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N° 1336

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels,

 

 

Par M. Frédéric VALLETOUX,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1175.

 

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 1er et 2 Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Article 2 bis (nouveau) Instaurer un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier à nouveau d’aides à l’installation ou d’exonérations fiscales

Article 2 ter (nouveau) Ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition des fonctionnaires

Article 2 quater (nouveau) Reculer la limite de l’âge du cumul emploi-retraite à 72 ans pour les professionnels de santé salariés des centres de santé

Article 2 quinquies (nouveau) Créer un indicateur territorial de l’offre de soins

Article 2 sexies (nouveau) Étendre les missions des guichets uniques départementaux à l’accompagnement des professionnels de santé

Article 2 septies (nouveau) Prévoir une actualisation annuelle du zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé

Article 2 octies (nouveau) Rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes cessant leur activité

Article 2 nonies (nouveau) Réglementer la cessation définitive d’activité d’une pharmacie d’officine dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins

Article 2 decies (nouveau) Faciliter la facturation de médicaments par les antennes d’officines

Article 2 undecies (nouveau) Simplifier les procédures d’autorisation par les agences régionales de santé dans le contexte de la réforme des autorisations pour garantir l’accès aux soins

Article 2 duodecies (nouveau) Demande de rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant

Article 3 Renforcer les communautés professionnelles territoriales de santé

Article 4 Accroître la participation des établissements de santé à la permanence des soins

Article 5 Extension du contrat d’engagement de service public

Article 5 bis (nouveau) Renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé

Article 6 Diverses mesures portant sur la gouvernance et l’organisation territoriale de l’hôpital public

Article 6 bis (nouveau) Systématiser les directions communes en cas de vacance de poste dans un établissement membre d’un groupement hospitalier de territoire

Article 6 ter (nouveau) Validation des nominations des candidats au concours externe organisé pour le recrutement des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux au titre de 2019

Article 7 Interdiction d’exercer en intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux et dans les laboratoires de biologie médicale

Article 8 Renforcer le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent

Articles 9 et 10 Mieux intégrer les praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé

Article 10 bis (nouveau) Rénover le dispositif de droit commun de la procédure d’autorisation d’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne

Article 11 Gages de recevabilité

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 16 heures

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 21 heures

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 15 heures

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

ANNEXE  2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 


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avant-propos

Trouver des solutions concrètes à la crise actuelle de notre système de santé, telle est la vocation de la présente proposition de loi. En ville comme à l’hôpital, nous devons définir une meilleure organisation territoriale des soins, bâtie sur une plus forte coordination des acteurs de terrain.

Une enquête Ifop parue en décembre dernier révèle que 83 % des Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations. À l’heure où plus de 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux et où plus de 11 % d’entre eux n’ont pas de médecin traitant, il est de notre responsabilité de résoudre cette question lancinante, difficile, de l’accès aux soins de nos concitoyens.

Un constat s’impose : notre système de santé se caractérise par son caractère trop centralisé, trop jacobin. Cet état de fait est l’expression d’un manque de confiance dans les acteurs, qui s’est aggravé au fil du temps.

Pourtant, la situation d’urgence sanitaire que notre pays a traversée pendant des mois a rappelé la force des initiatives et des coopérations territoriales. Elle a montré que rien ne vaut une réponse apportée en proximité, adaptée aux spécificités du territoire et aux besoins de la population. Elle a montré que lorsqu’on fait davantage confiance aux acteurs du territoire pour répondre collectivement aux besoins de la population, les bénéfices en matière de santé publique sont réels.

La territorialisation des politiques de santé, par l’émergence de réponses définies au plus près des besoins de santé des Français et des contextes locaux, est ainsi une nécessité.

La réforme « Ma santé 2022 » en avait posé les jalons. Depuis 2018, le Gouvernement et le Parlement ont œuvré en faveur de l’accès aux soins de nos concitoyens. La récente loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé constitue ainsi une pierre utile dans la rénovation de notre système de santé.

La présente proposition de loi traduit certains engagements formulés par le Président de la République, notamment sur la redistribution de l’effort entre les soignants. Elle traduit également les mesures nécessaires issues des conseils nationaux de la refondation (CNR) territoriaux, s’agissant de la consolidation de la permanence des soins notamment ou de la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé.

Au total, la souplesse, le dialogue, la coopération et la mobilisation de toutes les énergies dans les territoires, s’érigent comme le fil conducteur de ce texte.

*

 Notre système a besoin de retrouver de l’équilibre et de la fluidité à tous les niveaux. Tel est l’objet des deux premiers articles du texte, qui tendent à faire du territoire de santé l’échelon de référence des politiques de santé locales. Ce territoire a vocation à s’imposer pour la pérennisation des conseils territoriaux de santé (CTS).

L’article 1er prévoit que le CTS, dont le cadre légal a été posé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, définira les objectifs prioritaires du territoire de santé, tels que les besoins en matière de permanence des soins. Le caractère collectif de la responsabilité des professionnels de santé est affirmé, en particulier pour réduire les inégalités en matière d’accès aux soins.

Associer l’ensemble des parties prenantes d’un territoire dans l’élaboration du projet territorial de santé est également fondamental. Tous les acteurs – élus, préfets, directeurs généraux d’agence régionale de santé (ARS), représentants des établissements sanitaires et médico-sociaux, des professionnels de santé libéraux par le biais des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), etc. –, doivent orienter et coordonner la politique locale de santé sur le territoire. C’est le sens de l’article 2, qui élargit la composition du conseil territorial de santé ([1]).

 Il importe également de renforcer les dynamiques de collaboration et d’organisation territoriale, en s’appuyant sur ce qui a pu être fait pendant la crise sanitaire.

C’est pourquoi l’article 3 vise à rattacher automatiquement les professionnels de santé et les centres de santé à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du territoire auquel ils appartiennent. Il existe aujourd’hui environ 800 CPTS sur le territoire, avec des niveaux de développement très hétérogènes. L’objectif est ainsi d’accélérer leur déploiement et de généraliser les coopérations entre les professionnels de santé dans les territoires.

 La rénovation du système de santé ne peut se concevoir sans une refonte du dispositif de permanence de soins en établissement de santé. La loi n° 2023379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, portée par Mme Stéphanie Rist, en a posé les bases, en inscrivant le principe d’une responsabilité collective afin de garantir l’accès aux soins non programmés à toute la population.

Il s’agit désormais de mettre en œuvre cette responsabilité collective, de rééquilibrer le dispositif entre le secteur public et le secteur privé, pour réduire la pression sur l’hôpital, qui est souvent la seule lumière allumée sur le territoire. C’est l’ambition de l’article 4.

 Par ailleurs, la présente proposition de loi vise à renforcer le lien entre les études de santé et l’installation dans les territoires sous-dotés. Son article 5 rénove ainsi le contrat d’engagement de service public (CESP), créé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST », qui produit des effets encourageants mais demeure perfectible. Elle ouvre ce dispositif à tous les professionnels en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie, dès l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé.

 La présente proposition de loi vise aussi à répondre à certaines difficultés qui rongent hôpital public.

L’instauration des groupements hospitaliers de territoire (GHT) en 2016 a profondément modifié le paysage de l’hospitalisation publique, mais ces groupements n’ont pas toujours été à la hauteur de leurs objectifs en matière d’accès aux soins et de gradation des soins. L’article 6 permettra aux GHT qui ont atteint une maturité suffisante d’acquérir une personnalité morale, ce qui simplifiera la conduite de projets à l’échelle du GHT. Cet article propose également d’étendre les compétences du conseil de surveillance pour en faire un véritable lieu de débat sur la gestion et l’offre de soins de l’hôpital, en lien avec le territoire.

 Pour contrer le développement exponentiel des modalités d’exercice non régulées et encourager les jeunes professionnels à s’intégrer dans des organisations pérennes, en ville comme à l’hôpital, l’article 7 vise à interdire l’exercice en l’intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux ainsi que dans les laboratoires de biologie médicale.

 Dans le sillage de l’affaire Orpea, l’article 8 renforce le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent. Il élargit le périmètre des institutions en mesure de les contrôler, dans un contexte où les ARS n’ont ni les moyens, ni l’expertise pour tout faire.

 Le maintien de l’offre de soins dans un territoire donné doit aussi passer par une meilleure intégration des praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue). Alors que ces praticiens, indispensables au fonctionnement de certains services hospitaliers, rencontrent encore des difficultés pour obtenir un poste, les articles 9 et 10 proposent de faciliter leur exercice, en prévoyant de nouvelles autorisations d’exercice provisoire et une nouvelle carte de séjour pluriannuelle.

● Les débats en commission des affaires sociales ont permis d’enrichir de manière substantielle le contenu de la proposition de loi, qui est passée de dix à vingt-cinq articles (hors article de gages).

Plusieurs d’entre eux sont issus d’amendements déposés par le groupe de travail animé par M. Guillaume Garot depuis le début de la législature. Ces articles visent notamment à lutter contre le nomadisme médical en encadrant les possibilités de recours aux aides à l’installation et aux exonérations fiscales pour les professionnels de santé s’installant dans des zones sous-dotées, à étendre les missions du guichet unique départemental pour accompagner les professionnels de santé, à créer un indicateur territorial pour mieux piloter l’offre de soins, à rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les professionnels de santé envisageant de cesser définitivement leur activité, ou encore à renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé. À cela se sont ajoutés d’autres amendements tendant par exemple à reculer à 72 ans la limite de l’âge du cumul emploi-retraite pour les professionnels de santé salariés des centres de santé, à rénover la procédure d’autorisation d’exercice des Padhue ou à faciliter l’accès aux médicaments dans les territoires.

Les échanges en commission ont été l’occasion de rappeler les risques associés à l’adoption de mesures coercitives qui viseraient à réguler l’installation des médecins. De telles mesures seraient certainement contre-productives ; elles auraient pour conséquence de décourager les jeunes praticiens de s’installer en ville et ainsi d’alimenter un peu plus la pénurie croissante de médecins à laquelle fait face notre pays. Des solutions, plus consensuelles, existent pour répondre aux attentes de nos concitoyens. L’optimisation du temps médical, le renforcement des coopérations entre les professionnels de santé, l’évolution des leurs compétences ou encore le développement de consultations avancées dans les territoires constituent une panoplie de solutions qu’il est nécessaire de généraliser.


– 1 –

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 1er et 2
Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er fait du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé en renforçant les missions des conseils territoriaux de santé (CTS) et la responsabilité des acteurs du territoire. Il permet également de réinterroger les délimitations actuelles des territoires de santé. L’article 2 précise la composition du conseil territorial de santé qui s’érige comme l’organe de gouvernance du territoire de santé.

I.   La situation actuelle

A.   Un cadre juridique rÉcenT

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») prévoyait la définition de territoires de santé par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) ([2]). L’article L. 1434-9 du code de la santé publique précise désormais que l’ARS délimite les « territoires de démocratie sanitaire » à l’échelle infrarégionale, de manière à couvrir l’intégralité du territoire de la région.

Chaque territoire de santé était destiné à organiser les activités de santé publique, de soins et d’équipements hospitaliers, de prise en charge et d’accompagnement médico-social, ainsi que d’accès aux soins de premiers secours. Le directeur général de l’ARS était tenu de créer sur chacun de ces territoires une conférence de territoire. Cet organe de démocratie sanitaire locale se répartissait en onze collèges représentant les diverses catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné.

Toutefois, la Cour des comptes a remis en cause l’apport de ces conférences de territoire et souligné l’irrégularité ainsi que l’hétérogénéité de leur fonctionnement ([3]). Par conséquent, ces conférences ont été supprimées et remplacées par les conseils territoriaux de santé (CTS). La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a posé le cadre légal de ces CTS afin de renforcer la démocratie sanitaire locale et la gouvernance partagée.

B.   LES MISSIONS ATTRIBUÉES AUX CONSEILS TERRITORIAUX DE SANTÉ

Les conseils territoriaux de santé, constitués par le directeur général de l’ARS sur chaque territoire de démocratie sanitaire infrarégional ([4]), disposent de plusieurs missions. L’article L. 1434-10 du code de la santé publique leur permet notamment :

– de participer à la réalisation du diagnostic territorial partagé, en s’appuyant sur les équipes de soins primaires et sur des communautés professionnelles de territoires ainsi que sur les projets médicaux partagés et les contrats locaux de santé et en prenant en compte les projets médicaux des établissements de santé et les projets d’établissement des établissements et services médico-sociaux ;

– de contribuer à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du projet régional de santé, notamment les dispositions portant sur l’organisation des parcours de santé ;

– d’être informés et de participer au suivi de dispositifs d’appui à la coordination, de dispositifs spécifiques régionaux et de la signature des contrats territoriaux et locaux de santé.

Les conseils territoriaux de santé peuvent également être saisis par le directeur général de l’ARS sur les questions relatives à ces missions. Les présidents des CTS ainsi que le président de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) peuvent quant à eux se saisir, de manière mutuelle, de questions relevant de leur domaine de compétence.

Il convient également de préciser que les CTS sont en mesure de soumettre au directeur général de l’ARS, s’ils le souhaitent, des propositions visant à améliorer la réponse apportée aux besoins de santé de la population présente sur le territoire.

C.   La composition des conseils territoriaux de santÉ

Les conseils territoriaux de santé sont composés de trente‑quatre à cinquante membres, notamment ([5]) :

– des députés et sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné ;

– de représentants des élus des collectivités territoriales ;

– des services départementaux de protection maternelle et infantile ;

– des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ;

– d’un membre du comité de massif concerné ([6]) ;

– des usagers.

Les membres précités sont répartis en plusieurs collèges ([7]) :

– un collège des professionnels et offreurs des services de santé, composé de vingt à vingt‑huit représentants des établissements, professionnels et structures de santé, des établissements et services médico-sociaux, de la prévention et de la promotion de la santé, et des représentants d’organismes œuvrant dans le champ de la lutte contre la pauvreté et la précarité ;

– un collège des usagers et associations d’usagers œuvrant dans les domaines de compétence de l’ARS, composé de six à dix membres ;

– un collège des collectivités territoriales (ou de leurs groupements) du territoire de démocratie sanitaire concerné, composé de quatre à sept membres ;

– un collège des représentants de l’État et des organismes de sécurité sociale, composé de deux à trois membres ;

– deux personnalités qualifiées.

D.   Positionner le territoire de santé comme échelon de référence de l’organisation des politiques de santé locales

L’organisation locale de la santé est particulièrement complexe. En effet, il existe douze échelons territoriaux relatifs à la santé. L’imbrication de ces différentes strates, représentée dans l’organigramme ci-après, est à l’origine d’un manque de coordination entre les différents acteurs au service de la santé ainsi qu’une faible lisibilité du système pour les acteurs et les usagers. Ces obstacles peuvent compromettre l’organisation locale de la santé.

Aussi est-il indispensable selon le rapporteur d’installer comme échelon de référence de l’organisation des politiques de santé locales, un territoire de santé, gouverné par un conseil territorial de santé, doté lui-même d’un bureau exécutif, afin de répondre à cet objectif de simplification et de lisibilité.

 

Source : Rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, mars 2022.

II.   le dispositif de la proposition de loi

A.   La possibilitÉ de rÉinterroger les dÉlimitations actuelles des territoires de santÉ

Les territoires de santé, actuellement désignés comme territoires de démocratie sanitaire, sont délimités par l’ARS à l’échelle infrarégionale, de manière à couvrir l’intégralité du territoire de la région ([8]). Toutefois, la cohérence de ces délimitations interroge. Les frontières définies sont fréquemment d’ordre administratif, mais ne s’inscrivent pas toujours en cohérence avec les réalités territoriales de l’organisation du système de soins, ni avec une approche de bassins de vie en santé.

● L’article 1er modifie la dénomination des « territoires de démocratie sanitaire » en « territoires de santé » (article L. 1434-9 du code de la santé publique) et prévoit explicitement que les acteurs du territoire, en lien avec les ARS, peuvent redéfinir la délimitation des territoires de santé (du I), à compter du dixième mois suivant la promulgation de la présentation loi (). L’intégration des acteurs du territoire pourra permettre de délimiter des frontières cohérentes pour ces territoires, qui ne correspondront pas nécessairement aux frontières administratives. Cela pourra conduire à remettre en cause le choix des frontières départementales, souvent imposé sans débat préalable par les ARS au moment de la mise en place des CTS.

B.   Le renforcement des missions du Conseil territorial de santÉ et de la responsabilitÉ des acteurs de santÉ

● Le dispositif proposé affirme le caractère collectif de la responsabilité des acteurs de santé du territoire (a du du I). Il précise aussi les missions du conseil territorial de santé (b du du I) : le conseil territorial de santé définira les objectifs prioritaires d’accès aux soins, de continuité des soins du territoire, d’équilibre territorial de l’offre de soins et les besoins de couverture territoriale en permanence des soins. Il déclinera en outre les politiques de santé dans leur approche territoriale par l’application du projet territorial de santé. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du dixième mois suivant la promulgation de la présentation loi ().

● Afin de parvenir aux objectifs prioritaires précités, le présent article propose qu’en cas de difficultés à répondre aux besoins définis par le diagnostic territorial de santé, il reviendra au directeur de l’ARS de mettre en œuvre des mesures pour améliorer l’accès aux soins après consultation du CTS (nouvel article L. 1434-10-1 du code de la santé publique). Il pourra s’appuyer pour cela sur :

– tout acteur pouvant proposer une offre de soins de premier recours (établissements de santé publics ou privés, établissements et services médico-sociaux, centres de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles, etc.) ;

– l’organisation de consultations avancées de médecins de premier et second recours dans des zones sous-dotées ;

– la construction d’outils incitatifs, visant à l’installation de professionnels de santé ou l’amélioration de l’accès aux soins, en lien avec les collectivités territoriales et la mobilisation de dispositions prévues par les conventions liant l’assurance maladie et les médecins (du I).

C.   UNE composition du Conseil territorial de santÉ PRÉCISÉE

Le conseil territorial de santé constitue un organe de démocratie sanitaire qui a vocation à représenter tous les acteurs, y compris les usagers.

● L’article 2 modifie l’article L. 1434-10 du code de la santé publique de façon à préciser les acteurs qui composent le CTS (). Sont ainsi énumérés, outre les députés et les sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné, les représentants des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile, les catégories d’acteurs suivantes :

– le préfet ;

– le directeur de l’ARS ;

– les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie compétent sur le territoire concerné ;

– les représentants des établissements de santé et médico-sociaux ;

– les représentants des maisons et centres de santé ;

– les représentants des communautés professionnelles territoriales de santé ;

– les représentants des professionnels de santé libéraux ;

– les représentants des usagers.

Cette liste d’acteurs se substitue à la formulation actuelle, très générique : « des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ». Aussi, les précisions relatives à la composition du CTS permettent-elles d’assurer que l’ensemble des acteurs d’un territoire, y compris les usagers, puissent être représentés et s’exprimer.

Les projets territoriaux de santé ayant vocation à être définis par les CTS, selon des modalités qui pourront être précisées par voie réglementaire après concertation avec les parties prenantes, la seconde phrase du neuvième alinéa du même article L. 1434-10, selon laquelle « l’élaboration d’un projet territorial de santé est initiée par au moins une communauté professionnelle territoriale de santé dont le projet de santé a été validé, avec le concours éventuel de l’union régionale des professionnels de santé (...) et un établissement ou un service de santé, social ou médico-social », est supprimée.

III.   leS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre des amendements rédactionnels et de coordination du rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements du rapporteur modifiant l’article 1er :

– Un amendement précisant que les conseils territoriaux de santé ont vocation à réduire les inégalités de densité démographique de toutes les professions de santé ;

– Un amendement intégrant à l’article 1er les dispositions de l’article 2 relatives à la composition des CTS et, par coordination, un amendement de suppression de l’article 2. Trois sous-amendements, de M. Sébastien Peytavie et de plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste – NUPES, de M. Jean-François Rousset et de Mme Servane Hugues et de plusieurs de leurs collègues du groupe Renaissance, ont permis de préciser respectivement que les CTS seraient également composés de représentants des associations de permanence des soins, de représentants du service d’accès aux soins, de représentants des équipes de soins spécialisés d’une part, de représentants du guichet unique départemental d’autre part et, enfin, de représentants des aidants familiaux ;

– Un amendement précisant les missions du CTS : il élabore le projet territorial de santé et assure le suivi et l’évaluation de sa mise en œuvre, en lien avec l’agence régionale de santé. Il définit notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.

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Article 2 bis (nouveau)
Instaurer un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier à nouveau d’aides à l’installation ou d’exonérations fiscales

Introduit par la commission

L’article 2 bis prévoit que les professionnels de santé ayant bénéficié d’exonérations et d’aides à l’installation ne peuvent de nouveau y être éligibles qu’à l’expiration d’un délai de dix ans.

 

Cet article résulte de l’adoption de trois amendements identiques de M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés), M. Philippe Vigier (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés) ainsi que plusieurs de leurs collègues. Ces amendements ont fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur.

Le présent article prévoit que les professionnels de santé ayant bénéficié des aides financières à l’installation, versées par les collectivités territoriales ou par les agences régionales de santé, ou d’exonérations au titre d’un exercice en zone de revitalisation rurale ne peuvent y être éligibles de nouveau qu’à l’expiration d’un délai de dix ans, selon des conditions définies par décret. Cet article vise ainsi à limiter certains abus liés au « nomadisme médical ».

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Article 2 ter (nouveau)
Ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition des fonctionnaires

Introduit par la commission

L’article 2 ter vise à ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous‑denses le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires, dans un cadre dérogatoire au droit commun et pour une durée réduite, dans le but de faciliter l’installation des professionnels de santé libéraux.

I.   la situation actuelle

En vertu de l’article L. 512-6 du code général de la fonction publique, la mise à disposition est « la situation du fonctionnaire réputé occuper son emploi qui, demeurant dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine, continue à percevoir la rémunération correspondante mais exerce ses fonctions hors de l’administration où il a vocation à servir ».

L’article L. 512-8 énumère les personnes morales auprès desquelles la mise à disposition d’un fonctionnaire est envisageable :

– administrations de l’État ;

– collectivités territoriales et leurs établissements publics ;

– groupements d’intérêt public ;

– organismes contribuant à la mise en œuvre d’une politique de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice de leurs seules missions de service public ;

– organisations internationales intergouvernementales ;

– institution ou organe de l’Union européenne ;

– États étrangers et leurs collectivités et organismes publics, à la condition que l’intéressé conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec son administration d’origine.

La mise à disposition est ainsi réservée aux entités de droit public ou exerçant des missions de service public. Elle n’est pas effectuée à titre gracieux : sauf dérogation, les organismes d’accueil remboursent à l’organisme ou la collectivité d’origine le traitement perçu par le fonctionnaire, conformément à l’article L. 512-15 du code général de la fonction publique.

II.   le droit proposé

● Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Paul Christophe et M. Laurent Marcangeli ainsi que de leurs collègues du groupe Horizons et apparentés, avec avis favorable du rapporteur.

Il reprend une disposition votée par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de la proposition de loi du sénateur Daniel Chasseing relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités ([9]), et reprise dans le cadre d’une proposition de loi de M. Paul Christophe ([10]) déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale en mai dernier.

Cette disposition vise à autoriser, à titre dérogatoire, la mise à disposition de fonctionnaires auprès de maisons de santé et de médecins généralistes, dans le but de faciliter leur installation en zone sous-dense. Le sénateur Chasseing expliquait ainsi dans son rapport ([11]) :

« La mise à disposition d’un fonctionnaire local pourrait répondre à la préoccupation de médecins prêts à s’installer en zones sous-denses, mais inquiets de la charge administrative à supporter en leur permettant de la partager, voire de la déléguer. Dans une même logique de libération de temps médical, le personnel mis à disposition pourrait être chargé de l’accueil de la patientèle. Le fonctionnaire mis à disposition, à même de connaître les professionnels et les caractéristiques du territoire, pourrait également contribuer à fluidifier la coordination de l’offre de soins.

« En ce qui concerne l’aspect financier, le texte entend libérer temporairement le bénéficiaire de la charge des salaires et des cotisations du personnel. Selon les termes de la convention de mise à disposition, les entités d’accueil pourraient en effet bénéficier d’une avance de trésorerie contribuant à lever des obstacles financiers associés à l’installation sur un nouveau territoire. »

Il était en outre prévu que cette mise à disposition serait de courte durée, dans l’attente du moment où le professionnel – ou la maison de santé – serait en mesure de recruter son propre personnel. Son bénéfice est ainsi conditionné à une arrivée récente sur le territoire, et la mise à disposition limitée à une durée de trois mois renouvelable deux fois.

Ce dispositif avait reçu un avis favorable du Gouvernement au Sénat, avant d’être rejeté en séance publique.

● Le présent article reprend à l’identique le dispositif prévu par les propositions de loi de MM. Daniel Chasseing et Paul Christophe.

Il complète la liste des structures au sein desquelles les fonctionnaires peuvent être mis à disposition, en application de l’article L. 512-8 du code général de la fonction publique, afin d’inclure les maisons de santé et les cabinets libéraux situés en zones sous-denses.

La mise à disposition est prononcée pour une durée qui ne peut excéder trois mois, renouvelable deux fois dans la limite d’une durée totale de neuf mois.

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Article 2 quater (nouveau)
Reculer la limite de l’âge du cumul emploi-retraite à 72 ans pour les professionnels de santé salariés des centres de santé

Introduit par la commission

L’article 2 quater vise à élargir le bénéfice du cumul emploi-retraite prolongé jusqu’à 72 ans aux professionnels de santé salariés des centres de santé gérés par les collectivités territoriales, à l’image de ce qui est prévu dans les hôpitaux depuis 2016.

I.   la situation actuelle

L’article 138 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique définit l’âge limite de l’exercice en cumul emploi-retraite pour les professionnels de santé exerçant en établissement public de santé.

Dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 ([12]), cet âge limite a été porté, à titre transitoire, à 72 ans jusqu’au 31 décembre 2022. Cette disposition déroge ainsi à l’article L. 556-11 du code général de la fonction publique, lequel prévoit que la limite d’âge des agents contractuels de la fonction publique est fixée à 67 ans.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([13]), cette disposition transitoire a été prolongée jusqu’en 2035, pour répondre aux besoins importants en professionnels de santé, et dans l’attente, s’agissant des médecins, que les effets de la suppression du numerus clausus se fassent sentir.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, ayant fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur.

Il complète l’article 138 de la loi du 9 août 2004 précité pour étendre son application aux professionnels de santé exerçant dans les centres de santé gérés par des collectivités locales ou leurs groupements, dès lors qu’ils sont situés dans une zone caractérisée par des problèmes d’accès aux soins.

Ces professionnels pourront ainsi exercer dans ces centres en cumul-emploi retraite jusqu’à l’âge de 72 ans, à l’image de ce qui est prévu pour les hôpitaux.

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Article 2 quinquies (nouveau)
Créer un indicateur territorial de l’offre de soins

Introduit par la commission

L’article 2 quinquies crée un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos) évaluant la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux des territoires afin d’aider à l’élaboration des politiques territoriales de santé.

Cet article résulte de l’adoption de quatre amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés), M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés) et Mme Delphine Batho (Écologiste - NUPES) ainsi que de plusieurs de leurs collègues. Ces amendements ont reçu un avis défavorable du rapporteur.

L’article prévoit, aux termes de l’article L. 1411-11 du code de la santé publique, la mise en place d’un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos) évaluant « la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale ». Cet indicateur « prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé ».

Cet indicateur est élaboré et mis à jour annuellement par spécialité médicale et paramédicale par l’agence régionale de santé (ARS), en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Il permet de définir, dans les zones les moins dotées, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre.

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Article 2 sexies (nouveau)
Étendre les missions des guichets uniques départementaux à l’accompagnement des professionnels de santé

Introduit par la commission

L’article 2 sexies élargit les missions du guichet unique départemental, mis en place par l’agence régionale de santé, à l’accompagnement des professionnels de santé du territoire, au-delà de leur installation.

Cet article résulte de l’adoption de cinq amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés), M. Philippe Vigier (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés) ainsi que de plusieurs de leurs collègues, avec un avis favorable du rapporteur.

Il élargit les missions du guichet unique départemental, prévues l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, en faveur de l’accompagnement des professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives, notamment celles effectuées dans le cadre de leur installation ou de leur remplacement.

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Article 2 septies (nouveau)
Prévoir une actualisation annuelle du zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé

Introduit par la commission

L’article 2 septies prévoit une actualisation annuelle des zonages relatifs à l’offre de soins réalisés par les agences régionales de santé après concertation des conseils territoriaux de santé.

Cet article résulte de l’adoption de six amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, MM. Francis Dubois et Dino Cinieri (groupe Les Républicains), M. Paul-André Colombani (groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires), MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES), Mmes Maud Petit et Anne Bergantz (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Jérémie Patrier-Leitus et plusieurs de ses collègues du groupe Horizons et apparentés, avec un avis défavorable du rapporteur.

Il modifie l’article L. 1434-4 du code de la santé publique relatif au zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé afin de prévoir une actualisation chaque année, et non plus tous les quatre ans, après concertation avec les conseils territoriaux de santé.

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Article 2 octies (nouveau)
Rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes cessant leur activité

Introduit par la commission

L’article 2 octies impose aux médecins, chirurgiens‐dentistes et sages‐femmes de communiquer à l’agence régionale de santé et au conseil de l’ordre dont ils relèvent leur volonté de ne plus exercer dans leur lieu d’exercice, au plus tard six mois avant leur départ, sauf cas de force majeure.

 

Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés) et M. Jérémie Patrier-Leitus (groupe Horizons et apparentés) ainsi que de plusieurs de leurs collègues, avec un avis favorable du rapporteur.

Il rend obligatoire pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes l’envoi d’un préavis à l’agence régionale de santé et à l’ordre dont ils relèvent au plus tard six mois avant leur départ de leur lieu d’exercice, sauf cas de force majeure prévus par décret.

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Article 2 nonies (nouveau)
Réglementer la cessation définitive d’activité d’une pharmacie d’officine dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins

Introduit par la commission

L’article 2 nonies impose que l’avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé soit recueilli pour toute cessation définitive d’activité d’une officine située dans une zone caractérisée par des difficultés dans l’accès aux soins. Il prévoit que le directeur général pourra refuser de constater la cessation définitive d’activité lorsque les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits.

I.   la situation actuelle

Dans un rapport publié en 2016, les inspections générales des finances et des affaires sociales relevaient que « près de la moitié des fermetures d’officines sont (...) le résultat d’initiatives de pharmaciens désirant restructurer l’offre locale via des regroupements et rachats fermetures » ([14]). On observe ainsi de plus en plus fréquemment le rachat de petites officines par des pharmacies de plus grande taille qui les liquident ensuite, conduisant à l’existence de zones où l’offre d’officines se raréfie. Les territoires ruraux et communes rurales sont souvent, à cet égard, les premiers touchés par ce phénomène.

La cessation définitive d’activité d’une officine est régie par les dispositions de l’article L.5125-22 du code de la santé publique, qui prévoit que cette cessation entraîne la caducité de la licence, laquelle doit être remise au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). La cessation définitive d’activité est alors constatée par arrêté par le directeur général. Si cette cessation n’a pas été déclarée, elle est considérée comme définitive au bout de douze mois, et déclarée comme telle par le directeur général de l’ARS, dans les mêmes conditions.

Cependant l’article L. 5125-5-1 prévoit que « toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une même commune ou de communes limitrophes à l’initiative d’un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines doit faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé ».

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus (groupe Horizons et apparentés) et plusieurs de ses collègues des groupes Renaissance, Démocrate (MoDem et Indépendants) et Horizons et apparentés, ayant fait l’objet d’un avis défavorable du rapporteur.

Il insère un nouvel article L. 5125-5-2 dans le code de la santé publique. Cet article prévoit que les opérations de restructuration du réseau officinal, par exemple via des regroupements ou rachats fermetures, doivent faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de la santé lorsqu’elles sont réalisées en zones sous‑denses et donnent lieu à une indemnisation de cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines. Cet avis intervient après la consultation des syndicats représentatifs de la profession, du conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent et du conseil territorial de santé.

Ce faisant, l’article réplique le dispositif prévu à l’article L. 5125-5-1 pour toute restructuration du réseau intervenant au sein de la même commune ou sur des communes limitrophes et aboutissant à la cessation définitive d’activité d’une officine, mais en appliquant cette fois aux zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins.

La cessation définitive d’activité de l’officine est également encadrée. Elle ne peut être constatée par le directeur général de l’ARS, dans les conditions prévues à l’article L. 5125-22, « si les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits de manière optimale ou si elle entre en contradiction d’une autre manière avec les objectifs déterminés par le projet territorial de santé ».

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Article 2 decies (nouveau)
Faciliter la facturation de médicaments par les antennes d’officines

Introduit par la commission

L’article 2 decies entend lever un obstacle technique à la mise en œuvre d’une expérimentation votée dans le cadre de la loi « ASAP », en 2020. Cette expérimentation vise à permettre la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques dans des zones non desservies par une officine, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou proche. Cependant, l’impossibilité de facturer les médicaments depuis les antennes ouvertes pour leur dispensation tend à bloquer la mise en œuvre de cette expérimentation.

I.   la situation actuelle

En 2020, l’article 95 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (« ASAP ») ([15]) a ouvert la possibilité d’une expérimentation dont le but est d’assurer la dispensation en médicaments et produits pharmaceutiques dans des communes dont la dernière officine a cessé définitivement son activité.

Cette expérimentation permet au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) d’organiser la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques à la commune dépourvue d’officine par un pharmacien, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou la plus proche. L’avis du conseil de l’ordre et des syndicats représentatifs doit être sollicité dans ce cadre.

Cette expérimentation a été lancée et plusieurs projets ont vu le jour ou sont en cours d’instruction, dans les ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bretagne, Corse, Centre-Val de Loire et Auvergne-Rhône-Alpes. Il apparaît cependant que la mise en œuvre des antennes soulève plusieurs difficultés, dont une impossibilité technique à facturer depuis ces nouvelles entités.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’amendements identiques de la rapporteure générale ainsi que de Mme Géraldine Bannier et de plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), avec avis favorable du rapporteur.

Il modifie l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, lequel porte le cadre des expérimentations dites « de l’article 51 ». Ce cadre définit ainsi l’ensemble des règles de financement et de tarification auxquelles il est possible de déroger à titre expérimental, en vue de permettre l’émergence d’organisations innovantes dans les secteurs sanitaires et médico-social, ou d’améliorer la pertinence de la prise en charge des médicaments et la pertinence des prescriptions.

L’article L. 162-31-1 avait été complété par l’article 95 de la loi « ASAP » afin d’autoriser une dérogation à l’article L. 5125-4 du code de la santé publique réglementant les ouvertures d’officine, afin de rendre possible l’expérimentation susmentionnée.

Le présent article 2 decies modifie la rédaction introduite par la loi « ASAP » afin de prévoir explicitement la possibilité de créer une antenne d’officine aux fins de cette expérimentation. Il dispose en outre qu’« aux seules fins de facturation, l’antenne est considérée comme une officine et le pharmacien adjoint exerçant dans l’antenne bénéficie des prérogatives du pharmacien titulaire ».

Ces modifications devraient ainsi être de nature à lever les obstacles techniques liés à la facturation des médicaments dispensés à partir de l’antenne et, ainsi, permettre un réel déploiement de l’expérimentation votée en 2020.

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Article 2 undecies (nouveau)
Simplifier les procédures d’autorisation par les agences régionales de santé dans le contexte de la réforme des autorisations pour garantir l’accès aux soins

Introduit par la commission

L’article 2 undecies comprend plusieurs dispositions pour adapter transitoirement certaines règles relatives aux autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds, dans le contexte de la réforme des autorisations qui est entrée en vigueur le 1er juin 2023.

I.   la situation actuelle

Une réforme des autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds a été votée dans le cadre de la loi dite « OTSS » de 2019 ([16]) et précisée par l’ordonnance du 12 mai 2021 ([17]). Elle vise notamment à adapter les procédures d’autorisations au développement de nouvelles activités, et à simplifier et fluidifier les procédures d’autorisation. En particulier, dans ce nouveau cadre, les autorisations sont liées à un site et non à un équipement, dans la limite d’un nombre d’équipements donnés par site.

Cette réforme est entrée en vigueur le 1er juin dernier, assortie de dispositions transitoires visant à sécuriser le passage de l’ancien au nouveau régime d’autorisations. Cependant, ce régime transitoire pose certaines difficultés d’interprétation. En outre, il s’avère insuffisant pour permettre aux autorités concernées par l’instruction des demandes d’autorisation, agences régionales de santé (ARS) mais aussi commissions spécialisées pour l’organisation des soins (CSOS), de traiter l’ensemble des demandes associées à cette transition en temps voulu. Cette situation induit ainsi une insécurité juridique forte pour les titulaires actuels des autorisations concernées.

Enfin, la réforme des autorisations aboutit à transformer certaines autorisations d’équipements lourds en autorisations d’activité, par exemple pour la radiologie interventionnelle, désormais considérée comme une activité de soins. Or, il est fréquent que des radiologues se soient regroupés en groupements de coopération sanitaire (GCS), lesquels sont actuellement titulaires des autorisations d’équipements lourds. Or, ces GCS ne peuvent pas être titulaires d’une autorisation d’activité de soins sans changer de forme juridique, ce qui met en péril l’autorisation lorsqu’elle implique une activité de radiologie interventionnelle, notamment.

Le Gouvernement estime ainsi qu’en l’absence de mesure législative, le traitement de l’ensemble des autorisations concernées ne pourra être pris en charge à moyens constants par les établissements de santé et les ARS, avec le risque d’un retard dans le renouvellement et l’octroi de nouvelles autorisations – et ses conséquences sur l’offre de soins et la sécurité juridique des établissements.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure générale, avec avis favorable du rapporteur.

Dans le contexte de la réforme des autorisations susmentionnée, il porte un ensemble de mesures visant à simplifier la procédure administrative et à épargner une charge de travail significative aux établissements de santé et à leurs professionnels, mais aussi à garantir l’octroi et le renouvellement des autorisations en temps voulu.

● Le I précise les dispositions transitoires et lève le doute sur leur interprétation concernant les autorisations qui ne feront pas l’objet d’un décret d’activité dans le cadre de la réforme des autorisations.

Par ailleurs, il permet à certaines autorisations d’activités, concernées par la révision d’un décret au 1er juin 2023, d’être traitées de nouveau selon les règles de renouvellement de droit commun mentionnées à l’article R. 6122‑32‑1 du code de la santé publique. Ainsi, la durée de vie initiale de sept ans est rétablie pour les autorisations pour lesquelles un décret ne sera pas pris au 1er juin 2023 et les autorisations de certaines activités de soins dont la liste sera fixée par décret.

● Le II déroge à l’obligation de solliciter l’avis de la commission spécialisée de l’organisation des soins (CSOS) mentionnée à l’article L. 6122‑9 du code la santé publique pour certaines demandes d’autorisations déposées lors de la première fenêtre de dépôt postérieure à la publication du schéma régional de santé 2023‑2028, fenêtre durant laquelle se feront les ré-autorisations.

● Le III modifie les règles relatives aux groupements de coopération sanitaire (GCS) pour élargir la liste des autorisations d’activités de soins qu’ils sont autorisés à détenir – aujourd’hui limitée à l’assistance médicale à la procréation. Cette liste aura vocation à être définie par décret.

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Article 2 duodecies (nouveau)
Demande de rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant

Introduit par la commission

L’article 2 duodecies prévoit que soit remis au Parlement un rapport du Gouvernement sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant.

I.   la situation actuelle

L’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale pose le principe du médecin traitant pour la coordination des soins des assurés âgés de 16 ans ou plus. Ces derniers doivent indiquer à l’organisme gestionnaire de leur régime de base le nom du médecin traitant choisi, qui peut être un généraliste ou un spécialiste, un médecin libéral, hospitalier ou salarié, dans un centre de santé ou un établissement médico-social.

Le sixième alinéa de l’article L. 162-5-3 prévoit que le ticket modérateur dû par les assurés en vertu de l’article L. 160-13 peut être majoré « pour les assurés et les ayants droit n’ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant ».

Cette majoration n’est pas applicable dans plusieurs cas prévus par l’article L. 162-5-3 :

– consultation dans le cadre d’un protocole de soins ;

– consultation dans une structure de médecine humanitaire, un centre de planification ou d’éducation familiale ;

– contexte d’urgence ;

– consultation en dehors du lieu de résidence de l’assuré ;

– consultation sur l’adressage d’une sage-femme ;

– consultation d’un médecin des armées par un militaire.

Au niveau réglementaire, l’article R. 322-1-1 prévoit que cette majoration peut atteindre 37,5 % à 42,5 % du tarif de base de la sécurité sociale.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Hadrien Clouet et de ses collègues du groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale, ayant fait l’objet d’une demande de retrait du rapporteur au profit d’une autre demande de rapport sur le même sujet.

Il prévoit que soit remis au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant.

En effet, environ 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Une proportion difficile à estimer de ce total se trouve dans cette situation pour des motifs involontaires, soit que leur médecin traitant soit parti (retraite, déménagement), soit qu’ils n’aient pas réussi à en trouver dès le départ. Ces patients peuvent ainsi se trouver doublement pénalisés : ils disposent d’un accès aux soins dégradé en raison de l’absence de médecin traitant (600 000 patients en affection de longue durée seraient concernés) et doivent assumer une majoration conséquence du ticket modérateur lorsqu’ils consultent un médecin généraliste.

Dans les faits, le Gouvernement indique que des procédures sont prévues, au sein des caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), pour neutraliser la majoration du ticket modérateur dans certains cas :

– départ du médecin traitant (retraite ou déménagement en dehors du département), pour une durée limitée à compter de ce départ ;

– impossibilité de trouver un médecin traitant qui s’est traduite par une saisine du médiateur de l’assurance maladie, laquelle n’a pu aboutir à la désignation d’un médecin traitant ; la Cpam neutraliserait, dans ces situations, la majoration du ticket modérateur.

Cependant, outre que ces dérogations sont mal connues des assurés, elles supposent de leur part l’accomplissement de démarches perçues comme injustes et discriminatoires, dans un contexte où ces patients s’estiment défavorisés dans leur accès aux soins.

La présente demande de rapport se présente ainsi comme un moyen d’interpeller le Gouvernement sur la nécessité de mieux protéger les droits des assurés sociaux, en facilitant la neutralisation de la majoration du ticket pour les assurés dont la situation est involontaire.

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Article 3
Renforcer les communautés professionnelles territoriales de santé

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 vise à ce que les professionnels de santé libéraux conventionnés ([18]) ou travaillant en centre de santé ([19]) soient automatiquement rattachés à la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) couvrant leur lieu d’exercice, sauf opposition de leur part. À l’heure de la généralisation des CPTS sur l’ensemble du territoire national, cette mesure doit permettre de renforcer les coopérations entre les professionnels de santé présents sur un même territoire.

I.   La situation actuelle

A.   Des professionnels de santÉ se RASSEMBLANT volontairement en communauté professionnelle de santé

● Afin d’assurer une meilleure coordination de leur action, les professionnels de santé peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ([20]).

Chaque communauté professionnelle territoriale de santé est composée :

– de professionnels de santé, regroupés sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins primaires ;

– d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours ;

– d’acteurs médico-sociaux et sociaux ;

– de services de prévention et de santé au travail.

● Les communautés professionnelles de santé concourent ainsi à la structuration des parcours de santé et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé. Ils formalisent notamment un projet de santé, qui précise le territoire d’action de la CPTS. Ce projet est ensuite transmis à l’agence régionale de santé pour validation.

Par ailleurs, l’article L. 1434-12-2 précise que la CPTS peut être appelée à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs missions de service public suivantes :

– l’amélioration de l’accès aux soins ;

– l’organisation de parcours de soins associant plusieurs professionnels de santé ;

– le développement d’actions territoriales de prévention ;

– le développement de la qualité et de la pertinence des soins ;

– l’accompagnement des professionnels de santé sur leur territoire ;

– la participation à la réponse aux crises sanitaires.

● Selon les données de la direction générale de l’offre de soins ([21]), on dénombrait en avril 2023, 428 CPTS en fonctionnement ([22]), couvrant 54 % de la population française, 186 CPTS en phase d’amorçage ([23]) ainsi que 134 CPTS au stade de projet ([24]). 74 % de la population est ainsi couverte par une CPTS disposant au moins d’un premier degré de formalisation. La dynamique de déploiement des CPTS s’est poursuivie sur tout le territoire national au cours de ces derniers mois, le Gouvernement ayant fixé comme objectif la couverture de l’intégralité du territoire national par les CPTS d’ici la fin de l’année 2023.

D’après le panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale d’une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ([25]), 20 % des médecins généralistes libéraux faisaient partie d’une CPTS en fonctionnement début 2022, contre 7 % début 2019. Ils sont également 12 % à adhérer à une CPTS en projet. Ainsi, l’exercice au sein des CPTS est en fort développement et mobilise près d’un médecin généraliste sur trois.

B.   L’ambition variable des projets portés par les CPTS selon les territoires

À travers les CPTS, les professionnels de santé sont amenés à s’investir à deux niveaux : dans la prise en charge de leur patientèle ainsi que dans une démarche plus large de service à la population composant le territoire et à ses enjeux de santé.

L’organisation de ces CPTS résulte de la volonté des professionnels de s’organiser entre eux. Par conséquent, l’émergence des CPTS, les modalités de coordination, le périmètre géographique ou encore le projet local de santé diffère selon les initiatives portées par les professionnels et selon les enjeux et les spécificités du territoire. À ce titre, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) soulignait en 2018, dans un rapport portant sur le déploiement des CPTS ([26]), que les CPTS diffèrent sensiblement selon la taille et la nature du territoire, ainsi que l’ambition des projets qu’elles portent.

C.   LE STATUT des CPTS

Une ordonnance du 12 mai 2021 a apporté des modifications au statut des CPTS. Il est désormais imposé aux CPTS de se constituer sous la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ([27]). Ce statut juridique plus souple et facile d’usage est adapté à la composition et aux besoins des CPTS. Par définition, il interdit a priori de rendre obligatoire toute adhésion.

II.   le dispositif de la proposition de loi

● Le présent article propose de rendre automatique le rattachement de tous les professionnels de santé à une CPTS (nouvel article L. 1434-12-3 du code de la santé publique). Plus précisément, il prévoit que lorsque la CPTS a conclu une convention avec l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance maladie, l’ensemble des professionnels de santé et les centres de santé en deviennent membre. Plus précisément, il s’agit des centres de santé relevant de l’accord mentionné à l’article L. 162-23-1 du code de la sécurité sociale ainsi que des professionnels de santé relevant de l’une des conventions mentionnées aux articles L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale :

– les médecins (visés à l’article L. 162-5) ;

– les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les auxiliaires médicaux (visés à l’article L. 162-9) ;

– les infirmiers (visés à l’article L. 162-12-2) ;

– les masseurs-kinésithérapeutes (visés à l’article L. 162-12-9) ;

– les directeurs de laboratoires privés d’analyses médicales (visés à l’article L. 162-14)

– les entreprises de transports sanitaires (visés à l’article L. 322-5-2).

Aussi deviendront-ils par défaut membres de la CPTS du territoire de santé auquel ils appartiennent. Cette mesure devrait permettre d’entraîner un maximum de professionnels de santé dans la dynamique en cours qui doit permettre de mieux structurer les parcours de soins des patients.

Toutefois, il leur sera toujours possible de refuser de faire partie de leur CPTS de rattachement. Ce refus pourra se matérialiser par l’envoi d’un courrier ou d’un courriel à la CPTS ou à l’ARS par exemple. Les conditions d’opposition seront définies par arrêté des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale. Cette disposition est indispensable afin de garantir la liberté des professionnels d’adhérer, ou non, à la CPTS de leur territoire.

● Cet article 3 vise ainsi renforcer les démarches de coopération et d’organisation territoriale. En effet, lorsque les CPTS mailleront l’ensemble du territoire et qu’elles incluront une grande partie des professionnels de santé, elles rendront plus efficace la coopération entre ces professionnels et la mise en œuvre des projets territoriaux de santé.

III.   leS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté un amendement rédactionnel à l’initiative du rapporteur.

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Article 3 bis (nouveau)
Intégrer les professionnels de la médecine scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé

Introduit par la commission

L’article 3 bis vise à systématiser l’intégration des professionnels de la santé scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Robin Reda et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, avec l’avis favorable du rapporteur.

Il vise à systématiser l’intégration des professionnels de la santé scolaire dans les communautés professionnelles de santé.

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Article 4
Accroître la participation des établissements de santé
à la permanence des soins

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 vise à renforcer la participation des établissements de santé et des professionnels qui y exercent à la mission de service public de permanence des soins.

I.   La situation actuelle

A.   Le dispositif de la permanence des soins

La permanence des soins constitue une mission de service public visant à répondre aux besoins de soins non programmés. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») a confié l’organisation de la permanence des soins aux agences régionales de santé (ARS). Elles définissent les modalités de mise en œuvre ainsi que les indemnités versées aux médecins qui y participent. On distingue la permanence des soins en établissement, objet du présent article 4, et la permanence des soins ambulatoires.

1.   La permanence des soins en établissements de santé (PDSES)

La permanence des soins en établissements de santé (PDSES) concerne le seul champ de la médecine, de la chirurgie et l’obstétrique (MCO) ([28]). Elle vise à garantir l’accueil et la prise en charge de nouveaux patients au sein d’une structure de soins d’un établissement de santé en aval ainsi que dans le cadre des réseaux de médecine d’urgence la nuit de 20 heures à 8 heures, le week-end à partir du samedi midi et les jours fériés.

Cette mission d’intérêt général de permanence des soins en établissement est principalement prise en charge par les établissements publics de santé. La participation des établissements de santé privés d’intérêt collectif et des cliniques privées à la PDSES demeure inférieure à leur importance dans l’offre de soins et hétérogène selon les territoires. Cet écart de mobilisation s’explique notamment par le caractère juridiquement non contraignant de la participation à la PDSES pour les établissements privés.

Selon les données recueillies par le rapporteur à partir des données du fonds d’intervention régional (FIR), on estime, en 2021, que 87 % des gardes ont été assurées par les établissements publics ou privés non lucratifs.

 

Au-delà de cet écart de participation selon le type d’établissement, la difficulté à mobiliser des ressources médicales et paramédicales constitue un obstacle majeur à l’organisation de la PDSES, qui constitue elle-même un facteur de pénibilité de plus en plus mal supporté les praticiens hospitaliers qui ont l’obligation d’y participer. Cette permanence est aussi rendue possible par la continuité de service assurée par les autres professionnels de santé, non médicaux, qui travaillent le soir, les week-ends et les jours fériés. En 2022, la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) recensait ainsi 6 775 professionnels de santé ayant participé à la PDSES.

2.   La permanence des soins ambulatoires (PDSA)

La permanence des soins ambulatoires (PDSA) est un dispositif consistant à prendre en charge les demandes de soins non programmées, aux horaires durant lesquels les cabinets libéraux, centres et maisons de santé sont habituellement fermés, c’est-à-dire toutes les nuits de 20 heures à 8 heures, ainsi que les dimanches et les jours fériés. Le territoire est divisé en secteurs de permanence de soins, dans lesquels les ARS sont chargées d’organiser la PDSA en collaboration avec les conseils départementaux de l’ordre des médecins. Ce dispositif repose sur la participation volontaire des médecins.

Toutefois, l’une des difficultés majeures rencontrées par les ARS réside dans le nombre insuffisant de médecins généralistes volontaires pour participer à la permanence des soins ambulatoires. Selon les données du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) ([29]), en 2021, sur 63 231 médecins susceptibles de participer ([30]) à la permanence des soins, seulement 24 472 médecins se sont portés volontaires ([31]). Le taux de volontariat au niveau national s’élevait ainsi à 38,5 %. La CNOM souligne par ailleurs une importante hétérogénéité du taux de participation des médecins généralistes à la PDSA selon les territoires. Il s’élève à 6 % pour Paris contre 82 % pour les Vosges. Il convient de souligner que ce taux constitue un indicateur important, mais s’interprète avec précaution puisqu’il ne renseigne pas sur la qualité du fonctionnement et de l’organisation de la PDSA. À cet égard, en 2021, la part de territoires couverts par une prise en charge ambulatoire s’élevait à 96 % les week-ends et les jours fériés, à 95 % les soirées en semaine, et seulement à 23 % en nuits profondes ([32]).

B.   Une Évolution rÉcente du cadre juridique relatif À la permanence des soins

1.   La responsabilité collective des professionnels de santé à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville

La loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé a introduit le principe de responsabilité collective des professionnels de santé à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville. L’article 7 de cette loi prévoit une extension de la permanence de soins aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers diplômés d’État, qui en sont responsables collectivement ([33]).

Ce principe de « responsabilité collective » vise à garantir l’accès aux soins non programmés à toute la population, grâce à la répartition de l’effort entre toutes les structures de soins ainsi que tous les médecins d’un territoire. Cela permettra de répondre à des demandes régulées par les services d’aide médicale urgente (SAMU) et les services d’accès aux soins (SAS) qui n’ont pas vocation à être prises en charge par un médecin. Toutefois, il ne permet pas de contraindre juridiquement les établissements de santé, notamment les établissements privés et leur personnel, à participer à la permanence des soins en établissements.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

Afin de renforcer la continuité des soins sur l’ensemble du territoire et d’organiser une réparation plus solidaire entre les professionnels, le présent article vise à renforcer la participation des établissements de santé, publics et privés, à la permanence des soins. Il modifie l’écriture de l’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique afin de permettre au directeur général de l’ARS d’appeler les établissements de santé à assurer ou à contribuer à la permanence des soins, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Cette disposition pourra permettre de rééquilibrer la PDSES entre le secteur public et le secteur privé et ainsi sécuriser son fonctionnement en réduisant la pression sur l’hôpital.

III.   LeS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à préciser qu’outre les établissements de santé et autres titulaires d’une autorisation sanitaire, comme les cabinets d’imagerie, les professionnels qui y exercent peuvent être appelés à assurer ou contribuer à la permanence des soins au sein des établissements de santé et autres structures disposant d’une autorisation sanitaire.

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Article 5
Extension du contrat d’engagement de service public

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 ouvre le CESP à l’ensemble des étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie, dès la fin de la deuxième année du premier cycle des études de santé, et rénove les modalités de gestion de ce dispositif.

Face à l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et afin de garantir à la population un meilleur accès aux soins, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ([34]), dite « loi HPST », a instauré un contrat d’engagement de service public (CESP) pour les étudiants et internes de médecine.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

A.   Depuis sa création en 2009, le contrat d’engagEment de service public a été progressivement étendu

● Le CESP est un dispositif législatif incitatif prévu à l’article L. 632‑6 du code de l’éducation qui vise, d’une part, à répondre au constat d’inégalité territoriale d’accès aux soins en encourageant les jeunes médecins à s’installer dans les zones concernées par le manque d’offre médicale et, d’autre part, à démocratiser l’accès aux études de santé en rendant possible leur financement pour les étudiants les moins favorisés.

Le contrat ouvre droit, pour l’étudiant, au versement d’une allocation mensuelle de 1 200 euros bruts ([35]) et à un accompagnement individualisé durant toute la formation et à un soutien au moment de l’installation ou de la prise de fonctions.

Le versement de l’allocation est assuré par le Centre national de gestion (CNG) pendant toute la durée des études et cesse à la date à laquelle le signataire obtient son diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine, son diplôme d’État de docteur en chirurgie-dentaire ou à la date à laquelle s’achève le parcours de consolidation des compétences pour les praticiens à diplômes étrangers hors Union européenne (Padhue).

Le suivi du projet professionnel de l’allocataire est assuré par les agences régionales de santé (ARS) selon des modalités propres à chaque région.

En contrepartie, le bénéficiaire s’engage à poursuivre sa formation et, à compter de la fin de sa formation, à exercer ses fonctions dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, identifiée par l’ARS, pour une durée égale à celle pendant laquelle l’allocation leur a été versée et ne pouvant être inférieure à deux ans.

Chaque année, un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale détermine le nombre de contrats offerts, préfigurant une sélection opérée au niveau académique (pour les étudiants) et par l’ARS (pour les Padhue).

● Alors que le CESP ne concernait initialement que les étudiants admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année du premier cycle ou ultérieurement, les modalités et le champ de celui-ci ont, depuis sa création, été révisés à plusieurs reprises.

Le champ des étudiants éligibles au CESP a été étendu en 2012 aux étudiants en odontologie, avant d’être étendu aux Padhue par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé ([36]), dite « loi OTSS ». Ce faisant, le législateur a procédé à une coordination des dispositions encadrant le CESP avec les réformes des études médicales et la nouvelle organisation des premier et deuxième cycles de celles-ci, axée sur la filiarisation progressive. Alors que la durée de perception de l’allocation, qui lie la durée de l’engagement du futur médecin à son obligation d’exercice, avait été jugée comme un frein à la signature d’un CESP par les étudiants de premier cycle, l’éligibilité au dispositif a, dans le même temps, été circonscrite aux étudiants de deuxième et troisième cycles.

La loi OTSS, complétée par le décret n° 2020-268 du 17 mars 2020 ([37]), a par ailleurs rénové le CESP en :

– sécurisant le projet professionnel de l’étudiant en cas de changement du zonage au cours de leur cursus ;

– rassemblant dans un même article du code les dispositions lui étant relatives et en déclassant les dispositions législatives relatives à l’indemnité et la pénalité en cas de rupture du contrat ;

– renforçant le suivi et le contrôle des engagements des signataires d’un CESP une fois leur cursus terminé par une ARS et CNG.

● En conséquence, le CESP peut désormais être conclu par :

– les étudiants en médecine et d’odontologie, dès le début du deuxième cycle des études médicales jusqu’à l’obtention du diplôme d’État de docteur en médecine, c’est-à-dire au total six ans d’études minimum pour un médecin généraliste ;

– les étudiants de troisième cycle des études de médecine et odontologie, à tous les stades de leur troisième cycle et jusqu’à l’obtention du diplôme d’État de docteur en médecine et du DES ;

– les Padhue autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie.

● Le CESP s’articule avec d’autres dispositifs poursuivant les mêmes objectifs. Les analyses montrent ainsi que les contrats d’aide à l’installation, signés avec l’État ou avec l’assurance maladie, prennent souvent le relai du CESP lors de l’installation du jeune professionnel. Dans le même esprit, le contrat de début d’exercice, offert jusque-là aux remplaçants et aux jeunes médecins qui s’installent, permet de bénéficier d’un service d’accompagnement et de formation à la gestion d’entreprise.

B.   MAlgré une montée en charge encourageante, ce dispositif demeure perfectible

● Le CESP connaît, depuis sa création, une montée en charge encourageante. Depuis la mise en place du dispositif en 2010 jusqu’en 2021, 4 122 contrats ont été signés dont 3 307 par des étudiants de médecine et 815 par des étudiants d’odontologie. En 2021, 646 médecins ayant souscrit un CESP s’étaient installés conformément à leur engagement dans une zone sous‑dotée.

Évolution cumulée du nombre de CESP signés depuis 2011

https://sante.gouv.fr/IMG/png/cesp_graphique_2022.png

Source : ministère de la santé et de la prévention, chiffres CNG.

Les chiffres fournis au rapporteur par la direction générale de l’offre de soins, transmis par le CNG, font état de plus de 5 432 CESP offerts en médecine entre les campagnes 2010-2011 et 2021-2022, et de 941 CESP offerts en odontologie entre les campagnes 2013-2014 et 2021-2022.

Au 31 décembre 2021, toutes disciplines et statuts confondus, les étudiants de deuxième et troisième cycles percevaient une allocation depuis quatre ans en moyenne.

Durée moyenne de versement du CESP par filière et par cycle

(en années)

 

Deuxième cycle

Troisième cycle

Moyenne cumulée

CESP médecine

2,6

4,4

4,1

CESP odontologie

2,4

3,9

3,6

Source : ministère de la santé et de la prévention.

● Le nombre de contrats signés chaque année apparaît toutefois nettement moindre que le nombre de contrats offerts. En effet si, au cours des six dernières campagnes, le nombre de CESP offerts au niveau national a connu une forte progression – 648 en 2017-2018 et 1 004 contre 2023-2024, soit une augmentation de 55 % – le nombre de contrats signés a, quant à lui, fortement chuté, passant de 550 à 332, soit une diminution de 39,6 %, entre 2017 et 2021.

Une forte diminution de la part des contrats signés sur le nombre de CESP offerts en médecine et en odontologie a été observée en 2021. Cette part s’élevait alors à 42,6 % pour les étudiants de deuxième et troisième cycles de médecine et à 37,5 % en odontologie, contre 51,1 % pour les premiers et 43,2 % pour les seconds en 2019-2020. La proportion de contrats signés par rapport aux candidats sélectionnés pour les CESP était toutefois en légère augmentation la même année, s’élevant à 88,0 % pour les CESP en médecine, contre 84,6 % en 2019-2020, et à 84,5 % pour les étudiants en odontologie contre 85,3 % en 2019-2020.

