques rencontrées durant l’hiver 2022-2023 et un bilan des mesures prises pour y remédier.
Au nom du groupe Démocrate, je vous invite, chers collègues, à adopter ce texte qui complète et renforce les mesures actuelles. Je souhaite également une refonte rapide du marché européen de l’énergie, afin de corriger ses dysfonctionnements exacerbés par la crise énergétique. L’objectif conjugué de toutes ces dispositions est de permettre aux artisans, aux commerçants, aux plus petites entreprises, aux collectivités territoriales et aux associations de bénéficier d’une électricité à un prix qui soit en rapport avec le coût de production. Il nous faudra nous assurer qu’il se répercutera sur les factures des consommateurs : c’est particulièrement important pour un pays comme la France, qui a la capacité de produire une électricité peu chère.
M. Dominique Potier (SOC). Il eût été bienvenu, dans une logique transpartisane de coconstruction, de faire un effort de coordination avec la proposition de loi que nous avons fait adopter la semaine passée dans le cadre de la niche socialiste, et qui vise à apporter des réponses structurelles.
Il existe néanmoins des différences entre les deux textes. Le panégyrique de l’action du Gouvernement que vous faites est bien loin de la réalité du terrain – il suffit de penser à la situation des boulangers. Les articles 1er et 2, qui visent à créer un mécanisme de fourniture d’électricité de dernier recours et à faire assurer par la Commission de régulation de l’énergie la transparence du marché sont de très bonnes initiatives, assurément bienvenues. Nos divergences portent sur l’horizon à moyen terme. Nous réclamons depuis longtemps une remise en cause de l’Arenh, non pour revenir à un marché national, mais pour concevoir un autre marché européen, sécurisé et juste. Nous saluons donc les déclarations de Bruno Le Maire, reprises par Mme Pannier-Runacher à l’instant. Toutefois, elles apparaissent tardives eu égard aux alertes que nous n’avons cessé de lancer depuis l’été dans l’hémicycle.
Nous nous étonnons que les tarifs réglementés ne soient pas étendus aux villes moyennes, aux PME et aux ETI. C’est un défaut majeur de la proposition de loi. Ce que vous dites concernant les centrales d’achat, Monsieur le rapporteur, ne se vérifie pas forcément sur le terrain à propos des PME et des ETI. Dans les villes moyennes, il existe des stratégies très différentes, et toutes ne sont pas fondées sur l’anticipation. Vous qui êtes un élu de terrain et qui connaissez bien les territoires ruraux du Grand Est, vous savez bien qu’une ville moyenne concentre des services publics intercommunaux, ou que certains de ses services propres peuvent être utilisés par d’autres territoires, le tout étant très énergivore. Une petite commune, une fois qu’elle a payé les services municipaux et les dépenses publiques d’éclairage, peut développer assez facilement des stratégies d’économie d’énergie, ce qui n’est pas vrai, du moins à court terme, pour les villes moyennes, qui sont bien plus exposées.
Enfin, conditionner la fourniture d’électricité au règlement des créances passées nous paraît particulièrement injuste. L’énergie est un bien essentiel. Nous déposerons donc des amendements sur ce point.
À ce stade, le groupe Socialistes et apparentés pense s’abstenir lors du vote sur ce texte, mais la bienveillance de la majorité envers des amendements qui nous paraissent essentiels pourrait nous amener à le soutenir.
M. Luc Lamirault, rapporteur. De toute façon, l’Arenh prend fin en 2025 : une réflexion sur ce mécanisme devra donc nécessairement être engagée.
J’admets que j’ai été tenté d’inclure les villes moyennes dans le champ du texte, mais mon objectif est véritablement de cibler les plus petits, ceux qui ne sont pas suffisamment organisés pour pouvoir répondre à la crise.
M. Henri Alfandari (HOR). Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, vous aviez, Monsieur le rapporteur, fait partie de ceux qui avaient souligné le risque d’un arrêt de l’économie réelle, à travers les petits commerces et les petites communes qui, par l’achat public, font fonctionner nombre d’entreprises, notamment de travaux publics. À la suite de ces échanges, le Président de la République a demandé la révision des contrats avec les fournisseurs d’énergie ; et aujourd’hui, nous sommes saisis de cette proposition de loi, qui a le mérite de ne pas manquer sa cible.
Il ne s’agit pas d’engager une refonte du marché européen – non qu’elle ne soit pas nécessaire, mais ce n’est pas le lieu. Prévoir pour les petites entreprises et pour les collectivités territoriales un fournisseur de dernier recours pour l’électricité et le gaz donnera à chacune la possibilité d’obtenir un contrat de fourniture d’énergie à un prix acceptable. En renforçant la transparence des prix et des marges des fournisseurs, vous leur donnez un élément de négociation supplémentaire ; en outre, cela leur permettra de comprendre les mécanismes de marché, ce qui est salutaire. Garantir, sous condition, un accès régulé à l’énergie en cas de crise est essentiel : c’est une des leçons que nous devons tirer de la situation actuelle. Le renforcement du Médiateur national de l’énergie pour qu’il puisse intervenir dans les litiges facilitera la renégociation des contrats, en parfaite cohérence avec les annonces du Président de la République. Enfin, les demandes de rapport concernant d’éventuelles mesures supplémentaires, le renforcement des obligations des fournisseurs et les pistes de réforme du marché seront utiles au Gouvernement pour les négociations à venir sur la régulation du marché européen.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés vous remercie du travail effectué sur cette proposition de loi qu’il soutient.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). S’il est un secteur qui démontre que la main invisible du marché ne protège ni ne régule, c’est bien celui de l’énergie – et ça craint ! D’abord, pour nos industries : je pense, près de chez moi, à Pochet du Courval, à Verescence – 7 millions d’euros de dépenses d’énergie par mois, 70 millions par an, pour 35 millions de masse salariale –, à PTL, leader mondial de l’emballage qui voit ses factures exploser, à Davigel, à Nestlé, à Alpine… Ces boîtes-là ne seront pas plus protégées par votre proposition de loi que par les mesures gouvernementales. Le risque de fragilisation est réel, car les grands groupes actionnaires peuvent décider du jour au lendemain de délocaliser leur production.
C’est un problème aussi pour les villes moyennes, qui sont, Dominique Potier l’a dit, le cœur battant du territoire et qui n’auront pas droit elles non plus à vos mesures de protection. J’ai évidemment en tête le cas de Dieppe, mais on pourrait multiplier les exemples de villes moyennes dont les factures explosent en dépit d’efforts colossaux de sobriété énergétique, ce qui fragilise les services publics.
Enfin, il y a les gens ! Après les retraites, c’est bien à propos de l’énergie que les gens vont vous attraper par le colback, parce qu’ils ne peuvent plus faire face aux factures. On compte 12 millions de précaires énergétiques, et pendant ce temps-là, les énergéticiens sablent le champagne pour fêter leurs superprofits… Cela va exploser !
Vous êtes quelqu’un de sympa, Monsieur le rapporteur, vous faites de votre mieux, mais vous ne réglerez rien avec cette proposition de loi. On n’arrête pas de dire qu’il est urgent de décorréler les prix du gaz et de l’électricité, mais rien ne vient. Le seul bouclier tarifaire qui vaille, plutôt que les chèques énergie qui sont très coûteux, ce sont les tarifs réglementés de vente, mais vous n’en voulez pas. La bonne nouvelle à ce propos, c’est que l’Assemblée a adopté en votre absence la proposition de loi de Philippe Brun ; je vous annonce d’ailleurs que nous allons la reprendre dans le cadre de notre niche pour avancer dans ce domaine. Pour le reste, vous donnez dans la transparence, dans la lisibilité… Très bien, mais les commerçants, les artisans, les boulangers de ma circonscription, qui se demandent comment ils vont passer l’année, ils ne veulent pas de la visibilité, ils veulent être protégés !
