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N° 1303

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mai 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

relative à la consultation des habitants d’un département
sur le choix de leur région d’appartenance

PAR MM. Paul MOLAC et Erwan BALANANT

Députés

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Voir le numéro : 1163.


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SOMMAIRE

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Pages

iNTRODUCTION............................................ 5

présentation de la proposition de loi

Article 1er (supprimé) (art. L. 4122-2 et L. 4122-1-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) Procédure de consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance

Article 2 (supprimé) Gage financier

Compte rendu des débats

Première réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9 heures

Seconde réunion du mercredi 31 mai 2023 à 17 heures 30

Personnes entendues

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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mesdames, messieurs,

La présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe parlementaire Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, a pour objet de rendre applicable une disposition de notre Constitution prévue, depuis 2003, à son article 72-1 : « La modification des limites des collectivités territoriales peut […] donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi ».              

Cette disposition n’est traduite, à ce jour, par aucune disposition législative. Ce constat regrettable illustre le caractère inachevé de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui vient de célébrer ses vingt ans en catimini. Alors qu’elle entendait favoriser l’expression de la démocratie locale – par le droit de pétition, par le référendum ou par les consultations locales – son bilan reste somme toute modeste et trop limité : l’expression démocratique locale s’avère réduite par un cadre général excessivement contraignant et la confusion règne en ce qui concerne les outils disponibles et leur portée. Il s’agit d’une situation insatisfaisante à laquelle il convient de remédier.

Ainsi, il s’avère qu’il existe, en Loire-Atlantique, une demande citoyenne et politique forte pour permettre aux habitants de s’exprimer sur le choix de leur région d’appartenance. L’outil constitutionnel de l’article 72-1 permettrait de lui offrir une issue démocratique et civique tout à fait opportune.

*

*     *

Alors que la Bretagne à cinq départements continue d’exister, culturellement ou économiquement, et de hisser haut le Gwenn ha Du dans ses limites historiques ([1]), la demande des habitants de la Loire-Atlantique d’être rattachés à cette région s’exprime avec constance et détermination.

En 2018, à l’initiative de l’association Bretagne réunie, plus de 100 000 personnes ont ainsi signé la pétition, finalement vaine ([2]), pour que la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne fasse l’objet d’une consultation organisée par son département.

Cette mobilisation citoyenne s’inscrit dans le prolongement des manifestations qui sont organisées sur l’ensemble du territoire depuis 1976. Et cette mobilisation sur la durée ne s’essouffle pas : sur les quinze sondages réalisés depuis 1982, le statu quo n’a jamais été de rigueur et la réunification de la région Bretagne a toujours été soutenue par 58 à 75 % d’opinions favorables. Le dernier sondage réalisé par l’institut Ifop à l’initiative de l’association À la bretonne ! montrait encore, en mai 2021, que 63 % des habitants de Loire-Atlantique sont favorables à la réunification et que 80 % soutiennent un vote sur le sujet.

Ces positions sont relayées avec constance et détermination par les élus locaux et par les collectivités territoriales. Cela se traduit par les vœux adoptés récemment au sein du conseil régional de Bretagne, des conseils départementaux de Loire-Atlantique, du Morbihan ou du Finistère et des grandes communes comme Nantes, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes, Lorient, Brest ou Quimper.

Cet élan est aujourd’hui prolongé par une proposition de loi signée par vingt-cinq députés représentant l’ensemble des départements de la Bretagne historique, soit une large majorité d’entre eux, y compris pour la Loire-Atlantique, et les huit groupes parlementaires comptant parmi leurs membres des élus de ces cinq départements. Elle est également rapportée par deux députés appartenant à la majorité et à l’opposition, symbole du caractère transpartisan et collectif d’une démarche qui se veut dépassionnée.

En effet, en introduisant, dans le code général des collectivités territoriales, une procédure de consultation des électeurs d’un département sur un projet de modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe, ce texte entend raisonnablement permettre l’expression de la démocratie locale sans provoquer de déstabilisation massive de la carte territoriale.

Bien sûr, il y aurait beaucoup à dire sur le sujet de la carte des régions. Notamment pour la région Bretagne, qui, depuis 1941 ([3]), va de déceptions en déceptions : sa situation administrative à quatre départements fut confirmée dès 1956 ([4]) et maintenue par les réformes territoriales successives et déceptives qui ont concerné les régions, dont la dernière, issue de la loi du 16 janvier 2015 ([5]), qui a procédé à une modification d’ampleur de leurs délimitations afin d’imposer de grandes régions pour certaines désincarnées, sans âme ni fondement géographique, historique ou culturel. La loi de 2015 a constitué la dernière occasion manquée pour le rétablissement de la région Bretagne historique, mais comment pouvait-il en être autrement de cette réforme, fondée sur un mensonge financier ([6]) et l’idée fausse selon laquelle il existerait, en Europe, une taille critique des régions ([7]) ? Vos rapporteurs souhaitent en effet insister sur le fait qu’il n’existe pas de telle taille critique des régions. Affirmer que leur puissance serait corrélée à leur étendue est ainsi inexact ([8]). Ils relèvent donc que dans le contexte des fusions à marche forcée et face au refus du Gouvernement de faire dans la dentelle, symbolisé par sa décision d’imposer le seul regroupement de régions en bloc ([9]), il était finalement préférable que la loi ne revint pas sur l’existence de la région Bretagne ainsi qu’elle le fit pour l’Alsace.

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*     *

Pour sortir par le haut d’une situation bloquée depuis plusieurs décennies qui génère une frustration territoriale, mêlant la déception à l’espoir, qu’il importe d’entendre et de prendre en compte, la présente proposition de loi entend procéder étape par étape et définir la première d’entre elles : solliciter l’avis des habitants de la Loire-Atlantique sur leur région de rattachement. C’est en effet sur ce territoire que s’exprime une forte demande citoyenne d’une consultation sur cette question et ce sont ces habitants qui seront les premiers – et les seuls – concernés par un éventuel changement de situation administrative et territoriale, c’est-à-dire un potentiel changement de région.

Ce texte ne présage pas, de manière présomptueuse, verticale ou divinatoire, ce que donnera le résultat de cette consultation et ce que sera l’après puisqu’il reviendra à la loi d’en décider, en temps voulu et selon les modalités qu’elle déterminera.

Dans l’immédiat, il importe d’initier ce processus potentiellement vaste en commençant par offrir un débouché au processus citoyen, politique et démocratique qui s’est engagé avec force en Loire-Atlantique. Tel est l’objet de cette proposition de loi dont vos rapporteurs espèrent, pour la Bretagne, que la discussion pourra être la plus fructueuse et la plus consensuelle possible en séance publique.             


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   présentation de la proposition de loi

Article 1er (supprimé)
(art. L. 4122-2 et L. 4122-1-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)
Procédure de consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er introduit une procédure de consultation des électeurs d’un département sur un projet de modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 16 janvier 2015 précitée a abrogé, au 1er mars 2019, la procédure permettant à un département et deux régions contiguës de demander une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de l’autre région.

       La position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

1.   L’état du droit est défavorable à l’expression démocratique locale

a.   Un cadre général excessivement restrictif

L’article 72-1 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, comprend trois alinéas instaurant, pour les collectivités territoriales, trois procédures différentes : le droit de pétition, le référendum local et la consultation locale.

i.   Le droit de pétition

Le premier alinéa de cet article 72-1 dispose que « la loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence ».

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a rendu applicable cette disposition à l’article L. 1112-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il permet aux électeurs d’une collectivité de demander à ce que soit inscrite à l’ordre du jour de son assemblée délibérante l’organisation d’une consultation sur toute affaire relevant de la décision de cette assemblée. La décision d’organiser ou non la consultation appartient néanmoins, in fine, à l’assemblée délibérante de la collectivité.

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale est venue apporter trois évolutions à ce dispositif afin d’assouplir, mais en partie seulement, son cadre excessivement contraignant :

– le seuil de validité de la pétition a été abaissé à un dixième des électeurs d’une commune, contre un cinquième auparavant, et à un vingtième des électeurs des autres collectivités territoriales, départements et régions ([10]), contre un dixième auparavant ;

– si rien n’oblige le conseil municipal ou l’assemblée délibérante à examiner la demande formulée par la pétition, le maire ou le président de l’assemblée délibérante est désormais tenu d’en accuser réception et d’en informer le conseil municipal ou l’assemblée délibérante ;

– les collectivités territoriales peuvent désormais être saisies d’une invitation à ce que son assemblée délibérante se prononce, sur toute affaire relevant de sa compétence, dans un sens déterminé : l’issue de la pétition n’est donc plus seulement l’organisation potentielle d’une consultation mais elle peut également conduire à la prise directe d’une décision par la collectivité.

Il apparaît néanmoins que cette procédure demeure non contraignante pour la collectivité territoriale : rien ne l’oblige à donner suite, ni même à examiner, la pétition – même recevable – qui lui est soumise. L’exercice du droit de pétition demeure donc purement hypothétique et potentiellement vain : il en sera question à propos de la pétition initiée par l’association Bretagne réunie concernant le rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne.

ii.   Le référendum local

Le deuxième alinéa de l’article 72-1 précité dispose que « dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ».

La loi organique n° 2003-705 du 1er août 2003 relative au référendum local a fixé la procédure applicable sur le fondement des articles L.O. 1112-1 à L.O. 1112-14-2 du CGCT. Les communes, les départements et les régions peuvent ainsi organiser des référendums de nature décisionnaire, dont le résultat les lie, sur tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de la collectivité, ce qui exclut, comme pour la procédure de pétition précédemment décrite, les référendums sur des questions qui ne relèveraient pas de sa compétence.

En dehors des cas spécifiques aux outre-mer prévus par la Constitution ([11]), l’État ne peut, quant à lui, organiser de référendum sur une partie seulement du territoire national.

iii.   Les consultations locales

En application du dernier même article 72-1, « lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. » La Constitution prévoit donc deux cas dans lesquels la loi peut prévoir la consultation locale des électeurs : d’une part pour créer une collectivité territoriale à statut particulier ou pour modifier son organisation et d’autre part pour modifier les limites territoriales des collectivités. Ces consultations sont de nature facultative et l’initiative en revient à la loi. Elles sont enfin non contraignantes puisque la décision de création ou de modification revient encore à la loi.

Les articles L. 1112-15 et L. 1112-17 à L. 1112-23 du CGCT prévoient, par ailleurs, une procédure de consultation des électeurs dont l’initiative revient aux collectivités territoriales. Elle concerne les décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de sa compétence. Il s’agit, là aussi, d’une procédure facultative et non contraignante.

Ces dispositions sont distinctes de la procédure de consultation locale – également facultative et non contraignante – pouvant être initiée par l’État sur les projets d’infrastructure ou d’équipement susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement ([12]). Celle-ci a été introduite par une ordonnance ([13]) prise sur le fondement de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Elle est prévue par les articles L. 123-20 à L. 123-23 du code de l’environnement et a été mise en œuvre, le 26 juin 2016, sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes.

