N° 1440

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027

PAR MM. Jean TERLIER, Erwan BALANANT, Philippe PRADAL

Députés

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES

PAR Mme Perrine GOULET

Députée

——

TOME I

INTRODUCTION, COMMENTAIRES D’ARTICLES, AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES, PERSONNES ENTENDUES

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  569, 660, 661 et T.A. 129 (20222023).

 Assemblée nationale :  1346.


 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 9

I. Présentation synthétique du projet de loi

II. Les modifications apportées par le Sénat

III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

COMMENTAIRES DES ARTICLES

titre ier Objectifs et moyens du ministère de la justice

Article 1er Programmation financière et approbation du rapport annexé

titre ii DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre Ier Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Article 2 Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Article 2 bis (art. 367 du code de procédure pénale) Valeur de titre de détention de l’arrêt de cour d’assises condamnant  à une peine d’emprisonnement un accusé comparaissant détenu

Chapitre II Dispositions améliorant le déroulement de la procédure pénale

Section 1 Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement et à l’exécution des peines

Article 3 A (art. 2308 du code de procédure pénale) Amélioration de la gestion du fichier  des traitements des antécédents judiciaires

Article 3 B (nouveau) (art. 2-1, 695-9-17, 695-22, 713-20, 713-37, 728-32 du code de procédure pénale) Dispositions sur la correction du terme « race »  dans le code de procédure pénale

Article 3 (art L. 41317 du code de la justice pénale des mineurs, art. L. 6121 du code pénitentiaire et art. 551, 591 [nouveau], 633, 8011, 114, 1426, 14261 [nouveau], 145-1, 145-2, 153, 156, 1612, 165, 167, 1672, 186, 1861, 230341 [nouveau], 23036, 396, 3971, 3972, 3973, 602, 6021 [nouveau], 706792 [nouveau], 706961, 706962 [nouveau], 706-96-3 [nouveau], 70697, 8035 et 8037 du code de procédure pénale) Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement  et à l’exécution des peines

I. Perquisitions de nuit concernant les crimes contre les personnes

II. Dispositions tendant à renforcer le recours au statut de témoin assisté

III. Dispositions concernant l’enquête préliminaire

IV. Dispositions concernant l’assignation à résidence sous surveillance électronique

V. L’unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate

VI. Le choix laissé au procureur des suites à donner en cas de renvoi à mieux se pourvoir

VII. La Possibilité pour le procureur de proposer une nouvelle peine en cas de refus d’homologation de la première proposition de peine dans le cadre de la CRPC

VIII. Le recours à l’interprétariat et à l’examen médical par voie de télécommunications

IX. L’activation à distance des appareils connectés aux fins de géolocalisation et de captation d’images et de sons

X. L’Anonymat des interprètes sollicités dans le cadre des procédures en matière de terrorisme

XI. Présence obligatoire de l’avocat pour procéder à la réalisation de relevés signalétiques sans consentement

XII. La possibilité pour la JIRS de Fort-de-France de recourir à la visioconférence

XIII. Les pourvois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

XIV. Les améliorations concernant la justice pénale des mineurs

Article 3 bis AA (nouveau) (art. 2-1 du code de procédure pénale) Élargissement des possibilités ouvertes aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination en matière d’exercice des droits reconnus à la partie civile

Article 3 bis AB (nouveau) (art. 41-1-3 du code de procédure pénale) Dispositions relatives au contrôle de certaines des obligations pouvant être imposées dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale

Article 3 bis A (art. 41-4 du code de procédure pénale) Interdiction de la destruction des scellés pour une période étendue  en cas de non résolution d’une affaire criminelle

Article 3 bis B (art. 68911 du code de procédure pénale) Assouplissement de la condition de double incrimination  pour la compétence universelle de la justice française

Article 3 bis C (art. 693 et 706-106-1 du code de procédure pénale) Élargissement du champ de la compétence concurrente  du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés  du tribunal judiciaire de Nanterre

Article 3 bis (supprimé) (art. 48-2 [nouveau] du code de procédure pénale) Accès des statisticiens publics aux données des affaires en cours

Article 4 (art. 131-8 et 131-9 du code pénal, art. 464-2, 474, 702-1, 703, 712-6, 712-13, 723-2, 723-7-1, 747-1 et 747-1-1 du code de procédure pénale, art. L 122-1 du code de la justice pénale des mineurs) Dispositions visant à favoriser le recours au travail d’intérêt général

Section 2 Dispositions améliorant l’indemnisation des victimes

Article 5 (art. L. 2141, L. 2176, L. 5322, L. 5522 et L. 5622 du code de l’organisation judiciaire, art. 7063, 70614, 706142 et 706143 [nouveau] du code de procédure pénale) Dispositions améliorant l’indemnisation des victimes

titre III DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

Chapitre 1er Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques

Article 6 Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques (TAE)

Article 7 Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

Chapitre II Diverses dispositions relatives à la formation et à la responsabilité des juges non professionnels

Article 8 (art. L. 144111 et L. 1442141 [nouveau] du code du travail) Conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes et régime disciplinaire applicable

Article 8 bis A  (art. L. 144217 et L. 144218 du code du travail) Adaptation et ouverture de la procédure de relèvement d’incapacité aux conseillers prud’hommes réputés démissionnaires pour défaut de formation initiale

Article 8 bis  (art. 14213 [nouveau] du code du travail) Création d’une obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’hommes

Article 8 ter  (art. 14419 et 14423 du code du travail)  Instauration d’une limitation du cumul des mandats de conseiller prud’hommes et d’une limite d’âge pour l’exercice de cette fonction

Article 8 quater  (art. 1441-19 et 144129 du code du travail) Assouplissement des règles de parité femmes-hommes pour les listes de candidats aux fonctions de conseillers prud’hommes.

Article 9 (art. L. 7226,  L. 722111 [nouveau] et L. 7235 [nouveau] et L. 7236 [nouveau] et L. 72412 [nouveau] du code de commerce) Sanction de l’obligation de formation des présidents de tribunal de commerce et du refus de siéger sans motif légitime des juges consulaires

Article 10 (art. L. 2183, L. 2184, L. 2186, L. 21812 et L. 21813 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire) Sanction par la démission d’office en cas d’absence de suivi de la formation initiale par les assesseurs de pôle sociaux

Article 10 bis (art. 251­5 du code de l’organisation judiciaire)  Suppression de la prestation de serment pour les assesseurs des tribunaux pour enfants qui ont déjà exercé des fonctions judiciaires au sein d’un tel tribunal

titre IV OUVERTURE ET MODERNISATION DE L’INSTITUTION JUDICIAIRE

Chapitre Ier Juridictions judiciaires

Article 11 (art. L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire, art. L. 123-5 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. 706 du code de procédure pénale et art. 803-9 du code de procédure pénale [nouveau]) Organisation de l’équipe autour du magistrat

Article 12 (art. L. 212-9 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 312-9 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 436-1 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 122-4, L. 221-2-2 et L. 222-3-1 du code de justice administrative [nouveaux]) Participation des parlementaires au conseil de juridiction

Article 12 bis (art. L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire) Correction d’une référence à un article abrogé

Chapitre II Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

Article 13 (art. 11 et 12, de l’ordonnance  2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, et art. 223 et 23 de la loi n° 711130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)  juridiction disciplinaire des officiers ministériels et des avocats

Article 13 bis (nouveau) (art. L. 3172-2 du code du travail) Clarification rédactionnelle relative aux chambres de discipline des officiers publics ministériels

Chapitre III Administration pénitentiaire

Article 14 (art. L. 113-4-1 [nouveau], L. 114-1, L. 114-2 et L. 223-20 [nouveau] du code pénitentiaire, art. 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018) Dispositions concernant l’administration pénitentiaire

titre V DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL ET AUX PROFESSIONS réglementées du droit

Chapitre Ier Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

Article 15 (articles L. 342-1, L. 342-4 à L. 342-7, L. 342-9, L. 342-11, L. 342-12, L. 342-16, L. 342-17, L. 3433, L. 343-10, L. 343-11, L. 352-7, L. 614-13, L. 733-7 à L. 733-11, L. 741-10, L. 742-1, L. 742-4 à L. 742-8, L. 742-10, L. 743-1, L. 743-2, L. 743-4 à L. 743-9, L. 743-11 à L. 743-14, L. 743-18 à L. 743-21, L. 743-23, L. 743-24, L. 744-17, L. 751-5 et L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, L. 213-10 du code de l’organisation judiciaire, 137-1-1 du code de procédure pénale, L. 3131-13, L. 3211-12 à L. 3211-12-4, L. 3212-11, L. 3213-3, L. 3213-8, L. 3213-9-1, L. 3214-2, L. 3215-1, L. 3216-1, 3222-5-1 et L. 3223-1 du code de la santé publique) Transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention

Chapitre II Diverses dispositions portant modernisations processuelles et relatives aux professions réglementées du droit

Article 16 (articles L. 814-2 et L. 814-13 du code de commerce) Création d’un portail unique des déclarations de créances

Article  17 (articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, L. 121-4, L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-16 [nouveaux], et L. 213-5 du code des procédures civiles d’exécution, L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, L. 3252-4, et L. 3252-8 à L. 3252-13 du code du travail, 1 et 16 de l’ordonnance  2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice) Réforme de la procédure de saisie des rémunérations

Article 18 (article 16 de la loi  2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice) Dispositions relatives à la légalisation des actes publics étrangers

Article 19 (articles 11, 12 et article 58-1 [nouveau] de la loi  71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) Élévation du niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d’avocat

Article 20 (articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce) Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

Article 21 (article 198 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique) Report de l’habilitation sur la publicité foncière

Titre VI Dispositions diverses relatives aux juridictions administratives et financières et à la responsabilité des gestionnaires publics

Article 22 (Art. L. 131-2, L. 131-6, L. 231-1-1, L. 231-5-1, L. 233-2 et L. 234-2-1 du code de justice administrative ; art. L. 112-3-1 et L. 221-3 du code des juridictions financières ; article 9 de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État) Conditions d’accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et des magistrats des chambres régionales des comptes en sortie de l’Institut national du service public

Article 23 (Art. L. 120-14, L. 122-3, L. 212-2, L. 220-3, L. 221-2, L. 221-2-1, L. 222-1, L. 262-15, L. 262-25, L. 272-17 et L. 272-28 du code des juridictions financières) Diverses modifications statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

Article 24 (Art. L. 142-1-1 du code des juridictions financières ; art. 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement) Ratification de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Article 25 (Art. L. 131-12 et L. 231-10 [nouveaux] du code de justice administrative et art. L. 120-3-1 et L. 2204-1 [nouveaux] du code des juridictions financières) Mécanisme d’extension par décret des accords nationaux relatifs à la couverture complémentaire santé aux magistrats administratifs et financiers

Article 26 (Art. L. 314-1, L. 314-9, L. 351-1, L. 351-2 [abrogé], L. 351-3, L. 351-4 [abrogé], L. 351-5 [abrogé], L. 351-6, L. 351-7 [abrogé], L. 351-8 du code de l’action sociale et des familles ; art. L. 6114-4 et L. 6143-4 du code de la santé publique et art. L. 162-24-1 du code de la sécurité sociale) Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun

Article 26 bis (Art. L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative ; art. L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières ; art. L. 122-12 du code général de la fonction publique et art. L. 4122-8 du code de la défense) Coordination avec le projet de loi organique

Titre VII Dispositions transitoires et finales

Article 27 (Art. L. 513-11, L. 531-1, L. 551-1, L. 552-2, L. 552-9-1, L. 552-9-2 à L. 552-9-11, L. 552-9-2 à L. 552-9-12 [nouveaux], L. 552-9-4, L. 552-9-6, L. 552-9-11, L. 552-10, L. 561-1, L. 562-2, L. 5626-1, et L. 562-25 du code de l’organisation judiciaire ; art. L. 362-1, L. 363-1, L. 364-1, L. 3642, L. 365-1, L. 365-2, L. 366-1, L. 366-2, L. 654-1, L. 656-1, L. 761-8, L. 762-1, L. 763-1, L. 764-1, L. 765-1, L. 766-1, L. 832-1, L. 833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; art. L. 3821-11, L. 3841-2, L. 3844-1, L. 3844-2 du code de la santé publique ; art. L. 950-1 du code de commerce ; art. 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; art. 804, 864 et 900 du code de procédure pénale, art. L. 752-1, L. 753-1, L. 757-1, L. 762-1, L. 763-1, L. 767-1, L. 772-1, L. 773-1, L. 777-1 du code pénitentiaire ; art. 711-1 du code pénal, L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs ; art. L. 930-1, L. 940-1 du code de commerce) Application outre-mer

Article 28 Dispositions transitoires relatives aux juristes assistants et aux titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA)

Article 29 Application différée dans le temps de certaines dispositions

Avis fait au nom de la commission des finances

Personnes entendues

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 est un rendez-vous incontournable pour la commission des Lois. Ainsi que le président de la République l’a rappelé lors de son allocution du 17 avril 2023, la justice et l’ordre public, au service de l’État de droit, constituent des chantiers prioritaires pour la France et pour la majorité parlementaire.

Après la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (dite « Lopmi »), qui a donné lieu à des débats riches et des engagements forts en faveur de la sécurité des Français, le Parlement est invité à se prononcer sur les grandes orientations stratégiques et financières du ministère de la Justice, comme il l’avait fait à l’occasion de l’examen de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

La majorité avait, à l’époque, engagé de grandes transformations qui se sont depuis concrétisées avec succès : la création des tribunaux judiciaires, l’élaboration du code de la justice pénale des mineurs, l’expérimentation des cours criminelles départementales, la mise en place d’un parquet national antiterroriste. Tout au long du quinquennat, la Justice de notre pays a été réformée sur diverses questions : la responsabilité pénale ([1]), les violences intrafamiliales ([2]), la lutte contre la haine en ligne ([3]), la discipline des professionnels du droit ([4]), l’application des peines et l’accès au travail des détenus ([5]).

Les résultats sont encourageants : certains délais diminuent, les victimes sont mieux prises en charge, la réinsertion des personnes condamnées est améliorée, de nombreuses procédures ont été simplifiées et modernisées. C’est un grand pas dans le rétablissement du lien de confiance qui doit unir les citoyens et l’institution judiciaire.

Toutefois, des difficultés persistent. Elles ont été clairement identifiées à l’occasion des États généraux de la justice, lancés en octobre 2021 et dont le rapport final a été remis au Garde des Sceaux le 8 juillet 2022. 50 000 personnes ont participé à ces travaux dont plus de 12 000 magistrats et agents du ministère, 18 000 citoyens et 8 500 détenus. Au total, plus d’un million de contributions individuelles ou collectives ont été déposées. Cette méthode nouvelle, d’une ampleur inédite, a permis aux professionnels de faire un état des lieux objectif de la situation et de formuler des propositions partagées, sans interférence politique.

Plusieurs grands défis sont identifiés pour les années à venir : poursuivre la réduction des délais de jugement en matière correctionnelle et civile, s’appuyer sur le numérique pour simplifier les procédures, revaloriser les métiers de la justice et la coordination des membres de l’équipe autour du magistrat, lutter contre la surpopulation carcérale et limiter la récidive par la réinsertion. Le Gouvernement et la majorité se sont engagés à trouver les solutions nécessaires.

Pour poursuivre le redressement du service public de la justice, délaissé depuis trop longtemps par les gouvernements qui se sont succédés, l’effort financier historique engagé pour renforcer le budget de la justice (+ 32 % depuis 2017) va se poursuivre jusqu’en 2027. Les crédits alloués augmenteront de 21,3 % entre 2022 et 2027, notamment pour financer le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires.

Par ailleurs, le rapport annexé présente la stratégie du ministère pour les années à venir, tant dans le domaine législatif que règlementaire. Il donne l’opportunité au Parlement d’en avoir une vision d’ensemble et d’y apporter ses propres compléments, même si ce texte n’a pas de valeur contraignante.

Enfin, le projet de loi prévoit diverses évolutions dans tous les champs du droit : procédure pénale, administration pénitentiaire, justice des mineurs, procédure civile, professions réglementées, justice commerciale, organisation des juridictions, statut des magistrats non professionnels, justices administrative et financière.

L’articulation de grandes réformes, comme la refonte à droit constant du code de procédure pénale ou l’expérimentation des tribunaux des affaires économiques, avec des ajustements de nature opérationnelle, notamment sur les pouvoirs d’enquête et les professions du droit, permettront de moderniser sur le long terme le service public de la Justice, au profit des usagers et des acteurs qui le servent avec dévouement.

Le projet de loi ayant été déposé et examiné en premier lieu au Sénat, vos rapporteurs ont dû travailler dans des délais contraints qui ne les ont toutefois pas empêché d’organiser quarante-cinq auditions et de recueillir l’avis de plus de cent-dix professionnels et experts. Lors de son examen par la commission des Lois à l’Assemblée nationale, le projet de loi s’est enrichi de nombreuses dispositions, tant à l’initiative de la majorité que des oppositions, démontrant le souci partagé par l’ensemble des groupes de faire de la Justice une grande priorité pour les années à venir.

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I. Présentation synthétique du projet de loi

Lors de son dépôt au Sénat, le 3 mai 2023, le projet de loi comprenait 29 articles.

L’article 1er approuve le rapport annexé au projet de loi et décrit l’évolution annuelle des crédits de paiement de la mission Justice, hors charges de pension, pour la période 2023-2027.

L’article 2 habilite le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à la réécriture à droit constant du code de procédure pénale, le délai d’habilitation étant de vingt-quatre mois.

L’article 3 modifie la procédure pénale sur plusieurs aspects :

– il permet la réalisation encadrée de perquisitions de nuit en matière de crimes contre les personnes ;

– il étend les droits des témoins assistés, en particulier en matière d’expertise, et permet à une personne mixe en examen de demander à être placée sous le statut de témoin assisté dans un délai de six jours ;

– il crée une nouvelle procédure d’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) sous condition suspensive de faisabilité ;

– il confie au juge des libertés et de la détention la compétence de modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE ;

– il permet de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière ;

– il laisse au procureur le choix des suites à donner en cas de renvoi à mieux se pourvoir ;

– il prévoit la possibilité de recourir à la visioconférence pour l’examen médical lors d’une prolongation de garde à vue et pour le recours à un interprète en garde à vue ou en audition libre ;

– il unifie les délais d’audience et de jugement en matière de comparution immédiate ;

– il rend possible l’activation à distance des appareils électroniques aux fins de géolocalisation et, dans le cadre des techniques spéciales d’enquête, de captation d’image et de sonorisation.

L’article 4 élargit les possibilités de recours au travail d’intérêt général (TIG).

L’article 5 améliore l’indemnisation des victimes d’infractions, en étendant le champ des régimes d’indemnisation existants et en créant un nouveau régime pour les victimes de violation de domicile.

L’article 6 a pour objet l’expérimentation d’un tribunal des activités économiques (TAE) composé des juges consulaires actuellement en fonction et, éventuellement, d’un magistrat du corps judiciaire en qualité d’assesseur par formation de jugement.

L’article 7 a pour objet l’expérimentation d’une contribution pour la justice économique.

L’article 8 étend les possibilités de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes et précise le régime disciplinaire qui leur est applicable.

L’article 9 institue une obligation de formation initiale pour les juges consulaires élus présidents d’un tribunal de commerce et sanctionne le refus de siéger sans motif légitime des juges consulaires.

L’article 10 prévoit la sanction applicable aux assesseurs des pôles sociaux de tribunaux judiciaires qui ne satisfont pas à l’obligation de formation initiale.

L’article 11 crée la fonction d’attaché de justice et inscrit la fonction d’assistant spécialisé dans le code de l’organisation judiciaire.

L’article 12 prévoit la participation des parlementaires au conseil de juridiction.

L’article 13 opère des mesures de coordination pour permettre aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles de siéger dans les juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats.

L’article 14 crée la possibilité de recruter des surveillants adjoints par voie contractuelle, il accroît le vivier de la réserve civile pénitentiaire et il généralise l’expérimentation du port de caméras individuelles par certains personnels pénitentiaires.

L’article 15 prévoit le transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention (JLD) à un magistrat du siège du tribunal judiciaire.

L’article 16 étend les possibilités de communication électronique dans le cadre des procédures collectives.

L’article 17 réforme la procédure de saisie des rémunérations en supprimant l’autorisation judiciaire préalable à la saisie et en confiant les opérations de saisie aux commissaires de justice en lieu et place des greffes des tribunaux judiciaires. 

L’article 18 institue une voie de recours à l’encontre des décisions de refus de légalisation des actes publics étrangers.

L’article 19 rehausse le niveau de diplôme exigé pour accéder à la profession d’avocat en fixant une condition de détention d’un master en droit.

L’article 20 corrige une erreur de plume issue de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016. 

L’article 21 proroge jusqu’au 1er novembre 2024 une habilitation accordée au Gouvernement pour réformer par voie d’ordonnance la publicité foncière.

L’article 22 supprime l’obligation de détachement préalable à l’intégration des corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et des magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) à la sortie de l’Institut national du service public (INSP).

L’article 23 prévoit plusieurs modifications statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des CRC : la nomination des conseillers référendaires en détachement au grade de conseiller maître selon la même procédure d’avancement interne que les conseillers référendaires en activité en juridiction ; la dissociation de la fonction de « président de section » et du grade associé, qui deviendrait celui de « conseiller président » ;  le raccourcissement de sept à cinq ans de la durée de l’emploi de président ou vice-président de chambre régionale des comptes au sein d’une même chambre.

L’article 24 ratifie l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Il prévoit également une mesure de coordination concernant le contrôle de l’indemnité des membres du Parlement.

L’article 25 permet aux membres des juridictions administratives et financières de se voir étendre, par décret, le bénéfice d’un accord conclu au niveau national pour la fonction publique de l’État en matière de protection complémentaire santé.

L’article 26 habilite le Gouvernement à transférer par ordonnance le contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun.

L’article 27 prévoit les modalités d’application outre-mer des dispositions du projet de loi.

L’article 28 prévoit des dispositions transitoires concernant l’évolution du statut des juristes assistants.

L’article 29 porte sur l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi.

II. Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a modifié 22 articles du projet de loi initial, a adopté sans modifications 6 articles du projet de loi initial et a supprimé son article 21 reportant au 1er novembre 2024 le délai d’habilitation à réformer, par voie d’ordonnance, la publicité foncière.

Il a en outre introduit 13 nouveaux articles.

À l’article 1er, les sénateurs ont modifié la répartition des créations nettes d’emplois sur la période 2023-2027, en ajoutant 300 greffiers et 600 conseillers d’insertion et de probation. Ils ont également supprimé la mention faite des 605 personnels recrutés en gestion en 2022. En conséquence, ils les ont retranchés au nombre total de créations nettes d’emplois, les fixant à 9 395 équivalents temps plein. 

Sur le rapport annexé, la commission des Lois a adopté, sur proposition du Gouvernement, un amendement qui détaille l’institutionnalisation au sein des tribunaux judiciaires des pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.

À l’article 2, les sénateurs ont différé l’entrée en vigueur de l’ordonnance de réécriture du code de procédure pénale au plus tôt un an après sa publication, et ont réduit de moitié le délai prévu pour déposer le projet de loi de ratification, passé de six à trois mois.

L’article 2 bis a été introduit en commission à l’initiative du sénateur Jean‑Claude Requier (RDSE) ; il prévoit expressément que l’arrêt d’une cour d’assises condamnant à une peine d’emprisonnement un accusé comparaissant détenu, vaut titre de détention.

L’article 3 A, introduit en séance sur proposition du Gouvernement, améliore la gestion du fichier des traitements des antécédents judiciaires (TAJ).

À l’article 3, dont le contenu est particulièrement riche, les principales modifications apportées par le Sénat sont les suivantes :

– s’agissant des perquisitions de nuit, l’extension en séance du dispositif au cadre de l’information judiciaire, sur proposition de M. Thani Mohamed Soilihi (RDPI), et l’ajout en commission d’une condition tenant à l’imminence du risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique d’une personne, à l’initiative de M. Guy Benarroche (EST) ;

– le rallongement des délais de l’enquête préliminaire et la nécessité de formuler une demande pour déclencher la comptabilisation de la durée de l’enquête préliminaire ;

– la reconnaissance de nouveaux droits pour les témoins assistés, sur proposition de M. Benarroche, et l’augmentation de six à dix jours du délai pour qu’une personne mise en examen puisse demander à être placée sous le statut de témoin assisté, à l’initiative de Mme Cécile Cukierman et du groupe CRCE ; ces modifications ont été apportées en séance ;

– plusieurs coordinations s’agissant de la compétence du juge des libertés et de la détention (JLD) pour modifier les interdictions et obligations des contrôles judiciaires ou ARSE ;

– l’exigence qu’un examen médical physique ait déjà eu lieu pendant la garde à vue pour pouvoir recourir à la visioconférence aux fins de réaliser un examen médical ;

– un encadrement plus strict du recours à l’activation à distance en vue de géolocalisation – en restreignant le champ aux infractions punies de dix ans d’emprisonnement au moins – et de sonorisation ou captation d’images – en interdisant la possibilité d’activer les appareils de toutes les personnes travaillant ou résidant habituellement dans les lieux liés aux activités des avocats, journalistes, médecin, notaire, huissier, parlementaires et magistrats ;

– l’anonymisation des interprètes qui interviennent dans les procédures en matière de terrorisme ;

– la possibilité pour le procureur de la République, dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et en cas de refus d’homologation par le juge, de faire une nouvelle proposition de peine ;

– l’élargissement du permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat aux associés et collaborateurs de ce dernier.

L’article 3 bis A a été introduit en séance au Sénat à l’initiative de M. Hervé Marseille et de Mme Cécile Cukierman ; il prévoit que, dans le cadre des affaires criminelles non résolues, la destruction des scellés est interdite pendant dix ans à compter de l’acquisition de la prescription de l’action publique.

L’article 3 bis B a été introduit en séance à l’initiative de Jean‑Pierre Sueur (SER) ; il consacre dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation du 12 mai 2023 en matière de compétence universelle de la justice française pour connaître des crimes internationaux, qui n’exige pas, pour apprécier la satisfaction de la condition tenant à la double incrimination, que la qualification pénale du crime soit identique dans les deux législations.

L’article 3 bis C a lui aussi été introduit en séance, à l’initiative de M. Hervé Marseille et de Mme Cécile Cukierman ; il élargit le champ de la compétence concurrente du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre aux faits d’atteintes aux personnes graves et non résolus, commis sur des ressortissants français à l’étranger, et à l’égard de toutes les infractions connexes aux crimes relevant de sa compétence.

Adopté en commission à l’initiative des rapporteures, l’article 3 bis autorise les services de la statistique publique dépendant du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice à accéder aux données ou aux informations relatives aux affaires en cours.

À l’article 4, sur proposition de M. Thani Mohamed Soilihi, le Sénat a inséré plusieurs dispositions concernant le renvoi vers la juridiction compétente à l’égard des majeurs des personnes poursuivies devant la juridiction pour mineurs mais dont il est finalement avéré qu’elles étaient majeures au moment de la commission des faits

À l’article 5, sur propositions conjointes des rapporteures et du Gouvernement, les sénateurs, en commission, ont expressément inclus parmi les victimes de violences familiales les victimes de violences commises par les anciens conjoints, partenaires ou concubins, et ont fixé le point de départ du délai de forclusion de la demande d’indemnité, pour les victimes mineures, à leur majorité ; en séance, à l’initiative du Gouvernement, le Sénat a amélioré la prise en charge des frais de déplacement des victimes d’infractions commises à l’étranger.

À l’article 6, le Sénat a supprimé la possibilité d’intégrer à la composition des TAE des magistrats du corps judiciaire. Il a étendu la compétence des TAE pour connaître, d’une part, des procédures amiables et réglementées des professions du droit, et d’autre part, de toutes les contestations en matière de baux commerciaux. Il a également prévu la nomination de juges, durant la période de l’expérimentation, pour représenter les secteurs économiques actuellement non représentés dans le collège électoral des juges consulaires.

À l’article 7, le Sénat a précisé l’assiette de la contribution pour la justice économique. Il a également prévu d’associer le Parlement à l’évaluation de l’expérimentation.

L’article 8 bis A a été introduit en séance au Sénat à l’initiative de M. Thani Mohamed Soilihi. Il ouvre la procédure de relèvement d’incapacité aux conseillers prud’hommes réputés démissionnaires pour non-respect de l’obligation de formation, et prévoit que le relèvement est effectué par arrêté.

L’article 8 bis a été introduit par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de ses rapporteures. Il instaure une obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’hommes.

À l’article 9, un amendement des rapporteures a été adopté, lors de l’examen en commission, afin de revenir sur le caractère automatique de la démission en cas de refus de siéger d’un juge consulaire. Ce même amendement renforce l’obligation de formation initiale des juges consulaires, et apporte des précisions sur les règles de computation des durées du mandat.

À l’article 10, un amendement des rapporteures adopté par la commission des Lois a prévu des sanctions en cas de non-respect de l’obligation de formation ou en cas de refus de siéger des assesseurs des pôles sociaux de tribunaux judiciaires.

L’article 10 bis a été introduit en séance au Sénat à l’initiative de M. Thani Mohamed Soilihi, afin de prévoir que seuls les assesseurs qui n'ont jamais exercé de fonctions au sein d'un tribunal pour enfants prêtent serment.

À l’article 11, un amendement déposé par le Gouvernement et adopté en séance a ouvert la possibilité de délier les agents des finances publiques du secret professionnel vis-à-vis des assistants spécialisés, sur autorisation du procureur de la République. 

À l’article 12, la commission des lois du Sénat a instauré un conseil de juridiction auprès de la Cour de cassation et des juridictions administratives. Elle a également élargi l’accès au conseil de juridiction à tous les parlementaires.

L’article 12 bis a été introduit en séance au Sénat à l’initiative de M. Thani Mohamed Soilihi et procède à une modification rédactionnelle dans le code de l’organisation judiciaire.

À l’article 13, la commission des Lois du Sénat a supprimé, à l’initiative de ses rapporteures, certaines mesures de coordination rédactionnelles relatives à la participation des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles aux juridictions disciplinaires des avocats et des officiers publics ministériels. En séance, le Sénat a adopté deux amendements de ses rapporteures, afin d’assouplir les conditions de nomination des assesseurs dans ces juridictions disciplinaires, et de créer une procédure disciplinaire simplifiée pour les avocats.  

À l’article 14, plusieurs amendements identiques de Mme Marie-Pierre de la Gontrie, M. Jean‑Yves Roux et M. Guy Benarroche ont été adoptés, lors de l’examen en commission, aux fins de garantir l’anonymat des enregistrements des caméras individuelles lorsque ceux-ci sont utilisés à des fins pédagogiques ou de formation. En séance, à l’initiative de M. Mohamed Soilihi, le Sénat a inséré un nouvel article au sein du code pénitentiaire, rendant possible, dans certains cas, la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites disciplinaires.

À l’article 17, le Sénat a apporté plusieurs modifications à la réforme de la saisie des rémunérations qui ne remettent en cause ni le principe de la suppression de l’autorisation judiciaire préalable, ni celui du transfert aux commissaires de justice des opérations de saisie.

À l’article 18, le Sénat a prévu la compétence du juge judiciaire, au lieu du juge administratif, pour connaître des refus de légalisation des actes publics étrangers en matière d’état civil.

À l’article 19, le Sénat a ajouté des dispositions instituant la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

Le Sénat n’a en revanche pas modifié les articles 15, 16, 20.

Aux articles 22 et 25, le Sénat a procédé à des corrections de forme. Il n’a pas modifié l’article 24.

À l’article 23, le Sénat a supprimé deux dispositions. Il a rétabli la nomination hors tour des conseillers référendaires en position de détachement au grade de conseiller maître et la durée de sept ans pour les mandats de président et vice-président de CRC. Il a ajouté une disposition visant à permettre aux membres des CRC de résider dans l’ensemble de leur ressort et non pas obligatoirement dans la ville où elles siègent.

À l’article 26, le Sénat a supprimé l’habilitation du Gouvernement pour inscrire directement dans le projet de loi la réforme du transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale.

Le Sénat a introduit un article 26 bis procédant à des mesures de coordination en lien avec le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

À l’article 28, le Sénat a prévu un droit d’option en faveur des juristes assistants en cours de contrat afin de ne pas leur imposer un changement automatique de statut en qualité d’attaché de justice.

Aux articles 27 et 29, le Sénat a apporté des modifications rédactionnelles.

III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

Au total, 42 articles étaient donc en discussion dans le texte transmis à la Commission (41 articles adoptés par le Sénat et 1 article supprimé).

Sur ces 42 articles en discussion, la Commission en a adopté 14 sans modification, 26 avec des modifications, rétabli 1 et supprimé 1. Elle a également ajouté 4 articles additionnels.

À l’article 1er, outre le retour à la rédaction initiale du projet de loi s’agissant du nombre et de la répartition des créations nettes d’emplois, la Commission a adopté un amendement prévoyant la remise d’un rapport d’exécution sur la présente loi de programmation chaque année.

Sur le rapport annexé, la Commission a apporté plusieurs précisions touchant à l’administration pénitentiaire et a réintégré dans le rapport annexé les alinéas détaillant certaines des mesures de procédure pénale du présent texte qui avaient été supprimés par le Sénat.

Elle a également enrichi le rapport annexé en incluant la lutte contre le cyberharcèlement parmi les priorités en matière de justice pénale, en prévoyant une démarche forte en faveur de la justice restaurative et en améliorant les dispositifs en matière de protection de l’enfance.

Elle a rappelé à plusieurs reprises que la mise en œuvre des réformes devait se faire dans le respect de l’égalité territoriale. Elle a adopté plusieurs amendements visant à mieux préparer le monde judiciaire aux évolutions dans le domaine du numérique.

Elle a enrichi le rapport sur l’aide aux victimes en prévoyant le développement du dispositif « Téléphone grave danger » ainsi que sur la représentation des mineurs dans les procédures en invitant à une réforme de la mission, du statut et de la tarification des administrateurs ad hoc.

Elle a adopté trois amendements relatifs à la justice pénale des mineurs : le premier pour rappeler la réduction des délais de jugement depuis l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), le second pour adapter la formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) aux procédures prévues par ce même code, le troisième pour accélérer la dématérialisation des dossiers uniques de personnalité et la convergence des informations relatives aux prises en charge civile et pénale des mineurs.

Enfin, la Commission a ajouté une division consacrée à la réforme de la procédure civile, de niveau réglementaire, et détaillant les principales caractéristiques de l’audience en vue d’un règlement amiable, d’une part, et de la césure du procès civil, d’autre part.

À l’article 2, la Commission, sur proposition du Gouvernement, a rétabli le délai de six mois initialement prévu pour le dépôt du projet de loi de ratification.

L’article 3 a fait l’objet de nombreuses modifications :

– plusieurs aménagements ont été apportés au régime des perquisitions de nuit à l’initiative de vos rapporteurs ; la Commission est ainsi revenue sur l’exigence que le risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des personnes soit imminent, a précisé l’articulation entre le nouveau régime proposé et celui existant en matière de criminalité, a étendu au cadre de l’instruction le formalisme renforcé prévu en enquête de flagrance, et a substitué à la notion d’auteur du crime celle de personne soupçonnée d’y avoir participé, rédaction plus respectueuse de la présomption d’innocence et qui inclut expressément les complices ;

– la nécessité de formuler une demande pour déclencher la comptabilisation de la durée de l’enquête préliminaire a été supprimée à l’initiative de M. Rémy Rebeyrotte (RE)

– s’agissant des témoins assistés, leurs droits en matière d’expertise ont été substantiellement enrichis sur différents points, à travers l’adoption de plusieurs amendements présentés par vos rapporteurs et par Mme Caroline Yadan (RE) et M. Philippe Gosselin (LR) ;

– à l’initiative de vos rapporteurs, la Commission a apporté des précisions sur la transmission de la demande d’enquête de faisabilité au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) par le JLD lorsqu’il décide du placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) sous condition suspensive de faisabilité ;

– des ajustements d’ordre procédural ont été insérés, sur proposition du Gouvernement, s’agissant de la compétence du JLD pour les demandes de modification d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE ;

– à l’initiative de vos rapporteurs, la Commission a prévu qu’une personne en détention provisoire soit avertie, au moins cinq jours avant, de la tenue d’un débat contradictoire portant sur la prolongation de cette détention ;

– par l’adoption d’un amendement de vos rapporteurs, la Commission a également unifié les délais de comparution immédiate que la personne soit placée en détention provisoire, sous contrôle judiciaire ou sous ARSE

– s’agissant du recours à la visioconférence, la Commission est revenue sur la condition introduite au Sénat, adoptant en ce sens deux amendements de Mme Danielle Brulebois (RE) et du Gouvernement ; à l’initiative de vos rapporteurs, elle a également complété les hypothèses d’exclusion de ce recours, et a précisé les conditions dans lesquelles le médecin peut se prononcer sur la nécessité éventuelle d’un examen physique, par l’adoption d’un amendement de M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES) ;

– à l’initiative de Mme Naïma Moutchou (Horizons), la Commission a apporté de nouvelles garanties en matière d’activation à distance aux fins de géolocalisation, en interdisant l’activation aux fins de géolocalisation d’un appareil appartenant à un médecin, un notaire, un huissier ou un journaliste, en plus des députés, sénateurs, magistrats, avocats – déjà protégés par les dispositions du texte ;

– en parallèle, la Commission a proposé de nouvelles garanties en matière d’activation à distance aux fins de sonorisation ou de captation d’images : d’une part, vos rapporteurs ont écrit lisiblement l’interdiction de cette opération sur les appareils électroniques utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste, un médecin, un notaire ou un huissier ; d’autre part, l’adoption de trois amendements identiques de Mme Naïma Moutchou (Horizons), de Mme Caroline Abadie (RE) et de vos rapporteurs a clarifié l’interdiction de la retranscription des échanges avec un avocat ou un journaliste et de tout échange qui serait capté par un appareil activé à distance s’il apparaît que celui-ci se trouvait dans un lieu lié à l’activité d’un avocat, journaliste, médecin, notaire, huissier ou magistrat.

De nouvelles dispositions ont par ailleurs été introduites dans cet article 3 :

– les modalités d’audition d’un témoin non soupçonné dans le cadre d’une information judiciaire ont été alignées sur celles prévues dans le cadre d’une enquête de flagrance et d’une enquête préliminaire, sur proposition de vos rapporteurs ;

– l’accès au dossier par les parties avant la première audition ou le premier interrogatoire a été consacré, à l’initiative de Mme Yadan et de Mme Emeline K/Bidi (GDR) ;

– la Commission, à l’initiative de vos rapporteurs, a imposé la présence obligatoire de l’avocat d’une personne en garde à vue faisant l’objet de relevés signalétiques sans son consentement ;

– elle a également adopté un amendement du président Sacha Houlié (RE) visant à permettre à la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France de recourir à la visioconférence pour certains interrogatoires, débats et jugements ;

– elle a par ailleurs adopté deux modifications du code de la justice pénale des mineurs, l’une pour permettre d’avancer la date de l’audience de jugement des mineurs placés en détention provisoire, l’autre pour simplifier la signification des déclarations de culpabilité et des convocations aux audiences ;

– enfin, elle a adopté un amendement du Gouvernement permettant d’aligner certains éléments de la procédure de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation sur celle prévue pour les chambres civiles.

L’article 3 bis a été supprimé, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Ugo Bernalicis (LFI – NUPES).

À l’article 4, à l’initiative de M. Jérémie Iordanoff (Écologiste – NUPES), la Commission a offert aux juges de l’application des peines la possibilité de convertir une peine d’amende en peine de travail d’intérêt général (TIG). Deux nouvelles dispositions ont en outre été introduites par vos rapporteurs : d’une part, la modification de la juridiction compétente en matière de relèvement d’une interdiction, déchéance ou incapacité ou d’une mesure de publication quelconque résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire et, d’autre part, l’élargissement des possibilités de comparution de la personne condamnée lorsqu’un appel est porté devant la chambre de l’application des peines.

À l’article 5, la Commission, sur proposition de vos rapporteurs, a précisé les dispositions ajoutées par le Sénat en clarifiant les conditions de mise en œuvre de la prise en charge des frais de déplacement en cas d’infraction commise à l’étranger.

La Commission a rétabli la version initiale de l’article 6 sur plusieurs points. Elle a ainsi exclu les professions réglementées du droit du champ de compétence des TAE. De même, elle a supprimé les dispositions permettant la nomination de juges, issus de certains secteurs professionnels, durant la période de l’expérimentation. Enfin, elle a limité la compétence des TAE en matière de baux en rétablissant un critère de connexité avec la procédure collective.

À l’article 7, la Commission a exonéré de contribution pour la justice économique les entreprises de moins de 250 salariés. Elle a également recentré l’exonération des personnes morales de droit public sur l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements.

À l’article 8 bis, la Commission a porté à six mois le délai au terme duquel les conseillers prud’hommes doivent avoir déposé leur déclaration d’intérêts.

À l’article 9, la Commission a renvoyé au décret le soin de préciser le délai au terme duquel les présidents des tribunaux de commerce doivent avoir satisfait à leur obligation de formation spécifique, afin d’éviter que ne puissent être prises en compte les formations effectuées par anticipation ou lors d’un précédent mandat.

À l’article 11, la Commission a précisé le niveau de recrutement des attachés de justice et les matières dans lesquelles ils pouvaient recevoir des délégations de signature.

À l’article 12, la Commission a supprimé les conseils de juridiction placés au sein des juridictions administratives et auprès de la Cour de cassation. Elle a également prévu la possibilité pour les parlementaires de participer au conseil de juridiction quel que soit son ordre du jour.

À l’article 13, la Commission a rétabli des coordinations nécessaires s’agissant des magistrats honoraires habilités à siéger dans les juridictions disciplinaires des avocats et des officiers ministériels, et a réparé un oubli s’agissant des modalités de révocation du sursis pour les peines d’amende émises par ces mêmes juridictions.

La Commission a rétabli la version initiale de l’article 17 sur plusieurs points en supprimant les ajouts du Sénat rendant obligatoire les phases amiables avant toute mesure d’exécution forcée, permettant la saisine du juge de l’exécution par simple requête, et dispensant de sanction les déclarations inexactes de l’employeur lors de la mise en œuvre d’une procédure de saisie des rémunérations.

À l’article 18, la Commission a rétabli la compétence exclusive du juge administratif pour connaître des décisions de refus de légalisation des actes publics étrangers.

À l’article 19, la Commission a adopté des amendements en vue de sécuriser la situation juridique des élèves-avocats durant les périodes de stage.

La Commission a rétabli l’article 21 et a accordé, à sa demande, une habilitation au Gouvernement, jusqu’au 1er novembre 2024, pour réformer par voie d’ordonnance la publicité foncière.

À l’article 22, la Commission a adopté deux amendements visant à prévoir une prestation de serment pour les magistrats administratifs et la possibilité pour les conseillers des TACAA et des CRC de se porter candidat à l’auditorat à la Cour des comptes. Elle a également adopté un amendement du Gouvernement pour augmenter de trois à six ans l’ancienneté requise pour accéder au grade de premier conseiller des TACAA.

À l’article 23, la Commission a rétabli, sur proposition du Gouvernement, les deux dispositions supprimées par le Sénat concernant l’avancement des conseillers référendaires à la Cour des comptes en détachement et la réduction de la durée des mandats des présidents de CRC. Elle a également adopté un amendement visant à supprimer l’obligation de changer d’affectation lors du passage du grade de premier conseiller de CRC à celui de conseiller président.

À l’article 24, la Commission a adopté un amendement pour permettre à l’Agence française anticorruption (AFA) de déférer au ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer des infractions financières.

Elle a en outre inséré 4 nouveaux articles dans le projet de loi ; il s’agit des articles 3 B, 3 bis AA, 3 bis AB, 13 bis.

L’article 3 B, introduit à l’initiative de M. Raphaël Gérard (RE), ajoute, dans le code de procédure pénale, l’adjectif « prétendue » devant les occurrences du terme « race ».

L’article 3 bis AA, introduit à l’initiative de M. Ugo Bernalicis (LFI – NUPES), ouvre aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les destructions ou dégradations de monuments ou les violations de sépultures.

L’article 3 bis AB, introduit à l’initiative de M. Jérémie Iordanoff (Écologiste – NUPES), place sous la direction du procureur de la République certaines des obligations pouvant être imposées dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale.

L’article 13 bis a été introduit par la Commission des Lois, sur proposition de ses rapporteurs, afin de clarifier la rédaction de l’article L. 3172-2 du code du travail afin d’éviter toute confusion entre, d’une part, les chambres de discipline des officiers publics ministériels qui sont des juridictions disciplinaires de premier degré, et les chambres régionales des commissaires de justice et les conseils régionaux des notaires.

 

Elle a enfin adopté des mesures de coordination et des amendements rédactionnels aux articles 8, 14, 26, 27, 28 et 29.

 

Enfin, 14 articles ont été adoptés sans modification ; il s’agit des articles 2 bis, 3 A, 3 bis B, 8 bis A, 8 ter, 8 quater, 10, 10 bis, 12 bis, 15, 16, 20, 25 et 26 bis.

 

Au total, 46 articles sont donc en discussion en séance (45 articles adoptés par la Commission et 1 article supprimé).

 

 

 


—  1  —

 

 

   COMMENTAIRES DES ARTICLES

titre ier
Objectifs et moyens du ministère de la justice

Article 1er
Programmation financière et approbation du rapport annexé

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à approuver le rapport annexé au présent projet de loi qui définit les orientations et la programmation des moyens du ministère de la justice pour la période 2023-2027. Il établit l’évolution annuelle des crédits de paiement de la mission Justice hors charges de pension, sur la période 2023-2027, ainsi que les créations nettes d’emplois sur la période 2023-2027.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 1er de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoyait la trajectoire d’évolution des crédits et des créations nettes d’emplois de la mission « Justice » sur la période 2018-2022.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements – un en commission, trois en séance publique – dont trois sur le rapport annexé et un sur l’article 1er.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements modifiant l’article 1er et cent-seize amendements au rapport annexé.

Outre le retour à la rédaction initiale du projet de loi s’agissant du nombre et de la répartition des créations nettes d’emplois, la Commission a adopté un amendement prévoyant la remise d’un rapport d’exécution sur la présente loi de programmation chaque année.

Sur le rapport annexé, la Commission a apporté plusieurs précisions touchant à l’administration pénitentiaire et a réintégré dans le rapport annexé les alinéas détaillant certaines des mesures de procédure pénale du présent texte qui avaient été supprimés par le Sénat.

Elle a également enrichi le rapport annexé en incluant la lutte contre le cyberharcèlement parmi les priorités en matière de justice pénale, en prévoyant une démarche forte en faveur de la justice restaurative et en améliorant les dispositifs en matière de protection de l’enfance.

Elle a rappelé à plusieurs reprises que la mise en œuvre des réformes devait se faire dans le respect de l’égalité territoriale.

Elle a adopté plusieurs amendements visant à mieux préparer le monde judiciaire aux évolutions dans le domaine du numérique.

Elle a détaillé les orientations à mettre en œuvre pour le développement de la politique de l’amiable en précisant notamment les modalités de la réforme de la procédure civile. 

Elle a enrichi le rapport sur l’aide aux victimes en prévoyant le développement du dispositif « Téléphone grave danger » ainsi que sur la représentation des mineurs dans les procédures en invitant à une réforme de la mission, du statut et de la tarification des administrateurs ad hoc.

Elle a adopté trois amendements relatifs à la justice pénale des mineurs : le premier pour rappeler la réduction des délais de jugement depuis l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), le second pour adapter la formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) aux procédures prévues par ce même code, le troisième pour accélérer la dématérialisation des dossiers uniques de personnalité et la convergence des informations relatives aux prises en charge civile et pénale des mineurs.

1.   L’état du droit

L’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, dispose que des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

Pour autant, seules les lois de finances initiales ou rectificatives emportent un engagement de dépenses. Pour revêtir un caractère véritablement effectif, les dispositions prévues par les lois de programmation doivent ainsi être « confirmées » chaque année par une loi de finances ([6]) .

 La dernière loi de programmation en matière de justice est la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Celle-ci prévoyait une augmentation de 23,9 % du budget sur cinq ans pour atteindre 8,3 milliards d’euros en 2022. Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice sur la période 2018-2022 devaient s’élever à 6 500 équivalents temps plein.

L’article 2 de la loi de programmation 2018-2022 prévoyait la présentation annuelle par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’exécution de la loi de programmation.

À la date de publication du présent rapport, deux rapports d’exécution avaient été transmis à l’Assemblée nationale. Le rapport d’exécution 2020 ([7]), qui porte sur l’exercice 2019, fait état de difficultés pour recruter des personnels de surveillance pénitentiaire et des conseillers d’insertion et de probation. Il note que les objectifs en matière de recrutement de magistrats et de greffiers ont, eux, été atteints. Le rapport d’exécution 2021 ([8]), qui porte sur l’exercice 2020, expose les difficultés d’exécution liées à la crise sanitaire. Il souligne également la bonne dynamique de recrutement, illustrée par l’atteinte des objectifs de recrutement pour la justice pénale de proximité, malgré une sous-exécution des emplois par la direction des services judiciaires.

Saisi par le Gouvernement pour évaluer la compatibilité des dispositions du présent projet de loi avec les objectifs de dépenses prévus par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) souligne dans son avis du 30 mars 2023 que la précédente loi de programmation de la justice a été globalement respectée, avec un rattrapage sur les deux derniers exercices budgétaires pour compenser la sous-exécution des premiers exercices de la période.

En exécution, le budget de la mission Justice est passé de 6,7 milliards d’euros en 2017 à 8,9 milliards d’euros en 2022.

2.   Le projet de loi initial

Financer la Justice à la hauteur de ses besoins est une préoccupation majeure du Gouvernement depuis six ans : en témoigne l’augmentation de 32 % des crédits alloués à la justice depuis 2017. Cet investissement important ne s’est pas révélé suffisant pour résoudre la crise matérielle et la pénurie de ressources humaines que traverse la Justice.

Les États généraux de la justice (EGJ), ouverts le 18 octobre 2021 par le Président de la République, avaient pour ambition de dresser un état de la situation de la Justice et de formuler des propositions concrètes. Le rapport issu des travaux du comité des États généraux ([9]), présenté en avril 2022, décrit une justice au bord de la rupture et évoque des décennies de politiques publiques défaillantes.

L’article 1er de ce projet de loi présente une trajectoire ambitieuse de création d’emplois sur les quatre prochaines années et une augmentation significative des ressources allouées à la justice. Il constitue la réponse budgétaire aux difficultés du monde judiciaire connues depuis des années et mises en lumière par le rapport du comité des EGJ.

a.   L’évolution des crédits sur la période 2023-2027

Le présent article prévoit l’évolution des crédits de paiement de la mission Justice sur la période 2023-2027, hors charges de pensions.

Évolution des crédits de paiement sur la période 2023-2027

(en millions d’euros)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère

(en crédits de paiement)

8 862

9 579

10 081

10 681

10 691

10 748

Les crédits de paiement progressent donc de 21,3 % entre 2022 et 2027, soit une hausse cumulée des crédits de 7,5 milliards d’euros sur la période, en prenant le budget de 2022 comme référence. La hausse des crédits est concentrée sur les trois premiers exercices budgétaires, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Trajectoire du budget du ministÈre de la justice sur la pÉriode 2022-2027

La programmation présentée à l’article 1er est conforme, pour les années 2024 et 2025, à la trajectoire prévue à l’article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, reproduite ci-dessous (n° 272 – XVe législature).

 

(en milliards d’euros)

LFI 2022

2023

2024

2025

Crédits de paiements de la mission Justice

8,9

9,6

10,1

10,7

L’examen parlementaire du projet de loi de programmation des finances publiques n’était pas achevé lors de la rédaction du présent rapport, ces chiffres ne sont donc pas définitifs.

Saisi par le Gouvernement, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a rendu un avis sur le présent projet de loi le 30 mars 2023, dans lequel il se prononce sur la compatibilité des dispositions du présent projet avec les objectifs de dépenses prévus par la loi de programmation ([10]). Dans cet avis, il déplore l’absence de loi de programmation des finances publiques et note que l’article 1er du présent projet est conforme à la trajectoire établie par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Le périmètre budgétaire concerné par l’article 1er comprend les six programmes de la mission « Justice ». La répartition des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) entre les différents programmes dans la loi de finances initiale pour 2023, hors CAS pensions, était la suivante :

Ventilation des crédits par programme de la mission Justice dans la loi de finances initiale pour 2023 (hors cas pensions)

 

LFI 2023

(en millions d’euros)

AE

CP

Justice judiciaire
dont titre 2

3 757
1 986

3 390
1 986

Administration pénitentiaire
dont titre 2

4 390
2 046

3 907
2 046

Protection judiciaire de la jeunesse
dont titre 2

916,7
474,8

916,7
474,8

Accès au droit et à la justice

714

714

Conduite et pilotage de la politique de la justice
dont titre 2

723,2
179,8

641,2
179,8

Conseil supérieur de la magistrature
dont titre 2

3,6
2,6

4,5
2,6

Total

10 505

9 573

Source : commission des lois à partir des documents budgétaires

Comme l’illustre le graphique ci-dessous, deux programmes concentrent 76,2 % des crédits de paiement de la mission Justice ouverts en loi de finances initiale pour 2023 : le programme « Administration pénitentiaire » (40,8 % des CP ouverts) et le programme « Justice judiciaire » (35,4 % des CP ouverts). 

Graphique de répartition des crédits de paiement ouverts sur la mission Justice en loi de finances initiale pour 2023

 

L’article 1er prévoit une création nette d’emplois de 10 000 équivalents temps plein (ETP) d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Ces 10 000 emplois incluent les 605 ETP recrutés en gestion en 2022 : 105 contractuels recrutés pour lutter contre les violences intrafamiliales et 500 contractuels recrutés dans le cadre de la justice de proximité civile.

Si la ventilation des créations nettes d’emploi par programme n’est pas arrêtée, les rapporteurs du texte à la commission des lois du Sénat ([11]) font état dans leur rapport de la progression suivante :

Créations netteS d’emplois sur la période 2023-2027 

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Créations nettes d’emplois

0

2 913

1 916

1 907

1 620

1 644

Source : rapport du Sénat sur le présent projet de loi

Selon l’étude d’impact du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, le rythme de créations d’emploi de magistrats chaque année est réparti ainsi :

Rythme de création d’emplois de magistrats sur la période 2023-2027

2023

2024

2025

2026

2027

Total

200

327

343

315

315

1 500

Source : étude d’impact du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Dans son avis, le HCFP souligne que « la trajectoire de l’actuel PLPJ repose toutefois sur un schéma d’emploi ambitieux, avec le recrutement de 10 000 ETP supplémentaires (soit environ 10 % des emplois de la mission Justice) » et reste prudent sur la capacité du ministère à réaliser l’ensemble des recrutements prévus ([12]) .

La Cour des comptes, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission « Justice » en 2022 ([13]), souligne également une sous-exécution persistante du plafond d’emplois du ministère. Ainsi, en 2022, le plafond d’emplois a été consommé à hauteur de 90 223 ETPT, alors même que le plafond d’autorisation d’emplois avait été porté à 91 358 ETPT.

Le recrutement effectif de 10 000 personnels supplémentaires représente ainsi un défi qui n’est pas seulement budgétaire : le présent projet de loi porte ainsi des mesures structurelles fortes qui accompagnent l’augmentation des crédits, notamment la simplification des voies d’accès à la magistrature.

Les écoles de formation sont mobilisées pour accueillir et former les personnels supplémentaires. Les directrices de l’École nationale de la magistrature et de l’École nationale des greffes ont indiqué qu’il était prévu que leurs écoles respectives bénéficient d’une augmentation de leur subvention pour charge de service public. L’École nationale de la magistrature ouvrira un troisième site, situé à Bordeaux, en 2024, pour accueillir une partie des futures promotions de magistrats.

b.   Le rapport annexé

Le présent article prévoit l’approbation du rapport annexé qui développe les orientations et la programmation des moyens du ministère de la justice pour la période 2023-2027. Ce rapport replace la hausse des moyens dans le cadre des réformes ambitieuses pour la justice prévues pendant le quinquennat. Il n’a pas de portée normative, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision d’avril 2005 : « considérant que ce rapport annexé fixe des objectifs à l’action de l’État dans le domaine de l’enseignement des premier et second degrés ; que, si les engagements qui y figurent ne sont pas revêtus de la portée normative qui s’attache à la loi, ses dispositions sont de celles qui peuvent trouver leur place dans la catégorie des lois de programme à caractère économique ou social prévue par l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution » ([14]).

Le rapport fait d’abord un état des lieux de l’exercice des États généraux de la justice.

Le projet de loi commenté est en effet issu d’un exercice inédit de réflexion sur les maux de la justice et les moyens d’y remédier. Les États généraux de la justice ont d’abord été fondés sur un important travail de consultation des citoyens et des professionnels de la justice, aux moyens de questionnaires en lignes, de rencontres, de débats organisés sur l’ensemble des juridictions. Sept groupes de travail thématique ont complété l’expertise ainsi menée, avant qu’un comité indépendant, présidé par M. Jean­‑Marc Sauvé, ne réalise la synthèse des propositions émises. Son rapport, remis au Président de la République le 8 juillet 2022, a ensuite été remis au garde des Sceaux, ministre de la justice, qui a mené une phase de concertation à son propos non seulement auprès des professionnels de la justice et de citoyens « grands témoins ».

Le rapport du comité a dressé le constat d’un système judiciaire en souffrance et de délais de jugements excessifs.

Ces délais excessifs concernent la justice civile, qui représente 60 % de l’activité judiciaire et doit permettre d’assurer la cohésion sociale. Le déficit d’attractivité des fonctions civiles contribue à son dysfonctionnement.

Le rapport présente ensuite un plan d’action pour la justice en six parties.

i.   Des moyens accrus et une organisation rénovée

Le renforcement de l’attractivité des postes du monde judiciaire passera à la fois par une revalorisation indemnitaire de certains emplois et par la simplification des voies d’accès à la magistrature pour les professionnels du droit. Des contrats à durée indéterminée seront également proposés aux agents contractuels recrutés depuis 2020, qui ont acquis une expérience précieuse en matière de justice de proximité ou de lutte contre les violences intrafamiliales.

Au-delà des efforts portés sur le recrutement, une attention particulière sera accordée à la gestion des carrières des personnels, à travers un meilleur accompagnement des cadres. Des adaptations de la formation des magistrats et des personnels pénitentiaires répondront à l’évolution des métiers.

Pour fluidifier le pilotage opérationnel des juridictions, les prérogatives des chefs de cour en matière de ressources humaines, de gestion de l’immobilier mais aussi d’équipements numériques se verront renforcées. Les chefs de juridiction se verront eux attribuer un budget de proximité et de nouvelles compétences, notamment en matière immobilière et informatique.

La répartition des rôles entre les membres de l’équipe judiciaire a vocation à être clarifiée grâce à la création d’un nouveau statut d’attaché de justice. Les recrutements importants prévus permettront aux magistrats de se recentrer sur leurs missions juridictionnelles.

Des mesures concrètes sont mises en œuvre pour répondre aux problématiques spécifiques des juridictions en outre-mer : l’installation des candidats à une mobilité outre-mer est facilitée et un accompagnement renforcé est prévu pour les personnels qui reviennent en métropole. À cela s’ajoutent les brigades de soutien en outre-mer, expérimentées en 2023 à Cayenne et à Mamoudzou, qui viennent renforcer ponctuellement les juridictions.

Le ministère présente des ambitions renouvelées en matière d’action sociale, avec des efforts concentrés pour faciliter l’accès au logement pour les agents et l’amélioration de l’offre en matière de petite enfance.

En matière de ressources humaines, l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit être renégocié et un dispositif de signalement des actes de violences, de discriminations et de harcèlement doit être progressivement déployé. Une négociation avec les syndicats pour signer un accord-cadre sur la qualité de vie au travail devrait être ouverte en 2023.

ii.   Une transformation numérique accélérée

Le rapport annexé relaie le constat opéré par la Cour des comptes en janvier 2022 selon lequel le premier plan de transformation numérique du ministère (2017‑2022) a essentiellement consisté à rattraper le retard numérique du ministère, et s’est révélé très insatisfaisant s’agissant du développement des applicatifs, décriés par les professionnels de la justice.

Un nouveau plan de transformation numérique (2023-2027) a été conçu pour répondre à huit objectifs stratégiques consistant notamment à redresser le patrimoine fonctionnel et technique du ministère de la justice et à optimiser les services aux utilisateurs. À cette fin, 100 « techniciens informatiques de proximité » vont notamment être déployés dans les tribunaux dès 2023, afin d’offrir aux juridictions un point d’entrée unique pour traiter les incidents numériques.

Le nouveau plan comprend également un axe de dématérialisation, l’objectif étant de permettre tant aux agents en juridiction qu’en administration centrale ou déconcentrée de travailler sans papier.

Par ailleurs, le plan de transformation numérique prévoit une amélioration du pilotage des grands programmes. Un certain nombre d’entre eux font toujours partie des priorités du ministère, tel que la procédure pénale numérique ou le projet « Portalis », projet de dématérialisation de la chaîne civile qui a subi d’importants retards et a été réorganisé en 2022.

La volonté de rénovation du pilotage des grands projets prend d’ailleurs forme dans l’organigramme du ministère avec la création au sein du secrétariat général d’une cellule de soutien aux maîtrises d’ouvrage métier.

iii.   Des outils, équipements et moyens immobiliers au service de la justice

● Parmi les orientations du ministère de la Justice pour la période couverte par le projet de loi, la politique immobilière occupe une place éminente.

Le Gouvernement prévoit ainsi un ambitieux programme immobilier destiné à garantir le bon fonctionnement du patrimoine existant et futur, passant notamment par du gros entretien, par une montée en puissance des moyens de télécommunication et de connexions numériques, et par la mise en œuvre des objectifs gouvernementaux en matière de transition écologiques (notamment sous l’angle de la rénovation thermique). L’objectif de ce programme est d’accueillir dans les meilleures conditions possibles les magistrats et leurs équipes, dont les effectifs vont d’ailleurs croître, ainsi que l’ensemble des professionnels du droit et le public.

Entre 2023 et 2024, d’importantes opérations sont prévues, consistant notamment en la construction de deux nouveaux palais de justice et en la rénovation et l’extension d’un grand nombre de sites sur l’ensemble du territoire – étant précisé que les opérations concernant les outre-mer feront l’objet d’une attention toute particulière.

S’agissant du parc pénitentiaire, les efforts s’organisent autour de trois priorités :

– l’achèvement du programme de construction de 15 000 nouvelles places : en vue de résorber la surpopulation carcérale, qui dégrade considérablement les conditions de détention et les conditions de travail au sein des établissements pénitentiaires, ce programme, engagée depuis 2018, permettra la création de 50 nouvelles structures pénitentiaires, dont 24 seront opérationnelles en 2024 ;

– la rénovation énergétique : 25 établissements ont été ciblés de manière prioritaire ;

– la réhabilitation des établissements existants : le budget dédié à l’entretien et à la rénovation du bâti existant a considérablement augmenté et deux plans de rénovation d’ampleur ont été engagés pour les établissements de Fresnes et de Poissy.

Par ailleurs, les directions interrégionales des services pénitentiaires se verront doter de centres de formation continue et la deuxième phase de construction des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) devrait être lancée.

Les investissements immobiliers de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dont le patrimoine est particulièrement dense sur le territoire, vont faire l’objet d’une attention particulière, tant du point de vue de l’entretien de l’existant que du lancement de nouvelles opérations. Il s’agit notamment de poursuivre la construction des 21 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) annoncée en 2018 ([15]) et d’assurer la création de douze unités éducatives d’activités de jour (UEAJ).

La programmation immobilière sera mise en œuvre dans le cadre d’une gouvernance rénovée à travers, notamment, un comité stratégique immobilier et un suivi interministériel régulier. Une clause de revoyure est prévue dans le projet de loi de finances pour 2025, et les crédits consacrés à l’immobilier, qui feront au demeurant l’objet d’une « tunnellisation » pour éviter qu’ils financent autre chose, pourront faire l’objet d’un report sur l’exercice suivant s’ils ne sont pas totalement consommés.

Le but poursuivi par ce pilotage fin, au plus proche des besoins concrets en matière immobilière, est d’assurer la cohérence d’ensemble des opérations et une maîtrise de leurs coûts.

● Le projet de loi propose une réforme majeure avec la création du statut de surveillant adjoint pénitentiaire qui permettra d’optimiser les recrutements et de déployer ainsi de nouvelles forces en soutien des missions de surveillance. En complément, la modernisation de ces missions poursuit trois objectifs prioritaires :

– la réduction des violences en détention : en complément du plan national pluriannuel de lutte contre les violences initié en décembre 2021, deux nouvelles unités pour détenus violents (UDV) seront ouvertes en 2023, le port de caméras individuelles pas les personnels de surveillance dans certaines situations sera généralisé et la gestion de la détention sera également facilitée par de nouveaux terminaux mobiles mis à disposition des équipes de surveillance ;

– la lutte contre la radicalisation violente : en sus du recrutement de médiateurs du fait religieux supplémentaires, un nouveau marché permettra d’augmenter le nombre de personnes prises en charge dans les centres de jour et un deuxième quartier de prise en charge de la radicalisation dédié aux femmes sera ouvert en 2023 ;

– la poursuite de la sécurisation des établissements : en complément du renforcement des dispositifs de sécurisation passive, parmi lesquels les dispositifs de brouillage, l’administration pénitentiaire bénéficiera elle aussi des avancées permises par le projet « Réseau radio du futur » (RFF).

● Une attention particulière est en outre prévue en matière de statistiques, afin d’améliorer la qualité et l’offre de services. Une grande enquête nationale est prévue pour recueillir les attentes des citoyens à l’égard de la justice, tandis qu’un effort important sera réalisé pour mieux communiquer, améliorer l’accès aux bases de données – notamment en matière d’appariement des différents fichiers – et anticiper l’impact des futures réformes.

iv.   Des réponses sectorielles fortes dans le champ de la justice civile et pénale

● Une justice civile repensée avec une véritable politique de l’amiable

Le rapport annexé détaille les ambitions du Gouvernement concernant la réforme de la procédure civile. 

Ce volet des États généraux de la justice relève du domaine réglementaire.

Néanmoins, il est indiqué dans le rapport annexé que « le Parlement sera associé à cette réforme » et que celle-ci sera présentée devant les commissions des Lois des deux assemblées.

Le Gouvernement envisage de développer une véritable politique de l’amiable.

Il est prévu une réorganisation des dispositions relatives aux modes alternatifs de règlement des différends et de développer de nouveaux modes amiables aux côtés de la médiation et de la conciliation. La tenue d’une audience de règlement amiable est envisagée pour inciter les parties à transiger. 

Pour accélérer les procédures, le Gouvernement envisage également de faciliter la césure du procès civil ce qui doit permettre de trancher au plus vite les questions principales du litige et de renvoyer à plus tard les questions secondaires. 

Il est aussi prévu « une plus grande simplification de la procédure d’appel » et un travail sur la présentation des écritures des avocats, l’objectif étant de parvenir à diviser par deux la durée moyenne de l’instance d’appel.

Des actions pour renforcer la protection des personnes vulnérables sont également prévues avec le développement du mandat de protection future dont l’objet est de désigner à l’avance une personne pour se faire représenter dans les actes de la vie courante.

● En matière pénale, simplifier et moderniser la procédure

Insuffisamment lisible, la procédure pénale fait l’objet d’importantes mesures dans le projet de loi afin de la simplifier et de la moderniser, dans la droite ligne des conclusions des États généraux de la justice.

Mesure emblématique de cette ambition, la refonte du code de procédure pénale (CPP) est prévue par ordonnance, avec une méthode originale et bienvenue qui s’appuiera sur un comité scientifique et associera l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement – l’habilitation à réécrire à droit constant le CPP est prévue à l’article 2 du projet de loi.

D’autres mesures touchant la procédure pénale figurent dans le projet de loi, la plupart à son article 3. Peuvent être mentionnées l’extension des droits du témoin assisté, la simplification de la procédure de comparution immédiate, l’introduction encadrée du recours à la visioconférence durant la garde à vue dans certaines hypothèses circonscrites, de nouvelles modalités d’assignation à résidence sous surveillance électronique pour limiter le recours à la détention provisoire ou encore l’amélioration des investigations par la faculté de procéder à des perquisitions de nuit dans les enquêtes de flagrance relatives aux crimes contre les personnes, selon des modalités très encadrées, et par l’activation à distance d’appareils connectés aux fins de captation d’images et de sons et de géolocalisation.

Il est renvoyé aux commentaires des articles 2 et 3 pour une présentation complète de ces mesures.

Outre ces réformes procédurales, le projet d’orientation et de programmation porté par le ministère de la Justice prévoit d’assurer le développement d’une justice pénale à la hauteur des attentes des justiciables et, plus largement, de l’ensemble des citoyens, à travers notamment le développement de l’outil numérique, la lutte accrue contre les stupéfiants, la délinquance routière, la cybercriminalité, les violences intrafamiliales, la criminalité environnementale et la promotion des alternatives à la détention – à cet égard, outre certaines mesures prévues à l’article 3, peut être mentionné l’article 4 visant à favoriser le recours au travail d’intérêt général.

Une attention spéciale sera portée aux victimes, afin d’améliorer leur prise en charge, en particulier s’agissant des enfants victimes – notons que l’article 5 du projet de loi améliore l’indemnisation des victimes d’infractions.

v.   La prise en charge des publics confiés à la justice

La réinsertion des personnes placées sous main de justice et la lutte contre la récidive sont identifiées comme des objectifs prioritaires. Afin d’accentuer les efforts dans ce domaine, les moyens des services d’insertion et de probation (SPIP) seront renforcés et trois nouveaux établissements tournés vers l’insertion professionnelle seront construits à compter de 2025 ([16]). Dans la continuité de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire qui a mis en place le contrat de travail pénitentiaire, le développement des activités et du travail sera poursuivi afin de favoriser, là encore, la réinsertion. Dans la même perspective et en cohérence avec l’article 4, l’accent sera également mis sur la mise en œuvre des peines de travail d’intérêt général.

Dans le prolongement de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, des efforts accrus seront engagés pour favoriser la réinsertion des mineurs. Outre le développement de partenariats socio-éducatifs, notamment dans le domaine du sport autour des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, une réforme des dispositifs de placement sera menée. Enfin, la réserve de la PJJ, créée par loi de finances pour 2022 ([17]) devrait devenir opérationnelle. L’ensemble de cette stratégie fera l’objet d’un plan national.

vi.   Des actions concrètes pour renforcer l’accès au droit

Le rapport annexé accorde une importance particulière à la question de l’accès au droit afin de répondre aux attentes des citoyens et de restaurer la place centrale de la justice dans la société.

Le rapport met en avant que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir un accès plus large et plus efficace aux services juridiques. Il met en évidence le rôle des conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et des conseils d’accès au droit (CAD) dans la promotion de l’accès au droit, ainsi que la nécessité de moderniser ces structures pour mieux répondre aux besoins actuels. L’objectif est de permettre à chaque citoyen de comprendre ses droits, d’obtenir une assistance juridique adéquate et de participer pleinement à la vie juridique de la société.

Il rappelle que depuis trois ans, le ministère a engagé une profonde réforme de l’aide juridictionnelle (AJ) et que l’année 2023 verra la généralisation du système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) qui permet le dépôt en ligne des demandes.

Le ministère de la justice entend également développer une application mobile à destination du citoyen pour répondre encore davantage aux besoins d’information de la population.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● Le Sénat a adopté, en commission, un amendement sur l’article 1er et un amendement sur le rapport annexé.

L’amendement COM-102, déposé par les rapporteurs du texte en commission sur l’article 1er remplace le nombre de créations nettes d’emplois et le fixe à 9 395 équivalents temps plein. Il retranche ainsi aux 10 000 emplois prévus les 605 emplois recrutés en gestion sur l’exercice 2022. Il augmente également le nombre de greffiers pouvant être recrutés sur la période 2023-2027 pour le fixer à 1 800, contre 1 500 dans la version initiale de l’article 1er. Enfin, il précise que parmi 9 395 emplois créés sur la période 2023-2027, 600 seront des emplois de conseillers de probation et d’insertion supplémentaires.

Le Sénat n’est pas revenu sur cette modification en séance.

Le Sénat a adopté en commission un amendement sur le rapport annexé déposé par le Gouvernement. Celui-ci ajoute parmi les réponses sectorielles fortes dans le champ de la justice civile et pénale un paragraphe sur l’institutionnalisation au sein des tribunaux judiciaires des pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.

Un pôle spécialisé sera créé au sein de chaque tribunal judiciaire, avec des équipes identifiées au parquet et au siège. Au siège, des magistrats désignés par le président (juge aux affaires familiales, juge pour enfants, juge aux affaires familiales, juge de l’application des peines), dont un magistrat coordonnateur, suivront une formation spécifique sur les violences intrafamiliales et statueront sur les dossiers au civil et au pénal.

Le pôle spécialisé au niveau du parquet sera constitué par un coordonnateur, des magistrats du parquet référent et des attachés de justice spécifiquement formés. Ce pôle assurera le suivi des situations à risque, en s’appuyant sur un outil informatique qui est en cours de construction.

Une instance de pilotage unique, appelé COPIL VIF, réunira les différents intervenants sur le sujet des violences intrafamiliales.

Cet amendement est issu du rapport rendu par les parlementaires en mission Mme Vérien, sénatrice, et Mme Chandler, députée, sur l’amélioration du traitement judiciaire des violences intrafamiliales, présenté en mai dernier.

● Ce même paragraphe a été complété en séance par l’amendement n° 240 déposé par Mme Vogel, (Écologiste, solidarité et territoires), adopté avec avis favorable de la commission et avis de sagesse du Gouvernement, qui précise que ces pôles seront opérationnels au plus tard au 1er janvier 2024.

● Le Sénat a adopté deux amendements supplémentaires sur le rapport annexé en séance.

L’amendement n° 157, déposé par M. Guy Benarroche (Écologiste, solidarité et territoires), adopté avec avis favorable de la commission et avis défavorable du Gouvernement, a ajouté une phrase aux alinéas portant sur le programme de construction des UHSA afin de préciser que celui-ci doit se baser sur les besoins dûment recensés au travers d’une évaluation du nombre de personnes en demande de prise en charge psychiatrique.

À l’initiative de l’une des rapporteurs du texte, Mme Agnès Canayer (LR), et suivant les avis favorables de la commission et du Gouvernement ([18]), le Sénat a également inscrit dans le rapport annexé des conditions de méthode pour la refonte du CPP prévue à l’article 2 du projet de loi. Cette refonte devra procéder à la clarification du code, et être l’occasion d’identifier des pistes de simplification procédurale. Elle fera intervenir un comité scientifique, composé d’experts, et associera les parlementaires de tous les groupes à travers un comité de liaison.

4.   La position de la commission

Sur l’article 1er hors rapport annexé, la Commission a adopté trois amendements.

Les amendements identiques CL777, déposé par le Gouvernement, et CL956, adopté par la commission des finances après avoir été déposé par Mme Perrine Goulet, rapporteure pour avis, sont revenus au texte initial du projet de loi s’agissant des créations nettes d’emplois du ministère de la justice sur la période 2023-2027. Les amendements suppriment la mention de 600 conseillers d’insertion et de probation, fixent le nombre de greffiers recrutés à 1 500, et rétablissent le nombre total d’emplois créés sur le quinquennat à 10 000.

L’amendement CL957, adopté par la commission des finances après avoir été déposé par Mme Perrine Goulet, rapporteure pour avis, prévoit la remise d’un rapport chaque année avant le 30 avril : celui-ci doit présenter l’exécution de la programmation, en particulier le rythme des créations nettes d’emplois et leur répartition au sein des différentes juridictions. La remise annuelle d’un rapport d’exécution par rapport à la loi de programmation permettra au Parlement de mieux remplir sa mission de contrôle.

Sur le rapport annexé, la Commission a non seulement adopté de nombreux amendements apportant des précisions rédactionnelles mais a également enrichi celui-ci de plusieurs ajouts.

● La Commission a souhaité insister sur le caractère atypique de la démarche adoptée en vue de la préparation du projet de loi. Elle a rappelé que les États généraux de la justice, dont résulte le projet de loi, étaient un exercice « inédit » (amendement CL881), et a précisé que parmi les objectifs poursuivis, il conviendrait de veiller à un accès de tous à une justice de qualité sur l’ensemble du territoire français, hexagonal comme ultramarin (amendement CL490).

● S’agissant des dispositions touchant à la procédure pénale, vos rapporteurs ont souhaité réintégrer dans le rapport certains alinéas détaillant des mesures du présent projet de loi qui avaient été supprimés par le Sénat. Ils ont en outre ajouté une référence au rapport de la Commission relative aux droits de la défense dans l’enquête pénale et au secret professionnel de l’avocat, présidée par Dominique Mattei, et plus particulièrement à sa recommandation n° 16 touchant aux écoutes téléphoniques (amendement CL835).

● Les priorités identifiées en matière de justice pénale ont été complétées pour inclure la prévention et la répression des actes de cyberharcèlement, à la suite de l’adoption de l’amendement CL472 de Mme Clara Chassaniol (RE) ayant recueilli les avis favorables de votre rapporteur Erwan Balanant et du Gouvernement.

L’engagement du ministère dans une démarche visant à accélérer le développement des programmes de justice restaurative a été introduit à l’initiative de Mme Naïma Moutchou (HOR) et plusieurs de ses collègues (amendement CL713), assorti d’un enrichissement de la formation des magistrats, avocats et greffiers sur ces programmes.

● La Commission a adopté trois amendements inspirés des recommandations du rapport de la mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), menée par votre rapporteur général Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier ([19]) :

– les amendements identiques CL141, CL219, CL695 et CL958 visent à rappeler la réduction des délais de jugement permise par l’entrée en vigueur du CJPM. Tandis qu’avant la réforme, un mineur était jugé sur sa culpabilité et sanctionné en moyenne dix-huit mois après l’engagement des poursuites ; au 30 juin 2022, le délai de jugement sur la culpabilité était de 2,1 mois et celui sur la sanction de 8,3 mois. Le rapport de la mission d’information constatait néanmoins des difficultés pour tenir ces délais dans certaines juridictions. Les amendements appellent donc également à soutenir les juridictions qui connaissent les niveaux d'activité les plus élevés, comme s’y était engagé le Gouvernement au moment de la ratification de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs ;

– les amendements CL142, CL218 et CL959 complètent les engagements du Gouvernement en matière de formation des personnels de la PJJ. Dans sa version initiale, le rapport annexé ne faisait référence qu’à la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il prévoit désormais que les éducateurs doivent recevoir une formation renforcée à la prise en charge de l’ensemble des publics mineurs et adaptée aux nouvelles procédures prévues par le CJPM, qui exigent une évolution des pratiques ;

– les amendements identiques CL143, CL220 et CL965 prévoient d’accélérer la dématérialisation des dossiers uniques de personnalité (DUP), prévue par la loi ([20]) mais encore souvent ineffective. Ils insistent également sur la nécessité de faire converger les informations relatives aux prises en charge civile et pénale, notamment pour mieux appréhender la personnalité du mineur.

● La Commission, sur proposition de vos rapporteurs, a ajouté que la modélisation des équipes juridictionnelles devait prendre en compte les spécificités de chaque juridiction (CL879).

● S’agissant de l’adaptation du monde de la justice aux enjeux du numérique, la Commission a adopté l’amendement déposé par Mme Clara Chassaniol (RE) qui fixe comme objectif supplémentaire pour la justice de créer des outils permettant de préserver la souveraineté des données personnelles (amendement CL471).  Sur proposition de vos rapporteurs, elle a également inscrit que la démarche de données ouvertes devait être poursuivie en autorisant l’analyse de ces données à des fins de recherche (amendement CL831).

● La Commission a adopté plusieurs amendements touchant à l’administration pénitentiaire :

‒ à l’initiative de vos rapporteurs, elle a précisé les missions qui pourraient être affectées aux surveillants pénitentiaires adjoints recrutés par voie contractuelle (amendement CL944), ainsi que la formation dont ils devraient bénéficier (amendement CL945) et l’objectif de leur offrir une voie facilitée pour être titularisés dans le corps des surveillants pénitentiaires (amendement CL943) ;

‒ l’amendement CL653 de Mme Caroline Abadie met en avant l’importance des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation, dont le statut, la rémunération et le parcours doivent être valorisés ;

‒ en adoptant l’amendement CL670 de M. Raphaël Gérard, la Commission a inscrit dans le rapport annexé la conduite d’une réflexion sur le vieillissement de la population carcérale et le besoin d’adapter les infrastructures pour tenir compte de la perte d’autonomie ;

‒ une autre réflexion portant cette fois sur l’implantation et la répartition sur le territoire de nouveaux quartiers dédiés aux femmes radicalisées a également été insérée dans le rapport avec l’adoption de l’amendement CL967 de la commission des finances ;

‒ elle a en outre tenu à rappeler que la construction de nouvelles places de prison vise également à assurer l’effectivité de la réponse pénale (amendement CL966 de la commission des finances).

● La Commission a adopté plusieurs amendements pour développer les orientations à mettre en œuvre concernant la politique de l’amiable.

Elle a ainsi :

– ajouté une division consacrée à la réforme de la procédure civile, de niveau réglementaire, et détaillant les principales caractéristiques de l’audience en vue d’un règlement amiable, d’une part, et de la césure du procès civil, d’autre part (amendement CL974) ;

– élargi le champ des personnes concernées par la politique de l'amiable, en incluant les notaires et commissaires de justice (amendements CL711 et CL759) ;

– prévu la nomination au sein de chaque juridiction d’un magistrat référent, prescripteur de l’amiable (amendement CL473) ;

– et prévu d’associer le Conseil national de la médiation à la politique de l'amiable (amendement CL712).

● Sur la justice économique, la Commission a adopté un amendement visant à garantir que les magistrats du corps judiciaire bénéficient d'une offre de formation adéquate (amendement CL962). Elle a également adopté un amendement visant à préciser que l’expérimentation du tribunal des activités économiques pourra concerner jusqu’à douze tribunaux de commerce (amendement CL281). 

● Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté l’amendement CL841 qui prévoit l’intervention des professionnels du droit dans les collèges et les lycées dans le cadre du passeport Educdroit.

● Concernant l’aide aux victimes, la Commission a adopté un amendement en vue de développer le dispositif du « Téléphone grave danger » (amendement CL558). Pour la représentation des mineurs dans les procédures, la Commission a adopté un amendement invitant le ministère de la Justice à engager une réforme de la mission, du statut et de la tarification des administrateurs ad hoc (amendement CL726).

● Enfin, sur proposition de la commission des finances, la Commission :

– a renforcé la formation des magistrats en explicitant que celle-ci doit comporter des modules sur l’intérêt supérieur de l’enfant et la prise en compte de ses besoins fondamentaux (amendement CL960) ;

– a supprimé la mention d’un effort en matière d’action sociale ciblé en Île-de-France (amendement CL964) ;  

– a complété les outils à la disposition des magistrats et des acteurs de la protection de l’enfance en inscrivant la possibilité accrue de recourir à un tiers digne de confiance (amendement CL969) ;

– a consacré le principe d’une réflexion permettant de garantir la présence systématique d’un avocat auprès des enfants en assistance éducative (amendement CL970).

 

*

*     *

 


 

titre ii
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre Ier
Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Article 2
Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit d’habiliter le Gouvernement à réécrire, par voie d’ordonnance, la partie législative du code de procédure pénale (CPP), pour en clarifier la rédaction et le plan et renforcer sa lisibilité et son intelligibilité.

Cette réécriture du CPP est prévue à droit constant, sous réserve des modifications nécessaires au respect de la hiérarchie des normes, de la cohérence rédactionnelle, de l’harmonisation juridique, de la correction d’erreurs et d’adaptations terminologiques.

Le délai d’habilitation est fixé à vingt-quatre mois ; le Gouvernement devra présenter au Parlement un projet de loi de ratification dans les six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs et celles relevant du domaine pénitentiaire ont été codifiées par deux ordonnances récentes (ordonnance n° 2019‑950 du 11 septembre 2019 pour le code de la justice pénale des mineurs, ordonnance n° 2022‑478 du 30 mars 2022 pour le code pénitentiaire).

       Modifications apportées par le Sénat

En commission, le Sénat a décalé l’entrée en vigueur de l’ordonnance au plus tôt un an après sa publication.

       Modifications apportées par la Commission

En plus d’un aménagement rédactionnel, la Commission a rétabli le délai de six mois prévu pour le dépôt du projet de loi de ratification.

 

I.   L’état du droit

A.   Un code ancien modifié à de nombreuses reprises

La procédure pénale, aux termes de l’article 34 de la Constitution, relève du domaine de la loi qui en fixe les règles.

● Celles-ci sont aujourd’hui, pour l’essentiel, contenues dans le code de procédure pénale (CPP), héritier du code d’instruction criminelle de 1808 et issu, dans son économie générale :

– de deux textes de 1957 et 1958 pour le titre préliminaire et les livres I à V ([21]) ;

– d’une ordonnance de 1996 pour son livre VI ([22]).

Le CPP a repris le modèle mixte qui prévalait sous l’empire du code d’instruction criminelle :

– une phase d’enquête et d’instruction d’inspiration inquisitoire – avec cependant un renforcement des droits de la défense ;

– une phase de jugement d’inspiration accusatoire.

● Depuis 1959, date de son entrée en vigueur, le CPP a fait l’objet de très nombreuses modifications et réformes d’ampleurs variables, dont le rythme s’est accéléré durant les dernières décennies : l’étude d’impact recense ainsi, sans que la liste ne soit exhaustive, trente lois et ordonnances entre 1993 et 2022.

Peuvent y être ajoutées les récentes modifications résultant de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui a notamment réformé le régime de sollicitation de la police technique et scientifique et celui des autorisations générales de réquisition, a étendu les prérogatives des agents de police judiciaire ou encore a élargi le champ de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle ([23]).

La fréquence et l’ampleur des réformes de la procédure pénale trouvent plusieurs explications. D’une part, le législateur s’est attaché à améliorer la protection des droits et libertés, le cas échéant à la suite de décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme ou du Conseil constitutionnel. D’autre part, il a mis en place des modalités procédurales permettant d’accélérer le traitement des affaires. Enfin, une autre explication peut reposer sur l’adaptation des règles de procédure pénale aux évolutions technologiques et comportementales.

Le présent commentaire, pas plus que l’article auquel il se rattache, n’a pour objet de juger le bien‑fondé de ces évolutions ; il s’agit d’un constat. Toutes ces modifications ont abouti à une inflation normative, les dispositions s’ajoutant les unes aux autres.

Ainsi, de 800 articles environ en 1959, le CPP est passé aujourd’hui à plus de 2 400 articles.

B.   Une architecture complexe

● Dans son architecture actuelle, le CPP comprend quatre parties :

– une partie législative (articles 1er à 937) ;

– trois parties réglementaires :

● Chacune de ces parties suit le même plan : des dispositions préliminaires, comprenant un article préliminaire et un titre préliminaire, et six livres (sous réserve de contenir des dispositions s’y rapportant).

L’architecture générale du code est présentée dans les quatre tableaux suivants, qui portent sur sa partie législative.

plan du code de procédure pénale

Titre préliminaire et livres I à III

Livre

Titre

Intitulé

Articles

 

 

Article préliminaire

Art. prélim.

 

Titre préliminaire

Dispositions générales

1 à 10-6

Livre I er
De la conduite de la politique pénale, de l’exercice de l’action publique et de l’instruction


(art. 11 à 230-53)

Titre Ier

Des autorités chargées de la politique pénale, de l’action publique et de l’instruction

11 à 52-1

Titre II

Des enquêtes et des contrôles d’identité

53 à 78-7

Titre III

Des juridictions d’instruction

79 à 230

Titre IV

Dispositions communes

230-1 à 230-53

Livre II
Des juridictions de jugements


(art. 231 à 566)

 

Titre Ier

De la cour d’assises

231 à 380-15

Titre II

Du jugement des délits

381 à 520-1

Titre III

Du jugement des contraventions

521 à 549

Titre IV

Des citations et significations

550 à 566

Livre III
Des voies de recours extraordinaires

 

(art. 567 à 626-1

Titre Ier

Du pourvoi en cassation

567 à 621

Titre II

Des demandes en révision et en réexamen

622 à 626-1

 

plan du code de procédure pénale

Livre IV
« De quelques procédures particulières » (art. 627 à 706-182)
(1/2)

Titre

Intitulé

Articles

Titre Ier

Des règles de procédure applicables aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre

627 à 628-10

Titre Ier bis

De la question prioritaire de constitutionnalité

LO. 630

Titre II

Du faux

642 à 647-4

Titre III

De la manière de procéder en cas de disparition des pièces d’une procédure

648 à 651

Titre IV

De la manière dont sont reçues les dépositions des membres du Gouvernement et celles des représentants des puissances étrangères

652 à 656

Titre IV bis

De la manière dont sont reçues les dépositions des personnels de certains services ou unités spécialisés

656-1 à 656-2

Titre V

Des règlements de juges

657 à 661

Titre VI

Des renvois d’un tribunal à un autre

662 à 667-1

Titre VII

De la récusation

668 à 674-2

Titre VIII

Du jugement des infractions commises à l’audience des cours et tribunaux

675 à 678

Titre IX

Des infractions commises hors du territoire de la République

689 à 693

Titre X

De l’entraide judiciaire internationale

694 à 696-107

Titre X bis

Du parquet européen

696-108 à 696-137

Titre XI

Des infractions en matière militaire et des crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation

697 à 702

Titre XII

Des demandes présentées en vue d’être relevé des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication

702-1 à 703

Titre XIII

De la procédure applicable aux infractions en matière économique et financière

704 à 706-1-2

Titre XIII bis

De la procédure applicable aux infractions en matière sanitaire et environnementale

706-2 à 706-2-3

Titre XIV

Du recours en indemnité ouvert à certaines victimes de dommages résultant d’une infraction

706-3 à 706-15

Titre XIV bis

De l’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infractions

706-15-1 à 706-15-2

Titre XIV quater

Du bureau d’aide aux victimes

706-15-4

Titre XV

De la poursuite, de l’instruction et du jugement des actes de terrorisme

706-16 à 706-25-22

Titre XVI

De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions en matière de stupéfiants

706-26 à 706-33

Titre XVII

De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions en matière de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution des mineurs

706-34 à 706-40-1

Titre XVIII

De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions commises par les personnes morales

706-41 à 706-46

Titre XIX

De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes

706-47 à 706-53-22

Titre XX

Du fichier national automatisé des empreintes génétiques

706-54 à 706-56-1-1

Titre XX bis

Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires

706-56-2

 

 

plan du code de procédure pénale

Livre IV
« De quelques procédures particulières » (art. 627 à 706-182)
(2/2)

Titre

Intitulé

Articles

Titre XXI

De la protection des témoins

706-57 à 706-63

Titre XXI bis

Protection des personnes bénéficiant d’exemptions ou de réduction de peines pour avoir permis d’éviter la réalisation d’infractions, de faire cesser ou d’atténuer le dommage causé par une infraction, ou d’identifier les auteurs ou complices d’infractions

706-63-1 à 706-63-2

Titre XXII

Saisine pour avis de la Cour de cassation

706-64 à 706-70

Titre XXIII

De l’utilisation des moyens de télécommunications au cours de la procédure

706-71 à 706-71-1

Titre XXIV

De la procédure applicable aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

706-72 à 706-72-6

Titre XXV

De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes

706-73 à 706-106

Titre XXV bis

De la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés

706-106-1 à 706-106-5

Titre XXVI

De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires et de l’atteinte aux biens culturels maritimes

706-107 à 706-111-2

Titre XXVII

De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions commises par des majeurs protégés

706-112 à 706-118

Titre XXVIII

De la procédure et des décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

706-119 à 706-140

Titre XXIX

Des saisies spéciales

706-141 à 706-158

Titre XXX

De l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

706-159 à 706-165

Titre XXXI

Des mesures conservatoires

706-166

Titre XXXII

De la procédure applicable aux infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs

706-167 à 706-174

Titre XXXIII

De la procédure applicable en cas d’accident collectif

706-176 à 706-182

 

plan du code de procédure pénale

Livres V et VI

Livre

Titre

Intitulé

Articles

Livre V

Des procédures d’exécution

 

(art. 707 à 803-8)

Titre Ier

De l’exécution des sentences pénales

707 à 713-41

Titre Ier bis

De la peine de détention à domicile sous surveillance électronique

713-42 à 713-49

Titre II

De la détention

714 à 728-76

Titre III

De la libération conditionnelle

729 à 733

Titre III bis

Du travail d’intérêt général

733-1 à 733-2

Titre IV

Du sursis et de l’ajournement

734 à 747-4

Titre V

De la reconnaissance de l’identité des individus condamnés

748

Titre VI

De la contrainte judiciaire

749 à 762

Titre VII

De l’interdiction de séjour

762-1 à 763

Titre VII bis

Du suivi socio-judiciaire

763-1 à 763-9

Titre VII ter

Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté

763-10 à 763-14

Titre VII quater

De l’exécution des condamnations et des décisions de probation en application de la décision-cadre du conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2008

764-1 à 764-43

Titre VII quinquies

De la peine de programme de mise en conformité

764-44

Titre VIII

Du casier judiciaire

768 à 781

Titre IX

De la réhabilitation des condamnés

782 à 799

Titre X

Des frais de justice

800 à 803-8

Livre VI
Dispositions relatives à l’outre-mer

 

(art. 804 à 937)

Titre Ier

Dispositions applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle‑Calédonie

804 à 876

Titre II

Dispositions applicables au département de Mayotte

877 à 902

Titre III

Dispositions applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon

902-1 à 934-3

Titre IV

Dispositions applicables aux collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

935 à 937

● De prime abord, l’organisation du CPP semble cohérente. En effet, après les principes directeurs de la procédure pénale consacrés à l’article préliminaire et les dispositions générales du titre préliminaire, les trois premiers livres retiennent une approche chronologique :

– le livre Ier porte sur l’action publique et les phases d’enquête et d’instruction ;

– le livre II est consacré aux juridictions de jugement ;

– le livre III est dédié aux voies de recours extraordinaires (pourvoi en cassation et demandes en révision et en réexamen).