C’est une loi molle, une loi à la sauce Dem, composée de mesurettes. Bref c’est une loi qui ne fait pas le taf, permettez-moi de vous le dire avec gentillesse.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Et moi je vous réponds avec gentillesse que ce n’est pas avec mes petits bras que je vais réformer le marché de l’énergie ! La main invisible et la libéralisation du marché de l’énergie ont quand même permis aux entreprises et à certaines collectivités de se procurer au cours des cinq à dix dernières années de l’électricité à 80 ou 90 euros le mégawatt, soit un tarif bien inférieur à celui des particuliers. Pendant longtemps, l’électricité ne fut pas un problème pour la plupart de nos concitoyens. Or ils s’aperçoivent aujourd’hui qu’il faut regarder combien ça coûte et comment ça se produit. La libéralisation du marché pose désormais un problème, que nous essayons de résoudre. La présente proposition de loi n’a que cette ambition.
M. David Taupiac (LIOT). Un mécanisme amortisseur, un filet de sécurité, un guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité, un plafonnement des contrats de fourniture à 280 euros le mégawattheure : la liste des dispositifs d’aide aux entreprises et aux collectivités s’allonge. Et pourtant des milliers d’artisans et de PME sont pris à la gorge par la hausse des prix de l’énergie. Des boulangers mettent la clé sous la porte, des pressings ferment, des charcutiers rendent leur tablier. Du côté des collectivités territoriales, la situation n’est pas plus réjouissante. Des communes se voient obligées de différer, voire de renoncer à certaines dépenses d’investissement. Des gymnases, des musées, des salles de réunion, des piscines publiques ferment ou fonctionnent au ralenti.
Bref, le millefeuille d’aides mis en place par le Gouvernement est mal calibré. Les critères trop stricts laissent de côté un nombre important d’acteurs en difficulté ; la complexité des démarches et l’afflux des demandes empêchent d’apporter un soutien rapide et efficace aux professionnels. C’est pourquoi notre groupe, comme l’ensemble des groupes d’opposition, a défendu lors de la niche socialiste l’élargissement du bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales et des TPE. Nous espérons que cette proposition de loi, qui limitera de manière simple la hausse des prix, ira jusqu’au terme de la navette parlementaire.
Le dispositif de fourniture de dernier recours d’électricité que vous proposez n’est pas sans intérêt : il permettrait aux collectivités territoriales et aux entreprises en situation de crise qui doivent renouveler leurs contrats énergétiques de se fournir à un prix limité. Toutefois, sa mise en application requiert au préalable des négociations avec les fournisseurs d’énergie. Il est à craindre que, s’il est adopté, le dispositif n’entre pas en vigueur avant plusieurs mois, alors que les collectivités et les entreprises ont besoin d’une aide immédiate. Nous estimons en outre qu’il gagnerait à être élargi à d’autres acteurs, le seuil de cinquante salariés et de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires étant trop bas. Ces remarques exceptées, nous sommes globalement favorables, sur le principe, à la proposition de loi.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Certes, il faudra attendre quelques mois avant que le dispositif ne produise ses effets mais, dans l’intervalle, la Charte des fournisseurs d’énergie s’appliquera. Pour le reste, j’ai déjà répondu.
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions individuelles.
Mme Virginie Duby-Muller (LR). Le groupe Horizons et apparentés nous présente un texte qui a pour ambition de faciliter la mise en œuvre des mesures annoncées par le Président de la République pour faire face à la flambée des prix sur le court terme, ainsi que d’éviter que la situation dans laquelle certains acteurs économiques se sont retrouvés à l’automne ne se reproduise. Les petites entreprises essayaient encore de se remettre de la crise du covid lorsqu’elles ont dû faire face à une envolée sans précédent des prix de l’énergie, qui les oblige à augmenter leurs prix, ce qui pénalise clients et ménages. Beaucoup n’y arrivent plus et risquent la faillite. Quant aux collectivités territoriales, elles devaient déjà supporter une charge financière accrue du fait de transferts de compétences sans compensation financière. Ainsi, la hausse de la valeur du point d’indice pour 2023 a eu sur la masse salariale de la ville d’Annemasse, commune de 36 500 habitants, un coût de 1 045 000 euros. À cela s’ajoute une augmentation de 45 % des factures d’énergie – électricité, gaz, chauffage, carburant – soit un coût de 750 000 euros. Ces augmentations grèvent le budget des collectivités, y compris les plus importantes.
Il est urgent de s’attaquer à la racine du problème. La priorité de la France doit être de se battre pour obtenir de la Commission européenne l’autorisation pour les États membres de recourir, dans l’attente d’une réforme du marché, à la dérogation ibérique, qui permet à l’Espagne de déroger aux règles communes de fixation des prix en plafonnant le prix du gaz. Cela coûterait à la France environ 5 milliards d’euros.
M. André Villiers (HOR). Quelle chance ! Nous n’avons pas d’hiver. Les grues sont déjà de retour.
Qu’il faille passer par la fourniture de dernier recours est incompréhensible pour tout le monde – grand public, collectivités territoriales, entreprises. Auparavant, la fourniture d’électricité relevait d’un authentique service public. Malgré toutes les mesures de soutien – que je salue – prises par le Gouvernement, l’opinion publique ne comprend absolument pas la situation tarifaire actuelle, la transparence étant inexistante. L’explosion des prix nourrit les surprofits, de même que l’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz.
La perte de la souveraineté énergétique est la résultante d’erreurs stratégiques, nationales et européennes, tel le mauvais sort fait à la filière nucléaire française. J’espère que toute la lumière sera faite sur cette situation et que l’on déterminera qui en porte la responsabilité. La France a cédé à l’extrémisme du lobby allemand de l’environnement, qui, à force d’entrisme européen, a réussi à saborder notre filière nucléaire alors que l’on continue outre-Rhin à produire de l’électricité à partir du lignite et du charbon.
Si je soutiens la proposition de loi, elle est un peu l’arbre qui cache la forêt.
M. Jean-Pierre Vigier (LR). Nous traversons une grave crise énergétique qui pénalise fortement nos concitoyens, les collectivités territoriales et les entreprises, notamment les commerçants, les artisans, les PME et les TPE. Les aides que vous apportez sont insuffisantes, Madame la ministre. Il faut traiter le mal à la racine et, pour cela, agir dans deux directions : relancer notre politique nucléaire pour avoir de l’énergie décarbonée en quantité et à bon prix quand nous en avons besoin, et décorréler les prix de l’électricité et du gaz à l’échelon européen. À quand une action concrète du Gouvernement sur ces deux points ?
Mme Anne-Laure Blin (LR). Merci, Monsieur le rapporteur, de nous donner l’occasion de parler une nouvelle fois de la crise qui touche principalement nos entreprises. Toutefois, votre texte ne traite pas le mal à la racine. Nous subissons en effet les conséquences des choix politiques précédents, qui nous mènent droit dans le mur. La proposition de loi ne se donne pas les moyens de son ambition. Clairement, elle ne changera rien.
Madame la ministre, ce texte traduit législativement les engagements non tenus du Gouvernement, notamment pour ce qui concerne l’amortisseur électricité. Des artisans boulangers nous ont transmis leurs factures de janvier : très peu d’entre eux ont pu bénéficier automatiquement de cet amortisseur. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a mis en place les procédures nécessaires ?