● Plusieurs freins peuvent être relevés dans le fonctionnement et les modalités de gestion actuelles du dispositif, la pluralité d’acteurs institutionnels intervenant dans la procédure ayant par ailleurs pour conséquence de le complexifier et de créer de la confusion auprès des publics visés. Le rapporteur relève, parmi ces freins :

– les difficiles remontées d’informations partagées entre les unités de formation et de recherche (UFR) et les ARS ;

– la communication des postes offerts via une interface informatique non exhaustive qui complexifie davantage la gestion ;

– l’hétérogénéité de l’outillage de suivi et de contrôle des CESP par les ARS, notamment pour l’accompagnement et le suivi de l’installation des signataires ;

– une communication entre les acteurs locaux insuffisante et hétérogène suscitant les critiques des syndicats étudiants qui souhaiteraient un « guichet unique » ;

– le recouvrement chronophage et complexe, notamment s’agissant du recueil des informations émanant principalement des UFR et des intéressés. Les sommes à recouvrer, présentant plusieurs années de versement d’allocation, peuvent être conséquentes et faire l’objet d’un abandon de créances selon la solvabilité de l’étudiant et les difficultés qui l’ont amené à rompre l’engagement ;

– la gestion des demandes d’information des allocataires entraînant la sur‑sollicitation des lignes téléphoniques et des boîtes électroniques en l’absence d’espace dédié.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La montée en charge encourageante que connaît le CESP, autant que les difficultés qu’il rencontre, invitent, dans un contexte de difficultés persistantes dans l’accès aux soins, à envisager une évolution du dispositif afin de répondre aux objectifs initialement fixés par loi « HPST » de 2009.

Dans cette perspective, l’article 5 de la présente proposition de loi modifie le CESP pour renforcer son attractivité, son efficacité et son efficience pour l’ensemble des acteurs et des étudiants.

 Il modifie le premier alinéa de l’article L. 632‑6 du code de l’éducation, ouvrant l’accès au CESP à d’autres professionnels et de façon plus précoce pendant les études. Il permet, d’une part, aux étudiants non seulement en médecine et odontologie, mais aussi aux étudiants en maïeutique et pharmacie, de bénéficier du CESP. Il dispose, d’autre part, que ces étudiants auront désormais la possibilité de candidater au CESP à l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé, et non plus à partir du deuxième cycle.

Cette modification va permettre d’augmenter sensiblement le nombre d’étudiants éligibles au CESP tout en réduisant l’écart entre le nombre de contrats offerts et le nombre de contrat signés, étant donné que les objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels de santé à former en pharmacie et en maïeutique pour la période 2021-2025 sont respectivement définis à 17 065 et 5 585 ([38]).

● L’article 5 procède par ailleurs à une rénovation des modalités de gestion du CESP. Il modifie, à cette fin, les premier, troisième, cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L. 632‑6 du code de l’éducation, pour substituer à la mention du « Centre national de gestion » celle « d’autorité administrative désignée », permettant un changement d’opérateur en charge de la gestion administrative et financière du CESP.

III.   LeS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

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Article 5 bis (nouveau)
Renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé

Introduit par la commission

L’article 5 bis renforce le critère relatif aux besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis en deuxième et troisième années de premier cycle de formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.

Cet article résulte de l’adoption de six amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Jérôme Nury et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, Mme Danielle Brulebois (groupe Renaissance), M. Guillaume Garot (Socialistes et apparentés) et M. Nicolas Forissier (Les Républicains) et plusieurs de leurs collègues ainsi que M. Benoît Mournet et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur.

L’article modifie le I de l’article L. 631‑1 du code de l’éducation, relatif au numerus apertus qui s’applique aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique. Il dispose que les objectifs pluriannuels, que chaque université prend en compte pour déterminer les capacités d’accueil en deuxième et troisième années de premier cycle de ces formations, tiennent compte des besoins de santé du territoire, puis des capacités de formation. Ce faisant, il établit une hiérarchie entre ces deux critères afin de donner la priorité critère relatif aux besoins de santé du territoire.

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Article 6
Diverses mesures portant sur la gouvernance et l’organisation territoriale de l’hôpital public

Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 vise, d’une part, à ouvrir la possibilité aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) ayant atteint une maturité suffisante d’obtenir la personnalité morale, dans le but de simplifier le portage de projets à l’échelle du GHT. Il propose par ailleurs d’étendre les compétences et l’information du conseil de surveillance dans le but de réinvestir cette instance et d’en faire un véritable lieu de débat sur la gestion et l’offre de soins de l’hôpital, en lien avec le territoire.

La commission a adopté cet article avec des modifications visant à étendre les compétences du conseil de surveillance, en cohérence avec le rôle stratégique qui lui est dévolu.

I.   La situation actuelle

A.   Le groupement hospitalier de territoire, une dénomination unique pour des réalités hétérogènes

1.   Les groupements hospitaliers de territoire maillent l’ensemble du territoire français

Promulguée le 26 janvier 2016, la loi relative à la modernisation de notre système de santé ([39]) a donné naissance, via son article 107, à des groupements
hospitaliers de territoire (GHT) ayant vocation à structurer l’offre de soins publique sur le territoire français. L’ensemble des hôpitaux publics sont tenus d’adhérer à un GHT, dont la mission, telle qu’énoncée par la loi, est double :

– rationaliser les modes de gestion en mutualisant certaines fonctions ;

– et organiser une gradation des soins entre les différents établissements du GHT, dans le but d’améliorer l’accès de tous à des soins de qualité.

Un calendrier ambitieux est défini pour la structuration de ces GHT : la liste des GHT doit être arrêtée dès 2016 ; les projets médicaux partagés devant constituer la dimension médicale du GHT doivent être rédigés en 2017 ; la mutualisation des achats doit être organisée la même année, tandis que la convergence informatique des établissements doit être acquise à l’horizon 2021.

Dans les faits, cette structuration a été plus laborieuse. Le caractère rapide et inédit de cette projection territoriale demandée aux établissements fait que la structuration en GHT a plutôt résulté, en premier lieu, du volontarisme des directions d’établissement et des agences régionales de santé, que d’une véritable dynamique portée par les acteurs médicaux et soignants. De ce fait, les premières années des GHT ont souvent été consacrées à la mise en place d’une gouvernance spécifique et complexe ([40]), ainsi qu’à un effort considérable de mutualisation des fonctions support.

Néanmoins, l’intégralité des plus de 800 établissements publics qui maillent le paysage sanitaire sont actuellement intégrés à l’un des 135 GHT, à l’exception de 18 établissements – souvent psychiatriques – pour lesquels une dérogation a été maintenue.

2.   Une grande hétérogénéité des périmètres et des niveaux d’intégration

Derrière l’appellation commune de GHT, se trouve en réalité une très grande diversité de situations. En raison des périmètres arrêtés pour ces GHT, des caractéristiques propres à chaque territoire, de la présence ou non d’un centre hospitalier universitaire à l’intérieur du GHT ou encore de l’entente plus ou moins bonne entre les acteurs des différents établissements, tous les GHT sont loin de se ressembler et ne peuvent pas prétendre au même niveau de réalisations, en particulier sur leur objet central que constitue l’amélioration de l’accès à des soins de qualité.

a.   Des périmètres disparates, plus ou moins pertinents

Un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) ([41]) avait établi, en 2021, un panorama des différents GHT. Elle avait fait le constat du caractère généralement peu adapté des périmètres des GHT se situant aux deux extrêmes : les GHT trop petits ou trop grands – cette définition du « trop » pouvant évidemment varier d’un territoire à l’autre.

Dans une communication à la commission des affaires sociales du Sénat ([42]) datée d’octobre 2020, la Cour des comptes relevait qu’un quart des GHT comptaient au plus deux centres hospitaliers et que quinze d’entre eux ne comptaient qu’un seul établissement avec une activité médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). La Cour notait que, dans cette situation, une gradation des soins entre établissements était difficilement concevable.

À l’autre extrême, il existe des GHT manifestement trop grands, à la fois pour avoir une cohérence territoriale sur le plan des filières de soins, et pour pleinement tirer parti d’une organisation intégrée qui aurait pour effet d’éloigner déraisonnablement les décisions et les choix du terrain.

De nombreux GHT ont adopté un périmètre départemental, qui présente des avantages pour faciliter le dialogue avec le champ médico-social piloté par le conseil départemental, mais aussi avec les préfectures, les délégations territoriales des ARS, ou encore les Samu centres 15, les zones de défense, les services départementaux d’incendie et de secours et les ordres professionnels. Cependant les départements sont très divers, et ce choix n’est pas toujours adapté. Ainsi, le GHT des Bouches-du-Rhône couvre une population de plus de 2 millions d’habitants. La gouvernance d’un GHT de cette taille s’avère particulièrement complexe, avec des instances nombreuses et pléthoriques et un processus de prise de décision extrêmement long.

La problématique du périmètre des GHT se trouve compliquée par la question des CHU, qui peuvent se trouver pris dans un « conflit de loyauté » entre leur GHT et les autres établissements de leur subdivision universitaire ou de leur aire de rayonnement.

Cette situation implique en réalité de maintenir plusieurs échelles de coopération selon la taille du GHT et selon les sujets abordés. Vouloir tout faire à l’échelle du GHT n’est souvent pas possible, ou aboutit à une situation sous‑optimale.

La carte et le graphique ci-après illustrent l’hétérogénéité des périmètres géographiques retenus et du nombre d’établissement impliqués dans chaque GHT. La situation n’a que marginalement évolué depuis 2017.

Distribution des effectifs de GHT en fonction du nombre de centres hospitaliers membres du ght

 

 

 

Carte des groupements hospitaliers de territoire

b.   Une intégration très inégalement avancée

Le rapport précité de la Cour des comptes soulignait qu’alors que l’outil GHT a été conçu dans une logique fédérative, il est majoritairement mis en œuvre à ce jour selon une logique de coopération, qui n’aboutit que rarement à une véritable restructuration de l’offre de soins publique sur le territoire.

Certains GHT ont cependant atteint un niveau d’intégration très poussé qui s’est traduite par une fusion des établissements du groupement ; six GHT sont concernés, dont, par exemple, le groupement hospitalo-universitaire Paris psychiatrie et neurosciences. En outre, trente‑deux GHT ont une direction commune pour l’ensemble des leurs établissements MCO, ce qui constitue généralement un facteur facilitant pour l’intégration des activités des établissements.

Le nombre et la portée des projets médicaux conduits à l’échelle des GHT sont extrêmement variables d’un GHT à l’autre. Certains GHT avec un faible portage par les communautés médicales et soignantes et – souvent – une pénurie de moyens, notamment médicaux, ont eu tendance à se concentrer entièrement sur la mise en place des structures et n’ont pratiquement pas porté de projets médicaux. Là où une meilleure dynamique existe, avec la possibilité de projeter des moyens d’un établissement à un autre, des projets ont pu prospérer : mise en place de consultations avancées dans des établissements isolés, de filières gériatriques avec des équipes mobiles, de filières pharmaceutiques, gestion centralisée des lits, etc.

La crise sanitaire a plutôt constitué un accélérateur des mutualisations logistiques et de l’intégration médicale pour les GHT. L’établissement support a été conduit à jouer un rôle important, notamment dans le dialogue avec les ARS. Des coopérations médicales se sont nouées pour répondre à l’urgence, les acteurs ont été incités à se projeter en dehors des murs de leur établissement. Cependant, les coopérations se sont nouées en fonction de l’offre du territoire, au-delà des frontières de l’hôpital public, à une échelle qui n’est pas toujours celle du GHT.

3.   L’absence de personnalité morale, un obstacle à terme

La loi de 2016 n’a pas conféré de personnalité morale aux GHT. Pour contourner cette difficulté, a été conçu le système d’un établissement support agissant pour le compte des autres établissements du GHT. Cependant, cette formule a le défaut d’instaurer une sorte de hiérarchie entre établissements et de ne pas répondre à tous les besoins. Ainsi, le portage de projets à l’échelle du GHT s’avère complexe sur les plans juridique et budgétaire, par exemple pour l’octroi des autorisations d’activités et d’équipements lourds. Cette difficulté conduit certains établissements de GHT à se constituer en groupements de coopération sanitaire (GCS), pour bénéficier d’autorisations multi-sites.

Cette situation paraît clairement sous-optimale et tend à freiner les dynamiques territoriales lorsqu’elles existent. Cela avait conduit nos collègues Marc Delatte et Pierre Dharréville, dans le rapport de la Mecss précité, à préconiser que soit étudié l’octroi d’une personnalité juridique souple aux GHT qui en feraient la demande, laquelle ne se substituerait pas aux personnalités morales des établissements (ce qui s’apparenterait à une fusion).

B.   le conseil de surveillance, un organe en retrait dans la gouvernance hospitalière

1.   Du conseil d’administration au conseil de surveillance

La loi dite « HPST » (hôpital, patients, santé et territoires) du 21 juillet 2009 ([43]) a réformé en profondeur la gouvernance hospitalière, en déplaçant le centre de gravité de l’ancien conseil d’administration vers le directeur, président du directoire.

Cette refonte de la gouvernance hospitalière visait à sortir d’une logique d’administration pour aller vers une logique managériale, assise sur un duo exécutif constitué par le directeur et le président de la commission médicale d’établissement (CME). Simultanément, de nombreuses prérogatives du conseil d’administration ont été transférées au directeur, et ce conseil s’est mué en un conseil de surveillance aux missions recentrées sur le contrôle de la gestion de l’établissement.

Le tableau ci-après recense les principales évolutions induites par le passage au conseil de surveillance, par rapport au conseil d’administration. Si la composition de cette instance a conservé les mêmes équilibres, son pouvoir décisionnel a été substantiellement réduit.

Conseil d’administration (avant 2009)

Conseil de surveillance (après 2009)

Composition :

Trois collèges :

 

1° Des représentants des collectivités territoriales ;

 

2° Des représentants du personnel médical, odontologique et pharmaceutique, de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et des représentants du personnel ;

 

3° Des personnalités qualifiées et des représentants des usagers.

 

Trois collèges :

 

1° Au plus cinq représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de la métropole ;

 

2° Au plus cinq représentants du personnel médical et non médical de l’établissement public, dont un représentant élu parmi les membres de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, les autres membres étant désignés à parité respectivement par la commission médicale d’établissement et par les organisations syndicales les plus représentatives ;

 

3° Au plus cinq personnalités qualifiées, parmi lesquelles deux désignées par le directeur général de l’agence régionale de santé et trois, dont deux représentants des usagers désignés par le représentant de l’État dans le département.

 

Pouvoir de délibération :

– Le projet d’établissement et le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ;

– La politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, notamment pour les urgences ;

– L’état des prévisions de recettes et de dépenses ;

– Le plan de redressement ;

– Les comptes et l’affectation des résultats d’exploitation ;

L’organisation interne de l’établissement ;

La politique sociale et les modalités d’une politique d’intéressement ainsi que le bilan social ;

– La mise en œuvre annuelle de la politique de l’établissement en matière de participation aux réseaux de santé et actions de coopération ;

Les questions patrimoniales ;

– La convention constitutive des centres hospitaliers et universitaires et les conventions en matière d’enseignement et de recherche ;

Le règlement intérieur.

– Le projet d’établissement ;

– La convention constitutive des centres hospitaliers universitaires et les conventions en matière d’enseignement et de recherche ;

– Le compte financier et l’affectation des résultats ;

– Tout projet tendant à la fusion avec un ou plusieurs établissements publics de santé ;

– Le rapport annuel sur l’activité de l’établissement présenté par le directeur ;

– Toute convention intervenant entre l’établissement public de santé et l’un des membres de son directoire ou de son conseil de surveillance ;

– Les statuts des fondations hospitalières créées par l’établissement ;

– Les prises de participation et les créations de filiales.

Consultation pour avis :

- La politique d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers ;

- Les questions patrimoniales ;

- La participation de l’établissement à un groupement hospitalier de territoire ;

- Le règlement intérieur de l’établissement.

Dans l’architecture actuelle de la gouvernance hospitalière, le pouvoir décisionnel se trouve ainsi partagé entre trois acteurs principaux :

● Le directeur est un personnage clé dans la gestion d’un établissement. Il en est le représentant légal et en assure la gestion et la conduite générale. Il a autorité sur l’ensemble du personnel, ordonne les dépenses et les recettes et est responsable du bon fonctionnement de tous les services, hormis les compétences relevant de la responsabilité du conseil de surveillance, du directoire ou de la commission médicale d’établissement (CME).

● Le directoire, présidé par le directeur, a pour vice-président le président de la CME. Cet organe collégial est majoritairement composé des personnels de l’établissement exerçant des professions médicales, pharmaceutiques, maïeutiques (sages-femmes) et odontologiques. Il approuve le projet médical, prépare le projet d’établissement et conseille le directeur dans la gestion et la conduite de l’établissement. Ces attributions sont plus réduites que celles du conseil exécutif, qu’il remplace depuis la loi HPST.

● Enfin, le conseil de surveillance se prononce sur les orientations stratégiques de l’établissement et exerce un contrôle permanent sur sa gestion et sa santé financière. Il a compétence, à titre essentiel, pour délibérer sur le projet d’établissement et sur le compte financier et l’affectation des résultats, ainsi que sur l’organisation des pôles d’activité et des structures internes. Il dispose de compétences élargies en matière de coopération entre établissements, et donne son avis sur la politique d’amélioration de la qualité, de la gestion des risques et de la sécurité des soins.

● Par ailleurs, les établissements disposent également d’instances consultatives :

– la commission médicale d’établissement (CME) ;

– la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) ;

– le comité social et économique (CSE), qui s’est substitué le 1er janvier 2020 au comité technique d’établissement (CTE) et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

– le comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin).

2.   Un organe souvent peu investi par les élus

Le conseil de surveillance a vocation à être un lieu de débat interne à l’hôpital entre les acteurs hospitaliers et ceux du territoire dans lequel s’inscrit cet établissement (élus locaux, usagers), pour déterminer les orientations stratégiques devant guider la gestion de l’établissement.

Cependant, l’amenuisement des compétences de délibération de ce conseil, en particulier sur des questions qui sont au cœur de la vie de l’établissement (budget, investissements, accès aux soins, qualité et sécurité des soins, etc.) a induit un désintérêt croissant de la part des élus pour cette instance où, de l’avis de certains, il ne se décide plus grand-chose. Ce constat doit être nuancé selon les territoires et établissements. Si certains conseils de surveillance demeurent le lieu d’échanges structurants pour l’hôpital, il est fréquent que ce ne soit pas le cas.

Ainsi, l’affaiblissement excessif du conseil de surveillance représente aujourd’hui une carence importante en termes de démocratie sanitaire, à l’heure où les acteurs du territoire doivent parvenir à travailler tous ensemble sur des solutions pour permettre l’accès de tous à des soins de qualité.

II.   le dispositif de la proposition de loi

A.   un droit d’option pour l’octroi d’une personnalité morale au groupement hospitalier de territoire

Le de l’article 6 modifie l’article L. 6132-1 du code de la santé publique relatif aux groupements hospitaliers de territoire pour prévoir que ceux-ci, qui n’étaient jusqu’alors pas dotés de la personnalité morale, pourront l’être « dans des conditions définies par décret ».

Cette disposition appelle plusieurs précisions.

1.   La personnalité morale des GHT ne se substituera pas à celle des établissements

En effet, une telle substitution s’apparenterait à une fusion des établissements, comme cela a été le cas pour certains GHT. Cette situation n’a pas vocation à devenir le cas général. La personnalité morale sera donc octroyée au GHT par sédimentation, et s’additionnera à la personnalité morale des établissements membres. Cela impliquera que soit définie une répartition des compétences entre le GHT et les établissements membres, laquelle ne sera pas nécessairement la même pour l’ensemble des GHT.

2.   Une option et pas une obligation

Cette personnalité morale est conçue comme un droit d’option pour les GHT qui ont atteint une maturité suffisante dans leurs coopérations. Les acteurs de ces GHT éprouvent spontanément la nécessité d’une personnalité morale qui faciliterait la mise en œuvre de leurs projets. La personnalité morale implique en effet l’autonomie de gestion avec un budget propre, des achats en qualité de pouvoir adjudicateur, des personnels en propre, un patrimoine, la capacité de contracter et d’ester en justice, mais aussi de détenir des autorisations d’activités et d’équipements lourds d’imagerie médicale.

L’obtention de la personnalité n’a nullement vocation à se muer en obligation pour l’ensemble des GHT. En effet, en l’absence de dynamique de projet sous-jacente, cette évolution ne présente pas d’intérêt. Les années récentes ont montré que seules les coopérations volontaires, portées par les acteurs de terrain, étaient susceptibles de véritablement faire progresser l’intégration du GHT. Il convient de préserver cette logique en faisant de la personnalité morale un outil à la disposition des acteurs, au service de projets médicaux, et non une coquille vide.

La direction générale de l’offre de soins (DGOS) estime que le nombre des GHT qui demandera à bénéficier de cette personnalité morale sera limité à court terme, dans la mesure où cela suppose une unité managériale qui est encore loin d’être le cas général.

B.   élargissement des pouvoirs et amélioration de l’information du conseil de surveillance

Le de l’article 6 modifie l’article L. 6132-1 du code de la santé publique relatif aux prérogatives et missions du conseil de surveillance.

1.   Donner au conseil de surveillance un droit de regard sur le budget de l’hôpital

Le a du 2° ajoute une rubrique aux matières sur lesquelles le conseil de surveillance est habilité à délibérer, pour prévoir que cette instance votera désormais sur l’état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD) et sur le programme d’investissement de l’hôpital. Par voie de conséquence, le c supprime la phrase qui prévoyait une simple information du conseil de surveillance sur ces points.

En d’autres termes, le conseil de surveillance sera appelé à se prononcer par un vote sur le budget de l’hôpital, tel que présenté par le directeur de l’établissement – actuellement seul compétent pour fixer ce budget, en vertu de l’article L. 6132-7.

Cette disposition vise à faire en sorte que le budget des établissements publics fasse l’objet d’un débat au sein du conseil de surveillance. En effet, ce budget, son évolution et la manière dont il est construit sont des données importantes pour le territoire dans lequel il s’insère ; il semble légitime et souhaitable qu’élus et usagers puissent en connaître et s’exprimer à ce sujet.

2.   Faire du conseil de surveillance un lieu de débat sur l’accès au soin dans le territoire

Le conseil de surveillance pourrait également être réinvesti sur la problématique des besoins de santé du territoire dans lequel s’insère l’établissement et de l’organisation territoriale nécessaire pour y répondre. C’est l’objet du b du 2°, qui prévoit que le directeur général de l’ARS présentera une fois par an ses observations au conseil de surveillance « sur l’état de santé de la population et de l’offre de soins » du territoire.

III.   leS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre plusieurs amendements rédactionnels présentés par le rapporteur, la commission a adopté, également à l’initiative du rapporteur, un amendement qui élargit les missions du conseil de surveillance tout en revenant sur l’idée initiale portée par l’article 6 d’un droit de vote sur le budget.

● En effet, à l’appel du rapporteur, la commission a considéré que le pouvoir de délibération conféré au conseil de surveillance sur l’état des prévisions des recettes et des dépenses de l’hôpital était de nature à engendrer des situations de blocages dans les hôpitaux.

Les élus pourraient, en raison de leur positionnement politique, se sentir contraints de rejeter le budget, désavouant ainsi la gestion du directeur sans pour autant ouvrir la voie à un projet de budget modifié susceptible d’obtenir leur assentiment. Dans ces conditions, faute de budget arrêté en temps voulu, il reviendrait au directeur général de l’ARS, en vertu de l’article L. 6145-2 du code de la santé publique, d’arrêter ce budget, plaçant ainsi, de facto, l’établissement sous une forme de tutelle.

Cette perspective ne correspond nullement à l’intention initiale de l’article 6, qui était de faire du conseil de surveillance un lieu de débat sur les enjeux stratégiques pour l’hôpital et le territoire. Elle aboutirait à éloigner les décisions du terrain, là où l’on cherche au contraire à donner plus de marges de manœuvre aux acteurs locaux.

Prenant acte ces considérations, l’amendement adopté par la commission transforme en avis simple le pouvoir de délibération prévu par l’article 6 sur le budget. Cet avis sera de nature à revaloriser le débat sur les enjeux budgétaires, sans induire de blocage préjudiciable à l’établissement.

● Par ailleurs, l’amendement adopté étend les pouvoirs de délibération du conseil de surveillance dans d’autres domaines où les décisions prises revêtent une dimension structurante pour l’établissement, afin de repositionner cet organe sur le rôle stratégique qui lui avait été dévolu dans le cadre de la loi HPST de 2009. Ainsi le conseil de surveillance sera appelé à se prononcer par un vote sur :

– le bilan des actions mises en œuvre par l’établissement pour améliorer l’accès aux soins et la gradation des soins, en lien avec la politique du groupement hospitalier de territoire ;

– le plan pluriannuel d’investissement.

● Enfin, l’amendement prévoit une information annuelle du conseil de surveillance sur les actions universitaires, d’enseignement et de recherche menées par le centre hospitalier universitaire de la subdivision concernée.

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Article 6 bis (nouveau)
Systématiser les directions communes en cas de vacance de poste dans un établissement membre d’un groupement hospitalier de territoire

Introduit par la commission

Cet article vise à accélérer le déploiement de directions communes au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT), l’unité managériale étant perçue comme un facteur du succès de ces GHT. À cette fin, il est prévu qu’en cas de vacance de poste de directeur au sein d’un établissement partie au GHT, celui-ci sera placé en situation de direction commune avec l’établissement support. Le directeur général de l’ARS conservera la faculté de s’opposer à cette direction commune dans des conditions précitées par décret.

I.   la situation actuelle

Créés par la loi de modernisation du système de santé de 2016 (cf. supra commentaire de l’article 6), 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT) structurent le paysage de l’hospitalisation publique. Ils rassemblent la quasi-totalité des établissements publics de santé (soit 891 hôpitaux), à raison de 2 à 20 établissements par GHT. La grande hétérogénéité de ces GHT, s’agissant à la fois de la zone géographique et du bassin de population couverts, du nombre et de la taille des établissements, de la présence ou non d’un centre hospitalier universitaire en leur sein ou encore des niveaux d’activité enregistrés, fait que ces GHT ne sont pas tous parvenus au même niveau d’intégration.

À l’heure actuelle :

– 6 GHT sont allés jusqu’à la fusion, devenant de ce fait un nouvel établissement de santé ;

– 32 GHT sont en direction commune pour l’ensemble de leurs établissements ayant une activité de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). Cela signifie concrètement qu’une équipe de direction unifiée assure la gestion conjointe de l’ensemble de ces établissements, qui conservent néanmoins leur autonomie juridique et leurs instances propres.

– de nombreux GHT ont, dans leur sein, un ou plusieurs établissements qui sont en direction commune, sans que cette direction ne recouvre l’ensemble du périmètre du GHT.

La direction commune relève de l’initiative de l’agence régionale de santé (ARS), en lien avec les directions d’établissements et la communauté médicale. Elle repose, en vertu d’un décret du 2 août 2005 ([44]), sur une convention votée par les conseils de surveillance des établissements concernés, et qui peut être dénoncée dans les mêmes conditions.

Dans son rapport sur les GHT paru en octobre 2020 ([45]), la Cour des comptes appelait à favoriser la mise en place de directions communes renforcées, estimant que ces directions communes, « source d’efficience dans la gestion administrative, permettent en effet de mieux valoriser le rôle du GHT auprès des élus et de favoriser la prise de décisions intégratives et compatibles avec les objectifs des GHT ».

II.   le droit proposé

L’article 6 bis est issu d’un amendement de la rapporteure générale, adopté avec l’avis favorable du rapporteur.

● Il complète l’article L. 6132-3 du code de la santé publique, relatif aux établissements supports des GHT, pour prévoir qu’en cas de vacance de poste de directeur dans un établissement partie au GHT, ce dernier sera placé en direction commune avec l’établissement support.

L’intention sous-jacente est d’accélérer le déploiement des directions communes dans les GHT, dans un contexte où celles-ci ont naturellement tendance à se généraliser, mais à un rythme relativement lent. Dans la mesure où ces directions communes – et l’unité managériale qui en découle – sont perçues comme un gage d’efficacité et comme un facteur facilitant pour la conduite de projets à l’échelle du GHT, l’idée est donc d’avoir une législation proactive pour atteindre cet objectif.

 Il est toutefois prévu que les directeurs généraux d’ARS conserveront la faculté de s’opposer la constitution de la direction commune dans des conditions définies par décret. Concrètement, il s’agit d’éviter que le caractère automatique de la direction commune n’aboutisse à des situations qui seraient sous-optimales voire néfastes, pour des raisons liées aux caractéristiques du territoire (par exemple, l’éloignement géographique entre les deux établissements) ou des établissements concernés. Cette disposition est de nature à garantir qu’une logique purement administrative ne l’emportera pas sur l’intérêt des communautés hospitalières et des patients.

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Article 6 ter (nouveau)
Validation des nominations des candidats au concours externe organisé pour le recrutement des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux au titre de 2019

Introduit par la commission

Cet article vise à sécuriser les situations individuelles des élèves directeurs nommés et titularisés dans le corps des directeurs d’établissements sanitaires sociaux et médico‑sociaux (D3S) suite au concours externe organisé en 2018 au titre de l’année 2019 pour l’accès au corps des D3S. Le concours a fait l’objet de recours contentieux formés par un candidat non admis, ce qui crée une situation susceptible d’aboutir à une remise en cause des situations administratives des lauréats. Seule une validation législative des résultats permettra la consolidation des nominations non contestées.

I.   la situation actuelle

Le présent article vise à répondre à une situation contentieuse qui aboutit à mettre en cause la nomination et la titularisation de trente‑neuf élèves directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) au titre du concours externe de 2019.

A.   Une situation d’insécurité juridique pour TRENTE‑NEUF directeurs issus d’un concours dont les résultats ont été contestés

Un candidat admissible mais non admis au concours externe D3S organisé en 2018 au titre de l’année 2019 par le Centre national de gestion (CNG) a formé trois recours pour excès de pouvoir, se prévalant d’une rupture d’égalité en raison d’une scission du jury :

– un premier recours contre la délibération du jury du 28 novembre 2018 qui fixe la liste des candidats admis au concours externe de D3S ;

– un deuxième recours formé le 1er juin 2020 contre l’arrêté du 11 février 2019 par lequel la directrice générale du CNG a nommé les élèves D3S à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) ;

– un troisième recours le 26 mars 2021 contre l’arrêté du 18 décembre 2020 établissant la liste des élèves D3S sur la liste d’aptitude à compter du 1er janvier 2021, contre les arrêtés portant titularisation et nomination des trente‑neuf élèves D3S et enfin contre leurs certificats d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale.

Par un jugement du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du jury du 28 novembre 2018 et l’arrêté du 11 février 2019. Le CNG ayant fait appel de cette décision, la clôture de l’instruction est intervenue le 21 octobre 2022 mais l’affaire n’a toujours pas été audiencée.

Le troisième recours pour excès de pouvoir est en revanche toujours en cours devant le tribunal administratif, l’avis d’audience n’étant pas encore parvenu aux parties.

B.   l’opportunité d’une validation législative

Dans ce contexte contentieux, la situation des trente‑neuf directeurs issus du concours au titre de l’année 2019 apparaît particulièrement incertaine sur le plan juridique. Une validation juridique pourrait permettre de ne pas remettre en cause leur titularisation dans le corps des D3S, à condition d’intervenir avant les décisions prises par le tribunal administratif dans le cadre des trois recours pour excès de pouvoir n’acquièrent l’autorité de la chose jugée.

En effet, le Conseil constitutionnel a admis que, pour réparer les conséquences de l’annulation d’un concours sur les situations individuelles, une loi de validation puisse être prise, dans le cadre des principes généraux qu’il a définis. La loi valide ainsi les actes réglementaires ou individuels pris sur la base de l’acte annulé ([46]).

Toutefois, seules les nominations qui n’ont pas été annulées par le juge en conséquence de l’annulation du concours peuvent être validées et à condition que la validation réponde « aux exigences du service public et de l’intérêt général ». Les nominations validées ne peuvent alors plus être mises en cause devant le juge administratif.

En l’espèce, le recours pour excès de pouvoir formé contre la liste d’aptitude des élèves D3S et les arrêtés de titularisation et de nomination de trente‑neuf d’entre eux est en cours devant le tribunal administratif de Paris, qui est une juridiction de premier ressort. La validation législative est donc encore possible à ce stade.

II.   le droit proposé

Afin de sécuriser sur le plan juridique la situation des trente‑neuf directeurs titularisés au titre du concours de 2019, l’article 6 ter, qui résulte d’un amendement de la rapporteure générale, dispose que les nominations de ces candidats sont validées. De la sorte, les décisions ultérieures du juge administratif ne pourront pas aboutir à une invalidation de ces nominations, qui aurait des conséquences disproportionnées sur ces professionnels qui sont à présent en fonction depuis plus de trois ans, après avoir été formés à l’EHESP pendant deux ans. Cela s’entend sous réserve que le présent article entre en application avant une éventuelle annulation définitive de la nomination de ces directeurs par le juge administratif.

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Article 7
Interdiction d’exercer en intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux et dans les laboratoires de biologie médicale

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 reprend un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 censuré par le Conseil constitutionnel. Il vise à interdire aux établissements de santé et médico-sociaux ainsi qu’aux laboratoires de biologie médicale d’embaucher dans le cadre des contrats de mise à disposition avec une société d’intérim des médecins, professionnels de santé et personnels socio-éducatifs en sortie d’études.

La commission a adopté cet article avec des modifications rédactionnelles.

I.   La situation actuelle

A.   un engouement croissant pour des modes d’exercice peu régulés en établissement

1.   Un phénomène qui a connu une accélération importante chez les médecins

Depuis le début des années 2000, plusieurs rapports ont alerté sur le recours croissant à des contrats temporaires à l’hôpital, dans le but de pallier l’absence de médecins dans certaines spécialités en tension ([47]).

Cette notion de contrat temporaire recouvre en réalité deux situations différentes :

– celle de l’intérim au sens strict, lorsque la mise à disposition du praticien se fait par le biais d’un contrat passé avec une entreprise d’intérim (article L. 1251‑1 du code du travail) ;

– les contrats de gré à gré de courte durée dits « de vacation », permettant de recruter temporairement des praticiens dans le cadre de remplacements, le cas échéant après mise en contact par une entreprise d’intérim au titre de sa mission de placement privé (article L. 1251-4).

La croissance des dépenses d’intérim médical est massive et ininterrompue. Selon les données qui figuraient dans l’étude d’impact annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, son coût annuel pour l’hôpital public est ainsi passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard d’euros en 2018 – et la tendance s’est poursuivie depuis.

Au-delà de l’intérim, une étude réalisée en octobre 2021 par la direction générale des finances publiques (DGFiP) soulignait que l’emploi temporaire représentait près de 20 % de l’emploi médical dans les établissements de santé.

Cependant, aucune statistique précise n’est disponible sur le nombre de praticiens effectuant des prestations d’intérim. En juin 2022, la Fédération hospitalière de France (FHF) estimait que ce nombre avait doublé en dix ans, pour atteindre 10 000 praticiens, dont certains effectuent des missions temporaires en appoint, en plus de leur emploi pérenne dans un établissement.

Cette tendance touche aussi les établissements de santé privés, indépendamment de leur statut. Une enquête réalisée par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap) montre que le rapport des équivalents temps plein (ETP) de l’intérim médical sur le total des ETP médicaux a crû en moyenne de 174 % par an au cours des dernières années. Les spécialités médicales les plus concernées seraient les radiothérapeutes, radiologues, médecins nucléaires, médecin anesthésistes réanimateurs, pharmaciens, médecins généralistes, gériatres et urgentistes.

2.   Une envolée plus récente chez les personnels paramédicaux

La crise sanitaire a par ailleurs accentué le problème du recrutement des personnels paramédicaux dans les établissements de santé. Les mesures du Ségur de la santé n’ont pas suffi à enrayer la perte d’attractivité de l’exercice à l’hôpital. Dans un contexte où certains postes fixes de soignants demeurent vacants, les établissements ont tendance à recourir, de manière croissante, à des intérimaires pour « combler les trous » dans les équipes. À l’heure actuelle, le recours à des intérimaires sur des postes fixes non pourvus est devenu structurel dans de nombreux établissements. Au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP‑HP), 10 % des postes d’infirmiers ne sont pas pourvus, et sont ainsi quotidiennement pourvus par le recours à des intérimaires.

Il apparaît ainsi que si l’intérim paramédical est un phénomène plus récent que l’intérim médical, sa dynamique depuis la crise sanitaire est devenue particulièrement préoccupante.

3.   Un phénomène à l’origine de difficultés importantes pour les établissements

a.   Des surcoûts très importants pour l’hôpital public

L’engouement pour l’intérim s’explique notamment par les rémunérations très attractives qui sont proposées dans le cadre de ces contrats. L’étude d’impact annexée au PLFSS 2023 estimait que la rémunération annuelle d’un médecin exerçant exclusivement en intérim pouvait être évaluée à 148 000 euros, contre 70 000 euros en moyenne pour un praticien en début de carrière. Cette moyenne recouvre des divergences nettement plus importantes, notamment lorsqu’on les apprécie à l’échelle d’une garde, pouvant être facturée jusqu’à 2 500 euros en intérim, s’il s’agit d’un soir où il est particulièrement difficile de trouver des médecins de garde.

Le différentiel de rémunération entre personnels statutaires et intérimaires semble moins considérable pour les personnels paramédicaux. Il demeure néanmoins substantiel : les agences d’intérim font état d’un écart d’au moins 20 %, souvent encore supérieur.

b.   Une instabilité et une rupture de cohésion dans les équipes

Ces différences de rémunération sont, en soi, un facteur de rupture de la cohésion dans les équipes médicales et paramédicales. Comment justifier et accepter que deux professionnels soient payés des montants parfois sans rapport pour des activités similaires ? Ces différences sont, à juste titre, vécues comme injustes par le personnel statutaire, qui a, de surcroît, beaucoup moins de flexibilité pour choisir ses horaires et périodes de repos.

En outre, lorsque la présence de personnels intérimaires devient trop massive, elle est un facteur de déstabilisation considérable pour les équipes. La rotation permanente des personnels induit une moindre connaissance du service et des patients. Cette déstabilisation est, par ricochet, un facteur de baisse de la qualité et de la sécurité des soins.

B.   des tentatives pour mieux réguler l’intérim médical

1.   Des plafonds de rémunération longtemps restés lettre morte

● L’article 136 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ([48]) est venu encadrer le recours à l’intérim médical dans les établissements publics de santé. Il a introduit un article L. 6146-3 au sein du code de la santé publique, qui sécurise les conditions de mise à disposition des médecins intérimaires et, surtout, plafonne les dépenses engagées dans le cadre des missions d’intérim.

● Le décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé, pris en application de cet article, impose aux agences d’intérim de renseigner les hôpitaux sur les qualifications, l’autorisation d’exercice, l’aptitude des praticiens qu’elles mettent à leur disposition, ainsi que de vérifier l’absence de cumul d’activités. En outre, il plafonne, à partir du 1er janvier 2018, le montant journalier des dépenses susceptibles d’être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d’une mission de travail temporaire. Ce montant a été fixé par arrêté à 1 170,04 euros pour une journée de 24 heures de travail effectif, avec une majoration de 20 % pour 2018 et 10 % pour 2019, afin de permettre une entrée en vigueur progressive du dispositif, puis revalorisé de 20 % en mars 2023, pour atteindre 1 390 euros.

Cependant, ce cadre législatif et réglementaire est resté, de l’avis général, largement inappliqué, pour les contrats d’intérim comme pour les contrats de gré à gré. En effet, les agences d’intérim et les praticiens intérimaires ont continué à faire des offres de prestations dépassant les seuils réglementaires, que les hôpitaux ont été contraints d’accepter, face à la nécessité de garantir la continuité des services hospitaliers.

2.   L’apport de la loi « Rist I » et sa difficile mise en œuvre

Dans le cadre du Ségur de la santé, est ainsi apparue la nécessité de donner une force juridique supplémentaire à ces plafonds de rémunérations, afin qu’ils ne soient plus contournés, mais en détournant la pression des directions d’hôpital, qui, prises entre deux impératifs contradictoires, n’ont souvent pas d’autre choix que d’accepter des rémunérations abusives.

● L’article 33 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification – dite loi « Rist I » – a mis en œuvre ces orientations en prévoyant deux mesures complémentaires, codifiées à l’article L. 6146-4 du code de la santé publique :

– d’une part, cet article permet aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d’intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation ;

– d’autre part, il donne la possibilité aux directeurs généraux des agences régionales de santé de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers.

L’idée était ainsi de rendre les plafonnements de rémunérations incontournables, en ne laissant plus le « choix » aux directions d’hôpital : les rémunérations excessives seraient automatiquement rejetées par le comptable ; les sociétés d’intérim et praticiens intérimaires devraient ainsi s’adapter et formuler des offres d’emploi en dessous du plafond réglementaire, pour qu’elles soient validées.

Ces mesures devaient entrer en vigueur six mois après la promulgation de la loi du 26 avril 2021, soit le 27 octobre 2021. Cependant, alors que ce délai approchait de son terme, de nombreuses remontées des hôpitaux ont fait craindre que le plafonnement ne soit à l’origine de difficultés extrêmes dans les services. Le ministre de la santé a ainsi annoncé que la mise en œuvre de cette mesure devrait être reportée à 2022, sans toutefois faire voter de report du délai légal.

● Le 1er avril 2023, le ministre de la santé a finalement annoncé la mise en application des dispositions de loi Rist I, après avoir revalorisé le plafond journalier des tarifs de garde et travaillé en amont avec les ARS pour identifier les hôpitaux qui seraient potentiellement fragilisés par l’application de ces plafonds. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de cette mesure, la DGOS (ministère de la santé et de la prévention) rapporte que « certaines régions rencontrent quelques difficultés en termes de planning pour assurer la permanence des soins, en particulier dans les services et spécialités à gardes », difficultés qui « préexistaient la plupart du temps à la mise en œuvre des contrôles de l’intérim médical », et s’en sont ainsi trouvées accentuées. Les premiers retours sont, à ce stade, plutôt rassurants.

Les acteurs hospitaliers appellent néanmoins à la prudence, en soulignant que de nombreux contrats d’intérim excédant les plafonds réglementaires avaient pu être signés juste avant la date limite du 1er avril dernier.

Ils alertent par ailleurs sur la croissance très rapide des contrats de praticien dits « de motif 2 », c’est-à-dire conclus en application du 2° de l’article R. 6152‑338 du code de la santé publique. Cet alinéa prévoit la possibilité de recruter des contractuels « en cas de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice pour une activité nécessaire à l’offre de soin sur le territoire », dans des conditions normalement fortement régulées par les ARS, s’agissant du nombre maximal et de la nature des contrats, ainsi que des spécialités concernées.

II.   le dispositif de la proposition de loi

Le présent article 7 reprend quasiment à l’identique l’article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il n’entrait pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale. Il vise à interdire l’emploi en intérim de médecins et professionnels de santé pendant une certaine période suivant l’obtention de leur diplôme. Ce dispositif avait été enrichi au cours de la navette parlementaire, pour étendre son application non seulement aux établissements de santé, mais aussi aux établissements médico-sociaux et aux laboratoires de biologie médicale. C’est cette version consolidée qui est ici reprise au sein de l’article 7.

A.   Interdire l’intérim en début de carrière

Contrairement à la loi Rist I, qui se concentrait sur la problématique de l’intérim médical, le dispositif de l’article 7 vise l’ensemble des professionnels médicaux, paramédicaux et socio-éducatifs récemment diplômés : médecins, sages‑femmes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, auxiliaires médicaux, aides‑soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et assistants dentaires, accompagnants éducatifs et sociaux. En pratique, ce seraient surtout les médecins et les infirmiers qui seraient concernés.

Selon les termes de l’article 7, ces professionnels ne pourraient exercer en établissement ou en laboratoire de biologie médicale dans le cadre de contrats de mise à disposition conclus avec une société d’intérim qu’à la condition qu’ils aient auparavant exercé leur activité dans un cadre autre pendant une durée minimale qui doit être appréciée par décret.

Le critère d’une durée déterminée d’exercice hors intérim peut paraître complexe au regard de l’objectif, qui est d’empêcher les jeunes infirmiers et médecins d’exercer d’emblée en intérim. Cependant, le Gouvernement explique qu’il était compliqué de prendre comme point de référence la date d’obtention du diplôme ou la date d’inscription à l’ordre car « un professionnel peut obtenir un diplôme et ne pas exercer immédiatement après » et, s’agissant de l’inscription à l’ordre, certaines professions n’ont pas d’ordre. Il appartiendra donc au jeune médecin ou infirmier de produire des justificatifs permettant d’attester d’autres modes d’exercice.

La mise en œuvre de l’obligation énoncée par le présent article repose principalement sur les entreprises d’intérim, qui devront attester, au plus tard au moment de la signature du contrat de mise à disposition, que le délai défini par décret a bien été respecté s’agissant du professionnel concerné.

Dans le cadre des débats sur le PLFSS 2023, le Gouvernement avait annoncé que le décret en Conseil d’État prévoirait, comme sanction au non-respect de cette obligation par les entreprises d’intérim, l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ; la récidive serait réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal. Le Parlement avait eu à cœur d’énoncer explicitement l’application de sanctions en cas de non-respect de l’interdiction par les entreprises d’intérim ; cette disposition figure également dans le dispositif de l’article 7.

B.   ... en visant tous les établissements

Les plafonds de rémunération de l’intérim médical ne s’appliquent qu’au secteur public, même si les établissements privés non lucratifs et lucratifs se sont engagés, dans le cadre d’un pacte, à les appliquer également. Le dispositif de l’article 7 vise d’emblée les établissements au sens large – à la demande de ces derniers qui sont tous, à des degrés divers, touchés par les dérives de l’intérim.

Ainsi, le I insère au sein du code de l’action sociale et des familles un article L. 313-23-4 qui pose cette interdiction s’agissant des établissements médico‑sociaux.

Le II insère un nouvel article L. 6115-1 dans le code de la santé publique, qui prévoit que la même interdiction s’applique aux établissements de santé et laboratoires de biologie médicale, indépendamment de leur statut.

C.   ... pour inciter à d’autres modes d’exercice

Le présent article part du constat que les jeunes diplômés ont de plus en plus d’appétence pour des modes d’exercice peu régulés. Ils y trouvent une rémunération supérieure, plus de flexibilité sur les jours de repos, une diversité des cadres d’exercice et la possibilité de changer instantanément de service ou d’établissement si les conditions de travail ne leur conviennent pas.

Le dispositif de l’article 7 repose sur l’idée qu’en expérimentant dès leur sortie d’école la pratique de l’intérim, les jeunes professionnels entrent dans un « jeu à somme négative », pour eux-mêmes et pour la collectivité. D’une part, ils sont conduits à pratiquer leur métier dans des conditions souvent dégradées, avec des équipes sans cesse différentes, et en se privant du mentoring dont ils pourraient bénéficier en s’enracinant plus durablement au sein d’une équipe. Cet exercice n’est donc pas propice à la sécurisation professionnelle des jeunes diplômés. Il est également contraire à l’intérêt des patients et peu vertueux pour notre système de santé, qui a intérêt à voir se stabiliser des équipes, en ville et dans les établissements. En effet, les jeunes professionnels qui démarrent en intérim ont peu de chances d’accéder à des modes d’exercice stables, contribuant à alimenter la pénurie sur les postes de titulaires des établissements de santé et dans les cabinets de ville.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas entendre leur souhait de se donner le temps de choisir leur mode d’exercice, d’acquérir de l’expérience en expérimentant divers services et environnements de travail. Cependant, l’exercice par la voie de contrats d’intérim n’est qu’une modalité parmi d’autres pour parvenir à cet objectif. Par exemple, les jeunes infirmiers peuvent exercer dans le cadre d’équipes de suppléance qui interviennent dans tous les services, dans des conditions plus sécurisantes pour eux, qui leur permettent de développer un lien direct avec un établissement.

L’interdiction de l’article 7 ne porte ainsi que sur les contrats d’intérim au sens strict, en raison de leur caractère plus insécurisant et plus déstabilisateur pour les établissements. Il y a lieu de penser que le caractère ciblé de cette rédaction ménagera suffisamment d’options pour répondre aux aspirations des jeunes professionnels de santé.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 7 modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

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Article 8
Renforcer le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 reprend un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 censuré par le Conseil constitutionnel. Dans le sillage de l’affaire Orpea, cet article vise à renforcer les contrôles sur les structures gravitant autour des cliniques privées, prenant acte de recommandations formulées en ce sens par la Cour des comptes. Il vise aussi à élargir le périmètre des institutions en mesure de contrôler les documents transmis, dans un contexte où les ARS n’ont ni les moyens, ni l’expertise pour tout faire.

La commission a adopté cet article moyennant seulement des modifications rédactionnelles.

I.   La situation actuelle

A.   Les obligations de transparence et contrôles ont été renforcés sur les cliniques privées

Depuis 2003, les cliniques privées à but lucratif ont l’obligation, en vertu de l’article L. 6161-3 du code de la santé publique, de transmettre leurs comptes certifiés par un commissaire aux comptes, ainsi que ceux de leur organisme gestionnaire, à l’autorité de tarification ainsi qu’à l’agence régionale de santé (ARS). En outre, ce même article leur impose de transmettre à la Cour des comptes leurs rapports de certification.

Par ailleurs, la loi du 26 janvier 2016 ([49]) a inclus les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social dans le périmètre de contrôle des juridictions financières, donnant ainsi compétence à la Cour des comptes et aux chambres régionales de comptes pour conduire des contrôles sur les cliniques privées.

B.   ... mais pas sur les structures qui gravitent autour

Le 26 mars 2019, la Cour des comptes a émis un référé ([50]) faisant connaître à la ministre de la santé ses observations dans la foulée de contrôles conduits dans les cliniques privées dans le cadre de la compétence nouvelle octroyée en 2016 (cf. supra).

Ces observations soulignent caractère nécessairement parcellaire du contrôle conduit par le Cour, en raison de son absence de compétence pour contrôler les structures satellites et groupes d’appartenance des cliniques privées « qui, pour autant, entretiennent des liens juridiques et financiers très étroits avec les établissements ». La Cour souligne en effet que la structuration juridique des cliniques privées est nettement plus complexe que celle des hôpitaux, en raison de l’existence d’un ensemble de sociétés satellites difficiles à cartographier : « Aux côtés de la société d’exploitation, gravitent généralement une société civile immobilière (SCI) pour la gestion des murs, un groupement d’intérêt économique (GIE) pour la mutualisation des prestations entre cliniques, des sociétés civiles de moyens (SCM) ou des sociétés d’exercice libéral (SEL) pour les honoraires médicaux, avec d’importants flux financiers à la clé. »

Face à cette réalité intriquée, la Cour des comptes insiste sur le caractère globalement très insuffisant du suivi juridique et financier exercé par les ARS sur ces établissements. Peu de moyens humains y sont consacrés, les satellites ne sont pas connus, la plupart des ARS ne suivent pas effectivement la bonne production des comptes prévue à l’article L. 6161-3, se bornant à un suivi des autorisations d’activités et d’équipements lourds. La Cour appelle ainsi à renforcer les outils de régulation des cliniques privées à destination des ARS.

Ce référé de la Cour des comptes a pris une actualité nouvelle dans le sillage de l’affaire Orpea, dans le secteur médico-social. Cette affaire a notamment mis en lumière la complexité des montages juridiques utilisés par les établissements privés, qui avait rendu aveugles les autorités de régulation, face à des pratiques contraires à l’éthique, voire frauduleuses.

II.   le droit proposé

Le présent article 8 reprend le dispositif de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale, censuré par le Conseil constitutionnel comme « cavalier social ». Il vise à transposer, pour les cliniques privées à but lucratif, des mesures adoptées pour les établissements pour personnes âgées dépendantes à but lucratif dans la foulée de l’affaire Orpea, afin de renforcer le contrôle sur ces établissements et sur les structures qui gravitent autour.

A.   imposer la transparence sur les comptes des organismes contrôlant les cliniques privées ou leurs structures satellites

Le complète l’article L. 6161-3 du code de la sécurité sociale, pour prévoir que l’obligation de transmission des comptes certifiés s’impose non seulement aux cliniques privées et à leurs organismes gestionnaires, mais encore à « tout organisme, société ou groupe disposant d’un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion dans l’établissement, ou de contrôle de celuici au sens de l’article L. 2333 du code de commerce », ainsi qu’aux « structures satellites qui entretiennent des liens juridiques et financiers avec ces établissements, et notamment les sociétés civiles immobilières ».

B.   Élargir la surface du contrôle sur ces structures

Le prend acte du caractère nécessairement limité du contrôle que sont en mesure de conduire les ARS, qui n’ont ni les moyens humains, ni la compétence technique pour analyser l’ensemble des documents financiers et comptables transmis. Il prévoit donc que les comptes certifiés de l’ensemble des entités susmentionnées seront transmis non seulement aux ARS, mais également « aux juridictions financières et aux services d’inspection et de contrôle définis par décret ». D’après les informations transmises par le Gouvernement, il s’agirait de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Le élargit aux mêmes destinataires la transmission des rapports de certification de ces établissements.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 8 modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur.

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Articles 9 et 10
Mieux intégrer les praticiens diplômés hors Union européenne
dans notre système de santé

Adoptés par la commission avec modifications

Les articles 9 et 10 visent à renforcer l’attractivité de l’exercice en France pour les praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (Padhue), en prévoyant de nouvelles autorisations d’exercice provisoire et ainsi qu’une nouvelle carte de séjour pluriannuelle.

L’attractivité de notre système de santé pour les professionnels de santé étrangers, qu’ils soient libéraux ou salariés, constitue un enjeu majeur et un levier d’amélioration de l’accès aux soins pour l’ensemble de la population. Le cadre d’obtention d’une l’autorisation d’exercer en France, pour les professionnels titulaires d’un titre délivré hors Union européenne, souvent dénommés « professionnels à diplôme hors Union européenne », ou « Padhue », a été défini progressivement par le législateur depuis le début des années 1970.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

A.   Un cadre juridique complexe

● En application des articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, trois conditions s’appliquent en principe aux médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens pour exercer en France :

– être titulaire d’un diplôme, d’un certificat ou d’un titre reconnu dans le code de la santé publique ;

– être de nationalité française, de citoyenneté andorrane, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne (UE), ressortissant d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), ou de nationalité marocaine ou tunisienne ;

– être inscrit au tableau de l’ordre de la profession concernée.

● Plusieurs dispositifs législatifs dérogatoires successifs ont toutefois permis aux Padhue, depuis 1972 ([51]), d’être autorisés à exercer en France, dans certaines conditions et selon des procédures et des modalités spécifiques.

Le régime actuellement en vigueur s’inscrit dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) mise en place par la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ([52]) et réunit trois dispositifs :

 une autorisation de plein exercice obtenue après concours, dite « procédure de la liste A » ou « du flux », qui est la procédure de droit commun, comprend quatre étapes ([53]) depuis sa rénovation par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite « OTSS » ([54]). Après la réussite d’« épreuves de vérification des connaissances » (EVC), auquel le nombre de candidats susceptibles d’être reçus pour chaque profession est fixé par arrêté et le nombre de candidatures par personne limité à quatre, les lauréats sont affectés, en qualité de praticien associé ([55]), sur un poste du choix au sein d’une liste fixée par arrêté. Ils valident ensuite un parcours de consolidation de compétences (PCC) d’une durée de deux ans pour les lauréats candidats à la profession de médecin ou de pharmacien et d’un an pour les candidats à la profession de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, avant de pouvoir se voir délivrer, du ministre chargé de la santé, une autorisation de plein exercice après avis d’une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professionnels concernés ;

– une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite de « la liste B », ouverte aux réfugiés, apatrides, bénéficiaires de l’asile territorial et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises lorsqu’ils sont titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention. Ceux-ci se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, et s’engagent en contrepartie à passer un examen ;

– enfin, une procédure transitoire de régularisation, dite « de stock » et ayant remplacé celle préexistante de la « liste C », qui vise à encadrer la situation des Padhue en exercice mais n’ayant pas obtenu d’autorisation, c’est-à-dire n’ayant pas réussi ou passé le concours ou l’examen et dont le dossier n’a pas été examiné par la commission d’autorisation d’exercice. Elle accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice.

B.   Une procédure qui demeure indispensable

● Les modalités de cette dernière procédure transitoire, qui apparaît depuis 2007 comme la principale source de difficultés de la PAE, ont également été rénovées par la « OTSS » en 2019. Comme le rappellent les sénateurs Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans un rapport déposé le 15 mars 2023 ([56]), elle comporte désormais deux niveaux :

– les Padhue présents dans un établissement de santé au 31 décembre 2018 et recrutés avant le 3 août 2010 se sont vu octroyer une autorisation temporaire d’exercice jusqu’à la fin de l’année 2020 ;

– les Padhue présents dans un établissement de santé à la fin de l’année 2018 et ayant exercé pendant au moins deux ans depuis le 1er janvier 2015 peuvent suivre une procédure d’autorisation pérenne d’exercice ad hoc. Cette dernière comprend une instruction des dossiers par les commissions compétentes d’autorisation d’exercice, et donne lieu à la délivrance d’une autorisation temporaire d’exercice pour les candidats.

● Alors que cette dernière devait être supprimée au plus tard le 31 décembre 2020, la crise sanitaire a causé d’importants retards dans la procédure dérogatoire de régularisation du stock. Dans ce contexte, le Gouvernement a mis en place un plan d’action et a permis, par un amendement adopté au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ([57]), de reporter au 30 avril 2023 la date limite de passage en commission nationale d’autorisation d’exercice (CNAE) des Padhue, afin de permettre l’instruction de l’ensemble des dossiers de demande d’autorisation d’exercice de ces praticiens. À cette fin, l’ensemble des Padhue du « stock » dont les dossiers étaient en cours d’examen par la CNAE, et qui n’avaient pas fait l’objet d’une décision du Centre national de gestion (CNG) au 31 décembre 2022, ont été affectés au 1er janvier 2023 sur le statut de praticien associé ([58]).

Le rapporteur relève que, ce faisant l’ensemble des 3 399 dossiers remontés depuis le 1er janvier 2022 sont aujourd’hui passés en commission : 12 % ont reçu un avis défavorable, 38 % ont reçu un avis favorable leur donnant l’autorisation d’exercer immédiatement, 50 % doivent effectuer d’autres stages pour consolider leur parcours avant d’obtenir leur autorisation d’exercice.

● Le rapporteur souligne le rôle déterminant que jouent les Padhue dans notre système de santé, depuis la mise en place de la PAE en 2007. L’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme étranger est à la fois un enjeu individuel pour les soignants concernés, mais aussi, dans l’attente des pleins effets de l’augmentation des effectifs de praticiens formés dans le système universitaire français, une mesure permettant de garantir, dans de nombreux territoires, le maintien de l’offre de soins.

Depuis 2007, plus de 8 600 lauréats aux EVC sont recensés, tandis que plus de 1 000 avis favorables étaient délivrés à des Padhue par les commissions d’autorisation d’exercice pour l’année 2014 seulement. Le Conseil national de l’Ordre des médecins estime que 16 000 Padhue exercent aujourd’hui en France, auxquels il convient d’ajouter plusieurs centaines de professionnels chirurgiens-dentistes ou pharmaciens. Les Padhue représentent désormais, chaque année, 12 % à 15 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre des médecins.

Au titre des EVC pour 2021, sur près de 1 700 lauréats aux épreuves, 594 étaient de nationalité algérienne (35 %), 470 de nationalité tunisienne (28 %), 154 de nationalité française (9 %), 149 de nationalité libanaise (9 %) et 60 de nationalité marocaine (3,5 %).

Nombre de lauréats par liste et par session depuis la création de la procédure d’autorisation d’exercice

Source : ministère de la santé et de la prévention, chiffres CNG.

 La procédure d’autorisation d’exercice au titre de l’année 2023 a été lancée et l’arrêté du 20 avril 2023 ([59]) prévoit ainsi l’ouverture de 2 737 postes, répartis par spécialité en tenant compte des tensions identifiées pour certaines spécialités, telles que l’anesthésie-réanimation, la médecine intensive et réanimation, la gynécologie médicale, la gynécologie obstétrique, la médecine d’urgence, la pédiatrie, la psychiatrie ou encore la médecine générale. Le volume de postes offerts au titre des EVC pour 2023 a ainsi augmenté de 20 % pour les spécialités considérées comme prioritaires ainsi que pour l’odontologie, alors que ce taux n’est que de 15 % pour les autres spécialités.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Les articles 9 et 10 de la présente proposition de loi, qui ont fait l’objet d’un dialogue étroit avec l’ensemble des ordres concernés et les syndicats de Padhue, visent à renforcer l’attractivité pour les Padhue de l’exercice sur le territoire français.

Ils répondent à la nécessité d’une évolution législative mettant en place un mécanisme conciliant les règles du séjour et l’encadrement de l’autorisation d’exercice de ces professionnels et consolident certaines dispositions de l’article 7 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ([60]).

A.   Créer une nouvelle attestation permettant un exercice provisoire POUR LES padhue

   L’article 9 crée une nouvelle autorisation temporaire d’exercice à destination des professionnels médicaux et de la pharmacie à diplôme hors Union européenne, afin de faciliter leur exercice sur le territoire national et de leur permettre de s’inscrire dans une nouvelle démarche de reconnaissance de leur diplôme.

  Cette autorisation s’adresse spécifiquement aux Padhue qui ne remplissent pas encore la condition de l’obtention du concours des EVC mais qui s’engagent à passer ces dernières, et remplissent par ailleurs les conditions nécessaires à l’obtention d’une attestation d’exercice provisoire. Alors que la procédure « du flux » actuelle ne permet de garantir l’absence de postes non pourvus, et alors que le besoin en termes d’offre de soins est manifeste, cette nouvelle procédure pourrait bénéficier, selon les estimations du ministère de la santé et de la prévention, à environ 400 Padhue.

