N° 1354

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables

 

PAR M. Philippe Guillemard

Député

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro : 1183


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. une coopération francoluxembourgeoise visant à améliorer les déplacements transfrontaliers et à favoriser des mobilités plus durables

A. Une saturation de plus en plus problématique des axes routiers et ferroviaires transfrontaliers

B. une coopération formalisée depuis la signature du protocole d’accord franco-luxembourgeois du 20 mars 2018

1. La genèse du protocole d’accord francoluxembourgeois

2. Des objectifs ambitieux visant à décongestionner les axes transfrontaliers et à promouvoir une mobilité plus durable

3. Un déploiement progressif des investissements projetés

4. Un cofinancement paritaire

a. Une mobilisation importante des financements francoluxembourgeois en faveur du ferroviaire

b. Des financements d’origines diverses pour la partie française

II. Un avenant au protocole d’accord visant à renforcer l’amélioration de l’offre de transports transfrontaliers

A. Un avenant qui prolonge les ambitions du protocole d’accord

B. Un abondement complémentaire de chacune des parties en faveur de l’amélioration des transports ferroviaires

1. Une évolution à la hausse de la contribution des parties

2. Un effort supplémentaire réalisé en faveur du domaine ferroviaire

conclusion

Examen en commission

Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

Annexe 2 :  Liste des personnes auditionnÉes

 


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   introduction

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 1183 autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand‑Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018, relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers (appelé ci‑après « protocole d’accord »), et à la convention du 23 octobre 2020, relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables (appelée ci‑après « convention d’application »).

Pour répondre aux enjeux liés à la bonne circulation des personnes et des biens entre la France et le Luxembourg, les deux États ont signé, le 20 mars 2018, un protocole d’accord visant à mettre en œuvre une politique de transport commune concernant les déplacements transfrontaliers entre l’ancienne région Lorraine – aujourd’hui région Grand Est par la fusion avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne – et le Luxembourg. Ce texte vise à poser les bases du cofinancement et de la réalisation d’aménagements d’infrastructures ferroviaires et routières sur le territoire français, en se fixant deux horizons de temporalité dans le domaine ferroviaire (2022-2024 et 2028-2030), de façon à répondre de manière proportionnée à l’accroissement prévisible de la demande de transports entre les deux pays au cours de la décennie.

Au moment de la signature du protocole d’accord, plus de 90 000 travailleurs frontaliers empruntaient chaque jour la liaison Metz‑Thionville‑Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. Ce nombre avoisine désormais les 120 000 et pourrait doubler à l’horizon 2050. En raison de l’importance de ces flux, les différents axes routiers transfrontaliers supportent des trafics importants et sont régulièrement confrontés à des congestions aux heures de pointe. De même, l’axe ferroviaire Metz‑Thionville‑Luxembourg est désormais proche de la saturation.

Cet avenant – composé de trois articles sans annexes – a été signé le 19 octobre 2021 et prolonge les ambitions du protocole d’accord initial, à savoir la réduction de la congestion sur les axes concernés, la préparation à l’accroissement des déplacements des travailleurs transfrontaliers et le développement de mobilités plus durables. Il vise principalement, en effet, à accroître les efforts des parties en augmentant leurs contributions en faveur d’investissements dans le domaine du ferroviaire.

 


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I.   une coopération franco‑luxembourgeoise visant à améliorer les déplacements transfrontaliers et à favoriser des mobilités plus durables

A.   Une saturation de plus en plus problématique des axes routiers et ferroviaires transfrontaliers

Les liaisons de transports terrestres entre la région Grand Est, en France, et le Luxembourg connaissent une fréquentation importante. Elles sont en constante croissance et entraînent de fortes nuisances pour les citoyens. En outre, la congestion régulière du trafic sur ces différents axes est source de pollution atmosphérique. Une étude réalisée par les communautés d’agglomération du Val‑de‑Fensch et de Portes‑de‑France‑Thionville conclut notamment à une part importante du transport routier dans les émissions de particules fines et d’oxyde d’azote détaillée dans les diagrammes suivants.

Une image contenant texte, capture d’écran, cercle, diagramme

Description générée automatiquement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Ministère de la transition écologique

En 2021, plus de 112 000 résidents français travaillaient quotidiennement au Luxembourg, ils étaient plus de 114 000 en 2022. Ces travailleurs frontaliers empruntent chaque jour la liaison Metz‑Thionville‑Luxembourg par voie routière ou ferroviaire ; leur nombre pourrait avoisiner 135 000 en 2030. En raison de la pandémie de la Covid‑19, une baisse notable du trafic avait pu être enregistrée en 2020 – de l’ordre de ‑18 % par rapport à 2019 ‑ mais cette réduction ne s’est pas prolongée par la suite, les différentes mesures réalisées indiquant un retour aux tendances antérieures à la crise sanitaire.

En matière de trafic routier, ces flux importants occasionnent une saturation des différents axes routiers transfrontaliers sur de nombreuses sections et entraînent régulièrement des congestions aux heures de pointe. En 2022, l’observatoire des trafics de la direction interdépartementale des routes Est (DIR Est) relève qu’entre Metz et la frontière avec le Luxembourg, les trafics moyens approchent les 80 000 véhicules par jour, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2021. La situation se révèle particulièrement critique au Nord de Metz avec le passage de 105 000 véhicules par jour. Elle s’explique notamment par la congestion initiale de l’axe reliant Metz à Nancy qui constitue un point de convergence des axes routiers traversant les villes de Saint‑Dizier, Épinal et Lunéville. Par rapport à 2017, la situation s’est particulièrement aggravée en certains points, notamment au passage de Metz et Thionville, comme l’illustrent les cartes ci‑après.

trafic routier moyen journalieR annuel sur le sillon lorrain en 2022

C:\Users\fxcarabelli\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Outlook\ESUYPRGN\Fig1_DIREst Trafic routier en 2022.jpg

Source : Direction interdépartementale des routes Est (DIR Est)

évolution du trafic routier sur le sillon lorrain entre 2017 et 2022

C:\Users\fxcarabelli\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Outlook\ESUYPRGN\Fig2_DIREst Sillon lorrain évolution 2017-2022.jpg

Source : Direction interdépartementale des routes Est (DIR Est)

En novembre 2022, l’observatoire des congestions sur les autoroutes A31 et A33 a identifié des congestions significatives le long de l’axe avec un effet concentré entre Thionville et la frontière franco‑luxembourgeoise. À titre d’illustration, la carte ci‑après indique pour ce segment un temps de parcours plus long de 53 % par rapport à une circulation fluide à la vitesse autorisée dans le sens Sud‑Nord. Par ailleurs, le projet de construction d’une autoroute A31 bis en phase de consultation s’inscrit dans la volonté de désengorger l’autoroute A31.

Congestions routières sur le sillon lorrain

Source : Direction interdépartementale des routes Est (DIR Est)

Selon les informations transmises au rapporteur dans le cadre de ses travaux par les services du ministère de la transition écologique, cet effet se trouve démultiplié, le matin, aux heures de pointe, induisant un allongement du temps de parcours de 51 % sur tout le linéaire du sillon lorrain. Le même phénomène se produit dans le sens inverse, le soir, aux heures de pointe, avec un pic d’allongement du temps de parcours de 38 % sur l’ensemble du linéaire, ce pic plus faible s’expliquant par une pointe de trafic plus étalée.

