N° 1317

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie

 

PAR M. Aurélien TACHÉ

Député

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 999

Sénat :  081, 430, 431

 


SOMMAIRE

Pages

introduction

I. Un Accord de sécurité sociale classique visant à rénover le dispositif bilatéral existant entre la France et la serbie

A. la nécessité d’actualiser un accord de sécurité sociale préexistant

B. un accord de sécurité sociale modernisé, qui s’appuie sur des clauses juridiques classiques

1. Des dispositions qui renouvellent et renforcent les dispositions habituelles en matière de sécurité sociale

2. Des dispositions permettant d’anticiper sur une éventuelle entrée de la Serbie dans l’Union européenne

II. Un accord de nature à favoriser le renforcement des relations économiques entre la France et la Serbie

A. l’entrée en vigueur de l’accord aura un impact direct sur la communauté et les entreprises françaises établies en serbie

B. une actualisation du droit qui aura un impact financier et administratif modeste pour la france

Examen en commission

Annexe  1 : texte adoptÉ par la commission

 


 

—  1  —

 

   introduction

 

La commission des affaires étrangères est appelée à se prononcer sur le projet de loi n° 999 autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie. Le Sénat, saisi en première instance de ce projet de loi, l’a adopté le 21 mars 2023 ([1]).

Le but des accords ou conventions de sécurité sociale conclus par la France est de coordonner la législation applicable en la matière avec celle d’autres pays, dans le but de faciliter la mobilité internationale. Plus de quarante accords ou conventions de ce type lient la France, illustrant leur utilité pour les travailleurs.

L’accord en question ne déroge pas à ces finalités. Son objectif est d’adapter le dispositif juridique existant à différentes évolutions, relatives aux règles nationales en matière de sécurité sociale, aux populations circulant entre les deux États ou encore à l’évolution politique et institutionnelle de la Serbie.

En effet, si l’accord de sécurité sociale signé entre la France et la Yougoslavie le 5 janvier 1950 a pu demeurer applicable aux relations franco-serbes ([2]), les dispositions initialement adoptées doivent aujourd’hui être revues.

 


 

—  1  —

 

I.   Un Accord de sécurité sociale classique visant à rénover le dispositif bilatéral existant entre la France et la serbie

A.   la nécessité d’actualiser un accord de sécurité sociale préexistant

Le premier objectif de l’accord du 6 novembre 2014 est d’actualiser la convention conclue entre la France et la Yougoslavie le 5 janvier 1950, qui ne correspond plus aux réalités et besoins observés aujourd’hui, pour plusieurs raisons d’ordre matériel ou juridique.

Plusieurs évolutions sont en effet intervenues sur les dernières décennies.

Tout d’abord, les législations nationales en matière de sécurité sociale ont évolué. À titre d’exemple, la Serbie a mis en place en 2010 une réforme visant à fusionner les trois fonds en charge respectivement des pensions des salariés, des non-salariés et des agriculteurs, ce qui a entraîné d’importantes difficultés d’application de la convention de 1950, dont le champ est limité aux seuls salariés.

Deuxièmement, le profil des populations circulant entre les deux États a également évolué depuis 1950. Celles-ci sont aujourd’hui principalement :

-         les familles résidant en Serbie de la diaspora serbe vivant en France ;

-         les membres de la diaspora serbe vivant en France qui rendent visite à leurs familles en Serbie ou qui retournent s’y établir au moment de leur retraite ;

-         des touristes français ;

-         des expatriés français travaillant en Serbie.

Troisièmement, les autorités serbes ont fait valoir des difficultés juridiques pour le paiement des pensions vieillesse des travailleurs revenant en Serbie pour leur retraite. Elles souhaitaient prévoir la totalisation des périodes cotisées en France par des non-salariés serbes pour le calcul de leurs droits à pension.

Quatrièmement, une actualisation des dispositions conventionnelles était également nécessaire au regard de l’évolution politique et institutionnelle de la Serbie (institutions et autorités compétentes, organismes de liaison, champ territorial).

Enfin, la sédimentation des textes applicables a également justifié l’élaboration d’un nouvel accord. En effet, la convention de 1950 a été modifiée à cinq reprises entre 1950 et 1976 et complétée par un échange de lettres sur les allocations familiales, un protocole sur les soins de santé des étudiants et quatre arrangements, dont l’un a également été modifié six fois. En revanche, les dispositions de l’accord signé le 26 mars 2003 avec la Serbie-Monténégro n’ont pas été modifiées depuis cette date.

Dans ce contexte, quatre sessions de négociation ont été organisées du 14 au 17 septembre 2009 à Belgrade, du 26 au 28 mai 2010 à Paris, du 25 au 28 octobre 2010 à Belgrade et du 15 au 17 avril 2014 à Paris, cette dernière session ayant permis de finaliser le texte de l’accord. Les deux parties se sont à nouveau réunies à l’occasion de deux sessions de négociation relatives à l’arrangement administratif prévu à l’article 41 de l’accord, signé le 15 mars 2018. Comme cela a été indiqué au rapporteur par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), cette durée de négociation n’est pas inhabituelle, les négociations en matière de sécurité sociale s’étendant souvent sur plusieurs années. En outre, aucune difficulté particulière n’est apparue lors de ces négociations.

En outre, la rédaction initiale du deuxième paragraphe de l’article 1er de l’accord a dû être modifiée à la suite de l’examen de l’accord par le Conseil d’État, en date du 25 août 2020. L’apport de précisions à cet article dont la rédaction finale prévoit que le terme « territoire » désigne, en ce qui concerne la France, les « départements européens et d’outre-mer de la République française, y compris la mer territoriale et, au-delà de celle-ci, les zones sur lesquelles, en conformité avec le droit international, la République française a des droits souverains et exerce sa juridiction », avait été jugé nécessaire compte tenu de la diversité des statuts en droit interne des territoires d’outre-mer français. En effet, la rédaction initiale ne permettait pas de considérer que l’accord s’étendait à l’ensemble des territoires où le régime général de sécurité sociale trouve à s’appliquer. Il a ainsi été précisé par un avenant sous forme d’échange de lettres, signé en 2021, que les seuls territoires d’outre-mer concernés par l’accord sont ceux où le régime général de sécurité sociale s’applique, soit la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Martinique, La Réunion, la Guyane. Comme cela a été confirmé au rapporteur par le MEAE, cette précision du texte de l’accord n’a aucune conséquence sur les ressortissants français installés en Serbie.