  Ce dispositif ne s’apparente pas à d’autres dispositifs dérogatoires existants, tel que le dispositif d’obtention du plein-exercice des Padhue applicable dans certains territoires d’outre-mer. Il s’assimile au dispositif existant pour les Padhue réfugiés, dit de « liste B », qui bénéficient d’une autorisation temporaire d’exercice délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) en attendant de pouvoir passer les EVC.

  ● L’article 9 insère dans le code de la santé publique deux articles qui fixent le régime applicable à cette autorisation et définissent strictement les conditions de délivrance et les modalités d’utilisation de celle-ci, concernant respectivement les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (article L. 4111‑2‑1) et les pharmaciens (article L. 4221-12-1).

  Il dispose que l’attestation permettant un exercice provisoire n’est délivrée qu’après avis d’une commission composée notamment de professionnels de santé dont des représentants de l’ordre compétent.

  Les praticiens candidats doivent être titulaires d’un titre de formation permettant l’exercice de la profession visée dans le pays d’obtention de ce diplôme. Ils sont tenus d’établir leur expérience professionnelle par tout moyen expérience professionnelle et doivent disposer d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ils s’engagent également à passer les EVC mentionnées aux articles L. 4111‑2 et L. 4221‑12 du code de la santé publique.

  La durée de validité de l’attestation délivrée renouvelable une fois ne peut excéder treize mois et ses titulaires sont dépourvus d’accès au plein exercice. Leur exercice n’est ainsi possible qu’en établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social et, le cas échéant, seulement dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation.

Enfin, en attribuant à « l’autorité compétente » le soin de délivrer l’attestation permettant un exercice provisoire, le présent article déconcentre la compétence d’attribution et permet de confier cette mission à une autorité régionale, telle que le directeur général de l’agence régionale de santé ou une autorité collégiale. Cela permettrait ainsi d’augmenter le nombre d’autorités compétentes pour se prononcer et donc d’accélérer le flux de traitement des dossiers, en cohérence avec la création de la carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de pharmacie » prévue par l’article 10.

B.   Une nouvelle carte de séjour pluriannuelle

● L’article 10 crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent‑professions médicales et de la pharmacie ».

Le régime juridique de ce nouveau titre, d’une durée maximale de quatre ans, serait précisé par un nouvel article L. 421-13-1 inséré dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cette nouvelle carte de séjour vise à réduire le besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux ainsi que les établissements sociaux. Cette mesure entend répondre à la nécessité de renforcer l’offre de soins tout en améliorant la lisibilité et l’attractivité du droit au séjour pour ces publics qualifiés, en tenant compte des enjeux de vérification de l’aptitude de professionnels étrangers à exercer au sein d’un établissement du système de santé français.

 Cette carte s’adresse à l’étranger qui occupe un emploi pour une durée égale ou supérieure à un an au sein d’un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico‑social, au titre d’une profession correspondant à celles visées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12 du code de la santé publique, c’estàdire les médecins, quelle que soit leur spécialité, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens, et qui est titulaire de l’attestation permettant un exercice provisoire créée par l’article 9 de la présente proposition de loi.

Sont ainsi visés deux cas de figure :

– les Padhue venant en France pour exercer une activité salariée d’une durée égale ou supérieure à un an au sein d’un établissement de santé public ou privé à but non lucratif et qui s’engagent à passer les EVC durant la période de validité de leur contrat de travail. Dans ce cadre, le demandeur se verra délivrer en première demande un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée de treize mois. En cas de non validation des EVC durant la période couverte par le VLS-TS, et sous réserve que le demandeur justifie d’une inscription au concours des EVC, celui-ci pourra solliciter un unique renouvellement de son titre après délivrance de l’autorisation prévue par l’article 9 de la proposition de loi ;

– l’ensemble des Padhue ayant réussi les EVC. Dans ce cadre, le demandeur se voit délivrer, en première demande, en renouvellement ou en changement de statut, une carte de « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée maximale de quatre ans.

● La délivrance de ce titre de séjour est conditionnée :

– à l’obtention d’une autorisation d’exercice produite par l’agence régionale de santé, dont les conditions de délivrance et la durée de validité seront définies par un arrêté du ministre de la santé ;

– à la production d’un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif ;

– au respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État.

● A l’instar de l’ensemble des titres « talents », le titre « talent-professions médicales et de pharmacie », comme en dispose le dernier alinéa de cet article, permet l’exercice de l’activité professionnelle. Il est donc délivré sans recours à une demande d’autorisation de travail, ce qui permet par exemple au praticien disposant par exemple d’une autorisation de plein exercice d’éviter d’avoir à renouveler chaque année sa demande. Ce faisant, il favorise l’attractivité de la France en même temps que l’intégration de ces praticiens.

De même, cet accès occasionnera également une simplification des procédures pour les membres de la famille du bénéficiaire (conjoint et enfants du couple entrés mineurs en France) qui pourront solliciter une carte de séjour talent « famille » d’une durée équivalente à celle du bénéficiaire de la carte « talent‑professions médicales et de la pharmacie », sans passer par la procédure de regroupement familial, et qui permet d’exercer une activité professionnelle.

Enfin, il est entendu que la demande d’obtention de ce titre se fera en ligne sur le site de l’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), ce qui induira un allégement des démarches administratives pour les personnes sollicitant cette carte de séjour.

III.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels aux articles 9 et 10.

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Article 10 bis (nouveau)
Rénover le dispositif de droit commun de la procédure d’autorisation d’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne

Introduit par la commission

L’article 10 bis rénove le dispositif de droit commun, dit « du flux », de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (Padhue).

La commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant les articles du code de la santé publique régissant la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (article L. 4111‑2) et pour les pharmaciens (article L. 4221‑12).

Ce faisant, elle rénove le dispositif de droit commun, dit « du flux », de la PAE, afin de :

 déconcentrer la compétence concernant la délivrance des autorisations temporaires. En plus du ministre ou, sur délégation, du directeur du Centre national de gestion (CNG), une autorité régionale, le directeur général de l’agence régionale de santé, pourra assurer la délivrance de l’autorisation d’exercice temporaire ;

– créer deux commissions, à l’échelon national et régional selon le cas à statuer, dont la composition est précisée par voie règlementaire ;

– prévoir une répartition des Padhue à l’issue des épreuves de vérification des connaissances (EVC), en vue de la réalisation de leur parcours de consolidation des compétences (PCC), selon une liste de postes déterminée par spécialité et par région par l’administration centrale sur proposition des agences régionales de santé. Les Padhue lauréats des EVC déjà sous contrat dans un territoire pourront ainsi être prioritaires pour effectuer leur parcours de consolidation dans leur région, tandis que les Padhue extérieurs au territoire pourront choisir leur poste selon les places disponibles et selon leur rang de classement ;

– permettre de moduler la durée du PCC entre six mois et deux ans selon le niveau constaté du praticien, étant entendant qu’une commission nationale sera chargée de la validation finale du dossier.

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Article 11
Gages de recevabilité

L’article 11 comporte des gages de recevabilité afin de couvrir les charges potentiellement induites par les dispositions de la présente proposition de loi, pour l’État et pour la sécurité sociale.

La présente proposition de loi pourrait accroître les charges pour les organismes de sécurité sociale et l’État, notamment en ouvrant le contrat d’engagement de service public aux étudiants à l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé, ou encore en facilitant l’exercice professionnel des praticiens diplômés hors de l’Union européenne (Padhue).

En conséquence, l’article 11 gage ces charges potentielles par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services et crée une taxe additionnelle à cette accise.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 16 heures

La commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (n° 1175) (M. Frédéric Valletoux, rapporteur) ([61]).

Mme Michèle Peyron, présidente. Je commencerai par présenter les excuses de Mme Fadila Khattabi, qui avait, en fin de matinée, un échange avec les organisations syndicales de son département et qui nous rejoindra ce soir.

Nous débutons, cet après-midi, l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, qui est inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée à partir de lundi prochain. Alors que 762 amendements ont été déposés sur ce texte, 31 d’entre eux ont été retirés par leurs auteurs, 10 ont été déposés en double et 2 présentaient divers motifs d’irrecevabilité. La présidente a par ailleurs suivi l’avis du président de la commission des finances, qui considère que 164 amendements contreviennent aux dispositions de l’article 40 de la Constitution et 1 à celles de la loi organique relative aux lois de finances.

Enfin, la présidente s’est efforcée d’assurer le respect des dispositions de l’article 45 de la Constitution, en favorisant le plus possible l’initiative parlementaire. La proposition de loi porte prioritairement sur les problématiques d’accès aux soins, d’organisation territoriale des soins et d’engagement des acteurs de santé sur le territoire. La présidente a donc considéré que devaient être examinés les amendements dont le dispositif ou l’intention porte sur ces thématiques. Dès lors, 44 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, comme des amendements tendant à supprimer la récupération d’indus par la sécurité sociale, à créer, à tous les stades de la scolarité, une formation à la santé visant à l’acquisition de compétences d’autosoins, à faire de l’espérance de vie en bonne santé un objectif de la politique de santé national, à faire de la progression de deux années de l’espérance de vie un objectif de santé publique, à donner à l’ordre des médecins un rôle prépondérant dans la procédure d’agrément des centres de santé et à demander des rapports sur l’opportunité d’ouvrir de nouvelles négociations conventionnelles pour les infirmiers libéraux, sur l’état des lieux du suivi médical des résidents en Ehpad ou sur l’évolution des rémunérations des internes en médecine.

M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Trouver des solutions concrètes à la crise actuelle de notre système de santé, tel est l’objectif de la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner. En ville comme à l’hôpital, il nous revient de définir une meilleure organisation territoriale des soins, en incitant à une plus forte coordination des acteurs de terrain.

À l’heure où la santé est la préoccupation principale des Français, comme le montrent régulièrement toutes les enquêtes d’opinion, nous nous devons d’agir rapidement et en recherchant l’efficacité. Il est de notre responsabilité de résoudre cette question lancinante, difficile, de l’accès aux soins de nos concitoyens : ils font malheureusement les frais de l’accumulation de plus de vingt ans de décisions politiques et administratives malheureuses, d’un manque réel d’anticipation, parfois de la force des habitudes ou du conservatisme exacerbé de nombreux acteurs.

Depuis des années, j’ai constaté, comme d’autres, que le système de santé se caractérise par son hypercentralisation – parfois sa suradministration – et par son extrême cloisonnement entre les professionnels, contraints par des statuts juridiques et des modes de financement rendant souvent difficiles les coopérations. Le temps est venu de faire confiance aux acteurs de terrain, à tous ceux qui, directement – les professionnels de santé – ou indirectement – les administrations de l’État et de la sécurité sociale, les collectivités locales, les associations de patients –, concourent à la prise en charge des Français en matière de santé et sont partie prenante de la question de l’organisation des soins.

La crise épidémique que notre pays a traversée a non seulement montré le besoin d’objectifs nationaux clairement posés par l’État, mais a aussi rappelé la force des initiatives et des coopérations pensées dans les territoires. Je suis convaincu que l’avenir de notre système de santé passe par notre capacité à accompagner des modes d’organisation dans la prise en charge de nos concitoyens, réfléchie au plus près du terrain, adaptée aux spécificités du territoire et aux besoins de la population.

Heureusement, nous ne partons pas de zéro. Le virage de la territorialisation des politiques de santé a été pris depuis quelques années, notamment sous le précédent quinquennat. Il y a d’abord eu la stratégie Ma santé 2022, lancée en 2018, qui en a posé les jalons. Elle a, entre autres, instauré la reconnaissance du principe de responsabilité populationnel des acteurs de santé : ils sont collectivement en charge de la population qu’ils servent et il faut privilégier les moyens dont ils souhaitent se doter pour y faire face. Il y a eu aussi le texte récent, présenté par ma collègue Stéphanie Rist, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, qui constitue une pierre utile dans la perspective d’un décloisonnement de notre système de santé.

Dans une continuité d’approche avec cette volonté de pousser plus loin la territorialisation de notre système de santé, la proposition de loi que nous allons discuter a aussi pour vocation d’inscrire dans le droit positif les annonces récemment formulées par le Président de la République, notamment lors de ses vœux aux soignants, début janvier : meilleur partage des efforts entre tous les soignants – par exemple en matière de permanence des soins –, décloisonnement entre tous les modes d’exercice, ou encore volonté de faire confiance aux soignants pour faire émerger des stratégies en santé adaptées aux besoins de chaque territoire.

Cette proposition de loi vise aussi à concrétiser la déclinaison dans les territoires de l’approche mise en avant par le Conseil national de la refondation (CNR) Santé, sur la consolidation de la permanence des soins ou sur l’émergence de stratégies territoriales, via les conseils territoriaux de santé (CTS) ou le coup d’accélérateur donné aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Vous l’aurez compris, la souplesse, le dialogue, la coopération et la mobilisation de toutes les énergies dans les territoires s’érigent comme le fil conducteur de ce texte. Avec douze dispositifs territoriaux en matière de santé, qui s’interposent entre le cabinet du médecin et l’agence régionale de santé (ARS), notre système a besoin de retrouver de la simplicité et de la lisibilité, pour une meilleure efficacité.

Tel est l’objet des deux premiers articles du texte, qui tendent à faire du territoire de santé le périmètre de référence de la déclinaison localement des politiques de santé. Les territoires de santé seront les lieux de la pérennisation des CNR territoriaux.

L’article 1er prévoit ainsi que le CTS prend corps, en ayant la responsabilité de la définition des objectifs prioritaires du territoire de santé, tels que les besoins de couverture territoriale en permanence des soins ou la juste répartition des forces médicales. Rappelons que le CTS, qui réunira l’ensemble des parties prenantes, n’est pas une création, puisque son cadre légal a été posé par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. S’il s’agit actuellement d’une coquille souvent vide, il sera demain le lieu où s’élaboreront collectivement les stratégies locales en matière de santé. Le dispositif proposé affirme en effet le caractère collectif de la responsabilité des professionnels de santé.

De plus, le texte prévoit de responsabiliser les acteurs de terrain sur la nécessaire réduction des inégalités de densité démographique. C’est primordial, à l’heure où plus de 1 600 000 de nos concitoyens renoncent chaque année à des soins médicaux et où plus de 11 % d’entre eux n’ont pas de médecin traitant.

Associer l’ensemble des parties prenantes d’un territoire dans l’élaboration du projet territorial de santé est également fondamental. Tous les acteurs – élus, préfets, directeurs généraux d’ARS et leurs services, représentants des établissements sanitaires et médico-sociaux, libéraux au sein des CPTS – doivent orienter et coordonner la politique locale de santé sur le territoire. C’est le sens de la disposition qui élargit la composition du conseil territorial de santé.

Nous voulons aussi renforcer les dynamiques de collaboration et d’organisation territoriale, en nous appuyant sur ce qui a pu être fait pendant la crise du covid-19. C’est pourquoi l’article 3 vise à rattacher automatiquement les professionnels de santé et les centres de santé à une CPTS du territoire auquel ils appartiennent. Il existe aujourd’hui environ 800 CPTS, avec des niveaux de développement très hétérogènes. La mesure que je propose permettra d’accélérer leur déploiement. Elle résonne avec la volonté exprimée par le Président de la République à Vendôme, que, d’ici à la fin de l’année, tout le territoire soit couvert par une CPTS, et ce, en respectant le libre choix de chaque professionnel de s’inscrire ou pas dans cette dynamique, en lui reconnaissant la possibilité de s’affranchir de cette intégration.

Je sais combien l’amélioration de notre système de santé ne peut se faire sans une refonte du dispositif de la permanence de soins en établissement de santé. La loi Rist en a posé les bases, en inscrivant le principe de la responsabilité collective garantissant l’accès aux soins en ambulatoire à toute la population. Nous devons désormais mettre en œuvre cette responsabilité collective pour la permanence des soins en établissement.

Il convient ainsi de réduire la pression sur l’hôpital – elle est trop souvent la seule lumière allumée sur les territoires –, même si je n’oublie pas que 40 % des généralistes pour l’ambulatoire assurent eux aussi des gardes. La permanence des soins devant être l’affaire de tous les professionnels, nous devons rééquilibrer le dispositif entre le secteur public et le secteur privé. C’est toute l’ambition de l’article 4.

Par ailleurs, issu de la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HSPT », le contrat d’engagement de service public (CESP), visant à encourager les jeunes médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés, demeure perfectible. Ainsi, le nombre de contrats signés a fortement chuté entre 2017 et 2021, avec une diminution de plus de 40 %. C’est une évolution très regrettable pour les Français habitant dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante.

L’article 5 rénove le CESP. Il l’ouvre à tous les professionnels en médecine, en odontologie, en maïeutique et en pharmacie, à l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé, pour les inciter à un exercice pérenne en zone sous-dotée.

Le maintien de l’offre de soins dans un territoire donné doit aussi passer par une meilleure intégration des praticiens formés hors de l’Union européenne. Une réforme de leur statut a été votée en 2019, mais, encore aujourd’hui, ces praticiens, indispensables à certains services, rencontrent des difficultés pour obtenir un poste. Les articles 9 et 10 proposent de faciliter leur exercice, en prévoyant de nouvelles autorisations d’exercice provisoire et une nouvelle carte de séjour pluriannuelle.

Encourager la titularisation des néo-diplômés, qui tendent à s’installer de plus en plus tard, est également prévu dans cette proposition de loi. L’article 7 vise à interdire l’exercice de l’intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux, ainsi que dans les laboratoires de biologie médicale. Cette mesure vise à lutter contre les excès de l’emploi temporaire, qui rendent de plus en plus difficile le recrutement sur des postes pérennes, aussi bien dans les établissements de santé que dans les cabinets de ville.

Mais, chers collègues, transformer notre système de soins doit aussi nous conduire à nous attaquer à certaines des difficultés qui rongent l’hôpital public. Si l’instauration des groupements hospitaliers de territoire (GHT), en 2009, a été un véritable big bang organisationnel du secteur hospitalier, ces derniers n’ont pas toujours correspondu aux réalités territoriales.

L’article 6 permettra aux GHT qui ont atteint une maturité suffisante d’acquérir une personnalité morale, ce qui simplifiera la conduite de projets à l’échelle du groupement. Il est également proposé d’étendre les compétences du conseil de surveillance, pour en faire un véritable lieu de débat sur la gestion et l’offre de soins de l’hôpital, en lien avec le territoire.

Enfin, dans le sillage de l’affaire Orpea, l’article 8 renforce le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent. Il tend à élargir le périmètre des institutions en mesure de les contrôler, dans un contexte où les ARS n’ont ni les moyens ni l’expertise pour tout faire.

Pour conclure, j’ai la conviction que les mesures portées par ce texte permettront d’apporter certaines solutions concrètes aux enjeux actuels de notre système de soins en ville et à l’hôpital. Il est urgent d’agir maintenant pour améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes auditionnées – les représentants des médecins, des infirmiers et des étudiants, les ordres des professions de santé, les représentants des élus locaux, les fédérations hospitalières – pour leur collaboration et pour leur contribution.

Nous nous devons de prendre en main la santé de nos concitoyens, qui sont les premiers perdants face à un système aujourd’hui à genoux. Je remercie aussi mon groupe – Horizons et apparentés –, ainsi que les deux cents députés cosignataires de cette proposition de loi, pour leur confiance et leur soutien.

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-François Rousset (RE). Nous partageons tous l’essentiel du diagnostic : l’offre médicale n’est pas suffisante. Chacun le constate dans sa circonscription, nous manquons de médecins et de soignants : 700 000 malades ayant une affection de longue durée n’ont pas de médecin ; 1 600 000 Français renoncent aux soins chaque année.

Jusqu’en 2018, le nombre de médecins formés était limité, tous les ans, par le numerus clausus. Après des années de tergiversations, nous l’avons supprimé. En 2021, 1 675 étudiants ont été admis en deuxième année de médecine, soit une augmentation de 24 % par rapport à 2018. Dans l’intervalle – entre le moment où nous avons supprimé le numerus clausus et le jour où ces jeunes médecins exerceront –, nous prenons toutes les mesures organisationnelles qui nous semblent adaptées. Nous souhaitons surtout éviter toute mesure contradictoire, en particulier celles qui entraîneraient une perte d’attractivité sur ces professions déjà en tension.

Tel est le cas de la régulation de l’installation. Selon un rapport du Sénat et selon la conclusion des travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), toutes les études internationales concluent à l’échec de ce type de mesure Pire, les dernières enquêtes sur les jeunes médecins nous indiquent qu’en cas de coercition, 10 % d’entre eux partiraient à l’étranger, et un grand nombre de ceux exerçant en France choisiraient d’aller vers des entreprises qui convoitent leurs compétences, par exemple les laboratoires. En tout cas, ils n’exerceront pas la médecine générale dans nos communes.

Il nous faut donc faire preuve de prudence. Vous le savez comme moi, les mesures faciles et évidentes sont rarement les plus efficaces. Elles font plaisir et donnent l’impression d’apporter une réponse rapide, mais une telle réponse aura des conséquences dramatiques, similaires à celles que nous subissons actuellement, depuis le vote du numerus clausus dans les années 1970. Nous, nous n’agissons ni sous le poids du corporatisme ni dans une logique démagogique. L’objectif de notre groupe est d’obtenir des résultats, pour retrouver le plus vite possible un maximum de médecins dans la commune. C’est pourquoi le groupe Renaissance votera cette proposition de loi.

M. Thierry Frappé (RN). L’ensemble des lois relatives à la santé dont nous avons débattu amènent toutes à un constat simple : la situation actuelle dans l’offre des soins se dégrade. Il faut donc agir. Si ces lois veulent répondre aux besoins existants, elles négligent l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent nos concitoyens : le manque de professionnels sur le territoire.

Votre première tentative d’une loi sur l’accès aux soins pour tous a mis les syndicats de médecins dans la rue. Avez-vous compris la colère des professionnels, qui tirent la sonnette d’alarme face aux difficultés quotidiennes de leur exercice ? Rappelons-le, 6 millions de Français sont sans médecin traitant généraliste, alors que ces derniers travaillent en moyenne cinquante-cinq heures par semaine, et que 51 % d’entre eux présentent des signes de burn‑out. Est-ce alarmant ? Évidemment. S’y ajoutent 20 % à 30 % de charges administratives et une augmentation inédite des agressions déclarées, de plus en plus violentes, sur l’ensemble des professionnels de santé.

La loi proposée est un cocktail de bureaucratie, ignorant tout du travail d’un praticien de santé. Surcharge administrative ? Vous voulez créer un CTS qui fera peser sur les professionnels installés la responsabilité collective de l’accès aux soins. Vous rendez obligatoire l’adhésion à des CPTS, au mépris du droit commun des contrats et de l’idée initiale d’une adhésion volontaire. Surcharge de travail ? Vous rendez les permanences de soins obligatoires sur tout le territoire national et à tous les professionnels de santé, alors que nombre d’entre eux approchent de leur retraite, que vous risquez de précipiter. Manque de reconnaissance ? Vous réformez les CESP pour les jeunes médecins, sans revaloriser l’allocation. Manque de moyens humains ? Vous allez accorder un titre de séjour à des extra‑européens, sans même redonner envie à nos compatriotes d’exercer dans leur propre pays. Ce texte ne répondant pas aux attentes, les différents groupes ont déposé de nombreux amendements.

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Trouver un médecin, pouvoir être soigné correctement à une distance raisonnable de son domicile, telle est la première préoccupation des Françaises et des Français. Depuis dix ans, nous avons perdu 7 000 généralistes libéraux et 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant ; plus de 8 millions de Français habitent dans un désert médical. Il est plus que temps de prendre à bras-le-corps les problématiques d’accès aux soins.

C’est d’ailleurs ce qu’a entrepris le groupe de travail transpartisan lancé par Guillaume Garot : des députés allant du groupe Les Républicains à la NUPES travaillent ensemble depuis presqu’un an, et ont élaboré une proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux. Nous regrettons donc le choix de ne pas inscrire cette proposition à l’ordre du jour, alors qu’elle recueille plus de deux cents signatures de députés de tous bords et que la pétition demandant son inscription à l’ordre du jour a atteint des dizaines de milliers de signataires.

Nous profiterons cependant de ce texte pour mettre au débat les mesures qui sont présentées dans la proposition de loi transpartisane. En effet, la réorganisation territoriale en matière de santé proposée par le texte de M. Valletoux répondra peu à la situation d’urgence que connaissent nos territoires. Par exemple, vous proposez qu’il revienne aux CTS de définir les objectifs prioritaires d’accès aux soins et d’appliquer le plan territorial de santé : pourquoi pas, mais avec quels médecins ? Et comment assurer l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, si la gouvernance se situe uniquement à l’échelon local ?

Cette réorganisation territoriale ne peut fonctionner que si elle est accompagnée de mesures fortes, afin de flécher l’installation des professionnels de santé, dans l’objectif de mieux les répartir sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, faute de remplaçants, 12 000 médecins exercent encore, alors qu’ils ont dépassé l’âge de la retraite. Certes, vous rêvez de faire travailler les gens jusqu’à 80 ans, mais tel n’est pas notre cas. Je proteste aussi vivement sur le fait que nos amendements ouvrant droit au CESP dès la première année, sur critères sociaux ou territoriaux, aient été déclarés irrecevables. Notre position sur ce texte dépendra donc largement de l’adoption d’un certain nombre d’amendements, permettant de l’enrichir.

M. Paul-André Colombani (LIOT). La proposition de loi de notre collègue Frédéric Valletoux vise à améliorer l’accès aux soins. Cet objectif semble être devenu une sorte de mantra que nous répétons régulièrement, puisque nous assistons, dans cette commission, à un véritable défilé de textes qui s’en saisissent. Immanquablement, les propositions qu’ils contiennent suscitent la circonspection de nos concitoyens et un profond mécontentement de la part des professionnels de santé. Il faut dire que tous constatent une véritable impuissance de la part des pouvoirs publics face au délitement de l’offre de soins.

Le déficit d’accès aux soins se fait de plus en plus prégnant et la désertification médicale gagne chaque jour du terrain. Je tiens à vous alerter sur la lassitude et sur la souffrance des acteurs de la médecine libérale. Elle porte un regard inquiet et méfiant envers ce texte. Elle estime que nous allons lui porter un nouveau coup de grâce administratif, en ajoutant des lourdeurs à un secteur où les procédures sont déjà nombreuses. L’article 1er est symptomatique de notre faculté à créer des usines à gaz, qui accumulent des échelons administratifs dont nous ne comprenons pas bien à quoi ils pourraient servir. C’est précisément de l’inverse que nous avons besoin : de la simplification administrative, pour dégager du temps médical disponible.

De même, il n’est pas raisonnable de faire peser sur les épaules de la médecine de ville la responsabilité politique du manque de moyens alloués à des hôpitaux exsangues, de la fermeture de lits, de services d’urgence ou de maternités. Les mêmes causes produisent les mêmes effets et les mêmes maux. L’hôpital et de la médecine de ville sont des vases communicants. Je reviendrai plus en détail sur les dispositions que contient ce texte en défendant mes amendements. Il me semble urgent de changer de prisme : nous devons cesser de penser pouvoir guérir un mal aussi profond en posant des pansements sur des jambes de bois.

M. Philippe Vigier (Dem). Je le dis à notre collègue du groupe Rassemblement national, sur ce sujet, il n’y a pas matière à renoncement. Or ce qui ressort précisément de son intervention, c’est du renoncement, et pas de propositions. Je le dis avec beaucoup d’humilité, depuis que je suis cette terrible question, j’ai vu toutes les majorités se fracturer, les unes après les autres, parce qu’elles étaient incapables de faire en sorte que l’on puisse avancer. Il y a tout de même eu deux avancées : le numerus apertus, qui n’a pas été supprimé mais que l’on a augmenté, et la création des CPTS – un élément fédérateur très important.

Un gros travail a été accompli, tant au sein d’un groupe transpartisan dont je fais partie que par Frédéric Valletoux. Faisons preuve d’intelligence collective et soyons capables, les uns et les autres, d’aboutir à un texte solide, permettant d’apporter un certain nombre de pistes. Vous observerez d’ailleurs, monsieur le rapporteur, que nous n’avons déposé aucun amendement visant à détricoter des mesures que vous avez prises ou que vous proposez ; nous présentons des mesures complémentaires ou différentes.

Je suis surpris, madame la présidente, de voir que beaucoup d’amendements ont trépassé, au titre de l’article 40 de la Constitution. Certains d’entre eux portaient sur le CESP, instauré en 2015, que l’on veut pourtant élargir : il faudra nous donner des explications. Il en a été de même pour les propositions d’expérimentations : quel dommage ! Pourtant, il y a quelques jours, des textes bien plus lourds n’ont pas eu à passer sous de telles fourches caudines. J’invite chacun à réfléchir à tout cela.

M. Guillaume Garot (SOC). Cela a été dit, la désertification médicale concerne 6 millions de Français. Vivant dans un territoire où ils peinent à trouver un médecin, ils n’ont donc pas de médecin traitant. C’est un enjeu politique majeur, car cette situation est vécue comme une insécurité sociale, dans le pays qui a fait de la sécurité sociale l’un des fondements de son vivre ensemble. C’est aussi un enjeu républicain, car la désertification médicale est perçue comme un sentiment d’abandon par la République, qui échoue à garantir cette formidable promesse d’égalité, qui était celle de 1945, dans l’accès aux soins et à la santé.

Cela a été dit, en juillet dernier, j’avais pris l’initiative de constituer un groupe de travail transpartisan sur cette question. Il a réuni des députés de gauche, de droite et du centre, animés du souci de réussir à trouver des solutions qui puissent nous rassembler, dans une intelligence collective. Nous avons rédigé ensemble une proposition de loi transpartisane, signée par 205 députés issus de toutes les sensibilités républicaines de l’Assemblée. Nous avons demandé, à plusieurs reprises, que ce texte puisse être inscrit à l’ordre du jour, mais nous n’avons pas été entendus. Nous profitons donc de la proposition de loi présentée aujourd’hui Frédéric Valletoux pour essayer de l’enrichir.

Je veux remercier Frédéric Valletoux du dialogue de qualité qu’il a ouvert avec nous. Je le dis d’emblée, en commission, nous ne présenterons pas d’amendements sur la régulation proprement dite : nous réservons ce débat à la séance publique. Nous essaierons d’améliorer les choses sur d’autres aspects fondamentaux. Nous souhaitons un débat sans dogmatisme, avec le souci de rechercher des solutions efficaces.

M. Paul Christophe (HOR). Notre pays connaît, depuis plusieurs décennies, une distorsion au sein du système de santé. Cet effet de ciseau entre l’offre de soins et la demande trouve sa source dans la pénurie de médecins que nous connaissons, qui se conjugue elle-même à une augmentation de la population et à son vieillissement. Face à ce constat criant et à une situation qui ne cesse de s’aggraver, la majorité et le Gouvernement ont, dès 2019, supprimé le numerus clausus et proposé la mise en place de nombreux dispositifs, avec la stratégie Ma santé 2022. À titre d’exemple, cela s’est notamment traduit par le déploiement de 1 000 CPTS, ou encore par la création de l’aide à l’embauche d’assistants médicaux dans les cabinets libéraux.

Dans l’objectif de promouvoir un égal accès aux soins pour tous, les solutions nationales précédemment citées doivent être complétées par des initiatives locales, afin que les réponses apportées correspondent aux besoins de chaque territoire. Par la présente proposition de loi, portée par notre collègue Frédéric Valletoux et par notre groupe Horizons et apparentés, nous souhaitons que les soignants, en ville ou à l’hôpital, puissent se coordonner entre eux pour trouver des solutions adaptées à leurs enjeux d’organisation des soins locaux : en renforçant les missions du CTS ; en rattachant chaque professionnel de santé aux CPTS ; en rendant effective la participation de tous à la permanence de soins ; en interdisant l’intérim aux professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière.

Cette proposition de loi participe ainsi au chantier entamé depuis 2017, par la refonte de notre système de santé. Elle garde comme ambition une amélioration de l’accès aux soins des Français, en tenant compte des changements d’aspiration des professionnels de santé. En complément, le groupe Horizons et apparentés portera cinq amendements partageant les objectifs de cette proposition de loi. Ils visent notamment à l’ouverture de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux aux maisons de santé et aux cabinets libéraux en zone sous-dense, à la définition du médecin coordonnateur en Ehpad comme médecin traitant du résident et à lutter contre le nomadisme médical. Nous proposons ainsi des solutions concrètes, pour un renforcement durable de notre système de santé, devenu – comme le rappelle très justement notre rapporteur – la première préoccupation des Français, comme un écho aux 6 millions de citoyens en l’absence de médecin traitant.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le texte que nous étudions aujourd’hui ambitionne de faire du territoire de santé l’échelon privilégié du pilotage des politiques de santé et d’accès aux soins. En ce sens, nous considérons qu’il va dans la bonne direction. Il tend vers une gouvernance construite sur une logique populationnelle, où l’offre est déterminée en fonction des besoins en santé du territoire. Le groupe Écologiste fait toutefois part de son étonnement, alors que cette proposition de loi abandonne, en cours de route, d’autres pistes pour améliorer l’offre de soins.

Ces pistes avaient été avancées dans une première proposition de loi, dont M. Valletoux était déjà le rapporteur. Nous nous interrogeons donc : que s’est-il passé, pour que le présent texte ne reprenne ni la levée du parcours de soins coordonnés pour les patients sans médecin généraliste, ni la régulation à l’installation des médecins via l’ARS ? Quoi qu’il en soit, nous devons être lucides, la démographie médicale sera en berne pour quelques années encore. Ainsi, ni la première proposition de loi, ni l’actuelle ne permettront de répondre à la problématique de l’accès aux soins.

La pénurie inédite de médecins que nous subissons est le résultat de trente ans de manquements de l’État à ses obligations en matière d’égal accès aux soins, que ce soit par une régulation du numerus clausus, incapable d’anticiper les besoins, ou par un objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2023 qui ne dépasse même pas l’inflation.

Ma circonscription, la Dordogne, n’échappe pas à cet abandon : les accueils de nos quatre centres hospitaliers sont forcés d’être régulés par le 15, faute de personnel disponible, et la maternité de Sarlat est en danger. Puisque nous allons inexorablement manquer de médecins jusqu’en 2030, quelle réponse apporter aux 8 millions de Françaises et de Français privés de soins ?

Si le texte est porteur de quelques avancées, le groupe Écologiste fera plusieurs propositions, pour une gouvernance qui remette les besoins et l’accès digne aux soins au cœur de ses priorités. Nous appellerons ainsi à faire de l’espérance de vie en bonne santé un objectif de la politique de santé de la nation, à expérimenter un dispositif de contractualisation pluriannuel entre les acteurs de la santé, autour de certains objectifs prioritaires, ou à lancer une loi de programmation pluriannuelle pour la santé.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). D’abord, je dois dire que je suis ravi d’être ici, avec vous, pour délibérer sur un sujet important : je me réjouis que cette proposition de loi ait passé l’article 40. Je me réjouis aussi d’être ici avec vous pour examiner un certain nombre d’amendements – cela n’a pas toujours été aussi simple dans la période récente. Tout à l’heure, il a été signalé qu’un certain nombre d’amendements avaient été écartés. Moi aussi, cher Philippe Vigier, je le regrette, ce d’autant que nous avons eu un débat relativement restreint sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), alors qu’il constituait l’occasion de discuter d’un certain nombre d’enjeux auxquels nous devons faire face.

Je m’interroge cependant sur la manière dont le Gouvernement lui-même a annoncé qu’il allait s’emparer de cette proposition de loi, en en faisant l’un de ses véhicules. Cette méthode me semble être problématique, puisqu’elle lui permet de s’exonérer d’un certain nombre de ses obligations liées au dépôt d’un projet de loi. Nous verrons ce qu’il en est.

Sur le fond, je reste un peu circonspect devant le texte proposé, et assez dubitatif sur sa capacité à faire face aux enjeux considérables d’accès aux soins auxquels notre pays est confronté. Si vous pointez la responsabilité collective des acteurs locaux – nous soutenons pour notre part le développement de la démocratie sanitaire en nous demandant d’ailleurs pourquoi ce terme a disparu de votre proposition de loi –, vous oubliez de faire de même avec la responsabilité de la puissance publique, celle de l’État, quant à l’accès aux soins et au droit à la santé. J’aurai l’occasion de revenir sur un certain nombre d’enjeux, comme celui du développement des centres de santé, puisque, avec Guillaume Garot ou d’autres, nous avons déposé des amendements.

M. le rapporteur. Nous intervenons dans un contexte particulier pour notre système de santé, avec des tensions multiples, démographiques et budgétaires, héritées du passé. Il ne s’agit pas de rechercher des responsabilités : nous avons collectivement le devoir de répondre à la question concrète de nos concitoyens : comment accéder à un médecin ? Comment être suivi dans son parcours de soins ? Il n’y a pas de réponse magique : à problème complexe, réponses multiples. J’espère que ce débat nous permettra non pas de modifier radicalement notre système de santé mais au moins d’en faire bouger les lignes.

Nous estimons que le temps est venu de faire confiance aux acteurs de terrain : il faut donc bien que ceux-ci se parlent. Or la difficulté tient à un manque de lieux où élaborer collectivement des stratégies de santé. Nous proposons donc de nous appuyer sur une instance existante, le CTS, et non de créer un échelon administratif de plus. Il s’agit d’en faire un lieu de coopération entre soignants, collectivités locales, État et organismes de la sécurité sociale, qui pourront ainsi faire converger leurs points de vue, se doter de priorités et les mettre en œuvre afin de décloisonner notre système de santé.

Le présent texte s’inscrit dans une démarche transpartisane engagée depuis plusieurs mois, comme l’illustre l’initiative de Guillaume Garot. Tant mieux si nous arrivons à faire converger les points de vue vers des solutions qui nous permettront d’apporter notre modeste pierre à l’amélioration des sujets de santé.

La force de notre système de santé est de reposer non seulement sur la médecine libérale, mais aussi sur la médecine publique. Il faut donc juger l’intérêt de ce texte en ayant une approche globale. J’ai beaucoup de respect pour la médecine libérale mais elle n’est pas l’alpha et l’oméga de notre système de santé. Il existe une pluralité d’acteurs, qu’il nous revient d’essayer de coordonner pour avancer ensemble.

Nous ne cherchons pas à faire porter aux acteurs de terrain la responsabilité des politiques de l’État, ni à exonérer ce dernier de la nécessité de définir des stratégies au niveau national. Notre objectif est de confier aux acteurs de terrain le soin d’organiser leur déclinaison territoriale. Le temps est venu de sortir d’un système éminemment jacobin pour enfin donner des marges de manœuvre et d’adaptation aux acteurs de terrain. Eux savent mieux que quiconque comment répondre à la demande de soins et de prise en charge des Français.

C’est l’intelligence collective qui nous permettra d’avancer en faisant émerger des solutions porteuses de sens pour les professionnels de santé et pour les Français. La principale difficulté de notre système de santé tient à la démographie médicale : nous n’avons pas assez de professionnels de santé pour répondre aux besoins et les années qui viennent s’annoncent encore plus difficiles, avec des tensions extrêmes. Mieux faire travailler les uns et les autres, offrir des éléments de souplesse pour inventer des prises en charge différentes, tout cela nous permettra d’apporter une réponse concrète. Néanmoins, il ne faut pas s’opposer par principe aux professionnels de santé parce que s’ils décident de poser leurs valises, nous voterons de belles lois qui ne serviront pas à grand-chose.

Il y a en effet des petites différences avec le texte initial de Thomas Mesnier. Faire croire aux Français que nous pourrons mieux organiser le système par un mécanisme d’installation régulée est une fausse solution. Il peut être utile à terme, lorsque davantage de soignants et de médecins commenceront leur exercice, de veiller à ce que le système ne reproduise pas les erreurs du passé. Mais dans une période de pénurie comme celle que nous allons encore connaître pendant une période de cinq à dix ans, toute volonté de mieux répartir les médecins est vouée à l’échec.

Article 1er : Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Amendement de suppression AS105 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). La création d’un CTS alourdirait le travail administratif des professionnels de santé, particulièrement les médecins libéraux. Ce nouvel organe vient s’ajouter aux CPTS et aux équipes de soins primaires, qui ne permettent pas de faire face à la désertification médicale. Nous nous interrogeons sur l’utilité d’un tel article, lequel donne aux professionnels de santé la responsabilité de l’offre de santé et de sa régulation sur le territoire. Cela ne répond ni à leurs missions ni à leurs besoins, alors qu’ils sont déjà en surcharge de travail.

M. le rapporteur. Avis défavorable car l’article 1er est le moteur de ce texte. Le CTS n’est pas un organe supplémentaire : il existe, même s’il ne sert parfois pas à grand-chose. L’objectif est d’organiser un lieu où les parties prenantes, publiques comme privées, pourront partager ensemble des stratégies. Il est difficile de poursuivre un objectif de meilleure coordination, de décloisonnement et d’adaptation du système de santé aux besoins du territoire si l’on ne crée aucun lieu où les uns et les autres discutent. Il ne s’agit pas de créer une coquille vide, au contraire : l’article 1er fixe des compétences très précises en matière de permanence des soins ou de répartition des forces médicales dans un territoire.

M. Philippe Vigier (Dem). Si vous supprimez l’article 1er, vous m’expliquerez comment proposer à des professionnels de santé de s’organiser pour améliorer l’offre de soins dans les territoires. La permanence des soins est une erreur stratégique grave, faite il y a plus de vingt ans. On a fait mieux : en 1998, sous l’égide de Mme Aubry, on a encouragé les médecins à partir à la retraite avec le mécanisme d’incitation à la cessation d’activité. Les professionnels veulent se retrouver autour d’une table avec les collectivités et l’assurance maladie : laissons-les s’organiser ! Les CPTS sont d’ailleurs un succès. Si vous supprimez l’article 1er, vous videz le texte de sa substance. Une fois de plus, vous êtes dans la destruction et non dans la proposition.

M. Jean-François Rousset (RE). Il serait dommage de supprimer un article visant à faire vivre un lieu de dialogue existant.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS593 de Mme Mathilde Hignet, AS596 de M. Hadrien Clouet et AS666 de M. Jean-Carles Grelier (discussion commune).

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Nous souhaitons que l’article 1er, qui change de manière significative le fonctionnement territorial de la politique d’offre de soins, fasse l’objet d’une expérimentation car nous ne disposons d’aucune étude d’impact pour en évaluer les conséquences. De plus, nous proposons que l’intervention de l’ARS ait lieu en référence au plan régional de santé, qui reste la feuille de route pour répondre aux besoins définis par le diagnostic territorial de santé.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il s’agit d’expérimenter les dispositions de l’article 1er dans six départements pendant cinq ans. En renforçant une structure qui pourrait déterminer par elle-même son propre périmètre, votre texte renvoie l’ARS au second rang, créant le risque de compliquer l’effort de convergence entre territoires. L’expérimentation permettrait de répondre à cette crainte.

Par ailleurs, cette nouvelle structure à périmètre variable pourrait conduire à des ruptures d’égalité devant les soins : en effet, dans certains territoires, des réseaux de professionnels de santé qui préexistent vont s’emparer de cet espace pour travailler ensemble, contrairement à d’autres territoires où ces réseaux n’existent pas.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Ces périmètres, même s’ils n’ont pas été actionnés avec la même vitalité selon les régions, existent depuis 2016. Il faut laisser le temps aux acteurs de les réorienter eux-mêmes. Je ne prétends pas que faire dialoguer les personnes dans les CTS résoudra le problème du jour au lendemain mais, face à l’urgence, je ne vois pas l’utilité d’attendre pour améliorer le décloisonnement et l’efficacité du travail en commun dans le pays. Il n’est ni utile ni nécessaire d’en passer par une expérimentation.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Si nous faisons cette demande, c’est parce que nous ne disposons pas de bilan de l’existant ni d’étude d’impact. J’entends qu’il y a urgence mais faire les choses dans le désordre revient souvent à commettre des erreurs, qu’il faudra ensuite rectifier, avec le risque que cela érode la confiance et l’accès aux soins. Il est très important d’aller vérifier sur le terrain ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS389 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’article 1er procède à une forme de retour en arrière en substituant à la notion de « territoires de démocratie sanitaire » celle de « territoires de santé ». Nous nous interrogeons sur la portée pratique de cette substitution. En outre, sa portée symbolique n’est pas anodine puisqu’elle peut sous-entendre l’échec, voire la fin de la démocratie sanitaire. Or, quels que soient les écueils, la notion de territoire de démocratie sanitaire signifie que les politiques territoriales de santé doivent être mises en place dans la concertation avec l’ensemble des acteurs de santé.

M. le rapporteur. Étant, comme vous, un défenseur de la démocratie sanitaire, je suis convaincu que c’est aussi par ce biais que notre système de santé doit progresser. Il s’agit juste de mettre en cohérence des dénominations – territoire de santé, conseil du territoire de santé, projet du territoire de santé. J’ai soumis cette remarque à France Assos Santé, qui rassemble l’ensemble des associations de patients : elle n’a rien trouvé à redire.

Le sujet n’est pas là : il s’agit de faire réellement vivre la concertation, en donnant du poids et du sens aux conseils territoriaux de santé, et non de faire un simple affichage. La démocratie sanitaire est incarnée dans la proposition de loi. Je suis pour la cohérence.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis un peu étonné par la réponse du rapporteur. Puisque le terme ne change rien aux pratiques, alors autant le conserver ! En outre, vous dites que la démocratie sanitaire s’incarne plus qu’elle ne se dit : raison de plus de la dire et de l’incarner ! Vos deux arguments sont des motifs d’adoption de cet amendement.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas entendu le motif de cohérence et de lisibilité que j’ai mis en avant. Nous connaissons tous l’enchevêtrement des procédures et des termes complexes, dont plus personne ne sait très bien ce qu’ils recouvrent.

Territoire de santé, conseil territorial de santé, projet territorial de santé : c’est extrêmement lisible et cohérent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS457 de Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. L’amendement vise à préciser que le conseil territorial de santé doit tenir compte de l’organisation des GHT. Ces derniers ont fait la preuve de leur efficacité lors de la crise sanitaire. L’objectif est de ne pas ajouter des couches successives et de tenir compte le mieux possible de la géographie de ces groupements.

M. le rapporteur. Si l’on veut que les acteurs de terrain se sentent le mieux possible, il ne faut pas que la loi contribue à rigidifier l’exercice de périmétrage. Les GHT sont de tailles très différentes, certains dépassant même les frontières départementales. Il n’est pas souhaitable d’harmoniser des périmètres qui n’ont pas vocation à l’être. Le GHT définit la stratégie publique pour organiser une prise en charge, depuis la proximité jusqu’aux plateaux techniques les plus élaborés ; la définition d’un territoire n’est donc pas nécessairement superposable à celle d’un bassin de vie.

Demande de retrait car cet amendement n’améliore pas la lisibilité de la démarche.

Mme la rapporteure générale. Il me paraît essentiel de rappeler l’importance du rôle joué par les GHT et la nécessité de ne pas ajouter de nouvelles couches. Cela étant, j’entends vos arguments et je retire cet amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Il faut éviter de créer des rigidités. Les GHT ont le statut d’établissement public. Si on veut réussir un jour, il faudra décloisonner totalement le public et le privé. Dans mon territoire, le GHT travaille avec une partie d’un autre département : imaginez les contraintes si un cadre trop strict était adopté !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je suis en désaccord avec cet amendement car je ne suis pas sûr que les GHT puissent constituer l’ossature de l’organisation territoriale de santé, d’autant plus que ces GHT sont extrêmement divers en taille et dans l’étendue de leurs activités. Je vous invite à lire le rapport sur les GHT que j’ai corédigé avec Marc Delatte au nom de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

M. le rapporteur. J’ai lu ce rapport, qui apporte en effet la démonstration qu’il faut être prudent concernant les périmètres des GHT.

L’amendement est retiré.

Amendements AS100 et AS101 de M. Thierry Frappé, amendement AS748 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune).

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement AS100 vise à augmenter la fréquence d’analyse des délimitations de territoire. Il paraît nécessaire de la réaliser annuellement, et non tous les trois ans, afin de permettre aux CTS d’anticiper l’offre de soins sur le territoire considéré. L’idée est d’apporter des réponses de manière rapide et efficace aux demandes du territoire en analysant de façon régulière les divers besoins. L’amendement AS101 est un amendement de repli ayant pour objet de fixer cette fréquence à deux ans.

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel. Il vise à préciser que ce sont les membres siégeant au sein des conseils territoriaux qui pourront redéfinir les limites des territoires de santé, en lien avec l’ARS.

S’agissant des deux autres amendements, il ne me paraît pas utile de rigidifier le fonctionnement des territoires de santé. La mise en œuvre de priorités en matière de santé est une stratégie à long terme : la révision annuelle des périmètres introduirait de l’instabilité alors que les professionnels ont besoin de temps.

La commission rejette successivement les amendements AS100 et AS101.

Puis elle adopte l’amendement AS748.

En conséquence, les amendements AS1 de M. Guillaume Garot, AS391 de M. Pierre Dharréville, AS290 de M. Christophe Bentz, AS2 de M. Guillaume Garot, AS102 de M. Thierry Frappé, AS393 de M. Yannick Monnet, AS48 de M. Yannick Neuder, AS410 de Mme Joëlle Mélin, AS390 de M. Yannick Monnet et AS103 de M. Thierry Frappé tombent.

Amendement AS749 de M. Frédéric Valletoux, sous-amendements AS762 de M. JeanFrançois Rousset, AS765 de M. Sébastien Peytavie et AS761 de Mme Servane Hugues.

M. le rapporteur. Mon amendement vise à consolider la rédaction de l’article 1er en y intégrant les dispositions de l’article 2 – je proposerai donc, par cohérence, un amendement de suppression de ce dernier – relatives à la composition des CTS. Il s’agit de corriger un oubli rédactionnel de ma part en rétablissant la présence d’un représentant des comités de massif concernés, comme le prévoit la loi actuellement.

M. Jean-François Rousset (RE). Mon sous-amendement vise à associer les représentants des guichets uniques départementaux à la démarche de concertation relative à l’organisation territoriale de santé dont la gouvernance est assurée par le CTS. L’objectif est de prendre en compte les dispositifs d’aides à l’installation dans la définition de l’équilibre territorial de l’offre de soins.

M. Sébastien Peytavie (Écolo - NUPES). Mon sous-amendement a pour objet d’ajouter les représentants des associations de permanence des soins, du service d’accès aux soins et des équipes de soins spécialisés à la liste des participants au CTS.

M. Jean-François Rousset (RE). Les proches aidants contribuent à l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Étant présents au quotidien à leurs côtés, ils sont les premiers à avoir connaissance de l’évolution de leur état de santé. Le sous‑amendement AS761 a pour objet d’inclure leurs représentants dans les CTS pour leur permettre de participer à l’organisation des parcours de santé des personnes aidées.

M. le rapporteur. Les sous-amendements me semblent satisfaits par la rédaction actuelle du texte, qui est suffisamment large pour inclure l’ensemble des parties prenantes.

Demande de retrait.

La commission adopte successivement les sous-amendements et l’amendement sousamendé.

Amendement AS608 de M. Hadrien Clouet.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous proposons de s’assurer que les CTS prendront en compte les usagers en situation de handicap. En effet, la notion de handicap recouvre des situations très diverses, et il est important de ne pas agir sans impliquer les personnes concernées, au risque d’agir contre elles.

M. le rapporteur. L’amendement AS749 permet de couvrir l’ensemble des parties prenantes, sans avoir besoin d’en dresser la liste. Votre amendement est donc satisfait. Je vous propose de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS607 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). En plus de la commission spécialisée dans la santé mentale, nous proposons de doter le CTS d’une commission pour chaque spécialité médicale en carence dans un territoire.

L’exposé des motifs de la proposition de loi fait ouvertement état de la gravité de la situation : « 25 % des médecins spécialistes couvrent 5 % du territoire ; une quarantaine de départements sont aujourd’hui sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 habitants ». Certaines spécialités sont plus touchées que d’autres, parmi lesquelles figurent la psychiatrie, la gynécologie et la pédiatrie. On lit ainsi dans l’exposé des motifs : « 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical gynécologique et 27,5 % des enfants vivent dans un désert médical pédiatrique ». Puisque la proposition de loi se contente de dresser le constat d’une défaillance, nous proposons que le CTS se dote de commissions spécialisées traduisant les carences du territoire et les inégalités en matière d’offre de soins, afin de proposer des pistes d’amélioration.

M. le rapporteur. L’intérêt de faire confiance aux acteurs de terrain est aussi que, en fonction des besoins du territoire, ils pourront se doter des outils appropriés. Dans le sud de la Bretagne, les préoccupations ne sont sans doute pas les mêmes que dans le nord de l’Alsace. Les parties prenantes réunies au sein du CTS pourront tout à fait créer les structures qui leur semblent nécessaires. Je ne suis pas favorable à ce que l’on rigidifie le fonctionnement des conseils.

En outre, votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AS749. Je vous propose donc de le retirer.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le mieux n’est pas forcément l’ennemi du bien : ce n’est pas parce que notre demande est déjà satisfaite qu’il ne faut pas adopter cet amendement...

Vous ne voulez pas que le dispositif soit trop rigide, mais nous proposons justement de créer des commissions en fonction des spécialités médicales en carence : là où il manque des professionnels dans une spécialité, la création d’une commission visera à résoudre le problème, mais s’il n’y a pas de carence – et c’est tant mieux –, il ne sera pas nécessaire de le faire.

Si l’on en croit Doctolib, il reste huit rendez-vous disponibles avec un gynécologue d’ici à la fin de la semaine dans votre circonscription, monsieur le rapporteur, et quatre dans la vôtre, madame la présidente, tandis que, dans le Gers, il n’y en a pas un seul dans les six prochaines semaines. C’est en raisonnant à partir des spécialités carencées que l’on pourra les réintroduire dans un territoire : il faut savoir ce qui existe et ce qui manque pour poser les conditions d’une prise en charge réelle.

M. le rapporteur. J’entends ces arguments. Si vous cherchez sur Doctolib un rendez‑vous avec un cardiologue dans ma circonscription, vous n’en trouverez pas, car il n’y a pas de médecin exerçant cette spécialité.

Néanmoins, j’insiste à la fois sur la souplesse qu’il importe de conserver et sur la responsabilité des acteurs de terrain, qui adopteront la démarche qui leur semble la plus adaptée en fonction des urgences. C’est tout l’objet du projet territorial de santé : identifier les carences et les leviers permettant d’agir collectivement.

Une fois encore, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, j’appellerai à son rejet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS750 de M. Frédéric Valletoux.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les missions du CTS, afin de donner du sens à la gouvernance territoriale. Le CTS aura ainsi pour objet d’élaborer le projet territorial de santé et d’assurer le suivi ainsi que l’évaluation de sa mise en œuvre, en liaison avec l’ARS – car les acteurs n’agiront pas tout seuls, monsieur Dharréville : les services de l’État seront associés.

Le CTS définira, notamment, « les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins ». Ceux qui sont attentifs à la lutte contre les déserts médicaux apprécieront la portée du dernier membre de phrase.

Pour mener à bien ces missions, le CTS s’appuiera sur un bureau. Cet organe exécutif organisera les travaux du conseil, pourra proposer des actions et mettre en œuvre les décisions prises par le CTS.

M. Philippe Vigier (Dem). Il existe des CPTS qui ont déjà élaboré des programmes territoriaux de santé, engagé des actions de prévention, créé des passerelles entre la ville et l’hôpital et organisé la permanence des soins – autrement dit, ce que vous préconisez à travers ce texte. Elles fonctionnent, ont passé des conventions avec les ARS et sont financées dans ce cadre. D’ici à la séance, il faudrait trouver une manière d’articuler les deux, sinon les CTS risquent de refaire le travail accompli par les CPTS. Les CTS ne doivent pas être des technostructures mal comprises par les acteurs de terrain et, en définitive, démobilisantes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Certains acteurs se sont déjà réunis ou associés, par exemple à l’hôpital, pour construire des projets d’établissement, ou encore dans les CPTS, pour élaborer des projets territoriaux de santé. Il ne faudrait pas que s’installe une logique pyramidale. Certes, telle n’est pas votre intention, monsieur le rapporteur – vous souhaitez même l’inverse –, mais nous savons que de telles logiques peuvent prévaloir dans l’administration, du fait des pesanteurs et des habitudes. Dans l’une des deux CPTS que compte ma circonscription, des actions ont été entreprises autour de la santé environnementale ; il ne faudrait pas qu’elles soient désavouées par une autre instance.

Mme Joëlle Mélin (RN). C’est ahurissant : nous assistons à la création d’une treizième strate territoriale, à laquelle on va confier des prérogatives déjà exercées par d’autres structures, auxquelles on prétend d’ailleurs donner encore plus d’importance – je pense, entre autres, aux CPTS. Je ne suis pas toujours d’accord avec M. Vigier et M. Dharréville – je ne sais pas, d’ailleurs, s’ils apprécieront mon soutien –, mais, en l’occurrence, ils ont raison : cela ne peut pas fonctionner, l’organisation sera nécessairement pyramidale. Il s’agit là d’une dérive technocratique, qui justifie notre demande de suppression de l’article 1er.

M. le rapporteur. Je ne confonds pas la CPTS, qui est une organisation principalement libérale, et ce que sera le CTS, qui regroupera des associations d’usagers, les collectivités locales, les administrations de la sécurité sociale et l’État : c’est un lieu où tout le monde pourra discuter.

Les libéraux aiment travailler ensemble, et ce depuis longtemps, madame Mélin ; ils ne sont pas tous dans une logique d’individualisme forcené. Que certaines CPTS aient construit des projets aboutis – comme c’est le cas dans ma circonscription –, c’est une chose, mais cela n’emporte pas forcément l’adhésion des autres acteurs.

Sur le terrain, il est assez simple de faire en sorte que les projets s’emboîtent correctement, sans que l’on soit obligé pour cela de construire des structures pyramidales, abstraites et bureaucratiques, ou encore prenant modèle sur les poupées russes. Dans mon territoire de santé, a priori, il y aura deux ou trois CPTS. Les libéraux y préfèrent les petites structures – dans d’autres territoires, au contraire, certains aiment les grosses structures. Grand bien leur fasse ! Quoi qu’il en soit, je ne superpose pas les choses et ne confonds pas les projets. Ceux qui sont défendus par les libéraux sont intéressants, parce qu’ils leur permettent de sortir de l’individualisme inhérent à leurs métiers. Les CTS, quant à eux, permettront une approche plus large, partagée avec les collectivités locales et les hôpitaux, ou encore les centres de santé. Je reste donc tout à fait favorable à mon amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Dans une CPTS, il n’y a pas forcément que des libéraux : dans ma circonscription, nous avons intégré tout le monde. Nous avons mis en place la permanence des soins avec les centres hospitaliers régulateurs – en l’occurrence, les structures mobiles d’urgence et de réanimation. Les libéraux interviennent donc après que la régulation a été effectuée par l’hôpital public.

Je comprends le sens de votre amendement, mais il faut trouver une articulation intelligente avec les structures existantes, de manière que celles-ci ne soient pas démantelées.

Vous dites que les CTS pourront couvrir un périmètre plus large que des bassins de vie ou de santé reconnus. Dont acte, mais, une fois encore, la souplesse doit être de mise. En effet, 37 % du territoire national est couvert pour l’instant : je ne crois pas une seule seconde que la France tout entière puisse l’être en six mois, ni même en douze ou en dix-huit mois par les CTS. Votre démarche est très volontariste, et je vous sais gré de vouloir faire en sorte que les professionnels se structurent, mais il faut veiller à ce que les dispositifs existants, qui ont fait leurs preuves, ne se trouvent pas fragilisés – ce qui serait d’autant plus dommage dans l’exemple que je vous ai donné qu’il s’agit, en plus, de soins non programmés.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je vous rejoins sur un point, monsieur le rapporteur : une structure réunissant l’ensemble des parties prenantes est quelque chose d’assez différent d’une CPTS. Or il est bon que tous les acteurs puissent délibérer. Cela dit, la formule que vous proposez soulève deux questions : celle du périmètre d’action des CTS et celle de leur composition. Au regard de ces deux enjeux, la légitimité des décisions prises pourra paraître discutable. Dans ma circonscription, par exemple, il existe un conseil local de santé, qui rassemble à peu près tout le monde et où se disent des choses importantes. Cela rejoint ma remarque relative au caractère possiblement pyramidal de l’organisation. À mes yeux, la question de la légitimité n’est pas tout à fait réglée.

M. le rapporteur. Les questions posées par Pierre Dharréville et Philippe Vigier sont tout à fait légitimes. Leurs interventions montrent que tous les territoires n’ont pas atteint la même maturité. Philippe Vigier a la chance d’être élu dans un territoire où les professionnels de santé sont mûrs et travaillent ensemble. Ailleurs, les libéraux excluent l’idée même de dialoguer avec l’hôpital, parce qu’ils considèrent que la CPTS est une institution qui est à leur main – force est d’ailleurs de constater que la loi ne leur donne pas tort. Il faut leur laisser cette légitimité s’ils le souhaitent.