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*     *

Ce cadre général excessivement restrictif a pour effet de brider l’expression démocratique locale et d’engendrer une grande confusion sur les outils disponibles et sur leur portée. Il faut ainsi relever que la plupart des initiatives locales, qu’il s’agisse de référendums ou de consultations, s’apparentent dans les faits à de simples votations, sans valeur ni portée juridiques ([14]). Elles ont néanmoins le mérite de tenter de faire vivre, malgré les obstacles, la démocratie locale en dehors des seules périodes électorales.

Le sentiment de confusion générale a par ailleurs été renforcé par l’utilisation irresponsable, à des fins insincères, de la consultation locale mise en œuvre à propos de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Quelle que puisse avoir été la position de chacun sur ce projet, il est tout de même dérangeant, d’un point de vue démocratique, de constater que le vote majoritaire des électeurs de la Loire-Atlantique ([15]) a été balayé d’un revers de main par l’État, pourtant à l’origine de la consultation. Cette décision n’a pas manqué d’affaiblir, une nouvelle fois, une démocratie locale déjà peu dynamique.

b.   Les dispositions qui en résultent concernant les modifications des limites territoriales des régions génèrent une frustration légitime

Les constats qui précèdent se vérifient particulièrement en ce qui concerne les modifications des limites territoriales des régions.

i.   Les dispositions du CGCT

● L’article L. 4122-1 est aujourd’hui le seul dispositif en vigueur.

Son premier alinéa dispose qu’il revient à la loi de modifier les limites territoriales des régions ([16]). Celles-ci le sont après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés, même si cette consultation s’avère non seulement non contraignante, mais aussi facultative. En effet, en 2015, le Gouvernement n’avait en effet pas consulté les collectivités intéressées avant l’adoption de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, sans que cela n’entraîne de conséquence sur sa constitutionnalité ([17]).

Son deuxième alinéa prévoit que la modification des limites territoriales des régions par la loi peut être demandée par les conseils régionaux et les conseils départementaux intéressés.

● Jusqu’en 2019, un droit d’option, inapplicable dans les faits, des départements limitrophes a été en vigueur sur le fondement de l’article L. 4122‑1‑1 du CGCT.

Jusqu’au 1er janvier 2016, ce dispositif s’organisait selon deux niveaux.

Tout d’abord, le département, sa région d’appartenance et la région qui lui est contiguë pouvaient demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes ([18]), une modification des limites régionales pour que le département change de région, supposant donc l’accord des trois collectivités concernées.

Pour être décidé par décret en Conseil d’État, le projet de modification devait ensuite recueillir, dans le département et dans chacune des deux régions concernées, l’accord des électeurs à la majorité absolue des suffrages exprimés, majorité renforcée par le fait qu’elle devait correspondre, par ailleurs, à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.

La loi du 16 janvier 2015 précitée a emporté trois modifications du dispositif qui n’ont pas permis de favoriser sa mise en œuvre, bien au contraire. Ainsi, si la consultation contraignante des électeurs de l’ensemble des collectivités concernées a été supprimée, elle a été remplacée par un renforcement de la majorité à laquelle les assemblées délibérantes pouvaient adopter la demande de modification, à savoir à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Par ailleurs, cette même loi a abrogé l’ensemble de la procédure au 1er mars 2019.

Il n’existe donc plus, dans le CGCT, de disposition spécifique concernant un possible changement de région d’un département limitrophe. Si celle-ci s’avérait impossible à mettre en œuvre, elle avait au moins le mérite d’exister.

ii.   Le processus engagé, en vain, par l’association Bretagne réunie

Le 27 novembre 2018, l’association Bretagne réunie a remis au conseil départemental de la Loire-Atlantique une pétition ayant finalement recueilli 105 000 signatures, soit plus de 10 % du corps électoral du département ([19]). Elle demandait l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée du conseil départemental de « l’organisation d’une consultation des électeurs de ce département sur la délibération à prendre par ladite assemblée visant à la modification des limites régionales en incluant le département de Loire-Atlantique dans le territoire de la région Bretagne ». Il s’agissait d’une demande tendant à organiser une consultation locale, facultative et non contraignante, sur le fondement de l’article L. 1112-16 du CGCT.

Lors de sa séance du 17 décembre 2018, le conseil départemental de la Loire-Atlantique a décidé :

– d’exprimer son refus de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L. 4122-1-1 du CGCT ([20]) en vue d’une modification des limites des régions Pays de la Loire et Bretagne visant à inclure le département de la Loire-Atlantique dans le territoire de la région Bretagne ;

– d’adopter un vœu par lequel ses élus ont demandé à l’État et aux parlementaires d’engager un débat sur la mise en place d’un processus référendaire visant à modifier les limites administratives de l’ouest de la France.

Compte tenu de l’état du droit précédemment présenté, et ainsi que l’a confirmé le Tribunal administratif de Nantes ([21]), le président du conseil départemental n’était en effet pas tenu de donner suite à la pétition qui lui avait été remise, et ce malgré le nombre conséquent de signatures d’électeurs recueillies. Il apparaît néanmoins regrettable que les élus aient fait le choix de s’opposer à l’ouverture de la procédure de modification des limites territoriales plutôt que de consulter, même de manière non contraignante, les habitants de la Loire-Atlantique sur cette question.

Il convient enfin de relever, et là aussi compte tenu de l’état du droit précédemment présenté, que le vœu exprimé par le conseil départemental appelait à la mise en œuvre d’une procédure, par l’État, ne disposant d’aucune base légale et potentiellement non conforme à la Constitution ([22]) : elle n’avait donc aucune chance d’aboutir. En effet, dès le lendemain, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, indiquait que « toute consultation portant sur un objet qui n’est pas une compétence de la collectivité concernée serait nécessairement illégale » et que « l’État n’est pas non plus en mesure d’organiser une consultation sur le sujet évoqué et sur une seule partie du territoire national » ([23]).

Comme l’a relevé la ministre, l’État a besoin d’une base légale, à ce jour inexistante, pour consulter les électeurs sur la modification des limites des collectivités territoriales.

2.   Le dispositif proposé : un premier pas essentiel

L’article 1er de la proposition de loi tend ainsi à permettre l’application de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution afin de poser, d’une part, le principe de la consultation des électeurs d’un département afin de recueillir leur avis sur un projet de modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe et, d’autre part, d’en définir les conditions.

a.   Le principe de la consultation

Le nouvel article L. 4122-1-2 du CGCT pose le principe d’un référendum consultatif et non contraignant, qui tient compte du cadre constitutionnel contraint en la matière, permettant à l’État d’effectuer cette consultation dans le département concerné.

Ce dispositif privilégie une procédure resserrée au seul département intéressé par l’éventuel changement de région sans que cela n’affaiblisse la solidité juridique de la procédure globale devant conduire à la modification, par la loi, des limites territoriales des régions concernées, et ce pour deux raisons.

D’abord, l’article 72-1 de la Constitution rend cette consultation facultative et renvoie bien à la loi le soin d’en prévoir les conditions.

Ensuite, seul le département limitrophe concerné par le changement de région connaîtra un changement de situation, légitimant la consultation de ses électeurs. Les habitants des autres départements resteront en effet dans leur région d’origine. Il y a bien là une différence de situation justifiant un mode de consultation différencié à ce stade de la procédure.

Vos rapporteurs tiennent néanmoins à expliciter le fait que la consultation prévue par le présent article ne constitue que la première étape du processus visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe. Dès lors, ils proposeront de mentionner dans le dispositif qu’il reviendra bien à la loi, à l’issue de cette consultation, de décider aussi bien de la modification des limites territoriales que des modalités selon lesquelles ces limites pourront être modifiées. Cette rédaction permettra ainsi d’envisager, à l’issue de la première consultation des électeurs du département concerné, toute autre modalité de consultation ultérieure.

b.   Les conditions de la consultation

Le nouvel article L. 4122-1-1 du CGCT fixe les modalités d’organisation de la consultation qui reprennent, en les adaptant, les dispositions des articles L. 123-20 à L. 123-33 du code de l’environnement.

Le I ouvre la consultation aux seuls électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales des communes dans lesquelles est organisée la consultation et aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne inscrits sur les listes électorales complémentaires de ces mêmes communes.

Le II dispose qu’un décret, publié au plus tard deux mois avant la date de la consultation, décide sa date, le département concerné et la question posée. Il convoque également les électeurs. La consultation ne peut interférer avec les élections locales ou nationales et ne peut donc intervenir en période électorale.

Le III prévoit que le décret est notifié par le préfet aux maires des communes concernées. S’ils assurent la mise à disposition de l’information aux électeurs et l’organisation des opérations de la consultation, c’est l’État qui prend à sa charge toutes les dépenses afférentes.

Le IV organise l’application des différentes interdictions et restrictions légales applicables à toute action de propagande portant sur le projet qui fait l’objet de la consultation ou sur celle-ci.

Le V dispose qu’une lettre d’information relative à l’organisation de la consultation accompagnée de deux bulletins de vote est adressée par l’État à chaque électeur au plus tard le troisième jeudi précédant la consultation

Le VI indique que les électeurs répondront par « oui » ou par « non » à la question qui leur est posée.

Le VII rend applicable, en les adaptant, les dispositions pertinentes du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral aux opérations de vote pour la consultation.

Le VIII rend applicable au scrutin de la consultation les dispositions pénales pertinentes prévues par le chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral.

Le IX institue une commission de recensement des votes.

Le X dispose que la régularité de la consultation peut être contestée dans les conditions applicables aux élections municipales.

Le XI renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’application de l’article.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

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Article 2 (supprimé)
Gage financier

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 a pour objet de compenser la charge qui pourrait résulter, pour l’État, de la mise en œuvre de la proposition de loi. Il prévoit, à cette fin, la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

       La position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

 

 

 

 


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   Compte rendu des débats

Lors de ses réunions du mercredi 31 mai 2023, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance (n° 1163) (MM. Paul Molac et Erwan Balanant, rapporteurs).

Première réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/dIR782

M. le président Sacha Houlié. Je précise que nous examinons cette troisième proposition de loi du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) selon la procédure de législation en commission.

M. Paul Molac, rapporteur. Le présent texte, que je rapporte avec Erwan Balanant, tend à permettre l’application d’une disposition inscrite depuis 2003 à l’article 72-1 de la Constitution : « La modification des limites des collectivités territoriales peut […] donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. » Cette disposition ne se traduit, à ce jour, par aucune disposition législative, ce qui est tout à fait regrettable.