Des procédures particulières sont traitées par le livre IV, tandis que l’exécution et l’application des peines font l’objet du livre V, qui a vu un certain nombre de ses dispositions transférées dans le code pénitentiaire.

Enfin, de façon classique dans les codes, les dispositions relatives à l’application dans les outre-mer sont contenues dans le livre final (livre VI).

C.   Une organisation confuse et peu intelligible

La structure classique, ou d’apparence cohérente, du CPP, dissimule – relativement mal – une forme de confusion et en tout état de cause de difficulté d’intelligibilité de la norme. Une place particulière sera faite dans les développements suivants au livre IV du CPP, qui peut à lui seul illustrer les tares du code actuel.

1.   Les difficultés chronologiques et d’intelligibilité

Derrière la logique apparente, qui semble suivre le déroulement d’une affaire pénale – enquête, instruction, jugement, recours, exécution de la peine –, se manifestent en réalité de nombreuses incohérences, ou à tout le moins des choix de placement qui peuvent laisser sceptique, et des imperfections sémantiques ou légistiques.

a.   Une approche chronologique reposant sur de nombreux renvois et source de redondance

Le choix actuel de faire de succéder, au livre Ier, les dispositions relatives à l’enquête de flagrance, puis à l’enquête préliminaire, et enfin à l’instruction, aboutit à une série de nombreux renvois des articles des deux dernières phases vers ceux concernant la flagrance.

Pour ne prendre qu’un exemple, celui de la durée de la garde à vue, celle-ci est fixée à l’article 63 du CPP s’agissant de la flagrance, article auquel renvoient :

– l’article 77, pour l’enquête préliminaire ;

– l’article 154, pour la phase d’instruction.

Doivent également être pris en compte les articles 706‑88 et 706‑88‑1 du CPP, qui précisent la durée maximale applicable dans certaines hypothèses – et qui comprennent un très grand nombre de renvois.

Les renvois entre articles sont fréquents en droit, mais il n’en demeure pas moins que la lecture des seules dispositions relative à l’enquête préliminaire ou à l’instruction ne permettent pas d’appréhender le droit applicable à ces phases – encore moins si ces dispositions générales de droit commun doivent se combiner avec des dispositions spéciales dérogatoires prévues au livre IV, auquel il n’est pas forcément naturel ou intuitif de se référer, d’autant plus qu’il se trouve à la fin du code, très éloigné des dispositions auxquelles il déroge.

Ce choix de structure reprenant, pour chaque phase, les dispositions applicables, aboutit en tout état de cause à d’importantes redondances, qui accroissent la difficulté de lecture.

b.   Une approche chronologique qui souffre d’exceptions importantes

Ces renvois et redondances ne sont pas sans présenter de difficultés, mais au moins pourrait-on estimer que tel est le prix pour disposer d’une appréhension chronologique claire de la procédure.

Las ! De nombreuses dispositions importantes du CPP ne se trouvent pas dans une partie qui aurait pourtant semblé constituer leur écrin naturel.

● Ainsi en va-t-il des articles sur les alternatives aux poursuites et la composition pénale – articles 41‑1, 41‑1‑2 et 41‑2 du CPP –, qui se trouvent dans la section intitulée « Des attributions du procureur de la République » au sein du chapitre II du titre Ier du livre Ier.

Or, si c’est bien le procureur qui propose la mise en œuvre de ces mesures, celles-ci n’interviennent qu’après la phase d’investigation – et donc postérieurement à une enquête de flagrance ou une enquête préliminaire.

La chronologie n’est donc pas respectée.

● Un autre exemple peut être tiré de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD), prévue aux articles 495‑17 et suivants et figurant dans le livre II sur les juridictions de jugement.

Or, le principe de l’AFD est de ne pas faire intervenir le juge, sauf contestation, mais d’éteindre l’action publique par le paiement d’une amende après la constatation de l’infraction – voire au moment de sa constatation, directement dans les mains de l’agent verbalisateur.

Il s’agit donc d’une procédure qui se situe en amont du jugement, en amont des investigations – elle n’en suppose en principe pas – et qui ne débouche sur une procédure classique qu’en cas de contestation.

c.   Les autres difficultés constatées

En plus des écueils précédemment mentionnés, d’autres difficultés peuvent être mises en évidence à la lecture du CPP ; sans prétendre à l’exhaustivité, les développements suivants en dressent certaines.

● En premier lieu, certaines dispositions sont particulièrement longues, et parfois sans structuration apparente, accroissant la difficulté de leur lecture, mais aussi celle de l’intelligibilité des renvois qui peuvent y être faits.

Tel est, par exemple, le cas de l’article 41‑2 du CPP sur la composition pénale, fort de 35 alinéas et sans structures internes à l’exception de l’énumération des mesures constituant la composition pénale.

● En second lieu, indépendamment des questions de chronologie précédemment évoquées, certaines dispositions ne peuvent être intelligibles qu’en lien avec d’autres articles parfois très éloignés.

Ainsi, le champ d’application de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, s’il est défini aux II et III de l’article 495 du CPP, l’est essentiellement par renvoi à l’article 398‑1, relatif au champ d’application de la procédure correctionnelle à juge unique et fort d’une quarantaine d’alinéas.

Outre les inévitables difficultés de lecture, ce renvoi d’un article sur une procédure simplifiée à un article sur la composition d’une juridiction, qui ne va pas nécessairement de soi, conduit à ce que la modification du second emporte automatiquement l’extension du champ d’application du premier :

– si une telle extension n’est pas souhaitée, cela suppose une forte vigilance ;

– en revanche, si seule l’extension de l’ordonnance pénale est poursuivie, cela implique une modification aboutissant à une énumération parallèle au renvoi.

● En troisième lieu, des terminologies obsolètes, imprécises ou problématiques parsèment le CPP, l’une des plus emblématique étant l’atteinte formelle à la présomption d’innocence qui résulte du vocable « auteur », voire « auteur présumé » à la place de termes neutres tels que suspect ou personne soupçonnée. Rappelons à toutes fins utiles qu’une personne n’est pas présumée être l’auteur d’une infraction, mais qu’elle est bien présumée innocente de la commission de celle-ci.

On retrouve ces termes d’auteur ou auteur présumé, par exemple :

– à l’article 689‑6 sur la compétence des juridictions françaises, qui mentionne « l’auteur présumé de ces infractions » ;

– à l’article D. 3 (réglementaire) sur la police judiciaire, qui fait référence à l’« auteur présumé » ;

– à l’article R. 50‑26, réglementaire également et relatif à l’indemnisation des victimes d’infraction, qui retient lui aussi « l’auteur présumé de l’infraction » ;

– ou encore à l’article 73, qui permet à toute personne d’appréhender l’auteur d’un délit ou crime flagrant puni d’une peine d’emprisonnement – la flagrance n’excluant pas le respect de la présomption d’innocence.

● En dernier lieu, la numérotation du CPP n’est guère maniable, et témoigne des nombreux ajouts et de la modification de ce code par strates successives se superposant les unes aux autres.

Recourir à trois niveaux de numéros, comme ce fut le cas lors de l’introduction du titre XXV bis du livre IV sur les crimes sériels ou non élucidés, n’est ainsi guère satisfaisant.

La question de la numérotation n’est, naturellement, pas un motif justifiant à lui seul de refondre un code, mais il n’en constitue pas moins un argument fort militant en ce sens. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur les codes modernes, à numérotation décimale qui permettent de savoir à quoi se rapporte un article en regardant son numéro.

2.   Le salmigondis du livre IV

a.   Un livre « fourre-tout » indigeste

Pudiquement intitulé « De quelques procédures particulières », le livre IV du CPP comprend, dans ses quarante-deux titres (soit plus de titres que les cinq autres livres réunis), une variété de dispositions sans cohérence d’ensemble, qui relèvent plus du salmigondis que d’une structuration raisonnée.

Y figurent des dispositions transversales sur la disparition de pièces, sur les dépositions de certaines personnes, sur le renvoi entre juridictions, sur l’indemnisation des victimes, sur l’extradition ou encore sur des fichiers judiciaires, de portée générale.

La nature disparate de ces mesures n’est en soi pas problématique : elles portent chacune sur un aspect très particulier, peuvent être d’application transversale et leur positionnement dans un même livre ne pose donc pas de difficulté particulière.

En revanche, à côté de ces mesures, le livre IV comprend toute une série de dispositions dérogatoires relatives à l’enquête, à l’instruction et au jugement de certaines infractions – telles que les actes de terrorisme, les infractions en matière de stupéfiants, celles commises en bande organisée ou encore les infractions sexuelles.

Cet état de fait, en plus d’alourdir considérablement le livre IV, rend ce dernier difficilement intelligible, faute de lui conférer une cohérence globale.

D’une manière générale, il suffit de se reporter aux intitulés des quarante‑deux titres composant le livre IV pour que soit mise en évidence la nature de « voiture balai », ou de débarras, de cette structure – un débarras au demeurant fort mal agencé : on aurait pu penser que toutes les procédures spéciales applicables à certaines catégories d’infractions se suivraient, mais s’y intercalent des dispositions relatives à l’indemnisation des victimes (titres XIV à XIV quater), à la protection des témoins (titre XXI) ou aux « repentis » (titre XXI bis).

b.   Des procédures dérogatoires foisonnantes

La présence dans le livre IV de règles dérogatoires nuit également à l’intelligibilité de la norme s’agissant des procédures applicables pour certaines infractions : pour connaître la procédure d’enquête, d’instruction ou de jugement, il faut se référer à la fois aux dispositions générales des livres II et III et à celles, spéciales, du livre IV.

Pour mémoire, et en laissant de côté les dispositions sur des infractions qui revêtent par essence une spécificité procédurale ([24]), ce livre IV prévoit des règles spéciales en matière :

– de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre (titre Ier) ;

– d’infractions en matière militaire et de crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation (titre XI) ;

– d’infractions en matière économique et financière (titre XIII) ;

– d’infractions en matière sanitaire et environnementale (titre XIII bis) ;

– d’actes de terrorisme (titre XV) ;

– de trafic de stupéfiants (titre XVI) ;

– de traite des êtres humains, de proxénétisme et de recours à la prostitution des mineurs (titre XVII) ;

– d’infractions sexuelles (titre XIX) ;

– de criminalité et de délinquance organisées (titre XXV) ;

– de pollution des eaux maritimes par rejets de navires et d’atteinte aux biens culturels maritimes (titre XXVI).

Ces dispositions s’appliquent en plus des dispositions générales prévues aux livres Ier et II du CPP, et dans certains cas à leur place, supposant des allers et retours au sein du code et une lecture croisée de plusieurs titres.

● Pour reprendre l’exemple de la durée de la garde à vue, en matière de criminalité organisée, il faut se référer :

– à l’article 63, applicable à l’enquête de flagrance et, par renvoi, à l’enquête préliminaire et à l’instruction, qui constitue le droit commun de la garde à vue ;

– mais aussi aux articles 706‑88 et 706‑88‑1, qui permettent d’aller jusqu’à un maximum de 144 heures.

● Pour avoir la même information en matière de terrorisme, le praticien du droit, le suspect, la victime ou le citoyen serait naturellement enclin à se reporter au titre XV du livre IV, intitulé « De la poursuite, de l’instruction et du jugement des actes de terrorisme ».

Il serait bien mal inspiré.

En effet, l’information recherchée se trouve au titre XXV et, plus spécifiquement, à l’article 706‑88‑1 déjà mentionné, donc dans la partie sur la criminalité organisée, applicable aux délits et crimes de terrorisme (11° de l’article 706‑73). Il est d’ailleurs permis, face à un tel constat, de s’interroger sur la pertinence de disposer d’un titre dédié au terrorisme si les dispositions applicables à cette matière n’y figurent pas.

D.   Une refonte du code de procédure pénale appelée de leurs vœux par les états généraux de la justice

L’ensemble des éléments précédents militent pour une refonte d’ensemble du CPP, tout en mettant en évidence les difficultés techniques et l’ampleur d’une telle tâche.

● Ce constat est partagé par les États Généraux de la Justice (EGJ), qui considèrent la refonte du CPP « nécessaire face à la complexification des règles de procédure pénale » ([25]).

Citant les interlocuteurs entendus, le rapport du comité des EGJ souligne le caractère « illisible » et « peu praticable » du CPP. Sa réécriture a donc été préconisée par les EGJ, « pour une plus grande lisibilité, cohérence et stabilité » ([26]).

Le comité des EGJ a toutefois relevé qu’une « recodification à droit constant constituerait à elle seule un chantier pluriannuel » ([27]).

● Rappelons, à l’appui de cette refonte par ordonnance, les succès qu’ont constitué les ordonnances portant sur le code de la justice pénale des mineurs et sur le code pénitentiaire, qui ont refondu dans des ensembles lisibles et accessibles les dispositions applicables à ces matières sensibles.

*

*     *

Une réécriture par voie d’ordonnance apparaîtrait ainsi judicieuse : c’est ce que prévoit le présent article.

II.   le projet de loi initial

A.   Une habilitation à refondre le code de procédure pénale par ordonnances

Le présent article prévoit d’habiliter le Gouvernement à refondre le CPP par voie d’ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.

L’article 38 de la Constitution

« Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

« Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

« À l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »

1.   Une réécriture du CPP à droit constant

● Le premier alinéa du présent article prévoit que l’ordonnance porte sur « la réécriture de la partie législative du code de procédure pénale », afin :

– d’en clarifier la rédaction et le plan ;

– de modifier toute autre disposition de nature législative nécessitée par la réécriture.

Les trois parties réglementaires du CPP ne sont donc pas formellement dans le champ de l’habilitation, ce qui est logique : cette dernière concerne, aux termes de l’article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi ; le Gouvernement disposera de toute latitude pour modifier par décrets et arrêtés les dispositions réglementaires du CPP à la suite de la réécriture de sa partie législative.

Rappelons que la codification – ou la réécriture d’un code devenu difficilement lisible –, d’après le Conseil constitutionnel :

– répond « à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » ;

– rend effectifs, par la connaissance suffisante des normes applicables, l’égalité devant la loi, la garantie des droits et l’exercice des droits et libertés consacrés respectivement aux articles 6, 16 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ([28]).

● Le deuxième alinéa du présent article apporte des précisions complémentaires sur l’ordonnance et la réécriture du CPP envisagée.

D’une part, la réécriture est effectuée à droit constant.

En effet, cet alinéa dispose que la réécriture porte sur les dispositions en vigueur à la date de publication de l’ordonnance, ainsi que sur celles publiées mais non encore entrées en vigueur à cette date – formulation que l’on retrouve par exemple dans l’habilitation à élaborer par ordonnance le code pénitentiaire ([29]).

D’autre part, cette réécriture à droit constant est faite sous certaines réserves ou précisions visant à :

– assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ;

– harmoniser l’état du droit ;

– remédier aux éventuelles erreurs ou omissions ;

– abroger les dispositions obsolètes ou devenus sans objet ;

– procéder aux adaptations terminologiques utiles, notamment pour pleinement garantir la présomption d’innocence.

Les modifications ainsi permises dans le cadre d’une codification a droit constant résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, s’il juge qu’elle exclut d’apporter des modifications de fond aux dispositions législatives existantes, ne font pas obstacle aux exceptions consistant à respecter la hiérarchie des normes, à assurer la cohérence rédactionnelle et à harmoniser l’état du droit ([30]).

De telles modifications se retrouvent d’ailleurs régulièrement dans les habilitations données au Gouvernement par le Parlement, comme en témoignent celle déjà mentionnée sur le code pénitentiaire ([31]), ou celle relative à la partie législative du code général de la fonction publique ([32]).

● Ainsi qu’il ressort de l’avis du Conseil d’État, la finalité tendant à assurer le respect de la hiérarchie des normes permettra, notamment, d’inclure dans la réécriture du CPP l’interprétation des dispositions législatives par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ([33]). En effet, comme le relève le Conseil d’État, « l’interprétation de la règle de droit par la jurisprudence des cours suprêmes […] s’incorpore à cette règle et doit nécessairement être prise en compte dans le cadre d’une codification à droit constant » ([34]).

Le respect de la hiérarchie des normes implique également de respecter la supériorité du traité sur la loi, consacrée à l’article 55 de la Constitution ([35]) – et, plus généralement, des normes supérieures à la loi en vertu de la Constitution.

● En tout état de cause, le dispositif proposé définit avec suffisamment de précision la finalité des mesures qui feront l’objet de l’ordonnance et leur domaine d’intervention : il s’agit de réécrire le CPP à droit constant, sous réserve des exceptions présentées.

Le contrôle des lois d’habilitation par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi d’une loi d’habilitation (ou de dispositions législatives habilitant le Gouvernement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, comme c’est le cas au présent article), exige du Gouvernement un certain degré de précision.

Dès 1977, il a ainsi jugé que le Gouvernement devait indiquer « avec précision au Parlement [...] et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre » (1).

En 1999, le Conseil constitutionnel a expressément indiqué que si l’article 38 « fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement […] la finalité des mesures […] ainsi que leur domaine d’intervention, il n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra » (2).

Ce principe, réaffirmé plusieurs fois depuis, notamment en 2017 (3) et en 2018 (4), a conduit à valider la plupart des demandes d’habilitation, mais le Conseil en a censuré deux :

– en 2016, il a jugé que les finalités des mesures prises par ordonnances étaient insuffisamment précisées au regard de l’atteinte susceptible d’être portée à la liberté d’enseignement (5) ;

– en 2018, cette fois sans référence à une atteinte aux libertés, il a estimé, soulevant le moyen d’office, que si le domaine d’intervention des mesures envisagées était précisément défini, tel n’était pas le cas pour leurs finalités, qui se bornaient à « redéfinir » les missions de certains services (6).

Notons que la précision des finalités et du domaine d’intervention s’apprécie à l’aune du dispositif, mais aussi des travaux parlementaires (7).

Ainsi, au stade de la demande d’habilitation, il faut « que le Gouvernement ait une idée suffisamment précise de ce qu’il entend faire » (8), sans pour autant décliner dans le détail la teneur des ordonnances envisagées.

(1) Conseil constitutionnel, décision  7672 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant le Gouvernement à modifier par ordonnances les circonscriptions pour l’élection des membres de la chambre des députés du territoire Français des Afars et des Issas, § 2.

(2) Conseil constitutionnel, décision  99421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, § 12.

(3) Conseil constitutionnel, décision  2017751 DC du 7 septembre 2017, Loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, § 2.

(4) Conseil constitutionnel, décision  2018769 DC du 4 septembre 2019, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, § 87.

(5) Conseil constitutionnel, décision  2016745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, § 13.

(6) Conseil constitutionnel, décision n° 2018769 DC précitée, § 88.

(7) Conseil constitutionnel, décision  2009584 DC du 16 juillet 2009, Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, § 22-23.

(8) Philippe Bachschmidt, Pleine application de la jurisprudence sur la précision des habilitations de l’article 38 de la Constitution : première censure d’office, Constitutions, 2018, p. 374.

2.   Un délai d’habilitation justifié

● Les deux derniers alinéas du présent article précisent la temporalité de l’habilitation et de l’ordonnance qui sera prise sur son fondement :

– le délai d’habilitation est fixé à vingt-quatre mois, courant à compter de la publication de la loi résultant de l’adoption du présent texte ; le Gouvernement devra donc prendre l’ordonnance dans ce délai ;

– à compter de la publication de cette ordonnance, le Gouvernement disposera de six mois pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

● Si le délai d’habilitation peut sembler conséquent, il est en réalité adapté à l’objet de l’ordonnance. Comme le souligne le Conseil d’État, ce délai « est justifié par l’importance de la tâche » ([36]). L’ampleur de la réécriture est en effet indéniable, ce qu’ont mis en évidence les développements précédents.

Nécessaire sur le fond, ce délai l’est aussi sur la forme, la réécriture du CPP :

– faisant intervenir un comité scientifique de suivi des travaux composé de professionnels du droit :

– et associant des parlementaires représentant tous les groupes de l’Assemblée et du Sénat.

Par ailleurs, le délai d’habilitation prévu et la méthode de refonte proposée permettront d’identifier des difficultés de fonds – tels que des délais contradictoires ou insuffisamment harmonisés – qui pourront recevoir une réponse lors de l’examen du projet de loi de ratification par le Parlement.

Enfin, il est permis de penser que ce délai sera mis à profit par le Gouvernement pour élaborer, ou à tout le moins préparer, la recodification des trois parties réglementaires du CPP, qui devront nécessairement être modifiées en conséquence de la réécriture de la partie législative. Vingt-quatre mois ne semblent ainsi pas constituer une durée excessive.

Notons au demeurant que la refonte des dispositions relatives à la fonction publique dans le code général de la fonction publique avait également bénéficié d’un délai d’habilitation de vingt-quatre mois.

 

B.   Les précisions complémentaires sur les principes directeurs de la réécriture du CPP

Si le présent article définit clairement la finalité de l’ordonnance et les modalités de codification à droit constant, conformément au cadre fixé par le Conseil constitutionnel, l’étude d’impact annexée au projet de loi fournit d’amples précisions complémentaires sur les principes qui guideront la réécriture du CPP – autant d’éléments qui renforcent la précision exigée par le Conseil constitutionnel d’une habilitation, qui peut s’apprécier à l’aune des travaux parlementaires.

1.   Les principes de refonte de l’architecture du code

La réécriture du CPP supposera une réorganisation de son architecture, aujourd’hui quelque peu sibylline.

Ainsi, parmi les principes qui guideront les travaux de recodification, sont mentionnés :

– la clarification de grands principes et de définitions, tels le principe en vertu duquel le pénal tient le civil en l’état ou encore la finalité de la procédure pénale ;

– le fait d’aller du général au particulier, et donc de faire figurer les dispositions générales et transversales avant celles se rapportant à des aspects spécifiques, supposant notamment d’inclure dans un livre dédié les mesures sur tous les acteurs de la procédure pénale ;

– le respect de la chronologie procédurale, aujourd’hui parfois malmenée, aboutissant à ce que toutes les dispositions sur les investigations précèdent celles sur la réponse pénale, et qu’elles incluent les dispositions pertinentes figurant actuellement dans les procédures particulières du livre IV ;

– une structuration tripartite reposant sur des livres, des titres et des chapitres, assortie d’une numérotation décimale des articles (numérotation des codes modernes de format « ABC-X », où A correspond au livre, B au titre, C au chapitre et X au numéro de l’article au sein de ce chapitre) ; une telle numérotation est de nature à substantiellement améliorer la lisibilité d’ensemble du code, sous réserve que son organisation générale soit pertinente ;

– le fait de favoriser l’insertion de subdivisions avec des intitulés – en particulier au sein de chapitres – pour accroître la lisibilité du code, voire de doter les articles eux‑mêmes d’intitulés, à l’image de ce qui est fait dans les textes internationaux ([37]) ;

– l’ouverture de chaque partie ou sous-partie par un article dressant la synthèse des dispositions de la structure.

2.   Les principes d’écriture des articles

Ainsi qu’il ressort du dispositif proposé, les terminologies du CPP seront adaptées, notamment pour assurer le plein respect de la présomption d’innocence.

● L’étude d’impact fournit d’autres précisions sur ces aspects, telles que :

– l’adaptation de termes à la réalité, en prenant l’exemple des commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), dont la qualification peut induire en erreur dans la mesure où elles ont « le caractère d’une juridiction civile qui se prononce en premier ressort », aux termes du premier alinéa de l’article 706‑4 du CPP ([38]) ;

– l’adoption de termes plus précis que ceux actuellement employés, l’exemple donné étant la substitution des termes « indicateur de restriction d’accès » à celui de « mention », s’agissant de l’action du procureur de la République pour interdire l’utilisation du traitement des antécédents judiciaires.

● L’étude d’impact met également en avant plusieurs objectifs de rédaction :

– écrire des articles courts, supposant de scinder ceux actuellement longs et difficiles à lire ;

– limiter autant que possible les renvois, afin que les articles puissent être compris sans avoir à se référer à d’autres dispositions ;

– si des renvois sont nécessaires, préciser dans le dispositif visé en renvoi son objet général, afin de faciliter l’intelligibilité de l’article.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   Les modifications apportées en commission

La commission, à l’initiative des rapporteures du projet de loi, Mmes Agnès Canayer (LR) et Dominique Vérien (UC), a décidé de différer l’entrée en vigueur de l’ordonnance de refonte du CPP, en prévoyant qu’elle entrera en vigueur « au plus tôt un an après sa publication ». Le délai de dépôt du projet de loi de ratification a par ailleurs été réduit de moitié, passant de six à trois mois ([39]).

L’objectif affiché de ce décalage temporel de l’entrée en vigueur de la future ordonnance est, selon les rapporteures, de permettre au Parlement de se saisir des dispositions de l’ordonnance, entre son adoption et son entrée en vigueur, pour pouvoir y apporter toutes les modifications nécessaires, en particulier pour simplifier la procédure pénale.

Ce décalage semble contraire à la lettre de l’article 38 de la Constitution, qui dispose à son deuxième alinéa que les ordonnances « entrent en vigueur dès leur publication ». Néanmoins, il est déjà arrivé au législateur de prévoir une entrée en vigueur différée de l’ordonnance dans l’habilitation qu’il donne : tel fut le cas dans le cadre de la loi « 3DS » du 21 février 2022 ; cette loi n’avait toutefois pas fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, qui n’a donc pu exercer son contrôle sur cet aspect ([40]).

b.   Les modifications apportées en séance

Si aucune modification supplémentaire n’a été apportée à l’article en séance, il convient de relever l’inscription par le Sénat, dans le rapport annexé au présent texte, des conditions de méthode pour la refonte du CPP, à savoir la clarification et l’identification des pistes de simplification procédurale, en faisant intervenir un comité scientifique et en associant les parlementaires à travers un comité de liaison. Cette inscription résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure Agnès Canayer (LR) ayant recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement ([41]).

4.   La position de la Commission

En plus d’une précision rédactionnelle apportée à l’initiative de vos rapporteurs, la Commission, sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable du rapporteur Erwan Balanant (Dem), a rétabli le délai de six mois initialement prévu pour le dépôt du projet de loi de ratification (amendement CL784).

Elle a adopté l’article ainsi modifié.

*

*     *

Article 2 bis
(art. 367 du code de procédure pénale)
Valeur de titre de détention de l’arrêt de cour d’assises condamnant
à une peine d’emprisonnement un accusé comparaissant détenu

 

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article, introduit par le Sénat en commission, corrige une scorie résultant des modifications apportées à l’article 367 du code de procédure pénale (CPP) par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, afin de prévoir expressément dans la loi que l’arrêt de cour d’assises condamnant à une peine d’emprisonnement un accusé comparaissant détenu vaut titre de détention.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 367 du CPP a été modifié par l’article 6 de la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui est partiellement revenu sur le principe selon lequel l’arrêt de condamnation à une peine privative de liberté par une cour d’assises vaut titre de détention.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

● Jusqu’en 2022, et aux termes de l’article 367 du code de procédure pénale, la condamnation par une cour d’assises d’un accusé à une peine privative de liberté valait titre de détention, que l’accusé comparaisse libre ou détenu, et qu’il soit condamné à une peine de réclusion criminelle ou à une peine d’emprisonnement.

● La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, à travers une modification de cet article 367 du CPP, est revenue en partie sur ce principe ([42]) ; ces modifications sont entrées en vigueur le 1er mars 2022, en application du III de l’article 59 de la loi du 22 décembre 2021 précitée.

Désormais, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 367 du CPP, l’arrêt de condamnation de la cour d’assises ne vaut titre de détention que si l’accusé a été condamné à une peine de réclusion criminelle.

Si l’accusé est condamné à une peine correctionnelle (d’emprisonnement) et qu’il comparaît libre, le choix est laissé à la cour de décider ou non de décerner mandat de dépôt.

En revanche, a été omise l’hypothèse dans laquelle l’accusé condamné à une peine d’emprisonnement comparaît détenu. Dès lors, la stricte interprétation de la loi aboutit à ce que, dans une telle hypothèse, l’accusé, bien qu’en détention provisoire et condamné, soit mis en liberté avant sa future incarcération.

● Face à une telle situation, dépourvue de cohérence et de logique, le pouvoir réglementaire, par un décret du 25 février 2022 ([43]), a cherché à combler la lacune résultant de la loi du 22 décembre 2021, afin de prévoir expressément que l’arrêt de cour d’assises vaut titre de détention lorsque :

– l’accusé, comparaissant libre, est condamné à une peine de réclusion criminelle ;

– l’accusé, comparaissant détenu, est condamné à une peine de réclusion ou – et là est l’apport – à une peine d’emprisonnement.

Ces dispositions figuraient initialement à l’article D. 45‑2‑1 bis du CPP ; elles se trouvent aujourd’hui à son article D. 45‑2 ([44]).

Néanmoins, une norme de niveau réglementaire n’apparaît pas suffisante pour combler efficacement le vide juridique existant dans la loi.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article résulte de l’adoption, par la commission des Lois du Sénat, d’un amendement de M. Jean‑Claude Requier (RDSE) et plusieurs de ses collègues ([45]). Il reprend le dispositif de l’article 1er de la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d’incarcération ou de libération à la suite d’une décision de cour d’assises, déposée par M. Requier et adoptée par le Sénat le 15 novembre 2022.

Il n’a pas été modifié en séance.

● Cet article vise à corriger la scorie issue de la loi du 22 décembre 2021 précitée et à combler le vide juridique en résultant, en prévoyant à l’article 367 du CPP que la condamnation par une cour d’assises à une peine privative de liberté vaut titre de détention également si l’accusé comparaît détenu.

La modification apportée couvre ainsi l’hypothèse d’une condamnation d’un accusé en détention provisoire à une peine d’emprisonnement – l’arrêt vaudra titre de détention.

Le tableau suivant dresse la synthèse des situations applicables en fonction de la nature de la peine et de la situation de l’accusé, en l’état du droit – au regard de la lettre de la loi, et non des dispositions réglementaires existantes –, et avec le dispositif proposé.

conséquences d’une condamnation par une cour d’assises

Peine

Situation de l’accusé

Loi en vigueur

Dispositif proposé

Réclusion criminelle

Comparaît libre

Titre de détention

Titre de détention

Comparaît détenu

Titre de détention

Titre de détention

Emprisonnement

Comparaît libre

Possibilité de décerner
mandat de dépôt

Possibilité de décerner
mandat de dépôt

Comparaît détenu

Mise en liberté (en attente d’une incarcération future)

Titre de détention

● La proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyait, dans un article 2, une modification de l’article 804 du CPP pour rendre applicable le dispositif en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis‑et‑Futuna.

La reprise de cet article 2 n’est pas nécessaire ici, dans la mesure où le 1° du VI de l’article 27 du présent projet de loi modifie déjà l’article 804 pour actualiser sa base de référence.

3.   La position de la Commission

Le dispositif prévu au présent article est non seulement bienvenu, mais nécessaire. Le vide juridique résultant de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ne pouvait demeurer, et son comblement par une disposition réglementaire n’était pas satisfaisant.

La Commission a, en conséquence, adopté cet article sans modification.

*

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Chapitre II
Dispositions améliorant le déroulement de la procédure pénale

Section 1
Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement et à l’exécution des peines

Article 3 A
(art. 2308 du code de procédure pénale)
Amélioration de la gestion du fichier
des traitements des antécédents judiciaires

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article, introduit par le Sénat en séance à l’initiative du Gouvernement, améliore la gestion du fichier des traitements des antécédents judiciaires (TAJ) :

– en permettant au procureur général territorialement compétent de modifier le TAJ s’agissant des décisions d’une cour d’appel, lui reconnaissant alors les mêmes prérogatives que celles dont bénéficie le procureur de la République ;

– en indiquant expressément que les mentions dont certaines données personnelles font l’objet en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, sont les mentions interdisant l’accès à ces données dans le cadre d’enquêtes administratives.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a permis la consultation du TAJ dans le cadre des enquêtes administratives relatives aux demandes de visa et d’autorisation de voyage.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

1.   L’état du droit

● Prévu aux articles 230‑6 à 230‑11 du code de procédure pénale (CPP), le fichier des traitements des antécédents judiciaires (TAJ) contient des informations recueillies au cours des investigations conduites dans le cadre d’infractions constituant :

– un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ;

– une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État.

Il contient également les informations recueillies au cours des procédures de recherche de la cause de la mort ou des causes d’une disparition.

Il peut également contenir des informations sur des personnes à l’égard desquelles existent des indices graves ou concordants qui rendent vraisemblables leur participation à la commission des infractions dans le champ du TAJ, ainsi que des informations relatives aux victimes de ces infractions.

● Le TAJ est utilisé dans le cadre d’investigations judiciaires pour constater des infractions, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs, selon des modalités prévues à l’article R. 40‑28 du CPP.

● Il est également utilisé dans le cadre d’enquêtes administratives, selon des modalités prévues à l’article R. 40‑29 du CPP :

– pour l’accès à certains emplois sensibles, en application des articles L. 114‑1 et L. 234‑1 du code de la sécurité intérieure (CSI) ;

– pour les demandes d’acquisition de la nationalité française, de visa ou d’autorisation de voyage, en application de l’article 17‑1 de la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité ([46]) ;

– pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux, en application du même article 17‑1 ;

– pour l’accès des personnes, autre que les spectateurs, à certaines installations et établissements pendant la durée de grands événements, en application de l’article L. 211‑11‑1 du CSI ;

– pour l’accès à des données à caractère personnel concernant les militaires, en application de l’article L. 4123‑9‑1 du code de la défense.

● Aux termes de l’article 230‑8 du CPP, le TAJ est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, qui peut être amené à ordonner que les données soient rectifiées, complétées ou effacées, ou qu’elles fassent l’objet d’une « mention », c’est-à-dire d’une interdiction d’accès dans le cadre des enquêtes administratives.

En cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, les données personnelles sont effacées, sauf si le procureur décide de leur maintien ; elles font alors l’objet d’une mention en interdisant l’accès pour les enquêtes administratives, et la personne relaxée ou acquittée est informée du maintien.

Il en va de même en cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, à l’exception de l’information de la personne.

L’interdiction d’accès aux données dans le cadre des enquêtes administratives, en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, est aussi prévue à l’article R. 40‑29 du CPP – qui exclut également l’accès aux données relatives aux victimes.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance, d’un amendement du Gouvernement ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission ([47]).

Il vise à améliorer la gestion du TAJ, en modifiant l’article 230‑8 du CPP sur deux aspects.

● D’une part, il donne aux procureurs généraux les mêmes prérogatives que celles reconnues aux procureurs de la République par l’article 230‑8, s’agissant des décisions rendues par les cours d’appel.

Le TAJ pourra ainsi être directement modifié par le procureur général territorialement compétent pour tirer les conséquences d’une décision de la cour d’appel : le circuit de décision en sera raccourci, l’échelon le plus proche de la décision étant privilégié.

● D’autre part, il clarifie utilement la rédaction de cet article, en précisant que les « mentions » dont font l’objet les données à caractère personnel en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, sont des mentions interdisant l’accès à ces données dans le cadre d’enquêtes administratives.

Cette clarification rédactionnelle permet d’éviter toute confusion sur le sens du terme « mention », qui peut aussi concerner les mentions au casier judiciaire, également visées à l’article 230‑8 du CPP.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.

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Article 3 B (nouveau)
(art. 2-1, 695-9-17, 695-22, 713-20, 713-37, 728-32 du code de procédure pénale)
Dispositions sur la correction du terme « race »
dans le code de procédure pénale

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative de M. Raphaël Gérard, ajoute, dans le code de procédure pénale, l’adjectif « prétendue » devant les occurrences du terme « race ».

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

 

1.   L’état du droit

L’article 171 de la loi de 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([48]) a ajouté, dans le code pénal, l’adjectif « prétendue » devant les occurrences du terme « race ».

2.   Le dispositif adopté par la commission des Lois

En cohérence avec les termes aujourd’hui utilisés par le code pénal, l’amendement CL671 de M. Raphaël Gérard ajoute, dans le code de procédure pénale, l’adjectif « prétendue » devant les occurrences du terme « race ».

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Article 3
(art L. 41317 du code de la justice pénale des mineurs, art. L. 6121 du code pénitentiaire et art. 551, 591 [nouveau], 633, 8011, 114, 1426, 14261 [nouveau], 145-1, 145-2, 153, 156, 1612, 165, 167, 1672, 186, 1861, 230341 [nouveau], 23036, 396, 3971, 3972, 3973, 602, 6021 [nouveau], 706792 [nouveau], 706961, 706962 [nouveau], 706-96-3 [nouveau], 70697, 8035 et 8037 du code de procédure pénale)
Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement
et à l’exécution des peines

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie la procédure pénale sur plusieurs aspects :

– il permet, de façon encadrée, la réalisation de perquisitions en dehors des horaires de droit commun dans le cadre d’une enquête de flagrance relative à un crime contre les personnes, si l’urgence le justifie ;

– il étend les droits du témoin assisté, en particulier en matière d’expertises, et permet à une personne mise en examen de demander, dès celle-ci, d’être placé sous le statut de témoin assisté ;

– il crée une nouvelle procédure d’assignation à résidence sous surveillance électronique sous condition suspensive de faisabilité ;

– dans le cadre de certaines procédures, telles que la comparution immédiate, en cas de renvoi du ministère public à mieux se pourvoir, l’article laisse au procureur le choix dans les suites à donner ;

– il ouvre la possibilité de recourir à la visioconférence pour le recours à un interprète en audition libre et en garde à vue et, de façon strictement encadrée, pour l’examen médical dans le cadre d’une prolongation de garde à vue – la personne ayant demandé l’examen ou le médecin pouvant s’opposer à cette modalité ;

– il confie au juge des libertés et de la détention la compétence de modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE ;

‒ il unifie les délais d’audience et de jugement en matière de comparution immédiate ;

– il ouvre la possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière ;

‒ il rend possible l’activation à distance des appareils électroniques à des fins soit de géolocalisation, soit, dans le cadre des techniques spéciales d’enquête, de captation d’image et de sonorisation.

       Dernières modifications intervenues

L’article 803-7 du code de procédure pénale, prévoyant la possibilité de placement sous contrôle judiciaire en cas de détention provisoire irrégulière, a été créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale

La procédure de comparution à délai différé a été introduite par la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Celle‑ci a également modifié les dispositions relatives à la technique de géolocalisation, ainsi que celles relatives aux techniques spéciales d’enquête.

Certaines dispositions relatives à l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), notamment l’article 142-6 du code de procédure pénale, ont été modifiées par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire

La loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a modifié certaines modalités de recours à des moyens de télécommunication dans le cadre de la procédure pénale et a intégré, dans la liste des infractions pour lesquelles l’autorité judiciaire peut recourir aux techniques spéciales d’enquête, les crimes de meurtre et les crimes de viol lorsqu’ils sont commis en concours.

       Modifications apportées par le Sénat

Plusieurs modifications ont été apportées par le Sénat ; les principales sont :

– s’agissant des perquisitions de nuit, l’extension du dispositif au cadre de l’instruction ;

– l’extension de six à dix jours du délai pour qu’une personne mise en examen puisse demander à être placée sous le statut de témoin assisté, et l’information du témoin assisté d’une demande d’expertise ;

– des coordinations sur le prononcé des ARSE ;

– plusieurs coordinations s’agissant de la compétence du juge des libertés et de la détention (JLD) pour modifier les interdictions et obligations des contrôles judiciaires ou ARSE ;

– la possibilité de réaliser par visioconférence l’examen médical dans le cadre d’une prolongation de garde à vue seulement si un examen physique a déjà eu lieu ;

– en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la possibilité pour le procureur, en cas de refus d’homologation par le juge, de faire une nouvelle proposition de peine ;

– un encadrement plus strict du recours à l’activation à distance en vue de géolocalisation et de sonorisation ou captation d’images.

– la possibilité offerte au JLD de modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE lorsqu’il est saisi d’une demande de révocation d’un contrôle judiciaire, ainsi que la possibilité de modifier une ARSE lorsqu’il est saisi d’une demande de révocation de cette ARSE ;

– le rallongement des délais de l’enquête préliminaire ;

– l’anonymisation des interprètes intervenant dans les procédures en matière de terrorisme ;

– l’élargissement du permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat aux associés et collaborateurs de ce dernier.

       Modifications apportées par la Commission

Tout comme le Sénat, la Commission a modifié l’article sur de nombreux aspects ; les principales modifications sont :

– s’agissant des perquisitions de nuit, la suppression de l’exigence que le risque d’atteinte soit imminent, ainsi que plusieurs clarifications ;

– la poursuite de l’extension des droits du témoin assisté, essentiellement en matière d’expertise ;

– l’harmonisation des modalités d’audition, dans les différents cadres d’investigation, d’un témoin non soupçonné ;

– la suppression de la nécessité de formuler une demande pour déclencher la comptabilisation de la durée de l’enquête préliminaire ;

– l’ajout de précisions sur la transmission de la demande d’enquête de faisabilité au SPIP par le JLD lorsqu’il décide du placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) sous condition suspensive de faisabilité ;

– l’avertissement de la personne en détention provisoire avant la tenue d’un débat contradictoire portant sur la prolongation de cette détention cinq jours avant au moins ;

– des coordinations et des précisions s’agissant de la compétence du juge des libertés et de la détention en matière de modification des contrôles judiciaires et des ARSE ;

– l’unification des délais de comparution immédiate, que la personne soit placée en détention provisoire, sous contrôle judiciaire ou sous ARSE ;

– de nouvelles garanties en matière d’activation à distance aux fins de géolocalisation et de sonorisation ou de captation d’images ;

– s’agissant de l’examen médical en garde à vue par visioconférence, la suppression de la condition d’un examen physique préalable, et l’inscription dans la loi d’hypothèses d’exclusion du recours à la visioconférence ;

– l’alignement de certains éléments de la procédure de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation sur celle prévue pour les chambres civiles ;

– la présence obligatoire de l’avocat pour les opérations de relevés signalétiques en garde à vue sans le consentement de l’intéressé ;

– la consécration, pour la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, de recourir à la visioconférence pour certains interrogatoires, débats et jugements ;

–  la simplification de la signification des actes en matière de justice pénale des mineurs et la possibilité pour le procureur de la République d’avancer la date du jugement d’un mineur placé en détention provisoire.

 

Le présent article procède à de nombreuses modifications en matière de procédure pénale, qui n’ont pour la plupart aucun lien les unes avec les autres. Il peut être regretté que l’ensemble de ces dispositions aient été inscrites dans un seul et même article, là où une meilleure lisibilité du texte aurait milité pour une déclinaison des mesures proposées dans plusieurs articles, en fonction de l’objet de chacune.

Dans un souci d’intelligibilité, le présent commentaire présentera, pour chacune des modifications proposées, l’état du droit, le dispositif prévu, les éventuelles modifications apportées par le Sénat et la position retenue par la Commission.

I.   Perquisitions de nuit concernant les crimes contre les personnes

Le 1° du I du présent article permet de réaliser des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des horaires normaux, c’est‑à-dire en rendant possible leur commencement après vingt-et-une heures et avant six heures.

Le dispositif est strictement encadré : exigeant l’autorisation écrite et dûment motivée du juge des libertés et de la détention, il n’est ouvert que dans le cadre d’une enquête de flagrance relative à un crime contre les personnes et si l’opération de nuit est nécessaire pour prévenir des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique, pour éviter la disparition de preuves ou pour interpeller l’auteur.

A.   L’état du droit

Si les perquisitions, en principe, ne peuvent commencer avant six heures et après vingt-et-une heures, des exceptions sont prévues en matière de criminalité et de délinquance organisées.

1.   L’encadrement temporel : un commencement entre 6 heures et 21 heures

Le régime des réquisitions, hors procédures particulières, est prévu aux articles 56 à 59 du code de procédure pénale (CPP).

Aux termes de l’article 59 du CPP, les perquisitions et visites domiciliaires sont encadrées dans le temps, ne pouvant commencer, sauf « réclamation faite de l’intérieur de la maison » :

– avant six heures du matin ;

– et après vingt-et-une heures.

Ces dispositions, prévues dans le cadre de l’enquête de flagrance, sont également applicables :

– à l’enquête préliminaire, en application de l’article 76 du CPP ;

– à l’instruction, en application des articles 95 et 96 du CPP.

2.   Les dérogations au cadre temporel des perquisitions en matière de criminalité organisée

Ainsi qu’il a été vu dans le commentaire de l’article 2 du présent projet de loi, certaines catégories d’infraction connaissent des règles procédurales qui dérogent substantiellement à celles de droit commun, et qui se trouvent dans le livre IV du CPP.

Les perquisitions n’échappent pas à cette situation : les articles 706‑89 à 706‑94 du CPP prévoient la possibilité de déroger au cadre temporel des perquisitions en permettant de réaliser des perquisitions en dehors des horaires prévus à l’article 59 du CPP, c’est-à-dire de commencer une perquisition après 21 heures le soir et avant 6 heures du matin – ces dispositions autorisent en conséquence les perquisitions de nuit ([49]).

Ces perquisitions de nuit ne sont possibles qu’à l’égard des crimes et délits visés aux articles 706‑73 et 706‑73‑1 du CPP, qui concernent la criminalité et la délinquance organisées.

La criminalité et la délinquance organisée visée aux articles 706‑73 et 706‑73‑1

Les articles 706‑73 et 706‑73‑1 visent trente-six catégories d’infractions.

● Peuvent être mentionnés les infractions suivantes :

– meurtre commis en bande organisée ou en concours avec un ou plusieurs autres meurtres ;

– torture et actes de barbarie commis en bande organisée ;

– viols commis en concours avec un ou plusieurs autres viols sur d’autres victimes ;

– crimes et délits de trafic de stupéfiants ;

– crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée ;

– crimes et délits aggravés de traite des êtres humains et de proxénétisme ;

– vol commis en bande organisée ;

– crime aggravé d’extorsion ;

– atteintes aux biens criminelles commise en bande organisée ;

– crimes en matière de fausse monnaie ;

– actes de terrorisme ;

– délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers commis en bande organisée ;

– détournement de moyens de transport en commis en bande organisée ;

– abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée ;

– escroquerie commise en bande organisée ;

– délits en matière de travail dissimulé commis en bande organisée.

● Par ailleurs, sont également visées des infractions liées à certaines des infractions précédentes, telles que :

– le blanchiment et le recel de produits, choses et revenus tirés des infractions considérées ;

– l’association de malfaiteur en vue de la préparation des infractions considérées ;

– ou encore le délit de non-justification des ressources en relation avec les infractions considérées.

Parce qu’elles sont fortement dérogatoires au droit commun et que, par nature, elles portent atteinte aux droits et libertés constitutionnels, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction réalisées de nuit font l’objet d’un cadre juridique strict, s’agissant tant de leur procédure que de la forme que leur autorisation doit prendre.

Rappelons, à titre liminaire, que la dérogation ne concerne que les horaires des perquisitions. Les autres formalités demeurent en tout état de cause applicables, en particulier s’agissant de celles relatives à la présence ou à l’assentiment de la personne chez qui la perquisition a lieu – sous réserve de l’aménagement prévu à l’article 706‑94 lorsque la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu est détenue ou gardée à vue et que son déplacement présente un risque.

Seul le terme de « perquisition » sera employé dans les développements suivants présentant l’état du droit, par souci de simplification.

a.   Le strict encadrement de la procédure permettant les perquisitions de nuit

La procédure prévue pour procéder à des perquisitions de nuit, donc débutant après 21 heures ou avant 6 heures, diffère selon le cadre d’investigation, mais suppose toujours l’intervention d’au moins un magistrat et n’est possible que si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent.

● Dans le cadre de l’enquête de flagrance, et aux termes de l’article 706‑89 du CPP, la perquisition de nuit doit :

– être requise par le procureur de la République ;

– et être autorisée par le JLD.

● Dans le cadre de l’enquête préliminaire, l’article 706‑90 prévoit lui aussi une autorisation du JLD à la requête du procureur de la République.

Les perquisitions de nuit réalisées dans ce cadre ne peuvent par ailleurs pas concerner des locaux d’habitation, sauf :

– en cas d’urgence ;

– si l’enquête concerne un ou plusieurs actes de terrorisme (par renvoi au 11° de l’article 706‑73 du CPP) ;

– et si la perquisition de nuit est nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

● Enfin, en matière d’information judiciaire, les perquisitions de nuit supposent l’autorisation du juge d’instruction sur le fondement de l’article 706‑91 du CPP ; elles sont alors réalisées par les OPJ agissant sur commission rogatoire – ces OPJ devant alors en aviser le procureur de la République, en application de l’article 151 du CPP.

Comme dans le cadre de l’enquête préliminaire, les perquisitions de nuit réalisées lors d’une information judiciaire ne peuvent concerner des locaux d’habitation, sous réserve de quatre exceptions :

– il s’agit d’un crime ou délit flagrant ;

– il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;

– il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux à perquisitionner sont en train de commettre des crimes ou délits relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée (c’est‑à‑dire visés aux articles 706‑73 et 706‑73‑1 du CPP) ;

– ou si la perquisition intervient dans le cadre d’une information judiciaire relative à un acte de terrorisme et qu’elle est nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

● Le magistrat qui a autorisé la perquisition contrôle celle-ci, peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des obligations légales prévues, et doit être informé dans les meilleurs délais des actes accomplis.

● Le tableau suivant dresse la synthèse de la procédure applicable aux perquisitions de nuit en matière de criminalité et de délinquance organisées, selon le cadre d’investigation concerné.

cadre juridique des perquisitions de nuit
en matière de criminalité et de délinquance organisées

 

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Autorisation

JLD sur requête du procureur de la République

JLD sur requête du procureur de la République

Juge d’instruction avec commission rogatoire

Locaux d’habitation

Principe

Oui

Non

Non

Exceptions

Si :
– urgence ;

– ET actes de terrorisme ;
– ET nécessaire pour prévenir atteinte à vie ou intégrité physique

Si crime ou délit flagrant

OU
Si risque immédiat de disparition de preuves et indices

OU
si soupçon de commission de crimes ou délits relevant de la criminalité organisée

OU

Si concerne terrorisme et nécessaire pour prévenir atteinte à vie ou intégrité physique

 

b.   Le formalisme rigoureux de l’autorisation de perquisition de nuit

Si la procédure au titre de laquelle une perquisition de nuit est fortement encadrée et associe étroitement les magistrats, l’autorisation de réaliser une perquisition de nuit obéit également à un formalisme strict, dont la méconnaissance est frappée de nullité en application de l’article 706‑92 du CPP.

Ainsi, cette autorisation doit :

– être écrite – une autorisation verbale suivie, après la perquisition, d’une ordonnance écrite et motivée, n’est ainsi pas régulière ([50]) ;

– porter sur une perquisition déterminée, excluant ainsi toute autorisation générale ;

– préciser la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée – la perquisition ne peut avoir un autre objet que la recherche et la constatation de l’infraction ainsi visée à peine de nullité, aux termes de l’article 706‑93 (la révélation fortuite d’infractions ne constitue toutefois pas une cause de nullité des procédures incidentes) ;

– préciser l’adresse des lieux concernés ;

– indiquer les éléments de faits et de droit justifiant que la perquisition est non seulement nécessaire, mais qu’elle ne peut être réalisée pendant les heures prévues par le droit commun ;

– indiquer les considérations justifiant la perquisition de nuit dans des locaux d’habitation, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire.

c.   Un cadre strict confirmé par le Conseil constitutionnel

L’encadrement juridique des perquisitions de nuit dans le cadre d’investigations relatives à la criminalité et la délinquance organisées a été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 2004 ([51]).

Le Conseil constitutionnel a en effet relevé que :

– ces perquisitions étaient justifiées par la recherche des auteurs d’infractions particulièrement graves ;

– l’autorisation de procéder à ces perquisitions émanait de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles ;

– la mise en œuvre des perquisitions était assortie de garanties procédurales appropriées ;

– les autres garanties procédures applicables aux perquisitions dans le cadre du droit commun demeuraient.

B.   Le projet de loi initial

Ainsi qu’il a été vu, les perquisitions de nuit ne sont actuellement possibles que dans le cadre de la criminalité et de la délinquance organisées, par référence aux infractions visées aux articles 706‑73 et 706‑73‑1 du CPP.

Le présent article élargit la possibilité de réaliser des perquisitions de nuit, des visites domiciliaires et des saisies de pièces à conviction dans des hypothèses et selon des modalités précisément définies.

À cet effet, le  de son I introduit dans le CPP, après l’article 59, un nouvel article 591.

Par souci de simplification, seul le terme de « perquisition » sera employé dans les développements suivants.

1.   Le cadre de l’ouverture proposée des perquisitions de nuit : l’enquête de flagrance portant sur un crime contre les personnes

Le nouveau dispositif retient un double ciblage, procédural et matériel.

a.   Un dispositif réservé à l’enquête de flagrance

Il résulte des termes du premier alinéa du nouvel article 591 du CPP que le dispositif proposé ne s’appliquera que dans le cadre d’une enquête de flagrance – justifiant ainsi le placement du nouvel article dans le code, et l’absence de coordinations concernant les autres cadres d’investigation.

Ainsi, à la différence des dispositions applicables en matière de criminalité et de délinquance organisées, la possibilité prévue par le nouvel article 59‑1 ne concernera ni l’enquête préliminaire, ni l’information judiciaire.

Elle est ainsi réservée au cadre d’enquête caractérisé par l’urgence.

b.   Un dispositif ciblé sur des infractions d’une particulière gravité : les crimes contre les personnes

Centré sur l’enquête de flagrance, le nouveau dispositif retient également un ciblage matériel, dans la mesure où il ne sera applicable qu’aux enquêtes relatives à un ou plusieurs crimes prévus par le livre II du code pénal, c’est-à-dire les crimes contre les personnes.

● Ces crimes, dont la sanction va de 15 ans de réclusion à la réclusion criminelle à perpétuité, recouvrent des infractions variées, telles que :

– le meurtre et l’assassinat ;

– le viol ;

– les violences aggravées de nature criminelle ;

– ou encore l’enlèvement et la séquestration.

Le tableau suivant dresse la liste des infractions concernées, hors criminalité organisée.

Crimes prévus au livre II du code pénal
(hors criminalité organisée)

Crimes

Réclusion criminelle encourue
(hors bande organisée)

Articles
(code pénal)

Génocide et autres crimes contre l’humanité

Perpétuité

211‑1 à 212‑3

Eugénisme et clonage reproductif

30 ans

214‑1 et 214‑2

Meurtre

30 ans

221‑1

Meurtre en série ou lié à une infraction

Perpétuité

221‑2

Assassinat

Perpétuité

221‑3

Meurtre aggravé

Perpétuité

221‑4

Empoisonnement

30 ans

221‑5

Disparition forcée

Perpétuité

221‑12

Torture et actes de barbarie

15 ans

222‑1

Torture et actes de barbarie liés à un crime

Perpétuité

222‑2

Torture et actes de barbarie aggravés

20 ans-30 ans

222‑3 à 222‑6

Violences entraînant la mort

15 ans

222‑7

Violences aggravées entraînant la mort

20 ans

222‑8

Violences aggravées entraînant une informité permanente ou une mutilation

15 ans

222‑10

Viol

15 ans

222‑23

Viol aggravé

20 ans-30 ans-Perpétuité

222‑23‑1 à 222‑26

Délaissement criminel d’une personne hors d’état de se protéger

15 ans-20 ans

223‑4

Réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage

20 ans

224‑1 A et 224‑1 B

Enlèvement et séquestration

20 ans-30 ans-Perpétuité

224‑1 à 224‑3

Détournement de moyens de transport

20 ans-30 ans-Perpétuité

224‑6 à 224‑7

Délaissement aggravé de mineur

15 ans-30 ans

227‑2

Mise en péril d’un mineur entraînant la mort

30 ans

227‑16

N.B. : Les crimes en matière de trafic de stupéfiants, les crimes aggravés de traite d’êtres humains et de proxénétisme ne figurent pas dans ce tableau dans la mesure où ils sont déjà prévus à l’article 706‑73 du CPP.

La possibilité de procéder à des perquisitions de nuit ne concerne donc qu’un champ précis d’infractions, dont la gravité est indéniable :

– de par leur nature même ;

– et eu égard aux peines encourues.

● Il convient à cet égard de noter que ces infractions sont plus lourdement punies que certaines infractions visées à l’article 706‑73 du CPP et qui peuvent déjà mettre en œuvre des perquisitions de nuit – ainsi que d’autres techniques spéciales d’enquête.

Pour se limiter à quelques exemples, tel est notamment le cas :

– pour l’aide à l’entrée à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers, qui constitue un délit même s’il est commis en bande organisée, et puni de dix ans d’emprisonnement (article L. 823‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ;

– pour certaines infractions relevant du trafic de stupéfiants, comme la vente de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, passible de cinq ans d’emprisonnement (article 222‑39 du code pénal) – au demeurant, dans cette hypothèse, la circonstance aggravante d’une commission en bande organisée n’est pas exigée par l’article 706‑73 du CPP.

Notons en outre, toujours en matière de stupéfiants, que le droit en vigueur permet également des perquisitions nocturnes dans les locaux où l’on use en société de stupéfiants ou dans ceux où des stupéfiants sont fabriqués, transformés ou entreposés (article 706‑28 du CPP) ([52]).

Il peut ainsi sembler paradoxal que les enquêteurs disposent de prérogatives plus poussées pour réprimer des infractions parfois moins lourdement punies et que la société considère donc moins graves que les crimes contre les personnes. Notons au demeurant que le dispositif proposé ne concerne que les perquisitions de nuit, et non l’ensemble des techniques spéciales d’enquête (telles que l’infiltration, la surveillance ou encore les interceptions de communications et correspondances).

Le présent article met fin à ce paradoxe, s’agissant des perquisitions de nuit.

2.   La finalité précise des perquisitions de nuit : prévention, conservation, interpellation

● Si le dispositif proposé n’est applicable que dans un cadre d’enquête spécifique et pour certains crimes précisément définis, sa mise en œuvre est elle aussi encadrée, subordonnée à trois motifs limitativement énumérés :

– la prévention : la réalisation de la perquisition de nuit est nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ;

– la conservation : il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime faisant l’objet de l’enquête de flagrance ;

– l’interpellation : la perquisition de nuit permet d’interpeller l’auteur du crime.

● Ces finalités sont voisines de celles prévues à l’article 706‑91 du CPP en matière de perquisition de nuit dans un local d’habitation dans le cadre d’une information judiciaire.

Le dispositif proposé, subordonné à des objectifs clairement définis, fait donc l’objet d’un encadrement plus strict que celui prévu à l’article 706‑89 du CPP relatif aux perquisitions de nuit en enquête de flagrance en matière de criminalité et de délinquance organisées.

● Le second alinéa du nouvel article 591 du CPP reprend en outre les dispositions figurant à l’article 706‑93 du CPP :

– les perquisitions ne sauraient avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans l’autorisation judiciaire de procéder à leur réalisation – à peine de nullité ;

– si elles révèlent de façon fortuite d’autres infractions, cela ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

3.   La procédure prévue : le contrôle par l’autorité judiciaire

Enfin, la procédure par laquelle est autorisée la mise en œuvre des perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête de flagrance relative à un crime contre les personnes est, à l’image du reste du dispositif, rigoureusement encadrée.

● D’une part, l’autorisation ne peut être délivrée que par le JLD, et sur requête du procureur de la République.

Seul ce dernier dispose donc de l’initiative de solliciter l’autorisation, délivrée par le juge garant du respect des libertés et qui intervient déjà dans le cadre existant des perquisitions de nuit.

● D’autre part, l’autorisation du JLD, formalisée dans une ordonnance spécialement motivée, obéit aux modalités prévues aux premier et troisième alinéas de l’article 706‑92 du CPP, c’est-à-dire :

– porter sur une perquisition déterminée ;

– être écrite ;

– préciser la qualification du crime visé ;

– indiquer l’adresse des lieux concernés par la perquisition ;

– préciser les éléments justifiant la réalisation de la perquisition en dehors des horaires de droit commun.

La perquisition sera réalisée sous le contrôle du JLD, qui pourra se déplacer sur les lieux et devra être informé par le procureur ou l’OPJ, dans les meilleurs délais, des actes accomplis.

● Il s’agit de la reprise de la procédure prévue pour les perquisitions de nuit dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaire aux articles 706‑89, 706‑90 et 706‑92 du CPP.

Rappelons que cette procédure a été validée par le Conseil constitutionnel en 2004, dans sa décision n° 2004‑492 DC précitée.

C.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

Une seule modification a été apportée en commission au régime des perquisitions de nuit prévu au présent article, résultant de l’adoption d’un amendement de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) et plusieurs de ses collègues ([53]).

Elle consiste à prévoir que le risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique d’une personne, dont la prévention constitue l’une des trois finalités de la perquisition de nuit, doit revêtir un caractère imminent.

2.   Les modifications apportées en séance

En séance, le Sénat n’a pas modifié le dispositif relatif aux perquisitions nocturnes en enquête de flagrance.

En revanche, il a étendu cette possibilité au cadre de l’instruction, à travers un nouvel article 972 du CPP (nouveau 3° bis A du présent article).

En application de cet article 97‑2, si les nécessités d’une information judiciaire relative à un crime contre les personnes l’exigent, le juge d’instruction pourra autoriser des perquisitions nocturnes pour les mêmes finalités que celles prévues dans le cadre de l’enquête de flagrance, à savoir :

– la prévention d’un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des personnes ;

– la prévention d’un risque immédiat de disparition d’indices et preuves ;

– l’interpellation de l’auteur du crime.

Cette faculté n’est toutefois ouverte qu’en cas de crime flagrant.

L’extension des perquisitions nocturnes à l’instruction résulte de l’adoption d’un amendement de M. Thani Mohamed Soilihi (RDPI) et plusieurs de ses collègues ayant reçu les avis favorables de la commission et du Gouvernement, sous-amendé par la rapporteure Agnès Canayer (LR) pour préciser la nature imminente du risque, par parallélisme avec la modification apportée en commission (le sous-amendement ayant lui aussi recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement) ([54]).

D.   La position de la Commission

La Commission a apporté au dispositif relatif aux perquisitions de nuit des modifications de deux ordres.

1.   La suppression du caractère imminent du risque d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie

La Commission, sur proposition de vos rapporteurs ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement, a supprimé l’exigence introduite par le Sénat selon laquelle le risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des personnes devait être imminent (amendement CL846) :

– le dispositif proposé étant déjà empreint d’urgence, ajouter une nouvelle exigence d’imminence n’a pas semblé nécessaire ;

– une telle imminence n’est au demeurant pas requise dans les régimes existants des perquisitions de nuit en matière de criminalité organisée prévus aux articles 706‑90 et 706‑91 du CPP ; retenir une rédaction différente pour les mêmes opérations ne va pas de soi, et pourrait être source de difficultés – et ce, alors que la rédaction existante est connue et bien éprouvée.

2.   Les autres précisions et clarifications apportées

Par ailleurs, à l’initiative de vos rapporteurs, et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission, outre un aménagement rédactionnel, a apporté plusieurs précisions utiles au dispositif relatif aux perquisitions de nuit.

● D’abord, elle a précisé l’articulation entre les nouveaux régimes proposés en enquête de flagrance et dans le cadre d’une instruction, d’une part, et ceux déjà existants prévus en matière de criminalité organisée, d’autre part (amendement CL845).

● Ensuite, s’agissant de la finalité des perquisitions de nuit tenant à l’interpellation, elle a substitué au terme « auteur », ceux de personne soupçonnée d’avoir participé au crime (amendement CL847).

Une telle rédaction, en plus d’assurer un meilleur respect de la présomption d’innocence, faisant ainsi écho à l’un des aspects de la refonte du CPP, permet d’inclure expressément les complices – si ces derniers, en application de l’article 121‑6 du code pénal, sont punis comme auteur d’une infraction, ils se distinguent toutefois de l’auteur de celle-ci, puisqu’ils en sont les complices.

● Enfin, elle a expressément étendu au dispositif applicable à l’information judiciaire le formalisme renforcé prévu au premier alinéa de l’article 706‑92 du CPP (amendement CL854).

*

 

II.   Dispositions tendant à renforcer le recours au statut de témoin assisté

Les 3°, 6° à 9°, b du 10° et 11° du I du présent article renforcent le recours au statut de témoin assisté en étendant les droits reconnus à ce dernier à travers trois modifications : la possibilité pour une personne mise en examen de demander le placement sous ce statut dès sa mise en examen, la reconnaissance en matière d’expertises des mêmes droits que le mis en examen, et la possibilité de contester le refus de constater l’acquisition de la prescription de l’action publique.

A.   L’état du droit

Le statut de témoin assisté a été formellement créé en 2000 ([55]) et est consacré aux articles 113‑1 à 113‑8 du CPP ; ce statut est intermédiaire entre celui de mis en examen, qui dispose de droits particuliers, et celui de témoin, qui ne dispose d’aucun droit spécifique.

Par rapport à la mise en examen, le statut de témoin assisté est le statut « par défaut », la mise en examen n’intervenant qu’à titre subsidiaire : aux termes de l’article 80‑1 du CPP, le juge d’instruction « ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s’il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. »

Pour mémoire, une personne :

– peut être mise en examen s’il existe à son égard des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle a participé à la commission des infractions visées (article 80‑1 du CPP) ;

– doit être mise en examen si les indices sont graves et concordants – leur audition en qualité de témoin étant exclue (article 105 du CPP) – ou si un témoin assisté le demande.

1.   Le placement sous le statut de témoin assisté

a.   Les conditions de placement

Le placement d’une personne sous le statut de témoin assisté peut être facultatif ou obligatoire, selon les circonstances.

● D’une part, aux termes de l’article 113‑2, une personne peut être entendue comme témoin assisté – sans obligation – si :

– elle est nommément visée par une plainte de la victime ou est mise en cause par la victime ;

– elle est mise en cause par un témoin ;

– il existe à son égard des indices rendant vraisemblable sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi.

● D’autre part, le placement sous statut de témoin assisté est obligatoire :

– à l’égard d’une personne nommément visée par un réquisitoire introductif ou supplétif, et qui n’est pas mise en examen (article 113‑1) ;

– si une personne, nommément visée par la victime, demande à être entendue en cette qualité (article 113‑2) ;

– à l’égard d’une personne qui n’est pas mise en examen à l’issue d’un interrogatoire de première comparution (article 116, alinéas 6 et 7) ;

– à l’égard d’une personne contre laquelle a été décerné un mandat de comparution, d’amener ou d’arrêt, si le juge ne l’a pas mise en examen (article 122 du CPP) ;

Notons que ce placement est également obligatoire lorsque la mise en examen d’une personne est annulée par la chambre de l’instruction sur le fondement de l’article 174‑1 du CPP.

● Enfin, en application de l’article 8011 du CPP, une personne mise en examen peut également demander au juge d’instruction de la placer sous le statut de témoin assisté si elle estime que les conditions prévues aux premier et troisième alinéas de l’article 801 du CPP ne sont plus remplies, c’est-à-dire si elle estime qu’il n’y a pas d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à la commission des infractions et qu’il est possible de recourir à la procédure de témoin assisté.

Cette demande, en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 81 du CPP, doit faire l’objet d’une déclaration au greffier du juge d’instruction ou, si la personne est détenue, d’une déclaration auprès du directeur de l’établissement pénitentiaire.

La demande de placement sous le statut de témoin assisté peut être faite :

– à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen, et tous les six mois suivants ;

– ou dans les dix jours qui suivent la notification d’une expertise ou d’un interrogatoire.

Le juge d’instruction sollicite les réquisitions du parquet sur la demande, puis statue sur celle-ci :

– si la demande est acceptée, la personne est informée de son placement – et mise en liberté si elle était détenue ;

– si le juge estime que la mise en examen doit demeurer, il précise les indices graves ou concordants justifiant sa décision.

b.   Les modalités de placement

Le placement sous statut de témoin assisté peut être fait :

– après l’interrogatoire de première comparution, si le juge d’instruction ne met pas la personne en examen (article 116) ;

– lors d’une audition de la personne en cette qualité, au cours de laquelle le juge d’instruction constate l’identité de la personne, lui donne connaissance du réquisitoire, de la plainte ou de la dénonciation dont elle fait l’objet, et l’informe de ses droits (article 113‑4, alinéa 1er) ;

– par l’envoi d’une lettre recommandée, qui contient les informations précédemment mentionnées (article 113‑4, alinéa 2).

2.   Les droits du témoin assisté

Le témoin assisté n’est pas une partie, à la différence du mis en examen et de la partie civile ; il ne dispose ainsi pas de certains droits reconnus aux parties, comme celui de demander une expertise, prévue à l’article 156 du CPP.

Si le statut de témoin assisté confère moins de droits que celui de mis en examen, il emporte aussi des garanties.

● Ainsi que le prévoit l’article 113‑3 du CPP, le témoin assisté a droit :

– à être assisté par un avocat, choisi par l’intéressé ou désigné d’office si ce dernier le demande ;

– à l’accès au dossier ;

– à l’interprétation et à la traduction des pièces du dossier ;

– à demander au juge d’instruction à être confronté avec les personnes la mettant en cause ;

– à formuler des requêtes en annulation (dont les modalités sont exposées à l’article 173 du CPP).

Lorsqu’il est entendu par le juge, le témoin assisté, sur le fondement de l’article 113‑4 du CPP, dispose également du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions et de se taire – en plus des droits précédemment mentionnés.

En outre, ainsi qu’il a été vu, le témoin assisté peut demander à être mis en examen, lors de son audition ou par lettre recommandée, sur le fondement de l’article 113‑6 du CPP.

Enfin, le témoin assisté peut, comme la personne mise en examen, demander au juge d’instruction de constater l’acquisition de la prescription de l’action publique en application de l’article 82‑3 du CPP ([56]). Il ne peut en revanche interjeter appel de l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction refuse de constater cette prescription, impossibilité jugée inconstitutionnelle en juin 2022.

L’inconstitutionnalité de l’impossibilité pour le témoin assisté
de faire appel du refus de constater la prescription de l’action publique

L’impossibilité, pour le témoin assisté, d’interjeter appel d’une ordonnance du juge d’instruction prise sur le fondement de l’article 82‑3 du CPP a été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 17 juin 2022 (1).

L’article 82‑3 du CPP prévoit que la saisine du juge d’instruction aux fins de constater l’acquisition de la prescription de l’action publique doit être faite dans les six mois suivant la mise en examen ou la première audition comme témoin assisté. Dans sa décision de renvoi de la QPC, la Cour de cassation a interprété ces dispositions comme reconnaissant au témoin assisté la possibilité de saisir le juge à cet effet.

En revanche, il ressort de l’article 186‑1 du CPP que seules les parties ont le droit d’interjeter appel de l’ordonnance prise sur le fondement de l’article 82‑3, excluant ainsi le témoin assisté, qui n’a pas la qualité de partie.

Dans sa décision du 17 juin 2022, le Conseil constitutionnel, s’il a reconnu au législateur la faculté de prévoir des règles différentes entre le mis en examen et le témoin assisté, a jugé que les dispositions conduisaient à une différence de traitement injustifiée contraire au principe d’égalité pour les personnes d’abord placées sous le statut de témoin assisté, puis mises en examen. De telles personnes, à qui la forclusion prévue à l’article 82‑3 demeure opposable, peuvent en effet être privées de la possibilité d’interjeter appel alors qu’elles auraient pu le faire si leur mise en examen était intervenue dès l’origine, c’est‑à‑dire sans avoir été d’abord placées sous le statut de témoin assisté.

La date d’abrogation a été différée pour prendre effet au 31 mars 2023.

(1) Conseil constitutionnel, décision  2022999 QPC du 17 juin 2022, Établissement public La Monnaie de Paris [Impossibilité pour le témoin assisté d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique].

● Parallèlement aux droits qui lui sont reconnus, le témoin assisté bénéficie de garanties prévues à l’article 113‑5 du CPP, aux termes duquel un témoin assisté ne peut :

– ni être placé en détention provisoire, sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) ;

– ni faire l’objet d’une ordonnance de renvoi (devant le tribunal correctionnel) ou de mise en accusation (devant la cour d’assises ou la cour criminelle départementale).

Ces mesures ne peuvent être prises qu’à l’encontre d’une personne mise en examen, aucune mesure coercitive ne pouvant être prononcée à l’égard d’un témoin assisté – expliquant notamment la mise en liberté d’office d’une personne mise en examen et détenue ayant demandé le placement sous le statut de témoin assisté, lorsqu’il est fait droit à cette demande.

B.   Le projet de loi initial

Le présent article étend les droits dont bénéficie le témoin assisté sur deux aspects :

– les expertises ;

– la prescription de l’action publique.

Dans les deux cas, il s’agit de reconnaître au témoin assisté les mêmes droits que ceux dont bénéficient déjà les personnes mises en examen, cette extension étant de nature à renforcer le recours à ce statut – conformément à l’esprit du CPP et au principe affirmé à l’article 80‑1 de ce code, et dans la lignée des préconisations des États généraux de la justice ([57]).

C’est également dans cet esprit qu’est prévue la possibilité pour une personne mise en examen de demander à être placée sous le statut de témoin assisté dès la mise en examen.

Notons que les modifications proposées n’ont appelé aucune observation de la part du Conseil d’État ([58]).

1.   La possibilité de demander le placement sous statut de témoin assisté dès la mise en examen

Le  du I du présent article étend les hypothèses dans lesquelles une personne mise en examen peut demander à être placée sous le statut de témoin assisté.

En l’état du droit, ainsi qu’il a été vu et aux termes de l’article 80‑1‑1 du CPP, cette demande intervient à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen, et est ouverte si la personne estime que les conditions prévues pour la mise en examen ne sont plus remplies.

Le dispositif proposé, à travers une réécriture du deuxième alinéa de l’article 8011 du CPP, ouvre la possibilité de demander le placement sous le statut de témoin assisté dès la mise en examen, sans attendre un délai de six mois pour ce faire.

● La demande pourra ainsi être faite :

– lors de la mise en examen et dans un délai de six jours à compter de celle‑ci ;

– ou, comme le prévoit déjà le droit en vigueur, à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen, et tous les six mois suivants.

Si la demande est faite lors de la mise en examen, elle prend la forme d’une déclaration lors de la comparution de la personne devant le juge d’instruction – si elle est faite par la suite, les modalités actuellement prévues, figurant à l’article 81 du CPP, demeurent applicables.

● Tirant les conséquences de ces modifications, le  du I du présent article modifie également le premier alinéa de l’article 80‑1‑1 du CPP pour prévoir que :

– la demande peut être faite non seulement au cours de l’information, mais également dès la notification du statut de mis en examen ;

– et qu’elle est ouverte si les conditions de mise en examen ne sont pas ou plus remplies – et non uniquement si elles ne le sont plus.

● S’il est permis de penser que, dans une grande majorité de cas, le juge d’instruction ne reviendra pas sur sa décision de mise en examen dans un si bref délai que celui prévu par le dispositif proposé, ce dernier répond toutefois à des situations précises dans lesquelles il est tout à fait justifié.

Tel serait ainsi le cas d’une personne dont la défense, lors de l’interrogatoire de première comparution, n’aurait pu produire toutes les pièces ou tous les éléments jugés utiles : dans les jours suivants, la défense aurait la possibilité de produire ces pièces et éléments susceptibles d’écarter l’existence d’indices graves ou concordants à l’égard de la personne.

En tout état de cause, notons que la possibilité de demander à être placé sous le statut de témoin assisté après six mois demeure.

2.   La reconnaissance au témoin assisté des droits du mis en examen en matière d’expertise

Les  à 9° et le b du 10° du I du présent article reconnaissent au témoin assisté le droit de demander au juge d’instruction d’ordonner une expertise.

Le cœur de la reconnaissance de ce nouveau droit est prévu au 6°, qui modifie à cet effet l’article 156 du CPP relatif au principe de l’expertise, les autres dispositions tirant les conséquences de cette reconnaissance.

● Le  du I du présent article modifie le premier alinéa de l’article 156 du CPP, pour inclure le témoin assisté parmi les personnes ayant qualité pour demander au juge d’instruction d’ordonner une expertise.

L’expertise pourra ainsi être ordonnée :

– d’office, par le juge d’instruction ;

– à la demande du parquet ;

– à la demande de la partie civile et du mis en examen ;

–et, c’est l’apport du dispositif proposé, à la demande du témoin assisté.

● Les 7° à 9° et le b du 10° du I du présent article tirent les conséquences du nouveau droit reconnu au témoin assisté en matière d’expertise :

– le  modifie l’article 1612 du CPP, afin que le rapport d’étape de l’expertise, lorsque le délai d’expertise excède un an, soit notifié non seulement aux parties, mais aussi au témoin assisté ;

– le  rend obligatoire la notification au témoin assisté des conclusions des expertises qui le concernent, prévue au dernier alinéa de l’article 167 et qui n’est aujourd’hui que facultative ;

– le  est relatif au rapport provisoire d’expertise, prévu à l’article 167‑2 du CPP ; il permet au témoin assisté, au même titre que les parties ou le parquet :

• de demander le dépôt obligatoire d’un tel rapport provisoire ;

• d’adresser des observations sur un tel rapport, lorsque son dépôt est demandé par le juge d’instruction ;

– le b du 10° modifie l’article 186 du CPP, relatif au droit d’appel des parties contre les ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention, afin d’ouvrir au témoin assisté la possibilité d’interjeter appel des ordonnances en matière d’expertise prévues par les articles 156 et 167 du CPP – telles que le rejet d’une demande d’expertise, de contre-expertise ou de désignation de plusieurs experts.

3.   La possibilité pour le témoin assisté de contester une décision refusant de faire droit à une demande de constatation de la prescription de l’action publique

● Le 11° du I du présent article tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 17 juin 2022 précitée, relative à l’appel dirigé contre le refus de constater l’acquisition de la prescription de l’action publique.

Modifiant à cet effet l’article 186‑1 du CPP, il prévoit ainsi la possibilité, pour le témoin assisté, d’interjeter appel de l’ordonnance prévue à l’article 823, au même titre que les parties.

En plus d’étendre les droits du témoin assisté, cette mesure répond pleinement à la décision du Conseil constitutionnel, en supprimant toute différence de traitement entre les personnes placées sous le statut de témoin assisté et celles mises en examen, y compris si ces statuts se succèdent à l’égard de la même personne : cette dernière pourra, dès son placement sous statut de témoin assisté, interjeter appel, sans avoir à attendre d’être mise en examen et donc de risquer de se voir opposer la forclusion à ce moment.

● Ces dispositions, à la différence du reste de l’article 3, ne font pas l’objet d’une entrée en vigueur différée : le I de l’article 29 du projet de loi exclut en effet ce 11° des mesures dont l’entrée en vigueur intervient le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi.

La possibilité de contester le refus de constater l’acquisition de la prescription ouverte au témoin assisté entrera donc en vigueur dans les conditions de droit commun, dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

C.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

Aucun amendement n’a été adopté en commission sur les dispositions de l’article 3 relative au statut de témoin assisté.

2.   Les modifications apportées en séance

Deux modifications ont été apportées par le Sénat, en séance, sur les dispositions relatives aux témoins assistés.

● D’une part, le délai dans lequel une personne mise en examen peut demander à être placée sous le statut de témoin assisté a été porté de 6 jours à 10 jours.

Cette extension résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Cécile Cukierman et les membres du groupe CRCE ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement, la commission ayant émis un avis défavorable ([59]).

● D’autre part, la copie de la décision ordonnant une expertise, aujourd’hui envoyée au procureur et aux parties, le sera également aux témoins assistés – qui seront donc informés d’une demande d’expertise.

Cette information est le fruit d’une modification en ce sens de l’article 161‑1 du CPP issue de l’adoption d’un amendement de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) et plusieurs de ses collègues ayant reçu l’avis favorable de la commission, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse du Sénat ([60]).

Il convient de noter que si, formellement, cette modification permet aux témoins assistés de modifier ou compléter les questions posées à un expert ou d’adjoindre un nouvel expert à celui désigné, ce second point semble risquer d’être partiellement privé d’effets sans modification en ce sens de l’article 156 du CPP.

D.   La position de la Commission

La Commission a poursuivi la démarche d’extension des droits du témoin assisté entamée par le Gouvernement et complétée au Sénat ; elle a également harmonisé les modalités d’audition d’un témoin non soupçonné.

1.   L’extension des droits du témoin assisté

● À l’initiative de vos rapporteurs, et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a harmonisé les conditions dans lesquelles les parties et le témoin assisté peuvent interjeter appel en matière d’expertise, modifiant à cet effet l’article 186‑1 du CPP (amendement CL872).

● Par ailleurs, en plus d’un amendement rédactionnel des rapporteurs, la Commission a complété le dispositif sur les droits reconnus au témoin assisté sur plusieurs aspects, poursuivant la démarche entreprise par le Gouvernement dans le cadre du présent article. Toutes ces modifications ont été adoptées en suivant les avis favorables du Gouvernement et, le cas échéant, de votre rapporteur Erwan Balanant.

Ont ainsi été étendues au témoin assisté les possibilités :

– de préciser, dans sa demande d’expertise, les questions qu’il souhaite voir posées à l’expert, à travers une modification de l’article 156 du CPP proposée par vos rapporteurs (amendement CL869) ;

– de permettre au témoin assisté d’envoyer ses observations sur le rapport d’étape de l’expert, modifiant à cet effet l’article 161‑2 du CPP (amendement CL870 de vos rapporteurs)

– de demander au juge ayant prescrit l’expertise que l’expert procède à certaines recherches ou auditions, à travers une modification de l’article 165 du CPP proposée par M. Philippe Gosselin (LR) et plusieurs de ses collègues et par Mme Caroline Yadan (RE) et plusieurs de ses collègues (amendements identiques CL39 et CL76) ;

– de saisir la chambre de l’instruction si le juge n’a pas statué dans un délai d’un mois à la suite d’une demande d’expertise ou tendant à ce que soit commis plusieurs experts, à travers une modification de l’article 167 du CPP proposée par vos rapporteurs (amendement CL873).

● Enfin, en termes d’accès au dossier, la Commission a adopté deux amendements identiques modifiant l’article 114 du CPP, présentés par Mme Yadan et Mme Emeline K/Bidi (GDR) et plusieurs de ses collègues, et pour lesquels votre rapporteur Erwan Balanant et le Gouvernement s’en sont remis à la sagesse de la Commission.

Ces deux amendements CL78 et CL343 prévoient :

– le principe de l’accès au dossier par le témoin assisté – cet accès étant toutefois déjà prévu à l’article 113‑3 du CPP ;

– l’accès au dossier avant l’audition ou l’interrogatoire des parties.

2.   L’harmonisation des modalités d’audition d’un témoin non soupçonné

Dans le cadre d’une information judiciaire, l’audition d’un témoin à l’égard duquel il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction, peut être faite sous contrainte, sous réserve qu’une convocation lui ait été préalablement adressée. En revanche, l’audition sous contrainte n’est pas formellement limitée dans le temps, la retenue du témoin durant le temps nécessaire à son audition.

Ce régime, prévu à l’article 153 du CPP, s’écarte du régime d’audition des témoins non suspectés dans le cadre d’une enquête de flagrance et d’une enquête préliminaire et prévu aux articles 62 et 78 du même code, en application desquels le témoin peut être amené par la force publique, l’audition sous contrainte étant alors limitée à 4 heures.

Une telle différence n’est pas cohérente, dans la mesure où les régimes respectifs de l’audition libre et de la garde à vue dans le cadre d’une commission rogatoire sont, eux, calqués sur ceux applicables en enquête de flagrance et en enquête préliminaire – à la différence près que les attributions du procureur sont alors exercées par le juge d’instruction.

La Commission, à l’initiative de vos rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, a harmonisé les régimes d’audition de témoin par l’adoption de l’amendement CL868, en prévoyant que, dans le cadre de l’instruction :

– le témoin peut être retenu sous contrainte, sans qu’une convocation préalable lui ait été adressée ;

– cette retenue ne peut excéder 4 heures ;

– les prérogatives du procureur de la République sont exercées par le juge d’instruction.

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III.   Dispositions concernant l’enquête préliminaire

L’amendement 261 rect. du Gouvernement, adopté en Séance avec avis défavorable de la commission, modifie l’article 75-3 et l’article 77-2 du code de procédure pénale qui portent sur l’enquête préliminaire.

A.   L’état du droit

Dirigée par le procureur de la République ([61]), l’enquête consiste en la recherche d’éléments visant à la constatation et à la caractérisation d’une infraction, à la recherche de l’auteur des faits et au recueil de preuves permettant d’établir la vérité. Le code de procédure pénale en distingue principalement deux :

– l’enquête de flagrance, prévue aux articles 53 à 73, qui n’est possible qu’en cas de constatation d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement ([62]) ;

– l’enquête préliminaire, prévue aux articles 75 à 78, qui regroupe tout ce qui n’entre pas dans le cadre de la flagrance.

1.   La durée de l’enquête préliminaire

Jusqu’en 2021, l’enquête préliminaire n’était encadrée par aucune durée maximale. L’article 2 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a mis un terme à ce caractère potentiellement illimité de l’enquête préliminaire en créant un nouvel article 753 dans le code de procédure pénale ([63]) .

Le premier alinéa de cet article limite la durée d’une enquête à deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance convertie par la suite en enquête préliminaire.

Le deuxième alinéa permet de prolonger le délai de deux ans d’une année supplémentaire, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République versée au dossier de la procédure, portant à trois ans la durée maximale de l’enquête préliminaire. Cette décision peut donc être appréciée par la juridiction de jugement.

Le troisième alinéa contraint le procureur de la République à décider de l’étape suivante des investigations avant l’expiration du délai de deux ans ou, en cas de prolongation, de trois ans. Il peut choisir de mettre en mouvement l’action publique en renvoyant devant la juridiction de jugement ou en requérant l’ouverture d’une information judiciaire, choisir une procédure alternative aux poursuites ([64]) ou classer sans suite la procédure. La dernière phrase de cet alinéa précise en outre que tout acte d’enquête intervenant après l’expiration de ces délais est nul, sauf s’il concerne une personne qui a été mise en cause au cours de la procédure ([65]) depuis moins de deux ans ou, en cas de prolongation, de trois ans.

Le quatrième alinéa porte les délais de deux ans et un an prévus aux deux premiers alinéas à trois ans et deux ans dans les affaires relevant respectivement de la délinquance ou de la criminalité organisées et du terrorisme ([66]). Dans ces cas, la durée maximale de l’enquête préliminaire est donc de cinq ans.

Enfin, le cinquième alinéa apporte des précisions sur la comptabilisation des délais dans plusieurs cas particuliers. Premièrement, dans le cas où l’enquête serait classée sans suite avant d’être ultérieurement rouverte, il est précisé que le temps séparant l’arrêt des investigations de leur reprise n’est pas retenu dans la computation des délais prévus aux alinéas précédents. Deuxièmement, il n’est pas non plus tenu compte, en cas d’entraide judiciaire internationale, du délai entre la signature de la demande par le parquet émetteur et la réception par ce même parquet des pièces d’exécution. Troisièmement, lorsqu’il est procédé au regroupement de plusieurs enquêtes dans le cadre d’une même procédure, il est tenu compte, pour la computation des délais prévus au présent article, de la date de commencement de l’enquête la plus ancienne.

2.   L’ouverture au contradictoire de l’enquête préliminaire

Autre spécificité, l’enquête préliminaire s’est longtemps singularisée par son caractère non contradictoire. Celui-ci s’est progressivement estompé ([67]) , notamment avec la création de l’article 77-2 du code de procédure pénale qui avait brièvement existé entre 2000 et 2002 et qui a été réintroduit par la loi du 3 juin 2016 ([68]). L’ouverture au contradictoire qu’il prévoit est facultative, lorsqu’elle est à l’initiative du procureur de la République s’il juge opportune la mise à disposition du dossier de la procédure, et obligatoire à la demande de la personne suspecte ayant fait l’objet d’une audition depuis au moins un an et à l’encontre de laquelle des poursuites sont envisagées ([69]).

Afin de renforcer le caractère contradictoire de l’enquête préliminaire, l’article 77-2 a été totalement réécrit en 2021 par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([70]).

Le premier alinéa du I reprend la possibilité d’ouverture au contradictoire à l’initiative du parquet : le procureur de la République détient la possibilité, à tout moment de l’enquête préliminaire et dès lors qu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, d’indiquer à la personne mise en cause et à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise disposition de leurs avocats, ou à leur disposition si elles ne sont pas assistées par un avocat. Elles ont la possibilité de consulter les pièces versées au dossier et de formuler toute observation qui leur paraît utile.

Le deuxième alinéa du I définit les observations que peuvent formuler les personnes invitées à consulter le dossier. Elles peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits, sur les éventuelles insuffisances de l’enquête, sur la nécessité de nouveaux actes nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Le II prévoit l’ouverture au contradictoire à l’initiative d’une personne mise en cause dans l’enquête préliminaire. Toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, une infraction punie d’une peine privative de liberté peut demander au procureur de la République ([71]) de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations. Pour ce faire, l’une au moins des conditions suivantes doit être remplie :

– soit la personne a été interrogée en audition libre ou en garde à vue au moins un an auparavant (1°) ;

– soit une perquisition a eu lieu chez cette personne au moins un an auparavant (2°) ;

– soit des médias ont présenté publiquement cette personne coupable des faits objet de la procédure en portant atteinte à sa présomption d’innocence ([72]) (3°).

Une fois la demande présentée, le procureur de la République qui estime qu’il existe à l’encontre du demandeur des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction punie d’une peine privative de liberté l’avise de la mise à sa disposition d’une copie de la procédure ([73])  et de la possibilité de formuler des observations, selon les modalités déjà définies au I.

Le procureur de la République dispose de la possibilité de reporter l’accès au dossier pour six mois – un an dans les affaires de terrorisme ou de délinquance ou de criminalité organisées – s’il estime la communication du dossier risquée pour l’efficacité des investigations à venir. Il en informe la personne par une décision motivée versée au dossier, dans le mois suivant la réception de la demande ; à défaut le silence vaut refus de communication. Une contestation est possible devant le procureur général, qui statue également dans le mois par décision motivée versée au dossier. Lorsque l’enquête concerne des crimes ou des délits relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées et du terrorisme ([74]), le délai de six mois est porté à un an.

Pendant un mois à compter de la demande, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision de poursuite, sinon l’ouverture d’une information judiciaire, le défèrement ([75]) ou le recours à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ([76]).

