N° 1441

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

relatif à l’ouverture, la modernisation
et la responsabilité du corps judiciaire

PAR M. Didier PARIS

Député

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 Voir les numéros :

 Sénat :   570, 660, 662 et T.A. 130 (20222023).

 Assemblée nationale :  1345.


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction......................................................... 5

I. Présentation synthétique du projet de loi organique

II. Les modifications apportées par le Sénat

III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

COMMENTAIRE des articles

Article 1er (art. 14, 15, 16, 17, 17-1, 18-1, 18-2, 19, 21-1, 22, 23, 24, 25, 25-1, 25-3, 25-4, 25-5 [nouveau], 26, 33, 40, 40-1, 40-8 à 40-13 [nouveaux], 41, 41-2, 41-3, 41-5, 41-9, 41-9-1 [nouveau], 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Réforme des voies d’accès au corps de la magistrature et de l’intégration provisoire à temps plein

Article 2 (art. 12-1-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Évaluation des chefs de cour d’appel et de tribunal

Article 3 (art. 2, 3, 3-1, 3-1-1 [nouveau], 10-2, 26, 27-1, 28, 28-1, 28-2, 28-3, 28-4 [nouveau], 31, 34, 35, 36, 37, 37-1, 38, 38-1, 38-2, 38-3 [nouveau], 39, 39-1 [nouveau], 39-2 [nouveau], 40, 40-1, 40-5, 41-9, 71, 72, 72-1 [nouveau], 72-2, 72-3, 76-1-1, 76-2, 76-3, 76-4, 76-4 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et art. 20-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) Structure du corps judiciaire

Article 4 (art. 27-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Priorité d’affection

Article 5 (art. LO. 121-4, LO. 121-4-1, LO. 121-5, LO. 122-5, LO. 122-6, LO. 122-7, LO. 125-1, LO. 123-10-1, LO. 314-2, LO. 513-3, LO. 513-4, LO. 513-7, LO. 513-8, LO. 532-17, LO. 532-18, LO. 552-9-1 A, LO. 562-24-2 [nouveaux] du code de l’organisation judiciaire) Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

Article 6 (art. 10-1, 1011 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)  Dialogue social dans la magistrature

Article 7 (art. 4110, 4111,4112, 4113, 4114, 4125, 4127, 4131 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)  Magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires

Article 8 (art. 6, 102, 103 [nouveau], 11, 29, 43, 44, 45, 503, 52, 63 et 64 de l’ordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

Article 8 bis (art. 202 de la loi organique n° 94100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)  Élaboration d’une charte de déontologie des magistrats

Article 9 (art. 10-1, 1011 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)  Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

Article 10 (art. 7-2, 73, 91, 122, 32, et 37 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, art 1012 [nouveau] de loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) Disposition diverses relatives à la déontologie des magistrats et à la dématérialisation de la gestion de leur dossier administratif

Article 11  Expérimentation d’un concours spécial de recrutement pour l’auditorat

Article 12 Entrée en vigueur et dispositions transitoires

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de M. ÉRIC Dupond-moretti, garde des sceaux, ministre de la JUSTICE, ET discussion générale

II. Examen DES ARTICLES

Personnes entendues par le rapporteur

 


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Mesdames, Messieurs,

La dernière réforme d’ampleur du statut de la magistrature remonte à la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. L’obligation de modifier la loi organique pour changer les règles relatives à la gestion ou à l’accès au corps judiciaire est une garantie forte d’indépendance et de stabilité. Les évolutions à la fois internes et externes au corps, analysées dans le cadre des États généraux de la justice, nécessitent cependant d’impulser de nouvelles transformations du corps judiciaire.

L’objectif de modernisation et d’ouverture du corps judiciaire passe par plusieurs aspects.

La simplification des voies d’accès à la magistrature et l’harmonisation des modalités de recrutement telles que prévues par l’article 1er issu du texte de la commission doivent faciliter l’accès des professionnels à la magistrature mais également favoriser l’atteinte des objectifs ambitieux de recrutement de 1 500 magistrats supplémentaires sur le quinquennat.

La composition du corps judiciaire actuelle nécessitait de réformer en profondeur la structure hiérarchique : c’est ce que prévoit l’article 3 du projet de loi organique, avec la création du troisième grade, qui s’accompagne de modifications sur l’évolution de carrière des magistrats de nature à fluidifier l’évolution de carrière, notamment en assouplissant le lien entre grade et emploi.

Ensuite, la création d’un dispositif d’évaluation élargie des chefs de cour et de tribunal judiciaire à l’article 2 acte leur rôle essentiel en matière de gestion administrative et de ressources humaines, qui sera encore renforcé par la décentralisation de certaines décisions, annoncée par le garde des Sceaux.

La modernisation de la gestion du corps passe par l’inscription de plusieurs dispositifs dans la loi organique de nature à donner de la souplesse aux services judiciaires et au CSM dans la gestion des affectations : non seulement les magistrats exerçant dans des territoires manquants d’attractivité pourront bénéficier d’une priorité d’affectation, comme le prévoit l’article 4, mais des magistrats pourront également renforcer des juridictions ponctuellement en difficulté grâce au dispositif prévu dans l’article 5.

La modernisation du corps judiciaire passe aussi par le renforcement de la responsabilité des magistrats et la clarification de leurs obligations déontologiques. C’est une condition nécessaire pour rétablir la confiance entre la justice et les citoyens. C’est aussi une direction que le corps judiciaire ne doit pas craindre, car il s’agit là d’une dynamique vertueuse dont il sortira grandi.

En ce sens, le projet de loi organique cherche d’abord à rappeler ce que sont les exigences en la matière. En son article 8 tel qu’issu du texte de la commission, il prévoit ainsi une reformulation du serment des magistrats. La prestation est un moment d’une grande solennité dans la vie d’un magistrat. Le législateur a ainsi entendu profiter de cette occasion pour qu’y soient déclinées les principales valeurs et les grands principes déontologiques qui devront guider le magistrat toute sa carrière durant. La Commission des Lois de l’Assemblée nationale a ainsi tenu, sur la proposition de votre rapporteur, à y insérer une valeur cardinale qui devrait guider, en tout, la conduite du magistrat : l’humanité.

Dans la même dynamique, l’article 8 bis, introduit par le Sénat, investit le Conseil supérieur de la magistrature de la mission d’élaborer une charte de déontologie des magistrats judiciaires, qui deviendra un document de référence pour tout magistrat.

C’est aussi dans le but d’un meilleur respect des principes déontologiques que le projet de loi étend à certains magistrats l’obligation de déclaration d’intérêts, ou qu’il procède à la prolongation de la durée d’inscription de l’avertissement au dossier personnel. Cette mesure sera de nature à permettre un suivi plus pérenne des comportements que la déontologie réprouve sans qu’ils ne soient qualifiables de faute disciplinaire.

Sur le plan disciplinaire, le projet de loi contient certaines évolutions tenant d’une part à la diversification de l’échelle des sanctions, susceptible de permettre une meilleure individualisation de la peine, et à l’amélioration de la procédure du droit de plainte des justiciables devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Là encore, il s’agit d’agir vers plus d’efficacité et de transparence pour plus de confiance, tout en maintenant un système suffisamment équilibré pour ne pas perturber l’activité des magistrats.

L’ouverture vers la société civile est d’ailleurs l’un des autres principes portés par cette réforme. Les mesures visant à favoriser le recrutement des magistrats à titre temporaire, en rendant leurs conditions de recrutement plus faciles et leurs fonctions plus attractives, en sont une illustration. Il s’agit là d’une mesure portée au bénéfice de tous. Le bénéfice de l’institution judiciaire, d’abord, qui bénéficiera de nouveaux talents dont elle s’enrichira. Le bénéfice des candidats, aussi, qui auront la satisfaction d’opérer une diversification de leur activité professionnelle au service de l’institution judiciaire.

Une plus grande ouverture de la magistrature, y compris aux publics à qui les portes du corps judiciaire peuvent paraître difficiles à ouvrir, c’est aussi le projet inscrit à l’article 11 du projet de loi organique, avec la création d’un concours spécial qui puisera ses recrues dans les « Prépas Talents ». Il s’agit là d’un moyen de corriger certaines inégalités sociales tout en permettant à la magistrature de s’enrichir de la diversité.

 

I.   Présentation synthétique du projet de loi organique

Lors de son dépôt au Sénat, le 3 mai 2023, le projet de loi organique comprenait 12 articles.

L’article 1er réforme en profondeur les voies d’accès à la magistrature. Il supprime le recrutement sur titres prévu à l’article 18-1 de l’ordonnance statutaire. Il substitue aux concours complémentaires et aux voies d’intégration directe un concours professionnel, pour harmoniser les voies d’accès pour les personnes ayant eu une activité professionnelle antérieure. Il crée également une nouvelle voie d’intégration provisoire à temps plein, celle de magistrat en service extraordinaire, pour les professionnels ayant au moins quinze d’activité. En cohérence avec l’objectif d’harmoniser le recrutement, il retire à l’actuelle commission d’avancement ses prérogatives en matière de recrutement pour les confier à un jury d’aptitude.

L’article 2 crée un dispositif d’évaluation élargie pour les chefs de cour d’appel et de tribunal. L’évaluation est réalisée par un collège d’évaluation composé de membres appartenant au corps judiciaire et de personnalités qualifiées.

L’article 3 procède à plusieurs modifications, qui peuvent être divisées en sept sujets distincts.

– Il transforme la structure du corps judiciaire en créant un troisième grade et en modifiant les règles d’avancement des magistrats ;

– Il augmente le ratio de magistrats placés auprès des chefs de cour d’appel ;

– Il interdit à un magistrat du premier grade de prendre son deuxième grade dans la cour d’appel où il exerce, reconnaissant de facto la possibilité pour un magistrat de premier grade d’exercer des fonctions en cour d’appel ;

– Il introduit dans l’ordonnance statutaire plusieurs règles de gestion suivies par le CSM et la direction des services judiciaires, notamment s’agissant du délai de retour après l’exercice de fonctions spécialisées au sein d’une juridiction ;

– Il instaure une durée limitée d’exercice pour les fonctions à l’inspection générale de la justice ;

– Il modernise certaines dispositions relatives aux magistrats en position de disponibilité, de détachement ou en congé parental ;

– Il tire les conséquences du recul de l’âge de départ en retrait en reculant l’âge limite de maintien en activité pour les magistrats.

L’article 4 crée un dispositif de priorité d’affectation lorsqu’un magistrat a exercé pendant une durée minimale une fonction reconnue comme souffrant d’un problème d’attractivité.

L’article 5 élève au niveau organique plusieurs dispositifs qui permettent de nommer temporairement un magistrat hors de sa juridiction de nomination et crée un dispositif de délégation temporaire de magistrats en outre-mer et en Corse.

L’article 6 procède à la rénovation de la commission d’avancement dont il modifie la composition et les attributions. Il consacre le principe de participation des magistrats aux comités sociaux d’administration du ministère de la justice et autorise les organisations syndicales de magistrats à négocier, signer et rendre applicables des accords collectifs.

L’article 7 assouplit les conditions de candidature des magistrats exerçant à titre temporaire, ouvre la possibilité de les recruter sur des blocs de compétences, et élargit le périmètre de leurs fonctions à la présidence d’audiences de règlement amiable des différends et aux fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires. Il prévoit par ailleurs la possibilité pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles de présider des audiences de règlement amiable et consacre leur intervention au sein des juridictions disciplinaires des officiers publics ministériels. Il élève également la limite d’âge maximal qui leur est applicable à 75 ans et rend leur mandat renouvelable deux fois.

L’article 8 contient diverses mesures relatives à la responsabilité des magistrats. Il assouplit les conditions de recevabilité des plaintes déposées par les justiciables auprès du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et diversifie les pouvoirs d’instruction confiés à la commission d’admission des requêtes, en charge d’examiner ces plaintes. Il diversifie les sanctions disciplinaires et prolonge la durée d’inscription d’un avertissement au dossier du magistrat. Il rétablit l’extension de la protection fonctionnelle des magistrats à leurs ayants droit et améliore la protection des magistrats lanceurs d’alerte.

Par ailleurs l’article 8 promeut l’égalité professionnelle dans la magistrature, en inscrivant dans l’ordonnance statutaire le principe d’égalité entre les femmes et les hommes et celui de l’égalité de traitement à l’égard des magistrats en situation de handicap.

L’article 9 réforme le mode de scrutin prévu pour l’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature représentant les magistrats des cours et des tribunaux.

L’article 10 complète la liste des magistrats soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts et tire les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle du 28 juillet 2016, en limitant l’obligation de déclaration de patrimoine aux membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

L’article 11 prévoit, à titre expérimental, l’ouverture d’un concours spécial d’accès à l’auditorat de justice.

L’article 12 prévoit des dispositions transitoires et des entrées en vigueur différées pour certaines dispositions du présent projet de loi organique.

II.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a modifié tous les articles du projet de loi organique initial, mais n’en a supprimé aucun. Il a, en outre, introduit un nouvel article.

À l’article 1er, le Sénat a précisé la composition du jury d’aptitude, ainsi que la durée de la formation suivie par les stagiaires lauréats du concours professionnel. Il a augmenté le quota de personnes pouvant être détachées dans la magistrature. Il a également ajouté que l’exercice du droit syndical des magistrats devait se faire dans le respect du principe d’impartialité. Il a enfin ouvert aux docteurs en droit exerçant des fonctions d’enseignement la possibilité de passer le concours professionnel pour le recrutement de magistrats au premier grade.

À l’article 2, le Sénat a précisé la composition du collège d’évaluation et a ajouté que ses membres doivent être nommés par le garde des Sceaux sur avis du Conseil supérieur de la magistrature. Il a ajouté dans la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature une liste de critères précis que doit apprécier la formation compétente du CSM lorsqu’elle se prononce sur les nominations de magistrats.

À l’article 3, le Sénat a adopté un amendement comportant des modifications substantielles : celui-ci fixe, pour tous les magistrats, une durée minimale d’exercice de trois ans et une durée maximale d’exercice de dix ans.

À l’article 4, le Sénat a adopté un amendement de précision.

À l’article 5, le Sénat a, à la fois, assoupli certains dispositifs de délégation, notamment ceux au bénéfice de la cour d’appel, et a supprimé d’autres dispositifs de délégations, notamment prévus pour renforcer ponctuellement les juridictions d’outre-mer et de Corse.

À l’article 6, le Sénat a souhaité rappeler la compétence de la commission d’avancement pour établir le tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade. Il a par ailleurs prévu un processus de désignation d’un membre de la commission d’avancement en cas de vacance définitive d’un siège.

À l’article 7, le Sénat a cherché à encadrer la possibilité pour les magistrats exerçant à titre temporaire d’exercer les fonctions de substitut du procureur, en énumérant les activités du parquet auxquelles ils pourront participer. Le Sénat a par ailleurs interdit aux magistrats exerçant à titre temporaire d’être membres du jury professionnel.

Le Sénat a modifié l’article 8 afin de remanier la procédure de plainte des justiciables devant le CSM. Il a ainsi rétabli l’obligation de signature des plaintes, supprimé l’audition obligatoire du magistrat poursuivi par la commission d’admission des requêtes, supprimé la transmission au garde des Sceaux, ministre de la justice, des observations transmises par le magistrat et le chef de cour au CSM, et exigé que la réponse du ministre à la demande d’enquête de l’inspection générale de la justice soit motivée – le silence du ministre pendant deux mois valant acceptation. Le Sénat a également reformulé à la fois le serment des magistrats et la définition de la faute disciplinaire, et a étoffé l’échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats.

L’article 8 bis, introduit par le Sénat en séance, crée une charte de déontologie des magistrats dont l’élaboration est confiée au Conseil supérieur de la magistrature.

À l’article 9, le Sénat est revenu sur l’allongement du délai, porté à six mois par le projet de loi, dans lequel une désignation complémentaire doit intervenir en cas de vacance de siège. Il a par ailleurs modifié les conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature afin que les personnalités soient renouvelées par moitié et que les magistrats représentant la hiérarchie judiciaire soient élus au scrutin uninominal à deux tours.

Le Sénat n’a modifié les articles 10 et 11 que sur le plan rédactionnel.

À l’article 12, le Sénat a raccourci la durée du moratoire sur les quotas de recrutement par la voie du concours professionnel à trois ans au lieu de quatre.

III.   Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

La Commission a modifié 12 articles avant de les adopter et adopté un article sans le modifier.

À l’article 1er, la Commission a supprimé, sur proposition de Gouvernement, la précision relative à la durée de formation des lauréats du concours professionnel. Elle a également retiré du projet de loi organique l’encadrement de la liberté syndicale des magistrats et la possibilité ouverte aux docteurs en droit enseignants de candidater au concours professionnel. Elle a précisé que le jury d’aptitude devait être composé en majorité de magistrats.

À l’article 2, la Commission a supprimé les critères précisés par le Sénat dans la loi organique sur le CSM pour les intégrer au sein de l’ordonnance statutaire. Elle a précisé la composition du collège d’évaluation, en explicitant la qualité de ceux de ses membres qui appartiennent au corps judiciaire. Elle a également ajouté une règle selon laquelle les membres magistrats doivent être majoritaires au sein du collège.

La Commission a également prévu la possibilité pour les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation de se voir proposer un entretien professionnel.

À l’article 3, la Commission a supprimé l’introduction par le Sénat de durées minimale et maximale d’exercice. Elle a néanmoins introduit une durée minimale d’exercice par un chef de juridiction avant que celui-ci puisse demander une décharge de ces fonctions.

L’article 5 a été rétabli dans sa version initiale par la Commission.

À l’article 6, la Commission a supprimé la mention de l’organisation d’une élection complémentaire par le collège électoral en cas de vacance définitive, ledit collège étant supprimé par l’article 6, qui supprime l’élection à deux degrés pour la désignation des membres de la commission d’avancement. Elle a également supprimé la mention selon laquelle la nouvelle commission d’avancement établit le tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade, cette compétence étant déjà prévue à l’article 3 du projet de loi organique. La Commission a en outre ouvert la possibilité d’organiser l’élection des membres de la commission d’avancement par voie électronique.

L’article 7 a été modifié pour qu’y figurent les mesures de coordinations nécessaires s’agissant du renouvellement du mandat des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

À l’article 8, la Commission a adopté de nombreuses modifications. Elle a :

– poursuivi le travail de reformulation du serment des magistrats, en y intégrant notamment la notion d’humanité ;

– prolongé de quinze jours le délai au terme duquel le CSM doit se prononcer sur les demandes d’interdiction temporaire d’exercice transmises par le garde des Sceaux ;

– ramené à cinq ans la durée maximale retenue pour la sanction d’interdiction d’être nommé dans des fonctions à juge unique ;

– rétabli l’obligation de transmission au garde des Sceaux des informations et observations du premier président de la Cour d’appel ou du président du tribunal supérieur d’appel ainsi que du magistrat poursuivi, qui sont remises à la commission d’admission des requêtes du CSM en cas de plainte d’un justiciable ;

– rétabli le principe selon lequel le silence gardé par le garde des Sceaux durant deux mois face à une demande d’enquête administrative formulée par la commission d’admission des requêtes du CSM vaut rejet. Elle a aussi précisé que la décision de rejet ne doit pas être motivée.

À l’article 8 bis, la Commission a supprimé la consultation obligatoire par le CSM du directeur général de l’administration de la fonction publique et de la commission de déontologie de la fonction publique dans le cadre de l’élaboration de la charte de déontologie des magistrats judiciaires.

À l’article 9, la Commission a ouvert la possibilité d’organiser les élections au CSM par voie électronique. Elle a aussi rétabli à trois le nombre de noms de candidats devant figurer sur les listes nationales de candidature, et rétabli à six mois le délai au terme duquel il doit être procédé à une désignation complémentaire d’un membre en cas de vacance définitive d’un siège.

À l’article 10, la Commission a étendu l’obligation déclarative à l’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice. Elle a prévu que sa déclaration serait remise au collège de déontologie des magistrats judiciaires.

La Commission des lois a procédé à des modifications rédactionnelles à l’article 11.

À l’article 12, la Commission a inséré des mesures transitoires nécessaires pour tenir compte de l’adoption de l’article 7 du projet de loi organique qui ouvre la possibilité de renouveler deux fois les mandats des magistrats intégrés provisoirement à temps partiel. Elle a également supprimé les dispositions transitoires relatives aux durées maximales et minimales d’exercices, ces dernières ayant été supprimées.

Seul l’article 4 n’a fait l’objet d’aucune modification par la Commission.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   COMMENTAIRE des articles

 

Article 1er
(art. 14, 15, 16, 17, 17-1, 18-1, 18-2, 19, 21-1, 22, 23, 24, 25, 25-1, 25-3, 25-4, 25-5 [nouveau], 26, 33, 40, 40-1, 40-8 à 40-13 [nouveaux], 41, 41-2, 41-3, 41-5, 41-9, 41-9-1 [nouveau], 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Réforme des voies d’accès au corps de la magistrature et de l’intégration provisoire à temps plein

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme en profondeur les voies d’accès à la magistrature.

S’agissant du recrutement des auditeurs de justice, le présent article diminue l’exigence d’expérience professionnelle pour candidater au troisième concours et fixe un quota plus élevé du nombre d’auditeurs pouvant être recrutés via le 3ème concours. La voie d’intégration directe sur titres en tant qu’auditeur de justice est supprimée.

S’agissant du recrutement latéral, le présent article procède à des changements substantiels.

Il substitue un nouveau concours professionnel aux voies d’intégration directe aux fonctions des premier et deuxième grades et aux concours complémentaires.

La voie d’intégration directe aux fonctions du troisième grade (anciennement hors hiérarchie) est conservée et légèrement élargie aux conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation ayant une durée d’exercice de six ans.

Une nouvelle voie d’intégration provisoire à temps plein est créée, celle de magistrat en service extraordinaire, à destination des professionnels ayant au moins quinze années d’activité.

L’article ouvre la possibilité du détachement dans le corps judiciaire aux fonctionnaires de l’Union européenne et prévoit explicitement la possibilité pour un détachement d’être renouvelé.

Le présent article retire à la commission d’avancement ses prérogatives de recrutement pour les confier à un jury d’aptitude qui évaluera la capacité des candidats à la magistrature à exercer des fonctions judiciaires.

Enfin, le présent article harmonise les modalités de formation des professionnels.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté douze amendements – huit en commission, quatre en séance publique. Ils viennent notamment préciser la composition du jury d’aptitude et la durée de la formation suivie par les candidats au concours professionnel. Le Sénat a également augmenté le quota de personnes pouvant être détachées dans la magistrature.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission, outre dix amendements rédactionnels de votre rapporteur, a adopté douze amendements. Elle est revenue sur six des modifications apportées par le Sénat et a adopté un amendement dispensant les docteurs en droit des épreuves d’admissibilité pour passer le troisième concours d’auditeur de justice.

1.   L’état du droit

Plusieurs voies coexistent actuellement pour accéder à la magistrature, ce qui pose des difficultés de lisibilité pour les candidats.

a.   Le recrutement des auditeurs de justice : trois concours et un accès sur titres

La voie principale est celle constituée par les trois concours qui permettent le recrutement des auditeurs de justice. Les conditions pour candidater à ces trois concours sont détaillées à l’article 17 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

L’article 16 précise les cinq conditions pour candidater à l’auditorat :

– être titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat ([1]) ;

– être de nationalité française ;

– jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité ;

– se trouver en position régulière au regard du code du service national ;

– remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires à l’exercice des fonctions.

Le premier concours, dit concours étudiant, est accessible aux candidats titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat. En 2022, 231 candidats ont été admis à ce concours pour 2 770 inscrits.

Le deuxième concours est ouvert aux fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics des collectivités territoriales qui justifient de quatre ans de services en ces qualités. En 2022, 47 candidats ont été admis pour 630 inscrits.

Le troisième concours est ouvert aux personnes justifiant d’une activité professionnelle ou d’un mandat de membre d’une assemblée élue, pendant une période de huit ans. En 2022, 7 candidats ont été admis pour 214 inscrits.

Les candidats aux deuxième et troisième concours ne sont pas concernés par l’exigence de diplôme fixée à l’article 16.

L’article 16 du décret n° 72-355 du 4 mai relatif à l’École nationale de la magistrature fixe les règles de répartition des postes ouverts entre les trois concours :

– 65 à 77 % des postes doivent être attribués aux candidats du premier concours ;

– 18 à 25 % des postes aux candidats du deuxième concours ;

– 5 à 10 % des postes aux candidats du troisième concours.

Aux lauréats de ces trois concours s’ajoutent les auditeurs recrutés sur titres selon les modalités prévues à l’article 18-1 de l’ordonnance statutaire. Les personnes ayant exercé pendant quatre ans dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales, années qui les qualifient pour l’exercice des fonctions judiciaires, peuvent être nommées directement auditeurs de justice, sans avoir à passer de concours. Elles doivent être titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique.

Le recrutement sur titres est également ouvert :

– aux docteurs en droit qui possèdent un autre diplôme d’études supérieures ;

– aux docteurs en droit qui justifient de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

–  aux personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à cinq années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique qui justifient de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

– aux personnes ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans après l’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à cinq années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique.

Les candidats sont nommés par arrêté du garde des Sceaux, après avis conforme de la commission d’avancement prévue à l’article 34 de l’ordonnance statutaire.

Le nombre d’auditeurs de justice recrutés au titre de l’article 18-1 ne peut excéder le tiers du nombre de places offerts aux trois concours d’auditeur de justice. En 2022, 62 auditeurs de justice ont été nommés en vertu de l’article 18-1, dont 27 juristes assistants et 13 avocats.

Le recrutement d’auditeurs sur titre n’est pas satisfaisant car les procédures peuvent être très longues (plus d’un an avant qu’un dossier d’intégration soit examiné par la commission d’avancement), et les candidats manquent de visibilité sur le calendrier.

Les lauréats du concours et les candidats recrutés sur titres sont nommés auditeurs au sein de la même promotion et suivent une formation probatoire de 31 mois. Seuls les auditeurs de justice qui sont docteurs en droit et qui justifient de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant suivent une formation plus courte.

Les auditeurs de justice doivent effectuer un stage juridictionnel au cours de leur formation. La note obtenue lors de ce stage est prise en compte pour établir le classement de sortie.

L’article 19 de l’ordonnance statutaire énumère, dans une liste non exhaustive, les activités que peuvent accomplir les auditeurs de justice lorsqu’ils participent à l’activité juridictionnelle :

– assister le juge d’instruction dans tous les actes d’information ;

– assister les magistrats du ministère public dans l’exercice de l’action publique ;

– siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles et correctionnelles ;

– présenter oralement devant celles-ci des réquisitions ou des conclusions ;

– assister aux délibérés des cours d’assises.

Les auditeurs de justice sont astreints au secret professionnel et prêtent serment devant les cours d’appel avant toute activité (article 20 de l’ordonnance statutaire). Ils ne peuvent pas recevoir de délégation de signature (article 19).

À l’issue de leur formation, les auditeurs sont classés par un jury d’aptitude (article 21). La composition de ce jury d’aptitude, précisée à l’article 45 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature, est la suivante :

– un magistrat hors hiérarchie à la Cour de cassation, président ;

– un directeur, chef de service ou sous-directeur au ministère de la justice ou un membre de l’Inspection générale de la Justice ayant la qualité de magistrat, vice-président ;

– un membre du Conseil d’État ou un magistrat de la Cour des comptes ;

– trois magistrats de l’ordre judiciaire ;

– deux professeurs des universités chargés d’un enseignement de droit ;

– un avocat ou un avocat honoraire.

Le jury ajoute à la déclaration d’aptitude une recommandation et, le cas échéant, des réserves sur les fonctions pouvant être exercées par cet auditeur. Le jury a la possibilité d’écarter un auditeur de l’accès à des fonctions judiciaires ou de lui imposer le renouvellement d’une année de formation (article 21). Il doit néanmoins préalablement entendre l’auditeur au cours d’un entretien.

L’article 56 du décret du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature prévoit que les auditeurs de justice signent un engagement d’accomplir au moins dix années de fonctions en qualité de magistrat.

b.   Des voies d’accès pour les professionnels multiples et peu lisibles

i.   Les différentes voies d’accès à la magistrature pour les professionnels

Les voies d’accès à la magistrature pour les professionnels sont multiples. Pour chaque voie d’accès sont établis des critères d’éligibilité et des modalités de formation différentes.

L’article 21-1 de l’ordonnance statutaire prévoit l’ouverture de deux concours pour recruter des magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire.

Pour accéder au second grade (grade plancher) de la hiérarchie judiciaire, les candidats doivent être âgés de 35 ans au moins et justifier d’au moins sept ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

Pour accéder au premier grade, les candidats doivent être âgés de 50 ans au moins et justifier d’au moins quinze ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

Les épreuves des concours sont prévues à l’article 2 du décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l’article 21-1 de l’ordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Les candidats doivent passer trois épreuves d’admissibilité et deux épreuves d’admission. Pour les candidats au premier grade, une troisième épreuve d’admission est prévue sous forme d’interrogation orale portant sur la procédure civile et pénale.

Les lauréats du concours suivent une formation probatoire de cinq mois, organisée par l’École nationale de la magistrature. Quatre mois sont effectués en juridiction. À l’issue de la formation, les candidats déclarés aptes par un jury d’aptitude effectuent un stage complémentaire pour une durée fixée par le jury et qui varie entre deux et quatre mois.

L’article 21-1 prévoit également un quota de recrutement au titre des concours complémentaires :

– pour le recrutement au second grade, le cinquième du nombre total de premières nominations intervenues au second grade au cours de l’année civile précédente ;

– pour le recrutement au premier grade, le dixième du nombre total de nominations en avancement au premier grade prononcées au cours de l’année précédente.

Aucun concours du premier grade n’a été organisé depuis 2016.

Ces concours s’adressent aux professionnels en reconversion. La promotion 2023 était composée de 76 stagiaires : 38 étaient issus du secteur privé, dont 22 avocats, et 37 du secteur public, dont 9 juristes assistants et 7 greffiers des services judiciaires ([2])

● L’intégration directe aux deux grades et à la hors hiérarchie

Les articles 22 et 23 de l’ordonnance statutaire organisent les modalités d’intégration directe dans le corps judiciaire aux fonctions du premier et du second grades.

L’article 22 prévoit ainsi que peuvent candidater aux fonctions du second grade de la hiérarchie, les candidats âgés d’au moins 35 ans et :

– qui remplissent les conditions prévues à l’article 16 et qui justifient d’au moins de sept années d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour l’exercice des fonctions judiciaires ;

– qui sont directeurs des services de greffe judiciaires et qui justifient d’au moins sept années de services effectifs dans leur corps ;

– qui sont fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice et qui justifient d’au moins sept années de services effectifs en cette qualité.

L’article 23 prévoit que peuvent candidater aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire :

– les personnes remplissant les conditions fixées à l’article 16 et qui justifient d’au moins quinze années d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

– les directeurs des services de greffe judiciaires remplissant les conditions de grade et d’emploi définies par décret en Conseil d’État, que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

La procédure pour l’intégration au premier et au second grades est identique.

L’instruction des dossiers est réalisée par le parquet général de la cour d’appel du ressort du lieu de résidence du candidat, qui doit recueillir les avis des chefs de cour d’appel et de tribunal judiciaire, les attestations et procéder à une enquête de moralité. Le délai total d’instruction, entre le dépôt de la candidature et le retour des dossiers à la chancellerie, est fixé à quatre mois.

La commission d’avancement procède ensuite à un premier examen du dossier. En cas d’avis favorable, le candidat suit une formation probatoire à l’École nationale de la magistrature d’une durée de sept mois : un mois de formation théorique et six mois de stage en juridiction.

À l’issue de la formation probatoire, un bilan est établi par le directeur de l’École nationale de la magistrature. Il est adressé au jury d’aptitude prévu à l’article 21, qui reçoit les candidats en entretien. Il se prononce ensuite sur l’aptitude des candidats à exercer les fonctions judiciaires. Son avis est transmis à la commission d’avancement, qui examine une seconde fois le dossier des candidats. Si le dossier fait l’objet d’un second avis favorable, le candidat suit une formation préalable aux fonctions sur lesquelles il est nommé, d’une durée de cinq mois.

Du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, la commission d’avancement a examiné 266 candidatures, dont 97 pour un recrutement au premier grade et 169 pour un recrutement au second grade. 40 candidats ont été admis à l’intégration directe sous réserve d’une formation, soit 15 % du nombre total de candidatures. Sur les 40 candidats admis, 21 étaient avocats auparavant, soit 53 %.

Des quotas sont prévus aux articles 25 et 25-1 :

– au cours d’une année civile, les nominations pour une intégration directe aux fonctions du second grade ne peuvent excéder un quart de la totalité des premières nominations intervenues au second grade au cours de l’année civile précédente ;

–  au cours d’une année civile, les nominations pour une intégration directe aux fonctions du premier grade ne peuvent excéder le dixième des promotions intervenues au premier grade au cours de l’année civile.

La durée moyenne entre la date du dépôt de la candidature et l’installation dans les premières fonctions est de 36 mois (dont 12 mois de formation probatoire).

La procédure pour l’intégration directe aux fonctions hors hiérarchie est prévue à l’article 40 de l’ordonnance statutaire.

Peuvent être nommés directement aux fonctions hors hiérarchie, s’ils remplissent les conditions prévues à l’article 16 de l’ordonnance statutaire :

– les conseillers d’État en service ordinaire ;

– les magistrats de l’ordre judiciaire détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l’École nationale de la magistrature ;

– les maîtres des requêtes au Conseil d’État ayant au moins dix ans de fonctions en cette qualité, après avis conforme de la commission d’avancement ;

– les professeurs des facultés de droit de l’État ayant enseigné au moins dix ans en qualité de professeur ou d’agrégé, après avis conforme de la commission d’avancement ;

– les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ayant au moins vingt ans d’exercice dans leur profession, après avis conforme de la commission d’avancement ;

– les avocats inscrits à un barreau français justifiant de vingt ans au moins d’exercice de leur profession, après avis conforme de la commission d’avancement, et sans possibilité d’être nommé sur des fonctions de premier président et de procureur général.

Pendant la période 2021-2022, la commission d’avancement a examiné deux candidatures, dont l’une qui a fait l’objet d’un avis favorable.

● L’intégration provisoire à temps plein ou à temps partiel

Deux voies d’accès permettent une intégration provisoire à temps plein dans le corps judiciaire : les personnes nommées conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire et les personnes détachées dans le corps judiciaire.

Conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire

Les articles 40-1 à 40-7 de l’ordonnance statutaire organisent les modalités d’intégration et d’exercice à la Cour de cassation des conseillers et des avocats généraux en service extraordinaire.

Les personnes qui remplissent les conditions prévues à l’article 16, justifient d’au moins vingt années d’activité professionnelle et dont les compétences et l’activité les qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions judiciaires à la Cour de cassation peuvent être nommées conseillers ou avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire.

Les conseillers en service extraordinaire exercent les attributions des magistrats du siège de la Cour de cassation. Les avocats généraux exercent les attributions confiées au ministère public près la Cour de cassation.

Le nombre de conseillers et avocats généraux en service extraordinaire est limité : l’article 40-1 fixe un plafond au dixième de l’effectif des magistrats hors hiérarchie du siège de la Cour de cassation (pour les conseillers) et au dixième de l’effectif des magistrats hors hiérarchie du parquet près ladite cour (pour les avocats généraux).

L’article 40-2 limite la durée d’exercice des conseillers et des avocats généraux en service extraordinaire à dix ans, non renouvelable.

Les conseillers et les avocats généraux en service extraordinaire ne peuvent être membres du Conseil supérieur de la magistrature ou de la commission d’avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances (article 41-4).

Depuis 2017, six conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation ont été nommés ([3]).

Le détachement dans le corps judiciaire

Les articles 41 et suivants organisent les modalités de détachement dans la magistrature.

Le détachement est possible pour les membres des corps recrutés par la voie de l’École nationale d’administration ([4]) et les professeurs et les maîtres de conférences des universités, ainsi que les fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires, sous réserve que ceux-ci appartiennent à des corps et cadres d’emplois de même niveau de recrutement (article 41).

Le détachement est prononcé après instruction du dossier par le parquet général de la cour d’appel du lieu de résidence du candidat, et l’examen du dossier par la commission d’avancement prévue à l’article 34 de l’ordonnance statutaire. Lorsque la commission prononce un avis favorable, la direction des services judiciaires propose un poste au candidat.

La commission se prononce également sur la recevabilité des candidatures. En 2021 et 2022, elle a ainsi considéré que les emplois de professeur certifié, d’attaché territorial ou encore d’inspecteur du travail ne correspondaient pas aux exigences statutaires prévues à l’article 41 ([5]).

Avant d’exercer des fonctions judiciaires, les personnes en détachement effectuent une formation préalable dans leurs fonctions d’affectation d’une durée de six mois.

L’article 41-5 limite la durée du détachement à cinq ans, non renouvelable.

Le nombre de détachements judiciaires est limité : il ne peut excéder un vingtième des emplois de chacun des grades (article 41-8).

Les principaux corps d’origine des personnes détachées dans le corps judiciaire de 2017 à 2021 étaient les magistrats administratifs, les maîtres de conférences et les officiers de gendarmerie.

Du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, la commission d’avancement a examiné 33 candidatures au détachement judiciaire, sur lesquelles elle a rendu 11 avis favorables.

L’article 41-9 prévoit que les personnes en détachement judiciaire peuvent intégrer la magistrature après, au minimum, trois ans dans le corps judiciaire. Pour intégrer au premier grade, les personnes détachées doivent justifier d’au moins sept années de service dans le corps judiciaire ou dans leur corps d’origine.

Du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, la commission d’avancement a examiné 13 candidatures d’intégration : toutes ont fait l’objet d’un avis favorable.

Les nominations dans le corps judiciaire de personnes détachées s’imputent sur les quotas de nomination fixés pour les concours complémentaires.

S’ajoutent enfin les voies permettant une intégration provisoire à temps partiel, les magistrats exerçant à titre temporaire (articles 41-10 à 41-16 de l’ordonnance statutaire) et les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ou non juridictionnelles (articles 41-25 à 41-32 de l’ordonnance statutaire). Les fonctions exercées par les magistrats ainsi recrutés sont limitées, et ils ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés.

Une voie d’accès particulière à la magistrature concerne les juges du livre foncier, une fonction spécifique aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Les registres du livre foncier font état des droits réels des propriétaires ainsi que des servitudes et des charges attachées à ces droits. Le juge du livre foncier contrôle notamment l’inscription des droits et la capacité et la représentation des contractants.

La fonction de juge du livre foncier est une particularité de ces trois départements. Dans les autres départements, c’est le service de la publicité foncière qui assure ces missions.

L’article 33 de l’ordonnance statutaire prévoit la possibilité pour les fonctionnaires des greffes des juridictions des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle d’être nommés juges du livre foncier, dans des conditions fixées par décret.

L’article 11 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit deux accès différenciés selon les diplômes des fonctionnaires de greffe.

Lorsque les fonctionnaires des directeurs des services de greffe judiciaires sont licenciés en droit, ils doivent justifier d’au moins huit années d’exercice de leurs fonctions pour être nommés juges du livre foncier. Les fonctionnaires du corps des greffiers en chef des services judiciaires qui ne sont pas licenciés en droit doivent quant à eux justifier d’au moins quinze années de service, dont huit au moins en qualité de greffier en chef ou de directeur des services de greffe judiciaire.

Après trois ans d’exercice dans ces fonctions, les juges du livre foncier peuvent accéder aux autres fonctions du second grade du corps judiciaire. Les juges du livre foncier non titulaires d’une licence en droit doivent faire l’objet d’un avis conforme de la commission d’avancement. Celle-ci peut subordonner son avis à l’accomplissement d’un stage probatoire en juridiction, et d’une période de formation.

Cette possibilité d’accès aux autres fonctions du second grade a été ajoutée par l’article 46 de la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

ii.   Les difficultés posées par la multiplication des voies

Les recrutements au titre du concours complémentaire, de l’intégration directe et de l’intégration après détachement ne peuvent pas représenter plus de 45 % des premières nominations intervenues au second grade de l’année civile précédente (pour le second grade) et plus de 20 % des promotions au premier grade intervenues au cours de l’année civile précédente (pour le premier grade).

La mise en place de ces quotas illustre la volonté du législateur organique de préserver un équilibre, au sein du corps de la magistrature, entre les magistrats ayant suivi le parcours de l’auditorat et ceux ayant eu une activité professionnelle antérieure.

Cette volonté se concilie avec la volonté de favoriser l’ouverture et la diversité du corps judiciaire, illustrée par le fait qu’en 2021, les professionnels en reconversion représentaient 55 % des recrutements effectués (par voie de concours ou par les procédures de recrutement sur dossiers).

Néanmoins, la multiplicité des voies d’accès à la magistrature pour les personnes ayant eu une activité professionnelle antérieure est source de complexité pour les candidats et nuit à l’attractivité du corps judiciaire. Le rapport du comité des États généraux de la justice déplore ainsi « l’absence d’un dispositif de recrutement adapté à la recherche de profils de haut niveau, comme la lenteur et l’incohérence du processus de recrutement latéral » ([6]) . Le rapport d’activité 2021-2022 de la commission d’avancement souligne, lui, que « la durée totale de la procédure d’intégration directe est particulièrement longue » ([7]).

L’étude d’impact du présent projet de loi organique rappelle ainsi que le statut de la magistrature compte dix voies d’accès pour les professionnels qui souhaitent intégrer le corps judiciaire, chacune avec des processus de recrutement et des exigences de formation propres.

L’article 1er du projet de loi organique procède ainsi à la refonte des voies d’accès à la magistrature pour les professionnels et à l’harmonisation des exigences de formation des futurs magistrats.

2.   Le projet de loi organique initial

Le présent article procède à une refonte des voies d’accès à la magistrature, pour simplifier et harmoniser les recrutements des futurs magistrats.

Il fait disparaître les recrutements sur titre – à l’exception du recrutement sur titre pour accéder au troisième grade – et unifie les voies d’accès destinées aux personnes ayant une activité professionnelle antérieure en créant un concours professionnel permettant d’accéder aux premier et deuxième grades (anciens second et premier grades).

L’article crée une nouvelle voie d’intégration à titre provisoire : le magistrat en service extraordinaire, qui pourra exercer des fonctions du deuxième grade (actuel premier grade). La voie d’intégration directe aux fonctions du troisième grade (qui remplace l’intégration directe aux fonctions hors hiérarchie) est modifiée à la marge. L’article ouvre également la possibilité de renouveler un détachement dans le corps judiciaire.

Pour harmoniser le processus, le recrutement est confié à un seul jury, chargé d’évaluer l’aptitude des candidats à exercer des fonctions judiciaires. Ce jury aura ainsi une vision transversale des candidatures. Les modalités de formation des futurs magistrats sont également clarifiées. Les candidats au concours professionnel suivront une formation probatoire de douze mois à l’École nationale de la magistrature. Suivra également une formation à l’École nationale de la magistrature avant d’exercer des fonctions judiciaires :

– les juges du livre foncier souhaitant exercer d’autres fonctions du premier grade ;

– les magistrats en service extraordinaire ;

– les candidats à un détachement dans le corps judiciaire.

a.   Des modifications à la marge sur les trois concours d’auditeurs de justice et sur le stage en juridiction pendant la formation

Le 5° modifie l’article 17 de l’ordonnance statutaire, qui fixe les conditions dans lesquelles les candidats peuvent concourir pour devenir auditeurs de justice. Il modifie les conditions d’accès au troisième concours. L’exigence d’expérience professionnelle nécessaire pour candidater au troisième concours est fixée à quatre ans, contre huit ans dans le droit actuel. La possibilité de concourir auparavant ouverte aux personnes justifiant d’un mandat de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou de fonctions juridictionnelles à titre non professionnel est supprimée.

Le nombre de postes offerts pour chaque concours sera fixé chaque année par un arrêté du garde des Sceaux. Le 5° inscrit également dans la loi organique la répartition des postes offerts pour chaque concours : le nombre d’auditeurs recrutés au titre du troisième concours ne peut excéder le tiers des places offertes aux premier et deuxième concours pour le recrutement d’auditeurs de justice de la même promotion (contre un pourcentage fixé de 5 % à 10 % par décret dans le droit existant). Ce quota reproduit celui existant actuellement pour les auditeurs de justice recrutés en vertu de l’article 18-1 de l’ordonnance statutaire.

Le 6° modifie l’article 17-1 de l’ordonnance statutaire qui concerne la limite d’âge pour l’accès par voie de concours à la magistrature. L’article 17-1 dans la rédaction proposée par le présent projet de loi organique institue une seule limite d’âge supérieure opposable aux candidats, qui est celle permettant aux intéressés d’avoir satisfait à l’engagement de servir l’État.

Le 8° complète l’article 19 de l’ordonnance statutaire, qui détaille la participation des auditeurs de justice aux activités juridictionnelles, pour prévoir que le régime de stages et d’études est adapté à la formation d’origine des auditeurs de justice.

b.   La suppression du recrutement sur titre et des concours complémentaires

Le 7° abroge les articles 18-1 et 18-2 de l’ordonnance statutaire qui prévoient l’intégration directe sur titres au sein du corps de la magistrature. Les personnes qui pouvaient candidater au recrutement sur titre pour devenir auditeur de justice pourront se reporter sur le 3ème concours ou sur le concours professionnel.

Le 9° abroge l’article 21-1 qui prévoyait les conditions pour candidater aux concours complémentaires.

c.   La simplification des voies ouvertes aux personnes ayant une expérience professionnelle antérieure par la création du concours professionnel

Du 11° au 19°, l’article 1er du présent projet modifie les articles de l’ordonnance statutaire pour remplacer les concours complémentaires et les voies d’intégration directe aux fonctions des premier et second grades par un concours professionnel.

L’article 22 est modifié par le 11° : il fixe le principe de l’ouverture d’un concours professionnel pour le recrutement de magistrats au premier et au deuxième grades du corps judiciaire. Les candidats doivent remplir les conditions prévues à l’article 16 ainsi que des conditions complémentaires fixées aux articles 23 et 24, au plus tard à la date de la première épreuve du concours.

Les conditions d’application de l’article 22 seront fixées par décret en Conseil d’État.

L’article 23 de l’ordonnance statutaire est modifié par le 12° : il précise les conditions pour candidater au concours professionnel et intégrer la magistrature au premier grade (ancien second grade).

Le concours professionnel pour recruter des magistrats du premier grade (grade plancher) est ainsi ouvert :

– aux personnes titulaires d’un bac + 4 ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente, et justifiant de sept années au moins d’exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

– aux juristes assistants et aux attachés de justice justifiant de trois années au moins d’exercice professionnel en cette qualité ;

– aux directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de cinq années de services effectifs dans leur corps ;

– aux avocats justifiant d’au moins cinq années d’exercice en cette qualité.

L’article 24 de l’ordonnance statutaire est rétabli par le 13° : il précise les conditions pour candidater au concours professionnel et intégrer la magistrature au deuxième grade (ancien premier grade).

Le concours professionnel pour recruter des magistrats du deuxième grade est ainsi ouvert :

– aux personnes titulaires d’un bac + 4 et justifiant de quinze ans au moins d’exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

– aux magistrats recrutés en tant que conseillers ou avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire qui justifient d’au moins cinq années d’activité en cette qualité ;

– aux directeurs des services de greffe judiciaires qui remplissent les conditions de grade et d’emploi définies par décret en Conseil d’État et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer les fonctions judiciaires visées au présent article ;

– aux avocats justifiant d’au moins dix années d’exercice professionnel en cette qualité.

L’article 25 de l’ordonnance statutaire est modifié par le 14° et fixe les quotas de recrutement par la voie du concours professionnel.

Ainsi, le nombre total de postes offerts pour une année déterminée au premier grade de la hiérarchie ne peut excéder la moitié du nombre total des premières nominations au premier grade intervenues au cours de l’année civile précédente, et le nombre total de postes offerts au deuxième grade de la hiérarchie judiciaire pour une année déterminée ne peut excéder le quart du nombre total des premières nominations intervenues au deuxième grade au cours de l’année civile précédente.

Le nombre total de postes ouverts pour le concours professionnel est fixé par le garde des Sceaux. Il est précisé dans l’étude d’impact que le jury n’aura pas d’obligation de pourvoir tous les postes ([8]).

Ces quotas de recrutement font l’objet d’un moratoire pendant une période de quatre ans (2025-2028), pour atteindre les objectifs de recrutement fixés dans la loi de programmation de la Justice. Ce moratoire est prévu à l’article 12 du présent projet de loi organique.

La nature des épreuves du concours doit être précisée par la voie réglementaire. L’étude d’impact évoque des épreuves écrites sur le format de notes d’analyse et de propositions à partir d’un dossier documentaire et un entretien avec le jury sur la base d’un dossier rempli par lui ([9]).