D’une manière générale, la révision constitutionnelle de 2003, dont nous venons de célébrer, un peu en catimini, les vingt ans, s’est arrêtée au milieu du gué. Alors qu’elle entendait favoriser l’expression de la démocratie locale, par le droit de pétition, le référendum ou les consultations locales, son bilan reste, somme toute, modeste et trop limité. L’expression démocratique locale est réduite par un cadre général excessivement contraignant, et la confusion règne en ce qui concerne les outils disponibles et leur portée. Nous pouvons tous convenir que cette situation n’est pas satisfaisante et qu’il convient d’y remédier.

Il existe en Loire-Atlantique une demande citoyenne et politique forte de permettre aux habitants de s’exprimer sur le choix de leur région d’appartenance. L’outil constitutionnel de l’article 72-1 permettrait de donner à cette demande un débouché démocratique et civique qui nous paraît tout à fait adapté.

Cette demande des habitants de la Loire-Atlantique est exprimée avec constance et détermination par divers canaux – les manifestations organisées depuis 1976 ou encore les sondages d’opinion. Ainsi, dans le cadre des quinze enquêtes réalisées depuis 1982, le statu quo n’a jamais été de mise, et la réunification de la Bretagne a toujours été soutenue par une majorité, allant de 58 à 75 % d’opinions favorables. Le dernier sondage, en mai 2021, a montré que 63 % des habitants de la Loire-Atlantique étaient favorables à la réunification et que 80 % approuvaient un vote sur cette question.

En 2018, à l’initiative de l’association Bretagne réunie, plus de 100 000 personnes ont signé une pétition, finalement vaine, demandant que la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne fasse l’objet d’une consultation. Les signataires représentaient plus de 10 % du corps électoral : je n’ai jamais rien vu de tel dans d’autres départements.

Le dépôt de cette pétition a conduit le conseil départemental de la Loire-Atlantique à inscrire la question à son ordre du jour de décembre 2018. Les élus ont alors adopté un vœu demandant à l’État d’organiser un référendum. Malheureusement, celui-ci ne dispose d’aucune base légale à cet effet, et cette procédure n’avait donc aucune chance d’aboutir.

Dès le lendemain de la session du conseil départemental, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a ainsi indiqué que « toute consultation portant sur un objet qui n’est pas une compétence de la collectivité concernée serait nécessairement illégale » et que « l’État n’est pas non plus en mesure d’organiser une consultation sur le sujet évoqué et sur une seule partie du territoire national ».

L’insertion d’un nouveau vecteur législatif dans le code général des collectivités territoriales n’a pour objet que de permettre l’organisation de cette consultation par l’État.

La demande est relayée avec constance et détermination par les élus locaux, les collectivités territoriales et les élus nationaux. Cela se traduit par des vœux adoptés récemment au sein du conseil régional de Bretagne, des conseils départementaux de la Loire-Atlantique, du Morbihan et du Finistère, de grandes communes telles que Nantes, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes, Lorient, Brest et Quimper, et de nombreuses autres communes dont il serait un peu long de dresser la liste. Par ailleurs, cette proposition de loi est signée par vingt-cinq députés de la Bretagne historique, à cinq départements, qui représentent une large majorité, y compris en Loire-Atlantique, et la quasi-totalité des groupes parlementaires – huit au total, c’est-à-dire tous ceux comptant un représentant dans ces départements – sont représentés parmi les signataires – à cet égard, je souligne en particulier qu’il n’y a pas de député du Rassemblement national en Bretagne historique. Enfin, la proposition de loi est rapportée par un député de la majorité et un autre de l’opposition, ce qui témoigne du caractère transpartisan, collectif et dépassionné de cette démarche.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La démarche se veut en effet dépassionnée. Elle s’appuie sur une procédure prévue par notre Constitution, et sa portée est plutôt raisonnable. Il s’agit de mettre démocratiquement un terme à une vieille arlésienne du débat politique du Grand Ouest.

En introduisant dans le code général des collectivités territoriales une procédure de consultation des électeurs d’un département sur un projet de modification des limites régionales, ce texte tend à permettre l’expression de la démocratie locale sans provoquer de déstabilisation massive de la carte territoriale.

Il y aurait beaucoup à dire, aussi bien en ce qui concerne la région Bretagne, qui, depuis 1941, va de déception en déception, que d’une manière plus générale au sujet du piètre bilan de la réforme imposée à marche forcée par la loi du 16 janvier 2015.

Cette proposition de loi tend à permettre d’acter une première étape, consistant à solliciter l’avis des habitants de la Loire-Atlantique sur leur région de rattachement, sans présager, de manière présomptueuse, verticale ou divinatoire, ce que sera l’après, puisqu’il reviendra à la loi d’en décider, en temps voulu et selon les modalités qu’elle déterminera.

Il nous est apparu important de commencer le processus par une consultation des habitants de la Loire-Atlantique pour deux raisons. D’abord, c’est dans ce territoire que s’exprime une forte demande citoyenne de consultation. Ensuite, ce sont les habitants de ce département qui seront les premiers – et les seuls – concernés par un éventuel changement de situation administrative et territoriale, c’est-à-dire un changement de région.

Il faut également avoir en tête qu’il ne s’agit que d’une consultation et que celle-ci porte sur un projet de modification : la consultation n’emportera pas d’effet décisionnel.

Un droit d’option des départements limitrophes existait jusqu’en 2019, preuve qu’il ne s’agit pas d’une idée saugrenue ou particulièrement dangereuse de notre part. Cette disposition, certes inapplicable dans les faits, a été abrogée par la réforme malheureuse de 2015, ce que nous ne pouvons que regretter.

J’en viens au cœur du texte. L’article 1er introduit une procédure de consultation des électeurs d’un département sur un projet de modification des limites régionales.

Cet article pose le principe de la consultation et définit ses conditions d’organisation. Il appartiendra à l’État d’en assurer la mise en œuvre : nous estimons que lui seul dispose des capacités matérielles pour le faire.

Nous souhaitons insister sur le fait que cette consultation ne constituera que la première étape, non décisionnaire, du processus de modification des limites territoriales des régions concernées.

À cet égard nous avons déposé un amendement qui permettra de préciser à l’article 1er qu’il reviendra à la loi, à l’issue de la consultation, de décider aussi bien de la modification des limites territoriales que des modalités selon lesquelles ces limites pourront être modifiées. Cette rédaction permettra d’envisager, à l’issue de la première consultation, toute autre modalité de consultation ultérieure.

Nous vous proposons ainsi de procéder étape par étape, sans nous tromper sur celle qui nous occupe aujourd’hui.

La première étape a pour vocation d’offrir un vecteur civique et démocratique à une demande locale, venant de la population et relayée par les élus. C’est le seul moyen constitutionnel et raisonnable de sortir par le haut d’une situation qui, bloquée depuis plusieurs décennies, crée une frustration territoriale où se mêlent la déception et l’espoir : il nous revient de l’entendre et de la prendre en compte. Dans les faits, la réalité culturelle, économique et historique de la Bretagne à cinq départements n’a jamais cessé d’exister.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). J’ai pris la responsabilité de ce texte, pour mon groupe, en tant que Francilien, afin de pouvoir porter un regard neutre. Néanmoins, c’est peut-être un des sujets les plus explosifs au sein de ma famille, attachée à la région de la Bretagne, et au sein de mon couple – je vous remercie pour les discussions que vous avez ravivées le week-end dernier… En effet, vous avez omis de mentionner, dans l’exposé des motifs, les tensions qui peuvent exister au sein même de la Bretagne à ce sujet. Pour le groupe Renaissance, cette proposition de loi souffre aussi de plusieurs biais.

Le premier est territorial : vous ne voulez légiférer que pour une partie du territoire national, celle qui vous concerne, c’est-à-dire un seul département. Vous excluez donc d’autres cas qui peuvent exister. Nous ne pensons pas qu’il soit ainsi possible de construire le cadre territorial et administratif à la carte.

Votre réflexion comporte également un biais citoyen. Vous excluez les solidarités citoyennes, sociales, économiques et budgétaires qui participent à la vie et à la construction de nos régions. Cette vie ne peut être, pour les départements et les communes, à la carte.

Il y a aussi un biais politique au sens où vous vous appuyez sur des sondages, des vœux, des pétitions, mais point sur les engagements politiques qui peuvent exister ni, de manière plus problématique, sur les travaux préparatoires de la loi de 2015, à savoir les débats qui ont eu lieu ici même sur la délimitation des régions. Ces débats ont été particulièrement âpres, et la région de la Bretagne a finalement gardé son périmètre, alors que d’autres avaient dû y renoncer. Votre proposition de loi peut relancer les débats et les difficultés d’alors.

L’ensemble de ces biais nous amène à porter un regard a priori négatif à l’égard de votre proposition de loi. Nous nuançons ce regard, toutefois, du fait de notre attachement à l’association de nos concitoyens à la construction de la décision publique. Est-il utile de permettre à l’État de consulter nos concitoyens sur les projets de réorganisation territoriale ? Oui. L’outil que vous proposez est-il, en revanche, le bon ? Selon nous, non. Il est capital que l’ensemble des habitants des deux régions concernées par le changement d’affectation d’un département soient consultés, compte tenu de l’impact sur les politiques publiques et l’organisation administrative et territoriale, qui concerne l’ensemble des habitants de ces régions.

J’avais proposé un amendement en ce sens, mais il a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – j’ai dû jouer « petit bras » à propos du nombre de milliards d’euros… Sans une telle évolution, notre groupe ne pourra pas voter ce texte, mais je reste ouvert aux propositions des rapporteurs d’ici à la séance. J’espère que vous saurez entendre notre demande : il ne faut pas créer un dispositif qui, s’il restait en l’état, refléterait une vision que nous ne partageons pas, celle d’une République se construisant à la carte.

M. Kévin Pfeffer (RN). Cette proposition de loi vise en particulier la problématique bretonne et tend à répondre à la demande, forte, des habitants de la Loire-Atlantique, dont l’historique a été rappelé. S’il est vrai que la question des limites régionales est longtemps sortie des débats et qu’elle est restée circonscrite à quelques territoires pendant plusieurs décennies, elle est réapparue au grand jour à la suite de la fusion brutale – avec des arrière-pensées électoralistes de la part de la gauche et surtout sans consultation citoyenne – qui est intervenue en 2015.

Les habitants de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais se sont alors retrouvés fondus dans les Hauts-de-France, ceux de nos belles Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne dans un Grand Est sans âme et sans histoire régionale commune, ou encore ceux de l’Aquitaine, du Limousin et du Poitou-Charentes dans une immense Nouvelle-Aquitaine. En Alsace, les sondages n’ont jamais varié depuis huit ans sur la volonté de ne pas être fusionné et, désormais, de ne pas rester au sein du Grand Est. Le dernier sondage, réalisé en mai 2022 par l’Ifop, montre qu’une grande majorité se dégage toujours en faveur d’une dissolution de cette région, jugée trop grande, trop coûteuse et sans identité. Ce jugement populaire est très juste, comme toujours, et applicable à toutes les régions fusionnées.