Chacun doit pouvoir s’organiser comme il l’entend à partir du moment où les intentions et les priorités fixées dans le texte sont respectées. Si le périmètre de certains CTS recoupe celui de CPTS ayant déjà leur projet et qu’ils souhaitent adopter celui-ci, personne ne les en empêchera. Toute la souplesse nécessaire doit être laissée aux acteurs du territoire. Je crois profondément à cette idée. Mon amendement, qui vise à faire du projet territorial de santé le moteur de la réflexion et de la stratégie collectives, me semble important à cet égard, et je vous encourage à le voter.

M. Philippe Vigier (Dem). Si le périmètre du CTS et celui de la CPTS sont identiques, on ne va tout de même pas créer deux structures ! Cela voudrait dire qu’il y aurait deux fois plus de réunions... Pour avoir participé pendant une année et demie à la création d’une CPTS, je puis en parler : il y a deux réunions par mois. Je souhaite bien du plaisir à ceux qui devront siéger dans les deux structures !

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS156 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS291 de M. Christophe Bentz, AS664 de M. Jérémie Patrier-Leitus, AS394 de M. Yannick Monnet et AS137 de Mme Emmanuelle Anthoine tombent.

Puis la commission adopte successivement les amendements AS726, de coordination, et AS727, rédactionnel, de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS3 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). S’agissant du projet des CTS, la formulation retenue est peu contraignante : les professionnels de santé du territoire réunis en leur sein « veillent à réduire les inégalités » d’accès aux soins. Nous considérons qu’il faut être beaucoup plus clair, et écrire que les professionnels « réduisent les inégalités », de manière à fixer un véritable objectif politique en matière de politique locale de santé. Cette proposition est d’ailleurs en cohérence avec votre projet, puisque vous nous avez expliqué que le CTS serait l’instance de pilotage.

M. le rapporteur. Je salue votre volontarisme, mais cette formulation ferait peser une charge excessive sur les épaules des professionnels de santé : en écrivant qu’ils « réduisent les inégalités de densité démographique », on leur fixe, de manière martiale, une obligation de résultat, alors même que, quelle que soit leur bonne volonté, ils n’ont pas les leviers pour agir directement sur la démographie médicale. Le fait d’indiquer qu’ils « veillent à réduire » ne diminue en rien l’intensité de l’effort à fournir : ils essaieront, autant que faire se peut, de réduire les inégalités.

Avis défavorable.

M. Guillaume Garot (SOC). Mon propos n’a aucun caractère martial : il s’agit simplement d’énoncer dans la loi un objectif de politique publique. Il est vrai qu’il faut donner aux professionnels les moyens d’agir : c’est la raison pour laquelle nous sommes plusieurs ici, quel que soit notre groupe, à plaider en faveur de la régulation de l’installation. Ce serait un vrai levier d’action, hélas absent du texte – mais nous en débattrons en séance publique. Si l’on donne aux professionnels les moyens d’agir, la rédaction que nous proposons fixera un horizon tout à fait atteignable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement me paraît de bon sens. Il ne s’agit pas d’adopter une démarche martiale – ce qui serait concevable, au demeurant, s’il fallait en passer par là.

En écrivant que les professionnels « veillent à réduire », on choisit de contrôler leur volonté, leur engagement personnel dans la poursuite de cette politique publique. Si l’on indique qu’ils « réduisent », ce sont les moyens qui leur ont été alloués pour atteindre l’objectif qui sont examinés. Non seulement la formulation serait ainsi plus claire, mais la charge pesant sur eux serait moindre, ce qui leur ôterait un certain stress.

Mme la rapporteure générale. J’abonderai dans le sens du rapporteur, dont les explications ont été très claires. Comme dans d’autres amendements que nous examinerons par la suite, vous imposez aux professionnels de santé une obligation qu’ils n’ont pas les moyens de satisfaire. En écrivant qu’ils « veillent à réduire » les inégalités, en revanche, nous leur demandons de s’organiser, notamment avec d’autres professionnels de santé, pour essayer d’améliorer la situation. À moins de disposer d’une baguette magique, on ne saurait leur demander davantage.

M. le rapporteur. La démographie médicale est très tendue. Demander aux professionnels de santé de réduire les inégalités dans certaines spécialités, ce serait leur fixer un objectif qu’ils ne pourraient pas atteindre, car cela ne dépend pas d’eux. Veiller à réduire les inégalités, au contraire, cela consiste à élaborer des stratégies territoriales – organiser des consultations avancées, travailler avec les hôpitaux, ou encore demander à des libéraux exerçant dans un lieu de donner des consultations dans un territoire plus pauvre. Or ces stratégies dépendent des moyens dont dispose le territoire. Je souhaite donc que nous conservions la rédaction initiale, qui ne me paraît pas dénuée de volontarisme. Entre cette rédaction et celle que vous proposez, il y a une petite nuance, dans laquelle réside ce que peuvent faire les professionnels sur le terrain.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Cette nuance n’est pas seulement d’ordre sémantique : ce qui est en jeu, ce sont les moyens que l’on met derrière. Si l’on écrit qu’ils « veillent à réduire », on s’appuie sur les humains et leur seule bonne volonté : ils devront faire des efforts supplémentaires dans une direction particulière. En revanche, si l’on écrit qu’ils « réduisent », l’État s’engage à fournir les moyens nécessaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS751 de M. Frédéric Valletoux.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les CTS ont vocation à réduire les inégalités de densité démographique de toutes les professions de santé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS395 de M. Yannick Monnet et AS4 de M. Guillaume Garot tombent.

Amendement AS292 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle, visant à éviter que le propos soit trop général.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS597 de Mme Mathilde Hignet.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Comme tous nos amendements, celui-ci consiste à faire œuvre de clarté : l’intervention de l’ARS, prévue par le texte, doit viser à atteindre les objectifs définis par le projet régional de santé. Il s’agit d’éviter que la création de nouvelles instances de gestion ne conduise à des différences de situations trop grandes, avec un maillage inégal, alors que l’enjeu est de réussir à faire converger des territoires voisins. Par ailleurs, l’intervention de l’ARS permettrait ainsi de pointer les dysfonctionnements éventuels.

M. le rapporteur. La rédaction de la proposition de loi me semblait très bonne, mais celle que vous proposez n’est pas mal non plus... Certes, on pourrait considérer que le fait de « répondre aux besoins » et celui d’« atteindre les objectifs » reviennent au même, en définitive, mais la seconde expression est porteuse d’un volontarisme qui me convient. Toutefois, il vaudrait mieux se référer au projet territorial de santé plutôt qu’au projet régional de santé. À cet endroit du texte, il s’agit de mettre en avant le projet territorial de santé, émanation du conseil territorial de santé : dans le contexte, un renvoi au projet régional de santé n’a pas de sens.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le corriger en vue de la séance.

Mme la rapporteure générale. L’amendement avait pour mérite d’ouvrir le débat sur la manière dont les projets territoriaux de santé pourront être coordonnés, mais nous en discuterons peut-être en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS104 de M. Thierry Frappé et sous-amendement AS769 de M. Yannick Neuder.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à accompagner le directeur général de l’ARS dans le déploiement des mesures destinées à améliorer l’accès aux soins, en prévoyant une collaboration étroite avec le conseil départemental de l’ordre des médecins. Cet organe possède une connaissance parfaite de la profession et des enjeux dans chaque territoire. Il fournira donc une analyse supplémentaire qui contribuera à la réalisation des mesures envisagées par le directeur général de l’ARS.

M. Yannick Neuder (LR). La défense de mon sous-amendement sera pour moi l’occasion d’exposer le sentiment de mon groupe sur la proposition de loi.

Vous avez dit en substance, monsieur le rapporteur, que la répartition de la misère ne faisait pas la richesse. Je vous rends hommage sur ce point. Toutefois, à nos yeux, le texte ne s’attaque pas au vrai problème, à savoir le nombre de médecins. La proposition de loi ne fera qu’ajouter des échelons supplémentaires, ce qui aggravera le caractère bureaucratique de l’organisation. Il n’y est pas question non plus de la rémunération des actes, notamment pour les libéraux.

Tous les amendements que nous avons déposés ont pour objet de revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire de restaurer la confiance et de travailler avec les territoires, ce qui ne peut passer que par des mesures incitatives, et non par la coercition. La situation des professionnels de santé, en particulier, à l’hôpital ou en ville, nécessite de rétablir la confiance : les revendications des ordres et des syndicats l’attestent.

J’espère qu’à l’occasion de la discussion des amendements, nous pourrons prendre davantage en compte des questions comme celles de la formation et des rémunérations – une revalorisation de la permanence des soins, notamment, est nécessaire. Surtout, il faut développer les passerelles pour former des médecins plus rapidement – nous avons la chance que les professionnels du secteur paramédical soient bien formés : ils ont le niveau bac + 5, parfois même bac + 6 pour les sages‑femmes.

Je retire mon sous-amendement.

M. le rapporteur. Monsieur Frappé, l’article 1er permet d’assurer la représentation de l’ensemble des professionnels de la prise en charge et du soin. L’Ordre des médecins y participe : aussi me semble-t-il inutile de le mentionner. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement, qui est satisfait.

Monsieur Neuder, la rémunération des actes ne relève pas d’une proposition de loi, mais de la négociation conventionnelle. À la rigueur, il peut en être question dans le cadre du PLFSS : nous verrons cela dans quelques mois. Sans vouloir rouvrir le débat que nous avons eu tout à l’heure, ce texte ne crée aucun nouvel échelon administratif : il ne fait qu’organiser un cadre de discussion. Il est nécessaire que les passerelles tombent, que les différents acteurs discutent entre eux et qu’ils inventent des modes de prise en charge adaptés aux besoins.

L’amendement et le sous-amendement sont retirés.

Amendement AS409 de Mme Katiana Levavasseur.

M. Thierry Frappé (RN). Nous souhaitons réduire le nombre des « acteurs du territoire » concernés par l’alinéa 18. Certaines personnalités auditionnées ont exprimé leur crainte que la rédaction assez large de cette disposition suscite des dérives et des débordements, certains établissements ou organismes étant susceptibles de s’impliquer au détriment de l’objectif même de la proposition de loi, à savoir la qualité des soins. Il nous semble donc opportun de circonscrire le champ très large des acteurs pouvant proposer une offre de soins. Dans un domaine aussi précis et spécifique que le soin, il n’est pas envisageable d’ouvrir à n’importe quel établissement cette prérogative : nous devons nous en tenir aux acteurs de santé. Il faut améliorer l’accès aux soins, bien sûr, mais pas à n’importe quel prix !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je préfère retenir la rédaction actuelle de l’alinéa 18, qui évoque les « acteurs du territoire ». Dans certains territoires, en effet, il est essentiel d’associer l’ensemble des établissements et services sociaux ou médico-sociaux – en d’autres termes, de travailler avec toute la filière du secteur médico-social. Le cadre dépendra aussi des priorités définies par les territoires. Ainsi, il ne serait pas compréhensible d’exclure de fait les acteurs du médico-social.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS49 de M. Yannick Neuder et AS411 de Mme Joëlle Mélin.

Mme Joëlle Mélin (RN). À l’alinéa 18, il convient de remplacer les mots « de premier recours » par les mots « de premier ou de deuxième recours », compte tenu de la faible présence de certaines spécialités médicales au regard de la population.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Votre intention est satisfaite par l’alinéa 19, qui évoque « l’organisation de consultations avancées de médecins de premier ou de deuxième recours ». Mentionner les soins de deuxième recours à l’alinéa 18 reviendrait à décider l’ouverture de nouveaux hôpitaux.

La commission rejette les amendements.

Amendement rédactionnel AS746 de M. Frédéric Valletoux et sousamendement AS760 de M. Jean-François Rousset.

M. Jean-François Rousset (RE). Mon sous-amendement vise à associer les guichets uniques départementaux à la démarche de concertation relative à la construction d’outils incitatifs visant à l’installation de professionnels de santé. Il s’agit de faire correspondre au mieux les besoins territoriaux de santé, les dispositifs d’aide existants et les souhaits des jeunes professionnels concernés.

M. le rapporteur. Je ne suis pas opposé à votre sous-amendement sur le fond, mais nous aborderons la question du guichet unique ultérieurement et nous avons, du reste, déjà adopté votre sous-amendement AS762 intégrant ce guichet dans le dispositif.

Demande de retrait.

L’amendement est adopté, le sous-amendement ayant été retiré.

En conséquence, les amendements AS663 de M. Jérémie Patrier-Leitus, AS23 de Mme Danielle Brulebois, AS486 et AS487 de Mme Olga Givernet, AS397 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS22 de Mme Danielle Brulebois, AS58 de M. Yannick Neuder, AS73 de M. Vincent Descoeur, AS89 de Mme Josiane Corneloup, AS123 de M. Philippe Juvin, AS138 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS165 de M. Guy Bricout, AS273 de M. Francis Dubois, AS467 de M. Thibault Bazin, AS616 de M. Jean-François Rousset et AS659 de M. François Gernigon tombent.

Amendement AS358 de M. Luc Lamirault.

M. Paul Christophe (HOR). Nous souhaitons soutenir l’action du CTS visant à améliorer l’accès aux soins ainsi que l’équilibre territorial de l’offre de soins. Par cet amendement, nous demandons donc la définition, par l’ARS, d’un nouveau zonage permettant de repérer les arrondissements français dans lesquels la densité de médecins et de chirurgiens-dentistes est supérieure à la moyenne nationale. Des mesures de modulation pourraient alors y être appliquées : l’autorisation d’installation d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste serait soumise à l’accord de l’ARS territorialement compétente et conditionnée par la cessation d’activité d’un professionnel exerçant la même spécialité dans la même zone.

M. le rapporteur. En cohérence avec ce que j’ai indiqué lors de la discussion générale, et comme l’a dit M. Garot lui-même, nous débattrons de la régulation de l’installation des professionnels de santé en séance publique. Je demande donc le retrait de cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination AS728 de M. Frédéric Valletoux.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Amendement de suppression AS747 de M. Frédéric Valletoux.

M. le rapporteur. Compte tenu de l’intégration à l’article 1er des dispositions figurant initialement à l’article 2, il convient de supprimer ce dernier.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il serait dommage de rater quelques étapes de la discussion que nous souhaitions avoir en défendant nos amendements, d’autant que la réécriture de l’article 1er et la proposition de suppression de l’article 2 qu’elle emporte ont été annoncées assez tardivement, quelques minutes avant le début de la présente réunion. Peut-être pourrions‑nous examiner une bonne partie des amendements que nous avions déposés à l’article 2, quitte à supprimer ce dernier une fois que nous aurons posé les questions qui nous importent.

M. le rapporteur. Nous n’avons pas été sourds à vos propositions, puisque la commission a adopté trois sous-amendements à mon amendement AS749, notamment un déposé par M. Peytavie, visant à renforcer la composition des CTS. Nous avons donc déjà débattu de ces questions, même si nous ne sommes pas allés dans le détail que vous souhaitiez.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements identiques AS321 de M. Philippe Juvin et AS400 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS7 de M. Guillaume Garot et AS603 de Mme Mathilde Hignet, les amendements AS293 de M. Christophe Bentz, AS617 de M. JeanFrançois Rousset, AS606 de M. Hadrien Clouet et AS519 de Mme Isabelle Valentin, les amendements identiques AS153 de M. Philippe Juvin, AS208 de M. Thierry Frappé, AS347 de M. PaulAndré Colombani, AS451 de Mme Josiane Corneloup, AS518 de Mme Isabelle Valentin, AS602 de M. Olivier Falorni et AS641 de M. Sébastien Peytavie, les amendements identiques AS207 de M. Thierry Frappé et AS346 de M. PaulAndré Colombani, les amendements identiques AS307 de M. Thibault Bazin et AS327 de M. Philippe Juvin, AS502 de M. Bertrand Bouyx, AS437 de Mme Josiane Corneloup, AS106 de M. Thierry Frappé et AS233 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques AS25 de Mme Danielle Brulebois, AS61 de M. Yannick Neuder, AS93 de Mme Josiane Corneloup, AS127 de M. Philippe Juvin, AS157 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS275 de M. Francis Dubois, AS354 de M. PaulAndré Colombani, AS473 de M. Thibault Bazin, AS684 de Mme Maud Petit et AS688 de M. François Gernigon, les amendements AS514 de M. Michel Lauzzana, AS599 de M. Hadrien Clouet, AS618 de Mme Servane Hugues, AS8 de M. Guillaume Garot, AS712 de M. Philippe Juvin, AS 511 de M. Michel Lauzzana, AS401 de M. Pierre Dharréville, AS141 de Mme Emmanuelle Anthoine et AS338 de Mme Justine Gruet tombent.

La réunion est suspendue de dix-huit heures à dix-huit heures dix.

Après l’article 2

Amendement AS654 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Cet amendement vise à encourager la stabilité et la pérennité des professionnels dans leur lieu d’exercice initial lorsque ce dernier est une zone de revitalisation rurale (ZRR) au sens de l’article 1465 A du code général des impôts. Il consiste à instaurer un mécanisme de récupération partielle des avantages fiscaux octroyés aux entreprises bénéficiant des dispositions de l’article 44 quindecies du même code. Ce dernier prévoit une exonération fiscale totale, pendant une durée de cinquante-neuf mois, suivie de trois périodes de douze mois d’exonérations fiscales partielles pour les entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle telle que définie aux articles 34 et 92. Par notre amendement, nous proposons que les entreprises qui déplaceraient leur activité professionnelle dans les deux ans suivant la fin de ces périodes d’exonération soient tenues de rembourser 50 % des avantages fiscaux reçus.

M. le rapporteur. Nous entamons la discussion d’une série d’amendements visant à réduire voire supprimer les avantages fiscaux dont bénéficient les professionnels de santé qui s’installent en zone de revitalisation rurale. Effectivement, ces ZRR ne constituent pas un zonage de l’accès aux soins sur le territoire : la superposition de cartes différentes n’est pas efficiente.

Je comprends et partage votre préoccupation, mais je donnerai plutôt un avis favorable à des amendements ultérieurs visant à imposer un délai minimal de dix ans avant de permettre aux professionnels de santé de bénéficier à nouveau des exonérations fiscales que vous mentionnez ou d’autres aides financières versées par les collectivités locales. Cette disposition sera plus à même de décourager le nomadisme fiscal – un objectif que nous partageons tous. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS118 de M. Luc Lamirault.

M. Paul Christophe (HOR). Cet amendement vise lui aussi à freiner le nomadisme fiscal et médical préjudiciable aux patients et discriminant pour les praticiens fidèles à leur territoire. En ne permettant aux professionnels de bénéficier qu’une seule fois, durant la durée légale, de l’exonération visée, il évite la délocalisation des activités à l’issue de la période d’exonération et incite les praticiens à s’installer durablement dans leur territoire.

M. le rapporteur. Cet amendement vise le même objectif que le précédent. Je lui ferai donc la même réponse : je demande son retrait au bénéfice d’autres amendements que nous examinerons ultérieurement.

L’amendement est retiré.

Article 2 bis (nouveau) : Instaurer un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier de nouveau de certaines exonérations et aides à l’installation

Amendements identiques AS582 de M. Yannick Favennec-Bécot, AS586 de M. Philippe Vigier et AS590 de M. Guillaume Garot.

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Par notre amendement AS582, nous souhaitons empêcher tout abus en matière de cumul d’exonérations fiscales et d’aides à l’installation, qu’elles soient proposées par les collectivités territoriales ou par les agences régionales de santé. Plusieurs élus locaux et patients ont en effet constaté un va-et-vient de certains professionnels de santé, qui s’installent à un endroit puis se réinstallent ailleurs après avoir perçu des aides à l’installation ou bénéficié d’exonérations fiscales au titre de l’exercice en ZRR. Un tel comportement nuit à la continuité du suivi des patients, exacerbe la concurrence entre territoires pour l’installation de soignants et constitue un dévoiement de l’objet de ces aides et exonérations. Ces dernières visent à soutenir les praticiens ayant fait le choix de s’installer dans une zone sous-dotée médicalement ou isolée, pas de subventionner des installations et départs répétés.

Mme Maud Petit (Dem). L’amendement AS586 est défendu.

M. Guillaume Garot (SOC). L’amendement AS590 est issu de notre groupe de travail transpartisan. Nous constatons tous que les inégalités dans l’offre de soins à l’échelle nationale aggravent les phénomènes de concurrence entre territoires. Or cette concurrence peut être délétère lorsque certains praticiens tirent profit de la désertification médicale pour faire monter les enchères. Il nous semble indispensable de mettre fin à ces abus manifestes et de réintroduire dans le système de l’ordre, de la raison ainsi qu’une forme d’éthique. Aussi souhaitons-nous limiter ou encadrer – c’est une forme de régulation – le cumul d’exonérations fiscales et d’aides à l’installation afin d’éviter tout dévoiement de ces dernières et de garantir une utilisation saine de l’argent public.

M. le rapporteur. J’observe qu’un consensus se dégage, au sein de notre commission, pour que soient mieux encadrées ces aides à l’installation des professionnels de santé, qui ont pris un poids important. Mme Hignet et M. Garot ont évoqué les mécanismes de perversion du système et de nomadisme médical que nous constatons tous dans nos territoires respectifs : certains médecins adoptent des comportements de mercenaires qui contreviennent aux objectifs des aides qui leur sont apportées tant dans le cadre de la solidarité nationale que par le contribuable local.

Je donne donc un avis favorable à ces amendements très bien écrits.

M. Philippe Vigier (Dem). La Cour des comptes a publié un rapport au vitriol sur les aides mises en place dans un certain nombre de territoires. On s’est aperçu que des médecins étaient pris de nomadisme, allant jusqu’à déménager tous les cinq ans de l’autre côté de la rue. J’ai ainsi connu une ville dans laquelle l’exonération s’appliquait d’un côté d’une rue et non de l’autre : un médecin a alors changé d’adresse, s’installant dans la maison d’en face. Au-delà de l’aide à l’installation de 50 000 euros, les finances nationales sont mises à contribution, du fait de l’exonération fiscale pendant cinq ans, de même que celles de nombreuses collectivités territoriales qui accordent des financements spécifiques – je pense par exemple à des mécanismes de loyer gratuit – conduisant parfois à une surenchère. En votant ces amendements importants, nous enverrons donc un très beau message : la commercialisation de telles aides ne peut se faire dans n’importe quelles conditions. Qu’il faille adopter des dispositifs fiscaux pour mieux accompagner l’installation des professionnels de santé en ZRR, soit, mais à condition qu’ils soient encadrés. Je me réjouis que nous ayons trouvé un consensus sur cette question essentielle.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Autant je suis farouchement opposé à tout ce qui porte atteinte à la liberté d’installation, autant j’approuve cette mesure proposée par mes collègues. Dans certains territoires, on a l’impression de voir apparaître en médecine libérale un phénomène similaire à celui des intérimaires à l’hôpital. Il faut le maîtriser. Ces aides à l’installation sont certes nécessaires, mais les médecins exerçant depuis longtemps dans les territoires concernés n’en ont pas moins besoin. Ils me semblent être pourtant les oubliés du dispositif. Nous devons aussi faire quelque chose pour eux.

La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures trente.

M. Yannick Neuder (LR). M. Vigier a évoqué des médecins qui n’utiliseraient pas correctement les aides perçues. Il ne faut quand même pas noircir le tableau : certaines collectivités locales, départements ou régions, ont permis de nombreuses installations de médecins. Il est vrai que l’exception confirme la règle et qu’il est arrivé que des médecins ne respectent pas leurs engagements ; cela dit, pendant les sept années où j’ai exercé les fonctions de vice-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes chargé de la santé, ce type de comportement est resté très exceptionnel. Alors que nous avons connu trente ans de déshérence et de mauvaise gestion de la santé, il ne faudrait pas tomber dans une vision un peu simpliste et désigner un peu trop facilement des coupables. Je ne voudrais pas que l’opprobre soit jeté sur l’ensemble des soignants, qui font de leur mieux malgré les conditions difficiles.

M. Paul Christophe (HOR). Les phénomènes de nomadisme médical et fiscal existent : sans stigmatiser qui que ce soit ni prétendre que de tels comportements se sont généralisés, il nous semble important de répondre à cette question. François Gernigon et moi‑même avions déposé des amendements que nous avons retirés, à l’invitation de M. le rapporteur, au profit des trois amendements identiques dont nous discutons actuellement.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Neuder, je ne suis pas là pour désigner des boucs émissaires. Cependant, vous savez comme moi qu’il y a eu des dérives, pas seulement chez les médecins d’ailleurs – je pense à d’autres professionnels de santé.

Ces amendements identiques, auxquels le rapporteur a bien voulu donner un avis favorable, sont calqués sur une disposition relative aux aides économiques destinées aux commerces que ceux qui ont eu la chance d’être maires connaissent bien : lorsqu’une collectivité accorde une aide au maintien d’un commerce de proximité, un remboursement partiel est exigé en cas de cession de ce dernier dans un délai de dix ans. Il s’agit de faire preuve de responsabilité. Je vous invite à relire le rapport de la Cour des comptes que j’ai cité tout à l’heure.

Le président de ma propre région, lui aussi confronté à des difficultés majeures que Stéphanie Rist connaît aussi bien que moi, a réussi à recruter trente-sept médecins salariés. Parmi ceux-ci, quatorze viennent du secteur privé : ils ne se sont parfois déplacés que de quelques kilomètres. Nous devons donc trouver collectivement les bons équilibres : des mesures plus efficaces d’incitation et d’accompagnement, telles que la mise en place d’un guichet unique, sont bien sûr attendues, mais il faut aussi définir quelques règles, un encadrement visant à éviter les dérives. J’en ai connu dans mon territoire : je ne citerai pas de cas concrets ici, mais si certains collègues souhaitent échanger à ce sujet avec moi, je le ferai bien volontiers.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). On ne peut pas soupçonner les auteurs de ces amendements de nourrir une quelconque hostilité à l’encontre des élus locaux ou des professionnels de santé, ni même de vouloir jeter l’opprobre sur qui que ce soit. Ils mettent en avant un argument de bon sens : on assiste à un phénomène non optimal de concurrence entre les collectivités, qui mettent sur la table des montants de plus en plus importants pour attirer les professionnels de santé. La semaine dernière encore, l’Association des petites villes de France présentait cette difficulté comme l’un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les élus locaux. Par ailleurs, nous savons que ce n’est pas à proprement parler l’aide financière qui incite les professionnels de santé à s’installer quelque part, mais plutôt l’intérêt de l’activité, le cadre d’exercice, les services publics maintenus et la présence de collègues sur place – tous ces éléments plaident pour un encouragement de l’exercice collectif et une régulation de l’installation. Les amendements dont nous discutons concourent à l’intérêt général et ne méritent pas tant de vindicte : ils visent à conserver, dans les aides, ce qui ne pose pas problème aux élus locaux ni aux professionnels de santé.

M. le rapporteur. Je le répète, ces amendements tout à fait opportuns et consensuels ne visent pas à montrer du doigt tel ou tel acteur, mais à circonscrire et à lutter contre un phénomène de nomadisme médical que l’on connaît partout et qui ne donne pas une image très positive des professions concernées – à l’instar de l’intérim médical à l’hôpital évoqué par M. Colombani. Sans trahir de secret, je peux vous dire que ces amendements recevront le soutien du Gouvernement. Ils méritent de recueillir l’assentiment général, en reconnaissance du travail effectué depuis quelques mois par ce groupe transpartisan.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 2

Amendement AS658 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. le rapporteur. Nous avons déjà adopté une série d’amendements visant à lutter contre le nomadisme fiscal. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Article 2 ter (nouveau) : Ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition des fonctionnaires

Amendements identiques AS272 de M. Paul Christophe et AS681 de M. Laurent Marcangeli.

M. Paul Christophe (HOR). Mon amendement est issu des travaux du sénateur Dany Wattebled. La commission des affaires sociales du Sénat et le Gouvernement avaient donné un avis favorable au dispositif proposé, qui a pour objet de faire bénéficier les maisons de santé et les cabinets libéraux de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux dans les zones sous‑denses. Cette mise à disposition donnerait obligatoirement lieu au remboursement du salaire du fonctionnaire et des cotisations sociales afférentes. C’est une aide facultative, temporaire et exceptionnelle, limitée à trois mois, renouvelable deux fois et conditionnée à une arrivée récente sur le territoire. C’est un outil supplémentaire à destination des collectivités territoriales dans la lutte contre les déserts médicaux.

M. le rapporteur. Je suis cosignataire de l’amendement AS681. Cette mesure serait utile, comme l’ont montré les expérimentations. Favorable.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 2

Amendement AS219 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement d’appel vise à créer un site internet national regroupant les dispositifs d’incitation à l’installation des personnels soignants. L’objectif est double : accroître la lisibilité de l’information, alors que les différents niveaux de collectivités proposent une grande variété d’offres, et éviter que les collectivités ne se livrent à la concurrence. Les petites communes peinent à faire connaître les dispositifs qu’elles ont institués, tandis que les plus grandes engagent parfois des frais importants en recourant, par exemple, à des chasseurs de tête.

M. le rapporteur. L’idée est intéressante, mais la rédaction devrait être améliorée. Vous ne citez pas l’assurance maladie, alors qu’elle détient probablement la plus grande base de données existante en France. Par ailleurs, nous avons adopté la logique du guichet unique départemental pour permettre aux professionnels de santé de disposer d’informations riches et fiables sur l’installation. Dans la mesure où il s’agit d’un amendement d’appel, vous aurez certainement à cœur de poser la question au ministre en séance.

Demande de retrait ou défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS445 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Cet amendement vise à décloisonner le médico‑social et le sanitaire dans une logique de parcours. Beaucoup d’hospitalisations sont prolongées, non en raison de problèmes sanitaires ou médicaux mais pour des questions de prise en charge sociale ou médico-sociale à domicile. En mettant l’accent sur le projet de santé global dans le cadre des parcours, grâce au décloisonnement, l’amendement vise à éviter que des hospitalisations soient rendues nécessaires par une mauvaise prise en charge des besoins médico-sociaux.

M. le rapporteur. Les objectifs que vous fixez sont louables et sont d’ailleurs au cœur de notre modèle de protection sociale. Certes, l’application des principes est parfois imparfaite, mais votre amendement n’apporterait rien à l’organisation juridique actuelle de notre système de protection sociale. Je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Je ne partage pas votre point de vue. Le cadre légal précise les deux types de prise en charge mais ne prévoit aucune fongibilité, en particulier concernant les enveloppes. Si on ne commence pas à le faire, ne serait‑ce qu’à titre expérimental, on n’avancera jamais sur ce sujet.

M. le rapporteur. Nous devrons avoir ce débat lors de l’examen du PLFSS. C’est par l’évolution des modes de financement et des tarifications qu’on arrivera à rapprocher l’accompagnement des professionnels et à développer la coordination entre les acteurs.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 quinquies (nouveau) : Étendre les missions des guichets uniques départementaux à l’accompagnement des professionnels de santé

Amendements identiques AS69 de M. Joël Aviragnet, AS329 de M. Guillaume Garot, AS549 de M. Yannick Favennec-Bécot et AS565 de Mme Delphine Batho, amendement AS693 de M. Benoit Mournet (discussion commune).

M. Joël Aviragnet (SOC). Mon amendement vise à créer un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos), qui serait élaboré conjointement par les services de l’État en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les CPTS. Il dresserait une cartographie précise, par bassin de vie, de la répartition de l’offre de soins sur le territoire français. Les tableaux relatifs à la densité en médecins généralistes par département n’ont aucun sens. Ainsi, on compte dix fois plus de spécialistes à Toulouse que dans le sud de la Haute-Garonne. Il faut effectuer des évaluations par bassin de vie.

M. Guillaume Garot (SOC). C’est un amendement très important. En effet, il y a souvent des batailles de chiffres. Certains vont même jusqu’à contester les inégalités entre territoires en matière d’offre de soins, alors que celles-ci sont parfaitement documentées. On compte, par exemple, trois fois plus de généralistes par habitant dans les Hautes-Alpes que dans l’Eure, trois fois plus de dermatologues à Paris que dans la Nièvre, ou encore dix-huit fois plus d’ophtalmologues à Paris que dans la Creuse. On doit consolider ces données pour vérifier et objectiver la réalité des déserts médicaux. L’amendement vise à doter la puissance publique d’un indicateur précis reposant sur la démographie et pondéré par des données sociales et des informations relatives à la prévalence de certaines pathologies. On pourrait ainsi agir efficacement en anticipant les besoins à un horizon de trois à cinq ans, ce qui permettrait de piloter des politiques locales de santé et d’accès aux soins.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet indicateur constituerait en effet un outil de pilotage des politiques publiques, dont l’efficacité se trouverait renforcée.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Par l’amendement AS565, nous souhaitons créer un indicateur pour pouvoir établir des comparaisons entre territoires et échelons territoriaux – communes, bassins de vie, départements, régions... – en matière d’offre de soins effective. Il s’agit de déterminer à quel point la santé est un privilège lié au lieu de naissance et de résidence. L’indicateur ne serait pas seulement descriptif mais aussi dynamique : il évoluerait, d’une année sur l’autre, en fonction de l’évolution des pathologies, de l’installation de professionnels de santé, des besoins... Cela permettrait de mettre tout le monde à niveau.

M. le rapporteur. C’est un sujet essentiel, car l’appréciation de la situation pèche par l’absence d’outils permettant une évaluation objectivée et réalisée selon les mêmes critères d’un territoire à l’autre. Les indicateurs définis au niveau national doivent être pondérés et appréciés à l’échelon territorial. Nous avons tous besoin d’avoir une vue précise de la situation mais aussi de pouvoir établir des comparaisons avec des territoires voisins, plus éloignés ou dont on pense qu’ils ont des caractéristiques proches des nôtres.

Cela étant, je ne suis pas sûr que l’appareil statistique de l’État soit en mesure d’actualiser annuellement l’évolution des données. Par ailleurs, la cartographie mérite réflexion. Nous souhaitons faire du territoire de santé l’échelon de référence de la politique de santé territorialisée, qu’elle concerne la permanence des soins, la prévention, l’accès aux soins, les stratégies de coopération entre professionnels, la meilleure répartition de l’offre de soins... Progressivement, le territoire de santé doit devenir la maille de la réflexion commune, et il faut penser ce nouvel indicateur à cette échelle. Je vous propose de retirer vos amendements afin que l’on puisse bâtir un indicateur de manière consensuelle. Je m’engage à ce que l’on étudie le sujet, en recherchant un consensus avec le Gouvernement, qui est ouvert aux propositions.

M. Guillaume Garot (SOC). Je vous propose, pour ma part, de soumettre les amendements au vote et, sur cette base, d’affiner les choses.

M. Philippe Vigier (Dem). Souvent, en effet, on ne dispose pas de chiffres annuels. La Drees transmet parfois les données avec un décalage de trois, quatre ou cinq ans. Nous pouvons retravailler cet outil d’ici à la séance, mais votons-le afin d’avoir un matériau sur lequel s’appuyer.

M. Yannick Neuder (LR). Je ne suis pas sûr de l’utilité des indicateurs et des ratios globaux. Il importe, à mes yeux, que les territoires puissent faire remonter les besoins, en particulier en formation, compte tenu de la densité de médecins spécialistes et généralistes. Cela permettrait d’opérer localement des adaptations plus précises sur les numerus apertus.

M. Jean-François Rousset (RE). Il faut en effet savoir à quoi serviront les indicateurs ; il n’est pas si simple de le deviner. Il est important d’avoir une vision de l’installation et de la présence des spécialistes dans nos territoires – à Paris, c’est surtout le nombre de généralistes qu’il faut prendre en compte. Toutefois, il faut affiner les choses, car, dans certaines spécialités, les médecins doivent se regrouper pour mutualiser l’achat de matériel. Il faut aussi prendre en compte les distances d’un point à l’autre du département.

M. Guillaume Garot (SOC). Au cours de la séance de travail que nous avons eue avec le rapporteur, nous avons accepté certaines de ses demandes pour assurer le lien avec les CPTS. Nous avons veillé à construire un compromis exigeant et positif. Nous vous proposons à présent de le ratifier tous ensemble.

M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission mais je voudrais que l’on s’engage à travailler à une rédaction plus ajustée.

M. Yannick Neuder (LR). Les patients demandent une meilleure prise en charge et les professionnels de santé une amélioration de la répartition du travail. En votant un indicateur, on se fait plaisir mais, en pratique, on ne règle pas grand‑chose. Il faut avant tout assurer une meilleure remontée des besoins locaux, ce qui permettrait à chaque faculté de mieux calibrer le nombre de places nécessaire, à l’aide de contingents territoriaux. Cela requiert sans doute un certain degré de décentralisation.

M. Paul Christophe (HOR). Nous doutons un peu, nous aussi, de l’utilité de l’indicateur, tel qu’il est construit, eu égard aux disparités territoriales. Dans le département du Nord, par exemple, qui s’étire, le long de la frontière, sur 200 kilomètres de long, il sera difficile de déterminer un indicateur territorial, de savoir comment le pondérer, en faire un usage efficace et évaluer sa portée. Je ne suis pas sûr, à l’instar de M. Neuder, que cela permette d’améliorer l’offre, ce qui est notre ambition. Ne perdons pas trop de temps sur des artifices et privilégions l’efficacité.

M. le rapporteur. L’intention est intéressante et l’outil est certainement nécessaire, mais il conviendrait de parvenir, d’ici à la séance, à une construction consensuelle. La rédaction actuelle me laisse très dubitatif. Ce n’est pas parce que l’on prévoit l’annualité qu’on la rendra possible. Veillons à ne pas voter des mesures déconnectées de nos capacités.

Je vous invite à retirer vos amendements que, personnellement, je ne voterai pas.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS693 tombe.

Article 2 quater (nouveau) : Reculer la limite de l’âge du cumul emploiretraite à 72 ans pour les médecins et infirmiers salariés des centres de santé

Amendement AS679 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Paul Christophe (HOR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Article 2 sexies (nouveau) : Créer un indicateur territorial de l’offre de soins

Amendements identiques AS68 de M. Joël Aviragnet, AS366 de M. Fabrice Brun, AS533 de M. Guillaume Garot, AS548 de M. Philippe Vigier et AS564 de M. Yannick Favennec-Bécot.

M. Joël Aviragnet (SOC). Mon amendement vise à préciser les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 qui portent création, dans chaque département, d’un guichet unique d’information et d’orientation à destination des professionnels de santé, sous l’égide de l’ARS. Ce guichet unique a pour objectif d’accompagner les professionnels de santé dans leurs démarches administratives au cours de leur carrière et, ainsi, de dégager plus de temps médical.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement AS366 vise à libérer du temps médical et à renforcer l’attractivité des carrières médicales en créant un point d’entrée et d’accompagnement unique vers lequel se tourner à tout moment. Il a été élaboré en lien avec le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux.

M. Guillaume Garot (SOC). Les amendements du groupe de travail transpartisan visent à actionner différents leviers contre la désertification médicale. Il s’agit, en l’occurrence, de jouer sur le temps médical. Nous souhaitons épargner des démarches aux médecins qui ont un projet d’installation, une difficulté administrative, etc. Nous proposons un guichet unique à l’attention de l’ensemble des professionnels de santé, afin de créer un esprit collectif à l’échelle d’un territoire, en particulier d’un département. Élus, administrations et médecins doivent faire front commun pour que chacun puisse travailler dans les meilleures conditions possibles.

M. Philippe Vigier (Dem). La proposition que nous formulons est beaucoup plus large que le dispositif institué par la LFSS 2023 pour améliorer l’installation des jeunes professionnels. En effet, nous proposons d’accompagner les professionnels tout au long de leur carrière. Le guichet unique permettra d’éviter l’éparpillement de mesures aujourd’hui décidées par les différents niveaux de collectivités. En outre, il favorisera l’installation du jeune professionnel en lui proposant un accompagnement qui pourra également concerner sa compagne ou son compagnon. Nous devons être très réactifs en la matière.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). On sait qu’il y a trois fois plus de dermatologues par habitant à Paris qu’en Haute-Garonne, et trois fois plus en Haute-Garonne qu’en Aveyron. L’objectif est de lever des obligations technocratiques tatillonnes – imposant, parfois, le passage par une dizaine de guichets – qui empêchent les professionnels de santé volontaires de s’installer dans certains territoires. L’instauration d’un guichet unique simplifierait le parcours des personnes mais aurait aussi des effets bénéfiques sur le fonctionnement administratif. Par l’amendement AS564, le groupe de travail transpartisan a souhaité donner davantage d’ampleur à une mesure de la LFSS 2023.

M. le rapporteur. Il faut en effet étendre le dispositif créé par la LFSS 2023. Il convient d’améliorer l’information et l’accompagnement des professionnels de santé, ainsi que de rationaliser les démarches. L’objectif premier est de servir les professionnels tout au long de leur carrière ou de leur exercice. C’est une avancée très intéressante, à laquelle je suis favorable.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 2

Amendements identiques AS385 de M. Stéphane Viry, AS425 de Mme Josiane Corneloup et AS495 de M. Guillaume Garot.

M. Dino Cinieri (LR). L’article 38 de la dernière LFSS a prévu l’instauration d’un guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation des professionnels de santé auprès de chaque ARS.

Or, pour favoriser et coordonner l’installation de médecins, en particulier dans les déserts médicaux, de nombreux éléments entrent en compte, tels que le logement, la mobilité, les structures de santé, etc.

C’est pourquoi il convient par l’amendement AS385 d’associer à ce guichet unique, outre les instances territorialement compétentes des ordres professionnels concernés, les collectivités, en particulier les départements, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam). Cet ajout est cohérent avec l’esprit de la proposition de loi, qui entend associer ces acteurs à la définition du diagnostic en matière d’offre de soins.

M. Yannick Neuder (LR). Les mesures d’accompagnement ont leur importance et l’adoption de l’amendement AS425 serait une bonne chose. Toutefois, je répète que l’existence de déserts médicaux, tout comme le fait que 600 000 Français n’aient pas de médecin traitant, est essentiellement due à un problème de démographie médicale – et pas d’abord à un problème de logement ou d’accompagnement. Il importe de s’attaquer au cœur du sujet.

Par ailleurs, pour revenir à l’exemple des dermatologues, qui sont surreprésentés en région parisienne et quasi absents dans d’autres, veillons tout de même à ne pas trop les contraindre : si l’on oblige des dermatologues à s’installer là où ils ne le souhaitent pas, certains d’entre eux préféreront décrocher leur plaque et, finalement, on aura des dermatologues en moins.

M. Philippe Vigier (Dem). Le guichet unique ne contraint personne. Chaque année, dans mon département d’Eure-et-Loir, les internes en médecine me disent qu’ils ont besoin d’un outil unique, à l’échelle départementale, pour les accompagner tout au long de leur vie professionnelle : c’est l’objet de ce guichet, qui va leur faciliter la vie, pas les contraindre à quoi que ce soit.

M. Guillaume Garot (SOC). Il s’agit d’associer les collectivités, en particulier les départements, mais aussi la Cpam, au guichet unique départemental placé auprès de chaque ARS en vue de favoriser l’installation des professionnels de santé.

Le guichet doit faciliter les démarches administratives, mais pas seulement : il concerne aussi l’accès au logement, la mobilité, l’accès à l’éducation pour les enfants, etc. C’est un service que nous voulons rendre à l’ensemble des professionnels de santé.

M. le rapporteur. Votre intention est louable, mais la rédaction de ces amendements me semble décalée. Il va de soi que ce guichet unique, pour être efficace, devra associer l’ensemble des acteurs concernés, mais vos amendements ne mentionnent que le département. Or celui-ci n’est pas compétent, par exemple, en matière de logement – puisque c’est l’un des points que vous avez évoqués. On se demande par ailleurs pourquoi vous ne mentionnez que le département, et pas d’autres collectivités locales, comme les intercommunalités ou la région. Quant à la Cpam, elle sera, de fait, associée à ce guichet. Cela relève du bon sens et il ne me semble donc pas utile de le préciser.

Je ne suis pas favorable à ces amendements, car je ne pense pas qu’il faille apporter davantage de précisions, surtout si elles sont incomplètes.

M. Philippe Vigier (Dem). Ces amendements me paraissent très intéressants et je ne comprends pas bien, monsieur le rapporteur, pourquoi vous estimez qu’ils ne nous feront pas gagner en efficacité.

M. le rapporteur. Je le répète : le conseil départemental n’a pas toutes les compétences. Par ailleurs, pourquoi mentionner le département, et pas l’agglomération ou la région ? Vous venez de nous dire, monsieur Vigier, que chez vous, la région avait eu un rôle moteur dans l’accompagnement à l’installation des médecins. Le département n’étant que l’un des acteurs, on voit mal pourquoi lui seul serait mentionné.

Par ailleurs, le guichet unique sera, par définition, construit avec l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire des collectivités locales : la région, le département, l’intercommunalité, voire les communes. Je ne suis pas certain qu’il faille toujours préciser les choses, surtout quand ces précisions sont incomplètes.

La commission rejette les amendements.

Article 2 septies (nouveau) : Prévoir une actualisation annuelle des zonages relatifs à l’offre de soins réalisés par les agences régionales de santé

Amendements identiques AS59 de M. Yannick Neuder, AS274 de M. Francis Dubois, AS350 de M. Paul-André Colombani, AS398 de M. Pierre Dharréville, AS683 de Mme Maud Petit et AS690 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Yannick Neuder (LR). Il importe de donner un caractère dynamique au zonage relatif à l’offre de soins établi par les ARS – dont je rappelle qu’il a un effet direct sur le niveau d’aides perçues. Il est évident qu’un médecin de 30 ans exercera plus longtemps qu’un médecin de 62, 63 ou 64 ans : il faut donc en tenir compte lorsqu’on établit le zonage. Si ce dernier n’est révisé que tous les quatre ans, on ne constate que tardivement qu’un grand nombre de médecins est parti à la retraite dans l’intervalle. Nous proposons donc que ce zonage soit réalisé annuellement, pour tenir compte de l’évolution et du vieillissement du corps médical.

M. Dino Cinieri (LR). En constante évolution, l’offre de soins est marquée par le vieillissement des professionnels et les nombreux départs à la retraite, notamment chez les médecins, comme le soulignent les dernières données de la Drees. Et pourtant, rien, dans le code de la santé publique, ne concerne le délai de révision du zonage.

Si la dernière révision a eu lieu en 2022 dans la majorité des territoires, la précédente datait de 2018. Cet intervalle de quatre ans ne permet pas de refléter l’évolution rapide de la démographie des professionnels de santé et limite l’actualisation des aides au plus près des besoins. Nous proposons donc par l’amendement AS274 une actualisation annuelle du zonage, afin de pouvoir informer régulièrement les acteurs concernés de l’évolution de l’offre de soins sur leur territoire.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le zonage relatif à l’offre de soins réalisé par les ARS permet de définir les territoires les plus en difficulté. De ce travail dépend l’éligibilité à différentes aides financières, ce qui impacte l’attractivité des territoires concernés.

Mais il faut tenir compte aussi du vieillissement de la population des médecins et des spécificités territoriales. Lorsque dix médecins partent à la retraite à Paris, cela n’a sans doute pas de grandes conséquences sur le zonage. En revanche, cela peut faire basculer un territoire isolé du mauvais côté.

Il faut également prendre en considération le changement de pratiques chez les jeunes générations : on a coutume de dire que pour remplacer 1 ancien, il faut 2,2 nouveaux. Le critère du nombre de médecins par habitant paraît donc un peu dépassé. Il faudrait peut-être lui préférer celui du nombre d’actes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement, issu de propositions de l’Association nationale des étudiants en médecine de France, de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale et du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants, vise à garantir une révision annuelle du zonage relatif à l’offre de soins. Il importe de disposer d’un zonage au plus près de la réalité, permettant l’attribution des aides financières nécessaires et soutenant l’attractivité des territoires en matière d’installation des professionnels de santé. À l’heure actuelle, le code de la santé publique ne prévoit aucune temporalité relative à la révision de ce zonage. Certains zonages datent de 2022 mais d’autres remontent à 2018. Nous proposons donc qu’ils soient réévalués chaque année.

Mme Maud Petit (Dem). Mon amendement propose une actualisation annuelle des zonages, afin de pouvoir informer régulièrement les acteurs concernés de l’évolution de l’offre de soins sur leur territoire. En effet, les zonages relatifs à l’offre de soin réalisés par les ARS permettent de définir les territoires les plus en difficulté. De ce travail dépend l’éligibilité à différentes aides financières, impactant de ce fait l’attractivité des territoires concernés. L’évolution de l’offre de soins est constante et particulièrement marquée par le vieillissement des professionnels avec de nombreux départs à la retraite, notamment chez les médecins.

On peut ainsi prendre comme exemple la diminution substantielle du nombre de gynécologues médicaux : en 2018, il en restait moins de 1 000 sur l’ensemble du territoire français. Si, depuis, ce chiffre est en augmentation, l’âge moyen des praticiens de cette spécialité est de 51 ans. Il est impératif, pour cette spécialité, comme pour de nombreuses autres, d’être attentif aux évolutions pour prévenir d’éventuelles difficultés d’accès aux soins. Pourtant, le code de la santé publique ne prévoit actuellement aucune temporalité relative à la révision des zonages. Ainsi, si la dernière révision date de 2022 dans la majorité des territoires, la précédente datait de 2018. Cet intervalle de quatre ans ne reflète pas l’évolution rapide de la démographie des professionnels de santé et limite l’actualisation des aides au plus près des besoins.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Mes collègues ayant déjà parfaitement exposé l’objet de ces amendements, je me contenterai de prendre un exemple, celui de la région de Livarot. Ce territoire, qui comptait un grand nombre de médecins, est devenu en quelques mois un désert médical. Si nous voulons pouvoir définir en temps réel les territoires qui présentent le plus de difficultés en matière d’accès aux soins, il faut une actualisation annuelle de ces indicateurs.

M. le rapporteur. J’ai du mal à imaginer que notre appareil statistique soit capable de produire chaque année des données fiables. Or elles doivent absolument l’être, puisqu’elles déterminent un certain nombre d’aides. Il se peut qu’un délai de quatre ans soit trop long, mais je pense qu’un an, c’est trop court. La vérité se situe peut-être entre les deux.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit à propos d’un amendement qui proposait de revoir le périmètre des territoires de santé tous les ans, il me semble que les stratégies de santé ne peuvent pas être pilotées sur un temps aussi court qu’une année, car elles impliquent de nombreux acteurs et des changements de pratiques qui nécessitent une certaine durée.

Les départs à la retraite sont une réalité et il est vrai que les nouvelles générations ont une autre manière de gérer leur carrière professionnelle : il faut tenir compte de ces données, mais, je le répète, une révision annuelle me paraît illusoire.

Je vous invite donc à retirer vos amendements et à travailler, d’ici à la séance, à un amendement qui proposerait une échéance intermédiaire, tous les deux ou trois ans. Il faut aussi laisser du temps aux collectivités locales qui vont se mobiliser et mettre en place des aides. Cela fait écho au débat que nous avons eu au sujet de l’Itos : je ne conteste pas son intérêt sur le fond, mais il faut le rendre le plus pratique possible.

M. Yannick Neuder (LR). Je pense tout de même que la prise en compte du critère d’âge doit être faisable, car tous les médecins qui exercent et qui sont pris dans les statistiques des ARS sont inscrits au Conseil national de l’Ordre des médecins : on a donc leur date de naissance.

Par ailleurs, notre objectif est de disposer d’un diagnostic fiable, pas forcément d’adapter les stratégies de façon immédiate. L’important, c’est de ne pas s’endormir sur des courbes qui semblent montrer que tout va bien pour se retrouver, trois ans plus tard, avec 50 % de médecins à la retraite. On sait bien qu’il faut du temps pour mettre en place les maisons médicales et les CPTS ; nous proposons simplement que les décideurs, c’est-à-dire les collectivités locales, disposent des données les plus fiables sur la démographie médicale. Il s’agit d’aider les collectivités, qui décident de l’attribution des aides en fonction des cartes fournies par les ARS. Il n’y a pas grand risque à les actualiser : c’est une aide à la décision.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiendrai ces amendements. Vous pensez vraiment que nous ne serions pas capables, en France, de compiler des informations sur nos quelques milliers de professionnels de santé et de voir ce qui se passe, année après année ? Franchement, ce n’est pas très compliqué. Au sein de notre CPTS, qui compte 222 membres, nous avons fait une cartographie, avec la date de naissance et les souhaits de chacun. Cela permet d’anticiper les choses et de mettre en œuvre des politiques publiques efficaces.

Cela fait effectivement écho à la discussion que nous avons eue à propos de l’Itos. Dans mon département, cela fait cinq ans que j’attends les modifications du zonage de l’ARS pour les kinésithérapeutes. Je me suis fracassé avant vous sur les fameuses enquêtes de la Drees. Avec les conseils de l’Ordre, avec les collectivités et les CPTS, nous avons tous les éléments d’appréciation nécessaires. Du reste, faire une révision chaque année, c’est beaucoup moins lourd que d’en faire une tous les trois ou quatre ans.

M. Thierry Frappé (RN). Je soutiendrai moi aussi ces amendements, puisqu’ils vont dans le sens de l’amendement AS100 que j’ai défendu à l’article 1er, qui proposait de redéfinir le zonage tous les ans – mon amendement de repli AS101 proposait que cette révision ait lieu tous les deux ans. Actuellement, le délai est plutôt de trois ans, voire quatre, à cause du covid – c’est du moins l’excuse qui avait été donnée.

Mme la rapporteure générale. Les maires nous interpellent au sujet du zonage, notamment parce qu’il peut créer des distorsions entre deux communes situées à quelques kilomètres : ils ne comprennent pas pourquoi on fait une différence entre elles, alors que les difficultés concernent l’ensemble du territoire. On attend du zonage qu’il nous dise qu’on est en difficulté, alors qu’on sait déjà tous très bien qu’on est en difficulté.

Ce zonage permet d’identifier des territoires auxquels il convient d’accorder des aides financières. Tout l’intérêt de cette proposition de loi est de permettre aux élus et aux professionnels d’échanger sur ces difficultés au sein du CTS et de faire des projections. En effet, qui, mieux que les professionnels, savent s’il faut recruter ou anticiper des départs ?

Il est clair que nous n’arriverons pas à avoir des données annuelles, parce qu’il faut du temps pour faire remonter les informations. Par ailleurs, je le répète, les CTS pourront vraiment proposer les niveaux d’aides nécessaires, parce qu’ils auront une meilleure connaissance des territoires.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Monsieur le rapporteur, vous nous dites que, dans les bureaux, on ne pourra pas obtenir des données annuellement. Nos concitoyens ont pourtant besoin que nous soyons réactifs sur ces questions. On est au XXIe siècle !

On a des zones vertes, correctement dotées, qui sont peu nombreuses, des zones orange en difficulté et des zones rouges où il n’y a plus rien. Si l’on attend que les zones orange basculent dans le rouge pour agir, on perd des chances de réadapter le territoire ! Ne dites pas que, dans les bureaux, on n’a pas le temps de faire ce qu’il faut en un an.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Colombani, il y a quand même un principe de réalité : il faut connaître le nombre d’habitants, qui évolue et qu’on ne connaît qu’à l’occasion du recensement. Si ces amendements sont votés, ils ne pourront pas s’appliquer.

M. le rapporteur. J’ai l’impression que nous ne parlons pas tous de la même chose. Si j’ai bien compris, ces amendements portent sur les indicateurs produits par les ARS à l’échelle d’une commune, voire de plusieurs communes. Les zones considérées comme un désert médical bénéficient alors d’un certain nombre d’aides.

Monsieur Frappé, vos amendements AS100 et AS101 concernaient quant à eux les territoires de santé, c’est-à-dire un zonage beaucoup plus large, qui correspond presque à un bassin de vie : un département, un demi-département, une métropole, etc. Or la révision annuelle du périmètre des territoires de santé entraînerait une instabilité des politiques publiques. C’est ce que je vous ai indiqué, lorsque nous les avons examinés, à l’article 1er. Les amendements que nous examinons concernent un zonage beaucoup plus restreint, puisqu’ils sont à l’échelle de la commune.

Monsieur Colombani, je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas déranger les fonctionnaires en les sollicitant trop souvent. Je me suis seulement demandé si notre appareil statistique était capable de produire tous les ans des statistiques fiables, susceptibles d’être une aide à la décision. Je n’ai pas la réponse et je veux bien poser la question au ministre. Je répète qu’un délai de l’ordre de deux ou trois ans me semblerait préférable, car le pilotage des politiques publiques nécessite du temps.

M. Yannick Neuder (LR). Monsieur le rapporteur, ne vous méprenez pas : ce que nous proposons, ce n’est pas de redéfinir les périmètres constamment, ni de procéder en permanence au comptage des populations. Nous voulons seulement que les collectivités disposent d’une aide à la décision la plus proactive possible : ce sera le cas si l’on inclut, dans les cartes qui seront produites, l’âge des médecins. Nous aurons ainsi, en temps réel, une idée de l’évolution de la situation. Il s’agit d’introduire un critère dynamique pour fournir l’aide à la décision la plus précise.

M. le rapporteur. Tout à l’heure, j’avais souhaité le retrait de l’amendement AS329 de M. Garot et des amendements identiques relatifs à l’Itos. Ils ont finalement été votés, mais M. Garot m’a donné l’assurance que nous pourrions retravailler sur cet indicateur d’ici à la séance. Par parallélisme, et par cohérence, je vous invite à retirer ces amendements et à les retravailler, en même temps que nous retravaillerons les amendements relatifs à l’Itos, afin d’aborder ces deux questions de la même manière, en introduisant le même délai de révision.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 2

Amendement AS677 de M. Luc Lamirault.

M. François Gernigon (HOR). Les conventions nationales proposent un contrat d’aide à l’installation pour améliorer l’accès aux soins dans l’ensemble du territoire. Les professionnels conventionnés installés dans des zones très sous‑dotées perçoivent ainsi une aide financière qui leur est versée en une seule fois à compter de la signature du contrat, afin de les aider à faire face aux frais inhérents au lancement de leur activité.

Afin de renforcer le contrôle des conditions requises pour obtenir cette aide et s’assurer qu’elle n’est bien versée qu’une seule fois, l’amendement tend à améliorer la transmission des informations relatives à la conclusion ou non de ces contrats en demandant aux conseils départementaux de l’Ordre d’informer la Cpam de toute nouvelle installation dans l’une des zones subventionnées.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait car les Cpam sont informées de l’installation des médecins. Je vous invite à le retirer ; sinon avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Pour vous rassurer, sachez que l’aide financière n’est accordée que si la Cpam, en lien avec l’ARS, notifie l’installation.

L’amendement est retiré.

Article 2 octies (nouveau) : Rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les médecins, chirurgiens-dentistes et les sages-femmes quittant leur lieu d’exercice

Amendements AS211 et AS210 de M. Timothée Houssin, amendements identiques AS67 de M. Joël Aviragnet, AS278 de M. Francis Dubois, AS547 de M. Yannick Favennec-Bécot, amendements identiques AS532 de M. Guillaume Garot et AS563 de M. Jérémie PatrierLeitus (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement AS210 tend à que les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes installés dans des déserts médicaux notifient au conseil de l’Ordre, à l’ARS et à la commune leur volonté de quitter la commune, au moins un an à l’avance. L’amendement de repli AS211 vise à ramener le délai à six mois. Bien sûr, des exceptions pour raison exceptionnelle pourraient être prévues par décret. Il ne s’agit pas d’ajouter des contraintes supplémentaires aux soignants mais d’aider les collectivités, les confrères et les patients à anticiper ces départs.

M. Joël Aviragnet (SOC). Pour les mêmes raisons, mon amendement tend à imposer un préavis de six mois aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes qui quittent leur lieu d’exercice.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement AS278 est issu des travaux du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux. Le préavis permettra de mieux anticiper les besoins en matière d’offre de soins et de mieux organiser la suite pour continuer à assurer un accès aux soins, notamment dans les zones rurales sous-dotées.

M. Philippe Vigier (Dem). Il s’agit par l’amendement AS547 d’imposer à ces soignants qui quittent leur lieu d’exercice un préavis de six mois, sauf dans les cas de force majeure prévus par décret. Si le soignant n’annonce son départ qu’au dernier moment, il laisse désemparés plusieurs centaines de patients. Après tout, la gestion prévisionnelle des compétences est une pratique courante dans toutes les entreprises.

M. Guillaume Garot (SOC). Cet amendement du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux impose, en dehors des cas de force majeure prévus par décret, un préavis de six mois aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes qui quittent leur lieu d’exercice.

La mesure doit permettre aux autorités d’anticiper le départ et de disposer du temps nécessaire pour s’organiser afin de continuer à assurer l’accès aux soins. Il est arrivé trop souvent que des médecins s’installent dans une région, attirés par l’aide publique qui leur était accordée, avant de la quitter presque du jour au lendemain alors que le cabinet avait été conçu selon leurs exigences.

Le rapporteur et moi-même, nous avons donc voulu améliorer la rédaction de l’amendement pour qu’elle soit la plus solide possible.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le préavis de six mois semble essentiel pour prévenir les départs soudains de soignants qui laisseraient la population sans offre de soins de proximité. Dans de nombreuses communes rurales, le départ d’un médecin ne s’apprend que par la rumeur et les habitants sont souvent placés devant le fait accompli, ce qui suscite inquiétude et exaspération.

M. le rapporteur. Les mesures que nous prenons sont cohérentes et suivent une ligne directrice. Celles relatives au guichet unique ont permis d’améliorer la lisibilité des politiques menées par les collectivités locales. L’article 1er du texte prévoit de faire du CTS l’organe de gouvernance du territoire de santé. Il sera chargé de rassembler les acteurs du territoire pour qu’ils définissent ensemble des stratégies. Dans ce cadre, les professionnels de santé pourront informer en amont les parties prenantes de leur départ afin de permettre aux collectivités locales mais aussi aux organismes de sécurité sociale et aux ARS d’anticiper ces départs.