Le 15° et le 16° modifient respectivement les articles 25-1 et 25-2 de l’ordonnance statutaire pour préciser les modalités de formation des lauréats du concours professionnel.

L’article 25-1 prévoit que les candidats admis au concours professionnel suivent une formation probatoire délivrée par l’École nationale de la magistrature en qualité de stagiaires, pendant laquelle ils sont rémunérés. Cette formation doit comporter un stage en juridiction, effectué dans les mêmes conditions que le stage en juridiction prévu pour les auditeurs de justice à l’article 19. Ils prêtent serment avant toute activité et sont astreints au secret professionnel pendant toute la durée de la formation.

L’article 25-2 fixe les conditions dans lesquelles le jury d’aptitude se prononce, à l’issue de la formation probatoire, sur la capacité des stagiaires à exercer des fonctions judiciaires. La déclaration d’aptitude de chaque stagiaire est accompagnée d’une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions pouvant être exercées par le stagiaire. Le jury peut, s’il l’estime opportun, écarter un stagiaire de l’accès à certaines fonctions ou lui imposer le renouvellement de tout ou partie de la formation. Le garde des Sceaux assure la publication au Journal officiel de la liste des stagiaires déclarés aptes par le jury.

Le présent projet de loi organique ne précise pas la composition du jury d’aptitude. L’étude d’impact indique qu’il comprendra des magistrats mais également des personnes qui ne sont pas magistrats (avocat, professionnel du recrutement, psychologue).

Ce jury sera chargé de se prononcer sur l’ensemble des candidats ayant eu une carrière professionnelle antérieure – à l’exception des candidats aux deuxième et troisième concours, ce qui lui permettra d’avoir une vision transversale et harmonisée.

Une formation complémentaire est dispensée aux stagiaires déclarés aptes, jusqu’à leur nomination aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés dans les formes prévues à l’article 28, c’est-à-dire un décret de nomination pris par le Président de la République sur proposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

La durée, le contenu et les modalités d’affectation des stagiaires déclarés aptes une fois la formation achevée seront fixés par décret en Conseil d’État. Selon le directeur des services judiciaires, la durée de la formation serait fixée à 12 mois, dont 6 mois de stage juridictionnel et 3 mois de stage de pré-affectation.

L’hypothèse d’un classement à l’issue de la formation probatoire a été écartée.

Le 17° procède à l’abrogation des articles 25-3 et 25-4 de l’ordonnance statutaire.

L’article 25-3 de l’ordonnance statutaire prévoit les modalités de formation des candidats à une intégration directe. L’article 25-4 de l’ordonnance statutaire concerne les personnes intégrées directement dans la magistrature et notamment la prise en compte de leurs activités professionnelles antérieures pour constituer leurs droits à pension de retraite de l’État.

Le 18° insère un nouvel article 25-5 au sein de l’ordonnance statutaire qui précise que les jurys des concours et les jurys d’aptitude peuvent se constituer en groupe d’examinateurs. S’il y a lieu, ils procèdent ensuite à une péréquation des notes attribuées par chaque groupe d’examinateur, pour assurer l’égalité de notation entre les candidats. L’introduction de cette disposition vise à répondre à l’augmentation des recrutements prévus sur les prochaines années.

Le 19° modifie l’article 26 pour harmoniser la prise en compte des années d’activité professionnelle pour les auditeurs de justice et les stagiaires.

Il précise ainsi que les années d’activité professionnelle antérieures à la première nomination dans le corps judiciaire sont prises en compte dans le classement indiciaire des magistrats et dans leur avancement, dans des conditions fixées par décret. Cette prise en compte est néanmoins subordonnée au versement d’une contribution et sous réserve de la subrogation de l’État pour le montant des prestations auxquelles ces personnes pourront avoir droit pour les périodes rachetées.

d.   Harmoniser la formation des juges du livre foncier

Le 20° modifie l’article 33 de l’ordonnance statutaire qui fixe les conditions d’accès des juges du livre foncier aux autres fonctions du second grade.

Il procède à une coordination en lien avec la modification de la structure du corps judiciaire pour préciser que les juges du livre foncier peuvent accéder aux fonctions du premier grade (futur grade plancher).

Il supprime également la distinction existante entre les juges du livre foncier licenciés en droit et ceux qui ne le sont pas. L’ensemble des juges du livre foncier souhaitant exercer des fonctions du premier grade devra suivre une formation probatoire comportant un stage en juridiction. L’objectif est de garantir que les juges du livre foncier aient les compétences requises pour l’exercice des missions du premier grade.

Ils sont astreints au secret professionnel et doivent prêter serment au début de leur stage juridictionnel.

Le jury d’aptitude prévu à l’article 25-2 doit se prononcer sur l’aptitude des candidats à exercer d’autres fonctions du premier grade. Comme pour les candidats du concours professionnel, il peut assortir sa déclaration d’aptitude d’une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions que le candidat peut exercer.

Le jury d’aptitude aura la possibilité d’écarter un candidat de l’accès à ces fonctions ou de lui imposer le renouvellement de la formation.

e.   L’élargissement des candidats éligibles à l’intégration directe aux fonctions du troisième grade

Le 21° modifie l’article 40 de l’ordonnance statutaire pour ouvrir la possibilité aux conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire ayant exercé en cette qualité pendant six ans d’être nommé sur des fonctions du troisième grade (qui remplace le hors hiérarchie).

Il prévoit également que les candidats à l’intégration directe aux fonctions de troisième grade devront être nommés sur avis conforme du jury d’aptitude prévu à l’article 25-2, en cohérence avec la volonté d’harmonisation des voies de recrutement de personnes ayant eu une activité professionnelle antérieure. Seuls les conseillers d’État en service ordinaire en sont exonérés.

f.   La création d’une nouvelle voie d’intégration provisoire à temps plein : magistrat en service extraordinaire dans les cours d’appel et les tribunaux judiciaires

Le 23° de l’article 1er du présent projet crée une nouvelle voie d’intégration provisoire à temps plein sous la forme de magistrat en service extraordinaire. Il insère une nouvelle sous-section au sein de la section « De l’intégration provisoire à temps plein », intitulée « Des magistrats des cours d’appel et tribunaux en service extraordinaire », composée de cinq nouveaux articles.

Les dispositions sont calquées sur celles prévues pour les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation.

L’article 40-8 fixe les conditions d’éligibilité pour devenir magistrat en service extraordinaire. Les candidats doivent respecter les conditions suivantes :

– les critères fixés à l’article 16 de l’ordonnance statutaire pour les candidats à l’auditorat ([10]) ;

– être titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation d’au moins quatre ans après le baccalauréat ;

– justifier d’au moins quinze ans d’activité professionnelle, et d’une compétence et d’une activité les qualifiant particulièrement pour l’exercice des fonctions judiciaires.

Ils sont alors nommés sur des fonctions du deuxième grade des cours d’appel et des tribunaux de première instance, à l’exception des fonctions spécialisées mentionnées à l’article 28-3 de l’ordonnance statutaire ([11]).

Selon l’étude d’impact, les candidats visés sont plutôt des personnes possédant une expertise technique particulièrement recherchée par le corps judiciaire, qui soit complémentaire de celle des magistrats. Le rapport des États généraux de la justice préconisait le recrutement de juges en service extraordinaire choisis parmi les enseignants dans les facultés de droit ([12]). Cela recoupe la recommandation formulée en 2013 dans un rapport de l’Institut des hautes études sur la justice ([13]) de recruter des juges en service extraordinaire ayant des compétences dans des matières très spécialisées.

L’article 40-8 fixe également un quota : le nombre de magistrats en service extraordinaire ne peut excéder le dixième de l’effectif des magistrats du siège de la cour d’appel et le dixième de l’effectif des magistrats du parquet de ladite cour (article 40-8).

L’article 40-9 précise les conditions dans lesquelles un magistrat en service extraordinaire peut être nommé.

Un magistrat en service extraordinaire est nommé après avis conforme du jury d’aptitude pour une période de trois ans, renouvelable une fois. Avant de prendre ses fonctions, il suit une formation dispensée par l’École nationale de la magistrature, qui comporte un stage en juridiction. Le directeur des services judiciaires, lors de son audition, a évoqué une formation de six mois, qui ne serait pas probatoire. Le jury peut décider d’en dispenser le candidat au regard de son expérience professionnelle, à titre exceptionnel. Le magistrat en service extraordinaire prête serment au début de son stage.

Lors de son stage en juridiction, il a un statut similaire à celui d’un auditeur de justice : il peut exercer les missions énumérées à l’article 19 de l’ordonnance statutaire, sans pouvoir recevoir délégation de signature. Il est également astreint au secret professionnel (premier alinéa de l’article 20 de l’ordonnance statutaire).

L’article 40-9 renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions de recueil et d’instruction des dossiers de candidature.

L’article 40-10 précise les cas de cessation de fonctions d’un magistrat en service extraordinaire. La cessation de fonctions se fait :

– à la demande du magistrat en service extraordinaire ;

– lorsque le magistrat en service extraordinaire a fait l’objet d’une mise à la retraite d’office ou d’une révocation.

Le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats en service extraordinaire s’exerce dans les conditions prévues par le chapitre VII de l’ordonnance statutaire, qui concerne la discipline de l’ensemble des magistrats. Aux différentes sanctions disciplinaires prévues à l’article 45 est ajoutée une sanction exclusive des autres pour les magistrats en service extraordinaire : la cessation de fonction.

L’article 40-11 organise le régime d’incompatibilités des magistrats en service extraordinaire. Ils ne peuvent pas être membres du Conseil supérieur de la magistrature ou de la commission d’avancement, ni participer à leur désignation. Ces restrictions s’appliquent déjà pour les conseillers et les avocats généraux en service extraordinaire (article 40-4 de l’ordonnance statutaire). Ils sont soumis au statut de la magistrature mais ne peuvent ni recevoir d’avancement de grade, ni bénéficier d’une mutation dans le corps judiciaire. Comme les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire, il est interdit aux magistrats en service extraordinaire de prendre une position publique en relation avec les fonctions exercées pendant une période d’un an à compter de la cessation de leurs fonctions.

L’article 40-11 prévoit les conditions dans lesquelles un magistrat en service extraordinaire peut se prévaloir de l’honorariat de ces fonctions à l’expiration de celles-ci. Il doit avoir exercé pendant six ans. L’honorariat peut être refusé par l’autorité qui prononce la cessation de fonctions, qui motive sa décision.

Lorsque le magistrat en service extraordinaire fait l’objet de poursuites disciplinaires, il ne peut se prévaloir de l’honorariat avant le terme de la procédure, et celui-ci peut lui être refusé par l’autorité chargée de prononcer la cessation de fonctions.

L’article 40-12 prévoit les règles applicables lorsque le magistrat en service extraordinaire est fonctionnaire. Il est alors placé en position de détachement de son corps d’origine et ne peut pas recevoir d’avancement de grade dans ce corps pendant toute la durée de ses fonctions en tant que magistrat en service extraordinaire.

Lorsque le magistrat ayant la qualité de fonctionnaire fait l’objet d’une sanction disciplinaire telle que l’abaissement d’échelon, la rétrogradation, la mise à la retraite d’office ou la révocation, elle produit le même effet dans son corps d’origine.

L’article 40-12 fixe également les conditions de réintégration des fonctionnaires dans leur corps d’origine.

À l’expiration de leurs fonctions, les magistrats en service extraordinaire ayant la qualité de fonctionnaire sont réintégrés de plein droit dans leur corps d’origine, au grade correspondant à l’avancement moyen des membres du corps se trouvant dans la même situation lors de son départ en détachement.

La commission chargée de veiller aux conditions de réintégration dans la fonction publique des fonctionnaires nommés conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation (article 40-5 de l’ordonnance statutaire) est investie de la même mission pour les fonctionnaires détachés pour exercer les fonctions de magistrat en service extraordinaire.

Le magistrat en service extraordinaire qui bénéficiait d’un contrat de travail avant sa nomination peut en demander la suspension jusqu’à l’expiration de ses fonctions. Il doit manifester l’intention de reprendre son contrat au plus tard dans les deux mois qui suivent l’expiration de ses fonctions.

S’agissant de la couverture sociale des magistrats en service extraordinaire, ce sont les dispositions applicables aux conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation, prévues à l’article 40-7 de l’ordonnance, qui s’appliquent. Les agents titulaires de la fonction publique restent soumis à leur régime social. Pour les autres, le régime des agents non titulaires de l’État s’applique.

L’article 40-13 prévoit les modalités d’intégration des magistrats en service extraordinaire au sein du corps judiciaire. Pour y prétendre, les magistrats en service extraordinaire doivent justifier d’au moins trois années d’exercice en cette qualité. Ils sont nommés au deuxième grade après avis conforme du jury d’aptitude. Les conditions de recueil et d’instruction des dossiers de candidature seront déterminées par décret en Conseil d’État.

g.   Un assouplissement des conditions de détachement

Du 24° au 29°, les articles relatifs au détachement judiciaire sont modifiés en cohérence avec les changements apportés à la procédure de recrutement, notamment la nouvelle répartition des rôles entre commission d’avancement et jury d’aptitude.

Le 24° modifie l’article 41 qui énumère les personnes pouvant faire l’objet d’un détachement judiciaire pour remplacer la référence à l’École nationale d’administration par celle de l’Institut national du service public. Il ouvre également la possibilité aux fonctionnaires de l’Union européenne qui sont de nationalité française la possibilité de faire un détachement judiciaire.

Le 25° modifie l’article 41-2 de l’ordonnance statutaire qui donne compétence à la commission d’avancement pour se prononcer sur le détachement judiciaire. En cohérence avec les modifications apportées s’agissant du concours professionnel, l’article transfère la compétence au jury d’aptitude visé à l’article 25-2.

Le 26° modifie l’article 41-3 de l’ordonnance statutaire relatif à la formation des magistrats en détachement. La commission d’avancement ne se prononce plus sur les modalités du stage : c’est le jury d’aptitude qui peut dispenser le candidat de formation, à titre exceptionnel et au vu de son expérience professionnelle.

Le 27° assouplit les conditions de détachement : il supprime l’impossibilité de renouvellement d’un détachement prévue à l’article 41-5 et prévoit qu’un second détachement peut être prononcé pour cinq ans, dans les conditions prévues à l’article 41-2.

Le 28° modifie l’article 41-9 qui concerne l’intégration dans le corps judiciaire des personnes qui y sont détachées. : il remplace l’avis donné par la commission d’avancement par un avis conforme donné par le jury d’aptitude prévu à l’article 25-2. Il renvoie à un décret la détermination des conditions de recueil et d’instruction des dossiers de candidature.

Le 29° crée un nouvel article 41-9-1 qui prévoit que les nominations dans le corps judiciaire prononcées pour les magistrats en service extraordinaire et les personnes en détachement judiciaire s’imputent sur les quotas de nomination fixés à chaque niveau hiérarchique pour les candidats issus du concours professionnel. Cela remplace les quotas fixés dans la rédaction actuelle de l’ordonnance à l’article 41-9.

h.   Divers alinéas de coordination

Plusieurs alinéas de l’article 1er du présent projet de loi organique procèdent à des coordinations.

Le 1° procède à deux modifications dans l’article 14 de l’ordonnance statutaire pour supprimer la référence à la voie d’accès d’intégration directe et intégrer la référence au concours professionnel.

Le 2° modifie le titre de la section I du chapitre II, en substituant « Du recrutement des auditeurs de justice » à « De l’accès au corps judiciaire par l’École nationale de la magistrature ».

Le 3° supprime, à l’article 15, la mention d’auditeurs de justice recrutés sur titres.

Le 4° procède à diverses coordinations à l’article 16, qui concerne les conditions d’éligibilité à l’auditorat.

Le 10° modifie le titre de la section II du chapitre II, en substituant « Du recrutement des stagiaires » à « De l’intégration directe dans le corps judiciaire ».

Le 22° fait deux modifications de coordination à l’article 40-1 de l’ordonnance statutaire.

Le 30° procède à des coordinations à l’article 41-12 qui portent sur la formation des magistrats exerçant à titre temporaire.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté douze amendements – huit en commission et quatre en séance (dont deux identiques).

L’amendement COM-38, déposé par les rapporteures, corrige une erreur matérielle aux alinéas 2 à 4 de l’article 1er du présent projet de loi organique.

L’amendement COM-39, déposé par Mme Canayer, rapporteure, est un amendement rédactionnel.

L’amendement COM-40, déposé par les rapporteures, procède à cinq modifications.

En premier lieu, il ajoute la mention que le troisième concours est de même niveau que les deux premiers concours, mention qui figure à l’article 17 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction actuelle.

En deuxième lieu, il inscrit dans le présent projet de loi organique la durée de la formation que suivent les candidats admis au concours professionnel, qui ne peut être inférieure à dix-huit mois. L’objectif est d’allonger la durée du stage de pré-affectation suivi par les futurs magistrats.

En troisième lieu, l’amendement précise la composition du jury d’aptitude : moins de la moitié des membres seront magistrats en activité ou honoraires, alors que la rédaction initiale de l’article 1er ne mentionnait pas de clé de répartition entre magistrats et non magistrats.

En quatrième lieu, l’amendement ajoute, s’agissant des magistrats détachés, qu’ils ne peuvent être en aucun cas relevés de leur serment.

En cinquième lieu, l’amendement relève le quota de personnes qui peuvent être détachées au sein de la magistrature pour le fixer à un quinzième des emplois de chacun des premier et deuxième grades, alors qu’il est fixé à un vingtième des emplois de chaque grade actuellement.

L’amendement COM-7, déposé par Mme Harribey (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain), complète le paragraphe qui concerne le régime de stage et d’études des futurs magistrats pour prévoir que celui-ci, en plus d’être adapté à leur formation d’origine, doit également être adapté le cas échéant à leur expérience professionnelle.

Les amendements COM-41 et COM-42, déposés par les rapporteures, sont des amendements rédactionnels.

L’amendement COM-9, déposé par Mme Harribey (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain), prévoit que les magistrats en service extraordinaire ne peuvent être membres du jury d’aptitude prévu à l’article 25-2 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction issue du projet de loi organique.

L’amendement COM-37, déposé par les rapporteures, ajoute qu’un décret en Conseil d’État doit déterminer les conditions d’application de l’article 1er.

En séance, trois modifications complémentaires ont été apportées à l’article 1er.

L’amendement n° 38 rect., déposé par M. Bonnecarrère (Union centriste) et adopté avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, insère un nouvel alinéa au sein de l’article 10-1 de l’ordonnance statutaire, qui concerne le droit syndical des magistrats. Il ajoute que le droit syndical doit s’exercer dans le respect du principe d’impartialité qui s’impose aux membres du corps judiciaire.

L’amendement n° 74, déposé par le Gouvernement, et adopté avec un avis favorable de la commission, ouvre la possibilité aux docteurs en droit détenteur d’un autre diplôme d’études supérieures de candidater au troisième concours pour devenir auditeur de justice.

L’amendement n° 44, déposé par M. Benarroche (groupe Écologiste, solidarité et territoires), et l’amendement identique n° 77 déposé par les rapporteures, ont été adoptés avec un avis défavorable du Gouvernement. Ils prévoient la possibilité pour les docteurs en droit ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche dans un domaine juridique pendant cinq ans, de passer le concours professionnel pour le recrutement de magistrats du premier grade.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois souscrit à l’objectif de simplification des voies d’accès à la magistrature et se félicite de la création d’une nouvelle voie d’intégration provisoire à temps plein, c’est-à-dire le statut de magistrat en service extraordinaire. Cette réforme d’ouverture du corps judiciaire doit faciliter le recrutement des 1 500 magistrats supplémentaires prévu à l’article 1er de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice de 2023-2027.

Elle adopte vingt-deux amendements à l’article 1er, dont dix amendements rédactionnels déposés par votre rapporteur.

● Cinq amendements identiques ont été déposés par différents groupes pour supprimer l’ajout du Sénat encadrant la liberté syndicale des magistrats : l’amendement CL11 de Mme Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés), l’amendement CL22 de Mme Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine), l’amendement CL52 de M. Ugo Bernalicis (La France Insoumise), l’amendement CL79 de Mme Caroline Abadie (Renaissance) et l’amendement CL95 de votre rapporteur. Ils ont été adoptés avec un avis favorable du Gouvernement. Votre rapporteur considère que prévoir que l’exercice du droit syndical s’exerce dans le respect du principe d’impartialité revient à vider l’action syndicale de son sens et se félicite donc de cette suppression.

● S’agissant du concours pour accéder à l’auditorat, prévu à l’article 18, une modification a été apportée par l’amendement CL45 de M. Guillaume Gouffier-Valente, adopté après avis défavorables de votre rapporteur et du Gouvernement. L’amendement modifie l’accès au troisième concours d’auditeur de justice pour les personnes titulaires d’un doctorat : seules les titulaires du diplôme national de doctorat en droit pourront candidater. Ils seront alors dispensés d’épreuves d’admissibilité. Le texte initial prévoyait de réserver l’accès aux docteurs en droit possédant un autre diplôme d’études supérieures et ne les dispensait pas d’épreuves.

● Quatre amendements, dont deux identiques, ont apporté des modifications aux modalités du concours professionnel.

Le premier, l’amendement CL97 déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, supprime une disposition introduite par le Sénat qui permettait d’ouvrir le concours professionnel pour le recrutement de magistrats du premier grade aux docteurs en droit ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche dans un domaine juridique dans un établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans.

Le deuxième, l’amendement CL168 déposé par le Gouvernement et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, supprime la précision adoptée par le Sénat sur la durée de la formation des stagiaires du concours professionnel (fixée à dix-huit mois).

La troisième modification, proposée à la fois par votre rapporteur (amendement CL98) et par Mme Caroline Abadie (amendement CL80) et adoptée avec un avis de sagesse du Gouvernement, modifie la répartition du jury d’aptitude telle que précisée par le Sénat. Alors que celui-ci prévoyait que moins de la moitié de ses membres seraient magistrats en activité ou honoraires, les deux amendements inversent la proportion pour que les magistrats en activité ou honoraires soient majoritaires.

● L’amendement CL147, déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, a supprimé un ajout du Sénat s’agissant des magistrats en service extraordinaire, qui précisait que ceux-ci ne pouvaient pas être membres du jury d’aptitude des stagiaires. Considérant que cette précision était superfétatoire, votre rapporteur en a proposé la suppression.

● Enfin, l’amendement CL100, déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, supprime l’augmentation du nombre de personnes pouvant être détachées dans le corps judiciaire, prévue par le Sénat.

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*     *

Article 2
(art. 12-1-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Évaluation des chefs de cour d’appel et de tribunal

 

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Aucune disposition ne prévoit aujourd’hui l’évaluation des chefs de cour d’appel. Le présent article prévoit donc une évaluation élargie pour les chefs de cour d’appel et de tribunal. Cette évaluation, conduite par un collège d’évaluation composé de magistrats et de non-magistrats, vise à évaluer les capacités du magistrat évalué à l’administration et à la gestion.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 12-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui organise les modalités de l’évaluation des magistrats (hors chefs de cour), a été modifié par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature. L’article 13 de ladite loi a notamment complété l’article 12-1 de l’ordonnance pour préciser les critères pris en compte par l’autorité chargée de l’évaluation.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté deux amendements – un en commission, un en séance publique, qui viennent préciser à la fois les modalités de l’évaluation et la composition du collège qui en est chargé.

       Modifications apportées par la Commission

 

La commission des Lois a apporté plusieurs précisions sur la composition du collège d’évaluation et a créé un nouvel entretien professionnel pour les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation.

1.   L’état du droit

a.   L’évaluation des magistrats est prévue dans l’ordonnance statutaire, à l’exception des chefs de cour

Les modalités de l’évaluation des magistrats sont prévues à l’article 12-1 de l’ordonnance statutaire. Ces modalités sont précisées par le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance statutaire.

Un magistrat est évalué tous les deux ans, lorsqu’il est présenté à l’avancement et lorsqu’il candidate à un renouvellement de ses fonctions.

Le magistrat établit un bilan de son activité. Il est ensuite reçu en entretien avec le chef de juridiction ou le chef de service, selon son affectation. L’autorité chargée de son évaluation prend en compte les conditions d’organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat évalué exerce ses fonctions.

Les chefs de juridiction sont évalués par le chef de cour d’appel dont ils dépendent. Ils sont évalués à la fois sur leurs qualités juridictionnelles et sur leur capacité à gérer et animer une juridiction.

Le magistrat qui souhaite contester son évaluation saisit la commission d’avancement, qui recueille ses observations et celles de son autorité avant d’émettre un avis motivé. Le décret précise que la contestation doit être faite dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’évaluation définitive.

b.   Plusieurs rapports recommandent d’organiser l’évaluation des chefs de cour d’appel

Les chefs de cour ne font pas l’objet d’une évaluation de leur activité professionnelle, malgré les recommandations de plusieurs rapports dans ce sens.

Dans un rapport remis en septembre 2019 à la garde des Sceaux ([14]), Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation, proposait la création d’une entité autonome unique chargée de l’évaluation élargie des chefs de cour d’appel et de tribunal. L’évaluation élargie, ou évaluation à 360 degrés, consiste à interroger les supérieurs hiérarchiques, les collègues, les collaborateurs et les partenaires extérieurs de la personne évaluée pour faire une synthèse de ces retours et en discuter avec la personne concernée. Cette méthode d’évaluation est utilisée au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Intérieur. Le rapport de Guy Canivet préconisait de confier cette évaluation à un organe présentant toutes les garanties constitutionnelles de l’indépendance judiciaire et qui intégreraient des personnalités extérieures

Le Conseil supérieur de la magistrature, dans un avis au Président de la République ([15]), proposait lui aussi la mise en place, pour les chefs de cour et de juridiction, d’une évaluation élargie, qui permettrait aux collaborateurs et interlocuteurs professionnels du magistrat évalué d’exprimer des appréciations sur ses compétences. Il suggérait que cette évaluation soit confiée à un collège extérieur aux formations CSM, mais dont les membres seraient soit choisis par lui, soit choisis sur son avis conforme.

Le comité des États généraux de la justice déplore dans son rapport ([16]) que les chefs de cour d’appel et les conseillers à la Cour de cassation ne fassent pas l’objet d’une évaluation. Il propose ainsi l’instauration d’une évaluation à 360 pour les chefs de cour, les chefs de tribunal et les conseillers à la Cour de cassation.

Il recommande que cette évaluation soit confiée à un comité indépendant, composé de deux membres de l’Inspection générale de la justice nommés par le garde des Sceaux, de deux personnes choisies par le Conseil supérieur de la magistrature et de deux personnes qualifiées extérieures. Il préconise que cette évaluation soit ensuite transmise aux autorités de nomination, soit au CSM pour les magistrats du siège et au garde des Sceaux pour les magistrats du parquet.

c.   Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature dans la nomination des magistrats

Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature dans la nomination des magistrats est prévu par la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

L’article 15 de cette loi organique prévoit que pour chaque nomination de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d’appel ou de président de tribunal judiciaire, la formation concernée du CSM arrête la proposition qu’elle fait au président de la République après examen des dossiers des candidats, et sur le rapport d’un de ses membres.

L’article 16 de cette même loi organique concerne la nomination des magistrats aux fonctions du parquet : la formation compétente du CSM donne un avis sur la proposition du ministre après un rapport fait par un membre du CSM.

2.   Le projet de loi organique initial

Le présent article modifie à la fois l’ordonnance statutaire et la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

Le I du présent article introduit un nouvel article 12-1-1 dans l’ordonnance statutaire qui prévoit les modalités d’évaluation des chefs de cour d’appel et de tribunal. Seront évalués :

– les premiers présidents des cours d’appel et les procureurs généraux près lesdites cours ;

– les présidents des tribunaux judiciaires, des tribunaux de première instance, des tribunaux supérieurs d’appel et les procureurs près lesdits tribunaux.

S’agissant des présidents de tribunaux judiciaires et des procureurs, l’évaluation prévue par le présent article s’ajoute à celle déjà réalisée aujourd’hui par les chefs de cour. L’étude d’impact du présent projet de loi invoque la complémentarité des deux dispositifs, considérant qu’ils poursuivent des objectifs distincts, pour expliquer le maintien de l’évaluation des chefs de juridiction par les chefs de cour.

L’évaluation porte sur les aptitudes des magistrats à l’administration et à la gestion, notamment dans le cadre des orientations de politiques publiques dont ils ont la charge et qui leur sont communiquées par les autorités compétentes. Les aptitudes à l’exercice des fonctions juridictionnelles des magistrats ne font pas l’objet d’une évaluation (premier alinéa de l’article 12-1-1).

L’évaluation est conduite par un collège d’évaluation composé à la fois de magistrats exerçant ou ayant exercé les fonctions de chefs de cour d’appel ou de tribunal judiciaire, et de personnalités qualifiées ayant une compétence spécifique en matière de gestion des ressources humaines ou budgétaires (deuxième alinéa de l’article 12-1-1).

La répartition des postes entre les magistrats et les personnalités qualifiées n’est pas précisée dans l’article. L’étude d’impact évoque un collège composé de huit membres, qui réaliserait une centaine d’évaluations par an. Elle indique également que chaque évaluation serait réalisée par trois membres, et qu’un prestataire externe sera chargé de former les membres du collège.

Les membres du collège d’évaluation sont nommés par le garde des Sceaux. L’article prévoit deux incompatibilités : les membres du collège ne peuvent pas appartenir au Gouvernement ou au Parlement, ni avoir appartenu il y a moins de dix ans au Gouvernement ou au Parlement. Les membres du collège ne peuvent pas être membres du Conseil supérieur de la magistrature (deuxième alinéa de l’article 12-1-1).

Il est précisé que les membres du collège d’évaluation exercent leurs fonctions « en toute indépendance », et qu’ils « ne peuvent recevoir d’instruction d’aucune autorité ».

L’évaluation doit avoir lieu au moins une fois pendant l’exercice de leurs fonctions, après au moins deux années d’exercice (quatrième alinéa de l’article 12-1-1).

L’évaluation est communiquée au magistrat concerné et versé dans son dossier administratif (cinquième alinéa de l’article 12-1-1). Suivant l’avis du Conseil d’État, l’article prévoit également la possibilité pour le magistrat qui souhaite contester son évaluation d’exercer un recours devant le collège d’évaluation (sixième alinéa de l’article 12-1-1).

Un décret devra fixer :

– la composition du collège d’évaluation ;

– les modalités de désignation de ses membres ;

– les modalités de son intervention et de la participation du magistrat évalué ;

– les critères d’évaluation ;

– les modalités du recours devant le collège d’évaluation.

Si l’étude d’impact mentionne à plusieurs reprises une évaluation élargie, le texte ne précise pas la liste des personnalités qui seront consultées lors des évaluations par le collège.

Le II du présent article complète l’article 15 de la loi organique pour ajouter que la formation compétente du CSM, lorsqu’elle arrête sa proposition de nomination de magistrats du siège, tient compte :

– de la compétence juridictionnelle du candidat ;

– de son expérience antérieure d’une ou plusieurs fonctions d’animation et de gestion d’une juridiction ou d’un service ;

– et de son aptitude à l’administration et à la gestion, dans le cadre notamment des politiques publiques dont il a la charge.

Il complète également l’article 16 de la loi organique sur le CSM pour ajouter que la formation compétente du CSM, lorsqu’elle donne son avis sur les propositions de nomination du ministre de la justice aux fonctions de parquet, tient spécialement compte :

–  de la compétence juridictionnelle du candidat ;

– de son expérience antérieure d’une ou plusieurs fonctions d’animation et de gestion d’une juridiction ou d’un service ;

– de son aptitude à l’administration et à la gestion, dans le cadre notamment des orientations de politiques publiques dont il a la charge.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté deux amendements, déposés par les rapporteures du texte.

L’amendement COM-43 procède à plusieurs modifications qui portent à la fois sur le collège d’évaluation, sur les modalités de l’évaluation elle-même et sur les critères d’évaluation.

En premier lieu, l’amendement modifie l’article 12-1 de l’ordonnance statutaire relatif à l’évaluation professionnelle des magistrats. Il précise ainsi que l’évaluation des chefs de juridiction apprécie les critères pris en compte lors de la nomination de ces magistrats et renvoie aux articles 15 et 16 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. Ces articles, dans la rédaction issue du Sénat, établissent une liste très précise des critères utilisés par les formations du CSM lors des nominations des chefs de cour et de tribunal judiciaire.

En deuxième lieu, l’amendement apporte des précisions sur le collège d’évaluation prévu à l’alinéa 3 de l’article 2 du présent projet. Il fixe dans le présent projet de loi organique une contrainte sur la composition du collège pour indiquer que les personnalités qualifiées ne peuvent représenter moins du quart, ni plus de la moitié des membres du collège.

Il inclut le CSM dans la procédure en prévoyant que les membres du collège d’évaluation doivent être nommés sur avis de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, alors que le projet de loi organique initial prévoyait une nomination par le ministre de la justice, sans avis du CSM.

Il encadre davantage l’exercice des fonctions de membre du collège : à l’exigence d’indépendance, présente dans le texte initial, l’amendement ajoute celles de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité.

En troisième lieu, il précise les critères sur lesquels doit porter l’évaluation : outre les aptitudes à l’administration et à la gestion, l’évaluation doit apprécier la qualité des pratiques professionnelles et des réalisations du magistrat concerné. Il complète les modalités de l’évaluation : celle-ci est établie grâce au rapport d’un des membres du collège, établi sur le fondement d’une sollicitation de l’ensemble de l’environnement professionnel de l’intéressé. Cela insère directement dans le projet de loi organique le principe d’une évaluation élargie, fondée en partie sur des entretiens avec les personnes travaillant avec la personne évaluée.

En quatrième lieu, il donne la faculté aux chefs de cour et de tribunal judiciaire de demander à être évalués, alors que le texte initial prévoyait simplement qu’ils sont évalués au moins une fois pendant l’exercice de leurs fonctions.

En cinquième lieu, l’amendement remplace les modifications des articles 15 et 16 de la loi organique sur le CSM, proposées par l’article 2. Il ajoute une liste très détaillée des critères appréciés par la formation compétente du CSM lorsqu’elle arrête des propositions de nominations aux postes de premier président de cour d’appel et de président de tribunal. Il ajoute notamment, par rapport au projet de loi organique initial, l’aptitude du candidat à animer le dialogue social, à représenter l’institution judiciaire mais aussi à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice et les services de l’État du ressort de la juridiction.

En miroir, il ajoute une liste très détaillée des critères appréciés par la formation compétente du CSM lorsque celle-ci donne son avis sur les propositions de nomination du ministre de la justice aux fonctions de procureur général près une cour d’appel et de procureur de la République près un tribunal judiciaire. Il ajoute notamment, par rapport au projet de loi organique initial, l’aptitude à mettre en œuvre les priorités de politique pénale définies par le ministre de la justice.

L’amendement n° 79, adopté en séance, procède à trois modifications rédactionnelles.

4.   La position de la Commission

Si la commission des Lois salue la création d’une procédure spécifique d’évaluation pour les chefs de cour et de tribunal, elle a été amenée, au cours de ses travaux, à préciser plusieurs éléments concernant la composition du collège d’évaluation et les modalités de cette évaluation.

Six amendements ont été adoptés, dont un rédactionnel.

L’amendement CL150, déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, procède à deux modifications.

En premier lieu, il modifie l’article 12-1 de l’ordonnance statutaire, relatif à l’évaluation professionnelle des magistrats, pour supprimer les évolutions prévues par le Sénat et pour bien préciser que l’évaluation des chefs de juridiction prévue à cet article est conduite par les chefs de cour. Cette précision permet de bien distinguer l’évaluation élargie des chefs de juridiction, prévue par le présent article, et l’évaluation des chefs de juridiction par les chefs de cour.

En deuxième lieu, il insère un nouvel alinéa dans le même article 12-1 de l’ordonnance statutaire, qui prévoit que les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation peuvent se voir proposer un entretien professionnel après un an d’exercice. L’amendement prévoit explicitement que, dans l’hypothèse où cet entretien donne lieu à un écrit, celui-ci ne peut être versé au dossier individuel du magistrat. S’il ne serait pas pertinent de prévoir une évaluation en bonne et due forme pour les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation, cet ajout permet d’assurer qu’ils aient un échange avec le premier président ou le procureur général près la Cour après un an d’exercice.

L’amendement CL37 de Mme Vichnievsky (MoDem et indépendants), sous-amendé par l’amendement CL169 de votre rapporteur, apporte plusieurs précisions sur le collège d’évaluation.

En premier lieu, il introduit des précisions sur certains des membres magistrats du collège d’évaluation. Celui-ci doit inclure, a minima :

– un premier président de cour d’appel élu par ses pairs ;

– un procureur général près une cour d’appel élu par ses pairs ;

– un président de tribunal judiciaire élu par ses pairs ;

– un procureur de la République élu par ses pairs.

Les membres du collège d’évaluation appartenant au corps judiciaire sont nommés par le garde des Sceaux sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Cette articulation permet au CSM d’être associé à l’évaluation des chefs de cour et de tribunal, sans pour autant la mener.

En deuxième lieu, l’amendement sous-amendé apporte des précisions sur la procédure de nomination des personnalités qualifiées. Le collège d’évaluation comprendra ainsi cinq personnalités qualifiées, qui ne seront membres ni du Parlement ni du corps judiciaire :

– une personnalité qualifiée désignée par le président de l’Assemblée nationale ;

– une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat ;

– trois personnalités qualifiées désignées par le garde des Sceaux.

En troisième lieu, l’amendement sous-amendé prévoit que les personnalités qualifiées doivent représenter moins de la moitié et plus du quart du collège d’évaluation : si la perspective de personnalités extérieures au corps judiciaire est essentielle pour évaluer les chefs de cour et de tribunal sur des qualités autres que juridictionnelles, le fait que les membres magistrats du collège soient majoritaires est une garantie supplémentaire.

L’amendement CL103, déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, supprime la mention d’orientations de politiques publiques qui seraient communiquées par les autorités compétentes. La formulation, très large, était source d’inquiétudes : votre rapporteur, considérant qu’elle n’apportait rien, a donc proposé sa suppression.

L’amendement CL137, déposé par votre rapporteur et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, crée un nouvel article 34-1 au sein de l’ordonnance statutaire pour y intégrer les aptitudes que doivent présenter les magistrats chefs de cour d’appel et les chefs de tribunal judiciaire, que le Sénat avait ajouté dans la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. En conséquence, l’amendement modifie ladite loi organique pour y ajouter, dans les articles concernant les nominations par le CSM, un renvoi aux aptitudes mentionnées au nouvel article 34-1.

*

*     *

Article 3
(art. 2, 3, 3-1, 3-1-1 [nouveau], 10-2, 26, 27-1, 28, 28-1, 28-2, 28-3, 28-4 [nouveau], 31, 34, 35, 36, 37, 37-1, 38, 38-1, 38-2, 38-3 [nouveau], 39, 39-1 [nouveau], 39-2 [nouveau], 40, 40-1, 40-5, 41-9, 71, 72, 72-1 [nouveau], 72-2, 72-3, 76-1-1, 76-2, 76-3, 76-4, 76-4 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et art. 20-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)
Structure du corps judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à diverses modifications dont l’objectif commun est d’adapter le corps judiciaire aux évolutions à la fois législatives et sociétales.

L’article 3 restructure le corps judiciaire en créant un troisième grade. Les modalités d’avancement et les exigences pour accéder aux postes du troisième grade évoluent afin de favoriser des carrières moins verticales et de remédier au manque d’attractivité de certaines fonctions. L’article augmente le ratio de magistrats placés auprès des cours d’appel et introduit la possibilité, pour les magistrats du premier grade, d’exercer en cour d’appel, tout en leur interdisant d’accéder au grade supérieur dans cette même cour d’appel.

Par ailleurs, il insère dans l’ordonnance statutaire un délai minimal entre le départ et le retour dans une juridiction pour exercer les mêmes fonctions au sein de cette même juridiction, dispositions de nature à garantir le principe d’impartialité des magistrats, limite la durée d’exercice des fonctions à l’inspection générale de la justice et modernise les dispositions relatives au détachement, à la disponibilité et au congé parental.

Enfin, il tire les conséquences du recul de l’âge légal de départ en retraite et allonge la limite d’âge de maintien en activité.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements – deux en commission, deux en séance publique – dont trois amendements procédant à des coordinations ou à des modifications rédactionnelles. Par un amendement déposé par les rapporteures et adopté en commission, le Sénat a instauré dans la loi organique une durée minimale d’exercice pour les magistrats de trois ans, incluant les fonctions de chefs de juridiction et les conseillers et avocats référendaires. Il introduit également une durée maximale d’exercice de dix années pour l’ensemble des magistrats – à l’exception des magistrats affectés sur des fonctions dont l’exercice est déjà limité dans le temps.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement pour préciser la situation des magistrats du troisième grade de la Cour de cassation. Elle est par ailleurs revenue sur l’ajout du Sénat d’une durée minimale d’exercice et d’une durée maximale d’exercice, tout en prévoyant l’impossibilité pour un chef de cour ou de tribunal de demander une décharge de ces fonctions avant trois ans.

1.   L’état du droit

L’article 3 du présent projet de loi organique peut être divisé en sept sujets, qui sont présentés successivement.

a.   La création d’un troisième grade

L’organisation du corps judiciaire, reposant sur deux grades et des fonctions hors hiérarchie, n’est plus adaptée à l’évolution des effectifs du corps et ne permet plus une progression satisfaisante des carrières des magistrats.

i.   La hiérarchie du corps judiciaire : deux grades et le hors hiérarchie

Le corps judiciaire est organisé en deux grades, le premier et le second grade. Ce dernier est le grade plancher, c’est-à-dire le grade des magistrats lorsqu’ils sortent de l’École nationale de la magistrature (ENM). À ces deux grades s’ajoute la catégorie « hors hiérarchie », à laquelle accèdent les magistrats à raison des fonctions dans lesquelles ils sont nommés.

La dernière réforme statutaire des magistrats judiciaires d’ampleur remonte à la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Celle-ci a supprimé les deux groupes qui coexistaient au sein du premier grade.

● Le lien strict entre grade et emploi

Les fonctions dans lesquelles sont nommés les magistrats sont liées à leur grade. À titre d’exemple, l’article 28-3 de l’ordonnance statutaire prévoit que seul un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie peut exercer la fonction de juge des libertés et de la détention d’un tribunal judiciaire ([17]).

Les articles 3 et 4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, énumèrent les fonctions que peuvent exercer les magistrats selon leur grade.

 

Les fonctions que peuvent exercer les magistrats de second grade, énumérées à l’article 3 du décret du 7 janvier 1993, sont les suivantes :

– juge, juge d’instruction, juge des enfants, juge de l’application des peines, juge des contentieux de la protection d’un tribunal judiciaire ou de première instance, juge d’un tribunal de première instance chargé de la présidence d’une section détachée, substitut du procureur de la République, substitut du procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris, substitut du procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris ;

– juge placé auprès d’un premier président de cour d’appel et substitut placé auprès d’un procureur général de cour d’appel ;

– juge du livre foncier ;

– juge d’un tribunal supérieur d’appel et substitut du procureur de la République près cette juridiction ;

– auditeur à la Cour de cassation ;

– substitut à l’administration centrale du ministère de la justice.

Les fonctions en cour d’appel sont ainsi limitées pour les magistrats du second grade.

 

Les fonctions que peuvent exercer les magistrats de premier grade, énumérées à l’article 4 du décret du 7 janvier 1993, sont les suivantes :

– président et procureur de la République d’un tribunal judiciaire, d’un tribunal de première instance et d’un tribunal supérieur d’appel ;

– premier vice-président, premier vice-président chargé de l’instruction, des fonctions de juge des enfants, de l’application des peines, des fonctions de juge des contentieux de la protection ou des fonctions de juge des libertés et de la détention d’un tribunal judiciaire ou de première instance, procureur de la République adjoint près un tribunal judiciaire ou un tribunal de première instance ;

– premier vice-président adjoint et premier vice-procureur de la République d’un tribunal judiciaire ou d’un tribunal de première instance, premier vice-procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris, premier vice-procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris ;

– vice-président d’un tribunal supérieur d’appel, d’un tribunal judiciaire ou de première instance, vice-président d’un tribunal judiciaire ou de première instance chargé de l’instruction, des fonctions de juge des enfants, de l’application des peines, des fonctions de juge des libertés et de la détention, des fonctions de juge des contentieux de la protection ou de la présidence d’une section détachée ;

– vice-procureur de la République d’un tribunal judiciaire ou de première instance, vice-procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris, vice-procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris ;

– vice-président placé auprès d’un premier président de cour d’appel et vice-procureur de la République placé auprès d’un procureur général de cour d’appel ;

– conseiller et substitut général de cour d’appel, et conseiller chargé du service d’une chambre détachée d’une cour d’appel ;

– conseiller référendaire et avocat général référendaire à la Cour de cassation ;

– premier substitut à l’administration centrale du ministère de la justice ;

– magistrat chargé d’un secrétariat général à la Cour de cassation, conseiller et substitut général chargé d’un secrétariat général dans une cour d’appel, vice-président et vice-procureur de la République chargé d’un secrétariat général dans un tribunal judiciaire et de première instance, vice-procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris chargé d’un secrétariat général et vice-procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris chargé d’un secrétariat général ;

– auditeur à la Cour de cassation ;

– inspecteur de la justice.

L’accès au premier grade est subordonné à l’inscription au tableau d’avancement par la commission d’avancement. À l’intérieur de chaque grade, le magistrat évolue selon des échelons d’ancienneté. Le second grade comporte cinq échelons et le premier grade huit échelons. L’accès au huitième échelon du premier grade, aussi appelé Bbis, est un échelon à accès fonctionnel, c’est-à-dire accessible uniquement pour les magistrats exerçant les fonctions dont la liste est fixée par arrêté ([18]). La liste comprend essentiellement des fonctions d’encadrement et tous les emplois d’inspecteur de la justice.

Liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire qui bénéficient d’un 8ème échelon indiciaire

– présidents et procureurs de la République des tribunaux judiciaires et de première instance ;

– premiers vice-présidents et procureurs de la République adjoints des tribunaux judiciaires et des tribunaux de première instance mentionnés dans le tableau B annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents adjoints et premiers vice-procureurs de la République des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau C annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents chargés de l’instruction des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau D annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents chargés des fonctions de juge des enfants des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau E annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents chargés de l’application des peines des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau F annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents chargés des fonctions de juge des contentieux de la protection des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau G annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– premiers vice-présidents chargés des fonctions de juge des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires mentionnés dans le tableau H annexé à l’arrêté du 12 novembre 2010 ;

– président et procureur de la République du tribunal supérieur d’appel de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– inspecteurs de la justice ;

– directeur de l’École nationale des greffes.

La dernière modification de cette liste a résulté de l’arrêté du 10 octobre 2022, qui a ajouté plusieurs tribunaux judiciaires dans les tableaux annexés. Au 1er janvier 2023, la liste comportait 619 emplois dits Bbis.

L’article 3 de l’ordonnance statutaire énumère les emplois placés hors hiérarchie :

– les magistrats de la Cour de cassation, à l’exception des conseillers référendaires, des avocats généraux référendaires et des auditeurs ;

– les premiers présidents des cours d’appel et les procureurs généraux près lesdites cours ;

– les premiers présidents de chambre des cours d’appel et les premiers avocats généraux près lesdites cours ; 

– les présidents de chambre des cours d’appel et les avocats généraux près lesdites cours ;

– les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice.

Le dernier alinéa de l’article 3 de l’ordonnance statutaire précise que la liste est complétée par décret en Conseil d’État selon l’importante de l’activité juridictionnelle, des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires et de la population du ressort.

Cette liste a ainsi été complétée par le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Le dernier élargissement de la liste a été effectué par l’article 1 du décret n° 2022-1469 du 24 novembre 2022, qui a ajouté les emplois de président et procureur de la République des tribunaux judiciaires et de première instance de Beauvais, Béziers, Mamoudzou et Nouméa.

L’article 2 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au CSM a complété la liste des fonctions placées hors hiérarchie, en y ajoutant les premiers présidents de cour d’appel, les premiers avocats généraux près lesdites cours et les fonctions spécialisées dans certains tribunaux, notamment celles de vice-président chargé de l’instruction et de premier vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention.

L’accroissement du nombre d’emplois placés hors hiérarchie était rendu nécessaire par le déséquilibre constaté de la répartition des magistrats par grade. Ainsi, deux tiers des magistrats en activité au 1er janvier 2016 occupaient des fonctions du premier grade, créant une forme d’engorgement de l’accès aux fonctions hors hiérarchie.

