N° 1068

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre, relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles,

PAR M. Stéphane Vojetta

Député

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 872.

Sénat :  143, 250, 251 et T.A. 60 (20222023).


 


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SOMMAIRE

Pages

Introduction

I. Andorre : un partenaire aux moyens limités mais au rôle actif

A. Un État original à la présence internationale non négligeable

1. Un statut à part

2. Une présence active dans les instances internationales

B. Des liens étroits avec la France

1. Une relation bilatérale dynamique

2. Un bon niveau de coopération culturelle et éducative

3. Des échanges économiques significatifs

II. Un accord favorisant la mobilité et les conditions de vie des familles des agents diplomatiques

A. Le contexte de l’accord

B. Les stipulations de l’accord

C. Une approbation utile

1. Un accord facilitant la vie des conjoints des agents diplomatiques et consulaires

2. Un accord contribuant à l’objectif d’égalité femmes-hommes

Examen en commission

Annexe :  Texte de la commission des affaires étrangères

 


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   Introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 872, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’un accord entre la France et la Principauté d’Andorre, relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles. Ce texte a été déposé le 16 février 2023, à l’issue de son adoption par les sénateurs, sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Plusieurs accords similaires ont déjà été conclus par la France avec divers pays européens, américains ou africains et approuvés par le Parlement. Cet accord, comme les précédents, vise à faciliter l’exercice d’un emploi par les conjoints ou autres membres de la famille des agents diplomatiques en poste à l’étranger.

Au total, près de 3 000 familles d’agents publics sont susceptibles de bénéficier de ce type d’accords : il s’agit, pour l’essentiel, des conjoints ou partenaires de pactes civils de solidarité (PACS) de personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ou d’agents d’autres administrations en poste à l’étranger (ministère des armées, ministère de l’économie et des finances, etc.).

 

 

 


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I.   Andorre : un partenaire aux moyens limités mais au rôle actif

Andorre est un État frontalier avec lequel la France a des liens particuliers et étroits. Cet héritage historique et culturel doit, autant que possible, être préservé et conforté.

A.   Un État original à la présence internationale non négligeable

1.   Un statut à part

Andorre a une identité propre à laquelle elle se montre particulièrement attachée. Comme l’écrivait déjà André Vilar, il y a un peu plus d’un siècle : « dans un repli des Pyrénées se cache un petit peuple de pasteurs, qui a une histoire, des institutions politiques, des attaches internationales et mérite par là, s’il ne le justifie pas au point de vue du droit strict, le nom de Nation ([1]) ».

Andorre est, aux termes de sa Constitution approuvée par référendum le 14 mars 1993, une « co-principauté parlementaire ». L’évêque d’Urgell et le président de la République française en sont, conjointement et de manière indivise, les coprinces ([2]). La Constitution andorrane qualifie ceux‑ci de symboles et garants de la permanence et de la continuité d’Andorre, ainsi que de son indépendance. Le Conseil général, représentation mixte et paritaire de la population nationale et des sept paroisses, exerce le pouvoir législatif. Il est composé de 28 députés. La Principauté a pour langue officielle le catalan et pour monnaie l’euro. Elle compte actuellement 81 588 habitants, pour une superficie de 468 km².

Membre du parti « Les Démocrates », M. Xavier Espot Zamora a été élu chef du gouvernement à l’issue du scrutin du 7 avril 2019. Il dirige, en l’absence de majorité au Parlement, un gouvernement de coalition avec le parti libéral (détenant trois portefeuilles ministériels) et avec les « Citoyens Engagés » (à qui est confié le ministère de la justice et de l’intérieur).

2.   Une présence active dans les instances internationales

En dépit de ses moyens limités, Andorre joue un rôle actif dans les instances internationales. Elle y défend en général des positions proches de celles de la France, comme c’est le cas concernant la situation en Ukraine, le Parlement andorran ayant adopté le 3 mars 2022, à la quasi-unanimité, un projet de loi fixant le cadre légal nécessaire à la mise en œuvre des sanctions européennes contre la Russie.

Le 28 juillet 1993, Andorre est devenue le 184ème État membre des Nations Unies, rattaché au groupe géographique dit « WEOG » ([3]) (Europe occidentale et autres États). Depuis 2004, la Principauté est membre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de la conférence ibéro‑américaine ([4]). Andorre a d’ailleurs organisé le 27ème sommet ibéro-américain à Soldeu, en Andorre, le 21 avril 2021.

La Principauté d’Andorre a exercé pour la première fois la présidence d’une organisation internationale, celle du Conseil de l’Europe, du 9 novembre 2012 au 16 mai 2013. Les priorités de sa présidence ont porté sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’Homme, sur la promotion de la convention européenne des droits de l’Homme, ainsi que sur la jeunesse. Le 11 juin 2020, Andorre est également devenue le 42ème membre de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB).

Un accord d’association est par ailleurs en cours de négociation avec l’Union européenne depuis mars 2015. Rappelons en effet qu’Andorre n’est membre ni de l’Union européenne, ni de l’Espace économique européen, ni de l’espace Schengen. L’objectif des deux parties est de finaliser l’accord d’association avant la fin de l’année 2023, sous présidence espagnole de l’Union européenne. Les points les plus délicat des négociations portent notamment sur la liberté de circulation des personnes et le maintien en Andorre d’opérateurs publics uniques en matière d’électricité et de télécommunication.

Ajoutons que, confrontée à des critiques en matière de transparence financière, Andorre a ratifié le 25 août 2016 la convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et signé, avec une vingtaine de pays, des accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale.

B.   Des liens étroits avec la France

Associant acteurs publics et privés, la coopération franco‑andorrane couvre notamment les champs de l’économie, de l’environnement, de l’éducation et de la santé. Elle est portée par la présence sur place d’une communauté française de 3 655 résidents ([5]). Un comité de dialogue transfrontalier se tient chaque année.