En ce qui concerne le trafic ferroviaire, l’axe reliant Nancy-Metz, Thionville et le Luxembourg est actuellement proche de la saturation, alors que l’on observait en 2019 un remplissage entre 50 % et 70 % aux heures de pointe pour le tramway et le train sur la section Thionville‑Luxembourg.

B.   une coopération formalisée depuis la signature du protocole d’accord franco-luxembourgeois du 20 mars 2018

1.   La genèse du protocole d’accord franco‑luxembourgeois

Le 8 janvier 2009, le Grand‑Duché de Luxembourg et la région française de Lorraine – aujourd’hui région Grand Est – ont présenté un schéma de mobilité transfrontalière avec pour objectif, d’ici à 2030, que 25 % des habitants de la région employés au Luxembourg se déplacent en train ou en bus, contre 10 % en 2009. Un groupe de travail franco‑luxembourgeois a piloté, en 2013, la réalisation d’une étude portant sur les échanges transfrontaliers et les leviers permettant de les optimiser. Il s’agissait notamment de parvenir à un développement de l’offre de transports collectifs comme alternative à la voiture individuelle.

Les conclusions de cette étude ont conduit à la signature du protocole d’accord entre la France et le Luxembourg du 20 mars 2018. Celui-ci, reposant sur un financement paritaire franco‑luxembourgeois, a pour objectif d’améliorer l’offre de transports transfrontaliers dans une optique multimodale. Le protocole d’accord ne traite pas de manière détaillée des opérations qui seront cofinancées mais définit un programme d’ensemble éligible au cofinancement franco‑luxembourgeois en question. Il constitue donc en l’espèce, une forme d’accord‑cadre.

La loi autorisant l’approbation du protocole d’accord ([1])  a été promulguée le 28 octobre 2019 et le décret portant sa publication du protocole d’accord ([2]) a été publié le 24 décembre 2019, pour une entrée en vigueur effective au 1er janvier 2020.

La convention‑cadre de financement de mise en œuvre du protocole d’accord a été, pour sa part, signée le 23 octobre 2020. Elle détermine en particulier les modalités pratiques de contractualisation des financements apportés par le Luxembourg selon les termes de l’article 6 du protocole d’accord et précise également les conditions d’éligibilité des opérations financées. Pour la partie française, le décret portant publication de la convention d’application a été pris le 5 mars 2021 ([3]) .

2.   Des objectifs ambitieux visant à décongestionner les axes transfrontaliers et à promouvoir une mobilité plus durable

Le protocole d’accord franco‑luxembourgeois du 20 mars 2018 vise à favoriser une réduction de la congestion sur les axes concernés, à préparer l’accroissement des déplacements des travailleurs transfrontaliers et à favoriser des modes de mobilité plus durables.

Il porte principalement sur la réalisation d’aménagements qui permettront d’accroître la capacité de l’axe ferroviaire entre la Lorraine et le Luxembourg. Le protocole d’accord présente également une dimension multimodale en traitant, par exemple, de la mise en place de parcs‑relais et de plateformes de covoiturage.

En ce qui concerne les aménagements ferroviaires, le protocole d’accord fixe deux horizons temporels comprenant un premier palier, pour la période 2022‑2024, avec une augmentation capacitaire du matériel roulant et un second palier, pour la période 2028‑2030, avec une augmentation importante du nombre de trains circulant sur la ligne.

Le premier palier (article 3 du protocole d’accord) visant une augmentation capacitaire du matériel roulant devrait ainsi permettre de passer, dès 2024, d’une situation initiale de 8 000 places assises par période de pointe et dans le sens de la pointe ([4]) à 14 000 places, soit une augmentation de 75 %.

Le second palier (article 4 du protocole d’accord), visant une augmentation du nombre de trains sur la ligne devrait permettre d’atteindre les 22 000 places avec huit trains express régionaux (TER), un train à grande vitesse (TGV) et un train de fret par heure et par sens pendant les périodes de pointe ([5]).

3.   Un déploiement progressif des investissements projetés

Les aménagements ferroviaires prévus à l’article 3 du protocole d’accord consistent notamment en des allongements de quais, en un renforcement de l’alimentation électrique et comprennent également l’aménagement de deux parc‑relais en gares de Thionville et Longwy.

À ce jour, les allongements de quais sont en cours ; ils sont achevés pour une moitié environ des huit gares concernées. Les derniers travaux d’allongement de quais devraient être achevés pour la fin de l’année 2023.

Le renforcement de l’alimentation électrique subit, en revanche, des retards du fait de difficultés du maître d’ouvrage SNCF Réseau pour réaliser les études d’une sous‑station d’alimentation électrique à Richemont. Ce retard est imputable en partie à des limitations de ressources humaines pouvant être affectées à cette opération. Elle est actuellement en phase d’avant‑projet et ses résultats devraient être disponibles en début d’année 2024.

Cependant, les trains à trois unités mobiles, au lieu de deux actuellement, pourront bien être mis en circulation dès 2024 après l’allongement des quais. Le gain capacitaire visé par le premier palier du protocole d’accord devrait ainsi être respecté.

Enfin, l’aménagement des parc‑relais est en cours. Une première partie a pu être mise en service dès 2021 à Longwy et les travaux des deux parc‑relais devraient être achevés en 2024.

En ce qui concerne le domaine routier, le stationnement incitatif « park and ride » (P+R) de Thionville‑Metzange a été livré en février 2021 ; ce dispositif permet notamment un report modal vers un service de bus transfrontaliers luxembourgeois.

4.   Un cofinancement paritaire

a.   Une mobilisation importante des financements franco‑luxembourgeois en faveur du ferroviaire

Les contributions respectives de la partie française et de la partie luxembourgeoise sont définies selon un principe de parité à l’article 6 du protocole d’accord initial, à hauteur de 120 millions d’euros pour chacune des parties dont 10 millions d’euros chacune pour la promotion de la politique de mobilité durable – covoiturage et services routiers de transport en commun (article 5 du protocole d’accord).

En ce qui concerne le volet ferroviaire du protocole d’accord initial, le gouvernement luxembourgeois s’était initialement engagé à financer à un taux de 50 % un programme d’opérations ferroviaires d’un montant maximum de 220 millions d’euros (article 6 du protocole d’accord), soit une participation luxembourgeoise maximale de 110 millions d’euros sur une liste d’opérations découlant des grands principes d’évolution des infrastructures décrites aux articles 3 et 4 du protocole d’accord.

Le protocole d’accord initial de 2018 envisage donc une enveloppe financière franco‑luxembourgeoise maximale de 240 millions d’euros, comprenant un important volet ferroviaire.

b.   Des financements d’origines diverses pour la partie française

Le protocole d’accord ne précise pas la répartition entre l’État et les collectivités territoriales de la part de financement à la charge de la partie française. Pour ce qui concerne le domaine ferroviaire inscrit au protocole d’accord (articles 3 et 4), les financements français sont apportés par l’État et la région Grand Est dans le cadre du contrat de plan État‑Région. Ils le sont, en règle générale, selon un principe de parité de financement entre l’État et la région comme cela a été le cas pour l’ensemble de la période 2020‑2022.