B.   un accord de sécurité sociale modernisé, qui s’appuie sur des clauses juridiques classiques

1.   Des dispositions qui renouvellent et renforcent les dispositions habituelles en matière de sécurité sociale

Comme la convention de 1950, le nouvel accord bilatéral couvre tous les domaines de la sécurité sociale : maladie, maternité, vieillesse, invalidité, survivants, accidents du travail et maladies professionnelles, décès, famille. Il assure également une mobilité des assurés sans rupture de leurs droits en matière de sécurité sociale, tandis que les demandes formulées par des assurés avant l’entrée en vigueur du nouvel accord mais n’ayant pas encore donné lieu à une décision seront examinées au regard des dispositions actualisées.

L’accord ainsi élaboré comporte les clauses classiques des accords bilatéraux conclus en matière de sécurité sociale : égalité de traitement entre les personnes soumises à la législation de l’un ou l’autre des États contractants, principe d’affiliation au régime de sécurité sociale de l’État d’activité, institution d’un statut conventionnel de travailleur détaché pour une durée limitée, exportation et coordination des pensions d’invalidité, de vieillesse et de survivants, organisation de la coopération administrative et lutte contre les fraudes sociales. Il vise également à instaurer un cadre général permettant le développement d’une coopération technique entre les deux États.

Focus sur les accords de sécurité sociale conclus par la France

La France est aujourd’hui liée à quarante-deux Etats et territoires par une convention de sécurité sociale ([3]) : l'Algérie, Andorre, l'Argentine, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Brésil, le Cameroun, le Canada, le Cap-Vert, le Chili, le Congo, la Corée, la Côte d'Ivoire, les États-Unis, le Gabon, Guernesey, l'Inde, Israël, le Japon, Jersey, le Kosovo, la Macédoine du Nord, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, Monaco, le Monténégro, le Niger, la Nouvelle-Calédonie, les Philippines, la Polynésie française, le Québec, Saint-Marin, St-Pierre-et-Miquelon, le Sénégal, la Serbie, le Togo, la Tunisie, la Turquie et l'Uruguay.

Un accord de sécurité sociale non encore entré en vigueur a été signé avec la Chine. La renégociation des accords avec le Sénégal, le Maroc et Israël en vue de moderniser leurs dispositions est en cours, ainsi que l’étude de la faisabilité sur la conclusion d’un accord avec la Moldavie.

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Parmi les principales modifications introduites par ce nouvel accord, il faut notamment mentionner :

-         l’élargissement du champ personnel d’application à toutes les nationalités et aux travailleurs indépendants, ainsi qu’à toute personne relevant d’un des régimes de sécurité sociale français ou serbe, là où l’accord d’origine s’adressait exclusivement aux salariés serbes et français et à leurs ayants droit ([4]) ;

-         l’organisation de la prise en charge en matière de soins urgents pour toutes les personnes assurées d’un des deux États à l’occasion d’un séjour dans l’autre État ;

-         l’intégration d’un système d’autorisation préalable pour les prestations en nature de grande importance lorsqu’elles ne sont pas urgentes, afin de permettre à l’État compétent en matière de sécurité sociale de contrôler ses dépenses de soins de santé. Dans la mesure où l’État compétent prend en charge le coût des soins dans l’autre État membre, il peut autoriser les soins coûteux seulement s’ils ne sont pas disponibles sur le territoire national ou ne le sont pas dans des délais raisonnables. En l’absence d’une telle autorisation par les institutions de l’État compétent ([5]), la personne concernée ne pourra prétendre au remboursement de ces soins par son État d’origine réalisés sur le territoire de l’autre État ;

-         l’intégration sur un même modèle d’un système d’autorisation préalable pour les soins non urgents s’il s’agit de soins programmés également dans l’autre État ;

-         le passage d’une durée maximale de trois à deux années de détachement pour les travailleurs salariés (une durée maximale d’un an étant prévue pour les travailleurs indépendants), qui correspond à une harmonisation avec les délais prévus par le droit de l’Union européenne et les différentes conventions de sécurité sociale conclues par la France, dans le but d’anticiper une éventuelle entrée de la Serbie dans l’Union européenne. L’encadrement de la durée maximum d’un détachement permet également d’éviter les détachements successifs et par-là même de limiter le risque de fraude.

Pour rappel, le détachement constitue une dérogation au principe de la « lex loci laboris » selon lequel la législation sociale applicable est celle de l’État d’activité, en prévoyant la possibilité de détacher un travailleur qui reste affilié dans son État d’origine. Ce dispositif, qui facilite la mobilité internationale des travailleurs, est encadré par une série de règles, notamment en termes de délai, afin d’éviter les abus, qui prennent pour l’essentiel la forme de détachements successifs sur des postes en réalité pérennes et qui pourraient être pourvus dans des conditions sociales identiques à celles des autres travailleurs de l’État d’activité, en vertu du principe de l’égalité de traitement. La limitation de la durée maximale de détachement par l’accord est ainsi de nature à réduire le risque d’un dumping social défavorable aux travailleurs.

En outre, la nouvelle coordination du risque vieillesse prévue par l’accord de 2014 sera plus favorable aux assurés que le régime actuel. En effet, la procédure de liquidation sera sensiblement allégée en supprimant le droit d’option actuellement ouvert à l’assuré entre la liquidation de la pension nationale ou celle de la pension coordonnée par chacun des deux États. Si les caisses françaises appliquent déjà la solution la plus avantageuse pour l’assuré, les caisses serbes continuent de subordonner la liquidation de la pension à l’exercice effectif du droit d’option par l’assuré, ce qui suppose que celui-ci calcule en amont le montant de la pension nationale et de la pension coordonnée.