1.   Une relation bilatérale dynamique

La vitalité de la relation bilatérale entre la France et Andorre s’est traduite au cours des dernières années par la signature de plusieurs accords importants. En 1993, la Principauté a conclu avec la France et l’Espagne un traité tripartite de bon voisinage, d’amitié et de coopération qui lui assure une garantie en cas de menace ou de violation de sa souveraineté ou de l’intégrité de son territoire et qui lui donne la faculté de se faire représenter diplomatiquement auprès de pays tiers par la France ou par l’Espagne.

Deux autres accords, l’un de coopération et d’assistance mutuelle en matière de sécurité civile, et l’autre de coopération douanière et policière, ont été signés en 2014. Enfin, le 22 mars 2017, un accord a été signé concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon‑sur-Ariège et la frontière franco-andorrane. Il a pour ambition de favoriser l’accès à Andorre depuis le côté français et à réduire l’enclavement de la Principauté au cœur du massif pyrénéen ([6]).

Le dynamisme de la relation bilatérale entre la France et Andorre se manifeste aussi dans des visites et des discussions régulières, tant au niveau des ministres que des premiers ministres. Le président de la République Emmanuel Macron, de son côté, s’est entretenu avec le nouveau chef de gouvernement Xavier Espot le 18 juin 2019, puis a effectué une visite dans la Principauté en sa qualité de coprince le 13 septembre suivant.

2.   Un bon niveau de coopération culturelle et éducative

Le système d’enseignement français fait partie intégrante du service public d’éducation en Andorre, où il coexiste avec les systèmes andorran et espagnol. Aux termes d’une convention franco‑andorrane du 11 juillet 2013, un fonctionnaire, relevant du ministre français chargé de l’éducation nationale, est délégué à l’enseignement français en Andorre.

Le système d’enseignement français comprend onze écoles et un établissement du second degré, composé d’un collège avec une section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et d’un lycée avec filières générale et professionnelle. À la rentrée 2022, 1 902 élèves y étaient scolarisés dans le premier degré et 1 591 élèves dans le second degré (pour 132 enseignants du premier degré et 135 enseignants du second degré).

Les établissements sont placés sous la responsabilité́ d’un délégué́ à l’enseignement français en Andorre, le représentant du ministère de l’éducation nationale en Andorre. L’enseignement dispensé est conforme à celui des établissements publics de la République française ; il est sanctionné par des diplômes français. Pour permettre un renforcement de l’enseignement de la langue catalane, de l’histoire, de la géographie et des institutions de la Principauté d’Andorre, il fait l’objet de mesures d’aménagement.

La convention franco-andorrane du 11 juillet 2013 prévoit que les personnels affectés dans la principauté́ d’Andorre sont soumis aux dispositions statutaires qui les régissent et prévoit aussi des aménagements qui prennent en compte :

— le système éducatif particulier andorran avec la coexistence des trois systèmes éducatifs andorran, espagnol et français ;

— les dispositions de la loi scolaire andorrane.

Le gouvernement de la principauté́ d’Andorre fixe par ailleurs son propre calendrier scolaire prenant en compte les trois systèmes éducatifs.

3.   Des échanges économiques significatifs

Second partenaire d’Andorre après l’Espagne, la France était, en 2022, le deuxième fournisseur de biens pour Andorre avec 11,4 % des importations andorranes (derrière l’Espagne qui en a fourni 65,8 %, mais devant l’Allemagne, 5 %, et la Chine, 3 %). Elle était aussi le deuxième client d’Andorre, en étant destinataire de 5,8 % de ses exportations (derrière l’Espagne qui réceptionnait 76,8 % des exportations de biens andorrans). Le taux de chômage est extrêmement bas ([7]). Les secteurs les plus porteurs en termes d’emploi sont ceux du commerce et du tourisme, ainsi que de la construction et de la banque.

Plusieurs entreprises françaises ou européennes sont implantées en Andorre. On peut citer ainsi Commencal, une entreprise de construction de vélos tout terrain (VTT) de haut niveau fondée et dirigée par un Français. On trouve aussi des entreprises françaises dans le tourisme (groupe Accor avec Novotel et Mercure), dans le secteur financier et des assurances (AXA) et dans la grande distribution (Carrefour, Leclerc). Au total, toutefois, les entreprises françaises demeurent relativement peu nombreuses.

Si la France reste un interlocuteur majeur d’Andorre, l’attention du rapporteur a toutefois été attirée sur un certain fléchissement du partenariat franco‑andorran, au plan économique mais aussi culturel, au profit d’un rapprochement avec l’Espagne. La Catalogne, en particulier, a réussi à devenir le partenaire quotidien d’Andorre, en s’appuyant sur une proximité géographique, culturelle, démographique et linguistique. De nombreux ressortissants espagnols ont été nommés à des responsabilités clefs, y compris dans l’administration publique ou au sein d’organes de supervision et de contrôle. Sur une population comprenant environ 45 000 ressortissants étrangers, 28 015 sont des résidents espagnols ([8]). Les étudiants d’Andorre, même lorsqu’ils ont fait leur cursus secondaire au lycée français, choisissent souvent de poursuivre leur formation dans les universités espagnoles. La génération montante, formée pendant vingt ans en Espagne, a ainsi moins d’attaches avec la France. Il y a là un point de vigilance qui devrait appeler une réaction de la part des autorités françaises.


II.   Un accord favorisant la mobilité et les conditions de vie des familles des agents diplomatiques

L’accord dont il est question d’autoriser l’approbation vise à faciliter l’accès au marché du travail des membres des familles des agents des missions officielles. Ceux‑ci s’en trouvent en effet parfois empêchés du fait de leur statut diplomatique ou consulaire. Les négociations ont été engagées en 2017 à l’initiative d’Andorre. Signé le 4 mai 2021 par l’ambassadeur de France et par la ministre des affaires extérieures de la Principauté, l’accord n’a pas encore, à ce jour, été approuvé par la partie andorrane.