Néanmoins, certains aménagements, qui bénéficient en particulier à une ou plusieurs collectivités, peuvent être financés sur une base différente. C’est notamment le cas des parcs-relais, qui mobilisent des financements des collectivités infrarégionales concernées. La communauté d’agglomération du Grand Longwy et la commune de Longwy contribuent ainsi au financement du parc-relais de la ville ; il en est de même, dans le cas de la commune de Thionville, s’agissant du parc‑relais de Thionville‑gare.

En ce qui concerne les aménagements en faveur de la politique de covoiturage et de services routiers de transport en commun (article 5 du protocole), aucune règle n’a été formalisée. Le premier aménagement réalisé, à savoir le parc‑relais routier de Thionville‑Metzange mis en service en 2021, a été intégralement financé par les collectivités pour la part française (2,9 millions d’euros sur 5,8 millions d’euros d’investissements), via le département de la Moselle et la communauté d’agglomération Portes de France‑Thionville.

En ce qui concerne les financements européens, le couloir de transport reliant Nancy, Metz,Thionville et le Luxembourg est inclus dans le réseau central du Réseau transeuropéen de transport (RTE‑T). À ce titre, certains aménagements prévus par le protocole sont susceptibles de bénéficier de financements du mécanisme d’interconnexion pour l’Europe (MIE), dont le règlement pour la période 2021‑2027 (MIE2) identifie comme action éligible l’aménagement des liaisons ferroviaires transfrontalières. Des subventions européennes sont et seront donc sollicitées en faveur des aménagements prévus dans le cadre de cette coopération franco‑luxembourgeoise (article 7 du protocole d’accord initial). Il n’existe aucune garantie d’obtention systématique de telles subventions. Toutefois, en cas d’obtention, les clefs de financements précitées entre, d’une part, la partie française et la partie luxembourgeoise et, d’autre part, à l’intérieur de la partie française s’appliquent au montant d’investissement diminué du financement apporté par la subvention européenne.

II.   Un avenant au protocole d’accord visant à renforcer l’amélioration de l’offre de transports transfrontaliers

A.   Un avenant qui prolonge les ambitions du protocole d’accord

Les objectifs de l’avenant prolongent ceux du protocole d’accord initial du 20 mars 2018 visant la mise en œuvre d’une politique de transports multimodale concertée et durable qui répond aux besoins de déplacements identifiés entre la France et le Luxembourg.

Cet avenant répond également aux problèmes environnementaux et de qualité de vie liés à la saturation des voies d’accès routières vers le Luxembourg et la France. Il contribue ainsi à l’amélioration des conditions de mobilité – diminution de la congestion routière, meilleure régularité et augmentation de l’offre ferroviaire –, qui constituent un enjeu prioritaire pour les travailleurs appelés chaque jour à traverser la frontière pour se rendre dans le Grand‑Duché et dont le nombre ne cesse d’augmenter, année après année.

À l’issue de la rencontre du 1er juin 2021 entre le Premier ministre français et le Premier ministre luxembourgeois, ce dernier a annoncé une nouvelle contribution financière maximale supplémentaire de110 millions d’euros du Grand‑Duché pour les infrastructures ferroviaires d’intérêt commun à la France et au Luxembourg. Cette contribution supplémentaire luxembourgeoise s’accompagne d’une contribution française identique.

L’avenant au protocole d’accord initial de 2018 portant sur cette nouvelle contribution a été signé lors de la sixième réunion de la commission intergouvernementale franco‑luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière (CIG), qui s’est tenue le 19 octobre 2021 à Esch‑sur‑Alzette, commune luxembourgeoise frontalière.

La commission intergouvernementale franco‑luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière

Un accord bilatéral signé le 26 janvier 2010 entre la France et le Luxembourg a créé la commission intergouvernementale franco‑luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière pour une durée de dix ans. Cette période a été prolongée pour une nouvelle durée de dix ans par un échange de lettres entre la France et le Luxembourg en novembre 2020.

La mise en place de cette commission visait à assurer une meilleure coordination des projets et actions conduits dans la région frontalière par les deux États, les collectivités territoriales et les regroupements impliqués de part et d’autre dans des actions de coopération.

Cette commission a vocation à proposer toute action nouvelle et à rechercher des moyens de financement innovants susceptibles de renforcer les liens transfrontaliers et bilatéraux dans les domaines jugés prioritaires par les gouvernements français et luxembourgeois.

La CIG, qui associe tous les acteurs de la coopération transfrontalière (ministres, préfet et élus locaux notamment), se réunit en principe tous les ans. Différents groupes de travail techniques se réunissent plus régulièrement – tous les quatre à cinq mois – pour proposer des solutions que sélectionne par la suite un comité de pilotage avant transmission à la CIG. Plusieurs propositions visant à promouvoir des projets transfrontaliers pour améliorer les offres de transport en adéquation avec les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont ainsi été formulées par la commission.

La commission a tenu sa dernière réunion en date, le 17 avril 2023, à Thionville.

L’avenant modifie le protocole d’accord initial ainsi que sa convention d’application pour ce qui concerne le réseau ferroviaire. Il complète utilement le programme d’investissements de l’accord initial à la suite des études de faisabilité pour l’horizon 2028‑2030. Ces aménagements supplémentaires visent notamment à améliorer la liaison ferroviaire entre Metz‑Thionville et Luxembourg.

Sont ainsi concernés :

-       la construction d’un centre de maintenance dans la métropole de Metz et son raccordement au réseau, éléments nécessaires pour répondre à la saturation du centre existant de Metz‑Sablon et assurer le traitement du nouveau matériel;

-       l’automatisation ou la semi‑automatisation de la conduite des trains et la mise en place d’un système de communication associé, aménagements qui en renforçant la fluidité des circulations (notamment par l’optimisation des arrêts et freinages et des gains de précision) devraient contribuer à améliorer la liaison ferroviaire. Ces derniers projets seront engagés sous réserve que des études d’opportunité en confirment l’intérêt. Ces études n’ont pas encore débutées.

Enfin, les financements supplémentaires apportés au titre de l’avenant permettront, si nécessaire, de poursuivre le financement des aménagements déjà identifiés par le protocole initial pour la période 2028‑2030.

B.   Un abondement complémentaire de chacune des parties en faveur de l’amélioration des transports ferroviaires

1.   Une évolution à la hausse de la contribution des parties

Les contributions respectives de la partie française et de la partie luxembourgeoise sont définies selon un principe de parité dans le protocole d’accord initial du 20 mars 2018, à hauteur de 120 millions d’euros chacune dont 110 millions d’euros au titre du volet ferroviaire.

L’avenant du 19 octobre 2021, tout en maintenant le principe de parité des contributions entre les parties, vise à compléter le programme d’investissements du protocole d’accord initial.

L’article A de l’avenant ajoute ainsi au protocole d’accord initial du 20 mars 2018 un article 6 bis qui prévoit une contribution financière maximale supplémentaire des deux parties à hauteur de 110 millions d’euros chacune en faveur du domaine ferroviaire.

L’article B de l’avenant modifie pour sa part l’article 1er de la convention d’application du protocole d’accord signée le 23 octobre 2020 en spécifiant que « les montants inscrits au présent avenant au protocole l’emportent sur les montants indiqués dans la convention d’application de ce protocole ».