M. Hervé de Lépinau (RN). Après ceux des entreprises, je voudrais évoquer les problèmes que rencontrent les collectivités. Des services publics ne peuvent plus être honorés. On ferme des piscines ; on va fermer des bibliothèques. Dans certaines classes, notamment dans les zones de montagne, atteindre les 19 degrés « Borne » tiendra de l’exploit. Ne pourriez-vous pas saisir Bercy afin que soit temporairement modifiée la nomenclature comptable des collectivités de sorte qu’elles puissent récupérer la TVA ? À l’heure actuelle, celle-ci ne peut être récupérée que sur les dépenses d’investissement, et non sur celles de fonctionnement.
M. Romain Daubié (Dem). Les mesures présentées sont nécessaires mais il ne s’agit que d’un pansement. Il convient de clarifier les différentes aides. Aujourd’hui, un pâtissier boulanger ne bénéficie pas des mêmes aides qu’un boulanger pâtissier… Et il faudrait aussi traiter les problèmes de fond, comme la relance rapide de la filière nucléaire. Certains territoires ont modifié à cette fin leur schéma de cohérence territoriale et leur plan local d’urbanisme – je pense en particulier à Plaine de l’Ain, où l’on est prêt à participer à la décarbonation de l’énergie.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Madame Duby-Muller, il s’agit en effet d’une urgence. Cette proposition de loi n’a d’autre objectif que de remettre le sujet sur le tapis, et la présence de Mme la ministre parmi nous montre qu’elle y parvient.
Monsieur Villiers, notre pays traverse une crise et il convient d’en tirer les enseignements. Nous nous demandons tous quoi faire aujourd’hui alors qu’il y a trois ans, personne ne se posait la question : les prix de l’électricité étant relativement bas, on avait l’impression que tout fonctionnait bien, sans anticiper que les mêmes mécanismes pouvaient aboutir à des tarifs très élevés. Des négociations sont en cours pour y remédier.
Monsieur Vigier, je suis moi aussi favorable à une relance de la production nucléaire. Nous allons bientôt examiner le projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs. L’urgence n’est pas de savoir qui a eu raison ou qui a eu tort par le passé – la commission d’enquête le dira. Ce qui importe, c’est de faire aujourd’hui le nécessaire pour produire plus d’électricité nucléaire, ainsi que pour décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz.
Madame Blin, je répète que cette proposition de loi n’a pas la prétention de s’attaquer à la racine du mal, mais de relancer le débat sur le sujet.
Monsieur de Lépinau, je trouve votre idée intéressante. Si quelques dépenses de fonctionnement des collectivités peuvent faire l’objet d’exonérations ou de remboursements de TVA, ce n’est pas le cas de l’électricité. Cela supposerait néanmoins d’engager une réflexion européenne sur le sujet.
Monsieur Daubié, j’ai bien conscience que ce texte est insuffisant, mais il s’agit d’une première étape – et tel était bien mon objectif.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Jumel, vous savez mieux que moi que Pochet du Courval et Verescence ont des fours à gaz. Cette proposition de loi ne permettra pas, effectivement, de traiter leurs difficultés à cet égard.
Le texte vise à apporter un remède au niveau français, tandis que le Gouvernement travaille sur des solutions à l’échelle européenne.
Le mécanisme ibérique est financé par une taxe payée par les consommateurs sur leurs factures. C’est une façon de redistribuer le coût de l’électricité entre les consommateurs. Comme Réseau de transport d’électricité l’a indiqué, pour la France, le coût de ce mécanisme serait supérieur aux bénéfices qu’en retireraient les acteurs économiques. Il n’a donc de sens que s’il s’applique à l’ensemble des pays européens, car cela permettrait de prendre en compte le fonctionnement des interconnexions. La France, qui produit aujourd’hui moins d’électricité qu’elle n’en consomme, doit évidemment utiliser les interconnexions. C’est le recours au marché européen qui nous a permis de passer l’hiver sans dommages, parallèlement à nos efforts de sobriété et à la reconnexion des réacteurs nucléaires au réseau. Les interconnexions, qui ont été accrues, ont bien fonctionné et des accords de solidarité européenne, que je salue, ont été conclus.
Des solutions de court terme ont été trouvées par l’État, des solutions d’urgence qui ont permis au consommateur résidentiel français de payer le prix le plus faible d’Europe en 2022. Les TPE qui ont souscrit à une puissance inférieure à 36 kVA bénéficient du même avantage, les autres ne paieront pas plus de 280 euros le mégawattheure en 2023. Ces mécanismes, que vous avez votés, sont financés par le produit des contrats relatifs aux énergies renouvelables, qui se chiffre en dizaines de milliards dans le budget, et par la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, qui est une façon de récupérer les surprofits liés à la volatilité du marché. Autrement dit, la taxation des surprofits réalisés par les producteurs d’énergie en France permet de financer le bouclier énergétique, ce qui, je le rappelle, a été négocié au niveau européen sous l’impulsion, notamment, de la France.
La généralisation du tarif réglementé ressemble diablement à l’Arenh. On ne peut donc pas être contre l’Arenh et pour le tarif réglementé généralisé. L’Arenh est une forme de régulation qui garantit l’accès à une capacité de production française à un prix bas. Soit on considère que ce mécanisme peut être amélioré, et cette amélioration peut prendre la forme d’un dispositif ressemblant au tarif réglementé de vente d’électricité, soit on met en avant ses inconvénients, à savoir le fait que, le mode de calcul de l’Arenh n’ayant pas évolué, EDF n’a pas disposé des ressources nécessaires pour réinvestir.
Parallèlement, il faut engager un travail de long terme pour aller à la racine du problème. Aujourd’hui, nous protégeons plus qu’aucun autre pays en Europe nos TPE et nos ménages résidentiels, ainsi que nos PME grâce au mécanisme amortisseur. Nous ne disons pas que le marché européen de l’électricité fonctionne mal à court terme : il nous a, je le répète, permis de passer l’hiver, alors qu’aux États-Unis par exemple, où le marché est beaucoup moins intégré, le Texas s’est trouvé plongé dans de grandes difficultés. Cela étant, nous sommes à l’origine d’une proposition de réforme de ce marché qui devrait répondre à votre attente. Un texte doit être présenté d’ici au mois de mars.
Je rappelle enfin que les factures du mois de janvier ne sont reçues qu’en février. Je suis preneuse de vos remontées de terrain, que nous traitons une à une avec ma collègue Olivia Grégoire. Mais les fournisseurs se sont engagés à n’envoyer les factures qu’à partir de maintenant, en commençant par les entreprises qui ont demandé à bénéficier du plafonnement à 280 euros le MWh – il leur suffit pour cela de cocher une case dans leur espace client, ce que 40 % d’entre elles ont fait. J’appelle les autres à les imiter. Cela étant, beaucoup des entreprises qui ne se sont pas manifestées bénéficient d’un tarif inférieur à 280 euros du MWh.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE57 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
Amendements CE23 de M. Yoann Gillet, CE12 de M. Sébastien Jumel, CE20 de M. Gabriel Amard et CE61 de M. Luc Lamirault (discussion commune).
M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Votre dispositif se limite aux petites entreprises et collectivités. Nous vous demandons de l’élargir à toutes les collectivités, comme le souhaite l’Association des maires de France. Voilà dix ans que vous refusez de nous écouter, alors que nous vous prévenions qu’on en arriverait à cette situation. Il vous faut tenir compte de la réalité, vous ne pouvez pas toujours avoir un métro de retard. Les collectivités de toute taille sont prises à la gorge. La facture d’électricité de la ville de Rennes est passée, en un an, de 5 à 25 millions. Des services publics ferment, comme les piscines à Issoudun, en pleines vacances scolaires : c’est une aberration.