2.   Des dispositions permettant d’anticiper sur une éventuelle entrée de la Serbie dans l’Union européenne

La modernisation du droit existant opérée par l’accord du 6 novembre 2014 vise également à favoriser l’harmonisation des dispositions en vigueur vis-à-vis du droit européen.

Pour rappel, la Serbie a déposé en 2009 sa candidature pour devenir membre de l’Union européenne et cette candidature a été officiellement reconnue en 2012. Depuis le début des négociations en 2013, vingt-deux chapitres de négociations sur trente-cinq ont été ouverts et deux ont été clôturés à titre provisoire.

Si de nombreuses réformes sont encore jugées nécessaires avant de pouvoir envisager une adhésion de la Serbie à l’Union européenne, en modernisant certaines dispositions et en les harmonisant avec les principes existants dans le cadre des règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale (règlements 883/2004 et 987/2009 modifiés), l’accord permet d’anticiper une éventuelle entrée de la Serbie dans l’Union européenne. L’accord s’approche de cet horizon du fait notamment de l’extension du champ personnel aux ressortissants européens en supprimant la condition de nationalité, de la modification du mode de coordination du risque vieillesse dans un sens plus favorable à l’assuré (voir supra) ou encore de la modification de la durée maximum de détachement (voir supra).

La question de la compatibilité vis-à-vis du droit de l’Union européenne se pose aussi en matière de protection des données personnelles, avec une acuité particulière compte tenu de la sensibilité des données relatives à la sécurité sociale.

L’article 42 de l’accord autorise les parties à se communiquer des données personnelles dont la connaissance est nécessaire pour l’application d’une législation de sécurité sociale ou d’assistance sociale. L’accord comporte à cet article des garanties spécifiques en vue de protéger la vie privée des personnes concernées et leurs données à caractère personnel, comme cela a été confirmé par le Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi en section des finances le 27 septembre 2022.

Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé que la Serbie, État tiers à l’Union européenne et non bénéficiaire d’une décision d’adéquation de la Commission européenne, présentait des garanties suffisantes en matière de protection des données à caractère personnel. Dans une évaluation réalisée en juin 2020, la Commission européenne a fait valoir qu’à la suite de l’adoption, le 9 novembre 2018, de la loi serbe sur la protection des données personnelles, le niveau de protection des données dans ce pays était substantiellement équivalent à celui garanti par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit « RGPD ». De plus, s’agissant des engagements internationaux en matière de protection des données, la Serbie a ratifié, le 6 septembre 2005, la convention du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (dite convention 108 du Conseil de l’Europe) et, le 26 mai 2020, son protocole d’amendement du 10 octobre 2018.

 


II.   Un accord de nature à favoriser le renforcement des relations économiques entre la France et la Serbie

A.   l’entrée en vigueur de l’accord aura un impact direct sur la communauté et les entreprises françaises établies en serbie

L’accord bilatéral de sécurité sociale franco-serbe du 6 novembre 2014 aura un impact direct sur la communauté française établie en Serbie, qui représente selon les données de 2021 très exactement 1 851 personnes immatriculées (dont 63,3 % de binationaux). Le nombre de touristes français passant par la Serbie s’élevait, quant à lui, en 2019 à environ 35 000, selon une tendance croissante. L’entrée en vigueur de l’accord aura de façon symétrique un impact sur la communauté serbe en France, qui compte 48 819 membres selon le dernier recensement effectué (en 2012).

Plus encore, il devrait permettre de renforcer les échanges économiques entre les deux pays ainsi que la présence des entreprises françaises en Serbie, dans un contexte où celle-ci apparaît comme le principal point d’entrée des flux économiques en provenance de France et à destination des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie).

Ainsi, les échanges bilatéraux entre la France et la Serbie ont triplé depuis 2010 (date de l’entrée en vigueur de l’accord commercial intérimaire entre l’Union européenne et la Serbie), avec un solde positif côté français s’élevant à 60,7 millions d’euros en 2021.

Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) en provenance de France sont en progression constante depuis 2012 et ont atteint 3,63 milliards d’euros en 2021, la Serbie attirant plus de la moitié des IDE français à destination des Balkans occidentaux. Les principaux investisseurs français en Serbie sont Vinci, Suez, Schneider Electric, Michelin, Crédit Agricole, Tarkett, Savencia, Atos et Lactalis.

D’importants contrats de concession ont été signés par des groupes français ces dernières années : le 22 mars 2018 par Vinci aéroports pour la modernisation de l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade (concession de vingt-cinq ans, représentant plus d’un milliard d’euros) ; en 2017 par un consortium franco-japonais Suez-Itochu pour la construction du centre régional de traitement des déchets de Vinca, désormais opéré par Veolia (investissement de 375 millions d’euros). Un financement public français est également prévu pour le projet de métro de Belgrade, à hauteur de 454 millions d’euros, tandis que les entreprises Schneider et Suez sont respectivement mobilisées par des projets de réseau électrique intelligent et de traitement des eaux.

Globalement, plus de 120 entreprises françaises sont aujourd’hui présentes en Serbie, employant selon les données communiquées par la direction générale du Trésor (DGT) plus de 12 000 salariés (55 % dans le secteur manufacturier, 27 % dans les services financiers et 17 % dans le reste du secteur tertiaire).

En outre, l’entrée en vigueur de l’accord aura également un impact sur le quotidien des salariés et fonctionnaires français travaillant à l’Institut français de Serbie (environ 20 agents concernés) et à l’école française de Belgrade (environ 80 agents concernés).

B.   une actualisation du droit qui aura un impact financier et administratif modeste pour la france

Si l’élargissement du champ de l’accord aura mécaniquement un impact financier sur les créances générées pour les deux parties, les flux financiers liés au remboursement des soins de santé entre la France et la Serbie sont relativement modestes, notamment en comparaison des flux existants entre la France et les États de l’Union européenne. Ainsi, la créance serbe s’élève à 427 500 euros en moyenne annuelle entre 2015 et 2020 (sommes dues par la France) alors que la créance française à l’égard de la Serbie est quant à elle de 16 700 euros en moyenne annuelle, sur la même période.