● Les conditions d’avancement favorisent la mobilité à la fois fonctionnelle et géographique

Un magistrat peut passer du second au premier grade après sept années d’exercice (article 15 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature). Un magistrat ne peut être promu au premier grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de sept ans, à l’exception de la Cour de cassation (deuxième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance statutaire).

L’accès aux fonctions hors hiérarchie est conditionné à des conditions de mobilité fonctionnelle et géographique.

Un magistrat doit satisfaire certaines conditions pour être nommé sur un emploi hors hiérarchie : il doit avoir exercé deux fonctions lorsqu’il était au premier grade, et satisfait à l’obligation de mobilité statutaire. Si les fonctions étaient de nature juridictionnelle, alors elles doivent avoir été exercées dans deux juridictions différentes. Ces conditions de mobilité ne s’appliquent pas pour les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires à la Cour de cassation.

Un accès direct aux fonctions hors hiérarchie est par ailleurs prévu à l’article 40 de l’ordonnance statutaire pour :

– les conseillers d’État en service ordinaire ;

– les magistrats de l’ordre judiciaire détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l’ENM ;

– les maîtres des requêtes au Conseil d’État ayant au moins dix ans de fonctions en cette qualité ;

– les professeurs des facultés de droit de l’État ayant enseigné au moins dix ans en cette qualité ;

– les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, membres ou anciens membres du Conseil de l’ordre, ayant au moins vingt ans d’exercice dans leur profession ;

– les avocats inscrits à un barreau français justifiant de vingt-cinq années au moins d’exercice de leur profession.

Les magistrats accèdent donc à la catégorie hors hiérarchie à raison de leur fonction, ou à condition d’avoir occupé certains postes.

Au 1er janvier 2023, sur 9 271 emplois, 1 248 emplois étaient placés hors hiérarchie, soit 13,46 % des effectifs.

Le tableau ci-dessous reproduit la répartition des magistrats à l’intérieur de chaque grade au 1er janvier 2023.

Répartition par grades au 1er janvier 2023

 

Nombre de magistrats

Pourcentage du corps

Hors hiérarchie

1 248

13,46 %

Huitième échelon du premier grade

619

6,68 %

Premier grade

4 395

47,41 %

Second grade

3 009

32,46 %

Total

9 271

100 %

Source : étude d’impact du présent projet de loi organique, p 97

Un régime dérogatoire est prévu pour les magistrats qui exercent à la Cour de cassation.

Les postes de conseillers et d’avocats généraux à la Cour de cassation sont des fonctions hors hiérarchie, sur lesquelles il n’y a pas de limitation de durée. Les postes de conseillers référendaires et d’avocats généraux référendaires sont accessibles à des magistrats en milieu de carrière, qui retournent ensuite en juridiction. L’article 28-1 de l’ordonnance statutaire limite ainsi la durée d’exercice des conseillers référendaires et des avocats généraux référendaires à dix années. Cette limite favorise le dialogue entre la Cour de cassation et les juridictions du fond.

Les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires bénéficient ensuite d’un accès privilégié aux fonctions hors hiérarchie à la Cour de cassation, prévu au troisième alinéa de l’article 39 de l’ordonnance statutaire : ils ne sont pas concernés par les exigences de mobilité fonctionnelle et peuvent accéder aux postes hors hiérarchie à la Cour de cassation après avoir exercé une autre fonction du premier grade.

Le quatrième alinéa de l’article 39 de l’ordonnance statutaire prévoit un ratio obligatoire de recrutement des conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation parmi les référendaires de cette cour qui sont magistrats du premier grade ayant exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire pendant au moins huit ans.

Ce ratio, initialement fixé à un sur quatre par la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, a été assoupli à un sur six par l’article 3 de la loi organique n° 2012-208 du 13 février 2012 portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature.

L’objectif de ce ratio est de garantir une certaine continuité au sein de la Cour de cassation, dont les missions requièrent de la technicité et se distinguent de celles des juridictions des premier et second degrés.

ii.   L’organisation actuelle pose plusieurs problèmes pour l’évolution des carrières

Le passage à l’échelon Bbis et l’accès aux emplois hors hiérarchie sont liés à des fonctions : les magistrats au 7ème échelon qui ne candidatent pas sur ces emplois ne peuvent donc plus avancer. Au 1er janvier 2023, 40 % des magistrats avaient atteint l’échelon sommital, dont 17 % depuis plus de cinq ans.

L’évolution du corps se traduit également par un décalage entre responsabilités et niveau de rémunération. Ainsi, 40 % des magistrats qui occupent un emploi Bbis n’ont pas l’ancienneté suffisante pour prétendre à la rémunération associée au grade Bbis ([19]) – soit trois ans au septième échelon du premier grade. Il y a donc une inadéquation entre les responsabilités exercées et la rémunération.

Le lien étroit entre grade et emploi contraint la progression de carrière des magistrats.

Le comité des États généraux de la justice (EGJ) recommandait ainsi de « délier le lien trop strict qui existe entre l’avancement de grade et les degrés de juridiction ». Il propose de faciliter les allers-retours entre première instance et cour d’appel pour les magistrats, en permettant aux magistrats du second grade d’aller en cour d’appel et en favorisant le retour de magistrats du premier grade, plus expérimentés, en première instance.

L’augmentation des effectifs de magistrats est également une source de blocage, le nombre de postes placés hors hiérarchie ou au huitième échelon du premier grade étant par définition limités.

À ces considérations s’ajoute le constat, réalisé par le CSM ([20]), d’une désaffectation croissante pour les fonctions de chef de cour et de chef de juridiction. Le rapport du CSM identifie, parmi les raisons expliquant ce manque d’attractivité, l’évolution des conditions d’accès au premier grade. Les postes de présidents de petites juridictions étaient auparavant un palier dans la carrière des magistrats, qui y passaient au grade supérieur. La possibilité offerte de passer au premier grade dès sept ans d’ancienneté, sur des postes d’encadrement intermédiaire, a limité l’attractivité de ces postes.

Enfin, malgré la forte proportion de femmes parmi les magistrats, elles sont moins présentes sur les postes d’encadrement supérieur et intermédiaire. Les chiffres de l’étude d’impact montrent qu’au 1er janvier 2023, 38,9 % des postes de premier président de cour d’appel et 39,3 % des postes de président de tribunaux judiciaires placés hors hiérarchie étaient occupés par des femmes. L’écart constaté est encore plus important au parquet, puisque 27 % des postes de procureur général et 27,8 % des postes de procureur de la République étaient occupés par des femmes.

Le présent projet de loi organique procède donc à une refonte de la structure du corps judiciaire pour l’adapter à l’augmentation significative des effectifs et faciliter des parcours moins verticaux au sein de la magistrature.

b.   Les magistrats placés

La catégorie des magistrats placés a été créée par les articles 1er et 2 de la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 relative au statut de la magistrature.

L’article 1er de l’ordonnance statutaire place explicitement les magistrats placés dans le corps judiciaire : le 2° mentionne ainsi « les magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d’une cour d’appel et ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés et dans l’ensemble des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour ».

Les modalités d’affectation des magistrats placés sont détaillées à l’article 3-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Les magistrats placés peuvent :

– remplacer temporairement les magistrats de leur grade qui se trouvent empêchés d’exercer leurs fonctions du fait de congés de maladie, de longue maladie, pour maternité ou adoption ou du fait de leur participation à des stages de formation ou admis à prendre leur congé annuel ;

– être temporairement affectés dans une juridiction pour exercer les fonctions afférentes à un emploi vacant de leur grade, pour une durée qui ne peut excéder huit mois et qui ne peut être renouvelée ;

– être temporairement affectés dans un tribunal de première instance ou, pour les magistrats de premier grade, à la cour d’appel, pour renforcer l’effectif d’une juridiction afin d’assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.

Initialement, et jusqu’en 2001, les magistrats placés remplaçaient seulement des magistrats du second grade. L’article 32 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au CSM a élargi les remplacements effectués par les magistrats placés aux postes de premier grade.

Le septième alinéa de l’article 3-1 prévoit un ratio de magistrats placés : pour chaque cour d’appel, le nombre ne peut excéder le quinzième des emplois de magistrat de la cour d’appel et des tribunaux de première instance du ressort. Ce ratio avait été fixé en 1980, par cour d’appel, à un vingtième du nombre des emplois de magistrat du second grade de ladite cour. L’article 7 de la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature a augmenté ce ratio, en le fixant à un quinzième des emplois de magistrat des tribunaux de première instance du ressort.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision ([21]), a considéré que les garanties prévues à l’article 7 – durée limitée de délégation, consentement pour les magistrats du siège – étaient de nature à satisfaire aux principes d’égalité et d’indépendance de la justice.

L’étude d’impact du présent projet de loi organique indique que 386 magistrats placés sont en juridiction, alors que le nombre maximum autorisé est fixé à 560 emplois placés. Néanmoins, le ratio est atteint dans 22 cours d’appel sur 36.

c.   De certaines fonctions en cour d’appel

Comme indiqué précédemment dans le développement lié à la création du troisième grade, les magistrats du second grade n’exercent pas de fonctions en cour d’appel, à l’exception de la fonction de juge placé auprès d’un premier président de cour d’appel et de celle de substitut placé auprès d’un procureur général de cour d’appel.

Les postes en cour d’appel sont donc pourvus par des magistrats du premier grade et par des magistrats placés hors hiérarchie.

Cela résulte de la restructuration du corps judiciaire réalisée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. Cette restructuration a été décidée après le constat fait que le nombre d’emplois au premier grade et placés hors hiérarchie n’était pas correctement proportionné par rapport au nombre de magistrats qui pouvaient bénéficier d’un avancement. Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale indique ainsi, dans son rapport de première lecture, que « l’insuffisance actuelle du nombre d’emplois d’avancement au premier grade et en hors hiérarchie est à l’origine du blocage des carrières » ([22]).

Pour remédier à ce blocage, la loi du 25 juin 2001 a élevé à la catégorie hors hiérarchie un certain nombre d’emplois, notamment l’ensemble des emplois de président de chambre de cour d’appel et d’avocat général près la cour d’appel. Le nombre d’emplois du premier grade a aussi été significativement accru par la voie réglementaire. La fonction de conseiller de cour d’appel, accessible auparavant aux magistrats du second grade ([23]), est maintenant exercée par des magistrats du premier grade.

Or, certaines fonctions exercées aujourd’hui par des magistrats du premier grade manquent d’attractivité : l’étude d’impact du présent projet de loi organique évoque un taux de vacance de 11,6 % au 1er mars 2023 pour les postes de conseiller en cour d’appel (au premier grade) et un taux de vacance de 32,9 % pour les postes de substitut du procureur général près la cour d’appel, également au premier grade.

À ce constat s’ajoute celui réalisé par le comité des États généraux de la justice (EGJ) d’un lien trop strict entre l’avancement de grade et les degrés de juridiction. Il souligne ainsi que « le déroulement de carrière des magistrats est conçu de manière linéaire et verticale, l’affectation en cour d’appel étant obtenue après plusieurs années d’exercice professionnel en première instance » ([24]). L’une des recommandations du rapport est de permettre à des magistrats du second grade d’accéder à des postes en cour d’appel.

d.   Introduction d’un délai de retour après l’exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d’une même juridiction

L’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 comporte plusieurs dispositions qui instaurent des limitations de durée d’exercice pour certaines fonctions. Ces dispositions, qui y ont été introduites progressivement, ont pour principal objectif de favoriser la mobilité (géographique comme fonctionnelle) des magistrats.

La durée d’exercice des fonctions d’encadrement est ainsi limitée à sept ans :

– pour les fonctions de président ou de procureur de la République au sein d’un même tribunal (cinquième alinéa de l’article 28-2) ;

– pour les fonctions de premier président de cour d’appel (cinquième alinéa de l’article 37) ;

– pour les fonctions de procureur général près une même cour d’appel (cinquième alinéa de l’article 38-1) ;

– pour les fonctions de président ou de procureur de la République placées hors hiérarchie (quatrième alinéa de l’article 38-2).

L’encadrement de la durée d’exercice de ces fonctions a été introduit par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. Les dispositions concernées ont été insérées lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat. Le rapporteur du texte, M. Pierre Fauchon, souhaitait favoriser la mobilité des magistrats exerçant des fonctions de chefs de juridiction ([25]). Il s’appuyait sur le rapport d’activité de 1999 du Conseil supérieur de la magistrature, dans lequel celui-ci évoquait le risque, pour un magistrat trop inséré dans son environnement, de compromettre son indépendance et son impartialité.

L’article 28-3 de l’ordonnance statutaire limite la durée d’exercice de certaines fonctions spécialisées à dix ans au sein du même tribunal : juge des libertés et de la détention, juge d’instruction, juge des enfants, juge de l’application des peines, juge des contentieux de la protection.

Cette durée maximale d’exercice de certaines fonctions spécialisées au sein d’une même juridiction a été introduite par l’article 5 de la loi organique n° 2001‑539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. Absente du texte initial du projet de loi organique, la disposition a été introduite par la commission des lois du Sénat en première lecture : le rapporteur, Pierre Fauchon, estimait que « l’institution de nouvelles règles de mobilité liées à l’avancement ne permet[tait] pas de régler le problème posé par l’insuffisante mobilité de certains magistrats ne souhaitant pas nécessairement bénéficier d’une mesure d’avancement » ([26]).

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2001-445 du 19 juin 2001 sur la loi organique du 25 juin 2001, a considéré « qu’eu égard aux garanties ainsi prévues, la limitation de la durée des fonctions édictée par les articles 3 à 6 de la loi organique ne porte pas atteinte au principe de l’inamovibilité des magistrats du siège » ([27])

Enfin, les conseillers et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation font également l’objet d’une limitation de durée d’exercice, prévue au troisième alinéa de l’article 28 de l’ordonnance statutaire. Elle est fixée à dix ans et ne peut être ni renouvelée, ni prorogée. Cette limite de durée d’exercice était prévue dès 1958.

À ces limitations de durée d’exercice statutaires s’ajoute la règle, suivie par la direction des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature, selon laquelle « il n’est pas possible d’effectuer, au sein de la même juridiction et durant, en principe cinq années, de mobilité entre le siège et le parquet et inversement » ([28]).

e.   Durée limitée des fonctions à l’inspection générale de la justice et transparence de la nomination de son chef

L’inspection générale de la justice a été créée par le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l’inspection générale de la justice.

L’article 2 de ce décret prévoit qu’elle exerce « une mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation sur l’ensemble des organismes, des directions, établissements et services du ministère de la justice et des juridictions de l’ordre judiciaire ainsi que sur les personnes morales de droit public soumises à la tutelle du ministère de la justice et sur les personnes morales de droit privé dont l'activité relève des missions du ministère de la justice ou bénéficiant de financements publics auxquels contribuent les programmes du ministère de la justice ».

L’inspecteur général, chef de l’inspection générale, dirige et organise les activités du service et préside le collège de l’inspection générale.

Les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice, sont placés hors hiérarchie (article 3 de l’ordonnance statutaire).

L’article 38 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 prévoit que les magistrats qui exercent les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice, sont nommés par décret du Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

L’article 37-1 prévoit une exception à la transparence des nominations sur les postes hors hiérarchie pour les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice.

La durée des fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice n’est aujourd’hui pas limitée dans le temps.

f.   Modernisation des positions administratives et fixation des conditions de réintégration après une mobilité

Plusieurs articles de l’ordonnance statutaire organisent les modalités de mobilité des magistrats.

L’article 67 énumère les différentes positions dans lesquelles peut être placé un magistrat : en activité, en service détaché, en disponibilité, sous les drapeaux et en congé parental. Au 1er janvier 2023, 304 magistrats étaient en position de détachement, 103 en position de disponibilité et 10 en position de congé parental.

● Le congé parental

L’article 72-3 organise la réintégration des magistrats placés en congé parental. Le magistrat doit faire connaître, au plus tard cinq mois avant l’expiration de son congé parental, trois choix d’affectation dans trois juridictions différentes. Plusieurs restrictions sont mentionnées quant aux demandes pouvant être formulées par le magistrat.

Le garde des Sceaux peut inviter le magistrat à formuler des demandes complémentaires. À l’expiration de son congé parental, ce dernier est réintégré dans le corps judiciaire et nommé sur l’une des affectations qui ont fait l’objet de ses demandes, ou, à défaut, sur l’une des affectations proposées par le garde des Sceaux lorsque ses demandes n’ont pu être satisfaites.

Depuis 2020, le congé parental peut être accordé par période de deux à six mois renouvelable, alors qu’il était auparavant accordé par période de six mois renouvelable. Cet assouplissement engendre des difficultés de gestion lorsqu’il faut réintégrer les magistrats après deux mois de congé parental, la procédure de nomination étant structurellement plus longue. Le présent projet de loi organique modifie légèrement la procédure pour faciliter la réintégration des magistrats après un court congé parental.

● La disponibilité

L’article 71 de l’ordonnance statutaire organise la réintégration des magistrats en position de disponibilité et n’a pas été modifié depuis 1958. Il prévoit simplement qu’à l’expiration de la période de disponibilité, le magistrat est réintégré dans un emploi de son grade, ce qui laisse de côté certaines étapes de la procédure actuelle de nomination, telles que la transparence, l’avis du CSM et le décret du président de la République.

● Le détachement

Les articles 72 et 72-2 organisent les modalités de détachement des magistrats. L’article 72 prévoit que la mise en position de détachement est prononcée par décret du Président de la République, sur proposition du garde des Sceaux et après avis de la formation du CSM compétente à l’égard du magistrat.

Selon l’étude d’impact, les principales institutions d’accueil des magistrats détachés sont les ministères, les établissements publics et autorités administratives indépendantes, mais aussi les fonctions publiques hospitalière et territoriale et les écoles de formation.

L’article 70 de l’ordonnance statutaire limite le nombre de magistrats placés en position de détachement à 20 % de l’effectif du corps judiciaire.

Le II de l’article 25 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature prévoyait une procédure de réintégration des magistrats en position de détachement. La disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel ([29]) , celui-ci considérant que les exceptions à la procédure prévues pour les magistrats détachés dans certains emplois ([30]) ne reposaient pas sur une différence de situation en rapport avec la loi et que ces dispositions méconnaissaient donc le principe d’égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière.

L’ordonnance statutaire ne prévoit donc pas de procédure de réintégration spécifique pour les magistrats placés en position de détachement ou en position de disponibilité. C’est donc le statut général des fonctionnaires qui a vocation à s’appliquer, comme le prévoit l’article 68 de l’ordonnance statutaire. Pour le détachement, le fonctionnaire doit indiquer, trois mois avant son expiration, son choix de réintégrer ou non son corps d’origine. Le même délai est prévu s’agissant des fonctionnaires en position de disponibilité. Or, ces délais sont inadaptés aux règles spécifiques qui encadrent la procédure de nomination des magistrats. Le présent projet de loi organique y remédie en créant deux articles au sein de l’ordonnance statutaire, afin d’organiser la réintégration des magistrats en position de détachement ou de disponibilité.

g.   Recul de la limite d’âge pour le maintien en activité en surnombre

Les modalités de fin de carrière des magistrats sont prévues aux articles 76 à 76-1-1 de l’ordonnance statutaire.

La limite d’âge pour les magistrats de l’ordre judiciaire est fixée par l’article 76 à soixante-sept ans. Une exception est prévue pour les magistrats occupant les fonctions de premier président et de procureur général de la Cour de cassation : leur limite d’âge est fixée à soixante-huit ans.

Le I de l’article 76-1-1 de l’ordonnance statutaire prévoit la possibilité, pour les magistrats hors hiérarchie du siège et du parquet de la Cour de cassation, d’être maintenus en activité à leur demande lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge fixée à soixante-sept ans, pour exercer, respectivement, les fonctions de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation.

Ce sont les formations compétentes du CSM qui examinent les demandes de maintien en activité, en considérant l’aptitude du magistrat demandeur et l’intérêt du service.

Le II de l’article 76-1-1 prévoit également la possibilité d’un maintien en activité jusqu’à soixante-huit ans pour exercer les fonctions de conseiller ou de juge, ou les fonctions de substitut général ou de substitut. Sont concernés les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux judiciaires, les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale de la justice, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge fixée à soixante-sept ans.

L’étude d’impact du présent projet de loi organique indique que le nombre de magistrats maintenus en activité au-delà de la limite d’âge d’activité est en baisse constante depuis dix ans. Trois magistrats étaient concernés au 1er janvier 2023.

Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite prévu par la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et la possibilité ouverte au fonctionnaire qui le demande de reculer sa limite d’âge à soixante-dix ans ont conduit le Conseil d’État à recommander une modification des dispositions statutaires relatives aux magistrats, afin d’harmoniser les limites d’âge pour le maintien en activité.

2.   Le projet de loi organique initial

L’article 3 du présent projet procède à d’importantes modifications de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui peuvent être classées en sept sections. Les entrées en vigueur des différentes dispositions sont prévues à l’article 12 du présent projet de loi organique.

a.   La création d’un troisième grade

Le présent article modifie en profondeur la hiérarchie judiciaire, en créant un troisième grade et en supprimant la catégorie des emplois placés hors hiérarchie.

Parmi les options d’abord envisagées, puis écartées, figuraient l’augmentation du nombre d’emplois placés hors hiérarchie et la refonte des grilles indiciaires des second et premier grades.

i.   Création du troisième grade et ébauche des modalités d’avancement (1°)

L’article 3 du présent projet de loi organique modifie l’article 2 de l’ordonnance statutaire pour prévoir que le corps judiciaire est composé de trois grades : le premier grade, le deuxième grade et le troisième grade. L’ordre est inversé par rapport à l’ordre actuel : le premier grade constitue le grade plancher.

L’accès à chaque grade supérieur est subordonné à l’inscription à un tableau d’avancement (II). Une exception existe néanmoins s’agissant de l’accès au troisième grade (III), qui est détaillée infra dans la partie consacrée à l’accès au troisième grade. Un magistrat ne peut être promu au deuxième grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de sept ans, à l’exception de la Cour de cassation (IV), cette règle étant déjà en vigueur dans le droit actuel.

L’impossibilité pour un magistrat d’être nommé dans des fonctions de président de tribunal judiciaire, de tribunal de première instance et de procureur de la République dans la juridiction où il est affecté, déjà prévue dans le droit actuel, demeure (IV). Le projet de loi organique supprime néanmoins l’exception à cette règle qui existe dans le droit actuel pour les magistrats dont l’emploi est élevé au niveau hiérarchique supérieur alors qu’il l’exerce.

Il est également rappelé que des échelons d’ancienneté sont établis à l’intérieur de chaque grade (V). Les fonctions exercées par les magistrats de chaque grade seront définies par décret (VI), comme c’est le cas actuellement.

ii.   Établissement du tableau d’avancement et nomination des magistrats du troisième grade (10°)

L’article 3 du présent projet supprime le chapitre IV, qui concerne la commission d’avancement. L’actuel chapitre V, qui concerne les magistrats hors hiérarchie, devient le chapitre IV et détaille les conditions de nomination des magistrats au troisième grade.

Le nouvel article 34 détaille les conditions dans lesquelles la commission d’avancement établit le tableau d’avancement.

Chaque année sont établies les listes des magistrats présentés en vue d’une inscription au tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade, par ordre de mérite. Ces listes sont notifiées aux magistrats concernés et adressées au garde des Sceaux.

La commission d’avancement, destinataire des listes, statue sur l’inscription au tableau d’avancement des magistrats du deuxième grade qui remplissent les conditions fixées pour accéder au troisième grade. La nomination à certaines fonctions du troisième grade peut être subordonnée à l’inscription sous une rubrique spéciale du tableau d’avancement.

Le tableau d’avancement, une fois arrêté par la commission d’avancement, est communiqué à chacune des formations compétentes du CSM, avant d’être signé par le Président de la République.

Les magistrats qui n’ont pas été présentés peuvent saisir la commission d’avancement pour exercer un recours (avant-dernier alinéa du nouvel article 34).

Les conditions d’application de l’article 34 seront fixées par décret, s’agissant notamment :

– des conditions exigées pour figurer au tableau d’avancement ;

– des modalités d’élaboration et d’établissement des différentes rubriques du tableau d’avancement et des tableaux supplémentaires éventuels ;

– de la liste des fonctions auxquelles les magistrats sous chaque rubrique peuvent être nommés ;

– de la durée de l’inscription au tableau d’avancement ;

– des conditions d’exercice et d’examen des recours.

Le nouvel article 35 établit les modalités de transmission du projet de nomination à une fonction de troisième grade.

Le projet de nomination est communiqué à la formation compétente du CSM. Il doit faire l’objet d’une diffusion auprès des magistrats en activité par les chefs de juridiction et les chefs de service. Le document est également transmis aux syndicats représentatifs de magistrats.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 35, dans la rédaction issue du texte initial du projet de loi organique, prévoit que le projet de nomination à des fonctions d’encadrement au parquet ([31]) doit tenir compte de plusieurs critères :

– l’expérience antérieure du candidat d’une ou plusieurs fonctions d’animation et de gestion d’une juridiction ou d’un service ;

– les aptitudes du candidat à l’administration et à la gestion, notamment dans le cadre des orientations de politiques publiques dont il a la charge.

Cet ajout présente un lien avec l’article 2 du présent projet de loi organique, qui concerne l’évaluation des chefs de cour d’appel et de tribunal.

Toute observation d’un candidat relative à un projet de nomination est adressée à la fois au garde des Sceaux et au CSM.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 35 issu de la rédaction du présent projet de loi organique prévoit que les mesures de publicité des projets de nomination ne s’appliquent pas lorsque ces projets ont été pris pour l’exécution de certaines sanctions disciplinaires (le déplacement d’office, le retrait de certaines fonctions et la rétrogradation).

iii.   Procédure de nomination des magistrats (5°, 10° et 14°)

Plusieurs alinéas de l’article 3 du présent projet de loi organique modifient des dispositions relatives aux conditions de nomination des magistrats.

L’article 36, dans la rédaction issue du présent projet de loi organique, prévoit que les décrets de nomination de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d’appel, de président d’un tribunal judiciaire ou d’un tribunal supérieur d’appel sont pris par le Président de la République sur proposition de la formation compétente du CSM, en conformité avec les conditions prévues à l’article 65 de la Constitution.

Cet ajout s’articule avec la suppression à l’article 28 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, par le 5° du présent article, de la mention des modalités de nomination aux fonctions de président d’un tribunal judiciaire ou d’un tribunal de première instance.

Des coordinations sont faites par le 12° et le 16° pour changer les références respectivement dans les articles 37 et 38-2.

Le deuxième alinéa de l’article 36 dans sa version issue du présent projet de loi organique prévoit que les décrets portant promotion de grade ou nomination aux fonctions de magistrat du siège autres que celles mentionnées au premier alinéa de l’article 36 sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des Sceaux, après avis conforme de la formation du CSM.

Le 14° modifie l’article 38 de l’ordonnance statutaire : il prévoit que les magistrats du parquet du troisième grade et les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice et d’inspecteur général de la justice sont nommés par décret du Président de la République après avis du CSM.

Outre la substitution des mots « troisième grade » aux mots « hors hiérarchie », le 14° ajoute dans la liste des magistrats concernés par cette procédure de nomination les inspecteurs de justice. Ces magistrats étaient auparavant nommés par décret du Président de la République sur proposition du garde des Sceaux, et après avis de la formation compétente du CSM.

Cet ajout s’articule avec la suppression, par le 5° du présent article, de la mention des magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur de la justice à l’article 28 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, ainsi qu’avec l’abrogation, par le 7° du présent article, de l’article 28-2 de cette ordonnance.

iv.   Accès au troisième grade (1° et 18°)

L’article 39 de l’ordonnance statutaire est réécrit par le présent article et précise les conditions d’inscription des magistrats au tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade.

Les magistrats du deuxième grade doivent avoir occupé deux emplois depuis leur nomination au deuxième grade (en position d’activité ou en détachement) pour être inscrits au tableau d’avancement. À cela s’ajoute une condition de mobilité géographique : les emplois, lorsqu’ils avaient un caractère juridictionnel, doivent avoir été occupés dans deux juridictions différentes (à l’exception des emplois occupés auprès de deux parquets près le tribunal judiciaire de Paris).

L’article 39 dans la rédaction issue du présent projet de loi organique prévoit qu’un nombre limité de magistrats peuvent être promus au troisième grade. Ce nombre sera déterminé par décret en Conseil d’État. L’objectif, en contingentant l’accès au troisième grade, est de garantir une répartition équilibrée entre les différents grades.

Des fonctions exclusivement juridictionnelles seront également accessibles aux magistrats du troisième grade. Cela ouvre des perspectives d’évolution de carrière à des magistrats qui ne souhaitent pas exercer des fonctions d’encadrement et devrait contribuer à dynamiser les carrières des magistrats.

Si la proportion n’est pas fixée, l’étude d’impact mentionne deux hypothèses pour les emplois localisés au troisième grade :

– l’une restrictive : les emplois placés hors hiérarchie, les emplois de chefs de tribunal de première instance ou supérieur d’appel classés au premier grade de la hiérarchie judiciaire, soit 16 % du corps judiciaire ;

– l’autre maximaliste : les emplois placés hors hiérarchie et les emplois du premier grade comportant un huitième échelon, soit un peu plus que 20 % du corps.

Dans les deux hypothèses, l’étude d’impact indique que la part des magistrats d’une valeur exceptionnelle promus au troisième grade ne pourra excéder 5 % de l’ensemble du corps – soit 464 emplois au maximum.

Un deuxième accès au troisième grade est prévu au III de l’article 2 de l’ordonnance statutaire dans la version issue du présent projet de loi organique : cet accès, direct, ne nécessite pas l’inscription au tableau d’avancement. Les magistrats, sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article 39 et précédemment exposées, seront nommés au troisième grade à raison des fonctions :

–  dans lesquelles ils sont nommés, soit : premier président de cour d’appel, procureur général près ladite cour, président de tribunal judiciaire, de tribunal de première instance et de tribunal supérieur d’appel et procureur de la République près lesdits tribunaux ;

–  qu’ils ont exercé, soit : conseiller référendaire ou avocat général référendaire à la Cour de cassation, pour exercer les fonctions de conseiller ou d’avocat général à ladite cour.

Le présent article prévoit donc une automaticité du passage de grade lorsqu’un magistrat accède à des fonctions de chef de juridiction.

La direction des services judiciaires considère que cette automaticité, qui maintient un lien entre grade et emploi, est de nature à rendre plus attractives les fonctions de chef de juridiction. Elle souhaite également éviter que des magistrats du (futur) premier grade soient positionnés en avancement sur un poste de chef de juridiction, ce qui peut être le cas aujourd’hui : un magistrat ayant sept ans d’ancienneté peut être promu au premier grade sur un poste de chef de juridiction.

v.   Fonctions réservées aux magistrats de troisième grade promus depuis au moins trois ans ayant accompli une mobilité statutaire (19°)

Certaines fonctions, dont la liste est dressée au nouvel article 39-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, ne seront accessibles qu’aux magistrats promus au troisième grade depuis au moins trois ans et ayant accompli une mobilité statutaire (dans les conditions prévues à l’article 71 de l’ordonnance, tel que modifié par le présent article). Ces fonctions sont les suivantes :

– magistrat du siège ou du parquet de la Cour de cassation, à l’exception des fonctions de conseiller référendaire, d’avocat général référendaire et d’auditeur ;

– premier président d’une cour d’appel et procureur général près ladite cour ;

– premier président de chambre de cour d’appel et premier avocat général près ladite cour ;

– inspecteur général, chef de l’inspecteur générale de la justice, et inspecteur général de la justice.

Ces fonctions recoupent les emplois placés hors hiérarchie, dont l’article 3 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 dresse la liste : seuls les emplois de présidents de chambre de cour d’appel et d’avocats généraux près ladite cour ne deviennent pas des fonctions accessibles après trois années au troisième grade et une mobilité statutaire.

Certaines fonctions, dont la liste est fixée par décret en fonction de l’importance de l’activité juridictionnelle, des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires et de la population du ressort, seront accessibles dans les mêmes conditions :

–  celle de président de tribunal judiciaire ou d’un tribunal de première instance ou d’un tribunal supérieur d’appel et celle de procureur de la République près lesdits tribunaux ;

– celle de premier vice-président d’un tribunal judiciaire ou d’un tribunal de première instance ou d’un tribunal supérieur d’appel, ainsi que celle de procureur de la République adjoint près lesdits tribunaux.

Cette liste est plus restrictive que celle prévue à l’article 3 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui inclut notamment les emplois de premier vice-président chargé de l’instruction et de premier vice-président chargé de l’application des peines.

Alors que la mobilité statutaire est indispensable pour exercer des fonctions hors hiérarchie actuellement, le présent article restreint la liste des postes de troisième grade nécessitant d’accomplir une mobilité statutaire.

L’article 3 de l’ordonnance statutaire, qui énonce les emplois placés hors hiérarchie, est abrogé par le 3° du présent article, tirant les conséquences de la création du troisième grade.

Le II du nouvel article 39-1 de l’ordonnance statutaire prévoit deux dérogations à la condition de trois ans d’exercice au troisième grade :

– les magistrats détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l’ENM pourront accéder directement à l’ensemble des fonctions de troisième grade, à l’exception des fonctions du troisième grade à la Cour de cassation, pour lesquelles ils devront justifier de cinq ans de détachement en qualité de directeur ou de chef de service ;

– les magistrats ayant effectué une mobilité statutaire et exercé une fonction du deuxième grade après les fonctions de conseiller ou d’avocat général référendaire à la Cour de cassation pourront accéder directement aux fonctions de conseiller et avocat général à la Cour de cassation.

La création de cette dérogation s’articule avec la suppression du dispositif similaire prévu actuellement pour les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires au b) du 6° du présent article.

À ces exceptions s’ajoutent celles déjà prévues à l’article 40 de l’ordonnance statutaire.

Dans la version issue du présent projet de loi organique, l’article 40 prévoit que peuvent être nommés directement aux fonctions du troisième grade :

– les conseillers d’État en service ordinaire ;

– les conseillers ou avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire nommés qui justifient de six années d’exercice en cette qualité ;

– les maîtres des requêtes au Conseil d’État ayant au moins dix ans de fonctions en cette qualité ;

– les professeurs des facultés de droit de l’État ayant enseigné au moins dix ans en cette qualité ;

– les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, membres ou anciens membres du Conseil de l’ordre, ayant au moins vingt ans d’exercice dans leur profession ;

– les avocats inscrits à un barreau français justifiant de vingt-cinq années au moins d’exercice de leur profession.

vi.   Ratio sur les emplois de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation (19°)

L’article 3 du présent projet de loi organique insère un nouvel article 39-2 au sein de l’ordonnance statutaire qui prévoit que les emplois vacants de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation sont pourvus, à raison d’un par tranche de six emplois, par la nomination d’un magistrat du troisième grade. Ce magistrat doit avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire pendant au moins huit ans.

S’il reprend le même ratio que celui déjà existant (un sur six), il modifie les exigences de grade : l’article 39 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction actuelle prévoit ainsi que les emplois vacants sont pourvus par un magistrat de premier grade et non par un magistrat placé hors hiérarchie.

Le deuxième alinéa du nouvel article 39-2 précise que les dispositions de l’article 12-1, qui concerne l’évaluation professionnelle des magistrats, ne s’appliquent pas aux magistrats de troisième grade à la Cour de cassation.

vii.   Mesures de coordination

Plusieurs alinéas de l’article 3 procèdent à des mesures de coordination.

Le 9° et les 20° à 24° procèdent à des coordinations liées à la création du troisième grade.

Le 15° supprime, dans l’article 38-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, le renvoi au troisième alinéa de son article 39, cet alinéa étant lui-même supprimé par le présent projet de loi organique.

Le 25° change la numérotation du chapitre V bis, en cohérence avec la suppression du chapitre IV.

Le 33° abroge les articles 76-3, 76-4 et 76-5 de l’ordonnance statutaire. L’article 76-3 fait référence aux corps recrutés par la voie de l’École nationale d’administration et n’a donc plus lieu d’être. Les articles 76-4 et 76-5 concernaient la mobilité statutaire.

L’ampleur de la restructuration impose une entrée en vigueur différée des mesures relatives à la création du troisième grade, que le 2° de l’article 12 du présent projet de loi organique fixe au plus tard au 31 décembre 2025.

b.   La modification du ratio de magistrats placés

Le 4° du présent article 3 modifie le septième alinéa de l’article 3-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui fixe le ratio de magistrats placés dans chaque cour d’appel, pour le fixer à un douzième des emplois de magistrat de la cour d’appel et des tribunaux de première instance du ressort.

L’étude d’impact indique que cela porterait le nombre théorique d’emplois placés à 725 (contre 560 aujourd’hui).

c.   De certaines fonctions en cour d’appel

Deux modifications sont apportées par l’article 3 du présent projet de loi organique s’agissant des fonctions en cour d’appel.

Le 1°, qui modifie l’article 2 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 pour prévoir la création du troisième grade, fait également évoluer les conditions d’avancement au deuxième grade. Il conserve ainsi la règle actuelle, selon laquelle un magistrat du premier grade ne peut être promu au deuxième grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de sept ans (à l’exception de la Cour de cassation). Il ajoute qu’un magistrat du premier grade ne peut être promu au deuxième grade dans la cour d’appel où il exerce la fonction de conseiller ou de substitut général.

Cet ajout va dans le sens des préconisations formulées par le rapport du comité des EGJ, c’est-à-dire valoriser des parcours de carrière moins verticaux, au cours desquels le magistrat peut effectuer des allers-retours entre la première instance et la juridiction d’appel.

Le 2° modifie l’article 3 de l’ordonnance statutaire pour intégrer les présidents de chambre de l’instruction à la liste des postes placés hors hiérarchie. Cette modification de l’article 3, alors même que celui-ci est abrogé par le 3° du présent article, s’explique par le fait que les deux alinéas ont des entrées en vigueur distinctes. L’article 12 du présent projet de loi organique prévoit ainsi une entrée en vigueur immédiate pour le 2°, et une entrée en vigueur différée pour le 3°.

Cet ajout à l’article 3 permet de prévoir explicitement que les postes de présidents de chambre de l’instruction sont des postes placés hors hiérarchie.

d.   Introduction d’un délai de retour après l’exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d’une même juridiction

Le 8° introduit un nouvel article 28-4 au sein de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, afin de prévoir un délai de retour au sein d’une même juridiction dans certains cas précis.

Le premier alinéa fixe un délai de cinq ans avant qu’un magistrat ayant exercé l’une des fonctions spécialisées mentionnées à l’article 28-3 ([32]) pendant plus de neuf ans ne puisse revenir exercer cette même fonction au sein de la même juridiction.

Le délai de neuf ans a été fixé pour que l’obligation de mobilité s’articule avec la durée maximale d’exercice sur une fonction spécialisée, fixée à dix ans.

Le deuxième alinéa fixe un délai de cinq ans avant qu’un magistrat ayant exercé des fonctions de magistrat du parquet au sein d’une juridiction puisse être nommé dans cette même juridiction sur une fonction de magistrat du siège. Le délai court à compter de la cessation de fonctions au sein de la juridiction.

En sens inverse, le troisième alinéa fixe un délai de cinq ans avant qu’un magistrat ayant exercé des fonctions de magistrat du siège au sein d’une juridiction puisse être nommé dans cette même juridiction sur une fonction de magistrat du parquet. Le délai court à compter de la cessation de fonctions au sein de la juridiction.

Ces deux derniers alinéas procèdent ainsi à l’inscription au niveau organique d’une règle qui, en pratique, est déjà appliquée par la direction des services judiciaires et le CSM.

e.   Durée limitée des fonctions à l’inspection générale de la justice et transparence de la nomination de son chef

L’article 3 du présent projet de loi organique met fin à l’absence de transparence sur la nomination du chef de l’inspection générale de la justice. L’article 37-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui prévoyait que les projets de nomination à des fonctions hors hiérarchie et la liste des candidats à ces fonctions étaient transmis notamment au CSM et aux chefs de juridictions, prévoyait explicitement une exception pour les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspecteur général de la justice. Le 13° de l’article 3 procède en conséquence à son abrogation.

Cette abrogation s’articule avec la nouvelle rédaction de l’article 35 de cette ordonnance, qui prévoit la communication au CSM et aux chefs de juridiction du projet de nomination à une fonction du troisième grade et de la liste des candidats à cette fonction.

Le 17° introduit un nouvel article 38-3 au sein de l’ordonnance, afin d’instaurer une durée limitée des fonctions à l’inspection générale de la justice et de prévoir le retour en juridiction.

Le premier alinéa du I prévoit que la durée d’exercice des fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, est de sept années, sans possibilité de renouveler ou de proroger.

Les trois alinéas suivants fixent la procédure d’affectation en juridiction du magistrat, qui est menée en trois temps. Neuf mois avant la fin de la septième année d’exercice, le magistrat chef de l’inspection générale de la justice formule des souhaits d’affectation dans trois juridictions au moins, appartenant à des ressorts de cour d’appel différents ou à la Cour de cassation. Ces souhaits ne peuvent pas porter exclusivement sur les fonctions mentionnées à l’article 39-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, soit les fonctions du siège et du parquet de la Cour de cassation, de premier président de cour d’appel et de procureur général près ladite cour et de premier président de chambre d’une cour d’appel et de premier avocat général près ladite cour.

Le garde des Sceaux peut, six mois avant l’expiration de la septième année d’exercice, inviter le magistrat chef de l’inspection générale de la justice à présenter trois nouvelles demandes d’affectation.

Si le magistrat n’a pas formulé de demandes, ou que ces demandes n’ont pas été satisfaites, alors le garde des Sceaux lui propose une affectation, à égalité de niveau hiérarchique, à des fonctions du parquet dans trois juridictions. Le magistrat dispose d’un délai d’un mois pour accepter la proposition d’affectation ; à défaut, il est nommé dans l’une des trois affectations proposées.

Le premier alinéa du II limite la durée d’exercice des fonctions d’inspecteur général de la justice et d’inspecteur de la justice à dix ans ; elle empêche en outre tout renouvellement et toute prorogation.

Les trois alinéas suivants fixent la procédure d’affectation du magistrat en juridiction, qui est similaire à celle prévue pour le chef de l’inspection générale de la justice. Le magistrat formule des demandes d’affectation dans trois juridictions appartenant à des ressorts de cour d’appel différents, et peut se voir proposer des affectations à des fonctions du parquet lorsque ses demandes ne sont pas satisfaites ou lorsqu’il n’en a pas formulé.

Le nombre de magistrats à l’Inspection générale de la justice qui seront concernés par ces dispositions s’élève à 41. Parmi eux, trois y exercent leurs fonctions depuis plus de dix ans, dont un depuis près de vingt ans.

L’étude d’impact indique également que les expériences à l’inspection générale de la justice seront comptabilisées au titre de la mobilité statutaire, ce qui est de nature à valoriser le passage par l’inspection.

Cette limitation des fonctions à l’inspection générale de la justice est cohérente avec les règles pour les services d’inspection générale ou de contrôle, définies par le décret n° 2022-335 du 9 mars 2022 relatif aux services d’inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services. L’article 6 du décret limite la durée d’exercice du chef d’un service d’inspection générale ou de contrôle à cinq ans, renouvelable pour trois ans.

f.   Modernisation des positions administratives et fixation des conditions de réintégration après une mobilité

Du 26° au 32°, les dispositions relatives aux magistrats en mobilité statutaire sont modernisées et les conditions de réintégration dans le corps précisées.

Le 26° modifie l’article 67 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 pour supprimer la référence à la position « sous les drapeaux » et substituer à la notion « en service détaché » la notion de « détachement ».

Le 27° remplace la totalité des dispositions de l’article 71 de cette ordonnance, qui portent sur la réintégration à l’issue d’une période de disponibilité, par des dispositions sur la mobilité statutaire des magistrats.

Le I prévoit que pour accéder aux fonctions du troisième grade mentionnées à l’article 39-1 de l’ordonnance ([33]), les magistrats doivent avoir accompli une mobilité statutaire d’au moins deux ans, après au moins quatre années de services effectifs dans le corps judiciaire.

Le II énumère les situations correspondant à une mobilité statutaire :

– magistrat en position de détachement ;

– magistrat en position de disponibilité pour exercer, dans le secteur public ou le secteur privé, des fonctions d’un niveau comparable ;

– magistrat faisant l’objet d’une mise à disposition.

Le CSM se prononce sur l’accomplissement de la mobilité statutaire (III). Au terme de cette mobilité, les magistrats sont réintégrés de droit dans le corps judiciaire, et les années en mobilité sont assimilées à des services effectifs dans le corps judiciaire (IV).

Le V énumère les cas où un magistrat est réputé avoir effectué sa mobilité statutaire :

– lorsqu’il justifie d’au moins sept années d’activité professionnelle de niveau comparable avant son entrée dans le corps judiciaire ;

– lorsqu’il a exercé les fonctions de substitut ou premier substitut à l’administration centrale du ministère de la justice pendant au moins trois ans ;

– lorsqu’il a exercé les fonctions d’inspecteur de la justice.

Le 28° procède à une coordination au sein de l’article 72 de l’ordonnance statutaire.

Le 29° insère un nouvel article, le 72-1, au sein de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958. Celui-ci institue une procédure de réintégration à l’issue d’une période de disponibilité, qui se déroule ainsi :

– neuf mois au plus tard avant l’expiration de sa disponibilité, le magistrat, s’il ne renouvelle pas celle-ci, fait connaître au garde des Sceaux au moins trois choix d’affectation dans au moins trois juridictions différentes ([34]) ;

– six mois au plus tard avant l’expiration de la disponibilité, le garde des Sceaux peut inviter le magistrat à formuler trois demandes supplémentaires d’affectation dans trois autres juridictions ;

– à l’expiration de sa disponibilité, le magistrat est réintégré dans le corps judiciaire et nommé sur l’une des fonctions qui ont fait l’objet de ses demandes.

Le garde des Sceaux peut proposer au magistrat une affectation dans trois juridictions si celui-ci n’a pas exprimé de demande, ou si aucune des demandes formulées ne peut être satisfaite. À défaut d’acceptation dans un délai d’un mois, le magistrat est nommé dans l’une des juridictions aux fonctions qui lui ont été proposées.

Une procédure spécifique est prévue pour les magistrats qui occupaient un emploi du siège de la Cour de cassation, de premier président de cour d’appel ou de président de tribunal judiciaire au moment de leur disponibilité : s’ils souhaitent réintégrer le corps judiciaire sur l’un de ces emplois, alors ils doivent adresser leur candidature au CSM au plus tard sept mois avant l’expiration de la disponibilité.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le magistrat sollicite sa réintégration avant l’expiration de sa période de disponibilité : celui-ci doit accepter l’un des trois postes proposés, sous réserve d’être admis à cesser ses fonctions ou à faire valoir ses droits à la retraite.

Le 30° remplace les dispositions de l’article 72-2 de l’ordonnance, qui portent sur le reclassement indiciaire d’un magistrat réintégrant le corps judiciaire à l’issue d’un détachement, par des dispositions instituant une procédure de réintégration à l’expiration de cette position.

La procédure de réintégration dans le corps judiciaire à l’issue d’un détachement est similaire à celle prévue pour les personnes en disponibilité.

Deux particularités peuvent être soulignées. L’article 72-2 mentionne ainsi une réintégration immédiate dans le corps judiciaire à l’expiration du détachement, alors que l’article 72-1 sur la mise en disponibilité mentionne simplement une réintégration dans le corps judiciaire.

La deuxième spécificité est celle qui veut qu’à l’issue du détachement, lors de la réintégration du magistrat dans le corps judiciaire, il est tenu compte de l’échelon qu’il a atteint pendant son détachement, sous réserve que celui-ci soit plus favorable. Cette prise en compte est déjà prévue dans le droit actuel, à l’article 72‑2 de l’ordonnance.

Le 31° modifie l’article 72-3 de la même ordonnance, qui concerne la réintégration des magistrats placés en position de congé parental.

Le I prévoit que le magistrat est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son corps d’origine. Il distingue ensuite deux cas selon la durée du congé parental.

Le III fixe les conditions de réintégration lorsque le congé parental ne dure pas plus de six mois. Le magistrat est alors réaffecté dans son dernier emploi par un décret de nomination pris après avis du CSM, mais sans qu’il y ait eu au préalable une diffusion de la transparence, ce qui permet d’envisager une réintégration dans un délai compris entre deux et six mois.

Dans les cas où le congé parental dure plus de six mois, la procédure, fixée au IV, est la suivante :

– cinq mois au plus tard avant l’expiration du congé parental, le magistrat formule au moins trois choix d’affectation dans au moins trois juridictions différentes ([35])  ;

– quatre mois au plus tard avant l’expiration du congé parental, le garde des Sceaux peut inviter le magistrat à présenter trois demandes supplémentaires, dans trois autres juridictions.