Les contributions de la France et du Luxembourg passent ainsi, dans le domaine ferroviaire, d’un montant maximal de 110 millions d’euros à un montant maximal de 220 millions d’euros chacune. En revanche, la part dévolue au domaine routier – politique de covoiturage et de services routiers de transport en commun – demeure inchangée et reste fixée à 10 millions d’euros pour chacune des deux parties.

Le graphique, ci‑après, présente l’évolution de la contribution des parties depuis la signature du protocole d’accord initial en 2018, ainsi que les changements consécutifs à la signature de l’avenant en 2021.


Évolution de la contribution maximale des parties

Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

2.   Un effort supplémentaire réalisé en faveur du domaine ferroviaire

Les crédits complémentaires prévus par l’avenant, qui permettent un doublement des engagements pris en 2018 dans le domaine ferroviaire, se révèlent de la plus grande importance pour améliorer l’offre de transports transfrontaliers et favoriser le développement de mobilités plus durables.

Comme indiqué précédemment, est notamment concernée la construction d’un centre de maintenance sur la métropole de Metz et le raccordement de celui‑ci au réseau ferroviaire. L’opération de construction de ce centre à Montigny‑lès‑Metz et son raccordement au réseau est actuellement en phase d’études d’avant‑projet. Celles‑ci devraient être restituées en 2023.

Ce projet de création d’un centre de maintenance pour les rames de trains TER a un coût estimé d’une centaine de millions d’euros. Le centre existant de Metz‑Sablon arrive en effet à saturation et ne permet pas de mener les opérations nécessaires sur certaines des rames acquises par la Région Grand Est pour la desserte de la ligne entre Metz et le Luxembourg, en raison de leur trop grande longueur. C’est la raison pour laquelle la création d’un nouveau centre est nécessaire dans le cadre de l’amélioration de la ligne. La part de financement française de l’atelier de maintenance et de ses accès sera intégralement apportée par la région Grand Est, soit 50 millions d’euros sur un investissement total estimé à ce stade à 100 millions d’euros.

Ces crédits supplémentaires pourront également financer l’automatisation ou la semi‑automatisation de la conduite des trains et le système de communication associé, sous réserve que des études d’opportunité en confirment l’intérêt. Les gouvernements français et luxembourgeois conviendront alors, le cas échéant, de la stratégie de déploiement de cette technologie et de son financement.

Enfin, ce financement complémentaire pourra contribuer à la réalisation des travaux des projets ferroviaires éligibles à l’article 4 du protocole d’accord initial, telles que la suppression des passages à niveau, l’optimisation du cantonnement, la reprise du plan de voies de la gare de Thionville et l’optimisation des flux de voyageurs en gare de Thionville, par exemple.

À l’occasion des auditions du rapporteur, il a été précisé que ces nouveaux financements n’étaient pas intégralement fléchés mais constituaient une « bourse » ou encore un « champ des possibles ». Ils seront progressivement mobilisés à l’horizon 2030 en fonction des résultats des études menées par les différents groupes de travail.

Le rapporteur, au‑delà des montants annoncés, tient à insister sur la question des montants effectivement engagés. Or, sur l’ensemble des crédits prévus par le protocole d’accord de 2018, seuls 30 à 35 millions d’euros ont été effectivement engagés dans l’attente des résultats des différentes études prévues. Par ailleurs, les travaux déjà menés à terme représentent, dans les faits, les investissements les moins coûteux. Une vigilance renforcée apparaît donc nécessaire sur ce point, étant donné que seul le décaissement des crédits prévus permettra d’améliorer concrètement le quotidien des usagers des différents axes transfrontaliers.

 


    

   conclusion

La France et le Luxembourg, qui font l’un et l’autre partie de l’Alliance pour la décarbonation des transports (TDA), ont choisi d’œuvrer de concert pour améliorer l’offre de transports transfrontaliers et promouvoir des mobilités plus durables.

L’avenant du 19 octobre 2021 consolide la coopération bilatérale franco‑luxembourgeoise en la matière, en augmentant significativement les contributions des deux pays par des investissements qui seront menés pour renforcer la desserte ferroviaire le long du sillon lorrain.

La ratification de ce texte par la partie luxembourgeoise devrait très prochainement intervenir puisque la dispense du second vote constitutionnel de la Chambre des députés a été votée le 16 mai 2023. Cette procédure classique du fonctionnement législatif luxembourgeois constitue la dernière étape avant la signature du projet de loi par les ministres compétents, ainsi que par le Grand‑duc du Luxembourg. Une fois signé, le projet de loi portant ratification de l’avenant sera publié sous trois jours.

Dans ces conditions, il apparaît opportun que la France ne tarde pas elle aussi à approuver formellement cet avenant et il est donc heureux que ce projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour de la fin de la session ordinaire 2022‑2023 de l’Assemblée nationale.

 


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   Examen en commission

Le mercredi 14 juin 2023, à 9 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le premier accord international dont nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l’approbation, qui est relatif aux relations entre le Luxembourg et la France, concerne des problèmes extrêmement intéressants et complexes, même s’ils semblent en apparence ténus. Nous avons là affaire à un partenaire très attentif et désireux que les accords conclus avec lui ne soient pas déséquilibrés.

L’avenant dont nous sommes saisis part du constat que les liaisons terrestres entre la région Grand Est et le Luxembourg connaissent une forte croissance. En 2022, plus de 114 000 résidents français travaillaient quotidiennement au Luxembourg, ce qui les conduisait à emprunter chaque jour la liaison routière ou ferroviaire Metz-Luxembourg. En 2030, leur nombre pourrait être proche de 135 000. Il traite donc d’un problème concret très important, dont le rapporteur va à présent nous parler en détail.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. Au moment où le protocole d’accord initial a été signé, en 2018, plus de 90 000 travailleurs frontaliers empruntaient chaque jour la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. Leur nombre avoisine désormais les 120 000 et pourrait doubler à l’horizon 2050. En raison de l’importance des flux, les différents axes routiers transfrontaliers sont confrontés à un trafic important et subissent régulièrement des congestions aux heures de pointe. La situation est ainsi particulièrement critique au Nord de Metz, où passent 105 000 véhicules par jour. Cela s’explique par la congestion de l’axe reliant Metz à Nancy, qui constitue un point de convergence des axes routiers traversant les villes de Saint-Dizier, Épinal et Lunéville.

Cette situation contribue à accentuer l’impact environnemental du transport routier, qui est responsable d’une part importante des émissions de particules fines et d’oxyde d’azote.

En ce qui concerne le trafic ferroviaire, l’axe reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg est actuellement proche de la saturation, alors que le taux de remplissage était compris entre 50 % et 70 % aux heures de pointe en 2019 pour le tramway et le train sur la section Thionville-Luxembourg.

Dans ce contexte, il apparaît essentiel de poursuivre le renforcement de la coopération franco-luxembourgeoise, afin de réduire les fortes nuisances que cette situation produit pour nos concitoyens.

Tel est l’objectif de l’avenant soumis à notre commission. Signé le 19 octobre 2021, ce texte prolonge les ambitions du protocole d’accord initial, à savoir la réduction de la congestion sur les axes concernés, la préparation à l’accroissement des déplacements des travailleurs transfrontaliers et le développement de mobilités plus durables. Cet avenant, composé de trois articles, vise principalement à accroître les efforts des parties en augmentant leurs contributions respectives en faveur d’investissements dans le domaine ferroviaire.