L’argument officiel de la réforme était de faire des économies, mais ce pari est raté. Dans la plupart des cas, le mariage forcé n’a jamais été accepté. Pire, ces grandes régions ont aggravé la métropolisation du fait de l’aspiration des activités politiques, économiques, culturelles et de santé dans les grandes métropoles, lesquelles désorganisent un peu plus un maillage territorial qui permettait de maintenir la vie dans nos campagnes. Il faudra à l’évidence revenir en arrière, en redonnant une existence à nos anciennes régions. C’est d’ailleurs l’objet de plusieurs propositions de loi déposées par notre groupe. Une consultation des habitants dès le début du processus, avant les fusions de 2015, aurait très certainement permis d’éviter les errements et la contestation que nous avons connus.

Oui, nos régions ont leur propre identité, leurs propres traditions : c’est ce qui fait la richesse de la France, et ce sont les habitants qui connaissent le mieux les spécificités et les délimitations géographiques. C’est pourquoi nous profiterons de ce débat pour étendre, par amendement, la portée de la proposition de loi, qui manque d’ambition. Il ne faut pas se limiter au changement de région d’un département limitrophe, et une consultation citoyenne doit s’imposer à l’État avant toute tentative de redécoupage.

En résumé, le Rassemblement national soutiendra cette proposition de loi, car nous considérerons toujours que les consultations et les référendums doivent primer les décisions administratives, éloignées des besoins et, souvent, de la volonté de nos concitoyens. Faisons confiance aux Français et donnons-leur plus souvent la parole. C’est l’objet de cette proposition de loi, telle que nous voulons l’amender.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Je tiens à saluer le travail rigoureux de Paul Molac et d’Erwan Balanant, qui se sont employés à proposer un texte consensuel et transpartisan. Je les remercie pour leur écoute et leur confiance. Il est question de la possibilité réelle, pour des citoyens de nos départements, de décider de rejoindre une région limitrophe avec laquelle ils considèrent qu’ils partagent une économie, une histoire, une culture. C’est donc une proposition réellement intéressante qui redonne enfin du poids aux citoyens dans le cadre d’une consultation.

La pétition de 2018 pour la réunification de la Bretagne avait réuni plus de 105 000 citoyennes et citoyens en Loire-Atlantique, soit plus de 10 % du corps électoral. Partisans d’une VIe République, nous ne pouvons pas nous opposer à la possibilité qui serait donnée au peuple de s’emparer des questions le concernant. Il est évident que c’est le refus d’écouter et de consulter qui a abouti au mouvement des gilets jaunes. Celui-ci a fait entendre, comme à de nombreuses reprises dans le passé, le sentiment de subir une verticalité qui ne fait qu’étouffer le dissensus, sans laisser la moindre place au débat, à un espace de discussion démocratique. Le malaise est profond et diffus : la défiance a gagné tout le pays. Dans ce contexte, tout outil visant à une réappropriation des enjeux locaux, régionaux et nationaux par le peuple répond à une véritable exigence et joue un rôle salutaire.

Cessons de parler de consultation sans prévoir les moyens qui vont avec, car cela alimente la défiance envers les institutions. Considérons que la pétition de 2018 était un galop d’essai et prenons au sérieux le signal fort qui nous a été envoyé. Nous souhaitons que la consultation soit la plus démocratique et la plus représentative possible, pour qu’elle ait une véritable légitimité. Nous avons vu apparaître des méga-régions depuis la loi du 16 janvier 2015 – leur nombre est ainsi passé de vingt-deux à treize, leur taille est très inégale, et elles sont très hétérogènes culturellement, économiquement et politiquement. Le but était de créer des régions dites européennes et surtout de favoriser l’efficacité et la rationalisation des coûts, mais certaines compétences des communes et des départements ont été atrophiées. Le redécoupage de 2015, qui s’est imposé aux élus locaux, tout comme aux citoyens, a abouti à un millefeuille territorial qui a affaibli les échelons de proximité que sont les communes et les départements, au profit des métropoles et des intercommunalités. Nous ne pouvons que rejoindre les auteurs de cette proposition de loi dans leur critique du dernier découpage des régions et de ses conséquences néfastes pour la démocratie locale, en particulier la perte d’intérêt des citoyens pour les élections – le taux de participation n’a été que de 35 % aux dernières élections départementales et régionales –, et la perte de pouvoir des départements au profit des grandes régions.

Vous voulez réviser les limites de ces dernières, pour qu’elles recouvrent davantage les territoires vécus, en permettant le rattachement d’un département dans une région limitrophe. Si la consultation du département visé est légitime – il s’agit d’un impératif démocratique –, cela exclut une partie des acteurs concernés dans les deux régions. Il faut permettre un vote éclairé par une étude d’impact réalisée à cette échelle, sur la base de quoi toutes les parties pourront voter en leur âme et conscience.

Afin de ne pas prendre le risque d’un nouveau découpage anarchique, entre des régions plus attractives et d’autres plus en difficulté, nous proposons une consultation non seulement des départements concernés mais aussi des régions. Les multiples histoires et cultures qui enrichissent notre République, et sont donc à valoriser par la langue et les fêtes, ne se limitent pas aux frontières administratives.

Quitte à repenser le découpage des régions, nous proposons de nous appuyer sur des éléments plus structurels, comme la réalité écologique des sous-bassins versants, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le proposer, pour structurer la politique publique de plus en plus complexe qu’est la gestion de l’eau.

Nous sommes sans nul doute, nous autres Insoumis, de tradition jacobine. Nous défendrons jusqu’au bout l’unité et l’indivisibilité de la République, qui figure à l’article 1er de la Constitution de 1958. Résolument habités par le respect de la volonté générale et populaire, qui est au fondement de nos engagements, nous soutenons ce texte, auquel nous voulons ajouter, par nos amendements, quelques règles élémentaires – nous souhaitons une participation plus large, un quorum pour légitimer le vote et un droit d’initiative citoyenne.

M. Thibault Bazin (LR). Je n’ai pas l’expertise de Marc Le Fur, le Breton de notre groupe, qui partage votre combat, messieurs les rapporteurs. Vous connaissez son attachement à la réunion au sein de région de la Bretagne de tous les territoires qui le souhaitent.

Cette proposition de loi vise à inscrire dans le code général des collectivités territoriales la possibilité, pour l’État, de consulter les électeurs d’un département afin de recueillir leur avis sur tout projet relatif à la modification des limites régionales en vue d’intégrer ce département dans une région limitrophe. On peut s’étonner que cela ne soit pas déjà prévu et regretter que la réforme de 2015 ait imposé un découpage des régions. Nous avons ainsi perdu la Lorraine.

Vous proposez une mesure intéressante eu égard à la demande, maintes fois exprimée en Bretagne, de l’intégration de la Loire-Atlantique à sa région originelle. La première étape est de demander aux habitants ce qu’ils souhaitent. La possibilité que vous prévoyez va donc dans le bon sens. On pourrait néanmoins aller plus loin en prévoyant que l’État respecte la volonté ainsi exprimée.

Vous voulez permettre à la population de la Loire-Atlantique de se prononcer sur sa propre situation territoriale. Si la consultation demandée n’a pas de valeur contraignante ni obligatoire pour l’État, elle est nécessaire du point de vue démocratique. La question à laquelle les électeurs de la Loire-Atlantique devront répondre, si la proposition de loi est adoptée, permettra une clarification de la volonté des citoyens.

Étant Lorrain, je ne peux pas me prononcer sur l’histoire de la Bretagne, mais je la respecte profondément. Il me semble nécessaire de prendre en compte les aspirations de ses habitants, la réalité de leur vécu, de ce qu’ils veulent vivre et de ce qu’ils partagent. C’est aussi cela, la France : respecter les identités régionales, qui font partie de notre patrimoine

M. Philippe Latombe (Dem). La région à laquelle doit appartenir la Loire-Atlantique est un vieux débat. Selon un sondage de l’Ifop, 66 % des habitants de ce département estiment qu’il serait légitime de les consulter par voie de référendum, 51 % seraient disposés à se rendre aux urnes, et 63 % se déclarent favorables à un rattachement à la Bretagne. Cette proposition de loi a le mérite de faire office de courroie de transmission d’une demande émanant d’une partie de nos concitoyens. Toute initiative parlementaire tendant à trouver des leviers efficients pour favoriser la participation des Français est tout à fait louable, et je ne peux donc que vous féliciter à cet égard.

La proposition de loi, outre un article relatif au gage, introduit une procédure de consultation des électeurs d’un département au sujet d’un projet de modification des limites régionales visant à inclure ce département dans le territoire d’une région limitrophe. L’objectif est de permettre le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, étant entendu que la consultation ne concernerait que les électeurs du département dont le changement de région est envisagé, et non ceux des autres départements des deux régions.

Il convient de s’interroger sur la portée de ce dispositif. Certains risques juridiques méritent d’être discutés et éventuellement traités.

Une interprétation stricte de la Constitution pourrait conduire à penser que le présent texte ne saurait contraindre le législateur à soumettre à consultation une modification des limites régionales. De fait, le législateur, souverain, peut s’affranchir d’une telle consultation, et le pourrait d’autant plus que, aux termes mêmes du texte, elle n’est qu’une faculté.

Du reste, l’objet de la proposition de loi n’est pas tant de prévoir une consultation que de définir le corps électoral pouvant y participer. Bien que notre office ne nous destine pas à procéder à un contrôle a priori en lieu et place du Conseil constitutionnel, seul organe institutionnel dédié à cette tâche, nous pourrions déduire de l’article 72-1 de la Constitution que la modification des limites territoriales d’une collectivité peut donner lieu à la consultation des électeurs des collectivités intéressées.

Les modalités de consultation prévues par la proposition de loi, visiblement erronées, paraissent nécessiter des ajustements rédactionnels, notamment au sujet des références au code électoral. Vos amendements à portée légistique tendent à y remédier.

Au-delà des questions juridiques, il convient de s’intéresser aux risques organisationnels et économiques, notamment en ce qui concerne la détermination des nouveaux chefs-lieux de région et le déséquilibre qui affecterait la région Pays de la Loire.

En définitive, nous pouvons nous accorder sur l’objectif : la consultation des électeurs est, par principe, une bonne chose. Toutefois, le problème que soulève cette proposition de loi est la conséquence du redécoupage territorial effectué par le gouvernement socialiste dans le cadre de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Les choix ont vraisemblablement reposé sur des critères strictement économiques et administratifs, sans prendre en considération les dimensions culturelles.

Différentes sensibilités s’exprimant sur le sujet, le groupe Démocrate ne donnera aucune consigne de vote.

M. Hervé Saulignac (SOC). Chers collègues de la majorité, vous maltraitez beaucoup la loi NOTRe, dont, je me permets de le rappeler, le rapporteur s’appelait Olivier Dussopt… Pour rendre hommage à son travail, j’en prendrai donc la défense. (Sourires.)