Si le magistrat n’a exprimé aucune demande, ou qu’aucune de ses demandes n’a pu être satisfaite, le garde des Sceaux lui propose une affectation dans trois juridictions. À défaut d’acceptation dans un délai d’un mois, le magistrat est nommé sur l’un des postes proposés.

Le magistrat qui présente une demande d’affectation dans la juridiction où il exerçait auparavant est nommé de droit dans cette juridiction. S’il est nommé en surnombre, le premier poste vacant au sein de la juridiction après son arrivée lui échoit.

Le 32° modifie l’article 76-2 de l’ordonnance statutaire, afin d’intégrer les modifications liées à la réforme des corps de la haute fonction publique. La rédaction issue du présent projet de loi organique prévoit la possibilité pour les magistrats d’être détachés, intégrés après détachement, ou nommés au tour extérieur dans tous les corps et cadres d’emplois de catégorie A et de niveau comparable à celui du corps judiciaire.

g.   Recul de la limite d’âge pour le maintien en activité en surnombre

Le 34° de l’article 3 du présent projet de loi organique apporte quatre modifications à l’article 76-1-1 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958.

En premier lieu, aux premier et quatrième alinéas de l’article 76-1-1, il repousse la limite d’âge d’activité et la fixe à soixante-dix ans pour les magistrats hors hiérarchie du siège et du parquet de la Cour de cassation et pour les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux judiciaires, les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale de la justice.

En deuxième lieu, le b) du 34° ouvre la possibilité pour les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation d’être maintenus en activité pour exercer les fonctions sur lesquelles ils sont mis à disposition ou détachés, alors que la rédaction actuelle de l’article 76-1-1 prévoit simplement l’exercice des fonctions de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation.

En troisième lieu, le c) du 34° ouvre la possibilité, pour les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux judiciaires, les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale de la justice d’être maintenus en activité pour exercer les fonctions sur lesquelles ils sont mis à disposition ou détachés.

Enfin, le d) du 34° supprime l’impossibilité pour les magistrats en position de détachement d’être maintenus en activité.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté deux amendements en commission et deux amendements en séance.

L’amendement COM-44, déposé par les rapporteures, instaure une durée minimale d’affectation de trois ans et une durée maximale d’affectation de dix ans pour l’ensemble des magistrats.

Le dispositif proposé reprend les articles 2 et 3 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice déposée par M. Philippe Bas au Sénat le 18 juillet 2017. Cette proposition de loi était elle-même issue des travaux de la commission des lois du Sénat sur la réforme de la justice, exposés dans un rapport d’information déposé le 4 avril 2017 ([36]).

Faisant le constat d’une mobilité très importante dans la magistrature, pouvant être source de désorganisation pour les juridictions, le rapport proposait de mieux encadrer le régime de mobilité, en prévoyant des règles de durée minimale et maximale d’exercice.

Le dispositif proposé par l’amendement met en œuvre cette recommandation, en procédant à plusieurs modifications de l’ordonnance statutaire.

En premier lieu, il insère au sein de l’ordonnance du 22 décembre 1958 un nouvel article 3-1-1, qui prévoit qu’aucun magistrat ne peut être affecté moins de trois ans et plus de dix ans dans la même juridiction. Une dérogation est possible, sur avis motivé du CSM, soit pour des raisons personnelles ou professionnelles, soit pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière.

Le II de ce nouvel article 3-1-1 organise la mise en œuvre de l’obligation, pour un magistrat, de quitter une juridiction après dix années en son sein : celui-ci doit faire connaître ses souhaits d’affectation au plus tard neuf mois avant la fin de sa dixième année. S’il ne le fait pas, le garde des Sceaux peut alors lui proposer une affectation à égalité de niveau hiérarchique dans trois juridictions. À défaut d’accepter, il est nommé dans l’une des affectations offertes.

Le III de ce nouvel article 3-1-1 prévoit que la nomination peut être prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif budgétaire du grade du magistrat concerné par le changement d’affectation.

En deuxième lieu, il introduit à l’article 28 de la même ordonnance l’exigence de durée minimale d’affectation de trois ans pour les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire. Il prévoit la possibilité de déroger à cette règle dans les mêmes conditions que celles mentionnées au II du nouvel article 3-1-1. La durée maximale d’affectation de dix années est déjà prévue par l’article 28 dans sa rédaction actuelle.

En troisième lieu, il introduit à l’article 28-3 de l’ordonnance une durée minimale d’exercice, dans la même juridiction, de quatre années pour les fonctions spécialisées de juge des libertés et de la détention, de juge d’instruction, de juge des enfants, de juge de l’application des peines ou de juge des contentieux de la protection. La possibilité de déroger à cette règle sur avis motivé du CSM est prévue. Une durée maximale d’affectation de dix ans est déjà prévue par l’article 28-3 dans sa rédaction actuelle.

En quatrième lieu, il introduit à l’article 37 de l’ordonnance une durée minimale d’exercice de trois années pour les fonctions de premier président d’une même d’appel, durée minimale à laquelle il peut être dérogé sur avis motivé du CSM. Une durée maximale d’exercice de sept années est déjà prévue pour les fonctions de premier président dans une même cour d’appel.

En cinquième lieu, il introduit à l’article 38-1 de l’ordonnance une durée minimale d’exercice de trois années pour les fonctions de procureur général près une même cour d’appel, durée minimale à laquelle il peut être dérogé sur avis motivé du CSM. Une durée maximale d’exercice de sept années est déjà prévue pour les fonctions de procureur général près une même cour d’appel.

En sixième lieu, il introduit à l’article 38-2 de l’ordonnance une durée minimale d’exercice de trois années pour les fonctions de président ou de procureur de la République d’un même tribunal judiciaire ou de première instance, durée minimale à laquelle il peut être dérogé sur avis conforme du CSM. Une durée maximale d’exercice de sept années est déjà prévue pour les fonctions de président ou procureur de la République d’un même tribunal judiciaire dans la rédaction actuelle de l’article 38-2.

En septième lieu, il modifie l’article 39-2 de l’ordonnance, introduit par le présent projet de loi organique, qui concerne le ratio d’emplois vacants de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation devant être pourvus par la nomination de magistrats de troisième grade ayant exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire pendant au moins huit ans. Il assouplit la condition d’avancement exigée, en prévoyant que les magistrats susceptibles d’être nommés sur ces postes doivent appartenir au deuxième grade.

Les autres amendements adoptés à cet article par le Sénat, également à l’initiative des rapporteures de sa commission des lois, ont un caractère rédactionnel ou procèdent à des coordinations.

4.   La position de la Commission

La Commission accueille favorablement l’évolution de la structure hiérarchique du corps judiciaire proposée par l’article 3 du présent projet de loi organique, ainsi que les six autres évolutions proposées par ce même article. Elle a néanmoins adopté dix amendements déposés par votre rapporteur, dont cinq amendements rédactionnels, pour modifier et préciser certains dispositifs.

L’amendement CL162, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, supprime les règles de durée minimale et maximale d’exercice introduites par le Sénat dans l’ordonnance statutaire, considérant qu’inscrire ces durées dans l’ordonnance statutaire est trop rigide. L’amendement introduit néanmoins une contrainte pour les premiers présidents, les procureurs généraux et les présidents et procureurs de la République : ceux-ci ne peuvent être déchargés de leurs fonctions pendant au moins trois ans. Des dérogations à cette règle pour des raisons personnelles ou familiales, graves ou exceptionnelles, ou dans l’intérêt du service, sont prévues. L’introduction d’une durée minimale de trois années avant de pouvoir être déchargé limite les stratégies de carrière pouvant être induites par l’automaticité de l’accès au troisième grade lors de l’accès aux postes de chefs de cour et de tribunal.

L’amendement CL153, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, vise à apporter des précisions sur les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation, qui ne recouperont pas exactement les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation. Il inscrit également dans l’ordonnance statutaire des précisions sur les emplois support des fonctions de chef de cour et de juridiction.

L’amendement CL104, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, introduit de la souplesse dans le ratio de recrutement des conseillers et des avocats généraux : un sur six des emplois vacants doit être pourvu par un magistrat du deuxième grade ayant exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire pendant au moins huit ans. L’amendement prévoit qu’il peut être dérogé à ce ratio lorsqu’un emploi ne peut être pourvu.

L’amendement CL106, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, apporte une précision sur la procédure de nomination d’un magistrat réintégré dans le corps judiciaire après un congé parental.

L’amendement CL159, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, propose une deuxième option s’agissant de la date de départ en retraite d’un magistrat lorsqu’un magistrat a atteint la limite d’âge de maintien en activité : celui-ci pourra maintenant partir au 30 juin ou au 31 décembre de l’année en cours.

*

*     *

Article 4
(art. 27-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Priorité d’affection

 

Adopté par la Commission sans modification

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 du projet de loi organique insère un nouvel article dans l’ordonnance statutaire qui crée une priorité d’affectation pour les magistrats ayant exercé des fonctions sur des emplois peu attractifs.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement en commission qui supprime l’obligation, pour le magistrat qui modifie ses souhaits d’affectation prioritaire, de le faire sans délai.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des lois a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’évolution de carrière des magistrats est encadrée par des règles statutaires et des règles de gestion suivies par le Conseil supérieur de la magistrature et la direction des services judiciaires.

Ainsi, un magistrat ne peut être promu au premier grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de sept ans (deuxième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance statutaire). L’article 28-3 de l’ordonnance statutaire limite également la durée pendant laquelle un magistrat peut exercer certaines fonctions spécialisées.

Les différents rapports d’activité du CSM montrent sa préoccupation constante de trouver un équilibre entre la mobilité professionnelle des magistrats et la stabilité dans les juridictions. Il rappelle ainsi dans son rapport de 2022 qu’il « veille à assurer un juste équilibre entre la nécessaire mobilité des magistrats et le risque de “ nomadisme judiciaire ”, néfaste au fonctionnement des juridictions et à la qualité du service rendu aux justiciables » ([37]).

Le Conseil supérieur de la magistrature énumère par ailleurs les critères d’examen des transparences qui ne relèvent pas des règles statutaires, parmi lesquels :

– la durée d’affectation minimale dans les fonctions, portée de deux à trois ans pour tous les magistrats à compter du 1er janvier 2021 ;

– l’exigence de mobilité géographique pour bénéficier d’un avancement, avec des exceptions pour le passage du second au premier grade dans les juridictions souffrant d’un problème d’attractivité ;

– l’observation d’un délai de cinq ans entre tout passage du siège au parquet au sein d’une même juridiction (et inversement).

À ces règles s’ajoutent les priorités d’affectation, qui sont rappelées dans l’étude d’impact du présent projet de loi organique :

– les magistrats placés, après deux ans d’exercice, peuvent être nommés à leur demande à l’un des tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés (neuvième alinéa de l’article 3-1 de l’ordonnance statutaire) ;

– les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires peuvent formuler des demandes d’affectation dans les conditions prévues à l’article 28-1 de l’ordonnance statutaire ;

– des mécanismes de décharge existent pour les fonctions de chef de juridiction et les fonctions spécialisées (articles 28-2, 28-3, 37, 38-1, 38-2 de l’ordonnance statutaire) ;

– les magistrats qui reviennent à l’issue d’une période de mobilité statutaire peuvent être réintégrés dans la juridiction dans laquelle ils exerçaient précédemment s’ils le demandent (sixième alinéa de l’article 76-4 de l’ordonnance statutaire) ;

– les magistrats placés en congé parental sont réintégrés dans l’une des fonctions qui ont fait l’objet de leurs demandes (cinquième alinéa de l’article 72-3 de l’ordonnance statutaire).

Le Conseil constitutionnel est attentif à ce que les différences de traitement entre les magistrats soient en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Dans une décision du 21 février 1992, le Conseil rappelait ainsi que « dans l’exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu’en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l’indépendance judiciaire et la règle de l’inamovibilité des magistrats du siège, comme l’exige l’article 64 de la Constitution, mais également le principe d’égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » ([38])

Il a ainsi déclaré contraire à la Constitution une disposition prévoyant un régime spécifique pour les magistrats détachés dans certains emplois, considérant que l’alinéa instituait une différence de situation ne reposant pas sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi et qui n’était pas justifiée par un motif d’intérêt général ([39])

Un déficit récurrent de candidatures est constaté pour certains territoires et/ou certaines fonctions. Les postes sont donc offerts aux sortants d’école. À titre d’exemple, cinq postes étaient ouverts dans le ressort de la Cour d’appel de Cayenne et deux au tribunal judiciaire de Mamoudzou pour la promotion 2021 de l’École nationale de la magistrature.

La direction des services judiciaires travaille à trouver des leviers pour améliorer l’attractivité de ces territoires et ainsi attirer les magistrats expérimentés. La priorité d’affectation pour les magistrats exerçant dans certains territoires, expérimentée depuis juin 2021, constitue l’un de ces leviers.

Dès leur nomination sur un poste identifié comme souffrant d’un manque d’attractivité, les magistrats signent un contrat de mobilité avec la direction des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature, dans lequel ils formulent plusieurs demandes d’affectation, dans plusieurs juridictions.

35 engagements d’affectations prioritaires ont été pris à ce jour, répartis ainsi :

– 15 magistrats nommés à Mamoudzou ;

– 2 magistrats nommés à Saint-Martin ;

– 1 magistrat nommé à Saint-Laurent-du-Maroni ;

– 1 magistrat nommé à Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– 13 magistrats nommés à Cayenne ;

– 3 magistrats nommés à Bastia.

L’article 4 élève au niveau organique la priorité d’affectation pour certains emplois.

2.   Le projet de loi organique initial

L’article 4 du présent projet de loi organique insère un nouvel article 27-2 au sein de l’ordonnance statutaire qui prévoit les conditions dans lesquelles les magistrats peuvent bénéficier d’une priorité d’affectation.

Les magistrats nommés sur des emplois présentant des difficultés particulières de recrutement bénéficieront d’une priorité d’affectation s’ils exercent leurs fonctions pendant une durée minimale qui sera fixée par décret en Conseil d’État (II). Le directeur des services judiciaires envisage de fixer cette limite à trois ans.

La liste de ces emplois sera fixée par arrêté du garde des Sceaux, après avis de la commission d’avancement (II). Selon le directeur des services judiciaires, le critère retenu sera celui du déficit structurel d’attractivité. La liste envisagée recouperait celle des territoires concernés par l’expérimentation.

Le magistrat, avant sa nomination sur un des emplois listés comme rencontrant des problèmes d’attractivité, indique au garde des Sceaux une liste comprenant au moins cinq affectations qu’il souhaiterait obtenir après cet emploi, dans au moins trois juridictions différentes ([40]) (I). Ces demandes d’affectation ne peuvent pas toutes porter sur des emplois du grade supérieur, ni sur les emplois du troisième grade accessibles après trois ans d’exercice et une période de mobilité (comme prévu à l’article 39-1).

Le Conseil supérieur de la magistrature est destinataire de ces demandes d’affectation en même temps que du projet de nomination du magistrat dans l’emploi rencontrant des difficultés de recrutement (I).

Au terme de la durée minimale d’exercice fixée par décret, les magistrats sont nommés dans l’une des affectations demandées par eux avant leur nomination. La nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif budgétaire à l’échelon hiérarchique concerné et en surnombre de l’effectif organique de la juridiction. Le surnombre est résorbé dès la première vacance dans cette juridiction (II).

Une fois nommés, les magistrats peuvent indiquer sans délai trois nouvelles affectations au moins au garde des Sceaux, s’ils justifient d’une évolution de leur situation personnelle ou familiale (III). Ces modifications sont communiquées au CSM. Cette disposition introduit une dose de flexibilité dans le dispositif et permet de ne pas fixer strictement les choix du magistrat.

Les conditions d’application de l’article, notamment la durée minimale d’exercice requise pour faire valoir une priorité d’affectation, seront déterminées par décret en Conseil d’État.

L’étude d’impact indique que parmi les différentes priorités statutaires, celle dont bénéficient les magistrats placés sera prioritaire.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement en commission. L’amendement COM-46, déposé par les rapporteures, modifie l’alinéa relatif à la modification par le magistrat de ses souhaits d’affectation prioritaire. Il supprime la nécessité prévue dans le texte initial de faire cette modification sans délai.

4.   La position de la Commission

La Commission se satisfait de l’inscription de cette priorité d’affectation dans la loi organique et n’a pas apporté de modifications à cet article.

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Article 5
(art. LO. 121-4, LO. 121-4-1, LO. 121-5, LO. 122-5, LO. 122-6, LO. 122-7, LO. 125-1, LO. 123-10-1, LO. 314-2, LO. 513-3, LO. 513-4, LO. 513-7, LO. 513-8, LO. 532-17, LO. 532-18, LO. 552-9-1 A, LO. 562-24-2 [nouveaux] du code de l’organisation judiciaire)
Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article élève au niveau organique divers dispositifs organisant l’affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination. Il crée également deux nouveaux dispositifs de délégation de magistrats, pour faciliter le renforcement temporaire de juridictions en difficulté.

L’accord donné par le magistrat délégué à la délégation a été ajouté dans les divers dispositifs de délégation existants et créés.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements en commission et aucun amendement en séance. Il est revenu sur deux nouveaux dispositifs de délégation, dont celui permettant de déléguer des magistrats des cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence vers les juridictions d’outre-mer et de Corse.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté l’amendement de rétablissement du texte initial proposé par votre rapporteur : les dispositifs de délégation supprimés par le Sénat sont donc réintégrés dans l’article 5.

1.   L’état du droit

Plusieurs dispositions encadrent l’affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination pour renforcer des juridictions ou remplacer des magistrats empêchés.

a.   La délégation des magistrats au niveau du ressort d’une cour d’appel

L’article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire organise les modalités de délégation de magistrats au niveau du ressort de la cour d’appel.

Le premier président peut y avoir recours dans trois hypothèses :

– une vacance d’emploi ;

– un empêchement ;

– lorsque le renforcement temporaire et immédiat apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.

Par ordonnance, il peut ainsi déléguer les présidents de chambres et les conseillers de la cour d’appel, ainsi que les juges des tribunaux judiciaires, pour exercer des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la cour d’appel.

Le deuxième alinéa de l’article L. 121-4 limite la fréquence à laquelle les magistrats peuvent être délégués à cinq fois au cours de la même année judiciaire. La durée totale de ces délégations ne peut excéder trois mois.

Une dérogation à cette durée maximale existe pour les magistrats désignés pour exercer les fonctions de juge de l’expropriation : la délégation ne doit alors pas excéder six mois.

L’ordonnance prise par le premier président doit préciser :

– le motif de la délégation ;

– la durée de la délégation ;

– la nature des fonctions exercées par le magistrat délégué.

S’il n’existe pas de dispositif similaire général pour déléguer des magistrats des juridictions du premier degré vers la cour d’appel de leur ressort, l’article R. 312-4 du code de l’organisation judiciaire prévoit cette possibilité dans les départements d’outre-mer.

b.   La gestion des arrêts à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna

À Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions de délégation en cas d’absence sont similaires.

En première instance, en cas de vacance de poste, d’absence, d’empêchement ou d’incompatibilité légale, les fonctions de magistrat sont exercées par le président du tribunal supérieur d’appel (article L. 513-3 du code de l’organisation judiciaire).

Lorsque celui-ci ne peut intervenir, les fonctions de magistrat du tribunal de première instance sont assurées par un magistrat du siège, désigné par le premier président de la Cour d’appel de Paris sur une liste arrêtée par lui pour chaque année civile (I de l’article L. 513-4 du même code).

Si celui-ci ne peut pas se déplacer, alors il préside l’audience depuis un autre point du territoire de la République, relié à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle (II de l’article L. 513-4 du même code).

Le même mécanisme est prévu pour le tribunal supérieur d’appel de Saint-Pierre-et-Miquelon aux articles L. 513-7 et L. 513-8 de ce code.

Dans les îles Wallis et Futuna, en cas de vacance de poste du président du tribunal de première instance de Mata-Utu, d’absence, d’empêchement ou d’incompatibilité légale, les fonctions de ce magistrat sont exercées par un magistrat du siège désigné par le premier président de la cour d’appel de Nouméa (I de l’article L. 532-17 du même code).

Si celui-ci ne peut se déplacer, alors il préside l’audience depuis un autre point du territoire de la République, relié à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle (II de l’article L. 532-17).

2.   Le projet de loi organique initial

Le présent article renforce les garanties apportées aux dispositifs statutaires d’affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination, en les élevant au niveau organique. Il crée également un dispositif de délégation de magistrats en outre-mer et en Corse pour une durée ne pouvant excéder trois mois.

a.   La création d’un dispositif de délégation générale entre les tribunaux de judiciaires d’un ressort et leur cour d’appel, au bénéfice de cette dernière

Le 1° remplace l’article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire par un article LO. 121-4, qui reproduit les dispositions relatives à la délégation de magistrats par le premier président de la cour d’appel, en ajoutant certains éléments et en procédant à des modifications :

– la délégation doit se faire avec l’accord du magistrat ;

– dans la durée maximale des délégations doivent être prises en compte également les nouvelles possibilités de délégations ouvertes par les articles LO. 121-4-1 et LO. 121-5 du même code.

Le 2° insère un nouvel article LO. 121-4-1 au sein du code de l’organisation judiciaire, qui prévoit la possibilité pour des magistrats du premier degré de renforcer la cour d’appel, sur le modèle des délégations prévues de la cour d’appel vers les tribunaux judiciaires.

Le critère pour que le premier président puisse procéder par ordonnance à la délégation de magistrats est la nécessité pour la cour d’appel d’être renforcée temporairement et immédiatement, afin d’assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable. Il ne peut le faire en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement.

Le premier président peut alors, par ordonnance, déléguer les magistrats du siège des tribunaux judiciaires du ressort pour exercer, avec leur accord, des fonctions judiciaires à la cour d’appel.

Les limites temporelles fixées à ces délégations sont les mêmes que celles prévues à l’article LO. 121-4.

Le 4° insère trois nouveaux articles au sein du code de l’organisation judiciaire, pour prévoir un dispositif de délégation de magistrats du parquet vers et en provenance de la cour d’appel, qui est similaire à celui existant pour les magistrats du siège.

L’article LO. 122-5 prévoit ainsi que, dans les trois cas prévus à l’article LO. 121-4 (vacance, empêchement, renforcement temporaire), le procureur général peut déléguer, avec son accord, un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet du tribunal judiciaire du ressort de la cour d’appel pour remplir les fonctions du ministère public près les tribunaux du ressort de cette cour.

Si l’article limite la durée totale de la délégation à trois mois sur une période de douze mois consécutifs, il ne prévoit pas de limitation sur la fréquence de ces délégations.

L’article LO. 122-6 du code de l’organisation judiciaire prévoit un dispositif de délégation pour renforcer la cour d’appel, afin d’assurer le traitement raisonnable du contentieux. Le procureur général peut alors, avec son accord, déléguer le magistrat du parquet d’un tribunal judiciaire du ressort de la cour d’appel pour remplir les fonctions du ministère public près cette cour.

Ce dispositif reprend celui prévu actuellement à l’article R. 122-3 du même code.

L’article LO. 122-7 du code de l’organisation judiciaire prévoit un cas de délégation lors des week-ends et des congés annuels : le procureur général peut alors désigner, après avis des procureurs de la République concernés, un magistrat du parquet d’un tribunal judiciaire de son ressort pour exercer les compétences du ministère public près d’un ou deux tribunaux judiciaires du ressort.

Ce dispositif reprend celui prévu actuellement à l’article R. 122-4 du même code.

b.   La possibilité de déléguer des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et des magistrats exerçant à titre temporaire

Le 3° insère un nouvel article LO. 121-5 au sein du code de l’organisation judiciaire, pour permettre la délégation par le premier président de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (mentionnées à l’article 41-25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature), au sein des tribunaux judiciaires d’un ressort de cour d’appel.

Cette délégation est possible seulement lorsque le renforcement d’une juridiction est indispensable pour assurer le traitement raisonnable du contentieux, et non en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement.

Les magistrats délégués ne peuvent l’être plus de trois fois sur une période de douze mois consécutifs, et ces délégations ne doivent pas excéder trois mois.

c.   La création d’un nouveau dispositif de délégation de magistrats en outre-mer et en Corse

Le 5° crée un dispositif de délégation de magistrats dans les juridictions d’outre-mer et de Corse, en insérant un nouvel article LO. 125-1 au sein du titre du code de l’organisation judiciaire relatif aux règles générales d’organisation et de fonctionnement des juridictions judiciaires.

Ce dispositif de délégation doit être déclenché dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Il est encadré à plusieurs titres :

– il s’applique seulement lorsque les dispositifs de délégation, suppléance et remplacement prévus par ce code ne sont pas applicables dans la collectivité concernée, ou lorsque leur application est insuffisante pour assurer la continuité du service public de la justice et le renforcement temporaire et immédiat d’une juridiction ;

– la délégation est demandée par le premier président ou le procureur général d’une cour d’appel située en outre-mer ou en Corse ;

– les magistrats du siège ou du parquet du ressort des cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence désignés doivent l’être avec leur accord ;

– ces magistrats auront été préalablement inscrits sur une liste arrêtée par leurs chefs de cour au moins une fois par année civile ;

– la période durant laquelle ces magistrats complètent les effectifs des juridictions ne peut excéder trois mois ;

– un magistrat ne peut être délégué pour une durée excédant trois mois sur une période de douze mois consécutifs, en prenant en compte les délégations dans le ressort d’une cour d’appel.

La décision de délégation précise la durée et le motif de la délégation, ainsi que les fonctions exercées par le magistrat délégué.

Le cinquième alinéa de l’article LO. 125-1 précise que, si le ou les magistrats désignés ne peuvent se déplacer, alors ils participent à l’audience et au délibéré du tribunal depuis un point du territoire de la République, relié à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle.

Un dispositif similaire était déjà prévu dans la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Il avait été censuré par le Conseil constitutionnel, celui-ci considérant qu’un tel dispositif relevait du niveau organique. Il soulignait ainsi, dans son considérant 387 : « s’il est loisible au législateur de prévoir les conditions et les limites dans lesquelles des magistrats du siège, des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent être provisoirement délégués au sein d’autres juridictions que celle dans laquelle ils ont été nommés, pour une durée annuelle pouvant aller jusqu’à trois mois, de telles dispositions mettent en cause le statut des magistrats et relèvent donc d’une loi organique » ([41])

Le présent article 5 tire les conséquences de cette décision, en introduisant une nouvelle fois cette disposition, mais cette fois dans un projet de loi organique et non dans un projet de loi ordinaire.

d.   Les particularités de certains territoires d’outre-mer

● Le département de Mayotte

Le 7° rétablit un article LO. 314-2 au sein du code de l’organisation judiciaire, dans le chapitre comportant les dispositions particulières au département de Mayotte. Celui-ci prévoit la possibilité, pour le procureur général, de déléguer ses fonctions auprès de la chambre d’appel :

– à un magistrat du parquet général près la cour d’appel, avec son accord ;

– à un magistrat du parquet du tribunal judiciaire, avec son accord.

● Saint-Pierre-et-Miquelon

Le 8° élève au niveau organique l’article L. 513-3 du même code, qui prévoit un dispositif de remplacement au sein du tribunal de première instance de Saint-Pierre-et-Miquelon, en y substituant un article LO. 513-3. Aucune modification de fond n’est apportée.

Le 9° élève au niveau organique l’article L. 513-4 de ce code, qui détaille les modalités de délégation, en le remplaçant par un article LO. 513-4. Il ajoute simplement que la délégation du magistrat du siège désigné par le premier président de la cour d’appel de Paris doit se faire avec son accord.

Le 10° élève au niveau organique l’article L. 513-7 du même code, qui prévoit un dispositif de remplacement au sein du tribunal supérieur d’appel de Saint-Pierre-et-Miquelon, en le remplaçant par un article LO. 513-7. Aucune modification de fond n’est apportée.

Enfin, le 11° élève au niveau organique l’article L. 513-8 de ce code, qui détaille les modalités de délégation au sein du tribunal supérieur d’appel, en le remplaçant par un article LO. 513-8. Il ajoute simplement que la délégation du magistrat du siège désigné par le premier président de la cour d’appel de Paris doit se faire avec son accord.

● Îles Wallis et Futuna

Le 12° élève au niveau organique l’article L. 532-17 du même code, qui détaille les modalités de remplacement du président du tribunal de première instance de Mata-Utu, en y substituant un article LO. 532-17.

Le 13° élève au niveau organique l’article L. 532-18 de ce code, qui organise le remplacement du procureur de la République au sein du tribunal de première instance de Wallis-et-Futuna, en y substituant un article LO. 532-18. Il ajoute que le remplacement du procureur de la République par un magistrat du parquet doit se faire avec l’accord de celui-ci.

● Polynésie Française

Le 15° insère, dans la section du code de l’organisation judiciaire relative au tribunal de première instance de Polynésie Française, un nouvel article LO. 552-9-1, qui prévoit qu’en cas d’absence ou d’empêchement du procureur de la République, celui-ci est suppléé, avec son accord, par un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance désigné par le procureur général.

Si celui-ci est absent ou empêché, c’est le magistrat du parquet du tribunal de première instance le plus ancien dans le grade le plus élevé qui remplace le procureur de la République.

● Nouvelle-Calédonie

Le 17° insère, dans la section du même code relative au tribunal de première instance de Nouvelle-Calédonie, un nouvel article LO. 562-24-2, qui prévoit qu’en cas d’empêchement ou d’absence du procureur de la République, celui-ci est suppléé :

– par un magistrat du parquet général, avec son accord ;

– par un magistrat du parquet de tribunal de première instance désigné par le procureur général.

Si celui-ci est absent ou empêché, c’est le magistrat du parquet du tribunal de première instance le plus ancien dans le grade le plus élevé qui remplace le procureur de la République.

e.   La délégation pour la fonction de juge des libertés et de la détention

Le 6° insère un nouvel article LO. 213-10-1 au sein du code de l’organisation judiciaire, pour prévoir un dispositif spécifique de délégation de juge des libertés et de la détention. Ce nouvel article reprend les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l’article 137-1-1 du code de procédure pénale.

En période de week-ends ou de congés annuels, un juge des libertés et de la détention d’un tribunal judiciaire peut être désigné, avec son accord, pour exercer concurremment ces fonctions dans un ou deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel. Cette délégation est doublement encadrée :

– elle est décidée par le premier président, prise à la demande des présidents des juridictions qui accueillent le magistrat délégué et après avis du président du tribunal judiciaire où exerce le magistrat délégué ;

– la durée totale d’exercice concurrent dans plusieurs tribunaux judiciaires ne peut excéder quarante jours, sur une période de douze mois consécutifs.

Cette délégation peut être organisée, dans les mêmes modalités, en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement au sein d’une juridiction où aucun magistrat ne peut exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention.

f.   Diverses coordinations

Le 14° et le 16° procèdent à des modifications rédactionnelles au sein du code de l’organisation judiciaire.

Le 18° abroge deux articles de ce code, le L. 513-11 et le L. 562-6-1, dont les dispositions entrent dans le champ d’application du nouvel article LO. 125-1 du même code.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements en commission et aucun en séance.

L’amendement COM-48 a procédé à une modification rédactionnelle, tandis que l’amendement COM-49, déposé par les rapporteures, a supprimé les 14°, 16° et 18°, considérant que ces dispositions ne sont pas de niveau organique.

L’amendement COM-47 a, quant à lui, procédé à plusieurs modifications.

En premier lieu, l’amendement a corrigé une coquille à l’alinéa 4.

En deuxième lieu, l’amendement a assoupli le dispositif de délégation de magistrats du siège vers une cour d’appel, en prévoyant que celui-ci peut également s’appliquer en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats.

En troisième lieu, l’amendement a supprimé le nouvel article LO. 121-5 du code de l’organisation judiciaire, qui ouvre la possibilité de déléguer des magistrats exerçant à titre temporaire et les magistrats à titre honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les tribunaux judiciaires du ressort d’une cour d’appel, considérant que ce dispositif de délégation ne constitue pas une solution pérenne.

En quatrième lieu, il a ajouté une limite au nombre de fois qu’un magistrat du parquet peut être délégué pour renforcer les juridictions du premier degré, en la fixant à cinq fois sur une période de douze mois consécutifs.

En cinquième lieu, il a assoupli également le dispositif de délégation de magistrats du parquet vers une cour d’appel, en prévoyant que celui-ci peut également s’appliquer en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats. Il instaure également une limite au nombre de fois qu’un magistrat peut être délégué, en la fixant à cinq fois sur une période de douze mois consécutifs.

En sixième lieu, l’amendement supprime le nouvel article LO. 125-1, qui crée le dispositif de délégation de magistrats en outre-mer et en Corse, considérant que les juridictions d’outre-mer et de Corse ont besoin de renforts structurels et non ponctuels.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois a adopté l’amendement de rétablissement du texte initial déposé par votre rapporteur : les dispositifs de délégation de magistrats supprimés par le Sénat sont donc réintégrés dans l’article 5, et les assouplissements des dispositifs de délégation prévus par le Sénat en sont retirés.

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Article 6
(art. 10-1, 1011 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Dialogue social dans la magistrature

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à la rénovation de la commission d’avancement dont il modifie la composition et les attributions. Il consacre le principe de participation des magistrats aux comités sociaux d’administration du ministère de la justice et autorise les organisations syndicales de magistrats à négocier, signer et rendre applicables des accords collectifs.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a introduit un article 10‑1 dans l’ordonnance statutaire qui consacre le droit syndical des magistrats, définit les conditions de représentativité des organisations syndicales, et ouvre droit à des autorisations d’absence, décharges d’activités et à un crédit de temps syndical pour l’exercice de ces activités syndicales.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements – trois en commission, un en séance publique, dont deux procèdent à des coordinations ou corrections légistiques. Le Sénat a ajouté à l’article relatif aux compétences de la commission d’avancement sa mission d’établissement du tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade, compétence par ailleurs inscrite à l’article 3 du projet de loi organique. Le Sénat a également prévu un processus de désignation d’un membre de la commission d’avancement en cas de vacance définitive d’un siège.

       Modifications apportées par la Commission

Outre l’adoption de trois amendements rédactionnels, la Commission a supprimé la mention de l’organisation d’une élection complémentaire par le collège électoral en cas de vacance définitive, ledit collège étant supprimé par l’article 6 du projet de loi organique. Elle a également supprimé la mention selon laquelle la nouvelle commission d’avancement établit le tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade, cette compétence étant déjà prévue à l’article 3 du projet de loi organique. La Commission a en outre ouvert la possibilité d’organiser l’élection des membres de la commission d’avancement par voie électronique.

1.   L’état du droit

a.   La commission d’avancement

Les missions et la composition de la commission d’avancement sont définies au chapitre IV de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

L’article 35 de l’ordonnance statutaire fixe la composition de la commission d’avancement.

La composition de la commission d’avancement

La commission comprend vingt membres nommés pour trois ans : quatre membres de droit et seize membres élus.

Les quatre membres de droit sont :

– le doyen des présidents de chambres de la Cour de cassation, qui préside la commission ;

– le plus ancien des avocats généraux de la Cour de cassation, qui est le vice-président de la commission ;

– le chef de l’inspection générale de la justice (ou l’inspecteur général de la justice) ;

– le directeur des services judiciaires (ou son représentant).

Parmi les membres élus figurent les représentants de la hiérarchie judiciaire :

– deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, un du siège et un du parquet, élus par l’ensemble des magistrats hors hiérarchie appartenant à ladite cour ;

– deux premiers présidents et deux procureurs généraux de cour d’appel, élus respectivement par l’ensemble des premiers présidents et l’ensemble des procureurs généraux de cour d’appel ;

Y siègent enfin dix membres représentant les magistrats des cours et des tribunaux : sept du premier grade et trois du second grade, élus par un collège des magistrats dont les membres sont désignés à bulletin secret pour trois ans par les magistrats de l’ordre judiciaire. Le collège se réunit ensuite, à la Cour de cassation, pour procéder à bulletin secret à l’élection des magistrats de la commission d’avancement.

Les membres représentant les magistrats des cours et des tribunaux sont élus suivant un mode de scrutin à deux degrés : les magistrats des cours et tribunaux élisent par ressort de cour d’appel des grands électeurs, qui sont ensuite réunis à Paris pour élire les membres de la commission.

La commission d’avancement est compétente en matière d’avancement, d’évaluation et de recrutement.

La commission a pour mission de dresser et d’arrêter le tableau d’avancement pour l’accès au premier grade avant qu’il ne soit transmis au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) puis signé par le Président de la République.

La commission peut être saisie par un magistrat qui conteste son évaluation. La commission recueille dans ce cas les observations du magistrat et celles de l’autorité qui a procédé à l’évaluation, elle émet un avis motivé versé au dossier du magistrat concerné.

Enfin, elle examine les candidatures à un recrutement hors concours dans la magistrature. En tant que commission d’intégration des recrutements hors concours, son avis défavorable est conforme et empêche le garde des Sceaux de nommer le candidat. Son avis favorable en revanche ne l’oblige pas à proposer le candidat à la nomination.

La commission d’avancement établit chaque année un rapport d’activité rendu public.

b.   La commission permanente d’études du ministère de la justice

La commission permanente d’études du ministère de la justice, instituée par l’arrêté du 22 décembre 1977 ([42]) est une instance de concertation présidée par le garde des Sceaux, ministre de la justice, et réunissant :

– des représentants de l’administration du ministère de la justice ;

– trois représentants de chaque organisation syndicale représentative de magistrats ;

– trois représentants de chaque organisation syndicale représentative des fonctionnaires appartenant aux services judiciaires.

En application de l’article 10‑1 de l’ordonnance statutaire, sont représentatives les organisations syndicales qui ont obtenu un siège à la commission d’avancement, ou ont obtenu une audience suffisante lors de l’élection du collège de magistrats mentionné à l’article 13‑1 de l’ordonnance précitée, le taux d’audience étant actuellement fixé par décret en Conseil d’État à 6 % des suffrages exprimés.

L’arrêté du 8 décembre 2014 ([43]) a conforté les missions de la commission permanente au niveau national et a créé une déclinaison de cette dernière auprès de chaque cour d’appel.

Cette commission est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l’ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, les structures judiciaires et les conditions de fonctionnement et d’équipement des juridictions.

Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions.

Elle se réunit sur convocation du garde des Sceaux, ministre de la justice mais ne peut émettre de vote. Le procès-verbal de chacune de ses séances est néanmoins adressé aux organisations syndicales.

c.   La participation des magistrats

La loi n° 2019‑828 du 8 août 2019 de transformation de la fonction publique a consacré la participation des organisations syndicales représentatives de magistrats aux comités sociaux d’administration, prévus par le code général de la fonction publique auquel les magistrats ne sont pas soumis.

La spécificité du statut de la magistrature a soulevé la question des modalités de participation des magistrats dans des instances qui ne leur sont pas propres.

La loi du 8 août 2019 précitée a créé ces comités sociaux d’administration par la fusion :

– des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), instance de dialogue social relatif aux domaines de l’hygiène et des conditions de travail, au sein desquels les magistrats siégeaient ;

– des comités techniques au sein des comités sociaux d’administration, dans lesquels les magistrats ne siégeaient pas, n’étaient pas électeurs, mais simplement invités en qualité d’experts ;

La fusion de ces organismes a conduit à ce que les comités sociaux d’administration soient chargés d’examiner les questions collectives de travail et les questions de conditions de travail.

Faute d’avoir prévu les modalités de participation des magistrats dans ces comités sociaux d’administration, les magistrats ne disposent plus d’une instance compétente à laquelle ils pourraient participer pour connaître des questions de qualité de vie au travail ou relatives à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail.

Compte tenu de la spécificité de leur statut, les magistrats judiciaires sont par ailleurs exclus du principe de négociation consacré au profit des fonctionnaires et dont les modalités d’exercice sont définies aux articles L. 221-1 à L. 227-4 du code général de la fonction publique.

2.   Le projet de loi organique initial

a.   Une commission d’avancement rénovée dans sa composition et dans ses missions

i.   L’évolution des attributions de la commission d’avancement

L’article 6 procède à la refonte de la commission d’avancement afin de tirer les conséquences de la réforme des droits d’accès à la magistrature et de l’intégration provisoire à temps plein prévue à l’article 1er du projet de loi organique et de moderniser le dialogue social dans la magistrature.

À cette fin, il fusionne l’actuelle commission d’avancement avec la commission permanente d’études du ministère de la justice.

La nouvelle commission d’avancement perd ses compétences en matière de recrutement : l’article 1er du projet de loi transfère les actuelles compétences de la commission d’avancement en matière de recrutement à un jury professionnel.

En revanche, la nouvelle commission d’avancement conserve et étoffe ses compétences en matière de suivi des avancements et d’évaluation, et interviendra en matière de dialogue social. Ainsi, elle :

– demeure en charge de l’établissement du tableau d’avancement au deuxième grade (tel que réformé par le présent projet de loi, et qui correspond à l’ancien premier grade).

– obtient la compétence d’établir ce même tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade, créé par le projet de loi ;

– statuera sur les contestations de l’évaluation à 360° des chefs de cour et de juridictions instituée par l’article 2 du présent projet de loi.

– intègre des compétences en matière de dialogue social : réunie en formation consultative ‑ elle est dans ce cadre présidée par le garde des Sceaux - elle aura à connaître des questions relatives au statut des magistrats de l’ordre judiciaire

ii.   L’évolution de la composition de la commission d’avancement.

La nouvelle commission d’avancement répond à un format plus resserré qui devrait permettre un fonctionnement plus agile. La nouvelle commission d’avancement comprend treize membres (au lieu de vingt), dont le mandat passe de 3 à 4 ans pendant lesquels les membres ne peuvent bénéficier d’un avancement de grade.

Elle ne comprend plus qu’un seul membre de droit : le directeur des services judiciaires.

Parmi les douze autres membres qui sont élus, six représentent la hiérarchie judiciaire : un premier président de cour d’appel, un procureur général près une cour d’appel, un président de tribunal judiciaire, un procureur de la République près un tribunal judiciaire, un magistrat du troisième grade de la Cour de cassation et un magistrat du parquet de troisième grade de la même Cour. Ces membres sont élus par leurs pairs.

Les six membres représentants des magistrats des cours et des tribunaux seront quant à eux élus suivant un mode de scrutin rénové. Il est mis fin au scrutin à double degré au profit d’un scrutin proportionnel de liste à un degré dans un collège unique. L’organisation des élections en sera facilitée, et elles permettront aux électeurs de connaître l’identité des candidats susceptibles de siéger à la commission d’avancement. Ce mode de scrutin favorisera par ailleurs le pluralisme syndical, la constitution de listes complètes étant plus facile au niveau national qu’au niveau de chaque cour d’appel.

 

b.   La participation des magistrats

● L’article 6 du projet de loi organique prévoit la participation des magistrats aux comités sociaux d’administration du ministère de la justice selon des modalités analogues à celles des fonctionnaires de l’État.

Il prévoit que :

– les magistrats sont électeurs des représentants du personnel siégeant au sein des comités sociaux d’administration du ministère de la justice ;

– les représentants des organisations syndicales de magistrats représentatives sont éligibles à ces comités.

L’article 6 redéfinit par ailleurs la représentativité des organisations syndicales de magistrats qui ne peut plus se référer au collège d’électeurs de la commission d’avancement, supprimé par le présent article.

Les organisations syndicales représentatives sont donc celles qui ont obtenu au moins un siège à la commission d’avancement, ou ayant obtenu un taux minimal, fixé par décret en Conseil d’État, de suffrages exprimés lors de l’élection des membres de la commission d’avancement représentant les magistrats des cours et des tribunaux.

● L’article 6 du projet de loi organique consacre également la participation des magistrats aux négociations collectives en autorisant les organisations syndicales de magistrats, dans les mêmes conditions que celles des fonctionnaires de l’État, à négocier, signer et rendre applicables aux magistrats des accords collectifs prévus par les dispositions relatives au dialogue social du code général de la fonction publique.

Les magistrats se voient ainsi reconnaître une capacité de négociation collective tant au niveau national que local, et peuvent étendre les accords signés pour les trois fonctions publiques, sous réserve que ces accords ne portent pas atteinte aux règles statutaires du corps judiciaire.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté trois amendements. Outre l’amendement légistique COM-50, le Sénat a adopté l’amendement COM-51 des rapporteurs qui vise à inscrire, à l’article 27 de l’ordonnance statutaire que la commission d’avancement est compétente pour établir le tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade. La commission des Lois a souhaité prévoir que cette compétence ne figure pas seulement à l’article 34 de l’ordonnance statutaire, mais aussi à l’article 27 relatif aux missions de la commission d’avancement.

La commission des Lois du Sénat a également adopté l’amendement COM‑33 déposé par Mme Harribey, qui vise à préciser les règles applicables en cas de vacance définitive d’un siège au sein de la commission d’avancement. Elle reprend une disposition abrogée par le présent article, qui prévoyait que le collège électoral procéderait à une élection complémentaire.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 82 de ses rapporteurs opérant des coordinations.

4.   La position de la Commission

Outre trois amendements rédactionnels, la Commission a adopté deux amendements de votre rapporteur ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

L’amendement CL86 supprime la mention de l’organisation d’une élection complémentaire par le collège électoral en cas de vacance définitive, ledit collège étant supprimé par l’article 6 du projet de loi organique.

L’amendement CL87 supprime la mention selon laquelle la nouvelle commission d’avancement établit le tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade. Cela permet de supprimer une redondance inutile puisque cette compétence est déjà prévue par l’article 3 du projet de loi organique. Par ailleurs, elle s’insère mal dans l’ordonnance statutaire, car l’alinéa qui suit mentionne l’établissement d’un tableau d’avancement pour l’année suivante, alors que la périodicité d’établissement du tableau d’avancement pour l’accès au troisième grade n’est pas fixée par le projet de loi organique mais le sera par décret en Conseil d’État.

La Commission a en outre adopté un amendement CL82 de M. Pellerin, sous‑amendé par votre rapporteur, qui ouvre la possibilité d’organiser l’élection des membres de la commission d’avancement par voie électronique. La commission a été convaincue par la mesure de simplification que constitue le passage au vote électronique. Elle a toutefois choisi de faire de cette modalité de vote une possibilité et non une obligation pour deux raisons. D’abord, les scrutins destinés à l’élection des représentants de la hiérarchie judiciaire n’appellent pas nécessairement un vote électronique, car ces magistrats élisent leurs représentants lors de la réunion annuelle de leurs collèges. Enfin, le caractère non contraignant est apparu préférable pour l’élection des représentants des cours et des tribunaux, afin de ne pas empêcher un scrutin papier en cas d’impossibilité technique d’organiser le vote électronique.

 

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*     *

Article 7
(art. 4110, 4111,4112, 4113, 4114, 4125, 4127, 4131 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article assouplit les conditions de candidature des magistrats exerçant à titre temporaire : il supprime la limite d’âge minimal de 35 ans, rend leur mandat renouvelable deux fois au lieu d’une, et réduit l’exigence d’expérience professionnelle à cinq ans pour tous les candidats. Il ouvre par ailleurs la possibilité de recruter ces magistrats sur des blocs de compétence et élargit le périmètre de leurs fonctions à la présidence d’audiences de règlement amiable des différends et aux fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires.

Le présent article consacre par ailleurs la possibilité pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles de présider des audiences de règlement amiable et consacre leur intervention au sein des juridictions disciplinaires des officiers publics ministériels. Il élève la limite d’âge maximal qui leur est applicable à 75 ans et rend leur mandat renouvelable deux fois.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2021‑1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a étendu les fonctions susceptibles d’être exercées par les magistrats exerçant à titre temporaire aux fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales. Elle a également prévu que le Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, le dispenser de formation et de stage en juridiction.

La loi organique n° 2019‑221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions a précisé que les magistrats temporaires ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés ou affectés.

La loi organique n° 2016‑1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a inséré dans l’ordonnance statutaire les articles 41‑25 à 41‑32 organisant les modalités de nomination, d’affectation et d’exercice des magistrats honoraires.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements – trois en commission, un en séance publique. En Commission des Lois, le Sénat a interdit aux magistrats exerçant à titre temporaire d’être membres du jury professionnel, créé par le projet de loi, qui reprend une partie des attributions de l’ancienne commission d’avancement.

Il a par ailleurs cherché à encadrer la possibilité pour ces magistrats d’exercer les fonctions de substitut du procureur, d’abord en les empêchant de prononcer des peines privatives de liberté, puis en retenant une approche d’énumération limitative des activités du parquet auxquelles ils pourront participer.

       Modifications apportées par la Commission

Outre six amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement de son rapporteur, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, opérant une coordination nécessaire pour préciser les conditions de renouvellement du mandat des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

1.   L’état du droit

La section II du chapitre V bis de l’ordonnance statutaire organise les conditions de l’intégration provisoire à temps partiel, qui inclut deux catégories de juges non professionnels, qui peuvent exercer une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés, sans pour autant appartenir au corps judiciaire défini à l’article 1er de l’ordonnance statutaire.