Je suis donc, sur le principe, favorable à ces amendements mais je préfère la rédaction de ceux de Guillaume Garot et de Jérémie Patrier-Leitus, que nous avons travaillée avec le Gouvernement et qui me semble juridiquement plus solide. Ne le prenez pas mal, puisque l’intention de tous est respectée. J’invite par conséquent les auteurs des autres amendements à les retirer.

Les amendements AS211, AS210, AS67 et AS547 sont successivement retirés.

La commission rejette l’amendement AS278.

Puis elle adopte les amendements AS532 et AS563.

Après l’article 2

Amendements AS698 et AS695 de M. Benoit Mournet (discussion commune)

Mme Mireille Clapot (RE). Il s’agit, tout d’abord, d’instaurer un nouveau mode d’autorisation d’installation pour les médecins. L’autorisation, pour un médecin, de s’installer dans un territoire, devra être délivrée par l’ARS correspondante, après avis du conseil de l’ordre des médecins du territoire concerné et de la CPTS en s’appuyant sur les indicateurs territoriaux de l’offre de soins définis à l’article précédent.

L’amendement suivant tend à ce que cette autorisation soit délivrée après avis du CTS.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Nous nous sommes mis d’accord pour que le débat autour de l’installation des médecins ait lieu en séance. Surtout, n’allons pas faire croire à nos concitoyens que nous pourrons résorber les déserts médicaux en régulant l’installation des médecins, ne serait-ce que parce que, dans les cinq à dix prochaines années, il y aura toujours moins de médecins qui entreront en activité que de médecins qui en sortiront. Que voulez-vous réguler quand le désert médical s’étend sur 87 % du territoire ?

Enfin, les indicateurs territoriaux de l’offre de soins auxquels vous faites référence n’existent pas encore. Je vous invite donc à retirer les amendements.

M. Jean-François Rousset (RE). Nous sommes opposés à toute mesure contraignante qui pèserait sur l’installation des médecins. Notre territoire est un désert médical : il ne servirait donc à rien de déplacer les médecins. D’autre part, n’oublions pas que les étudiants en médecine sont soumis à rude épreuve. Le taux de suicide est important, ils ont du mal à se former et ils redoutent de s’installer dans ces territoires. Ne leur imposons pas un obstacle supplémentaire. Écoutons‑les, plutôt. Beaucoup refusent de devenir généralistes et nombreux sont ceux qui émettent le souhait de s’installer à l’étranger. D’autres envisagent de travailler pour des entreprises qui sont prêtes à leur offrir des ponts d’or pour leurs compétences.

Ne leur envoyons pas un tel message car les médecins pourraient être tentés de mettre leur menace de déconventionnement à exécution et nous aurions gagné une médecine à deux vitesses. Ne reproduisons pas les erreurs du passé, qui nous ont conduits à cette situation. En 1970, des députés ont cru raisonnable de voter le numerus clausus.

M. Yannick Neuder (LR). Je suis d’accord. Je ne sais pas si vous avez mesuré les conséquences qu’emporterait l’adoption de tels amendements. La moitié des étudiants en médecine se disent au bord du burn‑out. Ce n’est pas parce qu’ils se prennent trop de vacances mais parce qu’ils croulent sous le travail ! Si, pour couronner le tout, une fois leurs études enfin achevées, ils sont soumis au bon vouloir des ARS et du Conseil de l’Ordre, nous achèverons de les décourager. D’une manière plus générale, arrêtons d’envoyer des signaux aussi négatifs aux professionnels de santé, que ce soit pour leur rémunération ou la considération à laquelle ils devraient avoir droit, sinon ces métiers, dont les études sont très longues, perdront toute attractivité. Un étudiant en médecine ne s’installe qu’après une bonne dizaine d’années d’études alors que ceux de ses anciens camarades qui auront choisi d’intégrer une école de commerce, seront entrés dans la vie active depuis quelques années et auront un bien meilleur niveau de vie que lui.

M. Philippe Vigier (Dem). Je ne voterai pas ces amendements, d’autant plus que je ne comprends pas le raisonnement de M. Mournet. Lui qui se disait opposé aux technostructures, à la sur-administration, à l’excès de complexité, veut soumettre l’autorisation d’installation des médecins à l’ARS, à la Cpam et au Conseil de l’Ordre ! Je suis d’accord pour que, au cas par cas, on essaie d’orienter les installations mais je ne veux pas que l’on généralise la régulation ! C’est l’échec assuré.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Beaucoup de professionnels se voient imposer, en France, leur lieu d’installation, qu’il s’agisse des surveillants pénitentiaires, des professeurs, des pharmaciens, des fonctionnaires en général. Il ne me semble pas que ce soit exiger un effort colossal des médecins que de leur demander de s’installer ici plutôt qu’ailleurs, d’autant plus qu’actuellement, la moitié des professionnels de santé s’établissent dans un quart du territoire. Nous ne pouvons pas éluder ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements.


– 1 –

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 21 heures

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (n° 1175) (M. Frédéric Valletoux, rapporteur) ([62]).

Après l’article 2 (suite)

Amendements identiques AS87 de M. Joël Aviragnet, AS581 de Mme Chantal Jourdan, AS585 de M. Philippe Vigier et AS589 de M. Guillaume Garot.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à soutenir les infirmiers en pratique avancée (IPA).

L’accès direct aux IPA a été autorisé récemment par la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite « loi Rist ». Néanmoins, pour conforter une profession encore mal connue, il convient d’offrir aux IPA un cadre protecteur, une rémunération à la hauteur de la fonction ainsi qu’une reconnaissance.

Les infirmières travaillant dans le cadre du dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée) sont des précurseures des IPA puisqu’elles travaillent en exercice coordonné. L’accès direct n’est pas possible dans ce cadre, mais les évaluations sur la qualité des soins pratiqués sont très concluantes.

M. Joël Aviragnet (SOC). Il s’agit d’accompagner le développement de la profession d’IPA dans les zones où il est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un médecin dans des délais raisonnables.

L’amendement tend à autoriser, dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l’accès direct aux IPA en vertu de protocoles de coopération établis par les soignants, afin de permettre aux infirmiers de prendre en charge des soins primaires, mais aussi d’accompagner, sur demande d’un médecin traitant, des patients affectés par une pathologie chronique.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement, que nous sommes nombreux à avoir déposé, s’inscrit dans le travail au long cours mené au sein de notre assemblée afin d’encourager l’accès direct aux professionnels de santé.

Dès lors que l’offre de soins n’est pas suffisante pour satisfaire la demande, il faut continuer à développer l’accès direct aux IPA. Telle était l’ambition de la rapporteure générale en inscrivant, dans sa proposition de loi, une expérimentation sur l’ensemble du territoire. Las, à l’issue de la commission mixte paritaire avec les sénateurs, seuls six départements devaient y participer.

Le protocole de coopération, établi avec les médecins, répond à l’exigence de garantir aux patients la meilleure pratique médicale. Le médecin reste le pivot, mais, dans certaines circonstances, l’accès direct permet de pallier l’insuffisance de l’offre de soins – 750 000 personnes souffrant d’affection de longue durée (ALD) n’ont pas de médecin traitant. Le temps médical ainsi libéré profiterait aux patients dont la prise en charge par un médecin est indispensable.

Il est regrettable que la commission mixte paritaire ait limité l’ambition de la rapporteure générale, car une expérimentation sur une petite partie du territoire n’est pas satisfaisante. Je me félicite donc que l’amendement n’ait pas été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Je m’en étonne néanmoins, car d’autres amendements que nous avons évoqués cet après-midi n’ont mystérieusement pas connu le même sort.

M. Guillaume Garot (SOC). L’amendement a été rédigé au sein du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux.

Nous devons aider les IPA qui voudraient faire davantage et être plus nombreux. En la matière, la proposition de loi proposée par Stéphanie Rist était plus ambitieuse que le texte adopté finalement. Nous suggérons donc d’en revenir à l’ambition initiale.

L’accès direct aux IPA que nous envisageons s’accompagne des garanties nécessaires – une coopération avec les médecins, laquelle fait l’objet d’un protocole strict. Pour répondre à la nécessité de libérer du temps médical, il est primordial de s’appuyer sur toutes les forces dont nous disposons. L’accès direct aux IPA concourt à répondre à l’urgence de la situation.

M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Le sujet a été longuement débattu lors de l’examen de la proposition de loi Rist. Un accord a été trouvé en commission mixte paritaire en avril dernier, que certains estiment satisfaisant, et d’autres insuffisant. Des expérimentations seront bientôt lancées.

Bien que j’aie soutenu la version initiale du texte de la rapporteure générale, il me semble malvenu de vouloir rouvrir un débat qui a été clos par la promulgation de la loi, il y a moins de deux semaines. Laissons vivre le consensus trouvé en commission mixte paritaire ; évitons d’envoyer des signaux contradictoires aux professionnels de santé. La sagesse politique invite à laisser les expérimentations se dérouler – la vertu que La France insoumise leur trouvait pour les conseils territoriaux de santé (CTS) n’a certainement pas disparu s’agissant des IPA ! Ces derniers n’ont pas à être otages de nos joutes avec le Sénat.

Le débat a été tranché. Passons à autre chose. Je suis défavorable aux amendements.

M. Yannick Neuder (LR). Vos propos qui en appellent à la sagesse sont bien apaisants. Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, certaines affirmations sur le sujet témoignent d’une grande méconnaissance des choses.

Nous n’avons rien contre l’accès direct, dès lors que c’est dans le cadre d’un processus de coordination. Or l’appartenance à une CPTS ne garantit pas la coordination entre IPA et médecins. En outre, de nombreuses CPTS ne comptent malheureusement pas les spécialistes aptes à prendre en charge les maladies chroniques les plus fréquentes – l’insuffisance rénale, cardiaque ou respiratoire. La condition d’appartenance à une CPTS n’est donc pas un gage de sérieux suffisant. C’est ce qu’avait considéré la commission mixte paritaire et elle en avait tiré les conséquences.

Le principal frein à la formation des IPA, qui peuvent libérer beaucoup de temps médical, est aujourd’hui financier. Le remplacement d’une infirmière à l’hôpital qui part se former étant rarement financé, il faut redéployer les moyens existants. Pour encourager la formation, il conviendrait de ne pas comptabiliser les IPA qui reviennent de formation dans les équipes mais de les placer en surplus, à côté des médecins, sans quoi on alimente tensions et frustration.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La sagesse politique à laquelle appelait le rapporteur n’enlève rien à son avis défavorable.

M. le rapporteur. Puisqu’un débat approfondi a déjà eu lieu et que la loi Rist a été promulguée très récemment, la sagesse politique commande en effet de s’en tenir à l’équilibre trouvé avec le Sénat. Je l’ai dit, je suis défavorable aux amendements.

M. Guillaume Garot (SOC). J’abonde dans le sens de M. Neuder s’agissant du financement de la formation des IPA. Plusieurs infirmières m’ont fait part de leurs difficultés pour accéder à la formation. L’État et les régions ont un effort à faire dans ce domaine.

Ensuite, il faut faire confiance aux IPA, dont je connais le travail et l’engagement, et s’en remettre à leur esprit de responsabilité. Une IPA ayant des doutes sur sa capacité à prendre en charge un patient ne manquerait pas d’en référer immédiatement à un médecin, qu’il s’agisse de son correspondant au sein d’une CPTS ou d’un spécialiste.

M. Philippe Vigier (Dem). La sagesse ne consiste pas nécessairement à s’aligner sur la position du Sénat. Que restera-t-il de notre capacité d’action si la sagesse s’impose à nous sur chaque texte ?

Monsieur le rapporteur, quelle solution préconisez-vous pour les 850 000 patients en ALD sans médecin traitant, sachant que le nombre de professionnels de santé n’est pas extensible ? La seule solution est, à mes yeux, de déléguer des tâches afin de libérer du temps médical. Si vous en avez une autre, je suis preneur. Je n’oublie pas que le Président de la République a pris l’engagement, à Vendôme, de trouver une solution avant la fin de l’année. Expliquez-moi.

Une IPA est très bien formée, avec deux années de formation supplémentaires. Si leur nombre n’augmente pas, c’est à cause de la faible attractivité du métier : une IPA ne gagne que quelques dizaines d’euros supplémentaires par mois dans les hôpitaux ! Et, dans le privé, je connais une infirmière âgée de 40 ans qui a voulu se former et a perçu 85 % de son salaire. Qui accepte de voir ainsi sa rémunération diminuer de 15 % ?

Nous sommes conscients de la nécessité d’une réflexion collective sur le sujet. C’est la raison pour laquelle l’exposé sommaire renvoie au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Enfin, si les maladies chroniques, j’en conviens parfaitement, doivent être traitées par les médecins, le recours à des IPA permet de libérer, pour ces derniers, le temps médical indispensable.

L’impact d’une expérimentation dans six départements seulement sera insuffisant face à l’ampleur des problèmes d’accès aux soins que nous avons à résoudre. Je comprends d’autant moins ce choix que, si j’en crois le rapporteur, le maillage des CTS sera achevé dans six mois. Je regrette que le parallélisme ne soit pas respecté au bénéfice des IPA.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le développement des IPA permet de libérer du temps médical sans nuire à la sécurité des patients. Bien que la profession soit récente, les IPA suivent une formation complémentaire pendant deux ans. On peut leur faire confiance. Il ne faut d’ailleurs pas se cacher que, dans de nombreux cas, elles suppléent déjà les médecins dans de nombreuses tâches – c’est l’une des raisons pour lesquelles la formation a été instituée. Dans les hôpitaux, si elles n’étaient pas là, nous serions bien embêtés.

Il nous faut reconnaître les compétences des professionnels de santé, lesquelles évoluent avec les maladies. Les IPA connaissent très bien les limites de leurs compétences et travaillent en bonne coordination avec les médecins.

La commission rejette les amendements.

Article 2 nonies (nouveau) : Imposer un avis préalable à l’agence régionale de santé en cas de cessation d’activité d’une pharmacie d’officine en zone sous-dense

Amendements AS696 et AS694 de M. Jérémie Patrier-Leitus (discussion commune).

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans les communes rurales, de plus en plus souvent, des pharmacies sont rachetées, puis fermées quelques mois plus tard. Dans un rapport publié en 2016, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales relevaient que près de la moitié des fermetures d’officines sont le résultat d’initiatives de pharmaciens désirant restructurer l’offre locale via des regroupements et rachats-fermetures. Ce phénomène crée des inégalités d’accès aux soins – certaines zones voient ainsi l’offre se raréfier et ne plus correspondre aux besoins de la population. Il est donc indispensable de le réguler.

L’amendement AS696 a pour objet d’encadrer les restructurations sur l’ensemble du territoire. L’amendement AS694 est un amendement de repli puisqu’il ne vise que les déserts médicaux.

M. le rapporteur. Je rappelle que toute cessation définitive d’activité d’une officine doit être déclarée par son titulaire à l’agence régionale de santé (ARS) lorsqu’elle fait l’objet d’une indemnisation par une autre pharmacie. Un avis préalable du directeur général est requis pour anticiper au mieux les conséquences sur l’offre pharmaceutique, notamment dans les territoires ruraux. C’est précisément pour apporter une réponse à ces territoires qu’un assouplissement de la réglementation a été prévu par certaines dispositions de l’ordonnance de 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie. Cette ordonnance devait faire l’objet d’un décret d’application, annoncé pour 2022, puis 2023, lequel doit permettre aux ARS d’identifier les territoires dans lesquels la population connaît de sérieuses difficultés d’accès à une offre pharmaceutique.

Il serait intéressant de redéposer votre amendement en séance pour obtenir des éclaircissements de la part du ministre sur le contenu et la date de publication du décret.

Pour le reste, je ne suis pas sûr qu’on puisse s’opposer à la vente d’une pharmacie, qui constitue un fonds de commerce que le vendeur a lui-même acheté, du moins sans prévoir une indemnisation.

Je demande donc le retrait des amendements, ou mon avis sera défavorable.

M. Guillaume Garot (SOC). Je soutiens ces amendements qui alertent, à juste titre, sur le phénomène de concentration capitalistique à l’œuvre s’agissant des pharmacies, et que l’on constate aussi pour les laboratoires de biologie et les cabinets de radiologie. Ce phénomène mérite de notre part une grande attention. C’est une véritable question de souveraineté : les fonds d’investissement qui rachètent les officines n’obéissent pas à des logiques de long terme et ne se soucient guère de l’intérêt général ou national. La représentation nationale doit absolument se saisir du sujet. Un rapport serait très utile pour informer les députés et les aider à apporter des réponses juridiques et politiques

Mme Joëlle Mélin (RN). Ces amendements soulèvent un problème majeur. Les Ehpad sont déjà largement aux mains de grands groupes guidés par les intérêts boursiers. Il en est de même pour les cliniques privées, les laboratoires et maintenant les pharmacies.

Du fait de la faible rémunération qu’ils octroient, notamment à cause de forfaits insuffisants, les centres de santé sont déjà la proie des groupes. Je ne peux que m’étonner que la démonstration de M. Garot n’ait pas empêché le groupe de travail partiellement transpartisan de faire de cette proposition de la loi une porte ouverte à la captation par les grands groupes du secteur libéral.

Nous voterons en faveur des amendements.

M. Yannick Neuder (LR). Je partage entièrement les propos de M. Garot.

Le phénomène que nous évoquons risque de faire disparaître notre souveraineté dans certaines spécialités – je pense notamment à la radiologie. Les fonds de pension sont en train de racheter tous les gros cabinets. Si la liberté d’installation est compromise par une réglementation excessive, les étudiants en radiologie ne pourront plus ouvrir leur propre cabinet. Il ne sera pas possible de créer les petites unités de soin dont nous avons besoin, réunissant laboratoires de biologie, cabinets de radiologie et prescripteurs. De surcroît, les fonds de pension reverront à la baisse les rémunérations attractives qu’ils offrent aujourd’hui : on assistera alors à une délocalisation qui a déjà commencé – nombre d’actes de radiologie sont interprétés à l’étranger, notamment depuis l’Australie.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le sujet abordé par notre collègue nous mobilise tous.

Un peu plus de 1 500 pharmacies ont disparu en une décennie. Ce phénomène massif n’affecte pas dans les mêmes proportions toutes les communes, mais dénote un mouvement général de concentration. Ce mouvement ne résulte pas d’une mauvaise gestion : les propriétaires sont contraints de vendre à prix bradé à d’autres, qui acquièrent dès lors une situation de monopole. Le fait est que les trois quarts des pharmacies qui ferment ont un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros. L’équation est donc simple : les plus faibles sont rachetés par les plus gros. Dans de telles restructurations capitalistes, les taux de profit vont à l’encontre de la couverture des besoins en matière de santé sur l’ensemble du territoire.

En outre, la marge globale du secteur se maintient en dépit de la fermeture des pharmacies, ce qui montre que les gens se déplacent plus loin pour faire les mêmes achats qu’auparavant. Ce sont les clients qui supportent la contrainte.

Si l’on défend le principe selon lequel l’activité doit être régulée en fonction des besoins de santé publique, il faut lutter contre le phénomène de concentration.

M. Philippe Vigier (Dem). Les pharmacies assurent un précieux maillage de proximité ; leur installation est d’ailleurs réglementée.

La financiarisation massive qui touche les laboratoires, la radiologie ou les pharmacies est une arme de destruction massive des services de santé de proximité. À cet égard, il est heureux que la publication de certains décrets soit bloquée depuis plusieurs mois.

Ces amendements ne résolvent pas tout mais ils posent des questions dont nous devons nous saisir dans la perspective du PLFSS 2024. En effet, une fois qu’une pharmacie est fermée, on ne peut la rouvrir que si la commune compte plus de 5 000 habitants ; autrement dit, elle ne sera jamais rouverte et il faudra parcourir plusieurs kilomètres pour en trouver une autre.

Les pharmaciens sont d’autant plus précieux qu’ils exercent aujourd’hui des responsabilités opérationnelles, par délégation de tâche – vaccination, dépistage, renouvellement d’ordonnances dans certaines circonstances, protocoles de coopération qui leur permettent d’intervenir directement pour certaines pathologies.

Je soutiens la démarche. Nous devons absolument nous intéresser de très près au sujet.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Je remercie M. Patrier-Leitus pour ses amendements que je soutiens.

On a vu les effets délétères pour la radiologie de la concentration au nom de supposées économies d’échelle. Ce phénomène va à l’encontre de l’exigence de proximité, rendue plus nécessaire encore pour les pharmaciens par la délégation de tâches.

Il nous faut être particulièrement vigilants quant à la concentration capitalistique, qui s’opère au détriment de la satisfaction des besoins de santé publique.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Il me semble que nous prenons le problème à l’envers. La disparition des pharmacies et la financiarisation qui l’accompagne sont liées à la démographie : le nombre de pharmacies baisse, comme celui des médecins, et lorsqu’il n’y en a plus assez, la régulation de l’installation ne fonctionne pas – il convient peut-être d’en tirer les leçons pour les médecins.

Il faut améliorer l’attractivité de l’installation en tant que pharmacien d’officine, car les étudiants ont aujourd’hui un large choix d’autres métiers. Une autre clef du problème est la rémunération des professionnels de santé.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je ne sais pas si l’amendement apporte une réponse pertinente à ce problème que j’ai découvert récemment dans ma circonscription. Une petite pharmacie qui offrait un service de proximité a fermé après avoir été rachetée par une plus grosse située à quelques kilomètres. La démographie n’était pas en cause, puisque des offres concurrentes avaient été déposées, mais qui ne rivalisaient pas financièrement. On a ainsi fait disparaître une offre de services, mais aussi un lieu où des relations différentes se nouent, soit dit sans vouloir céder au romantisme rural.

En tout état de cause, il est indispensable de se pencher sur la question, car l’offre de pharmacies et leur répartition sont une préoccupation légitime.

M. le rapporteur. Le débat est intéressant et je remercie M. Patrier-Leitus de l’avoir lancé. Il montre à la fois l’acuité et la complexité du sujet, qui suscite des inquiétudes sur tous les bancs.

Il faut prendre le temps de bien cerner le problème, dont nos discussions ont montré les nombreuses dimensions. Je vous propose donc, si vous acceptez de retirer les amendements, de travailler ensemble à une demande de rapport, comme l’a suggéré Guillaume Garot, qui permettrait d’approfondir le sujet.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans les déserts médicaux, il y a urgence à agir. De très nombreux maires dans les territoires ruraux constatent le phénomène.

L’amendement AS694 ne vise pas à interdire toute cession ou toute restructuration. Il prévoit une consultation, outre du directeur de l’ARS, des syndicats représentatifs de la profession et du conseil territorial de santé. Il permet également de s’opposer à une cessation définitive d’activité qui entre en contradiction avec les objectifs déterminés par le projet territorial de santé.

Je retire l’amendement AS696, qui s’étend à tout le territoire, mais je maintiens celui qui concerne les déserts médicaux.

L’amendement AS696 ayant été retiré, la commission adopte l’amendement AS694.

Après l’article 2 (suite)

Amendement AS120 de M. Luc Lamirault.

M. Paul Christophe (HOR). En cohérence avec les discussions sur l’amendement AS677, nous le retirons.

L’amendement est retiré.

Amendement AS687 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les mesures incitatives de nature financière se sont révélées incapables de remédier durablement à l’inégalité d’accès aux soins, créant plutôt des effets d’aubaines. Cet amendement tend à les réserver aux premières installations.

M. le rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : l’amendement me paraît satisfait par l’adoption des amendements identiques conditionnant l’éligibilité à une nouvelle aide financière par l’expiration d’un délai de dix ans.

L’amendement est retiré.

Amendement AS701 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Je tiens tout d’abord à exprimer mon soutien à cette proposition de loi, qui fait suite à une série d’autres mesures – concernant par exemple le numerus clausus, les infirmiers en pratique avancée ou les incitations financières à l’installation – qui vont dans le bon sens.

Ma conviction, d’autant plus forte que j’ai changé d’avis sur le sujet, est que nous n’échapperons pas, tôt ou tard, à une forme de régulation de la répartition des médecins, l’écart de densité étant, pour les généralistes, de 90 à 270 médecins pour 100 000 habitants et, pour les spécialistes, de 74 à 650 pour 100 000 habitants.

Le présent amendement vise à traiter la question par le moyen du conventionnement, à l’instar de ce qui se pratique pour les pharmaciens et d’autres professionnels paramédicaux. Ce conventionnement serait réservé aux zones sous‑dotées – soit l’essentiel du territoire national. J’ai bien conscience que cette mesure n’est pas consensuelle, mais je la crois utile.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion à plusieurs reprises et nous l’aurons à nouveau en séance. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS119 de M. Luc Lamirault.

M. François Gernigon (HOR). En cohérence avec les discussions sur les précédents amendements, nous le retirons.

L’amendement est retiré.

Article 2 decies (nouveau) : Faciliter la facturation de médicaments par les antennes d’officines

Amendements identiques AS523 de Mme Stéphanie Rist et AS653 de Mme Géraldine Bannier.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit de régler un problème pratique qui nous a été signalé dans les circonscriptions. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique a permis l’ouverture d’antennes de pharmacie. Or, pour que cette mesure soit totalement effective, il faut autoriser les pharmaciens adjoints à facturer. Tel est l’objet de ces amendements.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Il faut en effet améliorer l’expérimentation concernant les antennes de pharmacie, en donnant à celles-ci la possibilité de facturer.

J’en profite pour signaler que je viens d’un territoire où il est urgentissime de répondre aux besoins et d’atteindre les objectifs fixés, pour reprendre les termes utilisés tout à l’heure. Il faut trouver un moyen de faire venir des médecins dans les départements qui ne les attirent pas spontanément. Cela fait des années que j’y réfléchis. Peut-être pourrait-on créer des cycles d’études complets dans les villes moyennes, sortir de la coercition pour développer la culture de l’engagement ? Il serait bon d’y revenir en séance.

M. le rapporteur. Avis favorable : cette mesure permettra de résoudre une difficulté technique qui bloque une expérimentation extrêmement utile.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 2 (suite)

Amendement AS703 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Il s’agit toujours de réguler l’installation des médecins, mais par une autre voie. Je propose que pendant les trois premières années d’exercice après la fin de leurs études, les médecins spécialistes, hors médecine générale, soient affectés dans des zones sous-dotées – ce qui leur laisse un vaste choix.

Chez moi, dans les Hautes-Pyrénées, il n’y a plus aucun neurologue : si vous faites un AVC, vous devez aller à Pau ou à Toulouse. Et il n’y a qu’un dermatologue – il y en a onze à Pau, à 40 kilomètres.

Il nous faut donner les moyens aux gens d’accéder aux soins, pour éviter les retards dans les diagnostics. Je ne sais plus quoi répondre aux personnes qui viennent me trouver dans ma permanence pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. Et cet amendement n’est pas véritablement coercitif, puisqu’il permettra aux jeunes médecins de découvrir pendant trois ans des régions qui leur sont peut-être inconnues, avant de reprendre leur liberté. Il s’agit d’un engagement de service public nullement stigmatisant, qui prend en considération le point de vue de l’usager.

M. le rapporteur. Avis défavorable, de même que pour tous les amendements inspirés par la même philosophie. Je l’ai dit d’emblée : je ne soutiendrai aucune mesure coercitive – car c’en est une.

Mme la rapporteure générale. Ce que vous pourriez répondre à ces personnes, monsieur Mournet, c’est que quand on a achevé son internat, on a le choix soit de s’installer en ville, soit d’exercer à l’hôpital. Il y a plus de 30 000 postes de praticiens hospitaliers disponibles. Votre mesure dissuadera simplement les jeunes de s’installer en ville. Elle aura l’effet inverse de celui que vous recherchez.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous voterons pour cet amendement, qui va dans le sens d’une régulation de l’installation. S’appliquant aux nouvelles cohortes d’entrantes et d’entrants, une telle mesure permettrait de remédier, en l’espace d’un an ou deux, à l’absence de spécialistes dans certains départements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Si je voulais faire de la provocation, je dirais que Mme la rapporteure générale vient de nous proposer un moyen de pourvoir à la pénurie de praticiens dans les hôpitaux, avec cet amendement !

Plus sérieusement, dès qu’on avance des mesures de régulation, même minimalistes, le mot magique est prononcé : « coercition », ce qui met fin à la discussion. C’est un argument un peu faible. Engageons plutôt un véritable débat. L’État a la responsabilité de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire national. Nous devons lui donner les moyens de l’assurer. En l’occurrence, les propositions faites me semblent relativement modestes.

M. Yannick Neuder (LR). Ne pensons pas que l’hôpital bénéficiera des mesures de coercition, ou au contraire le secteur libéral : malheureusement, on n’en est plus là. La pénurie est telle que le seul risque que l’on prend en étant coercitif, c’est de dégoûter les jeunes professionnels. Veillons donc à ce que ceux-ci aient envie d’exercer leur métier. C’est quelque chose que les médecins de mon âge n’auraient jamais imaginé : quand on avait fait douze ans d’études, c’était pour exercer ! Je suis stupéfait de voir des jeunes qui ont fait dix ans d’études prêts à changer de métier en un claquement de doigts, tant la relation au travail a changé.

Monsieur Dharréville, la responsabilité de l’État est aussi d’assurer la formation des médecins, et je pense qu’on peut provoquer un choc en augmentant fortement les effectifs. Pour moi, la solution est numérique, elle ne passe pas par la coercition. Il faut supprimer le numerus apertus et instaurer des passerelles plus nombreuses avec les professions paramédicales pour disposer rapidement de médecins dans certaines filières.

M. Philippe Vigier (Dem). Cela fait au moins quinze ans que j’entends le même discours : « ne faisons rien, de toute façon ça ne marche pas ». À chaque PLFSS, c’est la même chanson. Pendant ce temps, le déficit se creuse... Les diverses gestions ont été calamiteuses et toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité – je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler les faits, mais je n’ai rien oublié.

Vouloir faire quelque chose, ce n’est pas imposer une régulation générale. D’ailleurs, le rapporteur lui-même avait l’idée de réguler les spécialistes. Au sein du groupe de travail transpartisan, nous avons promu l’hypothèse d’une régulation dans les territoires surdotés, et nous ferons dans l’hémicycle la démonstration de sa validité, cartographie à l’appui.

Moi aussi je suis favorable à la délégation de tâches, monsieur Neuder, mais vous connaissez comme moi la frilosité des médecins sur le sujet, et savez que les protocoles de coopération varient d’une région à l’autre. Il nous faut avancer.

Madame la rapporteure générale, le maillage des pharmacies est donné comme un exemple d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Dans la ruralité, le pharmacien est le dernier à l’assurer – c’est mal connaître la France que de soutenir le contraire. Que ce soit au fin fond de l’Eure-et-Loir, du Loiret ou de la Lozère, on trouve une pharmacie. Heureusement que les pharmaciens sont là ! Attention aux messages qu’on leur envoie.

Enfin, quand vous réussissez le concours de l’internat, allez-vous là où vous voulez ? Pas du tout. Cela dépend de votre classement. Par exemple, si on veut être neurochirurgien, il faut être dans les cinq cents premiers pour pouvoir aller à Lyon. Ensuite, on atterrit à Limoges, à Clermont-Ferrand ou à Poitiers – autant d’endroits où l’on peut quand même s’épanouir. Mais si on est huit millième, on ne devient pas neurologue. Cela montre bien qu’on ne choisit pas, que l’affectation dépend du classement, et que cela engage la suite de la carrière. Les internes savent très bien que les choses se passent ainsi. Ne prétendons pas le contraire.

Mme Joëlle Mélin (RN). J’ai conversé ce week-end avec des étudiants de sixième année qui m’ont expliqué que les épreuves classantes nationales avaient lieu dans quinze jours et qu’en fonction de nos propos, et, bien entendu, de leur classement, ils choisiraient ou non la médecine générale. Ils touchent de 300 à 400 euros de la troisième à la sixième année, puis 1 600 euros de la septième à la neuvième année, et 1 600 euros encore – car c’est ce que représentent par mois les 47 millions inscrits en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) – la dixième, alors même qu’ils sont déjà thésés. Si on leur dit en plus qu’ils ne peuvent pas faire d’intérim et qu’ils doivent travailler pendant trois ans là où on les envoie, sans rémunération incitative, la médecine générale va disparaître dans le mois qui vient ! Nous portons la responsabilité de l’aggravation des déserts médicaux, soit quantitatifs, soit qualitatifs, en médecine générale ou dans les spécialités.

M. Benoit Mournet (RE). C’est précisément pourquoi, madame Mélin, l’amendement ne concerne que les spécialistes, pour lesquels les écarts de densité sont les plus importants : de 74 à 648 pour 100 000 habitants en métropole, et de 39 à 181 pour 100 000 habitants dans les outre-mer.

On prétend que les médecins ne veulent pas de ce type de mesures, mais je le conteste : si les ordres et une partie des syndicats n’y sont pas favorables, nombre de médecins sur le terrain en comprennent la nécessité. Quant au risque du déconventionnement, cessons de nous raconter des histoires : il existe déjà des inégalités d’accès aux soins dans notre pays.

Enfin, je ne voudrais pas laisser penser que cet amendement stigmatise les jeunes professionnels, qui font des études longues et difficiles. Nous en sommes d’accord : il faut impérativement améliorer les conditions de travail et de rémunération des médecins, qui font tourner les hôpitaux. L’amendement est pragmatique : il vise à répondre à court terme au problème des postes vacants dans les hôpitaux et, a fortiori, en ville. Il s’agit d’inciter les jeunes médecins à pratiquer dans des territoires sous-dotés – et je fais le pari qu’ils y resteront.

M. Didier Martin (RE). Il y a une quarantaine d’années, on a fait le choix de ne pas concentrer les services de neurochirurgie dans les grandes facultés historiques : Lyon, Paris, Strasbourg... Il y a donc des neurochirurgiens en formation dans tous les hôpitaux universitaires. Après avoir été reçus au concours, ils font leurs cinq années d’internat puis deux ou trois ans de clinicat, soit huit années en tout de service public dans des hôpitaux publics, avec des gardes très lourdes. Eh bien, je considère qu’à l’issue de cette période, ils ont le droit de s’installer où ils veulent, y compris dans une clinique privée : ils se sont acquittés de leurs obligations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS640 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’un amendement d’appel qui a pour objet de permettre, à titre expérimental, au CTS, à l’ARS et à l’assurance maladie de contractualiser afin de déterminer les moyens financiers nécessaires pour atteindre les objectifs prioritaires définis par le CTS, dans un cadre pluriannuel, avec des indicateurs de santé publique.

La présente proposition de loi va dans le bon sens. Elle propose une gouvernance renouvelée, fondée sur une logique populationnelle, en organisant l’offre de soins en réponse à des besoins de santé du territoire. Il serait pertinent de renforcer cette logique vertueuse pour l’organisation des soins à l’aide d’un outil de pilotage s’inspirant des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qui fixent le cadre de la contractualisation entre les ARS et les établissements. L’ensemble des acteurs territoriaux, hôpitaux et libéraux, seraient partie prenante de la contractualisation.

Il est proposé que l’expérimentation ait lieu en priorité dans les zones sous‑denses.

M. le rapporteur. L’amendement me semble satisfait par l’article 1er. La déclinaison des politiques de santé s’organisera à l’échelle du territoire, autour du projet défini par le conseil territorial de santé. Pourquoi s’en tenir à une expérimentation ?

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 undecies (nouveau) : Simplifier les procédures d’autorisation par les agences régionales de santé dans le contexte de la réforme des autorisations pour garantir l’accès aux soins

Amendement AS522 de Mme Stéphanie Rist.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement, adopté en LFSS 2023, avait été censuré en tant que cavalier législatif, Il concerne un ensemble de dispositions transitoires relatives aux autorisations d’activité en vue de simplifier les procédures et d’épargner une charge de travail importante aux établissements de santé.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Ces dispositions assez techniques s’imposent dans le contexte de la réforme des autorisations entrée récemment en vigueur. Sans ces adaptations, le passage de l’ancien au nouveau mode de fonctionnement serait perturbé.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 duodecies (nouveau) : Demande de rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant

Amendement AS629 de M. Hadrien Clouet.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous demandons un rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant. Ce n’est pas une mince affaire : 6 millions de patients sont concernés, dont 600 000 atteints d’une ALD. Si vous n’avez pas de médecin traitant et que vous réussissez quand même à voir un médecin, vous êtes remboursé non plus à hauteur de 70 %, mais de 30 %. Vous devez payer 18 euros supplémentaires, en plus des frais de transport, tout cela parce que vous avez commis le crime de ne pas avoir d’offre de soins disponible dans votre territoire. Il s’agit, vous en conviendrez, d’une injustice grave.

M. le rapporteur. La situation est déjà traitée par les caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), que les personnes qui n’ont pas de médecin traitant peuvent saisir afin de ne pas être pénalisées. Il y a un défaut d’information chez les assurés – sans doute est-ce le fait des Cpam. Je ne pense pas qu’il soit utile de demander un rapport. Vous devriez plutôt déposer l’amendement en séance, de manière à obtenir une réponse du Gouvernement.

M. Joël Aviragnet (SOC). Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie de ne pas disposer de médecin traitant ? Dans ma circonscription, cela concerne entre 30 et 40 % de la population. On ne peut pas demander aux gens qui courent après un médecin et qui sont dans un état d’angoisse absolue d’interpeller la Cpam pour pas être surfacturés ! C’est parfaitement injuste et inacceptable. Il faut que l’État mette en place un système pour que l’annulation soit automatique. Ces personnes sont les premières victimes de la situation. N’en rajoutons pas !

M. Guillaume Garot (SOC). Franchement, monsieur le rapporteur, votre réponse n’est pas satisfaisante. Pourquoi serait-ce au patient de justifier qu’il ne trouve pas de médecin traitant et d’implorer la clémence de l’administration ? Nous devons prendre une mesure extrêmement simple. Nous proposons, au sein du groupe de travail transpartisan, de supprimer ces majorations. Ce n’est pas la faute du patient s’il n’y a pas de médecin traitant. C’est une responsabilité collective que nous, représentants de la nation, devons assumer. Sinon on inflige au patient une double peine : non seulement il n’a pas de médecin, mais en plus il doit payer davantage. C’est inacceptable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je l’ai dit tout à l’heure, le groupe de travail transpartisan avait déposé deux amendements sur le sujet. L’un a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. L’autre est aussi une demande de rapport.

« Double peine » : l’expression est bien choisie. Ce n’est pas au patient, qui est en difficulté, de trouver une solution ! Il est facile de dire ça quand on se trouve comme nous dans une situation confortable qui nous permet d’accéder à un médecin traitant et à des spécialistes, mais pensons aux 6 millions de Français qui sont dépourvus de médecin traitant !

M. Yannick Neuder (LR). C’est une question qu’on ne peut pas balayer d’un revers de main, mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon texte pour la traiter. Si les Cpam modifient le niveau de remboursement, c’est aussi pour éviter le nomadisme médical et ces gens qui multiplient les consultations jusqu’à ce qu’ils trouvent le médecin traitant qui fera l’acte qu’ils souhaitent. Selon moi, le problème relève du PLFSS.

M. Guillaume Garot (SOC). Encore faudrait-il que le Gouvernement n’utilise pas le 49, alinéa 3 !

M. Yannick Neuder (LR). Ce n’est pas à moi qu’il faut en faire le reproche.

Attention aussi aux chiffres que vous citez. Une partie des 6 millions de personnes sans médecin traitant n’en ont pas besoin ou n’en cherchent pas.

Cela étant, ce n’est pas aux patients qui ne peuvent avoir de médecin traitant d’avoir à se justifier auprès de la caisse primaire d’assurance maladie.

Mme la rapporteure générale. On peut toujours faire une demande de rapport, mais je ne suis pas certaine que nous en disposerons pour l’examen du prochain PLFSS...

Je suis d’accord : vu la diminution du ratio de médecins traitants par habitants, il y a de toute évidence un problème. Cependant, prenons garde à maintenir l’avantage à avoir un médecin traitant. Il nous faut trouver un mécanisme qui évite aux patients d’avoir à effectuer des démarches parfois compliquées pour obtenir le remboursement de la majoration – nous en aidons certains dans nos permanences – mais sans pour autant nourrir le phénomène des consultations sur des plateformes en ligne. Travaillons-y d’ici au prochain PLFSS.

M. Paul Christophe (HOR). Présentée ainsi, la majoration du ticket modérateur apparaît comme le type même de la mauvaise idée, puisqu’elle revient à pénaliser celui qui est la victime, le patient qui ne trouve pas de médecin traitant devant acquitter une dépense supplémentaire. Mais rappelons-nous que si cette mesure a été établie, c’est pour éviter un certain nombre de dérives.

Il s’agit d’un problème de fond, qu’il faudrait effectivement plutôt traiter dans le cadre d’un PLFSS. Un rapport n’apportera pas la solution, même s’il nous permettrait d’affiner notre réflexion – sous réserve que la demande survive à l’examen du texte par le Sénat.

Attention donc aux raccourcis. Stéphanie Rist y a fait allusion : d’autres acteurs, dont on connaît les dérives, sont tapis dans l’ombre. Soyons prudents.

M. Nicolas Turquois (Dem). Certes, il existe des risques, mais le principe d’un rapport n’est-il pas précisément de les mettre en balance avec les avantages ?

J’ai à l’esprit le souvenir d’un monsieur âgé qui est venu me voir les larmes aux yeux à la permanence parce qu’il ne trouvait pas de médecin traitant pour lui-même et pour son épouse. Cela m’a brisé le cœur.

Oui, il peut y avoir des excès, mais le risque couru en demandant un rapport étudiant des pistes pour résoudre ce problème me semble plutôt limité ; cela me semble au contraire une mesure de bon sens.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous parlons des conséquences d’une règle de l’assurance maladie : nous ne pouvons pas nous en laver les mains. Elle relève du politique, et nous avons donc la capacité d’intervenir. Je trouve déplorable que certains collègues la réduisent à une faute individuelle.

Cette situation concerne 6 millions d’individus, soit 10 % de nos concitoyens. On parle là de personnes non qui changeraient régulièrement de médecin traitant pour mettre les professionnels de santé en concurrence les uns avec les autres, mais qui n’arrivent pas à en trouver un de manière stable afin de bénéficier d’un parcours de soins coordonné.

Vous dites que certaines d’entre elles n’en ont pas besoin. La belle affaire ! En général, on n’a pas besoin d’un médecin avant d’être malade. Faudrait-il aller les voir quand tout va bien ?

Ces personnes vivent dans des territoires qui manquent de professionnels de santé ; elles rencontrent des difficultés de mobilité pour aller en trouver ; et il faudrait en plus qu’elles paient des frais supplémentaires ? Quand vous dites, monsieur le rapporteur, qu’elles doivent saisir l’assurance maladie pour éviter d’être pénalisées, cela signifie que ce n’est pas un problème politique, mais que cela relève d’un choix individuel et que ce sont aux individus de se débrouiller. Cela signifie aussi que certaines personnes, par exemple allophones ou qui rencontrent des difficultés d’ordre bureaucratique, n’ont pas la capacité de contester la peine qui leur est infligée. C’est source d’inégalités très fortes dans le parcours de soins.

Enfin, ma confiance dans le PLFSS pour traiter ce genre de problèmes est plutôt limitée, vu le recours à certaines procédures pour son adoption.

Demander un rapport n’engage pas à grand-chose et serait une manière de reconnaître le problème. Je pense que nous pourrions adopter cet amendement, et il serait bon que ce soit à l’unanimité.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La mesure n’avait pas fait l’unanimité au sein du Parlement. Pour notre part, nous l’avions considérée comme problématique.

Nous sommes face à un problème grandissant : 600 000 personnes en ALD n’ont pas de médecin traitant. Nous devons reconnaître cette réalité et éviter la double peine à celles et ceux qui sont concernés. Il faut donc avancer dans cette voie.

Mme la rapporteure générale a soulevé un autre problème, celui des plateformes de consultations en ligne, que cette disposition ne suffira pas à régler. Ces services explosent. Je me tiens à votre disposition pour y travailler car cette évolution me semble lourde de conséquences pour la santé de nos concitoyennes et concitoyens. Elle repose sur une marchandisation de la santé, qui fait des dégâts.

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas que l’on caricature mes propos – peut-être n’ai‑je pas été assez clair. Je n’ai jamais dit que nous nous en lavions les mains, qu’il n’y avait pas de problème, et encore moins qu’il était normal que les gens aient à accomplir une démarche auprès de l’administration pour se sortir d’une situation ubuesque. En revanche, je rejoins Stéphanie Rist sur le fait que la demande de rapport n’est pas la réponse la plus adaptée au problème.

Lors de son audition, le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie nous a assurés – je n’ai pas le niveau technique pour vérifier ces informations – que les personnes qui n’ont pas de médecin traitant ne sont pas pénalisées financièrement : l’assurance maladie neutralise d’elle-même la pénalité, sans que la règle ne soit écrite. Cela dit, j’ai bien compris que vous souhaitez qu’elle le soit.

Ma réponse était donc peut-être trop rapide ou trop allusive, mais j’en reviens au même : je vous conseille d’interroger directement le ministre en séance. Pour le reste, s’il devait y avoir une demande de rapport, lequel pourrait être exploité au plus tôt dans le PLFSS 2025, je préférerais la rédaction proposée par M. Garot et les auteurs des amendements identiques qui viennent juste après, plus circonscrite et plus efficace que celle de M. Clouet.

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’adoption de l’amendement de M. Clouet fera toutefois tomber la série d’amendements identiques qui suit.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques AS86 de M. Joël Aviragnet, AS192 de M. Jérôme Nury, AS280 de M. Francis Dubois, AS379 de M. Fabrice Brun, AS545 de M. Jérémie Patrier-Leitus, AS562 de Mme Delphine Batho et AS578 de M. Guillaume Garot tombent.

Après l’article 2 (suite)

Amendements AS595 de M. Yannick Neuder et AS648 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune).

M. Yannick Neuder (LR). Il s’agit aussi d’une demande de rapport, sur les très diverses mesures incitatives visant à favoriser l’installation de médecins dans les zones sous‑dotées. Logement, investissement, travail du conjoint, scolarisation des enfants, les idées sont nombreuses. Il serait intéressant de recenser celles qui sont facilement applicables, car elles ne le sont pas toutes. Par exemple, les mesures concernant la scolarisation des enfants se traduisent difficilement dans les faits, si ce n’est en appelant le recteur ou la direction académique des services de l’éducation nationale.

Ce rapport ferait le point sur les mesures vraiment incitatives que les collectivités pourraient proposer aux professionnels de santé, et sur l’échelon le plus adapté, car les différents niveaux de collectivités se livrent à une surenchère en la matière.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Derrière ce rapport, il y a l’idée de pointer la concurrence malsaine que se livrent communes et communautés de communes. Certaines paient des chasseurs de tête pour récupérer des médecins, et offrent des avantages importants – voiture en leasing, appartement... Il serait utile de répertorier les différentes pratiques, pour parvenir à les normaliser.

M. le rapporteur. On peut toujours multiplier les demandes de rapport, et M. Peytavie a raison de pointer la concurrence malsaine entre les collectivités territoriales, mais celle-ci a déjà été au centre d’une discussion et nous avons encadré efficacement, sans expérimentation ni demande de rapport, l’accompagnement financier de l’installation des médecins. En même temps, nous avons poussé les feux sur le guichet unique d’aide à l’installation. Nous avons donc répondu de manière concrète à ces interrogations.

Je ne vois pas l’intérêt de produire de la littérature administrative supplémentaire : le sujet est connu et la proposition de loi vise à donner des outils qui apporteront des réponses concrètes, à effet immédiat, pour faire bouger les lignes dans les territoires. Je suis donc défavorable à ces deux demandes de rapport qui n’apporteront rien à la connaissance que nous avons du sujet et aux réponses que nous sommes en train de bâtir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS149 de M. Philippe Juvin.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS656 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). L’amendement vise à obtenir un rapport relatif aux effets de la fermeture, provisoire ou pérenne, des services et des lits hospitaliers sur la dégradation de l’accès aux soins dans les territoires en 2022 et 2023. Les rallonges budgétaires que l’exécutif a accordées en cours d’année n’ont pas permis aux établissements de faire face à la hausse de leurs charges. Dès l’été 2022, la Fédération hospitalière de France réclamait 2 milliards d’euros supplémentaires pour couvrir la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ; le comité d’alerte sur les dépenses d’assurance maladie estime par ailleurs que 1,1 milliard supplémentaire serait nécessaire pour compenser l’effet de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement. Plus de 131 établissements hospitaliers ont été touchés par la fermeture, provisoire ou pérenne, de lits en 2022, sans compter la fermeture nocturne d’environ quatre‑vingts services d’urgence, par exemple à Redon dans ma circonscription ou à Ancenis. Plus d’une quarantaine de ces services sont touchés par les fermetures de jour. Bref c’est une année noire, parsemée de plans blancs. Il est donc grand temps de réagir, à la mesure des besoins.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cette demande de rapport. Mon avis aurait pu être différent si vous étiez remontée à dix ou quinze ans plus tôt mais, dans la période récente, la fermeture de lits voire de services est due non à des ajustements comptables mais à la pénurie de personnel et à la difficulté à recruter. Pour répondre aux exigences de sécurité et au cadre normatif de l’exercice hospitalier, il faut respecter des ratios de personnel : lorsque les seuils ne sont pas atteints, il faut fermer les structures. Ces ajustements sont connus.

Plutôt que de toujours stigmatiser l’hôpital public, vous auriez pu avoir une vision plus positive et demander un rapport pour estimer comment, face à une crise qui affecte notre système de santé depuis des années, l’hôpital a pu tenir le service des soins dans les territoires. La forme de votre demande semble peu opportune compte tenu du rôle qu’ont joué les hospitaliers depuis trois ans dans le maintien d’une offre de soins dans notre pays.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les personnels hospitaliers que je rencontre sont les premiers à critiquer les conditions dans lesquelles ils sont tenus d’exercer et à exprimer leur colère. C’est une réalité que l’on ne peut pas mettre sous le tapis et notre devoir, en tant que représentation nationale, est de dire les choses comme elles sont : il y a une crise profonde de l’hôpital. Ce n’est pas lui faire injure que de le dire mais, au contraire, cela montre que l’on veut relever le défi et faire face. Votre argument n’est donc pas recevable.

J’étais devant l’hôpital de ma circonscription il y a deux jours, avec des agents, des usagers, des patients. Les gens sont en colère : d’une part, ils sont inquiets ; d’autre part, les conditions de travail sont insupportables. Il n’est pas inutile de documenter une partie des raisons qui ont conduit à cette situation et des choix faits dans les hôpitaux. Je soutiens donc cette demande de rapport car on nous interpelle régulièrement sur les fermetures : elles méritent discussion, d’autant qu’elles ne s’arrangeront pas avec la répartition des moyens et les mesures de compression que nous prenons dans chaque LFSS. Les gens ont raison de s’inquiéter.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je défends aussi l’amendement. Vous avez dit que, pendant la crise du covid, les personnels de l’hôpital avaient su s’organiser. Effectivement, on était dans une situation de crise très particulière. En dehors de tout protocole, de toute lourdeur excessive, les agents se sont très bien organisés pour y répondre.

Aujourd’hui, la situation est différente. Les agents sont fatigués. Ils disent combien il leur est difficile de travailler, y compris à la place de leurs collègues qui ont démissionné ou sont en arrêt maladie. La situation est à prendre très au sérieux.

Enfin, le management devient très difficile dans l’hôpital.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je m’étonne des propos du rapporteur. Il y a peut-être une incompréhension, car dire que cette demande de rapport stigmatise ou met en cause la déontologie, le professionnalisme et la capacité des hospitaliers à agir est en net décalage avec ce qui est souhaité.

C’est pour les hospitaliers que nous demandons les raisons du ralentissement de la dotation ou pourquoi elle n’a pas excédé la revalorisation du point d’indice, donc a conduit à des coupes dans les dépenses de matériel. C’est pour eux que nous demandons pourquoi l’établissement ferme, ce qui oblige les personnels à travailler sur plusieurs sites et à allonger leur temps de trajet. C’est pour eux que nous demandons pourquoi les urgences ferment, ce qui les conduit à devoir soigner des cas plus graves. Le but du rapport est de prendre le point de vue des personnels hospitaliers pour essayer de comprendre les causes de cette situation, non d’incriminer qui que ce soit.

Il y a une nécessité. Plusieurs points font une ligne : en l’occurrence, plusieurs plans au ministère de la santé se sont succédé, qui ont conduit à la situation actuelle. Le but de ce rapport est de se demander qui a fait quoi pour aboutir à cette situation de mal-être, de malaise et de maltraitance des personnels hospitaliers et de leurs patients.

M. Nicolas Turquois (Dem). Pour ce qui me concerne, j’appuie le rapporteur. Il y a déjà eu de nombreuses analyses sur le sujet. Si un rapport devait étudier le fonctionnement des hôpitaux, il devrait aussi analyser les différences de performances et de productivité – le mot est difficile, mais il faut quand même l’utiliser – qui existent entre les hôpitaux, ou les blocages qui se manifestent dans l’organisation des urgences et du reste de l’hôpital. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi. Ne faisons pas un objet politique de l’hôpital. On sait qu’il est en souffrance. Le rapport demandé semble à côté du sujet que le texte entend traiter.

M. Paul Christophe (HOR). Le sujet est intéressant, mais pourquoi le limiter à 2022 et 2023 ? Il faut revenir au moins dix ans en arrière pour mesurer les lésions. En tant que président du conseil de surveillance de l’hôpital de ma commune, je me souviens de la souffrance qu’avait provoquée la décision, sous Marisol Touraine, de demander aux hôpitaux de trouver 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires – dans l’absolu, pas par rapport à l’inflation !

J’admire souvent votre capacité à faire de la prospective, mais là vous me semblez un peu timorés. Il faut remonter plus en arrière dans le temps.

M. le rapporteur. J’entends les arguments et partage ce qui a été dit sur la crise que vivent les hospitaliers. Cependant, avec cette demande de rapport, vous prenez le sujet par le petit bout de la lorgnette, en ne vous préoccupant que de ce qui se passe entre les quatre murs de l’hôpital. Faire le lien entre la situation de l’hôpital et la dégradation générale de l’accès aux soins dans les territoires, c’est lui en imputer l’entière responsabilité.

Depuis cet après-midi, nous parlons de la complémentarité entre le public et le privé, entre le libéral et le public, entre la crise du système de santé et celle des différents acteurs. Cet amendement méconnaît ce qui se passe autour de l’hôpital et voudrait, par un effet de loupe, dire que la dégradation de l’accès aux soins serait uniquement liée à l’hôpital.

C’est faux : c’est oublier que l’hôpital joue le rôle d’amortisseur d’une crise bien plus profonde. On a parlé de la crise des vocations de la médecine libérale, de la participation des établissements privés à la permanence des soins. Nous évoquerons des pistes pour que les cliniques y participent davantage, alors qu’elle n’est justement assurée que par l’hôpital.

L’amendement fait donc porter beaucoup à l’hôpital, et pardon si ma première réponse n’a pas été assez précise, quand je disais que vous pointez du doigt le rôle des hospitaliers. Effectivement, vous ne stigmatisez pas les personnels eux-mêmes, qui sont dans la souffrance. Mais examiner la crise de la prise en charge des soins par le seul biais de l’hôpital, c’est faire un raccourci impossible, qui ne prend pas en compte le sujet dans sa globalité. C’est pourquoi je suis contre cette demande de rapport.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS638 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Par cet amendement, nous demandons qu’un rapport étudie les possibilités d’une nécessaire revalorisation des carrières et des métiers du social, médico-social et de la santé. Les personnels de santé ont cruellement souffert des mesures d’austérité prises en matière de santé ces dernières décennies, notamment du gel du point d’indice depuis 2010. Avec sa récente augmentation, de 3,5 %, on est toujours loin du compte : pour une inflation à 6 %, la perte de pouvoir d’achat est de 2,5 %.

Le Ségur de la santé n’aura pas suffi et la France accuse un retard certain. La rémunération des infirmiers français continue de dégringoler dans le classement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les jeunes quittent toujours l’hôpital, les services et les établissements médico-sociaux pour travailler à l’étranger ou se reconvertir. Et la situation va empirer : le Gouvernement table sur une hausse des salaires des fonctionnaires de 0,1 % par an, soit une perte de revenus réelle de 11 % entre 2023 et 2027. Nous demandons donc qu’il envisage une revalorisation des traitements et pensions des soignants et des personnels des services et des établissements publics de santé et médico-sociaux.

M. le rapporteur. Là encore, avis défavorable.

Quelle est l’utilité de ce rapport ? Oui, les salaires des infirmiers français sont parmi les plus bas de l’OCDE. Pour la première fois depuis que la crise s’est installée dans le système de santé, un gouvernement a lancé un effort de rattrapage – je ne parle pas d’une remise à niveau, l’écart est trop grand. Vous voulez un rapport pour dire qu’il y a toujours un décalage et qu’il faut augmenter les salaires ? On le sait déjà ! Calmons donc notre ardeur pour la littérature administrative.

C’est une des constantes de notre incapacité à réformer la santé : c’est elle qui a fait l’objet du plus grand nombre de rapports depuis dix ou quinze ans – de quoi caler des armoires à tous les étages de l’administration française. Il y a eu le grand rapport de M. Ayrault, la stratégie nationale de santé ; il y a eu des rapports à toutes les époques, dans tous les gouvernements. Cela n’a servi à rien et notre système s’est enfoncé dans la crise.

À l’arrivée, essayons plutôt d’agir, de prendre des mesures et d’avancer. Si vous voulez la conclusion que donnera ce rapport, la voici : nous avons toujours des décalages par rapport aux rémunérations de l’OCDE. Dont acte. Nous essayons de les rattraper, donnez-en acte aussi au Gouvernement. Peut-être que l’on y arrivera, au fil du temps.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Si l’information existe, pouvez-vous nous éclairer sur les effets d’une revalorisation des salaires et des pensions dans l’ensemble du système médico-social ? Apparemment, personne ici ne les connaît.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’entends que les rapports ne suffisent pas mais ils permettent parfois de taper juste et de prendre les bonnes décisions.

J’admets que, sur ce sujet, la réalité est hélas bien connue. Ce n’est pas un décalage qui existe sur les salaires des personnels hospitaliers, c’est un retard assumé, qui a été un des facteurs des difficultés que nous connaissons. Je rappelle que les augmentations obtenues lors du Ségur n’étaient pas au programme : elles ont été arrachées non par le covid – la crise sanitaire n’a fait que les rendre inéluctables – mais par la mobilisation de ceux qui étaient en grève depuis un certain temps dans les hôpitaux et auxquels on disait qu’il fallait continuer sans rien changer.

Je ne remercie donc pas pour cette mesure ; ce n’est pas mon registre. Je constate simplement qu’on n’y est pas, car il y avait trop de retard accumulé. On voit d’ailleurs que les effets des mesures prises ne sont pas au rendez-vous.

Quant aux demandes de rapports, bientôt, il ne nous restera que cela ! Avec l’article 40, les choses deviennent compliquées...

M. le rapporteur. Ne dites pas cela. Sur ce texte, nous avons montré depuis le début qu’il y avait, sinon de la coconstruction, du moins beaucoup d’écoute de part et d’autre. Différents amendements ont été soutenus. Nous avons bien avancé, collectivement. Ayons donc ce débat lors de l’examen du PLFSS. La question sera certainement reposée en séance.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Renforcer les communautés professionnelles territoriales de santé

Amendements de suppression AS52 de M. Yannick Neuder, AS107 de M. Thierry Frappé, AS348 de M. Paul-André Colombani et AS459 de M. Pierre Dharréville.

M. Yannick Neuder (LR). Mon amendement a pour objet de laisser de la liberté aux professionnels de santé libéraux. Je ne conteste pas l’intérêt des CPTS : certaines fonctionnent, d’autres, non, d’autres ne sont pas encore créées. Dans ma circonscription, j’œuvre aux côtés de la Cpam pour aider certains territoires qui n’en ont pas. L’outil doit être proposé, et favoriser la coordination et le dialogue entre les professionnels.

Rendre automatique l’appartenance à une CPTS, le professionnel devant faire une démarche s’il veut en sortir, ne semble pas aller dans ce sens. Des négociations tarifaires ont été menées ou sont en cours ; la bienveillance des collègues médicaux et paramédicaux n’a pas été toujours au rendez-vous. L’obligation d’adhérer à une CPTS n’est pas aussi bien vécue que l’on pourrait le penser. D’ailleurs, l’efficacité du dispositif n’est pas prouvée – nous examinerons des amendements qui demandent des rapports sur l’efficience des CPTS par rapport aux moyens de coordination dévolus.

Faisons confiance aux professionnels de santé, laissons-les s’organiser, autour de maisons médicales, de délégations de tâches, de coordination, mais ne rendons pas le dispositif obligatoire, car cela pourrait provoquer l’aversion des professionnels vis-à-vis des CPTS. Vous aviez tenté un parallèle avec les intercommunalités mais on ne peut pas comparer un professionnel de santé à un village, aussi beau soit-il !

M. Thierry Frappé (RN). Nous avons sensiblement les mêmes raisons pour vouloir supprimer l’article 3 de la présente proposition de loi. Après l’échec de la convention médicale, notamment sur la médecine libérale, on ne peut que critiquer ce souhait de régulation plutôt que de coercition. L’adhésion automatique aux CPTS de tous les professionnels de santé entre dans cette régulation et permettrait un encadrement des professionnels en activité libérale.