M. Luc Lamirault, rapporteur. L’amendement CE61 est rédactionnel.
Le dernier recours n’est pas nécessairement une solution pour les grandes entreprises et collectivités ; il pourrait même être contre-productif. Elles ont la structure financière et juridique suffisante pour se défendre. C’est pourquoi je me suis concentré sur les plus petites. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements CE23, CE12 et CE20.
Elle adopte l’amendement CE61.
Amendement CE68 de M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Cet amendement, à mes yeux très important, vise à préciser quelles entreprises et collectivités auront le droit de faire appel au fournisseur de dernier recours. Nous introduisons une référence économique en visant, parmi les clients finals, « notamment ceux dont la pérennité économique est menacée ou, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs groupements, dont l’exécution de leurs missions de service public est menacée ». Par conséquent, l’amendement vise à faire figurer, à l’alinéa 8, les coûts complets de production d’électricité parmi les éléments à prendre en compte dans le cahier des charges de la CRE pour choisir le fournisseur de dernier recours.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.
Mme Anne-Laure Blin (LR). D’un point de vue juridique, je ne vois pas ce que désigne précisément la pérennité économique menacée. Cela signifie-t-il un moindre chiffre d’affaires, un risque de licenciements, de faillite ? C’est une notion très floue.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Il s’agit d’introduire cet élément dans la réflexion, la négociation et la conciliation avec le Médiateur.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE35 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
M. Dominique Potier (SOC). Par cohérence avec la proposition de loi présentée par Philippe Brun et adoptée par l’Assemblée la semaine dernière, nous proposons d’étendre le dispositif de la fourniture en dernier recours à l’ensemble des entreprises de taille intermédiaire et à la quasi-totalité des collectivités, à l’exception de Paris, Lyon et Marseille. En effet, les collectivités d’une certaine taille supportent des charges supplémentaires liées à leur centralité. L’exigence d’égalité républicaine justifie l’extension du mécanisme aux villes moyennes et grandes – sachant que, si elles disposent de tarifs plus intéressants, le dispositif est facultatif. Par ailleurs, le droit européen permet une telle dérogation annuelle ; la proposition de Philippe Brun en prévoit une. Je pense que vous allez m’opposer un argument budgétaire, mais tout est une question d’arbitrage.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Votre amendement ne se heurte pas à un problème budgétaire car, si tel avait été le cas, le président de la commission des finances l’aurait déclaré irrecevable. C’est un choix de ma part d’orienter le dispositif vers les plus petites collectivités et entreprises.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je comprends la volonté d’élargir au maximum le dispositif. Toutefois, le juge ne reconnaîtrait pas cette possibilité et sanctionnerait des contrats de cette nature. Cette disposition, qui n’entre pas dans le cadre juridique européen, ferait donc courir des risques aux villes moyennes et aux entreprises d’une certaine taille. Mes collègues Dominique Faure et Christophe Béchu sont mobilisés pour accompagner les collectivités territoriales, dont la situation est extrêmement hétérogène, entre celles qui ont vu leur potentiel fiscal augmenter, celles qui subissent un effet de ciseau entre dépenses et recettes et celles qui bénéficient des mesures que nous proposons – l’amortisseur, le bouclier et le plafonnement des prix de l’électricité, en plus du filet de sécurité qui leur est propre.
M. Dominique Potier (SOC). Nous interprétons différemment le droit européen. Il nous semble, au groupe socialiste, qu’il permet une dérogation transitoire – et la disposition que nous proposons ne vaut que pour 2023. Par ailleurs, Monsieur Lamirault, permettez-nous de contester votre choix. Un village qui ouvre sa mairie dix heures par semaine et qui éteint l’éclairage public la nuit sera peu affecté par la crise énergétique alors qu’une ville moyenne qui gère une crèche, un gymnase ou un équipement collectif verra ses dépenses flamber. Il faut donc, au minimum, étendre la mesure aux villes moyennes.
M. Thierry Benoit (HOR). L’argumentation de Dominique Potier mérite véritablement réflexion. Il en va d’ailleurs de même pour la discussion précédente : à partir de quand considère-t-on qu’une activité économique est menacée ? Est-ce à partir du moment où on a saisi le tribunal de commerce ? Il faut affiner ces dispositions si l’on ne veut pas que les élus locaux nous tombent dessus d’ici à quelques semaines.
M. Antoine Armand (RE). Nous parlons ici du dispositif de fourniture en dernier recours, qui concerne les cas très spécifiques où le client ne trouve pas de fournisseur. Ce problème n’affecte que les PME et les collectivités de très petite taille. La question de la dérogation se pose, mais il faut faire la distinction entre le sujet des tarifs et celui de la fourniture en dernier recours.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Effectivement, ce dispositif ne peut pas servir à aider les villes moyennes face à l’augmentation de leurs factures. Ce sujet est à approfondir avec Christophe Béchu et Dominique Faure.
S’agissant du dispositif du dernier recours, la directive européenne prévoit que les États membres veillent à ce que tous les clients résidentiels et, lorsqu’ils le jugent appropriés, les petites entreprises, bénéficient d’un service universel, en désignant un fournisseur de dernier recours. Par votre proposition, vous feriez donc courir un risque majeur aux collectivités et aux entreprises qui ne respecteraient pas ce principe.
Enfin, sans revenir sur les 2 800 acteurs sans contrat dont j’ai parlé dans mon propos liminaire, j’ajoute que des milliers de collectivités locales et des millions d’entreprises ont signé des contrats, ce qui est rassurant.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE55 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
L’amendement CE42 de M. Hervé de Lépinau est retiré.
Amendements CE36 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE17 de Mme Martine Etienne et CE16 de M. Gabriel Amard (discussion commune).
M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE36 prévoit que le complément de prix pouvant être demandé par le fournisseur de dernier recours ne peut reposer que sur les seules dépenses opérationnelles liées à ce contrat. Il s’agit d’éviter la rémunération du capital, du back-office, etc.
Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). L’amendement CE17 vise à faire en sorte que les tarifs de l’électricité de dernier recours soient fixés par le Gouvernement directement dans le cahier des charges. En effet, votre proposition de loi prévoit de laisser les fournisseurs d’énergie choisir leur prix librement ; le cahier des charges préciserait seulement le niveau maximal de la majoration que peut appliquer le fournisseur. C’est loin d’être suffisant ou rassurant.
En 2022, TotalEnergies a déclaré avoir perçu un bénéfice de 19,5 milliards. Pendant ce temps, des PME ont dû fermer ou ont été contraintes d’augmenter leurs prix en raison des prix trop élevés de l’électricité. De leur côté, les collectivités ont dû abandonner des activités ou délaisser des services pour faire face à la hausse exorbitante des coûts de l’énergie. Il est difficile de garantir un tarif suffisamment bas, qui profite aux petites entreprises et aux collectivités territoriales, si on laisse les fournisseurs d’énergie choisir librement leurs prix. Les maires nous disent qu’ils n’en peuvent plus. Ils vont devoir rogner sur des activités pourtant essentielles. Les entreprises, quant à elles, ne parviennent plus à joindre les deux bouts. Les dirigeants craignent de perdre le travail de toute une vie parce qu’ils n’arrivent plus à payer leurs factures. Ils ont besoin de prix réglementés, contrôlés et suffisamment bas.