Nous examinons une proposition de loi transpartisane, qui implique vingt-cinq députés issus de huit groupes, dont trois du groupe socialiste, soit 10 % de ses effectifs. Elle se fonde néanmoins sur un cas particulier, celui du rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Or, si j’aime beaucoup la Bretagne, j’aime aussi quand notre assemblée légifère pour la nation dans son ensemble – mais gageons que la Bretagne incarne mieux que toute autre les débats autour de l’identité régionale.

La proposition de loi aurait pu élargir le débat aux périmètres des régions, qui n’est pas une question taboue. Elle aurait pu questionner les carences démocratiques des procédures de modification des limites administratives. Elle vise en réalité à donner une traduction à la démarche citoyenne de l’association Bretagne réunie, qui a rassemblé plus de 100 000 signatures. Il est évidemment tout à fait légitime de considérer qu’à ce niveau de mobilisation, la parole du peuple doit être entendue.

La proposition de loi aurait pu énoncer que, lorsque 10 % du corps électoral se mobilise, le département a la possibilité d’organiser un vote par une forme d’autosaisine ou l’État l’obligation d’engager une consultation. Elle se contente de prévoir que l’État peut recueillir un avis sur un projet de modification des limites régionales. Cela suppose qu’il veuille modifier ces limites et qu’il accepte de consulter le département concerné. Si l’on crée un véhicule législatif, celui-ci n’est assorti d’aucune garantie ni obligation. Or imagine-t-on l’État consulter tel département et pas tel autre ? Ce serait une différence de traitement inacceptable.

Nous avions déposé des amendements visant à introduire des obligations. Ils ont été déclarés irrecevable au titre de l’article 40. Pourtant, ce même article n’a pas été invoqué pour le seul amendement de notre groupe qui ait été retenu et qui vise à abaisser à 16 ans l’âge de participation à la consultation, alors même qu’il crée incontestablement une charge.

En conclusion, une grande majorité des membres du groupe Socialistes et apparentés partage l’objectif de la proposition de loi, à savoir introduire plus de démocratie dans les décisions qui engagent l’avenir de tout un territoire. Il ne serait pas opportun de s’opposer à l’expression d’un avis, mais le caractère facultatif, pour ne pas dire hypothétique de la mesure nous étonne un peu. En outre, les avis des habitants de la région d’origine ou de l’éventuelle région de rattachement sont ignorés, alors qu’ils subiront les conséquences de la décision.

Néanmoins, nous ne nous opposerons pas à une proposition de loi dont les objectifs sont louables. Ses signataires voteront évidemment en sa faveur. Quant aux autres, ils réserveront leur vote dans l’attente d’éventuelles évolutions.

M. le président Sacha Houlié. J’observe non sans malice que je ne suis pas le seul à m’interroger sur l’application de l’article 40…

Mme Anne Le Hénanff (HOR). La proposition de loi que nous examinons ce matin, présentée par nos collègues Paul Molac et Erwan Balanant et cosignée par presque tous les députés bretons, vise à créer la possibilité d’une consultation des électeurs d’un département pour le choix de la région à laquelle ils souhaiteraient administrativement appartenir. Si le dispositif est écrit en termes généraux et pourrait donc s’appliquer à l’ensemble des départements métropolitains, il répond en réalité à une demande spécifique et maintes fois exprimée ces dernières années, à savoir le rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne, ce que d’aucuns nomment « réunification de la Bretagne ».

La question n’est pas nouvelle, puisqu’elle soulève des débats depuis la création des régions administratives, en 1956. Détachée de la Bretagne par le décret du 30 juin 1941 signé par le maréchal Pétain, la Loire-Atlantique n’en a plus jamais fait partie administrativement. Historiquement, elle était pourtant incluse, depuis le traité d’Angers en 851, dans le royaume puis le duché de Bretagne. La résidence principale des ducs de Bretagne était même située à Nantes.

La loi du 16 janvier 2015, dont est issu le découpage territorial actuel, a suivi une logique de réduction du nombre de régions, sans redécoupage à l’échelon départemental et sans concertation avec les collectivités locales, ni avec les habitants. Elle prévoyait toutefois un droit d’option permettant aux départements qui le souhaiteraient de changer de région dans un délai de trois ans. Ce droit n’a jamais été utilisé, faute d’être applicable, les départements souhaitant quitter une région pour une autre devant obtenir l’accord de la région de départ.

De nombreux sondages réalisés depuis les années 1980 montrent une réelle volonté populaire de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Plus récemment, en 2018, une pétition appelant le département de la Loire-Atlantique à organiser une consultation populaire sur la question a réuni 105 000 signatures, soit 10 % du corps électoral. Les collectivités locales se sont également saisies de la question, relayant l’attente des habitants. Depuis 2020, les villes de Nantes, Rennes, Brest, Vannes, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire et plus de vingt autres ont adopté des vœux demandant à l’État d’engager le processus permettant de donner suite à cette demande citoyenne. Le conseil régional de Bretagne a adopté à l’unanimité le même vœu en octobre 2021.

S’il revient au législateur de déterminer les limites territoriales des régions, il nous paraît important qu’une véritable consultation des habitants de Loire-Atlantique ait lieu afin qu’ils puissent s’exprimer et choisir eux-mêmes la région à laquelle ils souhaitent appartenir. Dans l’hypothèse d’un résultat favorable, il reviendra au législateur de se prononcer sur cette demande.

Le présent texte résulte d’une démarche collective et transpartisane. J’entends néanmoins les interrogations et les inquiétudes qu’il peut susciter, y compris au sein de mon groupe, sur le plan constitutionnel, ainsi que concernant la pertinence d’inscrire dans la loi un dispositif général pour régler une situation particulière. C’est cependant le moyen que les cosignataires de la proposition de loi ont trouvé pour permettre la consultation des habitants de Loire-Atlantique. Jean-Charles Larsonneur, Thierry Benoit et moi-même y sommes favorables. Nous laisserons les autres membres du groupe décider en leur âme et conscience si la Bretagne peut retrouver la Loire-Atlantique.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je remercie le groupe LIOT d’avoir placé sa journée réservée sous le signe de l’expression démocratique et MM. Molac et Balanant pour leur travail transpartisan. Le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne est une véritable arlésienne. Les écologistes ont toujours été de fervents défenseurs du régionalisme et du fédéralisme, pour plus de démocratie, le régionalisme étant le meilleur rempart contre le repli nationaliste et contre l’individualisme libéral.

La proposition de loi vise à consulter les habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance et à intégrer dans le code général des collectivités territoriales la possibilité, pour l’État, de consulter les électeurs d’un département donné, afin de recueillir leur avis sur tout projet portant sur les modifications de limites territoriales régionales en vue d’intégrer ce même département dans une région qui lui est limitrophe. Je m’exprime ici aussi en tant que députée de la Loire-Atlantique, et il importe de préciser qu’il s’agit, à travers cette proposition de loi, non de trancher la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, mais de relayer une demande citoyenne sur le sujet.

Ce texte répond donc à un besoin démocratique. Nos concitoyens désirent être partie prenante du processus de décision conduisant à remodeler la carte des collectivités territoriales. Cela a été dit : en 2018, plus de 10 % du corps électoral a signé une pétition en ce sens. En tant que conseillère municipale de Nantes, j’ai moi-même signé en 2021 un vœu demandant à l’État d’organiser cette consultation. Une étude sur les conséquences d’un tel remodelage de la carte administrative française a été commandée conjointement par le département de Loire-Atlantique et la région Bretagne, afin d’éclairer l’éventuel vote.

La proposition de loi répond ainsi à la demande maintes fois exprimée en Bretagne d’un rattachement de la Loire-Atlantique à sa région originelle. Cette demande s’est exprimée de plusieurs manières : manifestations populaires à Nantes et dans d’autres villes de Loire-Atlantique, sondages d’opinion, vœux d’une trentaine de collectivités territoriales dans l’ensemble de la Bretagne. Si le texte est adopté, il permettra à la population de Loire-Atlantique de se prononcer sur sa propre situation territoriale. Si la consultation demandée n’a pas de valeur contraignante ni de caractère obligatoire, elle est nécessaire du point de vue civique, le besoin d’une démocratie plus participative étant clairement exprimé par nos concitoyens, qui souhaitent prendre davantage part aux processus de décision. Faudrait-il bouder cette demande dans la période actuelle ? Je ne le pense pas. Le groupe Écologiste votera résolument en faveur de la proposition de loi.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous avons souhaité, dans cette journée réservée, soulever le problème de la respiration démocratique, à travers des sujets que nous pourrions traiter immédiatement de manière à envoyer des signaux clairs à nos concitoyens, qui nous interrogent régulièrement sur ces questions. Nous devons, je crois, accroître notre capacité d’entendre la volonté de nos concitoyens.

La proposition de loi crée un dispositif non contraignant de consultation de nos concitoyens. Je ne vois rien en elle qui puisse inciter à la prudence. J’espère plutôt que la Bretagne deviendra grâce à elle une terre d’expérimentation qui nous permettra de distinguer ce qui est difficilement faisable et ce qui est objectivable. Le groupe LIOT l’accompagnera avec force et vigueur.

Nous considérons que, dans l’attente d’une réforme des institutions – qui viendra ou non –, il faut envoyer des signaux à nos concitoyens. Offrir aux habitants du département de Loire-Atlantique la possibilité de se prononcer sur le rattachement de leur département à la région Bretagne nous semble utile pour le débat public et pour la régénération de la relation entre les électeurs et les institutions.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Sandrine Josso (Dem). C’est en tant que députée de la septième circonscription de Loire-Atlantique – voisine de celle de Paul Molac – que j’interviens.

Vous avez, chers collègues de tous bords, dit des choses très pertinentes sur le souhait exprimé de manière récurrente par les habitants de Loire-Atlantique d’être consultés. J’ai soutenu cette demande lors de mon premier mandat et la soutiens encore. Je remercie Paul Molac pour cette proposition de loi qui permettra, je l’espère, de trancher une fois pour toutes la question, en permettant aux habitants de se prononcer de manière démocratique. Ce qu’a dit notre collègue Saint-Huile est très pertinent : il serait intéressant d’en faire une expérimentation.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Je salue la constance des deux rapporteurs, puisque nous avons eu ce débat dès 2014.

La réforme de 2014, qui a donné la loi du 16 janvier 2015, avait concilié efficacité et équité en prenant en considération les solidarités historiques, non celles fondées sur le passé révolu mais celles construites au cours des précédentes décennies, qui traduisent une volonté de vivre et de partager ensemble. Je défends pour ma part l’idée que l’histoire est celle que les femmes et les hommes font en prenant des décisions qui dépassent leurs intérêts à court terme, mais dont les effets sont globaux et peuvent être systémiques. Le maintien ou non d’un département dans une région doit tenir compte d’un certain nombre de critères qui avaient été définis à l’époque dans l’étude d’impact. Que se passe-t-il par exemple si un département qui représente près de 40 % du PIB d’une région la quitte ? C’est le cas de la Loire-Atlantique au sein de la région Pays de la Loire. Que deviendront les autres départements de la région : le Maine-et-Loire, la Sarthe, la Mayenne, la Vendée ? Les citoyens qui ont contribué eux aussi à la richesse de la région risquent de se trouver sans solution.