Cette adhésion vient à l’encontre du libre choix d’adhérer et porte une atteinte directe à l’exercice libéral. Elle risque d’avoir un effet contraire à celui désiré, à savoir créer une réticence de nombreux professionnels à l’adhésion. De plus, le présent article ne définit pas les éventuels arguments recevables en cas de refus des professionnels de santé.

Une telle adhésion peut entraîner une forfaitisation des soins, et, à terme, la fin du paiement à l’acte, donc de la partie de la médecine libérale y adhérant. Elle engagera une cotisation obligatoire, laquelle créera une charge fixe, même minime, dans l’exercice professionnel, ce qui conduira à une charge de travail accrue sans augmentation de la rémunération initiale. Je ne suis pas contre la CPTS mais contre l’automaticité de l’adhésion.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous souhaitons supprimer l’article 3 en raison de la nature coercitive de l’adhésion des professionnels de santé aux CPTS. Ce n’est pas simple de bâtir une CPTS, c’est très chronophage pour les professionnels de santé. Il n’est pas opportun d’obliger tout le monde à y adhérer au moment où des ébauches de CPTS apparaissent dans le territoire et où la mayonnaise commence à prendre. De plus, cette obligation pose un problème juridique puisque les CPTS sont des associations « loi 1901 ».

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette volonté de rendre l’adhésion automatique nous amène à nous interroger à plusieurs titres. D’abord, une adhésion est par principe volontaire. Ce que vous proposez n’est donc pas une adhésion et mérite d’être redéfini.

Ensuite, il faudrait expliciter ce qu’entraîne l’adhésion et l’objectif que vous entendez poursuivre. S’il ne s’agit que d’ajouter un nom à une liste, cela ne changera pas beaucoup les choses. Or l’organisation des professionnels de santé entre eux à l’échelle des territoires a évidemment des vertus.

Enfin, la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé a débuté un tour de France des CPTS en mars afin d’en réaliser un état des lieux. Une mission, confiée à un médecin généraliste, un directeur général de Cpam et un directeur d’ARS, doit formuler des propositions d’ici au 1er juin, pour accélérer la généralisation des CPTS.

Je ne vous demanderai pas un rapport – le texte en prévoit déjà un ! – mais je me demande si nous ne sommes pas à contretemps...

M. le rapporteur. Il n’est pas question de changer la nature, le fonctionnement et les objectifs des CPTS – peut-être n’en sera-t-il pas de même des préconisations du rapport à venir – mais d’en améliorer la représentativité. Dans le cadre de la territorialisation des stratégies de santé, il importe qu’au sein des conseils territoriaux de santé, les CPTS soient représentatives de la très grande majorité du monde libéral. C’est d’abord une question d’efficacité.

Nous systématisons donc la participation aux CPTS en inversant le processus actuel, où les professionnels doivent demander de les intégrer. Désormais, dès lors qu’ils sont conventionnés, ils en seront réputés membres. Si les coopérations entre professionnels de santé ou le partage des stratégies territoriales ne les intéressent pas, il leur suffira de le faire savoir. À ce jour, les CPTS qui marchent bien regroupent 20 % à 25 % des professionnels libéraux, comme c’est le cas chez moi – ce qui ne suffit pas dans une optique de prévention ou de permanence des soins par exemple. Je souhaite qu’ils soient plutôt 60 %, voire 80 % à les rejoindre. Il n’est pas question de leur mettre une épée dans le dos mais de faire en sorte que les CPTS soient plus représentatives. Nous savons que, globalement, elles fonctionnent plutôt bien et qu’elles permettent l’émergence de pratiques plus ouvertes en direction de l’hôpital, de la médecine de ville, des professionnels paramédicaux et des collectivités locales.

Avis évidemment défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Au contraire, la modification du mode d’adhésion aux CPTS en changera la nature. J’ai le sentiment que dans votre vision, les CPTS deviennent une sorte de nouvel échelon administratif dans la santé. Pour moi en revanche, leur vertu naît des dynamiques de coopération, de la créativité des professionnels de santé sur un territoire, de leurs initiatives communes, de leurs diagnostics et de la façon dont ils les partagent. Je ne crois pas que votre proposition amène une plus-value à cet égard.

De plus, l’instauration de ces structures demande beaucoup d’énergie et de moyens. Sur mon territoire, des médecins s’engagent pour faire vivre cette coopération mais je ne suis pas sûr que nous leur ayons donné tous les moyens nécessaires pour que les CPTS se développent correctement.

M. Yannick Neuder (LR). Le remède est pire que le mal. Les professionnels de santé libéraux sentiront peser sur eux une nouvelle obligation alors qu’ils sont déjà nombreux à exprimer leur ras-le-bol, notamment en se déconventionnant. Peut-être est-il préférable que 25 % ou 30 % d’entre eux choisissent d’être membres d’une CPTS plutôt que de les y intégrer tous d’office, contre l’intention initiale du ministère de la santé. Je crains que les acteurs libéraux se braquent et que, sur le papier, les membres de CPTS soient certes plus nombreux sans que ces structures gagnent pour autant en efficacité. Les personnes doivent avoir envie de travailler ensemble. Toute coercition serait contre-productive.

Mme Chantal Jourdan (SOC). La CPTS est un bon outil pour favoriser le travail en réseau et en partenariat entre professionnels de santé, lequel fait parfois défaut – que l’on songe, par exemple, au lien entre la médecine de ville et l’hôpital.

Il est vrai que le volontariat est très largement préférable mais si les professionnels de santé ne s’investissent pas dans les CPTS, c’est parce qu’ils n’en ont pas le temps, et aussi qu’ils s’interrogent sur les modalités d’organisation. C’est une question de moyens. Lorsque quelques-uns, parmi eux, jouent un rôle moteur, ils parviennent à agréger d’autres professionnels qui n’auraient jamais fait le pas d’eux-mêmes. Les CPTS sont un bon outil pour la coordination des exercices – je pense aux IPA – et pour que les compétences de chacun puissent s’exprimer. Il n’est pas question de coercition mais de dynamique.

Enfin, je rappelle que l’article prévoit que les professionnels peuvent se désengager.

M. Philippe Vigier (Dem). Peut-être notre collègue Neuder a-t-il l’habitude de CPTS qui ne fonctionnent pas. Je l’invite à venir constater toute la coopération, l’engouement et l’enthousiasme qu’elles suscitent dans mon territoire. Sans CPTS, les délégations de tâches, le dispositif des IPA ne sont pas envisageables. Un médecin n’est jamais seul : il a ses correspondants, ses médecins spécialistes, ses laboratoires et ses radiologues. La CPTS permet aux professionnels de travailler ensemble d’une manière plus organisée. Avec Mon espace santé, c’est le meilleur parcours de soins qui soit.

Je rappelle, de surcroît, que les CPTS sont financées par les ARS et l’assurance maladie.

Quant aux obligations, les médecins libéraux en connaissent déjà ! Ils sont obligés d’adhérer au conseil départemental de l’Ordre ! Aucun métier n’a aucune contrainte, il ne faut pas le faire croire. Mais il est possible de conjuguer harmonieusement la liberté d’exercice et le travail au sein d’une organisation : ce qu’on ne sait pas faire, on le transmet à d’autres.

M. Éric Alauzet (RE). Les CPTS ne relèvent en rien d’une administrativisation de la médecine : il n’y a aucune hiérarchisation, elles ne s’inscrivent dans aucun échelon administratif. De plus, le volontariat demeure leur principe. Le texte facilite l’adhésion des professionnels mais ceux-ci peuvent fort bien s’en retirer, comme ils peuvent y rester sans s’y investir.

Surtout, nous envoyons ainsi un message à la communauté médicale face à ces défis que sont l’accès aux soins et la permanence des soins : « Vous en êtes ! », c’est cela que nous disons aux infirmières, aux kinés, aux médecins, aux psychologues, en les incitant à y prendre part. Sans les contraindre, nous les incitons à prendre leurs responsabilités de professionnels et de citoyens. Si tel ne devait pas être le cas, alors il faudrait prendre des mesures plus coercitives.

M. le rapporteur. Monsieur Dharréville, rien dans le texte ne permet de considérer les CPTS comme un échelon administratif supplémentaire. Ce sont des outils à la main des libéraux. Chacun d’entre eux ira à la vitesse qu’il souhaite. Il n’y a aucune prescription, juste le moyen de développer les solutions qui leur semblent les plus adaptées aux besoins de leur population.

Monsieur Neuder, arrêtons de faire valoir cet argument selon lequel il faudrait prendre garde à ne pas froisser les professionnels de santé ! De qui parle-t-on, d’ailleurs : des professionnels de santé libéraux ? Mais ils ne représentent pas toute la profession ! Et peut-être avons-nous par le passé manqué de fermeté pour indiquer aux médecins libéraux la direction dans laquelle nous voulons que notre système de santé se dirige. Peut-être avons-nous trop cédé à cette sacro-sainte croyance selon laquelle il faudrait exiger le moins possible de leur part. Je rappelle tout de même, même si c’est l’évidence, qu’ils sont solvabilisés par la solidarité nationale et les cotisations des Français. Dès lors, la représentation nationale est fondée à donner un cap.

Mme Jourdan a évoqué les CPTS avec une grande justesse. Le Gouvernement est conscient qu’il faut rendre du temps médical aux médecins et qu’ils doivent être soulagés des tâches administratives. Le nombre d’assistants médicaux passera ainsi de 4 000 à 10 000 à la fin de l’année. Un certain nombre de mesures vont conforter le rôle du médecin libéral, mais celui-ci devra en même temps s’inscrire dans des stratégies plus globales, ouvertes, de coopération. Aucun médecin ne peut envisager son avenir seul dans son cabinet.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS91 de Mme Josiane Corneloup et AS351 de M. PaulAndré Colombani.

M. Yannick Neuder (LR). Je défends l’amendement AS91.

Notre amendement de suppression ne visait pas à éviter de froisser les médecins libéraux, mais je vous signale qu’ils manifestent un ras-le-bol palpable. J’entends dire qu’il n’y aurait aucune lourdeur dans les CPTS ? Allez-y doucement, tout de même... Les comptes rendus de réunion sont nombreux, la coordination prend du temps. Veillons à préserver l’attractivité de ces structures.

Il est évident que les professionnels de santé ne travaillent pas seuls, mais ils savent nouer des relations interprofessionnelles sans être membres d’une CPTS. Arrêtons de les infantiliser, laissons-leur prendre des initiatives ! Que ce soit à partir des CPTS ou de leur propre chef, c’est tout aussi bien. Une obligation d’adhésion ne fera que renforcer le ras-le-bol des professionnels et leur sentiment d’infantilisation.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Encore une fois, les CPTS étant constituées sous la forme d’association relevant de la loi du 1er juillet 1901, je ne vois pas comment l’adhésion pourrait être automatique : elle relève du volontariat.

Avant les CPTS et les équipes de soins primaires, les professionnels de santé s’organisaient comme ils le souhaitaient sur leur territoire. Ceux qui veulent continuer ainsi doivent pouvoir le faire.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

S’agissant de l’adhésion, nous posons un principe, juridiquement et politiquement fondé, et nous renvoyons à un décret ses modalités d’application, y compris s’agissant des possibilités de sortie des CPTS.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS53 de M. Yannick Neuder.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS729 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS709 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin (RE). Chaque professionnel doit pouvoir quitter une CPTS à tout moment.

M. le rapporteur. Avis défavorable ou demande de retrait, tout d’abord pour un motif rédactionnel puisque votre amendement dispose que les professionnels de santé peuvent à tout moment « démissionner » d’une CPTS. Or ce n’est pas possible puisqu’ils ne sont pas recrutés, ni engagés.

Ensuite, l’article 3 dispose bien que les professionnels de santé deviennent membres d’une CPTS « sauf opposition de leur part formalisée dans des conditions définies par arrêté des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale ». Il n’y a donc pas de crainte à avoir.

M. Didier Martin (RE). Je retire l’amendement, mais je déposerai une nouvelle rédaction en séance publique. Selon ma lecture de l’article, l’opposition du professionnel n’est possible qu’au moment de son rattachement automatique à la CPTS. Or je souhaite qu’elle soit possible « à tout moment ».

L’amendement est retiré.

Amendement AS529 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot (RE). L’amendement vise à compléter la composition des communautés professionnelles territoriales de santé afin que celles-ci puissent avoir une vision globale et précise des besoins d’accès aux soins dans tous les milieux, professionnel, scolaire ou privé.

Le monde du travail et l’enseignement sont des secteurs également touchés par le manque de soignants et de suivi médical. Dans mon département de la Drôme, on compte 13,4 équivalents temps plein (ETP) pour 93 000 élèves, donc un médecin pour 7 000 élèves, ce qui est très largement en dessous des recommandations du ministère – un médecin scolaire pour 5 000 élèves. Le constat est identique s’agissant de la médecine du travail puisqu’en Drôme-Ardèche, fin 2022, on comptait 12 ETP pour 60 000 salariés.

Nous proposons donc d’associer les médecins scolaires et du travail aux CPTS afin qu’ils puissent prendre part à la structuration des offres de soins et que leur situation soit prise en considération lors du bilan de l’accès aux soins sur les territoires.

M. le rapporteur. La médecine du travail a déjà été intégrée aux CPTS par un amendement à la loi pour renforcer la prévention en santé au travail de 2021. Je vous proposerai donc d’adopter l’amendement AS619 de M. Robin Reda, qui va bientôt venir en discussion et qui vise à intégrer la seule médecine scolaire aux CPTS.

Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Une intégration de la médecine scolaire est en effet de bonne politique. Outre que le milieu scolaire est quasiment le seul lieu d’accès à la santé publique pour certains jeunes, cette intégration contribuera à pallier les difficultés qu’elle rencontre, à travers les contacts noués avec les autres professionnels de santé.

M. Philippe Vigier (Dem). L’intention est louable, mais la médecine scolaire relève des départements. Du point de vue organisationnel, il va falloir m’expliquer comment on va faire...

M. Guillaume Garot (SOC). Les médecins scolaires et du travail ont besoin d’une véritable reconnaissance. Les intégrer au sein des CPTS, c’est une manière de leur dire qu’ils sont pleinement partie prenante de la communauté de santé.

En outre, les jeunes et les salariés sont confrontés à des pathologies spécifiques et doivent pouvoir être traités dans un cadre pluridisciplinaire.

M. Yannick Neuder (LR). La médecine scolaire, comme la protection maternelle et infantile, dépend en effet des départements. Ces médecins, qui ont un statut de salarié, ne peuvent pas décider d’eux-mêmes d’intégrer des CPTS. Sur le principe, tout le monde souhaite que les CPTS rassemblent tous les types de médecine, mais prenons garde à ne pas créer une nouvelle usine à gaz. Encore une fois, l’obligation nuira au service rendu.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). L’amendement de M. Reda ne mentionne pas la médecine du travail. C’est une grave lacune.

M. le rapporteur. Comme je l’ai dit, la médecine du travail est intégrée depuis 2021 dans les CPTS – d’où ma demande de retrait de l’amendement de Mme Clapot. Celui de M. Reda permettra, lui, d’inclure les professionnels de la santé scolaire.

M. Didier Martin (RE). Le rapporteur a clairement indiqué que les CPTS constituaient la composante libérale des CTS. Il évoque maintenant une inclusion de la médecine scolaire. Je ne comprends pas : il ne s’agit plus des libéraux ? Je respecte et je défends la médecine scolaire, qui est confrontée à de grandes difficultés, mais elle ne doit pas être intégrée aux CPTS.

Mme Mireille Clapot (RE). Je maintiens mon amendement par respect pour mes cosignataires, mais il sera vraisemblablement retravaillé en vue de la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement AS680 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il convient de décharger nos médecins de ville du suivi des résidents des Ehpad. Les résidents ou leur représentant légal doivent pouvoir désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant dans les conditions prévues à l’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale.

M. le rapporteur. Une telle disposition a déjà été adoptée dans la proposition de loi d’Annie Vidal et de Laurence Cristol portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France, laquelle n’est pas encore parvenue au terme de son chemin législatif. Je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS697 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante, le médecin coordonnateur doit être considéré d’office comme le médecin traitant des résidents d’Ehpad.

M. le rapporteur. Même avis que précédemment.

L’amendement est retiré.

Article 3 bis (nouveau) : Intégrer les professionnels de la médecine scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé

Amendement AS619 de M. Robin Reda.

M. Jean-François Rousset (RE). Il s’agit de l’amendement qui permet l’intégration des médecins scolaires au sein des CPTS.

M. le rapporteur. Avis favorable.

J’ai peut-être abusivement dit que les CPTS étaient réservées aux professionnels libéraux. Elles sont certes principalement à leur main, mais elles ont vocation à réunir la médecine de ville au sens large – tout ce qui n’est pas en établissement. Je rappelle que les professionnels des centres de santé, qui sont aussi des salariés, sont membre des CPTS depuis l’origine.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Un débat s’impose sur la médecine scolaire. On compte 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves, soit un médecin pour 13 000 élèves, alors que les recommandations sont d’un médecin pour 5 000 élèves !

M. le rapporteur. C’est une vraie question, à laquelle nous ne répondrons pas ce soir.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 3

Amendement AS524 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement propose que les infirmiers libéraux disposent d’une carte de stationnement utilisable lors de leurs déplacements professionnels. C’est une demande de leur part.

Mme Emmanuelle Anthoine a déjà déposé une proposition de loi à ce sujet et je me suis permis d’en reprendre le dispositif.

Une telle mesure représenterait un gain d’argent pour les infirmiers – alors qu’ils subissent l’inflation, notamment en matière d’énergie – mais aussi un gain de temps – non seulement il faut aller jusqu’à l’horodateur, mais certaines villes limitent le nombre de stationnements au même endroit dans une journée, auquel cas il faut aller dans un parking plus éloigné.

M. le rapporteur. Ayant été maire pendant de très longues années, je connais ce problème récurrent. Néanmoins, la politique de stationnement relève des compétences communales. Il n’est pas opportun de légiférer. En outre, si nous adoptions votre amendement, il serait sans doute censuré par le Conseil constitutionnel, car d’autres professions – comme les pompiers ou les policiers en civil, par exemple – ne seraient pas concernées.

M. Timothée Houssin (RN). À cette différence près que les infirmiers déplacent régulièrement leur véhicule pour se rendre chez leurs différents patients.

Les médecins ont une carte qui leur permet de bénéficier d’une véritable tolérance. Il s’agit de prévoir un équivalent pour les infirmiers.

M. Philippe Vigier (Dem). Les infirmiers peuvent apposer le caducée sous le pare‑brise, comme les médecins. Par ailleurs, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, il revient aux communes de prévoir des modalités particulières de stationnement pour ces professions – comme des places réservées devant les cabinets infirmiers ou les maisons de santé. Mais il ne peut pas y avoir des places réservées partout pour tout le monde.

M. le rapporteur. Beaucoup de villes mènent des politiques adaptées. Dans la mienne, le stationnement des véhicules portant le caducée sur les places de livraison était toléré. Mais cela relève du pouvoir réglementaire du maire, qu’il convient de préserver.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS430 de Mme Josiane Corneloup.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS113 de M. Thierry Frappé et AS702 de M. Benoit Mournet (discussion commune).

M. Thierry Frappé (RN). Mon amendement propose de créer un statut d’infirmier référent, que le patient désignerait à sa caisse d’assurance maladie. Cela permettrait un parfait suivi médical des patients en améliorant la coordination avec le médecin. L’idée consiste bien entendu à diminuer la charge de travail pesant sur le médecin traitant en favorisant la coordination médicale. C’est une chose qui existe déjà de manière tacite : il s’agit de l’officialiser.

Mme Mireille Clapot (RE). L’amendement AS702 est défendu.

M. le rapporteur. Le statut d’infirmier référent est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Comme j’en ai pris l’engagement lors des auditions, je proposerai une rédaction en séance pour conforter le rôle de l’infirmier référent au sein de l’équipe soignante.

Demande de retrait.

M. Philippe Vigier (Dem). C’est une belle proposition, qui offre au groupe RN une occasion pour se rattraper, puisqu’il a voté précédemment contre le développement de la profession d’IPA sur l’ensemble du territoire. Je suis heureux de relever votre intérêt pour la question, et nous vous convertirons de manière définitive lors de la séance publique.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS612 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Cet amendement demande que le Gouvernement remette un rapport sur les moyens consacrés au développement des CPTS.

Plus les bassins de population couverts par ces derniers seront étendus, plus les besoins d’outils de coordination seront importants. Or la proposition de loi ne prévoit aucune évaluation de l’état de développement des CPTS et ne modifie pas leurs modalités de financement.

Ne faudrait-il pas revoir les moyens accordés aux CPTS, dès lors qu’elles intégreront davantage de professionnels de santé du fait de l’adhésion automatique ?

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous venons de donner une nouvelle dimension aux CPTS, qui vont se développer dans les prochains mois si ce texte est adopté. Je ne vois pas l’intérêt d’un rapport pour évaluer un dispositif que l’on s’apprête tout juste à lancer. Nous pourrons nous poser cette question dans un ou deux ans, mais à ce stade c’est prématuré.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement est intéressant car le rapport demandé permettra de mettre en évidence le fait que les financements sont hétérogènes, selon les territoires et les objectifs fixés. Cette évaluation contribuera à la pérennisation du dispositif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS628 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il s’agit de nouveau de demander un rapport au Gouvernement, cette fois sur les effets du développement des centres de santé en matière d’accès aux soins et sur les pistes de financement permettant de soutenir leur création.

Selon nous, ces centres pluridisciplinaires, employant des salariés et dotés d’une équipe administrative, permettraient d’améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens.

C’est également l’avis de la Cour des comptes, qui estime que « dans des contextes territoriaux où la densité en médecins libéraux est très dégradée, le recours au salariat, notamment grâce à des centres de santé gérés en régie, peut être une solution. Ces centres [...] peuvent en effet constituer un "modèle" économique et sanitaire, en théorie et même en pratique. »

M. le rapporteur. Les centres de santé offrent en effet une réponse adaptée à la pénurie de professionnels et aux besoins de santé dans certains territoires – et ce d’ailleurs souvent grâce à l’action des collectivités locales.

C’est donc un modèle intéressant, mais qui a déjà été évalué par la Cour des comptes dans son rapport public 2023, publié il y a seulement quelques semaines. Épargnons-nous une littérature administrative redondante. Lisons bien le rapport de la Cour et essayons d’avancer.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous avons déposé cet amendement de repli car celui que le groupe de travail transpartisan avait initialement prévu a été déclaré irrecevable, de manière un peu étonnante. Il proposait d’expérimenter l’ouverture systématique de financements publics pour la création de postes de médecins salariés en centres de santé dans les territoires insuffisamment dotés.

Il s’agit de contribuer au développement des centres de santé, auxquels nous sommes nombreux à être favorables dans cette salle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS691 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Une fois n’est pas coutume, je demande aussi un rapport, cette fois sur l’intérêt que présentent les CPTS pour libérer du temps médical, favoriser l’exercice coordonné et faciliter l’embauche d’assistants médicaux – bref pour donner aux médecins un rôle de chef d’entreprise, afin de pouvoir prendre en charge davantage de patients.

Par ailleurs, je soutiens les propos qu’a tenus M. Martin tout à l’heure. Franchement, puisque vous avez dit et répété que les CPTS étaient l’outil qui permettrait de mieux s’occuper des 600 000 patients atteints d’une ALD sans médecin traitant, on ne voit pas trop l’intérêt de tenir absolument à y intégrer la médecine scolaire et la médecine du travail.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Par définition, les CPTS sont destinés à dégager du temps pour le consacrer à l’activité médicale. Pas besoin d’attendre six mois un rapport sur le sujet ! Quant au fait de permettre aux médecins d’être « de réels employeurs », comme vous le dites dans votre exposé sommaire, pardon mais il me semble qu’ils sont un paquet à avoir des salariés depuis longtemps...

M. Yannick Neuder (LR). Monsieur Vigier, vous connaissez trop bien les systèmes de santé européens pour ignorer qu’en Allemagne, par exemple, les médecins traitants emploient beaucoup plus d’assistants médicaux qu’en France. Le système allemand n’est pas un modèle, mais on peut s’inspirer des expériences faites en Europe sur le rôle d’employeur des médecins généralistes. L’intérêt des CPTS est précisément de libérer aussi du temps pour cela.

La commission rejette l’amendement.


– 1 –

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 9 heures 30

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (n° 1175) (M. Frédéric Valletoux, rapporteur) ([63]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous sommes censés achever l’examen du texte ce matin. Il nous reste 245 amendements à examiner.

Article 4 : Accroître la participation des établissements de santé à la permanence des soins

Amendements de suppression AS54 de M. Yannick Neuder, AS147 de M. Philippe Juvin et AS267 de Mme Christelle Petex-Levet.

M. Yannick Neuder (LR). Il s’agit de supprimer l’article 4.

S’il est indispensable que la permanence des soins soit assurée en ville et à l’hôpital, notamment pour éviter les hospitalisations systématiques, en faire une obligation dont les modalités ne sont pas précisées peut avoir un effet contre‑productif. J’ai longtemps été élu dans un territoire rural où le désert médical était parfois étendu, faute de médecins généralistes en nombre suffisant pour assurer les gardes. Avec l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture, nous avons pris une bonne décision : ne pas réquisitionner les médecins, mais faire venir des internes en stage, qui ensuite se sont installés, ce qui a permis de repeupler le territoire.

Veillons à ne pas dissuader de jeunes professionnels de s’installer avec des mesures de coercition en matière de permanence des soins ! On ne va pas spontanément s’installer dans un territoire où l’on sait que l’on sera systématiquement réquisitionné pour assurer les gardes. Oui à la permanence des soins, mais de façon concertée entre les acteurs de la médecine de ville et de l’hôpital !

M. Philippe Juvin (LR). Considérer que les acteurs rémunérés par la sécurité sociale doivent participer à une mission de service public n’est pas choquant en soi. Ce qui l’est, en revanche, c’est de ne pas tenir compte du fait que les médecins libéraux travaillent déjà cinquante-cinq heures par semaine et qu’un tiers d’entre eux ont plus de 60 ans. D’après certains chiffres, de 40 % à 50 % des médecins sont en burn-out. Imposer une coercition à des médecins libéraux est une mesure punitive.

Transposer un système hospitalier, dans lequel les gardes sont obligatoires, au système libéral n’est pas envisageable. À l’hôpital, la garde est comptabilisée dans votre temps de travail et vous ne travaillez pas le lendemain.

L’article 4 nous semble plus dommageable que profitable au bon exercice de la médecine et à l’épanouissement des professionnels de santé, lequel devrait être une condition absolue des politiques publiques, sous peine de créer des déserts médicaux – les gens votent avec leurs pieds et arrêtent de travailler.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). La mesure consistant à rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous est très contraignante. Surtout, elle soulève la question des moyens.

Il n’est pas envisageable, par exemple, de contraindre un établissement de santé à ouvrir la nuit et à travailler correctement sans lui accorder des moyens supplémentaires pour faire fonctionner des services tels qu’un laboratoire ou un scanner. Cette mesure coercitive ne permettra malheureusement pas au système de mieux fonctionner si elle n’est pas accompagnée de moyens.

M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Ces amendements sont en décalage avec l’objet de l’article, dont le principe est le même que celui de la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite « loi Rist », qui traite de la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Il s’agit de l’appliquer aux établissements de santé, pour que tous participent à la permanence des soins. L’article 4, tel qu’il est rédigé, concerne uniquement la permanence des soins en établissement de santé (PDSES).

À l’heure actuelle, celle-ci repose presque exclusivement sur les hôpitaux, à hauteur de 87 %. Les autres offreurs de soins n’en représentent que 13 %, dont 1 % pour les hôpitaux militaires. Le déséquilibre est patent.

Il ne s’agit pas, contrairement à ce que soutiennent, dans des discours alarmistes, certains syndicats n’ayant peut-être pas lu attentivement la proposition de loi, de mobiliser des médecins libéraux, déjà très occupés par leurs cabinets, en nuit profonde, chaque jour et sans repos. Cela, c’est Germinal !

Il s’agit de faire en sorte que les cliniques prennent leur part dans la PDSES. Au demeurant, cette disposition est plutôt soutenue par les offreurs de soins privés, qui ne la voient pas d’un mauvais œil.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Dans certains territoires, les cliniques privées participent déjà à la PDSES, en fonction des autorisations en médecine dont elles disposent et des missions qui leur sont confiées, le plus souvent en bonne intelligence avec l’ARS.

La question est de savoir comment l’article 4 tel qu’il est rédigé peut « rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous », comme le prévoit l’exposé des motifs de la proposition de loi. C’est bien beau de le proclamer, mais comment cela fonctionne-t-il ? Quels moyens seront attribués ?

Les moyens associés à la PDSES assurée par les hôpitaux sont limités. Répartir demain les mêmes enveloppes entre davantage d’établissements n’ira pas sans problème. Avez‑vous évalué les moyens financiers nécessaires pour accompagner les établissements qui seraient amenés à assurer la PDSES ? Avons‑nous seulement les ressources humaines pour répartir celle-ci entre davantage d’établissements ?

Par ailleurs, l’article 4 ne contredit-il pas l’article L. 1110-4-1 du code de la santé publique, tel qu’il a été modifié par la loi Rist, et le premier alinéa de l’article L. 6314-1 du même code, qui rendent obligatoire la mission de service public de permanence des soins ? Celle-ci ne peut être assurée sans soignants. Les établissements de santé auxquels seraient confiées de nouvelles missions de permanence des soins en seraient très heureux, à condition qu’ils en aient les moyens et qu’il existe des orientations pour que tout cela fonctionne.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens l’idée qui sous-tend l’article 4. La permanence des soins est un principe auquel nous sommes très attachés. Lorsque les macronistes font du social malgré eux, il faut les accompagner ! Dans plus de 20 % des territoires, seuls cinq professionnels de santé sont disponibles pour assurer la permanence des soins. Ce qui est proposé va tout à fait dans le bon sens.

Les professionnels de santé demandent qu’on avance dans ce sens. Un tiers d’entre eux assure seul l’intégralité de la permanence des soins. La rendre obligatoire et la massifier, c’est les décharger, donc répartir plus justement la charge et la rendre moins épuisante, moins digne de Germinal, pour reprendre le mot de M. le rapporteur. C’est aussi décharger les urgences, dont la fréquentation a doublé en une décennie notamment parce qu’une bonne part des problèmes et des pathologies de la population ne fait pas l’objet d’une prise en charge initiale.

M. Philippe Vigier (Dem). La permanence des soins est essentielle, notamment pour la prise en charge de ceux qui n’ont pas de médecin traitant ainsi que de ceux qui vont aux urgences et ne le devraient pas.

Je trouve notre collègue Neuder très négatif. Dans mon territoire, nous n’avons pas réquisitionné les médecins. Nous avons mis en œuvre la permanence des soins sur la base du volontariat ; 70 % des professionnels de santé y participent. Un régulateur a été désigné et le lien avec le Samu a été fait. Résultat : 891 passages aux urgences en moins en quatre mois, ce qui a soulagé l’hôpital.

La permanence des soins ne peut fonctionner que si elle est assurée par tous les établissements de santé et par la médecine libérale. Il faut la rétablir sur cette base. Je rappelle d’ailleurs un détail qu’il ne faut pas oublier : il y a vingt ans, y participer était obligatoire.

Le vrai sujet, c’est le financement des professionnels qui y participent. Nous l’aborderons un peu plus loin.

M. Guillaume Garot (SOC). Comme Hadrien Clouet et Philippe Vigier l’ont très bien dit, la régulation de la permanence des soins est l’un des enjeux que nous devons mettre en avant si nous voulons essayer de garantir une amélioration de notre système de santé.

À l’heure actuelle, à peine 40 % des médecins libéraux participent à la permanence des soins, et cette proportion va déclinant. Il en résulte une pression très lourde sur les services d’urgences et sur eux-mêmes.

Voilà ce sur quoi il faut travailler, en observant un principe simple : il faut partager l’effort pour qu’il soit supportable. Dans le groupe transpartisan qui a beaucoup travaillé sur cette question, nous ne disons pas autre chose. Ce n’est pas exactement ce qui est prévu par l’article 4, mais il faut porter cela au débat général, car, si nous ne traitons pas la question de la permanence des soins, nous n’avancerons pas. Il faut rétablir son caractère obligatoire, supprimé en 2003.

M. Philippe Juvin (LR). Je reconnais que l’article 4 ne concerne pas les professionnels de santé libéraux. Dès lors, il est tautologique. Il aboutit à la rédaction de l’article L. 6111-1-3 suivante : « Les établissements de santé et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 peuvent être appelés par le directeur général de l’agence régionale de santé à assurer ou à contribuer à la permanence des soins en établissements de santé, dans des conditions définies par voie réglementaire ». Je ne vois donc pas l’utilité de l’article, qui s’apparente à une affirmation circulaire et relève donc de la loi bavarde. J’en demande toujours la suppression, mais pour des raisons distinctes.

M. Yannick Neuder (LR). Monsieur Vigier, ne confondez pas les territoires entre eux. Dans certains territoires, la présence d’une structure d’hospitalisation facilite l’organisation de la permanence des soins. Dans les territoires qui n’en ont aucune, où toutes les ressources sont mobilisées et où la moyenne d’âge est supérieure à 60 ans, l’organisation de la permanence des soins est très compliquée. Dans de nombreux territoires, il faut lutter pour ne pas recourir aux réquisitions de médecins afin d’assurer les gardes, lesquelles ont un effet délétère.

M. le rapporteur. Je remercie Philippe Juvin d’avoir reconnu que la défense de son amendement est en décalage par rapport au fond de l’article. Pour ma part, j’admets que sa rédaction se contente d’énoncer un principe et manque de précision. Je présenterai un amendement visant à en préciser la portée.

La permanence des soins fait l’objet, depuis plusieurs semaines, d’un travail fourni de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui a auditionné tous les acteurs pour parvenir à un dispositif efficace, accepté et permettant d’améliorer la mise en œuvre de la PDSES, donc la prise en charge de la population, ce que nous souhaitons tous. Mon amendement de réécriture de l’article s’inspire des ajustements les plus récents de ce dispositif.

La permanence des soins est au cœur de l’engagement du Gouvernement et de cette majorité de rétablir en quelque sorte le droit et les obligations de chacun des acteurs, notamment la mission de permanence des soins. L’article 1er, qui fait du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé, confie à chaque territoire la mission d’organiser la permanence des soins.

La loi Rist, qui vient d’être promulguée, pose le principe de la responsabilité collective des professionnels de santé, médecins libéraux inclus, s’agissant de la PDSA. Le présent texte constitue le deuxième étage de la fusée, en faisant en sorte que tous les établissements de santé soient partie prenante de la PDSES. Je rappelle que celle-ci est assurée à 87 % par les hôpitaux et les établissements privés à but non lucratif, et à 13 % par les cliniques. Le rééquilibrage qu’induira la présente proposition de loi permettra, demain, de soulager l’hôpital.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS82 de M. Joël Aviragnet, AS189 de M. Jérôme Nury, AS542 de M. Philippe Vigier, AS559 de M. Jean-Claude Raux et AS575 de M. Guillaume Garot, amendements AS420 de M. Pierre Dharréville, AS239 de M. Thibault Bazin et AS772 de M. Frédéric Valletoux et sous-amendement AS773 de M. Garot (discussion commune).

M. Joël Aviragnet (SOC). Mon amendement vise à rétablir l’obligation de permanence des soins. Depuis sa suppression, l’accès aux soins se dégrade, le recours au volontariat s’avérant insuffisant. Le Conseil national de l’Ordre des médecins parle même de désengagement des médecins libéraux. Seuls 38,1 % d’entre eux ont participé à la PDSA en 2019, et cette proportion diminue au fil des ans.

Cette dégradation a notamment pour conséquence une augmentation des passages aux urgences. D’après la Cour des comptes, environ un patient sur cinq qui recourt aux services d’urgence des établissements de santé aurait pu être pris en charge par un médecin de ville.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Neuder, les établissements hospitaliers ne sont pas répartis dans les territoires de façon identique. Le mien est dans le même cas que le vôtre, et la moyenne d’âge y est au moins égale, voire supérieure. Il faut avoir la volonté d’organiser l’accès aux soins, ce que nous avons fait avec un certain succès.

La véritable difficulté, sur laquelle j’appelle l’attention, est l’absence de service d’accès aux soins (SAS) dans certains départements. Les effecteurs de soins dépendent alors, pour leur complément de rémunération, de la régulation effectuée par le Samu.

Lorsque nous aurons cette discussion dans l’hémicycle, nous devrons faire en sorte que le Gouvernement entende ce message : créer une permanence des soins dans un département qui n’a pas de SAS, c’est la condamner à échéance de quatre mois. Nous sommes tous placés devant nos responsabilités : il faut des financements, qui pour l’heure sont absents, ce que nous vivons au quotidien. La solution que nous avons adoptée est de confier au Samu, qui assure la régulation, le déclenchement de l’intervention des effecteurs de soins, puis le versement d’un complément de rémunération, qui n’est pas à la hauteur de celui perçu pour une première consultation d’une personne souffrant, par exemple, d’une maladie chronique.

Le sujet du financement est l’une des clefs indispensables de la réussite. Il assure la juste reconnaissance du travail des médecins qui acceptent de dégager, par exemple, deux heures toutes les deux ou trois semaines, et non chaque jour. Par ailleurs, plus il y a d’effecteurs de soins, moins ils ont à assurer de permanence.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Nous pouvons partir d’un constat simple et partagé – la dégradation continue et très préoccupante de l’accès aux soins, a fortiori la nuit ou le week-end – et poursuivre par une prédiction : se contenter d’écrire dans le code de la santé publique que les médecins libéraux ont vocation à participer à la permanence des soins, ou compter sur la responsabilité collective, ne produira pas les effets escomptés.

Certes, dans certains endroits, les professionnels de santé parviennent, sans contrainte, à s’organiser entre eux. Nous l’avons constaté lors de notre tour de France des hôpitaux à Vendôme, dans une maison de santé gérée par des médecins libéraux, et en Ille‑et‑Vilaine.

Mais j’ai aussi vu, lors d’une réunion consacrée au volet « santé » du Conseil national de la refondation à Nantes, le représentant du conseil départemental de l’Ordre des médecins bondir, au propre et au figuré, à l’évocation de l’élargissement de la permanence des soins à davantage de médecins. Ils et elles ne sont que 38 % à y participer à l’échelle nationale, et 33 % en Loire-Atlantique, ce qui a des conséquences désastreuses sur l’engorgement des urgences, quand elles ne sont pas purement et simplement fermées, comme celles de deux hôpitaux de ma circonscription.

Mon amendement vise à rétablir l’obligation de participer à la PDSA. J’entends d’ici les levées de boucliers mais, si tous les médecins y participent, leur contribution individuelle restera modeste sur l’année, tout en évitant à coup sûr le recours, environ une fois sur cinq selon la Cour des comptes, aux services d’urgence de la part de patients et de patientes qui peuvent être pris en charge par la médecine de ville. Garantir la permanence des soins et y prendre part doit être une obligation. Jusqu’en 2003, tel était le cas.

M. Guillaume Garot (SOC). Il faut rétablir l’obligation de la permanence des soins, supprimée en 2003 à la suite de négociations. Il y a urgence, comme le rappelle la Cour des comptes. Les services d’urgence craquent et n’en peuvent plus. Les médecins assurant la permanence des soins le font de façon de plus en plus récurrente, ce qui les soumet à une pression qui devient difficilement supportable. Il faut trouver des solutions ; rendre obligatoire la participation à la permanence des soins en est une.

Il faut rendre hommage aux médecins qui assurent la permanence des soins de façon volontaire et saluer leur engagement. Ils rendent un vrai service à la nation.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je salue, à mon tour, ceux et celles qui s’engagent pour assurer la permanence des soins dans leur territoire. Nous savons à quel point leur engagement est précieux. Nous savons aussi, de façon plus générale, combien la décision incompréhensible prise il y a vingt ans a désorganisé le travail des médecins qui assurent la permanence des soins.

Il faut établir une règle bien plus claire. Rétablir l’obligation de participer à la permanence des soins ne suffit pas. Il faut créer les conditions financières et matérielles de son organisation. Envoyer ce signal, dans la situation où nous nous trouvons, est décisif. La permanence des soins repose sur un trop petit nombre de médecins. Il faut mieux organiser la solidarité entre les professionnels concernés.

M. Thibault Bazin (LR). La rédaction de l’article 4 que je propose s’inspire d’une spéléologie des diverses versions de l’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique, créé par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et modifié par la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Certes, la présente proposition de loi a été déposée avant sa modification, qui a inclus dans le champ de l’article « les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122‑1 », qui sont les suivants : « projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation, et l’installation des équipements matériels lourds ».

Dans ce domaine, je constate que la permanence des soins, notamment la nuit et le week-end, s’agissant par exemple de l’accès à un plateau d’imagerie médicale, est assurée pour l’essentiel par des structures privées, qui jouent le jeu et travaillent avec des hôpitaux à la demande de l’ARS. Je suis donc un peu surpris par la rédaction de l’article 4.

Un problème se pose pour les établissements privés n’ayant pas d’autorisation en médecine. Leur demandera-t-on quand même, demain, de participer à la permanence des soins, alors même que l’ARS leur a parfois refusé une autorisation ? La question de la mise en cohérence des moyens se pose. Je m’adresse tout particulièrement à Mme la rapporteure générale : comment les coordonne-t-on ?

Par exemple, les centres médicaux de soins immédiats (CMSI) participent à la permanence des soins et travaillent très bien avec les SAS, qui leur adressent des patients. Dans mon département, le CMSI a eu autant d’admissions aux urgences qu’à l’hôpital, pour une dépense publique très limitée. Comment faciliter et accompagner l’apport des CMSI ?

Je propose de rédiger ainsi l’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique : « En collaboration avec les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, les établissements de santé participent à la permanence des soins, dans des conditions définies par voie réglementaire ». Il faut coordonner les établissements publics, les établissements privés et la médecine de ville, pas les opposer entre eux.

M. le rapporteur. L’amendement AS772 modifie la rédaction économe en mots de l’article 4, qu’il propose de rédiger comme suit : « Après la référence : "L. 6122‑1", la fin de l’article L. 6111‑1‑3 du code de la santé publique est ainsi rédigée : "ainsi que les professionnels de santé exerçant en leur sein peuvent être appelés par le directeur général de l’agence régionale de santé à assurer ou à contribuer à la permanence des soins en établissements de santé ou au sein des autres titulaires". »

Cette rédaction permet d’inclure dans le champ de l’article non seulement les cliniques et les établissements privés, mais aussi les professionnels de santé libéraux qui y exercent, dans le cadre de liens contractuels qui, souvent, les empêchent de participer à la permanence des soins. Elle me semble correspondre aux interventions des uns et des autres.

M. Joël Aviragnet (SOC). Le sous-amendement AS773 vise à fortifier l’engagement des établissements de santé et des professionnels de santé qui y exercent à garantir la permanence des soins. L’amendement de réécriture de l’article de M. le rapporteur prévoit qu’ils peuvent être appelés « à assurer ou à contribuer à la permanence des soins ». Cette subtilité de rédaction augure d’un recul de l’engagement des établissements de santé et des professionnels de santé à assurer la permanence des soins.

Le sous-amendement AS773, en supprimant les mots « ou à contribuer », conserve, comme la version en vigueur de l’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique, le seul verbe « assurer ».

M. le rapporteur. La rédaction que je propose me semble plus complète et plus claire. Le verbe « assurer » ne vise que les établissements de santé ; le verbe « contribuer » vise les professionnels de santé qui y exercent. L’usage conjoint des deux verbes englobe donc un champ plus vaste.

Avis défavorable.

M. Thierry Frappé (RN). Je tiens à saluer ceux qui participent aux permanences de soins ambulatoires, dont 96 % sont assurées sans contrainte – seuls les 4 % restants posent donc problème –, malgré la baisse des effectifs, l’âge des médecins et les horaires de travail. Si nous les rendons obligatoires, nous risquons de faire fuir les soignants des zones rurales, du fait de leur périmètre d’intervention. Le projet de création de « supergardes », envisagé vers 2005 ou 2010, est d’ailleurs très vite tombé à l’eau. En outre, je crains qu’une telle contrainte n’entraîne un départ à la retraite anticipé et précipité des médecins âgés.

M. Didier Martin (RE). On comprend qu’il faut faire quelque chose, et notre rapporteur s’engage dans une voie intéressante en prévoyant la participation de tous les établissements de santé – et donc des praticiens libéraux qui y exercent – à la PDSA. Cependant, une généralisation de cette obligation me semble présenter certains risques. Dans les zones les moins dotées, les professionnels de santé ont des journées très longues et les généralistes font déjà tout ce qu’ils peuvent. Leur imposer cette obligation reviendrait à leur envoyer un signal inadmissible : cela risquerait de décourager l’installation de nouveaux professionnels dans les zones concernées. Je crains donc que ce remède ne s’avère néfaste.

Par ailleurs, il convient de faire la différence entre médecine générale et soins non programmés. Il existe des spécialistes des soins non programmés : ils exercent souvent sous un label privé, comme SOS Médecins, et sont préparés à ce genre de consultations. Ils sont d’ailleurs prêts à travailler en association avec les hôpitaux, du fait de l’engorgement des urgences. Une expérience intéressante, qu’il faudra évaluer très rapidement, est en cours à Nevers : on constate que l’intervention de ce type de structure au sein même de l’hôpital ou à quelques mètres a permis de réduire d’environ 40 % les consultations aux urgences. Certains problèmes ayant poussé les patients à consulter aux urgences peuvent en effet être réglés par un praticien, à condition que ce dernier soit formé aux soins non programmés et que cela ne surcharge pas les médecins généralistes, qui n’en peuvent plus. Ne décourageons pas les soignants de s’orienter vers la médecine libérale !

M. Thibault Bazin (LR). La nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur présente des éléments intéressants mais soulève aussi d’autres questions.

Vous supprimez la mention « dans des conditions définies par voie réglementaire ». Or, comme l’ont expliqué mes collègues Philippe Juvin et Yannick Neuder, il faut bien expliquer, à un moment ou à un autre, comment le dispositif fonctionne.

Vous ajoutez les mots « ainsi que les professionnels de santé exerçant en leur sein ». Or les autorisations sont souvent accordées à des structures composées de plusieurs professionnels, ce qui permet d’ailleurs d’assurer la permanence des soins, qui relève de l’organisation interne des établissements. Sur les plateaux d’imagerie, par exemple, heureusement que plusieurs techniciens se relaient ! L’obligation peut être appréhendée soit de façon individuelle, soit de façon collective : j’ai plutôt tendance à penser que la seconde possibilité est la meilleure.

En outre, il est nécessaire de garantir une cohérence entre les compétences des professionnels et leur lieu d’exercice : les soignants ne sont pas forcément toujours à l’aise avec tel ou tel équipement.

Enfin, comment cette nouvelle disposition s’articulera-t-elle avec l’existence deCMSI et d’établissements n’ayant pas d’autorisation de médecine ? Les acteurs sont très divers et nous devons rester cohérents.

M. Yannick Neuder (LR). Les propos de notre collègue Didier Martin sont pleins de bon sens. Une obligation étendue poserait un problème d’organisation. Un soignant de garde n’exerçant pas dans une structure hospitalière ne bénéficie pas de repos compensateur. Dès lors, si vous obligez des médecins libéraux à participer à la permanence des soins dans une clinique, ils fermeront leur cabinet le jour suivant : parce qu’ils auront assuré trois consultations en nuit profonde, ils perdront ainsi les cinquante consultations qu’ils avaient prévues le lendemain. Je ne suis pas sûr que l’offre de soins ait été augmentée !

M. Martin a aussi évoqué les centres de consultations non programmées et les organisations telles que SOS Médecins, que je connais bien – je leur ai rendu visite très récemment à Grenoble. Ces structures appellent notre attention sur la nécessaire revalorisation des visites à domicile, sans laquelle leur modèle économique ne pourra pas perdurer. Or, si aucun médecin n’assure plus de consultations à domicile, les patients concernés seront contraints de se rendre aux urgences, souvent avec un bon de transport en véhicule sanitaire léger ou en taxi. Aussi la revalorisation des visites à domicile favorisera-t-elle grandement l’offre de soins et évitera-t-elle des consultations aux urgences.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). J’ai entendu dire tout à l’heure qu’une obligation de participer à la permanence des soins pourrait décourager l’installation des médecins dans les zones concernées. C’est une erreur : alors que 50 % des médecins sont aujourd’hui en burn-out, nous proposons en réalité de mieux répartir la charge de cette permanence. Dans les Vosges, 80 % des médecins y participent, contre 6 % à Paris. Trop peu de médecins contribuent à assurer la permanence des soins, et ceux qui le font sont en train de s’user au travail. Chez moi, dans la Haute-Vienne, l’Ordre lui-même est plutôt favorable à une telle obligation, qui incitera les médecins qui s’investissent dans cette permanence à le faire de manière plus équilibrée, tandis que les autres rechigneront moins à s’y engager, sachant qu’ils ne seront pas seuls et qu’ils pourront se répartir la charge de travail.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous essayons de réorganiser le système de santé dans sa globalité. On ne peut pas traiter isolément la médecine libérale, les établissements privés ou les centres hospitaliers : les autres éléments de l’ensemble en subiraient inévitablement les conséquences.

M. le rapporteur entrouvre la porte en voulant remettre en avant la permanence des soins. Certains médecins y participent déjà spontanément et se sont organisés en conséquence. Pour ma part, je ne suis pas du tout favorable à ce que l’organisation de cette permanence soit laissée à la main du directeur général de l’ARS. Nous en avons déjà fait l’expérience douloureuse, dans mon département, le 31 décembre, lorsque nous avons vu les réquisitions tomber : vous imaginez bien que les médecins n’ont pas passé le jour de l’an dans des conditions idéales. Mieux vaut faire confiance aux professionnels du territoire qu’à une administration éloignée de plusieurs centaines de kilomètres !

Comme M. Neuder l’a très bien expliqué, le médecin libéral exerçant dans un établissement soumis à la permanence des soins va démissionner, même si Stéphanie Rist a essayé de mettre un peu d’ordre sur la question des intérimaires, ou tout du moins quitter l’établissement s’il ne veut pas de contraintes le week-end. Je le répète, il faut aborder toutes ces questions de façon globale.

Enfin, ne racontons pas d’histoires à nos compatriotes : nous n’arriverons pas à organiser la permanence des soins sans financement dédié. Il est indispensable que ceux qui acceptent, à côté du suivi de leur patientèle, de dégager du temps pour participer à cette permanence voient leurs actes revalorisés. Ce serait du gagnant-gagnant, puisque cette solution permettrait d’éviter l’insupportable engorgement des hôpitaux.

M. Joël Aviragnet (SOC). Monsieur le rapporteur, votre volonté de renforcer la permanence des soins est tout à fait louable, mais il nous semble d’important d’aller plus loin. Nous maintenons donc notre amendement, même si nous voterons le vôtre.

M. le rapporteur. Nous avons tous conscience de l’importance de ce débat, et nous sommes prêts à des avancées majeures pour notre système de santé. En faisant participer à la permanence des soins un plus grand nombre d’acteurs, notamment les établissements privés qui y contribuent aujourd’hui de façon très marginale, nous améliorerons grandement la qualité et l’efficacité de la prise en charge des Français.

J’aimerais rassurer Philippe Vigier et d’autres de nos collègues en rappelant la cohérence du système de permanence des soins tel qu’il résulte à la fois de la loi Rist, que nous avons définitivement adoptée il y a quelques semaines, et des dispositifs qui vous sont proposés ce matin. Toutes ces dispositions visent le même objectif : nous voulons qu’un plus grand nombre de soignants participent à la permanence des soins, tant en ambulatoire qu’en établissement.

S’agissant de l’ambulatoire, rappelez-vous que la loi Rist a posé un principe de responsabilité collective et que l’article 1er de la présente proposition de loi, que nous avons adopté lundi soir, assigne cette obligation d’assurer la permanence des soins au conseil territorial de santé (CTS), composé du préfet, du directeur de l’ARS ainsi que de représentants des soignants, des associations d’usagers et des élus locaux. Ce sont donc bien les acteurs de terrain qui organiseront la permanence des soins, notamment ambulatoires, sans planter un couteau dans le dos de chacun des médecins de ville. Nous pouvons leur faire confiance : la présence des élus au sein du CTS sera essentielle, puisqu’ils veilleront à l’intérêt général et feront en sorte que la permanence soit proprement organisée dans leur territoire.

Quant à la PDSES, je le répète, le rééquilibrage que nous opérons sera très bénéfique aux personnels hospitaliers, qui attendent de nous un signal. Ils ne veulent plus être les seuls à laisser la lumière allumée sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dorénavant, la lumière sera aussi allumée dans les cliniques – je sais bien qu’il n’y en a pas partout en France –, ce qui fera du bien à tout le monde.

La commission rejette successivement les amendements identiques, les amendements AS420 et AS239 et le sous-amendement AS773.

Puis elle adopte l’amendement AS772 et l’article 4 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS10 de M. Guillaume Garot, AS108 et AS202 de M. Thierry Frappé, AS225 de M. Timothée Houssin ainsi qu’AS206 et AS345 de M. Thierry Frappé tombent.

Après l’article 4

Amendements identiques AS304 de M. Thibault Bazin et AS475 de M. Freddy Sertin.

M. Thibault Bazin (LR). Il nous a semblé essentiel de poursuivre notre réflexion relative aux droits et devoirs en matière de santé en prévoyant que le droit fondamental à la protection de la santé est mis en œuvre dans le cadre d’un service public de santé incluant tous les acteurs, dès lors qu’ils remplissent la même mission. Cette notion présente non seulement l’intérêt d’apporter l’unité qui fait aujourd’hui cruellement défaut à notre système de santé, mais également celui de décloisonner le sanitaire et le médico-social dans une logique de parcours. Il ne faut pas opposer les acteurs, qui seront tous inclus dans ce service public de santé – ils s’en excluraient d’eux-mêmes dès lors qu’ils ne rempliraient pas les conditions posées par l’article L. 1110-1-2 du code de la santé publique, à savoir l’égalité d’accès à des soins de qualité, la permanence de l’accueil et de la prise en charge, ainsi que l’absence de reste à charge garantissant l’accessibilité financière. Nous pourrons ainsi constater que certains acteurs privés remplissent des missions de service public.

M. Freddy Sertin (RE). Nous souhaitons toujours que soient conclus, dans un territoire donné, des partenariats entre l’ensemble des professionnels de santé. Notre amendement vise justement à encourager les liens entre médecine hospitalière et médecine libérale afin de mieux répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.

M. le rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question lundi soir. Votre souhait est satisfait par les fondements de l’organisation de notre système de santé. La reconnaissance de l’existence d’acteurs différents et de la nécessité pour ces derniers de travailler ensemble dans les territoires ressort de la pratique, si j’ose dire.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Nous avons effectivement eu cette discussion lundi soir et vous venez de réexpliquer l’importance des CTS afin d’assurer la cohérence du système de permanence des soins. Je me suis demandé de quel CTS je dépendais ; des recherches sur internet m’ont permis de découvrir qui assurait la présidence et la vice-présidence de cette instance. J’ai interrogé mes collègues pour savoir ce qu’ils savaient de ces structures : personne ne les connaissait ! Honnêtement, je ne crois pas que le CTS, qui réunit beaucoup de monde – le préfet, les parlementaires, des représentants des patients, etc. –, sera l’instance efficiente pour organiser les soins de proximité. Les communautés professionnelles territoriales de santé ont déjà parfois du mal à remplir cette mission : pense-t-on que cela marchera mieux à l’échelon départemental ? En Isère, un département de 1 400 000 habitants, avec des zones d’attractivité des métropoles et des groupements hospitaliers de territoire (GHT) très différents les uns des autres, le CTS pourra-t-il coordonner le parcours santé des patients à l’échelon proximal ? Je n’y crois pas ! Je serais très déçu que l’on fasse croire cela à nos concitoyens et que les membres de notre commission, notamment les plus favorables à des mesures transpartisanes en matière de permanence des soins, puissent penser une minute que le CTS permettra d’organiser les soins de proximité pour tous. Restons vigilants !

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas laisser dire des contre-vérités. Nous savons qu’aujourd’hui les CTS ne fonctionnent pas, que ce sont des coquilles vides qui n’ont pas de mission et qui se réunissent peu. Ils ne peuvent que décevoir ! C’est pourquoi nous voulons les renforcer et leur donner des missions précises et concrètes : organiser la permanence des soins et les coopérations, apporter des réponses aux questions de prévention, assurer le bon équilibre des forces médicales dans les territoires. C’est désormais dans ce cadre que seront élaborées les stratégies territoriales en matière de santé. Il faut croire en la capacité des acteurs d’organiser ensemble les soins dans leur territoire. On a rappelé par ailleurs que le périmètre des CTS ne devait pas forcément correspondre aux limites des départements et que leurs frontières gagneraient à être redéfinies en cas d’adoption et de mise en œuvre de la présente proposition de loi.

L’amendement AS475 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS304.

Amendement AS362 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). Cette proposition de loi qui vise à améliorer l’accès aux soins ne répond pas à l’urgence que constitue la pénurie actuelle de médecins et de professionnels de santé. Il faut que ces métiers redeviennent attractifs sur l’ensemble du territoire national. Aussi demandons-nous au Gouvernement de nous remettre un rapport évaluant l’impact d’une modification de l’article 151 ter du code général des impôts portant de soixante à cent vingt le nombre maximal de jours de permanence de soins dans les déserts médicaux ouvrant droit à une exonération d’impôt sur le revenu.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour plusieurs raisons, à commencer par mon goût assez peu prononcé pour la multiplication des rapports. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que l’élargissement des exonérations fiscales soit une préoccupation majeure en matière d’accès aux soins. Enfin, nous avons adopté lundi soir un amendement visant à mieux encadrer et à limiter les dispositifs d’accompagnement, y compris fiscaux, dont bénéficient les professionnels de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS699 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Cet amendement de repli, par rapport à ceux que nous avons examinés avant-hier, vise à confier à l’Igas et à l’Inspection générale des finances (IGF) une mission conjointe consistant à dresser un état des lieux, à effectuer un parangonnage et à formuler des propositions en matière de régulation de l’installation des médecins. Cela permettra d’objectiver le sujet et d’apaiser le débat pendant les prochains mois. Ce rapport existe déjà en partie, puisque les inspections ont travaillé sur les soins de ville. Il serait utile que leur travail soit repris dans cette optique.

M. le rapporteur. Pardonnez-moi de ne pas partager votre enthousiasme ! Pourquoi saisir l’IGF et l’Igas ? C’est une question sur laquelle pourrait se pencher notre assemblée. Je salue le coprésident du groupe d’études sur les déserts médicaux et l’accès aux soins, M. Timothée Houssin, qui participe à tous nos débats ; ce groupe pourrait se saisir de ces sujets larges, qui ne nécessitent pas forcément une grande expertise technique ni un important soutien administratif. Depuis lundi, nous avons repoussé un grand nombre de demandes de rapport. Pour ne pas donner l’impression que j’en privilégierais certaines, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous connaissez notre enthousiasme s’agissant des demandes de rapport : celle-ci ne fait pas exception, d’autant que M. Mournet a précisé que le rapport existait déjà ! Je vois donc dans cet amendement une forme d’appel. Cela me rappelle nos débats sur la réforme de l’assurance chômage, lorsque nous avons obtenu, sous la pression de la commission, la publication d’un rapport existant sur le non-recours à l’assurance chômage. Par ailleurs, on sait que la demande de régulation est consensuelle dans le pays, et qu’elle émane notamment des associations d’élus locaux comme l’Association des petites villes de France (APVF) réunie la semaine dernière à Millau. Demander un rapport, c’est à la fois obtenir une information nécessaire et marquer politiquement une forme d’ouverture sur un sujet. Vous nous avez déjà refusé des dizaines de rapports : vous pouvez bien nous en accorder un !

M. Thibault Bazin (LR). Je m’étonne de la formulation et de la recevabilité juridique de cet amendement. Il me semblait qu’il n’était pas permis de donner une injonction au Gouvernement. De nouvelles règles auraient-elles été édictées ? Habituellement, on demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement ; or le présent amendement prévoit simplement que le Gouvernement saisira deux inspections. Du reste, il n’a pas besoin de cet amendement pour le faire !

M. Yannick Neuder (LR). M. Clouet a évoqué la demande des élus locaux, notamment celle de l’APVF. Il y a un petit côté démagogique à vouloir répondre à ces demandes, car le vrai problème est numérique : nous manquons de médecins. Il est un peu trop facile de demander sans cesse des rapports pour garnir nos étagères quand on ne fait rien pour augmenter le nombre de places dans les formations. Je propose donc une réponse beaucoup plus rapide : faire sauter le numerus apertus, organiser des examens et arrêter d’envoyer à l’étranger les étudiants français qui veulent faire médecine mais n’ont plus le droit de redoubler ! Voilà une mesure radicale que l’APVF et tous les élus locaux sont capables de comprendre. Le problème, c’est qu’il faut dix ans pour former un médecin : il convient donc de prévoir des passerelles permettant à des personnels paramédicaux de devenir plus rapidement médecins – ce sera une offre professionnelle intéressante. Je regrette que tous les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur couleur politique, aient refusé de mettre en œuvre cette mesure urgente. Si cela avait été fait il y a dix ans, nous disposerions maintenant des médecins dont nous avons besoin.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Extension du contrat d’engagement de service public

Amendement AS661 de M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cet amendement vise à préciser que le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre en contrat d’engagement de service public (CESP) est déterminé en fonction de l’évaluation des besoins en offre de soins sur le territoire. Vous me répondrez sans doute que c’est évident, mais cela va mieux en l’écrivant !