M. René Pilato (LFI-NUPES). Notre groupe propose, par l’amendement CE16, que le prix des contrats de fourniture d’électricité de dernier recours ne soit pas fixé librement par le fournisseur, comme le propose le texte, mais par le Gouvernement, dans le cahier des charges qui s’appliquera aux contrats. Nous entendons ainsi garantir un prix de fourniture de l’électricité de dernier recours accessible et utile aux collectivités et petites entreprises bénéficiaires, c’est‑à-dire un prix suffisamment bas et le plus proche possible des coûts de production, de nature à les protéger des aléas des prix du marché en cas de crise énergétique. D’ailleurs, proposer un tarif de 280 euros le MWh est tout juste scandaleux, puisque c’est sept fois le coût de production de l’électricité qui sort de nos centrales.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Je m’étais fait la même réflexion : c’est pourquoi je vous ai proposé à l’instant l’amendement CE68, qui intègre le coût complet de production.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ces amendements ne résisteraient pas à l’analyse du juge puisqu’ils pourraient conduire par exemple à ce que l’électricité soit vendue à un prix inférieur au coût de production. Par ailleurs, je salue votre soutien à l’Arenh : 42 euros, ça paraît un bon prix pour vendre de l’électricité aux Français ! J’appelle chacun à la cohérence… Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Le mécanisme de la fourniture de dernier recours me fait furieusement penser à l’assureur qui accepte de vous couvrir lorsqu’aucun autre ne le veut, mais moyennant une surprime. Ce que vous proposez à des entreprises et des collectivités en difficulté, c’est un contrat qu’elles paieront plus cher que les autres ! J’aimerais que vous intégriez dans votre réflexion que cette mesure a un petit côté schizophrénique.
M. Antoine Armand (RE). Il est important que les acteurs du marché de l’électricité qui répondent à un appel à candidatures pour être fournisseur de dernier recours puissent appliquer une majoration, compte tenu des contraintes que cela implique. La question est de savoir comment on encadre la majoration. À cet égard, il me semble que l’amendement CE68 propose des modalités satisfaisantes puisqu’il introduit la notion de coût complet de production. Voilà qui devrait vous satisfaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE13 de M. Sébastien Jumel et CE18 de M. Gabriel Amard.
Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). La proposition de loi part d’une bonne intention mais est enserrée dans des contraintes bureaucratiques qui la rendent peu lisible et peu opérationnelle. Ainsi, l’alinéa 9 conditionne l’accès à la fourniture d’électricité de dernier recours par le remboursement des éventuelles créances préalables résultant d’un précédent contrat de dernier recours. C’est évidemment contraire à l’objet du texte, qui vise à aider les TPE et les petites collectivités qui éprouvent des difficultés financières à obtenir de l’électricité. Pourquoi leur demander de payer des dettes avant de bénéficier du contrat alors qu’a priori, elles manquent d’argent ? Nous proposons de supprimer cet alinéa.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Défavorable. Je comprends votre préoccupation mais je crois qu’il faut avoir payé ses dettes pour pouvoir être aidé.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Un certain nombre d’acteurs sur le marché jouent sur le fait que les fournisseurs n’ont pas toujours accès aux fichiers d’impayés, en passant de l’un à l’autre. Les précaires énergétiques sont au contraire souvent ceux qui paient leurs factures avec le plus de diligence, parce qu’ils sont accompagnés et ont le respect de l’institution. Ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les personnes qui souscrivent des contrats.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE37 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE11 de M. Sébastien Jumel (discussion commune).
M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE68 du rapporteur ne satisfait pas notre demande de régulation des surcoûts pouvant être indûment prélevés par l’opérateur de dernier recours. Il fixe un plancher mais ne traite pas la question du plafond.
Étant donné le désordre que l’on connaît depuis quelque temps sur le marché de l’énergie, on ne peut pas reprocher à un opérateur privé, qu’il s’agisse d’un ménage, d’une entreprise ou d’une commune, d’avoir été défaillant à un moment ou à un autre. Dans un marché normal, régulé, la défaillance doit être considérée comme un manque de civisme et sanctionnée comme telle. Mais, dans le chaos actuel, priver la personne d’électricité est complètement disproportionné. Le recours doit être universel. Il existe des procédures légales pour récupérer les impayés.
M. Jiovanny William (GDR-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous avez tenu un propos glaçant. Si l’on n’a pas d’argent, il va de soi que l’on va demander de l’aide ! L’amendement CE11 vise à instituer un droit à une alimentation minimale de 3 kVA, comme le réclame le Médiateur national de l’énergie dans son rapport de 2021.
M. le président Guillaume Kasbarian. M. le rapporteur a simplement dit qu’il fallait payer ses dettes. Je ne trouve pas cela glaçant.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Différentes aides sont proposées aux consommateurs résidentiels, en particulier pendant la période hivernale. Quant aux entreprises et aux collectivités, il me semble logique qu’elles payent leurs dettes pour avoir droit à une aide.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rappelle que ce texte ne s’appliquera pas aux consommateurs résidentiels, et donc pas aux précaires énergétiques dont il a été question. Ces derniers bénéficient en effet du tarif régulé, et il n’est pas question de leur couper la fourniture.
La disposition que vise à introduire l’amendement CE11 est déjà prévue. Un projet de décret, qui fait actuellement l’objet d’une concertation et qui sera prochainement signé, garantira aux consommateurs précaires disposant d’un compteur communicant – ce qui est le cas d’une très grande majorité de Français – une alimentation minimale en électricité pendant soixante jours, hors des périodes de trêve hivernale.
Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Johnny Hajjar (SOC). Il est étonnant d’entendre de tels propos de la part du rapporteur alors que nous avons connu, pendant deux ans et demi, une crise mondiale de l’ampleur de celle du covid. Nous parlons d’entreprises exsangues, en proie à des difficultés passagères dues à la situation extérieure et non à une mauvaise gestion. Elles ont certainement la volonté de régler leurs dettes, mais comment le faire sans argent ? D’ailleurs, chacun sait que les premières années de la vie d’une entreprise sont déficitaires. Les entrepreneurs ont besoin de confiance et de soutien. Il faut apporter ce petit plus qui leur permettra d’investir pour générer des recettes, de maintenir leur activité et de nourrir leur famille, et, ensuite, de payer leurs dettes. C’est tellement rationnel ! Penser qu’il faut d’abord payer ses dettes alors que l’on sort d’une crise majeure, c’est ubuesque.
M. Antoine Armand (RE). Nous n’étions pas en train de débattre de la situation économique des entreprises, mais de nous demander s’il faut avoir payé ses précédentes créances de fournisseur de dernier recours pour avoir de nouveau accès à un fournisseur de dernier recours. Il ne s’agit pas de l’ensemble des dettes de l’entreprise. En adoptant ces amendements, on permettrait au client de ne plus jamais payer ses factures ; ce serait un système de crédit revolving à l’infini.
M. Thierry Benoit (HOR). Parlons de ce boulanger qui se bat contre TotalEnergies depuis le mois de décembre. Le cas est remonté jusqu’au ministère pour obtenir un arbitrage, car l’action du Médiateur n’a pas suffi. Le ministère a demandé à TotalEnergies de suspendre le paiement des factures car l’arriéré atteignait 50 000 euros. Nous voyons tous des cas similaires, chaque jour, dans nos circonscriptions. En l’occurrence, TotalEnergies se comporte en escroc en mettant la pression sur les boulangers. Dans le cas que j’ai cité, le client devra-t-il payer les factures de TotalEnergies, son fournisseur habituel, avant d’avoir accès au fournisseur de dernier recours ?
Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Pourquoi chercher à réduire, par tous les moyens, la portée du soutien à accorder aux entreprises et aux collectivités ? Nos amendements visent, au contraire, à permettre à toutes les collectivités et à toutes les entreprises, y compris les ETI, qui sont en première ligne, de passer cette période. Les intéressés ne se trouvent pas en situation difficile parce qu’ils sont coupables de mauvaise gestion, mais parce qu’ils ont été abusés. Ils ont eu confiance, pendant des années, dans un mécanisme de vente d’électricité géré par le marché et ils ont été trompés. L’État a une responsabilité directe, et les libéraux encore davantage. On n’a pas exigé des entreprises qu’elles remboursent la dette covid, au motif qu’elle était exceptionnelle, avant de reverser des dividendes. Il faut arrêter d’imposer des conditions quand ça vous arrange et de laisser crever les gens !
M. Romain Daubié (Dem). Il s’agit en l’occurrence d’une mesure de faveur, comme on peut en trouver dans le livre VI du code de commerce concernant le redressement judiciaire. Il n’est pas choquant de demander que la facture précédente soit payée. S’y opposer aboutit à maintenir artificiellement en vie des entreprises, ce qui créerait un risque systémique beaucoup plus important.
M. Hervé de Lépinau (RN). Cette mesure entre dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises. Monsieur le rapporteur, si vous instituez ce système, je dirai à mes clients entrepreneurs de saisir le tribunal de commerce, qui garantira un étalement des dettes et obligera le fournisseur à maintenir le contrat, car il y va de la survie de l’entreprise. Par cette fourniture de dernier recours qui se traduit par une surtarification, vous n’aidez pas le client mais contribuez à alourdir le processus.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE15 de Mme Hélène Laporte.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous proposons de supprimer l’obligation imposée à certains fournisseurs de se porter candidats comme fournisseurs de dernier recours. Celui-ci aura un avantage financier, puisqu’il pourra surfacturer : il ne devrait donc pas y avoir de difficulté à en trouver. Soyons logiques !
M. Luc Lamirault, rapporteur. Ce serait contre-productif : nous souhaitons que cette surfacturation soit aussi petite que possible. C’est sur ce critère que le fournisseur en dernier recours sera choisi. Il faut donc un nombre aussi grand que possible d’entreprises candidates.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE62 de M. Luc Lamirault., rapporteur. En conséquence, l’amendement CE49 de M. Gabriel Amard tombe.
Amendement CE21 de Mme Martine Etienne.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Par vos votes, vous montrez que vous préférez protéger le marché à tout prix, de façon dogmatique, plutôt que l’économie réelle. Nous vous parlons de cas que chacun rencontre dans sa circonscription ! Il s’agit de gens qui ont été abusés : on leur a dit qu’ils pouvaient faire confiance à ce mécanisme de marché de l’électricité, que tout se passerait bien, qu’ils paieraient moins. Vous dites que vous n’aviez pas anticipé ces situations, mais nous, nous savions qu’une crise surviendrait, et qu’elle serait dramatique ! Cela fait des années que nous demandons qu’il n’y ait pas de privatisation ni d’ouverture au marché !
Vous êtes en partie responsables de ce qui se passe, et ce que vous trouvez à dire, c’est que s’ils ont des dettes, il faut qu’ils les payent ? C’est inhumain ! Vous méconnaissez ce qu’est la vie d’une entreprise. Je suis moi-même chef d’entreprise, j’ai des employés, j’ai des factures d’électricité… (Rires.) Riez, mais on ne peut pas balancer à un chef d’entreprise qu’il est responsable de la dette covid et de l’inflation des tarifs de l’électricité, qu’il n’a pas droit aux mécanismes de soutien et qu’il n’a que se démerder ! Vous devriez avoir honte. Riez, mais au moins, hier, vous avez compris ce qui se passe quand on se bat face à vous.
M. le président Guillaume Kasbarian. Je n’applique pas le règlement à la lettre, mais vous n’avez pas du tout évoqué l’amendement… Par ailleurs, restons mesurés. Il y a des opinions divergentes dans cette commission. Certains pensent peut-être qu’il ne faut pas rembourser les dettes et qu’il faut les annuler, d’autres pensent qu’elles doivent être payées. On peut exprimer sa position sans dire que les autres sont honteuses ou scandaleuses. Mais je serais ravi de faire un emprunt auprès de votre entreprise et de ne jamais le rembourser…
M. Luc Lamirault, rapporteur. Ma réponse était un peu courte. Je précise qu’il s’agissait bien de dette vis-à-vis du précédent fournisseur de dernier recours.
L’amendement CE21 vise à rétablir des tarifs réglementés de vente pour les clients finals non domestiques : à mon sens, ce serait contre-productif.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de coordination CE45 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
La commission adopte alors l’article 1er modifié.
Amendement CE65 de M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Je propose que la publication par la CRE des prix de fourniture et de la marge moyenne des fournisseurs se fasse tous les trimestres plutôt que tous les mois, afin qu’elle ait le temps d’aller chercher des informations précises.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CE24 de M. Yoann Gillet, CE50 de M. Gabriel Amard, CE29 de M. Fabien Di Filippo, CE63 de M. Luc Lamirault et CE48 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune).
Mme Géraldine Grangier (RN). L’amendement CE24 vise à protéger les clients d’un fournisseur défaillant en assurant une continuité d'approvisionnement.
Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Les collectivités sont toutes affectées par l’augmentation du coût de l’énergie. Or une collectivité mène des projets, investit, parfois en lien avec d’autres collectivités, voire avec d’autres pays – en Meurthe-et-Moselle, avec le Luxembourg par exemple. Je rencontre souvent les maires de ma circonscription : ils sont unanimes pour dire qu’ils n’en peuvent plus, que l’énergie coûte trop cher et qu’ils ont les plus grandes difficultés à boucler leur budget ; ils doivent rogner sur tout et ont du mal à trouver des fournisseurs d’énergie. Les mesures palliatives prises par le Gouvernement ont été tardives et insuffisantes.
C’est pourquoi notre amendement CE50 vise, comme les précédents, à élargir le dispositif présenté ici à toutes les collectivités et à toutes les petites entreprises, afin d’accompagner réellement tous ceux qui en ont besoin.
M. Fabien Di Filippo (LR). Le seuil de cinquante personnes est trop bas. Il faut pouvoir prendre en considération la situation des villes de taille moyenne qui supportent des charges de centralité importantes : ce sont elles qui sont écrasées, car elles n’ont pas les moyens d’une métropole pour lisser les conséquences d’inflation ; elles ne peuvent plus mener de projets, et ne sont aujourd’hui même pas sûres de pouvoir boucler leur budget.
M. Luc Lamirault, rapporteur. L’amendement CE63 est rédactionnel.
M. Fabien Di Filippo (LR). Des villes de 10 000 ou 20 000 habitants dépassent aisément le seuil de recettes prévu, qui est de 10 millions. Elles ne doivent pas être exclues, et c’est pour cela que, dans le même esprit que le précédent, l’amendement CE48 double ce seuil en le portant à 20 millions.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Dans la mesure où nous avons exclu ces collectivités du dispositif prévu à l’article 1er, cela n’aurait pas de sens de les inclure ici.