L’intégration provisoire à temps partiel concerne :

– les magistrats exerçant à titre temporaire : cette catégorie ancienne, consacrée dans l’ordonnance statutaire en 1995, a été créée afin d’associer la société civile au règlement de la justice. L’idée est de nommer en cette qualité des personnes que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour l’exercice d’un nombre limité de fonctions dont la liste s’est progressivement étendue (sont désormais ouvertes les fonctions de juge des contentieux de la protection, d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales) ;

– les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles : il s’agit de magistrats de l’ordre judiciaire ayant été admis à la retraite, mais désireux de continuer à servir l’organisation judiciaire en exerçant des fonctions en son sein.

Ces deux catégories de magistrats ne peuvent exercer qu’une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés, et ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés ou affectés.

a.   Les conditions d’accès aux fonctions de magistrat à titre temporaire

La nomination aux fonctions de magistrat à titre temporaire (MTT) est d’abord soumise à une double condition d’âge et de compétence professionnelle. Ne peuvent être désignés que les candidats âgés de 35 à 75 ans, et dont la compétence et l’expérience les « qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions » ;

En outre, ne peuvent être candidats que :

– les personnes qui remplissent les conditions prévues pour être candidats à l’auditorat prévues à l’article 16 de l’ordonnance statutaire ([44])  et justifiant de sept années au moins d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

– les directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leur corps ;

– les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice ne remplissant pas les conditions prévues pour être candidats à l’auditorat et justifiant de sept années de services effectifs au moins en cette qualité.

– les membres ([45])  ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, justifiant de cinq années au moins d’exercice professionnel. La durée d’exercice professionnel requise pour ces candidats est passée de sept à cinq années à la suite de l’adoption de la loi organique n° 2016‑1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui cherchait à favoriser le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire.

La même loi a prévu que ces magistrats sont recrutés pour une durée de cinq ans renouvelable une fois, le renouvellement étant accordé de droit sur avis conforme du CSM.

La procédure de nomination est semblable à celle des magistrats du siège (proposition du garde des Sceaux, avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et nomination par décret du président de la République). Le CSM décide en outre, au vu de l’expérience professionnelle du candidat, si ce dernier est :

– soumis à une formation probatoire comportant une partie théorique et un stage en juridiction compris entre 40 et 80 jours ;

– dispensé de toute formation, cette décision n’étant prise qu’à titre exceptionnel, par exemple pour d’anciens magistrats professionnels.

Le CSM émet un avis sur la proposition de nomination transmise par le garde des Sceaux. Il peut émettre un avis conforme si la capacité du candidat justifie qu’il soit dispensé de formation, soumettre le candidat à la formation probatoire, ou émettre un avis non conforme s’il estime que le candidat ne présente pas les qualités suffisantes pour être nommé.

Actuellement, les magistrats exerçant à titre temporaire sont nommés en cette qualité auprès d’une juridiction, sans qu’aucune précision ne soit donnée, dans le décret de nomination, sur les fonctions qu’ils pourront effectivement exercer.

b.   Les fonctions pouvant être dévolues aux magistrats exerçant à titre temporaire

Lors de leur consécration dans l’ordonnance statutaire ([46]) , les magistrats exerçant à titre temporaire pouvaient exercer des fonctions de juge d’instance ou d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, pour y traiter, des contentieux civil et pénal à l’exclusion de la départition prud’homale.

Leur champ de compétence a progressivement été étendu par le législateur organique :

– En 2016 ([47]) , aux fonctions de juge d’un tribunal de police et de juge chargé de valider les compositions pénales, à condition de ne connaître que d’une part limitée du contentieux relatif aux contraventions dans le premier cas, et de ne pas exercer plus du tiers du service du tribunal dans le second cas ;

– En 2019 ([48]), aux fonctions de juge des contentieux de la protection ou de juge chargé de connaître des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité, à condition dans ce cas de ne pas exercer plus du tiers du service du tribunal ; la mention des tribunaux d’instance et de grande instance a été remplacée par celle des tribunaux judiciaire ;

– Enfin, en 2021 ([49]), aux fonctions d’assesseur dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales.

Le champ matériel d’intervention des magistrats temporaires s’est donc progressivement élargi, mais le législateur a précisé à l’article 41-11 de l’ordonnance statutaire qu’ils ne peuvent assurer plus du quart des services du tribunal dans lequel ils sont affectés.

Le fait qu’actuellement ces magistrats ne soient pas recrutés sur des blocs de compétence constitue, compte tenu de la diversité des fonctions accessible, un obstacle au recrutement.

Au 1er janvier 2023, 392 magistrats exerçant à titre temporaire sont en fonction dans 133 tribunaux judiciaires.

c.   Les règles applicables aux magistrats honoraires

En principe, l’honorariat est accordé à tout magistrat du corps judiciaire qui souhaite s’en prévaloir au moment où il est admis à la retraite.

Toutefois, l’honorariat peut être refusé par une décision motivée de l’autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard du magistrat concerné. Un tel refus n’est pas assimilé à une sanction disciplinaire.

En revanche, l’existence d’une procédure disciplinaire en cours au moment du départ à la retraite d’un magistrat l’empêche de se prévaloir de l’honorariat avant l’achèvement de la procédure. L’autorité qui prononce la mise à la retraite aura à ce moment un délai de deux mois pour refuser l’honorariat. Par ailleurs, en application de l’article 46 de l’ordonnance statutaire, le prononcé à l’égard d’un magistrat de la sanction disciplinaire de mise à la retraite d’office emporte interdiction de se prévaloir de l’honorariat des fonctions.

Enfin, l’honorariat peut être retiré pour des motifs tirés du comportement du magistrat honoraire depuis son admission à la retraite, ou pour des faits constitutifs d’une faute disciplinaire commis pendant la période d’activité du magistrat et qui n’auraient été connus qu’après l’admission à la retraite.

L’honorariat permet aux anciens magistrats de carrière désireux de poursuivre leur engagement au sein de l’institution judiciaire d’exercer une part limitée de l’activité des juridictions. L’ordonnance statutaire distingue les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et ceux exerçant des activités non juridictionnelles, les deux activités n’étant pas compatibles entre elles.

● Les magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles

Les magistrats honoraires peuvent exercer des activités non juridictionnelles de nature administrative ou d’aide à la décision au profit des magistrats.

En fonction des besoins des juridictions, il peut s’agir de fonctions déléguées par le premier président et le procureur général près la Cour de cassation, par les premiers présidents et procureur généraux près les cours d’appel, ou par les présidents des tribunaux supérieurs d’appel et des procureurs généraux près lesdits tribunaux supérieurs d’appel pour l’accomplissement de ces activités dans leurs juridictions respectives.

Ces magistrats honoraires sont soumis à une limite d’âge : ils ne peuvent accomplir leurs fonctions au-delà de soixante-quinze ans.

Ils ne peuvent ni exercer de profession libérale juridique ou judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salariés d’un membre d’une telle profession, ni effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

● Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

Ces magistrats honoraires peuvent exercer une part limitée de l’activité des juridictions, uniquement pour l’exercice de certaines compétences dont le champ a progressivement été étendu.

Avant 2022, les magistrats honoraires pouvaient être nommés pour exercer des fonctions :

– d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires et des cours d’appel

– de substitut près les tribunaux judiciaires ou de substitut général près les cours d’appel ;

– sur désignation du premier président de la cour d’appel, d’assesseur dans les cours d’assises ou de président de la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux judiciaires et des cours d’appel spécialement désignés pour connaître de ce contentieux.

La qualité d’ancien magistrat professionnel des juges honoraires a conduit le législateur organique, en 2021, à étendre cette liste à d’autres fonctions juridictionnelles. S’ajoutent ainsi désormais aux fonctions précitées celles de :

– juge des contentieux de la protection ;

– juge du tribunal de police ;

– juge chargé de valider les compositions pénales ;

– d’assesseur dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales ;

La même loi a en outre ouvert la possibilité de :

– leur nomination pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité.

– leur désignation par le premier président de la cour d’appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux judiciaires et des cours d’appel spécialement désignées pour connaître de ce contentieux.

Les magistrats honoraires souhaitant exercer des fonctions juridictionnelles sont soumis à une procédure de nomination précisée par le décret n°93‑21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

La demande du magistrat, adressée au garde des Sceaux, est transmise aux chefs de la cour d’appel dans le ressort de laquelle il réside. Le dossier de candidature comporte l’indication de la ou des juridictions dans lesquelles une affectation est souhaitée, ainsi que les fonctions qu’il désire assumer. S’ils sont nommés à des fonctions qu’ils n’ont jamais exercées avant d’être admis à la retraite, ou à leur demande, ils suivent, une formation préalable.

Ces magistrats sont soumis au statut de la magistrature, et il ne peut être mis fin à leur fonction qu’à leur demande, à moins que ne soit prononcée à leur encontre une sanction de cessation de fonctions, prévue à l’article 41-30 de l’ordonnance statutaire.

Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles sont nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable, dans les formes prévues à l’article 28. Leur est par ailleurs imposée une limite d’âge maximal de soixante‑douze ans, soit trois ans de moins que pour les magistrats honoraires n’exerçant pas de fonctions juridictionnelles.

D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, au 31 janvier 2023, 362 magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont en fonction dans 128 tribunaux judiciaires et cours d’appel, avec une moyenne d’âge de 67,3 ans. Sur les trois dernières années, ces magistrats ont exercé en moyenne 37 968 vacations par an, avec une moyenne de 123,67 vacations par magistrat.

2.   Le projet de loi organique initial

a.   Favoriser l’attractivité des fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire par l’assouplissement des conditions de recrutement et l’élargissement des fonctions

L’article 7 du projet de loi organique vise à rendre les fonctions de magistrat à titre temporaire (MTT) plus attractives, afin de favoriser de plus nombreux recrutements dans les années à venir. À cette fin, il étend les fonctions accessibles à ces magistrats et assouplit leurs conditions de candidature.

i.   L’extension des fonctions accessibles

L’article 7 du projet loi organique élargit le périmètre des fonctions susceptibles d’être exercées par les magistrats exerçant à titre temporaire :

– aux fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires ;

– à la présidence d’audiences de règlement amiable des différends, une nouvelle procédure relative à l’audience de règlement amiable étant en cours d’élaboration par décret en Conseil d’État.

ii.   L’assouplissement des conditions de candidature et de renouvellement du mandat

L’article 7 assouplit d’abord certaines conditions de candidature :

– Il supprime la condition d’âge minimal de 35 ans. Seule la condition d’âge maximal de 75 ans est maintenue.

– Il harmonise le critère de longévité de l’exercice professionnel en réduisant l’exigence à une expérience de cinq années quelle que soit l’activité au titre de laquelle la personne présente sa candidature. Désormais, qu’il s’agisse d’une candidature au titre d’un exercice professionnel qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions ou en tant que directeur des services de greffe judiciaires, de fonctionnaire de catégorie A du ministère de la justice, ou en tant que membre et ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires, le candidat doit avoir exercé pendant cinq années.

● Ensuite, l’article 7 assouplit les conditions de renouvellement du mandat de magistrat exerçant à titre temporaire, désormais renouvelable deux fois au lieu d’une seule.

Cette mesure permettant à des magistrats exerçant à titre temporaire d’exercer pendant quinze années, l’article 7 précise qu’ils ne pourront pas exercer les fonctions de juge des contentieux de la protection durant plus de dix ans, par cohérence avec la même interdiction appliquée aux magistrats de carrière pour l’exercice de fonctions spécialisées.

● L’article 7 modifie la rédaction du premier alinéa de l’article 41‑10 de l’ordonnance statutaire afin d’ouvrir la possibilité de recruter des MTT sur des blocs de compétence, par exemple en tant qu’assesseur pour traiter du contentieux civil, ou d’assesseur traitant du contentieux pénal.

La référence au traitement des contentieux civil et pénal par les assesseurs affectés dans la formation collégiale du tribunal judiciaire est supprimée de l’article 41–11 de l’ordonnance statutaire, afin de faire cette précision sous forme d’énumération à l’article 41–10, qui centralise ainsi toutes les fonctions susceptibles d’être exercées.

Cette évolution doit permettre de régler l’une des difficultés de recrutement des MTT qui, d’après l’étude d’impact, bute fréquemment sur « la difficulté de trouver des profils de candidats suffisamment complets pour satisfaire aux exigences de capacités attendues en tout domaine et d’obtenir un avis favorable du CSM », qui n’a pas la possibilité d’émettre des réserves afin de ne nommer un candidat aux fonctions de MTT que sur certaines attributions sur lesquelles il est compétent.

Présentation du recrutement par bloc de compétence par la Direction des services judiciaire

L’ouverture du recrutement de ces agents sur des blocs de compétence conduira à préciser, dans l’acte portant nomination du magistrat exerçant à titre temporaire, les fonctions sur lesquelles il est nommé, selon les desiderata émis par le candidat lui-même, les avis des chefs de cour lors de l’instruction de la candidature et l’avis du Conseil supérieur de la magistrature quant à son aptitude.

À l’avenir, dans le cas de candidats ne justifiant de compétences adaptées que dans certains domaines des fonctions prévues à l’article 41-10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l’acte de nomination pourra viser limitativement les fonctions pour lesquelles ces candidats sont nommés.

En gestion, lors du dépôt de leurs candidatures, les candidats pourront solliciter leur nomination sur une ou plusieurs fonctions, leur permettant d’exclure certaines compétences pour lesquelles ils ne s’estiment pas qualifiés. La cour d’appel du lieu du domicile du candidat instruira le dossier de candidature, tenant compte des désidératas du candidat. Ce dernier sera ensuite convoqué par les chefs de cour ou leurs délégataires à un ou deux entretiens, au cours desquels le candidat sera invité à exposer sa motivation, son expérience professionnelle dans le domaine juridique, ses connaissances du système judiciaire et les justifications de son souhait d’écarter certaines fonctions. À l’issue de la phase d’instruction, les chefs de cour transmettront le dossier, accompagné de leur avis, au garde des Sceaux.

Le Conseil supérieur de la magistrature sera ensuite saisi pour émettre un avis sur le projet de nomination du magistrat exerçant à titre temporaire et pourra ainsi, s’il l’estime nécessaire, ne retenir la nomination du magistrat exerçant à titre temporaire que pour une partie seulement des compétences souhaitées par le candidat.

Source : réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur

 

● Enfin, l’article 7 opère plusieurs mesures de coordination avec l’ouverture des fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire aux fonctions de substitut du procureur :

– en précisant que les MTT recrutés le seront dans les formes non plus applicables aux seuls magistrats du siège, mais dans les formes prévues à l’article 28 de l’ordonnance statutaire, qui traite à la fois des nominations des magistrats du siège (après avis conforme de la formation compétente du CSM) et des magistrats du parquet (après avis de la formation compétente du CSM) ;

– en précisant que les magistrats temporaires remettent, selon les fonctions qui leur seront dévolues, leur déclaration d’intérêt au président du tribunal judiciaire ou au procureur de la République près le tribunal judiciaire ;

– en indiquant à l’article 41-14 qu’en cas de changement d’activité professionnelle, le magistrat en informe le premier président de la cour d’appel ou le procureur général de la cour d’appel dans le ressort de laquelle il est affecté, afin que ce dernier lui fasse savoir si la nouvelle activité envisagée est compatible avec l’exercice de ses fonctions judiciaires ;

– en faisant référence, à l’article 41‑12 relatif aux modalités de nominations de ces magistrats, qu’ils sont nommés dans les formes prévues à l’article 28, qui concerne tant les magistrats du siège que les magistrats du parquet.

b.   Favoriser le recrutement des magistrats honoraires

L’article 7 vise également à faciliter le recrutement et à améliorer l’attractivité des fonctions de magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui apportent un appui précieux dans les juridictions, du fait de leur expérience professionnelle et de leur connaissance de l’institution.

Cet article élève ainsi la limite d’âge de ces magistrats à soixantequinze ans, ce qui permet d’harmoniser cette limite avec celle applicable aux magistrats honoraires exerçant des activités de nature administrative, et de répondre à une demande des juridictions, désireuses de maintenir en activité en leur sein des magistrats proches de cette limite d’âge.

L’article 7 rend par ailleurs leur mandat de cinq ans renouvelable une fois.

Enfin, afin d’améliorer l’attractivité de ces fonctions, l’article 7 étend l’éventail des fonctions juridictionnelles qui leur sont ouvertes :

– il prévoit la possibilité de les désigner pour présider les audiences de règlement amiable ;

– il consacre le principe de leur intervention au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels, instituées par l’ordonnance n° 2022‑544 ([50]) , et des instances disciplinaires compétentes pour les avocats en application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements.

La commission des Lois du Sénat a d’abord adopté trois amendements relatifs aux magistrats exerçant à titre temporaire (MTT).

L’amendement COM-53 des rapporteurs opère une coordination destinée à prévoir que les MTT nommés à des fonctions du parquet pourront faire précéder leur évaluation par un entretien avec le procureur de la République près du tribunal judiciaire auquel ils sont affectés.

L’amendement COM-35 de Mme Harribey prévoit que les MTT, déjà privés de participation au sein de la nouvelle commission d’avancement instituée par l’article 6 du projet de loi organique, ne pourront pas non plus être nommés dans le jury professionnel institué par l’article 1er du projet de loi organique. En effet, ce jury reprend une partie des compétences dévolues à l’ancienne commission d’avancement, à laquelle les MTT ne pouvaient appartenir.

Le Sénat a ensuite cherché à mieux définir le rôle des MTT en tant que substitut dans les tribunaux judiciaires afin de le rendre conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel s’était en effet prononcé en 2002, dans sa décision n° 2002‑461 DC ([51]), sur la constitutionnalité de l’attribution de compétences pénales aux juridictions de proximité dont les membres n’étaient pas des magistrats de carrière. Il avait admis la dévolution de compétences en matière pénale à cette juridiction compte tenu du fait qu’il ne lui était pas « confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté » ([52]) .

La commission des Lois du Sénat a donc, dans un premier temps, adopté l’amendement COM-52 des rapporteurs qui inscrit à l’article 411 de l’ordonnance statutaire le principe selon lequel, lorsque les MTT exercent les fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires, « il ne peut leur être confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ».

En séance, le Sénat a procédé à la réécriture de cet alinéa, pour retenir une autre approche d’encadrement de l’extension des fonctions. Le Sénat a adopté un amendement de M. Soilihi, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement et un avis de sagesse de la commission, qui limite les attributions que pourront exercer les MTT aux attributions civiles et commerciales des parquets, mais également, au plan pénal, à la police et à la mise en œuvre des mesures alternatives aux poursuites et d’ordonnance pénale, ce qui exclut toutes les mesures privatives de liberté de leur champ d’action.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois a approuvé les mesures visant à améliorer l’attractivité des fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire (MTT) et de magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, constatant l’apport de ces magistrats au fonctionnement des juridictions. Elle a rappelé que ces recrutements s’ajouteraient à celui des 1 500 magistrats professionnels.

S’agissant des magistrats exerçant à titre temporaire, elle a jugé particulièrement pertinente l’évolution rédactionnelle permettant de recruter ces magistrats sur des blocs de compétence de leur choix. Cette mesure, susceptible de favoriser le dépôt de candidatures de qualité et en adéquation avec les compétences recherchées, sera source d’enrichissement non seulement pour les juridictions, mais aussi pour les magistrats recrutés.

Elle a également approuvé l’ouverture de l’exercice de certaines fonctions du parquet par les MTT, cette mesure étant susceptible d’attirer de nouvelles candidatures. Des commissaires de police ou des officiers supérieurs de la gendarmerie nationale pourront par exemple être intéressés par l’exercice de telles fonctions. Ils pourront trouver dans cette opportunité de recrutement la perspective d’une fin de carrière diversifiée. L’institution judiciaire quant à elle y trouvera une opportunité supplémentaire d’ouverture sur la société civile.

Outre six amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement CL89 de son rapporteur, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, opérant une coordination nécessaire pour préciser les conditions de renouvellement du mandat des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. S’agissant de ces magistrats, la Commission a approuvé la mesure d’harmonisation consistant à porter à 75 ans la limite d’âge maximal des magistrats honoraires, qu’ils exercent ou non des fonctions juridictionnelles. Le rapporteur a jugé utile de rappeler que ces magistrats ne sont pas soumis au même rythme de travail que les magistrats professionnels, puisqu’ils assurent des vacations. Ils peuvent donc adapter leur charge de travail à leurs capacités physiques, tout en continuant à faire profiter l’institution judiciaire de leurs compétences.

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*     *

Article 8
(art. 6, 102, 103 [nouveau], 11, 29, 43, 44, 45, 503, 52, 63 et 64 de l’ordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article assouplit les conditions de recevabilité des plaintes déposées par les justiciables auprès du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et diversifie les pouvoirs d’instruction confiés à la commission d’admission des requêtes, en charge d’examiner ces plaintes.

Il renforce la responsabilité des magistrats, par la diversification des sanctions disciplinaires et la prolongation de la durée d’inscription d’un avertissement au dossier du magistrat.

Il rétablit l’extension de la protection fonctionnelle des magistrats à leurs ayants droit et améliore la protection des magistrats lanceurs d’alerte.

Il promeut l’égalité professionnelle dans la magistrature, en inscrivant dans l’ordonnance statutaire le principe d’égalité entre les femmes et les hommes et celui de l’égalité de traitement à l’égard des magistrats en situation de handicap.

 

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, a fixé à l’article 44 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature le cadre procédural de la délivrance d’un avertissement à un magistrat. Elle a également complété l’article 11 de l’ordonnance statutaire, relatif à la protection fonctionnelle des magistrats, afin de prévoir que les conditions de la prise en charge par l’État des frais engagés au titre de cette protection sont précisées par décret en Conseil d’État.

L’échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats a été modifiée par la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution, qui a supprimé la possibilité d’associer à la révocation une mesure de suspension des droits à pension et a remplacé la réprimande par le blâme.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements : deux en commission et deux en séance publique, tous relatifs à la responsabilité des magistrats.

Le Sénat a remanié la procédure de plainte des justiciables devant le CSM, revenant sur certaines évolutions inscrites dans le projet de loi organique. Il a notamment rétabli l’obligation de signature des plaintes, supprimé l’audition obligatoire du magistrat poursuivi par la commission d’admission des requêtes, supprimé la transmission au garde des Sceaux, ministre de la justice, des observations transmises par le magistrat et le chef de cour au CSM, et exigé que la réponse du ministre à la demande d’enquête de l’inspection générale de la justice soit motivée – le silence du ministre pendant deux mois valant acceptation. Le Sénat a également reformulé à la fois le serment des magistrats et la définition de la faute disciplinaire, et étoffé l’échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats.

       Modifications apportées par la Commission

Outre huit amendements rédactionnels ou de coordination, la Commission a ajouté la notion d’humanité dans le serment des magistrats, et supprimé la référence à l’« attention portée à autrui ».

La Commission a également prolongé de quinze jours le délai au terme duquel le CSM doit se prononcer sur les demandes d’interdiction temporaire d’exercice transmises par le garde des Sceaux. Elle a ramené à cinq ans la durée maximale retenue pour la sanction d’interdiction d’être nommé dans des fonctions à juge unique. S’agissant de l’exercice du droit de plainte des justiciables devant le CSM, la Commission a rétabli l’obligation de transmission au garde des Sceaux des informations et observations du premier président de la Cour d’appel ou du président du tribunal supérieur d’appel ainsi que du magistrat poursuivi, qui sont remises à la commission d’admission des requêtes du CSM.

Elle est par ailleurs revenue sur les modifications introduites par le Sénat s’agissant de la sollicitation du garde des Sceaux par la commission d’admission des requêtes du CSM pour que l’inspection générale de la justice mène une enquête administrative. Elle a rétabli le principe selon lequel le silence gardé par le garde des Sceaux durant deux mois face à une telle saisine vaut rejet, et que le rejet ne doit pas être motivé.

1.   L’état du droit

a.   La saisine du CSM par les justiciables

Initialement réservée au garde des Sceaux, ministre de la justice, la saisine du Conseil supérieur de la magistrature en vue de dénoncer des faits motivant les poursuites disciplinaires a progressivement été ouverte. En 2001 ([53]), elle l’a été aux présidents de cour d’appel et aux présidents de tribunal supérieur d’appel.

Face à un nombre de saisines assez faible émanant de ces chefs de cour, le législateur organique a souhaité, en 2007, ouvrir aux justiciables la possibilité de se plaindre du comportement d’un magistrat susceptible de constituer une faute disciplinaire. L’article 21 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats ouvrait ainsi la possibilité à tout justiciable, à l’occasion d’une affaire le concernant, de porter réclamation auprès du Médiateur de la République. La loi organique conférait au Médiateur de la République un certain nombre de prérogatives, notamment celle de solliciter toute information spéciale. Par ailleurs, s’il estimait que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, le garde des Sceaux devait demander une enquête aux services compétents. Dans sa décision n° 2007‑551 DC, le Conseil constitutionnel a jugé ce dispositif inconstitutionnel, considérant ([54]) « qu’en reconnaissant au Médiateur l’ensemble de ces prérogatives, le législateur organique a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

En 2008, c’est donc le pouvoir constituant ([55]) – sur l’initiative, en première lecture, du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale – qui a introduit à l’article 65 de la Constitution, la possibilité, pour le justiciable, de saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dans les conditions fixées par une loi organique. Comme le soulignait le rapporteur de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle, ce renvoi à la loi organique devait permettre d’organiser « un dispositif d’examen des requêtes, afin d’éviter que cette possibilité de saisine du CSM ne devienne une nouvelle voie de recours » ([56]) ».

La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution a donc précisé, aux articles 50‑3 et 63 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les modalités de cette saisine et les critères de recevabilité des plaintes.

i.   Les critères cumulatifs de recevabilité des plaintes

L’article 503 de l’ordonnance n° 581270 précitée prévoit que « tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. » L’article 63 de la même ordonnance prévoit la même possibilité à l’égard d’un magistrat du parquet.

L’admission de la recevabilité de la plainte est soumise au respect de critères fixés par la loi organique et qui imposent que la plainte :

– ne soit pas dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure ;

– ne soit pas présentée après l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ;

– contienne l’indication détaillée des faits et des griefs allégués ;

– soit signée par le justiciable avec indication de son identité, de son adresse ainsi que des éléments permettant d’identifier la procédure en cause.

ii.   La procédure d’examen de la plainte

L’appréciation de la plainte par la commission d’admission des requêtes suit le parcours présenté dans le schéma ci-après :

Schéma d’examen d’une plainte

Source : Conseil supérieur de la magistrature, Rapport d’activité 2020, p. 80.

Afin de ne pas entamer les conditions sereines d’exercice de la justice par les magistrats, la loi organique a institué un dispositif de filtrage des plaintes dévolu à une commission d’admission des requêtes.

Cette commission est composée, selon la qualité du magistrat visé par la saisine, de deux membres de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège ou à l’égard des magistrats du parquet, et de deux personnalités qualifiées issues des membres communs aux deux formations.

En pratique, le CSM a institué deux commissions des requêtes compétentes à l’égard des magistrats du siège, afin de remédier aux difficultés liées aux règles de déport et de permettre un traitement plus rapide des plaintes, et une commission compétente à l’égard des magistrats du parquet.

Toutes les plaintes ne sont toutefois pas soumises à la commission d’admission des requêtes, dans la mesure où l’ordonnance n° 58‑1270 précitée donne au président de la commission des requêtes la possibilité de rejeter lui-même les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables.

L’appréciation des plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables

Le CSM a indiqué que des réflexions menées depuis la création de la procédure ont conduit à établir des « critères pour objectiver l’orientation des plaintes ([57]) ».

En pratique, sont considérées comme frappées d’une irrecevabilité manifeste les plaintes :

– dans lesquelles le magistrat demeure saisi de la procédure ;

– déposées après l’expiration du délai d’un an suivant la décision mettant fin à la procédure ;

– qui ne contiennent l’indication d’aucun grief.

S’agissant des plaintes manifestement infondées, qui sont celles qui ne sont assorties d’aucune preuve ou d’aucun commencement de preuve du comportement du magistrat mis en cause, la pratique a évolué en raison de la contestation, par des justiciables, du traitement de leur plainte par le seul président de la commission. Ces plaintes sont donc désormais en principe orientées en commission afin d’améliorer l’acceptabilité des décisions.

Source : Rapport d’activité 2021 du CSM.

Lorsque le président de la commission d’admission des requêtes ne statue pas seul, la commission est donc saisie afin de statuer sur la recevabilité de la plainte, d’en prononcer le rejet, ou le renvoi devant l’instance disciplinaire. Actuellement, l’ordonnance statutaire ne fixe aucun délai au terme duquel la commission doit avoir statué.

● Une fois la plainte déclarée recevable, la phase d’instruction permet au rapporteur saisi du dossier de prendre connaissance des différents éléments. Il ne dispose pour cela que de moyens d’investigation assez limités.

Lorsque la commission d’admission des requêtes déclare la plainte recevable, le magistrat mis en cause en est informé, et le Premier président de la cour d’appel ou le procureur général près la cour dont il dépend est sollicité en vue de communiquer toute information utile à la commission d’admission des requêtes.

Le chef de cour sollicite lui-même le magistrat mis en cause, afin qu’il lui adresse ses observations. Le chef de cour adresse ensuite l’ensemble de ces informations et observations, non seulement au CSM, mais aussi au garde des Sceaux, ministre de la justice, dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande.

La commission d’admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause, sans en avoir l’obligation.

Elle peut également entendre le justiciable qui a introduit la demande : en pratique, l’organisation d’une telle audition est assez rare.

● À l’issue de l’instruction du dossier, la commission d’admission des requêtes peut décider de :

– prendre une décision de rejet si, sans être irrecevable, la plainte, après investigation, n’apparaît pas porter sur des faits susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire.

transmettre la plainte à l’autorité disciplinaire compétente : si elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d’admission des requêtes renvoie l’examen de la plainte au conseil de discipline des magistrats du siège ou à la formation du CSM compétente pour la discipline des magistrats du parquet.

Quelle que soit la décision prise, information en est donnée au magistrat visé et à son chef de cour, au justiciable auteur de la plainte ainsi qu’au garde des Sceaux, ministre de la justice.

La décision n’est pas susceptible de recours. En cas de rejet de la plainte, les autorités habilitées à saisir le CSM pour y dénoncer des faits motivant des poursuites disciplinaires conservent leur faculté de saisine.

Depuis l’entrée en vigueur de la procédure, de nombreuses plaintes ont été transmises au CSM : 3324 plaintes ont été transmises depuis 2011 et, depuis 2018, le CSM en reçoit plus de 300 par an. Cependant, très peu d’entre elles ont été déclarées recevables.

D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique, seules 88 plaintes sur 3324 ont été déclarées recevables, et, parmi elles, seules sept ont été renvoyées à l’instance disciplinaire ; aucune sanction n’a été prononcée.

Ces chiffres ne doivent néanmoins pas être le seul critère retenu pour apprécier l’efficacité du dispositif. Comme l’a souligné le CSM dans son rapport d’activité 2021, « en pratique, la procédure demeure mal comprise des justiciables. Les griefs qu’ils allèguent portent en effet, le plus le plus souvent, non sur des faits déontologiquement critiquables, imputables à un juge ou un procureur de la République, mais sur la teneur des décisions rendues, dont la contestation relève de l’exercice des seules voies de recours et non des prérogatives du Conseil. Les justiciables, préoccupés par le sort de leur procédure, ne sont en réalité pas en mesure de distinguer faute disciplinaire et décision insatisfaisante, ce d’autant qu’ils n’ont pas une vision globale du comportement professionnel du magistrat qu’ils souhaitent mettre en cause ».

b.   Les avertissements et sanctions applicables aux magistrats

i.   L’avertissement : une mesure infra disciplinaire

Sous sa forme initiale, l’ordonnance n°58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature donnait déjà la possibilité aux premiers présidents, procureurs généraux et directeurs d’administration centrale le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité en dehors de toute procédure disciplinaire. Ce pouvoir a depuis été également confié à l’inspecteur général, chef de l’inspection de la justice et aux chefs de service à l’administration centrale.

Mesure à visée pédagogique, l’avertissement ne relève pas du pouvoir disciplinaire, ce qui ne le rend pas anodin pour autant. Il consiste en une appréciation sur l’exercice de ses fonctions par le magistrat, et vise des comportements susceptibles de constituer un manquement aux devoirs de son état, mais d’une gravité ne justifiant pas l’engagement d’une procédure disciplinaire. L’avertissement est inscrit au dossier administratif du magistrat concerné ; il constitue un acte faisant grief, susceptible de recours.

La procédure de délivrance de l’avertissement a, pour cette raison, été entourée de garanties visant au respect des droits de la défense du magistrat, en rendant notamment la procédure contradictoire. Ces garanties procédurales ont d’abord été définies, dans le silence de l’ordonnance statutaire, par le juge administratif. Ont ainsi été consacrées la possibilité, pour le magistrat, de consulter son dossier et d’être avisé de la mesure envisagée ([58]) , de bénéficier d’un délai suffisant pour préparer sa défense ([59]) ainsi que l’obligation de motivation de la décision ([60]). En 2016, l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée a été complétée ([61])  afin que ces garanties procédurales soient inscrites dans l’ordonnance statutaire.

Désormais, la procédure de délivrance est définie à l’article 44 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et doit respecter les règles suivantes :

– le magistrat à l’encontre duquel est envisagée la délivrance d’un avertissement doit être convoqué à un entretien préalable ; cet entretien lui donne la possibilité de s’exprimer sur les faits qui lui sont reprochés ;

– cette convocation ouvre droit, pour le magistrat, à la communication du dossier et des pièces justifiant la procédure ;

– le magistrat concerné a le droit d’être assisté par la personne de son choix ;

– l’avertissement ne peut être délivré que dans les deux années à compter du jour où le supérieur hiérarchique du magistrat concerné a eu connaissance de la réalité de la nature et de l’ampleur des faits susceptibles de justifier un avertissement. Passé ce délai, les faits ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure d’avertissement, sauf si une procédure disciplinaire a été engagée avant l’expiration du délai.

En outre, ce délai de deux ans est interrompu en cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du magistrat jusqu’à la décision définitive mettant un terme à cette procédure.

Une fois donné au magistrat, l’avertissement est transmis à la direction des services judiciaires du ministère de la justice qui le verse au dossier administratif du magistrat.

En 1992, le législateur ([62]) a néanmoins consacré un droit à l’oubli pour le magistrat, en prévoyant l’effacement automatique de l’avertissement du dossier du magistrat au bout de trois ans, à la condition qu’aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire ne soit intervenu entre-temps.

D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique, 21 avertissements ont été adressés à des magistrats entre 2018 et 2022 : 15 concernaient des magistrats du siège, 6 des magistrats du parquet.

ii.   L’échelonnage des sanctions disciplinaires

L’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée définit la faute disciplinaire comme étant « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité ».

Le deuxième alinéa du même article précise que « constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive. ».

Lorsque, au terme de la procédure disciplinaire, la qualification de faute disciplinaire est retenue par l’instance disciplinaire pour qualifier le comportement ou les actes d’un magistrat, peut être prononcée à son égard une sanction disciplinaire parmi celles limitativement énumérées à l’article 45 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 :

Article 45 de l’ordonnance n° 44‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

« Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont :

1° Le blâme avec inscription au dossier ;

2° Le déplacement d’office ;

3° Le retrait de certaines fonctions ;

bis L’interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans ;

4° L’abaissement d’échelon ;

bis L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d’un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

5° La rétrogradation ;

6° La mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n’a pas le droit à une pension de retraite ;

7° La révocation. »

L’ordonnance statutaire, en son article 45, exclut le cumul des sanctions : un magistrat poursuivi simultanément pour plusieurs faits ne peut se voir sanctionner que par une seule des sanctions disciplinaires précédemment énumérées. Toutefois, les sanctions de retrait de certaines fonctions, d’abaissement d’échelon et de rétrogradation peuvent être assorties de la sanction du déplacement d’office.

Certaines sanctions sont assorties d’un encadrement temporel : c’est le cas de l’interdiction des fonctions de juge unique pendant une durée de cinq ans, sanction, consacrée en 2007 ([63]) afin d’élargir la palette des sanctions possibles. C’est également le cas de l’exclusion temporaire de fonctions, consacrée en 2001([64]), qui ne peut être prononcée pour plus d’une année.

À l’inverse, la sanction consistant en un retrait de certaines fonctions, n’est assortie d’aucun encadrement temporel. Il en résulte qu’un magistrat dessaisi de certaines fonctions pourrait, immédiatement après en avoir été privé, les solliciter de nouveau.

Par ailleurs, la sanction relative à l’abaissement d’échelon, lorsqu’elle est prononcée, l’est sans indication de l’échelon auquel le magistrat devrait être placé. Il en résulte, en pratique, que le magistrat est replacé à l’échelon immédiatement inférieur. Il recouvre, de ce fait, son échelon initial après un ou deux ans.

Dans son avis au Président de la République sur la responsabilité et la protection des magistrats, le CSM relève que « l’échelle des sanctions prévue par l’article 45 de l’ordonnance statutaire est insuffisante dans sa variété et dans sa graduation pour répondre aux différents manquements poursuivis, qu’ils relèvent de la vie privée ou du comportement professionnel ([65]) . », et souligne qu’il « en va ainsi, par exemple, de la sanction d’abaissement d’échelon (article 45,4°), qui se traduit en définitive par une modeste sanction financière. » ([66])

Tableau récapitulatif des sanctions prononcées ou suggérées par le CSM (2007-2020)

Source : CSM, Avis au Président de la République du 24 septembre 2021

c.   La protection des magistrats

i.   La protection fonctionnelle des magistrats

Les magistrats bénéficient d’une protection statutaire inscrite à l’article 11 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958.

Cette protection s’applique « contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont [les magistrats] peuvent être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions ».

Les menaces ainsi visées peuvent être physiques ou verbales, et s’étendent aussi aux poursuites judiciaires engagées à l’encontre d’un magistrat.

Le décret n° 93‑21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que la demande de prise en charge des frais exposés au titre de la protection fonctionnelle doit être formulée par écrit et adressée au garde des Sceaux, ministre de la justice.

La demande peut concerner une instance civile ou pénale ou une instance devant la commission d’admission des requêtes, jusqu’au renvoi devant la formation disciplinaire compétente du CSM.

La décision de prise en charge au titre de la protection fonctionnelle indique les faits au titre desquels la protection est accordée et précise les modalités d’organisation de la protection, notamment sa durée.

Le montant de prise en charge des honoraires par l’État est limité par des plafonds horaires fixés par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé du budget.

La protection fonctionnelle s’applique à tous les magistrats soumis au statut de la magistrature, qu’il s’agisse des auditeurs de justice, des magistrats de carrière, des magistrats honoraires, des magistrats exerçant à titre temporaire, ou encore des conseillers en service extraordinaire.

Entre 2003 et 2022, cette protection fonctionnelle s’étendait aux familles des magistrats.

En effet, la loi n° 2003‑239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait étendu le bénéfice de la protection prévue à l’article 11 de l’ordonnance n°58‑1270 aux « conjoints, enfants et ascendants directs des magistrats de l’ordre judiciaire » lorsqu’ils « sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages du fait des fonctions de ces derniers ».

La protection pouvait également être accordée, « à leur demande, aux conjoints, enfants et ascendants directs des magistrats de l’ordre judiciaire décédés dans l’exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l’origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu’exerçait le magistrat décédé ».

Toutefois, il a été mis fin de manière fortuite à cette extension de la protection aux familles des magistrats lors de l’entrée en vigueur, le 1er mars 2022, du code général de la fonction publique. Son article L. 134‑7 a, en effet, repris le principe de la protection de la collectivité publique applicable aux familles des « agents publics ». Or, les magistrats judiciaires sont expressément exclus du champ d’application du code général de fonction publique par l’article L. 6 de ce code.

Actuellement, les ayants droit des magistrats n’ont donc plus la possibilité de demander la protection fonctionnelle, alors que sept d’entre eux l’avaient par exemple demandée et obtenue entre 2018 et 2020.

ii.   La protection des magistrats lanceurs d’alerte

L’article 6 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin II) a défini la notion de lanceur d’alerte.

L’article 8 de la même loi a défini les modalités de signalement des alertes, qui doivent être portées à la connaissance du supérieur hiérarchique, et prévoit que « des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État (…) dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » Ces dispositions n’excluaient pas la magistrature judiciaire, et il résulte des travaux préparatoires de la loi n° 2016‑1691 qu’il n’était pas dans l’intention du législateur d’opérer une telle exclusion.

L’arrêté du 31 mai 2021 relatif à la procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein du ministère de la justice établit cette procédure de recueil des signalements : le collège de déontologie mis en place par arrêté ([67]) se voit confier les missions de référent alerte.

Toutefois, l’arrêté du 31 mai 2021 précise expressément, en son article 3, que cette procédure commune à l’ensemble des services du ministère ou placés sous sa tutelle : « ne s’applique pas aux magistrats de l’ordre judiciaire ni aux personnes en activité au sein de l’inspection générale de la justice ».

Par ailleurs, le code général de la fonction publique contient une section relative aux lanceurs d’alertes (articles L. 135‑1 à L. 135‑5), et interdit notamment de prendre des mesures concernant « le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation » à l’égard d’un agent public qui aurait « relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts ». Toutefois, en l’absence de renvoi par l’ordonnance du 22 décembre 1958 à ces articles du code général de la fonction publique, ces dispositions ne sont pas applicables aux magistrats.

L’ordonnance précitée prévoit néanmoins l’institution d’un collège de déontologie des magistrats.

Le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire

L’article 10-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, introduit par la loi n° 2016‑1090 précitée, institue un collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire chargé :

– de rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un magistrat, sur saisine de celui-ci ou de l’un de ses chefs hiérarchiques ;

– d’examiner les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises ;

Ce collège de déontologie présente chaque année au CSM un rapport public rendant compte de l’exécution de ses missions.

Le collège de déontologie comprend cinq membres dont le mandat dure trois ans, et dont les conditions de nominations sont définies par l’ordonnance statutaire. Parmi ces cinq membres figurent :

– un magistrat, en fonctions ou honoraire, ancien membre du CSM ;

– alternativement, un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation ou un magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation ;

– alternativement, un premier président de cour d’appel, en fonctions ou honoraire, et un procureur général près une cour d’appel, en fonctions ou honoraire ;

– une personnalité extérieure désignée, alternativement, par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres de celui-ci en fonctions ou honoraires et par le premier président de la Cour des comptes parmi ses magistrats en fonctions ou honoraires ;

– un universitaire nommé par le Président de la République sur proposition, alternativement, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour.

d.   L’égalité professionnelle dans la magistrature

i.   L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Depuis l’inscription, en 2008, à l’article 1er de la Constitution, du principe selon lequel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, le législateur est intervenu pour assurer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique.

La loi n° 2012- 347 du 12 mars 2012 ([68])  dite « loi Sauvadet » prévoit en ce sens que les nominations dans les emplois supérieurs et dirigeants de la fonction publique doivent concerner, au titre de chaque année civile, au moins 40 % de personnes de chaque sexe.

Le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique dresse la liste des emplois supérieurs concernés par ces quotas. La circulaire du 11 avril 2016 relative à l’application du décret précité prévoit que « les emplois juridictionnels (magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif » ne sont pas soumis à cette obligation de « nominations équilibrées ».

Par conséquent, les nominations dans les plus hauts postes en juridiction au sein de la magistrature judiciaire ne sont pas soumises aux dispositions de la loi Sauvadet, seuls les emplois non juridictionnels, en administration centrale, l’étant.

La représentation des femmes dans le corps judiciaire apparaît importante, à condition de ne regarder que les statistiques relatives à l’entrée dans celui-ci. D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique, si 76,37 % de femmes composent l’entrée de corps, les femmes ne représentent plus que 51,92 % pour les postes au sommet de la hiérarchie judiciaire. Cette représentation est encore moindre pour les postes de procureur hors hiérarchie puisque, en 2023, les femmes ne représentent que 27,77 % de ces effectifs.

L’étude d’impact précise par ailleurs que les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes perdurent, bien qu’ils diminuent. En 2020 subsiste ainsi un écart de 533 € en défaveur des femmes pour les magistrats des second et premier grades, et de 336 € pour les magistrats hors hiérarchie.

ii.   La prise en compte du handicap dans la magistrature

Actuellement, la magistrature judiciaire n’est pas, compte tenu de son statut, soumise à l’obligation d’employer un quota de 6 % de travailleurs handicapés, qui s’impose tant au secteur privé qu’à la fonction publique. En effet, l’article L. 351-1 du code général de la fonction publique dispose que l’État est « assujetti à l’obligation d’emploi prévue à l’article L. 5212-2 du code du travail ».

L’article 16 de l’ordonnance statutaire amorce une prise en compte de la situation des personnes en situation de handicap en prévoyant que les candidats au concours étudiant doivent « remplir les conditions d’aptitude physique nécessaire à l’exercice de leurs fonctions compte tenu des possibilités de compensation du handicap ».

Des possibilités d’aménagement des épreuves au concours sont également prévues par le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’école nationale de la magistrature.

Cela n’est toutefois évidemment pas suffisant pour approcher le seuil de 6 %, qui est loin d’être atteint dans la magistrature judiciaire. D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique, le taux de personnes en situation de handicap se situe autour de 1 % dans les juridictions (0, 71 % à la Cour de cassation, 1,1 % dans les cours d’appel et 0, 94 % dans les tribunaux judiciaires). Il est à peine plus élevé en administration centrale et à l’inspection générale de la justice, où il s’élève à 2,4 %.

2.   Le projet de loi organique initial

a.   La saisine du CSM par les justiciables

L’article 8 du projet de loi organique vise à faciliter le traitement des plaintes d’un double point de vue. Il s’agit d’abord, pour le justiciable, d’assouplir les conditions de recevabilité de la plainte. Il s’agit ensuite, pour la commission d’admission des requêtes, de lui confier de nouveaux pouvoirs d’investigation.

Ces mesures sont applicables aux procédures concernant tant les magistrats du siège que les magistrats du parquet, et sont donc inscrites aux articles 531 et 63 de l’ordonnance n° 58‑1270 qui les concernent respectivement.

i.   Les mesures favorisant la recevabilité des plaintes déposées par les justiciables.

L’article 8 comprend plusieurs mesures de nature à favoriser la recevabilité des plaintes des justiciables.

● S’agissant des comportements pouvant faire l’objet d’une plainte, l’article 8 élargit la recevabilité – actuellement limitée aux seuls comportements adoptés par le magistrat dans l’exercice de ses fonctions – aux cas où, sans être en fonctions, le magistrat « fait usage de sa qualité ».

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique fait état d’un cas dans lequel la plainte, qui visait le comportement d’un magistrat ayant abusé de ses fonctions mais en dehors de l’exercice de celles-ci, avait été déclarée irrecevable, puis reprise par le garde des Sceaux afin que soit engagée la procédure disciplinaire. Cet assouplissement du champ de recevabilité vise à éviter que de telles plaintes ne puissent pas être déclarées recevables.

● S’agissant des conditions formelles de dépôt de la plainte, l’article 8 prévoit expressément qu’elle puisse être adressée par le justiciable ou par son conseil. L’exigence de faire apparaître l’identité du justiciable incombera, le cas échéant, à l’avocat.

Par ailleurs l’article 8 supprime l’exigence de signature de la plainte par le justiciable, son identité devant toujours être indiquée dans la plainte, ainsi que son adresse.

● Enfin, les conditions relatives au contenu de la plainte sont simplifiées. En l’état du droit, la plainte doit contenir « l’indication détaillée des faits et griefs allégués ». L’article 8 maintient l’obligation d’indiquer les faits de manière détaillée, mais supprime l’exigence d’articulation des faits et des griefs. Cette condition était perçue comme un obstacle à l’exercice du droit de plainte pour les justiciables ne parvenant pas à réaliser ce travail de qualification juridique des faits, et menait à ce que soient déclarées irrecevables des plaintes qui visaient bien un comportement susceptible de correspondre à une faute disciplinaire, mais qui n’aurait pas été bien qualifiées juridiquement par le justiciable.

La recevabilité temporelle des plaintes est, en revanche, restreinte par l’instauration d’un délai de forclusion de trois ans en cas de dessaisissement d’un magistrat. En l’état du droit, le justiciable peut émettre une plainte à l’encontre d’un magistrat dessaisi d’un dossier tant que la procédure n’est pas achevée. Si cette procédure est très longue, la plainte peut ainsi s’appliquer à un magistrat qui n’est plus en charge du dossier depuis plusieurs années. Afin de protéger les magistrats des saisines dilatoires et d’éviter d’admettre la recevabilité de plaintes portant sur des faits datés, sur lesquels il est difficile d’obtenir des éléments, l’article 8 enserre la recevabilité de la plainte dans un double délai : le délai d’un an après la fin de la procédure est maintenu, tandis que s’ajoute le délai de trois ans après l’éventuel dessaisissement d’un juge même si la procédure n’est pas terminée.

ii.   Les mesures relatives au travail de la commission d’admission des requêtes

● L’article 8 du projet de loi organique encadre le travail de la commission d’admission des requêtes sur deux aspects.