A.   Le contexte de l’accord

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, relatives aux relations diplomatiques et consulaires, confèrent des privilèges et des immunités aux conjoints (et aux autres membres de la famille) des représentants d’un État en mission officielle dans un autre État. Elles ne leur interdisent pas le travail rémunéré. Toutefois, le statut spécial des personnes concernées (autorisées à séjourner en vertu d’un titre de séjour dérogatoire au droit commun) et leurs immunités, en particulier pénales, sont de nature à faire obstacle à l’exercice d’une activité salariée dans le pays d’accueil. Les employeurs sont en effet réticents à embaucher des personnes jouissant de telles immunités.

C’est pour répondre à ces difficultés que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a engagé depuis plusieurs années une action visant à aider les membres des familles du personnel diplomatique et consulaire à poursuivre leur carrière à l’étranger. Cette action passe notamment par la conclusion de conventions bilatérales prévoyant la délivrance, par les autorités du pays d’accueil, d’une autorisation de travail aux personnes à charge des membres des missions officielles. À ce jour, 27 accords ont été signés, par exemple avec le Canada, l’Argentine, le Brésil, l’Australie, le Sénégal ou encore la Roumanie. Des accords sont également proches d’être signés avec le Sri Lanka, l’Ukraine, la Bosnie‑Herzégovine, le Guatemala, le Vietnam et les Émirats arabes unis. Il s’agit bien entendu de textes conclus sur une base de réciprocité, chaque État permettant aux conjoints (pour l’essentiel) des agents diplomatiques et consulaires de l’autre État d’accéder à son marché de l’emploi, tout en conservant leur statut spécifique. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères veut encore accroître le nombre de ces conventions pour porter à 80 le nombre de pays au sein desquels les membres des familles des agents des missions officielles pourront ainsi accéder plus facilement au marché du travail.

Avec un certain nombre d’États, si de tels accords n’ont pas été conclus, des notes verbales ayant valeur de déclarations d’intention ont en revanche été échangées, selon une approche plus souple et pragmatique. Chaque État s’y engage à examiner avec bienveillance les demandes d’autorisation de travail qui lui seraient présentées par la mission diplomatique de l’autre État. De telles notes ont été échangées avec Singapour, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Japon ou encore le Mexique.

Selon le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, environ 700 conjoints d’agents affectés à l’étranger exercent actuellement une activité professionnelle. En 2022, ce sont 70 ayants droit d’agents étrangers qui ont bénéficié d’une autorisation de travail en France.

Précisons que ces dispositifs ne sont pas nécessaires dans l’Union européenne et l’Espace économique européen (EEE) sur le territoire desquels les conjoints d’agents diplomatiques et consulaires peuvent accéder librement au marché de l’emploi dans le respect de la législation locale.

B.   Les stipulations de l’accord

Les stipulations de l’accord du 4 mai 2021 sont très largement similaires à celles des accords de même nature déjà conclus par la France. Les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle de l’État d’envoi sont autorisés à exercer une activité professionnelle dans l’État d’accueil (article 1er).

L’article 2 définit avec précision les quatre principales notions figurant dans l’accord. Les « missions officielles » sont « les missions diplomatiques régies par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ». Le « personnel » visé désigne « les agents diplomatiques et consulaires, ainsi que les membres du personnel technique et administratif, qui exercent des fonctions officielles dans une mission officielle de l’État d’envoi et qui ne sont ni ressortissants ni résidents permanents dans l’État d’accueil ». Les « membres de la famille » peuvent être « le conjoint ou partenaire lié par un contrat d’union légale », « les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans ou présentant un handicap physique ou mental, qui vivent à la charge de leurs parents » et « tout membre de la famille déclaré sous tutelle ou curatelle par le biais d’une décision judiciaire qui présente un handicap physique ou mental » (cette dernière catégorie n’est pas systématiquement mentionnée dans ce type d’accords et constitue donc, en l’espèce, un plus). Enfin, par « activité professionnelle », il faut entendre « toute activité professionnelle salariée, qui implique la perception d’un salaire résultant d’un contrat de travail régi par la législation de l’État d’accueil, ou non salariée impliquant l’obtention d’un bénéfice économique ».

L’article 3 détaille la procédure de demande d’une autorisation de travail : note verbale adressée par la mission officielle de l’État d’envoi au ministère des affaires étrangères de l’État d’accueil, vérification par l’État d’accueil de la satisfaction des conditions requises, note verbale de l’État d’accueil à la mission officielle de l’État d’envoi l’informant que le membre de la famille est autorisé à exercer une activité professionnelle. L’autorisation peut être refusée dans les cas où, pour des raisons de sécurité, d’ordre public ou de sauvegarde des intérêts de l’État, seuls des ressortissants de l’État d’accueil peuvent être embauchés.

Le membre de la famille concerné est soumis à la législation sociale et fiscale de l’État d’accueil. L’autorisation accordée ne le dispense pas de satisfaire aux exigences, procédures ou obligations liées à l’activité en cause, en termes par exemple de diplômes ou de qualifications professionnelles. Par ailleurs, elle ne confère à son titulaire aucun autre droit lié à la résidence (article 4). Si l’accord permet l’exercice d’une profession libérale, il ne dispense donc pas, dans le cas d’une profession réglementée, de l’obligation de respecter les conditions d’exercice de cette profession, tant en matière de qualification que d’autorisation spécifique d’exercice ou d’inscription au tableau de l’ordre compétent.

L’autorisation d’exercer un emploi cesse lorsque l’activité professionnelle de la personne ou les fonctions diplomatiques ou consulaires de l’agent prennent fin ou, le cas échéant, lorsque le titulaire de l’autorisation cesse d’avoir la qualité de membre de la famille (article 5).

Le bénéficiaire de l’autorisation ne peut, pour toute question relative à son emploi, se prévaloir d’une immunité de juridiction civile ou administrative (article 6). Il bénéficie en revanche, pour les actes réalisés dans le cadre de cet emploi, d’une immunité de juridiction pénale. Cependant, en cas de délits graves commis dans le cadre de l’activité professionnelle, l’État d’accueil peut demander la levée de cette immunité et l’État d’envoi doit alors considérer sérieusement la demande qui lui est faite d’y renoncer (article 7).