M. Philippe Bolo (Dem). N’oublions pas que, dans certains départements, les syndicats d’énergie ont mis en place des contrats d’achat groupé. J’ai été vice-président du Syndicat intercommunal d’énergie de Maine-et-Loire, et nous avions lancé un appel d’offres pour que toutes les collectivités, de la plus grande à la plus petite, bénéficient d’une électricité au meilleur prix. Là où cela n’existe pas, il faut inciter les départements à aller dans cette direction car cela aide vraiment les communes à bénéficier de tarifs accessibles.
La commission rejette successivement les amendements CE24, CE50 et CE29, puis adopte l’amendement CE63. Elle rejette l’amendement CE48.
Amendement CE9 de M. Sébastien Jumel.
M. Jiovanny William (GDR-NUPES). Il s’agit de protéger le consommateur contraint de contracter avec un fournisseur de dernier recours en assurant la stabilité des prix. Je rejoins ce qui a été dit tout à l’heure : je conseillerais moi aussi à une entreprise la procédure de surendettement pour éviter le dispositif de fourniture de dernier recours, qui n’est finalement pas si satisfaisant.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Cela revient à imposer un prix administré pour la fourniture de dernier recours, ce qui va contre notre intention. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE1 de M. Sébastien Jumel.
M. Jiovanny William (GDR-NUPES). Cet amendement vise à garantir au consommateur un contrôle strict de l’augmentation des prix.
M. Luc Lamirault, rapporteur. La CRE surveille déjà tout cela de près. L’Arenh devra être réformé, nous en sommes tous conscients, mais il demeure un rempart essentiel contre la hausse des prix. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Amendements CE25 de M. Yoann Gillet, CE51 de M. Gabriel Amard, CE30 de M. Fabien Di Filippo et CE59 de M. Luc Lamirault (discussion commune).
Mme Géraldine Grangier (RN). L’amendement CE25 vise à élargir les missions du Médiateur national de l’énergie afin qu’il puisse intervenir en cas de litige concernant les clients, domestiques et non domestiques, éligibles à la fourniture d’électricité de dernier recours.
M. Fabien Di Filippo (LR). Après le rejet des précédents, mon amendement n’a plus grand sens mais il visait à élargir les mesures prévues par le texte à des PME exportatrices et à des collectivités moyennes, aujourd’hui brisées par les prix de l’énergie.
M. Luc Lamirault, rapporteur. L’amendement CE59 est rédactionnel. Dans la droite ligne de mes avis précédents, je suis défavorable aux autres.
M. Hervé de Lépinau (RN). Une pâtissière de Carpentras, dans ma circonscription, s’est vue demander par son fournisseur d’électricité un dépôt de garantie de 4 000 euros, ce qui n’est évidemment pas tenable avec un chiffre d’affaires mensuel de 16 000 ou 17 000 euros. Et si elle ne paye pas, on la menace d’une rupture du contrat. Voilà où nous en sommes ! Une régulation est nécessaire, car les fournisseurs sont en roue libre. Ils font n’importe quoi en se disant que de toute façon, l’État y pourvoira !
La commission rejette successivement les amendements CE25, CE51 et CE30. Elle adopte l’amendement CE59.
Amendement CE67 de M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Il vise à s’assurer que le Médiateur national de l’énergie, à qui nous donnons la compétence de traiter de ces dossiers, puisse solliciter le Médiateur des entreprises en tant que de besoin. Celui-ci est en effet présent dans chaque région et pourra s’autosaisir, en lien avec le Médiateur national de l’énergie.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CE3 de M. Sébastien Jumel et CE52 de M. Gabriel Amard (discussion commune).
M. Luc Lamirault, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements, par cohérence avec les choix que nous avons déjà effectués.
La commission rejette successivement les deux amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE60 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
Elle adopte l’article 3 modifié.
La commission adopte l’amendement de coordination CE46 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
Amendements CE8 de M. Sébastien Jumel, CE26 de M. Yoann Gillet, CE53 de M. Gabriel Amard, CE31 de M. Fabien Di Filippo et CE64 de M. Luc Lamirault (discussion commune).
M. Fabien Di Filippo (LR). J’insiste à nouveau sur la situation de ces PME qui n’appartiennent pas à de grands groupes mais qui ont plus de cinquante salariés, assurent une production industrielle et exportent. Cet hiver, certaines ont dû arrêter leur activité, ce qui affaiblit l’ensemble de notre économie. Je comprends bien que le dispositif de la proposition de loi ne peut pas être étendu à toutes les entreprises, mais nous devons nous interroger sur ces situations.
M. Luc Lamirault, rapporteur. L’amendement CE64 est rédactionnel.
Je suis défavorable aux autres amendements, car il me paraît préférable d’opter pour le même périmètre pour le gaz et pour l’électricité.
La commission rejette successivement les amendements CE8, CE26, CE53 et CE31. Elle adopte l’amendement CE64.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE22 de M. Gabriel Amard.
Amendement CE19 de Mme Martine Etienne.
M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Il ne faut pas surcharger les dispositifs de règles qui en affaiblissent l’efficacité. Allons donc au bout de la logique du texte : conditionner l’accès à la fourniture de gaz naturel en dernier recours par le remboursement des créances préalables résultant d’un précédent contrat en dernier recours n’a pas de sens. Si les bénéficiaires de ce dispositif, petites collectivités et petites entreprises, ont besoin d’un tel contrat, c’est précisément parce qu’elles n’ont pas les ressources suffisantes pour payer leurs dettes et souscrire un contrat.
M. Luc Lamirault, rapporteur. C’est le même débat que nous avons eu au sujet de l’électricité. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE47 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE54 de M. Gabriel Amard.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE4 et CE6 de M. Sébastien Jumel.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Luc Lamirault, rapporteur.
Amendement CE58 de M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault, rapporteur. L’objet de l’amendement est d’associer la CRE à ce rapport.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Amendement CE66 de M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 6 qui apporte différentes précisions, afin que la CRE puisse faire correctement son travail, en partenariat avec le Gouvernement.
La commission adopte l’amendement et l’article 6 est ainsi rédigé.
Après l’article 6
Amendement CE41 de M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous avons beaucoup parlé du fournisseur d’électricité en dernier recours, et il paraît important d’affiner nos analyses. C’est pourquoi cet amendement demande un rapport de la CRE, six mois après la promulgation de la loi, sur les raisons qui poussent certains clients à avoir recours à ce dispositif. Nous avons évoqué les profiteurs de crise : vérifions si ceux-ci n’auraient pas franchi une ligne jaune.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Le rapport prévu à l’article 6 abordera certainement ce sujet. Avis défavorable.
M. Éric Bothorel (RE). Je trouve juste étrange que le Rassemblement national propose la création d’un index... (Rires.)
M. Hervé de Lépinau (RN). C’est une blague majeure ! Je dis pouce, mais mon petit doigt me dit que cet amendement est vraiment intéressant…
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE32, CE33 et CE34 de M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo (LR). Il y a de profondes divergences entre nos analyses et celles du Gouvernement sur ce qu’est la situation réelle de nos collectivités, notamment des communes. Certaines bénéficient du bouclier tarifaire, avec une hausse limitée à 4 % l’année dernière et à 15 % cette année ; d’autres, celles qui emploient plus de dix équivalents temps plein ou dont le budget dépasse les 2 millions d’euros, voient le coût de l’énergie augmenter jusqu’à 500 %... Il faut une analyse détaillée, et c’est l’objet de l’amendement CE32.