En ce qui concerne les soins de santé, en 2021, la France a remboursé à la Serbie près de 63 600 euros de dépenses pour les soins dispensés en Serbie à 197 assurés des régimes français (contre près de 100 000 euros à 287 assurés en 2020). Par ailleurs, en 2021, la France a versé 33,42 millions d’euros de pensions vieillesse/réversion à 13 262 ex-travailleurs résidant en Serbie et 62 582 euros de pensions d’invalidité à 10 résidents en Serbie.

Selon les informations communiquées au rapporteur par le MEAE, la hausse des créances réciproques demeure difficile à évaluer à ce stade mais devrait probablement être limitée compte tenu des effectifs et des montants en jeu.

Le centre national des soins à l’étranger (CNSE), rattaché à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Morbihan, est l’organisme chargé de gérer le traitement des créances françaises dans le cadre des règlements européens de coordination et des conventions bilatérales de sécurité sociale. La Serbie et la France étant déjà liées par une convention, les frais de gestion relatifs aux créances n’ont pas vocation à augmenter de manière significative.

De façon générale, la mise en œuvre de l’accord – essentiellement la coordination entre les régimes de sécurité sociale des deux États et la gestion des détachements sur demande des entreprises concernées – sera assurée du côté français par un organisme préexistant, le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS).

Le CLEISS, établissement public administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dispose d’un budget de l’ordre de 8,5 millions d’euros, financé notamment par des contributions des régimes de sécurité sociale. Il assure le rôle d’organisme de liaison entre les institutions de sécurité sociale françaises et les institutions de sécurité sociale étrangères pour l’application des règlements européens et des accords internationaux de sécurité sociale. Il est l’interlocuteur premier s’agissant des demandes de particuliers, ainsi que pour la rédaction des formulaires conventionnels.

L’accord franco-serbe de sécurité sociale du 6 novembre 2014 n’étant pas nouveau, des échanges réguliers entre les institutions compétentes existent d’ores et déjà et auront vocation à se poursuivre. En outre, l’accord et l’arrangement administratif qui l’accompagne comportent des dispositions prévoyant un approfondissement des relations et une multiplication des échanges, notamment dématérialisés, ce qui doit permettre un meilleur suivi de la situation des assurés de chaque État au regard de la sécurité sociale, et par là-même de lutter contre les fraudes.

 


 

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   Examen en commission

 

Le mercredi 24 mai 2023, à 11 heures, la commission examine le projet de loi adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie (n° 999) (M. Aurélien Taché, rapporteur).

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’objet d’une convention de sécurité sociale est de coordonner les législations de deux ou plusieurs États afin de garantir une continuité de la couverture des ayants droit, facilitant ainsi la mobilité internationale des travailleurs ou l’assurant dans des conditions satisfaisantes.

La France est liée par quarante-deux conventions de ce type. Celle concernant nos relations avec la Serbie remonte au 5 janvier 1950. Elle avait été conclue avec la Yougoslavie et demeurait valide pour la Serbie, conformément à l’accord de continuité passé avec le gouvernement serbe en 2003.

Ce traité ne correspond plus aux réalités des législations sociales de nos deux pays. La Serbie, par exemple, a fusionné, en 2010, les trois fonds en charge des pensions des salariés, des non-salariés et des agriculteurs, ce qui pose de réelles difficultés d’application de la convention de 1950, dont le champ est limité aux seuls salariés. En outre, le profil des populations circulant entre nos deux États a sensiblement évolué, ce qui crée, là encore, un décalage entre les dispositions en vigueur et les besoins effectifs.

Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à autoriser l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 qui a été négocié pour se substituer à la convention de 1950. Il opère une actualisation et une modernisation bienvenues du cadre juridique applicable. Si le délai pris pour aborder cette question montre que son traitement n’était pas absolument urgent, cela n’en diminue en rien l’importance.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Comme le président vient de l’indiquer, cet accord vise à mieux coordonner les législations française et serbe en matière de protection sociale. Quarante-deux accords de ce type ont déjà été conclus avec d’autres pays. Il s’agit de reprendre les principes classiques applicables dans ce domaine, tels que l’égalité de traitement entre personnes soumises à la législation de l’un ou l’autre des États contractants, l’affiliation au régime de sécurité sociale de l’État d’activité, l’exportation et la coordination des pensions ou encore l’organisation de la coopération administrative entre les deux États et la lutte contre les fraudes sociales.

L’accord consiste à actualiser la convention conclue entre la France et la Yougoslavie en 1950, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le profil des populations circulant entre les deux États a évolué depuis cette époque. Il s’agit principalement des membres de familles vivant en Serbie ou appartenant à la diaspora serbe de France se rendant visite dans un sens ou dans l’autre ou retournant s’installer en Serbie au moment de leur retraite, des touristes français et des expatriés français travaillant en Serbie.

Par ailleurs, les autorités serbes ont fait valoir des difficultés juridiques pour le paiement des pensions vieillesse des travailleurs revenant en Serbie pour leur retraite.

Qui plus est, la Serbie a connu une évolution politique et institutionnelle, puisque la Yougoslavie n’existe plus.

Enfin, les textes applicables se sont sédimentés au point qu’un nouvel accord est justifié. La convention de 1950 a été modifiée à cinq reprises, entre 1950 et 1976, et complétée par un échange de lettres sur les allocations familiales, un protocole sur les soins de santé des étudiants et quatre arrangements, dont l’un a également été modifié six fois.

À une évolution rendue nécessaire par l’évolution du droit et des pratiques s’est ajoutée une ambition de modernisation de l’accord et d’harmonisation vis-à-vis du droit européen, afin d’anticiper une éventuelle adhésion de la Serbie à l’Union européenne. Pour rappel, la Serbie a déposé sa candidature en 2009, laquelle a été officiellement reconnue en 2012. Depuis le début des négociations, en 2013, vingt-deux chapitres de négociations sur trente-cinq ont été ouverts et deux ont été clos à titre provisoire. De nombreuses réformes sont encore jugées nécessaires avant d’envisager une adhésion de la Serbie à l’Union européenne, comme le soulignent les derniers rapports publiés par la Commission européenne à l’automne 2022, dans le cadre du paquet « élargissement ». De même, des avancées dans la normalisation des relations serbo-kosovares sont attendues, Belgrade ne reconnaissant pas le Kosovo, qui a pourtant déclaré son indépendance en 2008.