Le III prévoit que la victime qui a porté plainte dans le cadre de l’enquête dispose des mêmes droits, dans les mêmes conditions, que le mis en cause ayant obtenu l’accès au dossier de la procédure.

Le IV précise que les observations formulées sont versées au dossier de la procédure. Le procureur de la République apprécie les suites à apporter à ces observations et en informe les personnes concernées. S’il refuse de procéder à un acte demandé, sa décision peut être contestée devant le procureur général.

Le V impose l’ouverture de plein droit de l’enquête préliminaire au contradictoire lorsque deux ans se sont écoulés après une audition libre, une garde à vue ou une perquisition. Le procureur est tenu, s’il souhaite poursuivre les investigations à l’égard des personnes ayant fait l’objet de l’un de ses actes et à l’encontre desquelles existent des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, de mettre la procédure à leur disposition et de leur indiquer qu’elles peuvent formuler des observations.

B.   Le dispositif adopté en séance au sénat

1.   Les compléments et modifications apportés à l’article 75-3 pour préciser la comptabilisation de la durée de l’enquête préliminaire

L’amendement 261 rect. du Gouvernement apporte deux modifications au premier alinéa de l’article 75-3 du code de procédure pénale qui fixe la durée d’une enquête préliminaire à deux ans :

– il précise les actes qui peuvent marquer le point de départ de la comptabilisation de cette durée : le déclenchement ne se fait plus dès « le premier acte de l’enquête », mais dès « le premier acte d’audition libre, de garde à vue ou de perquisition d’une personne » ;

– il précise que cette durée de deux ans ne commence à courir que lorsqu’une demande est formulée par la personne auditionnée, gardée à vue ou perquisitionnée.

En complément, la dernière phrase du troisième alinéa est modifiée afin de préciser que tout acte d’enquête concernant la personne ayant formulé la demande prévue au premier alinéa intervenant après l’expiration de ces délais est nul. Cette nouvelle formulation conserve le droit existant en protégeant de la nullité les actes qui concernent des personnes mises en cause ultérieurement au cours de la procédure.

L’article 75-3 est en outre complété d’un nouvel alinéa qui apporte des précisions sur la demande prévue au premier alinéa :

– elle peut être formulée par la personne auditionnée, gardée à vue ou perquisitionnée ou son avocat ;

– elle peut être faite à l’issue de son audition ou de la perquisition auprès de l’officier ou de l’agent de police judiciaire ayant procédé à l’acte ;

– elle peut également être faite auprès de l’officier ou de l’agent de police judiciaire ayant procédé à l’acte ultérieurement, pendant une durée d’un an ;

– le procureur de la République en charge de l’enquête est informé immédiatement de la demande.

2.   L’insertion à l’article 75-3 d’une nouvelle possibilité de prolongation de l’enquête préliminaire, articulée avec une nouvelle procédure applicable en matière d’ouverture de droit au contradictoire à l’article 77-2

● L’article 75-3 est par ailleurs complété par un alinéa supplémentaire qui ouvre au procureur de la République, à titre exceptionnel, une nouvelle possibilité de prolongation de la durée de l’enquête préliminaire.

À l’issue du délai de trois ans – c’est-à-dire les deux années de l’enquête préliminaire prévue au premier alinéa et la prolongation d’une année prévue au deuxième alinéa – le procureur peut décider de poursuivre l’enquête préliminaire pour une durée d’un an, renouvelable une fois. Cette nouvelle disposition porte donc à cinq ans la durée maximale de l’enquête préliminaire.

Cette décision écrite et motivée est versée au dossier de la procédure. Elle se fait selon les modalités du V de l’article 77-2, réécrit lui aussi par cet amendement du Gouvernement.

● En effet, cet amendement modifie le V de l’article 77-2 concernant l’ouverture de plein droit au contradictoire.

En l’état du droit, cet alinéa impose l’ouverture de plein droit de l’enquête préliminaire au contradictoire lorsque deux ans se sont écoulés après une audition libre, une garde à vue ou une perquisition. Ce bénéfice est ouvert à la personne mise en cause, ainsi qu’à la victime qui a porté plainte dans le cadre de l’enquête.

Dans la rédaction proposée, cette ouverture de plein droit se fera lorsque l’enquête est prolongée au-delà de trois ans, pour les personnes ayant fait l’objet d’une audition, d’une garde à vue ou d’une perquisition depuis plus de deux ans. Comme c’est le cas actuellement, ce bénéfice sera ouvert à la personne mise en cause, ainsi qu’à la victime qui a porté plainte dans le cadre de l’enquête.

Cette ouverture ne sera donc plus automatique dès lors qu’il faudra que la demande prévue à l’article 75-3 – dans la nouvelle rédaction décrite ci-avant – soit formulée pour que le dispositif de prolongation supplémentaire trouve à s’appliquer. Toutefois, l’ouverture au contradictoire sera, en ce cas, renforcée. En effet, en l’état du droit, l’ouverture au contradictoire prévue au V de l’article 77-2 prévoit la mise à disposition de « tout ou partie du dossier de la procédure » ([77]). Dans la rédaction proposée par le présent article, « l’intégralité de la procédure » devra être communiquée.

Cette évolution prévoit donc une ouverture au contradictoire de plein droit plus tardive – au bout de trois ans au lieu de deux – mais plus large puisqu’elle concernera toutes les pièces de la procédure.

Par ailleurs, lorsque l’enquête concerne des crimes ou des délits relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées et du terrorisme ([78]), cette ouverture au contradictoire se fera pour les personnes ayant fait l’objet d’une audition, d’une garde à vue ou d’une perquisition depuis plus de trois ans.

L’intégralité de la procédure sera alors communiquée et l’avocat de la personne devra être convoqué au moins cinq jours ouvrables avant tout audition réalisée conformément à l’article 61-1 ([79]).

C.   La position de la commission

Outre trois amendements rédactionnels de vos rapporteurs, la Commission a adopté l’amendement CL689 de M. Rémy Rebeyrotte (Renaissance) qui supprime, dans la nouvelle rédaction de l’article 75-3 du code de procédure pénale, la nécessité de formuler une demande pour déclencher la comptabilisation de la durée de l’enquête préliminaire.

Cette formulation alambiquée est en effet apparue peu claire à la Commission, une demande ne pouvant être formulée qu’à propos d’un acte précis, ce qui n’était pas le cas dans la rédaction retenue par le Sénat.

En conséquence, cet amendement supprime les alinéas 12 et 13 qui apportaient des précisions sur la formulation de ladite demande.

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IV.   Dispositions concernant l’assignation à résidence sous surveillance électronique

A.   L’état du droit applicable en matière de recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique

1.   Les principes encadrant la privation ou restriction de liberté en pré‑sententiel

En vertu du principe de présomption d’innocence, toute personne mise en examen demeure libre. Elle peut toutefois être soumise à trois types de contraintes imposées par le juge, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté :

– le contrôle judiciaire ;

– l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ;

– la détention provisoire.

L’article 137 du code de procédure pénale implique une gradation entre ces mesures puisque l’ARSE ne peut être prononcée que si les obligations du contrôle judiciaire se révèlent insuffisantes et la détention provisoire ne peut être décidée que si les obligations du contrôle judiciaire et de l’ARSE se révèlent insuffisantes.

La détention provisoire est décidée par le juge des libertés et de la détention (JLD). Elle peut être demandée par le juge d’instruction au cours d’une information judiciaire ([80]) ou par le procureur de la République en cas de comparution immédiate ([81]), de comparution à délai différé ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Ces différentes mesures pré-sententielles sont articulées par le code de procédure pénale. La détention provisoire peut ainsi également être ordonnée dans les conditions prévues à l’article 141-2 du code de procédure pénale lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique ([82]).

Attentatoire à la liberté de personnes présumées innocentes, la détention provisoire est encadrée par des délais, qui sont distincts en matière criminelle ([83])  et en matière correctionnelle ([84]). Le principe d’une « durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité » est fixé par l’article 1441 du code de procédure pénale. Elle est également encadrée par la poursuite d’objectifs clairement délimités.

Les objectifs conditionnant le recours à la détention provisoire

En application de l’article 144 du code de procédure pénale, le recours à la détention provisoire n’est possible que s’il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints uniquement avec un placement sous contrôle judiciaire ou une ARSE :

– la conservation des preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

– le fait d’empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

– le fait d’empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

– la protection de la personne mise en examen ;

– le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

– le fait de mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;

- – en matière criminelle uniquement, le fait de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par l’infraction.

2.   Le droit applicable en matière de recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique

L’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) est, avec le contrôle judiciaire et la détention provisoire, l’une des formes de privation de liberté pouvant être prononcée par un juge en amont du procès pénal. Contraignant la liberté d’individus présumés innocents, celle-ci est encadrée par plusieurs garanties, notamment procédurales.

L’ARSE est assimilée à une détention provisoire pour l’imputation intégrale de sa durée sur celle d’une peine privative de liberté ([85]). La durée passée sous ARSE est ainsi intégralement déduite de la durée de la peine prononcée ([86]).

a.   Les différentes possibilités de recours à l’ARSE

L’ARSE peut être prononcée à l’encontre d’une personne mise en examen au cours d’une instruction ou à l’encontre d’une personne renvoyée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel dans certaines procédures.

Elle est décidée par ordonnance motivée du juge d’instruction ou du JLD qui statue après un débat contradictoire ([87]) ou au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat.

Elle peut également être prononcée par la chambre de l’instruction, notamment lors d’une demande de mise en liberté, ou encore par les juridictions de jugement ([88]).

● Le procureur de la République peut saisir le JLD afin de placer un prévenu sous ARSE jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel dans le cadre d’une :

– convocation par procès-verbal ([89]) : le procureur peut saisir le JLD pour soumettre le prévenu à un contrôle judiciaire ou le placer sous ARSE, si celui-ci encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave ([90]). La comparution devant le tribunal se fait alors dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, sauf renonciation expresse de l’intéressé en présence de son avocat, ni supérieur à six mois ;

– comparution immédiate ([91]) : le procureur peut traduire le prévenu devant le JLD aux fins de le placer en détention provisoire ; si le JLD estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire, il peut soumettre le prévenu à un contrôle judiciaire ou le placer sous ARSE. Si, selon cette procédure, le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant lorsqu’il est placé en garde à vue, les délais diffèrent lorsqu’il est placé sous ARSE : comme pour la convocation par procès-verbal, l’audience doit alors avoir lieu dans un délai allant de dix jours à six mois ([92]) ;

– comparution à délai différé ([93]) : le JLD statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d’ARSE ou de détention provisoire. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois.

● Le procureur peut en outre présenter la personne devant le JLD pour que celui-ci ordonne son placement sous ARSE dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et lorsque la personne demande à bénéficier d’un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les peines proposées. Cette nouvelle comparution doit intervenir dans un délai compris entre dix et vingt jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention. À défaut, il est mis fin à l’ARSE ([94]).

● Au cours d’une information judiciaire, l’ARSE peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, par le juge d’instruction ou par le JLD si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel d’au moins deux ans ou une peine plus grave ([95]).

Le recours à l’ARSE ne peut se faire qu’en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté et si les obligations du contrôle judiciaire se révèlent insuffisantes ([96]).

L’assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Au cours de l’instruction, elle peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. Lorsque la personne est renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, la durée de l’ARSE ne peut excéder deux ans, sans qu’il soit toutefois nécessaire d’en ordonner la prolongation tous les six mois ([97]).

Dans le cadre d’une information judiciaire, les juridictions d’instruction ou de jugement peuvent décider d’une ARSE comme mesure alternative à la détention provisoire ([98]). Depuis 2007, afin de permettre au juge d’instruction de procéder à des vérifications sur la faisabilité d’un contrôle judiciaire, le JLD peut prescrire par ordonnance motivée une incarcération provisoire d’une durée de quatre jours ouvrables au plus jusqu’à la tenue du débat contradictoire ([99]). À défaut de débat dans ce délai, la personne est mise en liberté d’office. En 2011, cette procédure de vérification a été étendue aux vérifications sur la faisabilité d’une ARSE ([100]).

En outre, lorsqu’une personne mise en examen a été placée en détention provisoire, celle-ci peut, en toute matière et à tout moment, demander sa mise en liberté et, si celle-ci est accordée, elle peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire ([101]) ou d’une ARSE ([102]).

Lorsque l’ARSE est décidée par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté ou décidant d’une mise en liberté d’office, la décision se prend sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne et de son avocat.

b.   Les contraintes imposées par l’ARSE

i.   Les contraintes imposées à la personne placée sous ARSE

Cette mesure oblige à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD) et de ne s’en absenter qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ([103]).

L’ARSE peut en outre être complétée par des obligations et interdictions prévues à l’article 138 du code de procédure pénale dans le cadre du contrôle judiciaire ([104]).

Les moyens techniques de l’ARSE

En application de l’article 723-8 du code de procédure pénale, l’assignation à résidence sous surveillance électronique est assurée au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de la personne dans le seul lieu désigné pour les périodes fixées. Cela peut conduire à imposer à la personne le port d’un dispositif intégrant un émetteur, très concrètement un bracelet électronique.

L’installation du bracelet ne peut être réalisée dans le consentement de la personne, mais le fait de le refuser constitue une violation des obligations lui incombant et peut, le cas échéant, donner lieu à un placement en détention provisoire

L’assignation à résidence peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile prévu à l’article 763-12 du même code si la personne est mise en examen pour une infraction punie de sept ans d’emprisonnement ou pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru : la personne est alors astreinte au port d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national. Ce dispositif peut également être ordonné lorsque la personne est mise en examen pour des violences ou des menaces, punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement, commises contre son conjoint ou ses enfants ou ceux de son conjoint article 142-12-1).

Le juge peut à tout moment désigner un médecin afin de vérifier que le bracelet électronique ne présente pas d’inconvénient pour la santé de la personne concernée ; celle-ci peut également former cette demande, qui est alors de droit (article 723-12).

En application de l’article 723-9, le contrôle à distance de la surveillance électronique est assuré par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire qui sont autorisés, pour l’exécution de cette mission, à mettre en œuvre un traitement automatisé de données nominatives.

ii.   La modification des contraintes imposées dans le cadre de l’ARSE

● Le juge d’instruction peut, à tout moment, imposer à la personne placée sous ARSE une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations précédentes, modifier une ou plusieurs de ces obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles ([105]).

Avec l’accord du JLD, les horaires peuvent être modifiés par le chef d’établissement pénitentiaire ou le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation lorsqu’il s’agit de modifications favorables à la personne placée sous ARSE ne touchant pas à l’équilibre de la mesure de contrôle ([106]).

● Lorsqu’il a décidé d’une ARSE dans le cadre d’une convocation par procès-verbal, le JLD peut lui aussi modifier la mesure en imposant à la personne placée sous ARSE une ou plusieurs obligations nouvelles, en supprimant tout ou partie des obligations précédentes, en modifiant une ou plusieurs de ces obligations ou en accordant une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles ([107]).

● Enfin, en application d’une circulaire de 2010, les juridictions d’instruction et de jugement peuvent prononcer, modifier ou lever une ARSE dans les cas où elles peuvent prononcer, modifier ou lever un contrôle judiciaire ([108]).

Par conséquent, les juridictions de jugement peuvent prononcer, maintenir, modifier ou lever une ARSE en application de l’article 141-1 du code de procédure pénale. De même, en application du premier alinéa de l’article 397-3 du même code, dans le cadre de la convocation par procès-verbal, de la comparution immédiate et de la comparution à délai différé, le tribunal peut prononcer, maintenir, modifier ou lever une ARSE.

iii.   Les conséquences du non-respect de ces contraintes

La personne qui ne respecte pas les obligations résultant de l’ARSE peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’amener et être placée en détention provisoire ([109]) sur décision du JLD saisi par le juge d’instruction ou par le procureur. Le placement en détention provisoire peut alors être décidé quelle que soit la peine encourue ([110]).

c.   La question de la faisabilité de l’ARSE

En application de l’article 142-6 du code de procédure pénale ; le juge statue sur l’ARSE après en avoir fait vérifier la faisabilité technique par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

– lorsqu’elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;

– avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

– avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans.

Au moment de la seconde prolongation, sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous ARSE qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne.

S’il est interjeté appel d’une ordonnance prolongeant la détention provisoire sans que ces dispositions aient été respectées, le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit être saisi par le président de la chambre de l’instruction.

d.   La mainlevée de l’ARSE

Le juge peut, à tout moment ordonner la mainlevée de la mesure de placement sous bracelet électronique.

Tout comme pour le contrôle judiciaire, la mainlevée peut être ordonnée par le juge d’instruction, soit d’office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République.

Le juge d’instruction statue sur la demande de la personne dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée. Si ce délai n’est pas respecté, la personne peut saisir la chambre de l’instruction qui se prononce dans les vingt jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées ([111]).

Hors du cadre de l’instruction, la mainlevée d’une ARSE est de la compétence du tribunal correctionnel.

3.   Le droit applicable en matière de recours au contrôle judiciaire

a.   Les différentes possibilités de recours au contrôle judiciaire

Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention. Comme l’ARSE, il peut être prononcé dans le cadre d’une instruction, d’une comparution immédiate, d’une comparution à délai différé, d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou encore d’une convocation par procès-verbal. Lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, elle peut elle aussi prononcer le placement sous contrôle judiciaire.

La personne mise en examen est placée sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d’instruction qui peut être prise en tout état de l’instruction ([112]). Dans les autres cas, le contrôle judiciaire est décidé par le JLD saisi par le procureur de la République.

Depuis 2016, le contrôle judiciaire peut en outre être décidé lorsqu’est ordonnée la mise en liberté immédiate d’une personne dont la détention provisoire est irrégulière, sous réserve que cette mesure soit alors indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du même code.

Lorsque la mise en liberté est ordonnée par une juridiction, elle peut, dans cette même décision, ordonner le placement sous contrôle judiciaire. Lorsque la mise en liberté est ordonnée par le procureur de la République, il peut saisir sans délai le JLD de réquisitions tendant au placement immédiat de la personne concernée sous contrôle judiciaire.

Comme pour l’ARSE, la personne qui ne respecte pas les obligations résultant du contrôle judiciaire peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’amener et être placée en détention provisoire sur décision du JLD saisi par le juge d’instruction ou par le procureur. Le placement en détention provisoire peut alors être décidé quelle que soit la peine encourue.

b.   La modification des contraintes du contrôle judiciaire

Le juge d’instruction peut, à tout moment, imposer à la personne placée sous contrôle judiciaire une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations comprises dans le contrôle, modifier une ou plusieurs de ces obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles ([113]).

Lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, elle peut statuer sur le contrôle judiciaire et en modifier les contraintes ([114]). L’article 397-3 du code de procédure pénale précise en outre que, dans le cadre de la convocation par procès‑verbal, de la comparution immédiate et de la comparution à délai différé, le tribunal peut prononcer, maintenir, modifier ou lever un contrôle judiciaire.

Lorsqu’une lorsqu’il a décidé d’un contrôle judiciaire dans le cadre d’une convocation par procès-verbal, le JLD peut lui aussi modifier la mesure en imposant à la personne placée sous ARSE une ou plusieurs obligations nouvelles, en supprimant tout ou partie des obligations précédentes, en modifiant une ou plusieurs de ces obligations ou en accordant une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles ([115])

c.   La mainlevée du contrôle judiciaire

En application de l’article 140 du code de procédure pénale, la mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le juge d’instruction, soit d’office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République. Si ce délai n’est pas respecté, la personne peut saisir la chambre de l’instruction qui se prononce dans les vingt jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées.

Lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, elle peut statuer sur le contrôle judiciaire et en prononcer la mainlevée ([116]).

B.   Le projet de loi initial

Le prononcé d’une ARSE implique pour le juge de disposer d’informations suffisamment précises sur la situation de la personne présentée devant lui. En effet, une ARSE ne peut être réalisée qu’avec un logement ou un hébergement déterminé où se fait le paramétrage de l’outil technique du bracelet électronique. En outre, la réussite de cette mesure peut également dépendre d’autres facteurs.

Le recours à l’ARSE est donc régulièrement limité par l’absence d’informations suffisamment précises pour permettre au juge de prononcer cette mesure alternative à la détention provisoire. L’étude d’impact souligne d’ailleurs que le recours à l’ARSE est plus courant dans le cadre d’une demande de mise en liberté qu’au moment initial de la présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) ([117]). Selon les données transmises par le ministère, en 2022, 516 personnes ont été jugées par les juridictions correctionnelles après une phase d'ARSE : parmi elles, 508, soit 98 % ont été placées sous ARSE après une période de détention provisoire et seulement 8 ont été placées sous ARSE sans avoir connu d'épisode de détention.

C’est pour pallier ces difficultés liées à la question de la faisabilité et, plus globalement, pour améliorer ce recours à l’ARSE que le présent projet de loi prévoit plusieurs dispositions permettant :

– d’ordonner une ARSE sous condition suspensive de faisabilité (4°, 5° du I et II du présent article) ;

– d’ordonner une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière (21° du I du présent article) ;

–  de donner compétence au JLD pour modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE (14° et 16° du I du présent article).

1.   La création d’une ARSE sous condition suspensive de faisabilité

Le 5° du I du présent article insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 14261 qui prévoit une nouvelle procédure de recours à l’ARSE en matière correctionnelle.

Cette procédure est limitée aux cas où la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement, plafond applicable au placement en détention provisoire dans le cadre de l’instruction.

Pour répondre aux situations dans lesquelles les délais n’ont pas permis de vérifier la faisabilité technique de l’assignation à résidence, le JLD pourra alors incarcérer provisoirement la personne pour une durée maximale de quinze jours.

Le 4° assure une coordination à l’article 142-6 du même code. Le a) du 10° assure une coordination à l’article 186. Enfin, le II du présent article assure une coordination à l’article L. 612-1 du code pénitentiaire.

a.   La décision d’ordonner le placement conditionnel sous ARSE

● Le deuxième alinéa du nouvel article 142-6-1 précise que la décision du JLD d’ordonner le placement conditionnel sous ARSE, assortie d’une incarcération provisoire le temps de sa mise en œuvre, est prise à la suite d’un débat contradictoire.

La personne est obligatoirement assistée par un avocat. Si elle n’en choisit pas, elle est assistée par un avocat commis d’office. L’avocat choisi ou, dans le cas d’une commission d’office, le bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé par tout moyen et sans délai.

Le débat contradictoire permet au juge d’entendre :

– les réquisitions du ministère public ;

– les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.

Le juge statue en audience publique, sauf si le ministère public, la personne mise en examen ou son avocat s’y oppose selon certaines conditions ([118]).

La décision prend la forme d’une ordonnance motivée. Celle-ci doit mentionner les nécessités de la mise en œuvre d’une ARSE au regard notamment des objectifs énumérés à l’article 144 du code de procédure pénale.

● En application du dernier alinéa du nouvel article 142-6-1, cette ordonnance est susceptible de recours ([119]).

La personne placée sous ARSE sous condition suspensive ou le procureur de la République peut interjeter appel et joindre toutes observations écrites à l’appui de la demande.

L’appel est examiné par la chambre de l’instruction ou, si l’appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision, par le président de la chambre de l’instruction ou un magistrat qui le remplace, auquel cas il statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande. S’il ne remet pas la personne en liberté, le cas échéant sous contrôle judiciaire, l’examen de l’appel est renvoyé à la chambre de l’instruction.

b.   L’étude de faisabilité

L’étude de faisabilité de la mesure d’ARSE doit ensuite être réalisée et transmise par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) au JLD dans un délai de dix jours.

D’après l’étude d’impact, le SPIP de la maison d’arrêt concernée serait saisi de la demande et responsable de la rédaction de l’enquête ([120]). Charge à lui de saisir ensuite les autres antennes ou services pénitentiaires d’insertion et de probation compétents en fonction des lieux d’investigation.

Les délais d’enquête peuvent donc varier selon les spécificités de la situation de la personne concernée. L’étude d’impact identifie toutefois des étapes incontournables de cette enquête :

– entretien avec la personne ;

– vérification de la situation et de l’hébergement ;

– recueil des justificatifs nécessaires ;

– rédaction du rapport.

c.   Les possibilités en fonction des résultats de l’étude : ARSE, détention provisoire ou libération

– En l’absence d’impossibilité technique, il est procédé à la pose du dispositif électronique contrôlant l’ARSE et la personne est libérée sous ARSE.

– En cas d’impossibilité technique ou si le rapport sur la faisabilité n’est pas réalisé dans le délai imparti, le JLD organise, dans un délai de cinq jours, un nouveau débat contradictoire, éventuellement par voie de visioconférence ([121]), pour décider s’il y a lieu d’ordonner un placement en détention provisoire.

– En l’absence de débat contradictoire dans un délai de cinq jours ou si le JLD ne décide pas du placement en détention provisoire, la personne est libérée – sous réserve qu’elle ne soit pas détenue pour une autre cause.

d.   La prise en compte des jours d’incarcération provisoire

Le code de procédure pénale prévoit d’ores et déjà deux cas où le JLD peut prononcer, non pas une détention provisoire, mais une incarcération provisoire :

– lorsqu’une personne mise en examen ou son avocat sollicite un délai pour préparer sa défense, le JLD ne peut ordonner immédiatement son placement en détention provisoire, mais peut ordonner son incarcération pour une durée déterminée qui ne peut excéder quatre jours ouvrables ([122]) ;

– lorsque le juge d’instruction souhaiter procéder à des vérifications susceptibles de permettre un placement sous contrôle judiciaire ou sous ARSE, le JLD peut d’office ordonner une incarcération provisoire pour une durée déterminée qui ne peut excéder quatre jours ouvrables ([123]).

Dans les deux cas, si le juge ne tient pas un débat contradictoire dans ce délai de quatre jours ouvrables, la personne est mise en liberté d’office.

Si la personne incarcérée provisoirement en application de la nouvelle procédure d’ARSE sous condition suspensive de faisabilité a déjà été incarcérée provisoirement dans l’un des deux cas mentionnés ci-avant, la durée de la nouvelle incarcération provisoire est réduite de la durée de l’incarcération provisoire précédente.

Par ailleurs, si à l’issue de cette procédure la personne est finalement placée, non pas sous ARSE, mais en détention provisoire, la durée de l’incarcération sera imputée sur la durée de la détention provisoire. En effet, l’incarcération provisoire est assimilée à une détention provisoire. Cela signifie également que, le cas échéant, la personne pourra demander réparation de cette détention si la procédure se termine par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ([124]). Dans le cas contraire, si la personne est condamnée à une peine privative de liberté, la durée de cette détention sera déduite de la durée de la peine à subir ([125]).

e.   Une disposition visant à réduire le recours à la détention provisoire

Le Conseil d’État estime que cette disposition permettra d’éviter que l’absence d’étude de faisabilité conduise à un placement en détention provisoire qui ne serait pas strictement nécessaire et qui risquerait de n’être pas remis en cause par la suite ([126]). L’étude d’impact souligne d’ailleurs elle aussi que l’objectif poursuivi par l’extension du recours à l’ARSE s’inscrit dans une « volonté de limiter le recours à la détention provisoire afin de respecter le sens de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 30 janvier 2020, affaire J.M.B. et autres contre France, aux termes de laquelle la Cour a enjoint la France à lutter contre la surpopulation carcérale » ([127]).

Vos rapporteurs adhèrent pleinement à cet objectif et soulignent en outre qu’il s’agit d’une des dispositions formulées par la 14e proposition du groupe thématique « Justice pénitentiaire et de réinsertion » des États généraux de la Justice ([128]). Même si cette nouvelle procédure ne permettait pas la mise en œuvre d’un nombre d’ARSE aussi important que l’étude d’impact ne l’envisage ([129]) – cette évaluation étant sans aucun doute surestimée comme l’a d’ailleurs souligné le directeur de l’administration pénitentiaire auditionné par vos rapporteurs – elle serait malgré tout une voie intéressante pour accroître le recours à l’ARSE qui demeure insuffisant.

Ils relèvent toutefois que les magistrats qu’ils ont auditionnés ont le plus souvent souligné la complexité de cette procédure, en ce qu’elle implique l’organisation par le JLD de deux débats contradictoires lorsque l’étude de faisabilité n’aura pas été concluante. Ils s’interrogent donc sur la possibilité de prévoir dès l’ordonnance initiale du JLD la suite à donner à la procédure en cas d’impossibilité technique ou d’absence de rapport du SPIP.

2.   La possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière

Le 21° du I du présent article complète les deux alinéas de l’article 803-7 du code de procédure pénale afin de prévoir la possibilité de placer sous ARSE une personne libérée en raison du caractère irrégulier de sa détention provisoire. En l’état du droit, seul le prononcé d’un contrôle judiciaire était en ce cas possible.

Dorénavant, la juridiction ou le JLD saisi par le procureur pourra ordonner, en même temps que la mise en liberté, le placement sous contrôle judiciaire ou l’ARSE.

Cette disposition n’a pas appelé d’observations particulières de la part du Conseil d’État.

3.   La compétence du juge des libertés et de la détention pour modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE

Le 16° du I du présent article modifie le premier alinéa de l’article 397-3 du code de procédure pénale qui prévoit qu’en cas de comparution par procès-verbal, de comparution immédiate ou de comparution à délai différé, le tribunal peut prononcer, maintenir, modifier ou lever un contrôle judiciaire ou une ARSE.

● En premier lieu, il intègre dans cet alinéa les termes d’assignation à résidence avec surveillance électronique afin de rendre explicite dans le code de procédure pénale les orientations de la circulaire de 2010 qui prévoit que les juridictions de jugement peuvent prononcer, modifier ou lever une ARSE dans les cas où elles peuvent prononcer, modifier ou lever un contrôle judiciaire, y compris donc dans le cas de l’article 397-3 ([130]). La troisième phrase du premier alinéa est modifiée en conséquence.

● En second lieu, il insère un nouvel alinéa pour transférer du tribunal correctionnel au juge des libertés et de la détention la compétence de modification des obligations pesant sur une personne placée sous contrôle judiciaire ou sous ARSE.

Il est ainsi prévu que le JLD peut, à tout moment, sur réquisitions du ministère public ou à la demande du prévenu, décider :

– d’imposer une ou plusieurs obligations nouvelles ;

– de supprimer tout ou partie des obligations comprises dans la mesure ;

– de modifier une ou plusieurs de ces obligations ;

– d’accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines obligations.

Cette décision est prise au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s’il fait droit à la demande du prévenu, après audition de celui-ci, assisté le cas échéant par son avocat.

Cette décision est prise par une ordonnance motivée et susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction.

Cette disposition n’a pas appelé d’observations particulières de la part du Conseil d’État.

C.   Les modifications apportées par le SÉnat

1.   Les modifications apportées en commission

● Aucune modification n’a été apportée en commission sur les dispositions ouvrant la possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière, ni sur celles transférant au JLD la compétence de modification des obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE.

● Deux amendements des rapporteures ont toutefois été adoptés s’agissant de la création d’une ARSE sous condition suspensive de faisabilité : l’un de coordination (amendement n° 105), l’autre étendant aux procédures suivies par le Parquet européen cette possibilité de placement sous ARSE sous condition suspensive de faisabilité (amendent n° 107).

2.   Les modifications apportées en séance

Aucune modification n’a été apportée en séance sur les dispositions créant l’ARSE sous condition suspensive de faisabilité, ni sur celles ouvrant la possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière.

a.   S’agissant de la compétence du JLD pour modifier les obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE

i.   Compétence du JLD pour les demandes de modification du contrôle judiciaire après une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel

● L’amendement n° 216 de M. Mohamed Soilihi et adopté avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, complète l’article 1411 du code de procédure pénale.

● En l’état du droit, cet article précise que les pouvoirs conférés au juge d’instruction par les articles 139 – ordonner et modifier un contrôle judiciaire – et 140 – maintenir et lever un contrôle judiciaire – appartiennent, en tout état de cause, à la juridiction compétente selon les distinctions de l’article 148-1. Comme cela a été mentionné précédemment, ces pouvoirs valent également pour l’ARSE.

L’article 148-1 définit la compétence des juridictions selon différents cas :

– la compétence de la juridiction de jugement lorsqu’elle est saisie ;

– une exception à cette compétence : en matière criminelle, la cour d’assises n’est compétente que lorsque la demande est formée durant la session au cours de laquelle elle doit juger l’accusé. Dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre de l’instruction ;

– en cas de pourvoi et jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation, la compétence revient à la juridiction qui a connu en dernier lieu de l’affaire au fond ;

– là encore, cette règle connaît une exception : si le pourvoi a été formé contre un arrêt de la cour d’assises, la compétence revient à la chambre de l’instruction ;

– enfin, en cas de décision d’incompétence et généralement dans tous les cas où aucune juridiction n’est saisie, la chambre de l’instruction est compétente.

● Ces dispositions, fixées actuellement par l’alinéa unique de l’article 141‑1 n’ont pas été modifiées par le Sénat, mais deux nouveaux alinéas ont été introduits afin d’étendre la compétence du JLD pour modifier les obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE aux cas où la personne concernée est renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d’instruction.

La procédure prévue est la même que celle insérée par le présent article à l’article 397‑3 du même code : sur réquisitions du ministère public ou à la demande du prévenu, le JLD peut modifier les obligations du contrôle judiciaire ou de l’ARSE. Il statue par ordonnance motivée au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s’il fait droit à la demande du prévenu, après audition de celui-ci, assisté le cas échéant par son avocat.

L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction. Le président de celle-ci statue sur l’appel, mais il peut également ([131]), si la complexité du dossier le justifie, renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la chambre de l’instruction ([132]).

ii.   Coordination avec la procédure applicable lorsqu’une juridiction doit statuer sur une demande de mainlevée ou de mise en liberté

L’amendement n° 217 de M. Mohamed Soilihi et adopté avec un avis de sagesse de la commission et l’avis favorable du Gouvernement, modifie le premier et le troisième alinéas l’article 1482 du code de procédure pénale.

● Le premier alinéa de l’article 148-2 précise la procédure applicable lorsqu’une juridiction doit statuer sur une demande de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire – entendu également pour l’ARSE – ou sur une demande de mise en liberté.

En cohérence avec les autres dispositions du présent article, cet amendement supprime de cet alinéa le cas de demande de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire, puisque celui-ci relève, dorénavant, de la compétence du JLD.

Cet amendement conduit aussi à supprimer du premier alinéa de l’article 148‑2 la précision suivante : « le prévenu non détenu et son avocat sont convoqués, par lettre recommandée, quarante-huit heures au moins avant la date de l’audience ». Cela paraît cohérent puisque ce délai ne peut concerner que les cas de demande de mainlevée totale ou partielle d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE qui sont retirés de la compétence du tribunal et confiés au JLD. À l’inverse, le cas de la demande de mise en liberté, qui demeure de la compétence du tribunal, ne peut être concerné par ce délai puisqu’il ne s’applique que si le prévenu est non détenu.

La question de la suppression de ce délai a toutefois conduit les rapporteures de la commission du Sénat à émettre, d’abord, un avis défavorable, puis un avis de sagesse, durant les débats en séance publique. Selon le garde des Sceaux, le délai précisé à l’article 148-2 n’est plus nécessaire puisque la décision du JLD pourra se faire plus rapidement que lorsqu’elle demandait de « recomposer une juridiction dans sa complétude » ([133]). Cette appréciation semble toutefois erronée puisque le délai en question concerne non pas le délai dans lequel le juge doit rendre sa décision, mais le délai dans lequel le prévenu non détenu et son avocat doivent être convoqués.

● Le troisième alinéa de l’article 148-2 précise quant à lui l’articulation des délais dans lesquels la juridiction doit se prononcer sur ces demandes lorsque d’autres demandes ou appels sont encore pendants.

En cohérence avec les dispositions du présent article, cet amendement supprime de ces alinéas les mentions « contrôle judiciaire », afin de ne laisser que les cas où la juridiction doit se prononcer sur une demande de mise en liberté.

b.   Trois sujets complémentaires introduits en séance par le Sénat

i.   Élargissement des possibilités du JLD en cas de révocation d’une ARSE ou d’un contrôle judiciaire

L’amendement n° 214 de M. Mohamed Soilihi, adopté par le Sénat avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, insère deux nouvelles phrases aux articles 141-2 et 142-8 du code de procédure pénale.

● L’article 141-2 prévoit les conséquences du non-respect des obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE, notamment la possibilité de saisine du JLD par le juge d’instruction ou par le procureur aux fins de placement en détention provisoire.

L’amendement n° 124 ajoute à cette disposition la possibilité pour le JLD, s’il estime que la détention provisoire n’est pas justifiée, de modifier les obligations du contrôle judiciaire ou de prononcer un placement sous ARSE.

Cela permettrait ainsi au JLD de moduler la réponse au non-respect des obligations d’un contrôle judiciaire : en sus de la possibilité d’ordonner une détention provisoire, il pourrait accroître les obligations et interdictions du contrôle judiciaire ou ordonner une ARSE. Cela permettrait sans doute ainsi d’éviter certains placements en détention provisoire.

● L’article 142-8 précise que la personne qui ne respecte pas les obligations résultant d’une ARSE peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’amener et être placée en détention provisoire, conformément à l’article 141-2.

L’amendement n° 124 complète cet article en donnant la possibilité au JLD, s’il estime que la détention provisoire n’est pas justifiée, de modifier les obligations de l’ARSE.

Tout comme la modification à l’article 141-2, cela permettrait au JLD de moduler la réponse au non-respect des obligations d’une ARSE : en sus de la possibilité d’ordonner une détention provisoire, il pourrait accroître les obligations et interdictions de l’ARSE.

ii.   Clarification de la possibilité de prononcer conjointement une ARSE et un bracelet anti-rapprochement

L’amendement 278 des rapporteures, adopté avec avis favorable du Gouvernement, modifie l’article 142-5 du code de procédure pénale qui définit l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Il y insère une référence à l’article 138-3, permettant de clarifier le fait que, s’agissant des cas de violences au sein du couple, l’ARSE peut être ordonnée conjointement avec une interdiction de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance et, le cas échéant, avec un bracelet anti-rapprochement.

iii.   Possibilité d’accorder des permis de communiquer aux collaborateurs de l’avocat d’une personne mise en examen détenue

L’amendement n° 262 du Gouvernement, adopté avec avis favorable de la commission, complète d’un nouvel alinéa l’article 115 du code de procédure pénale qui prévoit les modalités de déclaration du choix d’un avocat par une personne mise en examen.

Dans le cas où une personne mise en examen est détenue, cette nouvelle disposition prévoit que l’avocat qu’elle désigne ou l’avocat commis d’office à sa demande peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance d’un permis de communiquer est sollicitée. Il est également précisé que le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats.

D.   La position de la commission

Sur ces différentes dispositions concernant les mesures pré-sententielles de détention provisoire, d’assignation à résidence sous surveillance électronique et de contrôle judiciaire, votre commission a adopté, outre des corrections rédactionnelles, des dispositifs touchant à trois sujets.

1.   Des précisions sur la procédure d’assignation à résidence sous surveillance électronique sous condition suspensive de faisabilité

Par leur amendement CL858, vos rapporteurs ont précisé que, lorsqu’il prend la décision de ce placement sous condition suspensive, le JLD doit saisir immédiatement le SPIP de la demande de rapport sur la faisabilité de la mesure. Les JLD n’étant pas les interlocuteurs habituels des SPIP, cette précision leur semble de nature à favoriser la mise en œuvre effective de cette nouvelle procédure. 

L’amendement précise par ailleurs qu’un décret prévoira les pièces devant être transmises par le JLD dans le cadre de cette saisine.

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont en effet été alertés par les syndicats des personnels d’insertion et de probation sur l’importance de la transmission des pièces, condition de la célérité de l’enquête de faisabilité. En effet, pour réaliser cette dernière, des informations sont essentielles : par exemple, sans l’adresse ou les coordonnées des proches de la personne, il ne leur est pas possible de vérifier la possibilité d’installer un dispositif de surveillance électronique à domicile. Apporter cette précision a donc semblé essentiel à vos rapporteurs afin de créer les conditions les plus favorables au respect du délai de dix jours dont disposeront les SPIP pour réaliser cette enquête de faisabilité.

2.   Des précisions relatives à la compétence du JLD pour les demandes de modification du contrôle judiciaire

a.   Dans le cadre de l’instruction lorsque le prévenu est renvoyé devant la juridiction de jugement

Introduit au Sénat, le 3° ter du présent article confie au JLD, à la place de la juridiction saisie, la compétence pour modifier les obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE lorsque la personne concernée est renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d’instruction.

Ces alinéas ont été réécrits par l’amendement CL787 du Gouvernement pour procéder à trois ajustements :

– il supprime le premier alinéa de l’article 141-1 qui conservait le principe de la compétence de la juridiction saisie sur ce type de demandes et précise, à la place, dans un troisième alinéa que la juridiction de jugement n’est compétente que lorsque la demande est formulée au cours d’une audience ;

– il précise que lorsque la demande est formulée par le prévenu, le JLD statue dans les délais prévus par le deuxième aliéna de l’article 148-2, soit dans les dix jours ou les vingt jours de la réception de la demande, selon que la juridiction saisie est du premier ou du second degré ;

– il modifie le délai d’appel, le faisant passer de dix jours à 24 heures, afin que celui-ci soit conforme au délai actuellement prévu dans ces cas et précisé à l’article 501 ([134]).

b.   Dans le cadre des procédures de comparution immédiate, de comparution à délai différé ou de comparution par procès-verbal

L’article 3 modifie aussi l’article 397-3 afin de confier également au JLD – à la place du tribunal correctionnel – la modification d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE en cas de comparution par procès-verbal, de comparution immédiate ou de comparution à délai différé. 

En cohérence avec le cadre de l’instruction précédemment évoqué, l’amendement CL788 du Gouvernement apporte deux modifications aux dispositions touchant à l’article 397-3 :

– il modifie le délai d’appel, le faisant passer de dix jours à 24 heures ;

– il applique le même cadre d’appel : celui-ci est porté devant le seul président de la chambre de l’instruction qui peut, si la complexité du dossier le justifie, décider d’office, à la demande de la personne poursuivie ou sur réquisitions du ministère public, de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la chambre.

3.   Une précision quant au délai de convocation d’une personne placée en détention provisoire pour un débat contradictoire portant sur la prolongation de celle-ci

L’amendement n° 866 de vos rapporteurs modifie les articles 145‑1 et 145‑2 du code de procédure pénale en précisant que les personnes placées en détention provisoire doivent être avisées au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue d’un débat contradictoire portant sur la prolongation de leur détention provisoire, que ce soit en matière correctionnelle ou en matière criminelle. En l’état du droit, ces articles prévoient bien de convoquer l’avocat, mais ne précisent rien quant à l’avertissement de la personne concernée. Cet ajout est donc de nature à mieux garantir les droits des personnes placées en détention provisoire.

*

 

V.   L’unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate

A.   L’État du droit

1.   La procédure de comparution immédiate

Prévue aux articles aux articles 395 à 3971 du code de procédure pénale, la procédure de comparution immédiate constitue l’une des trois modalités de saisine de la juridiction correctionnelle par le procureur de la République impliquant la comparution personnelle du prévenu devant celle-ci.

Comme la convocation par procès-verbal et la comparution à délai différé, la comparution immédiate n’est pas applicable aux mineurs, ni aux délits politiques, ni aux infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale, ni aux délits de presse ([135]).

Elle n’est en outre possible que si la peine encourue est d’au moins deux ans d’emprisonnement  six mois en cas de délit flagrant – et suppose que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée ([136]).

2.   Les délais applicables à la procédure de comparution immédiate

a.   Les délais sans renvoi de l’audience

Le prévenu est alors retenu jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, qui doit intervenir le jour même.

Cependant, aux termes de l’article 396, si la réunion du tribunal est impossible le jour même, le prévenu, sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD), peut :

– être placé en détention provisoire ; le prévenu doit alors comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant ;

– être soumis à des obligations du contrôle judiciaire – ou être placé sous assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE). Dans ces deux cas, la date et l’heure de l’audience sont fixées selon les mêmes règles que pour une convocation par procès-verbal : en application de l’article 394, le prévenu doit comparaître devant le tribunal dans un délai compris entre dix jours et six mois ([137]).

b.   Les délais en cas de renvoi de l’audience

Le tribunal avertit le prévenu qu’il ne peut être jugé le jour même qu’avec son accord, recueilli en présence de son avocat ou d’un avocat désigné d’office ([138]). En cas de refus du prévenu, ou si l’affaire ne paraît pas en l’état d’être jugée, l’article 3971 prévoit que le tribunal renvoie à une prochaine audience, qui doit se tenir :

– dans un délai compris entre deux et six semaines ([139]) ;

– ou, si la peine encourue est supérieure à sept ans d’emprisonnement, dans un délai compris entre deux et quatre mois.

Dans cette hypothèse, le prévenu peut demander au tribunal tout acte d’information jugé nécessaire.

c.   Le délai du jugement au fond

L’article 397-3 prévoit en outre des garanties de délais supplémentaires lorsque le prévenu est en détention provisoire : le jugement au fond doit alors être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal ([140]) .

Si le prévenu encourt une peine supérieure à sept ans d’emprisonnement et qu’il a demandé à ce que l’affaire soit renvoyée à une prochaine audience, le jugement au fond doit être rendu dans les quatre mois qui suivent.

Faute de décision au fond à l’expiration de ces délais, il est mis fin à la détention provisoire. Le prévenu, s’il n’est pas détenu pour une autre cause, est alors mis d’office en liberté.

B.   Le Projet de loi initial

1.   L’unification des délais d’audiencement

Le 14° du I du présent article modifie l’article 397-1 du code de procédure pénale afin d’unifier les délais applicables lorsque le tribunal renvoie l’affaire à une prochaine audience.

Dorénavant, quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue, l’audience doit se tenir dans un délai ne pouvant être inférieur à quatre semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur à dix semaines.

Évolution proposée par le projet de loi

 

peine encourue inférieure à sept ans d’emprisonnement

peine encourue supérieure à sept ans d’emprisonnement

Délai minimum

Dispositif actuel

deux semaines

deux mois

Dispositif proposé

quatre semaines

conséquence du dispositif proposé

+ 2 semaines

- 4 semaines

Délai maximum

Dispositif actuel

six semaines

quatre mois

Dispositif proposé

dix semaines

conséquence du dispositif proposé

+ 4 semaines

- 6 semaines

Les conséquences de cette évolution sont duales : les délais d’audiencement des renvois au cours d’une procédure de comparution immédiate sont, d’un côté, allongés pour les prévenus encourant une peine de moins de sept ans d’emprisonnement et, de l’autre, raccourcis pour les prévenus encourant une peine de plus de sept ans d’emprisonnement.

À la suite de l’avis du Conseil d’État, le présent dispositif a été réécrit pour prévoir ce délai de quatre à dix semaines afin de garantir que les prévenus puissent bénéficier d’un délai suffisant pour préparer leur défense. Cette observation du Conseil d’État concernait toutefois avant tout les prévus qui encourent les peines les plus lourdes ([141]).

2.   L’unification des délais du jugement au fond

Les d et e 16° du I du présent article modifient l’article 397-3 du code de procédure pénale afin d’unifier les délais dans lesquels le jugement au fond doit être rendu lorsque le prévenu est en détention provisoire.

Dorénavant, quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue, le jugement au fond doit être rendu dans les trois mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal.

Évolution proposée par le projet de loi

 

peine encourue inférieure à sept ans d’emprisonnement

peine encourue supérieure à sept ans d’emprisonnement

Délai dans lequel le jugement au fond doit être rendu

Dispositif actuel

deux mois

quatre mois

Dispositif proposé

trois mois

conséquence du dispositif proposé

+ 1 mois

- 1 mois

Là encore, les conséquences de l’évolution proposée par le projet de loi sont duales : les délais maximaux de jugement au fond seront, d’un côté, allongés pour les prévenus encourant une peine de moins de sept ans d’emprisonnement et, de l’autre, raccourcis pour les prévenus encourant une peine de plus de sept ans d’emprisonnement.

3.   Une mesure qui participe de la bonne administration de la justice, mais aux conséquences opposées selon la peine encourue

Selon l’étude d’impact, cette évolution est nécessaire car des difficultés peuvent apparaître « lorsque plusieurs prévenus sont poursuivis et que soit chacun opte pour un délai différent, soit encourant des peines d’emprisonnement différentes se voient nécessairement offrir des délais de renvois différents » ([142]). Sans donner de précisions quant aux nombres d’affaires concernées, elle explique que cela conduit les prévenus à être jugés à des audiences différentes, ce qui est « contraire à une bonne administration de la justice » ([143]). Le Conseil d’État confirme lui aussi que cette mesure est de bonne administration ([144]).

Selon le directeur de l’administration pénitentiaire, auditionné par vos rapporteurs, les effets d’allongement et de raccourcissement se cumulant devraient garantir que cette disposition n’a pas d’impact négatif sur la durée des détentions provisoires. D’après les données transmises par le ministère de la justice, parmi les détenus ayant été placés en détention provisoire avant leur jugement en comparution immédiate, 32 % encouraient une peine de plus de 7 ans et donc 68 % encouraient une peine de moins de 7 ans.

Délais de jugement des personnes placées en détention provisoire avant leur jugement en comparution immédiate

 

Personnes encourant

une peine
inférieure ou égale à 7 ans

Personnes encourant

une peine

supérieure à 7 ans

Total

Délai de jugement inférieur à 15j

12 686

4 830

17 516

Délai de jugement supérieur à 15j et inférieur ou égal à 6 semaines

5 014

3 178

8 192

Délai de jugement supérieur à 6 semaines et inférieur à 2 mois

600

381

981

Délai de jugement supérieur à 2 mois et inférieur à 4 mois

460

514

974

Délai de jugement supérieur à 4 mois

409

176

585

Total

19 169

9 079

28 248

Parmi les personnes ayant été en détention provisoire avant leur jugement en comparution immédiate et encourant une peine inférieure ou égale à 7 ans, 33 % ont demandé un renvoi.

Parmi les personnes ayant été en détention provisoire avant leur jugement en comparution immédiate et encourant une peine supérieure à 7 ans, 47 % ont demandé un renvoi.

C.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

Aucun amendement n’a été adopté en commission sur les dispositions de l’article 3 relative à l’unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate. D’après les rapporteures, l’évolution proposée par le projet de loi est « de nature à faciliter le bon déroulement des procédures » ([145]).

2.   Les modifications apportées en séance

Aucune modification n’a été apportée en séance à ces dispositions.

D.   La position de la commission

L’amendement CL818 de vos rapporteurs complète ces dispositions sur les délais en cas de comparution immédiate par une nouvelle modification de l’article 396 du code de procédure pénale.

En l’état du droit, lorsqu’un procureur décide d’un renvoi en comparution immédiate et qu’il saisit le JLD aux fins d’un placement en détention provisoire, le JLD peut soit décider de cette détention, soit, s’il estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire, soumettre le prévenu, jusqu’à sa comparution devant le tribunal, à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou de placer sous ARSE.

S’il est placé en détention provisoire, l’article 396 prévoit sa comparution devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.

S’il est placé sous contrôle judiciaire ou sous ARSE, sa comparution est fixée dans les délais prévus à l’article 394 relatif à la convocation par procès-verbal, soit dans un délai de dix jours ([146]) à six mois. Toutefois, si les poursuites concernent plusieurs personnes dont certaines sont placées en détention provisoire, la personne reste convoquée à l’audience où comparaissent les autres prévenus détenus.

Afin de permettre une procédure de jugement rapide et davantage de cohérence au sein des comparutions immédiates, la Commission a choisi d’appliquer aux deux cas, avec ou sans détention provisoire, le même délai de comparution dans les trois jours ouvrables suivant la décision du JLD.

*

 

VI.   Le choix laissé au procureur des suites à donner en cas de renvoi à mieux se pourvoir

Le 15° du I du présent article offre au procureur de la République le choix des suites à donner en cas de renvoi à mieux se pourvoir par le tribunal, en matière de comparutions immédiate, à effet différé ou par procès-verbal – le procureur n’ayant aujourd’hui d’autre possibilité que de requérir l’ouverture d’une instruction.

A.   L’état du droit

En cas de comparution immédiate, de convocation par procès-verbal ou de comparution à délai différé, le tribunal, aux termes de l’article 397‑2 du CPP, peut, d’office ou à la demande des parties :

– procéder à un supplément d’information ;

– renvoyer le dossier au procureur de la République, s’il estime que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies.

Le tribunal statue au préalable sur le maintien du prévenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant un juge d’instruction, qui doit intervenir le jour même (ou dans un délai de cinq jours si l’affaire justifie la commission d’un juge du pôle d’instruction compétent et qu’il n’existe pas de pôle au sein du tribunal).

L’article 397‑2 est interprété par la Cour de cassation ([147]) comme imposant au procureur, en cas de renvoi à mieux se pourvoir, de requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

En effet, dans un arrêt du 21 novembre 2012, la chambre criminelle a jugé que « lorsque le tribunal renvoie le dossier au procureur de la République en raison de la complexité de l’affaire et des investigations supplémentaires approfondies qu’elle implique, ce magistrat requiert l’ouverture d’une information judiciaire » ([148]).

Dans cet arrêt, la Cour a d’ailleurs considéré que c’était à tort que la cour d’appel avait jugé que le renvoi obligeait le procureur « à procéder à des investigations supplémentaires quelle qu’en soit la forme » – la cour d’appel avait considéré que ces investigations devaient être faites « en poursuivant l’enquête ou en ouvrant une information ».

Cette position a été confirmée peu après : dans un arrêt rendu le 12 décembre 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a en effet jugé que lorsque le tribunal renvoie « le ministère public à mieux se pourvoir, le procureur de la République a la possibilité de reprendre les poursuites en ouvrant une information judiciaire » ([149]).

L’état du droit exclut donc toute autre procédure que celle de l’information judiciaire en cas de renvoi à mieux se pourvoir, et empêche notamment le procureur de poursuivre les investigations dans le cadre d’une enquête préliminaire.

L’obligation de requérir l’ouverture d’une information judiciaire :
une orientation correspondant à l’intention du législateur de 1986

Contrairement à ce qu’indique l’étude d’impact, l’obligation faite au procureur, en cas de renvoi à mieux se pourvoir, de requérir l’ouverture d’une information, paraît bien correspondre à l’intention originelle du législateur, telle qu’elle ressort des travaux préparatoires de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.

Le garde des Sceaux, lors des débats à l’Assemblait, relevait en effet à l’appui de la proposition du Gouvernement, que « l’appréciation [de la notion de charges suffisantes] qui sera faite sera soumise au contrôle des juges du siège qui pourront, s’ils estiment que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, renvoyer le ministère public à se pourvoir, c’estàdire renvoyer l’affaire devant un juge d’instruction. » (1). Il évoquait également, parmi les garanties que le texte apportait, « la possibilité […] pour le tribunal de renvoyer l’affaire au parquet s’il estime que celle-ci exige une information » (2).

Le rapporteur du projet de loi, M. Emmanuel Aubert, allait dans le même sens, indiquant « qu’il sera possible […] de demander au procureur de la République de mieux se pourvoir, c’est-à-dire d’entrer dans un processus d’instruction préparatoire » (3).

Enfin, le garde des Sceaux, lors de la présentation de l’amendement prévoyant le dispositif objet du présent article, précisait qu’il consistait à « renvoyer le dossier au procureur de la République afin que ce dernier puisse ouvrir une information », ajoutant qu’une telle disposition « donne à la juridiction de jugement le pouvoir d’obliger le parquet à abandonner la procédure de comparution immédiate au profit de celle de l’instruction préparatoire », permettant « à la juridiction de sanctionner de manière encore plus efficace qu’auparavant les éventuelles erreurs d’appréciation commises par le parquet […] et qu’une information confiée à un juge spécialisée, le juge d’instruction en l’occurrence, semble indispensable » (4).

L’objectif poursuivi, en 1986, paraissait donc bien d’imposer au procureur de requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

Il n’en demeure pas moins que cette obligation est contestable à plusieurs titres, ce que tendent à démontrer les développements suivants.

(1) Journal officiel de la République française  Débats parlementaires Assemblée nationale, VIIIe législature, Troisième session extraordinaire de 1985-1986, compte rendu intégral, 2e séance du mercredi 2 juillet 1986, page 2791.

(2) Ibid.

(3) Id., page 2796.

(4) Id., page 2797.

B.   le projet de loi initial

Le 15° du I du présent article modifie l’article 3972 du CPP afin de redonner au procureur de la République, en cas de renvoi du tribunal à mieux se pourvoir, l’intégralité de l’opportunité des poursuites dont il est en principe titulaire.

● Le deuxième alinéa de l’article 397‑2, portant sur le renvoi à mieux se pourvoir lorsque le tribunal estime nécessaire des investigations supplémentaires approfondies, est ainsi complété par le a du 15° d’une phrase octroyant au procureur de la République toute latitude pour la suite, le procureur « donnant alors à l’affaire les suites qu’il estime adaptées ».

Ces suites peuvent consister :

– en la poursuite de l’enquête ;

– en l’ouverture d’une information judiciaire et donc la saisine du juge d’instruction, par un réquisitoire en ce sens ;

– en la saisine du tribunal par une autre voie que celle initialement retenue – par exemple à travers une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité ou, si l’affaire relevait de la comparution immédiate et que des expertises médicales ou techniques apparaissent nécessaires, à travers une comparution à délai différé sur le fondement de l’article 397‑1‑1 du CPP ;

– en un classement de l’affaire.

● Tirant les conséquences de cette modification, le b du 15° réécrit la première phrase de l’actuel dernier alinéa de l’article 397‑2 du CPP, qui prévoyait que le tribunal statue au préalable sur le maintien du prévenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant un juge d’instruction.

Une telle comparution n’étant désormais plus automatique, les nouvelles dispositions proposées précisent ainsi que le tribunal statue sur le maintien en détention provisoire jusqu’à la comparution devant le juge d’instruction dans l’hypothèse où le procureur aurait choisi cette voie, c’est-à-dire aurait requis l’ouverture d’une information judiciaire en application de l’article 80 du CPP.

● Enfin, le c du 15° du I du présent article complète l’article 397‑2 du CPP d’un nouvel alinéa excluant, en cas de renvoi à mieux se pourvoir, un nouveau renvoi.

Cette mention permet d’éviter des renvois successifs sans limite, qui ne seraient pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

● Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a validé le dispositif proposé – après avoir suggéré l’ajout de la mention précédemment évoquée excluant un nouveau renvoi ([150]).

C.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

La Commission n’a pas modifié l’article 3 sur ce point.

2.   Les modifications apportées en séance

Le Sénat a clarifié les conséquences du dispositif proposé s’agissant de la détention provisoire de la personne – qui n’était traitée par le dispositif initialement proposé qu’en cas d’instruction à la suite du renvoi, et qui ne visait que les personnes déjà en détention provisoire.

Désormais, le tribunal statuera non seulement sur le maintien, mais aussi le placement en détention provisoire de la personne jusqu’à sa comparution devant un juge d’instruction ou devant le JLD, si le procureur le requiert : en l’absence de réquisition en ce sens du procureur, la personne sera remise en liberté.

Par ailleurs, l’examen du maintien ou du placement en détention provisoire par le tribunal sera expressément contradictoire.

Cette modification résulte de l’adoption d’un amendement de M. Thani Mohamed Soilihi (RDPI) et plusieurs de ses collègues, ayant recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement ([151]).

D.   La position de la Commission

Il convient de noter que certains éléments de justification avancés dans l’étude d’impact par le Gouvernement au soutien de la mesure proposée n’emportent pas la conviction :

– la référence à l’intention du législateur de 1986, ainsi qu’il a été vu, va dans le sens contraire, puisque cette intention était bien d’obliger le procureur à requérir l’ouverture d’une instruction ;

– les exemples existants dans lesquels le procureur a le libre choix des suites à donner après le renvoi concernent des hypothèses de renvoi pour incompétence du tribunal ; ici, le renvoi repose sur la nécessité, aux yeux du tribunal, de réaliser des investigations complémentaires approfondies.

Néanmoins, la Commission n’a pas modifié cet article sur ce point.

*

 

VII.   La Possibilité pour le procureur de proposer une nouvelle peine en cas de refus d’homologation de la première proposition de peine dans le cadre de la CRPC

Ces dispositions ont été introduites par le Sénat en séance, à l’initiative du Gouvernement.

A.   L’état du droit

1.   La CRPC

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) est régie par les articles 495‑7 à 495‑16 du CPP et est applicable en matière délictuelle ([152]).

Mise en œuvre par le procureur de la République, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, la CRPC consiste schématiquement, en une proposition de peine faite par le procureur à une personne ayant reconnu les faits, et soumise à homologation par le président du tribunal judiciaire si la proposition est acceptée par la personne.

La proposition du procureur peut être une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues. Si la peine proposée est une peine d’emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à trois ans ni à la moitié de la peine encourue.

2.   L’homologation de la peine proposée et les conséquences d’un refus d’homologation

Aux termes des articles 495‑9 et 495‑11 du CPP, le président du tribunal judiciaire entend la personne et son avocat et vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique ; il statue le jour même par ordonnance motivée. S’il décide d’homologuer la peine, son ordonnance constate que la personne reconnaît les faits et accepte la peine, et que la proposition est justifiée au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Cette ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation et est immédiatement exécutoire.

En revanche, si le président du tribunal judiciaire refuse d’homologuer la peine proposée, ou si la personne a refusé la proposition du procureur, ce dernier doit, en application de l’article 495‑12 du CPP :

– soit saisir, sauf éléments nouveaux, le tribunal correctionnel selon l’une des procédures prévues à l’article 388 du CPP (comparution volontaire, citation, convocation par procès-verbal ou comparution immédiate, ou renvoi par la juridiction d’instruction) ;

– soit requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

Le procureur ne dispose donc pas de la possibilité de proposer au président du tribunal une nouvelle peine, quand bien même le refus d’homologation pourrait être justifié par le fait que la peine a été jugée insuffisante ou inadaptée, et donc qu’une nouvelle proposition pourrait prospérer et être homologuée.

B.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le 16° bis A du I de l’article 3 a été introduit par le Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable de la commission ([153]).

Il vise à assouplir le cadre procédural de la CRPC en cas de refus d’homologation par le président du tribunal judiciaire, en permettant au procureur, dans une telle hypothèse, de faire au président une nouvelle proposition de peine qu’a acceptée la personne.

Concrètement, après le refus d’homologation, le procureur proposera à la personne une nouvelle peine et, si celle-ci est acceptée, il saisira le président du tribunal judiciaire aux fins d’homologation.

Cette faculté est unique, ne pouvant être faite qu’à une seule reprise : si l’homologation de la nouvelle peine proposée est refusée, alors le procureur devra requérir l’ouverture d’une information judiciaire ou saisir le tribunal correctionnel selon les modalités précédemment mentionnées.

C.   La position de la Commission

La Commission n’a pas modifié cette mesure.

*

 

VIII.   Le recours à l’interprétariat et à l’examen médical par voie de télécommunications

Les 2° et 20° du I du présent article permettent, de façon encadrée, de recourir aux moyens de télécommunications en garde à vue, pour le recours à un interprète et pour l’examen médical de la personne gardée à vue.

A.   L’état du droit

1.   Les droits de la personne placée en garde à vue

Le régime général de la garde à vue est régi par les dispositions des articles 62‑2 à 64‑1 du CPP, qui concernent l’enquête de flagrance. Ces dispositions sont applicables à l’enquête préliminaire (article 77 du CPP) et à l’information judiciaire (article 154).

Elles sont également applicables en matière de criminalité et de délinquance organisées, sous réserve d’aménagements – en particulier la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu’à un maximum de 144 heures (articles 706‑88 et 706‑88‑1).

● En application de l’article 63‑1 du CPP, la personne placée en garde à vue est immédiatement informée :

– de son placement en garde à vue, de la durée de celle‑ci et des prolongations dont elle peut faire l’objet, et du motif justifiant son placement en garde à vue ;

– des éléments relatifs à l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ;

– de ses droits, incluant notamment :

L’information de la personne doit être faite dans une langue qu’elle comprend. Si elle est atteinte de surdité ou ne sait ni lire ni écrire, la personne doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne maîtrisant une langue ou une méthode permettant de communiquer. Si la personne ne parle pas français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète.

Le recours à un interprète dans le cadre de la procédure pénale

Le droit à l’assistance d’un interprète des personnes suspectées ou poursuivies est consacré dès l’article préliminaire du CPP, et s’applique jusqu’au terme de la procédure. L’article 803‑5 du CPP, qui précise la mise en œuvre de ce principe, prévoit notamment que l’autorité procédant à l’audition de la personne ou devant laquelle celle-ci comparaît doit vérifier que la personne parle et comprend le français.

Outre la garde à vue, ce droit est expressément prévu :

– en matière d’audition libre (article 61‑1 du CPP) ;

– durant l’instruction, pour les auditions de témoins (article 102) et les interrogatoires et confrontations (article 121, qui renvoie à l’article 102) ;

– devant la cour d’assises, pour l’interrogatoire de l’accusé (article 272) et pendant les débats (article 344) ;

– pendant les débats devant la juridiction correctionnelle (article 407) et le tribunal de police (article 535, renvoyant à l’article 407) ;

– ou encore dans le cadre de la procédure du mandat d’arrêt européen (articles 695‑19, 695‑30, 695‑36 et 695‑44).

● Les modalités de mise en œuvre du droit à être examiné par un médecin sont précisées par l’article 63‑3 du CPP.

Le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire (OPJ) ; les diligences nécessaires doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter de la demande d’examen médical.

Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes les constatations utiles. Son examen doit être fait dans le respect de la dignité et du secret professionnel, à l’abri des regards et de toute écoute extérieure, sauf décision contraire du médecin.

En cas de prolongation de la garde à vue, un nouvel examen médical peut être demandé par la personne.

Par ailleurs, même en l’absence de demande en ce sens de la personne gardée à vue, l’examen médical est de droit si un membre de sa famille le sollicite.

2.   Le recours aux moyens de télécommunication audiovisuelle dans le cadre de la procédure pénale

Le principe du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle dans le cadre de la procédure pénale est consacré au titre XXIII du livre IV du CPP, regroupant les articles 706‑71 et 706‑71‑1 ([154]).

Ce recours, fondé sur la bonne administration de la justice, est décidé par le magistrat chargé de la procédure – par exemple le procureur de la République, dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire – ou le président de la juridiction saisie.

a.   Le cadre général du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle

● Il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle dans de nombreuses hypothèses pendant l’enquête, l’instruction, en matière de détention provisoire et durant la phase de jugement, notamment pour :

– l’audition ou l’interrogatoire d’une personne et la confrontation de plusieurs personnes (deuxième alinéa de l’article 706‑71) ;

– la présentation de la personne au procureur de la République aux fins de prolongation de la garde à vue (même deuxième alinéa, et dernier alinéa du II de l’article 63 du CPP) ; dans cette hypothèse, seul un moyen de télécommunication audiovisuelle est permis, à l’exclusion des moyens de télécommunication sonore (article R. 53‑33) ;

– l’audition de témoins, parties civiles et experts par la juridiction de jugement (troisième alinéa de l’article 706‑71) ;

– la comparution devant le tribunal correctionnel du prévenu détenu, sous réserve de l’accord du procureur et de l’ensemble des parties (même troisième alinéa) ;

– aux auditions et interrogatoires d’une personne détenue par un juge d’instruction (quatrième alinéa du même article) ;

– ou encore en matière de détention provisoire, notamment pour le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire ou à la prolongation de celle-ci, la personne pouvant refuser d’utiliser le moyen de télécommunication audiovisuelle (même quatrième alinéa).

Il est également possible de recourir à un moyen de télécommunication pour assurer l’assistance d’une personne par un interprète, en cas de nécessité résultant de l’impossibilité, pour l’interprète, de se déplacer.

Le serment prêté par l’interprète, en cas d’audition de témoins par un juge d’instruction, est alors effectué par ce moyen de télécommunication (article R. 53‑39 du CPP).

● Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal ([155]). Les caractéristiques techniques des moyens de télécommunication utilisés dans le cadre de la procédure pénale doivent garantir une retransmission fidèle, loyale et confidentielle à l’égard des tiers.

Tout incident technique perturbant une transmission doit être mentionné dans les procès-verbaux retranscrivant les déclarations faites (article R. 53‑38 du CPP).

● Si la personne est assistée par un avocat ou par un interprète, ceux‑ci peuvent se trouver :

– auprès de la personne, supposant la remise d’une copie du dossier ;

– ou auprès du magistrat ou de la juridiction, imposant alors que l’avocat puisse s’entretenir avec la personne de manière confidentielle en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle.

● Aux termes de l’article 706‑71‑1 du CPP, dans les hypothèses où le recours au moyen de télécommunication audiovisuelle suppose l’accord de la personne ou son absence de refus :

– l’accord doit intervenir dans les cinq jours qui suivent le moment où la personne est informée du fait qu’il est envisagé de recourir à un tel moyen ;

– le refus de recourir à ce moyen doit intervenir lorsque la personne est informée qu’un tel recours est envisagé.

L’accord donné, ou l’absence de refus, est définitif : la personne ne peut ensuite refuser de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle.

b.   Le cadre constitutionnel du recours aux moyens de télécommunication audiovisuelle

Le Conseil constitutionnel a eu plusieurs fois l’occasion de se prononcer sur le recours aux moyens de télécommunication audiovisuelle par la justice.

En 2011 et 2018, il a validé un tel recours pour les audiences devant la Cour nationale du droit d’asile – y compris sans le consentement de l’intéressé –, excipant de la bonne administration de la justice et des garanties prévues par la loi – notamment en matière de confidentialité et d’assistance et d’accès au dossier ([156]).

En matière de détention provisoire, si le Conseil constitutionnel a pu censurer certaines dispositions sur le recours à la visioconférence, ce n’est pas par opposition au principe même de ce recours, mais en raison de l’absence de possibilité pour la personne détenue, dans certaines hypothèses, de s’opposer à ce recours. Tel était ainsi le cas :

– s’agissant de la prolongation de la détention provisoire ([157]) ;

– en matière criminelle, la personne pouvant être privée de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur sa détention provisoire pendant une année entière ([158]) ;

– pendant la pandémie de covid‑19, les dérogations ponctuelles prévoyant la possibilité d’imposer le recours à la visioconférence sans recueillir le consentement des intéressés ayant été censurées ([159]).

La première des censures mentionnées étant intervenue a priori, elle n’appelait pas d’évolution normative ; les censures prononcées dans le contexte de la pandémie de covid‑19 portaient sur des dispositions par nature temporaires.

S’agissant de la deuxième censure évoquée, le législateur en a tiré toutes les conséquences en ouvrant à la personne la possibilité de s’opposer au recours à la visioconférence lorsqu’elle est détenue en matière criminelle depuis plus de six mois et qu’elle n’a pas personnellement comparu physiquement ([160]).

Notons par ailleurs que, d’une manière générale, même dans les décisions censurant les dispositions qui lui étaient soumises, le Conseil constitutionnel a reconnu l’intérêt et l’opportunité du recours à la visioconférence ; les censures portaient sur des considérations précises liées à des circonstances spécifiques :

– elles concernaient la détention provisoire ;

– elles reposaient sur l’absence de consentement des intéressés s’agissant du recours à la visioconférence.

La visioconférence en matière pénale et la CEDH

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ne fait pas obstacle à ce qu’il soit recouru à la visioconférence en matière pénale, la Cour européenne des droits de l’homme veillant à ce que ce recours soit assorti de garanties suffisantes pour ne pas remettre en cause les droits consacrés par la convention.

Dans une affaire italienne, la Cour a ainsi reconnu que la participation d’une personne aux audiences par visioconférence dans le cadre d’une procédure pénale poursuit des buts légitimes, parmi lesquels le respect du délai raisonnable de jugement, mais doit respecter les droits de la défense, notamment en permettant à la personne de voir et d’entendre les autres personnes, d’être vue et entendue par elles, et de pouvoir s’entretenir avec son avocat de manière confidentielle (1).

Ce principe, rappelé dans une affaire concernant la Russie, a conduit la Cour à conclure à une atteinte au droit à un procès équitable, en particulier en raison de l’absence d’assistance effective par un défenseur, justifiée par :

– une communication avec l’avocate pendant un temps manifestement insuffisant eu égard à la complexité de l’affaire ;

– l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle ne garantissant pas la confidentialité des échanges (2).

(1) Cour EDH, 5 octobre 2006, Marcello Viola c. Italie,  45106/04.

(2) Cour EDH, Grande chambre, 2 novembre 2010, Sakhnovski c. Russie,  21272/03, § 98-107.

B.   le projet de loi initial

Le présent article prévoit la possibilité de recourir à un moyen de télécommunication dans le cadre de la garde à vue, dans deux hypothèses :

– pour l’examen médical (2° du I du présent article) ;

– pour le recours à un interprète dans le cadre d’une garde à vue ou d’une audition libre (20° du même I).

1.   Le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour l’examen médical lors de la garde à vue

La possibilité de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour réaliser l’examen médical dans le cadre de la garde à vue est prévue au  du I du présent article, qui insère à cet effet un nouvel alinéa après le quatrième alinéa de l’article 633 du CPP – pour mémoire, cet article 63‑3 est celui régissant les modalités de réalisation de l’examen médical de garde à vue.

Cette possibilité fait l’objet d’un encadrement strict, tant dans ses conditions de recours que dans ses modalités de mise en œuvre.

a.   Les conditions de recours à un examen médical par un moyen de télécommunication audiovisuelle

S’agissant des conditions :

– il résulte des termes mêmes du dispositif proposé qu’il ne s’agit que d’une faculté, et non d’une obligation systématique ;

– ce recours résulte d’une autorisation du procureur de la République, il ne peut donc être décidé par le seul OPJ ;

– dans l’hypothèse où l’examen médical est demandé par la personne placée en garde à vue ou par un membre de sa famille, le recours au moyen de télécommunication audiovisuelle est subordonné à l’accord exprès de celui sollicitant l’examen médical – en revanche, si l’examen est décidé d’office par le procureur ou l’OPJ, l’accord de la personne n’est pas requis ;

– ce recours n’est prévu que dans l’hypothèse d’une prolongation de la garde à vue ; l’examen médical pouvant être demandé pendant les premières vingtquatre heures est donc réalisé selon des modalités inchangées, avec présentation physique de la personne au médecin ;

– il n’est ouvert que « si la nature de l’examen le permet » ;

– enfin, la possibilité prévue par le dispositif proposé ne s’applique ni aux mineurs, ni aux majeurs protégés.

b.   Les modalités de mise en œuvre de l’examen médical par un moyen de télécommunication audiovisuelle

● Si les conditions sont remplies, l’examen médical est réalisé par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle ; ce recours suppose que soient garanties la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges – entre le médecin et la personne gardée à vue.

Par ailleurs, le médecin est appelé à se prononcer sur la nécessité éventuelle d’un examen médical physique direct : en fonction de la situation, il peut donc s’opposer à ce qu’il soit recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour réaliser l’examen médical de la personne gardée à vue.

● Le nouvel alinéa de l’article 63‑3 du CPP renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités de l’examen médical ainsi réalisé. D’après l’étude d’impact, ces dispositions réglementaires permettront, notamment, de préciser les cas d’exclusion à ce moyen technique, parmi lesquels :

– l’état de grossesse de la personne gardée à vue ;

– la perte de connaissance connue des services enquêteurs ;

– la présence de blessures physiques ;

– plus généralement, toute situation justifiant l’intervention d’un médecin ;

– les situations dans lesquelles les forces de l’ordre sont en cause, soit en qualité de victimes de l’infraction (telles les violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ou la rébellion), soit parce que la personne gardée à vue allègue avoir été victime d’un usage excessif de la force ou de violences de la part des forces de l’ordre.

2.   Le recours à un moyen de télécommunication pour l’assistance par un interprète

Le 20° du I du présent article porte sur la possibilité de recourir à un moyen de télécommunication pour les services d’un interprète, et modifie à cet effet l’article 803‑5 du CPP en y insérant deux nouveaux alinéas.

● Ce recours est ouvert au cours de la garde à vue, ainsi que lors d’une audition libre, sous réserve que la personne ne soit ni un mineur, ni un majeur protégé.

L’application à l’audition libre est cohérente dans la mesure où l’article 61‑1 du CPP prévoit dans ce cadre le droit d’être assisté par un interprète (mais ne prévoit pas le droit d’être examiné par un médecin).

● Sont concernées :

– l’intervention de l’interprète lors de la notification des droits de la personne en garde à vue ou entendue, afin que la personne puisse comprendre ces droits ;

– l’assistance de la personne par un interprète, afin qu’elle puisse échanger avec le procureur et les forces de l’ordre, mais aussi avec son avocat et, plus généralement, toute personne intervenant lors de la garde à vue ou de l’audition – telle que le médecin, pour l’examen médical de garde à vue.

● À l’image du dispositif prévu pour l’examen médical, ce recours doit être fait dans des conditions qui garantissent la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges, notamment ceux entre la personne gardée à vue ou entendue et son avocat – les modalités sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

● Cette possibilité de recourir à la télécommunication pour l’interprète est ouverte sans avoir à avancer de motif particulier, et n’est pas subordonnée à une autorisation d’un magistrat.

Ce faisant, elle déroge à l’article 70671 du CPP qui, ainsi qu’il a été vu, n’ouvre le recours à de tels moyens s’agissant de l’assistance par un interprète qu’en cas de nécessité tirée d’une impossibilité pour l’interprète de se déplacer.

Toutefois, le nouveau cinquième alinéa de l’article 803‑5 du CPP, qui correspond au troisième alinéa du 20° du I du présent article, reprend en partie cette condition d’ouverture plus stricte.

En effet, au-delà de quarante-huit heures de garde à vue, le recours à un moyen de télécommunication est subordonné à deux conditions :

– la nécessité, qui résulte de l’impossibilité pour l’interprète de se déplacer ;

– l’autorisation du magistrat en charge de la procédure.

En somme, la dérogation à l’article 70671 n’est applicable qu’à l’audition libre et, s’agissant de la garde à vue, qu’aux premières quarantehuit heures. Au‑delà, cette dérogation ne se justifie plus, expliquant le retour des conditions tenant à la nécessité et à l’autorisation d’un magistrat.

3.   Un cadre de recours à la télécommunication pertinent et robuste

Les évolutions proposées sont bienvenues.

● S’agissant de l’examen médical en garde à vue, permettre qu’il puisse se faire par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, loin de saper les garanties dont bénéficient les personnes gardées à vue, est de nature à les renforcer.

En effet, la téléconsultation – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – assurera la célérité de l’intervention du médecin, ce qui est bénéfique pour la personne gardée à vue.

La qualité de cette téléconsultation ne saurait être remise en cause par principe : rappelons que la télémédecine s’est considérablement développée, en particulier dans le contexte de la pandémie de covid‑19, et les médecins disposent désormais des outils permettant sa bonne mise en œuvre.

Le recours à la téléconsultation dans le cadre de la médecine générale a d’ailleurs grandement augmenté depuis 2020 : les actes réalisés en téléconsultation sont ainsi passés de 10 000 à un million par semaine au plus fort de la crise sanitaire, et le Gouvernement avait pris des mesures pour favoriser le développement de la télémédecine, dont la prise en charge intégrale des téléconsultations.

● Par ailleurs, les garanties qui encadrent le dispositif sont de nature à en assurer la robustesse juridique :

– si l’examen est demandé par la personne ou par sa famille, l’accord de celui qui sollicite cet examen est impératif pour qu’il soit recouru à la téléconsultation – rappelons que c’était le défaut de consentement des personnes qui avaient conduit le Conseil constitutionnel à censurer certaines dispositions, au demeurant difficilement comparables avec le dispositif proposé dans la mesure où était en cause la détention provisoire, non un examen médical en garde à vue ;

– le médecin peut également s’opposer à recourir à un moyen de télécommunication et exiger ainsi un examen médical physique, en présence de la personne ;

– la confidentialité, la sécurité et la qualité des échanges sont garanties, permettant de préserver la dignité et le secret médical – impératifs dont le respect est au demeurant prévu à l’article 63‑3 du CPP et que n’entend nullement remettre en cause le dispositif proposé.

Le Conseil d’État, à l’aune de ces éléments, a validé le dispositif. Il a même relevé qu’il aurait pu s’appliquer, non seulement à la prolongation de la garde à vue, mais aussi dès la première phase de celle-ci, option que ne retient pas le projet de loi (notamment pour des motifs d’ordre pratique : si le procureur autorise la prolongation d’une garde à vue, ce n’est pas nécessairement lui qui décide du placement initial ([161]).

● le Conseil d’État a également validé la mesure concernant les interprètes ([162]), pleinement justifiée par les circonstances : à la différence des auditions par un juge d’instruction ou une juridiction, par exemple, la garde à vue se prête mal à la programmation de l’intervention d’un interprète, car elle ne peut, par nature, être anticipée.

C.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative des rapporteures du projet de loi, la commission a subordonné la possibilité de recourir à la visioconférence pour l’examen médical d’une personne en garde à vue, dans le cadre de la prolongation de celle-ci, à la circonstance que cette personne ait déjà fait l’objet d’un examen dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire un examen médical physique ([163]).

Le Gouvernement a souhaité revenir sur cette modification en séance, sans succès.

D.   La position de la Commission

Des modifications de deux ordres ont été apportées par la Commission : la suppression de la condition introduite au Sénat et le renforcement de certaines garanties.

1.   La suppression de la condition d’un examen physique préalable introduite par le Sénat

La Commission est revenue sur la condition introduite au Sénat consistant à ne permettre le recours à la visioconférence qu’à la condition qu’un examen physique ait déjà eu lieu, en adoptant deux amendements identiques CL52 et CL785 de Mme Danielle Brulebois (RE) et du Gouvernement ayant fait l’objet d’un avis favorable de votre rapporteur Erwan Balanant.

Cette condition aurait été en effet de nature à priver de sa substance le dispositif, dont la finalité est de favoriser la réalisation d’un examen médical.

Au demeurant, elle aurait empêché le procureur de la République d’autoriser le recours à la visioconférence pour qu’un examen médical soit réalisé si la personne placée en garde à vue n’a pas préalablement demandé un tel examen. Or, il est dans l’intérêt de cette personne d’être examinée par un médecin – ce dernier pouvant en tout état de cause refuser le format en visioconférence et exiger un examen physique.

2.   Les garanties supplémentaires introduites par la Commission

La Commission a enrichi le dispositif sur deux aspects pour renforcer les garanties, déjà nombreuses, pour les personnes placées en garde à vue.

● D’une part, à l’initiative de M. Jérémie Iordanoff (Écolo‑NUPES) et plusieurs de ses collègues, suivant les avis favorables de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a également précisé que le médecin se prononce sur la nécessité éventuelle d’un examen physique, notamment à l’aune des conditions prévues pour recourir à la visioconférence – confidentialité, qualité et sécurité des échanges (amendement CL645).

●D’autre part, la Commission, sur proposition de vos rapporteurs (amendement CL848), a enrichi les hypothèses dans lesquelles le recours à la visioconférence ne sera pas possible, pour y inclure :

– les femmes enceintes ;

– les personnes ayant perdu connaissance avant ou pendant la garde à vue ;

– les personnes souffrant de blessures physiques apparentes ;

– celles dont l’état de santé ou la vulnérabilité sont manifestement incompatibles avec le recours à la visioconférence ;

– les personnes alléguant avoir été victimes des forces de l’ordre, et celles placées en garde à vue pour des faits commis contre les forces de l’ordre.

La possibilité de compléter ces hypothèses d’exclusion a été prévue, au moyen d’un décret en Conseil d’État.

Notons que cette modification consiste à expressément inscrire dans la loi les hypothèses d’exclusion que le Gouvernement envisageait de prévoir par voie réglementaire dans les décrets d’application du dispositif proposé, ainsi que l’indique l’étude d’impact du projet de loi ([164]).

*

 

IX.   L’activation à distance des appareils connectés aux fins de géolocalisation et de captation d’images et de sons

A.   L’état du droit

1.   Le droit applicable en matière de géolocalisation, une technique d’enquête de droit commun

Prévue aux articles 230-32 à 230-44 du code de procédure pénale, la géolocalisation est une technique d’enquête de droit commun visant à surveiller les déplacements d’un individu. Techniquement, elle est en général mise en place à travers l’apposition d’un récepteur GPS sur un véhicule ou par le bornage d’un téléphone.

Attentatoires au respect de la vie privée notamment, ces opérations sont encadrées par plusieurs garanties procédurales.

● L’opération n’est toutefois possible que dans certains cas, lorsqu’elle est exigée par les nécessités d’une enquête ou d’une instruction portant sur les cas suivants ([165]) :

– un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;

– la recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre si la cause en est inconnue ou suspecte ([166]) ou la disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé ([167]) ;

– la recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2 du code de procédure pénale ([168]).

● Cette opération est soumise à l’autorisation d’un magistrat, conduite sous son autorité ([169]) et encadrée par des délais : la durée totale de la géolocalisation ne peut pas excéder un an, ou deux ans s’il s’agit d’une infraction prévue aux articles 706-73 ou 706‑73‑1, c’est-à-dire relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme ([170]).

autorisation des opérations de gÉolocalisation

Magistrat

Type d’enquête

Durée maximale

Procureur de la République

enquête de flagrance, enquête préliminaire portant sur crime ou une infraction mentionnée aux articles 706-73 ou 706-73-1, pour lesquels sont autorisées les techniques spéciales d’enquête

durée maximale de huit jours consécutifs

enquête de flagrance, enquête préliminaire portant sur infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement et non mentionnée aux articles 706-73 ou 706-73-1

durée maximale de quinze jours consécutifs

recherche des causes de la mort, disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé, recherche d’une personne en fuite

durée maximale de quinze jours consécutifs

Juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République

enquête de flagrance, enquête préliminaire, recherche des causes de la mort, disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé, recherche d’une personne en fuite

au-delà des durées autorisées ci-dessus :

durée maximale d’un mois renouvelable

Juge d’instruction

instruction ou information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé

durée maximale de quatre mois renouvelable

Cette autorisation n’est toutefois pas nécessaire en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens. C’est alors l’officier de police judiciaire qui met en œuvre ou prescrit l’opération et qui en informe, par tout moyen, le procureur ou le juge d’instruction, lequel peut alors ordonner, le cas échéant, la mainlevée de la géolocalisation ([171]).

● En outre, lorsque l’opération de géolocalisation implique de s’introduire dans un lieu privé, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l’occupant, afin de placer ou de retirer le moyen technique usité, cette introduction doit elle aussi faire l’objet d’une autorisation du magistrat ([172]), y compris en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens ([173]). L’introduction est possible à toute heure du jour et de la nuit., mais la procédure d’autorisation varie selon le type de lieu et l’heure.

autorisation des introductions en vue d’une gÉolocalisation

Type de lieu

Magistrat

Condition complémentaire

Lieux privés destinés ou utilisés à l’entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux

procureur de la République ou du juge d’instruction

/

Autres lieux privés

procureur de la République ou du juge d’instruction

s’agissant des enquêtes sur des délits, autorisation uniquement s’ils sont punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement

Lieux privés d’habitation

juge d’instruction

ou JLD sur saisine du procureur de la République
ou JLD sur saisine du juge d’instruction si l’introduction se fait de nuit, entre 21h et 6h

/

 Plusieurs lieux sont en outre absolument exclus de cette possibilité d’introduction et donc de géolocalisation :

– le cabinet d’un avocat ou à son domicile ;

– les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d’un journaliste ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ;

– un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale ([174])  ;

– les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ;

– le bureau ou le domicile d’un député ou d’un sénateur.

● Le déroulé de l’opération de géolocalisation fait l’objet d’une retranscription par procès-verbaux :

– d’une part, l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du moyen technique et des opérations d’enregistrement effectuées, mentionnant leur date et leur horaire de début et de fin ([175]) ;

– d’autre part, il décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité ([176]).

● Les données enregistrées sont placées sous scellés fermés ([177]) et détruites, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique. Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction ([178]).

2.   Le droit applicable en matière de sonorisation et de captation d’images, des techniques spéciales d’enquête

L’article 706-96 du code de procédure pénale encadre le recours à la sonorisation et à la fixation d’images. Il s’agit de techniques spéciales d’enquête impliquant la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.

a.   Les différentes techniques spéciales d’enquête

Les techniques spéciales d’enquête sont régies par le titre XXV du Livre IV du code de procédure pénale. Sous ce dénominatif sont rassemblées des techniques d’investigation particulièrement intrusives et qui, de ce fait, sont limitées aux infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisées et le terrorisme, ainsi qu’à certaines infractions économiques et financières ([179]).

Ces techniques spéciales d’enquête recouvrent :

– la surveillance ([180]) ;

– les opérations d’infiltration ([181]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière de garde à vue ([182]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière de perquisitions ([183]) ;

– des dispositions dérogatoires en matière d’interception, d’enregistrement et de transcription de correspondances émises par la voie des communications électronique ([184]) ;

– l’accès aux correspondances stockées sur internet et protégées au moyen d’un identifiant numérique ([185]). Pour ces dernières, cela concerne tout crime.

Une section VI réunit d’autres techniques spéciales d’enquête soumises à des règles de procédure commune ([186]) :

– le recueil des données techniques de connexion et l’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques (« IMSI‑catcher ») ([187]) ;

– la sonorisation et la captation d’images ([188]) ;

– la captation des données informatiques ([189]).

Ces différentes techniques spéciales sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire, selon des procédures qui différent en fonction des types de techniques et des cadres d’enquête ([190]).

b.   Les infractions visées par les techniques spéciales d’enquête

Les articles liminaires du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale fixent la liste des infractions pour lesquelles les techniques spéciales d’enquête peuvent être autorisées. Cela concerne avant tout les infractions commises en bande organisée, mais peut également concerner certains crimes ou délits commis en dehors de cette circonstance. Sont notamment concernés :

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les crimes de meurtre ([191]), de tortures et d’actes de barbarie ([192]), de vol ([193]), de destruction, dégradation et détérioration d’un bien ([194]), de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ([195]), ainsi que les crimes aggravés d’extorsion ([196]) ;

– les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains ([197]), de proxénétisme ([198]) ;

– les crimes en matière de fausse monnaie ([199]), portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les crimes et délits d’enlèvement et de séquestration ([200]) ;

– les crimes et délits de trafic de stupéfiants ([201]), constituant des actes de terrorisme ([202]), contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;

– lorsqu’ils sont commis en bande organisée, les délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France, d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation, accompagné d’atteintes à l’environnement ([203]), d’escroquerie ([204]), de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre ou d’emploi d’étranger sans titre de travail, d’atteintes au patrimoine naturel ([205]), de trafic de produits phytopharmaceutiques, de participation à la tenue d’une maison de jeux d’argent et de hasard ([206]) ;

– les délits en matière d’armes et de produits explosifs, en matière de blanchiment ([207]), d’importation, d’exportation, de transit, de transport, de détention, de vente, d’acquisition ou d’échange d’un bien culturel.

La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur de 2023 ([208]) a modifié l’article 706-73 du code de procédure pénale afin d’élargir la possibilité du recours aux techniques spéciales d’enquête prévues au titre XXV du livre IV du même code à de nouvelles infractions :

– les crimes de meurtre commis en concours avec un ou plusieurs autres meurtres ;

– les crimes de viol commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ([209]).

c.   La procédure applicable à la sonorisation et la captation d’images

Comme toutes les techniques spéciales d’enquête, ces opérations sont soumises à l’autorisation d’un magistrat et réalisées sous l’autorité de celui-ci. Cette autorisation du magistrat fait l’objet d’une ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est pas susceptible de recours ([210]).

i.   L’autorisation et les délais des opérations de sonorisation et de captation d’images

Deux cadres se distinguent selon qu’il s’agit d’une enquête ou d’une instruction ([211]).

● Dans le cadre de l’enquête, le JLD autorise la sonorisation ou la captation à la requête du procureur de la République ; cette autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée ([212]).