La démarche démocratique est essentielle, nous en sommes d’accord – mais elle doit s’appliquer à l’ensemble des habitants des régions d’origine et de rattachement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je répondrai sur un plan général, et Paul Molac point par point.

Madame Karamanli, vous notez notre constance, mais c’est la détermination des Bretons et des habitants de la Loire-Atlantique qui nous y oblige. Elle remonte au moment de la séparation. C’est pourquoi nous nous mobilisons sur ce dossier.

On nous reproche de légiférer pour un département, mais je ferais remarquer à M. Gouffier Valente, qui est le premier à avoir émis cette critique, qu’il a cosigné une proposition de loi visant à supprimer la métropole du Grand Paris. N’est-ce pas un texte qui ne regarde que Paris et les Parisiens ? De même, monsieur Saulignac, la loi « montagne » concerne l’Ardèche, mais pas la Bretagne. Elle traite des spécificités de certaines parties du territoire. L’obligation d’équiper son véhicule de pneus hiver n’est pas vraiment utile en Bretagne… Il arrive donc que le législateur adopte des textes qui ne s’appliquent qu’à un seul département.

Le présent texte permettra de trancher démocratiquement une question qui est une véritable arlésienne. Il ne se passe pas une élection en Bretagne ou en Loire-Atlantique sans que les électeurs interrogent les impétrants pour leur demander quelle sera leur position sur le sujet. Il faut avancer et finir par trancher. Si on veut le faire de manière raisonnable, il convient de savoir ce que veulent les habitants de la Loire-Atlantique. C’est ce que nous proposons. Si les Ligériens déclarent vouloir être rattachés à la Bretagne, nous continuerons – et comptez sur Paul Molac et tous les élus bretons pour le faire de manière démocratique. S’ils le refusent, le débat sera clos et nous pourrons passer sereinement à autre chose.

Je passe maintenant la parole à Paul Molac, que je remercie de m’avoir associé à ce dossier sur lequel il est engagé depuis longtemps.

M. Paul Molac, rapporteur. Certains indices nous font penser que les habitants de Loire-Atlantique souhaitent le rattachement de leur département à la Bretagne mais, tant qu’une vraie consultation n’a pas été organisée, on ne peut en être certain. Vous voulez que l’on demande immédiatement l’avis de tous les départements concernés, mais si la Loire-Atlantique refuse le rattachement, que fait-on ?

Notre texte vise à mettre en évidence un problème. Pour le résoudre, la loi ne suffira pas. Il faudra dans un second temps engager des consultations et des discussions entre les élus des deux régions, voire avec ceux du Centre-Val de Loire. Ce n’est pas à moi, Breton, de dire aux autres comment ils doivent s’organiser ! J’en discuterai avec eux, puisqu’en tant que député, je serai appelé à participer au processus, mais ma volonté n’est pas d’imposer quoi que ce soit.

On se focalise sur la Loire-Atlantique parce qu’une demande s’exprime tant par la population que par le conseil départemental et qu’il n’y a pas, à ma connaissance, d’autres départements en France qui se trouvent dans cette situation ; mais la proposition de loi s’adresse à tous les départements limitrophes d’une autre région, et pas à la seule Loire-Atlantique.

Nombre d’entre vous ont évoqué la loi de 2015. À l’époque, j’avais voté contre et j’avais même fait l’explication de vote au nom du groupe Écologiste. Je pense qu’elle n’a réglé aucun problème, bien au contraire, elle en a ajouté, en créant de grandes régions que les citoyens ne réussissent pas à s’approprier. S’ils ne se sentent pas concernés, il ne faut pas s’étonner que les régions marchent mal – puisqu’on me dit qu’il n’y a qu’en Bretagne que cela fonctionne !

L’application de l’article 40 a en effet empêché l’examen des amendements visant à prévoir l’organisation d’une telle consultation dans d’autres départements. Toutefois, avec le texte que nous vous soumettons et compte tenu de l’état du droit, rien n’empêche d’autres présidents de départements de demander une modification des limites territoriales des régions ou de consulter les électeurs sur celle-ci.

Certes, notre rédaction n’est pas très prescriptive. On pourrait imaginer, sous réserve de sa recevabilité financière, de la compléter en prévoyant qu’en cas de demande issue du terrain, provenant soit de la population soit du conseil départemental, l’État organise une consultation – en lui laissant décider du périmètre de celle-ci. Il me semble, monsieur Pfeffer, que ce serait préférable à votre amendement qui supprime une possibilité et ajoute une condition.

Attention à ne pas retenir des critères qui empêcheraient le processus d’aboutir. Par exemple, le droit d’option imposait que toutes les collectivités prennent des décisions concordantes à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, qu’une consultation locale aille dans le même sens et que dans chacun des départements des régions concernées des consultations aboutissent au même résultat. De surcroît, on exigeait, me semble-t-il, une participation minimale ! Quand on met de telles conditions, il est clair qu’on veut que rien ne change. C’est un peu comme pour le référendum d’initiative partagée : j’avais dit aux collègues socialistes qu’avec toutes les conditions exigées, aucun ne pourrait avoir lieu. Jusqu’à présent, je n’ai pas été démenti.

Nous votons parfois des dispositions que nous savons inapplicables. Mais il faut aussi que nous tenions compte des demandes du terrain. Or il existe un certain consensus entre les élus bretons sur ce point. Un très grand nombre de communes de la Bretagne historique demandent le rattachement. La question est donc à peu près tranchée chez nous. Néanmoins, il ne s’agit pas d’obliger quiconque à s’engager dans cette voie. Nous ne voulons pas imposer un redécoupage des régions. Ce que nous disons, c’est que la question se pose, et qu’il faut essayer de la trancher démocratiquement, et de trouver ensuite, par une réflexion collective, une issue qui satisfasse le plus grand nombre.

Je remercie Mme Laernoes, Mme Le Hénanff, M. Saint-Huile et Mme Josso pour leur soutien à cette proposition de loi. J’ai pris bonne note des interrogations de Mme Karamanli. Serons-nous capables de construire quelque chose ensemble dans un second temps ? Je le répète : ce texte n’est qu’un commencement. Il faudra ensuite discuter. La loi de modification des régions est entièrement à construire – mais c’est une autre affaire.

M. le président Sacha Houlié. La suite de la discussion est renvoyée à cet après-midi, dix-sept heures trente.

Seconde réunion du mercredi 31 mai 2023 à 17 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/Z9oW5q

Article 1er (art. L. 4122-2 et L. 4122-1-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Procédure de consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance

Amendement CL26 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). En l’état, l’application de la proposition de loi est soumise au bon vouloir du Gouvernement. Nous proposons que le président du conseil départemental, s’il obtient la signature de 10 % des électeurs de son département sur le projet de modification des limites territoriales, puisse demander à l’État de consulter les électeurs du département concerné.

M. Paul Molac, rapporteur. Votre amendement manque sa cible. En prévoyant que le président du conseil départemental puisse demander à l’État de consulter les électeurs du département, vous lui laissez le choix de ne pas répondre. Si vous voulez contraindre l’État à agir, il faudrait, plutôt que de modifier la rédaction de l’alinéa 2 et sous réserve de sa recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution, en ajouter un autre à la suite pour que le président du conseil départemental demande à l’État d’organiser la consultation s’il obtient la signature de 10 % des électeurs de son département. Je vous invite à retirer l’amendement.

M. Kévin Pfeffer (RN). J’ai bien compris votre argument mais l’amendement laisse tout de même au président du conseil départemental la possibilité de solliciter l’État. Vous y faites vous-même référence dans l’exposé des motifs de la proposition de loi en rappelant qu’en 2018, une pétition pour organiser une consultation sur la question de la réunification de la Bretagne avait recueilli 105 000 signatures, soit plus de 10 % du corps électoral. Or aucune disposition légale n’autorisait le président du conseil départemental à solliciter l’État.

M. Paul Molac, rapporteur. Il l’a tout de même fait et l’État lui a répondu qu’il ne disposait pas de baser légale pour organiser une telle consultation sur seulement une partie de son territoire. L’article 1er prévoit, en son alinéa 2, cette possibilité. Cette disposition est le cœur du texte et je serais ennuyé qu’elle soit modifiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL22 de Mme Sandra Regol

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement rédactionnel tend à remplacer le terme « État » par celui de « Gouvernement ». C’est en effet à ce dernier qu’il revient de tirer les conséquences politiques des réflexions engagées officieusement dans les couloirs de l’Assemblée nationale autour d’une réorganisation territoriale. Le sujet revêt une importance particulière en Alsace mais il se pose dans toutes les régions : comment assumer une culture, une langue, un patrimoine, sans porter atteinte à l’unité de la République ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Votre amendement n’est pas simplement rédactionnel et son adoption serait potentiellement lourde de conséquences. En l’espèce, c’est bien l’État qui est à la manœuvre. C’est lui, et non pas le Gouvernement, qui peut organiser la consultation des électeurs. S’il s’agissait du Gouvernement, les effets seraient bien différents et la question de sincérité du scrutin pourrait même être posée. Je vous invite à le retirer.

M. Paul Molac, rapporteur. Par convention, on utilise le terme « État » et non celui de « Gouvernement » dans tous les textes législatifs.

L’amendement est retiré.

Amendement CL9 de M. Andy Kerbrat

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Cet amendement nous a été inspiré d’une expérience malheureuse qui a eu lieu en Alsace. En 2013, le référendum sur la fusion du conseil régional d’Alsace avec les deux conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin a été rejeté à 55,74 % par les électeurs du Haut-Rhin tandis que le « oui » l’emportait dans le Bas-Rhin mais le quorum de 25 % n’était pas atteint. Pourtant, le 27 février 2019, les deux départements ont été regroupés et la collectivité européenne d’Alsace est née.

Le département est à la bonne échelle pour gérer les compétences qui lui sont attribuées. Les départements sont suffisamment proches des citoyens et des problématiques locales. Il faut croire que les Françaises et les Français aiment leur département puisqu’en 2003, les Corses ont, eux aussi, rejeté par référendum la fusion de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud. Pourtant, la loi NOTRe, a créé en 2015 la collectivité unique de Corse.

L’amendement tend, par conséquent, à assurer que le vote des électeurs sera respecté en cas de référendum et qu’aucun projet de modification des limites régionales ne sera mené à son terme en cas de rejet par les citoyens, en insérant, après l’alinéa 2, un nouvel alinéa en vertu duquel il ne peut être donné suite au projet de modification que si celui-ci recueille, dans chacune des collectivités concernées, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.