M. le rapporteur. Votre amendement me semble déjà satisfait. Il conviendrait plutôt d’accroître l’attractivité du CESP, de réfléchir au nombre de contrats proposés et de s’interroger sur l’étendue des filières concernées.

Demande de retrait.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement part d’une bonne idée, mais nous ne pouvons l’adopter pour une raison simple : nous ne pouvons mettre en place des dispositifs différents sur le territoire métropolitain et dans les outre-mer. En revanche, il est tout à fait possible d’encourager l’augmentation de la formation dans certains territoires, avec des CESP à la clef.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement de notre collègue de la majorité est très intéressant. Alors que l’article 4 étend le périmètre des médecins invités à participer à la permanence des soins, il conviendrait aussi, en corollaire, de permettre la conclusion de CESP dans tous les établissements appelés à assurer ces missions de service public. Il s’agirait d’une mesure gagnant-gagnant, qui permettrait d’encourager tous les étudiants intéressés par cet exercice à poursuivre dans cette voie.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Il y a vraisemblablement un flou sur le fait que cette disposition est déjà en vigueur : cela vaudrait donc la peine de l’inscrire dans la présente proposition de loi.

M. Vigier prétend qu’on ne peut pas adapter les politiques aux territoires. Il me semble pourtant que l’ancien numerus clausus était déterminé en fonction des capacités de formation et des territoires. Il pourrait en être de même pour les CESP : il faudrait encourager la conclusion d’un plus grand nombre de contrats là où les besoins en médecins sont les plus importants.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Il me semble que cette disposition est déjà appliquée. L’ARS propose des postes en CESP en fonction des souhaits des étudiants et des besoins du territoire où ils devront exercer pendant un nombre d’années égal à celui de la bourse qu’ils ont obtenue. Autrement dit, le CESP ne leur permet pas de s’installer où ils veulent.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il est nécessaire de développer les CESP ; or je me demande si cet amendement ne produirait pas l’effet inverse de ce qui est recherché. Il vaudrait mieux se fixer des objectifs ambitieux en la matière – ce que cette proposition de loi ne fait pas – et faire du CESP une modalité des études de médecine beaucoup plus fréquente. Du reste, cela aiderait les jeunes issus de familles populaires à entreprendre de telles études, alors qu’un grand nombre d’entre eux ont été, pour une raison ou pour une autre, découragés de s’engager dans cette voie. Le numerus apertus n’a rien réglé : on continue de ne pas former assez de médecins et de détourner trop de jeunes des études de médecine.

M. le rapporteur. Vous avez raison, monsieur Dharréville, et vous allez être satisfait par l’augmentation du nombre de CESP dont nous allons bientôt discuter.

J’ai demandé à M. Patrier-Leitus de retirer son amendement, car la procédure actuelle correspond déjà à ce qu’il souhaite. Le nombre et la répartition des contrats proposés ne sont pas déconnectés de la situation des territoires : ils sont déterminés en amont, en fonction des besoins de chaque région remontés par les ARS. Les spécificités et tensions régionales sont donc déjà prises en compte par le dispositif actuel.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS733 et AS731 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS195 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à préciser l’ordre de priorité dans lequel sont signés les CESP prévus à l’article L. 632-6 du code de l’éducation. En accordant la priorité aux étudiants de nationalité française ou ressortissants de l’Union européenne, cette mesure vise à garantir que les opportunités offertes par les CESP profitent en premier lieu aux étudiants nationaux, en mesure de contribuer directement au repeuplement des déserts médicaux sur le territoire national. Il est essentiel de s’assurer que les efforts déployés pour lutter contre ces déserts médicaux bénéficient en premier lieu aux professionnels de santé locaux, tout en reconnaissant l’importance de la contribution des professionnels étrangers formés en France.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Une fois de plus, vous cherchez à diminuer la portée du principe d’égalité sur lequel reposent notre droit, nos engagements européens et l’accès à ce type de contrat. Quoi qu’il en soit, il est inutile de pousser les feux dans cette direction, car le nombre de contrats proposés est largement supérieur au nombre d’étudiants souhaitant en bénéficier : ainsi, personne ne se voit refuser un CESP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS204 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à préciser l’exécution du CESP auprès des jeunes professionnels afin qu’ils puissent connaître préalablement le service et le secteur d’activité ainsi que les diverses missions. Certains professionnels, en effet, éprouvent une certaine déception lors de l’exercice d’un contrat qui ne répond pas à leur souhait de développer certaines compétences dans un domaine précis.

M. le rapporteur. Avis défavorable à une disposition qui relève du règlement et non de la loi.

M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement de M. Frappé est déjà satisfait. Je l’invite à lire le contrat liant les étudiants avec les doyens de la faculté de médecine.

Par ailleurs, l’adoption de l’amendement qu’il a précédemment défendu aurait entraîné la suppression de 10 000 postes de praticiens à diplôme hors Union européenne, dont 3 950 viennent d’être régularisés au titre de la validation des acquis de l’expérience. Tout le système hospitalier français se serait effondré.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS732 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS133 de Mme Christine Loir.

Mme Christine Loir (RN). Nous en convenons tous, nous manquons de personnel médical dans l’ensemble du territoire national. Les CESP doivent être développés, notamment à l’échelon local, afin de renforcer l’enracinement des professionnels de santé. Je propose donc d’allonger la période minimale obligatoire d’exercice en la portant de deux à quatre ans.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

En moyenne, les étudiants signataires reçoivent déjà une allocation depuis quatre ans, ce qui implique qu’ils resteront autant d’années dans le territoire d’exercice. De plus, il importe de ne pas rigidifier l’attractivité du contrat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS193 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à responsabiliser les universitaires en leur demandant de promouvoir l’article L. 632-6 du code de l’éducation auprès des étudiants en santé, lesquels ne sont pas toujours au courant de l’existence de ce type de dispositif. Ils doivent les informer sur les possibilités offertes par le CESP ainsi que sur ses avantages et obligations.

M. le rapporteur. Avis défavorable à un amendement trop restrictif et prescriptif. Les universitaires, certes, mais aussi les syndicats étudiants, les ARS ou les collectivités locales peuvent également promouvoir ce type de contrat.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendement AS64 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement vise à préciser les conditions d’hébergement des étudiants en médecine effectuant leur stage en zone sous-dotée. Les élus locaux peuvent prendre des mesures simples, comme je l’ai fait sur mon territoire, en leur réservant, par exemple, les logements autrefois destinés aux instituteurs dans les écoles. Alors que nous nous situons dans un champ régalien, est-ce normal qu’une disposition relève seulement des collectivités locales ?

M. le rapporteur. Avis défavorable. Un tel dispositif est en effet d’ores et déjà possible et la loi n’apportera rien de plus.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS528 et AS527 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). Les ministères de l’éducation nationale et de la santé doivent promouvoir les études de médecine au sein des lycées situés dans des déserts médicaux, jugés peu attractifs par les jeunes médecins à moins, considèrent 69 % d’entre eux, d’y avoir des liens familiaux ou amicaux. Or, dans ces territoires, de brillants lycéens ne s’engagent pas vers des études longues faute, notamment, d’y être incités.

Par ailleurs, j’ai déposé avec M. Frappé des amendements, qui sont tombés, visant à établir une limite d’âge à l’obligation de participation à la permanence des soins. Je crains que des médecins âgés, qui continuent de travailler alors qu’ils pourraient faire valoir leur droit à la retraite, ne renoncent à poursuivre leur exercice.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il importe en effet de valoriser et de faire connaître les filières du soin, mais je ne suis pas certain qu’une inscription dans la loi s’impose. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

S’agissant du second point, la loi Rist en appelle à l’engagement collectif des médecins, que l’article 1er de cette proposition de loi permet d’organiser territoire par territoire. Les praticiens qui, physiquement, ne peuvent supporter des gardes, seront suppléés par leurs collègues. Il n’est pas question d’un engagement individuel.

M. Jean-François Rousset (RE). Environ 6 % des bacheliers de départements comme le Lot ou l’Aveyron ont des notes ou des mentions supérieures à ceux des grandes villes. Pour les amener à entreprendre des études de médecine, nul besoin d’en passer par la loi. À Millau, une classe sera dévolue dès la rentrée 2023 à la préparation spécifique de ces élèves aux métiers de la santé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS342 de Mme Justine Gruet.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement vise à rétablir une mesure prise par arrêté en 1992 et abrogée le 1er septembre 2012. Il convient de rendre obligatoire la réalisation d’un stage durant la seconde année du premier cycle et la première année du deuxième cycle. Fixé à 400 heures, il sera effectué dans des hôpitaux de proximité. Le législateur doit orienter les jeunes étudiants au plus tôt dans leur parcours afin qu’ils prennent connaissance des réalités de nos territoires, sachant qu’ils sont plus mobiles à 20 ans qu’à 30.

M. le rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’intention est certes louable mais elle est assez loin de cette proposition de loi. De plus, je préférerais que nous raisonnions en termes de territoires sous denses plutôt que d’établissements de proximité, lesquels ne relèvent pas nécessairement de zones sous‑denses.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 bis (nouveau) : Renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé

Amendements AS404 de M. Pierre Dharréville et AS455 de M. Yannick Neuder, amendements identiques AS72 de M. Joël Aviragnet, AS183 M. Jérôme Nury, AS334 rectifié de Mme Danielle Brulebois, AS536 de M. Guillaume Garot, AS552 de M. Nicolas Forissier et AS705 rectifié de M. Benoit Mournet (discussion commune).

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Afin de lutter contre les inégalités territoriales et sociales d’accès aux soins, l’offre de formation des médecins doit être déterminée en premier lieu en partant des besoins de santé des territoires, et non des capacités de formation du système universitaire.

M. Yannick Neuder (LR). Il convient de supprimer le numerus apertus, qui n’a permis d’augmenter que de 15 % le nombre d’étudiants alors même que, selon la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, les déserts médicaux s’étendent sur 87 % du territoire national et que nous avons perdu 5 000 médecins généralistes en dix ans. Les élus locaux, en lien avec les universités et les ARS, pourront évaluer les besoins des différents territoires et un examen permettra d’apprécier les étudiants autrement que sur leurs réponses à des questionnaires à choix multiples.

M. Joël Aviragnet (SOC). Notre amendement vise à donner la priorité aux besoins des territoires dans le conditionnement du nombre d’étudiants en deuxième et troisième années de premier cycle.

L’article L. 631‑1 du code de l’éducation dispose que les capacités d’accueil sont déterminées annuellement par les universités en fonction, d’une part, des capacités de formation et, d’autre part, des besoins de santé des territoires. Il convient d’abord de tenir compte des seconds.

M. Philippe Juvin (LR). Je défends l’amendement AS183.

Nous ne formons pas suffisamment de médecins car le numerus clausus, en fait, existe toujours. Les Anglais, qui sont confrontés à ce même problème, l’ont résolu en doublant ce dernier. On nous assure que ce n’est pas possible en France faute d’une capacité de formation suffisante, mais c’est faux. Il faut prioritairement envoyer les étudiants en médecine, internes et externes, ailleurs que dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), dans le privé, au sein de la protection maternelle et infantile (PMI), dans les Ehpad, etc. Les terrains de stage sont là.

Néanmoins, la priorité n’est pas tant la capacité de formation que la définition des vrais besoins des territoires. Ce sont eux qui doivent être pris en compte.

Mme Danielle Brulebois (RE). La suppression du numerus clausus a permis de former un nombre important de médecins mais, souvent, le manque de places dans les universités est criant, comme à l’université de Besançon. Nous proposons donc de prendre en compte, au premier chef, les besoins en médecins sur les territoires et d’ouvrir les places nécessaires dans les facultés.

M. Guillaume Garot (SOC). Mon amendement est issu du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux. Certes, nous devons former davantage de médecins mais, surtout, dans les territoires en déshérence, et ce pour une raison simple : il est plus facile d’exercer où l’on a été formé. Donnons la priorité aux territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés !

Pour être à même de former plus de médecins, il faudra également libérer plus de surfaces, avoir plus d’enseignants et peut-être, également, plus de CHU.

M. Philippe Vigier (Dem). Je défends l’amendement AS552.

En 2001, seulement 3 500 médecins étaient en formation et nous en sommes aujourd’hui à 9 000. Reconnaissez que le numerus apertus est une avancée !

À Orléans, nous avons un CHU depuis un an et demi mais nous manquons de 150 enseignants en région Centre-Val de Loire. Il importe de disposer d’une capacité de formation correspondant aux besoins des régions, comme c’était le cas dans le cadre des internats des régions, qui ont été supprimés. L’internat national classant ne les a pas même remplacés puisque, désormais, tout le monde devient interne.

M. Benoit Mournet (RE). Il convient en effet de hiérarchiser les priorités en privilégiant les besoins des territoires sur les capacités de formation.

Sans doute serait-il opportun de former plus encore en médecine de ville, dans les cliniques privées et les CHU. Nous devons faire feu de tout bois pour répondre aux besoins de santé de nos territoires.

M. le rapporteur. Je partage toutes ces intentions. Je suis défavorable aux amendements AS404 et AS455 mais favorable aux amendements identiques, dont la rédaction me semble meilleure.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je retire l’amendement AS404 mais à condition qu’il soit jugé recevable et que je puisse le redéposer en séance publique !

M. Yannick Neuder (LR). Je maintiens l’amendement AS455, qui nous donne l’occasion historique de supprimer le numerus clausus-apertus. Ne faisons pas valoir je ne sais quelle difficulté rédactionnelle : c’est une question politique.

Les terrains de stage peuvent se multiplier hors des CHU, auprès des médecins libéraux, ce qui réglerait le problème du manque de formateurs.

L’adoption ou non de cet amendement conditionnera largement le vote de notre groupe sur l’ensemble du texte. S’il n’est pas adopté, cela montrera que cette proposition de loi ne sert qu’à amuser la galerie parlementaire.

Mme la rapporteure générale. Je m’étonne qu’aussi bien à droite qu’à gauche on considère que le numerus clausus existe toujours alors que nous sommes les premiers à y avoir mis un terme. Nous n’aurions pas cette discussion s’il n’était plus en vigueur depuis quinze ou vingt ans. Environ 18 % d’étudiants supplémentaires sont formés. De plus, la mission lancée par notre commission évaluera cette réforme. Probablement sera-t-elle l’occasion de réfléchir à une augmentation des moyens alloués aux universités qui proposent des licences accès santé.

M. Neuder semble considérer que son amendement, comme par magie, réglera le problème des déserts médicaux alors que la loi prévoit déjà de saisir les conférences régionales de la santé et de l’autonomie pour déterminer les besoins en formation d’étudiants en deuxième année, les ARS se déterminant ensuite en fonction de son avis.

Enfin, je suis étonnée que certains proposent d’augmenter le nombre d’étudiants indépendamment des capacités de formation.

Mme Laure Lavalette (RN). Mme Rist est un peu caricaturale. L’augmentation des effectifs suppose évidemment celle des capacités de formation.

Je vous invite à rencontrer les représentants du collectif national Pass/Las, qui vous diront combien la réforme Vidal était inepte. La promotion charnière a été sacrifiée, hors dans quelques facultés parisiennes, puisque des étudiants qui voulaient être médecins depuis le cours préparatoire ont dû partager le gâteau avec des étudiants de deuxième année parce qu’ils redoublaient alors qu’eux n’en avaient pas le droit. Ne nous leurrons pas, un étudiant en sciences et techniques des activités physiques et sportives ou en psychologie partage aussi le gâteau avec un étudiant qui passe un concours différent, dont l’oral est d’ailleurs problématique puisque nombre d’étudiants brillants y échouent.

Il n’est pas possible de se satisfaire que des étudiants partent en Roumanie, en Espagne ou au Portugal pour faire médecine. Peut-être faut-il en effet doubler le numerus apertus ! Laissons nos enfants accomplir leur rêve !

M. Philippe Juvin (LR). Il faut arrêter l’autosatisfaction ou l’autoflagellation permanente ! En 1993, nous formions 3 500 médecins, en 2007, 7 000, en 2016, 7 600 et en 2020, 9 361. Chacun a donc fait sa part et vous avez fait la vôtre, modeste. Il n’y a pas eu de révolution.

De plus, vous n’avez pas supprimé le numerus clausus, vous avez changé son nom. Je ne suis pas choqué que les autorités fixent un nombre de médecins à former. Le problème, c’est le niveau du numerus clausus.

Enfin, en tant que professeur de médecine, je ne vous dirai pas que nous allons former les médecins n’importe comment, mais je vous dis que l’on pourrait très facilement envoyer des étudiants sur des terrains de stage qui ne sont ni universitaires, ni hospitaliers. On ne le fait pas pour des raisons culturelles.

M. le rapporteur. L’amendement de M. Neuder ne réglera pas la question du numerus apertus par l’ajout d’une commission. Il n’est pas non plus possible de prétendre que si cet amendement n’était pas adopté, ce texte relèverait de l’esbroufe. Vous nous avez suffisamment expliqué que nous nous apprêtions à déstabiliser le système de santé et que cette réforme aurait de lourdes conséquences pour l’organisation des soins, pour comprendre que, au contraire, cette proposition de loi fera bouger les lignes.

L’amendement AS404 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS455.

Puis elle adopte les amendements identiques.

Après l’article 5

Amendement AS271 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Je propose de simplifier les conditions d’agrément et de formation des maîtres de stage afin de former un plus grand nombre de médecins. Tout ne pas se faire au sein des centres hospitaliers. Les médecins libéraux, les praticiens des cliniques privées peuvent très bien devenir maîtres de stage.

Le numerus clausus-apertus doit être modifié, car il ne faut en aucun cas pénaliser les hôpitaux en les privant d’internes. Nous devons en former davantage !

M. le rapporteur. Avis défavorable à un amendement qui ne correspond pas à l’exposé des motifs qui vient d’en être donné.

Mme la rapporteure générale. Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas augmenter le nombre d’étudiants. Nous nous sommes précisément battus, en 2019, pour mettre un terme au numerus clausus. Nous avons, de surcroît, travaillé dans le sens de la décentralisation puisque c’est désormais aux régions, et non plus à l’État, de définir le nombre d’étudiants de deuxième année. Nous pouvons tous convenir, en revanche, que nous ne disposons pas d’un nombre suffisant d’étudiants compte tenu d’une population vieillissante.

S’agissant des parcours d’accès spécifique santé/licence accès santé, je vous rappelle que les universités sont autonomes. Nous devons évaluer la réforme Ma santé 2022 afin de pouvoir améliorer leur situation.

M. Thibault Bazin (LR). La méthode me semble plus importante que l’objectif. Je ne suis pas sûr que l’adoption des amendements identiques et l’inversion des formules changeront la donne.

L’augmentation de 2019 n’a pas été uniforme, ce qui est regrettable. Les capacités de formation sont un véritable enjeu, qui ne dépend pas du seul législateur. Les universités en sont parties prenantes – localement, les facultés de médecine.

Nous ne manquons pas de terrains de stage en établissement, mais nous sommes confrontés à un problème dans les territoires en souffrance. Leur diversification est un vrai défi.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement n’est pas bien rédigé mais nous sommes d’accord : il est administrativement très difficile de trouver des maîtres de stage. Essayez de remplir le dossier, c’est aussi compliqué que les dossiers de la politique agricole commune ! De plus, certains maîtres de stage, avant la vidéoformation, devaient faire jusqu’à 150 kilomètres pour se rendre à la faculté. En revanche, il ne faut pas simplifier la formation.

L’hospitalo-centrisme est bien réel mais dès lors qu’il faut trouver des terrains de stage décentralisés, c’est la foire d’empoigne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS117 de M. Luc Lamirault.

M. François Gernigon (HOR). Il s’agit de rendre obligatoire le stage en zone sous-dotée, en espérant que le contact avec la patientèle locale et la découverte du territoire convaincront certains des futurs médecins de s’y installer.

M. le rapporteur. Défavorable.

Je n’ai entendu aucune demande en ce sens lors des auditions. Il n’est pas interdit de faire des stages en zone sous-dotée. Il convient de mener une réflexion globale sur les stages plutôt que d’imposer des contraintes décousues.

L’amendement est retiré.

Amendement AS604 de Mme Béatrice Bellamy.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Alors que 87 % du territoire français est qualifié de désert médical, les collectivités territoriales sont souvent en concurrence pour capter les aides financières allouées aux zones sous-dotées et attirer des médecins. Pour mettre un terme à ces rivalités, il serait plus pertinent de définir des zones suffisamment dotées, dans lesquelles l’installation des médecins serait freinée.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait par celui que nous avons adopté lundi à l’initiative de M. Garot, visant à créer un indicateur pour mieux mesurer l’offre de soins dans les territoires.

L’amendement est retiré.

Amendement AS605 de Mme Stéphanie Rist.

Mme la rapporteure générale. Le constat sur la santé des étudiants en médecine est alarmant : 75 % d’entre eux montrent des symptômes d’anxiété pathologique et 39 % des symptômes de dépression, selon une enquête publiée l’an dernier. La visite médicale obligatoire au début de l’internat est rarement effectuée tandis que le suivi médical est compliqué par les fréquents changements de lieu de stage.

L’amendement vise à créer, à titre expérimental, des unités de soins dédiées au suivi médical et psychique des internes, sous la responsabilité conjointe de l’unité de formation et de recherche en médecine et du centre hospitalier régional concerné.

M. le rapporteur. Vous avez raison de mettre en lumière ce sujet compliqué mais ô combien important. Néanmoins, je vous propose de retirer l’amendement et d’en revoir la rédaction d’ici à la séance afin de garantir son efficacité.

L’amendement est retiré.

Amendement AS643 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Si les effectifs de médecins sont appelés, d’ici à dix ans, à retrouver leur niveau des années 2000, les besoins de santé ne cessent de croître, notamment sous l’effet du vieillissement de la population et de la multiplication des maladies chroniques.

La lutte contre les déserts médicaux exige une vision de long terme. Il est donc proposé de créer, à titre expérimental, sur le modèle de ce que pratique déjà un établissement de Saint-Céré dans le Lot, une option « santé » dans les lycées des zones sous-denses afin de susciter des vocations.

M. le rapporteur. Je vous demande le retrait de votre amendement même si j’en partage l’esprit.

Vous l’avez dit, des expérimentations sont en cours, il n’est donc pas nécessaire d’en inscrire le principe dans la loi. En outre, une réflexion globale est nécessaire pour trouver les moyens de rendre plus attractive la formation aux métiers de santé et d’en faciliter l’accès. Peut-être faut-il plutôt envisager de renforcer et de pérenniser les expérimentations actuelles.

M. Philippe Juvin (LR). L’amendement de M. Peytavie mérite d’être soutenu. N’oubliez pas que de nombreux étudiants s’engagent dans des études de santé et abandonnent – 25 % des élèves infirmiers n’exerceront jamais ce métier. Il importe donc de mieux informer les élèves sur ce que sont les professions de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS80 de M. Joël Aviragnet, AS188 de M. Jérôme Nury, AS541 de M. Guillaume Garot, AS558 de M. Philippe Vigier et AS574 de M. Nicolas Sansu.

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement a pour objet la remise, par le Gouvernement, d’un rapport sur les conditions de travail ainsi que le statut des externes et des internes en médecine. Faiblement rémunérés, parfois mal encadrés faute de praticiens disponibles, et souvent soumis à un rythme de travail éreintant, les internes ne doivent pas devenir une variable d’ajustement comptable de notre système de soins.

M. Philippe Juvin (LR). Je défends l’amendement AS188. Nombre de nos hôpitaux, en particulier les hôpitaux universitaires, tiennent grâce aux étudiants en médecine. Si vous leur enlevez les internes et les externes, certains services ne fonctionnent plus. Or un externe est payé 260 euros brut par mois. Qu’attendons-nous pour leur donner une rémunération au taux horaire au moins équivalent au Smic ? Dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous devons déjà leur garantir des conditions de travail décentes, comme à tous les stagiaires.

M. Guillaume Garot (SOC). Les internes portent à bout de bras l’hôpital, et sans doute, une grande partie de notre système de santé. La moindre des choses est de reconnaître leur investissement en améliorant leurs conditions de travail et leur rémunération, sur la base du rapport que propose l’amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Moins de 300 euros par mois, ce n’est même pas ce que touche un stagiaire en entreprise alors que les internes font tourner les services. Monsieur le rapporteur, pour la séance, nous devons trouver une rédaction qui englobe la proposition faite à l’instant par Mme Rist, afin que nous disposions d’une base de travail pour préparer l’arsenal de mesures que les étudiants attendent.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS574. Les conditions de travail des internes sont devenues épouvantables – cinquante-neuf heures par semaine – et leur rémunération est si faible qu’elle leur interdit de prendre part aux journées de grève.

M. le rapporteur. Le champ du rapport qui est demandé mérite d’être étendu à l’ensemble des étudiants qui contribuent à faire tourner les établissements hospitaliers, notamment aux infirmières. Je vous propose donc de retirer vos amendements et d’en réécrire un d’ici à la séance.

Les amendements sont retirés.

Amendements AS151 de M. Philippe Juvin et AS268 de M. Yannick Neuder (discussion commune).

M. Philippe Juvin (LR). Le nombre de terrains de stage des internes et des externes pourrait considérablement augmenter si nous acceptions de les envoyer massivement ailleurs que dans les CHU. Ainsi, les centres hospitaliers, les Ehpad, les services de PMI ou la médecine de ville sont d’énormes gisements de stages, aujourd’hui sous exploités.

M. Yannick Neuder (LR). La médecine générale est la spécialité qui manque le plus de maîtres de stage – il en faudrait 24 000. L’amendement a pour but de simplifier les conditions d’agrément afin d’accroître le nombre d’étudiants susceptibles d’être formés à la médecine générale dans les territoires.

M. le rapporteur. Le sujet que vous abordez – l’élargissement des terrains de stage – a tout à fait sa place dans le rapport que nous avons évoqué à l’instant.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS269 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Si l’objet du rapport est très large – je pense notamment aux lieux de stage –, cet amendement a vocation à être retiré lui aussi.

L’amendement est retiré.

Amendement AS622 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Une fois n’est pas coutume... il s’agit de demander un rapport, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, étudiant la possibilité de tenir l’objectif de 10 000 contrats d’engagement de service public à l’horizon 2027. En fixant un chiffre, nous vous aidons à donner corps à votre ambition et à lui assigner un sens politique : démocratiser l’accès aux CESP pour mieux lutter contre les déserts médicaux.

M. le rapporteur. Je ne vois pas l’intérêt de demander un rapport sur un dispositif que nous venons d’élargir considérablement. Laissons-le vivre et évaluons-le dans quelque temps.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’en déduis que si nous proposons un délai plus long, votre avis sera favorable.

M. le rapporteur. Nous en reparlerons en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS662 de M. Hadrien Clouet.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Il s’agit de demander un rapport sur l’extension du CESP à toutes les formations paramédicales. L’amendement prend au mot M. Braun, qui mettait en avant la précarité pour expliquer le fait que 20 % des étudiants abandonnent leur formation en cours de route. Le rapport serait une première étape vers un financement public des études paramédicales qui permettrait certainement d’attirer davantage de candidats. Sans un recrutement massif, nous allons droit vers une nouvelle catastrophe pour l’hôpital.

M. le rapporteur. Je ne suis pas fermé à votre idée. Toutefois, vous ne pouvez pas demander la généralisation d’un dispositif que nous venons tout juste d’étendre. Les éléments ne seront pas suffisants pour procéder à une évaluation sérieuse.

La commission pourrait décider de créer en son sein une mission d’évaluation sur le CESP tel que nous venons de le redimensionner. Pour l’heure, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS240 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Pour développer les CESP, il convient d’identifier les freins, qui peuvent tenir tant aux moyens qu’au périmètre de ces contrats. Il est donc proposé qu’un rapport étudie l’opportunité d’autoriser les étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie à signer des CESP avec tous les établissements de santé qui participent au service public.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées. Je regrette que personne n’ait salué l’extension ambitieuse du champ des CESP prévue à l’article 5.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS200 de M. Thierry Frappé et AS466 de M. Yannick Neuder (discussion commune).

M. Thierry Frappé (RN). La loi ne prend pas la mesure de l’urgence à résorber la pénurie de médecins. L’amendement vise à demander un rapport sur l’impact des mesures qui ont été prises, dans lequel serait notamment envisagée la suppression du numerus apertus. Le bilan de ce dernier montre qu’il n’entraîne pas la hausse escomptée du nombre d’étudiants en médecine. Compte tenu du besoin urgent de nouveaux médecins sur le territoire national, il semble nécessaire de supprimer le concours dans ses modalités actuelles.

Yannick Neuder (LR). Il s’agit d’évaluer, dans un rapport, la pertinence du mode d’accès aux premier et deuxième cycles des études de santé, notamment en le comparant à ce que font nos voisins européens. Je pense aux drames qui nous sont rapportés dans nos permanences, lorsqu’un oral de quelques minutes peut mettre fin au rêve d’une carrière médicale.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous rappelle que la mission d’information sur l’évaluation de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite « OTSS », dont les rapporteurs sont M. Jean‑Carles Grelier et M. Yannick Monnet, commence prochainement ses travaux.

M. Philippe Vigier (Dem). Le rapport nous dira éventuellement ce que nous devons faire dans deux ans alors qu’il faut agir maintenant.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS667 de M. Hadrien Clouet.

M. Andy Kerbrat (LFI - NUPES). La population de Loire-Atlantique a augmenté de 100 000 habitants en six ans – plus forte progression des départements français. Dans le même temps, le nombre de places pour les études en médecine n’a pas bougé. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, il faudrait augmenter de 20 % le nombre d’étudiants pour répondre aux besoins démographiques. Le rapport que nous demandons permettrait de lancer la réflexion sur la planification nécessaire pour surmonter la crise à venir.

M. le rapporteur. La commission des affaires sociales a lancé des travaux d’évaluation qui répondent à votre préoccupation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS308 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Le rapport ici demandé a pour objet d’étudier la création de passerelles afin que des professionnels paramédicaux puissent intégrer un cursus accéléré d’études de médecine.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 6 : Diverses mesures portant sur la gouvernance et l’organisation territoriale de l’hôpital public

Amendement AS405 de M. Pierre Dharréville.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 2. Lors de la création des GHT, nous avions écarté la possibilité qu’ils puissent se doter de la personnalité morale afin d’éviter les déséquilibres territoriaux et de préserver la mutualisation des moyens au service des patients. Nous restons fidèles à cette position.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Une telle suppression remettrait en cause l’équilibre de la proposition de loi. En outre, l’approche retenue est très souple et efficace.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS721 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS644 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par cet amendement d’appel, issu d’échanges avec la Fédération hospitalière de France, le groupe Écologiste - NUPES souhaite alerter sur les risques d’une mise sous tutelle des établissements en cas de délibération négative du conseil de surveillance. Contrairement à un avis, celle-ci a, en effet, une valeur contraignante. Un vote négatif pourrait ainsi obliger les établissements à demander systématiquement l’autorisation de l’ARS pour toute dépense supplémentaire.

M. le rapporteur. Je vous demande le retrait au profit de mon amendement AS758.

Les auditions ont été l’occasion de réfléchir aux moyens de développer l’implication du conseil de surveillance dans les investissements et d’en faire un lieu de débat sur les questions stratégiques. Un consensus a ainsi émergé sur l’expression par celui-ci d’un avis simple sur le budget. Mon amendement reprend cette idée et il dote le conseil d’un pouvoir décisionnaire sur d’autres sujets liés à la stratégie hospitalière.

L’amendement est retiré.

Amendement AS758 de M. Frédéric Valletoux.

M. le rapporteur. L’amendement a pour objet, d’une part, de conforter le pouvoir de délibération du conseil de surveillance sur le budget par l’expression d’un avis simple, pour les raisons qu’a très bien expliquées M. Peytavie – le risque de blocage, voire de mise sous tutelle de l’État, qui serait contraire à l’autonomie des établissements hospitaliers ; d’autre part, d’élargir ce pouvoir au plan pluriannuel d’investissement ainsi qu’à la politique d’accès aux soins et de gradation des soins. Ainsi, chaque année aura lieu un débat sur le rôle de l’hôpital dans l’offre de soins de son territoire. C’est important pour les usagers, les élus et les parties prenantes.

Mme la rapporteure générale. Est-il vraiment utile de débattre chaque année du plan pluriannuel ?

M. le rapporteur. Des investissements sont réalisés chaque année – ils peuvent être structurants ou plus modestes. Ce sera l’occasion d’évoquer le rythme des investissements.

J’ajoute que le conseil de surveillance débattra également chaque année de la stratégie universitaire de chaque établissement de son territoire. Les CHU irriguent les centres hospitaliers en matière universitaire, notamment en mettant à disposition des internes. En contrepartie, ces derniers doivent aussi contribuer aux recherches menées par les CHU.

M. Philippe Vigier (Dem). Votre amendement ne fait pas référence à la stratégie universitaire de l’établissement. Le débat sera utile, car il permettra de savoir quels établissements ont accompli des efforts.

Par ailleurs, je rejoins Stéphanie Rist : le plan pluriannuel d’investissement est déjà connu.

M. le rapporteur. Il est écrit : « Le conseil de surveillance est informé une fois par an des actions universitaires, d’enseignement et de recherche menées par le centre hospitalier universitaire de sa subdivision. »

M. Philippe Vigier (Dem). Ce n’est pas la même chose.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS339 de Mme Justine Gruet.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement tend à ce que les éléments mentionnés dans l’article soient communiqués aux membres du conseil de surveillance dans un délai de cinq jours ouvrés, sauf cas de force majeure, avant la date de délibération du conseil de surveillance, afin qu’ils aient le temps d’en prendre connaissance et d’en débattre en connaissance de cause.

M. le rapporteur. Le code de la santé publique prévoit déjà que les documents soient transmis sept jours avant la réunion d’un conseil de surveillance. Je vous invite à retirer l’amendement, car il est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS305 de M. Thibault Bazin et AS476 de M. Freddy Sertin.

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement tend à ce que le directeur général de l’ARS présente au CTS ses observations sur l’état de santé de la population et l’offre de soins dans le territoire. Il serait souhaitable que cette initiative s’étende à tous les acteurs. Si le CTS a reçu pour mission d’identifier les attentes dans le domaine de la santé, il doit disposer de ces informations. En tout état de cause, les acteurs ne pourront coopérer que s’ils ont les mêmes informations.

M. Freddy Sertin (RE). Je retire l’amendement pour le présenter à nouveau en séance publique.

M. le rapporteur. La proposition est excellente mais il serait préférable de la rattacher à l’article 1er, relatif aux pouvoirs du CTS. Je vous invite par conséquent à le retirer.

M. Thibault Bazin (LR). Dans l’espoir d’un avis favorable en séance, je le retire.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS722 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS406 de Mme Katiana Levavasseur.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS512 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’article prévoit que le directeur général de l’ARS présente au moins une fois par an au conseil de surveillance des observations sur l’état de santé de la population et l’offre de soins du territoire dans lequel se trouve l’établissement de santé publique. Nous souhaitons que ces observations s’accompagnent, le cas échéant, d’une proposition de moyens supplémentaires.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il n’appartient pas au directeur général de l’ARS d’annoncer des moyens supplémentaires. Il est tenu par les choix faits dans cette enceinte, au Parlement, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il ne s’agit que de lui permettre de formuler des propositions, car il est le mieux placé pour connaître les besoins du territoire. Au Parlement de les retenir ou non.

M. le rapporteur. Il ne me semble pas nécessaire, dans ce cas, de le préciser. Si le directeur général est invité à faire des observations sur l’état de santé du territoire, c’est tout naturellement qu’il formulera des propositions, s’il en a, pour résoudre les éventuels problèmes. Nous avons pris suffisamment de mesures qui tendent à favoriser le dialogue pour ne pas avoir à préciser ce qui semble aller de soi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS723 de M. Frédéric Valletoux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette ensuite l’amendement AS449 de M. Yannick Neuder.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendement AS453 de Mme Stéphanie Rist.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit de permettre aux directeurs généraux de CHU, aux présidents d’université et à un représentant des internes de saisir la juridiction disciplinaire des personnels enseignants hospitaliers.

M. le rapporteur. Je vous invite à retirer l’amendement en vue de le revoir d’ici à la séance, car je suis assez réservé quant à la possibilité de permettre aux internes de saisir cette juridiction.

L’amendement est retiré.

Amendement AS196 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement tend à garantir la répartition équitable des professionnels de santé et d’une offre de soins adaptée dans tout le territoire, en particulier dans les zones sous-dotées.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je ne crois pas que l’on puisse demander aux GHT de résoudre les problématiques de la médecine libérale. Vous êtes les premiers à dénoncer la moindre contrainte qui pourrait peser sur la médecine libérale et vous proposez à présent que les hospitaliers se mêlent de leur juste répartition dans le territoire. Je ne pense pas que cette disposition leur fasse plaisir !

La commission rejette l’amendement.

Article 6 bis (nouveau) : Systématiser les directions communes en cas de vacance de poste dans un établissement membre d’un GHT

Amendement AS454 de Mme Stéphanie Rist.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit de développer la coopération des établissements au sein des GHT afin d’améliorer l’accès aux soins.

M. le rapporteur. Avis favorable, même si des questions demeurent en suspens.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous avons connu un cas de vacance à l’issue de laquelle l’intégration fut une véritable déflagration ! Que le temps de la vacance, la direction soit confiée à l’établissement support du GHT, soit, mais quand le poste est pourvu, il faut revenir à la situation antérieure. Précisez l’amendement pour que la direction ne dure que le temps de la vacance.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne voterai pas l’amendement. Les GHT sont très différents d’un endroit à l’autre, de par leur taille, leur nature, la présence en leur sein d’un centre hospitalier régional universitaire ou non. Laissons chacun s’adapter selon les équipes, les compétences. Il ne me semble pas opportun de confier systématiquement la direction commune de tout établissement partie du GHT à l’établissement support du GHT. Si la disposition était votée, elle deviendrait une ligne rouge de ce texte.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Bazin, cette proposition est déjà entrée en pratique, quasiment partout. Surtout, plusieurs rapports préconisent de prendre cette mesure, en particulier celui de la Cour des comptes qui a fait le lien entre cette pratique et l’amélioration de l’accès aux soins dans les territoires les plus éloignés des CHU.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 6

Amendement AS651 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut (HOR). La loi de modernisation du système de santé a défini les modalités de constitution des groupements hospitaliers de territoire. Au regard des difficultés rencontrées par plusieurs établissements et groupements hospitaliers de territoire, il convient de définir les modalités permettant de réajuster les périmètres, après évaluation et avec l’accord de l’ARS.

M. le rapporteur. C’est vrai, il faudrait revoir les périmètres des GHT, qui ont été conçus dans la hâte, sans cohérence. Prenons le temps, cependant, de réfléchir à la rédaction de l’amendement d’ici à la séance. Je vous invite à le retirer.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Dès lors que j’ai votre engagement à le retravailler d’ici à la séance pour qu’il soit adopté, je le retire.

L’amendement est retiré.

Article 6 ter (nouveau) : Validation des nominations des candidats au concours externe organisé pour le recrutement des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux au titre de 2019

Amendement AS516 de Mme Stéphanie Rist.

Mme la rapporteure générale. L’amendement tend à sécuriser les situations individuelles des élèves directeurs nommés et titularisés dans le corps des directeurs d’établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux à l’issue du concours externe organisé en 2018 au titre de l’année 2019.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je saisis l’occasion pour vous dire un mot de l’amendement précédent. Les GHT ne sont pas la grande réussite que l’on décrit habituellement. Du reste, le rapport que j’ai rendu à leur sujet avec Marc Delatte sous la précédente législature décrivait leurs difficultés. Je suis favorable au renforcement de la coopération entre les établissements mais, en l’espèce, vous prenez le risque que des hôpitaux de plein exercice deviennent des annexes d’hôpitaux supports des GHT. Cela posera des problèmes, jusque dans les relations sociales au sein des établissements, ne serait-ce que par le déficit d’interlocuteurs. D’ailleurs, l’amendement de M. Thiébaut pointe l’une des difficultés posées par les GHT. Je propose qu’avant d’aller plus loin, nous en dressions le bilan pour nous poser les bonnes questions.

M. Philippe Vigier (Dem). J’ai vécu cette situation où un poste se trouvait vacant. Que s’est-il passé ? L’établissement s’est trouvé annexé à l’hôpital support du GHT et le directeur s’est retrouvé à la tête de 550 salariés alors qu’il n’était présent qu’une demi-journée par semaine ! Vous ne faites pas tourner un établissement dans ces conditions. Je peux comprendre l’objectif de l’amendement, mais précisez que la direction ne dure que le temps de la vacance.

La commission adopte l’amendement.

Article 7 : Interdiction d’exercer en intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux et dans les laboratoires de biologie médicale

Amendements de suppression AS146 de M. Philippe Juvin, AS243 de M. Thibault Bazin, AS340 de Mme Justine Gruet et AS708 de M. Didier Martin.

M. Thibault Bazin (LR). Les pratiques prédatrices dans l’intérim médical doivent être combattues fermement, mais l’intérim médical peut être une solution pour répondre à la pénurie de professionnels de santé dans certains territoires. Il convient, non pas de l’interdire, mais de l’encadrer. Dès lors, mon amendement tend à supprimer cet article, qui semble excessif.

Mme Justine Gruet (LR). J’ajoute que l’intérim médical permet aux jeunes médecins de découvrir le métier. Il semble excessif de vouloir le supprimer.

M. Didier Martin (RE). L’article est d’autant plus excessif qu’il ne concerne pas que les médecins, mais aussi les infirmiers, les aides-soignants ainsi que les accompagnants éducatifs et sociaux. Ces personnes ont réussi des concours, suivi leur formation, fait des stages, servi dans de nombreux établissements. L’intérim est un salariat qui permet de répondre à des besoins territoriaux. L’expérience s’acquiert en se confrontant à différentes réalités et en acceptant d’être mobile. Enfin, le choix du mode d’exercice pour ces professions, dont certaines s’exerceront en libéral, doit être respecté, afin de ne pas démotiver ceux qui s’engagent dans cette voie difficile.

La mesure prévue à l’article 7, que l’on pourrait comprendre comme une attelle pour les établissements, pourrait décourager les jeunes qui sortent de formation.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Interdire l’intérim durant les premières années de carrière ne signifie pas que l’on ferme à ces jeunes diplômés la possibilité de remplacer d’autres professionnels. Simplement, nous ne souhaitons pas qu’ils passent par l’intermédiaire d’agences d’intérim, dont nous avons compris, au fil des débats, qu’elles pouvaient déstabiliser des établissements.

Monsieur Martin, vous l’avez dit, les études ont déjà permis à ces jeunes professionnels de faire l’expérience des différents services d’un hôpital. Considérer qu’ils auraient encore besoin d’éprouver d’autres modes d’exercice de la médecine me semble exagéré. Au contraire, les premières années devraient leur permettre de s’enraciner, au sein d’une équipe hospitalière, ou d’un territoire s’ils choisissent l’exercice libéral. Ce sera toujours mieux que le nomadisme. En tout cas, c’est une mesure que les professionnels approuvent et que les étudiants ne récusent pas, car ils en comprennent les enjeux.

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’adoption de la mesure en LFSS a été largement saluée.

M. Didier Martin (RE). Il me semble que nous poursuivons le même objectif, en parlant d’enracinement et d’expérience mais, contrairement à ce que vous dites, les ordres professionnels ne sont pas favorables à cette mesure. Le président de l’Ordre national des infirmiers, pour ne citer que lui, est opposé à l’interdiction de l’intérim pour les jeunes professionnels.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS724 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS12 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). L’amendement des députés du groupe Socialistes et apparentés tend à étendre le dispositif de l’article aux contrats conclus de gré à gré pour éviter tout contournement de la règle.

M. le rapporteur. Avis défavorable, car les contraintes qui pèseraient sur les jeunes professionnels seraient trop lourdes et les établissements ou les libéraux n’auraient plus la possibilité de recourir à eux pour assurer des remplacements. Les contrats de gré à gré ne posent pas de difficultés. Au contraire, ils sont l’huile qui permet au système de fonctionner, si je puis m’exprimer ainsi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS13 et AS14 de M. Guillaume Garot, AS55 de M. Yannick Neuder, AS244, AS241 et AS242 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Guillaume Garot (SOC). L’amendement AS13 tend à interdire d’exercer en intérim médical et paramédical avant cinq ans d’exercice en établissement dans un cadre autre que l’intérim. Si cette proposition n’est pas retenue, nous pouvons ramener le délai à deux ans avec l’amendement AS14, et reprendre ainsi la mesure que le Gouvernement avait annoncée lors de l’examen du PLFSS 2023.

M. Yannick Neuder (LR). Je suis d’accord avec M. Martin. J’ai, moi aussi, rencontré des représentants de différentes professions de santé et la mesure est loin de faire l’unanimité. En revanche, nous pourrions trouver un compromis en choisissant d’encadrer l’intérim pour éviter les dérives, plutôt que de le supprimer. Ainsi, les jeunes diplômés ne pourraient pas consacrer plus de 20 % de leur activité professionnelle à l’intérim, durant deux ans. Ils pourraient ainsi s’enraciner dans une pratique, tout en découvrant d’autres univers. Enfin, n’oublions pas que les médecins tombent malades, eux aussi, et qu’ils doivent pouvoir trouver des confrères qui les remplacent.

M. Thibault Bazin (LR). Mes amendements tendent à limiter l’interdiction de l’intérim médical pour les jeunes professionnels de santé à leurs dix-huit premiers mois d’exercice, sinon à leurs douze ou six premiers mois. Les besoins sont criants dans certains territoires. Non seulement l’interdiction de l’intérim ne permettra plus d’y répondre mais en plus vous risquez de freiner les jeunes diplômés dans leurs projets personnels. Mieux vaut réguler qu’interdire.

M. le rapporteur. Il n’apparaît pas souhaitable de fixer une durée dans la loi. Tout d’abord, ce ne serait pas une bonne idée que de prévoir une durée uniforme pour toutes les professions de santé. Laissons au Gouvernement toute la latitude d’adapter cette disposition à la spécificité de chaque profession, dans le cadre d’un dialogue avec leurs représentants.

M. Philippe Vigier (Dem). M. Neuder souhaite réguler : cette évolution est salvatrice. Si l’on fixe la part de l’intérim à 20 %, cela signifie que celle de l’activité sédentaire s’élève à 80 %. Concrètement, comment est-ce possible ? C’est pourquoi la proposition d’interdire l’intérim aux jeunes diplômés est intéressante, car nous savons tous que les agences d’intérim rémunèrent trois ou quatre fois plus les professionnels.

M. Thibault Bazin (LR). Si je propose de réguler l’intérim, c’est uniquement pour éviter les dérives. Nous avons des divergences mais nous sommes tous d’accord pour admettre que le mal-être des internes, qui souffrent d’un manque de reconnaissance, est une réalité. On ne peut pas se contenter de justifier les contraintes supplémentaires qu’on voudrait leur imposer par le fait que l’État leur a payé dix ans d’études. Ce serait oublier un peu vite tout ce qu’ils ont apporté ! Ce sont les internes qui permettent à des établissements de tenir leur mission de service public !

M. Yannick Neuder (LR). Monsieur Vigier, je n’ai pas proposé de réguler l’intérim mais de l’encadrer. Les divers propos échangés m’ont convaincu que la durée n’était peut-être pas le bon paramètre. En revanche, je continue à penser que fixer une part maximale de temps consacré à l’intérim ne serait pas une mauvaise solution. Si le praticien peut consacrer une journée de sa semaine de cinq jours à l’intérim et percevoir un surcroît de salaire, le métier n’en sera que plus attractif. Nous ne faisons rien d’autre lorsque nous autorisons les praticiens hospitaliers à exercer parallèlement en libéral. Au moins ne partent-ils pas. En l’espèce, il resterait 80 % du temps professionnel pour le service.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS56 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Puisque vous avez rejeté les précédents amendements, je reviens à la charge en insistant sur l’importance d’autoriser une proportion de travail intérimaire minimale. Pensez à tous les médecins qui ont besoin de se faire remplacer. Tout supprimer serait radical.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS423, AS426 et AS431 de M. Christophe Bentz (discussion commune).

M. Christophe Bentz (RN). L’article 7 est radical et sa rédaction imprécise. Nous vous proposons, par conséquent, de limiter dans le temps le recours à l’intérim à l’échelle d’une carrière individuelle – trois, cinq ou huit ans.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Les dispositions prévues à l’article sont suffisamment exigeantes pour que nous n’ajoutions pas des contraintes supplémentaires. La loi Rist plafonne déjà le salaire des médecins intérimaires. Nous prévoyons d’en interdire la pratique en début de carrière. Continuons, par petites touches, à contenir le recours à l’intérim. Nous y parviendrons en renforçant l’attractivité des métiers et en prenant ce type de mesures.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS682 de Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit (Dem). Il s’agit de maintenir la possibilité de recourir au contrat de mission conclu avec une entreprise de travail temporaire pour tous les soignants, sans distinction, dès lors que l’emploi se trouve dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés d’accès aux soins – les zones dites en tension.

Il faut préserver la liberté de la pratique des soignants. Le professionnel libéral exerce son métier sous sa propre responsabilité. Après de nombreuses années d’études, sa liberté de choix doit être respectée. En début de carrière, comme pour de nombreux autres métiers, l’expérimentation est souvent le moyen de trouver sa voie et de s’épanouir dans un choix qui aura pu être réfléchi.

Cependant, en raison des difficultés actuelles pour accéder aux soins, il semble nécessaire d’orienter ces professionnels vers des zones où leurs compétences sont attendues. Des territoires souffrent d’une pénurie de médecins du fait du faible renouvellement des professionnels qui partent à la retraite ou des obstacles pour accéder à cette offre, qu’il s’agisse du temps d’accès ou des temps d’attente. Nous vous proposons une solution équilibrée, qui n’interdit pas le recours à l’intérim pour les jeunes diplômés mais respecte le choix du praticien tout en tenant compte des besoins réels du territoire.

M. le rapporteur. Ce n’est pas une petite exception que vous demandez : les zones tendues représentent 87 % du territoire ! Vous videriez de son sens l’article puisque c’est l’interdiction de l’intérim en début de carrière qui deviendrait une exception.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS725 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS11 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). Pour garantir la neutralité et l’efficacité des contrôles, notre groupe propose qu’ils soient confiés aux ARS et non pas aux entreprises de travail temporaire. On est là au cœur des missions de l’État.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Les ARS doivent s’occuper le moins possible de la gestion quotidienne des établissements. Il faut faire confiance aux équipes hospitalières, en l’occurrence à leur direction des ressources humaines ou à leur direction générale, pour exiger des agences d’intérim les documents permettant de s’assurer que l’ancienneté de la personne que l’on envisage d’employer est suffisante.

Votre amendement conduirait les ARS à s’immiscer dans la gestion quotidienne de l’hôpital et c’est une frontière que je ne souhaite pas franchir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS197 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à renforcer les restrictions pour le recours aux entreprises de travail temporaire, en précisant qu’il ne peut être autorisé que dans des situations exceptionnelles de besoin anormal. Cette mesure encourage les établissements et services à favoriser l’emploi de professionnels permanents. Ils ne pourraient recourir aux contrats temporaires que lorsque cela est justifié par des circonstances spécifiques et temporaires qui nécessitent une réponse rapide.

M. le rapporteur. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles et dérogatoires. Je ne suis pas convaincu qu’il faille inscrire cette précision dans la proposition. Plusieurs dispositions permettent déjà d’écarter l’application du dispositif proposé par l’article 7 en cas de crise majeure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS310 de M. Thibault Bazin, AS325 de M. Philippe Juvin et AS432 de Mme Josiane Corneloup.

M. Thibault Bazin (LR). Les discussions avec les professionnels concernés dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi ont mis en évidence la spécificité des laboratoires de biologie médicale, qui souffrent aussi de difficultés de recrutement. L’exercice en intérim en début de carrière peut faire naître des vocations pour la biologie et contribuer à élaborer un projet professionnel.

Tel qu’il est rédigé, l’article 7 pourrait désorganiser des laboratoires de biologie médicale dans certains territoires. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose d’exclure ces laboratoires du champ d’application de cet article, qui semble trop radical. Si l’amendement n’est pas adopté, il faudra quand même prévoir des mesures d’assouplissement.

M. Philippe Juvin (LR). L’intérim a beaucoup de défauts, mais l’interdiction complète est inadaptée aux besoins. Les intérimaires ne vont pas au bistrot : ils assurent un véritable service médical. Pour les jeunes, c’est une possibilité d’exercer leur activité en étant un peu mieux payés qu’à l’hôpital public.

Cet amendement vise à limiter les dégâts en exonérant les laboratoires de l’interdiction prévue par cet article.

M. Yannick Neuder (LR). Beaucoup d’efforts ont été consentis dans les territoires pour maintenir de la consultation, de la radiologie et de la biologie. Un certain nombre de choses peuvent se faire par télémédecine en matière de radiologie, mais c’est beaucoup plus compliqué pour la biologie. Si l’on veut éviter que tous les laboratoires soient rachetés par de grosses entreprises, il faut permettre aux petits laboratoires d’avoir recours à l’intérim, qui constitue probablement l’une des conditions de leur survie.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

D’abord, je ne comprends pas bien pourquoi il faudrait exclure seulement les laboratoires de biologie. Ensuite, cette mesure avait été discutée dans le cadre du PLFSS 2023 et les laboratoires de biologie avaient été intégrés dans le dispositif à leur demande – ils y tenaient.

Je rappelle que ce dispositif se borne à interdire l’intérim en début de carrière. La mesure est plébiscitée par l’ensemble des établissements et des professionnels.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis prêt à démontrer à MM. Neuder, Bazin et Juvin que ces amendements auraient, en fait, pour conséquence d’accélérer la fermeture des laboratoires privés. Un autre problème les concernant est l’extrême financiarisation. La publication de décrets d’application relatifs à la radiologie et la biologie est bloquée depuis le mois de février. Nous devrons œuvrer ensemble si nous voulons préserver le maillage territorial.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS752 de M. Guillaume Garot, AS134 de M. Luc Lamirault, AS753 de M. Guillaume Garot, AS489 de Mme Christine Loir, AS754 de M. Thibault Bazin, amendements identiques AS490 de Mme Christine Loir et AS755 de M. Thibault Bazin, amendement AS756 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement AS752 porte à cinq ans la durée d’interdiction d’intérim en début de carrière et l’amendement de repli AS753 prévoit une durée de deux ans.

M. Paul Christophe (HOR). L’amendement AS134 a le même objet : porter à cinq ans la durée de l’interdiction.

Mme Christine Loir (RN). Comment feront les personnels médicaux qui exercent dans des structures telles que les maisons de retraite pour partir en vacances s’il n’y a pas d’intérimaires pour les remplacer ? Les maisons d’accueil spécialisées et les instituts médico-éducatifs font face au même problème.

M. Thibault Bazin (LR). Mes amendements proposent de limiter la durée d’interdiction respectivement à dix-huit mois, un an et six mois.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.

Il ne faut pas confondre intérim et remplacement. L’article 7 ne porte que sur l’intérim, et il n’est pas question de rigidifier le marché de l’emploi en interdisant toute forme de remplacement pour les médecins ou les infirmières. Il faut arrêter de faire croire que l’on veut leur interdire de partir en vacances.

En revanche, l’intérim est un cancer pour notre système de santé et il est combattu depuis des années par l’Assemblée nationale.

Mme Christine Loir (RN). Ce phénomène ne concerne pas que les infirmières et les médecins. Beaucoup d’aides médico-psychologiques sont intérimaires et ne font que des remplacements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS311 de M. Thibault Bazin, AS324 de M. Philippe Juvin et AS433 de Mme Josiane Corneloup.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement de repli prévoit que les médecins biologistes et les pharmaciens biologistes ne pourront exercer de missions d’intérim qu’après deux années d’installation.

M. Philippe Juvin (LR). Monsieur le rapporteur, la distinction entre intérim et remplacement est trop subtile. En réalité, lorsque des postes sont vacants on a recours aux personnes qui sont disponibles. L’interdiction de pratiquer l’intérim pendant un certain temps en début de carrière va rigidifier le système et je ne sais franchement pas comment on va pouvoir pourvoir certains postes.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS433 est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Si l’on ne trouve pas de remplaçants, on ne trouve pas non plus d’intérimaires. Le problème majeur, c’est le nombre de professionnels.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendements identiques AS81 de M. Joël Aviragnet, AS380 de M. Fabrice Brun, AS579 de M. Philippe Vigier, AS583 de M. Guillaume Garot et AS587 de M. Jean-Claude Raux.

M. Joël Aviragnet (SOC). Il s’agit de favoriser l’installation durable des médecins en limitant à quatre ans la durée cumulée des remplacements d’un médecin libéral au cours de la carrière d’un praticien.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement AS380 est défendu.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement est similaire à celui du rapporteur qui porte sur l’intérim. Il tend, en l’occurrence, à limiter à quatre ans la durée des remplacements au cours de la carrière – à l’exception de la période qui commence avec la retraite. On peut discuter de l’opportunité de porter cette durée à cinq ans. Il s’agit d’éviter un nomadisme trop important.

M. Guillaume Garot (SOC). Cet amendement du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux vise à favoriser l’installation durable des médecins en limitant à quatre années la durée des remplacements en libéral dans la carrière d’un praticien. Il convient de contenir la plaie que constitue le nomadisme médical, tout en conservant la souplesse nécessaire grâce à la durée raisonnable de quatre ans.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Le temps de travail médical disponible a été considérablement réduit par deux fléaux. D’abord, l’intérim médical à l’hôpital a désengagé beaucoup de professionnels du quotidien des services et les a libérés de la contrainte des plannings annuels. Cette dérive n’a que trop duré et nous souhaitons que l’application de la loi Rist apporte une première réponse – même si cette loi est partielle, car elle ne concerne pas le secteur privé.

Ensuite, dans une période de pénurie sans précédent et durable de la médecine de ville, le statut de remplaçant, qui permet de disposer d’un emploi du temps exonéré de toute forme de continuité sur l’année ou sur la carrière, ne peut plus s’inscrire dans la durée. Bien sûr, les médecins ont envie de souffler et d’être remplacés. Mais si un grand nombre de remplaçants s’installent durablement, cela apportera une grande bouffée d’oxygène aux patients mais aussi aux soignants.

C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de limiter à quatre ans la durée totale des remplacements d’un médecin libéral au cours de la carrière d’un médecin.

M. le rapporteur. Du fait de la démographie médicale, ces amendements ne sont pas appropriés à la fragilité de notre système de santé. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre l’intérim, et l’interdire en début de carrière est positif en ce sens que cela pousse les médecins à s’installer d’entrée de jeu et limite des pratiques dont on ne souhaite pas qu’elles se perpétuent. Mais y ajouter des limitations drastiques aux remplacements sur la durée de la carrière est en contradiction avec la fragilité du système de santé, qui a besoin de la souplesse offerte par les remplacements.

Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Ces dernières années, l’évolution de la démographie médicale a malheureusement conduit à introduire de plus en plus de souplesse, avec l’intérim et la possibilité de multiplier les contrats. On se rend compte que le manque de médecins se concentre sur certains territoires. Demain, on va voir y arriver des cabinets mobiles, et les médecins ne se fixeront encore pas.

Ce que nous proposons est en effet très restrictif, mais c’est aussi une manière d’appeler l’attention sur des évolutions à l’œuvre. Ces cabinets mobiles ne sont pas pris en compte par cette proposition et j’ai peur que nous ayons déjà un combat de retard.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord sur la nécessité d’encadrer l’intérim, mais il faut faire la même chose pour les remplacements. Les médecins mettent en général entre cinq et sept ans à s’installer, et l’âge moyen d’installation se situe entre 38 et 39 ans. Cela continuera si on ne limite pas cette dérive. Si l’on accorde cinq années pour l’intérim et cinq années pour le remplacement, cela fait tout de même beaucoup de souplesse et cela correspond en fait à la durée qui précède leur installation, en moyenne à 39 ans.

M. le rapporteur. M. Di Filippo a raison : il faut craindre l’arrivée de cabinets mobiles employant des médecins salariés. Il ne s’agit plus là d’intérim ou de remplacement, c’est un virage que prend l’exercice médical, qui doit nous inquiéter et nous inciter à la vigilance pour ajuster la législation, car ce type de pratiques fragilise l’ancrage des soins dans les territoires.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Les médecins prolongent la période pendant laquelle ils exercent en remplacement, car ils ont peur du poids des tâches administratives qui leur incombent lorsqu’ils sont installés. Les différentes mesures prises pour leur faciliter la tâche en matière de gestion des cabinets sont intéressantes et peuvent favoriser l’installation plus rapide des médecins.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS592 de M. Serge Muller.

M. Serge Muller (RN). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les effets de l’interdiction de l’intérim médical pour les professionnels médicaux en début de carrière.