L’amendement CE33 formule la même demande pour les départements, et l’amendement CE34 pour les régions, qui ont la charge notamment des lycées, dont les factures énergétiques explosent.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Les collectivités, c’est vrai, sont confrontées à des hausses importantes du coût de l’énergie. Mais un rapport spécifique pour chaque niveau de collectivité ne me paraît pas utile : celui prévu à l’article 6 traitera de ces questions.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE28 de M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet (RN). Notre pays est confronté à la crise énergétique la plus grave depuis les années 1970. Mais en 1970, on en était sorti par le haut, le gouvernement Messmer ayant eu la brillante idée de lancer un programme de construction de centrales nucléaires qui devait consacrer la souveraineté énergétique de la France et assurer aux entreprises tricolores une bonne compétitivité. Force est de constater que cet héritage a disparu des projets gouvernementaux.
Le marché européen de l’énergie consacre la domination de l’économie allemande, qui repose sur les centrales à charbon et à gaz. Ces énergies étant très coûteuses et donc peu compétitives, les Allemands ont soutenu un dispositif complexe de détermination des prix de l’électricité, indexé sur le gaz. Cela a mécaniquement plombé la compétitivité historique du nucléaire français, au profit de l’industrie allemande – il n’est qu’à voir nos balances commerciales respectives. Avec l’explosion des prix du gaz et, par conséquent, de l’électricité, ce phénomène s’aggrave. Vous vous refusez à tout changement, et ce sont les Français qui paient l’addition. La soumission du Gouvernement à l’Allemagne n’a d’égale que sa capacité à mentir pour dissimuler ce fait incontestable. Votre Europe est construite pour satisfaire les intérêts de nos voisins allemands. Cette attitude est scandaleuse et intolérable pour ceux qui restent attachés à la grandeur de notre pays et à sa souveraineté.
Le présent amendement vise à imposer au Gouvernement la remise d’un rapport sur les possibilités de sortie du marché européen de l’électricité et ses effets attendus, une sortie que nous appelons de nos vœux et qui permettrait aux Français de payer enfin le juste prix.
M. le président Guillaume Kasbarian. Il est important, lorsque l’on défend un amendement, de s’en tenir à son objet. Or votre amendement est loin de ce que vous avez évoqué puisqu’il demande la remise d’un rapport « évaluant la pertinence et les résultats des actions engagées en faveur des entreprises et des collectivités territoriales face à la crise énergétique depuis 2021 ».
M. Luc Lamirault, rapporteur. Votre demande est satisfaite par l’article 6, qui a déjà pour objet la remise d’un rapport sur ce sujet. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE14 de Mme Hélène Laporte et CE27 de M. Yoann Gillet (discussion commune).
M. Hervé de Lépinau (RN). Il s’agit de demander un rapport sur les conséquences pour les consommateurs français d’une sortie du marché européen de l’électricité, comparativement à l’usine à gaz que vous proposez.
M. Yoann Gillet (RN). Je viens de le défendre, j’avais inversé avec mon précédent amendement.
M. Luc Lamirault, rapporteur. Avis défavorable car, comme je l’ai dit, je n’ai pas la prétention de modifier le marché européen de l’électricité.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l’article 7 non modifié.
Titre
Amendements CE43 et CE44 de M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ces amendements, rédactionnels, visent à coller à la réalité du texte. Vous remarquerez que je n’ai pas proposé de rebaptiser ce texte « Usine à gaz » !
M. Luc Lamirault, rapporteur. J’aime bien mon titre… Il correspond mieux à ce que j’ai voulu faire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
M. le président Guillaume Kasbarian. Cette proposition de loi a été adoptée dans le cadre de la procédure de législation en commission. En séance publique, sauf opposition à cette procédure, le président mettra aux voix l’ensemble du texte après examen, le cas échéant, des amendements de coordination ou de correction d’une erreur matérielle, qui sont seuls recevables.
— 1 —
Liste des personnes auditionnées
par ordre chronologique
Médiateur national de l’énergie
M. Olivier Challan-Belval, Médiateur national de l’énergie
Mme Frédérique Feriaud, directrice générale
M. Pierre-Laurent Holleville, chargé de mission
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *
Mme Bénédicte Caron, vice-présidente en charge des affaires économiques
M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales
M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation
Table ronde fournisseurs
Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) *
M. Géry Lecerf, président
Union française de l’électricité (UFE) *
M. Mathias Laffont, directeur usages et territoires – directeur des études
M. Oussama Haned, conseiller énergies renouvelables et réseaux électriques
France Gaz *
M. Thierry Chapuis, président
Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) *
M. Ali Hajjar
M. Pierre Marchal
Union nationale des entreprises locales d’électricité et de gaz (Uneleg) *
M. Didier Rebischung, président
M. Guillaume Pierrat, responsable régulation
Cabinets ministériels
Ministère de la transition énergétique
M. Pierre Jérémie, directeur adjoint
M. Thomas Tardiveau, conseiller réforme des marchés de l’électricité et filière nucléaire
Ministère de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie
M. Pierre Janiszewski, conseiller énergie et sobriété
Mme Agathe Bonnin, conseillère parlementaire
Union des entreprises de proximité (U2P) *
M. Pierre Burban, secrétaire général
Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires
Intercommunalités de France
M. Jean Revereault, président de la commission transitions écologiques
Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
Mme Sophie Mourlon, directrice de l’énergie
M. Timothée Furois, sous-directeur des marchés de l’énergie
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
Mme Emmanuelle Wargon, présidente
M. Aodren Munoz, chargé de mission relations institutionnelles
M. Aurélien Paillard, chef du département marchés de détail
Médiateur des entreprises
M. Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises
M. Nicolas Mohr, directeur général
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
LISTE DES contributions Écrites
Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)
Consommation logement cadre de vie (CLCV) *
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *
UFC-Que Choisir *
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Les prix à terme de l’électricité pour l’hiver 2022-2023 et l’année 2023, Commission de régulation de l’énergie, décembre 2022.
([2]) Rapport spécial « Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après mines et Service public de l’énergie » sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 292).
([3]) Prix du gaz et de l’électricité au premier semestre 2022, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
([4]) https://www.ecologie.gouv.fr/hausse-des-prix-lenergie-toutes-mesures-soutien-mises-en-place-gouvernement
([6]) Charte des fournisseurs d’énergie – 25 engagements pour aider les consommateurs à faire face à la crise énergétique.
([8]) Article R. 121-6 du code de l’énergie et arrêté du 17 mai 2018 relatif à la désignation des fournisseurs de dernier recours de gaz naturel pour les clients non domestiques assurant des missions d’intérêt général.
([9]) Directive (UE) 2019/244 du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché européen de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.
([10]) La directive définit les petites entreprises comme « une entreprise qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros ».
([11]) Le service universel est défini dans la directive comme le droit d’être approvisionné « en électricité d’une qualité définie, et ce à des prix compétitifs, aisément et clairement comparables, transparents et non discriminatoires ».
([12]) Article R. 443-14 du code de l’énergie.
([13]) https://www.cre.fr/Actualites/la-cre-calcule-l-evolution-theorique-des-tarifs-reglementes-de-vente-d-electricite-au-1er-fevrier-2023-avant-application-du-bouclier-tarifaire et https://www.cre.fr/Actualites/la-cre-calcule-l-evolution-theorique-des-tarifs-reglementes-de-vente-d-electricite-au-1er-fevrier-2023-avant-application-du-bouclier-tarifaire
([14]) https://www.cre.fr/L-energie-et-vous/references-de-prix-de-l-electricite-pour-les-pme-et-les-collectivites-territoriales
([16]) https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/la-checklist-energie-pour-accompagner-les-chefs-dentreprise
([17]) Arrêté du 3 novembre 2021 portant nomination à titre transitoire d’un fournisseur de secours en électricité.