M. Paul Molac, rapporteur. Le référendum organisé en 2013 en Alsace posait la question de la fusion des deux départements avec la région. La majorité ne l’ayant pas emporté dans les deux départements, le projet n’a pas abouti, mais il s’agissait de créer une collectivité unique, ce que n’est pas la collectivité européenne d’Alsace qui représente, en réalité, un grand département au sein de la région Grand Est.

En Corse, la première tentative engagée pour fusionner les deux départements a échoué mais le principe de la collectivité territoriale à statut particulier a plus tard été validé par les électeurs.

En l’espèce, il ne s’agit pas d’instaurer un dispositif décisionnaire mais de consulter la population pour confirmer ou non les aspirations qui semblent se dégager majoritairement de la population d’un territoire, comme c’est le cas en Loire-Atlantique. Il ne faut pas croire que la consultation remplacera la loi. Au contraire, elle n’est qu’une première étape.

D’autre part, vous visez l’ensemble des collectivités concernées mais il suffirait que la participation soit insuffisante dans un seul département pour altérer l’ensemble du dispositif. Il faudrait également différencier les questions : on demanderait, par exemple, aux électeurs de Loire-Atlantique s’ils veulent rejoindre la région Bretagne et aux autres, s’ils l’acceptent. Imaginez l’imbroglio !

Surtout, prenez le cas de la Bretagne et des Pays de la Loire qui comptabilisent neuf départements. Que se passe-t-il si la majorité est recueillie dans tous les départements mais que le quorum de 25 %, déjà très élevé, n’est pas atteint dans un seul département ? Considérez-vous que le « non » l’emporte ?

Le droit est magique : lorsqu’on refuse une mesure, on l’assortit de multiples conditions pour rendre impossible son application. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je suis d’accord avec le rapporteur. Souvenons-nous de la complexité sans nom du référendum alsacien en 2013, dont le succès était soumis à une triple condition. Si l’on veut augmenter le nombre des référendums locaux pour renforcer la démocratie directe, les règles doivent en être simples, compréhensibles et accessibles. Un référendum, c’est « oui » ou « non ». Plus on l’assortit de conditions, plus on s’assure de la pérennité du statu quo. La loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 a ouvert la possibilité aux régions de consulter les électeurs sur un projet de fusion mais ce n’est pas un hasard si autant de conditions ont été prévues en 2013. Du fait des antagonismes locaux, beaucoup avaient intérêt à ce que le « non » l’emporte. Dans l’espoir d’aboutir à un consensus, ceux qui soutenaient le référendum ont accepté, peut-être par orgueil, la multiplication des conditions.

Enfin, ce qui différencie cette proposition de loi des consultations engagées sur le fondement de la loi de 2010, tient à l’initiative, qui revient aux collectivités locales. Je présenterai un amendement pour remettre au cœur de la procédure l’avis des collectivités, conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale.

M. Ludovic Mendes (RE). Rappelons le contexte de 2013 en Alsace : moins d’un votant sur trois s’est déplacé. Or il fallait que la participation atteigne 25 % des inscrits pour que le résultat soit pris en compte. Prenons garde à ne pas imposer aux citoyens des référendums dont ils ne veulent pas ! D’autre part, les résultats ont été différents dans les deux départements. Depuis, la loi NOTRe a été votée ainsi que la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique, dite 3DS, et la collectivité européenne d’Alsace, qui reprend des compétences départementales et régionales, a été créée. L’Alsace est ainsi maintenue dans la région Grand Est, ce qui ne l’empêche pas d’y rayonner.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). La collectivité européenne d’Alsace n’a pas de compétences régionales. L’amendement tend simplement à ce que nous ne nous retrouvions plus dans la situation des Alsaciens à qui l’on a imposé une collectivité unique alors qu’ils avaient refusé six ans auparavant la fusion des deux départements avec la région. Nous ne voulons pas qu’à nouveau, les frontières puissent bouger contre la volonté des habitants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL10 de Mme Élise Leboucher.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Je suis députée de la Sarthe, donc je porte un intérêt tout particulier à cette proposition de loi. L’amendement vise à ce qu’une étude d'impact portant sur les conséquences pour les collectivités concernées d’un projet de modification des limites régionales soit remise en préalable à la consultation des électeurs, afin d’éclairer le vote de ces derniers.

Que ce soit pour le département, la région intégratrice ou la région qui perd le département, de telles modifications auront des conséquences lourdes en termes économiques, fiscaux, culturels ou politiques. Dans un souci de transparence et d’information, une étude d’impact nous semble un préalable nécessaire.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’aime également beaucoup la Sarthe. Nous accueillons avec bienveillance votre amendement ; avec Paul Molac, nous souhaitions le sous-amender pour l’améliorer, mais la tâche s’est révélée légistiquement complexe. Nous avons donc déposé un amendement, le CL43, qui va dans le même sens. Je vous demande par conséquent de retirer le vôtre.

Votre interrogation est tout à fait légitime et justifie la tenue de la consultation, cette dernière permettant à tous les citoyens de Loire-Atlantique de comprendre, dans une première étape, l’ensemble des enjeux liés à l’éventuel rattachement à la région Bretagne : le débat public doit être complet et précis.

M. Paul Molac, rapporteur. Le département de Loire-Atlantique réalise actuellement, avec la région Bretagne, une étude d’impact, confiée à un cabinet extérieur, destinée à éclairer les citoyens de ce département et de cette région, car ce sujet comporte de nombreux effets de bord.

L’amendement est retiré.

Amendement CL39 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il vise à préciser que la loi tranchera dans un second temps, le vote des citoyens constituant la première étape du processus. La consultation sert à répondre démocratiquement à la question de savoir si les Ligériens souhaitent ou non rejoindre la région Bretagne.

M. Kévin Pfeffer (RN). Si les citoyens étaient consultés, il n’y aurait rien de pire que de ne pas respecter leur choix. En précisant que la loi aura le dernier mot, vous laissez au Parlement la possibilité d’écarter la décision des électeurs.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La Constitution prévoit ce type de consultations, mais elle dispose également que la délimitation des régions relève du pouvoir législatif. Il est donc impossible de contourner la loi, mais tout l’enjeu d’une consultation organisée avec une assise solide – comme le dispositif de notre proposition de loi le prévoit – est d’emporter la décision du législateur, en tout cas l’issue de la consultation emporterait celle des députés bretons.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Ce processus obéit au bon sens et a déjà montré son efficacité. Comme les gouvernements n’ont pas voulu réformer les collectivités locales, ils ont élaboré, ces dernières années, des lois qui se contentaient de les redécouper. Certains redécoupages furent heureux, d’autres malheureux, mais le processus législatif est connu et fonctionne.

Les redécoupages sont très complexes – vous pouvez me croire, moi qui suis élu dans la collectivité européenne d’Alsace – et les effets de bord liés aux transferts de financements et de compétences ne sont pas simples à gérer. Un débat technique doit suivre la volonté politique : aux citoyens d’exprimer leur choix, puis au législateur de l’appliquer. Il me semble que nous pouvons nous faire confiance pour respecter la volonté du peuple.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL3 de Mme Marie-France Lorho, CL15 de Mme Gisèle Lelouis et CL27 de M. Kévin Pfeffer.

Mme Pascale Bordes (RN). Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les textes existants : il tend à exclure les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne inscrits sur les listes électorales complémentaires de cette consultation, puisqu’ils ne participent pas aux scrutins départementaux et régionaux.

Mme Gisèle Lelouis (RN). La proposition de loi est intéressante mais aucun ressortissant étranger, même inscrit sur les listes électorales en tant que citoyen d’un pays de l’Union européenne, n’a à se prononcer sur le sort de départements et de régions français. Les départements comptent assez peu d’électeurs et encore moins de votants, donc on peut imaginer le poids des citoyens européens. Voilà pourquoi je propose d’exclure ces ressortissants du champ du texte.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’avis est défavorable car les consultations locales comparables sont bien ouvertes aux ressortissants européens. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de modifier le code électoral, et cela vaut pour le vote des mineurs âgés de 16 ans comme pour celui des citoyens européens.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je suis élue dans une ville située à la frontière de la France et de l’Allemagne, qui est une capitale européenne et qui se trouve au cœur de l’Europe. Beaucoup de Français vivent de l’autre côté du Rhin et beaucoup d’Allemands vivent dans notre ville. Les Allemands participent à la vie quotidienne, financent l’État en payant la TVA et votent à des scrutins locaux ; depuis que les ressortissants européens peuvent voter, il est devenu normal d’avancer ensemble – nous ne sommes plus au Moyen Âge, même si de grandes choses ont été accomplies à cette époque. Vu de mon territoire, cela semble naturel, et je suis sûre que cela doit l’être dans toutes les zones frontalières de notre pays.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL30 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL7 de M. Hervé Saulignac.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Les effets de cette consultation dépasseraient largement les temporalités électorales habituelles, et la Bretagne a toujours été une terre d’expérimentations, donc, pourquoi ne pas élargir le corps électoral appelé à participer à cette consultation aux personnes âgées de 16 ans ?

M. Paul Molac, rapporteur. Nous avons choisi de ne pas chambouler le droit électoral dans cette proposition de loi. Sur le fond, nous sommes d’accord avec l’amendement, mais l’élargissement du corps électoral aux mineurs âgés de plus de 16 ans devrait d’abord concerner un scrutin plus emblématique comme une élection présidentielle ou municipale.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Comme vous le dites, nous aimons bien les expérimentations démocratiques en Bretagne, lesquelles sont souvent des succès. Je soutiens l’idée d’une participation des mineurs âgés de plus de 16 ans à cette consultation, mais il serait sans doute difficile de constituer les listes électorales. Nous avons déjà du mal à faire comprendre à une partie de la majorité et à l’État l’importance d’une telle consultation, donc rajouter un enjeu de logistique électorale nous compliquerait encore davantage la tâche. J’ai fait inscrire dans la loi le droit pour tout citoyen âgé de plus de 16 ans de soumettre une pétition au Conseil économique, social et environnemental (Cese), et j’accueille favorablement votre idée, d’autant que ce type de scrutin serait idéal pour expérimenter l’abaissement de l’âge du droit de vote.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Je ne vous rejoins pas sur le périmètre de la consultation, mais la proposition d’expérimentation est intéressante. Elle devrait s’appliquer à des référendums touchant à des questions d’avenir : il importe en effet que les futurs citoyens, qui construiront le monde de demain, puissent se prononcer sur le futur des régions et des collectivités. Je n’en ai pas discuté avec mon groupe, mais, à titre personnel, je voterai en faveur de l’amendement.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je suis d’autant plus favorable à l’amendement que j’en avais déposé un sur le texte que nous avons examiné ce matin visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans, qu’il faudra essayer de réintroduire. Nous soutenons vigoureusement cette expérimentation.