L’horizon européen de la Serbie officiellement visé par les autorités serbes – peut-être plus enthousiastes que la population – nous invite à favoriser un alignement normatif dans tous les domaines concernés par le droit communautaire. Surtout, les modifications inspirées du droit européen sont en pratique plus favorables aux assurés que les dispositions de l’accord de 1950. Ainsi, le nouvel accord supprime la condition de nationalité, là où le précédent ne s’appliquait qu’aux ressortissants français et serbes, et modifie le mode de coordination du risque vieillesse dans un sens plus favorable à l’assuré.

Parmi les principales modifications introduites par le nouvel accord, on peut également citer : l’élargissement du champ personnel d’application à toutes les nationalités et aux travailleurs indépendants, ainsi qu’à toute personne relevant d’un des régimes de sécurité sociale français ou serbe, là où l’accord d’origine s’adressait exclusivement aux salariés serbes et français et à leurs ayants droit ; la prise en charge des soins urgents pour toutes les personnes assurées dans l’un des deux États à l’occasion d’un séjour dans l’autre État ; un système d’autorisation préalable pour les prestations en nature de grande importance non urgentes et pour les soins non urgents lorsqu’ils sont programmés dans l’autre État, afin de permettre à l’État compétent de contrôler ses dépenses de soins de santé ; l’abaissement de la durée maximale de détachement de trois à deux années pour les travailleurs salariés, aux fins d’harmonisation avec les délais prévus par le droit de l’Union européenne et les différentes conventions de sécurité sociale conclues par la France.

Alors que la Serbie n’est pas adhérente, prévoir un alignement sur le droit de l’Union européenne, plus protecteur pour les salariés français comme pour les travailleurs détachés, me paraît un point à souligner. Le dispositif facilite la mobilité internationale des travailleurs tout en étant encadré par une série de règles. En matière de délais, par exemple, il s’agit d’éviter les abus, qui prennent pour l’essentiel la forme de détachements successifs sur des postes en réalité pérennes et qui pourraient être pourvus dans des conditions sociales identiques à celles des autres travailleurs de l’État d’activité, en vertu du principe de l’égalité de traitement.

D’un point de vue administratif et financier, l’entrée en vigueur de l’accord aura un effet limité pour notre pays. Si l’élargissement du champ de l’accord aura mécaniquement une incidence financière sur les créances générées pour les deux parties, les flux financiers liés au remboursement des soins de santé entre la France et la Serbie devraient demeurer relativement modestes, notamment en comparaison des flux existants entre la France et les États de l’Union européenne. Ainsi, la créance serbe, soit les sommes dues par la France à la Serbie, s’est élevée à 427 500 euros en moyenne annuelle entre 2015 et 2020, alors que la créance française à l’égard de la Serbie était quant à elle de 16 700 euros en moyenne annuelle sur la même période. En ce qui concerne les soins de santé, en 2021, la France a remboursé à la Serbie près de 63 600 euros de dépenses pour les soins dispensés en Serbie à cent quatre-vingts dix-sept assurés des régimes français.

La mise en œuvre de l’accord sera assurée par deux organismes préexistants, qui ont déjà l’habitude d’échanger avec leurs homologues serbes. Il s’agit, d’une part, du centre national des soins à l’étranger (CNSE), organisme rattaché à la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan et chargé de gérer le traitement des créances françaises dans le cadre des règlements européens de coordination et des conventions bilatérales de sécurité sociale, et, d’autre part, du centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLESISS), qui s’occupera notamment de la coordination entre les régimes de sécurité sociale des deux États et de la gestion des détachements sur demande des entreprises concernées.

En conclusion, je soulignerai l’utilité de l’entrée en vigueur de cet accord pour la communauté française comme pour les entreprises françaises établies en Serbie. En 2021, 1 851 ressortissants français étaient enregistrés auprès des services consulaires en Serbie, 63 % d’entre eux étant binationaux. Quant aux touristes français passant par la Serbie, leur nombre s’élevait à environ 35 000 en 2019, selon une tendance croissante.

En matière de relations commerciales bilatérales, la Serbie est le principal point d’entrée des flux économiques de la France vers les Balkans occidentaux. Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) français y sont en progression constante depuis 2012 ; ils ont atteint 3,63 milliards d’euros en 2021, soit plus de la moitié des IDE français vers les Balkans occidentaux. Les échanges bilatéraux entre la France et la Serbie ont triplé depuis 2010, avec un solde positif pour la France de 60,7 millions d’euros en 2021.

Ces dernières années, d’importants contrats de concession ont été signés par des groupes français, notamment par Vinci aéroports, pour la modernisation de l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade, et par un consortium franco-japonais Suez-Itochu, pour la construction du centre régional de traitement des déchets de Vinča, désormais opéré par Veolia. Plus de cent-vingt entreprises françaises sont aujourd’hui présentes en Serbie et d’autres projets d’envergure pourraient voir le jour, à même d’attirer davantage de travailleurs français dans le pays.

L’entrée en vigueur de l’accord aura également un effet sur le quotidien des salariés et fonctionnaires français, dont une vingtaine travaillent à l’Institut français de Serbie et environ quatre-vingts, à l’école française de Belgrade.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 conclu entre la France et la Serbie.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Même des affaires en apparence simples sont en réalité complexes et bourrées de détails. Parfois, le bon Dieu aussi se cache dans les détails !

M. Nicolas Metzdorf (RE). L’accord du 6 novembre 2014 institue un partenariat gagnant-gagnant entre la France et la Serbie, puisqu’il favorisera à la fois les travailleurs français installés en Serbie et les travailleurs serbes installés en France. Ce pas franchi vers la normalisation de la relation entre la Serbie et l’Union européenne est de nature à faciliter son adhésion.