Je reviendrai sur la genèse, les objectifs et les modalités de financement du protocole d’accord initial avant d’analyser les implications de l’avenant.

Pour répondre aux enjeux liés à la circulation des personnes et des biens entre la France et le Luxembourg, les deux États ont signé, le 20 mars 2018, un protocole visant à mettre en œuvre une politique de transport commune pour les déplacements transfrontaliers entre l’ancienne région Lorraine, qui fait désormais partie du Grand Est, et le grand-duché de Luxembourg.

Ce texte prévoit principalement la réalisation d’aménagements permettant d’accroître les capacités de l’axe ferroviaire reliant la Lorraine et le Luxembourg. Il a également une dimension multimodale en ce qu’il traite, par exemple, de la mise en place de parcs relais et de plateformes de covoiturage.

En ce qui concerne les aménagements ferroviaires, le protocole de 2018 fixe deux horizons temporels. Un premier palier, durant la période 2022-2024, doit être marqué par une augmentation capacitaire du matériel roulant. À ce jour, les allongements de quais ont été réalisés dans environ une moitié des huit gares concernées, et les derniers travaux sont prévus pour la fin de l’année 2023. Un second palier, en 2028-2030, doit se traduire par une augmentation importante du nombre de trains circulant sur la ligne.

Pour ce qui est du financement de l’ensemble des aménagements, les contributions respectives de la partie française et de la partie luxembourgeoise étaient initialement définies selon un principe de parité. Les parties s’engageaient chacune à hauteur de 120 millions d’euros, dont 10 millions d’euros, chacune, pour la promotion de la politique de mobilité durable, comprenant le covoiturage et les services routiers de transport en commun. Le protocole d’accord initial envisageait ainsi une enveloppe financière franco-luxembourgeoise maximale de 240 millions d’euros, dédiée pour une grande partie au volet ferroviaire.

Par ailleurs, le couloir de transport reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg étant situé dans la partie centrale du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), des subventions européennes au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe pourraient réduire le montant des investissements des deux parties pour les liaisons ferroviaires transfrontalières.

L’avenant qui nous est soumis s’inscrit dans la continuité de la volonté initiale d’améliorer les conditions de mobilité, par la diminution de la congestion routière ainsi que par l’amélioration de la régularité et l’augmentation de l’offre ferroviaire. C’est, en effet, un enjeu prioritaire pour les travailleurs appelés à traverser chaque jour la frontière pour se rendre dans le grand-duché, dont le nombre ne cesse d’augmenter, année après année.

À l’issue de la rencontre du 1er juin 2021 entre le premier ministre français et le premier ministre luxembourgeois, ce dernier a annoncé une nouvelle contribution financière maximale de 110 millions d’euros du grand-duché pour les infrastructures ferroviaires d’intérêt commun à la France et au Luxembourg. Cette contribution supplémentaire luxembourgeoise s’accompagne d’une contribution française identique.

L’engagement financier des deux pays passe ainsi, dans le domaine ferroviaire, d’un maximum de 110 millions d’euros à 220 millions d’euros des deux côtés. En revanche, la part dévolue au domaine routier demeure inchangée : elle reste fixée à 10 millions pour chacune des deux parties.

L’avenant vise ainsi à modifier le protocole d’accord initial et sa convention d’application pour ce qui concerne le seul réseau ferroviaire. L’avenant complète le programme d’investissements de l’accord initial en prévoyant des aménagements supplémentaires, à la suite des études de faisabilité réalisées pour l’horizon 2028-2030. Ces aménagements, qui ont pour ambition d’améliorer la liaison ferroviaire entre Metz-Thionville et le Luxembourg comportent notamment la construction d’un centre de maintenance dans la métropole de Metz et son raccordement au réseau, afin de tenir compte de la saturation du centre existant et d’assurer le traitement du matériel récemment acquis par la région, ainsi que l’automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains et la mise en place d’un système de communication associé. L’objectif est d’améliorer la liaison ferroviaire en fluidifiant les circulations. Il faut préciser que ces aménagements seront engagés sous réserve que des études d’opportunité en confirment l’intérêt.

Comme cela a été précisé lors des auditions que j’ai menées, les crédits complémentaires prévus par l’avenant, qui permettent un doublement des engagements pris en 2018 dans le domaine ferroviaire, ne sont pas intégralement fléchés mais constituent, selon les personnes que j’ai entendues, une « bourse » ou encore un « champ des possibles ». Ces montants seront progressivement mobilisés à l’horizon 2030 en fonction des résultats des études menées par différents groupes de travail.

En conclusion, je tiens à saluer l’engagement de la France et du Luxembourg, qui font l’un et l’autre partie de l’Alliance pour la décarbonation des transports et qui ont choisi d’œuvrer de concert pour améliorer concrètement le quotidien des usagers des différents axes transfrontaliers et ainsi répondre aux défis environnementaux et aux problématiques de qualité de vie liés à la situation actuelle. L’avenant du 19 octobre 2021 consolide la coopération franco-luxembourgeoise en la matière, en augmentant significativement les contributions des deux pays en faveur d’investissements dans le domaine ferroviaire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter en faveur du projet de loi.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je donne à présent la parole aux orateurs des groupes, auxquels le rapporteur répondra immédiatement.

M. Lionel Vuibert (RE). Ce texte nous rappelle à quel point il importe d’intensifier les coopérations transfrontalières. Sans méconnaître les problématiques fiscales relatives au Luxembourg, l’élu des Ardennes et de la région Grand Est que je suis ne peut que souscrire à l’approbation de cet avenant, qui concerne en premier lieu notre région. Il revêt une grande importance pour plusieurs raisons.

L’avenant témoigne, tout d’abord, de la volonté des deux pays de renforcer leur coopération en matière de transport transfrontalier. En établissant un cadre juridique solide et formel, ce texte permettra une collaboration plus étroite et plus efficace dans ce domaine clé.

De plus, l’avenant met l’accent sur le développement de la desserte ferroviaire, qui constitue un mode de transport essentiel pour les liaisons transfrontalières. Cela facilitera les déplacements des personnes et des marchandises et favorisera les échanges économiques ainsi que le développement régional.

Une autre dimension cruciale de l’accord est la promotion des mobilités durables. En encourageant les solutions de transport respectueuses de l’environnement, cet avenant s’inscrit dans le cadre d’une approche responsable et durable de la mobilité. Il réduira en effet les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, en unissant leurs efforts, la France et le Luxembourg pourront partager leurs expertises, leurs ressources et leurs bonnes pratiques, afin d’optimiser les systèmes de transport et de relever des défis communs.

En conséquence, notre groupe votera pour le projet de loi. Je souhaite néanmoins vous interroger, monsieur le rapporteur, sur les crédits supplémentaires qui sont prévus dans le domaine ferroviaire, dont 50 millions d’euros apportés par la région Grand Est sur un investissement total de 100 millions. Vous avez indiqué que ce montant n’était pas intégralement fléché mais constituait une « bourse » ou un « champ des possibles ». Pourriez-vous nous apporter quelques précisions ?

M. Philippe Guillemard, rapporteur. L’avenant ne précise pas la répartition du financement entre l’État et les collectivités territoriales. Elle se fera au cas par cas, en fonction du matériel ou du projet considéré.