M. Paul Molac, rapporteur. L’amendement ne change pas la proposition de loi, et je ne vois pas d’inconvénient à ce que la commission l’adopte. Cela complexifiera sans doute le dispositif, mais nous pouvons approuver cette proposition.

M. le président Sacha Houlié. Le dispositif de l’alinéa 3 de l’article 1er traite du corps électoral de la consultation, raison pour laquelle les amendements peuvent avoir pour objet le périmètre de ce corps électoral. Voilà pourquoi ils sont recevables au titre de l’article 45 de la Constitution. La proposition de loi que nous avons examinée ce matin portait sur les modalités de vote mais pas sur le corps électoral, donc les amendements ne pouvaient pas viser la modification de celui-ci.

Je ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais je n’ai jusqu’à présent jamais été déjugé par la présidente de l’Assemblée nationale sur l’interprétation de l’article 45 de la Constitution.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL31 de M. Paul Molac, rapporteur.

Amendement CL16 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Le délai de deux mois après la publication du décret pour organiser la consultation est beaucoup trop court car il ne permettra pas une mobilisation suffisante. Or pour favoriser le vote des citoyens, il faut un véritable débat démocratique. C’est pourquoi je propose de passer le délai de deux à trois mois.

M. Paul Molac, rapporteur. Ce délai est purement formel car la campagne commencera bien avant – elle a même déjà commencé puisqu’une étude d’impact est en cours d’élaboration. Nous avons encore beaucoup de temps avant que le décret paraisse, ne serait-ce que parce qu’il faut d’abord que le présent texte soit adopté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL21 de Mme Sandra Regol et sous-amendement CL42 de M. Erwan Balanant.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement vise à garantir que si le résultat d’une consultation déplaît à l’une ou l’autre des parties, un nouveau référendum ne sera pas immédiatement organisé avant un délai minimal de deux ans. En fixant ainsi des bornes à l’exercice de ce droit, il s’agit d’éviter que la bonne intention de la loi ne soit retournée contre elle.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous sommes favorables à cette proposition, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement de précision. Vous avez raison : une fois que la question aura été tranchée par un vote, nous n’allons pas y revenir avant au moins deux ans. Quel que soit le résultat, un avis démocratique aura été émis sur ce sujet qui, je le rappelle, occupe les conversations politiques bretonnes depuis plus de soixante-dix ans.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de précision CL32 de M. Erwan Balanant, rapporteur, et CL33 de M. Paul Molac, rapporteur.

Amendement CL43 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac, rapporteur. Il est proposé de confier à la Commission nationale du débat public (CNDP) le soin de réaliser un dossier d’information complet et impartial pour éclairer les électeurs. La CNDP apparaît l’autorité pertinente pour mener à bien cette mission.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL34 de M. Erwan Balanant, rapporteur, et les amendements CL35, rédactionnel, et CL37, de coordination, de M. Paul Molac, rapporteur.

Amendement CL38 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac, rapporteur. Il s’agit de confier au représentant de l’État dans le département la composition de la commission de recensement, sans injonction sur la qualité de ses membres.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL36 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL41 de M. Romain Baubry.

Mme Pascale Bordes (RN). La proposition de loi se limite à une simple consultation pour avis, sans obligation légale d’agir pour l’État. Or il est primordial que l’État, garant de la souveraineté populaire, se conforme aux résultats de la consultation et redéfinisse les limites du territoire si tel est le souhait de la population.

M. Paul Molac, rapporteur. C’est une idée certes louable mais dépourvue d’opérationnalité. Aucune instance ne condamnera l’État pour n’avoir pas tout mis en œuvre pour respecter la volonté citoyenne, d’autant que celui-ci pourra toujours arguer qu’il a commencé à faire quelque chose, même si cela n’a pas abouti.

Mme Pascale Bordes (RN). J’entends ce que vous dites mais l’inscription de cette obligation dans la loi serait un progrès. À défaut, il ne se passera rien et votre texte en restera à l’état de vœu pieux.

M. Ludovic Mendes (RE). Ce référendum n’est qu’une consultation et n’est en rien contraignant. Si l’on veut qu’il en aille autrement, il faut modifier la Constitution.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

Amendement CL12 de Mme Élise Leboucher.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Nous proposons que les modifications des limites territoriales d’un département et le regroupement de deux départements passent obligatoirement par la loi. Le regroupement de départements peut actuellement être décidé par décret et, depuis 2016, le consentement des électeurs n’est plus requis. Nous souhaitons que le Parlement puisse s’exprimer et, le cas échéant, s’opposer à des regroupements de départements.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je comprends votre préoccupation mais une telle disposition aurait des conséquences importantes. Récemment, un accord entre les départements de la Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire a été trouvé pour permettre l’intégration d’une commune dans une intercommunalité, entraînant une modification des limites départementales. Cela s’est fait en accord entre les départements et les communes. Il serait assez lourd d’en passer par la loi en pareille hypothèse. Demande de retrait.

M. Paul Molac, rapporteur. En l’occurrence, six communes souhaitaient se regrouper en intercommunalité : cinq étaient en Loire-Atlantique et une en Maine-et-Loire. Elles se sont arrangées pour que cette dernière rejoigne la Loire-Atlantique. Je ne sais pas s’il y a eu un vote de la population mais cela s’est fait de cette façon. S’il fallait en passer par la loi à chaque fois, ce serait sans doute un peu lourd.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL11 de M. Andy Kerbrat.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Créées en 2015, les grandes régions ont accentué le sentiment d’éloignement entre les citoyens et leurs institutions ainsi que de perte de cohérence de l’organisation territoriale de la République. Rares sont les défenseurs de cette réforme contraire à la recherche de proximité de l’action publique. De plus, elle n’a pas permis de réaliser des économies, la Cour des comptes estimant qu’elle aurait coûté plus de 200 millions d’euros. Nous proposons donc de permettre des scissions de régions si les élus départementaux et régionaux le souhaitent, à la demande de membres de leurs assemblées ou de la population. La scission serait ensuite décidée par la loi.

M. Paul Molac, rapporteur. Ayant voté contre la loi de redécoupage des régions, ce n’est pas moi qui la défendrai. Toutefois, l’objet de ce texte n’est pas le redécoupage des régions mais l’organisation d’une consultation concernant le département de Loire-Atlantique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL28 de M. Kévin Pfeffer.

M. Kévin Pfeffer (RN). Nous venons de débattre du redécoupage des régions et de l’objet de cette proposition de loi. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Gage financier

La commission rejette l’article 2.

En conséquence, l’amendement CL14 de Mme Gisèle Lelouis tombe.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance (n° 1163).


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   Personnes entendues
 

   Direction générale des collectivités locales

   M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur

   M. Alain Peigné, co-président

   M. Philippe Clément, co-président

   M. Christophe Prugne, président

   M. Guillaume Dalmard, vice-président

 


([1]) La Bretagne historique à cinq départements s’inscrit étroitement, selon les mots de l’historien Joël Cornette, dans un cadre « quasi millénaire ». Cette grande « intégrité territoriale » traversa les époques et les régimes : « il n’est guère de province française dont les limites aient coïncidé aussi étroitement avec celles des circonscriptions de tous ordres » écrit l’auteur de l’Histoire de la Bretagne et des Bretons (Le Seuil, 2005, tome II, p. 596). Nantes, que François II qualifia de « l’une des plus principales et magnifiques villes » de Bretagne et dont il fit la capitale, y occupe une place irremplaçable.

([2]) Voir commentaire de l’article 1er.

([3]) Décret du 30 juin 1941 attribuant à certains préfets des pouvoirs régionaux et portant division du territoire.

([4]) Arrêté du 28 novembre 1956 portant cadre des programmes d’action régionale.

([5]) Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([6]) « À moyen terme, entre cinq et dix ans, en faisant des économies d’échelle, en supprimant les chevauchements de compétences, les doublons, on peut arriver à une dizaine de milliards d’euros d’économies » avait promis, le 3 juin 2014, M. André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale.

([7]) « Quel bilan tirer de la nouvelle carte régionale ? », Philippe Subra, 14 avril 2021 : https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/279435-quel-bilan-tirer-de-la-nouvelle-carte-regionale-par-philippe-subra

([8]) Cela dépend surtout de leur autonomie, notamment fiscale, de leurs compétences ou encore de leur richesse.

([9]) Dans l’article précité, lorsque le géographe Philippe Subra évoque le choix du premier ministre Manuel Valls, en 2015, d’imposer le seul regroupement de régions entières en excluant celui de départements limitrophes, ce n’est pas pour évoquer le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne mais pour regretter le fait que le Gouvernement « s’est ainsi privé de la possibilité d’adapter la carte régionale à l’évolution des grandes aires urbaines ».

([10]) Les modalités d’organisation d’une consultation locale des électeurs dans les établissements publics de coopération intercommunale sont quant à elles régies par l’article L. 5211-49 du CGCT : elles sont alignées sur celles qui prévalent pour les communes.

([11]) C’est le cas des référendums prévus aux articles 76 et 77 concernant la Nouvelle-Calédonie ou de la consultation, de nature néanmoins décisionnaire – donc assimilable à un référendum – prévue par le dernier alinéa de l’article 73 pour la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités.

([12]) Il s’agit de projets dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de l’État ce qui justifie que ce soit lui qui soit à l’initiative de cette consultation.

([13]) Ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

([14]) Ainsi, si le journaliste Paul Cébile a recensé 74 référendums locaux votés en 2022 (Le Figaro, 10 janvier 2023), il relève qu’« à peine une dizaine rentraient formellement dans le cadre légal » : https://www.lefigaro.fr/politique/quels-furent-les-74-referendums-locaux-votes-en-france-en-2022-20230110

([15]) Le vote favorable l’a emporté avec 55,17 % des suffrages et la participation a atteint 21,08 %, soit 493 481 votants.

([16]) Le dernier alinéa de l’article prévoit néanmoins une exception concernant la modification des limites territoriales de départements limitrophes n’appartenant pas à la même région : le décret en Conseil d’État opérant cette modification entraîne également la modification des limites des régions concernées.

([17]) Pour le Conseil constitutionnel, aucune exigence constitutionnelle n’impose la consultation des collectivités territoriales préalablement au dépôt d’un projet ou à l’adoption d'une loi modifiant leurs délimitations territoriales (décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, cons. 5).

([18]) L’inscription de la demande à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante pouvait être sollicitée par 10 % de ses membres.

([19]) Comme cela a été indiqué précédemment, l’article L. 1112-16 en vigueur à l’époque fixait à un dixième du corps électoral le seuil pour demander à ce que soit inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante d’un département l’organisation d’une consultation.

([20]) Il était alors en vigueur jusqu’au 1er mars 2019.

([21]) Tribunal administratif de Nantes, 2ème chambre, 21 décembre 2022, 1910731.

([22]) Le dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution permettrait la mise en œuvre d’un processus consultatif et non d’un processus référendaire.

([23]) Séance des questions d’actualité au Gouvernement du 18 décembre 2019.