La relation avec la France a été relancée en 2019 par la visite d’Emmanuel Macron à Belgrade. Nous, Français, devons accompagner du mieux possible, non seulement la Serbie, mais aussi les autres pays des Balkans occidentaux vers leur intégration à l’Union européenne, notamment la Bosnie-Herzégovine dont la candidature a été officialisée en décembre 2022. Si l’Union européenne doit s’agrandir vers l’Est, comme l’a montré le conflit ukrainien, nous ne devons plus oublier les Balkans qui sont totalement européens et qui, à l’avenir, doivent intégrer la grande famille européenne que nous appelons de nos vœux.

Le groupe Renaissance soutiendra donc l’approbation de cet accord.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je remercie notre collègue pour son vote et d’avoir souligné que d’autres pays de la région, comme la Bosnie, sont engagés dans cette démarche. Peut-être le Kosovo sera-t-il reconnu et pourra-t-il participer à l’avenir de cette adhésion ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. M. Hébrard intervient pour le groupe Rassemblement national, mais est aussi président du groupe d’amitié France-Serbie.

M. Joris Hébrard (RN). Jusqu’à la signature, en novembre 2014, de l’accord qu’il nous est demandé d’approuver, les relations mutuelles entre la France et la Serbie en matière de sécurité sociale étaient régies par une convention générale entre la France et la Yougoslavie datant de janvier 1950.

Les dispositions générales sont vastes et exhaustives.

À l’article 3 de l’accord, la France reconnaît l’affiliation à la sécurité sociale pour toute personne qui travaille ou réside en France, ainsi qu’aux ayants-droit, quelle que soit la nationalité, tandis que la Serbie vise – différence subtile – les personnes qui ont été soumises à la législation serbe.

Dans les dispositions relatives à la législation applicable, l’article 10 de l’accord, précisé par l’article 6 de l’arrangement administratif, prévoit des modalités d’exception pour des catégories de personnes, mais aussi à titre individuel. Il est surprenant qu’un accord liant deux États ouvre, sur accord mutuel, une telle possibilité de dérogation pour une personne particulière. Pourquoi ce fait du prince ?

Le paragraphe 3 de l’article 12, visant le service de prestations en nature, exclut de facto les marins et les personnes liées à ce domaine. Quelle en est la raison ?

Aux termes de l’article 26, si un ressortissant d’un pays a un accident lors du trajet vers son lieu de travail situé dans l’autre pays, c’est l’institution de l’autre pays qui prend les prestations en charge. Toutefois, si ledit ressortissant vient à décéder, l’article 34 prévoit que le droit aux allocations décès est ouvert comme si le décès était survenu sur le territoire de la première partie contractante. Pourquoi cette différence de versement, alors qu’un seul organisme perçoit les cotisations ? L’article 38 prévoit les remboursements entre institutions et je m’interroge sur l’articulation de ces deux éléments.

Enfin, l’annexe de juillet 2021 énonce les territoires ultramarins dans lesquels s’applique le régime général de la sécurité sociale. Cinq de ces territoires sont concernés par les caisses générales de sécurité sociale, conformément au décret de 1947, et Saint-Barthélemy est concernée par la caisse de prévoyance sociale. Pourquoi la Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, eux aussi concernés par la caisse de prévoyance sociale, ne sont-ils pas inclus dans l’accord ?

Le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte qui a une incidence directe sur les 1 851 ressortissants français déclarés en Serbie.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je salue la précision de votre travail et de vos questions. Vous relevez cette distinction subtile que la France accepte la mise en œuvre de l’accord pour toutes les nationalités mais que les Serbes ne couvrent que les personnes soumises à leur législation. Dans les faits, cela revient à couvrir toutes les nationalités des deux côtés. Il n’y a pas de différence de traitement. La réciprocité d’application des législations est assurée.

Le cas de personnes qui relèveraient du « fait du prince » outrepasse la compétence de notre assemblée et ressortit à des considérations politiques entre les deux pays lors de la négociation de l’accord. Je ne peux vous en dire plus.

Je n’avais pas remarqué l’exclusion des marins. Je ne vois pas de raison qui le justifie. Nous allons demander au ministère concerné de nous éclairer.

Le Conseil d’État a estimé que le régime général s’appliquait aux territoires ultramarins auxquels vous avez fait référence, comme la Polynésie. Un protocole de 2021 le prévoit. Cette coopération ne fait pas l’objet d’un accord spécifique. De toute façon, ce régime général est plus protecteur pour les outre-mer.

Quant aux décès, les dispositions qui en traitent sont tout à fait classiques ; on les retrouve dans les quarante-deux accords de coopération déjà conclus par la France en matière de sécurité sociale.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). L’article 8 de l’accord autorise les salariés détachés par leurs employeurs à rester assujettis au régime de sécurité sociale de la partie d’envoi pour une durée maximale de deux ans, contre trois ans auparavant. Il prévoit également la possibilité d’auto-détachement pour les non-salariés, limitée à un an, compte tenu du risque de dumping social. Ce sont des avancées que nous saluons.

Cela étant, la fraude prend des formes multiples : défaut de déclaration, rémunérations inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ; dépassements des durées maximales de travail, pourtant régulées par cet accord. En recoupant plusieurs sources, il apparaît que le nombre de travailleurs détachés illégalement en France atteindrait 220 000 à 300 000. Quelles modalités de contrôle seraient les plus efficaces pour lutter contre cette forme de dumping social et de nivellement par le bas du marché du travail ? De tels accords doivent-ils intégrer ces dimensions ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. La durée maximale de détachement est ramenée de trois à deux ans pour les salariés et à un an pour les travailleurs indépendants, ce qui correspond au droit de l’Union européenne.