Même si la proposition de loi a pour objectif d’enraciner les jeunes médecins, elle présente tout de même un risque pour les zones sous-dotées. Il faudrait s’assurer que l’interdiction de l’intérim n’ait pas pour conséquence de réduire l’offre de soins. Limiter l’intérim est nécessaire, car la rotation trop fréquente des médecins entraîne une déstabilisation des services. Mais certains services ne peuvent fonctionner sans intérimaires. C’est notamment le cas des zones très attractives pendant les périodes de vacances.

La remise d’un rapport dans un délai raisonnable d’un an est nécessaire pour mieux appréhender cette question.

M. le rapporteur. Comme je l’ai dit précédemment à M. Clouet, demander un rapport pour évaluer un dispositif que nous sommes en train de voter et qu’il faut laisser vivre revient à mettre la charrue avant les bœufs. Au reste, l’évaluation des politiques publiques fait partie de nos missions. Il appartiendra à cette commission d’y procéder le moment venu pour cette proposition. Et pourquoi demander au Gouvernement de le faire aussi rapidement ?

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS623 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Le recours à des contrats d’intérim est malheureusement devenu une solution pour pallier le manque de personnel dans les établissements. C’est aussi le choix de certains professionnels qui souhaitent avoir de meilleures conditions de travail, dans un contexte de fermeture de lits, d’absence de reconnaissance et de salaires qui stagnent. L’intérim médical est la conséquence de la dislocation du service public.

Comme l’a dit le rapporteur, le système de santé est fragile. Afin de mieux comprendre la généralisation du recours aux contrats de mission temporaire, l’amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport dressant un tableau précis du recours à l’intérim pour les métiers de santé, tant dans le public que dans le privé.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées lors des précédentes demandes de rapport.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS335 de M. Vincent Rolland.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS152 de M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (LR). Si les médecins retraités décidaient d’arrêter de travailler, le système ne fonctionnerait plus. Un psychiatre sur quatre qui exerce est un retraité. Nous devons absolument encourager les médecins retraités à rester actifs. Or force est de constater que ce n’est pas le cas.

L’amendement demande donc au Gouvernement un rapport étudiant les propositions qui pourraient concourir à cet objectif. Cela pourrait notamment passer par la garantie d’un niveau de rémunération attractif, qui ne soit pas inférieur au salaire perçu avant la liquidation des droits à la retraite.

M. le rapporteur. Je reste sceptique sur les demandes de rapport.

Le champ de l’amendement me semble restreint. Nous pourrions discuter de son extension d’ici à la séance publique.

M. Philippe Vigier (Dem). La LFSS 2023 prévoit l’exonération de cotisations d’assurance vieillesse pour les médecins libéraux qui cumulent emploi et retraite jusqu’à 80 000 euros. Et la loi sur les retraites favorisera le cumul emploi‑retraite en permettant d’acquérir de nouveaux droits à la retraite – je le dis en passant pour ceux qui ont encore quelques doutes.

L’amendement est retiré.

Article 8 : Renforcer le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent

Amendement AS757 de M. Frédéric Valletoux et sous-amendement AS766 de M. Sébastien Peytavie.

M. le rapporteur. L’amendement permet de clarifier la rédaction de cet article relatif au contrôle financier sur les cliniques privées.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le sous-amendement propose d’inclure la déclaration d’intérêts dans les pièces comptables nécessaires au contrôle juridique et financier des établissements de santé privés.

M. le rapporteur. Votre sous-amendement me semble plus que satisfait. L’article L. 6161-3 du code de la santé publique dispose que les autorités de tarification peuvent se procurer « toutes autres pièces comptables nécessaires au contrôle ». De la même manière, grâce à leur pouvoir d’investigation, les corps d’inspection ou les juridictions financières ont accès à tout document qu’ils jugent nécessaires – y compris la correspondance confidentielle. Avec les modifications apportées à l’article 8, la clinique devra rendre compte de tous les liens avec des sociétés satellites à la demande des services d’inspection ou de l’autorité de tarification. Si la clinique ne le fait pas ou dissimule, il peut y avoir entrave.

Demande de retrait.

La commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement et l’article 8 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS626 de M. Hadrien Clouet, AS110 de M. Thierry Frappé, AS636 de M. Sébastien Peytavie et AS15 de M. Guillaume Garot tombent.


– 1 –

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 15 heures

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (n° 1175) (M. Frédéric Valletoux, rapporteur) ([64]).

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je m’étonne d’une sorte de traitement différencié des propositions de loi : celle de notre collègue Frédéric Valletoux bénéficie d’une souplesse sans doute appréciable, tandis que les sous-amendements déposés la semaine dernière sur la proposition de loi de M. Charles de Courson abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite n’ont même pas été examinés. Cela dit, il me semble difficile de discuter des amendements restants dans le temps qui nous est imparti.

Le fait que notre commission s’apprête à examiner les articles 9 et 10 de la présente proposition de loi pose un autre problème. Ces deux articles auraient dû être délégués à la commission des lois, qui était tout à fait fondée à nous faire bénéficier de son expertise et de son regard spécifique sur ces dispositions issues du projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, dont le Sénat avait commencé la discussion avant que le texte soit retiré. Or ce projet de loi avait été examiné, au Sénat, par la commission des lois.

M. Thibault Bazin (LR). La rédaction de cette proposition de loi, qui traite d’enjeux de santé très importants pour notre pays, n’est pas tout à fait au point. Peut‑être devriez-vous retirer le texte pour le retravailler et nous le représenter dans quelques semaines. Je crains que nous n’ayons pas le temps de trouver, d’ici à la semaine prochaine, les rédactions permettant d’apporter des réponses efficientes aux problèmes traités.

M. Frédéric Valletoux, rapporteur. S’agissant d’une éventuelle saisine de la commission des lois, je ne ferai pas de remarque particulière. La commission des affaires sociales me paraît tout à fait compétente pour examiner les articles 9 et 10 relatifs à la vérification des compétences et à l’intégration de médecins détenteurs de diplômes étrangers dans le système de santé français.

La rédaction de cette proposition de loi me semble tout à fait au point : je ne comprends donc pas la remarque de M. Bazin, qui me paraît infondée.

Article 9 : Mieux intégrer les praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé

Amendement de suppression AS256 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement de suppression est en réalité un amendement de repli que j’aurais souhaité présenter après mes autres amendements à l’article 9... J’espère que nous pourrons faire évoluer ce dernier car, dans sa rédaction actuelle, il risque de créer un appel d’air pour des professionnels de santé étrangers sans que nous ayons les moyens d’assurer un contrôle efficace de leur niveau de formation. Nous avons récemment adopté une loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé : afin de préserver cette confiance, il est important d’être ouverts aux professionnels étrangers tout en garantissant leur compétence, en nous assurant qu’ils savent parler la langue de notre pays et en leur proposant les formations nécessaires.

M. le rapporteur. Cet amendement de suppression me paraît totalement infondé. Depuis de très nombreuses années, les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) occupent dans notre système de soins une place loin d’être anecdotique. Au nombre de 16 000, ils sont, pour l’immense majorité d’entre eux, très bien intégrés. Conformément aux engagements pris par le Président de la République et aux annonces faites par la Première ministre, le Gouvernement a récemment entrepris une clarification de leur statut juridique. Ils sont utiles à notre système de santé et pleinement engagés, notamment, dans le fonctionnement de nos services hospitaliers : ils ne sont évidemment pas des sous-médecins proposant une sous‑offre de soins – ce n’est pas ce que vous avez dit. Les articles 9 et 10 permettront de continuer à accueillir ces Padhue dans de bonnes conditions et de faciliter leur intégration dans notre système de soins.

M. Philippe Vigier (Dem). Je le disais ce matin : heureusement que les Padhue sont là pour faire tourner nos hôpitaux au quotidien ! Par le biais de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE), une validation des acquis de l’expérience qui leur est propre, 3 940 de ces médecins ont vu leurs compétences reconnues : ils pourront désormais travailler sous un régime normal et adhérer au Conseil national de l’Ordre. Il n’y aura pas d’appel d’air. Il convient de continuer à régulariser ces praticiens lorsqu’ils disposent des compétences requises, afin qu’ils puissent travailler dans tous les établissements, publics comme privés.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne voudrais pas que l’on déforme mes propos : je ne remets en cause ni l’aide apportée par ces médecins, ni la possibilité de leur intégration. Les Padhue que je connais font très bien leur travail et leurs compétences sont reconnues. Gardons-nous cependant de toute généralisation, dans un sens comme dans l’autre. Un encadrement est nécessaire : les praticiens que nous accueillons doivent répondre à des normes que nous fixons, sans que celles-ci soient trop complexes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS252 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement rédactionnel vise à préciser que l’avis de la commission composée de professionnels de santé doit obligatoirement être suivi.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS198 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à apporter une précision nécessaire à l’article L. 4111-2-1 du code de la santé publique. Il convient de restreindre la possibilité de délivrer une attestation d’exercice provisoire aux ressortissants d’un État tiers en ajoutant la condition que les besoins spécifiques en personnel médical ne peuvent être satisfaits par des professionnels de santé français ou européens disponibles. Nous nous assurerons ainsi que l’autorisation d’exercice provisoire est accordée uniquement lorsque les ressources médicales nationales et européennes ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Cet amendement reviendrait à instaurer une forme de préférence qui ne serait ni compatible avec les besoins en soignants – 30 % des postes de médecin ne sont pas pourvus à l’hôpital, et je ne parle pas des autres parties de notre système de santé –, ni conforme à notre droit.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS341 de Mme Justine Gruet.

Mme Justine Gruet (LR). Nous proposons d’orienter plus particulièrement ces praticiens vers les hôpitaux de proximité, notamment dans les territoires qui manquent de professionnels.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. J’aurais préféré que l’on parle, à la rigueur, de « zones sous-denses », même si la pénurie de médecins touche désormais toutes les strates de notre système hospitalier.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS735 de M. Frédéric Valletoux.

Amendements AS245 de M. Thibault Bazin et AS736 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune).

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel et satisfera l’amendement AS245, dont je demande donc le retrait.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement ne doit pas exactement la même chose mais je vais le retirer.

L’amendement AS245 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS736 et, successivement, les amendements rédactionnels AS737 et AS738 de M. Frédéric Valletoux.

Amendements AS295 de M. Christophe Bentz, AS246 et AS247 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Christophe Bentz (RN). La question essentielle est celle de la maîtrise de la langue. Mon amendement AS295 s’apparente à la fameuse « clause Molière » qui impose aux ouvriers du bâtiment de comprendre le français. Considérant que le terme « suffisant » n’est pas assez précis, je propose d’indexer le niveau requis de connaissance de la langue française sur le niveau C2 du cadre européen commun de référence pour les langues.

M. Thibault Bazin (LR). À votre bon cœur, monsieur le rapporteur ! Dans le même esprit, mon amendement AS246 prévoit que l’on demande aux Padhue une connaissance suffisante de la langue française pour exercer une activité médicale attestée par l’obtention du niveau C1. Dans mon amendement de repli AS247, ce seuil est fixé au niveau B2.

Le patient et le professionnel de santé engagent un colloque singulier qui exige une compréhension mutuelle, notamment au moment de poser un diagnostic. Du reste, la maîtrise de notre langue va de pair avec l’intégration.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements, qui viennent rigidifier le dispositif prévu à l’article 9 pour faciliter le processus d’intégration. La carte de séjour pluriannuelle accordée aux Padhue doit permettre d’organiser pour ces derniers un parcours qui les prépare aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) tout en confortant éventuellement leurs acquis linguistiques. Au bout de quelques mois – treize mois maximum –, leurs compétences seront validées par une commission régionale ou nationale qui vérifiera notamment leur niveau de maîtrise de la langue française.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, les Padhue passent des EVC, des épreuves théoriques et pratiques organisées en français. Or, pour réussir une épreuve en français, il faut savoir parler cette langue ! Ces trois amendements n’ont donc pas beaucoup de sens.

M. Philippe Vigier (Dem). La PAE comporte une partie écrite, ce qui répond sans doute aux attentes de M. Bazin.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS249, AS250 et AS251 de M. Thibault Bazin, AS122 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement AS249 vise à préciser que les EVC doivent être passées dans un délai d’un mois à compter de l’obtention de l’attestation d’exercice temporaire. Les amendements de repli AS250 et AS251 portent ce délai respectivement à deux et trois mois. Nous devons certes simplifier l’accompagnement des Padhue, mais aussi trouver un certain équilibre : treize mois, c’est beaucoup trop long.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement AS122 vise à encadrer l’exercice des Padhue sur le territoire national, que l’article 9 entend faciliter. Si l’accueil de médecins extra‑européens peut constituer une solution de court terme pour lutter contre la désertification médicale, il n’en demeure pas moins nécessaire de prévoir des règles strictes. Il s’agit non seulement de permettre aux médecins formés en France d’exercer sur le territoire national, mais aussi de lutter contre la fuite de cerveaux de médecins, qui entrave le développement du secteur des soins médicaux dans leur pays d’origine. Aussi demandons-nous que les EVC soient passées dans les six mois suivant la délivrance de l’attestation provisoire, l’échec à ces épreuves mettant fin à la validité de la carte de séjour et à l’autorisation temporaire d’exercice. L’examen doit être organisé tous les six mois afin de ne pas faire attendre trop longtemps les praticiens concernés. Je précise qu’il s’agit là d’une demande du terrain et que notre amendement a été rédigé avec le Syndicat des médecins libéraux.

M. le rapporteur. La mise en œuvre des amendements de M. Bazin nous paraît complexe, d’un point de vue administratif, et en tout cas très contraignante. Elle rigidifierait le processus. Il n’est pas forcément nécessaire d’organiser des EVC tous les mois, tous les deux mois ou tous les trois mois. De même, l’amendement de M. Taché de la Pagerie visant à organiser ces épreuves tous les six mois introduit dans le dispositif un élément de rigidité.

Je suis donc défavorable à ces quatre amendements.

M. Thibault Bazin (LR). Ne vous méprenez pas, monsieur le rapporteur ! Des professionnels très compétents ont témoigné de la longueur du processus. Si l’on veut simplifier, il faut aussi s’en donner les moyens. Aussi me paraît-il important que le ministère nous garantisse que ces EVC seront organisées dans des délais resserrés. Les Padhue seront d’autant mieux intégrés qu’ils auront achevé le parcours qui leur est destiné.

M. Philippe Vigier (Dem). Les trois ans que nous avons dû attendre avant de discuter de ces dispositions nous incitent à bien encadrer le dispositif. Peut-être conviendrait-il de réexaminer les choses d’ici à la séance, de peur de devoir attendre encore trois années supplémentaires avant d’y revenir. Tout ce qui permet de rendre la permanence des soins plus efficiente est bon à prendre.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS248 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Il convient de préciser qu’en cas d’infraction aux règles déontologiques, l’attestation permettant à un Padhue d’exercer provisoirement la médecine peut être suspendue.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Dans une telle situation, le droit commun a vocation à s’appliquer : tout praticien enfreignant les règles déontologiques doit être sanctionné de la même manière, qu’il soit Padhue ou non.

M. Thibault Bazin (LR). Nous légiférons ici dans un domaine particulier, dérogatoire, qui est celui de l’autorisation de travail – cela rejoint d’ailleurs la remarque qui a été faite en début de réunion s’agissant de la compétence de notre commission. Si vous me garantissez que le droit commun s’applique totalement, et que la sanction peut entraîner une révocation, alors il n’y a pas de problème. Pourriez-vous cependant vérifier cela d’ici à la séance publique ?

M. le rapporteur. Le responsable d’un établissement peut suspendre l’exercice d’un professionnel de santé, y compris d’un Padhue, lorsqu’il juge qu’il est de nature à représenter un danger grave pour les patients. Il lui revient alors d’en informer sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), lequel peut prononcer la suspension immédiate du droit d’exercer. En pareil cas, la situation du praticien est réexaminée par la commission d’autorisation d’exercice compétente, qui peut proposer à l’ARS un retrait définitif de l’autorisation d’exercice.

M. Philippe Vigier (Dem). Le rapporteur a raison : tant que les Padhue ne sont pas régularisés définitivement et qu’ils n’adhèrent pas au Conseil de l’Ordre, c’est au chef d’établissement qu’il revient d’agir. La procédure est déjà inscrite dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS253 de M. Thibault Bazin.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS739 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS199 de M. Emeric Salmon.

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à apporter une précision nécessaire à l’article L. 4111-2-1 du code de la santé publique. Il convient de restreindre la possibilité de délivrer une attestation d’exercice provisoire aux ressortissants d’un État tiers en ajoutant la condition que les besoins spécifiques en personnel médical ne peuvent être satisfaits par des professionnels de santé français ou européens disponibles. Ainsi, l’autorisation d’exercice provisoire ne pourra être accordée que si les ressources médicales nationales et européennes ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons déjà invoquées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS740, AS741 et AS742 de M. Frédéric Valletoux, rapporteur.

Amendements AS759 de M. Christophe Bentz, AS254 et AS255 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Christophe Bentz (RN). Notre débat de tout à l’heure sur la maîtrise de la langue française était un petit peu court : voici une deuxième occasion d’aborder ce sujet.

Contrairement à ce que vous pouvez penser, monsieur le rapporteur, notre amendement AS759 n’est pas un amendement de rigidification, mais un amendement de précision. Depuis un an que nous sommes députés, pour ceux d’entre nous qui ont entamé leur premier mandat, nous avons appris qu’il fallait toujours être précis lorsque nous rédigions la loi. Il ne coûte pas grand-chose d’inscrire dans la loi la certification nécessaire attestant qu’un Padhue maîtrise correctement la langue française, ne serait-ce que pour poser un diagnostic, comme l’a dit M. Bazin.

Vous trouverez peut-être le niveau C2 un peu trop restrictif ; je suis prêt à en convenir. Si vous avez l’intention de donner un avis favorable à l’amendement AS254 de M. Bazin visant à fixer le seuil au niveau C1, je retirerai volontiers mon amendement au profit de ce dernier.

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit à nouveau de la maîtrise de la langue française. L’amendement AS254 propose d’exiger un niveau C1. On pourrait aller plus loin, C2 ne serait pas absurde. Mais C1 me semble suffisant ; il faut laisser aux gens le temps de parfaire leurs connaissances.

L’amendement AS255 est un amendement de repli, qui demande un niveau B2.

M. le rapporteur. Avis défavorable, comme tout à l’heure. La procédure repose sur des commissions qui jugent aussi de la maîtrise « suffisante » de la langue en fonction des postes que le praticien sera amené à occuper : selon que l’on travaille seul ou en équipe, cela peut changer. Gardons cette souplesse d’appréciation.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS743 de M. Frédéric Valletoux.

Amendements identiques AS83 de M. Joël Aviragnet, AS543 de M. Philippe Vigier, AS560 de M. Damien Maudet et AS576 de M. Nicolas Sansu.

M. Joël Aviragnet (SOC). Cet amendement des députés du groupe Socialistes et apparentés vise à faciliter l’exercice des Padhue. Il est issu du groupe de travail transpartisan.

M. Philippe Vigier (Dem). Il faut encadrer – et surtout raccourcir – les délais de réunion de la commission nationale d’autorisation d’exercice.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Si la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a permis quelques avancées, les praticiens regrettent les délais très longs de réunion de la commission nationale d’autorisation d’exercice. Dans l’attente de la délivrance de l’autorisation définitive, et en l’absence d’une information suffisante sur l’avancement de leur dossier, ils doivent continuer d’exercer de manière précaire, sous-payés et sous-indemnisés.

Les Padhue apportent une contribution essentielle à notre système de santé. Nous ne pouvons pas laisser perdurer un système qui les dévalorise. Par l’amendement AS560, il est urgent de leur permettre d’exercer en France dans des conditions convenables.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Avec son amendement AS576, le groupe de travail transpartisan a la conviction qu’il n’est plus acceptable d’imposer des délais aussi longs aux Padhue. Ces médecins sont soupçonnés d’avoir des compétences cliniques et académiques inférieures. Ils exercent pourtant les mêmes responsabilités que leurs homologues français ou européens, et les hôpitaux tournent aujourd’hui grâce à eux. Ils accompagnent très souvent les jeunes en sortie d’études dans les gardes de nuit, par exemple, en leur apprenant tout ce qui ne s’apprend pas sur les bancs de la fac : comment parler aux familles, comment parler aux malades, par exemple.

Ils subissent de nombreuses tracasseries alors qu’ils ont laissé leur pays derrière eux, qu’ils sont parfois en couple avec quelqu’un qui ne peut pas exercer. C’est une délocalisation inversée : on les sous-paye, on limite leur accès à des postes supérieurs, on les exploite.

Adaptons une pratique plus humaine et plus égalitaire.

Je veux aussi rassurer nos collègues du fond de la salle : ne vous inquiétez pas, ce n’est pas parce qu’un musulman vous donne un Doliprane que vous serez convertis à l’islam !

M. le rapporteur. Avant d’entendre la chute, je m’apprêtais à vous remercier de cette intervention.

Une clarification est en effet nécessaire. Il faut améliorer la situation des Padhue et leur éviter les tracasseries administratives. Sur le fond, nous nous rejoignons. Toutefois, la rédaction de l’amendement ne me paraît pas bonne. Elle renvoie à l’ancienne procédure dite « stock ». Or ces situations ont été réglées au mois d’avril.

Je vous proposerai tout à l’heure un amendement qui devrait répondre à vos attentes. Je demande donc le retrait de celui-ci.

M. Thibault Bazin (LR). On peut ne pas être d’accord sur le fond, mais il paraît important de nous respecter. Je suis choqué des propos de M. Clouet. Les soignants soignent sans distinction de religion, c’est un principe auquel nous sommes tous attachés.

De telles provocations nuisent à la qualité de nos échanges et dégradent la qualité du débat démocratique.

M. Christophe Bentz (RN). Je passe sur l’intervention clownesque sur le Doliprane musulman pour souligner que le mot « transpartisan » est un mensonge. Le fait de le répéter ne le transformera pas en vérité. Ce groupe de travail n’est pas transpartisan et ne rassemble pas toutes les sensibilités politiques. À l’Assemblée nationale, il y a la commission des affaires sociales, il y a le groupe d’études sur les déserts médicaux et l’accès aux soins, coprésidé par M. Valletoux et M. Houssin. Ces instances-là sont transpartisanes.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS17 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). C’est une demande de rapport. Les ARS et toutes les administrations qui gèrent ces dossiers doivent avoir les moyens de travailler convenablement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous essayons de réduire les demandes de rapport. Je vous propose d’interroger le ministre en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Amendement AS632 de M. Henri Alfandari.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cet amendement propose d’ouvrir l’Ordre des médecins aux Padhue.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Ce ne serait pas cohérent, car l’article 9 vise à faciliter les conditions d’exercice des Padhue grâce à la création d’une autorisation d’exercice temporaire. Or l’inscription à l’Ordre des médecins acte que le praticien a obtenu son autorisation définitive d’exercice en France.

Si vous souhaitiez soulever le sujet du recensement ou du suivi de ces praticiens autorisés temporairement à exercer, sachez que l’autorité qui sera en charge de cela sera le directeur général de l’ARS.

L’amendement est retiré.

Article 10 : Mieux intégrer les praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé

Amendements de suppression AS57 de M. Yannick Neuder, AS111 de M. Thierry Frappé et AS259 de M. Thibault Bazin.

M. Yannick Neuder (LR). L’article 10 prévoit une carte de séjour pluriannuelle pour ces praticiens. Or il paraît essentiel de contrôler leurs connaissances, mais surtout d’éviter de créer un appel d’air. Il ne faut pas dépeupler de leurs médecins les pays de départ. Il faut normaliser les Padhue, cela a été dit, car ils permettent de maintenir nos services hospitaliers, mais cet article nous semble aller trop loin.

M. Thierry Frappé (RN). Le souhait de recourir à des travailleurs étrangers est une solution de facilité. Avant d’attirer des professionnels d’autres pays, il semble important de donner un maximum de moyens aux professionnels et étudiants déjà présents sur notre territoire.

Cet article pose plusieurs problèmes : le premier est l’absence de formation française ou européenne, le deuxième est la maîtrise de la langue. Il est important de garantir aux patients que le praticien face à eux comprenne le français. Enfin, il est critiquable de priver certains pays de leurs forces vives médicales, sous le prétexte que nous ne savons plus rendre attractif le secteur au sein de notre pays.

La solution pour la France est de former davantage de professionnels de santé en simplifiant l’exercice de la profession médicale.

M. Thibault Bazin (LR). La demande de carte professionnelle n’est pas un problème en elle-même – nous les avons demandées dans d’autres contextes, et elles mettent du temps à se mettre en place ; j’espère que nous pourrons reprendre bientôt notre travail sur ce point. Mais nous devons garantir un contrôle efficace des niveaux de formation. Il faut un équilibre. Les professionnels compétents et intégrés me décrivent un parcours du combattant : cela ne va pas non plus. L’administration doit tenir ses délais.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Ces médecins ne prennent la place de personne, au contraire : ils confortent notre système de soins, notamment nos hôpitaux. Nous manquons de soignants, et cela va s’aggraver dans les années à venir, car les départs à la retraite vont s’accélérer. Pendant les cinq à dix ans à venir, nous allons gérer la pénurie.

Je rappelle aussi que la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » est très encadrée puisqu’elle est subordonnée à l’obtention d’une autorisation d’exercice produite par l’ARS, dont les conditions de délivrance et la durée de validité seront définies par un arrêté du ministre de la santé, à la production d’un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif, et enfin au respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État.

Il n’y aura donc pas d’appel d’air.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS778 de M. Frédéric Valletoux.

Amendements identiques AS328 de M. Philippe Juvin et AS645 de M. Sébastien Peytavie.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS328 est défendu.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Il s’agit par l’amendement AS645 de permettre aux professionnels de santé étrangers exerçant dans les structures de soins coordonnés de prétendre à cette nouvelle carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie ». Tel que l’article 10 est rédigé, elle est réservée aux praticiens exerçant dans un établissement public ou privé à but non lucratif, ce qui exclut notamment les centres de santé.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il s’agit ici de médecins qui disposent seulement d’une autorisation d’exercer temporaire, et qui doivent ensuite réussir les EVC. À ce stade, le lien avec l’hôpital est essentiel et il ne me paraît pas opportun d’inclure les centres de santé. En revanche, une fois les EVC validés, ils peuvent tout à fait exercer dans des structures de soins coordonnés.

La commission rejette les amendements.

La réunion est suspendue de quinze heures quarante-cinq à dix-huit heures trente.

Amendement AS306 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Ce petit amendement rédactionnel vise à intégrer l’ensemble des établissements dans le périmètre de l’article 10, afin que tous puissent recruter des Padhue bénéficiant de la carte de séjour « talent ».

M. le rapporteur. Je ne suis pas très favorable à cet amendement. Le dispositif est temporaire : une fois réussies les EVC, les Padhue pourront exercer dans les établissements privés. En outre, il faut veiller à ne pas attiser la concurrence entre les établissements, qui remplirait les services des uns au détriment de ceux des autres et qui aboutirait à fragiliser l’offre publique.

M. Thibault Bazin (LR). Je sens que vous partagez ma préoccupation : si l’on veut responsabiliser l’ensemble des acteurs d’un territoire pour participer aux missions de service public et atteindre des objectifs communs, il importe de ne pas opposer les établissements entre eux ni d’alimenter des phénomènes de vases communicants, dans un sens comme dans l’autre.

La question du périmètre est essentielle pour assurer la cohérence du dispositif, d’autant que certains établissements, notamment privés, sont très spécialisés et participent au maillage de certains territoires. Il faut éviter toute cannibalisation mutuelle, qui engendrerait des changements de statut d’exercice de certains praticiens.

M. le rapporteur. Il est vrai qu’à partir du moment où nous demandons à tous les établissements de participer à la permanence des soins, il peut sembler juste d’ouvrir le dispositif des Padhue à tous dans la période intermédiaire précédant la validation des EVC. La rédaction de votre amendement gagnerait à cibler les établissements qualifiants, c’est-à-dire ceux qui peuvent accueillir des internes, catégorie dans laquelle n’entrent pas tous les établissements privés.

Je vous demande de retirer l’amendement, quitte à le retravailler en vue de la séance publique ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je le retire, afin de le retravailler avec vous d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement AS19 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). Nous souhaitons élargir la liste des établissements dans lesquels les Padhue pourront exercer, en y intégrant les maisons et les centres de santé. Pour ce faire, il faut adapter la rédaction de l’article : tel est l’objet de l’amendement.

M. le rapporteur. J’avais donné un avis défavorable à un amendement ayant un objet similaire : je maintiens ma position.

M. Guillaume Garot (SOC). Je le regrette car la rédaction du texte oblige les Padhue à exercer dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico‑social pour être éligibles à la délivrance de la carte de séjour « talent ». Il est dommage de priver certains Padhue exerçant dans d’autres catégories d’établissement de la carte de séjour. Je soumets ma proposition à votre sagesse, monsieur le rapporteur : nous devrions examiner le sujet d’ici à la séance publique car il mérite que nous y consacrions un peu de temps.

M. le rapporteur. Je suis d’accord, il faudrait sans doute que nous regardions cette question de près.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS777 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS20 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). L’amendement vise à supprimer la condition de rémunération à l’éligibilité à la carte de séjour « talent ». La rédaction actuelle pose trois problèmes. Tout d’abord, le seuil sera fixé par décret, sans plancher posé par la loi. Ensuite, cette condition présente le risque d’écarter des professionnels de santé étrangers qui pourraient être éligibles au dispositif. Enfin, le texte conditionne l’attribution de la carte de séjour au respect d’un plafond de rémunération, ce qui est sans précédent dans notre droit des étrangers.

Au moment où nous manquons de professionnels de santé, il convient de porter une grande attention à la rédaction des dispositions législatives, afin de n’écarter aucune solution.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement car le seuil garantira un revenu minimum à l’ensemble des professionnels venant exercer dans notre pays. Si nous élargissions le champ du dispositif à des structures qui ne sont pas soumises aux rémunérations statutaires mais à celles du privé, des effets de dumping pourraient se faire ressentir au détriment de certains professionnels.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS776 et AS775 de M. Frédéric Valletoux.

Amendements identiques AS716 de M. Thibault Bazin et AS718 de M. Freddy Sertin, et sous-amendement AS779 de Mme Danielle Brulebois, amendement AS745 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). Je crains que vous ne me fassiez la même réponse, monsieur le rapporteur, car l’amendement vise également à élargir le périmètre du dispositif.

M. Freddy Sertin (RE). L’objectif de l’amendement est d’étendre la carte de séjour « talent » aux infirmiers et d’intégrer les établissements privés dans le dispositif.

Mme Danielle Brulebois (RE). Il s’agit d’un sous-amendement de cohérence avec le titre de la proposition de loi, lequel est centré sur l’accès aux soins : il vise à préciser que la carte « talent » bénéficie uniquement aux professionnels exerçant dans le domaine des soins de santé.

M. le rapporteur. L’amendement AS745 est rédactionnel. Quant aux autres, j’émets un avis défavorable. L’idée qui les sous-tend peut paraître séduisante et logique, mais il n’existe pas de procédure de reconnaissance de diplôme pour les professionnels s’étant formés dans des pays n’appartenant pas à l’Union européenne. Le contenu des formations paramédicales dépend beaucoup du système de santé, et les disparités de contenu sont encore plus fortes que pour les études médicales : par exemple, les infirmières n’ont pas le même rôle et n’occupent pas la même place dans les systèmes de santé européens, les différences étant encore plus marquées dans le reste du monde.

M. Thibault Bazin (LR). Le texte donne parfois l’impression d’être centré sur l’hôpital et de faire l’impasse sur les professionnels paramédicaux exerçant en ville. Je le regrette, notamment pour les infirmiers diplômés d’État (IDE). Je comprends votre réponse, monsieur le rapporteur, mais peut-être faudrait-il approfondir le sujet.

Les manipulateurs radio réalisent des actes relevant de catégories différentes : imagerie médicale, médecine nucléaire, explorations fonctionnelles et radiothérapie. Cette distinction n’existe pas forcément dans d’autres pays. Nous pourrions reconnaître certains diplômes acquis à l’étranger pour combler les manques de professionnels constatés dans l’une de ces spécialités, mais c’est actuellement très difficile. Ne faudrait-il pas élargir le champ de votre proposition de loi afin qu’elle prévoie des démarches simplifiées de reconnaissance de diplôme permettant de couvrir des besoins insatisfaits en France ?

M. le rapporteur. Le ministre de la santé et de la prévention et le Gouvernement ont lancé, il y a quelques semaines, un travail de refonte des études paramédicales, qui traitera du statut des infirmières. C’est plutôt dans le cadre de ce chantier qu’il faudrait réfléchir à d’éventuelles équivalences de diplôme. Il est trop tôt pour inscrire un tel principe dans la loi, car il serait inopérant compte tenu des difficultés concrètes touchant aux équivalences.

La commission rejette successivement le sous-amendement AS779 et les amendements AS716 et AS718.

Puis elle adopte l’amendement AS745.

Amendement AS21 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot (SOC). Il s’agit d’un amendement de cohérence. Vous proposez dans l’article 9 que l’attestation temporaire soit renouvelable une fois, afin de sécuriser le parcours professionnel et personnel des Padhue ; cependant, l’article 10 ne prévoit pas une telle possibilité de renouvellement, ce qui risque de fragiliser ces praticiens étrangers. Nous proposons donc que la carte de séjour pluriannuelle créée par l’article 10 soit renouvelable.

M. le rapporteur. J’ai consulté des juristes, qui m’ont dit que cet amendement était satisfait. La règle posée à l’article 9 vaut pour l’article 10, sans qu’il ne soit besoin de le préciser dans ce dernier. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS258 et AS257 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). En cohérence avec des amendements que j’ai défendus précédemment, je propose que la délivrance de la carte de séjour soit conditionnée à la présentation préalable, par les professionnels, d’un document attestant d’un niveau de connaissance de la langue française au moins équivalent au niveau C1 du cadre européen commun de référence pour les langues, ou bien au niveau B2.

M. le rapporteur. En cohérence avec mon avis précédent, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS744 de M. Frédéric Valletoux.

Amendement AS260 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). La suppression de la référence au décret en Conseil d’État, par votre amendement AS744, n’aurait sans doute pas été jugée rédactionnelle si nous l’avions proposée !

La révocation de l’attestation prévue doit entraîner celle de la carte de séjour pluriannuelle. Vous me répondrez peut-être que tel est déjà le cas dans le cadre du droit commun mais comme le régime dans lequel nous nous situons est un peu dérogatoire, une précision ne s’impose-t-elle pas afin de garantir la confiance dans notre système de santé ?

M. le rapporteur. Pour ce faire, il est inutile que la loi soit bavarde, d’autant plus que vous avez fait à la fois la question et la réponse.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS715 de M. Thibault Bazin et AS717 de M. Freddy Sertin.

M. Thibault Bazin (LR). Nous proposons d’étendre le dispositif aux IDE.

L’amendement AS717 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS715.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS734 de M. Frédéric Valletoux.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 10 bis (nouveau) : Rénover le dispositif de droit commun de la procédure d’autorisation d’exercice des Padhue

Amendement AS780 de M. Frédéric Valletoux.

M. le rapporteur. L’amendement précise les conditions encadrant la répartition des Padhue après la validation des EVC et modifie les articles du code de la santé publique régissant la procédure d’autorisation d’exercice pour les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages‑femmes et les pharmaciens.

Il introduit ainsi des dispositions visant à déconcentrer la compétence pour délivrer les autorisations temporaires. En plus du ministre ou du directeur du Centre national de gestion sur délégation, une autorité régionale – le directeur général de l’ARS – pourra assurer la délivrance de l’autorisation d’exercice temporaire.

Il crée deux commissions – selon le cas à statuer, régionale ou nationale – et renvoie leur composition au domaine réglementaire.

Enfin, il répartit les Padhue à l’issue des EVC pour la réalisation du parcours de consolidation selon une liste de postes établie par spécialité et par région par la direction générale de l’offre de soins sur proposition des ARS.

Les Padhue lauréats des EVC déjà sous contrat dans un territoire seront prioritaires pour effectuer leur parcours de consolidation dans leur région. Les Padhue extérieurs au territoire pourront choisir leur poste selon les places disponibles et leur rang de classement.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 10

Amendement AS526 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles la possibilité est donnée aux plateformes de rendez-vous en ligne de conditionner toute nouvelle prise de rendez‑vous d’un utilisateur n’ayant pas honoré un rendez-vous précédent sur la même plateforme, le cas échéant, à l’enregistrement de la carte bancaire du patient afin de pouvoir débiter ce dernier d’un montant à définir en cas de nouvelle absence, sans annulation préalable, à un rendez-vous. Le produit de ce montant forfaitaire serait réparti entre le médecin lésé, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et la plateforme.

Nous savons qu’en moyenne, deux rendez-vous ne sont pas honorés par médecin et par jour, ce qui porte tout de même chaque année à 28 millions le nombre de rendez-vous manqués. Le Président de la République et le ministre de la santé sont plutôt favorables à une facturation raisonnable. Des initiatives ont également été prises au Sénat, dont la majorité pourra peut-être nous informer.

La piste d’une ponction par la Cnam a été explorée mais, dans ce cas-là, nous nous heurtons à des problèmes légaux, la facturation de rendez-vous non honorés étant impossible.

Un encadrement sera néanmoins nécessaire afin d’éviter les abus car laisser la main aux plateformes pourrait limiter l’accès aux soins de certains patients. En outre, il ne faudrait pas qu’une telle possibilité se transforme en un véritable business pour les plateformes. Sans doute conviendrait-il donc de légiférer pour définir les montants qui reviendraient au praticien, à l’assurance maladie et à la plateforme.

M. le rapporteur. Ce problème a fait l’objet de nombreuses réflexions à l’Assemblée nationale et au Sénat, en effet, le temps de chaque médecin étant précieux.

Outre que, à titre personnel, je ne suis pas certain qu’il soit opportun d’envisager des sanctions, notamment pécuniaires – je préfèrerais le développement de systèmes de rappel insistants auprès des patients, comme certaines plateformes le font – je vous ferai la même réponse qu’à M. Garot à propos des infirmiers en pratique avancée : en commission mixte paritaire, un compromis a été trouvé sur la proposition de loi de Stéphanie Rist, devenue loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, et les sénateurs ont accepté de supprimer un dispositif d’indemnisation du médecin en cas de rendez‑vous manqué. Je vous propose donc de ne pas revenir sur des accords politiques récents.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis d’accord avec M. le rapporteur.

Le fait de ne pas voir un médecin et, donc, de ne pas accéder à des soins, constitue déjà une pénalité. Par ailleurs, M. Houssin évoque 28 millions de rendez-vous non honorés alors que le ministre Braun les évalue à 9 millions. Les progrès sont donc d’ores et déjà remarquables ! Enfin, une politique de sanctions risque de favoriser les renoncements aux soins, notamment pour les personnes les plus précaires et pour les mères célibataires, qui ne peuvent pas toujours organiser leur temps comme elles le souhaitent. Quelques rendez-vous manqués me semblent préférables à des soins non administrés, lesquels pourraient entraîner à terme un engorgement des urgences et se révéler ainsi beaucoup plus coûteux. J’ajoute que les relances par SMS ou d’autres notifications écrites ont déjà cours.

M. Jean-François Rousset (RE). Il est vrai que certains rendez-vous ne sont pas honorés et que le nomadisme médical existe. Un rappel systématique, cinq ou six jours avant un rendez-vous médical, me semble de bonne politique. Si le patient maintient son rendez-vous et qu’il ne s’y rend finalement pas, sans doute faudrait-il faire quelque chose mais une solution médiane de ce type me paraît satisfaisante.

Mme Maud Petit (Dem). Un rendez-vous qui a été pris mais qui n’a pas été honoré peut pénaliser un patient qui aurait eu besoin de voir un médecin. Il faut inciter les patients à se rendre aux rendez-vous qui ont été pris et je ne suis pas hostile au principe de la sanction. Les rappels automatiques existent déjà, en effet, mais ils ne suffisent pas à garantir la présence des patients ou une annulation en bonne et due forme.

Dans le même ordre d’idées, des personnes qui candidatent pour un emploi ne se rendent même pas à l’entretien d’embauche. Un tel état d’esprit se développe de plus en plus. Que proposez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Thibault Bazin (LR). Outre les professionnels dont votre proposition de loi promeut l’engagement, les patients ont un rôle à jouer dans l’amélioration de l’accès aux soins.

Je peux vous citer le cas d’une personne qui n’honorait pas un rendez-vous pour la dix-septième fois – ces rendez-vous manqués représentent l’équivalent d’une journée de travail pour un médecin. Certes, cela ne concerne pas tous les patients, mais ceux qui se comportent de cette manière ne s’exposent à aucune sanction, qu’elle soit financière ou autre. Or ces comportements ont pour effet de retarder l’accès aux soins pour les autres et de consommer un temps médical si précieux en période de pénurie de soignants.

Nous devons trouver des mécanismes pour inciter, si ce n’est à honorer les rendez‑vous, à prévenir – ce que les personnes visées font rarement.

M. Timothée Houssin (RN). Contrairement à ce que disent les collègues de gauche, ce sont les personnes qui ne trouvent pas de rendez-vous qui sont pénalisées – je vous invite à venir le constater dans les déserts médicaux –, et pas celles qui risquent une sanction financière, d’autant que celle-ci ne s’appliquerait qu’au deuxième rendez-vous non honoré. Quant aux personnes en situation de précarité, il leur suffit de prévenir de leur incapacité à venir au rendez‑vous.

L’amendement vise les personnes qui prennent plusieurs rendez-vous par le biais des plateformes pour un même problème de santé. Ce sont toujours les mêmes. Nous sommes habitués à ce que la gauche refuse de sanctionner les comportements d’une minorité qui nuisent à la majorité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS129 de M. Philippe Juvin et AS222 de M. Timothée Houssin, amendements identiques AS97 de Mme Josiane Corneloup et AS221 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Yannick Neuder (LR). Il s’agit par les amendements AS129 et AS97 de libérer du temps médical en autorisant l’autodéclaration pour des arrêts de travail dont la durée n’excède pas le nombre de jours de carence imposés à l’assuré. Lors de l’examen du dernier PLFSS, nous avions proposé, sans succès, cette mesure à laquelle d’autres systèmes de santé ont recours, notamment le Portugal.

M. Timothée Houssin (RN). Mes amendements ont le même objet. En cas d’absence n’ouvrant pas droit au versement d’indemnités journalières, l’assuré pourrait déclarer le motif de son interruption de travail à la caisse primaire d’assurance maladie et être dispensé de certificat médical.

Une absence doit obligatoirement être justifiée par un arrêt de travail délivré par un professionnel de santé. Or il est très difficile, particulièrement pour les nombreuses personnes dépourvues de médecin traitant dans les déserts médicaux, d’obtenir un rendez-vous – le délai moyen est de deux jours pour l’ensemble du territoire.

La mesure proposée faciliterait la vie des habitants des déserts médicaux. Elle permettrait aussi de désengorger les cabinets des médecins en les dispensant de rendez-vous pour des pathologies bénignes. Elle a été expérimentée, avec succès, pendant la crise du covid par le biais de la plateforme declare.ameli.fr et le Portugal a adopté une mesure similaire.

Enfin, un quota de jours d’arrêt de travail susceptibles d’être autodéclarés devrait être fixé.

L’amendement AS221 concerne l’ensemble du territoire et l’amendement AS222, les seuls déserts médicaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

L’idée de libérer du temps médical par cette mesure en apparence anodine peut sembler séduisante. Néanmoins, la suppression du certificat médical risque de remettre en cause l’équilibre trouvé entre la sécurité sociale, les salariés et les employeurs. En effet, les employeurs compensent souvent les arrêts de travail qui ne sont pas rémunérés. Si les arrêts de travail étaient autodéclarés, les entreprises pourraient être tentées de remettre en question ce fonctionnement, au détriment des salariés.

Il me semble hasardeux d’introduire une telle mesure sans concertation préalable avec les employeurs.

M. Timothée Houssin (RN). En contrepartie du temps libéré pour les médecins généralistes, il faudra augmenter le nombre de ceux chargés du contrôle. Si les effectifs sont suffisants pour assurer des contrôles de la réalité de la maladie et de la présence à leur domicile des assurés, le risque de fraude sera faible et nous gagnerons en efficacité.

M. Yannick Neuder (LR). J’entends vos réserves mais il me semble dommage d’écarter si rapidement cette piste.

Quand vous déclarez à votre médecin une gastro-entérite, le plus souvent, il doit se fier à votre parole. De ce point de vue, l’autodéclaration ne change rien. Par ailleurs, il serait intéressant de faire le point sur la prise en charge par les employeurs des jours de carence car, pour ma part, j’ignorais cette pratique, qui n’a pas cours dans la fonction publique par exemple.

Mme Fanta Berete (RE). Tous les employeurs ne le font pas. C’est un moyen pour des branches ou des entreprises d’être plus attractives.

Il est périlleux d’envisager une généralisation sans une étude d’impact préalable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS98 de Mme Josiane Corneloup et AS223 de M. Timothée Houssin.

M. Yannick Neuder (LR). Toujours dans le souci de libérer du temps médical, l’amendement AS98 vise à autoriser les parents à déclarer sur l’honneur, plutôt que de la faire constater par un médecin, la maladie de leur enfant qui leur donne droit à un congé, pour une durée ne pouvant excéder trois jours par an.

M. Timothée Houssin (RN). Nous reprenons l’idée de dispenser les assurés de certificat médical pour justifier leur absence, cette fois en cas de maladie de leur enfant. À condition de limiter le nombre de jours éligibles et d’effectuer des contrôles, cette mesure permettrait de soulager les praticiens et de pallier les difficultés liées au manque de rendez-vous disponibles dans les déserts médicaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Si l’idée paraît séduisante – elle libère du temps pour les médecins et elle simplifie la vie des salariés –, n’oubliez pas qu’il s’agit d’un jeu à trois, de nombreuses entreprises compensant le non-paiement par la sécurité sociale des jours de carence. Il convient de s’assurer que la mesure ne se retournera pas in fine contre les salariés, si les entreprises décident de revenir sur le fonctionnement actuel.

M. Timothée Houssin (RN). Compte tenu de l’âge moyen des médecins généralistes, de leur temps de travail – les jeunes font le choix de travailler moins que leurs aînés –, et de la démographie médicale, la solution pour améliorer l’offre de soins consiste, d’une part, à mieux répartir les médecins sur le territoire, sans trop les contraindre néanmoins, et, d’autre part, à libérer du temps médical. Pour ce faire, il faut décharger les médecins des tâches qui ne sont pas primordiales. C’est ce que nous proposons à travers les amendements.

M. le rapporteur. C’est sans doute une voie à explorer mais elle ne peut pas l’être au détour d’un amendement. Afin d’éviter de pénaliser in fine les salariés, il faut associer les employeurs à notre réflexion sur un système dont ils sont partie prenante et qu’ils pourraient être tentés d’abandonner faute d’avoir été consultés sur son évolution.

M. Yannick Neuder (LR). Monsieur le rapporteur, si nous ne pouvons pas évoquer le sujet dans une proposition de loi visant à libérer du temps médical pour améliorer l’offre de soins, ni dans le PLFSS, quand en parlons-nous ? Ce sont pourtant des mesures de bon sens.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’existence de quotas annuels, pour le congé pour enfant malade notamment, limite les risques d’un usage discrétionnaire abusif.

Nous voterons en faveur des amendements. Si vous tenez tant au dialogue social, vous pouvez confier les autorisations d’absence au délégué syndical.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS224 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit d’un amendement de repli visant à autoriser le remplacement du certificat médical par un certificat sur l’honneur dans les seuls déserts médicaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

J’en profite pour répondre à Yannick Neuder que je ne refuse pas de débattre de cette question mais que changer l’état du droit nécessite un dialogue avec ceux qui financent le système, c’est-à-dire les employeurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS112 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à créer une expérimentation permettant à un salarié devant s’absenter un ou deux jours pour s’occuper d’un enfant malade de produire un certificat sur l’honneur plutôt qu’un certificat médical. Cela permettrait d’alléger l’agenda des médecins en réduisant le nombre de consultations à but administratif.

M. le rapporteur. Par cohérence avec le débat que nous avons depuis quelques minutes, j’exprimerai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 11 : Gages de recevabilité

La commission adopte l’article 11 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1336_texte-adopte-commission#

 


– 1 –

   ANNEXE n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

  Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPADHUE)  M. Farid Slimani, secrétaire général adjoint

  France Assos Santé * – M. Gérard Raymond, président, et M. Alexis Vervialle, chargé de mission offre de soins

  Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) * – M. Lamine Gharbi, président, Mme Christine Schibler, déléguée générale, et Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale

  Table ronde avec les représentants des étudiants :

 Intersyndicale nationale des internes (Isni)  M. Guillaume Bailly, premier vice-président, et M. Léo Delbos, secrétaire général

– Association nationale des étudiant·e·s sages-femmes (ANESF) Mme Roxanne Landais Hauser, présidente, et Mme Loona Mourenas, porte‑parole

 Fédération nationale des étudiant·e·s en sciences infirmières (FNESI) – M. Thomas Barre, vice-président en charge des perspectives professionnelles

  Table ronde avec les représentants des médecins :

Fédération française des médecins généralistes (MG France)  Dr Florence Lapica, vice-présidente, et Dr Valérie Duhtil, secrétaire générale adjointe

 Syndicat des médecins libéraux (SML) *  Dr Sophie Bauer, présidente, et Dr Mardoché Sebbag, vice-président

 Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) * Dr Franck Devulder, président, Dr Luc Duquesnel, président Les Généralistes CSMF, et Dr Bruno Perrouty, président Les Spécialistes CSMF

 Fédération des médecins de France (FMF)  Dr Daphnée Montay, Dr Richard Talbot et Dr Corinne Le Sauder

  Table ronde avec les représentants des infirmiers :

 Convergence Infirmière M. Gérard Masson, secrétaire général, et M. Alain Rochois, secrétaire général adjoint

 Fédération nationale des infirmiers (FNI) * – M. Daniel Guillerm, président, et Mme Pascale Lejeune, secrétaire générale

 INFIN’IDELS Syndicat  Mme Michelle Drouin, présidente, et Mme Bertelle Danik, vice-présidente

Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) M. John Pinte, président

  Audition conjointe :

– Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (Fehap) * – M. Charles Guepratte, directeur général, et M. Arnaud Joan-Grangé, directeur de l’offre de soins et des parcours de santé

 Unicancer * – Mme Sophie Beaupère, déléguée générale, et Mme Jeanne Bertrand, responsable projets transversaux/direction générale

  Collège des directeurs généraux d’agence régionale de santé – Mme Amélie Verdier, présidente

  Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers universitaires M. Philippe El Sair, président, directeur général du CHU de Nantes, et M. Thierry Gamon-Rius, directeur général du CHU de Besançon

  Table ronde des conférences de présidents de commission médicale d’établissement :

 Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement des hôpitaux généraux Dr Thierry Godeau, président, et Dr David Piney, vice-président de la Conférence nationale des PCME de centres hospitaliers

 Conférence nationale des présidents et vice-présidents de commissions médicales d’établissement des centres hospitaliers spécialisés  Dr Christophe Schmitt, président

  Table ronde avec les représentants des élus locaux :

 Association des maires de France (AMF) – M. Frédéric Chéreau, coprésident de la commission Santé, maire de Douai, vice‑président de Douaisis Agglo, Mme Sarah Reilly, conseillère Santé et petite enfance, Mme Nelly Jacquemot, responsable de service, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

 Association des maires ruraux de France (AMRF)  M. Gilles Noël, vice-président, maire de Varzy

 France urbaine  M. Ziad Khodr, conseiller municipal à Arras et conseiller communautaire à la communauté urbaine d’Arras, et M. Jean Deysson, permanent

 Villes de France – M. Jean-François Debat, président délégué, maire de Bourg-en-Bresse, président de la communauté d’agglomération du Bassin de Bourg-en-Bresse

  Table ronde avec les ordres des professions de santé :

 Conseil national de l’ordre national des pharmaciens *  Mme Carine Wolf-Thal, présidente, et Mme Hélène Leblanc, directrice des affaires publiques, européennes et internationales

 Ordre national des infirmiers – M. Patrick Chamboredon, président

 Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes * 
Mme Pascale Mathieu, présidente, et M. Jean-François Dumas, secrétaire général

 Conseil national de l’ordre des sages-femmes * – Mme Isabelle Derrendinger, présidente, et M. David Meyer, chef de cabinet

 Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes * – M. Philippe Pommarède, président

 Ordre des pédicures-podologues  M. Éric Prou, président, et M. Guillaume Brouard, secrétaire général

  Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Mme Marie Daudé, directrice générale, et M. Matthieu Leclercq, directeur de cabinet

  Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) * – Dr François Arnault, président, Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président, Dr René-Pierre Labarrière, président de la section exercice professionnel, et Dr Leila Ouraci, secrétaire générale adjointe

  Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM)  M. Thomas Fatôme, directeur général

  Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) *  Dr Élisabeth Hubert, présidente, et M. Mathurin Laurin, délégué national

  Fédération hospitalière de France (FHF) * M. Vincent Roques, directeur de cabinet, Mme Sophie Marchandet, responsable du pôle Ressources humaines hospitalières, et M. Marc Bourquin, conseiller en stratégie

  Table ronde :

– AVECsanté – M. Patrick Vuattoux, vice-président

– Fédérations des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS)  M. Nicolas Homehr, vice-président, président de la CPTS du Sud Toulousain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


– 1 –

ANNEXE n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 1434‑9, L. 1434‑10 et L. 1434‑10‑1 [nouveau]

2

Code de la santé publique

L. 1434‑10

2 ter

Code général de la fonction publique

L. 512‑7, L. 512‑8 et L. 512‑8‑1 [nouveau]

2 quater

Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique

138

2 quinquies

Code de la santé publique

L. 1411‑11 et L. 1434‑4

2 sexies

Code de la santé publique

L. 1432‑1

2 septies

Code de la santé publique

L. 1434‑4

2 octies

Code de la santé publique

L. 4113‑15 [nouveau]

2 nonies

Code de la santé publique

L. 5125‑5‑2 [nouveau]

2 decies

Code de la sécurité sociale

L. 162‑31‑1

3

Code de la santé publique

L. 1434‑12‑3

3 bis

Code de la santé publique

L. 1434‑12

4

Code de la santé publique

L. 6111‑1‑3

5

Code de l’éducation

L. 632‑6

5 bis

Code de l’éducation

L. 631‑1

6

Code de la santé publique

L. 6132‑1 et L. 6143‑1

6 bis

Code de la santé publique

L. 6132‑3 et L. 6132‑7

7

Code de l’action sociale et des familles

L. 313‑23‑4 [nouveau]

7

Code de la santé publique

L. 6115‑1

8

Code de la santé publique

L. 6161‑3

9

Code de la santé publique

L. 4111‑2‑1 et L. 4221‑12‑1 [nouveaux]

10

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 421‑13‑1 [nouveau]

10 bis

Code de la santé publique

L. 4111‑2 et L. 4221‑12

 


([1]) Les dispositions de l’article 2 ont été intégrées à l’article 1er lors de l’examen en commission.

([2]) Article L. 1434-15 du code de la santé publique.

([3]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2014.

([4]) Article L. 1434-9 du code de la santé publique.

([5])  Article L. 1434-10 du code de la santé publique.

([6]) Le comité de massif est un comité composé de dizaines de membre qui participent à l’adaptation des politiques publiques et des mesures prises pour leur application aux spécificités de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif (Massif central, Alpes, Pyrénées, Jura, Vosges) en proposant des adaptations ou des expérimentations au Conseil national de la montagne. Il doit être représenté par un de ses membres au sein des conseils territoriaux de santé situés dans ces massifs.

([7]) Article R. 1434-33 du code de la santé publique.

([8]) Article L. 1434-9 du code de la santé publique.

([9]) Proposition de loi n° 102 (2022-2023) de M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 7 novembre 2022.

([10]) Proposition de loi n° 1203 de M. Paul Christophe visant à développer les outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités, 10 mai 2023.

([11]) https://www.senat.fr/rap/l22-413/l22-4131.pdf

([12]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([13]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([14]) La régulation du réseau des pharmacies d’officine, V. Jaouen et B. Vincent (Igas), M. Magnien et O. Le Gall (IGF), octobre 2016.

([15]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([16]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([17]) Ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 portant modification du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements matériels lourds.

([18]) Professionnels de santé relevant d’une des conventions mentionnées aux articles L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale.

([19]) Centres de santé relevant de l’accord mentionné à l’article L. 162-23-1 du code de la sécurité sociale.

([20]) Article L. 1434-12 du code de la santé publique.

([21]) Enquête de la DGOS auprès des ARS, avril 2023.

([22]) CPTS dont l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) a été signé.

([23]) CPTS dont la lettre d’intention a été validée, avec un projet de santé en cours de stabilisation.

([24]) Projets identifiés mais non formalisés.

([25]) Étude n° 1268 « Médecins généralistes : début 2022, un sur cinq participe à une CPTS et un sur vingt emploie une assistante médicale », publiée par la Drees en mai 2023.

([26]) Rapport n° 2018-041R de l’Inspection générale des affaires sociales portant sur le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (août 2018).

([27]) Article L. 1434-12-1 du code de la santé publique.

([28]) Article L. 6111-1-3 du code de la santé publique.

([29]) Enquête nationale de l’ordre des médecins sur l’état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale au 31 décembre 2021.

([30]) Selon le CNOM, la base des médecins susceptibles de participer à la PDSA regroupe : les médecins ayant une activité libérale de titulaire de cabinet, de collaborateur ou d’associé de SEL ou de SC, de régulateur, les médecins libéraux ayant une activité de remplacement, les médecins ayant une activité en centre de santé.

([31]) Le CNOM a considéré comme des médecins volontaires, les médecins ayant été inscrits à au moins une garde sur l’année.

([32]) Enquête nationale de l’ordre des médecins sur l’état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale au 31 décembre 2021.

([33]) Article L. 1110-4-1 du code de la santé publique.

([34]) Article 46 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([35]) Arrêté du 26 mai 2020 relatif au montant et aux modalités de versement de l’allocation mensuelle pris en application de l’article R. 631-24-8 du code de l’éducation.

([36]) Article 8 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([37]) Ce décret abroge les décrets n° 2010-735 du 29 juin 2010 relatif au contrat d’engagement de service public durant les études médicales et n° 2013-735 du 14 août 2013 relatif au contrat d’engagement de service public durant les études odontologiques.

([38]) Article 2 de l’arrêté du 13 septembre 2021 définissant les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021-2025.

([39]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([40]) Six instances de gouvernance structurent le GHT : le comité stratégique, le collège médical, la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), le comité territorial des élus locaux (CTEL) et la conférence territoriale de dialogue social.

([41]) « Les GHT au défi de la proximité », rapport déposé en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les groupements hospitaliers de territoire, MM. Marc Delatte et Pierre Dharréville (décembre 2021).

([42]) « Les groupements hospitaliers de territoire, exercices 2014 à 2019 » (octobre 2020).

([43]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([44]) Décret n° 2005-921 du 2 août 2005 portant statut particulier des grades et emplois des personnels de direction des établissements mentionnés à l’article 2 (1° et 2°) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

 

([45]) « Les groupements hospitaliers de territoire, exercices 2014 à 2019 », communication à la commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2020.

([46]) Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs.

([47]) « Développement des pratiques d’emplois médicaux temporaires », Igas, juillet 2003 ; « Hôpital recherche médecins, coûte que coûte : essor et dérives du marché de l’emploi médical temporaire à l’hôpital public », M. Olivier Véran, décembre 2013.

([48]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([49]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([50]) Cour des comptes, référé S2019-0885, 26 mars 2019.

([51]) Loi n° 72-661 du 13 juillet 1972 relative à certaines conditions d’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme. Une présentation de l’évolution du cadre législatif peut être trouvée dans le rapport n°205 (2018-2019) de Mme Martine Berthet, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 13 décembre 2018.

([52]) Article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

([53]) Cette procédure est définie à l’article L. 4111-2 du code de la santé publique et à l’article L. 4221-12 du même code pour les pharmaciens.

([54]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([55]) Ce statut est créé par la loi OTSS afin d’offrir des conditions statutaires uniques à tous les praticiens le temps de la réalisation de leur parcours de consolidation des compétences ou de leur stage d’adaptation. Il a vocation à se substituer à ceux de praticien attaché associé (PAA) et d’assistant associé (AA) qui sont mis en extinction à compter du 1er janvier 2023.

([56]) Rapport n° 433 (2022-2023), déposé le 15 mars 2023, au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

([57]) Amendement n° 3284, déposé le jeudi 20 octobre 2022.

([58]) Décret n° 2022-1693 du 27 décembre 2022 portant diverses dispositions relatives aux praticiens associés.

([59]) Arrêté du 20 avril 2023 portant ouverture des épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4111-2-I du code de la santé publique.

([60]) Projet de loi n° 304 (2022-2023), déposé au Sénat le 1er février 2023.

([61]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13527956_647de8151bfad.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-acces-aux-soins-par-l-engagement-territorial-des-prof-5-juin-2023

([62]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13530529_647e3314c47da.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-acces-aux-soins-par-l-engagement-territorial-des-prof-5-juin-2023

([63]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13537671_64802ff54a41a.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-acces-aux-soins-par-l-engagement-territorial-des-prof-7-juin-2023

([64])https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13545920_64807e03837ad.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-acces-aux-soins-par-l-engagement-territorial-des-prof-7-juin-2023

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13549458_6480a7f059c56.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-acces-aux-soins-par-l-engagement-territorial-des-prof-7-juin-2023