D’une part, elle enserre sa décision sur la recevabilité de la plainte dans un délai de huit mois à compter de la réception de la plainte.

D’autre part, elle rend obligatoire l’audition, par la commission des requêtes, du magistrat mis en cause.

● Cet article octroi par ailleurs de nouveaux pouvoirs d’investigation à la commission d’admission des requêtes :

– la commission ne sollicitera plus les observations du magistrat et du chef de Cour que « lorsqu’elle déclare la plainte recevable ». En revanche, elle pourra désormais, lorsque les informations et observations transmises nécessiteraient des compléments, solliciter ce complément d’information.

Le cas échéant, ces observations et informations complémentaires seront adressées au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des Sceaux, dans un délai de deux mois à compter de la demande complémentaire.

– elle pourra également demander au garde des Sceaux, ministre de la justice, que lui soit adressé le dossier personnel du magistrat mis en cause.

– elle pourra enfin, lorsque la technicité des actes d’enquête le justifie, solliciter du garde des Sceaux que soit diligentée une enquête administrative par l’inspection générale de la justice. La réalisation d’une telle enquête permettra par exemple à la commission d’admission des requêtes d’avoir des informations plus précises sur les stocks du cabinet d’un juge et sur son contexte de travail.

La commission d’admission des requêtes ne pourra pas elle-même saisir l’inspection générale de la justice, placée sous la hiérarchie et l’autorité du ministre. La demande est transmise au ministre, qui a deux mois pour répondre à la sollicitation, son silence valant rejet de la demande. S’il donne droit à la demande, le rapport de l’inspection générale de la justice sera remis au ministre, qui le transmettra sans délai à la commission d’admission des requêtes. Le délai d’examen de la plainte imposé à la commission d’admission des requêtes est suspendu jusqu’à la réception du rapport de l’inspection générale de la justice, ou jusqu’à l’expiration du délai de réponse de deux mois laissé au ministre.

● Enfin, l’article 8 prévoit que les décisions rendues par les commissions d’admission des requêtes et leurs présidents sont transmises au garde des Sceaux. Ce dernier deviendra ainsi également destinataire des décisions d’irrecevabilité.

b.   Le régime disciplinaire

Dans le but à la fois d’accroître la responsabilisation des magistrats et de disposer des éléments nécessaires dans le cadre de l’engagement de poursuites disciplinaires liées à la réitération du comportement problématique d’un magistrat, l’article 8 allonge la durée de conservation de l’avertissement dans le dossier du magistrat de deux années.

L’effacement automatique de l’avertissement du dossier du magistrat interviendra ainsi après cinq années au lieu de trois actuellement.

Cet article répond en ce sens à une préconisation formulée par le CSM dans son avis au Président de la République du 24 septembre 2021 ([69]).

L’article 8 vise également à préciser l’échelle des sanctions disciplinaires.

À cette fin, il assortit la sanction de retrait de certaines fonctions d’un délai maximal de cinq années.

En l’état du droit, un magistrat faisant l’objet de cette sanction disciplinaire s’en voit dessaisi, mais peut immédiatement après solliciter une nouvelle nomination dans ces fonctions. Afin d’éviter une reconduction trop rapide du magistrat dans ces fonctions et de prévoir qu’une période temporelle suffisante puisse être mise à profit pour que le magistrat concerné puisse se réapproprier, d’après l’étude d’impact, les « réflexes juridiques ou managériaux inhérents aux fonctions qui lui ont été retirées », une période temporelle de dessaisissement de ces fonctions devra être définie par l’autorité disciplinaire au moment du prononcé de la sanction. En tout état de cause, cette période ne pourra excéder cinq années.

Par ailleurs, l’article 8 permet de moduler la sévérité de l’abaissement d’échelon, en prévoyant expressément dans l’ordonnance que la sanction d’abaissement d’échelon peut concerner « un ou plusieurs échelons ». L’objectif est de favoriser la personnalisation de la sanction dans la mesure où l’instance disciplinaire pourra prévoir l’abaissement de plusieurs échelons en fonction de la gravité de la faute.

c.   La protection des magistrats

L’article 8 du projet de loi organique vise d’abord à perfectionner la protection fonctionnelle des magistrats.

Il rétablit, pour les ayants droit des magistrats, le bénéfice de la protection fonctionnelle.

La restriction du bénéfice de la protection fonctionnelle aux seuls magistrats, à l’exclusion de leurs ayants droit, résulte d’un manque de vigilance lors de l’entrée en vigueur du code général de la fonction publique, sans que le législateur n’ait eu l’intention de placer les familles des magistrats dans une situation différente de celle des familles d’agents publics qui bénéficient d’une telle protection. L’article 8 insère en conséquence, un alinéa à l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, afin de reprendre les dispositions de l’article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.

L’article 8 ajoute par ailleurs aux motifs pouvant conduire au bénéfice de la protection fonctionnelle le cas du harcèlement. Cette mesure vise à entériner une pratique déjà existante. En effet, la protection fonctionnelle prévue à l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 concerne actuellement les menaces et attaques de toute nature, ce qui inclut les faits de harcèlement. Sa consécration permet néanmoins un alignement avec les règles applicables à la fonction publique, définies à l’article L. 133-1 du code de la fonction publique.

L’article 8 précise par ailleurs dans l’ordonnance statutaire que les dispositions du statut général des fonctionnaires relatives à la lutte contre le harcèlement sexuel ou moral et les agissements sexistes s’appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire.

L’article 8 améliore ensuite la protection des magistrats lanceurs d’alerte, en confiant au collège de déontologie des magistrats la mission de recevoir et de traiter les alertes émises par les magistrats.

Il inscrit également dans l’ordonnance statutaire que les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les lanceurs d’alerte s’appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires au statut du corps judiciaire.

d.   Les mesures relatives à l’égalité professionnelle.

L’article 8 vise enfin à promouvoir l’égalité professionnelle au sein de la magistrature.

À cette fin, il consacre dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 un nouvel article 10-3 qui prévoit :

– que « les nominations des magistrats sont effectuées dans le respect de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et qu’elles favorisent, « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l’organisation judiciaire », l’égal accès des femmes et des hommes aux plus hauts emplois de la hiérarchie judiciaire ;

– que, sous les mêmes réserves que précédemment tenant au bon fonctionnement du service, « les autorités de nomination, les chefs de cour et les chefs de juridiction, prennent les « mesures appropriées » pour permettre aux magistrats en situation de handicap « de développer un projet de carrière et d’accéder à des fonctions de niveau supérieur ainsi que de bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins tout au long de la vie professionnelle » ;

- que, toujours sous les mêmes réserves, les nominations des magistrats « tiennent compte de leur situation de famille ». Il s’agit là d’une reprise du premier alinéa de l’article 29 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui est, par voie de conséquence, abrogé.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements : deux en commission, deux en séance. Parmi les deux amendements des rapporteurs adoptés en commission, l’un est rédactionnel. Le second (n° 54 rect.), apporte d’importantes modifications au projet de loi organique en vue de renforcer la responsabilité des magistrats. Ces modifications concernent le droit de plainte des justiciables, la redéfinition de la faute disciplinaire et de l’échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats.

a.   Les modifications portant sur le droit de plainte des justiciables devant le CSM

La commission des Lois du Sénat a confirmé certaines modifications procédurales inscrites dans le projet de loi organique, telles que la suppression de l’obligation d’articulation des griefs, perçue comme un frein pour les justiciables non familiers du procédé. Mais, en adoptant l’amendement n° 54 des rapporteurs, elle a considérablement modifié le dispositif relatif au droit de plainte des justiciables.

La commission des Lois du Sénat a, d’abord, supprimé certaines des évolutions inscrites dans le projet de loi organique. Elle a ainsi :

– restauré l’obligation de signature de la plainte par le justiciable ;

– réintroduit la possibilité pour la commission d’admission des requêtes de solliciter les observations du magistrat et du chef de cour avant d’avoir déclaré la plainte recevable ;

– supprimé la transmission au garde des Sceaux des observations et informations complémentaires remises au CSM ;

– supprimé l’audition obligatoire du magistrat mis en cause par la commission d’admission des requêtes.

Le CSM avait préconisé, dans son avis de 2021 remis au Président de la République, de rendre obligatoire l’audition du magistrat mis en cause avant son renvoi devant la formation disciplinaire. Il s’est en revanche déclaré défavorable à l’obligation d’audition systématique du magistrat avant même qu’il ne soit statué sur la recevabilité de la plainte, dans la mesure où, souvent, les observations écrites suffisent à lever le doute sur cette recevabilité, et parce qu’un tel dispositif serait facteur de déstabilisation pour les magistrats. La commission des Lois du Sénat a considéré que cette audition ne devait avoir lieu que si elle est nécessaire pour l’établissement de la matérialité et la qualification des faits allégués.

Par cet amendement n° 54, la commission des Lois du Sénat a, par ailleurs, apporté d’autres modifications au dispositif inscrit aux articles 50-3 et 63 de l’ordonnance statutaire. La commission a :

 supprimé la transmission au garde des Sceaux des observations et informations transmises par le magistrat ou le premier président de la cour d’appel ;

– supprimé la possibilité de traiter en circuit court les plaintes manifestement infondées. Le président de la commission des requêtes ne pourra désormais rejeter lui-même que les plaintes manifestement irrecevables.

Les plaintes manifestement infondées sont celles qui évoquent un grief mettant en cause le comportement du magistrat mais qui n’apportent aucun commencement de preuve. En droit, ces plaintes pouvaient être traitées en « circuit court ». Toutefois, comme l’indique le CSM dans son rapport d’activité 2021, « il a pu arriver que les justiciables contestent le fait que la décision ait été rendue par le seul président. Aussi ces plaintes sont-elles désormais en principe orientées en commission », ce qui devrait « contribuer à une meilleure acceptation, par les justiciables, de la motivation de la décision de rejet » ([70]). Cet amendement de la commission des Lois du Sénat vient donc consacrer dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 une pratique déjà retenue par le CSM.

– supprimé la transmission au garde des Sceaux des observations et informations remises au CSM.

– ouvert la possibilité pour le justiciable d’être assisté de son conseil lorsqu’il est auditionné par la commission d’admission des requêtes. L’amendement a également prévu que l’information relative à la décision prise de rejet de la plainte ou d’engagement de la procédure disciplinaire est également transmise au conseil du justiciable lorsqu’il se fait assister dans la procédure.

Deux amendements adoptés en séance ont apporté de nouvelles modifications à ce dispositif :

L’amendement n° 40 rect. de M. Philippe Bonnecarrère, adopté contre l’avis du Gouvernement, crée une obligation de motivation d’une éventuelle décision de rejet du garde des Sceaux à la demande de réalisation d’une enquête administrative par l’inspection générale de la justice. Par ailleurs, il prévoit que le silence gardé par le ministre pendant deux mois vaut acceptation de la demande.

Le Sénat a également prévu, en adoptant l’amendement n° 39 rect. de M. Philippe Bonnecarrère ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, que les décisions rendues par la commission d’admission des requêtes seraient transmises au premier président de la cour d’appel ou au président du tribunal supérieur d’appel. Cette mesure vise à faciliter l’exercice de la faculté qu’ont ces chefs de cour de rappeler un magistrat à ses obligations déontologiques.

b.   L’introduction d’une nouvelle définition de la faute disciplinaire et du serment des magistrats

En premier lieu, la commission des lois du Sénat a précisé la définition de la faute disciplinaire, afin de la rendre plus souple et plus lisible, et proposé une reformulation du serment des magistrats.

Elle a repris, sans la modifier, la préconisation formulée par le CSM dans son avis du 24 septembre 2021. Le CSM y constatait que la formulation du serment paraissait assez pauvre au regard des devoirs de l’état de magistrat et des valeurs qui doivent guider son action.

La commission a donc inscrit à l’article 6 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 la formulation proposée par le CSM, en substituant à l’actuel serment ([71]) le serment suivant : « je jure de remplir mes fonctions avec indépendance et impartialité, de me comporter en tout comme un magistrat digne, intègre et loyal, de porter attention à autrui, de respecter le secret professionnel et celui des délibérations ».

De façon corollaire, la commission des Lois du Sénat a également repris la préconisation, formulée par le CSM dans le même avis, de revoir la définition de la faute disciplinaire, cette modification étant présentée comme le pendant de la modification du serment.

La commission des Lois du Sénat a donc procédé à la réécriture du premier alinéa de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, avec la définition suivante : « Tout manquement par un magistrat à l’indépendance, à l’impartialité, à l’intégrité et la probité, à la loyauté, à la conscience professionnelle, à l’honneur, à la dignité, au respect et à l’attention portée à autrui, à la réserve et la discrétion, ou aux obligations attachées à l’exercice de leurs fonctions, constitue une faute disciplinaire ».

c.   La redéfinition de l’échelle des sanctions

La commission des Lois du Sénat a souhaité renforcer l’échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats.

● S’agissant de la sanction de retrait de certaines fonctions (3 bis de l’article 45 de l’ordonnance statutaire), la commission des Lois a maintenu la précision inscrite dans le projet de loi organique, selon laquelle cette sanction ne peut être émise que pour une durée maximale de cinq ans.

Elle a par ailleurs ouvert la possibilité d’émettre une telle sanction de retrait de fonctions « y compris distinctes de celles pour lesquelles la faute est constatée ».

L’objectif poursuivi par cette modification est de « prévenir le cas où un magistrat sanctionné pourrait poursuivre l’exercice de fonctions adjacentes à celles pour lesquelles il a été sanctionné mais continuerait de poser une difficulté ».

● La commission des Lois du Sénat a également suivi la proposition émise par le CSM dans son avis du 24 septembre 2021, de renforcer la sanction d’interdiction de certaines fonctions en :

– portant à dix ans au lieu de cinq actuellement le délai maximal d’interdiction de fonctions ;

– étendant la liste des fonctions qui peuvent être interdites. Actuellement limitées aux fonctions de juge unique, pourraient désormais être interdites les fonctions statutairement limitées dans le temps, à savoir celles d’auditeur à la Cour de cassation, de juge des libertés et de la détention, de juge d’instruction, de juge des enfants, de juge de l’application des peines, de premier président de cour d’appel, de procureur général près la cour d’appel, de président et de procureur de la République d’un tribunal judiciaire ou de première instance placé, ou encore d’inspecteur général de la justice ;

– alignant le régime de l’exclusion de fonctions sur celui applicable aux magistrats administratifs. Est ainsi inséré à l’article 45 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 un alinéa précisant que l’exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de rémunération, peut être assortie d’un sursis total ou partiel, ce sursis étant révoqué si une sanction autre que le blâme est prononcée dans un délai de cinq ans après le prononcé de l’exclusion temporaire.

4.   La position de la Commission

La Commission des lois a adhéré au projet de reformulation du serment des magistrats, introduit par le Sénat sur la base d’une proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Il lui est apparu opportun de perfectionner ce serment qui revêt une valeur symbolique importante lors de l’entrée dans la magistrature. Dans la mesure où le serment recense les devoirs déontologiques et moraux auxquels le magistrat jure de se conformer, les termes doivent être choisis avec attention. La Commission des lois a décidé en conséquence, sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, d’ajouter la notion d’humanité au serment (amendement CL167). Elle a par ailleurs, par le même amendement supprimé la référence à « l’attention portée à autrui », qui semblait vague et déjà incluse dans le devoir de loyauté.

La Commission a ensuite confirmé la plupart des évolutions relatives à la diversification de l’échelle des sanctions. Elle a considéré que le renforcement de la responsabilité des magistrats s’inscrit dans l’entreprise de reconstruction du lien de confiance entre la justice et les citoyens.

La Commission a apporté plusieurs modifications relatives à la procédure et aux sanctions disciplinaires.

Elle a d’abord adopté un amendement CL164 de votre rapporteur portant de quinze jours à un mois le délai de traitement des demandes d’interdiction temporaire d’exercice transmises par le garde des Sceaux aux formations du CSM. Elle a considéré que le délai actuel était très court pour rassembler la formation compétente du CSM, lui permettre d’instruire et de prendre une décision. De même, ce délai apparaissait trop court pour permettre au magistrat concerné d’organiser sa défense, et au garde des Sceaux d’étayer sa demande.

Elle a ensuite apporté quelques modifications rédactionnelles et de fond au dispositif du Sénat relatif aux sanctions disciplinaires, principalement pour préciser qu’un magistrat ne peut se voir retirer des fonctions distinctes de celles qu’il exerce, et pour ramener à cinq ans la durée maximale retenue pour la sanction d’interdiction d’être nommé dans des fonctions à juge unique. La durée de dix ans prévue par le Sénat lui est apparue disproportionnée au regard de la temporalité de la carrière d’un magistrat. Cet amendement CL163 a en outre préservé le pouvoir d’appréciation du conseil de discipline dans le choix de la sanction, pour s’assurer de son individualisation et de sa proportionnalité. Le CSM pourra ainsi moduler les conséquences pécuniaires de la sanction d’exclusion temporaire, et apprécier l’opportunité de la révocation de l’exclusion temporaire assortie du sursis en cas de prononcé d’une nouvelle sanction dans le délai prévu.

S’agissant de l’exercice du droit de plainte des justiciables devant le CSM, la Commission des lois est en partie revenue sur certaines évolutions adoptées par le Sénat.

Elle a ainsi rétabli l’obligation de transmission au garde des Sceaux des informations et observations du premier président de la Cour d’appel ou du président du tribunal supérieur d’appel ainsi que du magistrat poursuivi, qui sont remises à la commission d’admission des requêtes du CSM (amendement CL90). Elle a considéré qu’il s’agissait là d’une mesure en faveur de la transparence et de l’efficacité de la procédure disciplinaire.

Elle a par ailleurs adopté deux amendements identiques CL91 de votre rapporteur et CL83 de Mme Caroline Abadie relatifs à la sollicitation du garde des Sceaux par la commission d’admission des requêtes du CSM pour que l’inspection générale de la justice mène une enquête administrative. Ces amendements précisent que le silence gardé par le garde des Sceaux durant deux mois s’agissant de cette saisine vaut rejet, et non acceptation, et que la décision de rejet ne doit pas être motivée. La Commission des lois a tenu compte du fait que l’inspection générale de la justice est placée sous l’autorité du garde des Sceaux, qui doit décider s’il souhaite, ou non, que ce service mène une enquête dans le service du magistrat concerné par la plainte. Cette modification s’impose en outre compte tenu de la nécessité de matérialiser la saisine de l’inspection générale de la justice, ne serait-ce que pour définir le périmètre de l’enquête à réaliser.

La Commission a enfin adopté huit amendements rédactionnels ou de coordination de votre rapporteur.

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*     *

Article 8 bis
(art. 202 de la loi organique n° 94100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)
Élaboration d’une charte de déontologie des magistrats

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Cet article, introduit par le Sénat en séance, crée une charte de déontologie des magistrats dont l’élaboration est confiée au Conseil supérieur de la magistrature.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2010‑830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution a inséré dans la loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature un article 20‑2 confiant à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature la responsabilité d’établir un recueil des obligations déontologiques des magistrats.

       Modifications apportées par la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a supprimé la consultation obligatoire par le CSM du directeur général de l’administration de la fonction publique et de la commission de déontologie de la fonction publique dans le cadre de l’élaboration de la charte de déontologie des magistrats judiciaires.

1.   L’état du droit

L’article 20‑2 de la loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dispose que la formation plénière du CSM « élabore et rend public un recueil des obligations déontologiques des magistrats ».

Ce recueil, intitulé « les valeurs du magistrat », accessible publiquement sur le site internet du CSM, a été publié en sa forme initiale en 2010, à la suite d’un travail de concertation et de consultation. Le recueil a ensuite fait l’objet de compléments puis d’une refonte, afin de tenir compte de problématiques qui n’étaient pas abordées dans la première version.

Comme l’indique l’introduction du recueil, ce dernier « ne constitue pas un code de déontologie ayant force réglementaire et dont le contenu serait figé. Il énonce des principes de conduite professionnelle, articulés autour des grandes valeurs devant structurer le comportement de tout magistrat ».

Le choix fait en 2010 par le législateur organique avait été de ne pas figer le contenu de règles considérées comme étant, par essence même, évolutives.

Le recueil comprend huit chapitres exposant les principes d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de probité, de loyauté, de conscience professionnelle, de dignité, de respect de l’attention portée à autrui, et de réserve et de discrétion.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le Sénat a adopté en séance l’amendement n° 58 rect. bis présenté par M. Retailleau, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement et de la commission. L’article 8 bis du projet de loi organique crée une charte de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire sur le modèle de celle élaborée pour les magistrats administratifs, en application de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Par la substitution d’une charte à un recueil, l’ambition portée par l’auteur de l’amendement est que soit produit un écrit « solennel, engageant et complet, et non un simple catalogue de recommandations, tel qu’il existe actuellement pour les magistrats judiciaires. »

L’élaboration de la charte est confiée au CSM, qui devra consulter obligatoirement des instances susceptibles de l’aider à définir avec précisions les règles déontologiques applicables.

Devront ainsi être sollicités les avis du Directeur général de l’administration de la fonction publique, de la Commission de déontologie de la fonction publique, du Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire, de l’Inspection générale de la justice, et des organisations syndicales représentatives de la magistrature.

La charte, une fois élaborée, sera rendue publique.

3.   La position de la Commission

La commission des Lois a adhéré à l’ambition de publication d’une charte de déontologie des magistrats judiciaires, de nature à offrir un document de référence complet et actualisé auxquels les magistrats pourront se reporter pour répondre à leurs interrogations déontologiques.

La Commission a adopté deux amendements de votre rapporteur. Outre un amendement rédactionnel, elle a supprimé (amendement CL94) la consultation obligatoire par le CSM du directeur général de l’administration de la fonction publique et de la commission de déontologie de la fonction publique - qui est au demeurant désormais absorbée au sein de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique - dans le cadre de l’élaboration de la charte de déontologie des magistrats judiciaires. Il lui est en effet apparu incongru et incohérent, compte tenu de la spécificité du statut des magistrats, que le CSM soit tenu de se référer, dans sa mission d’élaboration de cette charte, à l’avis d’organes étrangers à la magistrature judiciaire.

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*     *

Article 9
(art. 10-1, 1011 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance  581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à la réforme du mode de scrutin prévu pour l’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature représentant les magistrats des cours et des tribunaux.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République a modifié l’article 65 de la Constitution afin de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature.

La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution a modifié la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature afin de tirer les conséquences de la réforme de la composition du CSM.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté deux amendements en commission des Lois. L’un revient sur l’allongement du délai dans lequel une désignation complémentaire doit intervenir en cas de vacance de siège. L’autre modifie les conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature afin que les personnalités soient renouvelées par moitié et que les magistrats représentant la hiérarchie judiciaire soient élus au scrutin uninominal à deux tours.

       Modifications apportées par la Commission

Outre cinq amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement de M. Emmanuel Pellerin sous-amendé par votre rapporteur ouvrant la possibilité d’organiser les élections au CSM par voie électronique. La Commission a également rétabli à trois le nombre de noms de candidats devant figurer sur les listes nationales de candidature. Elle a en outre rétabli à six mois le délai au terme duquel il doit être procédé à une désignation complémentaire d’un membre en cas de vacance définitive d’un siège.

1.   L’état du droit

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont les missions et la composition sont définies à l’article 65 de la Constitution du 4 octobre 1958, est l’organe compétent en matière de nomination, de discipline et de déontologie des magistrats.

La révision constitutionnelle intervenue le 23 juillet 2008 a profondément remanié la composition du CSM, auparavant présidé par le Président de la République et dont le vice-président était le ministre de la justice. Depuis 2008, le Président de la République n’est plus membre du CSM. Le ministre de la justice peut quant à lui participer aux séances des formations du CSM, sauf en matière de discipline. Cette réforme a également augmenté le nombre de membres extérieurs siégeant au CSM.

Le CSM comprend toujours deux formations : l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre compétente à l’égard des magistrats du parquet, dont les membres nommés le sont pour une durée de quatre ans non renouvelable immédiatement.

Chacune des formations comprend :

– un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État ;

– un avocat ;

– six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées, suivant la procédure inscrite à l’article 13 de la Constitution. Le pouvoir de nomination s’exerce donc après avis public des commissions permanentes compétentes des assemblées, étant précisé que les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée[72].

Chaque formation du CSM comprend ensuite, outre son président, des représentants des magistrats : trois représentants de la hiérarchie judiciaire, élus par leurs pairs au scrutin uninominal, et trois magistrats représentant les cours et les tribunaux, élus suivant un scrutin à deux degrés.

La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre :

– un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation élu par l’assemblée des magistrats du siège hors hiérarchie de ladite cour ;

– un premier président de cour d’appel élu par l’assemblée des premiers présidents de cour d’appel ;

– un président de tribunal judiciaire élu par l’assemblée des présidents de tribunal judiciaire, de première instance ou de tribunal supérieur d’appel ;

– deux magistrats du siège et un magistrat du parquet des cours et tribunaux, élus dans les conditions fixées à l’article 4 de la loi organique du 5 février 1994

La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation et comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège. :

–  un magistrat du parquet hors hiérarchie à la Cour de cassation élu par l’assemblée des magistrats du parquet hors hiérarchie de ladite cour ;

– un procureur général près une cour d’appel élu par l’assemblée des procureurs généraux près les cours d’appel ;

– un procureur de la République près un tribunal judiciaire élu par l’assemblée des procureurs de la République ;

– deux magistrats du parquet et un magistrat du siège des cours et tribunaux élus suivant un scrutin à deux degrés.

Sont constitués, dans le ressort de chaque cour d’appel, deux collèges distincts : l’un pour les magistrats du siège et l’autre pour les magistrats du parquet. Ces collèges élisent, dans le ressort de chaque cour d’appel, un nombre de magistrats du siège et du parquet proportionnel à leurs effectifs. L’élection a lieu au scrutin uninominal à un tour et à bulletin secret. Les candidats ayant recueilli le plus de suffrages sont déclarés élus. En cas de partage égal des voix, le candidat le plus âgé est déclaré élu.

Il résulte de ces élections la constitution de deux collèges de grands électeurs. Le collège des magistrats du siège en compte 160, celui des magistrats du parquet 80.

Ces collèges de grands électeurs sont ensuite réunis à Paris, à la Cour de cassation, pour élire les représentants qui siégeront au CSM, par un scrutin proportionnel suivant la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes qui n’ont pas obtenu 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi indique que ce mode de scrutin à deux degrés génère un certain nombre de difficultés :

– D’abord, il « favorise un système rigide de représentation de la magistrature, impliquant dans chaque cour de pouvoir présenter des listes complètes, ce qui avantage les organisations syndicales les plus importantes », et n’assure ainsi pas la meilleure représentativité possible des membres élus ;

– Ensuite, il s’agit d’un processus « complexe, lourd et coûteux », qui suppose de réunir à Paris 220 grands électeurs, ce qui génère 180 853 € de frais de déplacements.

Les membres du CSM sont désignés pour un mandat de quatre ans.

Lorsqu’une vacance se produit avant la date normale d’expiration des mandats s’agissant des membres élus, le magistrat dont le nom figurait sur la liste des candidats après celui du magistrat initialement désigné, est désigné pour achever son mandat. Si la liste ne comporte plus de nom, il est alors procédé, dans un délai de trois mois, à une désignation complémentaire au scrutin uninominal à un tour à bulletin secret.

Si la vacance concerne le mandat d’un membre désigné, son successeur est désigné pour achever le mandat, dans un délai de trois mois, selon les mêmes modalités que pour la désignation du membre initialement désigné.

2.   Le projet de loi organique initial

L’article 9 du projet de loi réforme le mode de scrutin des membres du CSM représentant les magistrats des cours et des tribunaux afin d’améliorer leur représentativité et de faciliter l’organisation de leur élection.

Il supprime le scrutin à deux degrés et les collèges des grands électeurs, et lui substitue un mode de scrutin direct.

Est ainsi institué un scrutin de liste à un degré à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste.

Les listes nationales complètes comprenant trois magistrats du siège et trois magistrats du parquet devront respecter le principe de la parité femmes-hommes. La présentation d’une seule liste au niveau national plus que de listes dans le ressort de chaque cour d’appel facilitera la présentation de listes complètes par les plus petites organisations syndicales.

La direction des services judiciaires, assistée de deux membres du CSM, appréciera la validité des candidatures.

Les candidats seront élus en suivant l’ordre de la liste, étant précisé que seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages participeront à la répartition des sièges. Le fait que les électeurs connaissent le nom des personnes qui siégeront en cas d’élection pourrait être de nature à favoriser la participation à ces élections.

Compte tenu de la réforme du mode de scrutin, l’article 9 allonge le délai au terme duquel une élection complémentaire doit être organisée en cas de vacance définitive, en le portant de trois à six mois.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements

L’amendement COM-56 des rapporteurs prévoit le renouvellement par moitié tous les deux ans des personnalités qualifiées du CSM. La commission a considéré qu’un tel renouvellement serait susceptible d’offrir une plus grande stabilité à la composition du CSM, et partant une meilleure continuité des décisions sur le plan disciplinaire.

L’amendement organise un dispositif transitoire pour l’entrée en vigueur de ce dispositif qui ne deviendrait effectif qu’à compter du second remplacement des membres intervenant après la publication de la présente loi. Lors du prochain renouvellement des membres du CSM, chaque autorité de nomination désignera l’une des deux personnalités qu’elle nomme pour un mandat de six ans et l’autre pour un mandat de trois ans.

Cet amendement prévoit en outre que les membres magistrats représentant la hiérarchie judiciaire seront élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, afin d’éviter un relatif déficit de légitimité résultant d’une élection acquise à un faible nombre de voix dans le cadre d’un scrutin uninominal à un tour.

La commission a par ailleurs adopté l’amendement COM-20 rect de Mme Harribey, qui réduit de six à quatre mois le délai au terme duquel une désignation complémentaire doit être organisée en cas de vacance, et impose que les listes de candidats comportent quatre noms au lieu de trois afin de faciliter la suppléance en cas de vacances.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois a adhéré à l’objectif de simplification porté par l’article 9 du projet de loi organique, et a considéré que le nouveau système électoral serait de nature à favoriser la participation.

La Commission a souhaité aller plus loin encore dans l’entreprise de simplification en adoptant un amendement CL84 de M. Emmanuel Pellerin, sous-amendé par votre rapporteur, ouvrant la possibilité d’organiser les élections au CSM par voie électronique.

La Commission a par ailleurs rétabli à trois le nombre de noms de candidats devant figurer sur les listes nationales de candidature (amendement CL132). En effet, seules des listes nationales complètes bloquées, de trois magistrats du siège et trois magistrats du parquet, correspondant au nombre de sièges à pourvoir au Conseil supérieur de la magistrature, pourront être transmises.

Elle a en outre rétabli à six mois (amendement CL133) le délai au terme duquel il doit être procédé à une désignation complémentaire d’un membre en cas de vacance définitive d’un siège. Il est en effet apparu très difficile d’organiser une élection complémentaire en moins de trois mois compte tenu des opérations pré-électorales qu’un mode de scrutin direct implique.

La Commission a également adopté cinq amendements rédactionnels de votre rapporteur.

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Article 10
(art. 7-2, 73, 91, 122, 32, et 37 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, art 1012 [nouveau] de loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)
Disposition diverses relatives à la déontologie des magistrats et à la dématérialisation de la gestion de leur dossier administratif

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article complète la liste des magistrats soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts et tire les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle du 28 juillet 2016, en limitant l’obligation de déclaration de patrimoine aux membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Il supprime l’exigence, posée par l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, d’un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour procéder à la gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats.

Il opère enfin diverses corrections visant à tenir compte des évolutions terminologiques concernant certaines professions de justice.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016‑1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a inséré dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 une obligation de déclaration d’intérêts pour certains magistrats, ainsi qu’une obligation de déclaration patrimoniale, cette dernière ayant été censurée par le Conseil constitutionnel.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté, en commission des Lois, un amendement rédactionnel de ses rapporteurs.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteur afin d’étendre l’obligation de déclaration d’intérêts à l’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice.

1.   L’état du droit

a.   L’obligation de déclarations d’intérêts

L’article 7‑2 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature impose à certains magistrats de déposer, dans un délai de deux mois suivant l’installation dans leurs fonctions, une déclaration d’intérêts.

La déclaration des intérêts doit être exhaustive, exacte et sincère. Elle ne doit comporter aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques du magistrat, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement. Elle porte sur différents éléments énumérés dans l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, tels que les activités professionnelles donnant lieu à rémunération, les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé, les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ou les fonctions et mandats électifs.

 

Les autorités de remise des déclarations

L’autorité de remise de la déclaration dépend du magistrat soumis à l’obligation déclarative.

La déclaration est remise :

– au président du tribunal, pour les magistrats du siège d’un tribunal de première instance ;

– au procureur de la République près ce tribunal, pour les magistrats du parquet d’un tribunal de première instance ;

– au premier président de la cour d’appel, pour les magistrats du siège d’une cour d’appel et pour les présidents des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;

– au procureur général près cette cour, pour les magistrats du parquet d’une cour d’appel et pour les procureurs de la République près des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;

– au premier président de la Cour de cassation, pour les magistrats du siège de la cour, pour les conseillers à la cour en service extraordinaire et pour les premiers présidents des cours d’appel ;

– au procureur général près la Cour de cassation, pour les magistrats du parquet de la cour, pour les avocats généraux à la cour en service extraordinaire et pour les procureurs généraux près des cours d’appel.

La liste des magistrats soumis à l’obligation déclarative a omis certains magistrats, tels que les inspecteurs généraux de la justice ou les membres des tribunaux supérieurs d’appel.

L’article 7‑2 de l’ordonnance statutaire précise que la remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique entre le magistrat et l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts et d’inviter, s’il y a lieu, à mettre fin à une situation de conflit d’intérêts. La déclaration peut être modifiée par le magistrat à l’issue de l’entretien.

Par ailleurs, l’autorité à laquelle la déclaration a été remise peut solliciter l’avis du collège de déontologie en cas de doute sur une éventuelle situation de conflit d’intérêts.

La déclaration d’intérêts est annexée au dossier du magistrat et peut être transmise au CSM et au garde des Sceaux, ministre de la justice, lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée, de même qu’à l’inspection générale de la justice en cas d’enquête administrative.

L’absence de soumission de la déclaration ou le dépôt d’une déclaration comportant d’importantes omissions volontaires est passible de sanctions (trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).

b.   L’obligation de déclaration de patrimoine

L’article 7‑3 de l’ordonnance statutaire, créé par la loi n° 2016‑1090 du 8 août 2016, instituait une obligation de transmission d’une déclaration de patrimoine au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour certains magistrats limitativement énumérés.

L’obligation ne concernait que certains magistrats représentant la hiérarchie judiciaire : le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation, le procureur général et les premiers avocats généraux près la Cour de cassation, les premiers présidents des cours d’appel, les procureurs généraux près les cours d’appel, les présidents des tribunaux de première instance et les procureurs de la République près les tribunaux de première instance.

Dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a confirmé qu’une telle obligation déclarative, en tant qu’elle vise à renforcer les garanties de probité et d’intégrité des magistrats, poursuit un motif d’intérêt général. Mais il a censuré les alinéas énumérant les magistrats soumis à cette obligation, indiquant qu’en imposant cette obligation à ces seuls magistrats, « le législateur organique a traité différemment ces magistrats des autres magistrats exerçant des fonctions en juridiction ».

Les autres éléments figurant à l’article 7‑3 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui définissent notamment le contenu des déclarations, sont néanmoins restés en vigueur en tant qu’ils permettent l’application de cette obligation déclarative aux membres du CSM, par le jeu d’un renvoi à l’article 7‑3 de l’ordonnance, opéré par l’article 10­‑1‑­2 de loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

c.   La gestion dématérialisée du dossier administratif des magistrats

L’article 12-2 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 prévoit que le dossier administratif du magistrat, auquel ce dernier a accès dans des conditions définies par la loi, peut être géré sur support électronique « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Cette disposition, introduite en 2016 dans cette ordonnance, n’a depuis pas encore donné lieu à la publication du décret.

Aujourd’hui, le dossier administratif des magistrats est donc encore tenu dans sa version papier à la direction des services judiciaires. Ces dossiers ont été numérisés et peuvent être consultés par le biais du réseau privé virtuel de la justice, mais il ne s’agit pas d’une véritable gestion informatisée des dossiers.

L’absence d’adoption du décret prévu par la loi résulte du fait que les premiers travaux d’élaboration du décret se sont révélés, d’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « particulièrement complexes et nombreux, au regard des problématiques posées dans le domaine de l’informatique et des libertés ainsi qu’en matière de création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, eu égard aux spécificités propres au dossier des magistrats compte tenu de leur statut ». De nombreuses consultations ont été menées, et, en dépit d’un avis favorable de la CNIL sur le projet de décret, la section de l’intérieur du Conseil d’État a émis un avis défavorable à son encontre lors de sa séance du 24 mai 2022.

Le Conseil d’État a observé « qu’à elles seules les dispositions du projet ne permettront pas de donner un cadre légal à la gestion sur support informatique des dossiers des magistrats, ni de régulariser la situation actuelle au regard des règles sur la protection des données personnelles ». Il a invité le Gouvernement, après une nouvelle consultation de la CNIL, à le ressaisir d’un projet de décret qui « définisse les modalités de la gestion dématérialisée du dossier individuel du magistrat » et « encadre cette gestion dans un traitement de données personnelles conforme aux exigences de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ».

Par ailleurs, le cadre juridique de protection des données à caractère personnel a, entre-temps, évolué, avec l’entrée en vigueur le 25 mai 2018 du règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel (RGPD) ([73]). Désormais, la création d’un traitement de données à caractère personnel ne nécessite plus de formalités préalables auprès de la CNIL, et un décret en Conseil d’État n’est plus requis lorsque le dossier concerné fait état d’un numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques.

Il en résulte que le renvoi à un décret en Conseil d’État, opéré par l’article 122 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, ne s’impose plus pour procéder à la gestion dématérialisée des dossiers personnels des magistrats.

2.   Le projet de loi organique initial

a.   L’extension de l’obligation de déclaration d’intérêts

L’article 10 complète la liste des magistrats soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts, en y intégrant certains magistrats oubliés lors de la création de cette obligation déclarative. Ces déclarations seront remises :

– au président du tribunal supérieur d’appel, pour les magistrats du siège du tribunal supérieur d’appel et pour le président d’un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal supérieur d’appel ; »

– au procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel, pour les magistrats du parquet près le tribunal supérieur d’appel et pour le procureur de la République près un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal supérieur d’appel ; »

– au premier président de la cour d’appel de Paris, pour le président d’un tribunal supérieur d’appel ; »

– au procureur général près la cour d’appel de Paris, pour le procureur de la République près un tribunal supérieur d’appel ;

– à l’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, pour les inspecteurs généraux de la justice et les inspecteurs de la justice. »

b.   Le transfert des dispositions relatives à l’obligation de déclaration patrimoniale dans la loi organique du 5 février 1994

Afin de tirer les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle, l’article 10 du projet de loi organique abroge, dans l’ordonnance statutaire, les dispositions organisant l’obligation de déclaration de patrimoine, censurées par le Conseil constitutionnel en tant qu’elles concernent certains magistrats.

L’article 10 du projet de loi organique transfère les dispositions applicables aux membres du CSM à l’article 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, qui les soumet à cette obligation.

c.   Les autres dispositions

L’article 10 tire les conséquences de l’absence d’obligation d’adopter un décret en Conseil d’État afin de mettre en place une gestion numérique du dossier personnel des magistrats ; il supprime donc cette exigence inutile à l’article 12‑2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

Il procède par ailleurs à des corrections diverses dans la même ordonnance. Ainsi, l’article 10 :

– complète l’article 15 de la loi organique du 5 février 1994 sur le CSM, qui ne mentionne pas, par omission, les présidents d’un tribunal supérieur d’appel dont la nomination relève aussi du pouvoir de proposition du CSM ;

– met en cohérence l’ordonnance du 22 décembre 1958 avec la création des commissaires de justice par la loi, en substituant ce terme à ceux « d’huissier » et de « commissaire-priseur » ;

– remplace la référence aux « inspecteurs adjoints des services judiciaires » par celle aux « inspecteurs généraux de la justice ».

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a uniquement adopté un amendement rédactionnel de ses rapporteurs à l’article 10.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois a confirmé l’opportunité de l’extension de l’obligation déclarative aux magistrats qui en avaient été exemptés par oubli.

Elle a adopté un amendement CL131 de votre rapporteur ayant recueilli un avis de sagesse du Gouvernement afin d’étendre cette obligation déclarative à l’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice.

Il lui est apparu incongru qu’il en soit exempté alors que le présent projet de loi organique y soumet les inspecteurs généraux.

S’agissant de l’autorité à laquelle sa déclaration d’intérêts devrait être remise, votre rapporteur a considéré qu’une remise dans les mains du garde des Sceaux, qui est le supérieur du chef de l’inspection générale de la justice, n’était pas satisfaisante. Il n’a pas jugé préférable l’éventualité d’une remise à la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), compte tenu de la spécificité du statut des magistrats. Il lui est apparu que la meilleure solution consistait en une transmission, sans entretien déontologique, au collège de déontologie des magistrats judiciaires. Ce collège pourra, le cas échéant, transmettre des observations au chef de l’inspection générale de la justice. La Commission a adhéré à cette proposition.

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Article 11
Expérimentation d’un concours spécial de recrutement pour l’auditorat

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit, à titre expérimental, l’ouverture d’un concours spécial d’accès à l’auditorat de justice.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel des rapporteures en commission des Lois.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur.

1.   L’état du droit

L’ordonnance statutaire prévoit les différentes voies d’accès à la magistrature. La voie principale correspond aux trois concours permettant le recrutement des auditeurs de justice, auxquels s’ajoutent des voies d’accès pour les professionnels. Ces différentes voies d’accès, réformées par le présent projet de loi, sont présentées dans le commentaire consacré à l’article 1er du projet de loi organique.

En l’état du droit, il n’existe aucune voie d’accès à la magistrature spécifiquement destinée à des candidats sélectionnés sur des critères sociaux, à l’exemple de la réforme récemment menée dans la haute fonction publique.

L’ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public a en effet institué, à titre expérimental, un concours externe spécial pour l’accès à certaines écoles ou certains organismes assurant la formation de fonctionnaires.

L’ordonnance précitée prévoit que « peuvent se présenter à ce concours les personnes qui suivent (…) ou ont suivi, dans les quatre années civiles précédant l’année au cours de laquelle le concours est ouvert, un cycle de formation préparant à l’un ou plusieurs des concours externes ou assimilés donnant accès à ces écoles ou organismes, accessible au regard de critères sociaux et à l’issue d’une procédure de sélection ». De tels concours spéciaux sont actuellement en cours d’expérimentation pour des écoles telles que l’Institut national du service public (INSP) ou l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP).

Compte tenu des spécificités statutaires de la magistrature, ces dispositions applicables pour la haute fonction publique ne le sont pas pour la magistrature judiciaire.

Des efforts ont tout de même été entrepris pour permettre le recrutement de profils variés. La pluralité des voies de recrutement, qui visent des profils étudiants ou professionnels, en est une illustration.

Des classes préparatoires intégrées ont par ailleurs été instituées par l’ENM sur le fondement du décret n° 2008‑483 du 22 mai 2008 ([74]) qui a permis l’institution de classes préparatoires au premier concours destinées à des élèves répondant à certaines conditions d’origine géographique ou de ressources.

Les premières « classes préparatoires de l’ENM » ont été créées en 2008 et sont désormais au nombre de six, réparties sur le territoire métropolitain, qui prennent le nom de « Prépa Talents ».

L’objectif est d’apporter aux candidats, issus des quartiers « politique de la ville » ou « zone de revitalisation rurale » de bénéficier d’une formation gratuite et adaptée. Lors de son audition par votre rapporteur, la directrice de l’ENM, Mme Nathalie Roret, a insisté sur les exigences du concours qui se révèlent discriminantes : la culture générale, la maîtrise de la langue française à la fois pour la qualité de rédaction et les capacités d’expression orale ainsi que la maîtrise de l’anglais privilégient les candidats au concours issus de milieux sociaux favorisés. La préparation comprend donc, au-delà des enseignements en rapport avec les épreuves, des apports méthodologiques, des mesures d’accompagnement, un stage en juridiction et des activités culturelles.

Depuis leur création, les Prépas talents ont connu des résultats globalement intéressants (sur 729 élèves depuis 2008, 200 auditeurs de justice ont été recrutés) mais qui demeurent contrastés selon les années, comme l’indique la fluctuation du taux d’admission au concours, qui avoisine depuis plusieurs années les 5 % alors que le taux de sélectivité du premier concours est d’environ 14 % depuis 2011.

 

Surtout, l’analyse des origines socio-professionnelles des auditeurs de justice issus du 1er concours, promotion 2023, confirme que des efforts doivent être poursuivis pour améliorer la diversité de recrutement dans la magistrature. Ainsi, 140 de ces auditeurs ont au moins un parent cadre ou exerçant une profession intellectuelle, tandis que seuls sept d’entre eux ont un parent ouvrier, et un seul un parent agriculteur.

2.   Le projet de loi organique initial

Le présent article institue, à titre expérimental, un premier concours spécial pour le recrutement d’auditeurs de justice, afin de poursuivre les efforts de diversification et d’ouverture du corps judiciaire pour qu’il soit mieux représentatif de la société française.

Pourront se présenter à ce concours les candidats suivant à la date de clôture des inscriptions ou ayant suivi dans les quatre années civiles qui précèdent, un cycle de formation préparant au concours étudiant d’accès à la magistrature accessible au regard de critères sociaux et à l’issue d’une procédure de sélection.

Ce concours spécial sera identique au concours étudiant : il reposera sur le même jury, et les candidats passeront les mêmes épreuves.

Afin de maintenir le niveau des candidatures et d’assurer un taux de sélectivité au concours, l’article 11 du projet de loi organique prévoit que le nombre de places offertes au premier concours spécial ne pourra être supérieur à 15 % du nombre des places offertes au concours d’accès à la magistrature.

L’expérimentation est prévue jusqu’au 31 décembre 2026, et fera l’objet, six mois avant son terme, d’une évaluation dont les résultats seront transmis au Parlement

3.   Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel des rapporteurs en commission des Lois.

4.   La position de la Commission

La Commission des lois a apporté son soutien au dispositif contenu à l’article 11 du projet de loi organique, le jugeant à même de poursuivre l’œuvre d’ouverture de la magistrature à des profils plus variés. Elle a constaté que le concours spécial ainsi instauré permettrait de puiser dans les classes talents, sans que cela ait un impact négatif sur la qualité des recrutements, les candidats devant tout de même passer un concours dont le nombre de place ne saurait excéder 15 % des places ouvertes au concours étudiant.

Désireuse de réduire les inégalités sociales dans l’accès à la magistrature, la Commission des Lois a adopté l’article 11 modifié par deux amendements rédactionnels de votre rapporteur.

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Article 12
Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 prévoit des dispositions transitoires et des entrées en vigueur différées pour certaines dispositions du présent projet de loi organique.

       Modifications apportées par le Sénat

Six amendements ont été adoptés au Sénat, tous déposés par les rapporteurs. Le Sénat raccourcit notamment la durée du moratoire sur les quotas de recrutement par la voie du concours professionnel.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur. L’un supprime des dispositions transitoires inutiles. L’autre contient les mesures transitoires nécessaires pour l’application de l’article 7 du projet de loi organique, qui permet de renouveler deux fois les mandats de magistrat honoraire et de magistrat exerçant à titre temporaire.

1.   Le projet de loi organique initial

L’article 12 prévoit des dispositions transitoires et des entrées en vigueur différées.

a.   Sur l’article 1er

Le a prévoit que les 6°, 18°, 24° et 27° entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique, soit :

– la suppression des limites d’âge pour candidater aux concours, à l’exception de celle qui permet aux candidats d’avoir satisfait à l’engagement de servir l’État (6°) ;

– les précisions apportées à l’article 19 de l’ordonnance statutaire sur les activités des auditeurs de justice en juridiction (18°) ;

– la correction de la disposition relative aux membres des corps recrutés par la voie de l’Institut national du service public (24°) ;

– la possibilité pour un détachement d’être renouvelé (27°).