En France, les dispositions de l’accord s’appliquent aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées non seulement dans les territoires métropolitains mais aussi dans les départements de la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte (article 8).

Tout différend lié à l’accord est réglé par des négociations entre les parties par la voie diplomatique (article 9).

Enfin, l’article 10 énonce un certain nombre de modalités classiques concernant l’entrée en vigueur, la modification et la dénonciation de l’accord.

C.   Une approbation utile

1.   Un accord facilitant la vie des conjoints des agents diplomatiques et consulaires

L’accord soumis à l’autorisation d’approbation de l’Assemblée nationale permettra de faciliter la vie quotidienne des familles du personnel diplomatique, consulaire et technique, tant du côté français que du côté andorran. La possibilité pour le conjoint de poursuivre sa carrière professionnelle est un critère de plus en plus décisif dans la décision d’expatriation. Les interruptions de carrière, en effet, nuisent à la cohérence et à la performance des parcours professionnels et portent préjudice à l’objectif de parité entre conjoints.

En Andorre, le coût de la vie est élevé, en particulier pour ce qui est de l’immobilier, alors que l’indemnité d’expatriation versée aux agents qui y sont affectés est la plus faible pour une mobilité en Europe (avec celle destinée aux agents affectés à la Principauté de Monaco). La possibilité pour le conjoint d’exercer un emploi sur place permettra donc aux familles de disposer d’une source complémentaire de revenus.

Profitant principalement aux conjoints, l’accord bénéficiera également aux enfants de 18 ans à 21 ans (âge limite de la délivrance en France d’un titre de séjour spécial), désireux d’acquérir une première expérience professionnelle.

Certes, en l’espèce, la portée concrète de l’accord peut paraître modeste dans la mesure où les missions respectives des deux pays ont des effectifs limités. L’ambassade de France en Andorre ne compte ainsi que quatre agents. L’ambassade d’Andorre en France compte également quatre agents enregistrés au protocole du Quai d’Orsay, auxquels il convient d’ajouter deux agents affectés auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg. L’approbation de l’accord du 4 mai 2021 permettra à leurs conjoints, s’ils le souhaitent, d’exercer une activité professionnelle, ce qu’aucun jusqu’à présent n’a fait. Elle permettra aussi de renforcer l’attractivité du poste diplomatique en Andorre, confronté à des difficultés de recrutement liées au coût élevé de l’immobilier ainsi qu’au montant peu incitatif de l’indemnité d’expatriation.

2.   Un accord contribuant à l’objectif d’égalité femmes-hommes

L’accord dont il est demandé l’approbation, même s’il n’établit pas de distinction sexuée entre les membres de famille, est en pratique de nature à promouvoir concrètement l’égalité entre les femmes et les hommes.

En effet, comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi d’approbation : « à l’avenir, sur les quatre agents français et quatre agents andorrans présents en ambassade, l’accord est susceptible de bénéficier davantage aux conjoints féminins, la proportion de conjoints masculins accompagnant un agent à l’étranger étant plus faible que la proportion de conjoints féminins (48,32 % d’agents féminins en couple à l’étranger contre 71,31 % d’agents masculins) ».

L’accord franco-andorran du 4 mai 2021 s’inscrit donc dans le cadre du plan d’action triennal (2021-2024) du Quai d’Orsay en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dont l’élaboration et la mise en œuvre sont prévues par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et dont l’axe 3 vise à « favoriser l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale ([9]) ».

 


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   Examen en commission

Le mercredi 5 avril 2023, à 9 heures, la commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles (n° 872).

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. À l’instar d’un accord similaire passé avec le Kosovo, dont nous avons récemment débattu, l’accord dont il est ici question d’autoriser l’approbation s’inscrit dans la stratégie, engagée en 2015 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, visant à permettre aux conjoints des agents affectés à l’étranger de travailler sur place sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire ou de certaines immunités associées.

Au total, plusieurs centaines de familles d’agents publics pourraient bénéficier de ce dispositif, essentiellement des conjoints – ou partenaires de pacte civil de solidarité (PACS) – de fonctionnaires du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Dans le cas de l’Andorre, sa portée s’annonce très limitée, puisque l’ambassade de France en Andorre et son homologue andorrane à Paris comptent chacune quatre agents expatriés, deux agents andorrans étant de surcroît en poste à Strasbourg. Autant dire que nous faisons dans la dentelle…

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je me réjouis d’avoir l’occasion de parler de l’Andorre car ce n’est pas tous les jours que cela arrive : la principauté, si proche de nous à tant d’égards, est sans doute le moins connu de nos voisins – même le Luxembourg, représenté ici, en quelque sorte, par Philippe Guillemard, dont la circonscription est frontalière, l’est beaucoup plus…

Il m’appartient donc de vous présenter l’accord conclu par la France avec la Principauté d’Andorre concernant l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles. Cet accord, négocié à l’initiative de l’Andorre, a été signé le 4 mai 2021. Son approbation a déjà été autorisée par le Sénat ; il nous est demandé d’en faire de même.

L’Andorre est une « coprincipauté parlementaire » dont l’évêque d’Urgell – ville frontalière située du côté espagnol – et le président de la République française sont les coprinces. Elle a pour langue officielle le catalan et pour monnaie l’euro. Le pays n’appartient pas à l’espace Schengen, ce qui explique l’existence de postes-frontières, dont la traversée est problématique en cas de forte affluence. En dépit de sa taille modeste, l’Andorre est active dans les instances internationales. Elle est membre des Nations Unies et de l’Organisation internationale de la francophonie, et a déjà exercé la présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.