● Dans le cadre de l’information, le juge d’instruction donne l’autorisation, après avis du procureur ([213]) ; cette autorisation est délivrée pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans ([214]).

ii.   La mise en place des dispositifs techniques nécessaires à ces opérations

Ces opérations nécessitent la mise en place d’un dispositif technique. Lorsque celle-ci implique de s’introduire dans un véhicule ou un lieu privé, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci, l’autorisation du magistrat est nécessaire ([215]) :

– celle du JLD lorsque cette opération se fait au cours de l’enquête, quels que soient le lieu et l’heure où l’introduction se fait ;

– celle du juge d’instruction lorsque cette opération se fait au cours de l’information durant le jour ([216])  ;

– celle du JLD, saisi par le juge d’instruction, lorsque cette opération se fait au cours de l’information mais qu’il s’agit d’un lieu d’habitation et que l’introduction doit intervenir durant la nuit ([217]).

 Plusieurs lieux sont en outre absolument exclus de cette possibilité d’introduction et donc de toute captation d’images ou de sons ([218]) :

– le cabinet d’un avocat ou à son domicile ([219]) ;

– les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d’un journaliste ([220]) ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ([221]) ;

– les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ([222]) ;

– le bureau ou le domicile d’un député ou d’un sénateur ([223]).

iii.   Le contrôle des opérations

Ces opérations, permettant le placement ou le retrait du dispositif technique nécessaire à la sonorisation ou à la captation d’image, sont ensuite effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées.

Il est dressé procès-verbal de la mise en place des dispositifs techniques et des opérations effectuées, mentionnant la date et les horaires de celles-ci.

Les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité, sont décrites et retranscrites dans un procès-verbal. Par contre, aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les ordonnances autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure ([224]).

Les enregistrements sont placés sous scellés fermés ([225]). Ils sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique. Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction ([226]).

B.   le projet de loi initial

1.   L’activation à distance d’un appareil électronique aux fins de géolocalisation

a.   Une nouvelle possibilité ouverte pour l’enquête et l’instruction

Le 12° du présent article insère un nouvel article 230-34-1 au sein du code de procédure pénale.

Cet article prévoit que, lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur peut être autorisée aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel.

En complément, le 13° du présent article insère un nouvel alinéa à l’article 23036 du même code, qui précise quels agents peuvent s’introduire pour poser un dispositif de géolocalisation, afin d’indiquer quelles personnes physiques pourront effectuer l’activation à distance. Ces personnes seront désignées par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

Il s’agit des experts figurant sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel ([227]).

Par ailleurs, le procureur ou le juge d’instruction pourront également prescrire de recourir aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale pour réaliser les opérations techniques nécessaires à cette activation à distance aux fins de géolocalisation. Cette possibilité existe déjà pour la géolocalisation « classique » si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement ([228]). Ces dispositions, qui ont pour effet de soustraire au débat contradictoire les informations relatives à ces moyens, ont été validées récemment par le Conseil constitutionnel ([229]).

b.   L’encadrement de l’activation à distance aux fins de géolocalisation

Inscrite dans le cadre général du recours à la géolocalisation, cette nouvelle possibilité d’activation à distance est toutefois encadrée par des garanties supplémentaires.

● Premièrement, si la géolocalisation classique, avec la pose d’un dispositif technique, est possible pour les crimes ou délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, les conditions sont plus strictes pour la géolocalisation avec activation à distance puisque celle-ci ne serait possible que pour les crimes et les délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Ainsi, cette opération ne sera pas possible pour les autres cas où la géolocalisation « classique » peut être autorisée : un crime ou un délit puni de trois ans d’emprisonnement ou moins, la recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre si la cause en est inconnue ou suspecte ([230]) ou la disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé ([231]), et la recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2 du code de procédure pénale ([232]).

● Deuxièmement, l’autorisation pour cette opération est donnée :

– dans le cadre de l’enquête, par le JLD à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d’un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

– dans le cadre de l’information, par le juge d’instruction.

À la différence de la géolocalisation « classique », le procureur de la République ne pourra donc pas autoriser lui-même l’activation à distance ; il devra pour cela systématiquement saisir le JLD, même lorsque la durée est de quinze jours ou moins. Ce régime se rapproche finalement de celui des autorisations d’introduction dans des lieux privés aux fins de poser un dispositif de géolocalisation ([233]) et semble donc cohérent et adapté.

En outre, l’autorisation est complétée d’éléments additionnels puisqu’elle devra indiquer tous les éléments permettant d’identifier l’appareil visé par cette autorisation d’activation à distance.

● Troisièmement, en application du second alinéa du nouvel article 230‑34‑1, l’activation à distance aux fins de géolocalisation ne peut pas viser les appareils électroniques utilisés par :

– un député ou un sénateur ;

– un avocat ;

– un magistrat ([234]).

Le Conseil d’État a estimé, qu’eu égard aux garanties ainsi prévues, s’ajoutant à celle du cadre général des techniques de géolocalisation, cette activation à distance aux fins de géolocalisation n’appelle pas d’objection ([235]).

2.   L’activation à distance d’un appareil électronique aux fins de sonorisation ou de captation d’images

a.   Une nouvelle possibilité ouverte pour l’enquête et l’instruction

Le 18° du présent article insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 706962, au sein de la section relative aux autres techniques spéciales d’enquête, dans le paragraphe portant sur les sonorisations et les fixations d’images de certains lieux ou véhicules ([236]).

Il prévoit la possibilité d’activer à distance un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder aux opérations de captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles ou d’images d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.

Comme pour la géolocalisation, le présent article précise quelles personnes physiques pourront effectuer l’activation à distance. Celles-ci seront désignées par le procureur de la République ou le juge d’instruction. Il s’agit des experts figurant sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel ([237]).

Par ailleurs, le procureur ou le juge d’instruction pourront également prescrire de recourir aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale pour réaliser les opérations techniques nécessaires à cette activation à distance aux fins de sonorisation ou captation d’images. Cette possibilité existe déjà pour la captation de données informatiques ([238]) ; ces dispositions, qui ont pour effet de soustraire au débat contradictoire les informations relatives à ces moyens, ont été validées récemment par le Conseil constitutionnel ([239]).

b.   L’encadrement de l’activation à distance aux fins de sonorisation ou captation d’images

● Cette opération d’activation à distance est soumise à autorisation d’un magistrat et elle est soumise à des délais plus courts que pour les sonorisations ou captation d’images « classiques » ([240]).

Elle est autorisée :

– dans le cadre de l’enquête, par le JLD à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale de quinze jours renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée ([241]) ;

– dans le cadre de l’information, par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, pour une durée maximale de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder six mois ([242]).

● En application du dernier alinéa du nouvel article 706‑96‑2, l’activation à distance ne peut viser les appareils électroniques utilisés par :

– un député ou un sénateur ;

– un avocat ;

– un magistrat ([243]).

● En outre, ne peuvent être retranscrites les données collectées provenant d’un appareil se trouvant dans l’un des lieux suivants :

– le cabinet d’un avocat ou à son domicile ([244]) ;

– les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d’un journaliste ([245]) ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ([246]) ;

– les locaux d’une juridiction ou le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ([247]).

● Le 19° du présent article complète d’un nouvel alinéa l’article 706-97 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que la décision autorisant le recours à la sonorisation ou captation d’image doit comporter tous les éléments permettant d’identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l’infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci.

Le nouvel alinéa ajoute que lorsque cette opération provient d’une activation à distance, la décision comporte tous les éléments permettant d’identifier l’appareil électronique visé.

3.   Le renforcement des garanties concernant les transcriptions des opérations de sonorisation ou captation d’images lorsqu’elles concernent des échanges avec des avocats ou des journalistes

Le 17° du présent article complète d’un nouvel alinéa l’article 706961 du code de procédure pénale qui fixe les règles applicables aux introductions dans un véhicule ou lieu privé afin d’y installer un dispositif technique en vue d’une sonorisation ou captation d’images.

Ce nouvel alinéa intègre deux nouvelles garanties, qui doivent être respectées, à peine de nullité ([248]) :

– la transcription de ces opérations ne peut intégrer les échanges avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil ([249]), hors les cas prévus à l’article 56‑1‑2 du même code ([250]) ;

– de même, la transcription de ces opérations ne peut intégrer des échanges avec un journaliste permettant d’identifier une source ([251]).

Il s’agit d’un renforcement important des garanties apportées par la loi en matière de protection des droits de la défense et du secret professionnel des avocats, ainsi qu’en matière de protection des sources En effet, s’agissant des captations d’images ou de sons, s’il est prévu qu’aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les ordonnances autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure ([252]), cela ne protège pas directement les échanges avec un avocat ou avec un journaliste. En effet, si ces échanges ne sont pas relatifs à la vie privée étrangère aux infractions visées, alors ils peuvent faire l’objet d’une retranscription.

L’introduction de ce nouvel alinéa à l’article 706-96-1 constitue donc une réelle avancée quant aux garanties prévues par la loi pour la mise en œuvre des techniques spéciales d’enquête de sonorisation et de captation d’images. 

C.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

Aucune modification n’a été apportée à cette partie de l’article 3 durant l’examen du projet de loi en commission.

Le rapport souligne toutefois que ce sujet de l’activation à distance est sans doute celui qui a suscité le plus de débats. Selon les rapporteures, le manque de clarté de l’article 3 conduit à des amalgames entre les garanties encadrant le recours à cette technique selon qu’elle est employée à des fins de géolocalisation ou bien à des fins de captation d’images et de sons ([253]). Les garanties sont pourtant bien distinctes, l’une s’inscrivant dans le cadre des techniques d’enquête classiques, l’autre dans celui des techniques d’enquête spéciales.

2.   Les modifications apportées en séance

Malgré les explications du rapport sur ce point, deux amendements ont été adoptés en séance, avec avis favorable de la commission et avis défavorable du Gouvernement, pour restreindre ces dispositifs.

● D’une part, le Sénat a restreint le champ des infractions pouvant être concernées par une géolocalisation via une activation à distance.

L’amendement n° 85 rect. bis de M. Bruno Retailleau limite ainsi la possibilité d’utiliser l’activation à distance d’un appareil électronique aux fins de géolocalisation aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement.

● D’autre part, le Sénat a renforcé les exclusions prévues dans le dispositif de sonorisation ou captation d’images via une activation à distance.

L’amendement n° 279 des rapporteures exclut ainsi la possibilité d’utiliser l’activation à distance d’un appareil électronique aux fins de sonorisation ou captation d’images pour les « personnes qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l’article 706961 ». Cela signifie que sont exclus de l’activation à distance aux fins de sonorisation ou captation d’images les appareils électroniques de toute personne résidant ou exerçant habituellement dans :

– le cabinet ou le domicile d’un avocat ([254]) ;

– les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste ([255]) ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ([256]) ;

– les locaux d’une juridiction ou le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ([257]) ;

– le véhicule, le bureau ou le domicile d’un député ou d’un sénateur ([258]).

Contrairement au positionnement exprimé dans le rapport, selon lequel la commission avait estimé que « cette mesure, techniquement nécessaire face à l’évolution de la criminalité organisée, était suffisamment encadrée » considérant que « les lieux où la captation pourra être retranscrite sont par ailleurs limités et protègent, outre les parlementaires et avocats, le secret professionnel des journalistes, médecins, notaires et huissiers » ([259]), les rapporteures ont donc finalement préféré accroitre l’encadrement de cette mesure.

Cet amendement des rapporteures du Sénat traduit la position du Conseil d’État qui, dans son avis, a estimé nécessaire « d’interdire la mise en œuvre de la technique à l’égard des personnes qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l’article    » ([260]).

Cet ajout ne répond toutefois pas à l’inquiétude, évoquée notamment par les représentants de la profession d’avocat auditionnés par vos rapporteurs, sur le fait qu’un client, dont le téléphone serait sonorisé par activation à distance, introduirait avec lui un micro lorsqu’il se rendrait dans le cabinet de son avocat. Pour répondre à cette situation, le projet de loi prévoit que les données collectées provenant d’un appareil se trouvant dans le cabinet d’un avocat ou un autre des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5, ne peuvent être retranscrites, à peine de nullité.

● Sensibles aux enjeux posés par ce nouveau dispositif de captation de sons ou d’images par activation à distance, vos rapporteurs soulignent en effet l’importance du sujet de la protection de certains lieux ou de certaines personnes, en lien avec le respect du secret professionnel et la garantie des droits de la défense. Ils souhaitent toutefois rappeler que la sonorisation et la captation d’images s’inscrivent dans le cadre spécifique des techniques spéciales d’enquête, auxquelles l’autorité judiciaire ne peut recourir que pour des infractions d’une particulière gravité.

Ils considèrent que ce recours à l’activation à distance est particulièrement utile pour lutter contre une grande délinquance toujours mieux organisée et pour moderniser les techniques disponibles pour la poursuite des enquêtes et des instructions. Cette évolution des techniques implique nécessairement une évolution du cadre législatif, puisque pour l’instant la sonorisation ou captation d’images nécessite l’intervention physique d’un agent pour poser le dispositif technique – parfois dans des situations risquées. Le dispositif est donc fixé en un lieu déterminé, ce qui permet à la loi d’exclure explicitement certains lieux de cette possibilité de pose d’un moyen technique de sonorisation ou captation d’images. A contrario, la nouvelle technique d’activation à distance proposée par le présent projet de loi vise un appareil électronique portatif, qui peut être déplacé d’un lieu à l’autre, et cette évolution technologique ne permet donc pas à la loi de viser de la même manière les lieux exclus. Il est toutefois nécessaire d’apporter les adaptations nécessaires à cette évolution ; vos rapporteurs souhaitent donc prendre en compte ces interrogations et renforcer les garanties apportées à ces nouvelles dispositions.

À ce sujet, ils rappellent d’ailleurs que le texte prévoit déjà, pour la géolocalisation comme pour la captation d’images ou de sons, plusieurs garanties vis-à-vis de ces lieux et personnes spécialement protégés par la loi, récapitulées dans les tableaux présentés ci-après.


—  1  —

Encadrement des différentes techniques de géolocalisation

 

Infractions ou situations concernées

Durées possibles

Personnes ou lieux exclus

Géolocalisation (article 230-32)

- Crimes ou délits punis d’au moins 3 ans

 

- Recherche des causes de la mort

 

- Disparition d’un mineur ou majeur protégé

Durée de 8 à 15j sous autorisation du procureur


Durée de 15j à 1mois renouvelable sous autorisation du JLD


Durée maximale de 4mois renouvelable sous autorisation du juge d’instruction

 

Durée totale maximum :

- un an

- deux ans en cas de criminalité organisée

Aucun

Géolocalisation avec introduction dans un lieu privé d’entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux

Sont exclus de la possibilité d’introduction, les lieux mentionnés aux articles 56‑1 à 56-5 :

- le cabinet ou le domicile d’un avocat

- les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste

- le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier

- un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale

- les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles

 

Sont également exclus le bureau et le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 :

– un député ou d’un sénateur

- un avocat

- un magistrat

Géolocalisation avec introduction dans un lieu privé autre que ceux listés ci‑dessus

- Crimes ou délits punis d’au moins 5 ans

 

- Recherche des causes de la mort

 

- Disparition d’un mineur ou majeur protégé

Activation à distance en vue de géolocalisation – version initiale du PJL

- Crimes ou délits punis d’au moins 5 ans

Sont exclus de l’activation à distance, les appareils utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7 :

- un député ou un sénateur

- un avocat

- un magistrat

Activation à distance en vue de géolocalisation –  version du Sénat

- Crimes ou délits punis d’au moins 10 ans

Le texte de l’article 3, dans sa version initiale comme dans celle adoptée par le Sénat, protège donc de toute géolocalisation par activation à distance, les appareils des députés, sénateurs, avocats et magistrats.

Encadrement des différentes techniques de sonorisation ou captation d’images

 

Infractions concernées

Durées possibles

Personnes ou lieux exclus

Sonorisation ou captation d’images avec introduction dans un lieu ou véhicule privé

Champ d’application des articles 706‑73 et 706‑73‑1 :

- crimes et délits commis en bande organisée

- crimes de meurtre commis en concours

- crimes de viol commis en concours

- crimes et délits aggravés de traite des êtres humains et proxénétisme

- crimes de fausse monnaie

- crimes et délits de trafic de stupéfiants

- délits liés aux armes et explosifs

- délits liés aux biens culturels

- dans le cadre de l’enquête, un mois renouvelable une fois

 

- dans le cadre de l’instruction, quatre mois renouvelables dans la limite de deux ans

En application du dernier alinéa de l’article 706‑96‑1, sont exclus de la possibilité d’introduction, les lieux mentionnés aux articles 56‑1, 56-2, 56-3 et 56-5 :

- le cabinet ou le domicile d’un avocat

- les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste

- le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier

- les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles

 

Sont également exclus le véhicule, le bureau et le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 :

– un député ou d’un sénateur

- un avocat

- un magistrat

Activation à distance en vue de sonorisation ou captation – version initiale

Même champ d’infraction que pour les activations via mise en place d’un dispositif grâce à une introduction dans un lieu ou un véhicule privé

- dans le cadre de l’enquête, 15 jours renouvelables une fois

 

- dans le cadre de l’instruction, deux mois renouvelables dans la limite de six mois

Sont exclus de l’activation à distance, les appareils utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7 :

- un député ou un sénateur

- un avocat

- un magistrat

 

En complément, ne peuvent être retranscrites, les données collectées dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56‑1, 56-2, 56-3 et 56-5 :

- le cabinet ou le domicile d’un avocat

- les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste

- le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier

- les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles

Activation à distance en vue de sonorisation ou captation –  version du Sénat

Sont exclus de l’activation à distance, les appareils utilisés par les personnes résidant ou exerçant habituellement dans les lieux visés aux articles 56‑1, 56-2, 56-3 et 56-5 :

- le cabinet ou le domicile d’un avocat

- les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste

- le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier

- les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles

 

Ainsi que les personnes résidant ou exerçant habituellement dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 :

- un député ou un sénateur

- un avocat

- un magistrat

 

En complément, ne peuvent être retranscrites, les données collectées dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56‑1, 56-2, 56-3 et 56-5 :

- le cabinet ou le domicile d’un avocat

- les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste

- le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier

- les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles

 


—  1  —

Le texte de l’article 3, dans sa version initiale, protège donc de toute sonorisation ou captation d’images par activation à distance, les appareils des députés, sénateurs, avocats et magistrats.

Le dispositif exclut en outre de toute retranscription les données obtenues lorsqu’elles proviennent d’un appareil se trouvant dans le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux d’une entreprise de presse ([261]), le domicile d’un journaliste, le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ou encore les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles.

Vos rapporteurs soulignent que ces protections doivent être comparées avec celles qui existent s’agissant des écoutes téléphoniques pouvant être ordonnées, au cours de l’instruction, par le juge d’instruction, ou, dans le cadre de l’enquête en matière de criminalité organisée, par le JLD à la demande du procureur de la République ([262]). L’article 100 du code de procédure pénale précise qu’« aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile ». Cette écoute est néanmoins possible s’il existe des raisons plausibles de soupçonner l’avocat d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe et à la condition que la mesure soit proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits. Si tel est le cas, le bâtonnier devra être mis au courant de cette mise sur écoute ([263]).

En outre, aucune écoute ne peut avoir lieu sur la ligne d’un député ou d’un sénateur sans que le président de l’assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d’instruction. De même, aucune écoute ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.

Ces exclusions n’empêchent toutefois pas l’écoute téléphonique de porter sur un individu qui par la suite échangerait par ce biais avec son avocat, par exemple. Pour répondre à cette situation, l’article 100-5 prévoit, à peine de nullité, que ne peuvent pas être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil ([264]), hors les cas prévus à l’article 56‑1‑2 du même code ([265]). De même, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source ([266]).

D.   La position de la commission

Afin d’apporter des garanties supplémentaires au développement de ces nouvelles techniques d’enquête par activation à distance d’un appareil électronique, la Commission a procédé à plusieurs ajouts. Des modifications rédactionnelles ont également été adoptées.

1.   En matière d’activation à distance aux fins de géolocalisation

● En adoptant l’amendement CL874 de vos rapporteurs, la Commission a apporté des précisions sur la forme que prend la décision du JLD ou du juge d’instruction lorsqu’il autorise une activation à distance aux fins de géolocalisation. Ainsi, en plus des éléments permettant d’identifier l’appareil électronique visé, cette décision devra, conformément à l’article 230-33, être écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que l’opération est nécessaire. Elle n’aura pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

● En choisissant la rédaction proposée par l’amendement CL702 de Mme Naïma Moutchou, M. Philippe Pradal, M. Didier Lemaire et Mme Marie‑Agnès Poussier-Winsback, au détriment d’une autre rédaction proposée par vos rapporteurs, la Commission a complété la liste des personnes dont les appareils électroniques sont exclus de la possibilité d’activation à distance aux fins de géolocalisation.

En plus des députés, sénateurs, magistrats, avocats – déjà protégés par les dispositions du texte – cette nouvelle rédaction interdit l’activation des appareils utilisés par un médecin, un notaire, un huissier ou un journaliste ([267]).

Il est en outre précisé que cette interdiction est prescrite à peine de nullité.

2.   En matière d’activation à distance aux fins de sonorisation ou de captation d’images

La Commission a apporté également de nouvelles garanties en matière d’activation à distance aux fins de sonorisation ou captation d’images.

● D’une part, l’amendement CL885 de vos rapporteurs a réécrit intégralement les dispositions du Sénat qui excluaient de cette opération les appareils de toutes les personnes résidant ou exerçant habituellement dans le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou le domicile d’un journaliste, le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les locaux d’une juridiction ou le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles et, enfin, le véhicule, le bureau ou le domicile d’un député ou d’un sénateur.

Pour apporter des garanties suffisantes tout en conservant le caractère opérationnel de ces opérations, vos rapporteurs ont proposé une rédaction plus ramassée et plus claire selon laquelle, à peine de nullité, l’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au présent article ne peut pas concerner les appareils électroniques utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste, un médecin, un notaire ou un huissier.

● D’autre part, en adoptant trois amendements identiques CL704 de Mme Naïma Moutchou, CL681 de Mme Caroline Abadie et CL884 de vos rapporteurs, la Commission a choisi de supprimer le 17° pour insérer les garanties concernant les échanges avec un avocat ou avec un journaliste dans un nouvel article 706‑96‑3.

Comme le 17°, cet article prévoit donc qu’à peine de nullité est interdite la retranscription des données collectées dans le cadre d’une sonorisation ou d’une captation d’images – par activation à distance ou par pose d’un dispositif technique – lorsqu’elles sont relatives aux échanges avec :

– un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil ([268]), hors les cas prévus à l’article 56‑1‑2 du même code ([269]) ;

– avec un journaliste permettant d’identifier une source ([270]).

En complément de ces garanties, d’autres sont ajoutées concernant spécifiquement le cas des sonorisations ou captation d’images par activation à distance. Est ainsi également prévue l’interdiction, à peine de nullité, de toute retranscription de données collectées grâce à l’activation à distance d’un appareil s’il apparaît que celui-ci se trouvait dans :

– le cabinet ou le domicile d’un avocat ;

– les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d’un journaliste ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ;

– les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles.

Enfin, le dernier alinéa de ce nouvel article 706-96-3 prévoit que le magistrat ayant autorisé la technique de sonorisation ou de captation d’images ordonne, dans les meilleurs délais et dans les conditions prévues par l’article 706‑95‑14 ([271]), la destruction des données dont la retranscription est interdite. Cela prévoit donc l’obligation de destruction des enregistrements des données dont la retranscription est interdite.

Il est en outre prévu que le magistrat ordonne également la destruction des procès‑verbaux et des données collectées lorsque les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou lorsque les dispositions applicables du présent code n’ont pas été respectées.

*

 

X.   L’Anonymat des interprètes sollicités dans le cadre des procédures en matière de terrorisme

L’article 3 a également été enrichi d’un nouveau 16° ter, portant sur l’anonymat des interprètes dans les procédures relatives au terrorisme, à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable de la commission ([272]).

A.   L’état du droit

Afin de garantir la sécurité de personnes intervenant dans le cadre de procédures judiciaires, mais aussi celle de leurs familles et de leurs proches, il est possible de recourir à l’anonymat.

● Sont concernés par cette possibilité :

– les témoins, en application de l’article 706‑58 du CPP, sur décision du JLD ;

– les officiers et agents de police judiciaire des services spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, qui sont alors identifiés par leur numéro d’immatriculation administrative sur autorisation du procureur général près la cour d’appel de Paris (article 706‑24 du CPP) ;

– les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, dans certaines hypothèses, en application de l’article 15‑4 du CPP ;

– les agents des services de renseignement, en application de l’article 656‑1 du CPP.

Notons par ailleurs que le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024-2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 7 juin dernier, prévoit à son article 22 d’étendre le témoignage sous anonymat aux anciens agents des services de renseignement.

● En revanche, aucune disposition ne permet aux interprètes de bénéficier de la protection qu’offre le recours à l’anonymat lorsqu’ils interviennent dans des procédures en matière de terrorisme.

Cette lacune du droit en vigueur est regrettable, dans la mesure où la révélation de l’identité des interprètes peut mettre en danger ces derniers, leurs familles et leurs proches.

Elle n’est aussi pas cohérente, dans la mesure où les autres intervenants des procédures relatives au terrorisme bénéficient d’une telle protection.

B.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le dispositif introduit par le Sénat au nouveau 16° ter du présent article à l’initiative du Gouvernement vise à combler cette lacune.

En application de l’article 706‑24‑2 du CPP, rétabli à cet effet, les interprètes qui interviennent dans les procédures en matière de terrorisme pourront être autorisés à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, mais par un numéro anonymisé.

Cette autorisation sera délivrée par le procureur général près la cour d’appel de Paris, si la révélation des noms et prénoms est de nature à présenter un danger.

C.   La position de la Commission

La Commission n’a apporté aucune modification à ce dispositif.

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XI.   Présence obligatoire de l’avocat pour procéder à la réalisation de relevés signalétiques sans consentement

Cet enrichissement de l’article 3 a été fait à l’initiative de vos rapporteurs.

A.   L’état du droit

L’article 55‑1 du CPP régit, notamment, les modalités selon lesquelles les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder, sur une personne susceptible de fournir des renseignements sur une infraction, ou soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction, à la réalisation de relevés signalétiques – empreintes digitales et palmaires et photographies.

● Dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue, la prise d’empreintes ou d’une photographie peut être effectuée sans le consentement de la personne, si :

– elle est l’unique moyen d’identifier la personne entendue ou gardée à vue ;

– cette personne refuse de justifier son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement incorrects ;

– est concerné un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement.

L’opération est alors réalisée sur autorisation du procureur de la République.

● S’agissant des mineurs, le régime de prise d’empreintes ou de photographies sans consentement est prévu à l’article L. 413‑17 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), dont le sixième alinéa prévoit l’information préalable de l’avocat du mineur lorsqu’une telle opération est envisagée.

● Par une décision du 10 février 2023 ([273]) , le Conseil constitutionnel est venu préciser les hypothèses et modalités des opérations de relevés signalétiques sous contrainte :

– il a jugé contraire à la Constitution la possibilité, prévue à l’article 55‑1 du CPP, de réaliser ces opérations sans le consentement de la personne dans le cadre d’une audition libre (§ 24 de la décision) ;

– il a en outre, dans le cadre d’une réserve d’interprétation, exclu que ces opérations, à l’égard d’un majeur comme d’un mineur, puissent être réalisées hors la présence de l’avocat (§ 23).

B.   Le dispositif introduit par la Commission

Tirant les conséquences de cette décision du 10 février 2023, la Commission, sur proposition des rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, a modifié les articles 55‑1 du CPP et L. 413‑17 du CJPM, afin de prévoir que la prise d’empreintes et de photographies ne peut être réalisée en l’absence de l’avocat avant l’expiration d’un délai de deux heures (amendement CL844).

Ainsi, la présence obligatoire de l’avocat, résultant de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, est garantie. Un délai de carence de deux heures a toutefois été prévu, afin de ne pas priver la loi de toute efficacité et pour satisfaire à l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infraction.

Ces dispositions figurent au sein du présent article aux nouveaux :

– 1° A du I, s’agissant des modifications apportées à l’article 55‑1 du CPP ;

– I bis, s’agissant de celles faites à l’article L. 413‑17 du CJPM.

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XII.   La possibilité pour la JIRS de Fort-de-France de recourir à la visioconférence

Les dispositions concernées par les développements suivants ont été introduites par la Commission à l’initiative de son président.

A.    L’état du droit

● Prévues au chapitre Ier du titre XXV du livre IV du CPP, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) consistent à ce que la compétence d’un tribunal judiciaire et d’une cour d’assises, en application de l’article 706‑75 du CPP, puisse s’étendre sur le ressort de plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement d’affaires d’une grande complexité concernant des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées au sens des articles 706‑73, 706‑73‑1 et 706‑74 du même code, hors certaines infractions (en matière de terrorisme, d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et de prolifération d’armes de destruction massive).

Huit JIRS existent ; leurs ressorts géographiques respectifs sont prévus à l’article D. 47‑12‑7 du CPP.

● Parmi elles, la JIRS de Fort‑de‑France exerce sa compétence territoriale sur les ressorts des cours d’appel de Basse‑Terre (Guadeloupe), Cayenne (Guyane) et Fort‑de‑France (Martinique).

Les caractéristiques territoriales de cette JIRS, entre éclatement géographique prononcé, insularité multiple et zone cyclonique, aboutissent à d’importantes difficultés matérielles et logistiques pour la tenue d’audiences, d’interrogatoires et de débats, qui exigent des liaisons aériennes ou maritimes parfois difficiles à mettre en œuvre et peuvent, dans certains cas, compromettre la réalisation effective de ces opérations.

● Le législateur a déjà prévu des dispositions spécifiques pour certaines collectivités ultramarines :

– en application de l’article 884 du CPP, les audiences de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint‑Denis de La Réunion peuvent se tenir en visioconférence si elles portent sur certaines décisions du tribunal de grande instance de Mamoudzou (Mayotte) ;

– l’article 936 du CPP permet le recours à la visioconférence pour les débats contradictoires en matière de détention provisoire dans le cadre d’une comparution immédiate, lorsqu’ils sont tenus par le JLD de Basse‑Terre pour un prévenu de Saint‑Martin.

B.   Le dispositif introduit par la Commission

Face à la nécessité de permettre à la JIRS de Fort‑de‑France de mener à bien ses missions, dans des matières infractionnelles particulièrement délicates et complexes, la Commission a introduit un dispositif offrant aux magistrats et au procureur de la République de cette JIRS, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la possibilité de recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour :

– les interrogatoires de première comparution prévus à l’article 116 du CPP, lorsque le juge d’instruction envisage de mettre une personne en examen ;

– les débats prévus à l’article 137‑1 du même code, relatifs au placement en détention provisoire ou à la prolongation de la détention provisoire ;

– les jugements de personnes libres.

Ce dispositif, prévu dans un nouvel article 706‑79‑2, résulte de l’adoption par la Commission d’un amendement de son président Sacha Houlié (RE) et de votre rapporteur général Jean Terlier (RE), suivant les avis favorables de votre rapporteur Erwan Balanant et du Gouvernement (amendement CL961).

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XIII.   Les pourvois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

Lors de l’examen en commission des Lois, l’article 3 a été complété, à l’initiative du Gouvernement (amendement CL779) de nouvelles dispositions concernant les pourvois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

A.   L’état du droit

Le pourvoi en cassation permet au justiciable de contester une décision d’appel ou rendue en dernier ressort, et donc non susceptible d’appel, au regard de sa conformité au droit en vigueur ([274]).

1.   La procédure en matière pénale

Les arrêts de la chambre de l’instruction et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle et de police peuvent être annulés par la chambre criminelle de la cour de Cassation en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou par la partie à laquelle il est fait grief ([275]).

Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport après le dépôt des mémoires du ou des avocats constitués ([276]). L’article 602 du code de procédure pénale précise que les rapports sont faits à l’audience, pendant laquelle les avocats présentent leurs observations et le ministère public ses réquisitions.

2.   La procédure en matière civile

Le président de la formation à laquelle l’affaire est distribuée désigne un conseiller ou un conseiller référendaire de cette formation en qualité de rapporteur ([277]). En dehors des cas dans lesquels la chambre statue en formation restreinte, le président peut, notamment lorsque la complexité de l’affaire le justifie, désigner deux rapporteurs parmi les conseillers ou les conseillers référendaires ([278]).

En outre, lorsque l’affaire nécessite une instruction approfondie, il est tenu, avant le dépôt du rapport, une séance d’instruction à laquelle participent le président de la chambre, le ou les doyens de section, le ou les rapporteurs désignés, le ou les conseillers et conseillers référendaires choisis par le président de chambre, ainsi que le ou les avocats généraux ([279]).

Il est en outre possible à la chambre désignée de saisir une autre chambre sur un point de droit relevant de la compétence de celle-ci. L’avocat général et les parties sont avisés de cette saisine par le président de la chambre désignée et peuvent présenter des observations devant la chambre appelée à donner son avis. Le rapporteur de la formation désignée assiste au délibéré de la formation saisie pour avis. Le rapporteur de la formation qui a rendu l’avis assiste ensuite au délibéré de celle chargée de statuer sur le pourvoi ([280]).

B.   Le dispositif

L’amendement CL779 du Gouvernement modifie le code de procédure pénale afin d’appliquer à la chambre criminelle de la Cour de cassation des modalités d’instruction similaires à celles prévues pour les chambres civiles.

● Il complète l’article 602 du code de procédure pénale pour :

– offrir la possibilité au président de la chambre de désigner deux rapporteurs lorsque la complexité ou la nature de l’affaire le justifie ;

– prévoir que, si l’affaire nécessite une instruction approfondie, il peut être tenu une séance d’instruction avant le dépôt du rapport. Comme en matière civile, participent à cette séance le président de la chambre, le ou les doyens de section, le ou les rapporteurs désignés, le ou les conseillers et conseillers référendaires choisis par le président, ainsi que le ou les avocats généraux.

● Il crée en outre un nouvel article 602-1 qui permet à la chambre criminelle de solliciter l’avis d’une autre chambre saisie sur un point de droit qui relève de la compétence de celle-ci. La procédure applicable est la même qu’en matière civile : l’avocat général et les parties sont avisés par le président et ils peuvent présenter des observations devant la chambre appelée à donner son avis. Le ou les rapporteurs de la chambre criminelle assistent au délibéré de la formation chargée de rendre l’avis. Le rapporteur de la formation qui a rendu l’avis assiste ensuite au délibéré de la chambre criminelle.

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XIV.   Les améliorations concernant la justice pénale des mineurs

À l’initiative de vos rapporteurs, la Commission a enrichi l’article 3 de deux mesures améliorant les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs – chacune ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement.

Ces mesures, si elles ne mettent pas en œuvre des recommandations particulières du rapport de votre rapporteur général et de Mme Cécile Untermaier (SOC) sur le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) ([281]), s’inscrivent dans sa continuité et dans sa logique d’améliorer et simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs.

A.   La possibilité d’avancer la date d’audience pour les mineurs en détention provisoire

1.   L’état du droit

● La détention provisoire pour les mineurs est régie par les articles L. 334‑1 à L. 334‑6 du CJPM ; elle est ordonnée ou prolongée par le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le JLD.

Elle n’est possible que si, au regard des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, elle constitue l’unique moyen d’atteindre l’un des objectifs prévus à l’article 144 du CPP – relatif au droit commun de la détention provisoire – et si le placement sous contrôle judiciaire ou l’ARSE ne le permettent pas.

Exclue à l’égard des mineurs de moins de treize ans, elle n’est possible pour un mineur de moins de seize ans que s’il encourt :

– une peine criminelle ;

– ou une peine correctionnelle, s’il s’est volontairement soustrait à l’obligation prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif fermé.

Le mineur d’au moins seize ans peut être placé en détention provisoire s’il encourt une peine criminelle, une peine d’emprisonnement de trois ans ou plus, ou s’il s’est volontairement soustrait aux obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité.

● Avant la comparution du mineur devant la juridiction de jugement, si une mesure de sûreté est jugée nécessaire, le procureur, en application de l’article L. 423‑9 du CJPM, fait comparaître le mineur :

– devant le juge des enfants, pour le prononcé d’une mesure éducative judiciaire provisoire, pour le placement sous contrôle judiciaire ou pour le placement sous ARSE ;

– devant le JLD, afin qu’il soit statué sur les réquisitions du procureur tendant au placement du mineur en détention provisoire jusqu’à l’audience.

Si le mineur est placé en détention provisoire en application de ces dispositions, l’audience de jugement doit avoir lieu dans un délai d’un mois au plus, sans quoi le mineur est remis d’office en liberté.

● En application de l’article L. 423‑11, si un mineur placé sous contrôle judiciaire ou ARSE n’a pas respecté les obligations prévues à ce titre, le juge des enfants peut communiquer le dossier au procureur et saisir le JLD aux fins de révocation du contrôle judiciaire ou de l’ARSE, et de placement en détention provisoire.

Dans l’hypothèse où le contrôle judiciaire ou l’ARSE est révoqué, et le placement en détention provisoire ordonné, l’audience de jugement doit avoir lieu devant le tribunal pour enfant dans un délai maximal d’un mois ; à défaut, le mineur est remis en liberté d’office, ainsi que le prévoit l’article L. 423‑12 du CJPM – par parallélisme avec les dispositions de l’article L. 423‑9.

2.   Le dispositif introduit par la Commission

Afin de limiter le plus possible la durée de la détention provisoire des mineurs, et en application du principe d’opportunité des poursuites, la Commission a complété l’article L. 423‑12 du CJPM d’un nouvel alinéa qui permet au procureur de la République d’avancer la date d’audience et de changer la juridiction initialement saisie pour retenir le tribunal pour enfants à la place du juge des enfants.

Dans une telle hypothèse, le procureur remet au mineur concerné et à ses représentants légaux une nouvelle convocation à comparaître devant le tribunal pour enfants ; le juge des enfants en est avisé sans délai.

Cette modification résulte de l’adoption de l’amendement CL794.

B.   La simplification de la notification des actes de procédure

1.   L’état du droit

a.   Les modalités de citation et de signification

Les modalités de citation à l’audience et de signification d’une décision (telle qu’un jugement) sont prévues au titre IV du livre II du CPP – articles 550 à 566.

Aux termes de l’article 550, les citations et significations sont faites par exploit d’huissier, qui doit faire toutes diligences pour parvenir à la délivrance de son exploit à la personne même du destinataire (article 555). Cette délivrance est encadrée par des délais stricts :

– la citation doit être délivrée au moins 10 jours avant la date de la comparution devant le tribunal, ainsi que le prévoit l’article 551 ([282]) ;

– lorsque l’exploit concerne une signification, les diligences de l’huissier doivent avoir été réalisées dans un délai maximal de 45 jours à compter de la requête tendant à ce qu’elle soit effectuée, en application de l’article 559‑1 ; si, à l’issue de ce délai, la signification n’a pu être accomplie, le ministère public en est informé et fait procéder aux recherches nécessaires pour découvrir la personne.

b.   La mise à l’épreuve éducative des mineurs déclarés coupables

● L’une des principales évolutions procédurales de la justice pénale des mineurs résultant du CJPM est la césure du procès pénal du mineur : deux audiences ont lieu, l’une sur l’examen de culpabilité, l’autre sur le prononcé de la sanction.

Entre ces deux audiences, le mineur déclaré coupable est soumis à une mise à l’épreuve éducative, importante innovation du CJPM qui résulte de la césure du procès pénal, et régie par ses articles L. 521‑7 à L. 521‑25. L’article L. 521‑14 décline les mesures pouvant être ordonnées pendant la période de la mise à l’épreuve éducative – telles qu’une expertise, une mesure éducative judiciaire provisoire, ou un contrôle judiciaire ou une ARSE.

● En application de l’article L. 521‑9 du CJPM, si le mineur est déclaré coupable, la juridiction fixe, dans son jugement, la date de l’audience de prononcé de la sanction, qui doit avoir lieu entre six et neuf mois après la déclaration de culpabilité. Les parties absentes, et celles non représentées, sont citées pour l’audience de prononcé de la sanction selon les modalités prévues par le CPP et précédemment présentées.

La date de l’audience de prononcé de la sanction peut être modifiée si l’évolution de la situation du mineur pendant la mise à l’épreuve éducative le justifie, ainsi qu’en dispose l’article L. 521‑19 du CJPM ; les parties sont citées à la nouvelle audience selon les mêmes modalités. La nouvelle audience ne peut intervenir avant au moins dix jours.

2.   Le dispositif introduit par la Commission

Pour simplifier la procédure pénale des mineurs, réaliser des gains de temps et réduire les frais d’huissiers, la Commission, à l’initiative de vos rapporteurs (amendement CL793), a permis le recours à un seul acte d’huissier, commun à la signification de la décision de justice et à la citation :

– pour les parties absentes ou non représentées, un seul acte serait ainsi possible pour la signification du jugement de culpabilité et la citation à l’audience de prononcé de la sanction prévues à l’article L. 521‑9 ;

– en cas de modification de la date d’audience de prononcé de sanction au titre de l’article L. 521‑19, un seul acte serait également possible pour la signification de l’ordonnance modifiant la date et la citation à la nouvelle audience.

Cette modification permet à la fois une réduction du coût de la procédure et un allègement de la charge administrative supportée par les greffiers, qui doivent déjà faire face à une augmentation du nombre d’actes liée au dédoublement des audiences dans le cadre de la césure du procès pénal des mineurs.

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Article 3 bis AA (nouveau)
(art. 2-1 du code de procédure pénale)
Élargissement des possibilités ouvertes aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination en matière d’exercice des droits reconnus à la partie civile

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative de M. Ugo Bernalicis, ouvre aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les destructions ou dégradations de monuments ou les violations de sépultures.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi de 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a modifié l’article 2‑1 du code de procédure pénale en précisant qu’en cas d’atteinte volontaire à la vie, si la victime est décédée, l’association doit justifier avoir reçu l’accord de ses ayants droit ([283]).

1.   L’état du droit

a.   Les possibilités ouvertes aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination

L’article 2-1 du code de procédure pénale permet à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts lui fixent comme objet la lutte contre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions de discrimination ([284]) et les fichiers à caractère discriminatoire ([285]), ainsi que pour les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne, les menaces, les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations qui ont été commis à raison d’une origine nationale, d’une appartenance à une ethnie, une race ou une religion.

b.   Les associations pouvant se porter partie civile en cas de destructions ou dégradations de monuments ou les violations de sépultures

L’article 2-5 du code de procédure pénale ouvre cette possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile aux associations dont l’objet est de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés pour trois types d’infractions : l’apologie des crimes de guerre ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi ; les destructions ou dégradations de monuments ou les violations de sépultures ; les délits de diffamation ou injures.

S’agissant uniquement des destructions ou dégradations de monuments ou des violations de sépultures, l’article 2-11 ouvre également cette possibilité aux associations dont l’objet est de défendre les intérêts moraux et l’honneur des anciens combattants et victimes de guerre et des morts pour la France.

2.   Le dispositif adopté par la commission des Lois

En adoptant l’amendement CL399 de M. Ugo Bernalicis, la Commission a ouvert aux associations de lutte contre le racisme et d’assistance aux victimes de discrimination la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les destructions ou dégradations de monuments ou les violations de sépultures.

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Article 3 bis AB (nouveau)
(art. 41-1-3 du code de procédure pénale)
Dispositions relatives au contrôle de certaines des obligations pouvant être imposées dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative de M. Jérémie Iordanoff, place sous la direction du procureur de la République certaines des obligations pouvant être imposées dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 41-1-3 du code de procédure pénale a été modifié en 2017 pour placer sous le contrôle des services de l’Office français de la biodiversité, en plus des services du ministère de l’environnement, la régularisation dans le cadre d’un programme de mise en conformité pouvant être imposée par une CJIP en matière environnementale.

1.   L’état du droit

La convention judiciaire d’intérêt public a été créée par la loi de 2016 dite « Sapin II » ([286]). Il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites qui prend la forme d’un dispositif transactionnel ouvert uniquement aux personnes morales. Cette procédure est applicable à certaines infractions uniquement, notamment les faits de corruption et trafic d’influence ou de fraude fiscale, ainsi que, depuis 2020, les délits prévus par le code de l’environnement et infractions connexes ([287]).

En matière environnementale, l’article 41-1-3 du code de procédure pénale permet ainsi au procureur de la République de proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le code de l’environnement, ainsi que pour des infractions connexes ([288]), de conclure une CJIP imposant une ou plusieurs des obligations suivantes :

– le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public ;

–  la régularisation de sa situation au regard de la loi ou des règlements dans le cadre d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement et des services de l’Office français de la biodiversité ;

–  la réparation, dans un délai maximal de trois ans et sous le contrôle des mêmes services, du préjudice écologique résultant des infractions commises.

2.   Le dispositif adopté par la commission des Lois

L’amendement CL660 de M. Jérémie Iordanoff modifie l’article 41‑1‑3 du code de procédure pénale afin de modifier la forme que prend le contrôle de certaines des obligations pouvant être imposée dans le cadre d’une CJIP en matière environnementale.

Aujourd’hui placée « sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement et des services de l’Office français de la biodiversité », la régulation par un programme de mise en conformité sera dorénavant dirigée par le procureur de la République et suivie par les services compétents du ministère chargé de l’environnement et des services de l’Office français de la biodiversité.

De même, la réparation du préjudice sera placée sous le contrôle de ces services, dans les mêmes conditions.

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Article 3 bis A
(art. 41-4 du code de procédure pénale)
Interdiction de la destruction des scellés pour une période étendue
en cas de non résolution d’une affaire criminelle

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit en séance au Sénat, le présent article prévoit que, dans le cadre des affaires criminelles non résolues, la destruction des scellés est interdite pendant dix ans à compter de l’acquisition de la prescription de l’action publique.

       Dernières modifications intervenues

L’article 41-4 du code de procédure pénale a été modifié par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, afin de permettre le défèrement des décisions de non-restitution prises par le procureur, non seulement devant la chambre de l’instruction, mais aussi devant le président de la chambre de l’instruction ([289]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a apporté qu’une modification d’ordre rédactionnel.

1.   L’état du droit

a.   Les décisions du procureur concernant les objets placés sous main de justice

L’article 41-4 du code de procédure pénale prévoit la compétence du procureur de la République ou du procureur général pour décider, d’office ou sur requête, de la restitution ou de la non-restitution des objets placés sous main de justice.

Cette compétence vaut dans trois cas :

– au cours de l’enquête ;

–  lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ;

– lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution de ces objets placés sous main de justice.

● La décision de restitution peut être prise lorsque la propriété des objets n’est pas sérieusement contestée.

● Le procureur peut également décider de la non-restitution pour tout autre motif. Il y est tenu dans trois cas :

– lorsque restitution est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ;

– lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ;

– lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.

La décision de non-restitution peut être déférée par l’intéressé au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction, dans le délai d’un mois suivant sa notification ; ce recours est suspensif.

● Les objets deviennent propriété de l’État, sous réserve des droits des tiers :

– si la restitution n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois ([290]) ;

– si le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée ne réclame pas l’objet dans un délai d’un mois ([291]) ;

– si la restitution des objets est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, dès que la décision de non-restitution ne peut plus être contestée ou dès que l’arrêt de non-restitution est devenu définitif.

b.   La destruction sur décision du procureur des objets placés sous main de justice au cours de l’enquête

En application de l’article 41-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, au cours de l’enquête, prendre certaines décisions concernant les biens meubles saisis ([292]) dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. Il peut ainsi :

‒ décider de leur destruction ou de leur remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d’aliénation, si leur restitution s’avère impossible ([293]) ;

‒ décider de leur remise à l’AGRASC, en vue de leur aliénation, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer leur valeur et si la confiscation est prévue par la loi ;

‒ ordonner leur remise à l’AGRASC, en vue de leur affectation à certains services publics ([294]), lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien et si la confiscation est prévue par la loi ;

‒ ordonner leur destruction, s’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles ou dont la détention est illicite.

Ces décisions peuvent être contestées devant la chambre de l’instruction, dans un délai de 5 jours. Ces délais sont ramenés à 24 heures en cas de notification orale d’une décision de destruction de produits stupéfiants. Ces délais et les recours ont un caractère suspensif.

c.   Les affaires criminelles sérielles ou non élucidées

S’agissant des crimes d’atteintes volontaires à la vie, actes de torture et de barbarie, viol, enlèvement et séquestration – et de tous les délits connexes à ces crimes – l’article 706-106-1 du code de procédure pénale ([295]) prévoit la compétence concurrente d’un ou plusieurs tribunaux judiciaires pour les crimes suivants, si les investigations présentent une complexité particulière et si l’une de ces deux conditions alternatives est remplie : soit il s’agit de crimes sériels, soit l’auteur n’a pu être identifié dix‑huit mois après la commission des faits.

2.   Le projet de loi initial

Les amendements identiques n° 24 rect. de M. Hervé Marseille et n° 191 de Mme Cécile Cukierman, adoptés avec avis favorable de la commission et avis défavorable du Gouvernement, insèrent un nouvel alinéa à l’article 41-4 du code de procédure pénale, prévoyant que, dans le cadre des affaires criminelles non résolues, la destruction des scellés est interdite pendant dix ans à compter de l’acquisition de la prescription de l’action publique.

Cela signifie que, pour les crimes d’atteintes volontaires à la vie, actes de torture et de barbarie, viol, enlèvement et séquestration pour lesquels l’auteur n’a pu être identifié 18 mois après la commission des faits, le procureur sera limité dans les décisions qu’il peut prendre en application des articles 41-4 et 41-5. Cela ne concerne pas, en revanche, ces mêmes décisions lorsqu’elles sont prises par le juge d’instruction au cours d’une information judiciaire ([296]).

D’après les auteurs de l’amendement, cette disposition vise à encadrer spécifiquement la conservation des scellés criminels prenant en compte les délais de prescription de l’action publique, en vue de concourir à la manifestation de la vérité et de limiter les recours en responsabilité de l’État pour défaut de conservation des scellés.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article en y apportant uniquement une modification d’ordre rédactionnel proposée par vos rapporteurs (amendement CL887).

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Article 3 bis B
(art. 68911 du code de procédure pénale)
Assouplissement de la condition de double incrimination
pour la compétence universelle de la justice française

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

La compétence universelle de la justice française en matière de crimes contre l’humanité et de crimes et délits de guerre, prévue à l’article 689‑11 du code de procédure pénale, est subordonnée à une condition de double incrimination, en application de laquelle les faits commis dans un autre État, pour relever de la compétence de la justice française, doivent être punis par la législation de l’autre État.

Le présent article inscrit dans la loi, à l’article 689‑11 de ce code, l’interprétation de cette condition de double incrimination faite par la Cour de cassation le 12 mai 2023, qui écarte l’exigence d’une identité de qualification pénale des faits entre la législation française et la législation étrangère.

       Dernières modifications intervenues

Dans un arrêt du 24 novembre 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté la compétence universelle de la justice française au motif que la législation étrangère (syrienne) ne prévoyait pas d’incrimination autonome des crimes contre l’humanité.

Cet arrêt a été déclaré nul et non avenu, le 12 mai 2023, par l’assemblée plénière de la Cour, qui a jugé que la condition de double incrimination n’implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans les deux législations.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

a.   La compétence universelle de la justice française pour les crimes internationaux

L’article 689‑11 du code de procédure pénale (CPP) consacre la compétence universelle de la justice française, c’est-à-dire la possibilité que soient poursuivies et jugées par des juridictions françaises des personnes qui résident habituellement en France et qui sont soupçonnées d’avoir commis à l’étranger certains crimes internationaux.

Les infractions relevant de cette compétence universelle sont :

– le crime de génocide ;

– les autres crimes contre l’humanité ;

– les crimes et les délits de guerre.

Toutefois, à l’exception du crime de génocide, la compétence de la justice française n’est reconnue que si :

– l’État où les faits ont été commis ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome du 18 juillet 1998 portant statut de la Cour pénale internationale ;

– ou les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis – il y a donc une condition de double incrimination, dans la législation française et dans la loi étrangère considérée.

b.   L’interprétation restrictive de la condition de double incrimination par la Cour de cassation en 2021

Dans un arrêt rendu par sa chambre criminelle le 24 novembre 2021, la Cour de cassation a fait une interprétation stricte de cette condition de double incrimination, et avait écarté la compétence de la justice française ([297]).

Était en cause la mise en examen d’un ressortissant syrien pour complicité de crimes contre l’humanité pour des faits commis en Syrie entre 2011 et 2013.

La Cour a indiqué que, dans le droit français, un crime contre l’humanité suppose l’exécution d’un plan concerté à l’encontre d’une population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, aux termes du premier alinéa de l’article 212‑1 du code pénal.

Or, si le droit syrien sanctionne le meurtre, les actes de barbarie, le viol, les violences et la torture, actes pouvant relever de la qualification de crimes contre l’humanité en droit français, il n’incrimine pas de manière autonome les crimes contre l’humanité, et ne retient donc pas l’exigence d’une attaque contre une population civile en exécution d’un plan concerté.

La Cour de cassation en a déduit que la justice française n’était pas compétente – cassant l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qui avait reconnu cette compétence.

c.   Le revirement du 12 mai 2023 et l’interprétation souple de la condition de double incrimination

Cet arrêt du 24 novembre 2021 a suscité un certain émoi, et a conduit les ministères de la justice et des affaires étrangères, dans un communiqué conjoint publié le 9 février 2022, à indiquer qu’ils se tenaient prêts, en fonction des décisions de justice futures, « à définir rapidement les évolutions, y compris législatives, qui devraient être effectuées » pour permettre à la France de continuer son action contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux ([298]).

Le 12 mai 2023, la Cour de cassation, en formation d’assemblée plénière, a déclaré nul et non avenu l’arrêt précité du 24 novembre 2021.

Elle a jugé que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris « avait fait l’exacte application des textes » en relevant que le droit syrien, bien que n’incriminant pas de manière autonome les crimes contre l’humanité, incrimine le meurtre, les actes de barbarie, le viol, les violences et la torture, et réprime ainsi les faits à l’origine de l’affaire ([299]).

La Cour de cassation a en effet précisé que « la condition de double incrimination, exigée pour la poursuite des crimes contre l’humanité et des crimes et délits de guerre, n’implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans les deux législations, mais requiert seulement qu’ils soient incriminés par l’une et l’autre. » ([300])

Elle a donc reconnu dans cette affaire la compétence de la justice française, la condition de double incrimination étant remplie.

Le raisonnement de la Cour s’appuie notamment sur l’interprétation donnée à la condition de double incrimination en matière d’extradition, dont l’appréciation est indépendante de la qualification donnée par l’État requérant. Or, comme le rappelle la Cour, il ne serait pas justifié d’interpréter différemment la condition de double incrimination exigée pour les crimes internationaux de celle faite en matière d’extradition, dans la mesure où « la compétence universelle constitue une alternative au mécanisme de coopération pénale qu’est l’extradition et trouve à s’appliquer dans le cas où l’État étranger est défaillant dans son obligation de poursuivre les crimes internationaux. » ([301])

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Cet article est le fruit de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. JeanPierre Sueur et des membres du groupe SER qui a fait l’objet d’un avis favorable de la commission  le Gouvernement s’en remettant à la sagesse du Sénat ([302]).

Il vise à inscrire à l’article 68911 du CPP la jurisprudence de la Cour de cassation résultant de son arrêt du 12 mai 2023 précité, en indiquant que la condition de double incrimination ne suppose pas identité de qualification pénale entre la législation française et la législation de l’autre État.

3.   La position de la Commission

Si cet article ne modifie pas l’état du droit, puisqu’il reprend la position actuelle de la Cour de cassation, il a le mérite de consacrer expressément celle-ci dans la loi. Il définit ainsi clairement la condition de double incrimination, et prémunit la compétence universelle de la justice française de tout éventuel revirement de jurisprudence – s’inscrivant à cet égard dans la continuité du communiqué conjoint précité du 9 février 2022.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 3 bis C
(art. 693 et 706-106-1 du code de procédure pénale)
Élargissement du champ de la compétence concurrente
du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés
du tribunal judiciaire de Nanterre

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit en séance au Sénat, le présent article élargit le champ de la compétence concurrente du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre aux faits d’atteintes aux personnes graves et non résolus, commis sur des ressortissants français à l’étranger, et à l’égard de toutes les infractions connexes aux crimes relevant de sa compétence.

       Dernières modifications intervenues

L’article 706-106-1 du code de procédure pénale a été créé par l’article 8 de la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a apporté qu’une modification d’ordre rédactionnel.

1.   L’état du droit

S’agissant des crimes d’atteintes volontaires à la vie, actes de torture et de barbarie, viol, enlèvement et séquestration – et de tous les délits connexes à ces crimes – l’article 706-106-1 du code de procédure pénale ([303]) prévoit la compétence concurrente d’un ou plusieurs tribunaux judiciaires pour les crimes suivants, si les investigations présentent une complexité particulière et si l’une de ces deux conditions alternatives suivantes est remplie : soit il s’agit de crimes sériels, soit l’auteur n’a pu être identifié 18 mois après la commission des faits.

En application de l’article D. 47-12-8 du même code ([304]), le tribunal judiciaire de Nanterre exerce cette compétence sur l’ensemble du territoire national.

2.   Le projet de loi initial

Les amendements identiques n° 26 rect. bis de M. Hervé Marseille et n° 193 rect. de Mme Cécile Cukierman, adoptés avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, modifient deux points à l’article 706-106-1 :

– ils élargissent le champ de la compétence concurrente aux infractions commises hors du territoire de la République en application de l’article 693 ;

– ils ajoutent à cette compétence les crimes connexes – alors que n’étaient jusque-là compris que les délits connexes.

En conséquence, ils procèdent à une coordination à l’article 693.

Comme l’a expliqué Mme Cécile Cukierman en séance publique, ces dispositions visent à « renforcer l’efficacité de la lutte contre les crimes sériels ou non élucidés en conférant au pôle dédié [au traitement des crimes sériels ou non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre] une compétence étendue » ([305]).

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article en y apportant uniquement une modification d’ordre rédactionnel proposée par vos rapporteurs (amendement CL888).

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Article 3 bis (supprimé)
(art. 48-2 [nouveau] du code de procédure pénale)
Accès des statisticiens publics aux données des affaires en cours

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit en commission au Sénat, le présent article autorise les services de la statistique publique dépendant du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice à accéder aux données ou aux informations relatives aux affaires en cours.

       Dernières modifications intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ([306]). Selon les rapporteures du Sénat ([307]), une difficulté provient « d’une interprétation restrictive par la direction des affaires juridiques du ministère de l’intérieur » donnant primat à ces dispositions sur celles de l’article 7 bis de la loi du 7 juin 1951, qui prévoit que « le service statistique public accède aux données détenues par les administrations nonobstant toutes dispositions contraires relatives au secret professionnel » ([308]).

Leur rapport renvoie également à l’une des préoccupations formulées dans le dernier rapport annuel de l’Autorité de la statistique publique :

« La question de l’accès aux données se pose également avec acuité pour le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) qui, pour mener à bien ses missions, doit pouvoir disposer des données brutes détaillées issues des sources administratives de la police et de la gendarmerie nationales. Cet accès s’est heurté, du côté de cette dernière, à des interrogations juridiques dont la portée est en débat, mais qu’une disposition législative appropriée permettrait de lever sans ambiguïté. L’Autorité de la statistique publique (ASP) appelle les ministères de l’intérieur et de la justice à proposer le plus rapidement possible une solution juridique adéquate, notamment pour permettre le lancement du projet structurant de suivi transversal commun des procédures pénales, dont le Conseil national de l’information statistique (CNIS) et l’ASP ont souligné l’intérêt et la nécessité » ([309]).

2.   Le projet de loi initial

Lors de l’examen en commission, un nouvel article 48-2 est inséré dans le code de procédure pénale, au sein de la section relative au bureau d’ordre national automatisé des procédures judiciaires, par l’amendement n° 108 des rapporteures.

Cet article autorise les services de la statistique publique dépendant du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice à accéder aux données ou aux informations relatives aux affaires en cours, qu’il s’agisse d’une enquête ou d’une instruction. Il précise que ces données ou ces informations sont alors anonymisées et que les agents sont tenus au secret professionnel ([310]) les concernant.

D’après les rapporteures, cet amendement vise ainsi à « permettre aux deux services statistiques de faire face sans difficultés à leurs missions et de préparer un grand projet de suivi longitudinal commun des procédures pénales, appelé de ses vœux par le Conseil national de l’information statistique et par la commission des lois » ([311]).

3.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article en adoptant deux amendements identiques CL400 de M. Ugo Bernalicis et CL786 du Gouvernement.

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Article 4
(art. 131-8 et 131-9 du code pénal, art. 464-2, 474, 702-1, 703, 712-6, 712-13, 723-2, 723-7-1, 747-1 et 747-1-1 du code de procédure pénale, art. L 122-1 du code de la justice pénale des mineurs)
Dispositions visant à favoriser le recours au travail d’intérêt général

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article élargit les possibilités de recours au travail d’intérêt général (TIG) selon quatre axes :

– l’expérimentation dans vingt départements, prévue par l’article 71 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, de l’accueil de personnes condamnées à un TIG est pérennisée au sein des sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire ([312]) et est prorogée dans les sociétés à mission ([313]) ;

– l’obligation pour la juridiction de jugement de fixer la peine encourue en cas d’inexécution du TIG ;

– la remise lors de l’audience d’une convocation devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) dans les quarante-cinq jours à la personne condamnée à l’exécution d’un TIG ou à une peine d’ajournement avec probation ;

– sont clarifiées les possibilités, pour le juge d’application des peines, de convertir une peine d’emprisonnement en peine de TIG ou en sursis probatoire comportant l’obligation d’accomplir un TIG.

       Dernières modifications intervenues

La loi n° 2019 222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a augmenté la durée maximale d’un TIG à 400 heures et a permis son prononcé lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience.

       Modifications apportées par le Sénat

En séance, le Sénat a inséré à l’article 4 plusieurs dispositions concernant le renvoi vers la juridiction compétente à l’égard des majeurs des personnes poursuivies devant la juridiction pour mineurs mais dont il est finalement avéré qu’elles étaient majeures au moment de la commission des faits.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a procédé à trois évolutions :

– l’ouverture de la possibilité pour le JAP de convertir une peine d’amende en peine de TIG ;

– la modification de la juridiction compétente en matière de relèvement d’une interdiction, déchéance ou incapacité ou d’une mesure de publication quelconque résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire ;

– l’élargissement des possibilités de comparution de la personne condamnée lorsqu’un appel est porté devant la chambre de l’application des peines.

 

I.   L’état du droit

Le travail d’intérêt général (TIG) est une alternative à l’emprisonnement créée par l’article 4 de la loi du 10 juin 1983 ([314]) et fait partie des peines correctionnelles prévues à l’article 131-3 du code pénal.

En application de l’article 131-8 du code pénal, le TIG consiste, pour le condamné, à l’accomplissement d’un travail non rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général.

En outre, à titre expérimental, de nouvelles structures peuvent accueillir des TIG : les sociétés privées de l’économie sociale et solidaire et les sociétés à mission dont les statuts précisent une mission de poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux ([315]).

A.   Le prononcÉ d’une peine de travail d’intÉrÊt gÉnéral

1.   Les peines de TIG pouvant être prononcées

Le TIG peut être prononcé en tant que peine correctionnelle principale. Il ne constitue pas une peine principale autonome, mais il peut, en matière correctionnelle, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, être prescrit à la place de l’emprisonnement ([316]). Il peut alors être prononcé pour une durée allant de 20 à 400 heures et ne peut pas être prononcé cumulativement avec l’emprisonnement ([317]).

Le TIG peut également être prononcé à en tant que peine complémentaire pour certaines contraventions de la 5e classe, pour une durée de 20 à 120 heures ([318]).

Les dispositions relatives au TIG sont applicables aux mineurs sous certaines conditions.

Le travail d’intérêt général prononcé à l’encontre des mineurs

L’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs prévoit l’applicabilité des dispositions relatives aux TIG aux mineurs, sous réserve qu’ils soient âgés d’au moins seize ans au moment de la décision, lorsqu’ils étaient âgés d’au moins treize ans à la date de commission de l’infraction.

L’article L. 121-4 du même code prévoit que le juge des enfants statuant en chambre du conseil, peut, sur réquisitions du procureur de la République et si les circonstances et la personnalité du mineur le justifient, prononcer une peine de TIG.

Dans ce cas, en application du deuxième alinéa de l’article L. 122-1, le TIG ne peut être prononcé que lorsque le prévenu mineur donne son accord à l’audience ou préalablement par écrit. De plus, les dispositions relatives à la fixation d’une durée maximum d’emprisonnement ou d’un montant maximum d’amende encourus en cas d’inexécution du TIG par le condamné mineur, ne s’appliquent pas.

Le dernier alinéa de l’article L. 122-1 précise que le TIG prononcé doit être adapté à un mineur et présenter un caractère formateur ou être de nature à favoriser l’insertion sociale des jeunes condamnés.

Le TIG peut en outre être prononcé par le juge dans le cadre de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, lorsque le prévenu a déclaré, au cours de l’enquête, qu’il accepterait l’accomplissement d’un tel travail ([319]).

Enfin, le TIG peut également constituer l’une des obligations prévues à l’article 132-45 du code pénal ([320])pouvant être prononcées par le juge au titre du sursis probatoire ou du sursis probatoire renforcé.

2.   Les conditions du prononcé de la peine de TIG

Le TIG ne peut être prononcé qu’avec l’accord de la personne prévenue ([321]) :

– si la personne est présente à l’audience, le président du tribunal l’informe de son droit de refuser l’accomplissement du TIG et reçoit sa réponse ;

– si la personne est absente à l’audience, mais y est représentée par son avocat, le TIG peut être prononcé si la personne a fait connaître par écrit son accord ([322]) ;

– si la personne est absente à l’audience et n’a pas fait connaître son accord, le TIG peut être prononcé à la condition que le tribunal fixe la durée d’emprisonnement ou le montant de l’amende maximum encourus en cas d’inexécution de la peine de TIG ([323]). Ce sera par la suite le juge de l’application des peines qui informera le condamné de son droit de refuser l’accomplissement d’un TIG et qui recevra sa réponse. En cas de refus, tout ou partie de l’emprisonnement ou de l’amende fixée par le tribunal pourra être mis à exécution, sous réserve des possibilités d’aménagement ou de conversion.

3.   Les conversions d’une peine en un travail d’intérêt général

Une peine d’emprisonnement ferme – ou une partie ferme d’une peine d’emprisonnement – inférieure ou égale à six mois peut être convertie, par le juge de l’application des peines, en peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en peine de travail d’intérêt général, en peine de jours‑amende ou en un emprisonnement assorti d’un sursis probatoire renforcé ([324]), lorsque cette conversion paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive ([325]).

En outre, si la situation du condamné depuis la condamnation a changé et ne permet plus la mise à exécution de la peine initialement prononcée, le juge de l’application des peines peut également convertir une peine de détention à domicile sous surveillance électronique ou une peine de jours-amendes en une peine de TIG ([326]).

Comme pour une peine de TIG prononcée directement par le tribunal, la conversion de peine en TIG n’est possible que si après avoir été informé du droit de refuser l’accomplissement d’un tel travail, le condamné a expressément déclaré renoncer à se prévaloir de ce droit.

Dans l’objectif de limiter les courtes peines de prison, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a fixé un principe d’aménagement des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an et une obligation d’aménagement des peines inférieures ou égales à six mois ([327]). L’aménagement peut être prononcé ab initio par le tribunal correctionnel ou, par la suite, par le juge de l’application des peines conformément à l’article 723-15 du code de procédure pénale. Dans ce cadre de l’article 723-15, si la peine est de six mois ou moins, le juge de l’application des peines peut certes aménager la peine, mais il peut également ordonner une conversion en peine de TIG.

B.   L’exÉcution de la peine de tig

1.   Les règles applicables à l’exécution

Le juge prononçant un TIG fixe sa durée ([328]) et son délai d’exécution ; le TIG doit être accompli dans la limite de 18 mois ([329]).

Le TIG est ensuite exécuté sous le contrôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Depuis octobre 2021, le directeur du SPIP est compétent pour en fixer les modalités d’exécution, sauf à ce que le juge d’application des peines décide d’exercer cette compétence ([330]). L’objectif de cette déjudiciarisation de la procédure pénale en matière de TIG était de fluidifier la gestion de son exécution.

Pendant la période d’exécution du TIG, le condamné doit respecter les mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 du code pénal : répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du SPIP, recevoir les visites du SPIP et les communiquer les renseignements et informations lui permettant de contrôler le respect des obligations, prévenir le SPIP des changements d’emploi, des changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excède 15 jours, obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout changement d’emploi ou de résidence, informer le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger.

2.   Le nombre de TIG

Le nombre de places de TIG a été considérablement accru au cours des dernières années, grâce notamment à la création et au travail de l’Agence pour le travail d’intérêt général et l’insertion professionnelle, créée en 2018 ([331]). Cela a d’ailleurs été souligné par le directeur de cette agence, M. Albin Heuman, auditionné par vos rapporteurs : en moins de quatre ans, le nombre de places ouvertes aux TIG est passé de moins de 18 000 à 36 636 places.

Malgré ces efforts, les TIG ont connu une baisse significative : le nombre de personnes effectuant une peine de TIG est passé de 35 320 au 31 décembre 2019 à 23 557 au 31 décembre 2022, ce qui représente une baisse de 33 %. Cette baisse est due notamment au moindre prononcé de l’obligation d’effectuer un TIG dans le cadre d’un sursis probatoire et, selon l’étude d’impact ([332]), à une diminution importante des conversions de peines d’emprisonnement en peine de TIG. À l’inverse, les peines de TIG en tant que peines principales connaissent quant à elle une hausse de plus de 30 % entre 2019 et 2022.

3.   Les cas d’inexécution du TIG

L’inexécution de la peine de TIG dans le délai de 18 mois ou le non-respect des obligations imposées dans le cadre du TIG entraîne une sanction par le juge.

Si le tribunal a fixé la peine encourue en cas de non-exécution du TIG ou de manquement aux obligations fixées, le juge de l’application des peines décide de la mise à exécution de tout ou partie de la peine prévue. Cette peine ne peut être supérieure à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, ni excéder la peine encourue pour le délit pour lequel la personne a été condamnée ([333]).

Si le tribunal n’a pas fixé la peine encourue en cas d’inexécution, le procureur de la République peut engager des poursuites contre la personne condamnée qui risque alors jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende ([334]).

II.   le projet de loi initial

Le présent article complète plusieurs dispositions du code pénal, du code de procédure pénale et du code de la justice pénale des mineurs dans l’objectif de favoriser le recours à la peine de TIG.

Cet article n’a appelé aucune observation particulière du Conseil d’État dans son avis rendu sur le présent projet de loi ([335]).

1.   L’accueil de TIG dans des sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire et dans des sociétés à mission

Les dispositions proposées par le présent article traduisent les recommandations qui ont été formulées par le rapport du comité d’évaluation ([336]) relatif à l’expérimentation du travail d’intérêt général dans les entreprises commerciales de l’économie sociale et solidaire et les sociétés à mission, remis au Parlement le 12 juillet 2022 en application des dispositions prévues par la loi du 23 mars 2019 ([337]).

a.   La généralisation de l’expérimentation du TIG dans les sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire

Le 1° du I du présent article complète l’article 131-8 du code pénal afin d’ajouter aux structures pouvant accueillir des TIG les sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire poursuivant un but d’utilité sociale. Elles devront pour cela faire l’objet d’une habilitation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Cette disposition pérennise ainsi la partie concernant les sociétés de l’économie sociale et solidaire de l’expérimentation prévue, dans vingt départements, par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le rapport d’évaluation de cette expérimentation a montré qu’elle avait permis l’émergence de nouveaux partenariats dans 15 des 20 départements concernés. Pour 31 % de ces nouveaux partenariats, les habilitations se sont concrétisées par l’accueil de personnes en TIG et, au total, ce sont 69 personnes qui ont ainsi exécuté cette peine au sein d’une structure commerciale de l’économie sociale et solidaire. Pour le rapport d’évaluation, cela « démontre amplement le caractère opérationnel » de cette expérimentation.

b.   La prorogation de l’expérimentation du TIG dans les sociétés à mission

Le IV du présent article proroge quant à lui la partie concernant les sociétés à mission de l’expérimentation prévue, dans vingt départements, par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’expérimentation n’a pu être menée effectivement dès lors qu’aucune habilitation de ce type de société n’a eu lieu au cours de la période. En effet, ce type de sociétés a été créé quelque mois seulement avant le début de l’expérimentation par l’article 176 de la loi dite « Pacte » ([338]) et était tenu de présenter un rapport annuel avant de pouvoir prétendre à l’habilitation. En raison de ces contraintes, aucune société à mission n’a finalement pu être habilitée à accueillir un TIG pendant la période. La crise sanitaire de Covid-19 ajoutant aux difficultés et les délais retenus étant trop restreint, l’expérimentation doit donc être prorogée.

Cette prorogation est faite pour une nouvelle période de trois ans à compter de la publication de la présente loi. Six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement devra adresser un rapport d’évaluation de celle-ci au Parlement.

Il est en outre prévu que les conditions d’habilitation de ces sociétés à mission soient prévues par décret en Conseil d’État et que la liste des départements où se tiendra l’expérimentation soit déterminée par arrêté du ministre de la justice.

2.   La systématisation de la fixation par le tribunal de la peine encourue en cas d’inexécution d’un travail d’intérêt général

● Le  du I du présent article modifie le deuxième alinéa de l’article 1319 du code pénal pour rendre obligatoire, et non plus facultatif, la fixation par la juridiction de jugement du quantum maximum de la peine d’emprisonnement ou du montant maximum de l’amende encourus par le condamné n’ayant pas exécuté dans le délai imparti sa peine de TIG. Le juge de l’application des peines pourra, le cas échéant, ordonner l’exécution de cette peine lorsque le condamné ne respecte pas ses obligations.

Cette évolution permettra ainsi d’éviter qu’en cas d’inexécution, le tribunal doive être ressaisi par le procureur de la République.

● Par coordination, le III modifie l’article L. 1221 du code de la justice pénale des mineurs, clarifiant ainsi que dorénavant l’article 131-9 du code pénal ne permet plus simplement de fixer la peine encourue en cas d’inexécution, mais impose que celle-ci soit fixée par le tribunal.

Ce faisant, ainsi que le souligne l’étude d’impact ([339]), il n’a pas été fait le choix d’imposer au juge des enfants statuant en chambre du conseil de fixer lui aussi la peine encourue en cas d’inexécution du TIG. Toutefois, ce sera le cas lorsque le TIG est prononcé par le tribunal pour enfants.

3.   La clarification de la possibilité de conversion de peines d’emprisonnement en peine de TIG

Afin d’endiguer la diminution des conversions de peines d’emprisonnement en peines de TIG, le présent article procède à plusieurs clarifications au sein du code de procédure pénale. Il répond ainsi également à des doutes sur l’application des possibilités de conversion, nés d’un arrêt n° 503 de la Cour de cassation du 11 mai 2021 ([340]) qui a réaffirmé le caractère obligatoire de l’aménagement des peines inférieures ou égales à six mois, sans mentionner la possibilité de convertir ces peines.

a.   La possibilité de conversion lorsque le tribunal correctionnel renvoie au juge de l’application des peines l’aménagement d’une peine inférieure ou égale à six mois d’emprisonnement ferme

Le 1° du II complète l’article 464-2 du code de procédure pénale, qui prévoit l’aménagement des peines d’emprisonnement ferme inférieures ou égales à un an. Il clarifie la possibilité de conversion pour le juge de l’application des peines auquel le tribunal renvoie le soin de fixer la mesure d’aménagement de peine appropriée car il ne dispose pas des éléments lui permettant de prononcer cet aménagement.

Pour ce faire, il insère au 2° de l’article 464-2 la précision selon laquelle, dans ce cas, le juge de l’application des peines aménage la peine sans préjudice de la possibilité de décider d’une conversion de peine. Si le 2° est applicable pour les peines inférieures ou égale à un an, il convient de souligner que la conversion en peine de TIG ne sera toutefois possible que lorsque la peine est inférieure ou égale à six mois.

Par souci d’exhaustivité, il précise que le juge peut alors aussi prononcer une libération conditionnelle, un fractionnement ou une suspension de peine.

Cette modification permet ainsi de dissiper les doutes issus de la décision de la Cour de cassation du 11 mai 2021 quant à la possibilité, pour le juge de l’application des peines, de convertir la peine plutôt que de prononcer une détention à domicile sous surveillance électronique, une semi-liberté ou un placement extérieur.

b.   La possibilité de conversion par le juge de l’application des peines lorsque le tribunal correctionnel a aménagé ab initio une peine inférieure ou égale à six mois

Le 4° du II complète la dernière phrase des articles 723-2 et 723-7-1 du même code afin de prévoir qu’une peine aménagée ab initio décidée par la juridiction de jugement, au titre de l’article 132-25 du code pénal ([341]), peut elle aussi être convertie en une autre peine, dont la peine de TIG. Le juge de l’application des peines prend cette décision si la personnalité du condamné ou les moyens disponibles le justifient.

Dans cette même visée de clarifier la possibilité de conversion d’une peine de six mois ou moins qui a été aménagée, le a du 5° du II procède à une modification au premier alinéa de l’article 747-1 du même code.

c.   La possibilité de conversion d’une peine inférieure ou égale à six mois en un sursis probatoire comportant obligation de réaliser un TIG

Le b du 5° du II modifie également le premier alinéa de l’article 747-1 du même code et offre au juge de l’application des peines une nouvelle possibilité de conversion des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à six mois en un emprisonnement assorti d’un sursis probatoire comportant nécessairement l’obligation d’accomplir un TIG.

Cette modification ouvre alors une alternative médiane au juge de l’application des peines entre la conversion en TIG et la conversion en sursis probatoire renforcé, qui peut d’ailleurs lui aussi comprendre l’obligation d’effectuer un TIG.

d.   L’application de la procédure devant la juridiction de l’application des peines

● Le 3° du II intègre la décision de conversion à l’article 712-6 du même code qui fixe la procédure devant la juridiction de l’application des peines : le premier alinéa fixe la procédure avec débat contradictoire tenu en chambre du conseil ; le deuxième prévoit la procédure hors débat lorsque le procureur et le condamné sont d’accord ; le troisième précise que le jugement peut être renvoyé devant le tribunal de l’application des peines. La conversion de peine sera donc possible lors de ces différentes procédures.

4.   La systématisation de la remise d’une convocation auprès du service pénitentiaire d’insertion et de probation

Enfin, le  du II modifie l’article 474 du code de procédure pénale qui prévoit la remise au condamné ([342]) d’une convocation, dans un délai de trente jours, devant le juge de l’application des peines, et d’une convocation, dans un délai de quarante-cinq jours, devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Le dernier alinéa de cet article précise que cette convocation devant le SPIP est également applicable lorsque la personne est condamnée à une peine d’emprisonnement assortie du sursis probatoire. Cette convocation vaut alors saisine du SPIP. Le présent article modifie cet alinéa afin que ces dispositions s’appliquent également pour les peines de TIG et les peines d’ajournement avec probation.

III.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   Les modifications apportées en commission

Aucune modification n’a été apportée à cet article en commission.

2.   Les modifications apportées en séance

Adopté en séance avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, l’amendement n° 220 de M. Mohamed Soilihi insère à l’article 4 un nouveau sujet qui concerne le renvoi vers la juridiction compétente des personnes poursuivies devant la juridiction pour mineurs mais dont il est finalement avéré qu’elles étaient majeures au moment de la commission des faits.

● Cet amendement procède à plusieurs modifications au sein du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) :

– Il complète l’article L. 13-2, qui dispose que la juridiction compétente, la procédure applicable ainsi que les mesures et peines encourues sont déterminées selon l’âge du mineur à la date des faits, à moins que le CJPM n’en dispose autrement. Il insère un nouvel alinéa précisant que, s’il apparaît au juge des enfants ([343]), au tribunal pour enfants ([344]), au JLD chargé spécialement des affaires concernant les mineurs ([345]) ou à la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel, que la personne présentée ou comparaissant devant elle était majeure au moment des faits, la juridiction se déclare incompétente et renvoie le dossier au procureur (nouveau 1° du III).

– Il réécrit le premier alinéa de l’article L 423-14 (a du nouveau 3° du III). En l’état du droit, cet article prévoit que, s’il apparaît au juge des enfants ou au JLD que la personne présentée ([346]) devant lui est majeure, ce juge doit renvoyer le dossier au procureur de la République. La réécriture proposée apporte trois évolutions :

○ ces dispositions s’appliquent également pour la juridiction de jugement – soit le juge des enfants, soit le tribunal des enfants – lorsqu’elle est saisie par convocation ([347]) ou par procès-verbal du procureur lors d’un défèrement, en application de l’article L. 423-7 du même code ;

○ l’âge de la personne à prendre en compte est celui au moment des faits ;

○ le dossier est non seulement renvoyé au procureur, mais en outre la juridiction se déclare alors incompétente, en application de la nouvelle rédaction de l’article L. 13-2.

– En complément, cet amendement apporter deux autres précisions sein de ce même article L. 423-14 :

○ au deuxième alinéa, il précise que cette procédure concerne le juge des enfants qu’il statue en cabinet ou en présidant le tribunal pour enfants (b du nouveau 3° du III) ; 

○ il ajoute un nouvel alinéa précisant que les dispositions de cet article sont également applicables devant la chambre spéciale des mineurs (c du nouveau 3° du III).

– Enfin, il ajoute un nouvel article L. 521-23-1 qui prévoit le cas où un mineur est découvert comme étant majeur au cours de sa période de mise à l’épreuve éducative, c’est-à-dire une fois que sa culpabilité a été prononcée et qu’il a été renvoyé devant une juridiction pour mineurs en vue du prononcé de la sanction, mais avant la tenue de cette seconde audience (nouveau 4° du III).

Dans ce cas, le juge des enfants met fin aux mesures provisoires mises en œuvre au cours de la période de mise à l’épreuve éducative, se déclare incompétent et renvoie le dossier au procureur en application de la nouvelle rédaction de l’article L. 13-2. Afin de coordonner les procédures, ce nouvel article précise que :

○ la déclaration de culpabilité prononcée par la juridiction pour enfants conserve son autorité ;

○ la décision sur l’action civile prononcée par la juridiction pour enfants conserve elle aussi son autorité ;

○ si la personne est placée en détention provisoire, le juge des enfants statue ([348]) sur son maintien en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, qui doit alors avoir lieu au plus tard le troisième jour ouvrable suivant ([349]).

● Pour permettre la coordination de ces nouvelles dispositions du code de la justice pénale des mineurs avec les juridictions compétentes pour les majeurs, cet amendement insère en outre, dans la section relative à la compétence et à la saisine du tribunal correctionnel, un nouvel article 385-3 dans le code de procédure pénale qui précise que lorsque ce tribunal statue alors sur la peine dans les conditions prévues pour l’audience de renvoi aux articles 132-61 ([350]) et 132-65 ([351]) du code pénal (nouveau 1° A du II de l’article 4).

IV.   La position de la commission

La Commission a adopté douze modifications rédactionnelles de vos rapporteurs et trois dispositions complémentaires, l’une en lien avec le TIG, les deux autres sur de nouveaux sujets liés à l’exécution des peines.

1.   Disposition en lien avec le travail d’intérêt général

L’adoption de l’amendement CL667 de M. Jérémie Iordanoff a conduit à compléter l’article 747-1-1 du code de procédure pénale qui offre plusieurs possibilités de conversion de peine au juge de l’application des peines (JAP) en cas de modification de la situation du condamné depuis la condamnation. Ces conversions peuvent être décidées par le JAP d’office, à la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la République. Elles sont de trois ordres :

– conversion d’une peine de TIG ou d’une peine de sursis probatoire comportant l’obligation d’accomplir un TIG en une peine de jours-amende ou une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) ;

– conversion d’une peine de DDSE en une peine de TIG ou une peine de jours-amende ;

– conversion d’une peine de jours-amende en une peine de TIG ou une peine de DDSE.

À ces trois cas, la Commission a ajouté la possibilité pour le JAP de convertir une peine d’amende en une peine de TIG.

2.   Nouvelles dispositions en lien avec l’exécution des peines

a.   Dispositions relatives aux juridictions compétentes pour une demande de relèvement des interdictions, déchéance ou incapacité, ou d’une mesure de publication quelconque

Déposé par vos rapporteurs, l’amendement CL893 modifie deux éléments de la procédure applicable au relèvement des interdictions, déchéances, incapacités et mesures de publication résultant d’une condamnation pénale.

● D’une part, cet amendement modifie l’article 702-1 afin de confier au tribunal correctionnel la compétence s’agissant des demandes de relèvement, en tout ou partie, d’une interdiction, déchéance ou incapacité ou d’une mesure de publication quelconque résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire.

En l’état du droit, cette demande est adressée à la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, à la dernière juridiction qui a statué. Si la condamnation a été prononcée par une cour d’assises, la chambre de l’instruction dans le ressort de laquelle la cour d’assises a son siège est la juridiction compétente.

Il est également précisé que sera compétent le tribunal correctionnel ayant prononcé la condamnation ou celui se trouvant au siège de la juridiction ayant prononcé cette condamnation ou celui du lieu de détention du condamné. En cas de pluralité de condamnations, c’est le tribunal correctionnel ayant prononcé la dernière condamnation ou celui où se trouve le siège de la juridiction l’ayant prononcée qui sera compétent. En outre, si la peine a été prononcée par une juridiction criminelle, le renvoi à la formation collégiale du tribunal sera de droit s’il est demandé par le condamné ou le ministère public.

● D’autre part, cet amendement modifie l’article 703 afin de confier au seul procureur de la République – et non plus aussi au procureur général – la réception des demandes de relèvement évoquées ci-avant. En outre, en cohérence avec le changement de juridiction compétente pour ces décisions, les modalités d’appel sont modifiées afin de prévoir qu’il soit porté devant la chambre des appels correctionnels, qui est composée de son seul président sauf s’il s’agit d’une condamnation prononcée par une juridiction criminelle.

b.   Dispositions relatives à la comparution d’un condamné devant la chambre de l’application des peines

Également à l’initiative de vos rapporteurs, l’amendement CL894 modifie l’article 712‑13 du code de procédure pénale qui fixe les modalités de l’appel devant la chambre de l’application des peines. En l’état, celui-ci prévoit que le condamné n’est alors pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement.

Dans une logique de renforcement des droits, cet amendement prévoit que le condamné n’est pas entendu par la chambre, sauf s’il en fait la demande ou si celle-ci en décide autrement. Il offre toutefois au président de la chambre de l’application des peines la possibilité de refuser la comparution personnelle du condamné par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours.

*

*     *

Section 2
Dispositions améliorant l’indemnisation des victimes

Article 5
(art. L. 2141, L. 2176, L. 5322, L. 5522 et L. 5622 du code de l’organisation judiciaire, art. 7063, 70614, 706142 et 706143 [nouveau] du code de procédure pénale)
Dispositions améliorant l’indemnisation des victimes

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article élargit, sur trois aspects, l’indemnisation des victimes d’infraction par les commissions d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) :

– le régime d’indemnisation sans conditions de ressources en cas d’atteintes aux personnes, prévu à l’article 706‑3 du code de procédure pénale (CPP), est étendu aux victimes de violences familiales ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours – le seuil actuel étant d’un mois –, l’indemnité étant alors plafonnée ;

– le régime d’indemnisation plafonnée et sous condition de ressources prévu à l’article 706‑14 du CPP est étendu aux victimes de chantage, d’abus de faiblesse ou d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données ;

– une nouvelle hypothèse d’indemnisation plafonnée est créée pour les victimes de violation de domicile.

       Dernières modifications intervenues

La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat :

– a expressément inclus parmi les victimes de violences familiales les victimes de violences commises par l’ex-conjoint, concubin ou partenaire ;

– a fixé à la majorité d’une victime mineure au moment de l’infraction le point de départ du délai de forclusion pour saisir la CIVI d’une demande d’indemnité ;

– et a amélioré la prise en charge des frais de déplacement des personnes victimes d’une infraction à l’étranger.

       Modifications apportées par la Commission

Outre des aménagements rédactionnels, la Commission, à l’initiative de vos rapporteurs, a clarifié les conditions de mise en œuvre de la prise en charge des frais de déplacement en cas d’infraction commise à l’étranger.

 

1.   L’état du droit

● La victime d’une infraction dispose de plusieurs voies pour obtenir l’indemnisation de son préjudice. Ainsi, elle peut saisir à cette fin :

– le juge pénal, en cas de constitution de partie civile, celui-ci  tranchant les demandes d’indemnisation après avoir statué sur la culpabilité et la peine de l’auteur de l’infraction ;

– le juge civil, en l’absence de constitution de partie civile devant le juge pénal ;

– la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), selon une procédure régie par le code de procédure pénale (CPP).

● L’indemnité allouée par la CIVI l’est au titre de la solidarité nationale, et fait intervenir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), financé par une contribution sur les contrats d’assurance de biens.

La CIVI est une commission ayant le caractère d’une juridiction civile, instituée dans le ressort de chaque tribunal judiciaire et composée de deux magistrats du siège et d’une personne française majeure qui s’est signalée par l’intérêt porté aux victimes (article 706‑4 du CPP). Elle traite environ 20 000 affaires par an ([352]).

Deux hypothèses principales d’indemnisation font intervenir la CIVI :

– une indemnisation intégrale sans condition de ressources, pour certaines infractions relevant des atteintes aux personnes (article 706‑3 du CPP) ;

– une indemnisation plafonnée, sous conditions de ressources (article 706‑14 du CPP).

a.   L’indemnisation intégrale sans condition de ressources des victimes d’atteintes aux personnes

La première hypothèse d’indemnisation faisant intervenir la CIVI est prévue à l’article 7063 du CPP, aux termes duquel toute personne qui a subi un préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut obtenir réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne – la réparation peut toutefois être réduite, voire refusée, en cas de faute de la victime.

Ce régime d’indemnisation suppose la satisfaction de trois conditions cumulatives.

● En premier lieu, il ne doit pas s’agir de l’une des atteintes à la personne qui sont expressément exclues par le 1° de l’article 706‑3 du CPP, dans la mesure où elles font l’objet de procédures d’indemnisation spécifiques.

Ainsi, l’atteinte ne doit pas résulter :

– d’une exposition à l’amiante, mentionnée à l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ([353]), la réparation des préjudices liés à l’amiante étant prise en charge par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ;

– d’un acte de terrorisme, mentionné à l’article L. 126‑1 du code des assurances et dont la réparation est assurée par le FGTI aux termes de l’article L. 422‑1 du même code ;

– d’accidents de la circulation, dont l’indemnisation est régie par la loi du 5 juillet 1985 ([354]) et prise en charge par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), prévu par les articles L. 421‑1 et suivants du code des assurances ;

– d’actes de chasse ou de destruction des animaux, dont l’indemnisation est elle aussi prise en charge par le FGAO en application de l’article L. 421‑8 du code des assurances.

● En second lieu, seuls certains faits présentant le caractère matériel d’une infraction sont concernés, en application du 2° de l’article 706‑3 du CPP :

– les faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail (ITT) d’au moins un mois ;

– ou les faits constitutifs de viols, d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles sur mineurs, d’esclavage, de traite d’êtres humains, de proxénétisme, de travail forcé, de servitude, par renvoi aux dispositions du code pénal sanctionnant ces infractions.

● Enfin, la personne lésée doit être de nationalité française, ou les faits ayant causé le préjudice doivent avoir été commis sur le territoire national.

b.   L’indemnisation plafonnée sous condition de ressources

Un autre régime d’indemnisation est prévu à l’article 70614 du CPP et concerne certaines atteintes matérielles et les dommages corporels légers (par rapport à ceux mentionnés à l’article 706‑3).

● D’une part, ce régime concerne deux catégories de victimes :

– les victimes de vol, d’escroquerie, d’abus de confiance, d’extorsion de fonds ou d’atteinte aux biens, qui n’ont pu obtenir de réparation suffisante et effective de leur préjudice à un autre titre, et si cette impossibilité d’obtenir réparation les place dans une « situation matérielle ou psychologique grave » ;

– et les victimes qui ne peuvent prétendre au régime de réparation intégrale prévu à l’article 706‑3, dans la mesure où leur préjudice résulte de faits ayant entraîné une ITT inférieure à un mois.

● D’autre part, l’indemnisation est soumise à condition de ressources, et fait l’objet d’un plafonnement.

Les ressources de la victime doivent en effet être inférieures au plafond de l’aide juridictionnelle partielle, en tenant compte des éventuelles charges de famille. Ce plafond, prévu à l’article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ([355]) et fixé par les articles 3 à 6 du décret du 28 décembre 2020 ([356]), est revalorisé chaque année en fonction de l’inflation. Le plafond annuel est actuellement de 18 404 euros pour une personne seule, et augmente en fonction du nombre de personnes à charge (atteignant, à titre d’illustration, 31 657 euros pour quatre personnes à charge).

● Si ces conditions sont remplies, l’indemnisation prévue à l’article 706‑14 du CPP est possible.

L’indemnité ainsi accordée est plafonnée à trois fois le montant mensuel du plafond de ressources, soit 4 601 euros.

● Notons, enfin, que le régime d’indemnisation prévu à l’article 706‑14 du CPP est applicable aux victimes de la destruction par incendie de leur véhicule terrestre à moteur, selon des modalités spécifiques prévues à l’article 706141 du même code :

– la victime a satisfait aux obligations en matière de certificat d’immatriculation et de contrôle technique du véhicule ;

– elle est couverte par une assurance responsabilité conformément à l’article L. 211‑1 du code des assurances ;

– ses ressources n’excèdent pas une fois et demie le plafond de ressources annuelles prévu à l’article 706‑14 (soit 27 608 euros) ;

– le fait générateur du préjudice doit avoir été commis sur le territoire national.

Dans le cadre de ce régime particulier, la victime n’a pas à établir la gravité de la situation matérielle ou psychologique dans laquelle elle se trouve.

L’aide au recouvrement des dommages et intérêts

Les articles 706‑15‑1 et 706‑15‑2 du CPP prévoient un mécanisme d’aide au recouvrement des dommages et intérêts.

La personne qui s’est constituée partie civile et qui bénéficie d’une décision lui accordant des dommages et intérêts au titre du préjudice subi, mais qui ne peut prétendre à l’indemnisation prévue par les articles 706‑3 ou 706‑14 du CPP, peut solliciter une aide au recouvrement de ces sommes, en l’absence de paiement volontaire par le condamné dans un délai de deux mois.

La demande d’aide au recouvrement doit être adressée au FGTI dans un délai d’un an à compter du jour où la décision est devenue définitive.

L’aide au recouvrement fait intervenir le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI), qui relève du FGTI. Le SARVI complète ainsi l’action des CIVI en prenant en charge les préjudices ne pouvant être indemnisées par celles-ci.

 

c.   La procédure d’indemnisation

● La demande d’indemnité doit être présentée à la CIVI dans un délai de trois ans à compter de la date de l’infraction, ainsi que le prévoit l’article 706‑5 du CPP.

Si des poursuites pénales sont engagées, le délai de trois ans est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction statuant définitivement sur l’action publique ou l’action civile. Par ailleurs, la CIVI peut relever la victime de la forclusion, et donc accueillir la demande, pour tout motif légitime.

La requête présentée à la CIVI doit mentionner les éléments utiles à la décision de la commission, qui sont précisés aux articles R. 50‑9 à R. 50‑11 du CPP.

● En application de l’article 706‑5‑1 du CPP, le greffe de la CIVI transmet la demande d’indemnité au FGTI, qui :

– doit présenter, dans un délai de deux mois, une offre d’indemnisation ;

– ou, en cas de refus d’offre, doit motiver ce refus.

Une provision peut être versée à la victime par le fonds, si ce dernier ne conteste pas le droit à indemnisation mais que le préjudice n’est pas en état d’être liquidé.

Si la victime accepte l’offre, le FGTI transmet le constat d’accord à la CIVI aux fins d’homologation ; une fois homologué par le président de la CIVI, ce constat a force exécutoire, et le FGTI doit verser l’indemnisation.

Notons que le groupe de travail sur la simplification de la justice civile des États généraux de la justice (EGJ) préconisait une saisine directe du FGTI et la suppression de l’homologation du constat d’accord par le président de la CIVI ; ces propositions n’ont pas été retenues par le comité des EGJ, qui a jugé nécessaire une réflexion approfondie sur ces aspects ([357]).

● Si la victime n’accepte pas l’offre ([358]), ou si le fonds refuse d’offrir une indemnisation, l’instruction de l’affaire par la CIVI se poursuit.

La CIVI peut, aux termes de l’article 706‑6 du CPP, procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, et requérir la communication de renseignements – tels que ceux relatifs à la situation de la personne ayant à répondre du dommage.

Pour fixer le montant de l’indemnité, la CIVI tient compte des prestations sociales perçues par la victime, des sommes perçues au titre du remboursement de frais médicaux, ou encore des indemnités journalières.

● Dans l’hypothèse où la victime s’est vu reconnaître par le juge des dommages et intérêts supérieurs à l’indemnité accordée par la CIVI, elle peut demander dans un délai d’un an un complément d’indemnité (article 706‑8 du CPP).

La victime se constituant partie civile ou engageant une action contre les responsables du dommage doit indiquer si elle a saisi la CIVI et si celle-ci l’a indemnisée, à peine de nullité des dispositions civiles du jugement (article 706‑12 du CPP).

● En application du dernier alinéa de l’article 706‑9 du CPP, l’indemnité est versée par le FGTI, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision de la CIVI ou de l’homologation du constat d’accord (article R. 50‑24 du CPP).

Le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage le remboursement de l’indemnité. À ce titre, le FGTI peut se constituer partie civile, y compris pour la première fois en cause d’appel (article 706‑11 du CPP).

● La décision de la CIVI peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel (article R. 50‑23 du CPP).

2.   Le projet de loi initial

Le présent article améliore l’indemnisation des victimes d’infraction, en étendant les hypothèses existantes d’indemnisation, ce qui devrait conduire à un surcroît d’environ 6 000 dossiers par an, représentant, d’après l’étude d’impact, un coût compris entre 20 et 40 millions d’euros. Des emplois supplémentaires sont prévus pour traiter ces nouveaux dossiers (douze magistrats et dix-huit personnels de greffe).

Les nouvelles dispositions, aux termes du IV, s’appliqueront à la réparation des dommages résultant de faits commis à compter de la publication de la loi issue de l’adoption du présent projet de loi.

Cet article n’a appelé aucune observation particulière du Conseil d’État dans son avis rendu sur le présent projet de loi ([359]).

a.   L’ouverture de l’indemnisation sans condition de ressources aux victimes de violences familiales

Le I du présent article complète le 2° de l’article 706‑3 du CPP par une nouvelle hypothèse ouvrant droit à l’indemnisation sans condition de ressources prévue à cet article, en y ajoutant les violences familiales.

● Dans le détail, sont visées :

– les violences volontaires et les violences habituelles commises sur un mineur ou par le conjoint, le concubin ou le partenaire de la victime ;

– et qui ont entraîné une ITT supérieure à huit jours, par renvoi à l’article 222‑12 du code pénal ainsi qu’au 3° et au sixième alinéa de l’article 222‑14 du même code.

Cette extension a pour effet concret d’ouvrir le régime d’indemnisation prévu à l’article 706‑3 du CPP aux victimes de ces violences ayant subi une ITT supérieure à huit jours mais inférieure à un mois – les victimes de telles violences ayant subi une ITT d’un mois ou plus pouvant déjà prétendre à l’indemnisation.

● Dans le cadre de cette nouvelle hypothèse d’indemnisation, la réparation du préjudice sera plafonnée.

Le dispositif proposé prévoit, en effet, de déroger au principe de la réparation intégrale en cas d’ITT inférieure à un mois, renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer le montant maximal de la réparation.

● Le  du II du présent article tire les conséquences, pour le régime d’indemnisation sous condition de ressources prévu à l’article 706‑14 du CPP, de l’extension du régime prévu à l’article 706‑3, en supprimant la référence à l’ITT inférieure à un mois.

b.   L’élargissement du régime d’indemnisation sous condition de ressources

● Le régime d’indemnisation sous condition de ressources prévu à l’article 706‑14 du CPP est lui aussi élargi, dans la mesure où le  du II du présent article étend ses hypothèses d’ouverture aux victimes :

– de chantage ;

– d’abus de faiblesse ;

– d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données.

Les autres conditions prévues pour bénéficier de l’indemnisation au titre de ce régime demeurent applicables : la victime devra se trouver dans une situation matérielle ou psychologique grave, et ses ressources ne devront pas excéder le plafond annuel de l’aide juridictionnelle partielle (de 18 404 euros).

● Notons que le  du VI de l’article 27 du projet de loi tire les conséquences des modifications apportées à l’article 706‑14 du CPP pour les rendre applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu’en Nouvelle‑Calédonie, en modifiant à cet effet l’article 864 du CPP.

c.   La création d’une hypothèse d’indemnisation plafonnée en cas de violation de domicile

Enfin, le présent article prévoit, à son III, une nouvelle hypothèse d’indemnisation plafonnée, consacrée dans un nouvel article 706143 du CPP et concernant les victimes du délit de violation de domicile.

● Est visé le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction à l’aide de manœuvre, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, par renvoi au second alinéa de l’article 226‑4 du code pénal – ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Pour bénéficier de l’indemnisation ainsi ouverte, la victime devra justifier se trouver, en raison de la violation de domicile et de l’absence d’indemnisation à un autre titre, dans une situation matérielle grave.

● Si ce nouvel article 706‑14‑3 du CPP prévoit, pour les victimes de violation de domicile, que « l’article 706‑14 est applicable », il s’écarte de ce dernier sur plusieurs points :

– la situation psychologique grave n’est pas prévue, seule la situation matérielle étant retenue ;

– aucune condition de ressources n’est exigée ;

– si l’indemnité est plafonnée, ce plafond n’est pas celui prévu à l’article 706‑14, mais devra être fixé par voie réglementaire.

Le renvoi au pouvoir réglementaire du soin de fixer le plafond de l’indemnité est logique. En effet, l’actuel montant maximal prévu à l’article 706‑14 est défini par référence au plafond de ressources ouvrant droit à l’indemnisation. Or, le nouveau dispositif d’indemnisation n’étant pas subordonné à une condition de ressources, il n’y aurait guère de sens d’établir le plafond de l’indemnité par rapport à un plafond de ressources.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   Les modifications apportées en commission

Deux modifications ont été apportées en commission, chacune résultant de l’adoption d’amendements identiques des rapporteures et du Gouvernement ([360]) .

● D’une part, l’indemnisation des victimes de violences familiales sur le fondement de l’article 706‑3 du CPP a été précisée pour inclure expressément les victimes de violences commises par l’ancien conjoint, concubin ou partenaire ([361]).

Cette clarification bienvenue est parfaitement cohérente avec l’état du droit : rappelons en effet que le code pénal, à son article 132‑80, prévoit de manière générale que la circonstance aggravante constituée par la commission d’une infraction par le conjoint, le concubin ou le partenaire est également constituée si l’auteur est l’ancien conjoint, concubin ou partenaire.

● D’autre part, l’article 706‑5 du CPP a été modifié pour prévoir que, lorsque la victime est mineure au moment de l’infraction, le point de départ du délai de forclusion de la demande d’indemnité est fixé à sa majorité ([362]).

À titre d’exemple, si la victime a 16 ans, le délai de forclusion de trois ans n’expirera pas à ses 19 ans, mais commencera à courir à compter de ses 18 ans, pour prendre fin, en principe, à ses 21 ans.

b.   Les modifications apportées en séance

En séance, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable de la commission, pour améliorer la prise en charge des frais de déplacement de personnes victimes d’infractions à l’étranger ([363]).

Le principe de cette prise en charge est prévu à l’article 706‑14‑2 du CPP et vise à couvrir les frais de voyage et de séjour engagés pour répondre à une convocation à l’audience de jugement d’un procès se tenant à l’étranger.

● L’amendement du Gouvernement réécrit cet article 706‑14‑2, afin :

– d’étendre cette prise en charge aux ayants droit de la victime ;

– de prévoir que les demandes d’aide au titre de la prise en charge des frais de déplacement sont assimilées aux demandes d’indemnisation présentées devant la CIVI, si l’infraction répond aux dispositions de l’article 706‑3 du CPP (qui concerne les atteintes aux personnes) ;

– et de prévoir que ces demandes sont assimilées aux demandes d’indemnisation devant le FGTI, en cas d’actes de terrorisme.

● Cet amendement modifie également les dispositions du code de l’organisation judiciaire relatives à la compétence pour les demandes d’indemnisation des victimes d’infraction. Il a ainsi pour effet d’étendre cette compétence aux demandes relatives à la prise en charge des frais de déplacement, en procédant aux deux modifications suivantes :

– l’extension de la compétence de la CIVI est obtenue par une réécriture de l’article L. 214‑1 du COJ ;

– l’extension de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, compétent pour les demandes d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, résulte d’une modification du 1° de l’article L. 217‑6 du COJ.

4.   La position de la Commission

En plus de cinq amendements rédactionnels de vos rapporteurs, la Commission, là aussi à l’initiative de vos rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, a apporté une clarification au dispositif relatif à la prise en charge des frais de déplacement introduit au Sénat, afin de tenir compte des critères de nationalité existants s’agissant des victimes et des ayants droit (amendement CL883).

La modification apportée par la Commission vise à retenir, pour cette prise en charge, les mêmes conditions liées à la nationalité que celles prévues dans les dispositifs d’indemnisation des dommages causés par les infractions, aux articles 706‑3 du CPP et L. 126‑1 du code des assurances.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

*

*     *

 


titre III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

Chapitre 1er
Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques

Article 6
Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques (TAE)

Adopté par la Commission avec modifications

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit, à titre expérimental pour une durée de quatre années, de renommer neuf à douze tribunaux de commerce (TC) en tribunaux des activités économiques (TAE), d’étendre leur compétence en matière de procédures collectives à tous les débiteurs à l’exception de certaines professions libérales réglementées du droit (avocats et officiers ministériels), et d’instituer en leur sein une possibilité d’échevinage, en permettant la désignation de magistrats du siège en qualité d’assesseur.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a étendu, à compter du 1er janvier 2022, la compétence des tribunaux de commerce aux contestations relatives aux engagements entre artisans.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par plusieurs amendements.

Ces amendements ont conduit à :

–  supprimer la possibilité, pour les magistrats professionnels du tribunal judiciaire, de siéger en qualité d’assesseur au sein du TAE ;

– étendre le transfert de compétence prévu dans le cadre de l’expérimentation des TAE aux procédures amiables et collectives des avocats et officiers ministériels ;

– confier au TAE l’intégralité du contentieux des baux commerciaux, des baux professionnels et des conventions d’occupation précaire dès lors que les parties relèvent de sa compétence ordinaire (commerçants et artisans) ;

–  permettre au garde des Sceaux de nommer des juges représentants des agriculteurs, des avocats et des officiers ministériels dans les TAE le temps de l’expérimentation (les avocats et officiers ministériels ne pourront siéger que dans un TAE situé dans le ressort d’une cour d’appel différente) ;

– et associer le Parlement à l’évaluation de l'expérimentation.

     Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission modifié par cinq amendements.

Outre trois amendements rédactionnels, ces amendements ont supprimé plusieurs modifications introduites par le Sénat portant tant sur la composition du TAE que sur sa compétence.

Sur la composition, l’un des amendements adoptés a supprimé l’ajout de juges nommés par arrêté du ministre de la Justice.

Sur la compétence, les amendements adoptés ont conduit à :

– exclure les professions du droit réglementées (avocats, notaires, commissaires de justice, administrateur et mandataire judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce) du champ de compétence des TAE en matière de procédures amiables et collectives ;

– et limiter la compétence du TAE aux seules actions ou contestations relatives aux baux commerciaux, baux professionnels et conventions d’occupation précaires qui présentent avec la procédure des liens de connexité suffisants.

 

I.   L’État du droit

L’état du droit se caractérise, en matière de compétence juridictionnelle, par une distinction entre les activités commerciales et artisanales, d’une part, et les autres activités économiques, d’autre part.

Les premières relèvent du tribunal de commerce, juridiction judiciaire du premier degré disposant d’une compétence d’attribution et composée de juges élus.

Les secondes relèvent du tribunal judiciaire, composé de magistrats professionnels du corps judiciaire, en vertu de sa compétence de principe pour les litiges de première instance.

Cette distinction et cette répartition de compétence entre ces deux juridictions se retrouvent en matière de procédures collectives.

Par exception, les litiges relatifs aux baux commerciaux relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire ou de son président, malgré le fait qu’ils sont conclus, la plupart du temps, dans le cadre d’une activité commerciale ou artisanale.

A.   composition et compÉtence ordinaire du tribunal de commerce

1.   Composition

● Le tribunal de commerce est institué et régi par le titre II du livre VII du code de commerce (articles L. 721-1 à L. 724-7). Il s’agit d’une juridiction du premier degré composée « de juges élus et d’un greffier » (article L. 721-1).

Il est soumis aux dispositions communes aux juridictions judiciaires prévues par le livre Ier du code de l’organisation judiciaire (articles L. 111-1 à L.141-3), parmi lesquelles figure le principe selon lequel les juridictions judiciaires – à l’exception de la Cour de cassation, des cours d’appel et des tribunaux judiciaires – peuvent être composées « soit de magistrats du corps judiciaire, soit de juges non professionnels ».

Les juges des tribunaux de commerce – que l’on désigne également sous l’expression « juges consulaires » –  sont élus par un collège électoral composé de commerçants et d’artisans. Ils exercent leurs fonctions à titre bénévole.

Selon l’étude d’impact, en 2022, « 3 477 juges consulaires étaient en fonction (2 805 hommes et 672 femmes) ».

Le mandat de juge du tribunal de commerce est incompatible avec l’exercice des professions « d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire » (article L. 722-6-1 du code de commerce.

● Le tribunal de commerce, composé exclusivement de juges élus non professionnels, ne repose donc pas sur l’échevinage, qui désigne l’organisation d’une juridiction composée à la fois de magistrats professionnels et de personnes n’appartenant pas à la magistrature professionnelle.

Par exception, la justice commerciale est organisée selon un système échevinal en Alsace-Moselle et en outre-mer.

Ainsi, il n’y a pas de tribunaux de commerce dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Des chambres commerciales du tribunal judiciaire exercent les compétences du tribunal de commerce. La chambre commerciale est composée d’un membre du tribunal judiciaire, président, de deux assesseurs élus et d’un greffier (articles L. 731-1 à L. 731-3 du code de commerce).

Dans les départements et régions d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, des tribunaux mixtes de commerce sont institués et sont composés du président du tribunal judiciaire et de juges élus (article L. 732-1 L. 732-3, L. 937-1 et L. 947-1 du code de commerce)[364].

Dans les circonscriptions où il n’est pas établi de tribunal mixte de commerce, le tribunal judiciaire connaît des matières attribuées aux tribunaux mixtes de commerce (article L. 732-4 du code de commerce).

L’étude d’impact mentionne que « le territoire métropolitain est composé de :

- 134 tribunaux de commerce (TC) ;

- 7 tribunaux judiciaires (TJ) dotés d’une chambre commerciale en Alsace-Moselle, composée d’un magistrat du TJ et de deux assesseurs élus ;

- 9 tribunaux mixtes de commerce propres à l’outre-mer et 2 tribunaux de première instance statuant en matière commerciale, composés du président du tribunal et de juges élus ».

2.   Compétence ordinaire d’attribution

La compétence d’attribution des tribunaux de commerce est centrée sur les activités commerciales et artisanales.

La compétence dite ordinaire des tribunaux de commerce est déterminée par l’article L. 721-3 du code de commerce. Cet article dispose que « les tribunaux de commerce connaissent :

 des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

 de celles relatives aux sociétés commerciales ;

 et de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ».

Autrement dit, sont exclus de la compétence des tribunaux de commerce des pans entiers de l’activité économique au sens large, tels que les activités agricoles, libérales, ou encore les activités immobilières d’ordre patrimonial.

B.   compÉtence juridictionnelle en matiÈre de procÉdures collectives

La compétence juridictionnelle en matière de procédures collectives est répartie entre le tribunal judiciaire et le tribunal de commerce.

Selon l’étude d’impact, les tribunaux de grande instance (ancienne dénomination des tribunaux judiciaires) ont rendu 3 407 décisions en matière de procédures amiables et collectives, contre 24 845 pour les tribunaux de commerce. Le volume des procédures traitées par les tribunaux judiciaires, rapporté à celui traité par les tribunaux de commerce, s’élève donc à 14 %.

Les procédures amiables et collectives

On désigne par procédures collectives l’ensemble des mécanismes juridiques mis en place pour traiter les difficultés financières ou économiques rencontrées par une entreprise, dans le but de préserver son activité et d’assurer le règlement équitable de ses dettes envers ses créanciers.

Les procédures amiables ont pour objet de prévenir les difficultés des entreprises.

Ces procédures sont prévues par le livre VI du code de commerce et, pour les exploitants agricoles, par le chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime.

Les différentes procédures collectives sont la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire et la procédure de liquidation judiciaire.

La procédure de sauvegarde est ouverte sur demande du débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n’est pas en mesure de surmonter (article L. 620-1 du code de commerce).

La procédure de redressement judiciaire bénéficie au débiteur qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements (article L. 631-1 du code de commerce).

La procédure de liquidation judiciaire s’applique au débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible (article L. 640-1 du code de commerce).

Bien que régies par le code de commerce, ces procédures peuvent concerner toutes les activités économiques. Elles sont en effet applicables à « toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé » (articles L. 620-2 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde, L. 631-2 du même code pour le redressement judiciaire et L. 640-2 du même code pour la liquidation judiciaire).

Les procédures amiables comprenent notamment des procédures d’alerte et des procédures de conciliaton prévues au titre Ier du livre VI du code de commerce. Pour les exploitations agricoles, une procédure spécifique de règlement amiable est prévue par les articles L. 351-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

1.   Répartition entre tribunal judiciaire et tribunal de commerce

La clé de répartition est fixée par l’article L. 621-2 du code de commerce, lequel énonce que « le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale » et que « le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas ». Cet article est inséré dans une division spécifique à la procédure de sauvegarde, mais s’applique également en cas de redressement judiciaire en raison d’un renvoi de l’article L. 631-7, et en cas de liquidation judiciaire du fait d’un renvoi de l’article L. 641-1 du même code. 

Cette règle est reprise dans la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire, qui prévoit que le tribunal judiciaire a une compétence exclusive lorsque le débiteur n’exerce ni une activité commerciale, ni une activité artisanale (8° de l’article R. 211-3-26 du code de l’organisation judiciaire).

Il s’ensuit que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître des procédures collectives des agriculteurs, des professions libérales, des sociétés civiles immobilières, ou encore des associations.

2.   Compétence réservée au président de la juridiction

Les présidents des juridictions compétentes disposent de certaines prérogatives et compétences pour aider à la prévention des difficultés susceptibles d’être rencontrées par les entreprises.

a.   Le pouvoir de convocation des dirigeants

Le président du tribunal de commerce peut convoquer les dirigeants pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation « lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société commerciale, un groupement d’intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation » (article L. 611-2 du code de commerce).

Le même pouvoir de convocation est reconnu au président du tribunal judiciaire pour les personnes morales de droit privé et les personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (article L. 611-2-1 du code de commerce).

b.   Le pouvoir de désignation d’un mandataire ad hoc

Le président du tribunal de commerce peut, à la demande d’un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission (article L. 611-3 du code de commerce).

c.   La procédure de conciliation ou la désignation d’un conciliateur dans le cadre du règlement amiable

Le président du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire est compétent pour ouvrir une procédure de conciliation (article L. 611-6 du code de commerce).

Devant le tribunal de commerce, les débiteurs pouvant bénéficier de cette procédure de conciliation doivent exercer une activité commerciale ou artisanale (article L. 611-4 du code de commerce).

Devant le tribunal judiciaire, cette procédure de conciliation peut bénéficier aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (article L. 611-5 du code de commerce).

Cette procédure de conciliation n’est pas applicable pour les exploitations agricoles.

Toutefois, dans le cadre de la procédure de règlement amiable prévue pour les exploitations agricoles en difficulté, le président du tribunal judiciaire est compétent pour désigner un conciliateur, à la demande du débiteur ou à celle de ses créanciers (article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime).

3.   Spécialisation des tribunaux

Des tribunaux spécialisés peuvent être désignés pour traiter, en tout ou partie, des procédures collectives, tant parmi les tribunaux judiciaires que parmi les tribunaux de commerce.

a.   Tribunaux judiciaires spécialisés

S’agissant des tribunaux judiciaires, la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire prévoit que certains d’entre eux peuvent être spécialement désignés pour connaître seuls des procédures collectives dans l’ensemble des ressorts des tribunaux judiciaires d’un même département ou de deux départements (6° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire).

Toutefois, il n’a pas été désigné à ce jour de tribunaux judiciaires spécialisés pour les procédures collectives.

b.   Tribunaux de commerce spécialisés

S’agissant des tribunaux de commerce, la spécialisation est prévue dans la loi – à l’article L. 721-8 du code de commerce –  et ne concerne que les entreprises les plus importantes ou qui présentent un caractère international.

Des tribunaux de commerce sont ainsi spécialisés en matière de procédures collectives pour les entreprises commerciales et artisanales « dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d'affaires est d’au moins 20 millions d'euros », ainsi que pour celles, sans condition d’un minimum d’effectif de salariés « dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 40 millions d’euros ». Cette spécialisation de compétence porte également sur les sociétés qui détiennent ou contrôlent une société qui remplit les mêmes conditions de dépassement de seuil en matière d’effectifs ou de chiffre d’affaires. 

Ces tribunaux de commerce spécialisés sont également compétents pour les débiteurs qui possèdent un établissement sur le territoire d’un autre État membre, ou encore lorsque la compétence internationale résulte de la présence dans son ressort du centre principal des intérêts du débiteur.

Il est indiqué dans l’étude d’impact que 18 tribunaux de commerce ont été spécialisés pour traiter des procédures collectives de ces catégories de débiteurs ([365]).

C.   CompÉtence juridictionnelle en matiÈre de baux commerciaux

Il existe certaines exceptions à la compétence ordinaire du tribunal de commerce, par exemple en matière de baux commerciaux.

1.   Bail commercial 

Le régime juridique du bail commercial est prévu aux articles L. 145-1 à L.145-60 du code de commerce. Ce type de bail est spécifique aux activités commerciales, artisanales ou industrielles.

Il se caractérise par un encadrement très strict :

– du refus de renouvellement du bail par le bailleur, lequel peut être sanctionné par le paiement d’une indemnité d’éviction équivalente à la valeur du fonds de commerce, ce qui confère au preneur une sorte de « propriété commerciale » sur les locaux ;

– et de la révision du montant du loyer en cours de bail ou lors du renouvellement du bail.

2.   Compétence exclusive du tribunal judiciaire et de son président

Le président du tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à la fixation du loyer du bail révisé ou renouvelé. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes relatives aux loyers (article R. 145-23 du code de commerce).

Ces règles sont reprises dans la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire. Celle-ci prévoit que le tribunal judiciaire dispose d’une compétence exclusive en matière de baux commerciaux, à l’exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé (11° de l’article R. 211-3-26 du code de l’organisation judiciaire).

II.   le projet de loi initial

● Le présent article prévoit, à titre expérimental pour une durée de quatre années, de renommer neuf à douze tribunaux en commerce (TC) en tribunaux des activités économiques (TAE), d’étendre leur compétence en matière de procédures collectives à tous les débiteurs à l’exception de certaines professions libérales réglementées du droit, et d’instituer en leur sein une possibilité d’échevinage en permettant la désignation d’un magistrat du siège en qualité d’assesseur.

Il traduit en partie les préconisations formulées par le comité des États généraux de la justice.

Ainsi que le rappelle l’étude d’impact, « le groupe de travail « justice économique et sociale » mené dans le cadre des États généraux de la justice [a proposé] à titre expérimental la création d’un tribunal des activités économiques (TAE) non écheviné et sans modification du collège électoral mais aux compétences plus étendues […] pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine d'activité des opérateurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, SCI, associations) sans changement des règles de fond applicables à ces professions ».

● Le présent article, qui comprend treize alinéas, est divisé en trois parties :

– le I porte sur l’organisation et la composition du TAE (alinéas 1 à 5) ;

– le II porte sur la compétence du TAE (alinéas 6 à 10) ;

– enfin, le III est relatif aux conditions de l’expérimentation (alinéas 11 à 13) et prévoit notamment une évaluation, sous la forme d’un rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement.

A.   organisation et composition du tribunal des activitÉs Économiques (TAE)

1.   Changement de dénomination du tribunal de commerce

Le TAE institué par le présent article n’est pas une juridiction nouvelle. Il correspond au tribunal de commerce qui est simplement renommé (alinéa 1).

Il est donc composé des juges élus du tribunal de commerce (alinéa 2). Le collège électoral n’est pas modifié.

Le Gouvernement explique, dans l’étude d’impact, que « la réforme du collège électoral ne peut pas se faire à court terme dans le cadre de l’expérimentation dans la mesure où l’intégration dans le collège électoral des autres acteurs économiques concernés nécessite des concertations et un examen approfondi des conditions de cette intégration (calcul de la représentativité, équilibre du collège électoral, etc.) ».

De même, le greffe du TAE est assuré par le greffier du tribunal de commerce (alinéa 3).

Le TAE est soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l’organisation judiciaire (alinéa 4).

Les voies de recours sont inchangées (alinéa 5).

2.   Introduction d’un magistrat professionnel assesseur 

● Le comité des États généraux de la justice avait également proposé la création, au sein du TAE, d’une chambre mixte des sanctions des procédures collectives présidée par un magistrat professionnel du premier grade.

Selon l’étude d’impact, « cette option a néanmoins soulevé une double interrogation liée à l’acceptabilité d’une telle mesure tant pour le monde judiciaire que pour le monde des professions intéressées par la réforme ».

Tout en introduisant une possibilité d’échevinage dans la composition du TAE, le présent article ne met donc pas en œuvre la recommandation du comité des États généraux de la justice.

● Le présent article prévoit que les formations de jugement du TAE « peuvent comprendre un magistrat du siège en qualité d’assesseur » (alinéa 2). A contrario, les magistrats du siège désignés ne pourront donc pas présider l’une des chambres du TAE.

Il est précisé que ces magistrats du siège « sont désignés chaque année par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal des activités économiques, après avis du président du tribunal des activités économiques ».

Toutefois, cet avis n’est pas contraignant. Il « porte uniquement sur la répartition de ces magistrats dans les différentes formations de jugement de la juridiction ».

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que « le projet de loi détermine avec suffisamment de précision les modalités de désignation et les fonctions des magistrats du siège qui pourront être amenés à rejoindre les formations de jugement » (considérant n° 21).

B.   CompÉtence du tribunal des activitÉs Économiques (TAE)

La compétence des TAE est étendue, par rapport à celle des tribunaux de commerce, à deux domaines principaux, qui relèvent directement ou indirectement des procédures collectives prévues par le livre VI du code de commerce et le chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime.

1.   Extension de compétence en matière de procédures amiables et collectives

a.   Extension de compétence relevant du TAE

● De manière générale, il est prévu à l’alinéa 8 que le TAE « connaît des procédures collectives quels que soient le statut et l’activité du débiteur ».

Il s’ensuit que des acteurs économiques qui ne sont pas représentés au sein du collège électoral qui élit les juges du tribunal de commerce pourront faire l’objet d’une procédure collective par le TAE, composé majoritairement de ces mêmes juges.

Dans son avis, le Conseil d’État a considéré que, « si pendant la période d’expérimentation prévue pour durer quatre ans, le corps électoral des juges consulaires ne sera pas modifié et que, par suite, les juges consulaires seront nécessairement des commerçants ou des artisans sans que des représentants des nouveaux secteurs d’activités entrant dans le champ de compétence élargi du TAE puissent être désignés, cette situation ne saurait constituer un obstacle au déroulement de l’expérimentation, aucune exigence constitutionnelle n’imposant que les justiciables aient un droit à l’élection des juges ou que les juges soient choisis parmi leurs pairs » (considérant n° 21).

● Par exception, le présent article prévoit d’exclure de l’extension de compétence l’ensemble des professions dont l’exercice est incompatible avec l’exercice d’un mandat de juge du tribunal de commerce.

Ces professions sont visées par le deuxième alinéa de l’article L. 722-6-1 du code de commerce. Il s’agit des professions « d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire ».

Autrement dit, les procédures collectives des avocats et des officiers ministériels demeureraient de la compétence du seul tribunal judiciaire.

L’argument avancé par le Gouvernement dans l’étude d’impact pour écarter la compétence du TAE est que les membres de ces professions ne sont pas éligibles aux fonctions de juges consulaires et qu’« il n'y aurait que peu de sens » à les inclure dans l’expérimentation. En effet, même en cas d’élargissement du collège électoral pour l’élection des juges consulaires à l’issue de l’expérimentation, le Gouvernement n’envisage pas de proposer de lever les incompatibilités pour les avocats et officiers ministériels.

b.   Extension de compétence relevant du président du TAE

Par cohérence, la compétence du président du TAE est également étendue pour les procédures d’alerte et amiables, ainsi que pour les demandes de désignation de conciliateur (alinéas 6 et 7).

c.   Maintien des tribunaux spécialisés

De même, par cohérence, les tribunaux de commerce spécialisés pour les entreprises les plus importantes conservent leur spécialisation s’ils sont concernés par l’expérimentation (alinéa 10).

2.   Extension de compétence en matières de baux commerciaux en présence d’un lien de connexité avec une procédure collective

Le TAE connaît également de toutes les actions ou contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure collective dont il est saisi et qui présentent avec celle-ci « des liens de connexité suffisants » (alinéa 9).

Autrement dit, le présent article a pour effet de partager la compétence juridictionnelle en matière de baux commerciaux entre :

– le tribunal judiciaire, qui conserve sa compétence de principe ;

– et le TAE, qui est compétent uniquement en cas de connexité avec une procédure collective.

C.   Encadrement de l’expÉrimentation

● Le TAE est institué par le présent article à titre expérimental comme le permet l’article 37-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Article 37-1 de la Constitution

« La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

L’expérimentation doit concerner au moins neuf et au plus douze tribunaux de commerce désignés par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, pendant une durée de quatre ans à compter de la date fixée par cet arrêté (alinéa 11).

L’expérimentation débutera donc à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté ministériel désignant les juridictions concernées.

● Il est prévu qu’une évaluation soit opérée « six mois au moins avant le terme de l’expérimentation » et prenne la forme d’un rapport du Gouvernement au Parlement. L’évaluation doit notamment porter « sur la durée des procédures de liquidation judiciaire, le taux de réformation des décisions, la qualité du service rendu au justiciable et l’appréciation des auxiliaires de justice, au vu des statistiques fournies par le ministère de la justice, d’une part, et de questionnaires de satisfaction, d’autre part » (alinéa 12).

Concernant les effectifs de juges, l’étude d’impact mentionne qu’une augmentation des effectifs actuels des TAE « pourra être sollicitée si besoin par les chefs de cours d’appel et les présidents des tribunaux de commerce concernés », mais que celle-ci n’aura pas d’impact budgétaire, dès lors que ces juges sont bénévoles. En revanche, l’étude d’impact n’indique pas quel serait le nombre de magistrats du siège nommés dans les différents TAE.

● L’alinéa 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application du présent article, « notamment les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation ainsi que les règles d’information des usagers ».

Cet alinéa traduit une recommandation du Conseil d’État, qui a, dans son avis, estimé nécessaire « de prévoir qu’un décret en Conseil d’État vienne préciser les modalités de mise en œuvre et d’évaluation de cette expérimentation » (considérant n° 21).

III.   LES Modifications du SÉnat

● Le Sénat a adopté le présent article modifié par plusieurs amendements.

Ces amendements ont été adoptés lors de l’examen du texte par la commission des Lois du Sénat.

● Cinq des amendements adoptés ont été présentés par les rapporteurs.

Outre un amendement rédactionnel (n° com-116), ces amendements ont conduit à :

–  supprimer la possibilité, pour les magistrats professionnels du tribunal judiciaire, de siéger en qualité d’assesseur au sein du TAE (n° com-115,com11 et com-25, identiques, présentés M. Hussein Bourgi et Mme Nathalie Goulet) ;

– étendre le transfert de compétence prévu dans le cadre de l’expérimentation des TAE aux procédures amiables et collectives des avocats et des officiers ministériels (n° com-118) ;

– confier au TAE l’intégralité du contentieux des baux commerciaux, des baux professionnels et des conventions d’occupation précaire, dès lors que l’ensemble des parties relèvent de sa compétence ordinaire (commerçants et artisans) (n° com-119) ;

–  permettre au garde des Sceaux de nommer des juges représentants des agriculteurs, des avocats et des officiers ministériels dans les TAE, pendant la durée de l’expérimentation, sachant que les avocats et officiers ministériels ne pourront siéger que dans un TAE situé dans le ressort d’une cour d’appel différente (n° com-114).

● La commission des Lois du Sénat a adopté un sixième amendement, présenté par les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, qui a pour objet d’associer le Parlement à l’évaluation de l’expérimentation (n° com-90).

Cet amendement prévoit que l’évaluation doit associer, « dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ».

IV.   LA Position de la commission

Le présent article a été adopté par la commission modifié par cinq amendements présentés par vos rapporteurs et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Outre trois amendements rédactionnels, ces amendements ont supprimé plusieurs modifications introduites par le Sénat portant tant sur la composition du TAE que sur sa compétence.

Sur la composition, l’un des amendements (CL773) adoptés a supprimé l’ajout de juges nommés par arrêté du ministre de la Justice. La commission n’est pas revenue en revanche sur la suppression du magistrat professionnel en qualité d’assesseur.

Sur la compétence, les amendements adoptés ont conduit à :

– exclure les professions du droit réglementées (avocats, notaires, commissaires de justice, administrateur et mandataire judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce) du champ de compétence des TAE en matière de procédures amiables et collectives ; ces procédures demeurent ainsi dans le champ de compétence du tribunal judiciaire (amendement CL773) ;

– et limiter la compétence du TAE aux seules actions ou contestations relatives aux baux commerciaux, baux professionnels et conventions d’occupation précaires qui présentent avec la procédure des liens de connexité suffisants ; ceci a pour effet de préserver la compétence exclusive du tribunal judiciaire et de son président pour les autres actions ou contestations relatives aux baux commerciaux (amendements CL761 et CL54).

 

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Article 7
Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit, à titre expérimental, l’institution d’une contribution pour la justice économique, due à peine d’irrecevabilité par le demandeur lors de l’introduction d’une instance devant le tribunal aux activités économiques (TAE) expérimenté en application de l’article 6.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a abrogé la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts. Cette contribution était due par le justiciable introduisant une procédure en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale et rurale, ainsi qu’en matière administrative.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par deux amendements :

– l’un relatif à l’assiette de la contribution définie comme le « montant des demandes cumulées au stade de l’acte introductif d’instance » ;

– et l’autre visant à associer le Parlement à l’évaluation de l’expérimentation.

     Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission modifié par quatre amendements.

Outre deux amendements rédactionnels, ces amendements ont modifié le champ des exonérations prévues en recentrant l'exonération des personnes morales de droit public sur l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, d’une part, et en ajoutant une exonération générale pour les entreprises de moins de 250 salariés, d’autre part.

 

I.   L’État du droit

● Le principe de gratuité de la justice est mentionné à l’article L. 111-2 du code de l’organisation judiciaire. 

Il se traduit notamment par le fait que les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ne sont pas soumises au droit d’enregistrement (article 1089 A du code général des impôts), de même que les « actes des secrétariats des juridictions judiciaires » (article 1089 B du même code).

Selon l’étude d’impact, « le système judiciaire français est, avec ceux de l’Espagne (s’agissant des personnes physiques) et du Luxembourg, l’un des rares systèmes entièrement gratuits en Europe ». Elle expose, à titre d’illustration, qu’« en Allemagne, les frais et taxes de justice représentent 41 % du budget du système judiciaire en 2020, pour 4 835 046 992 € de taxes perçues », ou encore qu’ « en Autriche, les frais et taxes de justice représentent 97 % du budget du système judiciaire en 2020, pour 1 192 600 680 € de taxes perçues ».

● Par exception au principe de gratuité de la justice, l’article 1635 bis P du code général des impôts institue un droit de timbre d’un montant de 225 euros dû par les parties à l’instance d’appel, lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Ce droit doit être perçu jusqu’au 31 décembre 2026. Son produit est affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel.

Par ailleurs, jusqu’à son abrogation par l’article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, l’article 1635 bis Q du code général des impôts instituait une contribution pour l’aide juridique de 35 euros par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative. Son produit était affecté au Conseil national des barreaux (CNB).

Dans sa décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution ces deux impôts, aux motifs que « le législateur a poursuivi des buts d’intérêt général », que « eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l’aide juridique et le droit […] dû par les parties en instance d’appel n’ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense » (considérant n° 9).

● L’article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi, prévoit notamment que le législateur doit fixer « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».

II.   le projet de loi initial

Le présent article prévoit, à titre expérimental, l’institution d’une contribution pour la justice économique, due à peine d’irrecevabilité par le demandeur lors de l’introduction d’une instance devant le tribunal aux activités économiques (TAE) expérimenté en application de l’article 6.

Selon l’étude d’impact, le produit annuel attendu de la contribution pour la justice économique se situe dans une fourchette comprise entre 5,3 et 33,2 millions d’euros. Le Gouvernement indique également, dans l’étude d’impact, que le produit de cette contribution a vocation à concourir, via le budget général de l’État, au service public de la justice.

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que l’institution de cette contribution « ne vient heurter aucun principe d’ordre constitutionnel ou conventionnel, dès lors que la mesure est fondée sur un motif d’intérêt général et que ses modalités ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense » (considérant n° 22).

A.   ExpÉrimentation d’une contribution pour la justice Économique

● Le présent article met en œuvre une recommandation issue des États généraux de la justice.

Le comité des États généraux de la justice a indiqué, dans son rapport, adhérer « pleinement à la proposition d’expérimenter une dérogation au principe de la gratuité de la justice, en particulier pour les procès commerciaux et, plus largement, économiques opposant des entreprises ».

Il a également souligné « que l’application sans aucun tempérament du principe de la gratuité de la justice conduit à un défaut de responsabilisation des parties dans l’engagement des procédures et l’épuisement des voies de recours, et qu’elle n’encourage pas suffisamment au règlement extra-judiciaire sous la forme d’une médiation ».

● La contribution pour la justice économique est instituée par le présent article à titre expérimental, comme le permet l’article 37-1 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Il est prévu que cette expérimentation se déroule dans les tribunaux de commerce désignés dans les conditions fixées au III de l’article 6.

En conséquence, l’expérimentation doit concerner au moins neuf et au plus douze tribunaux de commerce désignés par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, pendant une durée de quatre ans à compter de la date fixée par cet arrêté.

L’expérimentation débutera à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté ministériel désignant les juridictions concernées.

A contrario, durant l’expérimentation, cette contribution ne sera pas due pour l’introduction d’une instance devant un tribunal de commerce.

● Il est prévu, à l’alinéa 12 du présent article, qu’une évaluation soit opérée « six mois au moins avant le terme de l’expérimentation » et prenne la forme d’un rapport du Gouvernement au Parlement. L’évaluation doit notamment porter « sur une appréciation de l’évolution de la part d’activité contentieuse subordonnée à la contribution ainsi que sur les effets de celle-ci, selon les domaines contentieux, en matière de recours à des modes de règlement alternatif des conflits ainsi que sur l’appréciation des auxiliaires de justice, au vu des statistiques fournies par le Ministère de la Justice ».

B.   CaractÉristiques de la contribution pour la justice Économique

1.   Champ d’application

● Le présent article prévoit, à l’alinéa 1, que la contribution pour la justice économique est due par le demandeur à peine d’irrecevabilité et que « le juge peut prononcer d’office » cette irrecevabilité.

Le fait générateur de la contribution est l’introduction de l’instance devant le TAE.

L’assiette est le « montant du litige ».

Le taux est fixé par « un barème défini par décret en Conseil d’État, dans la limite de 5 % du montant du litige ». Il est toutefois prévu un plafonnement de la contribution à « un montant maximal de 100 000 euros ».

Il est précisé, à l’alinéa 2 du présent article, que le barème doit tenir compte « du montant de la demande, de la nature du litige, de la capacité contributive de la partie demanderesse appréciée en fonction de son chiffre d’affaires ou de son revenu fiscal de référence et de sa qualité de personne physique ou morale ».

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que « l’application du barème de l’aide juridictionnelle pour établir un seuil d’éligibilité au versement de la contribution par les demandeurs n’était pas adaptée à la situation de personnes physiques agissant en qualité d’entrepreneurs individuels ». Il a recommandé, en conséquence, que « cette particularité soit prise en compte parmi les critères qui permettront d’élaborer un barème définitif par voie réglementaire au titre de cette expérimentation » (considérant n° 22). 

● Le recouvrement de cette contribution est assuré gratuitement et, le cas échéant, par voie électronique, par les greffiers des tribunaux de commerce, lesquels émettent à cet effet un titre exécutoire. Le président de la juridiction, ou le magistrat délégué à cet effet, statue par ordonnance en cas de contestation (alinéa 8 du présent article).

Ces dispositions mettent en œuvre une préconisation du Conseil d’État, qui avait estimé, dans son avis, « nécessaire de compléter le projet en précisant que la contribution est rendue exigible par un titre exécutoire du greffier compétent et que la contestation de son montant est portée devant le président du tribunal concerné », dans la mesure où cette contribution revêt « le caractère d’une imposition au sens de l’article 34 de la Constitution » (considérant n° 22).

2.   Exonérations et remboursement

● Trois cas d’exonération sont prévus aux alinéas 3 à 6 du présent article.

La contribution n’est pas due :

– par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ;

– par le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce et aux articles L. 351-1 à L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime ;

– et par les personnes morales de droit public.

Vos rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de ce dernier cas d’exonération, qui leur paraît trop large dans la mesure où des personnes morales de droit public peuvent avoir des activités économiques sur un marché concurrentiel. En équité et en opportunité, l’exonération en faveur de ces dernières peut se discuter.

● Par ailleurs, il est prévu à l’alinéa 9 du présent article que la contribution est remboursée « en cas de recours à un mode amiable de règlement du différend emportant extinction de l’instance et de l’action ou de désistement ». Ceci est de nature à inciter les parties à se concilier ou à transiger, ce qui peut contribuer à désengorger la juridiction.

C.   autres dispositions

● Il est prévu à l’alinéa 7 du présent article que « les dispositions du code de procédure civile relatives aux dépens sont applicables à la contribution ». Il s’ensuit que la charge définitive de la contribution incombe à la partie condamnée aux dépens.

● Le présent article ouvre, à l’alinéa 10, la faculté au TAE de condamner une partie au litige à une amende civile d’un montant maximum de 10 000 euros « en cas de comportement dilatoire ou abusif ».

Cette disposition est prévue en l’état du droit à l’article 32-1 du code de procédure civile.

● Enfin, l’alinéa 13 du présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application du présent article, « notamment les conditions de collaboration des greffiers des tribunaux de commerce ainsi que les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation ».

Cet alinéa traduit une recommandation du Conseil d’État, qui a estimé nécessaire, dans son avis, de prévoir qu’un décret en Conseil d’État vienne « compléter ces dispositions pour préciser les modalités concrètes de mise en œuvre de cette expérimentation, concernant en particulier le détail du barème du montant de cette contribution, le rôle attendu des greffiers pour sa perception, ainsi que les conditions de son évaluation » (considérant n° 22).

III.   LES Modifications du SÉnat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par deux amendements.

Ces deux amendements ont été adoptés lors de l’examen du texte par la commission des Lois du Sénat.

En premier lieu, un amendement présenté par les rapporteurs a apporté des précisions concernant la fixation du montant de la contribution pour la justice économique (n° com-120).

L’amendement adopté définit l’assiette de la contribution comme devant correspondre au « montant des demandes cumulées au stade de l’acte introductif d’instance », afin d’éviter d’éventuelles difficultés en cas de demandes nouvelles formulées par la partie demanderesse au cours de l’instance.

Il précise en outre que le chiffre d’affaires dont il doit être tenu compte pour la fixation du barème par décret sera le chiffre d’affaires « annuel moyen sur les trois dernières années ».

Enfin, il ajoute les « bénéfices » à la liste des critères dont devra tenir compte le barème de l’impôt.

En second lieu, la commission des lois du Sénat a également adopté un amendement, présenté par les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, qui a pour objet d’associer le Parlement à l’évaluation de l’expérimentation d’une contribution pour la justice économique (n° com-91).

L’amendement adopté prévoit que l’évaluation doit associer, « dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ».

IV.   LA Position de la commission

Le présent article a été adopté par la commission modifié par quatre amendements présentés par vos rapporteurs et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Outre deux amendements rédactionnels, ces amendements ont modifié le champ des exonérations prévues en recentrant l'exonération des personnes morales de droit public sur l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements (amendement CL971), d’une part, et en ajoutant une exonération générale pour les entreprises de moins de 250 salariés, d’autre part (amendement CL983).

 

 

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Chapitre II
Diverses dispositions relatives à la formation et à la responsabilité des juges non professionnels

Article 8
(art. L. 144111 et L. 1442141 [nouveau] du code du travail)
Conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes et régime disciplinaire applicable

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend les possibilités de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes, en autorisant les candidats qui peuvent déjà postuler dans le ressort de leur domicile à postuler dans les ressorts qui lui sont limitrophes, et en ouvrant ces deux possibilités aux salariés qui exercent leur activité professionnelle à domicile ou en dehors de toute entreprise.

Il précise le régime disciplinaire applicable et prévoit que la cessation de fonction d’un conseiller prud’hommes ne fait plus obstacle à l’engagement de poursuites disciplinaires et au prononcé de sanctions à son égard ; en outre, il définit les sanctions applicables en pareil cas.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud’hommes a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions prévoyant la désignation des conseillers prud’hommes en fonction de l’audience des organisations syndicales de salariés, mettant fin au système électif qui prévalait jusqu’alors. L’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes a défini les modalités de ce nouveau mode de désignation, en procédant à la rédaction du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code du travail intitulé « désignation des conseillers prud’hommes ». L’article L. 1441‑11 résulte de cette rédaction et n’a depuis fait l’objet d’aucune modification.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas modifié cet article.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs.

1.   L’état du droit

a.   Les conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’homme

En 2016, le mode de désignation des conseillers prud’hommes a fait l’objet d’une importante réforme, en passant d’un système électif à un système de désignation sur la base de l’audience syndicale. Le système électif, coûteux et qui faisait face à un important taux d’abstention, a été supprimé par la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud’hommes, qui a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions prévoyant la désignation des conseillers prud'hommes en fonction de l’audience des organisations syndicales de salariés.

L’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes, ratifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a précisé les conditions de désignation des conseillers prud’hommes dans un chapitre comprenant les articles L. 1441‑1 à 1441‑31 du code du travail.

Désormais, en application de l’article L. 1441‑1 du code du travail, les conseillers prud’hommes « sont nommés conjointement par le garde des Sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud’hommes, collège et section ([366]) , sur proposition des organisations syndicales et professionnelles selon les modalités fixées au présent chapitre ».

La désignation des conseillers prud’hommes suit une procédure en deux temps.

Elle débute par une phase, menée tous les quatre ans, de répartition des sièges entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs. Cette phase est menée conjointement par le ministère de la justice et le ministère du travail. Elle aboutit à la publication d’un arrêté portant attribution des sièges de conseillers prud’hommes et d’un arrêté ouvrant la période de dépôt des candidatures.

S’ensuit la phase de dépôt des candidatures, dont la conformité aux règles applicables est contrôlée par le ministère de la justice.

Les conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes sont précisées aux articles L. 1441-6 à L. 1141‑23 du code du travail.

Peuvent présenter leur candidature :

– les salariés et les employeurs ;

– les personnes à la recherche d’un emploi inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi ;

– les personnes ayant cessé d’exercer toute activité professionnelle.

Toutes ces personnes sont soumises à certaines conditions communes de nationalité, de moralité, d’âge – il faut être âgé au moins de vingt-et-un ans. Les candidats doivent en outre avoir exercé une activité professionnelle pendant deux ans ou des fonctions prud’homales dans les dix ans précédant leur candidature.

Les candidatures doivent encore répondre à un critère géographique. L’article L. 1441‑11 du code du travail définit pour chaque catégorie de candidat le ressort dans lequel sa candidature peut être effectuée, et ajoute certaines exceptions.

Les salariés et employeurs peuvent postuler :

– soit dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel ils exercent leur activité principale ;

– soit dans la section de l’un des conseils de prud’hommes limitrophes.

Au sein de cette catégorie de candidats figurent deux exceptions :

– les voyageurs, représentants ou placiers bénéficient d’un troisième choix : ils peuvent aussi être candidats dans le conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile ;

– les employés de maison et leurs employeurs quant à eux ne postulent pas sur le lieu d’activité : ils doivent être candidats dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile, ou dans la section de même nature de l’un des conseils de prud’hommes limitrophes.

Les personnes à la recherche d’un emploi inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi et celles ayant cessé d’exercer toute activité professionnelle ont quant à elles un triple choix. Elles peuvent être candidates :

– dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel elles exerçaient leur dernière activité professionnelle,

– dans la section de même nature de l’un des conseils de prud’hommes limitrophes ;

– dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile.

Il en résulte que la candidature dans le conseil de prud’hommes du lieu de domicile n’est applicable, parmi les salariés et employeurs, que pour les voyageurs, représentants ou placiers, ainsi que pour les employés de maison et leurs employeurs.

La candidature dans un conseil limitrophe du conseil correspondant à leur domicile n’est, quant à elle, ouverte qu’aux employés de maison. 

Ce critère géographique restreint le vivier de candidatures, alors même que les organisations syndicales et professionnelles rencontrent des difficultés pour présenter des candidats. Il conduit d’ailleurs à ce qu’un certain nombre de candidatures soient rejetées : lors du dernier renouvellement général survenu en 2022, 50 demandes de candidature n’ont pas pu être prises en compte à cause des règles sur les candidatures dans les ressorts limitrophes. Cela apparaît d’autant plus problématique que le taux de vacances des sièges de conseillers prud’hommes s’élève actuellement à 8 %.

b.   Le régime disciplinaire des conseillers prud’hommes

Lors de leur prise de fonction, les conseillers prud’hommes prêtent le serment suivant : « Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations ». Ces devoirs et obligations déontologiques sont définis par le code du travail.

L’article L. 1421-2 dudit code dispose que les conseillers prud’hommes « exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations. Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. »

Lorsque ces devoirs ne sont pas respectés, l’article L. 1442‑13‑1 du code du travail permet aux premiers présidents de cour d’appel, en dehors de toute procédure disciplinaire, de « rappeler à leurs obligations les conseillers prud’hommes des conseils de prud’hommes situés dans le ressort de leur cour ».

En dehors de cette procédure de rappel aux obligations, c’est la procédure disciplinaire qui devra être engagée pour déterminer si le manquement à l’un de ces devoirs, dans l’exercice des fonctions, est constitutif d’une faute disciplinaire. Depuis 2015 ([367]) , cette procédure est confiée à un organe disciplinaire propre aux conseillers prud’hommes : la commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes.

La commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes (CNDCP)

Siégeant à la Cour de cassation et présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le premier président de cette dernière, la CNDCP comprend, en application de l’article L. 1442‑13‑2 du code du travail :

– un membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président de celui-ci ;

– un magistrat et une magistrate du siège des cours d’appel, désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d’appel, chacun d’eux arrêtant le nom d’un magistrat et d’une magistrate du siège de sa cour d’appel après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège de celle-ci ;

– un représentant et une représentante des salariés, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des salariés au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein ;

– un représentant et une représentante des employeurs, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des employeurs au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein.

Le mandat de ses membres est de quatre ans depuis la publication du décret n° 2017‑1603 du 23 novembre 2017 portant modification des dispositions relatives à la désignation des membres de la commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes.

Ses membres sont désignés dans les trois mois suivant le renouvellement du Conseil Supérieur de la prud’homie, dont ils sont en partie issus.

La procédure disciplinaire se déroule devant la commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes selon les phases suivantes :

● la saisine : la procédure débute par la saisine de la commission par le ministre de la justice ou le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud’homme siège, après audition de celui-ci par le premier président.

● l’instruction : une fois la commission saisie, son président désigne un rapporteur chargé de mener l’instruction. Durant cette phase, il mène toutes les investigations utiles : le conseiller et tout témoin peuvent être entendus. Le conseiller peut verser toute pièce utile au dossier.

● l’audience : lorsque la phase d’instruction est achevée, le conseiller est cité à comparaître, en personne, à l’audience. Celle-ci est publique. Le conseiller, qui peut être assisté d’un pair ou d’un avocat, est invité à présenter sa défense sur les faits qui lui sont reprochés.

● le prononcé d’éventuelles sanctions. Après l’audience, la commission délibère à huis clos. Sa décision, motivée et rendue publique, est notifiée à l’intéressé ; elle est susceptible de recours devant la Cour de cassation.

Si la commission considère qu’est caractérisé le manquement aux devoirs applicables aux conseillers prud’hommes, la commission prononce une sanction disciplinaire. L’éventail des sanctions est fixé à l’article L. 1442-14 du code du travail. Il comprend, par ordre de gravité :

– le blâme ;

– la suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois ;

– la déchéance assortie d’une interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans ;

– la déchéance assortie d’une interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme.

Il faut encore noter qu’en cas de non-respect de l’article L. 1442-11 du code du travail, qui prévoit que « l’acceptation par un conseiller prud’homme d’un mandat impératif, avant ou après son entrée en fonction et sous quelque forme que ce soit, constitue un manquement grave à ses devoirs », l’ordonnance n°2016-388 du 31 mars 2016 précitée prévoit que la sanction est nécessairement la déchéance du mandat.

Sauf recours contre la décision de la commission, la procédure disciplinaire prend en principe fin avec la publication de la décision.

Toutefois, la circulaire du 7 août 2018 relative à la déontologie et la discipline des conseillers prud’hommes précise que « la cessation des fonctions fait obstacle à l’engagement de poursuites et au prononcé de sanctions. Aucune procédure disciplinaire ne peut donc être engagée à l’encontre d’un ancien conseiller prud’homme ».

La procédure disciplinaire peut donc ne pas être initiée si cessent les fonctions du conseiller poursuivi, en raison d’une démission, de l’achèvement de son mandat ou s’il est atteint par la limite d’âge.

Si la procédure était déjà engagée au moment de la cessation de fonctions de la personne poursuivie, elle ne pourra aboutir au prononcé d’une sanction. En effet, la Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes observe qu’il lui appartient « de poursuivre la procédure disciplinaire engagée, quand bien même aucune des sanctions prévues à l’article L. 1442-14 ne pourra être prononcée, quelle que soit la réalité des faits poursuivis et leur qualification » ([368]) .

Depuis 2017, sur les seize procédures achevées, treize ont mené au prononcé d’une décision de la commission. À l’inverse, à trois reprises, la commission a été contrainte de constater la démission du conseiller poursuivi au cours de la procédure. La commission observe qu’en pareil cas, alors même qu’elle était « régulièrement saisie de faits survenus, révélés et poursuivis avant la cessation de fonctions du conseiller prud’homme », elle se trouve « tenue de vider sa saisine, c’est-à-dire d’analyser les faits et de les qualifier », sans toutefois pouvoir prononcer de sanction à l’égard du conseiller poursuivi. La faute disciplinaire est ainsi qualifiée, mais son auteur ne peut être sanctionné.

Par ailleurs, au cours de la même période, les poursuites disciplinaires n’ont pu être engagées face à six conseillers, qui ont démissionné avant que la procédure ne soit régulièrement initiée. Comme l’a indiqué en audition M. Sommer, Président de la commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes, ces manœuvres fragilisent l’autorité des poursuites et appellent une réponse.

2.   Le projet de loi initial

a.   L’assouplissement des conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’homme

L’article 8 du projet de loi assouplit doublement les conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’homme :

– Il prévoit que les voyageurs, représentants ou placiers, les demandeurs d’emploi et les personnes ayant cessé d’exercer toute activité professionnelle, qui peuvent déjà être candidats dans le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile, puissent désormais également se porter candidats dans les ressorts limitrophes de leur domicile ;

– Il ouvre ces deux mêmes possibilités aux salariés exerçant à domicile ou en dehors de toute entreprise. Il s’agit ainsi de favoriser les candidatures de salariés qui n’ont pas de lieu fixe de travail ou exercent en dehors d’un établissement, tels que les travailleurs saisonniers, les personnels naviguant ou travaillant sur des chantiers. 

En assouplissant les conditions géographiques de candidature aux fonctions de conseiller prud’homme, l’article 8 du projet de loi reprend une revendication, portée par les syndicats dans le cadre des États généraux de la justice, en faveur d’une amélioration des conditions de candidatures aux fonctions de conseillers prud’hommes.

L’assouplissement des conditions de candidature afin d’élargir le vivier de recrutement et de renforcer l’attractivité des fonctions est de nature à réduire les difficultés de recrutement et, partant, à diminuer les vacances de sièges et donc les délais de traitement des affaires. Il devrait également améliorer la qualité des candidatures, au bénéfice de la qualité de la justice prud’homale.

b.   Le maintien de la possibilité de poursuites disciplinaires en cas de cessation des fonctions d’un conseiller prud’homme.

L’article 8 du projet de loi prévoit que la cessation des fonctions d’un conseiller prud’homme, quelle que soit la cause de cette cessation de fonction, ne fait plus obstacle ni à l’engagement des poursuites disciplinaires, ni à l’achèvement des poursuites si celles-ci étaient déjà engagées au moment de la cessation de fonctions.

Afin de « renforcer l’efficience du régime disciplinaire des conseillers prud’hommes » et de mettre fin à l’impunité conférée par la démission, l’article 8 prévoit que la procédure disciplinaire peut être engagée, et que des sanctions peuvent être prononcées, même lorsque les fonctions de la personne poursuivie ont pris fin.

L’article 8 prévoit que, dans ce cas, peuvent être prononcées deux nouvelles sanctions disciplinaires, qui visent à empêcher qu’un conseiller ayant commis une faute disciplinaire puisse de nouveau se porter candidat :

– l’interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans ;

– l’interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme.

Ce dispositif, déjà en vigueur pour les juges consulaires ([369]), permet d’empêcher un conseiller fautif ayant démissionné pour éviter une sanction disciplinaire de se faire désigner de nouveau pendant une certaine durée.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

4.   La position de la Commission

Le dispositif prévu au présent article est apparu utile à la Commission pour élargir le vivier de recrutement des conseillers prud’hommes et améliorer leur régime de responsabilité.

La Commission a adopté cet article, modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

 

 

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Article 8 bis A
(art. L. 144217 et L. 144218 du code du travail)
Adaptation et ouverture de la procédure de relèvement d’incapacité aux conseillers prud’hommes réputés démissionnaires pour défaut de formation initiale

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance avec avis favorable du Gouvernement, ouvre la procédure de relèvement d’incapacité aux conseillers prud’hommes réputés démissionnaires pour non-respect de l’obligation de formation, et prévoit que le relèvement est effectué par arrêté.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social a supprimé, pour les conseillers prud’hommes déchus de leurs fonctions, le bénéfice de la procédure de relèvement de capacité.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

1.   L’état du droit

L’article L. 1441-10 du code du travail interdit de se porter candidat aux fonctions de conseiller prud’homme dans un délai de quatre ans à tout conseiller qui est :

– déclaré déchu au cours d’une procédure disciplinaire ;

– nommé mais refuse de se faire installer ;

– déclaré démissionnaire ;

– réputé démissionnaire pour n’avoir pas satisfait à l’obligation de formation initiale prescrite à l’article L. 1442-1 du code du travail.

L’incapacité est d’une durée de quatre ans à compter du refus d’être installé, de la décision du tribunal qui a déclaré le conseiller démissionnaire ou de l’expiration du délai au cours duquel doit être faite la formation initiale obligatoire.

Une procédure de relèvement de l’incapacité est prévue à l’article L. 1442-17 du code du travail pour les seuls conseillers prud’hommes qui ont refusé de se faire installer ou qui ont été déclarés démissionnaires. Les conseillers réputés démissionnaires au titre du non-respect de l’obligation de formation ne peuvent donc, en l’état du droit, bénéficier de la procédure de relèvement d’incapacité.

En application de l’article L. 1442-18, la demande en relèvement d’incapacité est adressée au ministre de la justice. Elle n’est recevable qu’après écoulement d’un délai d’un an depuis le refus d’installation ou la démission. En cas de rejet, un nouveau délai d’un an doit être respecté pour demander de nouveau le relèvement de la capacité, dont la décision est prise par décret.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Cet article, introduit au Sénat en séance avec avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, ouvre la procédure de relèvement d’incapacité aux conseillers prud’hommes réputés démissionnaires pour non-respect de l’obligation de formation.

Cette disposition devra permettre de tenir compte d’éventuels motifs légitimes ayant conduit le conseiller prud’homme à ne pas respecter la réalisation de son obligation de formation initiale dans le délai de quinze mois prescrit à l’article D. 1442‑10‑1 du code du travail. 

Par parallélisme des formes avec les conditions de nomination des conseillers prud’hommes, l’article 8 bis A prévoit qu’il est procédé au relèvement d’incapacité par arrêté et non plus par décret.

3.   La position de la Commission

Le dispositif prévu au présent article perfectionne l’obligation de formation initiale des conseillers prud’hommes en organisant les conditions de relèvement d’incapacité de ces juges non professionnels réputés démissionnaires pour non‑respect de cette obligation. Ce faisant, il procède à une harmonisation louable avec le régime applicable aux juges consulaires, et améliore la lisibilité du statut de ces juges.

La Commission a, en conséquence, adopté cet article sans modification.

 

 

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Article 8 bis
(art. 14213 [nouveau] du code du travail)
Création d’une obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’hommes
 

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en commission, institue une obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’hommes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 215‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a introduit dans le code du travail un article L. 1421‑2 énumérant les obligations déontologiques applicables aux conseillers prud’hommes.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a porté à six mois le délai au terme duquel les conseillers prud’hommes doivent avoir déposé leur déclaration d’intérêts.

 

1.   L’état du droit

Les obligations déontologiques des conseillers prud’hommes sont définies à l’article L. 1421‑2 du code du travail. Les conseillers prud’hommes doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité. Ils doivent se comporter « de façon à exclure tout doute légitime à cet égard », et doivent s’abstenir « de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions ».

Ils sont, en outre, tenus au secret des délibérations, et leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie.

L’article L. 1442-11 du code du travail prévoit par ailleurs que « l’acceptation par un conseiller prud’homme d’un mandat impératif, avant ou après son entrée en fonction constitue un manquant grave à ses devoirs », qui « entraîne la déchéance [de son] mandat ».

L’inscription de ces obligations déontologiques dans le code du travail n’a pas été accompagnée d’une obligation de déclaration d’intérêts, exigée des magistrats professionnels depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2016‑1090 du 8 août 2016 ([370]), qui a instauré cette obligation à l’article 7-2 de l’ordonnance statutaire.

Les juges non professionnels que sont les juges consulaires ont également été soumis à une déclaration d’intérêts par la loi n° 2016-1547 ([371]), qui a inséré dans le code de commerce un article L. 722-21 prévoyant les contours de cette obligation.

L’obligation de déclaration d’intérêts des juges consulaires

Les juges des tribunaux de commerce doivent remettre une déclaration de leurs intérêts dans un délai de deux mois à compter de leur prise de fonctions.

La déclaration est remise :

– au président du tribunal pour les juges consulaires ;

– au premier président de la cour d’appel pour les présidents des tribunaux de commerce du ressort de cette cour.

La remise de la déclaration donne lieu à l’organisation d’un entretien déontologique du juge avec l’autorité à qui il doit remettre la déclaration ; cette dernière peut être modifiée à l’issue de l’entretien.

Si la déclaration ne peut être communiquée aux tiers, elle peut en revanche être transmise à la commission nationale de discipline, à sa demande, en cas d’engagement d’une procédure disciplinaire.

Des sanctions sont prévues en cas de non-respect de cette obligation.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Introduit en commission par un amendement des rapporteures de la commission des Lois du Sénat, le présent article prévoit la remise d’une déclaration d’intérêts au président ou au vice‑président du conseil de prud’hommes (ou au premier président de la cour d’appel pour les présidents des conseils de prud’hommes) dans un délai de deux mois suivant l’installation dans les fonctions.

La remise de la déclaration a lieu lors d’un entretien déontologique dont l’objet est de prévenir les éventuels conflits d’intérêts.

Le dispositif est analogue à celui applicable aux juges consulaires, et la mesure doit ainsi permettre d’harmoniser le régime déontologique des juges professionnels et non professionnels.

La déclaration doit mentionner « les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions que le déclarant a ou a eues pendant les cinq années précédant sa prise de fonction ».

Des sanctions sont prévues en cas d’inexécution de l’obligation : le fait de ne pas remettre la déclaration ou d’en adresser une n’évoquant pas une partie substantielle des intérêts qui devraient être mentionnés est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. En outre, l’interdiction des droits civiques et l’interdiction d’exercer une fonction publique peuvent être prononcées à titre complémentaire.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de vos rapporteurs, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, afin d’apporter une précision rédactionnelle et de porter le délai de dépôt des déclarations d’intérêts des conseillers prud’hommes à six mois. Le dispositif inscrit à l’article 8 bis étend légitimement aux conseillers prud’hommes cette obligation déclarative, déjà applicable aux juges consulaires. Toutefois, dans la mesure où la remise de la déclaration s’accompagne d’un entretien déontologique, il est apparu nécessaire de prévoir un délai plus long pour tenir compte du nombre d’entretiens que les présidents et vice-présidents de conseils des prud’hommes auront à organiser.

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Article 8 ter
(art. 14419 et 14423 du code du travail)
Instauration d’une limitation du cumul des mandats de conseiller prud’hommes et d’une limite d’âge pour l’exercice de cette fonction

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance, limite à cinq le nombre de mandats consécutifs qu’un conseiller prud’homme peut exercer au sein d’une même juridiction, et fixe une limite d’âge maximal de 75 ans pour l’exercice des fonctions de conseiller prud’homme.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition législative n’a récemment porté sur une limitation du cumul dans le temps des mandats de conseillers prud’hommes ou sur la fixation d’un âge maximal pour exercer cette fonction.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article L. 1441‑9 du code du travail énumère un certain nombre de limites s’appliquant aux candidatures aux fonctions de conseiller prud’hommes.

Il prévoit que nul ne peut être candidat :

– sur plus d’une liste de candidats, parmi les listes de candidats déposées pour chaque conseil de prud’hommes par les mandataires des organisations auxquelles ont été attribués des sièges ; toute personne ne peut donc être candidate que dans un seul conseil de prud’homme ;

– dans plus d’une section ;

– dans un conseil de prud’hommes, un collège ou une section autres que ceux au titre desquels il remplit les conditions pour être candidat.

Le code du travail ne fixe en revanche aucune limitation quant au nombre de mandats qu’un conseiller prud’hommes peut effectuer, que ce soit au sein d’un même conseil des prud’hommes ou de différents conseils.

À titre de comparaison, l’article L. 723‑7 du code de commerce limite à cinq le nombre de mandats qu’un juge consulaire peut faire dans un même tribunal de commerce, que ces mandats soient consécutifs ou non.

S’agissant des limites d’âge, les dispositifs varient.

Certains juges non professionnels ne sont soumis à aucune limite d’âge maximal. C’est le cas des conseillers prud’hommes, mais également des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires lorsqu’ils statuent sur des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale, ou des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux.

D’autres juges, professionnels ou non professionnels, sont soumis à une limite d’âge maximal qui, pour la plus haute, est fixée à soixante-quinze ans.

Limites d’âge maximal appliquées aux différents magistrats.

L’article L. 723-7 du code de commerce dispose que les juges consulaires ne peuvent siéger au-delà de l’année civile au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de soixante-quinze ans.

Les magistrats exerçant à titre temporaire ([372]) sont soumis à la même limite d’âge de soixante-quinze ans.

Les magistrats honoraires sont, en l’état du droit, soumis à la même limite d’âge pour les activités non juridictionnelles ([373]), et soumis à la limite de soixante-douze ans pour les activités juridictionnelles ([374]) . Toutefois, l’article 7 du projet de loi organique propose d’harmoniser ces dispositions afin de porter la limite d’âge maximal à 75 ans quelles que soient les fonctions occupées par le magistrat honoraire.

Les magistrats professionnels sont soumis à une limite d’âge de soixante-sept ans, sous réserve des reculs de limite d’âge pouvant être appliqués à l’ensemble des agents de l’État ([375]).

La limite d’âge des magistrats occupant les fonctions de premier président et de procureur général de la Cour de cassation est fixée à soixante-huit ans ([376]).

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Introduit par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de ses rapporteures, l’article 8 ter tend à aligner les règles temporelles applicables aux mandats des juges consulaires à ceux des conseillers prud’hommes.

Il instaure, d’une part, une limitation du nombre de mandats qu’un conseiller peut cumuler dans une même juridiction, fixée à cinq mandats.

Il instaure, d’autre part, une limite d’âge maximale de 75 ans pour l’exercice des fonctions prud’homales.

Tout en soulignant que l’expérience est un atout, ces mesures sont présentées par la commission des Lois du Sénat comme étant susceptibles d’éviter que « le poids des habitudes prises » soit « un obstacle à un fonctionnement fluide des conseils de prud’hommes ».

3.   La position de la Commission

La Commission a adhéré à l’objectif d’harmonisation des statuts des juges consulaires et des conseillers prud’hommes, et a adopté, sans modification, le dispositif consistant à fixer des limites au nombre de mandats consécutifs pouvant être exercés dans un même conseil de prud’hommes et à l’âge maximal pour exercer la fonction de conseiller prud’homme.

 

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Article 8 quater
(art. 1441-19 et 144129 du code du travail)
Assouplissement des règles de parité femmes-hommes pour les listes de candidats aux fonctions de conseillers prud’hommes.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance avec avis favorable du Gouvernement et de la commission des Lois, assouplit les règles de parité pour le dépôt des listes de candidats aux fonctions de conseillers prud’hommes, afin d’éviter que des candidatures ne soient empêchées faute, pour les organisations syndicales, d’être en mesure de respecter la règle d’alternance des sexes.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes a introduit à l’article L. 1441‑19 du code du travail la règle selon laquelle les listes de candidature contiennent alternativement un candidat de chaque sexe, et l’article L. 1441-29 précisant les modalités d’application de la parité pour les élections complémentaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

La procédure de désignation des conseillers prud’hommes (voir le commentaire sur l’article 8 du projet de loi) implique une phase de présentation des listes de candidatures déposées, pour chaque conseil de prud’hommes, par les mandataires des organisations syndicales et professionnelles lors du renouvellement général.

Le code du travail fixe un certain nombre de règles encadrant le contenu de ces listes. Il est ainsi prévu que les listes ne peuvent comporter plus de candidats qu’il n’y a de postes attribués par section et par conseil de prud’hommes.

Surtout, l’article L. 1441-19 du code du travail consacre le principe de parité, en prévoyant que la liste de candidats « est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ». Il en résulte que l’écart maximal autorisé entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

En pratique, la liste comprend alternativement un candidat de chaque sexe, et s’arrête lorsqu’une alternance n’est plus possible. Les organisations syndicales ne peuvent compléter la liste dans sa totalité si les derniers candidats restants sont tous du même sexe, faute de respecter le critère d’alternance.

Cette mesure destinée à favoriser la parité dans la composition des conseils des prud’hommes peut donc avoir pour conséquence d’empêcher des femmes ou des hommes de se porter candidats, lorsque, dans certains ressorts, il y a plus candidats d’un sexe que de l’autre.

Le même principe de parité s’applique aux désignations complémentaires, qui peuvent être organisées pour pourvoir les sièges de conseillers prud’homaux qui deviennent vacants en cours de mandat.

Toutefois, dans ce cadre, le principe de parité a fait l’objet d’une adaptation, afin de tenir compte du fait que ces vacances, qui ne sont pas prévisibles, peuvent affecter davantage un sexe que l’autre. L’article L. 1441-29 précise donc les modalités de constitution des listes dans ce cas de figure :

– la liste de candidats doit être composée de façon à ce que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes au sein du conseil de prud’hommes concerné ne soit pas supérieur à un ;

– si la liste comprend un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, la liste doit être établie de manière à diminuer l’écart entre le nombre de conseillers de chaque sexe.

Il résulte de l’application de cet article que si, dans le conseil de prud’hommes qui fait l’objet de l’élection complémentaire, la parité parmi les sièges occupés est déjà respectée, et qu’il reste au moins deux sièges vacants, il n’est pas permis de déposer une liste ne comprenant qu’un seul candidat au motif qu’une telle candidature ne permettra pas de « diminuer l’écart » entre le nombre de conseillers de chaque sexe.

Qu’il s’agisse du renouvellement général ou des élections complémentaires, les règles relatives à la parité conduisent à empêcher les organisations syndicales de présenter toutes les candidatures dont elles disposent si celles-ci ne permettent pas de respecter le principe de l’alternance des sexes. L’impossibilité de présenter une part des candidatures apparaît problématique, alors que 13 % des sièges de conseillers prud’hommes sont actuellement vacants et que le vivier de candidatures est présenté comme insuffisant.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

L’article 8 quater a été introduit en séance au Sénat par un amendement de Mme Billon ayant reçu un avis favorable du Gouvernement et de la commission des Lois.

L’objectif poursuivi par l’article 8 quater est d’éviter que des candidatures aux fonctions de conseiller prud’homme ne soient perdues en raison de l’application des règles de parité.

Si l’exposé sommaire de l’amendement indique qu’il ne remet pas en cause le principe de parité, il lui apporte toutefois un aménagement, en modifiant les règles de présentation des candidatures.

● Dans le cadre du renouvellement général :

Le principe de parité reste le même en cas de présentation d’une liste complète de candidats : le principe d’alternance des candidats de chaque sexe doit être respecté.

En revanche, un aménagement à ce principe est apporté en cas de présentation d’une liste incomplète de candidats. L’organisation pourra alors désigner des candidats d’un même sexe jusqu’à 50 % de la totalité des sièges qui lui sont attribués et, en cas de nombre impair de sièges attribués, jusqu’à 50 % plus un siège.

● Pour les désignations complémentaires, l’article 8 quater réécrit l’article L. 1441-29 du code du travail, afin de préciser que :

        pour la présentation d’une liste complète de candidats, l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes parmi le nombre de candidats désignés dans chaque conseil ne doit pas être supérieur à un ;

 

        dans le cas du dépôt d’une liste incomplète de candidats, l’organisation pourra désigner des candidats d’un même sexe jusqu’à 50 % de la totalité des sièges qui lui sont attribués et, en cas de nombre impair de sièges attribués, jusqu’à 50 % plus un siège.

Cette modulation des règles de parité s’inscrit dans le mouvement d’assouplissement des conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud’hommes également promu par l’article 8 du projet de loi, afin de pallier l’important taux de vacance des postes.

3.   La position de la Commission

Après avoir pris connaissance des difficultés rencontrées par les organisations représentatives pour déposer des listes respectant le critère de l’alternance des sexes et des stratégies de contournement mises en œuvre, la commission des Lois a constaté que le dispositif actuel n’était pas satisfaisant. Compte tenu de la nécessité d’élargir le vivier de recrutement et de ne pas empêcher des candidatures qui pourraient utilement pourvoir les conseils de prud’hommes des juges indispensables à leur fonctionnement, elle a adopté, sans modification, l’article 8 quater assouplissant les règles de parité pour le dépôt des candidatures aux fonctions de conseiller prud’homme. 

 

 

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Article 9
(art. L. 7226,  L. 722111 [nouveau] et L. 7235 [nouveau] et L. 7236 [nouveau] et L. 72412 [nouveau] du code de commerce)
Sanction de l’obligation de formation des présidents de tribunal de commerce et du refus de siéger sans motif légitime des juges consulaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article institue une obligation de formation initiale pour les juges consulaires élus présidents d’un tribunal de commerce, sanctionnée, en cas de non réalisation de la formation dans un délai d’un an, par la démission d’office de la fonction de président du tribunal.

L’article 9 fait par ailleurs du refus de siéger sans motif légitime une nouvelle cause de cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 722‑8 a été intégré au livre VII du code de commerce par l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce. Cet article a ensuite, sans modification sur le fond, été intégré dans une sous-section 1 intitulée « Du mandat » par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé le caractère automatique de la cessation de fonctions en cas de refus de siéger d’un juge consulaire et a renforcé l’obligation de formation des juges consulaires, en prévoyant qu’en cas de non-exécution de cette obligation, la déchéance du mandat, déjà prévue par les textes, peut s’accompagner d’une peine d’inéligibilité aux mêmes fonctions pendant quatre années. 

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a renvoyé au décret le soin de préciser le délai au terme duquel les présidents des tribunaux de commerce doivent avoir satisfait à leur obligation de formation spécifique, afin d’éviter que ne puissent être prises en compte les formations effectuées par anticipation ou lors d’un précédent mandat. 

1.   L’état du droit

a.   Une obligation de formation applicable aux seuls juges consulaires

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIème siècle a instauré une obligation de formation des juges consulaires, à la fois initiale et continue. 

L’article L. 722-17 du code de commerce dispose que « les juges des tribunaux de commerce sont tenus de suivre une formation initiale et une formation continue organisées dans des conditions fixées par décret. Tout juge d’un tribunal de commerce qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire. ».

Seule l’obligation de formation initiale aboutit, en cas d’inexécution, à une démission d’office.

L’obligation de formation initiale des juges consulaires

La teneur de l’obligation de formation initiale des juges consulaires et les conséquences de son inexécution ont été définies par le décret n° 2018‑664 du 27 juillet 2018 relatif à la formation initiale et continue des juges des tribunaux de commerce, qui a intégré un article D. 722‑28 au code de commerce.

Les juges consulaires concernés par l’obligation sont :

– les juges élus n’ayant jamais exercé de mandat ;

– les juges réélus mais n’ayant pas accompli l’obligation de formation au cours de leur mandat précédent.

L’obligation de formation initiale consiste en une formation d’une durée de 8 jours, dispensée par l’École nationale de la magistrature (ENM). Elle porte notamment sur la procédure, le fonctionnement d’une juridiction, la déontologie, la rédaction des jugements et de tenue d’une audience.

Lorsque le juge consulaire suit cette formation, il se voit remettre une attestation individuelle qu’il transmet au président du tribunal de commerce, tandis que l’ENM informe le garde des Sceaux de la participation assidue du juge à la formation.

Si la formation n’est pas suivie dans un délai de 20 mois à compter du premier jour du mois suivant l’élection du juge du tribunal de commerce, il revient au premier président de la cour d’appel de constater l’inexécution de l’obligation de formation et la date de cessation des fonctions. Il en informe sans délai le juge du tribunal de commerce concerné, ainsi que le ministre de la justice, le procureur général près la cour d’appel, le président et le greffier du tribunal de commerce concernés.

La déchéance du mandat, prévue en cas de non-exécution de l’obligation de formation, ne peut, en l’état du droit, être assortie d’une sanction d’inéligibilité aux mêmes fonctions.

Par ailleurs, si l’obligation de formation continue s’applique à tous les juges consulaires, qu’ils soient ou non élus président d’un tribunal de commerce, aucune obligation de formation spécifique à la fonction de président n’est prévue par la loi.

Or, l’étude d’impact accompagnant le projet de loi souligne que la formation intitulée « Présider un tribunal de commerce », d’une durée de deux jours, que l’École nationale de la magistrature propose depuis plusieurs années, est peu suivie : seuls 50 % des nouveaux présidents de tribunal de commerce la suivraient. Il en résulte que certains présidents nouvellement élus manquent de connaissances sur le fonctionnement des tribunaux de commerce.

b.   Les conséquences du refus de siéger des juges consulaires

Le ministère de la justice indique, dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, que « le refus de siéger sans motif légitime est une situation fréquemment rencontrée au sein des tribunaux de commerce ». D’après la conférence nationale des juges consulaires de France, ce phénomène concernerait 15 juges par an, soit 10 % des effectifs.

Le refus de siéger ne figure pas parmi les quatre motifs provoquant la cessation de fonctions de juge d’un tribunal de commerce énumérés à l’article L. 722‑8 du code de commerce, que sont l’expiration du mandat électoral, la suppression du tribunal, la démission ou la déchéance du juge consulaire.

Aussi, lorsqu’un juge consulaire refuse de siéger, les premiers présidents de cour d’appel ayant dans leur ressort le tribunal de commerce dont relève le juge concerné n’ont à leur disposition que deux voies d’intervention, qui ne semblent pas apporter de réponse satisfaisante au problème. 

La première consiste, sur le fondement de l’article L. 724‑1‑1 du code de commerce, à donner un avertissement au juge consulaire concerné. Le Premier président doit, pour ce faire, avoir au préalable recueilli l’avis du président du tribunal de commerce dont relève le juge concerné.

La seconde consiste à engager des poursuites disciplinaires, afin de caractériser le « manquement aux devoirs de son état », constitutif d’une faute disciplinaire en application de l’article L. 724-1 du code de commerce. La commission nationale de discipline peut, en cas de caractérisation de la faute, prononcer l’une des quatre sanctions disciplinaires possibles que sont, en application de l’article L 724‑3‑1 du code de commerce, le blâme, l’interdiction d’être désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximale de cinq ans, la déchéance assortie de l'inéligibilité pour une durée maximale de dix ans et la déchéance assortie de l’inéligibilité définitive.

Depuis cinq ans, aucune procédure disciplinaire n’a été menée pour faire face à un refus de siéger. La procédure ne semble pas adaptée, notamment en raison de son absence de célérité, qu’exige le respect des garanties s’appliquant dans ce cadre. Par ailleurs, s’agissant de juges non professionnels, il est observé qu’en pratique, les présidents de Cour d’appel ne souhaitent pas traiter ce problème sur le plan disciplinaire.

Les présidents de tribunaux de commerce ne disposent donc pas, contrairement aux présidents des conseils de prud’hommes, d’une procédure spécifique destinée à faire face au refus de siéger.              

 Le traitement du refus de siéger au sein des Conseils de prud’hommes

L’article L. 1442‑12 du code du travail dispose que « tout conseiller prud’homme qui, sans motif légitime et après mise en demeure, refuse de remplir le service auquel il est appelé peut-être déclaré démissionnaire ».

La procédure se déroule de la façon suivante :

- le président du Conseil de prud’hommes entend ou appelle dûment le conseiller concerné, en vue d’établir le procès-verbal constatant le refus de service du conseiller ;

- la section ou la chambre dont le conseiller relève doit donner son avis motivé dans un délai d’un mois ;

- si, à l’expiration de ce délai, l’avis de la section ou de la chambre n’est pas rendu, le président du Conseil de prud’homme mentionne cette absention dans le procès-verbal, qu’il transmet au procureur général près la cour d’appel, qui saisit la cour d’appel ;

- le conseiller concerné est appelé devant la cour d’appel, qui statue sur sa démission au vu du procès-verbal ;

- s’il est donné suite à la saisine, le conseiller prud’homme est réputé démissionnaire à titre disciplinaire.

Source : Rapport n° 296 fait par Mme Clara Chassaniol au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce

Il faut encore souligner qu’en raison de la limitation par décret du nombre de juges consulaires dans chaque tribunal, il n’est pas possible, pour faire face à ce phénomène, de faire élire un nouveau juge pour remplacer le juge défaillant. Les tribunaux de commerce comprenant un juge consulaire refusant de siéger sans motif légitime sont ainsi confrontés à des difficultés d’organisation et de fonctionnement, puisque le travail non effectué par le juge consulaire absent est reporté sur les autres juges.

2.   Le projet de loi initial

a.   L’introduction d’une obligation de formation pour les présidents de tribunaux de commerce

L’article 9 du projet de loi introduit une obligation de formation pour les présidents de tribunaux de commerce, accompagnée, en cas d’inexécution de l’obligation, de la démission d’office du juge concerné.

Cette mesure transpose le mécanisme existant en matière de formation des juges consulaires nouvellement élus aux présidents de tribunaux de commerce, afin de renforcer leur accompagnement dans leur prise de fonctions.

Ce dispositif, souhaité par la Conférence générale des juges consulaires de France et le Conseil national des tribunaux de commerce, est considéré comme judicieux par le ministère de la justice, qui souligne l’importance des exigences liées à cette fonction. Ces fonctions impliquent, pour être bien exercées, que les présidents aient des connaissances notamment sur le statut des juges, les obligations déontologiques, mais également sur l’organisation et le budget d’un tribunal de commerce.

En conséquence, le projet de loi a retenu qu’un président de tribunal de commerce qui n’aura pas satisfait à cette obligation de formation dans un délai d’un an à compter de son élection est réputé démissionnaire de sa fonction de président. C’est l’élection à la fonction de président qui est le point de départ du délai au cours duquel la formation doit être réalisée.

La sanction du manquement à l’obligation de formation aboutit à la remise en cause de la seule fonction de président du tribunal. L’élection en tant que juge consulaire est quant à elle maintenue : le président d’un tribunal de commerce peut, avant son élection, avoir satisfait aux obligations de formation qui incombent aux juges consulaires. Il n’est ainsi mis un terme aux fonctions de juge consulaire qu’en cas d’inexécution de l’obligation de formation initiale s’appliquant aux juges consulaires sur le fondement de l’article L. 722‑7 du code de commerce.

La fixation du délai au terme duquel la démission des fonctions de président de tribunal de commerce survient a été fixée à un an. La rédaction du dispositif sur ce point appelle plusieurs remarques :

– contrairement à l’obligation de formation des juges consulaires, l’article L. 722‑11‑1 introduit par le présent article définit le délai au terme duquel la sanction est appliquée, sans renvoyer cette précision au décret ;

– le délai légalement prévu est d’un an, contre 20 mois dans le cadre de l’obligation de formation des juges consulaires. L’étude d’impact précise qu’un délai de deux ans était initialement envisagé, mais qu’il a été réduit afin de « permettre à l’ENM de disposer de plus de souplesse pour organiser la formation, y compris en cas de rattrapage tout en restant cohérent avec la durée du mandat ». Le président d’un tribunal de commerce est élu pour quatre ans, soit la même durée que les juges consulaires.

– le délai court à compter de l’élection en tant que président du tribunal de commerce. N’est donc pas pris en compte le cas dans lequel la formation aurait été suivie par anticipation par un juge consulaire, avant son élection au poste de président.

b.   L’introduction du refus de siéger parmi les causes de cessation des fonctions de juge consulaire

L’article 3 prévoit d’instaurer en cas de refus de siéger une procédure spécifique, qui permettrait d’écarter le juge concerné sans mener à son encontre une procédure disciplinaire.

Ce dispositif s’inspire de la procédure de refus de siéger des conseillers prud’hommes, prévue aux articles L. 1442-12 et D. 1442-20 du code du travail, celle-ci ayant, d’après le ministère de la justice, montré son efficacité. Depuis le 14 décembre 2017, six conseillers prud’hommes ont fait l’objet d’une telle mesure.

L’article 9 précise que seul le refus de siéger « sans motif légitime » est concerné par la mesure. Par ailleurs, la procédure de démission d’office n’interviendrait qu’après mise en demeure de l’intéressé d’exercer sa fonction. La mise en demeure et l’appréciation de la légitimité du motif seraient effectuées par les chefs de cour.

Les conditions de mise en œuvre de cette procédure seront précisées par décret en Conseil d’État, et devraient s’inspirer de la procédure existante pour les conseillers prud’hommes.

En particulier, afin d’apporter des garanties au juge consulaire concerné, la mise en demeure, l’appréciation de l’absence de motif légitime et la mise en application de la procédure relèveraient non pas du président du tribunal de commerce, mais du président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe le tribunal de commerce concerné.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a approuvé en l’état le dispositif d’obligation de formation des présidents de tribunal de commerce ; il a, toutefois, adopté un amendement de ses rapporteurs introduisant plusieurs modifications destinées à modifier le dispositif prévu en cas de refus de siéger, à renforcer l’obligation de formation initiale des juges consulaires et à clarifier les modalités de computation des mandats des juges consulaires.

● La commission des Lois du Sénat a souhaité modifier l’équilibre du dispositif prévu en cas de refus de siéger. Estimant que ce comportement « s’apparente davantage à un manquement aux devoirs d’un juge », elle a supprimé le caractère automatique de la cessation des fonctions en cas de refus de siéger. Elle a, en effet, jugé excessif l’application systématique de la cessation de fonctions alors que l’explication de l’absence de suivi de la formation peut avoir une cause temporaire à laquelle il est possible de remédier. 

Elle a, pour ce motif :

– déplacé le dispositif dans le chapitre consacré à la discipline des juges consulaires ;

– précisé que la cessation de fonctions est une possibilité – et non une conséquence systématique du refus de siéger ;

– précisé que la cessation de fonctions ne peut intervenir qu’après mise en demeure de l’intéressé, et dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, qui précisera les conditions de mise en œuvre d’une procédure contradictoire.

● La commission des Lois du Sénat a renforcé l’obligation de formation initiale des juges consulaires. Alors que son absence de réalisation conduit à ce que le juge consulaire soit réputé démissionnaire, aucune inéligibilité n’est prévue, ce qui risque de priver d’effet réel le dispositif.

L’amendement adopté instaure, en conséquence, une inéligibilité de quatre ans pour tout juge consulaire réputé démissionnaire. Une procédure de relèvement d’inéligibilité est également instaurée, afin de permettre la prise en compte de circonstances qui justifieraient la non réalisation de la formation dans le temps imparti.

Les demandes de relèvement d’incapacité sont adressées au garde des Sceaux, ministre de la justice, et prononcées par arrêté. Elles ne sont recevables que dans un délai d’un an à compter de l’expiration du délai de formation initiale.

● La commission des Lois du Sénat a également entendu remédier à certaines difficultés rencontrées par les préfectures s’agissant de la computation des mandats des juges consulaires.

L’article L. 722‑6 relatif à la computation des mandats des juges consulaires prévoit que, lors de leur première élection, les juges consulaires sont élus pour deux ans, sous réserve d’une exception : celle des élections complémentaires. Dans ce cas, l’article L. 723‑11 du code de commerce prévoit que le mandat des juges élus expire à la fin de l’année judiciaire.

En revanche, l’article L. 722‑6 ne prévoit pas d’exception tenant à l’annulation de l’élection d’un juge consulaire par le tribunal judiciaire. Or, le code de commerce prévoit que le tribunal judiciaire peut annuler l’élection des juges des tribunaux de commerce en cas de non-respect des règles relatives à l’électorat, à l’éligibilité et aux opérations électorales.

L’amendement adopté par la commission des Lois du Sénat prévoit d’insérer à l’article L. 722-6 du code de commerce l’exception de l’annulation des élections, afin d’éclairer les préfectures sur la computation des mandats des juges consulaires. Le mandat des juges élus en cours d’année à la suite d’une telle annulation d’élection s’achèvera ainsi deux ans ou quatre ans après le 1er janvier de l’année civile suivant l’élection annulée.

4.   La position de la Commission

La Commission des lois a adhéré au dispositif proposé visant à renforcer l’obligation de formation spécifique des présidents de tribunaux de commerce, qui jouent un rôle déterminant dans le bon fonctionnement de ces juridictions. Elle a adopté un amendement de vos rapporteurs, qui a reçu l’avis favorable du Gouvernement, afin d’autoriser la prise en compte des formations effectuées par anticipation ou lors d’un précédent mandat.

 

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Article 10
(art. L. 2183, L. 2184, L. 2186, L. 21812 et L. 21813 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire)
Sanction par la démission d’office en cas d’absence de suivi de la formation initiale par les assesseurs de pôle sociaux

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 du projet de loi prévoit qu’un assesseur des pôles sociaux de tribunaux judiciaires n’ayant pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions relatives aux assesseurs des pôles sociaux ont été introduites dans le code de l’organisation judiciaire par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, qui a transféré les contentieux sociaux au tribunal de grande instance.

       Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a complété l’article 10 en permettant la sanction du refus de siéger d’un assesseur et en limitant la prestation de serment aux seuls assesseurs n’ayant jamais exercé cette fonction au préalable, et en supprimant la distinction entre assesseurs titulaires et suppléants.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a attribué au tribunal de grande instance les compétences des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l’incapacité et d’une partie du contentieux des commissions départementales d’aide sociale.

Pour traiter ce contentieux, la loi a doté le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, d’une formation collégiale composée du président du tribunal judiciaire, d’un magistrat du siège désigné par lui pour le remplacer, et de deux assesseurs, l’un représentant les travailleurs salariés, l’autre représentant les employeurs et les travailleurs indépendants

Ces assesseurs des pôles sociaux, choisis pour une durée de trois ans par le premier président de la cour d’appel sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal judiciaire, sur proposition des organisations professionnelles intéressées les plus représentatives, ne sont donc pas des magistrats professionnels.

La loi n° 2016-1547 précitée a soumis leur nomination à diverses conditions : d’âge, de nationalité, de moralité. Avant d’entrer en fonction, les assesseurs prêtent serment.

L’article L. 218­‑12 du code de l’organisation judiciaire soumet par ailleurs les assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires à une obligation de formation initiale.

Les conditions de l’obligation de formation initiales prévues par décret

Le décret n° 2019-185 du 12 mars 2019 relatif à la désignation et à la formation initiale des assesseurs des tribunaux de grande instance et de la cour d’appel spécialement désignés aux articles L. 211-16 et L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire a inséré dans la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire une section relative à l’obligation de formation initiale.

Il y est précisé que la formation initiale obligatoire, organisée par l’École nationale de la magistrature, dure une journée.

La formation porte sur « des enseignements relatifs à l’organisation judiciaire, au statut et à la déontologie, aux principes de la procédure devant les juridictions désignées ainsi qu’aux grands principes de la protection sociale ».

À son issue, l’assesseur se voit remettre une attestation individuelle, qui lui permet de justifier la réalisation de son obligation de formation.

Le suivi de la formation donne droit à des indemnités et aux remboursement des frais engagés.

Pour les seuls assesseurs sociaux exerçant leur premier mandat, l’article L. 218‑12 du code de l’organisation judiciaire prévoit une impossibilité de siéger s’ils ne justifient pas avoir suivi la formation initiale. En pareille circonstance, le poste ne devient pas vacant : il demeure occupé par l’assesseur, qui ne peut toutefois pas participer aux audiences.

L’obligation est énoncée de manière générale, et ni l’article L. 218‑12 précité, ni les articles D. 218-13 à D. 218-17 du code de l’organisation judiciaire, ne prévoient le délai durant lequel il doit être satisfait à l’obligation de formation.

Le taux de suivi de la formation initiale était, au 11 janvier 2023, de 68 % ([377]). Le non-respect de l’obligation de formation compromet le bon fonctionnement de la formation collégiale du tribunal judiciaire, en raison de l’impossibilité, pour le président de celle-ci, de convoquer un assesseur n’ayant pas satisfait à cette obligation.

L’article L. 218‑12 du code de l’organisation judiciaire n’apporte, en effet, qu’une réponse imparfaite en cas de non-respect de l’obligation de formation, puisque la seule conséquence légalement prévue est que l’assesseur concerné « ne peut siéger ». Le président du pôle social ne pourra donc pas convoquer ce conseiller pour qu’il siège, mais il ne dispose pas pour autant de levier lui permettant de contraindre le conseiller à suivre la formation dans un certain délai, ou de rendre le poste vacant. Aucun remplacement de l’assesseur se soustrayant à son obligation de formation ne peut avoir lieu, et la charge de travail est donc reportée sur les autres assesseurs.

L’étude d’impact relève que les moyens à disposition de la juridiction que sont la procédure disciplinaire, la constatation d’une défaillance constitutive d’un cas de vacance des fonctions, ou l’invitation faite à l’assesseur de démissionner « sont inadaptés au besoin des juridictions ».

Le président de la formation collégiale peut certes toujours demander à l’assesseur de démissionner afin que le poste soit vacant, mais il ne dispose pas du pouvoir de l’y contraindre. En application de l’article L. 218-10 du code de l’organisation judiciaire, le premier président de la cour d’appel peut aussi donner un avertissement aux assesseurs des tribunaux judiciaires, après avoir recueilli l’avis du président du tribunal concerné, mais la procédure semble peu utilisée.

La procédure disciplinaire apparaît, quant à elle, particulièrement lourde à mettre en œuvre pour faire face à l’inexécution d’une obligation de formation.

La procédure disciplinaire applicable aux assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires

La procédure disciplinaire est prévue à l’article L. 218‑11 du code de l’organisation judiciaire.

Le pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre de la justice.

Cette procédure implique de caractériser une faute disciplinaire, que constitue « tout manquement d’un assesseur […)] aux devoirs de son état, à l’honneur, à la probité ou à la dignité ».

La procédure est engagée par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le tribunal judiciaire de l’assesseur concerné a son siège. Le premier président doit, avant de saisir le ministre, auditionner, avec l’assistance du président du tribunal, l’assesseur concerné.

Les sanctions disciplinaires applicables sont le blâme, la suspension des fonctions pour une durée maximale de six mois, la déchéance assortie de l’interdiction d’être désigné assesseur pour une durée maximale de dix ans, et la déchéance assortie de l’interdiction définitive d’être désigné assesseur.

2.   Le projet de loi initial

L’article 10 vise à préciser les conséquences de l’inexécution de l’obligation de formation des assesseurs des pôles sociaux. Il complète l’article L. 218­‑12 du code de l’organisation judiciaire, afin de faire de l’inexécution de l’obligation de formation, dans un délai fixé par décret, une cause de démission.

L’objectif poursuivi est à la fois de prévoir un mécanisme adapté pour faire face au non-respect de l’obligation de formation, mais aussi, d’après l’étude d’impact, « d’inciter les pôles sociaux à renforcer le suivi de leurs assesseurs s’agissant de la réalisation de la formation ».

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de ses rapporteures ne modifiant pas le dispositif prévu en cas de non-exécution de l’obligation de formation, mais en le complétant de plusieurs mesures visant à :

– sanctionner le refus de siéger en déclarant l’assesseur démissionnaire ;

– exempter les assesseurs réélus d’une nouvelle prestation de serment, afin de simplifier leur prise de fonctions ;

– supprimer la distinction entre assesseurs titulaires et suppléants, celle-ci n’emportant pas de conséquence sur le mandat ou l’exercice des fonctions.

4.   La position de la Commission

La Commission des lois a été convaincue par l’opportunité d’harmoniser le statut des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires avec le statut des autres magistrats non professionnels s’agissant de la sanction du refus de siéger. Elle a aussi apprécié la mesure de simplification consistant à éviter le renouvellement de la prestation de serment.

La Commission a, en conséquence, adopté cet article sans modification.

 

 

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Article 10 bis
(art. 251­5 du code de l’organisation judiciaire)
Suppression de la prestation de serment pour les assesseurs des tribunaux pour enfants qui ont déjà exercé des fonctions judiciaires au sein d’un tel tribunal

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance avec un avis favorable du Gouvernement, supprime la prestation de serment pour les assesseurs des tribunaux pour enfants qui ont déjà exercé des fonctions judiciaires au sein d’un tel tribunal.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 251‑5 a été introduit dans le code de l’organisation judiciaire par ordonnance ([378]) en 2006. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a supprimé la mention selon laquelle les assesseurs prêtaient serment de garder « religieusement » le secret des délibérations. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a substitué, dans cet article, la mention du tribunal judiciaire à celle du tribunal de grande instance.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article L. 251‑5 du code de l’organisation judiciaire soumet les assesseurs titulaires et suppléants des tribunaux pour enfants à une prestation de serment.

Celle-ci se déroule devant le tribunal judiciaire.

Par ce serment, les assesseurs jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de garder le secret des délibérations ».

L’article L. 251-5 prévoit que la prestation de serment a lieu avant l’entrée en fonctions de l’assesseur. Il en résulte que l’assesseur doit prêter serment à chaque désignation, qu’il s’agisse d’une première nomination ou d’un renouvellement.

En pratique, cela s’avère particulièrement lourd pour les juridictions, tenues d’organiser ces audiences de prestation de serment avant les désignations. Cela engendre également un coût pour l’institution judiciaire, puisque la prestation de serment donne droit à l’indemnité à laquelle peuvent prétendre les assesseurs pour la participation à une audience.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

L’article 10 bis, introduit en séance par un amendement de M. Soilihi ayant reçu un avis favorable du Gouvernement et de la commission des Lois, précise à l’article L. 251‑5 du code de l’organisation judiciaire que seuls les assesseurs n’ayant jamais exercé de fonctions judiciaires au sein d’un tribunal pour enfants doivent prêter serment.

3.   La position de la Commission

La Commission des lois a apprécié la mesure de simplification portée par l’article 10 bis, qui évitera que doive être renouvelée la prestation de serment d’assesseurs au sein d’un tribunal pour enfants ayant déjà prêté serment lors d’une première affectation. Il s’agit en outre d’une mesure d’harmonisation en lien avec le dispositif inscrit à l’article 10 du projet de loi pour les assesseurs des pôles sociaux.

La Commission a adopté cet article sans modification.


titre IV
OUVERTURE ET MODERNISATION DE L’INSTITUTION JUDICIAIRE

Chapitre Ier
Juridictions judiciaires

Article 11
(art. L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire, art. L. 123-5 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. 706 du code de procédure pénale et art. 803-9 du code de procédure pénale [nouveau])
Organisation de l’équipe autour du magistrat

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée la fonction d’attaché de justice, pour remplacer les juristes assistants. Il inscrit par ailleurs la fonction d’assistant spécialisé dans le code de l’organisation judiciaire, ouvrant la possibilité d’en recruter dans des matières autres que la matière pénale. 

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a diminué le nombre d’années d’expérience professionnelle exigées pour devenir juriste assistant à une année, contre deux auparavant. 

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs en commission, visant à renommer le chapitre III bis, et un amendement du Gouvernement en séance, qui prévoit que les agents des finances publiques peuvent être déliés du secret professionnel vis-à-vis des assistants spécialisés.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté plusieurs amendements qui apportent des précisions sur la fonction d’attaché de justice. 

1.   L’état du droit

a.   Le juriste assistant, un soutien du magistrat dont le rôle nécessite d’être redéfini

● Des juristes assistants initialement positionnés sur les contentieux complexes

Le statut de juriste assistant a été créé par l’article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIè siècle.

La disposition a été introduite en première lecture à l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Il ressort des débats parlementaires que les juristes assistants devaient intervenir au soutien des magistrats dans les domaines complexes et participer à l’élaboration de la décision, pour permettre aux magistrats de se concentrer sur leur office. 

L’article L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire détaille les modalités de recrutement des juristes assistants, qui sont nommés auprès des magistrats des tribunaux judiciaires, des cours d’appel et à la Cour de cassation. Les candidats doivent être titulaires d’un diplôme de doctorat en droit ou sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d’études supérieures après le baccalauréat, avec une année d’expérience professionnelle dans le domaine juridique. Ils sont nommés pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois.

La condition d’expérience professionnelle a été réduite par l’article 61 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : elle était auparavant de deux ans.

Les articles R. 123-30 à R. 123-39 du code de l’organisation judiciaire détaillent les modalités de recrutement des juristes assistants et prévoient notamment que ceux-ci ne participent ni à la procédure, ni aux audiences, et ne peuvent assister aux délibérés.

L’article R. 123-38 du même code prévoit que les juristes assistants suivent une formation. Alors que cette formation était initialement organisée seulement par les chefs de cour et les chefs de juridiction, le décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022 relatif à la formation des juristes assistants a modifié l’article R. 123-38 pour y inclure une formation organisée par l’École nationale de la magistrature (ENM).

● L’évolution des missions des juristes assistants

Alors que les juristes assistants étaient initialement chargés des contentieux complexes, leur champ d’intervention a été élargi, notamment pour assister les magistrats dans les contentieux à forte volumétrie. Constatant qu’ils jouaient un rôle essentiel au sein des juridictions, le Gouvernement a organisé, à deux reprises, un recrutement important de juristes assistants, en 2020 puis en 2021. Alors qu’ils étaient 189 en 2017 en poste dans les juridictions, leur nombre s’élevait à 935 au 1er janvier 2023.

Au-delà des contentieux complexes, l’arrivée des juristes assistants auprès des magistrats devait surtout aider à la résorption des stocks pénaux et civils.

Ce décalage entre la doctrine d’emploi théorique et les missions réellement accomplies dans les juridictions illustre les difficultés à cerner précisément les missions que les magistrats peuvent déléguer, et celles qui relèvent exclusivement de leur office.

La réflexion sur le sujet n’est pas nouvelle : l’Institut des hautes études de la justice (IHEJ), en mai 2013, rendait ainsi un rapport intitulé « La prudence et l’autorité, l’office du juge au XXIè siècle », qui succédait lui-même à plusieurs rapports sur le même sujet. Le rapport rendu par l’IHEJ faisait ainsi le constat que la justice souffrait « d’une organisation "individualiste" de son travail » et proposait, en conséquence, « d’entourer le juge d’une équipe » ([379]).

Si le magistrat n’est pas seul à œuvrer pour rendre la justice, la définition des rôles de chacun reste floue : l’équipe n’est pas réellement structurée.

Dans un rapport remis au garde des Sceaux, Mme Dominique Lottin, première présidente honoraire et ancienne membre du Conseil constitutionnel, évoque ainsi « les vagues de renfort successives qui ont été proposées [aux magistrats] de manière sporadique et sans réelle cohérence depuis 1996 » ([380]). Si elle constate que le besoin de travail en équipe fait l’unanimité au sein du corps judiciaire, elle constate que la mise en œuvre se heurte à des résistances.

Elle rejoint les conclusions du comité des États généraux de la justice (EGJ). Celui-ci rappelle la multiplicité des acteurs qui évoluent autour du magistrat et souligne « l’absence de frontières claires entre les tâches dévolues à chacun dans un environnement professionnel évolutif, car conditionné par les besoins de la juridiction » ([381]).

S’agissant plus précisément des juristes assistants, Mme Dominique Lottin recommande de remplacer le statut par la fonction d’assistant juridictionnel, pour mieux rendre compte de l’ensemble des missions exercées. Elle suggère de leur confier des missions en lien avec les activités juridictionnelles, mais également des missions plus administratives d’appui aux chefs de juridiction, pour les assister dans le développement des politiques partenariales. Comme le comité des EGJ, elle suggère de créer non pas un corps de fonctionnaires, mais de privilégier les contrats à durée indéterminée pour les assistants juridictionnels.

b.   L’assistant spécialisé, un statut qui a fait ses preuves

La fonction d’assistant spécialisé n’est pas inscrite dans le code de l’organisation judiciaire, mais dans le code de procédure pénale. Elle a été créée par la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier. Au 1er janvier 2023, il y avait 141 assistants spécialisés dans les juridictions.

L’article 706 du code de procédure pénale (CPP) prévoit que peuvent exercer les fonctions d’assistant spécialisé les fonctionnaires de catégorie A ou B, ainsi que les personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation de quatre années après le baccalauréat et justifiant de quatre années d’exercice professionnel au moins.

Les assistants spécialisés exercent auprès d’un pôle de l’instruction mentionné à l’article 52-1 du CPP ou d’un tribunal judiciaire mentionné à l’article 704 ou 705 du même code, soit, respectivement, les juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière et le tribunal judiciaire de Paris en matière économique et financière et de crimes contre l’humanité, et le procureur de la République financier.

Si le principe général est celui de la non-délégation de signature, les assistants spécialisés, sous la responsabilité des magistrats, peuvent recevoir délégation de signature pour une liste limitée de réquisitions dans différents cadres d’enquête : celles prévues aux articles 60-1 et 60-2 du CPP (enquête de flagrance), à ses articles 77-1-1 et 77-1-2 (enquête préliminaire), ou encore à ses articles 99-3 et 99-4 (commission rogatoire).

Les exceptions au principe de non-délégation de signature ont été insérées dans l’article 706 du code de procédure pénale par l’article 21 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, et ont été justifiées par le fait que les assistants spécialisés étaient souvent ceux qui rédigeaient ces réquisitions. 

Parmi les tâches que leur confient les magistrats, les assistants spécialisés peuvent :

– assister les juges d’instruction dans tous les actes d’information ;

– assister les magistrats du ministère public dans l’exercice de l’action publique ;

– assister les officiers de police judiciaire agissant sur délégation des magistrats ;

– remettre aux magistrats des documents de synthèse ou d’analyse qui peuvent être versés au dossier de la procédure ;

– mettre en œuvre le droit de communication reconnu aux magistrats en application de l’article 132-22 du code pénal.

Les assistants spécialisés sont soumis au secret professionnel. Ils peuvent être amenés, sur demande du procureur général, à assister le ministère public devant la juridiction d’appel.

Initialement positionnés sur le contentieux de la grande délinquance financière, leur champ d’intervention a été progressivement élargi à d’autres matières complexes, comme le terrorisme et les accidents collectifs. L’étude d’impact indique que les magistrats, particulièrement dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et dans les services spécialisés du parquet ou de l’instruction, apprécient particulièrement l’apport des assistants spécialisés. 

2.   Le projet de loi initial

Le présent article modifie en premier lieu le code de l’organisation judiciaire pour structurer l’équipe autour du magistrat.

Le I du présent article remplace ainsi le chapitre III bis du titre II du livre Ier de la partie législative du code de l’organisation judiciaire, qui concerne aujourd’hui seulement les juristes assistants, par un chapitre III bis intitulé « De l’équipe autour des magistrats ». Ce chapitre comporte deux articles : l’article L. 123-4 crée une nouvelle fonction, attaché de justice, qui remplace la fonction de juriste assistant, et l’article L. 123-5 précise les missions des assistants spécialisés.

Dans un deuxième temps, le présent article modifie le CPP pour l’adapter aux évolutions de fonctions des attachés de justice et des assistants spécialisés.

a.   Les attachés de justice : une nouvelle catégorie aux responsabilités élargies 

L’article L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire, dans la rédaction issue du I présent article, précise les missions des attachés de justice. Il reprend en grande partie les recommandations formulées par Mme Dominique Lottin dans son rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles.

Il prévoit que les attachés de justice puissent être fonctionnaires ou agents contractuels : cela élargit le vivier possible des attachés de justice, puisque les fonctionnaires ne pouvaient pas devenir juristes assistants. Les attachés de justice contractuels se verront proposer un contrat à durée indéterminée : l’objectif est à la fois de fidéliser les juristes assistants déjà en place et de garantir l’attractivité de la future fonction d’attaché de justice.

Cette transformation de statut s’accompagne d’une volonté affichée de recrutement massif d’attachés de justice. L’étude d’impact mentionne ainsi le recrutement de 1 700 attachés de justice jusqu’en 2027, avec, à terme, la possibilité d’avoir 3 000 à 4 000 attachés de justice. Cette dernière estimation se fonde sur une évaluation du besoin d’un attaché de justice pour environ trois magistrats. 

Le niveau de recrutement des attachés de justice n’est pas précisé dans l’article, à l’inverse des juristes assistants. Comme les juristes assistants, les attachés de justice prêtent serment et sont tenus au secret professionnel.

L’article identifie quatre missions possibles pour les attachés de justice :

– l’assistance ;

– l’aide à la décision ;

– le soutien à l’activité administrative ;

– la mise en œuvre des politiques publiques.

Le spectre des missions pouvant être confiées aux attachés de justice est plus large que celui des missions accomplies aujourd’hui par les juristes assistants. Ce choix s’explique par le constat que les missions d’animation de politiques publiques et partenariales des magistrats se sont beaucoup développées, et rejoint les préconisations du rapport de Mme Dominique Lottin. 

L’étude d’impact précise ainsi les activités que peut inclure l’aide à la mise en œuvre des politiques publiques : mesure de l’activité juridictionnelle, assistance à la préparation de l’accueil de délégations extérieures, soutien à l’organisation des conseils de juridiction, préparation de rapports d’activité et de dossiers thématiques. 

L’objectif est d’arriver à une meilleure distinction des missions dévolues aux greffiers, qui relèvent de l’assistance procédurale renforcée et de l’accueil du justiciable, des missions d’aide à la décision, confiées aux attachés de justice. Le directeur des services judiciaires a indiqué qu’une doctrine d’emploi des attachés de justice serait élaborée à destination des juridictions.

Les conditions à remplir pour être attaché de justice ainsi que leur formation seront déterminées par décret. La direction des services judiciaires a indiqué que les fonctions d’attachés de justice seraient ouvertes à des fonctionnaires de catégorie A. 

Les attachés de justice peuvent assister aux audiences et accéder au dossier de la procédure pour l’exécution des tâches qui leur sont confiées, ce qui était déjà le cas des juristes assistants. 

Le cinquième alinéa de l’article L. 123-4 prévoit explicitement que les attachés de justice qui exercent auprès des magistrats du siège peuvent assister au délibéré. Cette possibilité n’était pas ouverte aux juristes assistants.

Les attachés de justice peuvent, sous la responsabilité des magistrats, participer au traitement des procédures. S’agissant des délégations de signatures par les magistrats aux attachés de justice, un principe général d’interdiction est fixé, avec deux exceptions :

– les délégations de signature dont la liste est dressée par l’article 803-9 du CPP, créé par le présent article ;

– les délégations de signature liées à des matières particulières, dont la liste sera fixée par la voie réglementaire. La direction des services judiciaires a évoqué, en matière civile, la mise en état.

Le 2° du II insère dans le CPP un nouvel article 803-9, qui ouvre la possibilité pour les attachés de justice de recevoir des délégations de signature pour une liste limitée aux réquisitions dans différents cadres d’enquête, prévues aux articles 60-1 et 60-2 de ce code (enquête de flagrance), à ses articles 77-1-1 et 77-1-2 (enquête préliminaire), ainsi qu’à ses articles 99-3 et 99-4 (commission rogatoire). Il reprend en ce sens les dispositions existant actuellement pour les assistants spécialisés.

Cette délégation de signature n’exonère en rien le magistrat de sa responsabilité : il lui revient de vérifier la légalité, mais aussi la nécessité et l’opportunité de la réquisition signée par l’attaché de justice.

b.   L’intégration formelle des assistants spécialisés dans l’équipe autour du magistrat

L’article 11 du présent projet de loi crée au sein du chapitre du code de l’organisation judiciaire sur l’équipe autour du magistrat un nouvel article L. 123-5, qui concerne les assistants spécialisés.

Ce nouvel article, en introduisant la fonction d’assistant spécialisé au sein de ce code, permet le recrutement d’assistants spécialisés en matière civile ou commerciale. Son placement au sein du chapitre intitulé « De l’équipe autour des magistrats » marque également sa place au sein de l’organisation judiciaire.

Le nouvel article L. 123-5 du code de l’organisation judiciaire reprend les dispositions prévues par l’article 706 du CPP :

– les assistants spécialisés sont fonctionnaires ou agent contractuel ;

– ils prêtent serment et sont tenus au secret professionnel ;

– ils accomplissent les tâches confiées par les magistrats et peuvent accéder au dossier de la procédure ;

– les documents de synthèse ou d’analyse qu’ils remettent aux magistrats peuvent être versés au dossier.

L’article introduit le fait qu’ils sont nommés pour participer au traitement de procédures relevant de contentieux techniques ou spécifiques, conduites sous la responsabilité de magistrats du siège ou du parquet des tribunaux judiciaires ; cette mention est aujourd’hui absente de l’article 706 du CPP.

Il ne comporte cependant pas de mention du niveau de recrutement des agents contractuels, contrairement à la version actuellement en vigueur de cet article 706, et renvoie à un décret la fixation des conditions à remplir pour être nommé assistant spécialisé, ainsi que des modalités de leur formation. 

Le 1° du II procède à trois modifications à l’article 706 du CPP.

En premier lieu, les deux premiers alinéas de l’article 706 sont réécrits. La mention d’une formation obligatoire préalable à l’entrée en fonction et les conditions pour exercer des fonctions d’assistant spécialisé sont supprimées. Le deuxième alinéa de ce même article renvoie à l’article L. 323-5 du code de l’organisation judiciaire s’agissant des dispositions régissant les assistants spécialisés.

En deuxième lieu, l’alinéa prévoyant l’accès des assistants spécialisés au dossier de la procédure et le fait qu’ils soient soumis au secret professionnel est supprimé, ces éléments figurant maintenant dans l’article L. 123-5 du code de l’organisation judiciaire.

En troisième lieu, il procède à une deuxième coordination, en supprimant la référence aux assistants spécialisés qui prêtent serment, l’article L. 123-5 du code de l’organisation judiciaire le prévoyant également. 

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs en commission et un amendement déposé par le Gouvernement en séance. 

L’amendement COM-126 a modifié le titre du chapitre III bis, en substituant : « Des attachés de justice et assistants spécialisés » au titre prévu initialement, qui était : « De l’équipe autour des magistrats ». La commission des lois du Sénat a ainsi souhaité éviter que l’équipe autour du magistrat soit limitée aux seuls attachés de justice et assistants spécialisés.

L’amendement n° 272 du Gouvernement, adopté avec l’avis favorable de la commission des lois, a complété l’article 11 du présent projet de loi pour élargir les missions des assistants spécialisés. Il a ainsi modifié l’article L. 142 A du livre des procédures fiscales, lequel prévoit que les agents des finances publiques sont déliés du secret professionnel à l’égard du procureur de la République, avec lequel ils peuvent échanger des informations en l’absence même de l’existence d’une plainte, d’une dénonciation ou d’une procédure judiciaire en cours. L’amendement a explicitement prévu que, sur autorisation du procureur de la République, les agents des finances publiques puissent être déliés du secret professionnel à l’égard des assistants spécialisés.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté cinq amendements de votre rapporteur général M. Jean Terlier, dont trois amendements rédactionnels. 

Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements qui apportent des précisions sur la nouvelle fonction d’attaché de justice.

L’amendement CL938, adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement, précise le niveau de recrutement des attachés de justice contractuels : ils doivent être titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d’études supérieures après le baccalauréat. Les exigences de diplôme et d’expérience professionnelle des juristes assistants étaient fixées dans l’article L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire : par parallélisme, il était cohérent d’inscrire celui des attachés de justice dans la loi plutôt que de renvoyer sa fixation à la voie réglementaire. Le niveau choisi, une formation juridique de cinq années après le baccalauréat, est un équilibre entre le niveau actuel de recrutement des juristes assistants (doctorat en droit ou formation de cinq années avec un an d’expérience professionnelle dans le domaine juridique) et la volonté d’élargir le vivier de recrutement des futurs attachés de justice. 

L’amendement CL931, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, énumère les matières dans lesquelles des délégations de signature au profit des attachés de justice pourront être prévues par la voie réglementaire. Si votre rapporteur est favorable à la possibilité pour des magistrats de pouvoir procéder à des délégations de signature, il souhaite que le champ des matières concernées soit fixé dans la loi. 

 

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Article 12
(art. L. 212-9 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 312-9 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 436-1 du code de l’organisation judiciaire [nouveau], art. L. 122-4, L. 221-2-2 et L. 222-3-1 du code de justice administrative [nouveaux])
Participation des parlementaires au conseil de juridiction

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 élève au niveau législatif le conseil de juridiction placé auprès du tribunal judiciaire et le conseil de juridiction placé auprès de la cour d’appel et prévoit en leur sein la participation d’un député et d’un sénateur élus dans les circonscriptions situées dans le ressort de la juridiction.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé l’article L. 212-8 du code de l’organisation judiciaire qui prévoit la consultation du conseil de juridiction concerné lorsqu’une chambre de proximité se voit attribuer de nouvelles compétences matérielles.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des lois du Sénat a élargi l’accès au conseil de juridiction à tous les parlementaires et créé un conseil de juridiction auprès de la Cour de cassation, du Conseil d’État, des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs. En séance, le Sénat a adopté un amendement précisant les modalités de fonctionnement du conseil de juridiction auprès de la Cour de cassation.  

       Modifications apportées par la Commission

La Commission est revenue sur l’instauration d’un conseil de juridiction dans les juridictions administratives et à la Cour de cassation, prévue par le Sénat. Elle a également facilité la participation des parlementaires aux conseils de juridiction en prévoyant qu’ils y étaient conviés quel que soit l’ordre du jour. 

1.   L’état du droit

a.   Le conseil de juridiction, lieu d’échanges entre une juridiction et ses partenaires

Après avoir été expérimenté dans trois cours d’appel et dix-sept tribunaux de grande instance, le conseil de juridiction a été élargi à l’ensemble des cours d’appel et des tribunaux de grande instance, devenus tribunaux judiciaires, par le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires.

Le conseil de juridiction pour les tribunaux judiciaires est prévu par l’article R. 212-64 du code de l’organisation judiciaire, qui en fait un lieu d’échanges et de communication entre la juridiction et la cité. Les dossiers individuels dont la juridiction est saisie ne peuvent y être discutés. Le conseil n’est pas compétent s’agissant de l’activité juridictionnelle ou de l’organisation de la juridiction.  

Le projet de juridiction, élaboré à l’initiative des chefs de juridiction et en concertation avec l’ensemble des magistrats et fonctionnaires de la juridiction, doit être présenté aux partenaires de la juridiction au sein du conseil de juridiction (article R. 212-63 du COJ).

Le conseil est coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République et doit se réunir au moins une fois par an. Les magistrats et fonctionnaires de la juridiction qui siègent au sein du conseil sont désignés par la commission restreinte ou l’assemblée plénière, selon la taille de la juridiction. L’ordre du jour est arrêté par les chefs de cours après avis du directeur de greffe et de l’assemblée plénière des magistrats et fonctionnaires.

La composition et les modalités d’organisation de l’assemblée générale d’un tribunal sont prévues aux articles R. 212-22 à R. 212-57 du COJ. La commission restreinte, obligatoire dans les tribunaux judiciaires ayant un effectif d’au moins vingt magistrats, prépare les réunions de l’assemblée générale (article R. 215-55 du COJ).

La composition du conseil de juridiction varie en fonction de son ordre du jour, et peut comprendre notamment :  

– les représentants de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse ;

– les représentants locaux de l’État ;

– les représentants des collectivités territoriales ;

– des personnes exerçant une mission de service public auprès des juridictions ;

– le bâtonnier de l’ordre des avocats du ressort et de représentants des autres professions du droit ;

– des représentants d’association ;

– les représentants des conciliateurs de justice.

La consultation du conseil de juridiction peut être prévue par des dispositions législatives et réglementaires. La formation du conseil de juridiction est alors explicitement prévue au II de l’article R. 212-64. Elle comprend :

– le directeur de greffe ;

– au moins un magistrat du siège (désigné par l’assemblée des magistrats du siège) ;

– au moins un magistrat du parquet (désigné par l’assemblée des magistrats du parquet) ;

– au moins un fonctionnaire désigné par l’assemblée des fonctionnaires du greffe ;

– le maire de la commune siège du tribunal judiciaire ;

– le président du conseil départemental ou le président de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale exerçant les compétences du département, ou, en Guyane, le président de l’Assemblée de Guyane ;

– le bâtonnier de l’ordre des avocats du ressort.

À titre d’exemple, le conseil de juridiction doit être consulté lorsqu’une extension des compétences matérielles des tribunaux de proximité est envisagée (article L. 212-8 du COJ). 

Le conseil de juridiction pour les cours d’appel est prévu par l’article R. 312-85 du COJ. Les modalités d’organisation sont similaires à celles prévues pour le conseil de juridiction pour les tribunaux judiciaires. Les chefs de cour coprésident le conseil. Ils arrêtent l’ordre du jour du conseil après consultation du directeur de greffe et avis de l’assemblée plénière des magistrats et fonctionnaires.

La liste des personnes pouvant être membres du conseil, identique à celle prévue pour le tribunal judiciaire, est rappelée à l’article R. 312-85 du COJ. Une formation spécifique est également prévue lorsque le conseil de juridiction est consulté en vertu d’une disposition législative ou réglementaire.

b.   L’absence de parlementaires dans ce conseil de juridiction

Dans sa rédaction initiale, l’article 9 du décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 (codifié ensuite aux articles R. 212-64 et R. 312-85 du COJ) prévoyait la participation des parlementaires élus du ressort de la juridiction au conseil de juridiction.

Saisi en juillet 2019 par le Gouvernement d’un projet de décret pris en application de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui prévoyait la création d’une composition spécifique du conseil de juridiction lorsqu’il devait être consulté, le Conseil d’État a écarté les dispositions concernant la participation des parlementaires au motif que l’article 13 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique prévoyait qu’un député ne pouvait être désigné membre d’une institution ou d’un organisme extérieur qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation. 

Les dispositions réglementaires prévoyant la participation des parlementaires au conseil de juridiction ont donc été abrogées, supprimant les parlementaires de la liste des membres du conseil de juridiction.

L’étude d’impact du projet de loi mentionne néanmoins plusieurs cas de participation de parlementaires à des conseils de juridiction. 

2.   Le projet de loi initial

L’article 12 crée deux nouvelles sections dans la partie législative du code de l’organisation judiciaire pour élever au niveau législatif le conseil de juridiction des tribunaux judiciaires (article L. 212-9) et des cours d’appel (article L. 312-9).

Les deux articles prévoient la participation d’un député et d’un sénateur élus dans les circonscriptions situées dans le ressort de la juridiction au conseil de juridiction « en fonction de son ordre du jour ou lorsque sa consultation est requise par des dispositions législatives ou réglementaires ».

Le choix a été fait de ne nommer qu’un seul député et qu’un seul sénateur suite à l’avis du Conseil d’État, cité dans l’étude d’impact du présent projet de loi ([382]) : « la participation de l’ensemble des députés et sénateurs du ressort n’apparaît pas nécessairement appropriée au regard du nombre, le cas échéant, important de parlementaires concernés ». 

Au vu de la carte judiciaire, qui comprend 164 tribunaux judiciaires et 36 cours d’appel, cela représenterait environ 200 nominations dans chaque chambre à chaque mandature. À titre de comparaison, à l’Assemblée nationale, au début de la XVIe législature, plus de 900 nominations dans des organismes extra-parlementaires ont été réalisées.

Le présent article ne mentionne pas expressément les modalités de désignation des parlementaires au sein des conseils de juridiction, considérant que l’article 4 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination (ci-après « loi du 3 août 2018 ») précise les modalités de nomination des députés dans les organismes extérieurs au Parlement. Son article 4 prévoit ainsi que les nominations de députés et de sénateurs sont effectuées respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat. 

Les nominations faites par les présidents des deux chambres sont encadrées par la loi du 3 août 2018. Le I de l’article 2 de la loi prévoit ainsi que, dans l’hypothèse où une loi prévoit la nomination d’un député et d’un sénateur, les présidents doivent nommer un homme et une femme, alternativement. 

Au principe de parité des nominations s’ajoute celui de respect de la pluralité politique des assemblées.

Ainsi, en vertu de l’article 28 du règlement de l’Assemblée nationale, les nominations des députés dans les organismes extra-parlementaires reflètent aujourd’hui la configuration politique de l’Assemblée.

Article 28 du RAN

Les nominations effectuées sur le fondement des dispositions du présent chapitre ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée.

Cette formulation, issue de la réforme du règlement de l’Assemblée de 2009, visait « à mieux prendre en compte les groupes d’opposition et les groupes minoritaires pour les nominations de députés dans une commission, un organisme ou une assemblée » ([383]). La liste des députés membres d’organismes extraparlementaires est disponible sur le site de l’Assemblée nationale ([384]).

Le règlement du Sénat comporte également une disposition garantissant le respect du pluralisme sénatorial lors des nominations au sein d’organismes extérieurs, ajoutée en juin 2009 ([385]). L’article 9 du règlement du Sénat prévoit ainsi, s’agissant des nominations de sénateurs dans un organisme extérieur au Parlement, que « pour les désignations effectuées en application du présent article, il est tenu compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes et du respect de la parité entre les femmes et les hommes » ([386]).

Le respect du pluralisme politique lors des nominations a été élevé au niveau législatif : l’article 3 de la loi du 3 août 2018 sur les organismes extérieurs ([387]) prévoit ainsi que « l’Assemblée nationale et le Sénat s’efforcent de respecter leur configuration politique respective pour l’ensemble des nominations effectuées dans les organismes extérieurs au Parlement ».

Il résulte de ces dispositions que les nominations des députés et des sénateurs au sein des conseils de juridiction devront respecter la composition politique de chaque chambre et le principe de parité

Un décret en Conseil d’État devra être pris pour rendre les articles réglementaires relatifs au conseil de juridiction conformes aux nouvelles dispositions législatives.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements déposés par les rapporteurs du texte, Mmes Canayer et Vérien – deux en commission et un en séance. 

L’amendement COM-127, adopté par la commission, modifie les conditions de la participation des parlementaires au conseil de juridiction : il prévoit que l’ensemble des députés et des sénateurs élus dans les circonscriptions situées dans le ressort de la juridiction y sont conviés.

L’amendement COM-128, adopté par la commission, procède à deux modifications.

En premier lieu, l’amendement élève au niveau législatif l’impossibilité pour le conseil de juridiction d’exercer un contrôle sur l’activité juridictionnelle ou sur l’organisation de la juridiction, et d’évoquer les affaires individuelles. Cette impossibilité est aujourd’hui prévue à l’article R. 212-64 du code de l’organisation judiciaire. 

En second lieu, l’amendement instaure un conseil de juridiction auprès de diverses juridictions.

Il crée un nouvel article L. 436-1 au sein du code de l’organisation judiciaire qui instaure un conseil de juridiction placé auprès de la Cour de cassation, dont les missions, la composition, l’organisation et le fonctionnement sont fixés par le premier président. Si ce dernier était initialement l’unique décisionnaire, l’amendement n° 208 – déposé par les rapporteurs en séance et adopté avec l’avis favorable du Gouvernement – a ajouté le procureur général. Les modalités de fonctionnement du conseil de juridiction sont donc, dans le texte issu du Sénat, fixées conjointement par le premier président et le procureur général. Le nouvel article prévoit également la participation du président de la commission permanente compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée.

Il crée par ailleurs trois nouveaux articles au sein du code de justice administrative. L’article L. 122-4 crée un conseil de juridiction placé auprès du Conseil d’État, dont les modalités de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État. La participation du président de la commission permanente compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée est également prévue.

L’article L. 221-2-2 crée un conseil de juridiction placé auprès de chaque tribunal administratif et prévoit la participation des députés et sénateurs élus dans les circonscriptions situées dans le ressort de la juridiction.

L’article L. 222-3-1 crée un conseil de juridiction placé auprès de chaque cour administrative d’appel et prévoit la participation des députés et sénateurs élus dans les circonscriptions situées dans le ressort de la juridiction.

4.   La position de la Commission

Outre deux précisions rédactionnelles, la commission a adopté cinq amendements.

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier et de vos rapporteurs, et avec un avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté les amendements identiques CL123 et CL179 qui permettent la participation des parlementaires aux conseils de juridiction quel que soit l’ordre du jour de ceux-ci. En cohérence, la Commission a adopté l’amendement CL980, qui concerne la participation des parlementaires au conseil de juridiction placé auprès de la cour d’appel, sans condition d’ordre du jour.

Sur proposition des rapporteurs, l’amendement CL934 revient sur une modification apportée par le Sénat, qui créait une exception au principe selon lequel le conseil de juridiction n’exerce aucun contrôle sur l’activité juridictionnelle ou l’organisation de la juridiction.

Sur proposition des rapporteurs, l’amendement CL937 revient sur un ajout du Sénat, qui instaurait un conseil de juridiction au Conseil d’État, dans les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et à la Cour de cassation.

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Article 12 bis
(art. L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire)
Correction d’une référence à un article abrogé

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, inséré dans le projet de loi par le Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement (n° 260) de M. Mohamed Soilihi, adopté avec des avis favorables de la commission de lois et du Gouvernement, procède à une modification rédactionnelle au sein du code de l’organisation judiciaire.

L’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire prévoit que des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale, de l’admission à l’aide sociale et des litiges relevant de l’application de l’article L. 4162-13 du code du travail. Or, cet article a été abrogé par l’article 1er de l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention – les dispositions correspondantes étant transférées à l’article L. 4163-17 du code du travail.

Afin de corriger cette référence, l’article introduit par le Sénat substitue, au sein du 3° de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, la référence « L. 4162-17 » à la référence à l’article L. 4162-13, aujourd’hui abrogé. 

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

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Chapitre II
Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

Article 13
(art. 11 et 12, de l’ordonnance  2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, et art. 223 et 23 de la loi n° 711130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)
juridiction disciplinaire des officiers ministériels et des avocats

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article opère des mesures de coordination indispensables pour assurer la compatibilité de dispositions de nature législative relatives à la composition des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats avec l’article 7 du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, qui consacre la participation des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans ces instances disciplinaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a réformé la procédure disciplinaire des avocats et des officiers ministériels et a créé les juridictions disciplinaires de ces professions.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements, un en commission, deux en séance. Il a procédé à la suppression de certaines mesures de coordination inscrites dans le projet de loi initial, et ajouté deux dispositifs. L’un crée une procédure disciplinaire simplifiée pour les magistrats. L’autre vise à faciliter la désignation de rapporteurs dans le cadre de la procédure disciplinaire des avocats.

       Modifications apportées par la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté deux amendements de vos rapporteurs ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. L’un rétablit des coordinations nécessaires s’agissant des magistrats habilités à siéger dans les juridictions disciplinaires des avocats et des officiers ministériels. L’autre répare un oubli s’agissant des modalités de révocation du sursis pour les peines d’amende émises par ces mêmes juridictions.

1.   L’état du droit

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a réformé la procédure disciplinaire des avocats et des officiers ministériels en créant des juridictions disciplinaires échevinées propres à chaque profession.

Ces juridictions comprennent des représentants des professions, et des magistrats. Plusieurs dispositions législatives prévoient la présence de magistrats en activité ou honoraires dans la composition des nouvelles juridictions disciplinaires.

● L’article 11 de l’ordonnance n° 2022‑544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels prévoit cette participation pour différentes instances disciplinaires :

– les chambres de discipline instituées auprès des instances professionnelles régionales ou interrégionales des notaires et des commissaires de justice qui connaissent en premier ressort des poursuites disciplinaires contre ces professionnels ; 

– les cours nationales de discipline instituées auprès du Conseil supérieur du notariat et de la Chambre nationale des commissaires de justice, qui connaissent des appels formés contre les jugements des chambres de discipline de la profession concernée.

– le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, qui connaît des poursuites contre ces professionnels et est composé d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, et de quatre membres de la profession.

– la cour nationale de discipline, instituée auprès de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui connaît des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Cette cour est composée d’un membre du Conseil d’État, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, et de cinq membres de la profession.

 L’article 12 de la même ordonnance prévoit que les membres de ces juridictions disciplinaires sont nommés par arrêté et que « les magistrats honoraires ne peuvent siéger au-delà de la date de leur soixante et onzième anniversaire. »

● L’article 22-3 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que le conseil de discipline compétent pour les avocats « est présidé par un magistrat du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraire, désigné par le premier président, lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande ». Il dispose en outre que « le magistrat honoraire président du conseil de discipline ne peut siéger au-delà de la date de son soixante et onzième anniversaire ».

● L’article 23 de la même loi prévoit des dispositions comparables pour le conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d’appel qui connaît des infractions et fautes commises par les avocats relevant des barreaux qui s’y trouvent établis.

2.   Le projet de loi initial

L’article 13 du projet de loi tire les conséquences de certaines modifications opérées à l’article 7 du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire s’agissant de la participation des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et permettre leur indemnisation.

Ces mesures de coordination visent à sécuriser la situation de ces magistrats.

L’article 7 du projet de loi organique précité inscrit expressément dans l’ordonnance statutaire la possibilité, pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, de siéger au sein des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l’encontre des avocats ou des officiers ministériels.

Le même article fixe la limite d’âge maximal de ces magistrats à 75 ans.

L’article 13 du projet de loi ordinaire doit tirer les conséquences de ces dispositions afin de rendre certaines dispositions législatives compatibles avec la loi organique.

● Le 1° du I et le II de l’article 13 suppriment la référence au « magistrat honoraire » dans les textes relatifs aux juridictions disciplinaires des officiels ministériels et des avocats, car cette appellation ne correspond pas strictement à celle de « magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles » visée par la loi organique pour l’exercice de ces fonctions.

Il existe en effet plusieurs catégories de magistrats honoraires :

– les magistrats honoraires qui le deviennent du simple fait de leur admission à la retraite (article 77 de l’ordonnance statutaire), mais ne demandent pas à continuer à servir l’institution judiciaire dans le cadre de vacations ;

– les magistrats honoraires exerçant des activités non juridictionnelles de nature administrative ou d’aide à la décision (article 41‑35 de l’ordonnance statutaire) ;

– les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (article 41‑25 de l’ordonnance statutaire), qui sont affectés en juridiction à leur demande et suivant une procédure de nomination décrite dans l’ordonnance statutaire : c’est à eux que le projet de loi organique permet la participation aux juridictions disciplinaires.

En l’état du droit, les différentes dispositions relatives aux juridictions disciplinaires, lorsqu’elles désignent les « magistrats honoraires », visent une catégorie de magistrats honoraires qui ne correspond pas à celle à qui l’ordonnance statutaire donne mission de siéger dans ces juridictions. L’article 13 du projet de loi supprime en conséquence toutes les références législatives aux « magistrats honoraires » afin d’assurer la conformité de ces textes avec l’ordonnance statutaire telle que modifiée par le projet de loi organique.

● Le 2° de l’article 13 du projet de loi met en conformité l’article 12 de l’ordonnance n°  2022-544 précitée avec l’ordonnance statutaire telle que modifiée par le projet de loi organique s’agissant des modalités de désignation des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les instances disciplinaires concernées. 

L’article 41-25 de l’ordonnance statutaire telle que modifiée par l’article 7 du projet de loi organique prévoit que ces magistrats peuvent être « désignés par le premier président de la cour d’appel » pour siéger auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l’encontre d’officiers ministériels ou d’avocat. Or, l’article 12 de l’ordonnance n° 2022-544 précitée prévoit que les membres des juridictions sont « nommés par arrêté du ministre de la justice ».

L’article 13 du projet de loi ordinaire réécrit en conséquence l’article 12 de l’ordonnance n° 2022-544 pour prévoir que seuls les membres professionnels des juridictions sont nommés par arrêté, et que les magistrats du siège de l’ordre judiciaire sont désignés conformément à ce que prévoit l’ordonnance statutaire.

L’article 29 du projet de loi prévoit que ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française. Il précise par ailleurs que les nouvelles règles de désignation des magistrats et des conseillers d’État siégeant au sein des juridictions disciplinaires prévues au 2° du I de l’article 13 sont sans incidence sur les instances disciplinaires engagées antérieurement ou en cours.

● Le II de l’article 13 du projet de loi supprime par ailleurs la référence à la limite d’âge maximal de 72 ans des magistrats honoraires dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, cette mesure étant contraire à l’ordonnance statutaire élevant cette limite d’âge à 75 ans.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement de ses rapporteurs en commission afin de revenir sur certaines coordinations rédactionnelles et a adopté, en séance, deux amendements de ses rapporteurs avec avis favorable du Gouvernement, portant sur les conditions de candidature et la création d’une procédure disciplinaire simplifiée pour les avocats.

a.   En commission, un amendement revenant sur des corrections rédactionnelles inscrites à l’article 10

En commission des Lois, le Sénat a adopté l’amendement COM‑130 de ses rapporteurs supprimant certaines coordinations avec le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire jugées non indispensables.

Elle a considéré que la suppression systématique de la précision selon laquelle les magistrats siégeant dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et des avocats peuvent être « en activité ou honoraires » ne répond « à aucun impératif juridique », et a même estimé préférable le maintien de ces termes pour la lisibilité de la norme.

b.   L’élargissement du vivier des personnes pouvant être nommées rapporteur ou assesseur dans les juridictions disciplinaires des avocats

Le Sénat a adopté en séance l’amendement n° 281 de sa rapporteure Mme Canayer, avec avis favorable du Gouvernement, qui porte sur la procédure disciplinaire des avocats.

Cet amendement facilite la désignation de rapporteurs dans le cadre de la procédure disciplinaire.

Il permet :

– à des anciens membres du conseil de l’ordre en activité d’être désignés rapporteurs en phase d’instruction ;

– la désignation de plusieurs rapporteurs afin de faciliter l’instruction dans les affaires complexes ;

Cet amendement vise en outre à élargir le vivier des personnes pouvant être désignées pour siéger comme membre du conseil de discipline ou assesseur au sein de la formation de jugement de la cour d’appel, en permettant la désignation d’anciens membres du conseil de l’ordre. Il peut s’agir d’anciens membres en activité ou honoraires, à condition qu’ils soient âgés de moins de 75 ans, par cohérence avec les dispositions du projet de loi organique réformant l’ordonnance statutaire pour fixer une limite d’âge maximal de 75 ans pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

c.   Création d’une procédure disciplinaire simplifiée pour les avocats

Le Sénat a adopté, en séance publique, l’amendement n° 282 de ses rapporteurs qui a reçu un avis favorable du Gouvernement et qui crée une procédure disciplinaire simplifiée pour les avocats.

Cette procédure, souhaitée par les représentants de la profession d’avocat entendus par vos rapporteurs, a pour but de permettre la poursuite des « petites incivilités déontologiques », actuellement non traitées.

Cette procédure, permise uniquement en dehors des cas où la réclamation a été présentée par un tiers, consiste en une saisine de l’instance disciplinaire par le bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause selon une procédure simplifiée dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

L’échec de la procédure n’empêche pas la reprise d’une instance disciplinaire dans les conditions de droit commun.

4.   La position de la Commission

Outre une précision rédactionnelle, la Commission a adopté deux amendements de vos rapporteurs ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

Le premier rétablit les mesures de coordination entre le projet de loi organique et les ordonnances relatives aux juridictions disciplinaires des avocats et des officiers ministériels. La faculté de siéger dans ces juridictions étant ouverte, par le projet de loi organique, aux seuls « magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles », il convient de ne pas laisser subsister dans les ordonnances les termes « magistrats honoraires » puisque ces derniers n’exercent pas d’activité juridictionnelle. 

Le second amendement répare un oubli dans l’ordonnance n° 2022‑544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels qui a prévu les modalités de révocation du sursis pour la peine d’interdiction temporaire pouvant être prononcée, mais a omis de le faire pour la peine d’amende.

 

 

Article 13 bis (nouveau)
(art. L. 3172-2 du code du travail)
Clarification rédactionnelle relative aux chambres de discipline des officiers publics ministériels

Introduit par la Commission

 

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 bis, introduit par la Commission sur proposition de vos rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, clarifie la rédaction de l’article L. 3172‑2 du code du travail afin d’éviter toute confusion entre, d’une part, les chambres de discipline des officiers publics ministériels qui sont des juridictions disciplinaires de premier degré, et les chambres régionales des commissaires de justice et les conseils régionaux des notaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 3172‑2 du code du travail a été codifié par l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail et n’a depuis fait l’objet d’aucune modification.

1.   L’état du droit

L’article L. 3172‑2 du code du travail prévoit que « les chambres de discipline dont relèvent les offices ministériels assurent, sous le contrôle du procureur de la République, l’application des dispositions relatives au repos hebdomadaire aux clercs, commis et employés des études et greffes dans ces offices. ».

L’ordonnance n° 2022‑544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels a créé les « chambres de discipline », terminologie donnée aux juridictions disciplinaires de premier degré, instituées auprès de l’instance professionnelle régionale des commissaires de justice ou des notaires, composées de professionnels et d’un magistrat. L’article 11 de cette ordonnance définit leur rôle, circonscrit à celui de connaître en premier ressort des poursuites et des sanctions disciplinaires des officiers publics ministériels.

Ainsi, les termes « chambres de discipline » employés à l’article L. 3172‑2 du code du travail ne sont plus appropriés puisqu’ils désignaient les chambres régionales des commissaires de justice et les conseils régionaux des notaires. L’emploi de ces termes prête à confusion avec les chambres de discipline instituées par l’ordonnance précitée du 13 avril 2022.

2.   Le dispositif adopté par la commission des Lois

Le dispositif introduit par la Commission permet de clarifier la terminologie employée dans le code du travail afin d’éviter tout risque de confusion avec les chambres de discipline, qui désignent exclusivement les juridictions disciplinaires des officiers ministériels.

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Chapitre III
Administration pénitentiaire

Article 14
(art. L. 113-4-1 [nouveau], L. 114-1, L. 114-2 et L. 223-20 [nouveau] du code pénitentiaire, art. 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018)
Dispositions concernant l’administration pénitentiaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article porte trois évolutions concernant l’administration pénitentiaire : il crée la possibilité de recruter des surveillants adjoints par voie contractuelle, il accroît le vivier de la réserve civile pénitentiaire et il généralise l’expérimentation du port de caméras individuelles par certains personnels pénitentiaires.

       Dernières modifications intervenues

Le code pénitentiaire a été créé en 2022 par voie d’ordonnance ([388]).

       Modifications apportées par le Sénat

En commission, plusieurs amendements identiques ont garanti l’anonymat des enregistrements des caméras individuelles lorsque ceux-ci sont utilisés à des fins pédagogiques ou de formation.

En séance, le Sénat a inséré un nouvel article au sein du code pénitentiaire, rendant possible, dans certains cas, la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites disciplinaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a apporté des modifications d’ordre uniquement rédactionnel.

 

1.   L’état du droit

a.   Une administration confrontée à des difficultés de recrutement

Au 1er janvier 2021, la direction de l’administration pénitentiaire comptait 42 452 agents, dont 30 488 affectés dans les différents établissements pénitentiaires. Parmi l’ensemble de ces personnels, les surveillants pénitentiaires représentent plus de 70 % des effectifs ([389]).

L’étude d’impact fait le constat d’un déficit d’attractivité majeur qui frappe aujourd’hui les métiers de la pénitentiaire et au premier rang le métier de surveillant pénitentiaire ([390]). Les concours peinent de plus en plus à recruter un nombre suffisant de surveillants et ne permettent plus de pourvoir les postes laissés vacants par des départs ou créés par l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.

L’insuffisance des recrutements de surveillants pénitentiaires
par la voie des concours en 2021 et 2022

 

Postes à pourvoir

Intégration en scolarité

Part des postes non pourvus par l’intégration en scolarité

Concours 2021 n° 1

809

740

8,5 %

Concours 2021 n° 2

869

652

25 %

Concours 2022 n° 1

617

579

6,2 %

Concours 2022 n° 2

1022

752

26,4 %

Source : étude d’impact du présent projet de loi, p° 275.

Pour répondre à ces difficultés, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre :

– l’instauration en 2018 d’une prime de fidélisation ([391]) ;

– la création en 2019 des concours nationaux à affectation locale ([392]) ;

– la poursuite de la politique d’amélioration catégorielle, qui a été dotée pour 2023 d’une enveloppe de 34,2 millions d’euros, soit une augmentation de 52,6 % par rapport à l’année 2022 ([393]). Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur de l’administration pénitentiaire a, en outre, souligné la revalorisation d’ampleur historique qui était conduite avec le passage du corps des surveillants de la catégorie C à la catégorie B.

Compte tenu de l’insuffisance des derniers recrutements par concours, force est malgré tout de constater que ces efforts ne suffisent pas aujourd’hui. Ces difficultés impliquent donc de trouver de nouveaux leviers d’action pour agir sur le recrutement, afin d’assurer la prise en charge de la population carcérale, dans une situation marquée par la surpopulation. Au 1er mai 2023, on comptait en effet 73 162 personnes détenues, soit 15 567 personnes détenues en surnombre ([394]). Comme l’ont souligné les syndicats de personnels pénitentiaires auditionnés par vos rapporteurs, cette surpopulation dégrade considérablement leurs conditions de travail et nuit directement à la réinsertion des personnes détenues et, par conséquent, à la lutte contre la récidive.

b.   Un soutien insuffisant de la réserve civile pénitentiaire

La réserve civile pénitentiaire, créée par la loi pénitentiaire de 2009 ([395]), est encadrée par les articles L. 114-1 à L. 114-6 du code pénitentiaire, qui lui assignent plusieurs missions :

– renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice ;

– formation des personnels ;

– missions d’étude ou de coopération internationale ;

– assister les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) dans l’exercice de leurs fonctions de probation.

Cette réserve est exclusivement composée de retraités des corps de l’administration pénitentiaire, qui s’y engagent volontairement, sous réserve de remplir des conditions d’aptitude fixées par décret. La réserve est soumise au code de déontologie du service public pénitentiaire ; ne peuvent donc en faire partie les agents ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l’exercice des missions confiées aux réservistes ([396]).

Les réservistes souscrivent un engagement contractuel d’une durée minimale d’un an renouvelable. Leurs missions ne peuvent toutefois les mobiliser au-delà de cent cinquante jours par an. Lors de ces missions, ils perçoivent une indemnité fixée à 105 euros par jour, un montant qui devrait prochainement être revalorisé ([397]).

Selon l’étude d’impact, la réserve civile pénitentiaire compte actuellement 200 réservistes qui, en 2021, ont réalisé 17 680 journées, soit une moyenne de 88 journées par réserviste.

Malgré la pertinence du soutien des réservistes, dont l’utilité précieuse a été soulignée, notamment par les syndicats de direction pénitentiaire auditionnés par vos rapporteurs, leur nombre semble aujourd’hui insuffisant au regard des missions toujours plus nombreuses qui sont confiées à cette administration.

c.   Le port de caméras individuelles par certains personnels de l’administration pénitentiaire

L’expérimentation du port de caméras individuelles par des agents de l’administration pénitentiaire a été autorisée en 2018 ([398]).

Le texte initial de la proposition de loi visait à autoriser, de manière pérenne, les personnels de l’administration pénitentiaire à procéder, à l’aide de caméras individuelles, à des enregistrements audiovisuels qui se limitaient aux opérations d’extractions judiciaires ou de transfèrements administratifs, c’est-à-dire à des opérations se déroulant à l’extérieur des établissements pénitentiaires. Ce dispositif a été étendu par le Sénat afin de permettre l’utilisation des caméras à l’intérieur des établissements « pour les missions présentant, à raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion ». L’extension du dispositif a conduit le Parlement à lui conférer un caractère expérimental.

Cette expérimentation précise les règles applicables à cet usage des caméras individuelles dans le champ pénitentiaire :

– les personnels autorisés au port de ces caméras sont individuellement désignés ;

– l’enregistrement est possible « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées » ;

–  l’enregistrement n’est pas permanent ;

– aucun enregistrement ne peut être déclenché à l’occasion d’une fouille ([399]), dans un souci de préservation du droit au respect de la vie privée et de la dignité humaine ;

– ces enregistrements ont pour finalité la prévention des incidents et des évasions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par une collecte de preuves ainsi que la formation des agents ;

– les caméras sont portées de façon apparente et un signal visuel indique que l’enregistrement est en cours ;

– le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent ;

– une information générale du public sur l’emploi des caméras est également prévue, organisée par le ministre de la justice ;

– les personnels pénitentiaires auxquels les caméras sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ;

– l’effacement des enregistrements est prévu au bout de six mois, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.

Les modalités d’application et d’utilisation des données collectées de cette expérimentation ont été précisées par décret en Conseil d’État ([400]) après avis de la Commission national de l’informatique et des libertés ([401]). Publié le 23 décembre 2019, ce décret a marqué l’entrée en vigueur de cette expérimentation, autorisée pour une durée de trois ans.

2.   Le projet de loi initial

a.   L’élargissement du vivier de la réserve civile pénitentiaire

Afin de renforcer la réserve pénitentiaire, le présent article propose deux mesures visant à élargir le vivier de recrutement de cette réserve.

● La première mesure, prévue au 2° du I, modifie le deuxième alinéa de l’article L. 114-1 du code pénitentiaire afin d’élargir la composition de la réserve aux volontaires retraités issus de l’ensemble des « personnels » de l’administration pénitentiaire.

Cette formulation, plus large que celle actuellement en vigueur qui ne vise que les « corps » de l’administration pénitentiaire, permettra une extension de la réserve notamment aux personnels de la filière administrative ou de la filière sociale.

● La seconde mesure, prévue au 3° du I, modifie le premier alinéa de l’article L. 114-2 du même code, qui prévoit actuellement que les agents pénitentiaires peuvent rejoindre la réserve dans la limite de cinq années à compter de la fin de leur lien avec le service.

La nouvelle rédaction proposée par le présent article prévoit que les agents pénitentiaires pourront rejoindre la réserve, à compter de la fin de leur lien avec le service, dans la limite de l’âge de 67 ans.

Ainsi que le précise l’étude d’impact, cette mesure élargira le vivier de la réserve, puisqu’aux termes des dispositions législatives en vigueur, lorsqu’un agent pénitentiaire part à la retraite à 57 ans, il ne peut actuellement servir dans la réserve que jusqu’à 62 ans ([402]).

Ces dispositions concernant la réserve pénitentiaire n’ont appelé aucune réserve de la part du Conseil d’État dans son avis rendu sur le présent projet de loi ([403]).

b.   La création du statut de surveillant adjoint contractuel

Le 1° du I insère dans le code pénitentiaire un nouvel article L. 113-4-1, qui offre à l’État la possibilité de faire appel à des surveillants adjoints recrutés en qualité de contractuels de droit public.

Il précise plusieurs conditions relatives à leur recrutement. Ces surveillants doivent être âgés d’au moins 18 ans et de moins de 30 ans. Ils sont recrutés pour une période de trois ans, renouvelable une fois par reconduction expresse. L’étude d’impact ajoute que la procédure de sélection comprendra un entretien, des tests psychologiques et des épreuves sportives ([404]).

Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur de l’administration pénitentiaire a rappelé que ce recrutement par voie contractuelle ne serait activé que pour pourvoir aux places laissées vacantes à l’issue des recrutements par la voie des concours. Le rapport annexé prévoit en effet que ce nouveau vecteur de recrutement se limitera aux « postes demeurés vacants à l’issue des concours de surveillants » ([405]).

Par ailleurs, le directeur de l’administration pénitentiaire a précisé à vos rapporteurs que les conditions de formation des surveillants adjoints sont en cours d’élaboration : sont envisagées entre 14 et 18 semaines de formation. Doivent également être précisées les modalités de la voie d’accès à la titularisation qui sera ensuite ouverte ; l’étude d’impact indique simplement qu’une voie privilégiée au concours de surveillant sera ouverte et que les modalités de celle-ci sont à déterminer ([406]).

Le recours à ces agents contractuels est prévu « pour assurer des missions d’appui et d’accompagnement auprès des membres du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance ». Les missions attribuées aux surveillants adjoints seront circonscrites à certaines tâches limitativement énumérées par un décret d’application en Conseil d’État, prévu au second alinéa du nouvel article L. 113-4-1. Ce décret prévoira également les conditions d’évaluation des activités concernées.

L’étude d’impact apporte des précisions sur les missions qui pourraient être confiées à ces surveillants adjoints contractuels en « présence et en complémentarité de surveillants titulaires » :

– le soutien des surveillants en détention dans le cadre d’un binôme ;

– les opérations de fouilles, sectorielle et de cellule, sous la responsabilité d’un surveillant titulaire ;

– la garde des murs, par exemple lors d’opérations de travaux ;

– le suivi des écoutes téléphoniques réalisées dans l’établissement ou de la surveillance vidéo ;

– l’accueil des familles ou la surveillance des parloirs ;

– la conduite des véhicules ;

– le soutien des greffes pénitentiaires ([407]).

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a souligné l’intérêt de cette innovation importante « pour constituer une catégorie nouvelle de personnels d’appui à l’administration pénitentiaire et favoriser de futurs recrutements » ([408]). Il rappelle en outre que ce nouvel article L. 113-4-1 reprend la rédaction de l’article L. 411-5 du code de la sécurité intérieure ([409]) relatif aux policiers adjoints en ajoutant des précisions sur les missions pouvant être assurées dans ce cadre.

c.   Le port de caméras individuelles par les personnels de surveillance

● Le 4° du I du présent article insère dans le code pénitentiaire une nouvelle section relative aux caméras individuelles, constituée d’un nouvel article L. 22320 qui pérennise l’expérimentation à partir de 2020. Cette généralisation a été préconisée par le rapport d’évaluation de cette expérimentation, remis au Parlement en août 2021. Celui-ci conclut à la pertinence des caméras individuelles qui ont été rapidement acceptées et intégrées aux pratiques professionnelles, permettant de valoriser les missions quotidiennes des agents pénitentiaires et participant à l’apaisement des relations avec les personnes détenues ([410]).

Ce nouvel article reprend l’intégralité des dispositions prévues pour cette expérimentation, telles que décrites ci-avant, et procède à quelques ajustements. Tout d’abord, son quatrième alinéa apporte deux précisions : d’une part, les caméras sont fournies par le service ; d’autre part, l’information générale devant être organisée par le ministre de la justice l’est au sein des établissements pénitentiaires et auprès de l’ensemble des publics concernés.

Par rapport au dispositif de l’expérimentation, trois nouveaux alinéas ont, en outre, été ajoutés pour tenir compte de l’avis du Conseil d’État, qui a estimé pertinent d’ajouter deux dispositions ([411])  :

– d’une part, « la possibilité de transmission en temps réel des images à un poste de commandement lorsque la sécurité des agents est menacée » : le sixième alinéa du nouvel article L. 223-20 prévoit donc que les images enregistrées peuvent être transmises en temps réel à la cellule de crise de l’établissement pénitentiaire et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention, lorsque la sécurité des personnels, des biens ou des personnes est menacée ([412]) ;

– d’autre part, « l’accès direct des agents chargés de l’intervention aux enregistrements lorsque cette consultation est nécessaire pour prévenir des atteintes imminentes à l’ordre public, porter secours aux personnes ou établir les faits lors des comptes rendus d’interventions » : le cinquième alinéa prévoit donc pour cela, dans les cas envisagés par le Conseil d’État, une dérogation à l’alinéa précédent qui prévoit que les personnels auxquels les caméras sont confiées ne peuvent avoir un accès direct aux enregistrements auxquels ils procèdent.

Sans doute pour garantir que cet accès direct ne soit pas interprété comme menaçant la validité des enregistrements réalisés, un alinéa supplémentaire a été ajouté pour préciser que les caméras sont dotées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements jusqu’à leur effacement, ainsi que la traçabilité des opérations effectuées sur ces enregistrements. Ainsi, si dans le cadre de l’intervention, il a été procédé à un accès en direct aux enregistrements, cet accès pourra être tracé.

L’avis du Conseil d’État a, en outre, conduit à raccourcir le délai de conservation des enregistrements audiovisuels lorsqu’ils ne sont pas utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire : prévu pour une durée de six mois dans l’expérimentation, ce délai est ici raccourci à trois mois ([413]).

Enfin, le Conseil d’État souligne que ces dispositions sont « cohérentes avec celles du code de la sécurité intérieure régissant l’usage des caméras individuelles par la police nationale, la gendarmerie nationale et les polices municipales » ([414]), dispositions qui ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ([415]).

● En conséquence, le II du présent article abroge l’article 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique qui prévoyait ladite expérimentation.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   Les modifications apportées en commission

Adoptant l’amendement n° 4 rect. de M. Jean-Yves Roux, la commission a élargi le champ du décret en Conseil d’État, en y intégrant également les modalités de formation des surveillants adjoints contractuels.

Outre un amendement rédactionnel des rapporteures (n° 131), trois amendements identiques n° 47 de Mme Marie-Pierre de la Gontrie,  22 rect. bis de M. Jean‑Yves Roux et  85 rect. de M. Guy Benarroche ont également été adoptés par la commission, afin de préciser que, lorsqu’ils sont utilisés à des fins pédagogiques ou de formation, les enregistrements doivent être anonymisés.

Les dispositions concernant la réserve civile n’ont, quant à elles, fait l’objet d’aucune modification.

b.   Les modifications apportées en séance

● L’insertion des questions de formation des surveillants adjoints dans le décret en Conseil d’État a été supprimée par l’amendement n° 223 de M. Thani Mohamed Soilihi, avec un avis de sagesse de la commission et un avis favorable du Gouvernement.

Le dispositif concernant les caméras individuelles n’a été modifié qu’à la marge par un amendement rédactionnel (n° 253) de M. Mohamed Soilihi, adopté avec avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Les dispositions concernant la réserve civile n’ont, quant à elles, fait l’objet d’aucune modification.

● Un sujet complémentaire a en outre été introduit dans le présent article par l’amendement n° 225 de M. Thani Mohamed Soilihi, adopté avec avis favorable de la commission et du Gouvernement.

En insérant un nouvel article L. 231-4 dans le code pénitentiaire, au sein du titre III relatif au régime disciplinaire, celui-ci prévoit une possibilité de mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites disciplinaires, afin de prendre en compte certains manquements au règlement intérieur de l’établissement, aux règles du code pénitentiaire ou du code de procédure pénale, ou encore aux instructions de service, sans passer pour autant par une procédure disciplinaire (5° nouveau du présent article).

Cette procédure alternative aux poursuites disciplinaires ne pourra être utilisée qu’avec le consentement de la personne détenue concernée et il est prévu que les conditions de sa mise en œuvre soient déterminées par décret en Conseil d’État.

L’exposé sommaire de cet amendement précisait que cette procédure avait pour objectif de garantir « une réponse rapide à des incidents de moindre gravité », qui sont fréquents en détention et dont le traitement engorge les commissions de discipline. Il précisait en outre que « cette démarche dissuasive et préventive, s’intègre pleinement au plan de lutte national contre les violences ».

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté huit amendements rédactionnels de vos rapporteurs.

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*     *

titre V
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL ET AUX PROFESSIONS réglementées du droit

Chapitre Ier
Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

Article 15
(articles L. 342-1, L. 342-4 à L. 342-7, L. 342-9, L. 342-11, L. 342-12, L. 342-16, L. 342-17, L. 3433, L. 343-10, L. 343-11, L. 352-7, L. 614-13, L. 733-7 à L. 733-11, L. 741-10, L. 742-1, L. 742-4 à L. 742-8, L. 742-10, L. 743-1, L. 743-2, L. 743-4 à L. 743-9, L. 743-11 à L. 743-14, L. 743-18 à L. 743-21, L. 743-23, L. 743-24, L. 744-17, L. 751-5 et L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, L. 213-10 du code de l’organisation judiciaire, 137-1-1 du code de procédure pénale, L. 3131-13, L. 3211-12 à L. 3211-12-4, L. 3212-11, L. 3213-3, L. 3213-8, L. 3213-9-1, L. 3214-2, L. 3215-1, L. 3216-1, 3222-5-1 et L. 3223-1 du code de la santé publique)
Transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit le transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention (JLD) à un magistrat du siège du tribunal judiciaire. Le transfert porte sur le contrôle judiciaire de mesures prévues dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (rétention administrative, maintien en zone d’attente, visites domiciliaires en cas d’assignation à résidence d’étrangers) et dans le code de la santé publique (soins psychiatriques sans consentement, mise à l’isolement ou en quarantaine, contention).

Le présent article ne modifie pas le fond du droit quant au régime juridique de ces mesures.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique a prévu un mécanisme de saisine systématique du JLD pour le contrôle de la prolongation des mesures d’isolement et de contention.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article sans modification.

     Modifications apportées par la Commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   organisation de la juridiction des libertÉs et de la dÉtention

● Le juge des libertés et de la détention (JLD) a été créé par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

L'article L. 213-10 du code de l’organisation judiciaire prévoit que les règles relatives à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement de la juridiction des libertés et de la détention sont fixées par le code de procédure pénale.

Il ressort de la combinaison des articles 28 et 28-3 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature que :

– les fonctions de JLD ne peuvent être exercées que par un magistrat du siège, du premier grade ou hors hiérarchie, du tribunal judiciaire ou de première instance ;

– et que le JLD est nommé par décret du Président de la République sur la proposition du garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Le JLD est ainsi doté de la même garantie d’indépendance que les autres juges spécialisés du tribunal judiciaire (juge d’instruction, juge des enfants, juge de l’application des peines et juge des contentieux de la protection).

● Le JLD possède une compétence en matière de détention provisoire, qu’il ordonne ou prolonge par ordonnance motivée prise après un débat contradictoire. Il est également compétent en cas de violation des obligations du contrôle judiciaire, ainsi que pour les demandes de mise en liberté auxquelles le juge d’instruction n’a pas fait droit.

Le JLD possède, en outre, certaines attributions en matière de protection de la liberté individuelle.

Toujours en matière de procédure pénale, il est compétent pour autoriser certaines mesures d’enquête particulièrement attentatoires à la liberté (écoutes téléphoniques, perquisitions nocturnes, etc.) ou certaines prolongations exceptionnelles de garde à vue. Il peut également statuer, à la demande du parquet, sur le placement sous contrôle judiciaire d’un prévenu dans l’attente de son audience de jugement.

Le législateur a également prévu l’intervention du JDL dans d’autres domaines que la matière pénale, quand une liberté individuelle est en cause. Tel est le cas en matière de droit des étrangers et de santé publique (voir B).

● Compte tenu de la charge de travail importante des JLD, le législateur a dû prévoir des règles de suppléance.

Les conditions de la suppléance du JLD en cas de vacance de poste, d’empêchement ou d’absence ne sont actuellement définies qu’en matière pénale par l’article 137-1-1 du code de procédure pénale.

Celui-ci permet, pour certaines périodes et à certaines conditions, la désignation d’un JLD afin d’exercer concurremment ces fonctions dans, au plus, deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel. Cette désignation intervient par ordonnance du premier président de la cour d’appel après avis du président du tribunal judiciaire concerné. Elle peut intervenir pour l’organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels. Elle peut également être ordonnée, pour une durée totale qui ne peut excéder quarante jours, lorsque, pour cause de vacance d'emploi ou d’empêchement, aucun magistrat n’est susceptible, au sein d’une juridiction, d’exercer les fonctions de JLD.

B.   CompÉtences civiles du juge des libertÉs et de la dÉtention

1.   Compétences en matière de droit des étrangers

a.   Compétences en matière de zone d’attente

Dans certaines conditions, un étranger qui arrive en France peut être placé dans une zone d’attente pour une durée de quatre jours.

Les dispositions législatives relatives aux zones d’attente sont insérées au titre IV du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (articles L. 340-1 à L. 343-11).

Le JLD peut être appelé à se prononcer dans plusieurs situations.

Il peut autoriser le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours dans les conditions prévues par le chapitre II du titre précité (articles L. 342-1 à L. 342‑19). Il peut aussi se rendre sur place pour vérifier les conditions de ce placement (article L. 343-3).

La décision de maintien en zone d’attente est prorogée d’office de quatre jours en cas de recours en annulation d’un étranger qui s’est vu refuser l’asile. Le JLD est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme (article L. 352-7).

b.   Compétences en matière de rétention administrative

L'autorité administrative peut, à certaines conditions, placer en rétention un étranger pour l’exécution de la décision d’éloignement dont il fait l’objet.

Les dispositions législatives relatives à la rétention administrative sont insérées au titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (articles L. 740-1 à L. 744-17).

L'étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention peut la contester devant le JLD, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification (article L. 741-10). Dans ce cas, le JLD informe sans délai le tribunal administratif territorialement compétent, par tout moyen, du sens de sa décision (article L. 614-13).

Le JLD est également compétent pour statuer sur le maintien en rétention dans les conditions prévues par les chapitres II et III du titre précité (articles L. 742‑1 à L. 743-25). Il conserve également sa compétence lorsque l’autorité administrative décide d’un maintien en rétention le temps de l’examen d’une demande d’asile (article L. 754-3).

Les différents JLD territorialement compétents doivent être informés par l’autorité administrative en cas de déplacement d’un étranger d’un lieu de rétention vers un autre qui intervient après la première ordonnance de prolongation (article L. 744-17).

c.   Compétences en matière de visites domiciliaires des étrangers assignés à résidence

L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues par le titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assigner à résidence l’étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré sans que l’étranger puisse quitter immédiatement le territoire français.

Le JLD peut autoriser la visite du domicile d’un étranger assigné à résidence en vue de sa présentation aux autorités consulaires (article L. 733-7), de l’exécution d’office d’une décision d’éloignement (articles L. 733-8 à L. 733-11) ou encore pour l’exécution d’une décision de transfert dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable de la demande d’asile (article L. 751-5).

2.   Compétences en matière de santé publique

a.   Compétences en matière de mise en quarantaine ou de mise à l’isolement

Le code de la santé publique permet à l’autorité administrative, en cas de menaces et de crises sanitaires graves, de prendre des mesures de mise en quarantaine, de placement ou de maintien à l’isolement.

Le JLD est compétent pour statuer sur les recours formés à l’encontre de ces mesures. Il statue dans un délai de soixante-douze heures, par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire. Par ailleurs, lorsque la mesure interdit toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, pendant plus de douze heures par jour, elle ne peut se poursuivre au-delà d’un délai de quatorze jours sans que le JLD ait autorisé préalablement cette prolongation (article L. 3131-13 du code de la santé publique).

b.   Compétences en matière d’hospitalisation d'office

● Lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l’admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d’une hospitalisation complète (article 706-135 du code de procédure pénale). Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques par le code de la santé publique.

L’article L. 3213-1 du code de la santé publique permet également au représentant de l’État dans le département de prononcer par arrêté l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. L’arrêté doit être pris au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil.

Le JLD dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil peut être saisi, à tout moment, ou se saisir d’office, aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques (article L. 3211‑12).

L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le JLD ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission ou à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient. À défaut, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète est acquise.

Il doit aussi être saisi avant l’expiration d’un délai de six mois pour la poursuite de la mesure. À défaut, sauf circonstances exceptionnelles, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète est également acquise (article L. 3211-12‑1).

● L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique porte sur la mise à l’isolement et la contention.

L’isolement est le fait de placer une personne hospitalisée dans une chambre fermée, et la contention consiste à immobiliser cette personne (contention manuelle, mécanique ou chimique, cette dernière reposant sur la prise de médicaments). La durée maximale de l’isolement et de la contention est strictement encadrée. 

Il est prévu un mécanisme de saisine systématique du JLD pour le contrôle de la prolongation des mesures au-delà de quarante-huit heures pour la mise à l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention.

II.   le projet de loi initial

A.   Transfert des fonctions civiles du JLD À un magistrat du siÈge du tribunal judiciaire

● Le transfert des fonctions civiles du JLD à un magistrat du siège a été proposé dans le cadre des États généraux de la justice par le groupe de travail sur la simplification de la justice pénale. Celui-ci a recommandé la création de « deux fonctions distinctes pour exercer les missions qui incombent au juge des libertés et de la détention : d’une part, un magistrat statutaire, du premier grade, prenant en charge la matière exclusivement pénale ; d’autre part, un magistrat prenant en charge la matière civile et administrative quel que soit son grade ».

Le présent article met en œuvre cette recommandation et prévoit le transfert à un magistrat du siège du tribunal judiciaire des compétences civiles du JLD en matière de droit des étrangers et de santé publique.

Pour ce faire, le I modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (alinéas 1 à 14) et le II modifie le code de la santé publique (alinéas 15 à 37).

Les magistrats du siège concernés seront désignés par l’ordonnance de roulement du président du tribunal judiciaire, étant précisé que rien n’interdit que le JLD continue d’exercer les fonctions civiles dans les juridictions où cela est possible.

● Selon l’étude d’impact, l’objectif recherché est de faciliter l’organisation du travail des juridictions, d’accélérer le traitement des dossiers et de renforcer l’attractivité des fonctions de JLD.

Il est indiqué dans l’étude d’impact que le taux de vacance sur les fonctions de JLD était de 16,10 % au 1er janvier 2023, en augmentation de 3,6 points par rapport à l’année précédente. En volume, cela représente 224 postes occupés sur un total de 267 postes à pourvoir.

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que le présent article « n’affaiblit pas les garanties individuelles devant entourer les mesures privatives de liberté dans les domaines du droit des étrangers et des soins psychiatriques, mais devrait permettre au contraire de mieux les assurer en remédiant aux difficultés pratiques rencontrées par les juridictions en l’état des dispositions qui prévoient la compétence du JLD » (considérant n° 28).

● Les présidents de juridictions et les procureurs auditionnés par vos rapporteurs ont porté une appréciation positive sur le dispositif proposé. Ils ont rappelé que tous les magistrats avaient pour mission constitutionnelle la protection des libertés individuelles, et pas seulement le JLD. Ils ne voient donc pas d’opposition à transférer les compétences civiles du JLD à un autre magistrat du siège.

Le Président Jean-Marc Sauvé a souligné que la mesure lui paraissait particulièrement indispensable compte tenu de la charge de travail des JLD qui ne cesse de s’accroître.

La direction des services judiciaires (DSJ) du ministère de la justice a expliqué qu’il s’agissait surtout d’une mesure visant à permettre davantage de souplesse. Dans certains cas, rien ne s’oppose à ce que le JLD de la juridiction conserve l’intégralité de ses attributions. Dans d’autres, une répartition de la charge de travail est au contraire nécessaire.

Pour autant, des réserves fortes, voire une franche opposition, ont été exprimées par plusieurs syndicats, notamment pour des questions de principe, le JLD bénéficiant d’une indépendance renforcée du fait de son mode de nomination.

Les réserves exprimées s’expliquent aussi par des raisons pratiques, la crainte étant que la charge de travail soit transférée sur des juges civilistes dont le rythme de travail n’est pas toujours compatible avec les saisines fréquentes et imprévisibles du JLD.

Enfin, une autre réserve a été exprimée, portant plus particulièrement sur le droit des étrangers. Le mode actuel de désignation du JLD assurerait une garantie plus forte d’indépendance de la justice en cas de divergences récurrentes de points de vues entre le JLD et le préfet.

B.   coordinations avec le projet de loi organique

De manière accessoire, le présent article comporte également des mesures de coordination avec le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Le III modifie l'article L. 213-10 du code de l’organisation judiciaire (alinéas 38 et 39).

Le IV supprime la faculté pour le premier président de la cour d’appel de désigner un JLD afin d’exercer les mêmes fonctions concurremment, à certaines périodes, dans deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel. Pour ce faire, il supprime les deuxième et troisième alinéas de l’article 137-1-1 du code de procédure pénale.

Il s’agit d’une coordination en lien avec l’article 5 du projet de loi organique, qui porte sur l’affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination.

III.   les Modifications du SÉnat

Le Sénat a adopté le présent article sans modification.

IV.   la position de la commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

 

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Chapitre II
Diverses dispositions portant modernisations processuelles et relatives aux professions réglementées du droit

Article 16
(articles L. 814-2 et L. 814-13 du code de commerce)
Création d’un portail unique des déclarations de créances

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les dispositions relatives au portail électronique placé sous la responsabilité du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ). Il étend notamment les possibilités de communications électroniques et prévoit que les caractéristiques de ce portail sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 20 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a prévu la création, avant le 1er janvier 2014, d’un portail numérique unique de déclaration des créances.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article sans modification.

     Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté le présent article sans modification.

 

I.   l’État du droit

A.   Portail Électronique du CNAJMJ

● L’article 814-2 du code de commerce prévoit que les professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire sont représentées auprès des pouvoirs publics par un Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale, qui est chargé d’assurer la défense des intérêts collectifs de ces professions.

Ce même article a institué un portail électronique, placé sous la responsabilité du CNAJMJ, devant offrir des services de communication électronique sécurisée en lien avec les activités des deux professions, d’une part, et permettre l’envoi et la réception d’actes de procédure, d’autre part.

La liste des actes de procédure envoyés ou reçus pouvant faire faire l’objet d’une communication par voie électronique est fixée par un décret prévu à l’article L. 814-13 du code de commerce.

C’est sur ce fondement que l’article D. 814-58-3 du code de commerce permet aux créanciers de procéder aux déclarations de créance par voie électronique.

L’article L. 814-13 du code de commerce prévoit aussi que les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires doivent procéder par voie électronique lorsque les tiers destinataires ou émetteurs des actes ont expressément demandé ou consenti à ce qu’il soit procédé selon cette voie. À cette fin, ils doivent utiliser le portail mis à leur disposition par le CNAJM.

● En pratique, le portail électronique ainsi institué, nommé « Creditors services », a été un échec.

Mis en service le 12 octobre 2015, il a été fermé le 31 août 2021.

Selon le Gouvernement, le modèle économique basé sur la gratuité du service pour le déclarant a contribué à l’échec de ce portail.

B.   Extension de la communication Électronique dans le cadre de l’harmonisation europÉenne des procÉdures collectives

La directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 ([416]) – dite « directive restructuration et insolvabilité » – constitue une première étape tendant à l’harmonisation des procédures collectives au niveau européen. 

L’article 28 de la directive dispose que « les États membres veillent à ce que, dans les procédures de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, les parties à la procédure, le praticien et l’autorité judiciaire ou administrative soient en mesure d’effectuer, par des moyens de communication électronique, notamment dans les situations transfrontalières, au minimum les actions suivantes : déclaration de créances, soumission de plans de restructuration ou de remboursement, notifications aux créanciers, introduction de contestations et de recours ».

Le délai de transposition est fixé au 17 juillet 2024.

II.   le projet de loi initial

● Le présent article étend les possibilités de communication électronique permises par la loi via le portail placé sous la responsabilité du CNAJMJ.

Il modifie, pour ce faire, les articles L. 814-2 et L. 814-13 du code de commerce.

Il prévoit que le portail électronique doit permettre l’envoi et la réception des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, ainsi que des rapports, par les administrateurs et les mandataires judiciaires.

Ce faisant, il constitue une première étape de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », en autorisant juridiquement la communication électronique pour un nombre d’actes plus important.

La transposition complète de la directive suppose toutefois que les pouvoirs publics et le CNAJMJ puissent offrir aux usagers un portail qui fonctionne, ce qui n’est plus le cas depuis 2021.

● L’étude d’impact précise qu’un décret et un arrêté devront ultérieurement être pris en application de ces textes pour préciser les modalités de fonctionnement du portail.

Pour le financement du portail, l’étude d’impact mentionne que le CNAJMJ a proposé la fixation d’une redevance d’un montant qui pourrait s’élever à 4,50 euros par acte (soit un cout équivalent à l’envoi d’un courrier). Cette source de financement est destinée à garantir la maintenance du portail.

● Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que le présent article ne devait pas appeler d’observations particulières de sa part (considérant n° 29).

Il a cependant attiré l’attention du Gouvernement, afin d’assurer une transposition complète de l’article 28 de la directive précitée, « sur la nécessité de s’assurer que les échanges entre l’autorité judiciaire et les parties à la procédure collective pourront également s’effectuer par des moyens de communication électronique ».

Il a également rappelé que les modalités de mise en œuvre de l’extension du portail électronique devront respecter les exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

III.   les modifications du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   la Position de la commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

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Article  17
(articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, L. 121-4, L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-16 [nouveaux], et L. 213-5 du code des procédures civiles d’exécution, L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, L. 3252-4, et L. 3252-8 à L. 3252-13 du code du travail, 1 et 16 de l’ordonnance  2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice)
Réforme de la procédure de saisie des rémunérations

Adopté par la Commission avec modifications

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme la procédure de saisie des rémunérations, en supprimant l’autorisation judiciaire préalable du juge de l’exécution, d’une part, et en confiant sa mise en œuvre aux commissaires de justice en lieu et place du greffe du tribunal judiciaire, d’autre part.

Il institue également un registre numérique de saisie des rémunérations placé sous la responsabilité de la chambre nationale des commissaires de justice.

Il insère l’essentiel des nouvelles dispositions législatives relatives à la procédure de saisie des rémunérations dans le code des procédures civiles d’exécution au lieu du code du travail actuellement.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 73 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a harmonisé et a simplifié les procédures de saisies administratives mises en œuvre par les comptables publics, en créant au 1er janvier 2019 la « saisie administrative à tiers détenteur » (SATD). Ce même article a modifié le code du travail, pour coordination, afin de compléter les obligations déclaratives de l’employeur, tiers saisi, dans le cadre d’une procédure de saisie de rémunérations.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article, modifié par cinq amendements présentés par les rapporteurs.

Outre un amendement de clarification, ces amendements ont conduit à :

– ajouter la phase amiable dans la définition des missions des commissaires de justice ;

– faciliter la saisine du juge de l’exécution a posteriori en permettant une saisine sur simple requête ;

–  permettre au juge de l’exécution, saisi d’une contestation, de contrôler d’office le montant des frais d’exécution, engagés antérieurement à la saisie des rémunérations, qui seraient intégrés à la créance poursuivie ;

– supprimer la possibilité d’appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l’employeur ;

– et renforcer l’encadrement du décret d’application, en précisant que celui-ci doit définir le nombre maximum d’actes autorisés dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations. 

     Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission modifié par six amendements, dont trois rédactionnels.

Ces amendements ont supprimé trois modifications du Sénat.

En premier lieu, la Commission a supprimé l’instauration d’une phase préalable amiable obligatoire pour la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée mobilière.

En deuxième lieu, la Commission a supprimé la faculté ouverte au débiteur saisi de contester la saisie des rémunérations par simple requête.

Enfin, en troisième lieu, la Commission a rétabli la sanction des déclarations inexactes de l’employeur.

 

I.   l’État du droit

A.   Saisie des rÉmunÉrations

La saisie des rémunérations est une mesure d’exécution forcée, permettant à un créancier de prélever directement auprès de l’employeur de son débiteur une fraction de ses rémunérations, afin d’assurer le paiement de sa créance.

1.   Champ d’application

Le salaire est défini comme l’ensemble des « sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient le montant et la nature de sa rémunération, la forme et la nature de son contrat » (article L. 3252‑1 du code du travail).

Il fait l’objet d’une protection par le titre V du livre II de la troisième partie du code du travail.

À ce titre, les saisies du salaire sont encadrées par les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 du code du travail, auxquels renvoie l’article L. 212-1 du code des procédures civiles d’exécution.

L’article L. 212-2 du même code précise que les dispositions prévues au code du travail en matière de saisie des rémunérations sont également applicables aux salaires et aux traitements des fonctionnaires civils, aux soldes des officiers ou assimilés, sous-officiers, militaires ou assimilés de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l'air et de l’espace en activité, quelle que soit leur position statutaire, et aux soldes des officiers généraux du cadre de réserve.

Des dispositions spécifiques et plus favorables – limitant leur caractère saisissable – sont également prévues pour certains éléments de la rémunération des militaires aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code des procédures civiles d’exécution.

2.    Protections du débiteur 

La saisie des rémunérations, comme toute saisie, est soumise aux principes généraux fixés par le code des procédures civiles d’exécution, qui ont pour but d’éviter la mise en œuvre de mesures abusives ou disproportionnées.

Par rapport aux autres mesures d’exécution, la saisie des rémunérations présente quatre grands traits distinctifs, présents dans le code du travail, qui ont chacun pour but de renforcer la protection du débiteur :

– elle est prohibée en matière de saisie conservatoire ;

– elle ne peut porter que sur une quotité de la créance saisie.

– elle nécessite une décision préalable du juge de l’exécution, saisi sur requête par le créancier ;

– et elle est mise en œuvre par le greffier du tribunal judicaire, qui veille au bon déroulement des opérations de saisie.

a.   Principes généraux du code des procédures civiles d’exécution

De manière générale, l’exécution des mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation (article L. 111-7).

Les commissaires de justice ne sont pas tenus de prêter leur ministère ou leur concours lorsque la mesure requise leur paraît revêtir un caractère illicite, ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée (article L. 122-1).

Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et, en cas d’abus de saisie, de condamner le créancier à des dommages-intérêts (article L. 121-2).

b.   Exclusion des saisies conservatoires

En principe, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement (article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution).

Par exception, les rémunérations à percevoir par le débiteur ne peuvent pas faire l’objet d'une saisie conservatoire quand bien même la créance serait fondée dans son principe et menacée dans son recouvrement (article L. 3252-7 du code du travail).

La saisie des rémunérations est exclusivement une mesure d’exécution forcée et nécessite donc la détention d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

c.   Limitation des fractions saisissables

Ensuite, les sommes dues à titre de salaire ne sont saisissables « que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d’un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d'État » (article L. 3252‑2 du code du travail). De même, les modalités des retenues sont déterminées par décret en Conseil d’État (article L. 3252-4 du code du travail).

Les fractions saisissables sont fixées à l’article R. 3252-2 du code du travail.

Au 1er janvier 2023, le montant saisissable est calculé par tranches selon le barème annuel suivant :

– 1/20e sur la tranche inférieure ou égale à 4 170 € ;

– 1/10e sur la tranche supérieure à 4 170 € et inférieure ou égale à 8 140 € ;

– 1/5e sur la tranche supérieure à 8 140 € et inférieure ou égale à 12 130 € ;

– 1/4 sur la tranche supérieure à 12 130 € et inférieure ou égale à 16 080 € ;

– 1/3 sur la tranche supérieure à 16 080 € et inférieure ou égale à 20 050 € ;

– 2/3 sur la tranche supérieure à 20 050 € et inférieure ou égale à 24 090 € ;

– la totalité sur la tranche supérieure à 24 090 €.

Ces seuils sont augmentés de 1 610 € par personne à charge du débiteur saisi.

Dans le cas où le débiteur perçoit des rémunérations de plusieurs employeurs, la fraction saisissable est calculée sur l’ensemble de ces sommes.

Le revenu saisissable peut être saisi dans sa totalité, à l’exception du solde bancaire insaisissable (SBI) qui correspond à la somme minimum qui doit être laissée au débiteur. Celle-ci est, au minimum, égale à 598,54 € au 1er janvier 2023.

La quotité saisissable augmente donc de façon proportionnellement plus importante que la rémunération, selon le principe d’un barème progressif.

Par exemple, selon le simulateur du ministère de la justice, la quotité saisissable d’un débiteur sans personne à charge s’élève à :

– 114,79 euros pour un salaire mensuel de 1 000 euros ;

– 252,58 euros pour un salaire mensuel de 1 500 euros ;

– 528,97 euros pour un salaire mensuel de 2 000 euros ;

– 1 526,47 euros pour un salaire mensuel de 3 000 euros,

– et 4 526,47 euros pour un salaire mensuel de 6 000 euros. 

d.   Autorisation préalable du juge de l’exécution

La saisie de rémunérations est la seule mesure d’exécution forcée mobilière qui fait l’objet d’une intervention préalable du juge de l’exécution.

Le cinquième alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît de la saisie des rémunérations.

Le juge vérifie d’office le titre exécutoire et le montant de la créance exigible.

Le juge peut décider que la créance cause de la saisie produira intérêt à un taux réduit à compter de l’autorisation de saisie, ou que les sommes retenues sur la rémunération s’imputent d’abord sur le capital (article L. 3252-13 du code du travail).

Une tentative de conciliation est obligatoire, à peine de nullité (article R. 3252-12 du code du travail).

e.   Mise en œuvre par le greffe du tribunal judiciaire

La saisie des rémunérations présente la spécificité d’être entièrement mise en œuvre par le greffe et la régie du tribunal judiciaire.

Au vu du procès-verbal de non-conciliation, le greffier procède à la saisie dans les huit jours, et l’acte de saisie est notifié à l’employeur (articles R. 3252-21 et R. 3252-23 du code du travail). Ce dernier adresse tous les mois au greffe une somme égale à la fraction saisissable du salaire (article R. 3252-27 du code du travail).

L’employeur doit, sous peine d’une amende civile qui ne peut excéder 10 000 euros, fournir, dans les quinze jours au plus tard à compter de la notification de l’acte de saisie, la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi, ainsi que les cessions, saisies, avis à tiers détenteur ou paiement direct de créances d’aliments en cours d’exécution (article L. 3252-9 du code du travail).

Le greffe procède également – au minimum tous les six mois – à la répartition des sommes perçues en cas de créanciers multiples : il notifie à chacun l’état de répartition et, en l’absence de contestation dans les quinze jours, fait parvenir les chèques du montant des sommes qui leur reviennent.

Selon l’étude d’impact, cette mission du greffe représente 140 ETP.

3.   Exception pour la procédure de paiement direct des pensions alimentaires

Par exception, les garanties propres à la procédure de saisie des rémunérations ne s’appliquent pas en matière de paiement direct des pensions alimentaires.

La procédure de paiement direct des pensions alimentaires est régie par les articles L. 213-1 à L. 213-6 du code des procédures civiles d’exécution.

Tout créancier d’une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension. Il peut notamment exercer ce droit entre les mains de tout débiteur de sommes dues à titre de rémunération (article L. 213-1).

Autrement dit, une autorisation judiciaire préalable n’est pas nécessaire.

La demande vaut, sans autre procédure et par préférence à tous autres créanciers, attribution au bénéficiaire des sommes qui en font l’objet au fur et à mesure qu’elles deviennent exigibles (article L. 213-2).

L’article L. 213-5 précise qu’elle est faite « par l’intermédiaire d’un huissier de justice » (la rédaction de cet article n’a pas été actualisée à la suite de la création de la profession de commissaire de justice).

La quotité saisissable est, en outre, plus importante, car seule la seule somme correspondant au solde bancaire insaisissable (SBI) ne peut être saisie (598,54 € au 1er janvier 2023).

B.   RÔle des commissaires de justice

● Le statut des commissaires de justice est régi par l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016.

Il s'agit d’officiers publics et ministériels qui ont seuls qualité pour ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire (1° de l'article 1).

Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a jugé que le droit d’obtenir l’exécution des décisions juridictionnelles est une composante du droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (en ce sens, par exemple : décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, considérant n° 38, et décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, considérant n° 11).

Les commissaires de justice peuvent procéder aux mesures d’exécution forcée sur la base d’un titre exécutoire, sans autorisation judicaire préalable. Le contrôle juridictionnel est effectué a posteriori par le juge de l’exécution lorsque  le débiteur élève une contestation.

La saisie des rémunérations constitue la seule exception à ce principe pour les saisies mobilières (voir A). 

● La profession est organisée par les articles 14 à 18 de l’ordonnance précitée.

L’article 14 prévoit qu’une chambre nationale des commissaires de justice est instituée auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, et précise qu’il s'agit d’un établissement d’utilité publique. 

L’article 16 définit les attributions de la chambre nationale. Outre une mission de représentation de l’ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics, la chambre nationale des commissaires de justice a notamment pour attribution :

– de tenir à jour la liste des personnes ayant consenti à recevoir un acte de signification par voie électronique, assortie des renseignements utiles et, à ce titre, de conclure, au nom de l’ensemble de la profession, toute convention organisant le recours à la communication électronique ;

– et de déterminer les modalités d’accomplissement de l’obligation de formation professionnelle continue prévue à l’article 13 de la même ordonnance.

II.   le projet de loi initial

● Le présent article réforme la procédure de saisie des rémunérations.

Les deux principales caractéristiques de la réforme proposée consistent à supprimer l’autorisation judiciaire préalable du juge de l’exécution, d’une part, et à confier la mise en œuvre de la procédure aux commissaires de justice en lieu et place du greffe du tribunal judiciaire, d’autre part.

En revanche, le présent article n’apporte aucune modification sur deux points majeurs de l’actuel régime des saisies rémunération : l’impossibilité de procéder à des saisies conservatoires et la limitation de la quotité saisissable.

Il ne s’agit donc que d’un alignement partiel sur le droit commun des mesures d’exécution forcée mobilières.

Il ne s’agit pas non plus d’une véritable déjudiciarisation, puisque le juge de l’exécution demeure compétent, a posteriori, en cas de contestations.

Par ailleurs, le III de l’article 29 du projet de loi dispose que le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025.

Il prévoit également des modalités transitoires pour procédures en cours au 1er juillet 2025. 

● Dans le détail, le présent article prévoit : 

– l’insertion de l’essentiel des dispositions législatives relatives à la procédure de saisie des rémunérations dans le code des procédures civiles d’exécution, au lieu du code du travail actuellement ;

– la suppression de l’audience préalable de conciliation devant le juge de l’exécution et la suppression de l’actuel rôle joué par le greffe du tribunal judiciaire dans la mise en œuvre de la procédure ;

– la possibilité pour un commissaire de justice d’établir directement un procès-verbal de saisie des rémunérations, sans autorisation judiciaire préalable, sous la double condition de l’existence d’un titre exécutoire et de la délivrance d’un commandement de payer au débiteur demeuré infructueux durant un mois ;

– la caducité du commandement de payer si le procès-verbal de saisi n’est pas établi dans les trois mois suivants par le commissaire de justice ;

– la possibilité pour le créancier et le débiteur de s’accorder sur les modalités de paiement via un procès-verbal d’accord qui suspend la procédure de saisie des rémunérations ;

– la possibilité pour le débiteur d’élever à tout moment des contestations devant le juge de l’exécution avec un effet suspensif si la contestation est formée dans le mois suivant le commandement de payer ;

–  la désignation d’un commissaire de justice répartiteur, chargé de percevoir et répartir la fraction des rémunérations saisies en cas de pluralité de créanciers intervenant à la procédure ;

– la mise en place par la chambre nationale des commissaires de justice d’un registre numérique de saisie des rémunérations, dans lequel doivent être inscrits le commandement de payer préalable ainsi que, le cas échéant, le procès-verbal de saisie, l’identité et les coordonnées du commissaire de justice répartiteur ;

– et une formation, organisée par la chambre nationale des commissaires de justice, nécessaire à l’activité de commissaire de justice répartiteur ainsi que la diffusion chaque année de la liste des commissaires de justice ayant accompli cette formation.

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que cette réforme « ne pose aucune difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel » et « est peu contestable, en ce qu’elle a pour effet de recentrer le juge de l’exécution sur son office, tout en maintenant un droit au recours effectif des débiteurs » (considérant n° 30).

● Sur le plan légistique, le présent article est divisé en six parties et comporte 62 alinéas.

Le I complète les attributions de la chambre nationale des commissaires de justice et modifie, pour ce faire, l’article 16 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice (alinéas 1 à 8).

Le II procède à plusieurs coordinations légistiques en modifiant l’article L. 3252-4 du code du travail et abrogeant les articles L. 3252-8 à L.3252-13 du même code (alinéas 9 à 11).

Le III modifie les compétences du juge de l’exécution en abrogeant le cinquième alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire (alinéa 12).

Le 3° du IV remplace par de nouvelles dispositions la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des procédures civiles d’exécution. L’essentiel des dispositions nouvelles du présent article figurent dans cette division (alinéas 16 à 55).

Les 1°, 2° et 4° du IV procède à plusieurs coordinations légistiques, en modifiant la numérotation et le contenu des articles de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des procédures civiles d’exécution, ainsi que les articles L. 121-4 et L. 211-1 du même code (alinéas 13 à 15 et alinéas 56 à 58).

Le 5° du IV porte sur la procédure de paiement direct des pensions alimentaires et modifie la rédaction de l’article L. 213-5 du même code (alinéas 59 et 60).

Le V procède à une mesure de coordination légistique à l’article L. 133-4‑9 du code de la sécurité sociale (alinéa 61).

Et le VI prévoit un décret d’application (alinéa 62).

A.   RÉforme de la saisie des rÉmunÉrations

La réforme de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le présent article est insérée dans le code des procédures civiles d’exécution.

En résumé, le nouveau schéma procédural de la saisie des rémunérations s’articule autour de deux actes délivrés par un commissaire de justice et inscrits dans le nouveau registre numérique de saisies des rémunérations   :

– le commandement de payer, adressé au débiteur, qui ouvre un délai d’un mois au débiteur pour contester la mesure devant le juge de l’exécution avec un effet suspensif ; passé ce délai, il peut encore élever des contestations, mais sans effet suspensif ;

– et le procès-verbal de saisie, adressé à l’employeur, un mois minimum et trois mois maximum après le commandement de payer.

L’essentiel des dispositions législatives de la nouvelle procédure proposée est inséré dans l’actuelle section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des procédures civiles d’exécution et en remplace l’actuel contenu.

Le présent article porte ainsi le nombre d’articles de cette section à quatorze, numérotés de L. 212-1 à L. 212-14.

Ils sont divisés en quatre sous-sections, portant respectivement sur des dispositions générales, le procès-verbal de saisie, les opérations de saisie et la responsabilité du tiers saisi.

1.   Dispositions générales

● Les dispositions générales figurent aux articles L. 212-1 à L. 212-5 du code des procédures civiles d’exécution.

● L’article L. 212-1 porte sur la cession de rémunération. Il pose le principe général selon lequel « tout débiteur peut, pour le paiement de ses dettes, céder à un ou plusieurs créanciers une fraction des sommes qui lui sont dues à titre de rémunération ». Même si ce principe n’est actuellement pas formulé de manière aussi explicite dans la loi, la nouvelle rédaction de l’article ne modifie pas l’état du droit.

● L’article L. 212-2 porte sur la saisie des rémunérations.

Les premier et troisième alinéas ne modifient pas non plus l’état du droit.

Le premier alinéa prévoit, au titre des conditions préalables à une saisie des rémunérations, un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, d’une part, et un commandement de payer demeuré infructueux durant un mois, d’autre part.

Le troisième alinéa dispose que tout créancier, à condition de disposer d’un titre exécutoire et d’avoir délivré au débiteur un commandement de payer demeuré infructueux durant un mois, « peut se joindre aux opérations de saisie déjà existantes par voie d’intervention ».

En revanche, le deuxième alinéa est novateur en ce qu’il prévoit que le commandement préalable « est inscrit par le commissaire de justice sur le registre numérique des saisies des rémunérations ».

● L’article L. 212-3 porte sur le procès-verbal d’accord, entre le débiteur et le créancier, sur les modalités de paiement de la dette. Il est prévu que ce procès-verbal a pour effet de suspendre la procédure de saisie des rémunérations « lorsqu’il intervient avant la signification du procès-verbal de saisie ».

La procédure reprend dans deux cas : en cas de non-respect par le débiteur des modalités de paiement, d’une part, et en cas de signification d’un acte d’intervention par un autre créancier au premier créancier saisissant, d’autre part.

● L’article L. 212-4 porte sur les contestations du débiteur et leurs effets.

Il est prévu que les contestations sont formées auprès du juge de l’exécution.

La contestation du débiteur ne présente un effet suspensif sur la procédure de saisie des rémunérations que si elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement.

Le débiteur peut former des contestations au-delà de ce délai mais, dans ce cas, elles n’ont pas d’effet suspensif sur la procédure.

● L’article L. 212-5 dispose que les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans les proportions définies au code du travail.

Ce nouvel article ne modifie pas l’état du droit.

2.   Procès-verbal de saisie

● L’article L. 212-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le procès-verbal de saisie, établi par le commissaire de justice, est signifié à l’employeur dans les trois mois suivant la délivrance du commandement de payer au débiteur. À défaut, le commandement est caduc.

La caducité du commandement trois mois après sa délivrance ne s’applique pas durant le temps de la suspension de la procédure en cas de procès-verbal d’accord entre le créancier et le débiteur.

● L’article L. 212-7 prévoit que le procès-verbal de saisie est inscrit au registre numérique des saisies des rémunérations.

● L’article L. 212-8 ne modifie pas le droit existant et reprend les dispositions relatives aux informations que l’employeur doit communiquer au créancier (actuellement codifiées à l’article L. 3252-9 du code du travail).

Il est simplement ajouté, à titre de clarification, que l’employeur doit communiquer le montant de la rémunération versée au débiteur.

3.   Opérations de saisie

● L'article L. 212-9 du code des procédures civiles d’exécution crée la fonction de commissaire de justice répartiteur.

Le premier alinéa prévoit que le commissaire de justice répartiteur est désigné à la demande d’un créancier et doit figurer « sur la liste diffusée à cette fin par la chambre nationale des commissaires de justice ».

Le deuxième alinéa définit le rôle du commissaire de justice répartiteur, en précisant que ce dernier « est chargé de recevoir les paiements du tiers saisi, de les reverser au créancier saisissant et de répartir les fonds en cas de pluralité de créancier ».

Le troisième alinéa dispose que l’identité et les coordonnées du commissaire de justice répartiteur sont portées à la connaissance du tiers saisi et du débiteur, et qu’elles sont mentionnées sur le registre numérique des saisies des rémunérations.

● L’article L. 212-10 prévoit l’hypothèse du concours de créanciers en cas d’intervention. Il ne modifie pas l’état du droit, en reprenant les dispositions actuellement codifiées à l’article L. 3252-8 du code du travail.

● L’article L. 212-11 porte sur l’hypothèse d’une saisie portant sur une rémunération sur laquelle une cession a été antérieurement consentie. Il ne modifie pas l’état du droit, en reprenant les dispositions actuellement codifiées à l’article L. 3252-12 du code du travail.

● L’article L. 212-12 dispose que l’employeur verse mensuellement entre les mains du commissaire de justice répartiteur les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans les limites des sommes disponibles.

Le principe d’un versement mensuel figure déjà dans l’état du droit à l’article L. 3252-10 du code du travail. Le versement direct auprès du commissaire de justice répartiteur est, en revanche, une nouveauté introduite par le présent article.

● L’article L. 212-13 conserve la prérogative accordée au juge de l’exécution par l’actuel article L. 3252-13 du code du travail, lui permettant de modérer les taux d’intérêt et majorations dus par le débiteur.

4.   Responsabilité du tiers saisi

Le premier alinéa de l'article L. 212-14 du code des procédures civiles d’exécution conserve le principe de la responsabilité de l’employeur, actuellement prévue à l’article L. 3252-9 du code du travail, lorsqu’il s'abstient, sans motif légitime, d’exécuter son obligation de délivrance d’informations au créancier saisissant.

Il ajoute que cette responsabilité est également engagée en cas de déclarations inexactes.

Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 212-14 du code des procédures civiles d’exécution reprennent les dispositions figurant actuellement à l’article L. 3252-10 du code du travail, qui prévoient que l’employeur peut être tenu au paiement des sommes qui auraient dû être retenues s’il s’est abstenu de le faire.

5.   Modalités transitoires

Le III de l’article 29 du projet de loi prévoit que le présent article est applicable aux cessions des rémunérations et aux procédures de saisie des rémunérations en cours au 1er juillet 2025.

Les procédures de saisie des rémunérations doivent ainsi être transmises au mandataire du créancier s’il est commissaire de justice. Si le créancier n’est ni assisté, ni représenté à la procédure par un commissaire de justice, elle est transmise à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur en vue de son attribution à un commissaire de justice. À compter de la transmission de la procédure au mandataire du créancier ou de son attribution à un commissaire de justice, le créancier dispose, à peine de caducité de la mesure en cours, d’un délai de six mois pour continuer la procédure de saisie des rémunérations.

Si elle a été introduite avant le 1er juillet 2025 mais que la décision du juge n’est pas encore intervenue, la requête en saisie des rémunérations doit être instruite et jugée conformément aux dispositions du code du travail et du code des procédures civiles d’exécution dans leurs rédactions antérieures à cette date.

B.   Autres dispositions et dÉcret d’application

Outre de nombreuses coordinations légistiques, le présent article complète les attributions de la chambre nationale des commissaires de justice et adapte la procédure de paiement direct des pensions alimentaires.

Il prévoit également un décret d’application, qui est encadré dans son contenu.

1.   Nouvelles attributions de la chambre nationale des commissaires de justice

La chambre nationale des commissaires de justice se voit confier deux nouvelles attributions en lien avec la réforme de la saisie des rémunérations.

 En premier lieu, elle est chargée d’assurer l’organisation de la formation nécessaire à l’activité de commissaire de justice répartiteur et de diffuser annuellement la liste des commissaires de justice ayant accompli cette formation.

Dans sa réponse au questionnaire écrit de vos rapporteurs, la chambre nationale des commissaires de justice a donné des précisions sur le contenu de cette formation.

Elle a indiqué que « le rôle du commissaire de justice répartiteur serait exactement celui actuellement dévolu au greffe ainsi qu’à la régie du tribunal dans le cadre de la saisie des rémunérations ».

La formation envisagée aurait « pour objectif, aux fins d’assurer une garantie parfaite des droits de chacune des parties, de délivrer aux candidats commissaire de justice répartiteur, qui n’ont pas encore été amenés à pratiquer ces fonctions puisque celles-ci étaient jusqu’à aujourd’hui gérées par les greffes des tribunaux, une parfaite connaissance des règles spécifiques en matière de saisie des rémunérations ».

● En deuxième lieu, le registre numérique des saisies des rémunérations est placé sous la responsabilité de la chambre nationale des commissaires de justice.

Ce registre doit permettre, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) :

– le traitement des informations nécessaires à l’identification des commissaires de justice répartiteurs, des débiteurs saisis, des créanciers saisissants, et des employeurs tiers saisis, d’une part ;

– la conservation et la mise à disposition des informations nécessaires à l’identification du premier créancier saisissant, du débiteur saisi et du commissaire de justice répartiteur, d’autre part.

Il est également prévu que la chambre nationale des commissaires de justice transmette au ministre de la justice à titre gratuit les données statistiques, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de la justice, ainsi qu’un rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations.

2.   Adaptations de la procédure de paiement direct des pensions alimentaires

Le présent article prévoit que la demande de paiement direct des pensions alimentaires doit également être inscrite au registre numérique des saisies des rémunérations lorsqu’elle s’exerce sur des sommes dues à titre de rémunération.

En outre, il met à jour la rédaction de l’article L. 213‑5 du code des procédures civiles d’exécution pour tenir compte de la création de la profession des commissaires de justice.

3.   Décret d’application

Enfin, il est prévu que les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé qu’ « au regard de l’insuffisance des éléments dont dispose le Gouvernement pour apprécier les incidences de cette mesure s’agissant des frais des commissaires de justice qui seront mis à la charge des débiteurs et des créanciers », il n’était « pas en mesure de déterminer avec précision ses effets tant sociaux, sur une population souvent vulnérable qu’une dérive même modique des coûts maintiendrait dans l’endettement, qu’économiques, privant les créanciers d’une part peut être plus importante de ce qui leur revient ».

Il a en conséquence suggéré « de prévoir que le décret en Conseil d’État définissant les modalités d’application de cette réforme [puisse], le cas échéant, comprendre des mesures visant à préserver et concilier les intérêts des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice, telles qu’un plafonnement du nombre d’actes d’exécution ou du montant des frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs, ou un étalement de ces frais » (considérant n° 30).

III.   les Modifications du SÉnat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par plusieurs amendements.

● Sa commission des Lois a adopté cinq amendements présentés par les rapporteurs. Outre un amendement de clarification (n° com-135), ces amendements ont conduit à :

– ajouter la phase amiable dans la définition des missions des commissaires de justice, en prévoyant que, « dès la signification du commandement de payer en vue d’une saisie des rémunérations, le commissaire de justice informe le débiteur qu’il entre dans sa mission de lui permettre de parvenir à un accord avec le créancier, dans le respect de ses obligations déontologiques » (n° com-132) ;

– faciliter la saisine du juge de l’exécution a posteriori, en permettant une saisine sur simple requête (n° com-133) ;

–  permettre au juge de l’exécution, saisi d’une contestation, de contrôler d’office le montant des frais d’exécution engagés avant la saisie des rémunérations qui seraient intégrés à la créance poursuivie (n° com-133) ;

– supprimer la possibilité d’appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l’employeur (n° com-136) ;

– et renforcer l’encadrement du décret d’application, en précisant que celui-ci doit définir le nombre maximum d’actes autorisés dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations (n° com-137).

● Par ailleurs, à l’article 29 portant sur l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs, qui a pour objet de clarifier la manière dont les procédures de saisies des rémunérations déjà autorisées par le juge de l’exécution feront l’objet d’une transmission à un commissaire de justice. Il réduit la période pendant laquelle un créancier peut confirmer sa volonté de maintenir la procédure de 6 à 3 mois (n° com-153).

IV.   la Position de la commission

Le présent article a été adopté par la Commission modifié par six amendements, dont trois rédactionnels, présentés par vos rapporteurs et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Ces amendements ont supprimé trois modifications du Sénat.

En premier lieu, la Commission a supprimé l’instauration d’une phase préalable amiable obligatoire pour la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée mobilière. La commission a considéré que cet ajout du Sénat portait atteinte au droit à l’exécution forcée des décisions de justice qui est une composante du droit à un recours juridictionnel effectif (amendement CL736).

En deuxième lieu, la Commission a supprimé la faculté ouverte au débiteur saisi de contester la saisie des rémunérations par simple requête. La commission a considéré qu’une contestation par voie d’assignation était plus protectrice des deux parties afin de respecter le principe du contradictoire et l’information effective du créancier sur la mise en œuvre du recours, ce qui permet de garantir la suspension effective de la saisie en cas de recours dans le mois suivant le commandement de payer (amendement CL738).

Enfin, en troisième lieu, la Commission a rétabli la sanction des déclarations inexactes de l’employeur. La commission a considéré qu’il convenait de maintenir cette sanction dans la mesure où des manquements aux obligations déclaratives de l’employeur peuvent mettre en péril les opérations de saisie et porter préjudice au débiteur lui-même (amendement CL741).

 

 

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Article 18
(article 16 de la loi  2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice)
Dispositions relatives à la légalisation des actes publics étrangers

Adopté par la Commission avec modifications

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rétablit l’obligation de légalisation de tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France. Pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré cette disposition pour incompétence négative, le présent article prévoit également une voie de recours devant le juge administratif en cas de refus de légalisation d’un acte public étranger.

     Dernières modifications législatives intervenues

Le II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a imposé la légalisation de tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article modifié par deux amendements :

– un amendement présenté par les rapporteurs, qui prévoit une exception à la compétence du juge administratif pour les refus de légalisation relatifs à un document d’état civil ; ces refus relèveraient ainsi du juge judiciaire ;

– et un amendement prévoyant la consultation pour avis de l’Assemblée des Français de l’étranger pour l’élaboration du décret devant fixer la liste des actes concernés par l’obligation de légalisation.

     Modifications apportées la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par un amendement présenté par vos rapporteurs et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

L’amendement adopté a réintroduit la compétence du seul juge administratif pour la contestation des refus de légalisation des actes relatifs à l'état civil.

I.   l’État du droit

● La légalisation peut se définir comme une formalité administrative visant à attester de l’authenticité d’un acte public délivré par un État étranger.

L’article 23 du titre IX du livre Ier de l’ordonnance royale du 31 juillet 1681 (dite aussi « Ordonnance de Colbert ») disposait – jusqu’à son abrogation par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques –  que « tous actes expédiés dans les pays étrangers où il y aura des consuls ne feront aucune foi, s’ils ne sont pas par eux légalisé ».

Par un arrêt du 14 février 2006, la Cour de cassation avait, à l’appui de cette disposition, posé le principe selon lequel les copies ou extraits d’actes d’état civil établis à l'étranger devaient, sauf convention internationale, être légalisés, à l’étranger, par un consul de France pour recevoir effet en France (pourvoi n° 05-10.960).

La Cour de cassation a maintenu la même solution, sans texte, sur le fondement de la coutume internationale (par exemple : arrêts du 4 juin 2009, pourvois n° 08-13.541 et 08-10.962).

● Le II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a réintroduit dans la loi l’obligation de légalisation de tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France.

Dans sa version initiale, cette disposition comportait trois alinéas ainsi rédigés :

« Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ».

● Par une décision du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a censuré, avec effet différé au 31 décembre 2022, les premier et troisième alinéas au motif d’une incompétence négative (Décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022).

Le Conseil constitutionnel a fait grief au législateur de ne pas avoir instauré de voies de recours en cas de refus de légalisation d’un acte, ce qui porte atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif (considérants n° 11 et 12).

L’exigence de légalisation des actes publics étrangers est, dès lors, privée de fondement législatif depuis le 1er janvier 2023 (tout comme elle l’avait été entre 2006 et 2019).

II.   Le projet de loi initial

● Le présent article rétablit dans la loi l’obligation de légalisation de tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France.

Pour ce faire, au début du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, il ajoute un alinéa au contenu identique à celui censuré par le Conseil constitutionnel et prévoyant que « sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet ».

● Pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel, le présent article institue également une voie de recours contre les refus de légalisation d’un acte étranger.

Pour ce faire, il complète le II de l’article 16 précité par deux alinéas qui prévoient respectivement :

– que « les recours contentieux relatifs aux refus de légalisation opposés par une autorité française sont portés devant la juridiction administrative » ;

– et qu’un décret d’application en Conseil d'État précise « les actes publics concernés » et « fixe les modalités de la légalisation ».

● Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que le présent article tirait les conséquences nécessaires de la décision du Conseil constitutionnel et n’appelait pas d’autres observations (considérant n° 32).

III.   les Modifications du sÉnat

● La commission des Lois du Sénat a adopté cet article, modifié par un amendement présenté par les rapporteurs qui prévoit une exception pour les « refus de légalisation relatifs à un document d’état civil qui sont portés devant la juridiction judiciaire » (n° com-138).

Dans la mesure où le contentieux de l’état civil est traditionnellement de la compétence du juge judiciaire, la commission des lois du Sénat a considéré préférable de lui confier ce contentieux.

À l’appui de cette position, le rapport de la commission des Lois du Sénat fait valoir que le Conseil d’État avait explicitement décliné sa compétence sur ce point en estimant qu’ « il n’appartient manifestement pas à la juridiction administrative de se prononcer sur un litige touchant à l’état civil [d’une personne] et à la détermination du point de savoir si elle a la nationalité française » (Conseil d’État, référé. 26 octobre 2004, n° 273392).

● En séance, le Sénat a adopté l’article modifié par un autre amendement, présenté par Mme Vogel, sénatrice représentant les Français établis hors de France. Cet amendement prévoit que le décret devant fixer la liste des actes concernés par l’obligation de légalisation soit pris après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger. Il a fait l’objet d’un avis favorable de la commission des Lois, mais défavorable de la part du Gouvernement.

IV.   la Position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par un amendement (CL742) présenté par vos rapporteurs et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement. 

L’amendement adopté a réintroduit la compétence du seul juge administratif pour la contestation des refus de légalisation des actes relatifs à l'état civil. 

 

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Article 19
(articles 11, 12 et article 58-1 [nouveau] de la loi  71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)
Élévation du niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d’avocat

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article relève au niveau du master 2 le niveau de diplôme exigé pour accéder à la profession d’avocat.

     Dernières modifications législatives intervenues

La dernière modification des dispositions législatives relatives aux conditions d’accès à la profession d’avocat est issue de l’article 25 de l’ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 relative à l’exercice par les avocats inscrits aux barreaux d’États non-membres de l’Union européenne de l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui.

Cet article a dispensé certains avocats inscrits dans des barreaux à l’étranger de passer les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français pour pouvoir s’inscrire à un barreau français.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par deux amendements.

En premier lieu, il a aligné le droit français sur le droit de l’Union européenne (UE), en permettant la prise en compte de l’expérience professionnelle acquise dans un État membre de l’UE ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) pour accéder à la profession d’avocat en France.

En second lieu, il a ajouté des dispositions tendant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

     Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté le présent article modifié par deux amendements identiques dont l’objet est de sécuriser le statut de l’élève-avocat en prévoyant que les stages accomplis durant la période de formation dans un centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) font l’objet de conventions tripartites (élève-avocat, maître de stage et CRFPA).

 

I.   l’État du droit

● L’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques fixe les conditions dans lesquelles est accessible la profession d’avocat. 

Il pose une double condition de diplôme.

Une personne souhaitant accéder à la profession d’avocat doit aujourd’hui posséder, en principe, une maîtrise en droit et le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA).

Trois catégories de dispenses sont prévues.

Tout d’abord, l’article 11 précité prévoit que des titres ou diplômes peuvent être « reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ».

Les équivalences à la maîtrise de droit sont fixées par un arrêté en date du 25 novembre 1998.

Article 1 de l’arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat

« Sont reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat :

1° Les doctorats en droit ;

2° Le diplôme national de master en droit, les diplômes d’études approfondies (DEA) et les diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS) des disciplines juridiques ;

3° Les maîtrises de sciences et techniques des disciplines juridiques ;

4° Le diplôme de la faculté libre autonome et cogérée d’économie et de droit de Paris ;

5° Le titre d’ancien élève de l’Ecole nationale des impôts ayant suivi avec succès le cycle d’enseignement professionnel des inspecteurs-élèves des impôts ;

6° Le titre d’ancien élève stagiaire du centre de formation des inspecteurs du travail et de la main-d’oeuvre ou d’ancien élève de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ayant suivi avec succès le cycle de formation d’inspecteur stagiaire ou d’inspecteur-élève du travail ;

7° Le titre d’ancien greffier en chef stagiaire des services judiciaires ayant suivi avec succès le cycle de formation initiale dispensé par l’Ecole nationale des greffes ;

8° Tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à une profession juridique réglementée dans l’État où ce titre a été délivré ;

9° Les mentions "carrières judiciaires et juridiques" et "droit économique" du diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris ».

Ensuite, l’article 11 précité prévoit une dispense pour les titulaires de la licence en droit qui ont obtenu ce diplôme sous le régime antérieur à celui fixé par le décret n° 54-343 du 27 mars 1954 relatif au nouveau régime des études et des examens, ou encore pour les licenciés en droit ayant obtenu ce titre lorsque la licence a été organisée sur quatre années.

En pratique, cette dernière disposition ne trouve plus à s’appliquer compte tenu de l’âge des personnes encore concernées.

Enfin, l’article 97 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoit une dispense, tant de la maîtrise en droit que du CAPA, pour :

– les magistrats ou ancien magistrats de la Cour des comptes, d’une chambre régionale des comptes ou d’une chambre territoriale de Polynésie française ou de Nouvelle-Calédonie ;

– les magistrats ou ancien magistrats de l’ordre judiciaire régi par l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

– les professeurs d’université chargés d’un enseignement juridique ;

– les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;

– et les anciens avoués près les cours d’appel, les anciens avocats inscrits à un barreau français ou anciens conseils juridiques.

● Le CAPA est délivré par l’un des centres régionaux de formation professionnelle (CRFPA) visés à l’article 13 de la loi du 31 décembre 1971 précitée. Il s’obtient après une formation de dix-huit mois.

L’admission dans un CRFPA est elle-même subordonnée à la réussite d’un examen sauf pour les titulaires d’un doctorat en droit.

L’article 52 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat conditionne la présentation d’un candidat à l’examen d’accès au CRFPA à l’obtention du diplôme prévu à l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Autrement dit, il faut disposer d’une maîtrise en droit, ou d’un titre ou diplôme équivalent, pour passer les épreuves de l’examen d’accès au CRFPA.

En pratique, de nombreux étudiants cumulent leur scolarité au CRFPA avec une formation universitaire en master 2. Selon l’enquête menée en 2021 par l’Observatoire de la profession d’avocat, 8,8 % des élèves-avocats de la promotion 2019-2020 auraient réalisé leur seconde année de master en étant déjà admis au CRFPA.

● Il convient de noter que, depuis la réforme des diplômes de l’enseignement supérieur, adoptée par le décret n° 2002-482 du 8 avril 2002, l’architecture des études est fondée sur les grades de licence, master et doctorat (système dit « LMD »). Le niveau maîtrise correspond à la première année du master (« master 1 »).

L’accès aux professions de notaire (article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973), de commissaire de justice (article 1 du décret n° 2019-1185 du 15 novembre 2019) ou de greffier de tribunal de commerce (article R. 742-1 du code du commerce dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2025) nécessite un master en droit (bac + 5), et non une maîtrise en droit (bac + 4) comme pour la profession d’avocat.

II.   le projet de loi initial

● Le présent article rehausse le niveau de diplôme exigé pour accéder à la profession d’avocat.

Pour ce faire, il remplace le mot « maîtrise » par le mot « master » à l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Il supprime également les dispenses prévues pour les licenciés en droit.

● Ce faisant, le présent article a également pour effet de rehausser automatiquement le niveau de diplôme exigé pour se présenter à l’examen d’accès au CRFPA.

Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur de l’École de formation professionnelle des barreaux (EFB) a confirmé qu’en pratique, la plupart des élèves-avocats sont déjà admis à un niveau bac+5.

● Il est prévu que le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2025, en application du IV de l’article 29 du projet de loi.

Des dispositions transitoires sont également prévues au II de l’article 28 du projet de loi, afin de ne pas pénaliser les personnes qui seraient, au 1er janvier 2025, déjà titulaires du CAPA ou qui auraient déjà réussi l’examen d'entrée à un CRFPA.

Ces personnes ne sont pas concernées par le rehaussement au niveau du master de la condition de diplôme pour accéder à la profession d’avocat.

III.   les Modifications du SÉnat

● Le Sénat n’a pas modifié le présent article en ce qu’il rehausse le niveau de diplôme exigé pour accéder à la profession d’avocat.

Le rapport de la commission des lois du Sénat a toutefois souligné que, compte tenu du relèvement du niveau de diplôme pour se présenter à l’examen d’accès au CRFPA, « près d’un étudiant sur 10 pourrait être retardé dans son projet professionnel, ce qui entraînerait pour eux une augmentation de leur durée d’étude d’un an ».

Dans ce même rapport, la commission des lois du Sénat a appelé « à ce que le Gouvernement supprime, dans le décret du 27 novembre 1991, la corrélation entre les conditions de diplômes pour accéder à la formation d’avocat et celles pour accéder à la profession d’avocat, pour assurer à l’avenir, comme aujourd’hui, l’entrée au CRFPA dès l’obtention des 60 premiers crédits du master ».

● Pour le surplus, le Sénat a adopté le présent article modifié par deux amendements, l’un relatif à l’accès à la profession d’avocat, l’autre à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise.

A.    Prise en compte de l’expÉrience professionnelle dans un pays europÉen pour l’accÈs À la profession d’avocat

Un premier amendement, présenté par les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, a aligné le droit français sur le droit de l’Union européenne (UE) en permettant la prise en compte de l’expérience professionnelle acquise dans un État membre de l’UE ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) pour accéder à la profession d’avocat en France.

Les cas de dispense prévus à l’article 97 du décret organisant la profession d’avocat devront donc être étendus, notamment en faveur des professeurs d’université chargé d’un enseignement juridique dans un autre pays de l’UE ou partie à l’accord sur l’EEE.

Cet amendement a fait l’objet d’un double avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement.

B.   ConfidentialitÉ des consultations des juristes d’entreprise

● Un second amendement, présenté par M. Marseille, membre du groupe Union Centriste, prévoit la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, sauf en matière pénale et fiscale.

Pour ce faire, il insère un II au présent article, qui lui-même insère un article 58-1 à la loi du 31 décembre 1971.

L’article 58-1 précité dispose que « s’ils sont titulaires d’un master en droit, ou d’un diplôme équivalent français ou étranger, et qu’ils justifient du suivi de formations initiale et continue en déontologie, les juristes d’entreprise bénéficient, en dehors de la matière pénale et fiscale, de la confidentialité de leurs consultations juridiques pour assurer leur mission de mise en œuvre de la conformité ».

Cet amendement a fait l’objet d’un double avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement.

● Pour mémoire, la profession de juriste d’entreprise n’est pas réglementée.

Les juristes d’entreprise sont déjà autorisés par l’article 58 de la loi du 31 décembre 1971 précitée, dans l’exercice de leurs fonctions, à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé relevant de l’activité de l’entreprise qui les emploie ou de son groupe.

Les arguments généralement invoqués pour octroyer la confidentialité aux consultations juridiques des juristes d’entreprises sont :

– le renforcement de l’attractivité de la France pour la localisation des directions juridiques des groupes internationaux ;

– et l’amélioration des diagnostics juridiques internes aux entreprises, en éliminant le risque d’auto-incrimination que représenterait un avis critique du juriste d’entreprise. 

À l’inverse, les opposants à une telle réforme soutiennent généralement qu’il existerait des risques d’abus et de dissimulation de preuves. En accordant la confidentialité aux consultations des juristes d’entreprises, le risque serait que des informations soient dissimulées dans le cadre d’une enquête ou d’un litige, empêchant la collecte de preuves. Au cas présent, ce risque est à nuancer, car l’amendement adopté exclut la matière pénale et fiscale.

En second lieu, la confidentialité des consultations des juristes d’entreprises ne présenterait pas les mêmes garanties que celles encadrant les consultations des avocats.

Les avocats sont soumis à des règles strictes en matière de confidentialité, mais également à des obligations déontologiques, contrôlées par un ordre professionnel. L’indépendance de l’avocat par rapport à son client le place également dans une situation différente de celle du juriste d’entreprise, dont la collaboration avec son employeur relève d’un lien de subordination.

● Les représentants des avocats n’avaient pas encore arrêté leur position définitive sur l’amendement adopté par le Sénat lorsqu’ils ont été auditionnés par vos rapporteurs.

Ils ont expliqué avoir plusieurs « lignes rouges » : ne pas créer une nouvelle profession réglementée du droit et ne pas créer un nouveau secret professionnel qui viendrait en concurrence avec celui dont ils bénéficient.

En l’occurrence, l’amendement adopté ne semble pas heurter ces principes. Il n’institue pas de secret professionnel attaché à la personne du juriste d’entreprise, mais protège le document écrit qui contient l’avis exprimé par celui‑ci. 

IV.   la Position de la commission

La Commission a adopté le présent article modifié par deux amendements identiques CL169 et CL694, ayant recueilli un double avis favorable des rapporteurs et du Gouvernement, dont l’objet est de sécuriser le statut de l’élève-avocat en prévoyant que les stages accomplis durant la période de formation dans un centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) font l’objet de conventions tripartites (élève-avocat, maître de stage et CRFPA). L’objectif est notamment d’éviter que ces conventions de stage puissent être requalifiées en contrats de travail.

 

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Article 20
(articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce)
Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rétablit aux greffiers des tribunaux de commerce l’application de certaines obligations concernant leurs tarifs.  

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 23 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, entré en vigueur le 1er juillet 2022, a mis à jour plusieurs dispositions du code de commerce, afin de tenir compte de la création de la profession des commissaires de justice, dans laquelle ont été fusionnées les professions de commissaires-priseurs judicaires et d’huissiers de justice

À la suite d’une erreur matérielle, cet article a eu pour effet de dispenser les greffiers des tribunaux de commerce d’afficher leurs tarifs ou de conclure une convention pour la perception d’honoraires libres.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article sans modification.

     Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté le présent article sans modification.

 

I.   l’État du droit

● Le code de commerce pose un principe selon lequel les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence » (article L. 410-2).

Par exception, certains tarifs sont réglementés.

Ainsi, un titre spécifique du code de commerce s’applique aux tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires (titre IV bis du livre IV). Il regroupe les articles L. 444-1 à L. 444-7 du code de commerce.

Sauf disposition contraire, ces tarifs réglementés ne s’appliquent pas lorsque les prestations que les professionnels précités accomplissent sont « en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels ». Ces professionnels doivent alors conclure « par écrit avec leur client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés » (troisième alinéa de l’article L. 444-1 du code de commerce).

Ils doivent également afficher « les tarifs qu’ils pratiquent, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet » (article L. 444‑4 du code de commerce).

● Jusqu’au 1er juillet 2022, avant l’entrée en vigueur de l’article 23 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, ces dispositions s’appliquaient également aux greffiers des tribunaux de commerce.

Désormais, seule la fixation des émoluments des greffiers des tribunaux de commerce relève du titre IV bis du livre IV du code de commerce, par un renvoi prévu à l’article L. 743-13 de ce code. L’obligation de conclure une convention d’honoraires ainsi que l’obligation d’affichage ne s’appliquent plus aux greffiers des tribunaux de commerce. 

L’article 23 de l’ordonnance précitée a, en effet, remplacé les mots : « des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice » par les mots : « des commissaires de justice » au sein des articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce.

Ce faisant, une erreur matérielle a été commise par les rédacteurs de l’ordonnance, car les greffiers des tribunaux de commerce n’ont pas été fusionnés, contrairement aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs, dans la nouvelle profession de commissaires de justice.

Il s’ensuit que, par inadvertance, les greffiers des tribunaux de commerce ont été dispensés d’afficher leurs tarifs ou de conclure une convention pour la perception d’honoraires libres.

II.   le projet de loi initial

Le présent article rétablit l’application aux greffiers des tribunaux de commerce des obligations d’affichage des tarifs et de conclusion d’une convention d’honoraires pour la perception d’honoraires libres. Pour ce faire, il modifie les articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce, afin de réintroduire « les greffiers de tribunal de commerce ».

Il corrige, ce faisant, l’erreur matérielle résultant de l’article 23 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

Il a pour effet de soumettre à nouveau les greffiers des tribunaux de commerce à l’obligation d’affichage de leurs tarifs et à l’obligation de conclusion d’une convention d’honoraires, prévues à l’article L. 444-4 du code de commerce.

En pratique, selon l’étude d’impact, les greffiers des tribunaux de commerce ont continué spontanément à exécuter ces obligations dont ils avaient été dispensés à la suite d’une erreur de plume des rédacteurs de l’ordonnance précitée.

Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentants des greffiers des tribunaux de commerce ont précisé que l’adoption du présent article permettrait également de sécuriser la perception des honoraires libres par leur profession. Ils ont indiqué que les honoraires libres ne représentent en moyenne que 3 % de leur chiffre d’affaires, dans la mesure où la plupart  de leurs prestations sont soumises à un tarif réglementé.

III.   les Modifications du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   la Position de la commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

*

*     *

 

Article 21
(article 198 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique)
Report de l’habilitation sur la publicité foncière

Rétabli par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article reporte au 1er novembre 2024 le délai d’habilitation accordé au Gouvernement pour réformer, par voie d’ordonnance, la publicité foncière.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 198 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique (dite loi « 3DS ») a autorisé le Gouvernement à réformer la publicité foncière par voie d’ordonnance dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 20 août 2023.

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

     Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli cet article en adoptant un amendement du Gouvernement.

L’amendement adopté reprend, en des termes strictement identiques à ceux de l’article 198 de la loi « 3DS », l’habilitation accordée au Gouvernement pour réformer, par voie d’ordonnance, la publicité foncière. Seul le délai d’habilitation est modifié par rapport à la rédaction antérieure. Il est fixé par l’amendement adopté au 1er novembre 2024, soit la date initialement envisagée par le Gouvernement pour le report de l’habilitation.

 

I.   l’État du droit

A.   publicitÉ fonciÈre

Le régime de la publicité foncière a été institué par le décret-loi n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et par le décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour son application.

La publicité foncière a pour principale finalité de rendre opposable aux tiers les transferts de propriété immobilière. Elle joue ainsi un rôle d’information et permet de prévenir les litiges sur la propriété des immeubles.

Elle contribue à la sécurisation des transactions immobilières et favorise notamment les financements bancaires, par l’inscription des sûretés immobilières garantissant les prêts.

Elle constitue enfin un levier fiscal, puisque des taxes sont prélevées à l’occasion des formalités (taxe de publicité foncière, contribution de sécurité immobilière). Elle permet à l’administration fiscale de disposer des informations nécessaires à l’établissement des impôts fonciers.

Depuis 2010, le service public de la publicité foncière est confié aux services chargés de la publicité foncière (SPF), placés sous l’autorité de la direction générale des finances publiques (DGFIP).

B.   habilitation prÉvue par la loi « 3DS »

Le Gouvernement a été habilité à procéder par voie d’ordonnance à la réforme de la publicité foncière en application de l’article 198 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique (dite loi « 3DS »).

L’habilitation a été accordée en vue : 

– d’améliorer la lisibilité du droit de la publicité foncière ;

– de moderniser le régime de la publicité foncière et de renforcer son efficacité ;

– de moderniser et de clarifier le régime de l’inscription des privilèges immobiliers et des hypothèques ;

– et de prévoir les adaptations législatives nécessaires, le cas échéant, en Alsace-Moselle et à Mayotte.

L’autorisation a été accordée au Gouvernement pour un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi « 3DS », soit jusqu'au 20 août 2023.

Selon l’étude d'impact annexée au projet de loi « 3DS », l’objectif de la réforme envisagée n’est pas de « remettre en cause les principes fondateurs de l’actuel système de publicité foncière ou d’en bouleverser le fonctionnement », mais de lui offrir un « régime modernisé, simplifié et rationalisé, par la création d’une théorie générale de la publicité foncière, codifiée dans le code civil, afin d’améliorer son accessibilité et de renforcer son efficacité juridique » [souligné par nous].

II.   le projet de loi initial

Le présent article reporte jusqu’au 1er novembre 2024, sans autre modification, l’autorisation accordée au Gouvernement. Pour ce faire, il modifie l’article 198 de la loi « 3DS ».

Cela revient à accorder un délai supplémentaire de quatorze mois au Gouvernement pour procéder à la réforme de la publicité foncière par voie d’ordonnance.

Selon l’exposé des motifs, ce report se justifie « en raison de la grande technicité et de la diversité des acteurs impliqués » dans le projet de réforme de la publicité foncière.

L’étude d’impact ajoute qu’il est apparu, au cours des travaux méthodologiques réalisés par le Gouvernement, la nécessité de concevoir « dans le même laps de temps » les aspects législatifs et réglementaires de la réforme.

Cela s’explique par le fait que le décret-loi du 4 janvier 1955 se caractérise – comme le nom de l’acte l’indique – par un enchevêtrement de dispositions législatives et règlementaires.

Or, « la préparation du décret d’application de l’ordonnance ne peut s’aligner sur le calendrier de travail initialement prévu pour l’ordonnance ».

Lors des auditions conduites par vos rapporteurs, les représentants de la DGFIP ont indiqué que ce report se justifiait également par la nécessité de laisser un temps suffisant aux notaires, dans le cadre des consultations en cours, pour appréhender et s’adapter aux nouvelles règles envisagées.

III.   les modifications du SÉnat

● Le Sénat a supprimé cet article.

La suppression de l’article est intervenue lors de l’examen du projet de loi par la commission des Lois à la suite de l’adoption d’un amendement des rapporteurs (n° com-139). Dans l’exposé sommaire de l’amendement de suppression, les rapporteurs relèvent qu’une « telle prolongation reviendrait à un quasi-doublement du délai initial d’habilitation pour le porter à un total de 33 mois » ce qui serait « inopportun ».

Dans le rapport de la commission des Lois du Sénat, cette position est aussi justifiée par le fait qu’il ne serait « pas acceptable que le Parlement abandonne sa compétence sur un sujet majeur pendant presque trois ans, soit une durée tout à fait inédite ». Il est indiqué que « sur les 394 habilitations accordées au Gouvernement dans l’intégralité du quinquennat précédent, le délai maximal de publication était de 30 mois ».

Pour autant, il est concédé dans le rapport que « l’imbrication de dispositions législatives et règlementaires dans le régime actuel de la publicité foncière est indéniablement de nature à complexifier les travaux ».

● En séance, le Gouvernement a présenté un amendement de rétablissement du présent article, qui a recueilli un avis défavorable de la commission des Lois. Cet amendement a été rejeté.

Lors des débats, le ministre de la Justice a indiqué qu’il souhaitait échanger avec les services de la DGFIP pour proposer, le cas échéant, « un raccourcissement du délai demandé ».

● Conformément à l’article 38 de la Constitution, l’éventuel rétablissement de cet article doit provenir d’une initiative gouvernementale.

IV.   la Position de la commission

La Commission a rétabli cet article en adoptant un amendement du Gouvernement CL781 ayant recueilli un avis favorable de vos rapporteurs.

L’amendement adopté reprend, en des termes strictement identiques à ceux de l’article 198 de la loi « 3DS », l’habilitation accordée au Gouvernement pour réformer, par voie d’ordonnance, la publicité foncière. Seul le délai d’habilitation est modifié. Il est fixé au 1er novembre 2024, soit la date initialement envisagée par le Gouvernement pour le report de l’habilitation.

Le Gouvernement a justifié son choix de solliciter une nouvelle habilitation, et non un simple report de la précédente, par le fait que l’habilitation accordée initialement par la loi « 3DS » arrivait à son terme le 21 août 2023 si bien qu’il n’entrera en vigueur qu’après l’expiration du délai d’habilitation. Or, il n’est pas possible de proroger le délai d’habilitation lorsque celle-ci est devenue entre-temps caduque. Il convenait donc de solliciter une nouvelle habilitation.

 


Titre VI
Dispositions diverses relatives aux juridictions administratives et financières et à la responsabilité des gestionnaires publics

Article 22
(Art. L. 131-2, L. 131-6, L. 231-1-1, L. 231-5-1, L. 233-2 et L. 234-2-1 du code de justice administrative ; art. L. 112-3-1 et L. 221-3 du code des juridictions financières ; article 9 de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État)
Conditions d’accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et des magistrats des chambres régionales des comptes en sortie de l’Institut national du service public

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

La réforme de la scolarité de l’Institut national du service public (INSP, ex-École nationale d’administration) prévoit une mobilité de deux ans en tant qu’administrateur de l’État avant la prise de fonction en tribunal administratif, en cour administrative d’appel (TACAA) ou en chambre régionale des comptes (CRC) pour les élèves n’ayant pas eu d’expérience publique ou privée préalable. Cette situation pose des difficultés de recrutement et de gestion prévisionnelle des effectifs et crée une différence de traitement entre les élèves recrutés à la sortie de l’INSP et ceux recrutés par les concours directs, notamment en vue de leurs futurs avancements.

Le II du présent article supprime cette obligation de mobilité préalable. Son I et son III procèdent à la correction de deux erreurs matérielles.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a créé l’INSP, en remplacement de l’École nationale d’administration (ENA), et revu les règles applicables en matière de formation et de déroulement des carrières dans la haute fonction publique de l’État (FPE).

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de coordination de ses rapporteures, visant à supprimer la reconnaissance d’une équivalence entre les expériences passées dans les secteurs public ou privé et la mobilité préalable obligatoire, puisque celle-ci est supprimée (amendement COM-140).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements de son président visant à prévoir une prestation de serment pour les magistrats administratifs (amendement CL675) et la possibilité pour les conseillers des TACAA et des CRC de se porter candidat à l’auditorat à la Cour des comptes (amendement CL674).

Elle a également adopté un amendement du Gouvernement pour augmenter de trois à six ans l’ancienneté requise pour accéder au grade de premier conseiller des TACAA (amendement CL782).

1.   L’état du droit

Le code des juridictions financières (CJF) prévoit deux voies d’intégration dans les corps des magistrats administratifs et financiers. En 2023, sept postes de magistrats des TACAA et trois postes de magistrats des CRC seront attribués à la sortie de l’INSP ([417]) tandis qu’une cinquantaine de conseillers des TACAA et une dizaine de conseillers des CRC seront recrutés par la voie directe ([418]).

a.   La réforme de la haute fonction publique

La réforme de la haute fonction publique de l’État, engagée par le Gouvernement et matérialisée par l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la FPE, est venue apporter plusieurs modifications affectant le recrutement des conseillers des TACAA et des CRC.

Avant la création de l’INSP, tous les élèves sortant de l’ENA rejoignaient leur corps d’affectation en fonction du classement de sortie dès la fin de la scolarité. Depuis le 1er janvier 2022 et la création de l’INSP, une partie de la réforme s’applique. Outre la suppression de l’affectation dans les « grands corps » (Conseil d’État, Cour des comptes, inspections générales) dès la fin de la scolarité, les élèves de l’INSP recrutés par concours externe ont désormais l’obligation de réaliser une mobilité de deux ans en tant qu’administrateur de l’État avant de rejoindre définitivement leur corps d’affectation, en fonction de leur classement de sortie ([419]).

Ces dispositions s’appliquent au recrutement des magistrats des TACAA et des magistrats des CRC ([420]), mais également à celui des auditeurs du Conseil d’État et des auditeurs de la Cour des comptes ([421]). Cette obligation de mobilité est également imposée aux membres des juridictions en activité pour être nommés à certains emplois, comme celui de président de CRC ([422]), ou à certains grades comme celui de premier conseiller ([423]).

La réforme entrera pleinement en vigueur au 1er janvier 2025. À compter de cette date, les élèves seront recrutés selon un nouveau format de concours et ceux qui achèveront leur scolarité seront affectés par appariement, mettant ainsi fin au classement de sortie de l’INSP.

b.   Les difficultés rencontrées par les TACAA et les CRC

Cette réforme crée trois inquiétudes en ce qui concerne le recrutement et la gestion des magistrats des TACAA et des CRC :

 d’abord, elle provoque une incertitude quant au recrutement, puisqu’il demeure possible que les anciens élèves de l’INSP, au terme de leurs deux années de mobilité en tant qu’administrateur de l’État, choisissent finalement de ne pas intégrer le corps auquel ils ont fait le choix d’être affectés à la fin de leur scolarité ;

– ensuite, elle crée une imprévisibilité dans la gestion des effectifs, tant pour les TACAA et les CRC que pour les administrations qui doivent réserver des postes à de futurs magistrats pour une durée de seulement deux ans. Tous doivent anticiper de deux ans leurs besoins en recrutement, ainsi que les affectations géographiques, ce qui rigidifie considérablement la gestion des ressources humaines ;

– enfin, elle installe une inégalité de traitement entre les magistrats recrutés via le concours direct et ceux recrutés via l’INSP, ainsi qu’entre les élèves issus du concours interne et ceux issus du concours externe. En effet, les magistrats administratifs et financiers sont soumis à une obligation de réaliser une mobilité de deux ans pour accéder au grade de premier conseiller. Les anciens élèves de l’INSP auraient rempli cette condition avant même leur entrée dans le corps.

c.   Une solution partielle insuffisante

L’article 34 du décret n° 2023-30 du 25 janvier 2023 relatif aux conditions d’accès et aux formations à l’INSP a apporté une première réponse aux craintes des juridictions. Il prévoit que l’affectation dans les corps des magistrats des TACAA ou des CRC se fait automatiquement pour les anciens élèves de l’INSP issus du concours externe, au terme de deux ans d’activité professionnelle en tant qu’administrateur de l’État.

Cette solution permet de sécuriser le niveau de recrutement des TACAA et des CRC. Cependant, elle ne répond pas aux autres difficultés précédemment mentionnées.

 

2.   Le projet de loi initial

a.   La suppression de l’obligation de mobilité préalable (II)

L’article 22 du projet de loi propose la suppression de l’obligation de mobilité de deux ans préalable à l’intégration dans les corps de magistrats administratifs et financiers, à compter du 1er janvier 2025, c’est-à-dire lors de la suppression du classement de sortie ([424]).

Les élèves du concours externe de l’INSP ayant fait le choix de rejoindre ces corps, ainsi que les personnes admises aux concours dédiés des TACAA ou des CRC, se trouvent ainsi placés dans la même situation. Tous devront réaliser, après leur intégration dans le corps, une mobilité d’au moins deux ans pour prétendre à un avancement au grade supérieur ([425]). Cette situation est également préférable pour les administrations d’accueil, qui pourront bénéficier de la mobilité de magistrats expérimentés.

L’obligation de justifier d’au moins deux ans de service effectif en tant qu’administrateur de l’État est, en revanche, maintenue pour le recrutement des auditeurs de la Cour des comptes et du Conseil d’État.

b.   La correction de deux erreurs matérielles (I et III)

● Le I concerne les prérogatives du collège de déontologie de la juridiction administrative. Ce dernier doit rendre un avis préalable à la nomination des magistrats administratifs pouvant se trouver dans une situation de conflit d’intérêts dans le lieu de leur affectation en raison de leurs précédentes fonctions.

L’article L. 231-5-1 du code de juridiction administrative prévoit en effet qu’un « magistrat ayant exercé les fonctions de délégué du préfet dans un arrondissement, une fonction de directeur départemental ou régional d’une administration de l’État ou une fonction de direction dans l’administration d’une collectivité territoriale ne peut, pendant une durée de trois ans, participer au jugement des affaires concernant les décisions prises par les services au sein desquels il exerçait ses fonctions ou sur lesquels il avait autorité ».

Or, l’article L. 131-6 du CJA fait, par erreur, référence à l’article L. 231-5 au lieu de l’article L. 231-5-1. L’article L. 231-5-1 fait également référence à l’article L. 231-5 au lieu de renvoyer à son propre premier alinéa. Il est proposé de corriger ces anomalies.

● Le III corrige une erreur rédactionnelle à l’article 9 de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État.

 

3.   Les modifications apportées par le Sénat

En Commission, le Sénat a adopté un amendement de coordination visant à supprimer la reconnaissance d’une équivalence en cas d’expérience préalable dans le secteur public ou le secteur privé ([426]). Le projet de loi initial maintenait en effet la possibilité pour « les élèves de l’INSP […] qui justifient d’une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d’une durée d’au moins quatre ans dans des fonctions d’un niveau équivalent à celles de la catégorie A [d’être] directement nommés en qualité de magistrats », sans mobilité préalable. Cette dérogation n’a plus lieu d’être, puisque l’obligation de mobilité préalable est supprimée.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements de son président :

– L’amendement CL675 instaure une prestation de serment pour les magistrats des TACAA et les membres du Conseil d’État, comme cela existe déjà pour les magistrats financiers ([427]) et judiciaires ([428]) . Il modifie les articles L. 131-2 et L. 231-1-1 du CJA qui prévoient déjà que les juges administratifs « exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard ». Ils devront désormais prêter le serment d’exercer leurs fonctions selon ces principes ;

– L’amendement CL674 ouvre la possibilité aux membres des corps des magistrats des TACAA et des CRC d’être nommés en tant qu’auditeurs à la Cour des comptes. Depuis la réforme de la haute fonction publique de l’État, l’accès à la Cour des comptes, comme au Conseil d’État, est réservé aux « membres du corps des administrateurs de l’État et des corps ou cadres d’emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, justifiant d’au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité » ([429]). Or, le décret du 22 septembre 2021 ([430]) n’inclut pas les magistrats financiers et administratifs parmi les corps et cadres d’emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d’État et à la Cour des comptes bien que leur niveau soit, par définition, comparable, puisqu’ils sont recrutés par le même concours. La Commission a donc choisi de modifier l’article L. 112-3-1 du CJA pour corriger cette injustice en ce qui concerne la Cour des comptes.

La Commission a également adopté un amendement CL782 du Gouvernement qui prévoit d’augmenter de trois à six ans l’ancienneté requise pour accéder au grade de premier conseiller des TACAA.

L’article L. 234-2-1 du CJA prévoit que « peuvent être promus au grade de premier conseiller, les conseillers ayant accompli une mobilité statutaire d’une durée d’au moins deux ans, qui justifient de trois années de services effectifs en qualité de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et ont atteint un échelon de leur grade déterminé par décret en Conseil d’État ». Il précise par ailleurs que « Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l’obligation de mobilité dans le grade de conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ». Autrement dit, les conseillers peuvent être nommés premiers conseillers après trois ans de service dont deux en mobilité, ce qui est trop court. L’amendement prévoit donc d’aligner l’ancienneté requise sur celle des administrateurs de l’État qui est de six ans – dont deux ans de mobilité.

La Commission a adopté l’article ainsi modifié.

 

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*     *

Article 23
(Art. L. 120-14, L. 122-3, L. 212-2, L. 220-3, L. 221-2, L. 221-2-1, L. 222-1, L. 262-15, L. 262-25, L. 272-17 et L. 272-28 du code des juridictions financières)
Diverses modifications statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit plusieurs modifications du code des juridictions financières (CJF) relatives au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (CRC) :

– la nomination des conseillers référendaires en détachement au grade de conseiller maître selon la même procédure d’avancement interne que les conseillers référendaires en activité en juridiction ;

– la dissociation de la fonction de « président de section » en CRC et du grade associé, qui devient celui de « conseiller président » ;

– le raccourcissement de sept à cinq ans de la durée de l’emploi de président ou vice-président de CRC au sein d’une même chambre.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a fait évoluer les conditions de recrutement et d’avancement des magistrats de la Cour des comptes et des CRC.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a supprimé les deux principales dispositions de l’article, en rétablissant la nomination hors tour des conseillers référendaires en position de détachement au grade de conseiller maître et la durée de sept ans pour les mandats de président et vice-président de CRC (amendement COM-142).

Elle a ajouté une disposition visant à permettre aux membres d’une CRC de résider dans l’ensemble de son ressort et non pas obligatoirement dans la ville où elle siège (amendement COM-143).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli, sur proposition du Gouvernement, les deux dispositions supprimées par le Sénat concernant l’avancement des conseillers référendaires à la Cour des comptes en détachement et la réduction de la durée des mandats des présidents de CRC (amendement CL783).

Elle a également adopté un amendement CL804 de vos rapporteurs visant à supprimer l’obligation de changer d’affectation lors du passage du grade de premier conseiller de CRC à celui de conseiller président.

Elle a enfin adopté deux amendements rédactionnels (CL802 et CL803).

 

1.   L’état du droit

a.   Le statut des magistrats financiers

Les nominations aux différents grades sont réalisées selon trois procédures :

– au tour interne pour les magistrats en activité au sein de la Cour des comptes ou des CRC ([431]) ;

– au tour extérieur, selon un nombre de places proportionnel au nombre de nominations internes. Les nominations au tour extérieur visent à permettre à des fonctionnaires d’intégrer le corps des magistrats financiers à un grade dépendant de leur expérience. Le nombre de places ouvertes par cette voie est proportionnel au nombre de places pourvues au tour interne ([432]) ;

– hors tour, pour les membres de la Cour des comptes en détachement dans une autre administration publique ou en disponibilité dans le secteur privé. Cela signifie que ces nominations ne sont pas prises en compte dans le calcul du ratio entre nominations au tour interne et nominations au tour extérieur.

Grades, emplois et conditions de nomination des magistrats financiers

 

Grade

Nomination

Fonctions accessibles

Conditions d’expérience

Cour des comptes

Auditeurs ([433])

Arrêté du Premier président

 

Deux ans d’expérience en tant qu’administrateur de l’État ou équivalent ([434]).

Conseiller référendaire

Décret du président de la République

Président ou vice-président de CRC

Auditeurs ([435]) ;

Conseiller référendaire en service extraordinaire depuis plus de 3 ans ou premier conseiller de CRC ([436]) ;

Président de section de CRC occupant l’emploi de président ou vice-président de CRC ([437]) ;

Tour extérieur ([438]).

Conseiller maître

Décret en Conseil des ministres

Président de section à la CDC

Président de CRC

Conseiller référendaire ayant douze années d’expérience à ce grade et ayant réalisé une mobilité ;

Tour extérieur ([439]).

Président de chambre

Décret en Conseil des ministres

Président de chambre à la CDC

Président de CRC

Trois ans en tant que conseiller maître ([440]).

Premier président

Décret en Conseil des ministres

Premier président

 

Chambre régionale des comptes

Conseiller

Décret du président de la République

 

Sortie de l’INSP ou concours ([441]) .

Premier conseiller

Décret du président de la République

 

Conseiller ayant accompli une mobilité statutaire d’une durée d’au moins deux ans et atteint le sixième échelon ([442]).

Président de section

Décret du président de la République

Président de section de CRC

Président ou vice-président de CRC ([443])

Premier conseiller ayant accompli une mobilité statutaire d’une durée d’au moins deux ans et ayant atteint le troisième échelon ([444]).

b.   De nombreuses réformes engagées

Les modifications proposées par le projet de loi s’inscrivent dans un contexte de transformations profondes des juridictions financières sous l’effet de la réforme de la haute fonction publique, de la réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics et du projet « JF 2025 ».

● La réforme de la haute fonction publique a modifié les conditions de recrutement des auditeurs de la Cour des comptes et des conseillers des CRC ([445]). Les conditions d’avancement ont été modifiées, notamment en renforçant l’obligation de mobilité, et divers emplois ont été fonctionnalisés. Dans le même temps, la part des nominations de conseillers maîtres effectuées au tour extérieur a été diminuée d’une pour trois à une pour cinq.

● La réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics, outre l’évolution du droit applicable ([446]), transforme l’organisation des juridictions financières. Les CRC ne jugent plus depuis le 1er janvier 2023, le contentieux étant rassemblé à la chambre du contentieux de la Cour des comptes, qui est composée pour partie de magistrats des CRC.

● Ces réformes s’accompagnent d’un projet de réorganisation interne – « JF 2025 » – initié par le Premier président, Pierre Moscovici. Parmi les 40 actions engagées, figure la volonté de moderniser les métiers pour les rendre plus attractifs et de mieux intégrer les CRC et la Cour des comptes.

2.   Le projet de loi initial

a.   Modification des conditions de nomination des conseillers référendaires en position de détachement au grade de conseiller maître

L’article 23 inclut, parmi les nominations au grade de conseiller maître réalisées au tour interne, celle des conseillers référendaires en détachement. En l’état du droit, les conseillers référendaires en détachement sont nommés hors tour, comme ceux en disponibilité. Ils ne sont donc pas comptabilisés dans le ratio de quatre nominations pour cinq au tour interne, prévu à l’article L. 122-3 du CJF.

Selon la Cour des comptes, « l’alignement des conditions d’avancement entre les magistrats en activité et en détachement, d’une part, et l’obligation de mobilité introduite par la réforme de 2021 pour passer au grade supérieur, d’autre part, ne justifient plus la distinction qu’opère l’article L. 122-3 du CJF entre magistrats en position d’activité et magistrats en détachement ».

La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a précisé, lors de son audition, que cette disposition permettra également de « stabiliser le nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur, en intégrant les nominations des conseillers référendaires en activité et en détachement dans le décompte des nominations : en pratique, cette nouvelle disposition pourrait ainsi conduire à nommer en 2023, 2024 et 2025 trois conseillers maîtres au tour extérieur par an, contre quatre en 2022 (avant entrée en vigueur du nouveau décompte des tours extérieurs), et deux en 2023 si les magistrats en détachement à date demeuraient comptabilisés hors tour ».

Le Conseil supérieur des CRC a émis un avis défavorable sur cette mesure considérant qu’elle défavorisait les magistrats de carrière ([447]).

b.   Réduction de la durée des mandats des présidents de CRC de sept à cinq ans

Les présidents et vice-présidents de CRC sont nommés par le président de la République pour une durée de sept ans non prorogeable et non renouvelable. Cette mesure a été pensée comme une garantie d’indépendance, dont le principe est reconnu et protégé par le Conseil constitutionnel ([448]).

Le c) du 3° du I vise à réduire de sept à cinq ans la durée du mandat des présidents de CRC. Selon l’étude d’impact, cette mesure doit « permettre d’une part d’assurer un renouvellement plus régulier dans l’exercice de ces fonctions, et d’autre part, le cas échéant, l’exercice de ces fonctions dans une seconde chambre d’affectation ».

Sur cette mesure également, le Conseil supérieur des CRC a rendu un avis défavorable pointant le risque d’atteinte au principe d’indépendance des juridictions financières ([449]). La Cour des comptes estime en revanche que cette mesure ne menace pas l’indépendance des juridictions financières, dès lors que les conditions de nomination et l’absence de possibilité de renouvellement sont maintenues. Elle favoriserait par ailleurs la féminisation de ces fonctions, en accélérant leur renouvellement.

c.   Création du grade sommital de « conseiller président » dans les CRC

Les magistrats accédant au grade de « président de section » des CRC peuvent remplir plusieurs emplois, dont celui de président de section en CRC, mais aussi celui de président ou vice-président de CRC.

L’article 23 modifie le nom du grade sommital, désormais intitulé « conseiller président », pour mieux distinguer le grade de l’emploi qui sera prochainement fonctionnalisé. Selon le Gouvernement, cette clarification simplifiera également l’élaboration des futures grilles indiciaires.

Par ailleurs, les conditions de nomination des présidents de section – futurs conseillers présidents – sont assouplies, puisqu’ils ne devront plus démontrer une ancienneté de quinze années de services publics. Sont maintenues des conditions d’âge (quarante ans au moins) et d’expérience (trois années comme président de section et deux ans de mobilité).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   Le maintien de l’avancement hors tour pour les conseillers référendaires en position de détachement

Concernant l’avancement des conseillers référendaires en détachement au grade de conseiller maître, la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de ses rapporteures, a considéré que leur comptabilisation parmi les nominations au titre de l’avancement interne n’était pas justifiée.

En effet, cette disposition a pour effet de revenir partiellement sur l’une des avancées de l’ordonnance du 2 juin 2021, qui réduisait le nombre de nomination au tour extérieur d’une sur trois à une sur cinq.

S’il est vrai que l’intégration des conseillers en détachement parmi les nominations en interne fera mécaniquement augmenter le nombre de nomination au tour extérieur, la Cour des comptes a toutefois indiqué, lors de son audition, que la disposition proposée n’annulerait en aucun cas l’évolution prévue par l’ordonnance du 2 juin 2021, mais stabiliserait le nombre de nominations d’année en année.

Elle souligne par ailleurs que la réforme de la haute fonction publique tend à favoriser les mobilités, qu’il n’y a plus de logique à faire dépendre l’avancement de la position des magistrats et que ce lien rend plus difficile la gestion des ressources humaines de la Cour des comptes ([450]).

b.   Le rétablissement d’une durée de sept ans pour le mandat de président de CRC

Concernant la durée des mandats des présidents des CRC, la commission des Lois du Sénat a rétabli une durée de sept ans, considérant qu’il s’agissait également de celle prévue pour les magistrats judiciaires ([451]) et administratifs ([452]). Les rapporteures du Sénat soulignent en outre qu’un président de CRC peut demander à réduire la durée de son mandat après avis du Conseil supérieur des CRC.

Vos rapporteurs constatent pour leur part que, s’agissant des magistrats administratifs et judiciaires, la durée de sept ans est une durée maximale et non fixe comme c’est le cas pour les magistrats financiers.

c.   L’assouplissement des conditions de résidence des magistrats de CRC

La commission des Lois du Sénat a ajouté une disposition visant à permettre aux membres des CRC de résider dans l’ensemble du ressort de leur chambre de rattachement et non pas obligatoirement dans la ville où elle siège. Cette disposition reprend celle applicable aux magistrats de l’ordre judiciaire ([453]) – qui peuvent aussi vivre dans un ressort limitrophe – et des TACAA ([454]).

L’obligation de résider au siège de sa CRC de rattachement est ancienne puisqu’elle date de la création des CRC ([455]). Elle avait été, depuis lors, assouplie à la marge par voie réglementaire, l’article R. 222-1 du CJF précisant que cette obligation est réputée remplie lorsque les magistrats résident dans l’une des communes qui composent l’agglomération où la chambre a son siège, à l’exception de Paris.

4.   La position de la Commission

La Commission a rétabli, à la demande du Gouvernement (amendement CL783), les deux dispositions supprimées par le Sénat concernant l’avancement des conseillers référendaires à la Cour des comptes en détachement et la réduction de la durée des mandats des présidents de CRC ([456]).

Elle a également adopté un amendement de coordination de vos rapporteurs (CL804) visant à supprimer l’obligation de changer d’affectation lors du passage du grade de premier conseiller à celui de conseiller président de CRC. En effet, l’article L. 221‑2‑1 du CJF prévoit que « la nomination au grade de président de section ne peut être prononcée dans la chambre régionale des comptes dans laquelle le magistrat est affecté au moment de sa promotion ». Compte tenu de la dissociation du grade de conseiller président (ex-grade de président de section) et de l’emploi de président de section, cette obligation de mobilité n’est plus indispensable puisqu’elle n’emporte pas nécessairement la nomination à l’emploi de président de section. Les conditions de mobilité statutaire seront précisées dans un décret en Conseil d’État.

Elle a enfin adopté deux amendements rédactionnels (CL802 et CL803) et l’article ainsi modifié.

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*     *

Article 24
(Art. L. 142-1-1 du code des juridictions financières ; art. 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement)
Ratification de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à la ratification, sans modification, de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Il procède également à une mise en cohérence dans l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 3 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a modifié l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement, concernant le déferrement des violations des règles de cumul d’indemnités auprès du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement CL947 de vos rapporteurs pour permettre à l’Agence française anticorruption (AFA) de déférer au ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer des infractions financières.

1.   L’état du droit

a.   Contenu de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

L’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics est entré en vigueur le 1er janvier 2023 ([457]). Cette réforme met fin à la coexistence de deux régimes de responsabilité :

– la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics (RPP), qui pouvait être engagée devant les CRC et la Cour des comptes dans le cadre du jugement des comptes ;

– la responsabilité des dirigeants et agents (ordonnateurs et comptables) des organismes contrôlés par la Cour et les CRC, engagée devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).

Ces deux régimes avaient montré leurs limites, et la nécessité d’une réforme était identifiée de longue date. La RPP des comptables publics reposait sur une approche exhaustive ne permettant pas de cibler les opérations les plus significatives, ni de prendre en compte l’imbrication croissante des acteurs de la chaîne financière.

Selon la Cour des comptes : « Le système de justice retenue (le ministre du budget ayant un pouvoir de remise des amendes prononcées par le juge) était sans effet vertueux sur les décisions prises par les acteurs de la chaîne financière » ([458]). Elle constate par ailleurs que la CDBF s’était difficilement imposée, en raison de délais de procédure très longs et du nombre restreint de poursuites engagées (une douzaine d’affaires par an).

Cette réforme intervient dans le contexte du projet stratégique « JF 2025 », engagé par le premier président de la Cour des comptes, et du programme « Action publique 2022 », au travers duquel le Gouvernement s’est engagé à accroître les marges de manœuvre des gestionnaires publics tout en renforçant leur responsabilité. Elle vise à placer la justice financière entre l’intervention du juge pénal et la discipline.

i.   Un régime de responsabilité plus lisible

La Cour des comptes est désormais seule compétente pour examiner la responsabilité financière de l’ensemble des gestionnaires publics. Les infractions énumérées par le code des juridictions financières s’inscrivent dans la continuité de celles qui étaient jusqu’à présent poursuivies devant la CDBF. Une chambre spécialisée de la Cour des comptes, la chambre du contentieux, composée à parité de magistrats de la Cour et des CRC, a été créée. Elle est saisie sur réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes, à la suite de déférés des autres chambres de la Cour, des CRC, d’autorités dont la liste est fixée par le code des juridictions financières, ou de sa propre initiative. Les sanctions encourues sont des amendes.

ii.   Un régime de responsabilité plus effectif

Le nouveau régime permet de sanctionner de façon effective des fautes personnelles graves dans la gestion des deniers publics. Les sanctions encourues sont des amendes d’un montant plafonné à six mois de rémunération (contre un à deux ans de rémunération dans le régime de la CDBF).

Elles sont déterminées individuellement et proportionnées à la gravité des faits, à l’importance du préjudice causé et à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées. Si les ministres et les élus locaux conservent un régime de responsabilité qui se distingue en partie de celui des autres ordonnateurs, cette spécificité n’est pas absolue. Ils restent en effet responsables, comme actuellement devant la CDBF, en cas de gestion de fait et, s’agissant des élus locaux, d’inexécution d’une décision de justice ou d’ordre de réquisition ayant causé l’octroi d’un avantage injustifié.

iii.   Une procédure davantage protectrice des règles du contradictoire et des droits des personnes mises en cause

Le ministère public près la Cour des comptes, chargé d’engager les poursuites et de décider des suites à donner à l’instruction, ainsi que la chambre du contentieux, sont soumis à des exigences de célérité dans le traitement des affaires : deux mois pour prendre le réquisitoire introductif, trois mois pour prendre la décision de renvoi, et un délai raisonnable en ce qui concerne la durée de l’instruction.

Pour la première fois, l’ensemble des justiciables auront le droit de faire appel des arrêts prononcés en première instance par la chambre du contentieux devant la Cour d’appel financière dont les membres seront nommés prochainement. Le Conseil d’État restera le juge de cassation.

b.   Premiers chiffres concernant l’application de ce nouveau régime

Depuis le 1er janvier 2023, le Procureur général près la Cour des comptes a pris dix-sept réquisitoires initiaux et dix-huit réquisitoires supplétifs. Ces derniers concernent des affaires dont la CDBF avait été saisie et qui ont été transférées à la chambre du contentieux. Il a prononcé dix-sept décisions de classement, dont six comprennent un rappel à la loi, et trois décisions de renvoi.

Quarante dossiers sont en cours d’instruction à la chambre du contentieux (dont sept relèvent de l’ancien régime de RPP des comptables publics). À la fin du mois de mai 2023, quatre audiences publiques se sont tenues – deux autres auront lieu en juin – et un premier arrêt a été notifié le 11 mai 2023.

2.   Le projet de loi initial

a.   La ratification de l’ordonnance

L’article 24 propose la ratification, sans modification, de l’ordonnance du 23 mars 2022.

Afin d’éviter la caducité de l’ordonnance, un premier projet de loi de ratification avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 avril 2022. Le Conseil d’État rappelle dans son avis ([459]) que cela ne fait pas obstacle au dépôt d’un nouveau projet de loi de ratification, même si le délai fixé par l’habilitation, de six mois à compter de la publication de l’ordonnance ([460]), a expiré.

L’adoption du projet de loi de ratification permet de donner une pleine valeur législative à l’ordonnance et de renforcer la sécurité juridique de mesures ayant vocation à s’appliquer à de nombreux contentieux. Les recours contre l’ordonnance seront désormais limités aux atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, par voie de question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

b.   Une mesure de coordination dans l’ordonnance de 1958 relative à l’indemnité des parlementaires

L’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement prévoit les conditions de cumul de rémunération avec l’indemnité parlementaire.

Depuis la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, le dernier alinéa de cet article précise que « chaque assemblée veille, dans les conditions déterminées par son règlement, à la mise en œuvre de ces règles et à la sanction de leur violation, ainsi qu’aux modalités suivant lesquelles son président défère les faits correspondants au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ».

Cette compétence du ministère public près la CDBF, supprimée par l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, est transférée au ministère public près la Cour des comptes.

Bien que la plupart des modifications apportées à cet article l’aient été par des lois de nature organique, le Conseil d’État estime qu’une telle modification peut être opérée par la loi ordinaire.

En effet, le Conseil constitutionnel a jugé en 2017 que « les dispositions qui prévoient que chaque assemblée veille aux modalités suivant lesquelles son président défère les faits correspondants au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière visent à sanctionner les personnes, justiciables de cette cour, qui ont procédé à la rémunération irrégulière d’un parlementaire […] n’ont pas le caractère organique » ([461]).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

4.   La position de la Commission

L’article L. 142-1-1 du code des juridictions financières (CJF), modifié par l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, énumère l’ensemble des autorités compétentes pour déférer au ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer des infractions au sens du CJF.

La Commission a adopté un amendement CL947 de vos rapporteurs pour étendre cette compétence à l’Agence française anticorruption (AFA) qui peut avoir connaissance de tels faits à l’occasion de l’exercice de ses missions.

Elle a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 25
(Art. L. 131-12 et L. 231-10 [nouveaux] du code de justice administrative et art. L. 120-3-1 et L. 2204-1 [nouveaux] du code des juridictions financières)
Mécanisme d’extension par décret des accords nationaux relatifs à la couverture complémentaire santé aux magistrats administratifs et financiers

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet d’étendre par décret aux magistrats financiers et administratifs le bénéfice d’accords nationaux relatifs à la protection sociale complémentaire en matière de santé.

Il leur permettra de bénéficier de l’accord interministériel, conclu le 26 février 2022 entre l’État et les organisations syndicales siégeant au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE), relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l’État. Les magistrats administratifs et financiers en sont exclus, car ils ne participent pas à des élections prises en compte pour la composition du CSFPE.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a créé les comités sociaux d’administration (CSA), dont les élections sont prises en compte dans la composition du CSFPE.

Par ailleurs, l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique a prévu le principe de la participation financière des employeurs publics en matière de protection complémentaire santé, ainsi que la possibilité de conclure un accord collectif en ce sens.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel visant à supprimer un doublon, puisque l’application du code de la justice administrative dans la version issue du présent projet de loi à la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française est déjà prévue à l’article 23 (amendement COM-145).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article sans modification.

1.   L’état du droit

a.   L’accord national du 26 février 2022

L’ordonnance du 17 février 2021 prévoit que les employeurs publics devront participer financièrement aux garanties de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident auxquelles souscrivent leurs agents.

Elle prévoit également que les partenaires sociaux pourront conclure un accord définissant un régime de protection sociale complémentaire, et que les agents pourront être tenus de souscrire au contrat collectif sélectionné par l’employeur. Ces dispositions ont été codifiées aux articles L. 827-1 à L. 827-3 du code général de la fonction publique ([462]).

Un accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l’État a ainsi été conclu le 26 février 2022 entre l’État et les organisations syndicales siégeant au CSFPE.

Cet accord offre un régime de protection sociale complémentaire en santé, fondé sur un socle interministériel de garanties destinées à couvrir les frais de santé dans le cadre de contrats collectifs à souscription obligatoire, avec une participation de l’employeur à hauteur de 50 % de la complémentaire santé de ses agents. Il s’agit de faciliter et de renforcer l’accès des agents publics à une protection sociale complémentaire et, partant, d’améliorer leur prise en charge médicale.

En contrepartie, les agents perdent la liberté du choix de leur mutuelle ou de leur organisme de protection sociale complémentaire. Cela pourrait poser difficulté pour les agents qui ont un contrat couvrant les frais de santé et la prévoyance, car l’accord ne concerne pas l’incapacité de travail, l’invalidité, la dépendance ou le décès. Des négociations ont été ouvertes le 23 juin 2022 pour faire aboutir un nouvel accord en matière de prévoyance.

b.   Les membres des juridictions administratives et financières ne sont pas couverts par l’accord national du 26 février 2022

Les magistrats des TACAA et des CRTC ont des organisations syndicales représentatives résultant de leurs élections professionnelles, mais celles-ci ne sont pas prises en compte pour la composition du CSFPE. Quant aux membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, ils ne prennent part à aucune élection organisée sur liste syndicale. Les organisations qui siègent au CSFPE ne sont donc pas représentatives des membres des juridictions administratives et financières et l’accord ne peut donc pas leur être appliqué.

L’option d’appliquer aux magistrats administratifs et financiers le droit commun de la fonction publique de l’État en matière de représentation syndicale a été exclue pour des raisons tenant à la fois aux spécificités de leurs statuts, au délai nécessaire pour y parvenir et aux conséquences qui iraient bien au-delà de l’accord visé ([463]).

c.   Les agents des juridictions administratives et financières sont couverts par cet accord

L’ensemble des agents des juridictions administratives et financières participent à des élections professionnelles, dont les résultats sont pris en compte pour déterminer la composition du CSFPE.

L’accord du 26 février 2022 est donc directement applicable :

– aux agents de greffe des TACAA votant sur liste syndicale pour le comité social d’administration du ministère de l’Intérieur, qui assure la gestion de ce corps ;

– aux agents du Conseil d’État et de la Cour nationale du droit d’asile qui sont électeurs pour le CSA institué auprès du vice-président du Conseil d’État ;

– aux agents de la Cour des comptes et des CRC qui sont électeurs pour le CSA institué auprès du Premier président de la Cour des comptes.

2.   Le projet de loi initial

a.   Extension de l’accord aux magistrats administratifs et financiers

Le mécanisme proposé consiste à prévoir la possibilité d’étendre, par décret, l’application d’un accord mentionné à l’article L. 827-2 du code général de la fonction publique.

Il s’agit des accords conclus au niveau national pour la fonction publique de l’État en vue de la souscription par un employeur public d’un contrat collectif de protection sociale complémentaire destiné à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident. Ces accords peuvent également prévoir la participation obligatoire de l’employeur au financement des garanties destinées à couvrir tout ou partie des risques.

Un décret pourrait ainsi étendre prochainement l’accord du 26 février 2022 aux membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, ainsi qu’aux magistrats des TACAA et des CRC.

Le décret pourra également prévoir les modalités d’application de cet accord, notamment le rattachement des personnels des juridictions administratives et financières au contrat collectif d’un autre employeur public.

b.   La nécessité de recourir à la loi

L’ordonnance du 17 février 2021 prévoit une habilitation générale du pouvoir réglementaire pour étendre l’application de l’accord du 26 février 2022 à des catégories d’agents qui ne sont pas soumis au statut de la fonction publique de l’État. Or, les magistrats administratifs et financiers sont couverts par ce statut – à l’exception des règles statutaires qui leur sont propres.

L’intervention de la loi est donc nécessaire afin de contourner l’obligation d’être représenté par l’une des organisations syndicales représentatives du CSFPE pour bénéficier de l’accord. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que « cette mesure répond à un objectif d’égalité en permettant d’assurer une protection sociale complémentaire dans des conditions similaires à celles en vigueur pour l’ensemble de la fonction publique de l’État » ([464]).

3.   Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article en y apportant une correction rédactionnelle.

En effet, le 3° du II de l’article 25 prévoyait l’application du dispositif en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Cette précision était superfétatoire, dès lors que l’article 23 précise déjà que le code des juridictions financières s’appliquera aux chambres territoriales des comptes dans la version qui résultera du présent projet de loi.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté l’article sans modification.

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*     *

Article 26
(Art. L. 314-1, L. 314-9, L. 351-1, L. 351-2 [abrogé], L. 351-3, L. 351-4 [abrogé], L. 351-5 [abrogé], L. 351-6, L. 351-7 [abrogé], L. 351-8 du code de l’action sociale et des familles ; art. L. 6114-4 et L. 6143-4 du code de la santé publique et art. L. 162-24-1 du code de la sécurité sociale)
Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit le transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun, supprimant ainsi les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) et la cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS).

Ces juridictions spécialisées et échevinées rencontrent des difficultés pour composer les formations de jugement, tandis que le contentieux dont elles ont à connaître est en baisse constante depuis près de dix ans. Cette mesure permettrait de simplifier le fonctionnement des juridictions et la qualité du traitement des recours.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 instituant le tribunal judiciaire avait déjà transféré aux pôles sociaux des tribunaux judiciaires le contentieux des anciens tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS).

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a inscrit directement dans la loi la réforme initialement proposée par voie d’ordonnance (amendement COM-146).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs (CL791 et CL792).

 

1.   L’état du droit

a.   La spécialisation du contentieux de la tarification sanitaire et sociale

i.   Un contentieux spécifique

Les TITSS, en première instance, et la CNTSS, en appel, sont compétents pour connaître des recours contre les décisions administratives en matière de tarification sanitaire et sociale des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Ils statuent sur les recours dirigés contre les décisions prises par le préfet, le directeur de l’agence régionale de santé et le président du conseil départemental, séparément ou conjointement, ainsi que par le président du conseil régional et, le cas échéant, par les ministres compétents, déterminant les dotations globales, les dotations annuelles, les forfaits annuels, les dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les remboursements forfaitaires, les subventions obligatoires aux établissements de santé, les prix de journée et les autres tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé et d’organismes concourant aux soins ([465]).

Ces recours peuvent être déposés par les établissements sanitaires et médico-sociaux eux-mêmes ou, plus rarement, par les usagers ou leurs ayants droit pour les décisions tarifaires les concernant.

ii.   Une juridiction spécialisée

Les TITSS et la CNTSS sont gérées par le Conseil d’État – qui reste le juge de cassation de ce contentieux. Il existe cinq TITSS, à Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes et Paris. Les formations de jugement sont composées de magistrats administratifs et sont complétées par des assesseurs échevins.

Ressort des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale

TITSS de Bordeaux : Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes ;

TITSS de Lyon : Auvergne, Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes ;

TITSS de Nancy : Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Picardie ;

TITSS de Nantes : Basse-Normandie, Bretagne, Centre, Haute-Normandie, Pays de la Loire, Saint-Pierre-et-Miquelon ;

TITSS de Paris : Ile-de-France, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion.

● En application de l’article L. 351-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF), le TITSS est présidé par un conseiller d’État ou un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant le grade de président, en activité ou honoraire, nommé par le vice-président du Conseil d’État. Un président suppléant est nommé dans les mêmes conditions. Le tribunal comprend également des assesseurs échevins :

– quatre membres nommés par le président de la cour administrative d’appel du siège du tribunal au sein d’une liste établie par le préfet de région de ce siège (dont deux titulaires et deux suppléants) ;

– quatre membres nommés par le président de la cour administrative d’appel du siège du tribunal au sein d’une liste proposée, dans des conditions fixées par décret, par les représentants à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie des organismes gestionnaires d’établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux et des usagers de ces établissements (dont deux titulaires et deux suppléants).

● En application de l’article L. 351-5 du CASF, la CNTSS est présidée par le président de la section sociale du Conseil d’État ou, en son absence, par l’un des conseillers d’État désignés à cet effet par le vice-président du Conseil d’État. Elle comprend également des assesseurs échevins :

– six membres nommés par le vice-président du Conseil d’État au sein d’une liste proposée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’action sociale (dont trois titulaires et trois suppléants) ;

– six membres nommés par le vice-président du Conseil d’État au sein d’une liste proposée par le collège formé des membres du comité national de l’organisation sanitaire et sociale (dont trois titulaires et trois suppléants).

Les membres des TITSS et de la CNTSS sont nommés pour une période de cinq ans renouvelable et « sont choisis parmi les personnes qui présentent les garanties d’indépendance et d’impartialité nécessaires, et que leur compétence ou leur expérience qualifient particulièrement pour l’exercice de leur mission » ([466]).

b.   Une spécialisation devenue inutile

Le contentieux de la TSS est en baisse depuis plusieurs années, avec seulement 211 nouveaux litiges et 190 affaires jugées en 2022. Cela s’explique notamment par la mise en place d’outils de contractualisation pluriannuelle entre les autorités de tarification et les établissements.

Stock et activités des TITSS et de la CNTSS en 2022

 

Stock
au 1er janvier 2022

Entrées

Sorties

Stock au
31 décembre 2022

TITSS Paris

42

43

36

49

TITSS Bordeaux

8

48

15

41

TITSS Lyon

7

44

11

40

TITSS Nantes

28

16

21

23

TITSS Nancy

29

51

46

34

CNTSS

71

9

61

19

Total

185

211

190

206

Source : Étude d’impact du projet de loi, p. 383.

Par ailleurs, la procédure ne permet pas un traitement plus rapide des affaires. Les délais de jugement sont dans la moyenne nationale des juridictions administratives, voire légèrement plus longs : plus d’un an ([467]), contre 11,5 mois devant les CAA et 9,5 mois devant les TA ([468]). Le recours à l’échevinage est, en particulier, une source de complexification de l’organisation des audiences.

Enfin, cette procédure est décrite comme obsolète car elle n’est pas dématérialisée et ne peut faire l’objet de télérecours. Elle pénalise donc les requérants, alors qu’elle était censée mieux garantir leurs droits.

2.   Le projet de loi initial

Le Gouvernement a écarté l’hypothèse d’un maintien de juridictions spécialisées, considérant que les adaptations nécessaires seraient lourdes à mettre en œuvre pour un contentieux en diminution. Il a également écarté la possibilité de regrouper dans une juridiction unique l’ensemble du contentieux de première instance, en raison du risque d’engorgement et d’éloignement ([469]).

La solution retenue est celle d’un transfert vers les juridictions administratives de droit commun, tout en limitant le nombre de tribunaux compétents pour maintenir la spécialisation des magistrats qui connaîtront de ce contentieux. Le Conseil d’État rappelle, dans son avis, que cette solution avait été préconisée par la mission d’inspection des juridictions administratives en 2020 ([470]).

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des lois du Sénat, à l’initiative de ses rapporteures, a choisi d’inscrire directement dans le projet de loi la réforme proposée, pour des raisons de lisibilité et d’efficacité, le dispositif ne présentant pas de difficulté particulière.

La rédaction procède à la modification des différentes références aux « tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale » dans le CASF, le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale, afin de transférer chacune de leurs compétences aux juridictions administratives de droit commun.

En outre, elle renvoie, dans l’article L. 351-8 du CASF, à un décret en Conseil d’État le soin de « [désigner les] tribunaux administratifs et […] la cour administrative d’appel compétents » ([471]). En effet, rendre tous les TA et toutes les CAA compétentes en la matière risquerait d’éclater excessivement le traitement de ce contentieux ; dans certains cas, les juridictions ne connaîtraient que quelques affaires par an, ce qui présenterait un risque de divergence de jurisprudence et d’absence de spécialisation des magistrats intervenant sur ce contentieux.

Le Sénat a également modifié l’article 29 pour prévoir une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2025 ([472]), de manière à laisser aux juridictions administratives concernées le temps de procéder aux adaptations nécessaires.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels CL791 et CL792 de vos rapporteurs, puis l’article ainsi modifié.

*

*     *

Article 26 bis
(Art. L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative ; art. L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières ; art. L. 122-12 du code général de la fonction publique et art. L. 4122-8 du code de la défense)
Coordination avec le projet de loi organique

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article, introduit à l’initiative du Sénat, tire les conséquences, au niveau législatif, de la suppression, par l’article 10 du projet de loi organique, de l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ([473]).

La Commission a adopté l’article sans modification.

*

*     *


Titre VII
Dispositions transitoires et finales

Article 27
(Art. L. 513-11, L. 531-1, L. 551-1, L. 552-2, L. 552-9-1, L. 552-9-2 à L. 552-9-11, L. 552-9-2 à L. 552-9-12 [nouveaux], L. 552-9-4, L. 552-9-6, L. 552-9-11, L. 552-10, L. 561-1, L. 562-2, L. 5626-1, et L. 562-25 du code de l’organisation judiciaire ; art. L. 362-1, L. 363-1, L. 364-1, L. 3642, L. 365-1, L. 365-2, L. 366-1, L. 366-2, L. 654-1, L. 656-1, L. 761-8, L. 762-1, L. 763-1, L. 764-1, L. 765-1, L. 766-1, L. 832-1, L. 833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; art. L. 3821-11, L. 3841-2, L. 3844-1, L. 3844-2 du code de la santé publique ; art. L. 950-1 du code de commerce ; art. 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; art. 804, 864 et 900 du code de procédure pénale, art. L. 752-1, L. 753-1, L. 757-1, L. 762-1, L. 763-1, L. 767-1, L. 772-1, L. 773-1, L. 777-1 du code pénitentiaire ; art. 711-1 du code pénal, L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs ; art. L. 930-1, L. 940-1 du code de commerce)
Application outre-mer

Adopté par la Commission avec modifications

Le présent article vise à assurer l’application de certaines dispositions du projet de loi dans les territoires ultra-marins.

Il procède en conséquence à des coordinations nombreuses dans :

– le code de commerce ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– le code de la justice pénale des mineurs ;

– le code de l’organisation judiciaire ;

– le code pénal ;

– le code pénitentiaire ;

– le code de procédure pénale ;

– le code de la santé publique ;

– et la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

Le Sénat l’a adopté modifié par trois amendements :

– un amendement présenté par les rapporteures en commission des Lois qui vise à intégrer au projet de loi ordinaire les dispositions législatives de coordination relatives à l’outre-mer qui figuraient dans le projet de loi organique (amendement COM-149) ; cet amendement a complété les mesures de coordination prévues par le présent article insérées dans le code de l’organisation judiciaire ;

– un amendement rédactionnel présenté par les rapporteures en commission des Lois (amendement COM-150) ;

–  et un amendement de coordination avec l’amendement introduisant la procédure alternative aux poursuites disciplinaires en détention à l’article 14 ; cet amendement présenté en séance M. Thani Mohamed Soilihi a recueilli un double avis favorable de la commission et du Gouvernement (amendement n° 227).

La commission a adopté six amendements rédactionnels ou de coordination proposés par vos rapporteurs, notamment pour l’application en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des modifications apportées au code de commerce par l’article 9 du projet de loi (amendement CL797). Elle a adopté l’article ainsi modifié.

*

*     *

Article 28
Dispositions transitoires relatives aux juristes assistants et aux titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA)

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit des dispositions transitoires concernant les juristes assistants (statut supprimé par l’article 11) et le rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d’avocat (prévu à l’article 19).

● Le I règle la situation des juristes assistants en cours de contrat.

Il leur permet, avant l’entrée en vigueur de l’article 11, de bénéficier, par anticipation, d’un contrat à durée indéterminée (CDI), sur décision expresse du chef de cour concerné (alinéa 1).

Il prévoit également qu’à compter de l’entrée en vigueur de l’article 11, les juristes assistants sont nommés, pour le reste de leur contrat, comme attachés de justice (alinéa 2).

Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application (alinéa 3).

● Le II précise la situation des personnes titulaires d’un certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) au 1er janvier 2025. Il a pour effet de dispenser ces personnes de l’obligation de détenir un master 2 de droit pour accéder à la profession d’avocat.

 

     Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté le présent article modifié par deux amendements.  

● À l’initiative des deux rapporteures, la commission des Lois a adopté un amendement qui prévoit un droit d’option en faveur des juristes assistants en cours de contrat afin de ne pas leur imposer un changement automatique de statut en qualité d’attaché de justice. L’option pour un changement de statut doit être exercée trois mois avant l’entrée en vigueur de l’article 11. À défaut d’option, le juriste assistant est réputé avoir refusé la modification proposée (amendement com-152).

Au soutien de cet amendement, le rapport de la commission des Lois fait valoir que « la pérennisation du contrat semble certes avantageuse, mais elle est couplée à un élargissement des tâches qui peut ne pas être souhaité par l’intéressé ».

● Le Sénat a également adopté en séance un amendement de coordination présenté par les rapporteures et ayant fait l’objet d’un double avis favorable de la commission et du Gouvernement (amendement n° 285).

       Modifications apportées par la Commission

La commission a adopté le présent article modifié par un amendement de coordination – en lien avec les modifications apportées à l’article 19 – présenté par vos rapporteurs, et ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

*

*     *


Article 29
Application différée dans le temps de certaines dispositions

Adopté par la Commission avec modifications

Les dispositions du projet de loi entreront en vigueur dans les conditions présentées dans le tableau ci-dessous.

La commission des Lois a adopté l’article modifié par deux amendements rédactionnels des rapporteurs (CL776 et CL785).

 

Entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi ([474])

Entrée en vigueur

Dispositions concernées

Portée de l’entrée en vigueur différée

Premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi

Article 3 à l’exclusion du 11° du I

Modifications en matière de procédure pénale prévue par l’article 3, à l’exception de la possibilité pour le témoin assisté de contester une décision refusant de faire droit à une demande de constatation de la prescription de l’action publique – possibilité qui tire les conséquences d’une censure constitutionnelle du 17 juin 2022.

Article 4 à l’exclusion du 1° du I et du IV

Dispositions relatives aux TIG prévues à l’article 4, à l’exception de la généralisation de l’expérimentation de l’accueil des TIG au sein des sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire, ainsi que la prorogation de l’expérimentation de l’accueil des TIG au sein des sociétés à mission.

Date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi

Article 11

Mise en place d’une période de transition entre la suppression des juristes assistants et l’arrivée des attachés de justice.

Article 15

Transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention à un magistrat du siège.

I de l’article 13

Nouvelles règles de désignation des magistrats et des conseillers d’État siégeant au sein des juridictions disciplinaires prévues au 2° du I de l’article 13.

Elles sont sans incidence sur les instances disciplinaires engagées antérieurement ou en cours.

1er janvier 2024

1° du I de l’article 14

Création du statut de surveillant pénitentiaire adjoint recruté par voie contractuelle

Entrée en vigueur

Dispositions concernées

Portée de l’entrée en vigueur différée

Date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025

Article 17

L’article 17 est applicable aux cessions des rémunérations et aux procédures de saisie des rémunérations en cours au 1er juillet 2025.

Les procédures de saisie des rémunérations doivent ainsi être transmises au mandataire du créancier s’il est commissaire de justice. Si le créancier n’est ni assisté, ni représenté à la procédure par un commissaire de justice, elle est transmise à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur en vue de son attribution à un commissaire de justice. À compter de la transmission de la procédure au mandataire du créancier ou de son attribution à un commissaire de justice, le créancier dispose, à peine de caducité de la mesure en cours, d’un délai de six mois pour continuer la procédure de saisie des rémunérations.

Si elle a été introduite avant le 1er juillet 2025 mais que la décision du juge n’est pas encore intervenue, la requête en saisie des rémunérations doit être instruite et jugée conformément aux dispositions du code du travail et du code des procédures civiles d’exécution dans leurs rédactions antérieures à cette date.

1er janvier 2025

Article 19

Rehaussement du niveau de diplôme pour accéder à la profession d’avocat.

3° du I et II de l’article 22

Suppression de l’obligation de mobilité préalable à l’intégration dans les corps de magistrats des TACAA et des CRC pour les élèves de l’INSP de la promotion 2024-2025, afin de synchroniser la réforme avec la suppression du classement de sortie ([475]).

Article 26

Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun, introduit par le Sénat ([476]).

Ce report est justifié par l’inscription de la réforme dans le projet de loi en lieu et place de l’habilitation, et de la nécessité de laisser aux juridictions le temps de s’adapter.

Les affaires pendantes devant les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et devant la cour nationale de la tarification sociale sont, à la même date, transférées aux tribunaux administratifs et à la cour administrative d’appel compétents.


—  1  —

   Avis fait au nom de la commission des finances

 

L’article 1er du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2030 prévoit d’allouer 7,5 milliards d’euros supplémentaires au ministère de la justice en cinq ans. Cette hausse inédite a pour objet de répondre aux difficultés rencontrées par le service public de la justice, évoquées lors des nombreuses consultations menées à l’occasion des États généraux de la justice.

Cet article approuve également le rapport annexé au projet de loi, qui détaille les orientations et les grandes priorités du ministère de la justice.

I.   Une hausse inÉdite des crédits allouÉs au ministÈre de la justice

1.   Des crédits en hausse de 1,9 milliard d’euros entre 2022 et 2027

L’article 1er du projet de loi définit l’évolution des crédits de paiements hors compte d’affection spécial (CAS) Pensions de la mission Justice et prévoit qu’ils seront portés à 10,75 milliards d’euros en 2027, ce qui correspond à une hausse de 1,89 milliard d’euros (+ 21 %) par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution des crÉdits de paiements de la mission justice hors cas Pensions

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Total

Moyenne

Crédits de la mission Justice (en millions d’euros)

8 862

9 579

10 081

10 681

10 691

10 748

/

/

Hausse annuelle

/

717

502

600

10

57

1 886

377

Variation en pourcentage

/

8 %

5 %

6 %

0 %

1 %

21 %

4 %

Hausse cumulée

/

717

1 219

1 819

1 829

1 886

7 470

/

Source : commission des finances, d’après le projet de loi.

 En cumulé, cette trajectoire correspond à l’octroi de 7,5 milliards d’euros supplémentaires à la mission Justice sur la période 2022-2027. Cette hausse revêtira un caractère inédit : entre 2007 et 2012, 2 milliards d’euros supplémentaires avaient été alloués au ministère de la justice, contre 2,1 milliards d’euros entre 2012 et 2017 ([477]).

Cette trajectoire budgétaire n’est toutefois pas ventilée en fonction des six programmes qui composent la mission, ce qui a pu émouvoir un certain nombre de députés de l’opposition en commission des finances.

Larchitecture de la mission Justice

La trajectoire budgétaire prévue par larticle 1er du projet de loi retient comme périmètre la mission Justice. Cette dernière comporte six programmes, dont trois programmes « métiers » :

 le programme 166 Justice judiciaire, sur lequel sont inscrits les crédits alloués au fonctionnement des juridictions de lordre judiciaire ;

 le programme 107 Administration pénitentiaire, sur lequel sont inscrits les crédits de la direction de ladministration pénitentiaire ;

 le programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse, qui porte les crédits de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

Dautre part, le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice rassemble les moyens de l’état-major, des directions législatives et des services dintérêt commun du ministère. Le programme 101 Accès au droit et à la justice finance la politique de soutien à laccès au droit et la justice. Enfin, le programme 355 vise à garantir lautonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.

Il est toutefois habituel que les lois de programmation sectorielles n’entrent pas dans un degré de détail similaire à celui retenu par les lois de finances de l’année s’agissant de la répartition des moyens alloués à une politique publique. La rapporteure pour avis considère en revanche qu’il aurait été opportun que le Gouvernement, lors de la présentation de son projet de loi ou dans le cadre du rapport annexé, apporte des précisions supplémentaires sur l’évolution respective de chacun des programmes composant la mission Justice.

Le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2023 présente néanmoins l’évolution des crédits qui seront alloués aux différents programmes de la mission jusqu’en 2025. Bien que ces chiffres intègrent le CAS Pensions, il en ressort que le programme Justice judiciaire bénéficierait d’une hausse relativement plus importante de ses crédits (+ 15 % en crédits de paiement) par rapport aux autres programmes de la mission, notamment du fait de la progression de ses dépenses de personnel (+ 11 %).

 

 

 

 

 

 

Évolution du budget de la mission justice entre 2023 et 2025, en tenant compte du CAS Pensions

 

LFI 2023

Prévision 2024

Prévision 2025

Évolution 2025/2023

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

166 Justice judiciaire

4 516,4

4 148,8

4 777,1

4 522,7

4 788,4

4 756,7

6 %

15 %

Dont titre 2

2 745,3

2 745,3

2 935,1

2 935,1

3 050,9

3 050,9

11 %

11 %

107 Administration pénitentiaire

5 409,9

4 927,4

6 226,3

5 017,8

4 382,9

5 417,3

- 19 %

10 %

Dont titre 2

3 066,1

3 066,1

3 131,8

3 131,8

3 214,5

3 214,5

5 %

5 %

182 Protection judiciaire de la jeunesse

1 109,1

1 092,7

1 136,1

1 107,0

1 153,4

1 141,4

4 %

4 %

Dont titre 2

644,7

644,7

656,1

656,1

665,9

665,9

3 %

3 %

101 Accès au droit et à la justice

714,0

714,0

745,6

745,6

752,4

752,4

5 %

5 %

310 Conduite et pilotage de la politique de la justice

764,5

682,5

764,1

717,2

682,4

691,0

- 11 %

1 %

Dont titre 2

220,6

220,6

230,2

230,2

235,2

235,2

7 %

7 %

335 Conseil supérieur de la magistrature

4,1

5,0

4,1

5,0

4,0

5,0

- 1 %

1 %

Dont titre 2

3,1

3,1

3,1

3,1

3,2

3,2

2 %

2 %

Total

12 517,9

11 570,3

13 653,2

12 115,3

11 763,6

12 763,8

- 6 %

10 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 96 % de la progression des crédits de la mission Justice est concentrée sur les trois premières années de la programmation, ce qui permettra de porter le budget du ministère à 10,7 milliards d’euros dès l’année 2025. D’après l’avis rendu par le Haut conseil des finances publiques (HCFP) ([478]), cette évolution s’explique à double titre :

 le rythme de recrutement du ministère sera plus important en début de période, avec 1 900 postes créés en moyenne chaque année jusqu’en 2025, contre 1 600 postes par an en 2026 et 2027 (cf. infra) ;

 la majorité des investissements immobiliers et numériques du ministère ont été lancés sur la période 2018-2022 et atteindraient un pic en 2025.

 

 

 

 

Exécution et programmation de la mission Justice à périmètre constant hors CAS Pensions

(en milliards d’euros)

Image 2

Source : Avis n° HCFP-2023-3.

Les rapporteures du Sénat ([479]) font valoir que cette hausse est présentée en euros courants et qu’il est nécessaire, eu égard au contexte fortement inflationniste, de tenir compte de la hausse des prix pour apprécier les moyens supplémentaires qui seront alloués au ministère de la justice. Elles estiment ainsi, sur la base des prévisions figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, que la hausse du budget du ministère s’établirait à 6,8 % en volume sur la période 2022-2027.

La rapporteure pour avis considère à ce titre qu’il sera nécessaire d’être attentif aux effets produits par l’inflation pour ajuster, si besoin, les crédits de la mission Justice lors de l’examen des projets de loi de finances initiale. Cette analyse doit toutefois être nuancée par le fait que l’inflation n’affecte pas de la même manière l’ensemble des dépenses du ministère : s’il est évident que la hausse des prix exercera une contrainte sur les crédits immobiliers du ministère (matériaux, fluides, énergies), d’autres postes de dépenses revêtent un caractère davantage discrétionnaire et dépendent de paramètres relevant de la loi et des règlements ([480]).

La programmation 2023-2027 du ministère de la justice s’inscrit par ailleurs dans la continuité de la loi de programmation et de réforme pour la justice 2018-2022 ([481]) qui prévoyait une progression du budget de la mission Justice de l’ordre de 1,3 milliard jusqu’en 2022.

L’exécution de cette précédente loi de programmation permet par ailleurs d’évaluer plus précisément la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements budgétaires. En l’occurrence, grâce à un rattrapage important en fin de période, les moyens alloués au ministère de la justice ont été conformes à la prévision et ont permis d’augmenter son budget de 1,9 milliard d’euros en 2022 par rapport à 2018 ([482]).

exÉcution de la loi de programmation et de réforme
pour la justice 2018-2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Au total, les crédits hors CAS Pensions alloués à la mission Justice auront progressé de 54 % en 2027 par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2018. Selon la rapporteure pour avis, cet effort sans précédent est nécessaire pour redresser le service public de la justice.

2.   Une programmation cohérente avec la trajectoire des finances publiques

L’avis du HCFP souligne que l’article 1er du présent projet de loi est conforme aux crédits ouverts en loi de finances pour 2023 ainsi qu’à la trajectoire figurant à l’article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2017 ([483]) (PLPFP) pour ce qui concerne les années 2024 et 2025. Ce projet de loi ne précise toutefois pas les plafonds de crédits par mission du budget général pour les années 2026 et 2027 : si le Gouvernement assure que les crédits de la mission Justice sous-jacents au PLPFP coïncident avec ceux de projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, le HCFP estime qu’il ne peut s’en assurer.

Le HCFP estime par ailleurs que les crédits dont l’ouverture est prévue par le présent projet de loi ainsi que par les autres lois de programmation sectorielles ([484]) « vont connaître une croissance plus rapide que le total de la dépense de l’État », ce qui imposera, pour respecter la trajectoire prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques, de limiter la hausse des autres dépenses, de sorte que celles-ci devraient baisser en volume ([485]).

II.   Une programmation visant À financer les grandes prioritÉs du ministÈre de la justice

La trajectoire budgétaire du ministère de la justice a été définie à partir des propositions formulées dans le cadre des États généraux de la justice pour moderniser et renforcer le service public de la justice.

Les moyens supplémentaires alloués au ministère ont pour principal objectif, selon les mots du garde des Sceaux, de « diviser par deux l’ensemble des délais de jugement d’ici 2027 » ([486]). Pour y parvenir, le projet de loi prévoit d’augmenter significativement le nombre de recrutements du ministère.

Par ailleurs, les crédits seront principalement alloués aux différents programmes immobiliers de la justice et à la poursuite du plan de transformation numérique du ministère.

1.   Un nombre de recrutements en forte hausse jusqu’en 2027

L’article 1er du projet de loi, au stade de son dépôt sur le bureau du Sénat, prévoyait la création nette de 10 000 emplois d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers.

Étaient inclus dans ce nombre les 605 personnels contractuels recrutés en 2022 par anticipation du schéma d’emplois 2023, dans le cadre du renforcement de la justice de proximité. En conséquence, un amendement adopté par la commission des lois du Sénat et déposé à l’initiative des rapporteures a ramené le nombre de créations nettes d’emplois sur la période de programmation à 9 395 ([487]). 

Prévision des créations d’emplois du ministère de la justice

(en ETP)

 

2023*

2024

2025

2026

2027

Schéma d'emplois

2 913

1 916

1 907

1 620

1 644

Écart cumulé

2 913

4 829

6 736

8 356

10 000

 

*Sont comptabilisés parmi les 2 913 ETP de 2023 les 605 ETP créés en 2022 par anticipation sur 2023.

Source : ministère de la justice.

 Les prévisions de recrutements sont fondées sur les recommandations du comité des États généraux de la justice, qui identifiait le manque de moyens humains dans les juridictions comme un facteur majeur des difficultés rencontrées par le service public de la justice ([488]).

La création de 1 500 postes de magistrats sur cinq ans était préconisée en parallèle de la définition d’un référentiel d’activité permettant d’allouer les postes supplémentaires au plus près des besoins.

Si le projet de loi porte spécifiquement sur le schéma d’emplois du ministère, l’optimisation de la répartition des moyens humains fait l’objet de travaux visant à mesurer plus précisément la charge de travail des magistrats. 14 tables de pondération couvrent d’ores et déjà l’essentiel des activités judiciaires de première instance et des travaux doivent démarrer en 2023 s’agissant des fonctions exercées en appel.

En plus des recrutements de magistrats, le schéma d’emplois prévisionnel du ministère permettra, selon les termes du rapport annexé, d’augmenter de manière « substantielle » le nombre d’assistants apportant leurs concours au traitement des dossiers. Ces personnels contractuels, composés des juristes assistants et des assistants de justice, occupent désormais une fonction essentielle dans l’exercice des attributions des magistrats, ce qui a conduit le comité des États généraux à estimer qu’il convenait de porter leur nombre à au moins 2 000.  

D’autre part, le comité des États généraux de la justice soulignait que la résorption du taux de vacances des personnels de greffe, qui atteignait 7 % en 2022, nécessitait le recrutement de 1 500 agents supplémentaires. Si le texte initial de l’article 1er se conformait à cette ambition, un amendement adopté par la commission des lois du Sénat et déposé à l’initiative des rapporteures a porté ce nombre à 1 800 afin d’atteindre un ratio de 1,2 greffier pour un magistrat en juridiction ([489]). Ce même amendement a également créé un objectif de recrutement de 600 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.

En tout état de cause, les objectifs définis par l’article 1er du projet de loi pourraient, le cas échéant, être dépassés par les lois de finances de l’année. Par ailleurs, compte tenu des capacités d’accueil de l’École nationale de la magistrature et de l’École nationale des greffes ainsi que des besoins nouveaux qui pourraient survenir d’ici 2027, il est nécessaire de laisser une marge de manœuvre importante au Gouvernement pour ajuster la répartition des 10 000 emplois devant être créés au cours de la durée de la programmation. Pour ces différentes raisons, la commission des finances a adopté un amendement, déposé à l’initiative de la rapporteure pour avis, rétablissant les dispositions de l’article 1er dans leur version au dépôt du projet de loi ([490]).

 Le schéma d’emplois du ministère revêt un caractère particulièrement ambitieux, puisque le nombre de créations de postes envisagé correspond à environ 10 % des effectifs actuels du ministère. Le HCFP souligne ainsi qu’il existe un risque que les recrutements prévus ne soient pas tous intégralement réalisés, compte tenu des difficultés de recrutement rencontrées dans l’ensemble de la fonction publique. Ce constat se vérifie pour le ministère de la justice et plus particulièrement pour les personnels de greffe, dont le schéma d’emplois a été régulièrement sous-exécuté depuis 2018.

schémas d’emplois des magistrats et des greffiers entre 2018 et 2022

(en ETP)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Par conséquent, l’exécution de la trajectoire définie par le projet de loi dépend de la capacité du ministère à améliorer l’attractivité des métiers judiciaires. Différentes mesures, pour certaines annoncées en 2022 et pour d’autres relevant du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, poursuivent cet objectif :

 la rémunération des magistrats judiciaires sera ainsi, dès le mois d’octobre 2023, revalorisée de 1 000 bruts par mois, ce qui permettra de rapprocher leur traitement de celui des magistrats administratifs. Les personnels de greffe ont également bénéficié en 2023 d’une mesure catégorielle de revalorisation indiciaire, qui entrera en vigueur en octobre 2023 et dont le montant total s’élève à 7 millions d’euros en année pleine ;

 le projet de loi organique prévoit par ailleurs de simplifier et d’assouplir les conditions de recrutement des magistrats en créant un unique concours professionnel  qui se substituera aux voies d’intégration directe et concours complémentaires actuels  et en ramenant la condition d’expérience professionnelle nécessaire pour se présenter au troisième concours à 4 ans, contre 8 ans actuellement ([491]). Pour diversifier le vivier de recrutement des auditeurs de justice, le projet de loi organique aménage également la création d’un concours spécifique pour les candidats issus des « prépa Talents » ([492]) ;

 le projet de loi organique prévoit par ailleurs de modifier la structure du corps judiciaire pour fluidifier les carrières et favoriser la mobilité des magistrats ([493]).

Dans ce contexte, il apparaît néanmoins qu’une information régulière doit être fournie au Parlement sur l’exécution de la loi. La commission des finances a donc adopté un amendement, présenté par Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe socialistes et apparentés, prévoyant la remise d’un rapport annuel sur la mise en œuvre de la loi et précisant la répartition des emplois créés au sein des différentes juridictions. Cet amendement a été sous-amendé par la rapporteure pour avis, afin que ce rapport soit remis au printemps, ce qui permettra de nourrir le débat d’orientation des finances publiques et l’examen du projet de loi règlement ([494]).

2.   La poursuite des programmes immobiliers du ministère de la justice

Une part importante des crédits du ministère de la justice seront alloués à la poursuite des programmes immobiliers des services judiciaires et de l’administration pénitentiaire.

Ces crédits seront en premier lieu alloués à des travaux de restructuration et d’extension du parc judiciaire afin d’entretenir le patrimoine et d’absorber les augmentations d’effectifs.

Ils seront par ailleurs alloués à la poursuite du plan de construction de 15 000 places de prison, lancé en 2018, qui a déjà permis de créer 2 440 places nettes de détention. Ce programme a pour objectif d’atteindre un niveau d’encellulement individuel de 80 % en 2027 et d’offrir des conditions dignes de détention aux personnes incarcérées.

Comme l’indique le HCFP, la réalisation de ces investissements immobiliers dépend fortement de l’évolution de l’inflation dans les années à venir. Une hausse prolongée des prix conduirait ainsi à des sur-exécutions qui rendraient nécessaires de réallouer des moyens au profit des programmes immobiliers du ministère. Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’inflation provoque des retards de livraison qui auraient également des répercussions sur le rythme de recrutement de certains personnels du ministère, tels que les surveillants pénitentiaires. À cet égard, il a été indiqué à la rapporteure pour avis qu’une part importante des 10 000 emplois qui seront créés jusqu’en 2027 viseront à assurer l’ouverture de nouvelles places de détention.

Pour faire face à ces aléas, l’étude d’impact du projet de loi indique qu’une clause de revoyure sera prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 « afin d’apprécier le degré d’avancement de la programmation immobilière judiciaire et pénitentiaire et ses conditions économiques ». Il est également prévu de sanctuariser les crédits immobiliers du ministère et de procéder à leur report dans le cas où ils ne seraient pas intégralement consommés au cours d’un exercice.

3.   La transformation numérique du ministère de la justice

Les crédits supplémentaires alloués à la mission Justice serviront enfin à poursuivre la transformation numérique du ministère de la justice.

Comme le soulignait un rapport de la Cour des comptes en janvier 2022 ([495]), le service public de la justice se distinguait avant 2018 par le retard considérable qu’il avait accumulé en matière numérique, marqué par des « infrastructures informatiques vieillissantes et sous-dimensionnées, des applications obsolètes et des équipements insuffisants ». Pour répondre à ces difficultés, un premier plan de 560 millions d’euros a été lancé en 2018 pour adapter les outils de travail des agents du ministère et faire évoluer leurs applications métiers.

Ce plan se structure particulièrement autour de grands projets comprenant, entre autres, la procédure pénale numérique (PPN), Portalis, qui a pour objet de fusionner les applicatifs de la chaîne civile, le projet « numérique en détention » (NED) ou encore l’application Parcours, consacrée au suivi des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse.

Le bilan que dresse le comité des États généraux de ce premier plan est mitigé, notamment en raison de dysfonctionnements récurrents des infrastructures et applicatifs et de retards accumulés dans la conduite de plusieurs chantiers.

Le second plan de transformation numérique du ministère aura principalement pour objet de poursuivre le déploiement des projets mentionnés ci-avant, de connecter les juridictions au réseau interministériel de l’État (RIE 2) ainsi que de mettre à niveau leur parc informatique. Sur ce dernier point, la rapporteure pour avis estime, compte tenu du nombre de témoignages d’enfants transmis aux magistrats sous format vidéo, qu’il est impératif de doter l’ensemble des tribunaux d’équipements permettant de traiter ces documents afin d’améliorer les conditions de travail des magistrats et d’accélérer le traitement des dossiers.

4.   Les modifications du rapport annexé adoptées par la commission des finances

Au total, la commission des finances a adopté 10 amendements modifiant les dispositions du rapport annexé ([496]).

Trois de ces amendements ont été déposés à l’initiative de Mme Untermaier et des membres du groupe socialistes et apparentés. Ils visent :

 à préciser que la mise en œuvre du code de justice pénale des mineurs a conduit à une réduction des délais de jugement des mineurs délinquants ([497]) ;

 à renforcer la formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse pour l’adapter aux spécificités du code de justice pénale des mineurs ([498]) ;

 à prévoir la poursuite de la dématérialisation des dossiers uniques de personnalité (DUP) des mineurs ([499]).

Un amendement, déposé à l’initiative de MM. Lefèvre et Sitzenstuhl et sous-amendé par la rapporteure pour avis, précise que l’un des objectifs du plan de construction de 15 000 places de prison est d’assurer l’effectivité de la réponse pénale ([500]).

Enfin, un amendement rédactionnel ([501]) et six amendements déposés par la rapporteure pour avis ont été adoptés. Ils ont pour objet :

 de préciser que l’intérêt supérieur de l’enfant et ses besoins fondamentaux occuperont une place croissante dans les modules de formation de l’ENM ([502]) ;

 d’équilibrer sur le territoire les efforts fournis par le ministère de la justice en matière d’action sociale en faveur de la petite enfance ([503]) ;

 d’engager une réflexion sur la répartition territoriale des quartiers de prise en charge de la radicalisation dédiés aux femmes ([504]) ;

 de rappeler l’importance du recours aux tiers dignes de confiance pour protéger les enfants victimes ([505]) ;

 d’engager une réflexion pour assurer une présence systématique d’un avocat auprès des enfants en assistance éducative ([506]).

 

 


—  1  —

   Personnes entendues

Auditions conjointes pour le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345) et le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (n° 1346).

 

Mardi 30 mai 2023

   Mme Alexandra Vaillant, secrétaire générale

   Mme Natacha Aubeneau, secrétaire nationale

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

   M. Raphaël Balland, président de la CNPR, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers

   Mme Florence Galtier, vice-présidente de la CNPR, procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Avignon

Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG)

   M. Éric Corbaux, président de la CNPG, procureur général près la cour d'appel de Poitiers

Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ)

   Mme Danièle Churlet-Caillet, vice-présidente de la CNPTJ, présidente du tribunal judiciaire de Pontoise

   M. Jean-Bastien Risson, vice-président de la CNPTJ, président du tribunal judiciaire de Béziers

Conférence nationale des premiers présidents (CNPP)

   Mme Isabelle Gorce, présidente de la CNPP, première présidente de la cour d’appel de Bordeaux

   Mme Gwenola Joly-Coz, vice-présidente de la CNPP, première présidente de la cour d’appel de Poitiers

 

 

Vendredi 2 juin 2023

   Me Benoît Santoire, président

   Me Béatrice Duquerroy, membre du bureau national

   M. Cédric Kieffer, directeur juridique

   M. Jérôme Fastier, directeur des affaires publiques

   M. Albin Heuman, directeur

Lundi 5 juin 2023

   M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général du Conseil d’État

   Mme Nathalie Tiger-Winterhalter, secrétaire générale des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

   Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale de la Cour des comptes

   Mme Marie Dussol, directrice des affaires juridiques

   M. Alexandre Brodu, chargé de mission chambres régionales des comptes

   M. Antoine Pavamani, chargé de mission relations institutionnelles

   M. François Charmont, directeur, adjoint à la directrice générale

   M. Jérôme Fournel, directeur général

   M. Bastien Llorca, chef du service de la fonction financière et comptable de l'État

   Mme Emmanuelle Chouvelon, cheffe de la mission Responsabilité doctrine et contrôle interne comptable

   M. Xavier Aubry, vice-président

   M. Emmanuel Lejeune, secrétaire général

 

 

   M. Gilles Accomando, directeur

   Mme Clémentine Kleitz, directrice adjointe

   M. Christophe Straudo, chef de l’IGJ

   M. Paul Huber, directeur

   Mme Soizic Guillaume, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature

   M. Frédéric Trinh, sous-directeur de l’organisation judiciaire et de l’innovation

   Mme Delphine Yeponde, cheffe du bureau du statut et de la déontologie

Mardi 6 juin 2023

   Mme Marion Cackel, présidente

   Mme Lucie Delaporte, vice-présidente

   Mme Kim Reuflet, présidente

   Mme Sandra Peralta, secrétaire nationale

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   Mme Delphine Blot, membre du conseil national

   M. Olivier Christen, directeur

   Mme Ève Mathien, cheffe du bureau de la législation pénale générale

   M. Romain Lemoel, adjoint au directeur de projet de réforme du code de procédure pénale

   M. Jérôme Marchand-Arvier, président

   Mme Véronique Bost, présidente

   Mme Margaux Dalstein-Jidkoff, présidente de l’association

   Mme Pauline Justine, secrétaire de l’association

   Mme Houria Medjahed, membre du conseil d'administration de l'association

   M. Michel Peslier, président

   M. Xavier Aubry, vice-président

   Mme Chryssanthi Guillon, Conseil

Mercredi 7 juin 2023

   M. Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation et président de la formation plénière du CSM

   M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation et président suppléant de la formation plénière du CSM

   M. Xavier Serrier, secrétaire général du CSM

   Mme Nathalie Roret, directrice

   M. Guillaume Puygrenier, chef de cabinet

   M. Samuel Lainé, directeur adjoint en charge des recrutements, de la formation initiale et de la recherche

Syndicat des greffiers de France - FO

   M. Jean-Jacques Pieron, délégué régional

UNSa Services Judiciaires

   M. Vincent Rochefort, secrétaire général adjoint

Jeudi 8 juin 2023

   M. Laurent Ridel, directeur

   M. Thierry Donard, directeur adjoint

Vendredi 9 juin 2023

   Me Thomas Denfer, président

   Me Victor Geneste, vice-président

   Mme Karla Aman, conseillère affaires publiques

   M. Jean-Michel Sommer, président

   Mme Florence Marguerite, chargée de mission du Premier président de la Cour de cassation

Lundi 12 juin 2023

Conseil national des barreaux (CNB)

   Me Jérôme Gavaudan, président

Barreau de Paris

   Me Julie Couturier, bâtonnière de Paris

   Me Vincent Nioré, vice-bâtonnier

Conférence des bâtonniers

   Me Pierre Dunac, membre du bureau

   M. Rémi Decout-Paolini, directeur

   Mme Emmanuelle Masson, sous-directrice des professions judiciaires et juridiques

   Mme Céline Boniface, cheffe du bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Florence Gainot, adjointe à la cheffe du bureau du droit de l'économie des entreprises

Mardi 13 juin 2023

   Me Frédéric Abitbol, président

   Me François-Charles Desprat, vice-président

   M. Alain Damais, directeur général

   M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Syndicat national pénitentiaire FO

   Mme Valérie Vaissie, membre élue de la commission exécutive

   M. Yoan Karar, secrétaire général adjoint

UFAP-UNSa

   M. Emmanuel Chambaud, secrétaire général

   Mme Nolwen Dugué, secrétaire nationale

CGT pénitentiaire

   M. Samuel Gauthier, secrétaire général

   M. Damien Tripenne, secrétaire national

Syndicat Pénitentiaire des Surveillants non gradés (SPS)

   M. Joseph Paoli, secrétaire général national adjoint

   M. Philippe Kuhn, secrétaire général national adjoint

CGT Insertion Probation (IP)

   Mme Dorothée Dorléacq, secrétaire nationale

   M. Benjamin Bons, secrétaire national

UFAP-UNSa

   Mme Coralie Flaugnatti, secrétaire générale adjointe

   M. Jérémy Rivière, responsable national de la filière IP

SNEPAP-FSU

   Mme Estelle Carraud, secrétaire générale

   Mme Jennifer Bellay, secrétaire nationale

FO Justice Insertion

   M. Sébastien Monnet, délégué national

SNDP CFDT

   Mme Bérangère Cusanno, conseillère nationale

SNP FO Direction

   M. Ivan Gombert, secrétaire national

   M. Olivier Triquet-Huclin, directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, membre de FO cadres

   Mme Véronique Court, directrice

Mercredi 14 juin 2023

   Mme Caroline Abadie, co-rapporteure de la mission d’information

   Mme Elsa Faucillon, co-rapporteure de la mission d’information

   Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis des programmes « Justice » et « Accès au droit »

   M. Eric Poulliat, rapporteur pour avis des programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse »

Jeudi 15 juin 2023

   Me Bertrand Savouré, premier vice-président

   M. Philippe Chadrys, directeur central adjoint

Lundi 19 juin 2023

Association française des juristes d’entreprise (AFJE)

   M. Jean-Philippe Gille, président

   Mme Anne-Laure Paulet, déléguée générale

Association nationale des juristes de banque (ANJB)

   Mme Céline Haye-Kioussis, présidente

Cercle Montesquieu

   M. Martial Houlle, président

 

 

 

   Général de corps d'armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, adjoint du directeur général de la gendarmerie nationale

   Colonel Alexandre Malo, chef de la sous-direction de la police judiciaire

   Colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire

Lundi 26 juin 2023

   Mme Sabine Kheris, coordinatrice du pôle, 1ère vice-présidente chargée de l’instruction au tribunal judiciaire de Nanterre

   Mme Valérie Duby, greffier principal

Mercredi 28 juin 2023

   M. Luc Smessaert, vice-président

   M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques

   M. Louis Michel, juriste

Jeudi 29 juin 2023

   Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale

   M. André Ferragne, secrétaire général

 

 

Contributions écrites

 

 


([1]) Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

([2]) Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, loi n° 2021‑478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

([3])  Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

([4]) Titre V de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

([5]) Titre III de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

(1) Ainsi, dans sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, le Conseil constitutionnel a rappelé que le rapport annexé à la loi, qui présentait les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l’éducation ainsi que les moyens programmés à cette fin, était dépourvu de valeur normative.

([7])  Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, rapport d’exécution établi au titre de l’année 2020 remis au Parlement par le Gouvernement.

([8]) Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, rapport d’exécution établi au titre de l’année 2021 remis au Parlement par le Gouvernement.

([9]) Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022) – « Rendre justice aux citoyens », avril 2022. 

([10]) Avis n° HCFP-2023-3 relatif au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023-2027, publié le 30 mars 2023. 

([11])  Rapport n° 660 sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023.

([12]) Avis du HCFP précédemment cité, p 3. 

([13])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission « Justice » 2022, publiée en avril 2023.

([14]) Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 – Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, considérant 12. 

([15]) À ce jour un seul CEF public et deux CEF associatifs ont été livrés. Une dizaine de projet sont en cours.

([16]) Il s’agit des structures InSERRE : Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi. 

([17]) Article 189 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([18]) Amendement  276 de Mme Canayer.

([19]) Jean Terlier et Cécile Untermaier, Rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, Assemblée nationale, XVIe  législature, n° 1000, 22 mars 2023.

([20])  L’article L. 322-8 du CJPM prévoit que le DUP « est disponible en format numérique ».

([21]) Loi n° 57‑1426 du 31 décembre 1957 portant institution d’un code de procédure pénale (titre préliminaire et livre Ier) et ordonnance n° 58‑1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale.

([22]) Ordonnance n° 96‑268 du 28 mars 1996 portant actualisation des dispositions législatives de procédure pénale applicables dans les territoires de la Nouvelle‑Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis‑et‑Futuna ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte.

([23]) Loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, articles 20, 23 et 25.

([24]) Telles que les infractions commises à l’audience, celles commises hors de France, celles commises par des personnes morales, par des majeurs protégés et les crimes sériels ou non élucidés.

([25]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la justice (Octobre 2021-avril 2022), avril 2022, page 195.

([26]) Id., page 196.

([27]) Id., page 195.

([28]) Conseil constitutionnel, décision  99421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, § 13.

([29]) Loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, article 24, II.

([30]) Conseil constitutionnel, décision n° 99‑421 DC précitée, § 7 et 14.

([31]) Id., article 24, 2° du I.

([32]) Loi n° 2019‑828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, article 55.

([33]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, page 4.

([34]) Ibid.

([35]) Conseil constitutionnel, décision n° 99‑421 DC précitée, § 14.

([36]) Ibid.

([37]) Il convient néanmoins de souligner le risque de lourdeur d’un tel dispositif, s’agissant d’un code de plusieurs milliers d’articles.

([38]) L’indemnisation des victimes d’infraction fait l’objet de l’article 5 du présent texte, dont le commentaire présente en détail les CIVI.

([39]) Amendement COM103 de Mmes Canayer et Vérien.

([40]) Voir ainsi le III de l’article 162 et le II de l’article 256 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([41]) Amendement  276 de Mme Canayer.

([42]) Loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 relative à la confiance dans l’institution judiciaire, article 6.

([43]) Décret n° 2022‑246 du 25 février 2022 portant application de l’article 367 du code de procédure pénale.

([44]) En application de l’article 5 du décret n° 2022‑546 du 13 avril 2022 portant application de diverses dispositions de procédure pénale de la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([45]) Amendement COM1 rect. de M. Requier.

([46]) Loi n° 95‑73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

([47]) Amendement  267 du Gouvernement.

([48]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

([49]) L’article 706‑94 du CPP ne porte pas sur la dérogation au cadre temporel des perquisitions, mais sur la dérogation aux règles en matière d’assentiment ou de présence de la personne chez qui la perquisition a lieu, si cette personne est gardée à vue ou détenue.

([50]) Cass., crim., 13 septembre 2022,  2187.452, au Bulletin.

([51]) Conseil constitutionnel, décision  2004492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, § 41 à 56.

([52]) Des dispositions similaires sont prévues à l’article 706‑35 du CPP en matière de prostitution pour des perquisitions dans des hôtels, pensions, débits de boissons, clubs ou encore lieux de spectacle.

([53]) Amendement COM63 de M. Benarroche.

([54]) Amendement  215 de M. Mohamed Soilihi et sous-amendement  277 de Mme Canayer.

([55]) Loi n° 2000‑516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, article 33.

([56]) Faculté reconnue par la Cour de cassation dans la décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité en 2022 (Cass., crim., 20 avril 2022,  00637).

([57]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la justice (Octobre 2021-avril 2022), avril 2022, page 128.

([58]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, § 46, pages 21 et 23.

([59]) Amendement  177 de Mme Cukierman.

([60]) Amendement  124 de M. Benarroche.

([61]) Art. 12, 41 et 75 du code de procédure pénale.

([62])Sa durée est limitée à huit jours, éventuellement seize jours pour les infractions punies d’une peine privative de liberté d’au moins cinq ans, au cours desquels les enquêteurs disposent de pouvoirs étendus.

([63])Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

([64])Prévues à l’article 41‑1 du code de procédure pénale, les mesures alternatives aux poursuites sont décidées par le procureur de la République afin d’assurer la réparation du dommage porté à la victime, de mettre fin à la situation causée par l’infraction et de réinsérer socialement l’auteur, sans saisir de l’affaire la juridiction de jugement. Les mesures alternatives aux poursuites vont du rappel à la loi à la composition pénale en passant par l’interdiction de paraître, l’injonction de soin ou l’éviction du domicile.

([65])Lorsqu’il existe des indices permettant à l’officier de police judiciaire de présumer qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction. 

([66])Articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

([67])À ce sujet, voir le rapport de l’Assemblée nationale n° 4146 (XVe législature sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, Stéphane Mazars, 7 mai 2021.

([68]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([69]) Dans ce cas, lorsqu’il estimait l’enquête achevée, le procureur de la République devait, s’il envisageait de poursuivre par citation directe ou par procès-verbal (à l’exclusion donc d’une comparution immédiate ou d’une information judiciaire), mettre à disposition une copie de la procédure et recueillir les observations ainsi que les demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité qui étaient ensuite formulées dans le délai d’un mois. La victime qui a porté plainte dans le cadre de cette enquête était avisée ; elle disposait des mêmes droits.

([70]) Article 2 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

([71]) Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé.

([72]) Toutefois, cette voie est exclue lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou si l’enquête porte sur des faits de terrorisme ou de délinquance ou de criminalité organisées, domaines dans lesquels le droit à l’information de la population revêt une importance supérieure.

([73]) En application du dernier alinéa du I de l’article 77-2, le procureur de la République peut décider de ne pas mettre à la disposition de la personne certaines pièces de la procédure en raison des risques de pression sur les victimes, les autres personnes mises en cause, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.

([74]) Articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

([75]) Art. 393 du code de procédure pénale.

([76]) Art. 495-7 à 495-13 du code de procédure pénale.

([77]) Par renvoi au I du même article 77-2.

([78]) Articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, ainsi que les enquêtes relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste.

([79]) Article prévoyant que l’audition libre ne peut se faire qu’après avoir informé la personne concernée d’un certain nombre d’éléments, dont la qualification des faits, le droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue, le droit d’être assistée par un interprète, etc.

([80]) Selon l’étude d’impact du présent projet de loi (p° 81), en 2022, 30 260 personnes faisant l’objet d’une information judiciaire auraient été écrouées.

([81]) L’étude d’impact (p° 81) précise aussi que 32 043 personnes faisant l’objet d’une comparution immédiate auraient été écrouées en 2022.

([82]) Article 143-1 du code de procédure pénale.

([83])  En application de l’article 145-3 du même code, en matière criminelle, En matière criminelle, la durée de la détention provisoire est d’un an. Elle peut être prolongée par période de 6 mois. La durée totale de la détention ne peut excéder deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et trois ans dans les autres cas. Les délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national. Le délai est également de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour crimes multiples, pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.

([84]) En application de l’article 145-2 du même code, en matière correctionnelle, la durée de la détention provisoire est de quatre mois. Elle peut être prolongée, à deux reprises, par période de quatre mois. La durée totale de la détention provisoire ne peut excéder un an, cette durée pouvant être portée à deux ans lorsqu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu’elle encourt une peine égale à dix ans d’emprisonnement.

([85]) Article 142-11 du même code.

([86]) Article 716-4 du même code.

([87]) Conformément à l’article 145 du même code.

([88]) Article 142-12 du même code.

([89]) Article 394 du même code ; cette procédure concerne toutes les infractions délictuelles, à l’exception de certains délits spécifiques : presse, chasse, fraude…

([90]) Article 138 du même code.

([91]) Article 396 du même code ; en application de l’article 395 cette procédure concerne les infractions pour lesquelles le quantum encouru est au moins égal à deux ans ; en cas de délit flagrant, le quantum encouru doit être au moins égal à six mois.

([92]) Toutefois, si les poursuites concernent plusieurs personnes dont certaines sont placées en détention, la personne reste convoquée à l'audience où comparaissent les autres prévenus détenus.

([93]) Article 397-1-1 du code de procédure pénale ; en application de l’article 395 cette procédure concerne les infractions pour lesquelles le quantum encouru est au moins égal à deux ans ; en cas de délit flagrant, le quantum encouru doit être au moins égal à six mois.

([94]) Article 495-10 du même code.

([95]) Article 142-5 du même code.

([96]) Article 137 du même code, alinéa 2.

([97]) Article 142-7 du même code.

([98]) Article 145 du même code.

([99]) Modification de l’article 145 par l’article 10 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

([100]) Modification de l’article 145 par l’article 61 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

([101]) Article 148 du même code.

([102]) Article 142-12 du même code.

([103]) Article 142-5 du même code.

([104]) Idem.

([105]) Second alinéa de l’article 139 du même code.

([106]) Article 142-9 du même code.

([107]) En application de l’article 394 relatif à la convocation par procès-verbal, qui prévoie que le JLD prononce l’ARSE dans les conditions et suivant les modalités prévues, entre autres, à l’article 139 du même code.

([108]) Circulaire de la DACG n° CRIM – 10-9/E8 du 18 mai 2010 relative à la présentation des dispositions sur l’assignation à résidence avec surveillance électronique résultant de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et du décret du 1er avril 2010 : « D’une manière générale, l’article 142-12 prévoit que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas où elles peuvent prononcer un contrôle judiciaire (notamment dans le cas prévu par l’article 397-3 en matière de comparution immédiate) et que l’ARSE peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire ».

([109]) Article 142-8 du même code.

([110]) Article 141-2 du même code.

([111]) Article 140 du même code.

([112]) Article 139 du code de procédure pénale.

([113]) Article 139 du code de procédure pénale.

([114]) Article 141-1 du même code. Le second alinéa de l’article 148-1 précise toutefois qu’en « matière criminelle, la cour d'assises n'est compétente que lorsque la demande est formée durant la session au cours de laquelle elle doit juger l'accusé. Dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre de l'instruction ».

([115]) En application de l’article 394 relatif à la convocation par procès-verbal, qui prévoie que le JLD prononce l’ARSE dans les conditions et suivant les modalités prévues, entre autres, à l’article 139 du même code.

([116]) Article 141-1 du même code. Le second alinéa de l’article 148-1 précise toutefois qu’en « matière criminelle, la cour d'assises n'est compétente que lorsque la demande est formée durant la session au cours de laquelle elle doit juger l'accusé. Dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre de l'instruction ».

([117]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 75.

([118]) L’article 145 précise que « le ministère public, la personne mise en examen ou son avocat peuvent s'opposer à cette publicité si l'enquête porte sur des faits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 ou si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers ». Le juge statue sur cette opposition ; s’il y est fait droit le juge statut en audience de cabinet.

([119]) Tel que prévu à l’article 187-1 du même code.

([120]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 83.

([121]) En application de l’article 706-71 du même code.

([122]) 7e alinéa de l’article 145 du même code.

([123]) 9e alinéa du même article.

([124]) En application de l’article 149 du même code.

([125]) En application de l’article 716-4 du même code.

([126]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 10.

([127]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 74.

([128]) Rapport du Comité des États généraux de la Justice, avril 2022, tome 4, annexe 16, p° 76.

([129]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 79 : « Une projection adaptée du nombre de mesures d’ARSE sous condition suspensive prononcées par l’autorité judiciaire pourrait correspondre à près de 2 000 mesures annuelles au niveau national ».

([130]) Circulaire de la DACG n° CRIM – 10-9/E8 du 18 mai 2010 relative à la présentation des dispositions sur l’assignation à résidence avec surveillance électronique résultant de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et du décret du 1er avril 2010 : « D’une manière générale, l’article 142-12 prévoit que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas où elles peuvent prononcer un contrôle judiciaire (notamment dans le cas prévu par l’article 397-3 en matière de comparution immédiate) et que l’ARSE peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire ».

([131]) Ce renvoi peut se faire d’office ou à la demande du prévenu.

([132]) Cette décision de renvoi n’est quant à elle pas susceptible de recours.

([133]) Sénat, compte-rendu de la séance du 7 juin 2023.

([134]) « Lorsque le tribunal statue sur une demande de mise en liberté conformément aux articles 148-1 et 148-2 ainsi que lorsqu'il statue sur une demande de mainlevée ou de modification de contrôle judiciaire, l'appel doit être formé dans un délai de vingt-quatre heures ».

([135]) Hors provocations à la violence contre les personnes et les biens, à la haine et à la discrimination, apologie de crimes et négation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et injures à raison de l’identité de la personne.

([136]) Article 395 du code de procédure pénale.

([137]) Il peut être dérogé au délai minimal de dix jours sur renonciation expresse du prévenu.

([138]) Article 397 du même code.

([139]) Il peut être dérogé au délai minimal de deux semaines en cas de renonciation expresse du prévenu.

([140]) Cette disposition s’applique dans toutes les procédures où le procureur de la République saisit directement le tribunal et lorsque la personne concernée est placée en détention provisoire.

([141]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 8.

([142]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 105.

([143]) Idem.

([144]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 8.

([145]) Rapport n° 660 sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023.

([146]) Ce délai peut être inférieur à dix jours en cas de renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat.

([147]) Il sera vu dans les développements suivants que cette interprétation ne semble ni contra legem, ni contraire à l’intention originelle du législateur.

([148]) Cass., crim., 21 novembre 2012,  12-80.621, au Bulletin.

([149]) Cass., crim., 12 décembre 2012,  12-82.905, au Bulletin.

([150]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, § 19, page 9.

([151]) Amendement  219 de M. Mohamed Soilihi.

([152]) Hors délits sur mineurs, délits de presse, délits politiques et homicides involontaires et hors violences sur les personnes et agressions sexuelles punies d’une peine supérieure à cinq ans d’emprisonnement.

([153]) Amendement  265 du Gouvernement.

([154]) Les dispositions réglementaires d’application sont prévues aux articles R. 53‑33 à R. 53‑39 et aux articles D. 47‑12‑1 à D. 47‑12‑6 du CPP.

([155]) Avant la loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, un procès-verbal devait être établi dans chacun des lieux reliés par la télécommunication. Cette obligation a été supprimée par l’article 12 de cette loi. Il convient de relever l’absence d’actualisation des dispositions réglementaires prévues aux articles D. 47‑12‑1 à D. 47‑12‑6 du CPP à la suite de cette modification, ces dispositions portant toujours sur les procès-verbaux établis « en chacun des lieux ».

([156]) Conseil constitutionnel, décision  2011631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, § 93 ; Conseil constitutionnel, décision  2018770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, § 27-28.

([157]) Conseil constitutionnel, décision  2019778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, § 233-234.

([158]) Conseil constitutionnel, décision  2019802 QPC du 20 septembre 2019, M. Abdelnour B. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d’audiences relatives au contentieux de la détention provisoire.

([159]) Conseil constitutionnel, décision  2020872 QPC du 15 janvier 2021, M. Krzystof B. [Utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d’urgence sanitaire] ; Conseil constitutionnel, décision  2021911/919 QPC du 4 juin 2021, M. Wattara B. et autres [Utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d’urgence sanitaire II].

([160]) Loi n° 2020‑1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, article 27.

([161]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, § 17, pages 7 et 8.

([162]) Id., § 16, pages 6 et 7.

([163]) Amendement COM104 de Mmes Canayer et Vérien.

([164]) Étude d’impact, page 127.

([165]) Article 230-32 du même code.

([166]) Article 74 du même code.

([167]) Article 74-1 du même code.

([168]) Personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, personnes condamnées à une peine privative de liberté supérieure ou égale à un lorsque cette condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée, personnes inscrites au FIJAIT ou FIJAIS et ayant manqué à leurs obligations, personnes ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de révocation d’un aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte, personnes faisant l’objet d’une décision de mise à exécution de l’emprisonnement – supérieur à un an – en cas de violation des obligations et interdictions résultat d’une peine.

([169]) Article 230-37 du même code.

([170]) Article 230-33 du code de procédure pénale.

([171]) Article 230-35 du code de procédure pénale.

([172]) Article 230-34 du code de procédure pénale.

([173]) Article 230-35 du même code ; dans ces cas d’urgence, l'officier de police judiciaire doit recueillir l'accord préalable, donné par tout moyen, du JLD ou du juge d’instruction. Ces magistrats disposent d'un délai de vingt-quatre heures pour prescrire, par décision écrite, la poursuite des opérations. A défaut d'une telle autorisation dans ce délai, il est mis fin à la géolocalisation.

([174]) Lieux visés à l’article 56-4 du même code.

([175]) Article 230-38 du code de procédure pénale.

([176]) Article 230-39 du même code.

([177]) Idem.

([178]) Article 230-43 du code de procédure pénale.

([179]) Les infractions concernées sont énumérées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale.

([180]) Articles 706-80 à 706-80-2 du code de procédure pénale.

([181]) Articles 706-81 à 706-87 du même code.

([182]) Articles 706-88 à 706-88-1. L’article 706-88 prévoit la possibilité de déroger à la durée de droit commun de la garde à vue définie aux articles 63 (cadre de l’enquête de flagrance), 77 (cadre de l’enquête préliminaire) et 154 (cadre de l’instruction) lors des procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 du même code. En effet, si les nécessités d’une enquête ou d’une instruction relative à l’une des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisée l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d’instruction. Ces prolongations s’ajoutent à la durée de droit commun définie par l’article 63 du même code, et portent à 96 heures la durée maximale de la garde à vue.

([183]) Articles 706-89 à 706-94 du même code.

([184]) Article 706-95 du même code.

([185]) Articles 706-95-1 à 706-95-3 du même code.

([186]) Ces règles sont fixées par les articles 706-95-11 à 706-95-19 du même code.

([187]) Article 706-95-20 du même code.

([188]) Article 706-96 à 706-98 du même code.

([189]) Articles 706-102-1 à 706-102-5 du même code.

([190]) Autorisation par le JLD à la requête du procureur de la République dans le cadre de l’enquête ou autorisation par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre de l’information.

([191]) Article 221-4 du code pénal.

([192]) Article 222-4 du même code.

([193]) Article 311-9 du même code.

([194]) Article 322-8 du même code. 

([195]) Article 224-6-1 du même code.

([196]) Articles 312-6 et 312-7 du même code.

([197]) Articles 225-4 à 225-4-7 du même code.

([198]) Articles 225-7 à 225-12 du même code.

([199]) Articles 442-1 et 442-2 du même code.

([200]) Article 224-5-2 du même code.

([201]) Articles 222-34 à 222-40 du même code.

([202]) Articles 421-1 à 421-6 du même code.

([203]) Article L. 512-2 du code minier.

([204]) Article 313-2 du code pénal.

([205]) Article L. 415-6 du code de l’environnement.

([206]) Article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure.

([207]) Articles 321-1 et 324-2 du code pénal.

([208]) Article 16 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

([209]) En application de l’article 132-2 du code pénal, il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction.

([210]) Article 706-95-13 du même code.

([211]) Article 706-95-12 du code de procédure pénale.

([212]) Article 706-95-16 du même code.

([213]) En application du second alinéa de l’article 706-95-13 du même code, cette autorisation peut toutefois être délivrée sans avis préalable du procureur en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens.

([214]) Article 706-95-16 du même code.

([215]) Article 706-91-1 du code de procédure pénale.

([216]) Dans les heures prévues à l’article 59 du même code, soit de 6h à 21h.

([217]) Hors des heures prévues à l’article 59, qui autorise les perquisitions de 6h à 21h ; s’agissant des présentes introductions, le JLD autorise donc celles-ci au cours de l’instruction s’il s’agit d’un lieu d’habitation et si l’opération a lieu entre 21h et 6h. 

([218]) Article 706-91-1 du code de procédure pénale.

([219]) Lieux visés par l’article 56-1 du même code.

([220]) Lieux visés par l’article 56-2 du même code.

([221])  Lieux visés par l’article 56-3 du même code.

([222]) Lieux visés par l’article 56-5 du même code.

([223]) Personnes visées à l’article 100-7, non comprises dans les articles précédemment cités.

([224]) Article 706-95-18 du même code.

([225]) Idem.

([226]) Article 706-95-19 du code de procédure pénale.

([227]) En application de l’article 157 du même code.

([228]) Dernier alinéa de l’article 230-1 du même code.

([229]) Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-987 QPC du 8 avril 2022.

([230]) Article 74 du même code.

([231]) Deuxième à quatrième alinéas de l’article 74-1 du même code.

([232]) Personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, personnes condamnées à une peine privative de liberté supérieure ou égale à un lorsque cette condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée, personnes inscrites au FIJAIT ou FIJAIS et ayant manqué à leurs obligations, personnes ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de révocation d’un aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte, personnes faisant l’objet d’une décision de mise à exécution de l’emprisonnement – supérieur à un an – en cas de violation des obligations et interdictions résultat d’une peine.

([233]) Prévu à l’article 230-34 du code de procédure pénale.

([234]) Personnes mentionnées à l’article 100-7 du code de procédure pénale.

([235]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 5.

([236]) Articles 706-96 à 706-98 du même code.

([237]) En application de l’article 157 du même code.

([238]) Article 706-102-1 du même code.

([239]) Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-987 QPC du 8 avril 2022.

([240]) Ces délais ont été raccourcis afin de tenir compte de l’avis du Conseil d’État qui jugeait que cela était nécessaire pour assurer la conciliation équilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée : Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 6.

([241]) Au lieu d’un mois renouvelable une fois pour les sonorisations et captation d’images « classiques ».

([242]) Au lieu de quatre mois renouvelables dans une durée totale maximale de deux ans pour les sonorisations et captation d’images « classiques ».

([243]) Personnes mentionnées à l’article 100-7 du code de procédure pénale.

([244]) Lieux visés par l’article 56-1 du même code.

([245]) Lieux visés par l’article 56-2 du même code.

([246])  Lieux visés par l’article 56-3 du même code.

([247]) Lieux visés par l’article 56-5 du même code.

([248]) En application des troisième et quatrième alinéas de l’article 100-5 du même code.

([249]) Prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([250]) Ces cas comprennent notamment la fraude fiscale (articles 1741 et 1742 du code général des impôts), le financement d’actes terroristes (article 421-2-2 du code pénal), la corruption et le trafic d’influence passifs (articles 435‑1 à 435-2 et 435-7 à 435-8 du même code) ou actifs (articles 433-2 et 433-2, ainsi que les articles 435-3 à 435-4 et 435-9 à 435-10 du même code).

([251]) En violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([252]) Article 706-95-18 du même code.

([253]) Rapport n° 660 sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023.

([254]) Lieux visés par l’article 56-1 du même code et personnes mentionnées à l’article 100-7 du même code.

([255]) Lieux visés par l’article 56-2 du même code.

([256])  Lieux visés par l’article 56-3 du même code.

([257]) Lieux visés par l’article 56-5 du même code et personnes mentionnées à l’article 100-7 du même code.

([258]) Personnes mentionnées à l’article 100-7 du code de procédure pénale.

([259]) Rapport n° 660 sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023. 

([260]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, 3 mai 2023, p° 6.

([261]) Ainsi que les locaux d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises.

([262]) Article 706-95 du code de procédure pénale.

([263]) Article 100-7 du même code.

([264]) Prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([265]) Ces cas comprennent notamment la fraude fiscale (articles 1741 et 1742 du code général des impôts), le financement d’actes terroristes (article 421-2-2 du code pénal), la corruption et le trafic d’influence passifs (articles 435‑1 à 435-2 et 435-7 à 435-8 du même code) ou actifs (articles 433-2 et 433-2, ainsi que les articles 435-3 à 435-4 et 435-9 à 435-10 du même code).

([266]) En violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([267]) Selon la définition donnée par le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public ».

([268]) Prévu à l’article 66‑5 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([269]) Ces cas comprennent notamment la fraude fiscale (articles 1741 et 1742 du code général des impôts), le financement d’actes terroristes (article 421-2-2 du code pénal), la corruption et le trafic d’influence passifs (articles 435‑1 à 435-2 et 435-7 à 435-8 du même code) ou actifs (articles 433-2 et 433-2, ainsi que les articles 435-3 à 435-4 et 435-9 à 435-10 du même code).

([270]) En violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([271]) Le troisième alinéa prévoit : « Si le juge des libertés et de la détention estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code n'ont pas été respectées, il ordonne la destruction des procès-verbaux et des enregistrements effectués. Il statue par une ordonnance motivée qu'il notifie au procureur de la République. Ce dernier peut former appel devant le président de la chambre de l'instruction dans un délai de dix jours à compter de la notification ».

([272]) Amendement  266 du Gouvernement.

([273]) Conseil constitutionnel, décision  20221034 QPC du 10 février 2023, Syndicat de la magistrature et autres [Placement ou maintien en détention provisoire des mineurs et relevés signalétiques sous contrainte].

([274]) Article 591 du code de procédure pénale.

([275]) Article 567 du même code.

([276])Article 588 du même code.

([277]) Article 1012 du code de procédure civile.

([278]) Article 1013 du code de procédure civile.

([279]) Idem.

([280]) Article 1015-1 du même code.

([281]) Jean Terlier et Cécile Untermaier, Rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, Assemblée nationale, XVIe législature,  1000, 22 mars 2023.

([282]) Ce délai est augmenté d’un mois si la personne citée et le tribunal se trouvent en France hexagonale et en outre-mer, ou dans deux collectivités ultramarines différentes. Si la personne réside à l’étranger, il est également augmenté d’un mois s’agissant de l’Union européenne, et de deux mois dans les autres cas.

([283]) Article 206 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

([284]) Infractions réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

([285]) L'établissement ou la conservation de fichiers réprimés par l'article 226-19 du même code.

([286]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([287]) La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a créé une CJIP en matière environnementale, prévue à l’article 41-1-3 du code de procédure pénale.

([288]) À l'exclusion des crimes et délits contre les personnes prévus au livre II du code pénal.

([289]) Article 56 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([290]) Délai qui court à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence.

([291])  Délai qui court à compter d’une mise en demeure adressée à son domicile.

([292]) La saisie pénale est une mesure, intervenant en cours de procédure, qui entraîne l’indisponibilité temporaire d’un bien ; la confiscation constitue une peine prononcée à l’occasion d’une condamnation qui, lorsque qu’elle devient définitive, entraîne la dépossession permanente d’un bien et son transfert au profit de l’État.

([293]) Soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l’objet dans un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure adressée à son domicile.

([294]) Aux services judiciaires ou à des services de police, des unités de gendarmerie, à l’Office français de la biodiversité ou à des services placés sous l’autorité du ministre chargé du budget qui effectuent des missions de police judiciaire.

([295]) Créé par l’article 8 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

([296]) Décisions prévues à l’article 99-2 du code de procédure pénale.

([297]) Cass., crim., 24 novembre 2021,  2181.344, au Bulletin.

([298]) Compétence des juridictions françaises en matière de crimes contre l’humanité, communiqué conjoint du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Justice, 9 février 2022.

([299]) Cass., assemblée plénière, 12 mai 2023,  2280.057, au Bulletin.

([300]) Id., § 33.

([301]) Id., § 30 à 32.

([302]) Amendement  117 de M. Sueur.

([303]) Créé par l’article 8 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

([304]) Créé par l’article 2 du décret n° 2022-67 du 20 janvier 2022 relatif à la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés.

([305]) Sénat, compte rendu de la séance publique du 7 juin 2023.

([306]) Article 11 du code de procédure pénale.

([307]) Rapport n° 660 sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023.

([308]) article 7 bis de la loi.

([309]) Rapport annuel de l’Autorité de la statistique publique pour l’année 2022, mars 2023.

([310]) L’article 226-13 du code pénal prévoit que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » ; l’article 226-14 prévoit les exceptions à ce respect du secret professionnel.

([311]) Rapport n° 660 sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, 31 mai 2023.

([312]) Personne morales de droit privé remplissant les conditions définies à l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et poursuivant un but d'utilité sociale au sens de l'article 2 de la même loi.

([313]) Sociétés dont les statuts définissent une mission qui assigne à la société la poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux.

([314]) Loi n° 83-466 du 10 juin 1983 portant abrogation ou révision de certaines dispositions de la loi n° 81-82 du 2 février 1981 et complétant certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale.

([315]) Expérimentation prévue au XIX de l’article 71 de la loi n° 2019 222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([316]) Article 131-8 du code pénal.

([317]) Article 131-9 du même code.

([318]) Article 131-17 du même code.

([319]) Article 495-1 du code de procédure pénale.

([320]) Le TIG a été intégré à la liste des obligations pouvant être prononcées dans ce cadre par l’article 80 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([321]) Article 131-8 du code pénal.

([322]) Disposition insérée par l’article 107 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([323]) En application du deuxième alinéa de l’article 131-9 du code pénal.

([324]) Ce sursis probatoire renforcé peut contenir une obligation à accomplir un TIG.

([325]) Article 747-1 du code de procédure pénale.

([326]) Article 747-1-1 du même code.

([327]) Article 464-2 du même code.

([328]) Le volume horaire est donc compris entre vingt et quatre cents heures en matière correctionnelle et entre vingt et cent vingt heures en matière contraventionnelle.

([329]) Article 131-22 du code pénal. En application de cet article, ce délai maximum d’exécution peut être suspendu par le JAP pour un motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social, ou lorsque la personne est assignée à résidence avec surveillance électronique, est placée en détention provisoire ou exécute une peine privative de liberté.

([330]) Article 131-22 modifié par la loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

([331]) Décret n° 2018-1098 du 7 décembre 2018.

([332]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 148.

([333]) Article 131-9 du code pénal.

([334]) Article 434-42 du même code.

([335]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, pages 22-23.

([336]) Les membres du comité d’évaluation ont été nommés par arrêté du 21 avril 2022.

([337]) XIX de l’article 71 de la loi n° 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([338]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([339]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 149.

([340]) Cour de cassation, Crim., 11 mai 2021, pourvoir n° 2020-85.576.

([341]) Le tribunal correctionnel est tenu de prononcer, en application de cet article, un aménagement de peine lorsque la peine ferme est inférieure à six mois, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné.

([342]) Si le tribunal n'a pas prononcé un mandat de dépôt à effet différé en application du 3° du I de l'article 464‑2, en cas de condamnation d'une personne non incarcérée à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un an ou pour laquelle la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à un an.

([343]) 1° de l’article L. 12-1 du code de la justice pénale des mineurs./

([344]) 2° du même article.

([345]) bis du même article.

([346]) Lorsqu’il est saisi en application de l’article L. 423-9 du même code.

([347]) Convocation délivrée sur instructions du procureur de la République soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire, un huissier, un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l'établissement pénitentiaire, soit, si le mineur est placé, par le directeur de l'établissement auquel il est confié.

([348]) Le juge des enfants statue après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République et les observations de la personne et de son avocat.

([349]) Si ce délai n’est pas respecté et si la personne n’est pas détenue pour autre chose, elle est mise d’office en liberté.

([350]) En application de cet article, à l'audience de renvoi, la juridiction peut soit dispenser le prévenu de peine, soit prononcer la peine prévue par la loi, soit ajourner une nouvelle fois le prononcé de la peine.

([351]) En application de cet article, à l'audience de renvoi, la juridiction peut, en tenant compte de la conduite du coupable au cours du délai de probation, soit le dispenser de peine, soit prononcer la peine prévue par la loi, soit ajourner une nouvelle fois le prononcé de la peine. Avec l'accord du procureur de la République, le juge de l'application des peines peut, trente jours avant l'audience de renvoi, prononcer lui-même la dispense de peine, à l'issue d'un débat contradictoire. La décision sur la peine intervient au plus tard un an après la première décision d'ajournement.

([352]) En 2019, 20 769 nouvelles affaires ont été enregistrées, et 18 395 affaires ont été terminées (Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 – avril 2022), annexe 12, Rapport du groupe de travail sur la simplification de la justice civile, page 127).

([353]) Loi n° 2000‑1257 du 23 décembre 2000.

([354]) Loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

([355]) Loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

([356]) Décret n° 2020‑1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles.

([357])  Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la justice (Octobre 2021-avril 2022), avril 2022, page 173 ; annexe 12 précitée, pages 126-127.

([358]) Ce refus pouvant résulter du silence de la victime gardé pendant deux mois, aux termes de l’article R. 50‑12‑2 du CPP.

([359]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, pages 22-23.

([360]) Les amendements du Gouvernement permettant de couvrir la recevabilité financière des amendements des rapporteures au regard de l’article 40 de la Constitution.

([361]) Amendements COM111 de Mmes Canayer et Vérien et COM157 du Gouvernement.

([362]) Amendements COM109 de Mmes Canayer et Vérien et COM156 du Gouvernement.

([363]) Amendement  269 du Gouvernement.

[364] Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, ou encore les îles Wallis-et-Futuna ne sont pas dans le ressort d’un tribunal de commerce. C’est donc la juridiction de droit commun spécifique à chaque territoire qui est compétente :

- Tribunal de première instance à Saint-Pierre et Miquelon (articles L. 513-1 et suivants du code l’organisation judiciaire) ;

- Tribunal de première instance aux îles Wallis-et-Futuna (articles L. 532-1 et suivants du code l’organisation judiciaire).

Pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les juridictions de la Guadeloupe sont compétentes ; il existe certes un tribunal de proximité à Marigot (qui est juridiquement une chambre de proximité du TJ de Basse-Terre) mais il n’a pas de compétence commerciale déléguée.

([365])  Bobigny, Bordeaux, Dijon, Évry, Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Rennes, Rouen, Toulouse, Tourcoing et la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg (Décret n° 2016-217 du 26 février 2016 fixant la liste et le ressort des tribunaux de commerce spécialisés).

 

([366]) Les conseils des prud’hommes sont divisés en deux collèges, celui des salariés et celui des employeurs, et comprennent cinq sections thématiques que sont la section de l’encadrement, de l’industrie, du commerce et des services commerciaux, de l’agriculture et des activités diverses.

([367])  La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a institué un organe disciplinaire pour les conseillers prud’hommes : la commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes.

([368]) Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes, Rapport d’activité 2018‑2019, p. 17.

([369]) L’article 724‑3‑2 du code de commerce prévoit que « La cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit ne fait pas obstacle à l’engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires. Dans ce cas, les sanctions disciplinaires applicables sont : 1° Le retrait de l’honorariat ; 2° L'inéligibilité pour une durée maximale de dix ans ; 3° L’inéligibilité définitive. »             

([370])  Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([371])  Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([372])  Article 41‑10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([373]) Article 41-32 de l’ordonnance statutaire précitée.

([374]) Article 41-31 de l’ordonnance statutaire précitée. 

([375]) Article 76 de l’ordonnance statutaire précitée. 

([376]) Idem. 

([377])  L’étude d’impact accompagnant le projet de loi précise qu’au 11 janvier 2023, sur 1 521 assesseurs en formation, 1 034 ont validé l’intégralité de leur parcours de e-formation, 335 assesseurs ne se sont pas connectés, et 132 n’ont pas achevé la formation.

([378]) Ordonnance  n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale.

([379])  Rapport de l’Institut des hautes études de la justice remis en mai 2013 – « La prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIè siècle », par Antoine Garapon, Sylvie Perdriolle, Boris Bernabé et Charles Kadri.

([380]) Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, par Mme Dominique Lottin, première présidente honoraire et ancienne membre du Conseil constitutionnel, p 4.

([381]) Rapport du comité des États généraux de la justice, avril 2022, p132. 

([382]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 249.

([383])  Rapport sur la proposition de résolution (n° 1546) de M. Bernard Accoyer tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale, par M. Jean-Luc Warsmann, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2009.

([384])  https://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/liste/depute-par-organisme-extraparlementaire

([385])  Résolution adoptée le 2 juin 2009 tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.

([386]) Le respect de la parité a été ajouté par l’article 4 de la résolution du 18 juin 2019 clarifiant et actualisant le règlement du Sénat. 

([387]) Article issu d’un amendement déposé par le rapporteur M. Waserman en séance à l’Assemblée nationale, en première lecture. 

([388]) Ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire.

([389]) Le personnel de surveillance représentait 71 % des effectifs totaux de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2021.

([390]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 275.

([391]) Décret n° 2018-1319 du 28 décembre 2018 portant création d’une prime de fidélisation attribuée à certains personnels relevant de l’administration pénitentiaire.

([392]) Décret n° 2019-1038 du 9 octobre 2019 modifiant le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire.

([393]) Assemblée nationale, commission des Lois, Avis sur le projet de finances pour 2023, Tome III, Justice, programmes « administration pénitentiaire » et « protection judiciaire de la jeunesse », Éric Poulliat, 17 octobre 2022.

([394]) Ministère de la justice, Mesure de l’incarcération, Indicateurs clés au 1er mai 2023.

([395]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([396]) Article L. 114-1 du code pénitentiaire.

([397]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 267.

([398]) Article 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. 

([399]) Prévue aux articles L. 225-1 à L. 225-3 du code pénitentiaire.

([400]) Décret n° 2019-1427 du 23 décembre 2019 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire dans le cadre de leurs missions

([401]) Avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en date du 5 décembre 2019.

([402]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 268.

([403]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, p° 13.

([404]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 279.

([405]) Rapport annexé au présent projet de loi, alinéa 251.

([406]) Étude d’impact du présent projet de loi, p° 279.

([407]) Idem, p° 278.

([408]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, p° 13.

([409]) « Pour développer des activités répondant à des besoins non satisfaits, l’État peut faire appel à des agents âgés de dix-huit à moins de trente ans, recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période de trois ans, renouvelable une fois par reconduction expresse, afin d’exercer des missions de policiers adjoints auprès des fonctionnaires des services actifs de la police nationale.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il définit notamment les missions des policiers adjoints ainsi que les conditions d’évaluation des activités concernées ».

([410]) Direction de l’administration pénitentiaire, Rapport au Parlement relatif aux conditions d’expérimentation de l’usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaires dans le cadre de leurs missions, Résultats de l’expérimentation conduite depuis octobre 2020, août 2021.

([411])  Idem, p° 14.

([412]) Il est précisé que leur sécurité est réputée menacée lorsqu’il existe un risque immédiat d’atteinte à leur intégrité.

([413]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027,  406855, p° 14.

([414]) Idem.

([415]) Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, cons. 104 à 122. Une réserve a été formulée pour préciser que l'intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de toutes leurs consultations doivent être garanties jusqu’à l’effacement des enregistrements (cons. 120).

([416])  Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes.

([417]) Arrêté du 14 avril 2023 portant répartition des emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2023.

([418]) Le nombre exact de postes à pourvoir n’est pas encore connu.

([419]) Cette obligation s’applique à compter de la promotion recrutée en 2021, qui sortira en octobre 2023. Elle vient s’ajouter au « tronc commun » de formation des écoles préparant aux métiers de la haute fonction publique et aux onze mois de stage obligatoire réalisés par les élèves de l’INSP au cours de leur scolarité –stage à l’étranger et au niveau local (en préfecture ou en collectivité territoriale) et en entreprise.

([420]) Articles L. 233-2 du CJA et L. 221-3 du CJF.

([421]) Articles L. 133-5 du CJA et L. 112-3-1 du CJF. Le recrutement des auditeurs du Conseil d’État et de la Cour des comptes s’opère sans lien avec le classement de sortie de l’INSP, pour une durée de trois ans avant une éventuelle intégration.

([422]) Article L. 221-2 du CJF.

([423]) Articles L. 234-2-2 du CJA et L. 221-2-1 du CJF.

([424]) Voir le IV de l’article 29 du projet de loi.

([425]) Les magistrats issus des concours internes continuent à bénéficier de l’équivalence liée à leurs expériences antérieures (voir les articles L. 234-2-2 du CJA et L. 221-2-1 du CJF).

([426]) Amendement COM-140 des rapporteures du Sénat.

([427]) Articles L. 120-3 et L. 220-4 du CJF.

([428]) Article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([429]) Article L. 112-3-1 du CJA.

([430]) Décret n° 2021-1216 du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d’emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d’État et à la Cour des comptes.

([431])  L’article L. 122-3 prévoit une procédure particulière dite du « dix-huitième tour » : « Dans la proportion d’une nomination sur dix-huit […], un magistrat de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, âgé de plus de cinquante ans et justifiant au moins de quinze ans de services publics effectifs, est nommé conseiller maître ».

([432]) Article L. 122-3 du CJF.

([433]) Auditeurs n’est plus un grade depuis la réforme de 2021.

([434]) Article L. 112-3-1 du CJF.

([435]) Article R. 121-2 du CJF.

([436]) Sous réserve d’avoir plus de 35 ans et dix ans de service public effectif (article L. 122-5 du CJF).

([437]) Cette nomination est de droit (article L. 122-4 du CJF).

([438]) Article R. 122-1 du CJF.

([439]) Sous réserve d’avoir 45 ans accomplis (Article L. 122-3 du CJF).

([440]) Article L. 122-1 du CJF.

([441]) Article L. 221-3 du CJF.

([442]) II de l’article L. 221-2-1 et article R. 224-5 du CJF.

([443]) « Les présidents de section de chambre régionale des comptes âgés de quarante ans au moins, justifiant de trois années au moins comme président de section de plein exercice ou de procureur financier dirigeant le ministère public près l’une de ces chambres et d’un minimum de quinze années de services publics et ayant accompli une mobilité statutaire d’au moins deux ans » (L. 221-2 du CJF).

([444]) I de l’article L. 221-2-1 et article R. 224-5 du CJF.

([445]) Voir commentaire de l’article 22 du projet de loi.

([446]) Voir commentaire de l’article 24 du projet de loi.

([447]) Avis du 26 avril 2023.

([448]) « Il résulte des dispositions de l’article 64 de la Constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions » (Conseil constitutionnel, n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 105).

([449]) Avis du 26 avril 2023.

([450]) « Ces modalités différentes de traitement, entre magistrats en position d’activité et magistrats en détachement, font dépendre le nombre de nominations au tour extérieur et donc la gestion du corps dans son ensemble – des choix individuels des magistrats de carrière au moment de leur promotion. Maintenir le décompte applicable aux nominations à la maîtrise fait donc encourir le risque de ne pouvoir disposer de ressources suffisantes au sein de la Cour, faute de possibilités suffisantes de nominations à la maîtrise ouvertes au tour extérieur » (audition de la Cour des comptes).

([451]) Article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([452]) Article L. 234-6 du CJA.

([453]) Article 13 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([454]) Article L. 231-9 du CJA.

([455]) Article 7 de la loi du 10 juillet 1982 relative aux présidents de chambres régionales des comptes et au statut des membres des chambres régionales des comptes.

([456]) Voir supra.

([457]) Ordonnance prise sur habilitation par l’article 168 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([458]) Audition de la Cour des comptes.

([459]) Conseil d’État, avis n° 406855, § 40.

([460]) III de l’article 168 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([461])  Conseil constitutionnel, n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017, cons. 14.

([462]) Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

([463]) Étude d’impact du projet de loi, pp. 377 et 378.

([464]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi, n° 406855, § 44.

([465]) Article L. 351-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF).

([466]) Articles L. 351-2 et L. 351-5 du CASF.

([467]) Étude d’impact du projet de loi, p. 383.

([468]) Conseil d’État, Chiffres clés pour 2022.

([469]) Étude d’impact du projet de loi, pp. 385 à 387.

([470]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi, n° 406855, § 45.

([471]) 6° de l’article 26 du texte transmis par le Sénat.

([472]) VI de l’article 29 du texte transmis par le Sénat (amendement COM-154).

([473]) Voir commentaire de l’article 10 du projet de loi organique.

([474]) Pour plus de précisions, se référer aux commentaires d’articles.

([475]) Décret n° 2023-30 du 25 janvier 2023 relatif aux conditions d’accès et aux formations à l’Institut national du service public.

([476]) Amendement COM-154 des rapporteures du Sénat.

([477]) Ces chiffres ont été présentés par le garde des Sceaux lors de la discussion générale du projet de loi en commission des lois, le 14 juin 2023.

([478]) Avis n° HCFP-2023-3. Il s’agit du deuxième avis rendu par le HCFP sur un projet de loi de programmation sectoriel, depuis que la compétence pour émettre un avis sur tout projet de loi de programmation sectoriel lui a été confiée par la réforme organique du 28 décembre 2021 (VII de l’article 61 de la LOLF).

([479]) Mmes Agnès Canayer et Dominique Vérien, rapport n° 660 fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027, mai 2023.

([480]) L’évolution des dépenses de personnel de la mission dépend, entre autres, de l’évolution du point d’indice. Les dépenses allouées à l’aide juridictionnelle sont liées aux tarifs de rétribution fixés par des dispositions de valeur législative et réglementaire.

([481]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([482]) En cumulé, la loi de programmation et de réforme pour la justice 2018-2022 prévoyait l’octroi de 3,3 milliards d’euros supplémentaires pour le ministère de la justice sur la période. Les crédits exécutés font apparaître que cette hausse a été réalisée à hauteur de 3,4 milliards d’euros.

([483]) Projet de loi n° 272 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2022.

([484]) Entrent dans le périmètre des calculs du HCFP la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche (LPR), la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) et le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (PLPM).

([485]) Le HCFP estime que pour respecter la trajectoire des finances publiques, les dépenses des ministères non concernés par des lois sectorielles devront évoluer de + 0,7 % en moyenne en valeur et de – 1,4 % en moyenne en volume.

([486]) Discussion générale du projet de loi en commission des lois, 14 juin 2023. 

([487]) Amendement n° COM-102.

([488]) Rapport du comité des États généraux de la justice, Rendre justice aux citoyens, avril 2022.

([489]) Amendement n° COM-102.

([490]) Amendement CF62 (amendement CL956 adopté par la commission des lois).

([491]) Article 1er du projet de loi organique.

([492]) Article 11 du projet de loi organique.

([493]) Article 3 du projet de loi organique.

([494]) Amendement CF10, modifié par le sous-amendement CF63 (amendement CL957 adopté par la commission des lois).

([495]) Cour des comptes, Améliorer le fonctionnement de la justice  point d’étape du plan de transformation numérique du ministère de la justice, janvier 2022.

([496]) À ces amendements s’ajoutent deux amendements, mentionnés précédemment, modifiant l’article 1er.

([497]) Amendement CF22 (amendement CL958 adopté par la commission des lois).

([498]) Amendement CF23 (amendement CL959 adopté par la commission des lois).

([499]) Amendement CF24 (amendement CL965 adopté par la commission des lois).

([500]) Amendement CF9, modifié par le sous-amendement CF64 (amendement CL966 adopté par la commission des lois).

([501]) Amendement CF59 (amendement CL968 adopté par la commission des lois).

([502]) Amendement CF55 (amendement CL960 adopté par la commission des lois).

([503]) Amendement CF56 (amendement CL964 adopté par la commission des lois).

([504]) Amendement CF65 (amendement CL967 adopté par la commission des lois).

([505]) Amendement CF60 (amendement CL969 adopté par la commission des lois).

([506])Amendement CF61 (amendement CL970 adopté par la commission des lois).