Les financements dans le domaine ferroviaire sont généralement apportés de manière paritaire par l’État et les collectivités territoriales, dans le cadre des contrats de plan État-régions. Ce principe a été respecté durant la période 2020-2022.

Toutefois, les aménagements dont bénéficient en particulier une ou plusieurs collectivités territoriales sont financés de manière différente. Ainsi, les parkings relais mobilisent des financements des collectivités infrarégionales concernées. La communauté d’agglomération du Grand-Longwy et la commune de Longwy contribuent, par exemple, au financement du parc relais de la ville, et la commune de Thionville contribue, à hauteur de 24 %, au financement du parc relais de sa gare. Le parc relais routier de Thionville-Metzange a, de même, été intégralement financé par la collectivité, le département de Moselle et la communauté d’agglomération Portes-de-France-Thionville. En revanche, la région Grand Est a totalement financé l’atelier de maintenance et ses accès.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Pour le groupe de La France insoumise, l’oratrice sera Mme Martine Etienne, que nous sommes d’autant plus heureux d’accueillir qu’elle est vice-présidente du groupe d’amitié France-Luxembourg.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Merci, monsieur le président. Je représente, par ailleurs, la troisième circonscription de la Meurthe-et-Moselle, celle de Longwy. Tout ce que vient de dire M. le rapporteur me parle évidemment.

Cet avenant, qui permettra de développer des transports plus propres et de décongestionner les voies de circulation, ne nous pose pas en lui-même de problème mais je suis contente d’être parmi vous pour indiquer notre version de ce qu’est la proximité du Luxembourg.

Le grand-duché se nourrit non seulement des facilités qui sont celles d’un paradis fiscal mais également des richesses produites par le travail frontalier, tout en laissant les pays voisins supporter les coûts de formation, du chômage, de la résidence, de l’autonomie et des services publics, le Luxembourg n’apportant un cofinancement que d’une manière choisie, lorsqu’il y trouve un intérêt économique.

Les quelque 117 000 travailleurs français qui exercent au Luxembourg y paient leurs impôts. Le grand-duché, lui, ne reverse rien à la France. On estime que cela nous coûte entre 105 et 135 millions d’euros par an. Les communes frontalières françaises sont donc sous-financées et les services publics, notamment les transports, en pâtissent terriblement. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que le Luxembourg rétrocède, par exemple, à la Belgique une partie de l’impôt perçu, en compensation du travail frontalier.

Nous connaissons les galères des usagers du transport express régional (TER) : nous empruntons ce type de transport régulièrement, y compris à l’heure de pointe. Les trains TER sont bondés, des gens doivent rester debout, les suppressions de rames sont de plus en plus fréquentes et l’autoroute est bouchée.

Nous ne nous opposerons pas à la promotion des mobilités douces, ni au décongestionnement des voies de circulation, mais ce projet confortera l’enrichissement du Luxembourg et renforcera les iniquités de part et d’autre de la frontière. Nous estimons que la participation du Luxembourg devrait être plus élevée que celle de la France, au lieu d’être égale : ces projets n’existent que pour faciliter le déploiement des travailleurs frontaliers. Le cofinancement ne pourra pas être réellement efficace sans une réelle compensation fiscale de la part du Luxembourg.

Je sais, pour faire partie du groupe d’études relatif aux enjeux frontaliers et transfrontaliers qu’une compensation ne règle pas tout mais cela constitue tout de même une base essentielle pour le cofinancement des projets et le déploiement serein du travail transfrontalier.

Je m’abstiendrai sur ce texte. Nous connaissons, je l’ai dit, les galères des usagers et le problème que pose la congestion de toutes les voies de transport mais ces difficultés ne pourront réellement être réglées que lorsque l’impôt sera partagé équitablement et que la France ne sera plus dépendante du bon vouloir du Luxembourg pour assurer à ses travailleurs de bonnes conditions de vie et de déplacement.

Enfin, je reviens sur le partage des financements entre l’État et les collectivités : la région, les communautés de communes, les communes, etc. La ville de Longwy va, effectivement, participer au financement d’une partie du parking qui a été évoqué. Cela coûtera à la commune une certaine somme. Il faut une compensation fiscale.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. J’entends bien ce que vous dites, étant élu du même département que vous. Je comprends les discussions relatives à l’attractivité du Luxembourg et à l’utilité des travailleurs transfrontaliers pour l’économie luxembourgeoise : ils sont vitaux pour son fonctionnement.

Je ne partage pas votre analyse, en revanche, sur la qualification du Luxembourg en paradis fiscal. J’ai repris, pour la préparation de mon rapport, des travaux portant sur la convention fiscale conclue entre la France et le grand-duché le 20 mars 2018, en remplacement de la convention d’avril 1958, et j’ai notamment pris connaissance de l’analyse d’avocats fiscalistes.

Vous avez bien compris, par ailleurs, que ce n’est pas l’objet du présent avenant. Il est positif, selon moi, dans la mesure où il permettra d’assurer davantage de confort aux travailleurs transfrontaliers et surtout une décarbonation d’un axe très encombré, vous le savez effectivement comme moi.

M. Bruno Fuchs (DEM). Je porte aussi un grand intérêt à la région Grand Est, à la question de l’intermodalité et à la problématique transfrontalière ; nous y sommes aussi confrontés dans ma région, l’Alsace, en ce qui concerne l’Allemagne et la Suisse.

Le rapport préparé par notre collègue est très éclairant au sujet de la situation du Grand Est et du quotidien des centaines de milliers de personnes qui traversent chaque jour la frontière pour aller travailler au Luxembourg et, dans l’autre sens, en France. Ces personnes, vous l’avez dit, sont de plus en plus nombreuses. L’accord signé en 2018 apportera de premières améliorations dès l’année prochaine, et les capacités de transport ferroviaire devraient augmenter de près de 75 % à l’orée de la période 2025-2030. C’est un élément absolument essentiel, quoi que l’on puisse penser par ailleurs.

Cet avenant permettra aussi la construction de parkings relais, pour que les usagers puissent laisser facilement leur voiture à proximité des gares. La promotion de l’intermodalité est incontestablement un moyen supplémentaire pour permettre à la France de suivre sa feuille de route en matière de transition écologique et énergétique.

L’axe Metz-Thionville-Luxembourg est un axe routier important, et il est essentiel qu’il ne soit pas congestionné. Il faut également souhaiter que le succès du transport ferroviaire puisse donner, dans un avenir très proche, des idées pour développer le fret et continuer à rendre nos échanges plus vertueux.

Nous nous étions engagés de la même façon en 2019, dans le traité d’Aix-la-Chapelle, à améliorer les liaisons ferroviaires entre la France et l’Allemagne. De façon générale, il serait intéressant de raisonner dans le cadre des bassins de vie, à l’échelle européenne, au lieu de se limiter à nos frontières. C’est vrai pour la santé et de nombreuses activités, pour lesquelles notre approche, encore assez franco-française, devrait être élargie.

Le groupe Démocrate se réjouit de cet avenant et votera en sa faveur.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. J’ajoute simplement que l’autoroute A3, au Luxembourg, et A31, en France, fait partie du réseau transeuropéen de transport et du corridor multimodal européen Mer du Nord-Méditerranée – un ensemble de voies d’accès qui s’étend de l’Irlande jusqu’au Sud de la France en passant par les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Ce réseau de transport mérite d’être fluidifié. En allégeant le trafic routier par le développement du ferroviaire, nous arriverons à atteindre cet objectif, y compris à l’Est de la France, en ce qui concerne le raccordement à l’Allemagne.

M. Guillaume Garot (SOC). Merci pour votre rapport, qui nous permet de prendre la mesure des enjeux de la coopération transfrontalière entre la France et le Luxembourg. Chaque jour, 80 000 véhicules passent la frontière. On doit faciliter les déplacements des 114 000 personnes résidant en France qui ont besoin de rejoindre le Luxembourg pour travailler, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Cet accord de coopération, tel que nous le comprenons, permettra d’augmenter de façon très importante le nombre de personnes qui utilisent le train entre Metz et Luxembourg, ainsi que le nombre des covoitureurs et des usagers des cars transfrontaliers. Tout cela va dans le bon sens. Sur le plan financier, un doublement de la contribution de chaque pays est prévu pour la partie ferroviaire.

Je comprends ce qu’a dit Mme Etienne : on aurait sans doute pu attendre un geste plus important de la part du Luxembourg et il faudra sans doute reprendre le dossier pour que, dans le cadre de protocoles complémentaires, ce pays contribue aux efforts à la mesure de son potentiel, de ses richesses et de l’apport, pour son développement économique, des Français qui se rendent sur son sol.

Nous serons très attentifs au décaissement des crédits dans les années à venir et à leur conformité à cet accord.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. Vous avez parfaitement compris le sens de l’avenant. Un accent très net est mis sur le ferroviaire : les crédits prévus en la matière sont doublés pour favoriser le report modal.

Je vous présente le texte tel qu’il est : je n’ai pas participé aux négociations. S’agissant de la part de chaque État, je ne peux que vous relater ce qu’il en est. Si la France apporte beaucoup au Luxembourg sur le plan économique, il en va de même dans l’autre sens. Le Luxembourg investit en France et il y a des échanges économiques mais je ne vais pas vous assommer de chiffres.

Rendre plus confortable le transport des personnes – les travailleurs seront les principaux concernés –, permettre davantage de fluidité pour les milliers de personnes qui traversent la frontière tous les jours, tout cela ne peut être qu’un élément positif.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). N’entretenons pas le suspense : nous voterons pour le texte. Je remercie le rapporteur pour les détails dont il nous a fait part.

Le Luxembourg est le seul pays au monde à assurer la gratuité de l’ensemble de ses transports en commun. Tous les Français qui vont au Luxembourg et y utilisent les transports en commun en bénéficient, ce qui est très positif.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est un paradis ferroviaire ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Les investissements réalisés auraient pu être davantage accompagnés mais la politique du Luxembourg dans ce domaine n’était pas encore aboutie. On pourrait faire en sorte, à l’occasion d’un prochain traité entre les deux pays, que les lignes françaises en provenance du Luxembourg puissent bénéficier de la même symbolique et qu’un traité international accompagne les autorités organisatrices des transports, en l’occurrence la région du Grand Est pour les TER sur le sillon reliant le Luxembourg et la France.

Par ailleurs, les Luxembourgeois qui vont en Allemagne ont la chance d’utiliser, pour 49 euros par mois, la totalité des transports allemands : train, tramway, bus, métro, etc.

On voit que l’urgence climatique est comprise ici et là. Nous avons peut-être aussi des efforts à faire en la matière. Nous devrions suggérer au Gouvernement – je pense que nous sommes encore autorisés à le faire, en utilisant le vocabulaire idoine pour ne vexer personne, et peut-être même à huis clos – de développer des politiques novatrices dans le cadre de tels accords, d’expérimenter, même si nous n’irons peut-être pas jusqu’au bout des démarches.

Enfin, pour que les choses soient claires, je continue à qualifier le Luxembourg de paradis fiscal. Il offre encore des avantages, pour le dire d’une manière soft. Ne favorisons pas le transport de capitaux par le train.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. Plus le transport ferroviaire se développera, partout, plus on pourra imaginer des solutions innovantes en ce qui concerne son utilisation. Chaque modernisation, chaque étape de développement permettra de mener une réflexion plus large. Le Gouvernement travaille déjà sur des solutions innovantes en la matière.

M. Kévin Pfeffer (RN). En tant que député de la Moselle, un territoire qui voit un nombre croissant de ses habitants travailler au Luxembourg, je suis régulièrement interpellé au sujet des difficultés quotidiennes de transport entre nos deux pays.

Luxembourg est une capitale européenne très dynamique d’un point de vue économique, donc aussi très attractive pour nos concitoyens, notamment du fait du niveau des rémunérations qu’elle propose. Cela ne va pas sans poser problème dans certains secteurs de notre propre économie qui peinent à recruter, ou dans nos services publics de santé et de sécurité : il s’agit là d’un sujet de préoccupation majeur pour notre territoire.

Les projets liés aux transports transfrontaliers sont de véritables serpents de mer locaux, comme j’ai pu le constater pendant plusieurs années au conseil régional. J’en veux pour preuve les tergiversations interminables au sujet de l’A31 bis, qui ne trouve pas de réalisation concrète faute d’accord sur son tracé. Il faut dire que ce n’est pas l’actuel projet d’une autoroute payante nécessitant un investissement de près de 1 milliard d’euros, à la charge unique de la France et des futurs usagers via un péage, qui résoudra les problèmes. L’investissement de cet argent dans les dessertes ferroviaires serait certainement un levier plus efficace pour répondre aux défis de mobilité, de temps de trajet et aux enjeux environnementaux.

À court terme, c’est la modernisation, l’augmentation des cadencements ainsi que l’amélioration de la fiabilité et du confort des passagers qui constitueront la meilleure réponse à la congestion de nos réseaux routiers. Mais la marche est haute, tant notre retard est important. Je pense notamment aux nouvelles dessertes qui restent en suspens, faute de financement, comme la ligne Sarrebruck-Luxembourg qui pourrait irriguer demain l’Est de la Moselle via Bouzonville et permettre la revitalisation de certains de nos territoires. Je pense aussi à des morceaux de ligne insuffisamment exploités ou subissant plusieurs ruptures de charge ; ainsi, la gare de Hayange est trop peu desservie chaque jour et à des horaires improbables, alors que la demande est forte et qu’une augmentation de la desserte permettrait de désengorger nos autoroutes. Je pense enfin aux parkings relais installés près des gares françaises, sous-dotés en places et proposés à des tarifs parfois prohibitifs. À croire que tout est fait pour dissuader les usagers de choisir le train au quotidien !