Les cas de fraude sont principalement liés aux détachements successifs, qui sont maintenant interdits, mais vous avez raison : tous les cas ne sont pas couverts. À cet égard, ni l’accord, ni le projet de loi autorisant sa ratification ne prévoient de dispositions précises. C’est la coopération entre nos administrations respectives, prévue, elle, noir sur blanc dans l’accord, qui permettra un meilleur contrôle et une plus grande vigilance sur les autres cas de fraude.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Les membres du groupe Les Républicains voteront pour l’approbation de cet accord technique qui améliorera et sécurisera la vie de nos compatriotes en Serbie mais surtout des Serbes qui ont travaillé en France, afin de rendre justice à ceux qui ont apporté un peu à notre pays.

Je profite de ce que l’élargissement de l’Union européenne a été effleuré pour l’évoquer car il intéresse au plus haut point notre commission.

Je souhaite rappeler que nous sommes opposés à une adhésion, à court ou moyen terme, des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne. Il est déjà difficile d’engager des réformes à vingt-sept et il serait illusoire d’espérer le faire à trente-trois ou trente-cinq. Remettons de l’ordre dans la maison commune avant d’inviter d’autres à se joindre à nous. Poursuivons les partenariats et associations, accompagnons ces pays dans les réformes nécessaires en matière d’État de droit en Serbie, de questions migratoires sur la route des Balkans occidentaux, avec l’Albanie dont une proportion importante de demandeurs d’asile dans notre pays sont originaires, de souveraineté au Monténégro et en Macédoine du Nord, sachant que la Chine les a inclus dans les nouvelles routes de la soie.

Pour toutes ces raisons, pour le moment, en l’absence de réformes profondes et de l’Union et à l’intérieur de ces pays, le groupe Les Républicain est opposé à tout élargissement, mais il votera pour ce projet de loi relatif à cet accord de sécurité sociale.

M. Aurélien Taché, rapporteur. J’ai effleuré le sujet de l’élargissement de l’Union européenne aux pays des Balkans occidentaux dans mon propos liminaire, sachant qu’il pouvait intéresser des collègues. Bien que les négociations aient démarré il y a une dizaine d’années, je redis que sur les vingt-deux chapitres sur trente-cinq ouverts avec la Serbie, seuls deux ont été clos à titre provisoire : l’adhésion de ce pays à l’Union européenne ne se profile donc pas à court terme. Je n’y vois pas d’objection de principe mais il faudrait que l’ensemble de ces chapitres soient discutés, et je suis sensible à ce que vous avez dit au sujet du respect de l’État de droit.

En matière de sécurité, la coopération est forte entre les États français et serbe et elle a vocation à s’approfondir. Concernant les migrations, un plan de coopération renforcée a été adopté à la fin de l’année dernière au niveau de l’Union européenne. Il n’y a pas de raison de ne pas avoir de coopération approfondie dans ce domaine sensible au regard de ce qu’il est convenu d’appeler la « route des Balkans ». En outre, il me semble important que la question du Kosovo soit au cœur de ces discussions, que les Serbes et Belgrade normalisent leurs relations et même reconnaissent son indépendance. Je ne sais pas si vous partagez cette préoccupation mais je tenais à insister sur ce point.

En tout cas, je vous remercie d’avoir annoncé que votre groupe voterait pour l’approbation de cet accord.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Sur ce sujet de l’adhésion de la Serbie, il n’y a pas d’unité au sein de l’Union européenne. L’Espagne et d’autres pays y sont opposés. L’indépendance du Kosovo, en 2008, est le seul argument que M. Poutine peut utiliser, sans justifier en aucune façon la guerre qu’il poursuit en Ukraine. À l’issue de l’affaire compliquée qu’a été l’intervention militaire au Kosovo, il était convenu qu’on n’en reconnaîtrait pas l’indépendance. Or la situation était devenue intolérable en 2008, et nous avons été conduits à le faire à la demande du Kosovo, ce qui a envenimé nos relations. Au sein de l’Union européenne, il n’y avait pas d’unité sur ce point. C’est un dossier politiquement logique, puisque les Kosovars avaient le droit à la reconnaissance de leur indépendance et à la protection de leur sécurité mais qui a toujours été juridiquement tangent.

M. Frédéric Petit (DEM). Reprenant au vol le débat, je rappellerai que la France a aidé la Serbie à gérer les armes de petit calibre qui ont infesté cette région. À huit jours d’intervalle, deux drames consécutifs liés à l’omniprésence des armes de petit calibre ont endeuillé ce pays, tuant une de nos compatriotes, ce qui a convaincu le gouvernement serbe d’aller plus loin.

Concernant la construction européenne que nous venons d’effleurer, je ne reviendrai pas sur le rapport que nous avons rendu, il y a quinze jours, avec ma collègue Marine Hamelet. Je n’aime pas le terme d’intégration. Nous poursuivons la construction d’un modèle européen dans une autre région. Des initiatives extraordinaires sont lancées, dont on parle peu : celle dénommée Open Balkans rassemble Albanais et Serbes par-delà la minorité kosovare, le processus de Berlin, la reconnaissance et la normalisation en route.

Monsieur le rapporteur, merci pour votre rapport très technique. Je reviendrai sur des points importants dont on parle peu, comme l’autorisation préalable et la déclaration, excepté en état d’urgence, ainsi que le droit d’option. En période de débat sur les retraites, je rappelle que dans notre système par répartition, un cotisant français, quelle que soit sa nationalité, a droit à la retraite où qu’il aille par la suite. Comme l’a bien dit le rapporteur, le système serbe ne l’exprime pas de la même manière mais cela revient exactement au même.

Il n’y a pas quatre-vingts agents détachés à l’école française de Belgrade. Se pose surtout le problème de la gestion par l’État français d’agents en droit local, ce qui est un peu différent.

Merci de ce que vous avez dit à propos de notre coopération économique. Un grand nombre d’entreprises opèrent en Serbie. Vous en avez rappelé une. J’ai été mandataire social d’une petite entreprise en Serbie et je connais bien ces sujets. On oublie parfois les indépendants, qui sont dans les deux pays en même temps, en changent et dont les conjoints pris en charge sont souvent de nationalité différente.