Le b prévoit que les quotas de recrutement prévus pour le concours professionnel à l’article 25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dans la rédaction issue du 14° du présent projet de loi organique, ne s’appliquent pas aux concours professionnels ouverts pour les années 2025, 2026, 2027 et 2028.

Le c prévoit que les nominations des magistrats en service extraordinaire interviennent sur avis conforme de la commission d’avancement prévue à l’article 34 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction actuelle jusqu’à la première nomination du jury d’aptitude mentionné à l’article 25-2 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction issue du présent projet de loi organique.

Le d prévoit que les procédures de recrutement des concours prévus à l’article 21-1 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction actuelle se poursuivent à leur terme. Il prévoit également que les dispositions de l’article 25-4 de l’ordonnance statutaire dans sa rédaction actuelle restent applicables pour la prise en compte des années d’activité professionnelle accomplies par les personnes avant leur nomination comme magistrat.

b.   Sur l’article 3

Le a prévoit que les 2°, 4°, 8°, 26°, le a du 28° et le 34° du I entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique, soit :

– l’inscription des présidents de chambre de l’instruction dans la liste des fonctions placées hors hiérarchie (2°) ;

– la modification du ratio des magistrats placés auprès des chefs de cour d’appel (4°) ;

– l’introduction du délai de retour en juridiction après l’exercice de fonctions spécialisées ou de fonctions au parquet ou au siège (8°) ;

– les modifications rédactionnelles prévues à l’article 67 de l’ordonnance statutaire (26°) ;

– la modification rédactionnelle prévue à l’article 72 de l’ordonnance statutaire (a du 28°) ;

– le recul de l’âge de maintien en activité (34°).

Les b à i garantissent que les modifications apportées par la loi s’agissant notamment des accès aux grades et du retour dans le corps judiciaire ne s’appliquent pas aux magistrats nommés après l’entrée en vigueur de l’article 3 du présent projet de loi organique.

Le 3° du présent article prévoit que, jusqu’à ce que la création du troisième grade soit effective – soit l’entrée en vigueur de l’article 3 du présent projet de loi organique –les références aux anciens grades sont conservées dans plusieurs articles de l’ordonnance statutaire.

c.   Sur l’article 6 du présent projet de loi organique

Le a prévoit que les accords signés par les organisations représentatives de magistrats peuvent entrer en vigueur avant la publication de la présente loi organique s’ils ne sont pas contraires aux règles statutaires du code judiciaire.

Le b prévoit que la suppression de la compétence de la commission d’avancement pour se prononcer sur l’interdiction d’être nommé magistrat dans le ressort duquel certaines professions ont été exercées durant les cinq années qui précèdent entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2024.

Le c prévoit que l’ordonnance statutaire telle que modifiée par la présente loi organique est applicable aux contestations d’évaluation n’ayant pas encore donné lieu à avis.

d.   Sur les articles 6 à 10

Le V du présent article prévoit les dates d’entrée en vigueur des coordinations rédactionnelles qui interviendront dans l’ordonnance statutaire à compter de l’entrée en vigueur des dispositifs qui y sont liés.

Le VI prévoit que l’extension de la protection fonctionnelle aux familles des magistrats, qui avait été supprimée par erreur lors de l’entrée en vigueur du code général de la fonction publique le 1er mars 2022, s’applique de manière rétroactive à la date d’entrée en vigueur dudit code.

Le VII prévoit que l’article 9 relatif aux élections des membres représentant les magistrats des cours et des tribunaux entre en vigueur à compter du prochain renouvellement des membres du CSM.

Le VIII prévoit que les magistrats soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts par l’article 10 de la présente loi organique établissent cette déclaration et participent à un entretien déontologie dans les conditions prévues à l’article 7-2 de l’ordonnance statutaire.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements en commission et trois amendements en séance, déposés par les rapporteures du texte.

L’amendement COM-61 modifie l’alinéa relatif au moratoire sur les quotas de recrutement des magistrats par la voie du concours professionnel pour qu’il se termine en 2027 et non en 2028.

L’amendement COM-62 vise à prévoir l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’instauration de durées maximales et minimales d’affectation pour les magistrats.

L’amendement COM-63 procède à une modification rédactionnelle.

Les trois amendements (n° 83, n° 84 et n° 85) adoptés en séance sont des amendements de coordination.

3.   La position de la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement CL134 de votre rapporteur contenant les mesures transitoires nécessaires compte tenu de l’adoption de l’article 7 du projet de loi organique qui ouvre la possibilité de renouveler deux fois les mandats des magistrats intégrés provisoirement à temps partiel.

Cet amendement règle d’abord la situation des magistrats à titre temporaire déjà nommés et dont le mandat sera en cours au moment de l’entrée en vigueur de la disposition qui permet un deuxième renouvellement de leur mandat. Ainsi, leur est ouverte la possibilité d’effectuer trois mandats de cinq ans en qualité de magistrat à titre temporaire. Il est aussi prévu que les magistrats à titre temporaire dont le mandat expire moins de six mois après la publication de la loi organique pourront en demander le renouvellement dans le mois suivant cette publication.

Cet amendement prévoit également que les anciens juges de proximité nommés magistrats exerçant à titre temporaire pourront bénéficier d’un second renouvellement de leur mandat, sans toutefois que la durée totale de leur exercice en qualité de juge non professionnel ne dépasse la durée maximale de quinze ans nouvellement prévue pour les magistrats exerçant à titre temporaire. Ces personnes pourront dès lors bénéficier d’un second renouvellement de leur mandat uniquement pour une durée de trois ans.

Enfin, cet amendement rend applicable la possibilité d’effectuer deux mandats de cinq ans en qualité de magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles aux magistrats honoraires déjà en fonction au moment de la publication de la loi.

La commission des Lois a également adopté l’amendement CL161 avec un avis favorable du Gouvernement : l’amendement supprime les dispositions transitoires prévues par le Sénat pour l’entrée en vigueur des durées minimale et maximale d’exercice et d’affectation. Ces durées ayant été supprimées, ces dispositions transitoires n’ont pas lieu d’être.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de M. ÉRIC Dupond-moretti, garde des sceaux, ministre de la JUSTICE, ET discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 14 juin 2023 à 14 heures 30, la Commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et procède à la discussion générale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (n° 1346) (M. Jean Terlier, rapporteur général, MM. Erwan Balanant et Philippe Pradal, rapporteurs) et sur le  projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345) (M. Didier Paris, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/Pkqw6Z

Le compte rendu écrit des débats est disponible au tome n°2 du rapport n° 1440 sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 (n° 1346), accessible à l’adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b1440-tii_rapport-fond

II.   Examen DES ARTICLES

Lors de sa réunion du jeudi 22 juin 2023 à 22 heures, la Commission examine les articles du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345) (M. Didier Paris, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/zJtIvS

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Article 1er (art. 14, 15, 16, 17, 17-1, 18-1, 18-2, 19, 21-1, 22, 23, 24, 25, 25-1, 25-3, 25-4, 25-5 [nouveau], 26, 33, 40, 40-1, 40-8 à 40-13 [nouveaux], 41, 41-2, 41-3, 41-5, 41-9, 41-9-1 [nouveau], 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Réforme des voies d’accès au corps de la magistrature et de l’intégration provisoire à temps plein

Amendements identiques CL95 de M. Didier Paris, CL11 de Mme Cécile Untermaier, CL22 de Mme Elsa Faucillon, CL52 de M. Ugo Bernalicis et CL79 de Mme Caroline Abadie.

M. Didier Paris, rapporteur. Mon amendement vise à supprimer une disposition adoptée par le Sénat, qui prévoit que le droit syndical des magistrats s’exerce dans le respect du principe d’impartialité. Il ne fait aucun doute que les magistrats doivent assumer les devoirs de leur charge, dont l’impartialité. La liberté syndicale leur est reconnue par un ensemble de textes. Si nous partons du principe que le magistrat a une obligation d’impartialité sur son devoir général, l’appliquer strictement au droit syndical vide celui-ci de son sens. C’est la raison pour laquelle il a semblé nécessaire de rectifier l’ajout du Sénat en la matière.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je remercie M. le rapporteur d’avoir traité cette question de la sorte. Nous avons été inquiets, presque sidérés, devant l’amendement du Sénat. L’impartialité, liée à un syndicat, n’a aucun sens. Comme cela a été dit, elle vide de son sens l’action syndicale. En revanche, les magistrats s’imposent leur déontologie, même lorsqu’ils adhèrent à un syndicat. Si un comportement syndical y déroge et entraîne des sanctions disciplinaires, ce n’est pas au nom du principe d’impartialité.

La disposition adoptée par le Sénat est dangereuse pour l’avenir du syndicalisme et pour l’indépendance de la justice. Il convient de la supprimer.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Mon amendement vise à supprimer cette attaque à la liberté syndicale des magistrats, qui confond impartialité et neutralité. Je suis heureuse de voir que nous le voterons largement. Je souhaite qu’il soit non négociable dans le cadre d’une commission mixte paritaire (CMP).

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). L’amendement vient se glisser dans l’article 1er, qui paraît technique. Chacun s’accorde sur l’impartialité en matière de jugement, mais on pourrait oublier qu’elle se rattache au droit syndical. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête des sénateurs. Il est bon que, dans cette commission, un large éventail politique rappelle qu’être critiqué ou être dans l’opposition a beau être pénible, c’est ce qui fait que nous sommes dans une démocratie.

Mme Caroline Abadie (RE). Nous souhaitons aussi supprimer l’alinéa 2 qu’a introduit le Sénat. Un magistrat syndiqué a évidemment la liberté de s’exprimer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis favorable aux amendements. J’ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour recevoir des éclaircissements. Il serait saugrenu de ne pas attendre ce qu’il ne manquera pas de dire sur ces questions.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL138 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL45 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Il a pour objet de revenir sur la suppression du recrutement sur titres pour les docteurs en droit à l’École nationale de la magistrature (ENM). Alors que la politique de recrutement de magistrats se poursuit, il paraît important de diversifier les voies de recrutement. Il s’agit donc de dispenser les docteurs en droit candidats au troisième concours des épreuves d’admissibilité. Cette proposition, à laquelle le comité Sauvé s’était dit favorable, constitue une reconnaissance du doctorat en droit.

M. Didier Paris, rapporteur. L’amendement contrevient au principe général du texte, qui vise à retirer certains modes d’intégration directe. L’amendement a pour objet de réserver le troisième concours aux seuls docteurs en droit et de les dispenser des épreuves d’admissibilité. L’ENM est une école d’application : on doit s’assurer que chaque candidat dispose non seulement d’une solide culture juridique mais aussi d’une expérience professionnelle. Je vois mal comment on pourrait dispenser certains candidats des épreuves d’admissibilité au seul motif qu’ils sont docteurs en droit. En outre, il est à craindre que cette exception ne s’étende à d’autres catégories de candidats, soit au concours, soit au nouveau dispositif de recrutement par jury que nous cherchons à instaurer.

Je vous suggère donc de retirer cet amendement qui ne paraît pas cohérent avec l’ensemble du dispositif. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. L’amendement porte atteinte au principe d’égalité des candidats devant le concours. Par ailleurs, le concours des titulaires d’un seul doctorat est similaire à celui des candidats au premier concours, si bien qu’une dérogation paraît inadaptée. Je vous suggère également de retirer l’amendement.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Je maintiens l’amendement car j’ai la conviction qu’il est légitime. La demande est forte du côté des docteurs en droit. Il faut les valoriser : leur expérience peut légitimement les dispenser des épreuves écrites.

Mme Cécile Untermaier (SOC). J’ai déposé un amendement qui va dans le même sens car il rétablit le recrutement sur titres que nous avions introduit avec beaucoup de difficultés. En 2016, nous avions tenté d’ouvrir la magistrature et nous avions tenu compte de l’université. Elle est totalement absente de votre projet, ce qui n’est pas satisfaisant.

Le principe d’égalité ne se pose pas dès lors que les situations sont différentes. On ne distingue pas parmi les docteurs en droit : tous sont concernés. Vous le savez, l’université traverse une crise car elle ne bénéficie pas des crédits historiques que vous avez pu mobiliser pour la justice. La situation des doctorants est de plus en plus difficile : les postes de recherche ne leur sont pas ouverts. On peut imaginer que l’on n’oblige pas ceux qui ont acquis un doctorat et dix ans d’expérience professionnelle d’enseignement, à étudier trois ans à l’École nationale de la magistrature.

M. le président Sacha Houlié. Je ne vous rejoins pas pour dire que l’université est en crise, compte tenu des moyens que nous lui avons alloués, notamment dans le cadre de la loi de programmation de la recherche. La reconnaissance que l’on doit au doctorat, pour promouvoir les étudiants qui font de la recherche, nécessite en revanche qu’on offre aux docteurs des débouchés professionnels.

Par ailleurs, l’admission fonctionne comme un filtre : si des candidats ne sont pas prêts à être magistrats, on peut légitimement penser qu’ils ne seront pas admis, même s’ils sont admissibles.

Enfin, cet amendement que j’ai cosigné a été recommandé par de nombreux universitaires des plus grandes universités de droit du pays. Cela peut être interprété comme un signe de corporatisme, mais j’y vois plutôt un signe d’attention particulière des présidents d’université aux débouchés professionnels de leurs étudiants et à leur professionnalisation. C’est pourquoi j’appuie l’adoption de l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL69 de Mme Julie Lechanteux.

Amendement CL18 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Il a pour objet de maintenir les plafonds en vigueur car ils assurent un équilibre entre les auditeurs de justice du concours « étudiant » et les professionnels recrutés sur concours ou hors concours.

M. Didier Paris, rapporteur.  La fixation d’un quota de places au titre du concours « étudiant » ou premier concours est du domaine réglementaire.

Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL64 et CL63 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Ces amendements rejoignent la préoccupation de M. Gouffier Valente, qui a été satisfaite. J’ai bataillé pour mettre en place des juristes assistants et faire en sorte que les docteurs en droit, parfois en difficulté, puissent trouver un débouché dans la magistrature.

Il aurait été préférable que le recrutement sur titres ne soit pas réservé aux docteurs en droit. Un avocat avec dix ans de vie professionnelle doit pouvoir être recruté dans les mêmes conditions, avec une épreuve d’admission et un stage probatoire. On ne peut pas ignorer une expérience professionnelle de dix ans et des diplômes d’un niveau élevé dans le domaine juridique.

Vous voulez ouvrir la magistrature et recruter 1 500 magistrats. Allez les chercher dans les universités qui les forment et dans le monde de l’avocature, qui, lui aussi, a besoin de nous.

M. Didier Paris, rapporteur. Par vos amendements, vous souhaitez restaurer l’intégration directe, prévue par l’article 18-1 de l’ordonnance, que le texte vise à supprimer au profit d’un concours et d’un jury professionnel. Cela est d’autant plus adapté que les avocats peuvent déjà faire ce que vous préconisez. Ils pourront toujours le faire, en passant directement le concours professionnel, qui leur permettra d’accéder au nouveau premier grade, avec cinq ans d’expérience, et au nouveau deuxième grade, avec dix ans d’expérience.

Enfin, la plupart des avocats passés par la voie de l’intégration sur titres n’y ont pas vu que des avantages : le recrutement est long et difficile à vivre pour un avocat, qui doit abandonner tout ou partie de son cabinet. Je comprends votre vision mais il semble préférable d’en rester à l’économie générale du texte, qui permettra de maintenir la possibilité pour les avocats d’intégrer le corps judiciaire, de façon plus satisfaisante, y compris pour des avocats qui ont dix ans d’expérience. Cette situation est toujours prévue expressément dans les textes.

Mme Cécile Untermaier (SOC). À un moment où l’on recrute de nombreux contractuels, dans d’autres domaines du service public, il est étonnant que l’on ait pu, en première intention, oublier l’université.

De toutes les écoles de formation, l’université, première des maisons qui accueillent des étudiants, ne leur offre pas toujours des débouchés. Vous acceptez qu’elle forme les magistrats à travers un institut judiciaire, mais vous n’imaginez pas que l’on puisse cheminer avec des personnes restées à l’université. Nous avons eu cette approche en 2016, et je regrette que l’on puisse la transformer car elle avait créé un formidable appel.

Ce que nous avions proposé pour les avocats ne fonctionnait pas : ils devaient abandonner le cabinet et être suspendu deux ans sans contrepartie financière. Beaucoup d’entre eux, qui étaient de grande qualité et auraient rempli cet office avec efficacité, y ont renoncé car ils ont eu l’impression d’entrer dans un tunnel. Il fallait alléger le dispositif pour les meilleurs étudiants de nos universités.

Je retire mes amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Le texte tend à regrouper toutes les voies d’accès, avec une formation commune. On est en train de le complexifier.

Il est question d’une voie d’accès pour des professionnels : pour être magistrat, être un grand professionnel du droit ou un grand enseignant est une condition indispensable mais pas suffisante. Les avocats connaissent la réalité des magistrats, et leur travail. Ce n’est pas le cas d’un professeur, fût-il professeur agrégé et grand enseignant. Ne vous méprenez pas sur mon propos : la qualité des personnes n’est pas en cause. L’avocat a mis les pieds dans une juridiction : il sait ce qu’est un tribunal, un réquisitoire, comment on échange des conclusions. C’est son cœur de métier.

D’ailleurs, lorsqu’il manque un magistrat dans une formation collégiale, on peut demander à l’avocat le plus ancien de le remplacer. J’ai ainsi été juge assesseur à quatre ou cinq reprises dans ma carrière d’avocat.

Je préfère restaurer le concours républicain et égalitaire – je ne comprends pas que nous nous en passions. Je regrette que la cohérence que nous avions introduite dans le texte soit mise à mal.

Les amendements sont successivement retirés.

Amendement CL10 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Dans les années précédentes, on a constaté qu’on n’ouvrait pas largement les portes aux avocats : on les confrontait à une série d’obstacles, pour être certain qu’ils ne viendraient pas gêner une corporation qui a l’habitude de travailler ensemble.

Leur formation probatoire ne devrait pas excéder six mois s’ils ont l’expérience requise et s’ils ont réussi l’épreuve à laquelle vous voulez les soumettre. Dans les juridictions administratives, la formation est également de six mois, me semble-t-il, et elle s’adresse à des personnes qui ne connaissent pas particulièrement les tribunaux.

M. Didier Paris, rapporteur. Il s'agit toujours d’un passage devant un jury professionnel, et j’entends ce que vous dites. Dans ce texte, il faut osciller entre la clarté de principes d’intégration, plus simples que les onze que l’on connaissait auparavant, et une forme de souplesse, pour insérer chaque catégorie professionnelle. L’article 19 La nouvelle disposition de l’ordonnance relative aux stages juridictionnels prévoit justement, dans la rédaction issue de l’article 1er, que le régime des stages est adapté à la formation d’origine et à l’expérience professionnelle. Si un avocat dispose d’une grande expérience, le jury saura adapter la durée de stage en conséquence. Écrire dans la loi organique que le stage doit être de six mois restreindrait la marge de manœuvre du jury et atteindrait l’effet inverse de ce que l’on souhaite.

Je préconise davantage de souplesse, et suis défavorable à l’amendement, à moins que vous ne souhaitiez le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement CL36 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Emmanuel Mandon (Dem). À l’exception des conditions d’âge et de diplôme des candidats, les conditions d’application du concours professionnel pour le recrutement des magistrats des deux premiers grades sont renvoyées à un décret en Conseil d’État. Il est proposé que le contrôle du Parlement s’exerce sur trois points : le caractère anonyme du concours, au niveau de l’admissibilité, conforme à la tradition républicaine de notre pays ; la vérification que les candidats possèdent les connaissances juridiques de base comme les capacités de synthèse dans la gestion des dossiers nécessaires à l’exercice quotidien de la profession de magistrat ; le professionnalisme et la neutralité politique du jury d’admission qui, pour la première fois depuis 1958, ne saurait être désigné sans contrôle par le ministre de la justice.

L’indépendance de la justice, de valeur constitutionnelle, doit être préservée. S’il faut se garder tout corporatisme judiciaire, le Parlement doit veiller à ne pas placer le recrutement des juges à la seule main du ministre.

M. Didier Paris, rapporteur. Je comprends la préoccupation de Mme Vichnievsky, qui connaît très bien la matière. En revanche, je ne vois pas pourquoi une loi organique devrait préciser que les candidats doivent être traités à égalité lors des concours, comme s’il y avait un doute sur cette question. La précision va de soi : elle n’a pas sa place dans le texte à cet endroit. C’est pourquoi je vous propose de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. L’objectif et le contenu des épreuves du concours professionnel ou la composition du jury relèvent du niveau réglementaire. Aucune précision de ce type ne figure dans la loi organique. Pourtant, les concours qui permettent l’accès à la magistrature garantissent évidemment l’anonymat des candidats et l’indépendance du jury. Je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL97 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il vise à supprimer une disposition du Sénat, qui ouvre le concours professionnel aux docteurs en droit enseignants, sans autre expérience professionnelle. Il faut conserver la nécessité d’une expérience qualifiante, de sept à dix ans selon les degrés ou les grades accessibles.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL168 du Gouvernement

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. L’amendement a pour objet de supprimer la durée de formation des stagiaires issus du concours professionnel.

M. Didier Paris, rapporteur. Avis favorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pourquoi mentionnez-vous dans l’exposé sommaire une durée de formation de douze mois pour les stagiaires, dont dix mois à titre probatoire ?

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. La formation théorique sera allongée.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL98 de M. Didier Paris et CL80 de Mme Caroline Abadie, amendement CL72 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

M. Didier Paris, rapporteur. Le Sénat avait prévu que les magistrats constituent moins de la moitié du jury professionnel. Cela pose la question de la place qu’on leur donne dans les concours et de la forme d’indépendance qui leur est réservée. Dans ces conditions, j’ai préféré inverser la proportion et faire en sorte que le nombre de magistrats composant le jury professionnel représente « la moitié des membres au moins ».

Mme Caroline Abadie (RE). Le projet de loi organique ouvre le corps judiciaire : il faut accompagner cette démarche. Pour garantir l’excellence des magistrats recrutés et que ceux-ci satisfassent à leurs droits et devoirs, il faut qu’ils obéissent aux exigences, très spécifiques, de la magistrature. Il semble donc nécessaire que le jury professionnel comprenne une majorité de magistrats.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Tout est affaire d’équilibre. Même s’il est important que le jury professionnel dispose d’un regard extérieur, cet équilibre se perd si les magistrats y sont en minorité.

M. Didier Paris, rapporteur. Avis favorable. L’amendement de Mme Regol va dans le même sens que les deux premiers.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Contrairement au Sénat, vous souhaitez que le jury soit majoritairement composé de magistrats. Il s’agit d’un jury d’aptitude, non de recrutement. La présence de magistrats en nombre suffisant est nécessaire.

Intégrer la composition du jury à la loi organique ne va toutefois pas dans le bon sens car cela rigidifie le système et empêche toute évolution ultérieure. J’aurais préféré que le champ du pouvoir réglementaire soit respecté et que l’on n’instaure pas ce type de limites.

Je m’en rapporte cependant à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements CL98 et CL80. En conséquence, l’amendement CL72 tombe.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL140, CL141, CL142 et CL143 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL75 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Inspiré par une recommandation du Conseil national des barreaux, il a pour objectif d’abaisser de quinze à dix le nombre d’années d’expérience professionnelle requis pour exercer les fonctions de magistrat en service extraordinaire. Cela étendra le vivier de candidats et rendra plus fluides ces recrutements temporaires.

M. Didier Paris, rapporteur. Avis défavorable.

Les magistrats en service extraordinaire seront amenés à exercer des fonctions du nouveau deuxième grade en cour d’appel. Cela suppose un niveau d’expérience nettement supérieur à celui du nouveau premier grade. Les autres magistrats arrivent rarement à ces fonctions avant dix années de carrière. Prévoir seulement dix ans d’expérience en tant qu’avocat me paraît insuffisant.

L’amendement est retiré.

La commission adopte les amendements rédactionnels CL144 et CL145 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL74 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement prévoit que la formation organisée pour les magistrats en service extraordinaire ne peut être inférieure à un an, afin de s’assurer de sa qualité.

M. Didier Paris, rapporteur. Avis défavorable. Il faut conserver une certaine souplesse – d’autant qu’une expérience professionnelle de quinze ans est requise.

M. Éric Dupont-Moretti, garde des sceaux. La durée de la formation relève du pouvoir réglementaire et, je l’ai déjà expliqué, je suis opposé à tout empiètement sur ce dernier – qu’il s’agisse des stagiaires du concours professionnel, des auditeurs de justice mais aussi des magistrats en service extraordinaire.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La mesure proposée par l’amendement est cohérente avec l’amendement CL75, qui proposait de ramener de dix à quinze ans le nombre d’années d’expérience professionnelle requis.

J’entends l’observation du ministre sur la nécessité de respecter le domaine réglementaire, mais des amendements comprenant des mesures qui relèvent de ce dernier ont déjà été votés.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL146 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL147 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Le texte adopté par le Sénat précise que les magistrats en service extraordinaire ne pourront être membres du jury d’aptitude des stagiaires. Comme ils ne sont pas magistrats de carrière, ils ne peuvent par définition pas en faire partie. Je propose donc de supprimer cette précision superfétatoire.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL148 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL100 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Le Sénat a souhaité porter à un vingtième le quota de personnes pouvant être en détachement judiciaire. Pour des raisons de souplesse, il convient de conserver la limite maximale d’un quinzième – qui en réalité n’est jamais atteinte.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL149 de M. Didier Paris, rapporteur.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 12-1-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Évaluation des chefs de cour d’appel et de tribunal

Amendement CL150 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Cet amendement apporte deux modifications aux modalités d’évaluation professionnelle des magistrats, que le projet change très sensiblement.

En premier lieu, il est précisé que l’évaluation des chefs de juridiction prévue à l’article 12-1 de l’ordonnance est conduite par les chefs de cour. Il s’agit de bien distinguer cette évaluation du travail juridictionnel de la nouvelle évaluation élargie prévue à l’article 2.

En deuxième lieu, les magistrats du troisième grade de la Cour de cassation se verront proposer un entretien professionnel plutôt qu’une évaluation complète, qui n’aurait pas grand sens s’agissant de magistrats qui ont accédé au plus haut niveau du corps judiciaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL37 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendement CL169 de M. Didier Paris, amendement CL76 de Mme Sandra Regol, amendements identiques CL102 de M. Didier Paris et CL81 de Mme Caroline Abadie, amendement CL12 de Mme Cécile Untermaier, amendement CL151 de M. Didier Paris, amendements identiques CL77 de Mme Sandra Regol et CL96 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune).

M. Emmanuel Mandon (Dem). L’un des buts de la révision constitutionnelle de juillet 1993 avait été d’affermir l’indépendance de l’autorité judiciaire en étendant le pouvoir de nomination du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) aux présidents de tribunaux de grande instance (TGI) et en imposant un avis conforme de ce dernier pour toutes les autres nominations des magistrats du siège.

La philosophie du projet de loi organique est davantage marquée par l’intervention renforcée du ministre de la justice dans le processus de nomination. Elle contredit sinon la lettre, du moins l’esprit de la révision de 1993, qui avait fait l’objet d’un large consensus.

C’est la raison pour laquelle l’amendement CL37 propose que les magistrats soient majoritaires dans le collège d’évaluation, conformément aux standards européens. Ils ne devront pas être désignés par le garde des sceaux mais par les chefs de la Cour de cassation ou bien seront élus par leurs pairs. Deux des cinq personnalités qualifiées de ce collège seront désignées par les présidents des deux Assemblées, afin de renforcer les liens entre l’autorité judiciaire et le pouvoir législatif.

Seule l’indépendance des membres du collège d’évaluation, qui est déterminante, doit être mentionnée expressément dans la loi. Les ajouts du Sénat au sujet des qualités morales attendues des membres de ce collège n’ont pas leur place dans cet article.

M. Didier Paris, rapporteur. Je comprends la volonté de préciser la composition du collège d’évaluation, même si elle conduit à entrer dans les détails.

Je suis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement. Il me semble incongru de prévoir que les chefs de la Cour de cassation soient membres du collège d’évaluation, puisqu’ils président par ailleurs le CSM.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL76 vise à restreindre la place occupée dans le collège d’évaluation par les personnalités ayant une compétence spécifique en matière de gestion budgétaire ou de ressources humaines.

La place grandissante accordée aux fonctions managériales dans certaines de nos administrations ne leur a pas toujours forcément bien réussi – pour le dire gentiment. Alors que l’on donne un peu plus de moyens à la justice, nous n’avons pas envie de la voir subir le même sort. Si des compétences de gestion sont nécessaires, elles ne peuvent pas prendre le pas sur le reste.

M. Didier Paris, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il convient de s’assurer que le collège est composé majoritairement de magistrats. Mais il me semble également enrichissant pour le corps judiciaire que ce collège comprenne un nombre suffisant de personnalités qualifiées. Or votre amendement n’en prévoit qu’une seule, soit une portion congrue qui ne me paraît pas du tout adaptée.

Contentons-nous de veiller à la présence d’une majorité de magistrats dans le collège d’évaluation, ce que prévoit mon amendement CL102.

Mme Caroline Abadie (RE). Mon amendement est identique. Dans le prolongement de ce que nous avons prévu pour le jury de recrutement, il s’agit de préciser que les magistrats sont majoritaires dans le collège d’évaluation, afin qu’aucun décalage trop prononcé ne se manifeste avec les devoirs et obligations des magistrats.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Mon amendement vise à garantir que les magistrats seront majoritaires au sein du collège d’évaluation.

M. Didier Paris, rapporteur. L’amendement CL151 précise que les magistrats membres du collège d’évaluation sont nommés par le garde des sceaux sur avis conforme du CSM. En accord avec mon groupe politique, il me semble important que cette autorité de régulation du corps judiciaire participe au processus de nomination du collège.

La rédaction de l’amendement CL12 de Mme Untermaier ne permet pas de garantir que les magistrats sont majoritaires dans le collège d’évaluation – objectif que nous partageons.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). La rédaction du texte prévoit que les membres du collège d’évaluation sont nommés par le garde des sceaux sur avis de la formation plénière du CSM. Les amendements CL77 et CL96 proposent de confier ce pouvoir de nomination directement au CSM.

M. le président Sacha Houlié. Je précise que si l’amendement CL37 et le sous-amendement CL169 sont adoptés, cela fera tomber tous les autres amendements en discussion commune.

M. Éric Dupont-Moretti, garde des sceaux. Je suis favorable à l’amendement CL37, à condition que le sous-amendement CL169 soit adopté.

Je répète que la composition du collège d’évaluation relève du pouvoir réglementaire. Je ne dis pas cela parce que ce pouvoir serait intouchable, mais parce qu’il convient de ne pas figer les choses dans une loi organique – qui par définition est rarement modifiée. Il faut se réserver la possibilité d’évoluer. Il pourrait être envisagé que des magistrats honoraires soient membres du collège.

L’amendement CL37 prévoit que le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près la Cour de cassation sont membres du collège. Comme l’a relevé le rapporteur, cela pose un problème parce qu’ils président également le CSM, autorité de nomination. Cette difficulté est résolue par le sous-amendement CL169, qui apporte en outre plus de souplesse dans la composition du collège et prévoit que les magistrats non élus par leurs pairs seront nommés par le garde des sceaux sur avis conforme du CSM.

Même s’il ne m’a pas entièrement convaincu car il ne corrige pas toutes les imprécisions de l’amendement de Mme Vichnievsky, je suis favorable au sous-amendement du rapporteur, à condition qu’il soit retravaillé dans la perspective de la séance.

Avis défavorable à l’amendement CL76 de Mme Regol, qui ne prévoit qu’une seule personnalité qualifiée au sein du collège d’évaluation.

Je suis favorable aux amendements CL102 et CL81 du rapporteur et de Mme Abadie, qui indiquent que les personnalités qualifiées représenteront moins de la moitié des membres du collège.

Avis défavorable à l’amendement de Mme Untermaier, qui prévoit que les personnalités qualifiées représenteront au maximum le quart des membres du collège.

Enfin, je suis favorable à l’amendement CL151 du rapporteur et défavorable à l’amendement CL77.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je précise que mon amendement CL76 limite seulement le nombre de personnalités qualifiées qui ont des compétences en gestion des ressources humaines. Il ne fait pas obstacle à la désignation d’autres catégories de personnalités qualifiées, mais vise à ce que l’on ne recrute pas seulement des directeurs des ressources humaines et que l’on se préoccupe avant tout de la fonction juridictionnelle.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je reviens sur la question du champ respectif du pouvoir réglementaire et de la loi organique. Le projet dont nous discutons porte tout de même sur le statut des magistrats, qui a pour objectif d’apporter des garanties d’indépendance et de respecter de grands principes. On ne peut donc pas confier au pouvoir réglementaire le soin de statuer sur certains points comme on le ferait pour d’autres catégories de fonctionnaires.

Ma réflexion n’a pas encore complétement abouti s’agissant du nombre opportun de personnalités qualifiées qui siègent au collège d’évaluation. Mais je suis sensible à la proposition qui consiste à limiter le nombre de celles nommées en raison de leurs compétences en matière budgétaire ou de ressources humaines. Il est bien entendu nécessaire d’évaluer les capacités d’encadrement du chef de juridiction. Mais gérer des budgets ou des ressources humaines constitue un métier à part entière – celui des attachés d’administration, dont on manque par ailleurs – et cela ne doit pas être son rôle. Une certaine confusion résulte de la multiplication des autres fonctions qu’on attribue au chef de juridiction, mais cela n’est pas sur ces dernières qu’il devrait être évalué.

L’amendement CL12 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement CL169 et l’amendement CL37 sous-amendé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL152 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL38 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Emmanuel Mandon (Dem). En premier lieu, l’exigence d’une « sollicitation de l’ensemble de l’environnement professionnel de l’intéressé » paraît déplacée dans le cadre d’une procédure d’évaluation qui ne doit pas s’apparenter à une enquête disciplinaire. Aucun cadre de la haute fonction publique ou des armées, aucun chef d’entreprise, aucun responsable du monde associatif ou syndical n’est soumis en France, sauf suspicion de faute, à une telle batterie d’investigations.

En second lieu, il est proposé de supprimer la référence aux « orientations de politiques publiques dont ils ont la charge et qui leur sont communiquées par les autorités compétentes ». La mission historique de la justice, rappelée par les états généraux, consiste à trancher les litiges conformément à la loi. De cette mission, la justice arrive de moins en moins bien à s’acquitter. L’absolue priorité est qu’elle y parvienne. L’autorité judiciaire, les cours, les tribunaux ne sont pas chargés de mettre en œuvre les politiques publiques décidées par les différents ministères. Ni aujourd’hui, ni demain

M. Didier Paris, rapporteur. Votre amendement réécrit complètement l’alinéa relatif aux modalités d’évaluation. Je comprends que la référence aux politiques publiques suscite des interrogations.

Avis défavorable, car mon amendement CL103 qui suit supprime la mention discutable qui dispose que les orientations de politiques publiques sont « communiquées [aux magistrats] par les autorités compétentes ». Cette notion d’autorités compétentes a fait l’objet de critiques lors de nombreuses auditions, certains s’inquiétant par exemple d’une évaluation élargie par le préfet.

Je propose de simplifier la rédaction et je rappelle que l’évaluation élargie n’a rien à voir avec l’évaluation juridictionnelle. Les deux ne doivent en aucune manière être confondues.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement CL103 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL13 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement de précision vise à garantir que l’évaluation élargie prévue par cet article demeure cantonnée à la dimension administrative, à l’exclusion de l’activité juridictionnelle.

M. Didier Paris, rapporteur. Demande de retrait, car votre amendement est satisfait. La première phrase du nouvel article 12-1-1 écarte toute ambiguïté en précisant que l’évaluation de l’activité professionnelle se fait « à l’exclusion des aptitudes à l’exercice des fonctions juridictionnelles ».

L’amendement est retiré.

Amendement CL137 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Cet amendement propose d’inscrire les critères d’évaluation des chefs de cour dans l’ordonnance statutaire. Le Sénat souhaitait que la liste des compétences attendues des chefs de cour et des chefs de tribunal figure dans la loi organique sur le CSM. Il me semble que ce n’est pas sa place.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 2, 3, 3-1, 3-1-1 [nouveau], 10-2, 26, 27-1, 28, 28-1, 28-2, 28-3, 28-4 [nouveau], 31, 34, 35, 36, 37, 37-1, 38, 38-1, 38-2, 38-3 [nouveau], 39, 39-1 [nouveau], 39-2 [nouveau], 40, 40-1, 40-5, 41-9,  71, 72, 72-1 [nouveau], 72-2, 72-3, 76-1-1, 76-2, 76-3, 76-4, 76-4 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et art. 20-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Structure du corps judiciaire

Amendement CL162 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Le Sénat a prévu une durée minimale d’exercice d’une fonction ou d’affectation dans une juridiction, afin notamment d’empêcher les chefs de cour ou de juridiction d’obtenir une décharge de fonction immédiatement après leur nomination. Le Sénat a en outre fixé à dix ans la durée maximale d’affectation dans une juridiction.

Cet amendement supprime ces durées minimales et maximales d’exercice et d’affectation, mais il prévoit que les chefs de cour ou de juridiction ne pourront être déchargés à leur demande que trois ans après leur nomination. Cela permet de contrer l’effet d’aubaine qui consisterait à présenter sa candidature pour des fonctions de chef de cour ou de juridiction dans le seul but d’accéder au nouveau troisième grade.

M. Éric Dupont-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement apporte un équilibre bienvenu. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL153 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il vise à préciser la situation de certains magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation.

Si les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires sont actuellement nécessairement au premier grade, avec ce projet ils pourront atteindre le troisième grade s’ils bénéficient d’un avancement en raison de leur valeur professionnelle exceptionnelle. Les modifications proposées par l’amendement permettent de tenir compte de cette éventualité.

L’amendement tire également les conséquences des évolutions en matière de grade en ce qui concerne la procédure d’évaluation de l’activité professionnelle de ces magistrats ou leur participation à certains organes collégiaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL154, CL155 et CL156 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL104 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il est prévu que les emplois vacants de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation doivent être pourvus à raison d’un pour six par des magistrats du deuxième grade ayant exercé pendant au moins huit ans les fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire.

Ce quota extrêmement rigide entraîne parfois des difficultés à pourvoir ces emplois. L’amendement propose donc d’introduire une certaine souplesse.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL6 de Mme Emeline K/Bidi.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL157 et CL158 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL53 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous nous réjouissons qu’un congé parental soit enfin accordé aux magistrates et aux magistrats. Nous proposons de porter sa durée à un an au lieu de six mois.

M. Didier Paris, rapporteur. Cette disposition, qui reconnaît le droit à une réaffectation dans le dernier emploi, constitue un progrès. Un congé parental de six mois est suffisamment long. Si on le faisait passer à un an, l’organisation des juridictions virerait au casse-tête. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le principe d’égalité justifierait que l’on s’aligne sur le droit commun des salariés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL106 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. L’amendement vise à préciser la procédure de nomination du magistrat à l’issue d’un congé parental afin de favoriser son retour en juridiction.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL159 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. L’amendement a pour objet de proposer un choix entre deux dates concernant le départ à la retraite des magistrats ayant atteint la limite d’âge, afin d’introduire plus de souplesse dans la gestion de la juridiction.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL19 de Mme Émeline K/Bidi et CL54 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous nous opposons au passage de 68 à 70 ans de la limite d’âge des magistrats.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Autant écrire que le magistrat restera en fonctions tant qu’il tiendra debout !

M. Didier Paris, rapporteur. C’est une simple faculté ouverte aux magistrats. Laissons-les décider.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le maintien en fonctions jusqu’à 70 ans repose sur le volontariat et répond aux souhaits d’un certain nombre de magistrats.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Il est bien aussi de permettre aux jeunes d’obtenir un poste. Les magistrats partant à la retraite à 68 ans peuvent continuer à contribuer à la justice de bien des manières.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendements CL14, CL16, CL15 et CL17 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que les magistrats et anciens magistrats ne peuvent exercer un certain nombre de professions – avocat, notaire, huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire… – dans le ressort d’une juridiction où ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de cinq ans. En revanche, la loi est muette pour ceux d’entre eux qui exercent au sein de juridictions à compétence nationale, tels le parquet national financier (PNF). Du fait de la nature particulière des dossiers traités par cette dernière juridiction, il nous semble nécessaire d’empêcher les magistrats concernés d’exercer certaines professions pendant trois ans à compter de la cessation de leurs fonctions, soit à l’échelle de l’ensemble du territoire – amendement CL14 – soit en limitant l’interdiction au champ de compétence de la juridiction en question – amendements CL16 et CL15.

L’amendement CL17 reprend une proposition du CSM. Actuellement, un magistrat démissionnaire qui se propose d’exercer une activité privée doit en informer préalablement le garde des sceaux, qui peut s’y opposer. Ces dispositions sont en décalage avec les règles applicables aux hauts fonctionnaires et aux magistrats administratifs et financiers. En effet, la loi du 6 août 2019 prévoit un contrôle systématique des mobilités entre le public et le privé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), pour les emplois les plus exposés au risque déontologique, même en cas de démission. En outre, l’avis du CSM n’est pas prévu pour les magistrats démissionnaires. Pour remédier à cette situation, nous proposons une saisine préalable systématique de la formation compétente du CSM par le garde des sceaux lorsqu’un magistrat démissionnaire souhaite exercer toute activité privée lucrative.

M. Didier Paris, rapporteur. C’est un vrai problème. L’activité d’un avocat ayant été, par le passé, magistrat au PNF peut en effet être source de difficultés déontologiques. Toutefois, j’écarterai d’emblée certaines de vos solutions, madame Untermaier, pour plusieurs raisons. D’abord, le PNF n’est pas la seule juridiction à compétence nationale. Ensuite, interdire à un ancien magistrat d’exercer quelque activité que ce soit dans toute la France serait une mesure d’une grande violence, qui tarirait les vocations pour le PNF. Enfin, il est à craindre que personne ne sache définir précisément le champ de compétence de la juridiction concernée.

Votre amendement CL17 est intéressant, mais que se passerait-il si le magistrat ne respectait pas l’avis du CSM ?

Je vous propose de retirer vos amendements afin que nous travaillions sur le sujet en vue de la séance.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements font suite à une affaire qui a défrayé la chronique, à savoir l’installation comme avocat d’un ancien magistrat du PNF. Rappelons, tout d’abord, que la mauvaise foi ne se présume pas. Si le nouvel avocat utilise les informations dont il a eu connaissance au PNF, il y a matière à sanction, mais il n’y a pas de raison de postuler qu’il ne respectera pas les règles déontologiques. En l’occurrence, je ne crois pas que l’activité de cet avocat ait été sujette à reproches. Par ailleurs, on peut prendre des précautions, mais cela doit se faire dans le cadre du respect de la liberté constitutionnelle d’entreprendre. Il faut encore travailler sur ces dispositions afin de parvenir à une solution équilibrée.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit en effet d’un sujet complexe. Les plus hautes autorités déontologiques reconnaissent que la loi est lacunaire. Si la bonne foi est présumée, la déontologie nous oblige à fixer des règles au cas par cas. Je retire mes amendements et je vous propose que l’on retravaille sur l’amendement CL17.

Les amendements sont retirés.

Article 4 (art. 27-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Priorité d’affectation

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Article 5 (art. LO. 121-4, LO. 121-4-1, LO. 121-5, LO. 122-5, LO. 122-6, LO. 122-7, LO. 125-1, LO. 123-10-1, LO. 314-2, LO. 513-3, LO. 513-4, LO. 513-7, LO. 513-8, LO. 532-17, LO. 532-18, LO. 552-9-1 A, LO. 562-24-2 [nouveaux] du code de l’organisation judiciaire) : Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

Amendements de suppression CL7 de Mme Emeline K/Bidi et CL47 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous nous opposons à tous les dispositifs qui visent à faciliter l’affectation des magistrats sur des postes temporaires. Si ces mesures répondent à une logique gestionnaire évidente, elles contredisent les principes d’inamovibilité, d’indépendance et d’impartialité. Puisque vous allez recruter 1 500 magistrats, je ne vois pas pourquoi on aurait besoin de plus de flexibilité.

M. Didier Paris, rapporteur. Ce dispositif existe déjà pour les magistrats de cour d’appel appelés à renforcer une juridiction. Il s’agit, en l’occurrence, d’autoriser un mouvement en sens inverse. Cette mesure me semble nécessaire au bon fonctionnement de la justice, car des carences peuvent se manifester temporairement à un endroit à ou à un autre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL170 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il vise à rétablir l’article 5 dans la rédaction initiale du projet de loi.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL160 de M. Didier Paris tombe.

Article 6 (art. 10-1, 10‑1‑1 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Dialogue social dans la magistrature

Amendement CL55 de Mme Andrée Taurinya.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous souhaitons que la commission d’avancement continue à publier un rapport d’activité annuel compte tenu de sa compétence pour l’établissement des tableaux d’avancement et l’examen des contestations de l’évaluation de l’activité professionnelle.

M. Didier Paris, rapporteur. La commission d’avancement va perdre une grande partie de ses prérogatives puisqu’elle n’aura plus à connaître du recrutement, qui constituait le sujet essentiel de son rapport d’activité, et se concentrera désormais sur le dialogue social. Or, ce serait le seul cas, dans la fonction publique, où une instance chargée du dialogue social publie un rapport d’activité. Je n’en vois pas l’utilité.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les magistrats ne sont pas des fonctionnaires comme les autres : ils obéissent à un statut particulier et bénéficient de garanties supplémentaires. En l’occurrence, la transparence vise à écarter tout doute quant aux conditions d’affectation et d’avancement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL107 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL86 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa, introduit par le Sénat, prévoyant l’élection complémentaire d’un membre de la commission d’avancement par le collège électoral, ce dernier ayant été supprimé par l’article 6.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL108 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL82 de M. Emmanuel Pellerin et sous-amendement CL165 de M. Didier Paris.

Mme Caroline Abadie (RE). L’amendement vise à instituer un vote électronique pour l’élection des membres de la commission d’avancement tant dans une logique environnementale que pour gagner en célérité et favoriser une meilleure participation.

M. Didier Paris, rapporteur. Cet amendement est bienvenu ; il s’inscrit dans la continuité des efforts de numérisation déjà engagés. Toutefois, si le ministère n’était pas en mesure d’organiser un scrutin électronique lors des prochaines élections générales, qui auront lieu peu après l’adoption de la loi, on bloquerait complètement le système. Mon sous-amendement a donc pour objet de faire du vote électronique une simple possibilité. À défaut, il faudrait adopter une nouvelle loi organique pour modifier le texte.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je n’approuve absolument pas l’extension du vote électronique. Celui-ci a été testé lors des élections professionnelles dans le secteur privé et la fonction publique, et a été à l’origine de contentieux. Au sein de la police, des investigations sont en cours, car des identifiants et des mots de passe ont été subtilisés. Je préfère que l’on ait la garantie qu’il n’y ait pas de trucage.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL87 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il s’agit de supprimer une redondance.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL109 de M. Didier Paris, rapporteur.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Article 7 (art. 41‑10, 41‑11,41‑12, 41‑13, 41‑14, 41‑25, 41‑27, 41‑31 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires

Amendement de suppression CL56 de Mme Andrée Taurinya.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous nous opposons au recrutement de magistrats à titre temporaire et de magistrats honoraires, d’autant plus que la limite d’âge, concernant ces derniers, est portée à 75 ans. Ces mesures sont inutiles compte tenu des recrutements qui vont intervenir.

M. Didier Paris, rapporteur. Il ne me paraît pas choquant de recourir, en supplément des 1 500 nouvelles recrues, à des magistrats exerçant à titre temporaire et à des magistrats honoraires. Cela aurait été différent s’il n’y avait eu aucun recrutement pérenne et que l’on ait voulu boucher les trous. Je suis d’autant plus favorable à cette mesure que l’on améliore les conditions d’emploi des intéressés ; on permet notamment des recrutements sur des blocs de compétences.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La préoccupation gestionnaire ne doit pas être le critère de décision. La loi organique est censée conférer des garanties d’indépendance et d’impartialité. Cela doit être notre boussole. Par ailleurs, on peut se demander si ces magistrats exerçant à titre temporaire et ces magistrats honoraires compteront, au côté des contractuels, dans les 1 500 équivalents temps plein travaillés (ETPT) supplémentaires qui sont annoncés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL57 de Mme Andrée Taurinya.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Dans la même logique, nous nous opposons à ce que des magistrats à titre temporaire puissent occuper un poste de substitut près les tribunaux judiciaires. La gestion de la pénurie par la flexibilité ne garantit pas une bonne justice.

M. Didier Paris, rapporteur. Nous n’entendons pas gérer une pénurie, mais favoriser un recrutement complémentaire de nature à enrichir grandement le corps. Avis défavorable.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Ce recrutement sera inscrit dans une loi organique qui s’appliquera jusqu’en 2027, et même au-delà. N’allons-nous plus recourir qu’à des magistrats à titre temporaire ? Cela ne peut être ni un objectif, ni une solution.