Nous soutiendrons la ratification de cet avenant important, qui reste cependant insuffisant au vu des enjeux de mobilité à court et moyen termes entre nos pays, ainsi que du retard pris par rapport à notre voisin luxembourgeois en matière de transports publics et d’intermodalité. Les gouvernements successifs et la majorité régionale du Grand Est n’ont pas apporté de réponse à la hauteur des besoins de nos compatriotes.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. L’objectif est d’augmenter la capacité ferroviaire en accroissant le nombre de places offertes par trajet. Pour ce faire, il convient de procéder à des travaux d’allongement des quais et d’augmenter la fréquence des passages. Le ferroviaire doit apparaître de plus en plus pratique et attractif. J’ai déjà précisé le calendrier prévisionnel de déploiement de ces mesures : plus il sera rapide, plus vite l’objectif de décongestion de l’A31 sera atteint. La saturation de cette autoroute pose d’autres problèmes au quotidien : je pense notamment aux nuisances sonores subies par les personnes vivant à proximité ainsi qu’au rejet dans l’air de substances polluantes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Belkhir Belhaddad. Vice-président du groupe d’amitié France-Luxembourg, je suis député de la première circonscription de la Moselle, laquelle se situe entre Metz et Thionville et se trouve donc très concernée par tous ces sujets. Je salue la signature de cet avenant, de même que la méthode de travail utilisée par le gouvernement français depuis plusieurs années.

Le Luxembourg est une chance pour notre territoire. La coopération transfrontalière entre le Luxembourg et la France s’est considérablement intensifiée depuis la création d’une commission intergouvernementale (CIG), en 2010, contribuant significativement à l’intégration de nos territoires frontaliers, au bénéfice de leurs habitants, à travers des échanges dans de nombreux domaines. Nous avons récemment eu l’occasion d’accueillir le grand-duc à Metz, à l’occasion de l’inauguration de la Maison du Luxembourg. Depuis la dernière session de la CIG, des avancées ont été enregistrées, s’agissant notamment du télétravail : un avenant à la convention fiscale, signé le 7 novembre 2022, a porté le seuil de tolérance fiscale de vingt-neuf à trente-quatre jours.

Bien que je me satisfasse de cet avenant qui va dans le bon sens et permet d’apporter un certain nombre de financements de part et d’autre, de nombreuses questions restent à traiter, à commencer par celle des dépenses résidentielles : un sujet très important pour les habitants comme pour les collectivités territoriales. Permettez-moi de citer l’exemple du Pôle métropolitain frontalier (PMF), qui regroupe les intercommunalités autour du bassin de Thionville et dépense chaque année 2 millions d’euros pour la prise en charge en crèche des enfants dont les deux parents travaillent au Luxembourg. Cette situation ne peut plus durer. Il faut donc revoir les ambitions à la hausse, non seulement dans le domaine ferroviaire, comme le fait le présent avenant auquel j’apporte mon entier soutien, mais également dans bien d’autres domaines. Le principe de codéveloppement devrait ainsi s’appliquer, à long terme, en matière de rétrocession fiscale.

M. Philippe Guillemard, rapporteur. Vous l’avez vous-même noté, cet avenant n’a pas vocation à tout régler. Il mise tout sur le développement du trafic et des infrastructures ferroviaires.

Effectivement, le nombre très important de travailleurs transfrontaliers dans notre région a des implications dans tous les domaines : il a un impact sur le prix de l’immobilier, tandis que les amplitudes horaires allongées par les temps de trajet, a fortiori lorsque l’autoroute est encombrée, imposent la mise en place de services tels que des gardes d’enfants. L’objectif de l’avenant est d’améliorer le confort des travailleurs transfrontaliers en faisant en sorte qu’ils ne subissent plus systématiquement des bouchons de plusieurs kilomètres à l’entrée et à la sortie du Luxembourg.

J’ai déjà évoqué les dispositions fiscales. Je le répète : à mon sens, le Luxembourg n’est pas du tout un paradis fiscal, d’autant que les travailleurs français dans ce pays paient des impôts tant au Luxembourg qu’en France, en dépit de l’aménagement que j’évoquais tout à l’heure. Dans les deux pays, il s’agit d’un prélèvement à la source. Il existe malgré tout des avantages importants à travailler au Luxembourg : des salaires attractifs, une atmosphère cosmopolite, des allocations familiales très avantageuses et non soumises à des conditions de revenus.

En somme, cet avenant n’apporte pas réponse à tout mais constitue une pierre supplémentaire à l’édifice de l’amélioration du confort de nos concitoyens.

M. Frédéric Petit. J’habite à Cracovie mais je suis un enfant du « SaarLorLux », comme on disait à l’époque. Je suis ravi de l’unanimité suscitée par cet avenant. À ceux qui voudraient réinstaurer des barrières entre les pays, je rappelle que j’ai connu le temps où il fallait présenter son passeport entre Metz et Luxembourg lorsque nous allions au théâtre au grand-duché.

J’ai été rapporteur du projet de loi ratifiant la convention fiscale de base : c’est à la lumière de ce texte que nous devons comprendre l’avenant dont il est question aujourd’hui. La question de la rétrocession a été posée : des élus metzins, que je salue, continuent d’y travailler, mais cette procédure ne peut pas s’appliquer de la même façon qu’avec la Belgique car l’argent obtenu reviendrait au budget de l’État. Toutes les forces régionales réfléchissent à une rétrocession beaucoup plus ciblée : les discussions, entamées dans le cadre des négociations de la convention de base, concernent par exemple le financement des écoles et de l’université. Ce genre de rétrocession régionale existe déjà entre la Suisse et le Jura.

En tant que député des Français établis en Allemagne, je souligne enfin que le ticket à 49 euros a posé de nombreux problèmes et qu’il n’existe plus ; son prix s’établit désormais à 90 euros. Pour qu’il soit véritablement intéressant, il faut que les trains roulent et arrivent à l’heure. Nous avons voulu prolonger cette innovation en créant un billet forfaitaire franco-allemand à destination des jeunes pour l’été prochain.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. D’aucuns considèrent peut-être que les liaisons ferroviaires entre le Luxembourg et les villes françaises proches de ce pays n’ont pas d’importance politique. Je veux leur apporter un démenti historique formel. Lors de l’une des crises les plus importantes de la construction européenne, qui s’est résolue par le compromis dit de Luxembourg, le général de Gaulle, qui pratiquait la politique de la chaise vide, avait interdit à son ministre des affaires étrangères, M. Couve de Murville, de négocier la solution de la crise ailleurs que sur le territoire national. Or les partenaires de la France voulaient absolument que la négociation ait lieu à Luxembourg. Un compromis a été trouvé : la négociation s’est faite à Thionville, où M. Couve de Murville s’est installé ; mais encore fallait-il organiser le transport final du ministre à Luxembourg, à une trentaine de kilomètres de là… La construction européenne a alors pu repartir sur de nouvelles bases. C’est dire que nous traitons d’un sujet très important !

*

Article unique : approbation de l’avenant au protocole d’accord avec le Luxembourg du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables, signé le 19 octobre 2021

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 

 


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   Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand‑Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables, signé à Esch‑sur‑Alzette le 19 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1183)


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   Annexe 2 :
Liste des personnes auditionnÉes

 

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Mme Marion Hascoet, rédactrice, sous-direction de l’Europe occidentale et nordique,

Mme Alaïa Guénard, conseillère juridique, Mission des Accords et Traités.

 

Ministère de la transition écologique

M. Sylvain Glantenay, sous-direction de l’action européenne, Bureau Transports et mer,

Mme Marine Jegou, sous-direction de l’action européenne, Bureau Transports et mer.

 


([1]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039287759  

([2])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039666873  

([3]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043221069

([4]) De 6 heures à 8 heures 30 environ de Thionville vers Luxembourg et de 16 heures à 19 heures en sens inverse.

([5]) Actuellement la ligne permet d’accueillir cinq TER et un TGV par heure et par sens aux heures de pointe.