Nos liens avec l’Andorre sont étroits. Le système d’enseignement français y fait partie intégrante du service public, où il coexiste avec les systèmes andorran et espagnol ; 3 500 élèves environ y sont scolarisés. Pour mettre les choses en perspective, je précise que 75 000 personnes environ résident en Andorre, dont une majorité d’étrangers : Espagnols, Portugais et Français, principalement.

La France est le deuxième client et le deuxième fournisseur d’Andorre, très loin derrière l’Espagne – hélas ! –, mais devant l’Allemagne et la Chine. La vitalité de la relation bilatérale entre nos deux pays s’est traduite par la conclusion de plusieurs accords importants au cours des dernières années, notamment un traité tripartite de bon voisinage, d’amitié et de coopération incluant aussi l’Espagne, et deux accords signés en 2014, l’un de coopération et d’assistance mutuelle en matière de sécurité civile, et l’autre de coopération douanière et policière.

Un sujet compte encore plus pour les Andorrans : le soutien de la France au processus devant mener à un accord d’association avec l’Union européenne. Monaco, autre pays situé dans ma circonscription, est engagé dans le même processus, ainsi que Saint-Marin.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Que des paradis fiscaux !

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Pas seulement ! Les Français qui habitent à Monaco sont des contribuables français et restent résidents fiscaux français. Monaco est tout sauf un paradis fiscal pour eux.

Si nous restons un interlocuteur majeur pour l’Andorre, nous sommes néanmoins en perte de vitesse par rapport à notre voisin espagnol. En 2022, l’Espagne a fourni plus de 65 % des importations de biens de l’Andorre et a été destinataire de plus de 76 % de ses exportations de biens, loin devant nous. La Catalogne, en particulier, a réussi à devenir le partenaire quotidien de l’Andorre, en s’appuyant sur une proximité géographique, culturelle, démographique et linguistique. Les résidents espagnols sont sept fois plus nombreux que les résidents français et un grand nombre de ressortissants espagnols ont été nommés à des responsabilités clés dans la Principauté. En outre, des représentants de la diaspora andorrane font souvent carrière en Espagne, notamment à Barcelone, puis reviennent en Andorre pour y exercer des postes importants au sein du gouvernement à la suite de processus démocratiques, notamment des élections.

Les étudiants de l’Andorre, même lorsqu’ils sont issus de l’enseignement secondaire français, choisissent souvent, eux aussi, de poursuivre leur formation dans les universités espagnoles. La génération montante, formée pendant vingt ans en Espagne, a par conséquent moins d’attaches avec la France. Il y a là un point de vigilance pour nous et pour le Quai d’Orsay ; celui-ci en est d’ailleurs conscient.

Pour en venir plus précisément à l’accord, de nombreuses conventions similaires ont déjà été conclues par la France, et la commission des affaires étrangères n’a pas manqué d’en autoriser l’approbation. Leur objet ne peut qu’être salué, puisqu’il s’agit d’autoriser, sur une base de réciprocité, les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles à occuper un emploi pendant la durée d’affectation des agents concernés. Ces accords contribuent ainsi à une meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle de ces agents et de leurs familles.

Il faut en effet avoir à l’esprit que les conjoints et les autres membres de la famille du personnel des ambassades et des consulats sont régis par un statut spécial. Ils séjournent dans le pays d’accueil en vertu d’un titre dérogatoire au droit commun et bénéficient de certaines garanties juridiques, notamment des immunités pénales. Ce statut est fixé par les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963 relatives aux relations diplomatiques et consulaires. Les privilèges et immunités dont bénéficient ces personnes ont souvent pour effet de dissuader d’éventuels employeurs de les embaucher, privant ainsi les familles d’un complément de revenu parfois précieux.

L’accord dont il est question d’autoriser l’approbation, comme les précédents qui ont été conclus, facilite l’exercice d’un travail par le conjoint ou le membre de la famille. Celui-ci reçoit l’autorisation d’exercer une activité professionnelle tout en conservant le titre de séjour spécial que lui confère son statut de conjoint d’agent d’une mission officielle. Il garde donc les privilèges et immunités prévus par les conventions de Vienne. Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement son emploi, il ne peut plus se prévaloir d’une immunité de juridiction civile ou administrative. S’il garde concernant son emploi une immunité de juridiction pénale, l’État d’accueil peut cependant, en cas de délit grave, demander la levée de cette immunité ; l’État d’envoi doit alors examiner sérieusement cette demande.

L’accord détaille la procédure à suivre pour se voir octroyer l’autorisation d’exercer un emploi. La demande doit émaner de l’État d’envoi et être adressée à l’État d’accueil. Elle peut être refusée dans les cas où, pour des raisons de sécurité, d’ordre public ou de sauvegarde des intérêts de l’État, seuls des ressortissants de l’État d’accueil peuvent être embauchés. Ainsi, en Andorre, il existe une certaine préférence nationale pour des emplois bien déterminés.

La personne concernée est soumise à la législation sociale et fiscale de l’État d’accueil. L’autorisation accordée ne la dispense pas de satisfaire aux obligations liées à l’activité en cause, par exemple en matière de diplômes ou de qualifications professionnelles. Le champ de l’accord inclut aussi bien les diplomates que le personnel technique et administratif des ambassades et des consulats. C’est d’ailleurs pour la famille du personnel de ces catégories que la question se pose réellement : il ne s’agit pas uniquement de permettre à l’épouse de l’ambassadeur d’exercer une profession susceptible d’occuper ses nombreuses heures perdues. Le personnel administratif peut être confronté à des difficultés de logement. En Andorre, par exemple, le logement est rare et cher, du fait des caractéristiques géographiques et sociologiques du pays. La possibilité pour un membre de la famille d’exercer une activité professionnelle aide à équilibrer le budget familial.

L’activité concernée peut être salariée ou non salariée ; l’accord inclut aussi les professions libérales. Quant aux « membres de la famille », ce peuvent être aussi bien les conjoints ou partenaires liés par un contrat d’union légale que les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans, ou encore les enfants présentant un handicap physique ou mental et vivant à la charge de leurs parents.

En résumé, l’accord soumis à notre vote ne peut apparaître que bienvenu au regard des avantages qu’il est appelé à procurer aux personnes concernées et à leurs familles. Quand un agent part à l’étranger, son conjoint est souvent obligé d’interrompre sa carrière, avec les difficultés que cela implique pour la renouer ensuite. Le dilemme est alors soit pour l’un de renoncer à la décision d’expatriation, soit pour l’autre de sacrifier sa carrière. L’accord en question a pour but de répondre à ces difficultés. Il est de nature à contribuer à l’unité des familles et à la poursuite de l’objectif de parité entre les conjoints.

Certes, en l’espèce, la portée concrète de l’accord peut paraître modeste, dans la mesure où l’ambassade de France en Andorre ne compte que quatre agents, de même que l’ambassade de l’Andorre en France – auxquels s’ajoutent deux agents affectés auprès du Conseil de l’Europe, à Strasbourg ; mais l’approbation de l’accord du 4 mai 2021 permettra aux conjoints des intéressés, s’ils le souhaitent, d’exercer une activité professionnelle, ce qu’aucun d’entre eux, jusqu’à présent, n’avait pu faire. Pour nos compatriotes affectés en Andorre, cela peut être particulièrement intéressant car le coût de la vie y est élevé, alors que l’indemnité d’expatriation qui leur est versée est la plus faible accordée pour une mobilité en Europe, étant donné le faible éloignement.

Cet accord contribuera aussi à la poursuite de l’objectif d’égalité femmes‑hommes, puisque la proportion de conjoints féminins accompagnant un agent à l’étranger est plus forte que celle de conjoints masculins dans la même situation. En cela, l’accord franco-andorran du 4 mai 2021 s’inscrit dans le cadre du plan d’action triennal 2021-2024 du ministère de l’Europe et des affaires étrangères en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Pour toutes ces raisons, son approbation me paraît particulièrement opportune. Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui l’autorise.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Frédéric Petit (DEM). Notre commission a effectivement ratifié un grand nombre d’accords bilatéraux de ce genre, qui sont techniques mais pas si simples à négocier, puisqu’ils créent des sujets juridiques un peu bizarres, qui dépendent du droit local dans certains cas et qui en sont protégés dans d’autres. Comme député des Français établis hors de France, je sais combien il importe de clarifier ces situations.

Vous l’avez dit, cet accord contribuera à la poursuite de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. Dans de nombreux pays, les accords de ce type, qui favorisent l’activité des conjoints ou conjointes de nos diplomates, ont pour effet de renforcer nos équipes ; et ils permettent aussi, en contrepartie, de mieux intégrer les conjoints des diplomates étrangers présents en France. Cette conception d’une diplomatie, d’un corps diplomatique et d’un personnel diplomatique plus imbriqués dans la société qui les accueille est très importante. Pour toutes ces raisons, et pour celles que nous avons souvent rappelées dans cette enceinte, le groupe Démocrate votera pour cet accord.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je vous remercie de votre soutien. Il importe effectivement d’offrir au corps diplomatique et consulaire des perspectives de carrière qui intègrent leur famille, si l’on veut susciter des vocations parmi nos hauts fonctionnaires et nos diplomates et nous assurer que notre diplomatie d’influence continue d’attirer les meilleurs profils.

M. Alain David (SOC). Cet accord s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie engagée en 2015 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères de modernisation de notre diplomatie. Il succède aux accords conclus avec les États-Unis, le Canada, le Brésil, l’Argentine, ou encore le Kosovo. Les députés du groupe Socialistes et apparentés se sont toujours prononcés en faveur de l’adoption de ces textes car ils permettent d’accroître l’attractivité des métiers de la diplomatie et des carrières diplomatiques et de faciliter la vie des conjoints et des conjointes de nos agents. Nous voterons donc aussi pour cet accord.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je vous remercie de votre soutien.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Signé le 4 mai 2021, l’accord qui nous est soumis vise à faciliter le quotidien de notre personnel diplomatique et de celui de l’Andorre, pays ami. Si la procédure d’approbation est en cours dans notre pays, cet accord n’a pas encore été approuvé par le Parlement andorran. Il affine les conventions de Vienne de 1961 et 1963, qui organisent notamment les relations diplomatiques. Si ces conventions protègent le personnel diplomatique, elles prohibent également l’exercice d’activités lucratives dans l’État de résidence ; et l’exercice d’un travail rémunéré peut neutraliser certaines immunités.

Dès 2015, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a souhaité moderniser le cadre d’expatriation de ses agents, en permettant aux membres de leur famille de poursuivre une carrière professionnelle dans le pays d’expatriation. Au-delà de l’espace économique européen, vingt-sept États ont, à ce jour, signé avec la France des accords similaires à celui que nous examinons. Permettre aux conjoints de nos agents diplomatiques d’exercer une activité professionnelle, c’est répondre à leur aspiration légitime à travailler ; c’est aussi leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie matérielles, sachant qu’en Andorre, les diplomates français sont confrontés au coût élevé de l’immobilier. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de l’approbation de cet accord.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Il est vrai que le coût de l’immobilier est très élevé en Andorre. Le marché de l’emploi y est également très dynamique : on ne va pas en Andorre seulement pour profiter d’un taux d’imposition très bas mais aussi pour y travailler. Le taux de chômage n’y est que de 2 %. Les activités principales sont l’hôtellerie, le tourisme, le commerce mais aussi l’administration. L’État andorran est solide et emploie de nombreux Français. Je vous l’ai dit, la population active andorrane est majoritairement composée de ressortissants étrangers, en premier lieu d’Espagnols mais aussi de Portugais. Or les Portugais de l’Andorre ne sont pas des expatriés fiscaux, pas plus que ceux du Luxembourg. Les Français font également partie de la population active en Andorre et j’espère que, grâce à ce projet, les conjoints de nos agents diplomatiques et consulaires pourront prendre part à cette économie dynamique.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Je me bornerai à indiquer que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera pour l’approbation de cet accord.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je vous remercie.

M. Nicolas Metzdorf (RE). Je suis très heureux de m’exprimer au sujet de l’Andorre car c’est là que, pour la première fois de ma vie, j’ai vu la neige. Pour un ultramarin, c’est toujours un moment très marquant.

De multiples accords ont été signés entre nos deux pays, allant de la gestion commune de l’eau à la coopération douanière et policière, en passant par l’amélioration de la viabilité des routes. Celui que nous examinons ici vise à renforcer notre étroite collaboration avec l’Andorre en favorisant l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles.

Conformément aux priorités du programme de modernisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères en matière de gestion des ressources humaines, cet accord a pour objectif de faciliter l’exercice d’une activité professionnelle des membres de la famille du personnel diplomatique et consulaire, dans le respect des législations du droit du travail de l’État d’accueil. Il s’agit de favoriser l’expatriation des agents en poste à l’étranger en facilitant l’exercice d’une activité professionnelle par leur conjoint. Cette coopération au service des officiers diplomatiques ayant pour effet de consolider les relations bilatérales entre la France et l’Andorre, le groupe Renaissance votera pour l’approbation de cet accord.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Puisqu’on évoque les relations bilatérales, je veux vous dire à quel point l’équilibre institutionnel entre l’Andorre, la France et l’Espagne est fin et fait partie de la vie constitutionnelle andorrane. Le rôle des coprinces est prépondérant dans la vie publique andorrane, même si l’évêque d’Urgell et le président de la République française se déplacent rarement en Andorre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Leur arrive-t-il de s’y déplacer ensemble ?

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Pas à ma connaissance. J’ai accompagné le président de la République en septembre 2019, lors de son déplacement en Andorre. La tradition veut que les coprinces, lorsqu’ils visitent l’Andorre, passent par ses sept paroisses ; je n’ai pas croisé l’évêque à cette occasion.

Puisqu’il est question des coprinces, je dois mentionner un point de désaccord entre eux. Vous savez sans doute que l’Andorre est l’un des derniers pays en Europe, et même dans le monde, à ne pas considérer l’avortement comme un droit. À l’évidence, cette position correspond davantage aux idées de l’un des coprinces mais le peuple andorran a la main sur cette question. En tant que puissance voisine, amie et respectueuse des institutions andorranes, nous devons respecter cette position, tout en attendant que le peuple andorran choisisse peut-être, un jour, dans l’expression de sa souveraineté démocratique, de mettre fin à cette exception.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est une remarque tout à fait importante et pertinente. La majorité, c’est la moitié des voix plus une. Lorsqu’on est deux, il est plus difficile de dégager une majorité…

M. Michel Guiniot (RN). L’accord que nous examinons est un peu particulier, puisqu’en vertu d’une survivance historique qui remonte à Charlemagne, le président de la République est à la fois le chef de l’État français et le coprince d’Andorre. En l’état, l’intérêt de cet accord est très limité, puisque l’ambassade d’Andorre en France ne compte que quatre agents, sans enfants ni conjoint enregistrés auprès du protocole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et que, de l’autre côté de la frontière, l’ambassade de France en Andorre compte quatre agents expatriés, dont deux ont une conjointe.

À l’article 2, deux éléments dénotent par rapport aux accords précédemment conclus avec d’autres pays. Il est précisé que l’accord s’applique, en Andorre, à « tout membre de la famille déclaré sous tutelle ou curatelle par le biais d’une décision judiciaire qui présente un handicap physique ou mental et dispose également d’un titre de séjour spécial ». Étant donné que les deux paragraphes précédents concernent expressément les enfants, faut-il comprendre, avec cette mention des « membres de la famille », que les agents pourront amener leurs frères, voire leurs cousins, à l’étranger pour qu’ils puissent y travailler ? À l’article 2, toujours, il est spécifié que l’accord vise uniquement les activités professionnelles « impliquant l’obtention d’un bénéfice économique », c’est-à-dire un salaire. Cela signifie que les enfants du personnel diplomatique ne pourront pas faire de stage dans le pays d’accueil, puisqu’ils sont rarement rémunérés. Peut-être faudrait-il apporter une précision à ce sujet ?

Les articles 3, 4 et 5 exposent la procédure et le cadre juridique de l’emploi ; les articles 6 et 7 précisent les modalités d’extinction des immunités civiles, administratives et pénales dans le cadre de l’activité professionnelle. Il est surprenant de voir que la France restreint sa zone d’exercice professionnel. Pourquoi l’article 8 définit-il une clause territoriale pour l’emploi différente pour la France et l’Andorre ? Enfin, les articles 9 et 10 traitent du règlement des différends et de l’entrée en vigueur de l’accord.

Monsieur le rapporteur, nous voterons ce texte, mais pourriez-vous répondre à mes questions techniques ?

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je vous remercie pour votre travail de fond sur le texte : c’est vraiment de la dentelle, pour reprendre l’expression du président de la commission !

La disposition relative aux personnes sous tutelle ou curatelle s’applique, selon ma compréhension, à la famille directe : elle ne devrait donc concerner que les enfants, et non les cousins ou les oncles des agents détachés.

S’agissant de la clause territoriale, il va de soi qu’il ne serait pas très pratique, pour une personne résidant en Andorre, d’aller travailler quotidiennement en Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion, en Guyane ou à Mayotte.

Au sujet du stage, enfin, nous avons eu l’occasion dernièrement, avec ma collègue Nadège Abomangoli, de travailler à la définition de certains types d’activité professionnelle sur les réseaux. Le « bénéfice économique » ne se confond pas avec le salaire stricto sensu. Il est beaucoup plus large, si bien que certains aspects du stage pourraient être considérés comme un bénéfice économique, direct ou indirect. Les stages devraient donc entrer dans le cadre de cet accord, sans que cela pose de problème particulier.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Cet accord va permettre aux membres de la famille du personnel diplomatique et administratif de nos deux représentations officielles de travailler, en France et en Andorre. Il ne pose pas de difficulté particulière et nous en avons déjà examiné de semblables. Il facilitera le quotidien de nombreux agents dévoués, au service de la diplomatie française. C’est donc une forme de reconnaissance de leur travail et, surtout, une aide indispensable pour les familles qui sont amenées à les suivre. Dans votre rapport, vous notez que cet accord bénéficiera surtout aux femmes, puisque la proportion de conjoints féminins accompagnant un agent à l’étranger est plus forte que celle de conjoints masculins dans la même situation. C’est donc une bonne mesure pour l’égalité professionnelle.

Nous souhaitons toutefois vous alerter sur un point précis, directement lié à la question du droit des femmes. Vous avez rappelé que l’Andorre est, avec Malte et le Vatican, le seul pays européen à interdire totalement l’accès à l’avortement. « Tel prince, telle religion » : chaque État est souverain. On risque toutefois de se retrouver dans une situation ubuesque, puisque la France est sur le point d’inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans sa Constitution, alors que M. Macron est le coprince d’un pays où c’est illégal.

Tous les ans, plus de 120 femmes vivant en Andorre doivent faire le déplacement à leurs frais jusqu’en Espagne ou en France pour avorter. Il y a vingt jours, Amnesty International a tiré la sonnette d’alarme à propos du cas de Vanessa Mendoza Cortés, qui pourrait être jugée pour avoir dénoncé l’interdiction de l’IVG. Elle devrait échapper à la prison mais risque une amende qui pourrait atteindre 30 000 euros. La position de l’Andorre sur la question de l’IVG est préjudiciable à la condition des femmes. Nous espérons que, dans le cadre de la réactivation par la France de sa diplomatie féministe, la question de l’accès des femmes de l’Andorre à l’IVG sera à l’ordre du jour des échanges entre nos deux pays. Cela étant dit, nous voterons évidemment ce texte.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. C’est effectivement une question importante. Alors que notre Parlement, au terme du parcours que l’on sait, vient de voter un texte transpartisan qui sanctuarise le droit des femmes à avorter, l’Andorre, pays voisin et ami, dans lequel la France joue un rôle institutionnel, reste l’un des très rares pays qui fait encore exception à une règle que l’on voudrait voir répandue universellement, celle du droit des femmes à disposer de leur corps.

Lors de sa dernière visite, en septembre 2019, Emmanuel Macron a été interpellé sur cette question par des jeunes gens, qui lui ont demandé de soutenir le processus d’autorisation de l’avortement en Andorre. Il n’a pu que répéter qu’en tant que coprince, il se devait d’être le garant du respect des institutions et, surtout, de la souveraineté andorranes. Des élections ont eu lieu en Andorre la semaine dernière, qui ont confirmé le gouvernement de centre droit de Xavier Espot. C’est au peuple andorran de se prononcer ; c’est aux partis politiques andorrans d’inscrire cette question importante à l’ordre du jour et de créer un consensus. La France, en pays ami et respectueux de ce voisin souverain, peut avoir une opinion, mais elle n’a pas à influer sur les affaires intérieures de l’Andorre. Cette question doit rester entre les mains du peuple andorran.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est vrai que la situation de l’Andorre est un peu paradoxale, compte tenu de la position de l’Espagne et de la France sur la question du droit à l’IVG. Mais je ne crois pas que la constitutionnalisation, en France, de la liberté de la femme de recourir à l’interruption volontaire de grossesse changera quoi que ce soit. De toute manière, cela ne concerne pas l’Andorre.

Ce qu’on peut se demander, c’est ce qui se passerait si les autorités démocratiques représentatives de l’Andorre exigeaient une modification de la loi. Le coprince français y serait évidemment favorable, mais sans doute pas l’évêque d’Urgell. Dans ce cas, je ne sais pas comment les choses se passeraient sur le plan institutionnel.

Mme Nadège Abomangoli. Je n’ai pas dit que le président de la République française devait avoir une forme de prééminence sur le droit andorran. Je soulignais seulement que la constitutionnalisation de l’IVG intervient en France alors que l’Andorre ne reconnaît pas ce droit. Je ne disais rien de plus et ne remettais certainement pas en cause la souveraineté de l’Andorre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si le coprince était le roi d’Espagne, et non l’évêque d’Urgell, la situation serait sans doute différente.

M. Alain David. Les Andorrans sont contre l’IVG, mais sont-ils en faveur du mariage pour tous ? Cette question me paraît importante, dans la mesure où cet accord concerne les conjoints.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Le texte fait référence de façon très claire aux conjoints, que ce soit dans le cadre d’un mariage ou d’un PACS.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est la loi française qui s’applique.

M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Oui, c’est la définition française du conjoint qui s’applique, même à l’Andorre.

*

Article unique (approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles, signé à Andorre-la-Vieille le 4 mai 2021)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.


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   Annexe :
Texte de la commission des affaires étrangères

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles (ensemble une annexe), signé à Andorre‑la‑Vieille le 4 mai 2021 et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 872)


([1]) André Vilar, Un État ignoré, L’Andorre, F. R. de Rudeval Éditeur, 1908.

([2]) Article 43 de la Constitution de la Principauté d’Andorre.

([3]Western European and Other States Group.

([4]) La France a un statut d’observateur associé à la conférence ibéro‑américaine.

([5]) Statistiques andorranes de 2022 ; 2 031 Français sont inscrits sur le registre de l’ambassade de France en janvier 2023.

([6]) Le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord (n° 867) est d’ailleurs inscrit à l’ordre du jour de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le mercredi 5 avril 2023.

([7]) 2,3 % en 2022 (cf. https://www.exteriores.gob.es/Documents/FichasPais/Andorra_FICHA%20PAIS.pdf)

([8]) Chiffres 2023 (cf. https://www.exteriores.gob.es/Documents/FichasPais/Andorra_FICHA%20PAIS.pdf)

([9])  https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/l-egalite-femmes-hommes-au-ministere/