Le groupe Démocrate votera sans réserve la ratification de ce projet.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Les éclairages de notre collègue Petit, le député local, sont précieux. Ils ont permis à la commission de prendre connaissance de nombreuses initiatives locales.

Le droit d’option va disparaître, puisqu’on passera automatiquement au régime le plus favorable pour les salariés. On aurait pu laisser la liberté de choix mais il me semble que l’accord va dans le bon sens.

M. Frédéric Petit. Cela transformait la répartition en capitalisation, de facto.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Certes, mais la disparition du droit d’option a été jugée plus protectrice et favorable pour les travailleurs.

Concernant la lutte contre les armes de petit calibre, un accord franco-allemand couvre bien le territoire serbe. J’espère que cette initiative franco-allemande a porté ses fruits et continue de le faire.

Du point de vue économique, j’ai découvert, à l’occasion de ce rapport, la part très importante des investissements français en Serbie, qui représentent plus de la moitié des investissements français dans les Balkans. D’autres grands projets sont à venir, telle que la construction du métro à Belgrade sur laquelle des entreprises françaises pourraient se positionner, ou encore dans le secteur viticole. La coopération économique n’en est qu’à ses prémices. Je suis sûr qu’en tant que député de la circonscription, vous continuerez de nous informer des évolutions les plus intéressantes. Merci de votre soutien à ce rapport.

M. Alain David (SOC). Ce projet classique est nécessaire afin de mettre à jour le précédent accord conclu en 1950 avec la Yougoslavie. Comme souvent, ce genre de texte technique fournit l’occasion de se pencher sur la situation des pays concernés. Notre réunion fait ainsi écho à des sujets récemment abordés par nos collègues Marine Hamelet et Frédéric Petit à l’issue de leur déplacement dans les trois pays des Balkans occidentaux.

Vous avez dressé la liste des quarante-deux États ou territoires liés par une telle convention et souligné son utilité. Vous évoquez un possible renforcement des relations économiques entre la France et la Serbie grâce à ce texte. A-t-on constaté de tels effets positifs lors de précédentes signatures ? Le cas échéant, pourquoi de tels accords ne sont pas plus souvent mis en œuvre ?

En tout état de cause, les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront en faveur de ce texte.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Il est difficile de vous apporter des réponses précises, à défaut d’études d’impact sur les quarante-deux accords. Néanmoins, quand un accord de coopération en matière de protection sociale est révisé, c’est toujours avec des standards à la hausse. En l’occurrence, l’accord du 6 novembre 2014 élargit le champ d’application de la convention aux travailleurs indépendants, aux travailleurs de toutes nationalités et réduit la durée maximale du détachement. C’est toujours la philosophie qui préside à la réactualisation de ces accords de coopération. Il serait intéressant d’avoir une étude un peu plus précise, des chiffres plus exhaustifs. Merci de votre soutien à ce texte.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Après de nombreuses séquences diplomatiques depuis sa signature en 2014, nous nous réjouissons de voir finalement inscrit cet accord à notre ordre du jour. Nous en partageons les ambitions. Il existait des situations non couvertes par les arrangements précédents – pour les étudiants, les transferts de résidence et les prestations en nature de grande importance –, et il vient fluidifier les difficultés du quotidien que rencontrent nos concitoyens.

L’étude d’impact fait état de conséquences économiques positives de cet accord, qui facilitera l’implantation d’entreprises françaises et la conduite de projets dans les Balkans occidentaux. En matière sociale, il permettra de lutter contre le dumping social en encadrant les conditions d’accès au bénéfice des prestations pour les travailleurs détachés.

Cet accord sécurise davantage l’octroi des prestations sociales et des droits à l’assurance maladie. L’article 49 organisera des mécanismes de transmission d’informations entre la France et la Serbie, afin de mettre en place des dispositifs de lutte contre la fraude.

L’approbation de cet accord enverra donc un signe positif aux acteurs économiques, la France étant le sixième investisseur en Serbie. Une pierre est ainsi ajoutée à l’édifice diplomatique du processus de Berlin visant à accompagner la Serbie dans les transformations nécessaires à son adhésion à notre projet politique commun : l’Union européenne. C’était d’ailleurs l’un des axes de discussion de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, cette semaine, à Strasbourg.

Ce texte est une belle occasion d’organiser avec équilibre et sécurité le travail détaché, la mobilité des citoyens serbes et français. Il pose les prémices d’une libre circulation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce texte.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Merci de la position que vous avez exprimée au nom de votre groupe.

Le processus de Berlin, dont la France est partie prenante depuis 2014, me semble précieux pour faciliter l’intégration globale des différents États des Balkans à l’espace européen. Notre collègue indiquait que la Bosnie était désormais candidate ; le Kosovo a été évoqué ; la Serbie est plus en avance. Il est vraiment important que des discussions aient lieu dans un cadre ad hoc réunissant la France et d’autres pays européens avec ces États de la région.

*

Article unique (approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 


 

—  1  —

 

   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie (ensemble un arrangement administratif signé le 15 mars 2018 et un avenant sous forme d’échange de lettres signées à Belgrade les 21 mai et 2 juillet 2021), et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 999

 

 


([1]) Voir le rapport n° 430, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de Mme Michelle Gréaume (session 2022-2023)

([2]) En vertu de l’accord conclu le 26 mars 2003 entre la France et la Serbie-et-Monténégro - le Monténégro étant devenu indépendant le 3 juin 2006 - relatif à la succession de traités bilatéraux entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

([3])  La liste complète des accords bilatéraux conclus par la France en matière de sécurité sociale est disponible sur le site du Centre des Liaisons européennes et internationales de sécurité sociale : https://www.cleiss.fr/pdf/conventions_bilaterales.pdf

([4])  Les travailleurs indépendants bénéficient dans ce nouveau cadre de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État dans lequel ils résident. S’ils conservent leur affiliation auprès de l’État d’origine (situation de détachement), tous les risques sont dès lors pris en charge par l’État de résidence pour le compte de l’État d’affiliation.

 

([5]) La caisse primaire d’assurance maladie du département de dernière résidence concernant la France.