M. Didier Paris, rapporteur. Je suis choqué de vous entendre dire que nous n’allons plus recourir qu’à des magistrats à titre temporaire jusqu’en 2027, alors que nous allons justement procéder au recrutement pérenne de 1 500 magistrats.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL110, CL111, CL88, CL112, CL113 et CL114 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL89 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Cet amendement de coordination fixe les modalités du possible renouvellement du mandat des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL58 de Mme Andrée Taurinya.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Vous souhaitez permettre aux magistrats honoraires, donc déjà à la retraite, d’exercer leurs fonctions jusqu’à l’âge de 75 ans. Pourquoi ne pas fixer cette limite à 80 ans, ou la remplacer par un simple test d’aptitude visant à vérifier que l’âge n’empêche pas la bonne compréhension des débats judiciaires ?

M. Didier Paris, rapporteur. Il s’agit d’abord d’une mesure d’harmonisation : les magistrats honoraires peuvent déjà assumer des fonctions administratives jusqu’à 75 ans, et nous étendons ici cette possibilité aux fonctions juridictionnelles. Ces magistrats n’exerceront pas une activité pleine et entière : les missions qui leur seront confiées seront adaptées à leurs capacités.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Laissez-nous vivre ! Laissez-nous respirer ! À la prochaine élection présidentielle, l’un des candidats sera peut-être âgé de 75 ans – je parle de quelqu’un d’assez proche de vous, monsieur Bernalicis… Nous ne voulons rien imposer. Certains magistrats à la retraite ont encore envie de servir la justice de leur pays, parce qu’ils l’aiment, au lieu de rester chez eux ou d’aller pêcher le gardon dans la Seine. Ils ont envie d’être utiles, de vivre et de rencontrer des gens.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. 6, 10‑2, 10‑3 [nouveau], 11, 29, 43, 44, 45, 50‑3, 52, 63 et 64 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

Amendement CL167 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Le Sénat a proposé une nouvelle rédaction du serment des magistrats, qui était jusqu’alors très léger, pour ne pas dire indigent. Cependant, les formules choisies ne me conviennent qu’à moitié. Ainsi, je ne sais pas trop ce que « porter attention à autrui » peut signifier pour un magistrat dans l’exercice de ses fonctions. Je préfère à cette expression la notion d’humanité, qui figure déjà dans le serment des avocats et que je propose d’ajouter à celle d’impartialité. Je ne vous lirai pas l’intégralité du serment, mais j’appelle votre attention sur ce texte, qui a suscité beaucoup de réflexions et qui est important pour la déontologie des magistrats.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour ne rien vous cacher, je trouve cela très beau. « Impartialité et humanité » : vous avez bien choisi les mots !

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL26 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Les missions du collège de déontologie doivent être définies par la loi. Il est donc de la compétence du législateur de préciser si cette instance reçoit ou non les alertes émises par les magistrats de l’ordre judiciaire. Or l’alinéa 5 dispose que le collège « peut être désigné » pour recevoir et traiter ces alertes.

Par ailleurs, il convient de bien distinguer ce collège, chargé de délivrer des conseils et de prévenir les conflits d’intérêts, de l’organe disciplinaire. Le collège de déontologie a pour mission de conseiller, le cas échéant et à leur demande, les magistrats craignant de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, mais il ne peut traiter cette question d’un point de vue disciplinaire, ni même être l’antichambre de l’organe disciplinaire, au risque de briser le lien de confiance avec les professionnels.

Par conséquent, je propose de rédiger ainsi l’alinéa 5 : « Il reçoit les alertes émises par les magistrats de l’ordre judiciaire et apporte aux magistrats intéressés tous conseils de nature à assurer le respect par ces derniers de leur déontologie. »

M. Didier Paris, rapporteur. Je comprends l’esprit de votre amendement, même si des questions persistent dans mon esprit. Par exemple, quel traitement faudrait-il réserver aux saisines dont les auteurs ne sont pas des magistrats ? Je préfère cependant laisser Monsieur le garde de sceaux exprimer son avis.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le collège de déontologie des magistrats trouve sa justification dans les particularités de ce corps soumis à des obligations déontologiques spécifiques.

Un magistrat peut émettre toutes sortes d’alertes, concernant d’autres magistrats ou non. Il peut être amené à décrire, par exemple, des faits impliquant uniquement des greffiers ; en pareille hypothèse, la spécificité du collège de déontologie ne justifiera pas qu’il intervienne. Il ne m’apparaît pas nécessaire de faire de ce collège l’instance chargée de recueillir toutes les alertes susceptibles d’être émises par des magistrats ; par conséquent, il me semble indispensable de maintenir la rédaction actuelle. Au surplus, votre amendement est incomplet dans la mesure où il n’évoque pas le traitement de ces alertes.

La seconde partie de votre amendement ne me paraît pas avoir sa place au sein d’un texte organique, les missions du collège de déontologie étant déjà définies.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je ne retirerai pas mon amendement car une loi organique doit exprimer les choses de manière très claire : il n’est donc pas possible d’y écrire « il peut être désigné pour recevoir ». Si vous considérez que le collège de déontologie ne doit recevoir et traiter que certaines alertes, alors il faut préciser lesquelles dans la loi organique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL78 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Cet amendement s’inscrit dans la logique de la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, adoptée en première lecture par le Sénat puis par l’Assemblée nationale, et qui sera discutée en commission mixte paritaire la semaine prochaine. Ce texte vise notamment à renforcer le dispositif de primo-nominations équilibrées, avec un objectif de 50 % pour chaque sexe, à soutenir les viviers et à décliner dans la fonction publique l’index de l’égalité professionnelle en vigueur dans le secteur privé depuis plusieurs années. Or nous nous sommes aperçus, durant nos travaux à l’Assemblée nationale, qu’un certain nombre d’acteurs publics n’étaient pas concernés par ces dispositifs : il en est ainsi de la magistrature. Il n’était pas possible d’intégrer cette dernière dans notre proposition de loi ; aussi proposons-nous de transposer les dispositions en question dans la loi organique relative au statut de la magistrature.

M. Didier Paris, rapporteur. Nous partageons évidemment cet objectif, qui vient d’être longuement discuté au Parlement. Je voudrais néanmoins souligner quelques difficultés de nature pratique – et non de fond – posées par votre amendement.

Tout d’abord, quels sont « les hauts emplois de la magistrature » ? Faut-il considérer, par exemple, que le président d’un petit tribunal occupe l’un de ces emplois ? La définition des emplois concernés est sans doute possible, mais pas si simple qu’il n’y paraît au premier abord.

En outre, je crains que nous soyons confrontés à des difficultés d’application. Si l’on considère que cette obligation doit être déclinée dans chaque juridiction, il faut garder à l’esprit que certaines ne comptent que quelques magistrats et qu’il n’est pas toujours facile de les rejoindre. Il ne sera pas plus simple d’y appliquer la parité ! Faut-il qu’un président soit associé à une procureure, ou un procureur à une présidente ?

L’application de cette disposition ne sera pas moins difficile à l’échelon national, dans la mesure où elle posera de grandes difficultés dans la gestion du corps.

Votre excellent amendement prévoit aussi que le non-respect de cette obligation est sanctionné par une contribution forfaitaire – un principe cohérent, que l’on retrouve dans les autres textes visant à imposer la parité. Nous nous trouvons cependant, là encore, confrontés à une difficulté particulière : c’est le CSM qui procède aux nominations dans le corps judiciaire, mais ce n’est pas lui qui paiera la contribution forfaitaire. Autrement dit, le contributeur ne sera pas le décisionnaire, et le décisionnaire ne sera pas le contributeur.

Si l’on ne sait pas à quel niveau appliquer cette règle, soit les postes vacants le resteront, soit une sanction financière sans grande signification sera due, puisque l’État se versera une contribution à lui-même.

Je partage avec vous toutes ces inquiétudes. Je vous propose de continuer à travailler sur cette question afin de trouver un champ d’application adéquat, des modalités de mise en œuvre appropriées ainsi que quelques éléments de souplesse qui nous permettront d’atteindre cet objectif parfaitement légitime en tenant compte des spécificités du corps judiciaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le rapporteur a bien fait de rappeler que les nominations relevaient du CSM, non de la Chancellerie.

Si je vous démontre qu’à terme, votre amendement aura pour effet de favoriser la carrière des hommes, déciderez-vous de le retirer ? Je pense que oui, car tel n’est pas le but que vous recherchez. Les femmes représentent aujourd’hui 70 % des effectifs du corps ; si votre amendement est adopté, elles ne pourront occuper que 50 % des plus hauts emplois de la magistrature. Pour dire les choses autrement, les hommes ne représentent que 30 % du corps mais se verront réserver 50 % des postes hiérarchiques. Ainsi, à terme, vous favoriserez la carrière des hommes. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). J’entends bien les arguments de monsieur le rapporteur, qui diffèrent des explications habituelles selon lesquelles une telle disposition ne serait pas possible techniquement. Pour ma part, j’aurais plutôt tendance à voter l’amendement de monsieur Gouffier Valente et à réfléchir, d’ici à la séance, à un dispositif permettant de rendre cette obligation effective.

En revanche, monsieur le garde des sceaux, votre argument ne tient pas du tout : nous connaissons plein de secteurs où les femmes occupent tous les postes subalternes ou intermédiaires tandis que les fonctions de direction sont assumées par des hommes. D’ailleurs, dans presque tous les métiers dévalorisés et féminisés à 90 %, ce sont des hommes qui commandent ! Je pense aux supermarchés, où les femmes sont à la caisse et les hommes à la direction, ou encore aux hôpitaux. C’est aussi ce qui s’est passé pendant des années dans la vie politique : les femmes exerçaient de nombreux mandats locaux, elles étaient conseillères municipales ou départementales, mais avant que l’obligation paritaire s’applique aux élections législatives, elles n’étaient que 3 % dans l’hémicycle. Et ne parlons pas des postes de ministres !

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Effectivement, la fonction publique est aujourd’hui globalement très féminisée, mais trois quarts des emplois de direction sont occupés par des hommes. Plus on monte dans la hiérarchie, plus les inégalités sont fortes. Il en est de même dans la magistrature.

J’entends les arguments de monsieur le rapporteur, qui a mis en lumière les faiblesses de mon amendement en termes d’opérationnalité. Quels seront les emplois concernés ? À quel niveau cette obligation sera-t-elle appliquée ? Comment sera-t-elle sanctionnée ? Quelles mesures d’accompagnement faudra-t-il prévoir ? Nous n’avons pas encore toutes les réponses à ces questions. Je retirerai donc mon amendement afin que nous puissions continuer de discuter de ce sujet et aboutir à une disposition véritablement opérationnelle.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL115 et CL116 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendements identiques CL20 de Mme Emeline K/Bidi et CL59 de Mme Andrée Taurinya.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je ne comprends pas l’objectif de cet allongement de la durée d’inscription des avertissements au dossier des magistrats. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’envoyer un tel signal. Il serait plus intéressant de se pencher sur les conditions de saisine du CSM par les justiciables et les magistrats.

M. Didier Paris, rapporteur. Avis défavorable. L’avertissement n’est pas une sanction disciplinaire. Un magistrat peut commettre une erreur justifiant cette mesure, mais il faut aussi lui donner la possibilité de s’amender. La durée de cinq ans pendant laquelle l’avertissement sera inscrit à son dossier me paraît suffisamment longue sans l’être trop ; à l’inverse, son allongement à dix ans par exeemple revêtirait un caractère inutilement punitif.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL164 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il convient d’allonger le délai de traitement, par les formations disciplinaires du CSM, des demandes d’interdiction temporaire d’exercice. Je propose de porter ce délai de quinze jours à un mois, ce qui ne changera rien au fond mais facilitera la gestion pratique de ce genre de situation.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL163 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Cet amendement opère quelques modifications dans l’échelle des sanctions. Il ramène notamment de dix à cinq ans la durée maximale pendant laquelle un magistrat peut être frappé d’une interdiction d’être nommé dans des formations à juge unique. La durée de dix ans proposée par le Sénat me paraît tout à fait excessive. Par ailleurs, un magistrat ne peut se voir retirer des fonctions différentes de celles dans le cadre desquelles une faute a été commise.  

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL118 et CL120 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL44 de Mme Pascale Bordes.

Mme Pascale Bordes (RN). En l’état actuel du droit, la plainte qu’un justiciable souhaite déposer contre un magistrat « doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués ». Or le projet de loi organique supprime l’exigence d’une mention précise des griefs : la plainte ne doit plus contenir que l’indication des faits. Pourquoi prévoir cette modification au détriment des magistrats qui, dès lors, auront moins de droits que les justiciables lambda ? Sauf erreur de ma part, en matière civile, une assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions parmi lesquelles un exposé des moyens en fait et en droit. Pourquoi les magistrats ne bénéficieraient-ils pas de la même protection, plutôt que de devenir des sous-justiciables ?

M. Didier Paris, rapporteur. Sur le fond, vous n’avez peut-être pas tort, mais dans la réalité, il faut tenir compte du fait que cette voie n’est ouverte qu’à des justiciables ordinaires. Leur demander d’articuler juridiquement l’énoncé des faits et l’indication des griefs me semble aller à l’encontre de notre objectif d’une plus grande responsabilité des magistrats. Nous ne devons pas être trop exigeants envers les justiciables qui se considèrent comme victimes d’une mauvaise décision de justice, mais au contraire leur donner les moyens de saisir la commission d’admission des requêtes (CAR) du CSM. Avis défavorable.

Mme Pascale Bordes (RN). Sauf erreur de ma part, le justiciable peut être assisté d’un avocat qui, lui, sait parfaitement comment l’on remplit ce type de plainte.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sur plus de 2 500 plaintes de justiciables, pas une n’a abouti. Vous êtes avocate de profession, et je l’ai été moi-même : nous savons donc tous les deux qu’il ne faut pas tenir compte des quérulents qui, parce qu’ils ont perdu leur procès, pensent que le juge est mauvais. Ils disent d’ailleurs la même chose de leur avocat… Ils n’ont pas eu de chance : le juge n’était pas bon, leur avocat non plus ! Cela arrive, monsieur Bernalicis : il y a de bons et de mauvais avocats, de bons et de mauvais parlementaires, de bons et de mauvais boulangers… Toutefois, personne ne me fera croire que, sur les 2 500 plaignants, il n’y en a pas un certain nombre qui n’ont pas été bien traités et à qui il faut rendre justice. Afin que la justice reste crédible, nous devons faire quelque chose pour ces gens-là.

Les faits et griefs insuffisamment détaillés représentaient, en 2019, 20 % des motifs d’irrecevabilité des plaintes. On peut effectivement déposer une plainte avec l’aide d’un avocat, mais on peut aussi le faire sur papier libre, sans y mettre les formes et sans décrire autre chose qu’un ressenti d’injustice. La justice suit alors son cours. Je n’ignore pas l’existence de quérulents – nous en avons tous eu parmi nos clients – mais, dans ma vie d’avocat, j’ai vu des choses qui ne m’ont pas plu, des traitements qui n’étaient pas magnifiques. L’impartialité et l’humanité sont décidément deux jolis mots…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL90 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il s’agit de rétablir l’obligation de transmission au garde des sceaux des informations et observations remises à la CAR du CSM lors d’une plainte contre un magistrat.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pour ma part, je n’y suis pas du tout favorable. La justice suit son cours, comme l’a dit monsieur le garde des sceaux. Autant je trouve opportun que le justiciable puisse déposer facilement sa plainte, que celle-ci soit réellement examinée et que la procédure aboutisse, autant je ne vois pas l’intérêt d’informer le garde des sceaux, sauf à penser que ce dernier voudrait lui-même déclencher certaines inspections en cas de faillite de la CAR. Cela me laisse songeur quand je repense à des faits précédents… Dans le cadre de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, que j’ai présidée, j’ai d’ailleurs plaidé pour que le ministre de la justice soit dépossédé de certaines de ses prérogatives. J’assume cette position, qui amoindrirait cependant sa capacité d’agir directement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL121 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL105 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il vise à supprimer toute ambiguïté quant à la possibilité, pour le justiciable, d’être assisté par un avocat lors de son audition par la CAR.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL21 de Mme Emeline K/Bidi, CL60 de Mme Andrée Taurinya et CL101 de M. Jérémie Iordanoff.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). N’ayant toujours pas compris pourquoi les décisions d’irrecevabilité des plaintes devaient être communiquées au garde des sceaux, nous proposons, par l’amendement CL21, de supprimer cette disposition.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Le CSM lui-même considère que cette nouvelle disposition consistant à transmettre au garde des sceaux l’ensemble des plaintes, même irrecevables, change l’équilibre qui prévalait jusqu’ici. L’intérêt de cette mesure n’est pas clair et, surtout, elle représente une extension du pouvoir du garde des sceaux sur la carrière des magistrats, ce qui, dans une logique de séparation complète des pouvoirs, pose question. Nous demandons donc la suppression de ces deux alinéas.

M. Didier Paris, rapporteur. Le ministre de la justice n’est pas le procureur général de la nation et peut engager, le cas échéant, des poursuites disciplinaires. On ne saurait l’empêcher d’avoir connaissance de décisions sur lesquelles il dispose de moyens d’action disciplinaires.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. N’en déplaise à certains, l’heure n’est pas à l’autogestion et il existe encore un ministre de la justice, qui définit la politique pénale du Gouvernement et qui seul peut signer des circulaires. En un mot, j’ai encore un pouvoir disciplinaire et il est essentiel que je sois informé de ce qui se passe dans mon ministère. De fait, il m’est arrivé d’apprendre en lisant Le Canard enchaîné des faits graves qui étaient connus des chefs de juridiction, lesquels ne les avaient pas fait remonter.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Vous avez certes un pouvoir disciplinaire, mais la disposition dont nous débattons l’aggrave encore. Nous ne pouvons pas ignorer le dernier avis rendu par la commission de Venise ni les standards européens. Il est normal que les magistrats soient contrôlés et qu’il existe un pouvoir disciplinaire, mais ce pouvoir ne doit pas relever du ministère de la justice.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL91 de M. Didier Paris et CL83 de Mme Caroline Abadie.

M. Didier Paris, rapporteur. L’amendement CL91 vise à supprimer l'obligation de motivation de la décision de rejet émise par le garde des sceaux à la demande de la commission d'admission des requêtes de solliciter qu'une enquête administrative soit menée par l'inspection générale de la justice. Cette disposition introduite par le Sénat est en effet très contestable, et même aberrante : nous ne pouvons accepter que silence du ministre vaille acceptation. Du reste, on ne saurait engager de procédure tant que le ministre n’a pas décidé de le faire ni indiqué le champ d’application de cette enquête.

Mme Caroline Abadie. Dans le curieux dispositif introduit par le Sénat, le silence du garde des sceaux vaudrait acceptation. Cela pourrait conduire à des situations ubuesques dans lesquelles l’Inspection générale de la justice (IGJ) enquêterait sans être saisie. Il faut revenir en arrière : pour nous, c’est le silence qui vaut rejet.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Cet exemple, dans lequel l’IGJ engagerait spontanément une enquête, me plaît bien ! Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL122 de M. Didier Paris, rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL23 de Mme Emeline K/Bidi.

Elle adopte l’amendement de coordination CL93 de M. Didier Paris, rapporteur.

La commission adopte l’article 8 modifié.

Article 8 bis (art. 20‑2 de la loi organique n° 94­‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Élaboration d’une charte de déontologie des magistrats

Amendement de suppression CL49 de Mme Andrée Taurinya.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). La charte déontologique n’a rien d’anodin. Introduite par un amendement porté par plusieurs sénateurs de droite, elle s’inscrit dans un contexte d’attaques envers les magistrats, particulièrement sur le terrain du droit syndical, et dont il faut nous prémunir. Les magistrats sont capables de respecter le devoir de réserve et, d’une manière générale, ils le font naturellement. Si cet article était adopté, il serait perçu par eux comme un signe de défiance.

Le Gouvernement affirme qu’il cherche à susciter un plus grand engagement des jeunes, en particulier dans les fonctions de magistrat, mais je ne suis pas certaine que cette disposition leur donnera envie d’entrer dans cette carrière.

M. Didier Paris, rapporteur. La justice est rendue au nom du peuple français et il est un peu choquant de penser que le fait que les magistrats agissent dans un contexte déontologique serait signe de défiance. En second lieu, qu’est-ce qu’une déontologie de droite ou de gauche pour un magistrat ? Quant au droit syndical, nous en avons déjà réglé le sort avec le premier amendement qui nous a tous réunis.

Les magistrats ne sont pas du tout opposés à ce qu’une référence soit définie, à condition qu’elle soit complète et actualisée, et qu’elle fasse intervenir le CSM – ce qui est parfaitement prévu. Les magistrats ne seraient pas les seuls à être soumis à une charte de déontologie – c’est du reste le cas de ceux des tribunaux administratifs. Il me semble au contraire qu’il s’agit là d’une avancée très positive et je ne comprends pas comment on peut s’y opposer. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Je vous rappelle que nous avons réécrit la déontologie des avocats et que nous ne sommes intéressés à celle des notaires et des commissaires de justice, ce qui est d’ailleurs bien normal. Il existe certes un Recueil des obligations déontologiques des magistrats, mais je préfère une charte, d’autant plus qu’elle a été coconstruite avec le CSM. Il n’est absolument pas question d’imposer je ne sais quelle règle qui viserait, comme vous le dites, madame Martin, à supprimer l’expression syndicale.

Il n’y a pas lieu d’accuser un « contexte ». C’est une évidence que chaque métier doit être assorti d’une responsabilité – les avocats peuvent ainsi, comme les notaires, engager leur responsabilité civile et disciplinaire. L’échevinage que j’ai exigé, c’est-à-dire la présence de magistrats parmi les avocats, vise à assurer cette apparence d’impartialité, de procès équitable. Les avocats étaient hostiles à cette mesure, mais il ne faut pas que, lorsqu’un client se plaint d’un avocat, il se trouve entouré uniquement d’avocats qui seraient des copains ou des connaissances de celui dont il se plaint. Nous avons beaucoup travaillé sur la déontologie des uns et des autres.

Loin d’attaquer la justice, ce dispositif la protège. La justice a tout à gagner à se montrer comme un corps soumis à une responsabilité quand il est défaillant. Contrairement à ce que vous pensez, de nombreux magistrats partagent notre position. Il est donc très utile d’encadrer cette mesure par des règles aussi précises que possible, sans oublier le Conseil supérieur de la magistrature, qu’on ne peut évidemment pas soupçonner de vouloir faire taire les magistrats ou réduire leur liberté syndicale.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Je vois qu’il est inutile d’insister. Nous nous trouvons dans un contexte qui a conduit la droite sénatoriale à déposer cet amendement. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut, y compris les magistrats. Vous verrez bien.

Mme Caroline Yadan (RE). Au contraire, une charte permettra aux justiciables d’avoir davantage confiance dans la magistrature et dans les décisions rendues, après certains épisodes malheureux qui ont amenuisé la confiance en la magistrature, comme l’affaire du « mur des cons ». Au nom de quoi les avocats ou les notaires seraient-ils soumis à une déontologie, mais pas les magistrats ? Comme le dit le ministre, c’est protéger la justice et les justiciables, et renforcer la confiance de ces derniers envers la justice rendue dans notre pays.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL24 de Mme Cécile Untermaier, CL123 et CL94 de M. Didier Paris (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier (SOC). Bien que je sois d’accord sur le fond avec l’article 8 bis, j’ai été choquée par la formulation du Sénat. Il existe un Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire, qui rend des avis et dont le très bon travail a notamment donné lieu à la publication d’un recueil.

Le projet de loi organique dispose que « le Conseil supérieur de la magistrature élabore et rend publique une charte de déontologie des magistrats, après consultation du directeur général de l’administration de la fonction publique, de la commission de déontologie de la fonction publique » – qui n’existe plus –, « du collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire, de l’inspection générale de la justice et des organisations syndicales représentatives. » Il ne me semble toutefois pas qu’il y ait lieu de soumettre le Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel, à des modalités de consultation, car il est capable de déterminer lui-même quelles consultations il doit mener.

Monsieur le ministre, nous vous avons souvent entendu dire : « Libérez-nous ! », par quoi il fallait entendre : « Fichez-nous un peu la paix ! » Il en va de même pour le Conseil supérieur de la magistrature. D’où mon amendement.

M. Didier Paris, rapporteur. Il est en effet incohérent de demander au CSM d’assujettir sa décision aux règles de la fonction publique, notamment d’interroger un directeur général de l’administration de la fonction publique et la Commission de déontologie de la fonction publique – devenue entretemps la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), que nous connaissons bien.

Mon amendement vise à sortir de tout cela et à laisser le corps judiciaire en faire son affaire. Le premier amendement manque un peu d’élégance, pour des raisons de méthode. En effet, si on demande au CSM d’élaborer la charte de déontologie, il faut le laisser libre d’associer qui il veut à ses travaux, à l’exception de ce qui relève de la fonction publique.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Le rapporteur a dit ce qu’il fallait dire et il ne doit y avoir en la matière aucune ambiguïté : c’est le CSM qui fait la charte et on peut éviter des consultations inutiles. Je n’ai aucune intention d’ôter sa liberté au CSM.

La commission rejette l’amendement CL24 et adopte successivement les amendements CL23 et CL94.

Elle adopte l’article 8 bis modifié.

Article 9 (art. 10-1, 10‑1‑1 [nouveau], 27 et 32 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

La commission adopte successivement le sous-amendement CL166 de M. Didier Paris, rapporteur, et, suivant l’avis de ce dernier, l’amendement CL84 de M. Emmanuel Pellerin ainsi sous-amendé.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL124 et CL125 et l’amendement de coordination rédactionnelle CL129 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL132 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Pour diverses raisons techniques, il tend à rétablir à trois le nombre de noms devant figurer sur la liste de candidatures au CSM.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnels CL126 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL133 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Pour des raisons pragmatiques, il tend à rétablir à six mois le délai pour procéder à la désignation complémentaire d’un membre du CSM en cas de vacance définitive d’un siège.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL130 de M. Didier Paris, rapporteur.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Article 10 (art. 7-2, 7‑3, 9‑1, 12‑2, 32, et 37 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, art 10‑1‑2 [nouveau] de loi organique n° 94‑100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Disposition diverses relatives à la déontologie des magistrats et à la dématérialisation de la gestion de leur dossier administratif

Amendements CL131 de M. Didier Paris et CL85 de Mme Caroline Abadie (discussion commune).

M. Didier Paris, rapporteur. Au fil des auditions, il nous a semblé malvenu, compte tenu de sa position hiérarchique et de son rôle, que le chef de l’Inspection générale de la justice ne soit soumis à aucune obligation de déclaration d’intérêts. L’amendement CL131, travaillé notamment avec Mme Caroline Abadie, tend donc à instaurer cette obligation.

Quant à savoir à qui cette déclaration devait être adressée, la solution la moins mauvaise était de désigner le Collège de déontologie, où elle ne sera pas particulièrement contrôlée, mais où elle sera disponible et contrôlable s’il y a lieu, ou pourra faire l’objet de vérifications complémentaires ultérieures. Je n’ai pas trouvé de meilleure solution – même le dépôt dans les mains du ministre ne me paraissait pas être plus adapté aux circonstances.

Mme Caroline Abadie (RE). C’est le chef de l’Inspection générale de la justice lui-même qui nous a déclaré qu’il ne trouvait pas normal d’être, parmi les différentes administrations, le seul responsable qui n’était pas soumis à une telle obligation. C’est lui qui a trouvé cet équilibre, sur la base duquel monsieur le rapporteur et moi-même avons rédigé l’amendement désignant le Collège de déontologie.

M. Didier Paris, rapporteur. Madame Abadie, je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien, dont la rédaction a quelque peu évolué.

L’amendement CL85 est retiré.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Je suis évidemment favorable à ce que le chef de l’Inspection générale de la justice remette une déclaration d’intérêts, ce qui lui donnera un statut semblable à celui des autres chefs d’inspection.

En matière de déclaration d’intérêts, le Collège de déontologie est aujourd’hui simplement consulté par le supérieur hiérarchique et n’est destinataire d’aucune déclaration d’intérêts, sauf en cas de doute sur l’existence d’un conflit d’intérêts. Vous proposez, monsieur le rapporteur, de lui confier un nouveau rôle concernant un seul magistrat – le chef de l’Inspection générale de la justice –, l’entretien étant remplacé par d’éventuelles observations écrites.

Cette procédure fonctionnera-t-elle en l’absence de tiers dans la relation entre ce magistrat et le Collège de déontologie ? J’aurais préféré que la déclaration d’intérêts soit directement placée dans son dossier, sans intermédiaire.

La commission adopte l’amendement CL131.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11 : Expérimentation d'un concours spécial de recrutement pour l'auditorat

Amendement de suppression CL25 de M. Stéphane Rambaud.

Mme Béatrice Roullaud (RN). L’article 11, qui vise à créer une double voie d’accès la magistrature en réservant un quota de 15 % aux élèves candidats issus des quartiers prioritaires de la ville, des zones de revitalisation urbaine rurale ou des collectivités d’outre-mer ayant suivi la formation Prépa Talents, rompt avec la tradition d’accès aux postes de la fonction publique. Ce système n’est pas très juste et fonctionne à double vitesse. Il crée une discrimination qui entraînera une rupture d’égalité entre les étudiants qui concourent. Il risque aussi de conduire à une baisse du niveau de recrutement du fait de critères trop inégaux. Il est donc nécessaire de supprimer cet article.

M. Didier Paris, rapporteur. Ces critères inégaux correspondent à des inégalités sociales, territoriales et culturelles. De nombreuses écoles, notamment Sciences Po, ont engagé depuis longtemps un processus de cette nature. Il me semble sain et vertueux que l’École nationale de la magistrature (ENM) puisse s’engager elle aussi dans cette voie, qui existe du reste déjà, puisque la directrice de cette école nous a expliqué qu’il existait des classes de formation qui donnent un peu plus de chances à des jeunes qui n’en auraient pas autrement. Nous tenons à ce concours spécial qui puisera dans les classes talents, qui sont un marqueur. Ce concours n’aura toutefois aucun impact négatif sur la qualité des recrutements, le nombre de places étant limité au grand maximum à 15 % de l’effectif du concours étudiant. Nous ne lâcherons pas ce dispositif.

M. Éric Dupond-Moretti, ministre. Madame Roullaud, je tiens à vous rassurer : il s’agit d’un concours, et cela dit tout. Votre crainte n’est pas fondée, car l’accès à ces classes préparatoires se fait sur sélection et les élèves doivent remplir les conditions – notamment de diplôme – requises des autres candidats pour se présenter au concours, lequel comporte des épreuves identiques à celles du premier concours.

En ouvrant un quota de places supplémentaires destinées aux élèves des classes Prépa Talents, le projet de loi poursuit un objectif d’intérêt général car il permet à la magistrature de mieux représenter la société dans sa diversité et de lutter contre les inégalités sociales et territoriales. Avis défavorable.

Mme Béatrice Roullaud (RN). L’existence d’un quota montre bien que des places sont réservées. Si on avait procédé ainsi pour le concours de médecine, peut-être n’auriez-vous pas été d’accord. Il faut assurément aider les personnes de milieux défavorisés – si tant est qu’elles soient défavorisées, car elles sont peut-être plus intelligentes ou apprennent plus vite que les autres, ce qui pose la question de savoir où commence l’inégalité. Je suis favorable à ce qu’on leur donne des professeurs plus nombreux ou gratuits, mais pas à l’instauration d’un quota qui, par définition et de quelque manière que vous tourniez la chose, donne un avantage à ses bénéficiaires, même si ces derniers sont soumis à une condition de diplôme et – ce qui est mieux que rien – sont sélectionnés.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL127 et CL128 de M. Didier Paris, rapporteur.

Elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12 : Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Amendement CL39 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Emmanuel Mandon (Dem). En l’état du droit, les postes de base du premier grade offerts aux candidats issus du concours complémentaire et de l’intégration directe ne peuvent dépasser 45 % des premières nominations à ce grade au cours de l’année civile précédente. Ce taux est de 20 % pour les postes de hiérarchie intermédiaire du deuxième grade offerts aux candidats issus de ces mêmes voies d’accès.

Le projet de loi organique porte ces plafonds respectivement à 50 % et à 25 %. Il est prévu cependant qu’aucune de ces limites ne s’appliquera durant les années 2025 à 2028, soit pendant quatre ans, afin de permettre le recrutement de 1 500 magistrats supplémentaires, en l’état de l’incapacité de l’ENM à les accueillir. Le Sénat a sagement réduit de quatre à trois ans la durée de l’exception aux quotas.

L’amendement tend à ce que, durant ces trois années, les quotas ne soient pas supprimés mais significativement assouplis.

Pour la première fois depuis 1958, le concours étudiant, fondé sur l’anonymat de l’écrit, le mérite et la compétence, ne sera plus la voie principale d’accès au corps judiciaire. On parle encore officiellement de concours, mais il s’agira principalement d’un recrutement sur titres assuré par un jury certes indépendant, mais désigné exclusivement par le ministre de la justice.

La qualité et la neutralité du corps judiciaire sont un impératif de valeur constitutionnelle, indispensable à une séparation effective des pouvoirs.

M. Didier Paris, rapporteur. Je comprends votre préoccupation mais, en réalité, l’ENM devra absorber une grande masse de magistrats, avec 400 auditeurs de justice, ce qui est heureux, mais des quotas trop rigides pendant cette période d’absorption risquent de provoquer d’insurmontables problèmes matériels.

Je souhaite le maintien du moratoire prévu par l’article 12 et dont Mme Vichnievsky conviendra qu’il ne saurait déstructurer le corps judiciaire. Une fois l’intégration impérative réalisée, on en reviendra à la politique naturelle des quotas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CL161 de M. Didier Paris, rapporteur.

Amendement CL134 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris, rapporteur. Il tend à fixer des dispositions transitoires pour le renouvellement des magistrats à titre temporaire et des magistrats honoraires, en cohérence avec l’article 7.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de correction d’erreur légistique CL135 et rédactionnel CL136 de M. Didier Paris, rapporteur.

Elle adopte l’article 12 modifié.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


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   Personnes entendues par le rapporteur

Auditions conjointes pour le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345) et le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (n° 1346).

Mardi 30 mai 2023

   Mme Alexandra Vaillant, secrétaire générale

   Mme Natacha Aubeneau, secrétaire nationale

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

   M. Raphaël Balland, président de la CNPR, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers

   Mme Florence Galtier, vice-présidente de la CNPR, procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Avignon

Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG)

   M. Éric Corbaux, président de la CNPG, procureur général près la cour d'appel de Poitiers

Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ)

   Mme Danièle Churlet-Caillet, vice-présidente de la CNPTJ, présidente du tribunal judiciaire de Pontoise

   M. Jean-Bastien Risson, vice-président de la CNPTJ, président du tribunal judiciaire de Béziers

Conférence nationale des premiers présidents (CNPP)

   Mme Isabelle Gorce, présidente de la CNPP, première présidente de la cour d’appel de Bordeaux

   Mme Gwenola Joly-Coz, vice-présidente de la CNPP, première présidente de la cour d’appel de Poitiers

 

 

Vendredi 2 juin 2023

   Me Benoît Santoire, président

   Me Béatrice Duquerroy, membre du bureau national

   M. Cédric Kieffer, directeur juridique

   M. Jérôme Fastier, directeur des affaires publiques

   M. Albin Heuman, directeur

Lundi 5 juin 2023

   M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général du Conseil d’État

   Mme Nathalie Tiger-Winterhalter, secrétaire générale des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

   Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale de la Cour des comptes

   Mme Marie Dussol, directrice des affaires juridiques

   M. Alexandre Brodu, chargé de mission chambres régionales des comptes

   M. Antoine Pavamani, chargé de mission relations institutionnelles

   M. François Charmont, directeur, adjoint à la directrice générale

   M. Jérôme Fournel, directeur général

   M. Bastien Llorca, chef du service de la fonction financière et comptable de l'État

   Mme Emmanuelle Chouvelon, cheffe de la mission Responsabilité doctrine et contrôle interne comptable

   M. Xavier Aubry, vice-président

   M. Emmanuel Lejeune, secrétaire général

 

 

   M. Gilles Accomando, directeur

   Mme Clémentine Kleitz, directrice adjointe

   M. Christophe Straudo, chef de l’IGJ

   M. Paul Huber, directeur

   Mme Soizic Guillaume, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature

   M. Frédéric Trinh, sous-directeur de l’organisation judiciaire et de l’innovation

   Mme Delphine Yeponde, cheffe du bureau du statut et de la déontologie

Mardi 6 juin 2023

   Mme Marion Cackel, présidente

   Mme Lucie Delaporte, vice-présidente

   Mme Kim Reuflet, présidente

   Mme Sandra Peralta, secrétaire nationale

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   Mme Delphine Blot, membre du conseil national

   M. Olivier Christen, directeur

   Mme Ève Mathien, cheffe du bureau de la législation pénale générale

   M. Romain Lemoel, adjoint au directeur de projet de réforme du code de procédure pénale

   M. Jérôme Marchand-Arvier, président

   Mme Véronique Bost, présidente

   Mme Margaux Dalstein-Jidkoff, présidente de l’association

   Mme Pauline Justine, secrétaire de l’association

   Mme Houria Medjahed, membre du conseil d'administration de l'association

   M. Michel Peslier, président

   M. Xavier Aubry, vice-président

   Mme Chryssanthi Guillon, Conseil

Mercredi 7 juin 2023

   M. Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation et président de la formation plénière du CSM

   M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation et président suppléant de la formation plénière du CSM

   M. Xavier Serrier, secrétaire général du CSM

   Mme Nathalie Roret, directrice

   M. Guillaume Puygrenier, chef de cabinet

   M. Samuel Lainé, directeur adjoint en charge des recrutements, de la formation initiale et de la recherche

Syndicat des greffiers de France - FO

   M. Jean-Jacques Pieron, délégué régional

UNSa Services Judiciaires

   M. Vincent Rochefort, secrétaire général adjoint

Jeudi 8 juin 2023

   M. Laurent Ridel, directeur

   M. Thierry Donard, directeur adjoint

Vendredi 9 juin 2023

   Me Thomas Denfer, président

   Me Victor Geneste, vice-président

   Mme Karla Aman, conseillère affaires publiques

   M. Jean-Michel Sommer, président

   Mme Florence Marguerite, chargée de mission du Premier président de la Cour de cassation

Lundi 12 juin 2023

Conseil national des barreaux (CNB)

   Me Jérôme Gavaudan, président

Barreau de Paris

   Me Julie Couturier, bâtonnière de Paris

   Me Vincent Nioré, vice-bâtonnier

Conférence des bâtonniers

   Me Pierre Dunac, membre du bureau

   M. Rémi Decout-Paolini, directeur

   Mme Emmanuelle Masson, sous-directrice des professions judiciaires et juridiques

   Mme Céline Boniface, cheffe du bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Florence Gainot, adjointe à la cheffe du bureau du droit de l'économie des entreprises

Mardi 13 juin 2023

   Me Frédéric Abitbol, président

   Me François-Charles Desprat, vice-président

   M. Alain Damais, directeur général

   M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Syndicat national pénitentiaire FO

   Mme Valérie Vaissie, membre élue de la commission exécutive

   M. Yoan Karar, secrétaire général adjoint

UFAP-UNSa

   M. Emmanuel Chambaud, secrétaire général

   Mme Nolwen Dugué, secrétaire nationale

CGT pénitentiaire

   M. Samuel Gauthier, secrétaire général

   M. Damien Tripenne, secrétaire national

Syndicat Pénitentiaire des Surveillants non gradés (SPS)

   M. Joseph Paoli, secrétaire général national adjoint

   M. Philippe Kuhn, secrétaire général national adjoint

CGT Insertion Probation (IP)

   Mme Dorothée Dorléacq, secrétaire nationale

   M. Benjamin Bons, secrétaire national

UFAP-UNSa

   Mme Coralie Flaugnatti, secrétaire générale adjointe

   M. Jérémy Rivière, responsable national de la filière IP

SNEPAP-FSU

   Mme Estelle Carraud, secrétaire générale

   Mme Jennifer Bellay, secrétaire nationale

FO Justice Insertion

   M. Sébastien Monnet, délégué national

SNDP CFDT

   Mme Bérangère Cusanno, conseillère nationale

SNP FO Direction

   M. Ivan Gombert, secrétaire national

   M. Olivier Triquet-Huclin, directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, membre de FO cadres

   Mme Véronique Court, directrice

Mercredi 14 juin 2023

   Mme Caroline Abadie, co-rapporteure de la mission d’information

   Mme Elsa Faucillon, co-rapporteure de la mission d’information

   Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis des programmes « Justice » et « Accès au droit »

   M. Eric Poulliat, rapporteur pour avis des programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse »

Jeudi 15 juin 2023

   Me Bertrand Savouré, premier vice-président

   M. Philippe Chadrys, directeur central adjoint

Lundi 19 juin 2023

Association française des juristes d’entreprise (AFJE)

   M. Jean-Philippe Gille, président

   Mme Anne-Laure Paulet, déléguée générale

Association nationale des juristes de banque (ANJB)

   Mme Céline Haye-Kioussis, présidente

Cercle Montesquieu

   M. Martial Houlle, président

 

 

 

   Général de corps d'armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, adjoint du directeur général de la gendarmerie nationale

   Colonel Alexandre Malo, chef de la sous-direction de la police judiciaire

   Colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire

Lundi 26 juin 2023

   Mme Sabine Kheris, coordinatrice du pôle, 1ère vice-présidente chargée de l’instruction au tribunal judiciaire de Nanterre

   Mme Valérie Duby, greffier principal

Mercredi 28 juin 2023

   M. Luc Smessaert, vice-président

   M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques

   M. Louis Michel, juriste

Jeudi 29 juin 2023

   Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale

   M. André Ferragne, secrétaire général

 

Contributions écrites

 

 

 

 

 


([1])  Ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

([2])  Rapport de l’ENM sur le profil de la promotion 2023 des stagiaires issus des concours complémentaires.

([3]) Étude d’impact du présent projet de loi organique, page 43.

([4]) Devenue l’Institut national du service public depuis le 1er janvier 2022.

([5])  Rapport d’activité 2021-2022 de la commission d’avancement.

([6]) Rapport du comité des États généraux de la justice, p 135.

([7]) Rapport d’activité 2021-2022 de la commission d’avancement, p 67.

([8]) Étude d’impact du présent projet de loi organique, p 64.

([9]) Étude d’impact du présent projet de loi organique, p 64.

([10]) Être de nationalité française, jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité, se trouver en position régulière au regard du code de service national et remplir les conditions d’aptitude nécessaires à l’exercice des fonctions.

([11]) Juge des libertés et de la détention, juge d’instruction, juge des enfants, juge de l’application des peines, juge des contentieux de la protection.

([12]) Rapport du comité des États généraux de la justice – p 137.

([13]) Rapport de l’Institut des hautes études sur la justice sur l’évolution de l’office du juge et son périmètre d’intervention, publié en ami 2013.

([14])  Rapport sur l’évaluation des magistrats par M. Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation, ancien membre du Conseil constitutionnel.

([15])  Formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature – « Avis au Président de la République, saisine du 17 février 2021 », remis au Président de la République le 24 septembre 2021.

([16])  Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 – avril 2022).

([17]) L’article 137-1-1 du code de procédure pénale précise qu’en cas d’empêchement du magistrat du siège du premier grade ou hors hiérarchie désigné par le président du tribunal judiciaire pour exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention en cas de vacance d’emploi, absence ou empêchement, alors un magistrat du second grade peut être désigné.

([18]) Arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un 8è échelon.

([19])  Étude d’impact du présent projet de loi organique, p. 104.

([20]) Rapport du groupe de travail relatif à l’attractivité des postes de premier président de cour d’appel et de président de tribunal de grande instance, Conseil supérieur de la magistrature, février 2021.

([21])  Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 sur la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

([22])  Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au statut des magistrats, par M. Jacques Floch, député.

([23]) Article 2 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 52-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature dans sa version en vigueur du 7 janvier 1994 au 1er janvier 2002.

([24])  Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 – avril 2022), p 118.

([25])  Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat sur le projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats par M. Pierre Fauchon, sénateur, p 38.

([26])  Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat sur le projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats par M. Pierre Fauchon, sénateur.

([27]) Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 sur la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

([28]) Note du 22 novembre 2017 de la direction des services judiciaires relative à l’application des dispositions statutaires relatives aux propositions de nomination des magistrats en juridiction et en administration centrale du ministère de la justice.

([29]) Décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 sur la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([30])  Directeur, chef de service, directeur adjoint ou sous-directeur dans les administrations centrales de l’État ou directeur de l’École nationale de la magistrature.

([31]) Procureur général près une cour d’appel, procureur de la République près un tribunal judiciaire, un tribunal de première instance ou un tribunal supérieur d’appel.

([32]) Juge des libertés et de la détention, juge d’instruction, juge des enfants et juge de l’application des peines, juge des contentieux de la protection.

([33])  Magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation (à l’exception des fonctions de conseiller référendaire, d’avocat général référendaire et d’auditeur), premier président d’une cour d’appel et procureur général près ladite cour, premier président de chambre d’une cour d’appel et premier avocat général près ladite cour, ou encore inspecteur général, chef de l’inspection générale et inspecteur général de la justice.

([34]) Pour les magistrats inscrits au tableau d’avancement, ces demandes ne peuvent porter exclusivement sur des emplois du grade supérieur.

([35]) Pour les magistrats inscrits au tableau d’avancement, ces demandes ne peuvent porter exclusivement sur des emplois du grade supérieur.

([36])  Rapport d’information n° 495 déposé le 4 avril 2017, « Cinq ans pour sauver la justice ! », de M. Philippe Bas, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois du Sénat.

([37])  Conseil supérieur de la magistrature, rapport d’activité 2022.

([38])  Conseil constitutionnel, décision n° 92-305 DC, 21 février 1992.

([39]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-732 DC, 28 juillet 2016.

([40])  L’étude d’impact précise que les juridictions concernées doivent être du 1er ou du 2nd degré.

([41])  Décision n° 2019-778 DC sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([42]) Arrêté relatif au rôle et à la composition de la commission permanente d’études instituée au ministère de la justice.

([43]) Arrêté portant création d’une commission permanente d’études au ministère de la justice, et d’une commission permanente d’études de service déconcentré placée auprès de chaque premier président de cour d’appel.

([44]) Les conditions sont les suivantes : être titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette exigence n’est pas applicable aux candidats visés aux 2° et 3° de l’article 17 ; 2° Etre de nationalité française ; 3° Jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ; 4° Se trouver en position régulière au regard du code du service national.5° Remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires à l’exercice de leurs fonctions compte tenu des possibilités de compensation du handicap.

([45])  Les MTT peuvent exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs fonctions judiciaires. Dans ce cas, ils sont soumis à certaines incompatibilités. En particulier, les membres de professions libérales juridiques et judiciaires ne peuvent exercer des fonctions judiciaires dans le ressort du tribunal judiciaire où ils ont leur domicile professionnel, et ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

([46])  Loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature.

([47]) Loi organique n° 2016‑1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([48])  Loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions.

([49])  Loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([50])  Ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels

([51]) Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation de la justice.

([52])  Voir le considérant n°19 de la décision : « Considérant, en premier lieu, que l’article 66 de la Constitution, aux termes duquel « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », ne s’oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ; qu’en n’attribuant à cette juridiction que le jugement de contraventions de police, le législateur a satisfait à cette condition ; ».

([53])  Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

([54]) Conseil constitutionnel, Décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007, Loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

([55])  La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République

([56])  J.‑J Hyest, Rapport n° 387 fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi constitutionnelle adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Vème République, 2007-2008, p. 191.

([57]) CSM, Rapport d’activité 2021, p. 76.

([58]) CE, 6 avril 2001, n° 218264.

([59]) CE, 26 juillet 2007, n° 297930.

([60]) CE, 22 octobre 1999, n° 196400.

([61])  Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([62])  Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([63])  Loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

([64])  Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

([65]) CSM, Avis au Président de la République sur la responsabilité et la protection des magistrats, 24 septembre 2021, p. 26.

([66]) Idem, p. 27.

([67]) Arrêté du 29 octobre 2019 relatif à la création, à la composition et aux attributions du collège de déontologie au ministère de la justice.

([68]) Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

([69]) CSM, Avis au Président de la République remis le 24 septembre 2021, p. 14.

([70]) CSM, Rapport d’activité 2021, p. 76.

([71])  Deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

[72] La nomination ne peut pas intervenir si le candidat obtient au moins trois cinquièmes de votes négatifs.

([73]) En raison de l’adoption du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD).

([74])  Décret n° 2008-483 du 22 mai 2008 modifiant le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’Ecole nationale de la magistrature et le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature